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Nombre de personnages parlants sur scène : ordre temporel et ordre croissant  
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Thomas Corneille. Psyché. Tragédie. Table des rôles
Rôle Scènes Répl. Répl. moy. Présence Texte Texte % prés. Texte × pers. Interlocution
[TOUS] 27 sc. 236 répl. 2,4 l. 563 l. 563 l. 22 % 2 667 l. (100 %) 4,7 pers.
VENUS 1 sc. 2 répl. 6,7 l. 23 l. (5 %) 13 l. (3 %) 59 % 69 l. (3 %) 3,0 pers.
L’AMOUR 0 sc. 0 répl. 0 0 l. (0 %) 0 l. (0 %) 0 % 0 l. (0 %) 0
FLORE 2 sc. 2 répl. 4,7 l. 29 l. (6 %) 9 l. (2 %) 33 % 81 l. (4 %) 2,8 pers.
VERTUMNE 1 sc. 4 répl. 1,0 l. 10 l. (2 %) 4 l. (1 %) 42 % 19 l. (1 %) 2,0 pers.
PALEMON 1 sc. 4 répl. 1,4 l. 10 l. (2 %) 6 l. (2 %) 59 % 19 l. (1 %) 2,0 pers.
NYMPHES de FLORE 0 sc. 0 répl. 0 0 l. (0 %) 0 l. (0 %) 0 % 0 l. (0 %) 0
CHOEUR des Divinitez de la Terre & des Eaux 3 sc. 5 répl. 3,5 l. 110 l. (20 %) 18 l. (4 %) 17 % 1 291 l. (49 %) 11,8 pers.
JUPITER 1 sc. 5 répl. 1,8 l. 81 l. (15 %) 9 l. (2 %) 12 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
VENUS 7 sc. 24 répl. 2,6 l. 204 l. (37 %) 63 l. (12 %) 31 % 1 443 l. (55 %) 7,1 pers.
L’AMOUR 3 sc. 7 répl. 3,4 l. 158 l. (28 %) 24 l. (5 %) 15 % 1 596 l. (60 %) 10,1 pers.
MERCURE 1 sc. 4 répl. 3,7 l. 20 l. (4 %) 15 l. (3 %) 76 % 39 l. (2 %) 2,0 pers.
VULCAIN 3 sc. 7 répl. 5,1 l. 56 l. (10 %) 36 l. (7 %) 65 % 108 l. (5 %) 2,0 pers.
ZEPHIRE 1 sc. 3 répl. 3,8 l. 30 l. (6 %) 11 l. (3 %) 38 % 60 l. (3 %) 2,0 pers.
LE ROY 1 sc. 11 répl. 2,2 l. 32 l. (6 %) 24 l. (5 %) 75 % 65 l. (3 %) 2,0 pers.
PSYCHE’ 17 sc. 58 répl. 2,7 l. 382 l. (68 %) 157 l. (28 %) 42 % 2 111 l. (80 %) 5,5 pers.
AGLAURE 3 sc. 13 répl. 1,3 l. 63 l. (12 %) 17 l. (3 %) 27 % 320 l. (12 %) 5,1 pers.
CIDIPPE 3 sc. 11 répl. 1,2 l. 63 l. (12 %) 13 l. (3 %) 22 % 320 l. (12 %) 5,1 pers.
LYCHAS 1 sc. 6 répl. 2,2 l. 37 l. (7 %) 13 l. (3 %) 36 % 260 l. (10 %) 7,0 pers.
LE DIEU D’UN FLEUVE 1 sc. 2 répl. 1,6 l. 5 l. (1 %) 3 l. (1 %) 61 % 11 l. (1 %) 2,0 pers.
NYMPHES 1 sc. 1 répl. 3,6 l. 18 l. (4 %) 4 l. (1 %) 21 % 71 l. (3 %) 4,0 pers.
zephir-cache 1 sc. 3 répl. 1,6 l. 18 l. (4 %) 5 l. (1 %) 27 % 71 l. (3 %) 4,0 pers.
amour-cache 1 sc. 3 répl. 1,3 l. 18 l. (4 %) 4 l. (1 %) 22 % 71 l. (3 %) 4,0 pers.
nymphe1 2 sc. 3 répl. 3,1 l. 78 l. (14 %) 9 l. (2 %) 12 % 449 l. (17 %) 5,7 pers.
nymphe2 2 sc. 5 répl. 1,7 l. 78 l. (14 %) 9 l. (2 %) 11 % 449 l. (17 %) 5,7 pers.
nymphe3 1 sc. 6 répl. 1,6 l. 58 l. (11 %) 9 l. (2 %) 17 % 349 l. (14 %) 6,0 pers.
DEUX NYMPHES de l’ACHERON 1 sc. 4 répl. 1,5 l. 20 l. (4 %) 6 l. (2 %) 30 % 101 l. (4 %) 5,0 pers.
LES TROIS FURIES 2 sc. 6 répl. 1,5 l. 38 l. (7 %) 9 l. (2 %) 25 % 153 l. (6 %) 4,1 pers.
furie 1 sc. 1 répl. 1,1 l. 18 l. (4 %) 1 l. (1 %) 7 % 53 l. (2 %) 3,0 pers.
[APOLLON 1 sc. 2 répl. 5,4 l. 81 l. (15 %) 11 l. (2 %) 14 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
[BACCHUS 1 sc. 2 répl. 3,4 l. 81 l. (15 %) 7 l. (2 %) 9 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
[MOME 1 sc. 2 répl. 6,6 l. 81 l. (15 %) 13 l. (3 %) 17 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
[MARS 1 sc. 2 répl. 2,3 l. 81 l. (15 %) 5 l. (1 %) 6 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
[LES MUSES 1 sc. 1 répl. 7,6 l. 81 l. (15 %) 8 l. (2 %) 10 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
[SILENE 1 sc. 1 répl. 5,2 l. 81 l. (15 %) 5 l. (1 %) 7 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
[DEUX SATIRES 1 sc. 2 répl. 0,9 l. 81 l. (15 %) 2 l. (1 %) 3 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
satire2 1 sc. 2 répl. 0,6 l. 81 l. (15 %) 1 l. (1 %) 2 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
tous 3 sc. 7 répl. 1,3 l. 176 l. (32 %) 9 l. (2 %) 6 % 1 818 l. (69 %) 10,3 pers.
femme-affligee 1 sc. 3 répl. 1,9 l. 37 l. (7 %) 6 l. (2 %) 16 % 260 l. (10 %) 7,0 pers.
homme-afflige1 1 sc. 5 répl. 0,2 l. 37 l. (7 %) 1 l. (1 %) 3 % 260 l. (10 %) 7,0 pers.
homme-afflige2 1 sc. 6 répl. 0,6 l. 37 l. (7 %) 4 l. (1 %) 10 % 260 l. (10 %) 7,0 pers.
trio 1 sc. 1 répl. 1,2 l. 81 l. (15 %) 1 l. (1 %) 2 % 1 210 l. (46 %) 15,0 pers.
Thomas Corneille. Psyché. Tragédie. Statistiques par relation
Relation Scènes Texte Interlocution
VENUS 8 l. (100 %) 1 répl. 7,5 l. 1 sc. 7 l. (2 %) 1,0 pers.
VENUS
CHOEUR des Divinitez de la Terre & des Eaux
6 l. (66 %) 1 répl. 5,9 l.
4 l. (35 %) 1 répl. 3,1 l.
1 sc. 9 l. (2 %) 3,0 pers.
FLORE
CHOEUR des Divinitez de la Terre & des Eaux
10 l. (76 %) 2 répl. 4,7 l.
4 l. (25 %) 1 répl. 3,1 l.
2 sc. 13 l. (3 %) 2,8 pers.
VERTUMNE
PALEMON
5 l. (42 %) 4 répl. 1,0 l.
6 l. (59 %) 4 répl. 1,4 l.
1 sc. 10 l. (2 %) 2,0 pers.
CHOEUR des Divinitez de la Terre & des Eaux
[APOLLON
4 l. (48 %) 1 répl. 3,5 l.
4 l. (53 %) 1 répl. 3,8 l.
1 sc. 7 l. (2 %) 15,0 pers.
CHOEUR des Divinitez de la Terre & des Eaux
[MARS
4 l. (44 %) 1 répl. 3,5 l.
5 l. (57 %) 2 répl. 2,3 l.
1 sc. 8 l. (2 %) 15,0 pers.
JUPITER
VENUS
7 l. (71 %) 3 répl. 2,1 l.
3 l. (30 %) 2 répl. 1,3 l.
1 sc. 9 l. (2 %) 15,0 pers.
JUPITER
PSYCHE’
1 l. (55 %) 1 répl. 0,7 l.
1 l. (46 %) 1 répl. 0,6 l.
1 sc. 1 l. (1 %) 15,0 pers.
VENUS 14 l. (100 %) 1 répl. 13,1 l. 1 sc. 13 l. (3 %) 1,0 pers.
VENUS
MERCURE
5 l. (25 %) 3 répl. 1,6 l.
15 l. (76 %) 4 répl. 3,7 l.
1 sc. 20 l. (4 %) 2,0 pers.
VENUS
VULCAIN
9 l. (37 %) 3 répl. 2,7 l.
15 l. (64 %) 3 répl. 4,8 l.
1 sc. 23 l. (5 %) 2,0 pers.
VENUS
PSYCHE’
35 l. (53 %) 15 répl. 2,3 l.
31 l. (48 %) 13 répl. 2,3 l.
4 sc. 65 l. (12 %) 9,1 pers.
L’AMOUR
PSYCHE’
9 l. (24 %) 5 répl. 1,7 l.
29 l. (77 %) 6 répl. 4,7 l.
3 sc. 37 l. (7 %) 10,1 pers.
VULCAIN 3 l. (100 %) 1 répl. 2,7 l. 1 sc. 3 l. (1 %) 1,0 pers.
VULCAIN
ZEPHIRE
19 l. (63 %) 3 répl. 6,3 l.
12 l. (38 %) 3 répl. 3,8 l.
1 sc. 30 l. (6 %) 2,0 pers.
LE ROY
PSYCHE’
25 l. (75 %) 11 répl. 2,2 l.
9 l. (26 %) 11 répl. 0,8 l.
1 sc. 32 l. (6 %) 2,0 pers.
PSYCHE’ 60 l. (100 %) 6 répl. 9,8 l. 6 sc. 59 l. (11 %) 1,0 pers.
PSYCHE’
AGLAURE
5 l. (74 %) 3 répl. 1,4 l.
2 l. (27 %) 1 répl. 1,5 l.
1 sc. 6 l. (1 %) 3,0 pers.
PSYCHE’
LE DIEU D’UN FLEUVE
3 l. (40 %) 1 répl. 2,1 l.
4 l. (61 %) 2 répl. 1,6 l.
1 sc. 5 l. (1 %) 2,0 pers.
PSYCHE’
NYMPHES
1 l. (18 %) 1 répl. 0,8 l.
4 l. (83 %) 1 répl. 3,6 l.
1 sc. 4 l. (1 %) 4,0 pers.
PSYCHE’
zephir-cache
2 l. (19 %) 2 répl. 0,5 l.
5 l. (82 %) 3 répl. 1,6 l.
1 sc. 6 l. (2 %) 4,0 pers.
PSYCHE’
amour-cache
4 l. (51 %) 4 répl. 1,0 l.
4 l. (50 %) 3 répl. 1,3 l.
1 sc. 8 l. (2 %) 4,0 pers.
PSYCHE’
nymphe1
2 l. (52 %) 1 répl. 1,3 l.
2 l. (49 %) 1 répl. 1,2 l.
1 sc. 2 l. (1 %) 5,0 pers.
PSYCHE’
nymphe2
2 l. (32 %) 1 répl. 1,1 l.
3 l. (69 %) 1 répl. 2,5 l.
1 sc. 4 l. (1 %) 5,0 pers.
PSYCHE’
DEUX NYMPHES de l’ACHERON
6 l. (50 %) 3 répl. 2,0 l.
6 l. (51 %) 4 répl. 1,5 l.
1 sc. 12 l. (3 %) 5,0 pers.
PSYCHE’
LES TROIS FURIES
9 l. (59 %) 3 répl. 2,7 l.
6 l. (42 %) 4 répl. 1,4 l.
1 sc. 14 l. (3 %) 3,0 pers.
PSYCHE’
tous
2 l. (44 %) 1 répl. 1,2 l.
2 l. (57 %) 1 répl. 1,6 l.
1 sc. 3 l. (1 %) 6,0 pers.
AGLAURE
CIDIPPE
11 l. (52 %) 9 répl. 1,2 l.
11 l. (49 %) 6 répl. 1,8 l.
3 sc. 22 l. (4 %) 5,1 pers.
AGLAURE
LYCHAS
5 l. (45 %) 3 répl. 1,4 l.
6 l. (56 %) 3 répl. 1,8 l.
1 sc. 10 l. (2 %) 7,0 pers.
CIDIPPE
LYCHAS
2 l. (18 %) 2 répl. 0,7 l.
7 l. (83 %) 2 répl. 3,2 l.
1 sc. 8 l. (2 %) 7,0 pers.
nymphe2
nymphe3
5 l. (33 %) 3 répl. 1,5 l.
10 l. (68 %) 6 répl. 1,6 l.
1 sc. 14 l. (3 %) 6,0 pers.
LES TROIS FURIES
furie
2 l. (55 %) 1 répl. 1,3 l.
2 l. (46 %) 1 répl. 1,1 l.
1 sc. 2 l. (1 %) 3,0 pers.
tous
homme-afflige2
2 l. (64 %) 1 répl. 1,0 l.
1 l. (37 %) 3 répl. 0,2 l.
1 sc. 2 l. (1 %) 7,0 pers.
homme-afflige1
homme-afflige2
2 l. (26 %) 5 répl. 0,2 l.
4 l. (75 %) 3 répl. 1,0 l.
1 sc. 4 l. (1 %) 7,0 pers.

Thomas Corneille

1678

Psyché. Tragédie

sous la direction de Georges Forestier
Édition de Luke Arnason
2014
CELLF 16-18 (CNRS & université Paris-Sorbonne), 2014, license cc.
Source : Thomas Corneille. Psyché. Tragédie. On la vend A PARIS, A l’Entrée de la Porte de l’Académie Royale de Musique, au Palais Royal ruë Saint Honoré. Imprimé aux despens de ladite Academie. Par RENÉ BAUDRY Imprimeur ordinaire Du Roy, & ladite Academie. M. DC. LXXVIII. Par Privilege du Roy.
Ont participé à cette édition électronique : Amélie Canu (Édition XML/TEI) et Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale).

PSYCHÉ,
TRAGEDIE. §

L’ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE AU ROY. §

Grand ROY, quand l’Univers apprend avec surprise
Qu’à tes ordres par tout la Victoire est soûmise,
Que sur les bords tremblants du Rhin & de l’Escaut
Les Forts les mieux munis ne coustent qu’un assaut,
5 On a lieu de penser que la France occupée
A s’étendre plus loin par le droit de l’espée,
Pour cueillir les Lauriers deûs à tes grands exploits
Neglige des beaux Arts les paisibles employs.
Mais quand on voit d’ailleurs* que les Plaisirs tranquilles
10 Regnent avec éclat au milieu de nos Villes,
Pendant ces doux loisirs, qui n’asseureroit pas
Que la France ne peut accroistre ses Estats ?
Il est vray cependant que malgré ses Conquestes
Elle suffit encor à preparer des Festes ;
15 Il est vray que malgré mille plaisirs offerts
Elle suffit encor à dompter l’Univers.
Il semble que de Mars les rudes exercices
Ne sont qu’un Jeu pour nous sous tes heureux auspices,
Et que vaincre, où tu fais voler tes Etendards,
20 C’est la suite des soins que tu prends des beaux Arts.
Gand, ce superbe Gand qui donna la naissance
Au plus fier Ennemy qu’ait jamais eû la France,
Ce redoutable Gand qui pour estre assiegé
Demande un Peuple entier sur ses Fossez rangé,
25 T’a soûmis son orgueil au moment que l’Espagne,
Seure de ce costé, trembloit pour l’Allemagne.
Ypres te voit paroistre, il reconnoist tes Loix,
Et rien ne se refuse à l’Empire François.
Quel trouble pour l’Europe, & combien d’épouvante
30 Jette dans tous les cœurs ta valeur triomphante !
Ces Peuples contre nous ardents à se liguer
Attendent le moment qui les va subjuguer.
Nous seuls goûtons la paix que tes exploits nous donnent,
Et tandis qu’en tous lieux les Trompettes résonnent,
35 Que leur bruit menaçant fait retentir les airs,
Paris ne les entend que dans nos seuls Concerts.

ACTEURS DU PROLOGUE §

  • VENUS. [dessus]
  • L’AMOUR. [muet]
  • FLORE. [dessus]
  • VERTUMNE. [haute-contre]
  • PALEMON. [taille]
  • NYMPHES de FLORE. [dessus]
  • CHOEUR des Divinitez de la Terre & des Eaux.

PROLOGUE §

Le Theatre represente une Cour magnifique au bord de la Mer.
Flore paroist au milieu du Theatre suivie de ses Nymphes, & accompagnée de Vertumne Dieu des Arbres & des Fruits, & de Palemon Dieu des Eaux ; Chacun de ces Dieux conduit une Troupe de Divinitez. L’un meine à sa Suite des Drïades & des Silvains, & l’autre des Dieux des Fleuves & des Naïdes. Flore chante ce recit pour inviter Venus à descendre en terre.

RECIT DE FLORE. §

Ce n’est plus le temps de la Guerre ;
Le plus puissant des Rois
Interrompt ses Exploits
Pour donner la Paix à la Terre.
5 Descendez, Mere des Amours,
Venez nous donner de beaux jours.
Les Nymphes de Flore, Vertumne & Palemon, avec les Divinitez qui les accompagnent, joignent leurs voix à celle de Flore, pour presser Venus de descendre sur la Terre.

CHOEUR DE TOUTES LES DIVINITEZ De la terre & des Eaux.

Nous goûtons une paix profonde ;
Les plus doux Jeux sont icy bas ;
On doit ce repos plein d’appas
10 Au plus grand Roy du Monde.
Descendez, Mere des Amours,
Venez nous donner de beaux jours.
Vertumne & Palemon font en chantant une maniere de Dialogue, pour exciter les plus insensibles à cesser de l’estre à la veuë de Venus & de l’Amour. Les Driades, les Silvains, les Dieux des Fleuves & les Naïades expriment en mesme temps par leurs dances la joye que leur inspire l’esperance qu’ils ont de voir ces deux charmantes Divinitez.

DIALOGUE DE VERTUMNE ET DE PALEMON. §

VERTUMNE.

Rendez-vous, Beautez cruelles,
Soûpirez à vostre tour.

PALEMON.

15 Voici la Reine des Belles
Qui vient inspirer l’amour.

VERTUMNE.

Un bel Objet* toûjours severe
Ne se fait jamais bien aimer.

PALEMON.

C’est la beauté qui commence de plaire,
20 Mais la douceur achéve de charmer.
Ils repetent ensemble ces derniers Vers.
C’est la beauté qui commence de plaire,
Mais la douceur acheve de charmer.

VERTUMNE.

Souffrons tous qu’Amour nous blesse ;
Languissons, puis qu’il le faut.

PALEMON.

25 Que sert un cœur sans tendresse ?
Est-il un plus grand défaut ?

VERTUMNE.

Un bel Objet toûjours severe
Ne se fait jamais bien aimer.

PALEMON.

C’est la beauté qui commence de plaire,
30 Mais la douceur acheve de charmer.
Flore respond au Dialogue de Vertumne & de Palemon, par un Menüet* qu’elle chante. Elle fait entendre que l’on ne doit pas perdre le temps des Plaisirs ; & que c’est une folie à la Jeunesse d’estre sans amour. Les Divinitez qui suivent Vertumne & Palemon, meslent leurs dances au chant de Flore, & chacun fait connoistre son empressement à contribuer à la réjoüissance generale.

MENUET DE FLORE §

Est-on sage
Dans le bel âge,
Est-on sage
De n’aimer pas ?
35 Que sans cesse
L’on se presse
De goûter les plaisirs icy bas ;
La sagesse
De la Jeunesse,
40 C’est de sçavoir joüir de ses appas.
L’Amour charme
Ceux qu’il desarme,
L’Amour charme,
Cedons luy tous.
45 Nostre peine
Seroit vaine
De vouloir resister à ses coups ;
Quelque chaîne
Qu’un Amant prenne,
50 La liberté n’a rien qui soit si doux.
Venus descend dans une grande Machine de Nüages qui occupe tout le Theatre, au travers de laquelle on découvre son Palais. Pendant qu’elle descend, les Divinitez de la Terre & des Eaux recommencent de joindre toutes leurs voix, & continüent par leurs Dances de luy témoigner la joye qu’elles ressentent à son abord.

CHOEUR de toutes les Divinitez de la Terre & des Eaux.

Nous goûtons une Paix Profonde ;
Les plus doux Jeux sont icy bas ;
On doit ce repos plein d’appas
Au plus grand Roy du Monde.
55 Descendez, Mere des Amours,
Venez nous donner de beaux jours.

VENUS.

Pourquoy du Ciel m’obliger à descendre ?
Mon merite en ces lieux n’a plus rien à pretendre,
En vain vous m’y rendez ces honneurs solemnels.
60 Le mespris est mon seul partage*,
Et depuis qu’à Psyché les aveugles Mortels
De leurs vœux adressent l’hommage,
Venus demeure sans Autels.
Dans une si honteuse offense
65 Laissez-moy sans témoins resoudre ma vangeance.
Flore, & les autres Dieux se retirent : & on entend une Symphonie pendant laquelle l’Amour descend dans un petit nüage.

VENUS à l’Amour.

Mon Fils, si tu plains mes mal-heurs
Fais moy voir que tu m’és fidelle.
Tu sçais combien Psyché me dérobe d’honneurs,
Elle est mon ennemie, il faut me vanger d’elle.
70 Pour servir mon juste couroux
Prens de tes traits le plus à craindre,
Un trait qui la puisse contraindre
De se donner au plus indigne Espoux
Dont jamais une Belle ait eû lieu de se plaindre.
75 Cours, vole, & par de prompts effets
Monstre que tu prens part aux affronts qu’on m’a faits.
L’Amour s’envole, & la grande Machine enleve Venus sur le ceintre, pendant que le Palais disparoist par un mouvement rapide.

ACTEURS DE LA TRAGEDIE §

  • JUPITER, [basse]
  • VENUS. [dessus]
  • L’AMOUR. [dessus / haute-contre]
  • MERCURE. [haute-contre]
  • VULCAIN. [haute-contre]
  • ZEPHIRE. [haute-contre]
  • LE ROY, Pere de Psyché. [basse]
  • PSYCHE’. [dessus]
  • AGLAURE. Sœur de Psyché [dessus]
  • CIDIPPE. Sœur de Psyché [dessus]
  • LYCHAS. [basse]
  • LE DIEU D’UN FLEUVE. [basse]
  • NYMPHES, ZEPHIRS, & AMOURS, qui parlent cachez. [dessus]
  • DEUX NYMPHES de l’ACHERON. [dessus]
  • LES TROIS FURIES. [haute-contre, taille, basse]
  • [APOLLON.] [haute-contre]
  • [BACCHUS.] [dessus]
  • [MOME.] [basse]
  • [MARS.] [haute-contre]
  • [LES MUSES (x2).] [dessus]
  • [SILENE.] [dessus]
  • [DEUX SATIRES.] [taille, basse]
{p. 1, A}

ACTE PREMIER. §

Le Theatre represente un agreable Païsage au pied d’une Montagne qui s’éleve jusqu’au Ciel d’un costé. On voit paroistre de l’autre une Campagne à perte de veuë.

SCENE PREMIERE. §

AGLAURE. CIDIPPE.

AGLAURE.

Enfin, ma Sœur, le Ciel est appaisé,
Et le Serpent qui nous rendoit à plaindre
Va n’estre plus à craindre.
80 Tout pour le Sacrifice est icy disposé, {p. 2}
Psyché pour l’offrir va s’y rendre.

CIDIPPE.

Les Peuples d’erreur prevenus
La nommoient une autre Venus,
Sur la Divinité c’estoit trop entreprendre.

AGLAURE.

85 Ils s’en sont veus assez punis
Par les maux infinis
Que du Serpent nous a causez la rage.

CIDIPPE.

Ne songeons plus à nos mal-heurs passez,
Le Serpent en ces lieux ne fait plus de ravage,
90 Ce sont des mal-heurs effacez.

AGLAURE.

Apres un temps plein d’orages
Quand le calme est de retour,
Qu’avec plaisir d’un beau jour
On goûte les avantages !

CIDIPPE.

95 Tout succede à nos desirs ;
Si des rigueurs inhumaines
Nous ont cousté des soûpirs,
On ne connoist les plaisirs
Qu’apres l’épreuve des peines.

AGLAURE.

100 Mais d’où vient qu’avec tant d’attraits
Psyché n’aima jamais ?
Qui brave trop l’Amour doit craindre sa colere.

CIDIPPE.

{p. 3}
Il est un fatal moment,
Où l’Objet le plus severe
105 Se rend aux vœux d’un Amant,
Et plus la Belle differe*,
Plus elle aime tendrement.

AGLAURE.

Lychas vient à nous.

CIDIPPE.

Son visage
Nous marque une vive douleur.

SCENE II. §

AGLAURE, CIDIPPE, LYCHAS.

LYCHAS.

110 Ah ! Princesses !

AGLAURE.

De quel mal-heur
Ce soûpir est-il le presage ?

LYCHAS.

Ignorez-vous encor le destin de Psyché ?

CIDIPPE.

Qu’avons-nous à craindre pour elle ?

LYCHAS

La disgrace* la plus cruelle
115 Dont vous puissiez jamais avoir le cœur touché.
Tandis que chacun en soûpire
Elle seule ignore son sort,
Et c’est icy qu’on luy va dire,
Que le Ciel irrité la condamne à la mort.

AGLAURE, & CIDIPPE.

120 A la mort ! & le Roy n’y mettroit point d’obstacle ?

LYCHAS.

Le Roy d’abord nous a caché l’oracle,
Mais malgré-luy le Grand Prestre a parlé.
Ah ! Pourquoy n’a-t’il pû se taire ?
Voicy ce qu’il a revelé,
125 Et l’Arrest qui nous desespere.
Vous allez voir augmenter les mal-heurs
Qui vous ont cousté tant de pleurs,
Si Psyché sur le Mont pour expier son crime,
N’attend que le Serpent la prenne pour Victime.

CIDIPPE.

130 Et Psyché ne sçait rien de ce funeste Arrest ?

LYCHAS.

Pour se rendre Venus propice
Elle croit n’avoir interest
Qu’à venir en ces lieux offrir un Sacrifice.

AGLAURE.

Voila l’effet de ce nom de Venus,
135 On traitoit Psyché d’immortelle.

CIDIPPE.

C’est de là que nos maux & les siens sont venus :
Qui croiroit que ce fût un crime d’estre belle ? {p. 5}

AGLAURE, & CIDIPPE.

Ah ! qu’il est dangereux
De trouver un sort heureux
140 Dans une injuste loüange !
En vain on veut se flater,
Tost ou tard le Ciel se vange
Quand on ose l’irriter.

LYCHAS.

Voyez comme chacun regrettant la Princesse
145 Abandonne son cœur à l’ennuy* qui le presse.

TOUS TROIS

Pleurons, pleurons ; en de si grands mal-heurs
On ne peut trop verser de pleurs.
On voit arriver une Troupe de Personnes désolées qui viennent vers la Montagne déplorer la disgrace* de Psyché. Leurs plaintes sont exprimées de cette sorte par une Femme désolée & deux Hommes affligez. Ils sont suivis de six Personnes joüant de la Flûte, & de huit autres qui portent des Flambeaux à la maniere de ceux dont les Anciens se servoient aux Pompes Funebres.

PLAINTE ITALIENNE. {p. 6}

Femme désolée.

Deh, piangete al pianto mio,
Saffi duri, antiche selve,
150 Lagrimate, fonti, e belve,
D’un bel volto il fato rio.

1. Homme affligé.

Ahi dolore !

2. Homme affligé.

Ahi martire !

1. Homme affligé.

Cruda morte !

2. Homme affligé.

155 Empia sorte.

Tous trois.

Che condanni à morir tanta beltà,
Cieli, stelle, ahi crudeltà.

Femme affligée.

Rispondete a miei lamenti,
Antri cavi, ascose rupi ;
160 Deh, ridite, fondi cupi,
Del mio duolo i mesti accenti. {p. 8}

2. Homme affligé.

Com’ esser può fra voi, o numi eterni,
Chi voglia estinta una beltà innocente ?
Ahi che tanto rigor, Cielo inclemente,
165 Vince di crudeltà gli stessi inferni.

1. Homme affligé.

Nume fiero.

2. Homme affligé.

Dio severo.

Les deux Hommes ensemble.

Per che tanto rigor
Contro innocente cor ?
170 Ahi sentenza inudita
Dar morte à la beltà, ch’altrui da vita.
Ces Plaintes sont entrecoupées ici par une Entrée de ballet qui se fait par les huit Personnes qui portent les Flambeaux.

Femme désolée.

Ahi ch’indarno si tarda,
Non resiste a li Dei mortale affetto
Alto impero ne sforza
175 Ove commanda il Ciel, l’Uom cede à forza.

1. Homme affligé.

Ahi dolore !

2. Homme affligé.

Ahi Martire !

1. Homme affligé.

Cruda morte !

2. Homme affligé.

Empia sorte.

Tous trois.

180 Che condanni à morir tanta beltà
Cieli, stelle, ahi crudeltà.

SCENE III §

{p. 10}
LE ROY, PSYCHE’, AGLAURE, CIDIPPE.

AGLAURE.

Psyché vient. A la voir je tremble.

CIDIPPE.

Quel supplice !
Le moyen de luy dire adieu ?

PSYCHE’ à ses sœurs.

Ainsi pour vous rendre en ce lieu
185 Vous avez prévenu* l’heure du Sacrifice ?

AGLAURE.

Ah ! ma Sœur !

CIDIPPE.

Ah ! ma Sœur !

PSYCHE’.

Quels sont vos déplaisirs ?
Quoy ? dans un jour si remply d’allegresse,
Où du Ciel la colere cesse,
Vous pouvez pousser des soûpirs ?

AGLAURE.

190 Nous plaignons vostre erreur.

CIDIPPE.

Ah ! trop funestes charmes !

PSYCHE’.

Dites-moy donc le sujet de vos larmes. {p. 11}

AGLAURE & CIDIPPE.

Quand vous sçaurez ce qui les fait couler...
Adieu, nous n’avons pas la force de parler.

SCENE IV. §

LE ROY, PSYCHE’

PSYCHE’.

Seigneur, vous soupirez vous-mesme ?
195 Quels que soient nos malheurs, dois-je les ignorer ?

LE ROY.

Apprens de mes soûpirs mon infortune extréme,
Apprens ce que mon cœur tremble à te declarer.
Quand on se voit reduit à perdre ce qu’on aime,
Il est permis de soûpirer.

PSYCHE’.

200 Et qui donc perdez-vous ?

LE ROY.

Tout ce qu’en ma Famille
J’avois de cher, de precieux,
Le barbare decret des Dieux
Nous demande ton sang, il faut mourir, ma Fille,
Il faut sur ce Rocher t’exposer au Serpent,
205 Et lors que ma douleur par mes larmes s’exprime,
C’est pour toy, de ces Dieux déplorable Victime,
Que ma tendresse les répand. {p. 12}

PSYCHE’.

Si par mon sang leur colere s’appaise,
Plaignez-vous une mort qui finit vos malheurs ?

LE ROY.

210 Il se peut que ta mort leur plaise,
Et tu condamnes mes douleurs ?
Ne dy point que le Ciel desormais sans colere
Semble adoucir le coup qui me prive de toy.
Quand on voit des malheurs qui ne sont que pour soy,
215 Le bien public ne touche guére,
Et si l’Oracle doit me plaire
A me regarder comme Roy,
J’en fremis, j’en tremble d’effroy
A me regarder comme Pere.

PSYCHE’.

220 Il faut suivre l’ordre des Dieux.

LE ROY.

A des ordres si redoutables
Je ne les connois point, ces Dieux impitoyables,
Qui veulent m’arracher ce que j’aime le mieux.

PSYCHE’.

Par cét emportement n’attirez point leur haine.

LE ROY.

225 Que peuvent-ils pour augmenter ma peine ?
Je souffre en te perdant tout ce qu’on peut souffrir.

PSYCHE’.

Adieu, Seigneur, je vay mourir.

LE ROY.

Tu me quittes. {p. 13}

PSYCHE’.

Je veux vous épargner un crime.

LE ROY.

Quoy ? du Serpent tu seras la Victime ?

PSYCHE’.

230 Vivez heureux.

LE ROY.

Et le puis-je sans toy ?

PSYCHE’.

Ne pleurez point ma mort, la cause en est trop belle.

LE ROY.

Tu vas sur le Rocher, cruelle,
Arreste, que fais tu ?

PSYCHE’ montant sur le Rocher

Je fais ce que je doy.

LE ROY.

Au Monstre sans trembler tu te livres toy-mesme ?

PSYCHE’ sur le Rocher.

235 Ma fermeté quand vous vous alarmez
Doit vous plaire si vous m’aimez.

LE ROY.

Et tu peux douter que je t’aime ?
Ciel, que vois-je ? on l’enleve, & les Vents ennemis,
Pour la conduire au Monstre, ont déployé leurs aisles.
240 Dieux cruels, qui l’avez permis,
Accablez vous ainsi ceux qui vous sont fidelles ?
Quatre Zephirs volent vers Psyché qui est sur la Montagne, & l’enlevent sur le Ceintre.

ACTE II. §

{p. 14}
La Scene change, & represente un Palais que Vulcain fait achever par ses Cyclopes. Sa Forge se voit dans le fond, & toute la Decoration est embarassée d’Enclumes, & de quantité d’autres Ustenciles propres aux Cyclopes.

SCENE PREMIERE. §

VULCAIN, HUIT CYCLOPES.

VULCAIN.

Cyclopes, achevez ce superbe Palais,
Que tout vostre Art s’épuise en cét Ouvrage.
Faites-y voir un pompeux* Assemblage
245 Des plus rares Beautez qui parurent jamais.
Les Cyclopes se preparent icy à travailler, & on entend une Symphonie qui les y excite.

SCENE II. §

{p. 15}
ZEPHIRE, VULCAIN.

ZEPHIRE.

Pressez-vous ce Travail que l’Amour vous demande ?
Vous hastez-vous d’accomplir ses desirs ?

VULCAIN.

Vous le voyez, Zephire ; aussi tost qu’il commande,
Obeïr est pour moy le plus grand des plaisirs.

ZEPHIRE.

250 Psyché merite bien une ardeur si fidelle,
En ces lieux pour l’Amour j’ay conduit cette Belle ;
Et maintenant sur des Gâzons voisins
Un doux sommeil de ses sens est le maistre.
J’ay fait naistre autour d’elle & Roses et Jasmins,
255 Qu’elle eût pû sans moy faire naistre.

VULCAIN.

C’est donc Psyché pour qui je prepare ces lieux ?
L’agreable nouvelle !
C’est Psyché que malgré le Titre d’Immortelle
Venus ne sçauroit voir que d’un œil envieux ?
260 Allez, je feray de mon mieux,
Et suis ravy de m’employer pour elle.
Venus m’a fait d’étranges tours
Sur la Foy conjugale.
Mais je veux l’en punir en prestant mon secours {p. 16}
265 Au triomphe de sa Rivale.

ZEPHIRE.

Faites tout pour l’Amour, & rien contre Venus.
Penser à la vangeance, abus, Vulcain, abus.
Quelques tours que nous fasse une Moitié* coquette,
Le meilleur est de n’y jamais songer.
270 Il est toûjours trop tard de s’en vanger,
L’affaire est faite.
Je retourne à Psyché que je vais éveiller,
Cyclopes, excitez vos bras à travailler.
Les huit Cyclopes commencent leur Entrée, & continüent à embellir le Palais sur les ordres de Vulcain, qui leur parle pendant qu’ils travaillent.

VULCAIN AUX CYCLOPES.

Depeschez, preparez ces lieux
275 Pour le plus aimable des Dieux.
Que chacun pour luy s’interesse*,
N’oubliez rien des soins qu’il faut.
Quand l’Amour presse
On n’a jamais fait assez tost.
280 L’Amour ne veut point qu’on differe,
Travaillez, hastez-vous.
Frapez, redoublez vos coups.
Que l’ardeur de luy plaire
Fasse vos soins les plus doux. {p. C, 17}
L’Entrée des Cyclopes recommence, apres laquelle Vulcain continuë à leur dire.
285 Servez bien un Dieu si charmant,
Il se plaist dans l’empressement.
Que chacun pour luy s’interesse*,
N’oubliez rien des soins qu’il faut.
Quand l’Amour presse,
290 On n’a jamais fait assez tost.
L’Amour ne veut point qu’on differe,
Travaillez, hastez-vous.
Frapez, redoublez vos coups.
Que l’ardeur de luy plaire
295 Fasse vos soins les plus doux.
Venus descend dans son Char, & surprend Vulcain qui travaille au Palais de l’Amour.

SCENE III. §

VENUS, VULCAIN.

VENUS.

Quoy, vous vous employez pour la fiére Psyché ;
Pour une insolente Mortelle ?
Cét indigne travail vous tient donc attaché,
Et l’Espoux de Venus se declare contre elle ? {p. 18}

VULCAIN.

300 Et depuis quand, s’il vous plaist, vivons-nous
Dans une amitié si parfaite,
Qu’il faille que je m’inquiete
De tous vos caprices jaloux ?
Il vous sied bien de vous mettre en colere.
305 Lors que j’estois jaloux avec plus de raison,
Vous en faisiez vous une affaire ?
Vous l’estes maintenant, & vous trouverez-bon
Qu’on ne s’en embarasse guére.

VENUS.

Ah, que l’amour est promptement guery
310 Quand l’Hymen a reduit* deux Cœurs sous sa puissance !
Que les duretez de Mary
Aux tendresses d’Amant ont peu de ressemblance !

VULCAIN.

Vous connoissez toute la difference
Et de l’Amant & de l’Espoux,
315 Et nous sçavons lequel des deux chez vous
A merité la preference.
Je ne fais pour Psyché que bâtir un Palais,
Vous estes encor trop heureuse.
Si j’estois de nature un peu plus amoureuse
320 Vous me verriez adorer* ses attraits.
La vangeance seroit plus belle,
Mais je suis à ma Forge occupé nuit & jour.
Je n’ay pas le loisir de luy parler d’amour,
Et je me borne à travailler pour elle. {p. 19}

VENUS.

325 Je sçay que par ces grands apprests
C’est à mon fils que vous cherchez à plaire ;
C’est luy qui le premier trahit mes interests,
Il sçaura que je suis sa Mere.
Venus rentre dans son Char & s’envole.

VULCAIN aux Cyclopes.

L’Amour icy nous a mandez exprés,
330 Achevons, achevons ce qui nous reste à faire.
Un peu avant que Psyché se monstre, la Forge & toutes les choses dont on s’est servy pour achever le Palais, disparoissent. On le voit alors dans son entiere perfection, il est orné de Vases d’or, avec de petits Amours sur des Piedestaux. Il y a dans le fonds un magnifique Portail, au travers duquel on découvre une Cour Ovale percée en plusieurs endroits sur un Jardin delicieux.

SCENE IV. §

PSYCHE’.

Où suis-je ? quel spectacle est offert à mes yeux ?
D’un effroyable Monstre est-ce icy la demeure ?
Est-ce dans ces aimables lieux
Que l’Oracle veut que je meure ?
335 Je reconnois la rigueur de mon sort,
Lors qu’avec tant d’excés je m’en voy poursuivie, {p. 20}
Il veut que cette pompe accompagne ma mort,
Pour me faire à regret abandonner la vie.
Cruelle mort, pourquoy tardez-vous tant ?
340 Que par vostre lenteur je vous trouve inhumaine !
Venez, affreux Serpent, venez finir ma peine,
Vostre victime vous attend.
On entend icy une Symphonie sans rien voir.

SCENE V. §

L’AMOUR, NYMPHES, & ZEPHIRS cachez.

PSYCHE’.

Quels agreables sons ont frappé mes oreilles ?

NYMPHE cachée.

Attens encor, Psyché, de plus grandes merveilles.
345 Tout est dans ces beaux lieux soûmis à tes appas.
Pour rendre ton bon-heur durable
Souviens-toy seulement que lors qu’on est aimable,
C’est un crime de n’aimer pas.

PSYCHE’.

Est-ce qu’aimer est necessaire ?

ZEPHIR caché.

350 D’un jeune cœur c’est la plus douce affaire.

DEUX ZEPHIRS cachez ensemble.

Aimez, il n’est de beaux ans
Que dans l’amoureux Empire. {p. 21}
Qui laisse échaper le temps
Quelque-fois trop tard soûpire.
355 Aimez, il n’est de beaux ans
Que dans l’amoureux Empire.

PSYCHE’.

Et qui veut-on me faire aimer ?

ZEPHIR caché.

Un Dieu qui se prepare à t’assurer luy-mesme
De son amour extrême.

PSYCHE’.

360 Qui seroit donc ce Dieu que j’aurois sçeu charmer ?

L’AMOUR caché.

C’est moy, Psyché, c’est moy qui me rends à vos charmes.

PSYCHE’.

S’il est ainsi, paroissez en ce lieu.

L’AMOUR caché.

Le Destin vous deffend de me voir comme Dieu,
Où ma perte aussi-tost vous coûtera des larmes.

PSYCHE’.

365 Et le moyen d’aimer ce qu’on ne voit jamais ?

L’AMOUR caché.

Pour me monstrer à vous, je vay dans ce Palais
Prendre d’un Mortel la figure.

PSYCHE’.

Ah ! venez-donc, n’importe sous quels traits,
Pourveu qu’en vous voyant mon esprit se rasseure.

SCENE VI. §

{p. 22}
L’AMOUR sous la figure d’un homme. PSYCHE’.

L’AMOUR.

370 Et bien, Psyché, des cruautez du Sort
Avez-vous beaucoup à vous plaindre ?
Voicy ce Monstre affreux armé pour vostre mort,
Vous sentez-vous disposée à le craindre ?

PSYCHE’.

Quoy, vous estes le Monstre ? & comment à mes yeux
375 Pourriez vous estre redoutable ?
Je sens en vous voyant un desordre agreable
Qui de mon cœur se rend victorieux.
Il se trouble ce cœur autrefois si paisible,
Il ne se souvient plus qu’il estoit insensible.
380 On dit qu’ainsi l’on commence d’aimer.
En parlant de mon cœur mon esprit s’embarasse,
Et je ne connois pas assés ce qui s’y passe
Pour vous le pouvoir exprimer.

L’AMOUR.

J’éprouve comme vous un embarras extrême.
385 De quelle vive ardeur ne suis-je pas touché ?
Que de choses à dire ! & cependant, Psyché,
Cependant je ne puis que dire, je vous aime.

PSYCHE’.

Il est donc vray que vous m’aimez ? {p. 23}

L’AMOUR.

C’est peu qu’aimer, je vous adore*.

PSYCHE’.

390 Que par ces mots vous me charmez !

L’AMOUR.

Je vous l’ay dit, & vous le dis encore,
Je vous aime, & jamais ne veux aimer que vous.

PSYCHE’.

Je ne peux rien entendre de plus doux.
Quoy, je n’auray point de Rivale ?

TOUS DEUX.

395 Ah, qu’en amour le plaisir est charmant,
Quand la tendresse est égale
Entre l’Amante & l’Amant !

PSYCHE’.

Mais me laisserez-vous ignorer qui vous estes,
Vous qui me promettez de m’aimer à jamais ?

L’AMOUR.

400 C’est à regret que je me tais
Sur la demande que vous faites.
Mon nom, si vous pouviez une fois le sçavoir,
Vous feroit chercher à me voir,
Et c’est à quoy le Destin met obstacle.
405 Me voir dans mon éclat c’est me perdre à jamais.
Afin que de nos feux rien ne trouble la paix,
J’ay fait donner le surprenant Oracle
Qui nous laisse tous deux cachez dans ce Palais.
Vous m’y verrez vous adorer sans cesse,
410 Sans cesse de mon cœur vous faire un nouveau don.
Pourveu que vous sçachiez l’excés de ma tendresse {p. 24}
Qu’importe de sçavoir mon nom ?
Ce n’est point comme un Dieu que je prétens paroistre,
Ce titre ne fait pas aimer plus tendrement,
415 Je ne veux me faire connoistre
Que sous le nom de vostre Amant.
Venez voir ce Palais, où pour charmer vostre ame
Les plaisirs naistront tour à tour.
Et vous, Divinités qui connoissez ma flâme,
420 Marquez par vos Chansons le pouvoir de l’Amour.
Trois des Nymphes qui estoient cachées commencent à paroistre, & chantent les Vers suivants: Six petits Amours & quatre Zephirs expriment par leurs Danses la joye qu’ils ont des avantages de l’Amour.

I. NYMPHE.

Aimable Jeunesse,
Suivez la tendresse,
Joignez aux beaux jours
La douceur des Amours.
425 C’est pour vous surprendre
Qu’on vous fait entendre
Qu’il faut éviter leurs soûpirs
Et craindre leurs desirs.
Laissés-vous aprendre
430 Quels sont leurs plaisirs.

II. & III. NYMPHE.

Chacun est obligé d’aimer
A son tour, {p. D, 25}
Et plus on a dequoy charmer,
Plus on doit à l’Amour.

IIe NYMPHE.

435 Un cœur jeune & tendre
Est fait pour se rendre,
Il n’a point à prendre
De fâcheux détour.

II. & III. NYMPHE.

Chacun est obligé d’aimer
440 A son tour,
Et plus on a dequoy charmer,
Plus on doit à l’Amour.

IIIe NYMPHE.

Pourquoy se défendre ?
Que sert-il d’attendre ?
445 Quand on perd un jour,    
On le perd sans retour.

II. & III. NYMPHE.

Chacun est obligé d’aimer
A son tour,
Et plus on a dequoy charmer,
450 Plus on doit à l’Amour.
Les petits Amours continüent leur Danse avec les Zephirs.

Ire NYMPHE.

L’Amour a des charmes,
Rendons luy les armes,
Ses soins & ses pleurs
Ne sont pas sans douceurs ;
455 Un cœur pour le suivre {p. 26}
A cent maux se livre.
Il faut pour goûter ses appas
Languir jusqu’au trespas,
Mais ce n’est pas vivre
460 Que de n’aimer pas.

II. & III. NYMPHE.

S’il faut des soins* & des travaux*
En aimant,
On est payé de mille maux
Par un heureux moment.

IIe NYMPHE.

465 On craint, on espere,
Il faut du Mistere,
Mais on n’obtient guére
De biens sans tourment.

II. & III. NYMPHE.

S’il faut des soins & des travaux
470 En aimant,
On est payé de mille maux
Par un heureux moment.

III. NYMPHE.

Que peut-on mieux faire,
Qu’aimer & que plaire ?
475 C’est un soin charmant
Que l’employ d’un Amant.

II. & III. NYMPHE.

S’il faut des soins & des travaux
En aimant,
On est payé de mille maux {p. 27}
480 Par un heureux moment.

FIN DU SECOND ACTE.

ACTE III. §

{p. 28}
Le Theatre represente la Chambre la plus magnifique du Palais de l’Amour. Elle est ornée de Cabinets, de Miroirs, & d’autres meubles tres-riches; on voit dans le fond une Alcove fermée d’un rideau.

SCENE PREMIERE. §

VENUS.

Pompe que ce Palais de tous costez étale,
Brillant séjour, que vous blessez mes yeux !
Je ne voy rien qui ne parle en ces lieux
De la gloire de ma Rivale.
485 Tant de Divinitez dont elle a tous les soins
Et la plus forte complaisance*,
Sont autant de honteux témoins,
De son pouvoir & de mon impuissance.
Que le mespris est rigoureux {p. 29}
490 A qui se croit digne de plaire !
Un seul Objet qu’on nous prefere
Nous fait un destin malheureux.
Que le mespris est rigoureux
A qui se croit digne de plaire !
495 Désja la nuit chasse le jour.
Qu’il ne revienne point avant que je me vange.
Je sçay l’ordre du Sort, si Psyché voit l’Amour
Aussi-tost sa fortune change.
Cessons de perdre des soûpirs,
500 Perdons Psyché sans que Psyché le sçache,
Elle brûle de voir cét Amant qui se cache,
Il faut contenter ses desirs.

SCENE II §

VENUS, PSYCHE’.

PSYCHE’ sans voir Venus.

Que fais-tu ! montre toy, cher Objet de ma flâme,
Viens consoler mon ame.
505 La beauté de ces lieux est un enchantement,
Tout m’y paroist charmant,
Mais je n’y voy point ce que j’aime.
Ah ! Qu’une absence d’un moment,
Quand la tendresse est extrême,
510 Est un rigoureux tourment ! {p. 30}

PSYCHE’ apercevant Venus.

Par quel art dans ce lieu vous rendez-vous visible ?
On m’y parle souvent sans qu’on se laisse voir.

VENUS.

Le Dieu que vos Beautez ont rendu si sensible,
Pour vous entretenir m’a laissé ce pouvoir.
515 C’est à moy, Psyché, qu’il ordonne
De garder ce Palais où tout fuit vostre Loy.

PSYCHE’.

Nymphe, le croiriez-vous, que luy-mesme empoisonne
Tous les honneurs que j’en reçoy ?
Il refuse toûjours de se monstrer à moy
520 Dans tout l’éclat qui l’environne,
Et ce refus blesse ma foy.
Je l’aime, & je voudrois pouvoir tout sur son ame,
Je voudrois avoir lieu du moins de m’en flatter,
Quand je forme des vœux qu’il ose rebuter
525 Je suis reduite à douter de sa flâme,
Et rien n’est plus cruel pour moy que d’en douter.

VENUS.

Mais chaque instant vous marque sa tendresse.

PSYCHE’.

Ah ! malgré les soûpirs qu’un Amant nous adresse,
Malgré tous les soins qu’il nous rend,
530 Il ne faut pour troubler le bon-heur le plus grand
Qu’un peu trop de délicatesse.
Vous n’estes pas les plus heureux
Vous dont l’amour est si pur & si tendre.
Si tout vostre repos est reduit à dependre {p. 31}
535 Du moindre scrupule amoureux,
Vous dont l’amour est si pur & si tendre,
Vous n’estes pas les plus heureux.

VENUS.

Que ne m’est-il permis de vous tirer de peine !

PSYCHE’.

Ah ! ne me tenez point plus long-temps incertaine,
540 Satisfaites mes yeux, vous avez ce pouvoir.

VENUS.

Vous me découvrirez*.

PSYCHE’.

Ne craignez rien.

VENUS.

Je n’ose.

PSYCHE’.

Quoy, rien en ma faveur ne vous peut émouvoir ?

VENUS.

Et bien, je vay pour vous oublier mon dévoir.
Entrez, c’est dans ce lieu que vostre Amant repose,
545 Goûtez le plaisir de le voir.
Cette Lampe que je vous laisse
Peut servir à vous éclairer.

PSYCHE’.

Que ne vous doy-je point ?

VENUS.

Il faut me retirer,
Ma presence nuiroit au desir qui vous presse. {p. 32}

SCENE III. §

PSYCHE’, L’AMOUR endormy.

PSYCHE’.

550 A la fin je vay voir mon destin éclaircy,
Je vay voir cét Amant dont mon ame est éprise.
Psyché leve le Rideau qui ferme l’Alcove, & on voit l’Amour endormy sur un Lict tres-riche : Il est dans la figure d’Enfant que les Peintres ont accoûtumé de luy donner. La suite d’un grand Apartement se découvre* au travers de cette Alcove.
Approchons. Dieux ! que voy-je icy ?
C’est l’Amour. Quelle douce & charmante surprise !
C’est l’Amour qui pour moy s’est blessé de ses traits.
555 Maistre de l’Univers il vit sous mon Empire,
Ce que l’Amour à tous les cœurs inspire
Il l’a senty pour mes foibles attraits,
Si le plaisir d’aimer est un plaisir extrême,
Quels charmes n’a-t’il pas quand c’est l’Amour qu’on aime ?
560 Quoy c’est l’Amour que j’aime ? quel bon-heur !
Ah ! pour le reconnoistre,
Sans le voir dans l’éclat où je le voy paroistre,
Ne suffisoit-il pas de cette prompte ardeur
Qu’il a si vivement fait naistre dans mon cœur ?    
565 Si le plaisir d’aimer est un plaisir extrème, [E, 33]
Quels charmes n’a-t-il pas quand c’est l’Amour qu’on aime ?
Jamais Amant ne fut si beau,
Si digne de toucher un cœur fidele & tendre.
Et le moyen de se défendre
570 De l’adorer jusqu’au tombeau ?
Si le plaisir d’aimer est un plaisir extréme,
Quels charmes n’a-t’il pas quand c’est l’Amour qu’on aime ?
Mais quel brillant éclat se répand en ce lieu ?

L’AMOUR.

Tu m’as veu, c’en est fait, tu vas me perdre, Adieu.
Lors que la Lampe étincelle, l’Amour s’éveille, & s’éleve à plomb par un vol qui le dérobe aux yeux de Psyché. La Decoration se change dans le mesme instant, & ne fait plus voir qu’un affreux Desert. Il y a un Antre percé dans le fond, & au travers de cét Antre on découvre un Fleuve qui étend ses flots jusqu’au milieu du Theatre.

SCENE IV. §

PSYCHE’.

575 Arrestez, cher Amant, où Fuïez-vous si viste ?
Arrestez, Amour, arrestez.
Pouvez-vous me laisser triste, seule, interdite ? {p. 34}
Je meurs puis que vous me quittez.
J’ay voulu vous voir, c’est mon crime,
580 Ma tendresse a causé mon trop d’empressement.
Et ne dévoit-il pas paroistre legitime
Du moins aux yeux de mon Amant ?
Ciel ! le funeste excez de mon inquietude*
Occupoit à tel point mon esprit affligé
585 Que je ne voyois point ce beau Palais changé
En une affreuse Solitude.

SCENE V. §

VENUS, PSYCHE’.

PSYCHE’.

Ah ! Nymphe, venez vous soulager mes ennuis ?

VENUS.

Crains-tout, ouvre les yeux, & connois qui je suis.
C’est Venus que tu vois.

PSYCHE’.

Dieux ! se pourroit-il faire !
590 Que Venus pour me perdre eût pû se déguiser ?

VENUS.

Dans l’ardeur de punir ton orgueil temeraire,
Exprés j’ay voulu t’abuser.
Apres que pour flater ta beauté criminelle
Mes honneurs m’ont esté ravis, {p. 35}
595 Je souffriray qu’une simple Mortelle
Porte ses vœux jusqu’à mon Fils ?

PSYCHE’.

Déesse, suivez moins une aveugle colere.
Voyez pour qui j’ay consenty d’aimer.
L’Amour peut-il chercher à plaire
600 Qu’il ne soit seur aussi-tost de charmer ?

VENUS.

Non, je te puniray de luy paroistre aimable,
Tes charmes l’ont reduit à t’aimer malgré moy,
Et je te tiens seule coupable
Des soûpirs qu’il pousse pour toy.

PSYCHE’.

605 Vous ne m’écoutez point, & cependant, Déesse,
Tout ce que je vous dis, vous l’avez trop senty.
Quoy ? vous condamnez ma tendresse !
Et vostre cœur s’en est-il garanty ?
Il a payé ce tribut necessaire.
610 Le mien est-il si fort qu’il s’en doive exempter ?
Si l’Amour sous ses Loix a pû ranger sa Mere,
Est-ce à Psyché de resister ?

VENUS.

En vain de ton orgueil tu prétens fuïr la peine.
Le Sort te soûmet à ma haine,
615 Escoute ; & ne replique pas.
Pour fléchir la rigueur où mon couroux s’obstine,
Vers les rives du Stix il faut tourner ses pas,
Et m’aporter la Boëte* où Proserpine
Enferme ce qui peut augmenter ses appas ; {p. 36}
620 C’est l’employ qu’à tes soins ma vangeance destine.

SCENE VI. §

PSYCHE’.

Vous m’abandonnez-donc, cruel & cher Amant ?
Venez, venez me traiter de coupable.
Malgré tous les mal-heurs dont le Destin m’accable,
Vostre absence est mon seul tourment.
625 Douces, mais trompeuses delices !
Deviés-vous commencer & finir en un jour ?
A peine ay-je goûté les douceurs de l’Amour
Que j’en ressens les plus affreux supplices.
Pourquoy chercher le chemin des Enfers ?
630 C’est la mort, c’est la mort qui me le doit aprendre,
Les flots qu’aux mal-heureux ce Fleuve tient ouverts,
M’offrent celuy que je dois prendre.
Psyché estant preste à se precipiter dans les flots, le Fleuve paroist assis sur son Urne, & tout environné de Roseaux.

* * * {p. 37}

SCENE VII. §

LE FLEUVE, PSYCHE’.

LE FLEUVE.

Arreste, c’est trop tost renoncer à l’espoir,
Il faut vivre, l’Amour l’ordonne.

PSYCHE’.

635 Dites plûtot que l’Amour m’abandonne
Quand Venus contre moy fait agir son pouvoir.
A descendre aux Enfers sa haine m’a reduite.

LE FLEUVE.

Ne crains rien ; je t’en veux aprendre le chemin.
Viens icy prendre place, & tu seras instruite
640 Des ordres du Destin.
Psyché va s’asseoir auprés du Fleuve, & il se perd avec elle sous les eaux.

FIN DU IIIe ACTE.

ACTE IV. §

{p. 38}
Le Theatre represente une Salle du Palais de Proserpine, au travers de laquelle on voit ce Palais au milieu des flâmes.

SCENE PREMIERE. §

PSYCHE’.

Par quels noirs & fâcheux passages
M’a t’on fait descendre aux Enfers ?
Ce ne sont qu’abysmes ouverts
A saisir de frayeur les plus fermes courages.
645 Ces lieux qui de la Mort sont le triste sejour
Ne reçoivent jamais le jour,
L’horreur en est extrême.
Mais tout affreux que je les voy,
Qu’ils auroient de charmes pour moy
650 Si j’y rencontrois ce que j’aime !
N’y pensons plus, mon bon-heur a changé, {p. 39}
J’ay voulu voir l’Amour, & l’Amour s’est vangé.
Vous, que ces Demeures affreuses
Couvrent d’une eternelle nuit,
655 Aprenez, Ombres mal-heureuses,
Le déplorable estat où le Ciel me reduit.
Du plus heureux destin la gloire m’est certaine,
Et quand j’en puis jouir sans craindre les Jaloux,
Un desir curieux dont la force m’entraîne,
660 Me fait perdre l’Objet de mes vœux les plus doux.
Parmy tous vos tourments, Ombres, connoissez-vous
Un suplice égal à ma peine ?
On entend icy une Symphonie qui marque quelque chose de furieux. Des Demons passent sur le theatre pendant cette Symphonie, & commencent à épouvanter Psyché. Ils sont incontinent* suivis des trois Furies.

SCENE II. §

LES TROIS FURIES, PSYCHE’.

LES TROIS FURIES.

Où penses-tu porter tes pas,
Temeraire Mortelle ?
665 Quel destin parmy-nous t’appelle ?
Viens-tu nous braver icy bas ? {p. 40}

PSYCHE’.

Si j’ay passé le Stix avant l’heure fatale,
Pour venir aux Enfers demander du secours,
Quand je vous auray dit ma peine sans égale,
670 Vous plaindrez avec moy le mal-heur de mes jours.

LES TROIS FURIES.

Non, n’attens rien de favorable,
Jamais dans les Enfers on ne fut pitoyable.

PSYCHE’.

Ah, laissez-vous toucher à mes tristes douleurs.
Je ne viens point dans vos Demeures sombres
675 Troubler le silence des Ombres,
J’y viens parler de mes malheurs.

LES TROIS FURIES.

Non, n’attens rien de favorable,
Jamais dans les Enfers on ne fut pitoyable.

PSYCHE’.

Un ordre souverain qu’il faut executer
680 M’oblige à chercher vostre Reyne.
En me la faisant voir vous finirez ma peine,
Elle voudra bien m’écouter.

LES TROIS FURIES.

Non, n’attens rien de favorable,
Jamais dans les Enfers on ne fut pitoyable.

PSYCHE’.

685 Deux mots, & de ces lieux je suis preste à sortir.
Conduisez-moy vers Proserpine. [F, 41]

UNE FURIE.

Puis qu’à la voir elle s’obstine
Promptement, qu’on l’aille avertir.

LES TROIS FURIES ENSEMBLE.

Cependant monstrons-luy ce que ces lieux terribles,
690 Ont d’Objets plus horribles.
Les Demons font icy une Entrée de Balet, & monstrent à Psyché ce qu’il y a de plus effroyable dans les Enfers. Cette Entrée est suivie d’un Prélude qui precede l’arrivée des deux Nymphes de l’Acheron.

SCENE III. §

LES TROIS FURIES, DEUX NYMPHES de l’Acheron, PSYCHE’.

LES TROIS FURIES.

Venez, Nymphes de l’Acheron,
Aidez-nous à punir l’audace criminelle
D’une fiere Mortelle
Qui vient troubler l’Empire de Pluton.

LES DEUX NYMPHES.

695 En vain ce soin* vous embarasse.
Nous avons l’ordre, allez, & nous quittez la place.
Les trois Furies sortent.
{p. 42}

PSYCHE’.

Que m’est-il permis d’esperer ?
Me fera-t’on enfin conduire à vostre Reyne ?

I. NYMPHE.

Psyché, cessez de soûpirer,
700 Si Venus vous poursuit, on flêchira sa haine.

PSYCHE’.

Quoy, l’on sçait dans ce noir séjour
A quels maux Venus me destine ?

II. NYMPHE.

Mercure envoyé par l’Amour
Vient d’en instruire Proserpine.
705 Elle sçait quel present Venus attend de vous,
Et pour vous l’aporter elle se sert de nous.

PSYCHE’ apres avoir pris la Boëte des mains de la Nymphe.

Ah, que mes peines sont charmantes
Puis que l’Amour cherche à les soulager !
Dés qu’il veut rendre un mal leger
710 Il n’a plus de chaînes pesantes.
Ah, que mes peines sont charmantes
Puis que l’Amour cherche à les soulager !

LES DEUX NYMPHES.

Il doit estre bien doux d’aimer comme vous faites.

PSYCHE’.

Et n’aime-t’on pas où vous estes ?

LES DEUX NYMPHES

715 L’amour anime l’Univers,
Tout cede aux ardeurs qu’il inspire,
Et jusques dans les Enfers,
On reconnoist son Empire. {p. 43}

PSYCHE’.

Et, qui s’en voudroit garantir* !
720 Mais de ces lieux par où sortir ?
Tout ce que j’y voy m’intimide.
Elle monstre les Demons qui sont dans les aisles du Theatre.

LES DEUX NYMPHES.

Perdez l’effroy dont vos sens sont glacez,
Nous allons vous servir de guide.
Vous, Noirs Esprits, disparoissez.
Quatre Demons traversent le Theatre, & vont se perdre au travers de la voûte de la Salle de Proserpine.

FIN DU IVe ACTE.

ACTE V. §

{p. 44}
Le Theatre represente les magnifiques Jardins de Venus.

SCENE PREMIERE. §

PSYCHE’.

725 Si je fais vanité de ma tendresse extrême,
En puis je trop avoir quand c’est de l’Amour mesme
Que mon cœur s’est laissé charmer ?
Je sens que rien ne peut ébranler ma constance.
Ah pourquoy m’obliger d’aimer
730 S’il faut aimer sans esperance ?
Sans esperance ? non, c’est offencer l’Amour,
Ce Dieu qui plaint les maux dont je suis poursuivie
Jusques dans les Enfers a pris soin de ma vie,
Et c’est par luy que je reviens au jour.
735 Ce sont icy les Jardins de sa Mere,
Peut-estre en ce moment il luy parle de moy.
Je puis l’y rencontrer. Pour meriter sa foy
Cherchons jusqu’au bout à luy plaire. {p. 45}
Si mes ennuis* ont pû ternir
740 Ces attraits dont l’éclat m’a sçeu rendre coupable,
Cette Boëte* me va fournir
Dequoy paroistre encor aimable.
Ouvrons. Quelles promptes vapeurs
Me font des sens perdre l’usage !
745 Si la mort finit mes mal-heurs,
O toy qui de mes vœux reçois le tendre hommage,
Songe qu’en expirant c’est pour toy que je meurs.
Psyché tombe sans force sur un gazon, où elle demeure couchée.

SCENE II. §

VENUS, PSYCHE.

VENUS.

Enfin, insolente Rivale,
Tu reçois ce qu’a merité
750 L’orgueilleuse temerité
De te croire à Venus égale.
Par l’état déplorable où j’ay reduit ton sort,
Voy ce que mon couroux te laisse encor à craindre.
Si tes mal-heurs si tost finissoient par la mort,
755 Ton sort ne seroit pas à plaindre. {p. 46}

PSYCHE’ couchée sur le Gazon.

Pourquoy me rappeller au jour,
S’il ne m’est pas permis de vivre pour l’Amour ?

VENUS.

Quoy, ton orgueil encor jusqu’à mon Fils aspire ?
Mon fils est l’objet de tes vœux,
760 Et l’obstacle fatal que j’ay mis à tes feux
Ne t’a point affranchie encor de son Empire ?
Cét amour de ton cœur ne peut estre arraché ?

PSYCHE’ sur le Gazon.

Viens, cher Amant, viens revoir ta Psyché.

VENUS.

Les maux dont tes soûpirs marquent la violence
765 A la pitié pour toy devroient m’interesser,
Mais le plaisir de la vangeance
Est trop doux pour y renoncer.
Mercure descend icy en volant.

SCENE III. §

MERCURE, VENUS.

MERCURE.

Vous croyez trop la jalouze colere
Qui vous anime contre un Fils.

VENUS.

770 Quoy, Mercure, on n’aura pour moy que du mépris ?
Je pourray me vanger, & n’oseray le faire ? {p. 47}

MERCURE.

L’Amour est venu dans les Cieux,
Jupiter a receu sa plainte,
Et n’envisage qu’avec crainte
775 Le desordre eternel qui menace les Dieux.
Par l’ordre du Destin Psyché vous est soûmise,
Quand vous la poursuivez son sort dépend de vous,
Mais voyez dans cette entreprise
Quels mal-heurs ont désja suivy vostre couroux.
780 L’Amour dont les ennuis* n’ont pû toucher vostre ame
Empoisonne les traits dont il perce les cœurs.
Il les ouvre à la haine, aux dédains, aux rigueurs,
Tout languit & rien ne s’enflame.
La discorde est parmy les Dieux,
785 La paix s’éloigne de la terre,
On se haït, on se fait la guerre.
Ces maux que vous causez vous sont-ils glorieux ?

VENUS.

Ah, qu’on me laisse ma colere,
Elle vange un trop juste ennuy*.
790 L’Amour à l’Univers est-il si necessaire
Qu’on ne puisse estre heureux sans luy ?

MERCURE

S’il est quelque bon-heur c’est l’Amour qui l’asseure,
Tout flate en aimant, tout nous rit.
Ostez l’Amour de la Nature,
795 Toute la Nature perit.

VENUS.

On veut donc m’obliger à consentir qu’il aime ? {p. 48}

MERCURE.

Jupiter qui paroist vous le dira luy-mesme.
Il y a icy un fort grand Prélude qui répond à la magnificence dans laquelle Jupiter descend. Il est dans la Gloire* assis sur son Trône, au milieu de son Palais.

SCENE derniere. §

JUPITER, VENUS, L’AMOUR, MERCURE, PSYCHE’.

JUPITER.

Venus veut-elle resister ?
N’a-t’elle point assés écouté sa colere,
800 Et l’Amour qui languit ne peut-il se flater
Que ses maux toucheront sa Mere ?

VENUS.

Quoy, vous souffriray qu’à mon Fils
Une simple mortelle aspire ?

JUPITER.

Si tu ne m’en veux point dédire,
805 Il n’est rien pour Psyché qui ne me soit permis.
Seule aux yeux de l’Amour elle est aimable & belle,
Pour l’égaler à luy je la fais immortelle. [G, 49]

VENUS.

Puis que d’une Immortelle il doit estre l’Espoux,
Jupiter a parlé, je n’ay plus de couroux.

JUPITER.

810 Viens, Amour, tes soûpirs emportent la victoire.

VENUS.

Psyché, revois le jour,
On te permet enfin de vivre pour l’Amour.

PSYCHE’ se levant.

Vous y consentez ? quelle gloire !

JUPITER A PSYCHE’.

Viens prendre place auprés de ton Amant.

PSYCHE’ à l’Amour.

815 On me rend donc à vous ? ô destin plein de charmes !

L’AMOUR.

O favorable changement !

JUPITER.

Aimez sans trouble & sans alarmes.
Vous, Dieux, accourez tous, & dans cet heureux jour
Celebrez à l’envy la gloire de l’Amour.
Lors que Jupiter appelle l’Amour, & ensuite toutes les Divinitez, l’Amour descend sur la Gloire*, & va s’asseoir aux pieds de Jupiter. Venus & Psyché estant enlevées par un nüage, vont se placer aux deux costez de l’Amour, & Apollon, Bacchus, Mome & Mars, descendent dans leurs Machines auprés de leurs Quadrilles. Le Jardin disparoist, & tout le Theatre represente le Ciel.
{p. 50}
Apollon conduit les Muses, & les Arts ; Bacchus est accompagné de Silene, des Ægipans & des Mœnades ; Mome, Dieu de la Raillerie, méne aprés luy une Troupe enjoüée de Polichinelles*, & de Matassins* ; & Mars paroist à la teste d’une Troupe de Guerriers, suivis de Tymbales, de Tambours, & de Trompettes.
Apollon Dieu de l’Harmonie commence le premier à chanter, pour inviter les Dieux à se réjoüir.

RECIT D’APOLLON

820 Unissons-nous, Troupe immortelle ;
Le Dieu d’Amour devient heureux Amant.
Et Venus a repris sa douceur naturelle
En faveur d’un Fils si charmant.
Il va goûter en paix aprés un long tourment,
825 Une felicité qui doit estre eternelle.
Toutes les Divinitez celestes chantent ensemble à la gloire de l’Amour.

CHOEUR DE DIVINITEZ CELESTES.

Celebrons ce grand Jour ;
Celebrons tous une Feste si belle.
Que nos Chants en tous lieux en portent la nouvelle ;
Qu’ils fassent retentir le celeste séjour.
830 Chantons, repetons tour à tour,
Qu’il n’est point d’Ame si cruelle
Qui tost ou tard ne se rende à l’Amour. {p. 51}
Bacchus fait entendre qu’il n’est pas si dangereux que l’Amour.

RECIT DE BACCHUS.

Si quelque fois,
Suivant nos douces Loix,
835 La raison se perd & s’oublie,
Ce que le vin nous cause de folie
Commence & finit en un jour ;
Mais quand un Cœur est enivré d’amour,
Souvent c’est pour toute la vie.
Mome declare qu’il n’a point de plus doux employ que de médire, & que ce n’est qu’à l’Amour seul qu’il n’ose se joüer.

RECIT DE MOME.

840 Je cherche à médire
Sur la Terre & dans les Cieux ;
Je Soûmets à ma Satire
Les plus grands des Dieux.
Il n’est dans l’Univers que l’Amour qui m’étonne*,
845 Il est le seul que j’épargne aujourd’huy ;
Il n’apartient qu’à luy
De n’épargner personne.
Mars avouë que malgré toute sa valeur, il n’a pû s’empécher de ceder à l’Amour.

RECIT DE MARS.

Mes plus fiers Ennemis vaincus ou pleins d’éfroy
Ont veu toûjours ma Valeur triomphante,
850 L’Amour est le seul qui se vante
D’avoir pû triompher de moy. {p. 52}
Tous les Dieux du Ciel unissent leurs voix, & engagent les Tymbales & les Trompettes à répondre à leurs Chants, & à se méler avec leurs plus doux Concerts.

CHŒUR DES DIEUX, où se mélent les Trompettes & les Tymbales.

Chantons les plaisirs charmants
Des heureux Amants.
Respondez-nous Trompettes,
855 Tymbales & Tambours :
Accordez-vous toûjours
Avec le doux son des Musettes,
Accordez-vous toûjours
Avec le doux chant des Amours.
Les Arts travestis en Bergers Galants pour paroistre avec plus d’agrément dans cette Feste, commencent les premiers à dancer. Apollon vient joindre une chanson à leurs Dances, & les solicite d’oublier les soins qu’ils ont accoûtumé de prendre le jour, pour profiter des Divertissements de cette Nuit bien-heureuse.

CHANSON D’APOLLON.

860 Le Dieu qui nous engage
A luy faire la Cour,
Deffend qu’on soit trop sage.
Les Plaisirs ont leur tour,
C’est leur plus doux usage
865 Que de finir les soins du Jour ;
La Nuit est le partage
Des Jeux & de l’Amour. {p. 53}
Ce seroit grand dommage
Qu’en ce charmant Séjour
870 On eût un Cœur sauvage.
Les Plaisirs ont leur tour,
C’est leur plus doux usage
Que de finir les soins du jour ;
La Nuit est le partage
875 Des Jeux & de l’Amour.
Au milieu de l’Entrée de la Suite d’Apollon, deux des Muses qui ont toûjours évité de s’engager sous les Loix de l’Amour, conseillent aux Belles qui n’ont point encore aimé, de s’en deffendre avec soin à leur exemple.

CHANSON DES MUSES.

Gardez-vous, Beautez severes,
Les Amours font trop d’affaires,
Craignez toûjours de vous laisser charmer.
Quand il faut que l’on soûpire,
880 Tout le mal n’est pas de s’enflamer ;
Le martire
De le dire,
Coûte plus cent fois que d’aimer.
On ne peut aimer sans peines,
885 Il est peu de douces chaînes,
A tout moment on se sent allarmer.
Quand il faut que l’on soûpire,
Tout le mal n’est pas de s’enflamer ;
Le martire
890 De le dire, {p. 54}
Coûte plus cent fois que d’aimer.
Les Mœnades & les Ægipans viennent dancer à leur tour. Bacchus s’avance au milieu d’eux, & chante une Chanson à la loüange du Vin.

CHANSON DE BACCHUS.

Admirons le Jus de la Treille :
Qu’il est puissant ! qu’il a d’attraits !
Il sert aux douceurs de la Paix,
895 Et dans la Guerre il fait merveille :
Mais sur tout pour les Amours,
Le Vin est d’un grand secours.
Silene Nourricier de Bacchus, paroist monté sur son Asne. Il chante une Chanson qui fait connoître les avantages que l’on trouve à suivre les Loix du Dieu du Vin.

CHANSON DE SILENE.

Bacchus veut qu’on boive à longs traits ;
On ne se plaint jamais
900 Sous son heureux Empire :
Tout le jour on n’y fait que rire,
Et la nuit on y dort en paix.
Ce Dieu rend nos vœux satisfaits ;
Que sa Cour a d’attraits !
905 Chantons y bien sa gloire :
Tout le jour on n’y fait que boire,
Et la nuit on y dort en paix. {p. 55}
Deux Satyres se joignent à Silene, & tous trois chantent ensemble un Trio à la loüange de Bacchus, & des douceurs de son Empire.

TRIO DE SILENE, & de deux Satyres.

Voulez-vous des douceurs parfaites ?
Ne les cherchez qu’au fonds des Pots.

UN SATYRE.

910 Les Grandeurs sont sujetes
A cent peines secretes.

SECOND SATYRE.

L’Amour fait perdre le repos.

TOUS ENSEMBLE.

Voulez-vous des douceurs parfaites ?
Ne les cherchez qu’au fonds des Pots.

UN SATYRE.

915 C’est là que sont les Ris, les Jeux, les Chansonnetes.

SECOND SATYRE.

C’est dans le Vin qu’on trouve les bons mots.

TOUS ENSEMBLE.

Voulez-vous des douceurs parfaites ?
Ne les cherchez qu’au fonds des Pots.
Une Troupe de Polichinelles* & de Matassins* vient joindre leurs plaisanteries & leurs badinages aux Divertissements de cette grande Feste. Mome qui les conduit chante au milieu d’eux une Chanson enjoüée sur le sujet des avantages & des plaisirs de la Raillerie.
{p. 56}

CHANSON DE MOME.

Folâtrons, divertissons-nous,
920 Raillons, nous ne sçaurions mieux faire,
La Raillerie est necessaire
Dans les Jeux les plus doux.
Sans la douceur que l’on goûte à médire
On trouve peu de plaisirs sans ennuy ;
925 Rien n’est si plaisant que de rire,
Quand on rit au despens d’autruy.
Plaisantons, ne pardonnons rien,
Rions, rien n’est plus à la mode,
On court peril d’estre incommode
930 En disant trop de bien.
Sans la douceur que l’on goûte à médire,
On trouve peu de plaisirs sans ennuy ;
Rien n’est si plaisant que de rire,
Quand on rit aux despens d’autruy.
Mars vient au milieu du Theatre suivy de sa Troupe Guerriere, qu’il excite à profiter de leur loisir, en prenant part aux Divertissements.

CHANSON DE MARS.

935 Laissons en paix toute la Terre,
Cherchons de doux amusements ;
Parmy les Jeux les plus charmants,
Meslons l’image de la Guerre.
Quatre hommes portants des Enseignes, s’en servent à faire paroistre leur adresse en dançant.
[H, 57]

DERNIERE ENTREE.

Les quatre Troupes differentes de la Suite d’Apollon, de Bacchus, de Mome & de Mars, apres avoir achevé leurs Entrées particulieres, s’unissent ensemble, & forment la derniere Entrée, qui renferme toutes les autres. Un Chœur de toutes les Voix & de tous les Instruments se joignent à la Dance generale, & termine la Feste des Nopces de l’Amour & de Psyché.

CHOEUR.

Chantons les Plaisirs Charmants
940 Des heureux Amants :
Respondez-nous Trompettes,
Tymbales & Tambours ;
Accordez-vous toûjours
Avec le doux son des Muzettes ;
945 Accordez-vous toujours
Avec le doux chant des Amours.

FIN.

PRIVILEGE DU ROY. §

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LOUIS par la grace de Dieu Roy de France & de Navarre : A nos amez & féaux Conseillers, les Gens tenans nos Cours de Parlement, Maistres des Requestes ordinaires de nostre Hostel, & du Palais, Baillifs, Seneschaux, leurs Prevosts, & leurs Lieutenans, & tous autres nos Justiciers & Officiers qu’il appartiendra, SALUT. Nostre bien amé Jean Baptiste Lully Sur-Intendant de la Musique de nostre Chambre, Nous a fait remonstrer que les Airs de Musique qu’il a cy-devant composez, ceux qu’il compose journellement par nos ordres, & ceux qu’il sera obligé de composer à l’avenir pour les Pieces qui seront representées par l’Academie Royale de Musique, laquelle Nous luy avons permis d’établir en nostre bonne Ville de Paris, & autres lieux de nostre Royaume où bon luy semblera, estant purement de son invention, & de telle qualité que le moindre changement ou obmission leur fait perdre leur grace naturelle ; de sorte que comme son esprit seul les produit pour les appliquer aux sujets qu’il y trouve proportionnez, nul autre ne peut si bien que luy rendre lesdits Ouvrages publics dans leur perfection, & avec l’exactitude qui leur est deue. Et d’ailleurs, il est juste que si leur impression doit aporter quelque avantage, il revienne plûtost à l’Autheur pour le recompenser de son travail, & de partie des frais qu’il avance pour l’execution des Desseins qu’il doit faire representer par ladite Academie, qu’à de simples Copistes qui les imprimeroient, sous pretextes de Permissions generales ou particulieres qu’ils peuvent avoir obtenuës par surprises ou autrement ; ce qui l’oblige d’avoir recours à nos Lettres sur ce necessaires. A CES CAUSES ; Voulans favorablement traitter l’Exposant, Nous luy avons permis et accordé, permettons & accordons par ces Presentes, de faire imprimer par tel Libraire ou Imprimeur, en tel volume, marge, caractere, & autant de fois qu’il voudra, avec Planches et Figures, tous & chacuns les Airs de Musique qui seront par luy faits ; comm’aussi les Vers, Paroles, Sujets, Desseins & Ouvrages sur lesquels lesdits Airs de Musique auront esté composez, sans en rien ex- {p. 59} cepter, & cependant le temps de trente années, consecutives, à commencer du jour que chacun desdits Ouvrages seront achevez d’imprimer, iceux vendre & debiter dans tout nostre Royaume, par luy ou par autre ainsi que bon luy semblera, sans qu’aucun trouble ny empéchement quelconque luy puisse estre aporté, mesme par ceux qui pretendent avoir de Nous Privilege pour l’impression des Airs de Musique & Ballets, lesquels pour ce regard en tant que besoin est ou seroit, Nous avons revoqué & revoquons par cesdites presentes ; Faisant tres-expresses inhibitions & défenses à tous Libraires, Imprimeurs, Colporteurs, & autres personnes de quelque qualité qu’elles soient, d’imprimer, faire imprimer, vendre & distribuer lesdites Pieces de Musique, Vers, Paroles, Desseins, Sujets, & generalement tout ce qui a esté & sera composé par ledit Lully, sous quelque pretexte que ce soit, mesme d’impression étrangere & autrement, sans son consentement, ou de ses ayans cause, sur peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, dix mil livres d’amende, tant contre ceux qui les auront imprimez & vendus, que contre ceux qui s’en trouveront saisis & de tous dépens, dommages & interests ; à la charge d’en mettre deux Exemplaires en nostre Biblioteque publique, un en nostre Cabinet des livres de nostre Château du Louvre, & un en celle de nostre tres cher & féal Chevalier, Garde des Sceaux de France, le Sr d’Aligre, à peine de nullité des presentes. Du contenu desquelles, vous mandons & enjoignons faire joüir l’Exposant & ses ayans cause plainement & paisiblement, cessant & faisant cesser tous troubles & empeschemens au contraire ; Voulons qu’en mettant au commencement ou à la fin desdits Livres l’Extrait des Presentes, elles soient tenuës deuëment signifiées, & qu’aux copies collationnées par l’un de nos amez & feaux Conseillers & Secretaires, foy soit ajôutée comme à l’Original. Mandons au premier nostre Huissier ou Sergent, faire pour l’execution des presentes, toutes signifiations, défenses, saisies, & autres actes requis & necessaires, sans pour ce demander autre permission, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, dont si aucunes interviennent, Nous nous en reservons & à notre Conseil la connoissance, & icelle interdisons & défendons à tous autres Juges : CAR tel est notre plaisir. DONNE’ à Versailles le vingtiéme jour de Septembre, l’an de grace mil six cens soixante-douze, & de nostre Regne le trentiéme. Signé, LOUIS. Et plus bas : Par le Roy, COLBERT. Et scellé du grand Sceau de cire jaune.