MÉMOIRES SECRETS POUR SERVIR À L'HISTOIRI DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN FRANCE, DEPUIS MDCCLXII JUSQU'A NOS JOURS; o u
JOURNAL D'UN OBSERVATEUR,
CONTENANT les Analyses des Pieces de Théâtre qui ont paru durant cet inteyvalle; les Relations des Assemblée s Littéraires, les notices des Livres nouveaux, clandeflins, prohibés ; les Picces fugitives , rares ou manuscrites, en prose ou en vers; les Vaudevilles sur la Cotir ; if s Anecdotes y Bons Mots ; les Eloges des Suvans, des At'tisses, des Hommes de Lettres morts, &c. &c. &c.
TOME QUATORZIEME.
hue proptus me, les ordine adite, Hor. L. II. Sat. 3. vs. 81 & 84.
A LONDRES, CHEZ JOHN AD A M SON.
M, DCC. LX XX.
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1 MÉMOIRES SECRETS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES - EN FRANCE, DEPUIS MDLXII JUSQU'A NOS JOURS.
ANNÉE M. DCC. LXXIX.
i Avril. Copie de la Lettre de la Chevaliers d' Eon à M. de Comte de Maurepas.
Versailles le 8 Février 1778.
MONSEIGNEUR, JE défirerois ne pas interrompre un inftanfc „ les momens que vous consacrez au bonheur l' & à la gloire du Roi & de la France , mais l' animée du desir d'y contribuer moi-même ,, dans ma foible position , je fuis forcée de l' vous représenter très - humblement & très-
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, fortement, que l'année de mon noviciat temelle étant entiérement revolue, il m eit ?! impossible de paffer à la profession.
La dépenfc est trop forte & mon revenu est trop mince pour moi dans cet état. Je ne puis être utile ni au service du Roi, ni à ma famille, & la vie trop sedentaire ruine l'élasticité de mon corps & de mon elprit.
Z Depuis ma jeunette j'ai toujours mene une 5) vie agitée, foit dans le militaire, foit dans V, la politique. Le repos me tue totalement.
-il Je vous renouvelle cette année mes inf.
„ tances , Monseigneur , pour que vous me !' fassiez accorder par le Roi la permission de continuer mon service militaire , & comme il n's a point de guerre de terre, d'aller confie volontaire servir sur la Flotte de M. le comte d'Orvilliers.
J'ai bien pu par obéissance aux ordres du Roi & de ses Ministres rester en jupe en tems de paix ; mais en tems de guerre cela-, m'est impffible. Je fuis honteuse & malade, de chagrin de me montrer en cette posture , lorsque je puis servir mon Roi & ma patrie avec zele & l'expérience que Dieu & mon.
«, travail m'ont donnes.
Je fuis aussi confuse & desolee de manger „ paisiblement à Paris pendant cette guerre hi pension que le feu Roi a daigné m'accorder- „ Je fuis toujours prête à consacrer au ferviell de son auguste petit-fils & ma pensions & m, vie. Aidez moi, Monieigneur , a for tir dl mon état léthargique ou 1 on ma plongée, qui a été l'unique cause de mon mal, & qil Il afflige tous mes amis & protecteurs guerrien
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„ & politiques. Je dois encore vous observer; „ qu'il importe infiniment à la gloire de toute „ la maison de M. le comte de Guerchy de me ,, laisser continuer mon service militaire ; du „ moins c'ell la façon de penser de toute l'ar,, mée & de toute la France, & j'ose dire de ,, toute l'Europe instruite. Une conduite con,, traire fait le sujet des interprétations les plus ,, fâcheuses, & donne matiere à la malice des ,, conversations du public. J'ai toujours pensé ,, & agi comme Achille, je n'ai point fait la „ guerre aux morts , & je ne tue les vivans que ,, lorsqu'ils WL attaquent les premiers. Vous „ pouvez prendre à cet égard par écrit ma pa„ role d'honneur sur ma conduite présente & „ future.
„ Vos grandes occupations vous ont rait ou.
„ blier, Monseigneur, qu'il y a plus de quinze „ mois que vous avez bien voulu me donner „ votre parole que je ferois heureuse & contente „ quand j'aurois obéi à mon Roi en reprenant „ mes habits de fille. J'ai obéi complettement.
„ Je dois espérer d'un ministre aussi bon & aufll „ grand que M. le Comte de Maurepas, qu'il „ daigne tenir sa parole & me remettre infiatu ,, quo. Il ignore que c'est moi qui soutiens ma „ mere & ma soeur, & de plus, mon beau-frerè ,, & trois neveux au service du Roi; que j'ai „ encore à Londres une partie de mes dettes, ,, ma bibliothèque entiere & mon appartement ,, qui me coûte vingt-quatre livres de loyer par „ semaine ; qu'après avoir servi le feu Roi en „ guerre & en politique, depuis ma jeunesse „ jusqu'à sa mort, je ne fuis pas encore en état „ de meubler ma maison paternelle en Bour"
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„ gogne pour l'aller habiter. M. le Comte d( „ Maurepas doit sentir que mon obeiflanct ,, filentieufe doit avoir un grand mérite à f1 ,, yeux ; que dans ma pofltion femelle je fuis ,, danr la misere avec les bienfaits du feu Roi.
,, qui suffiroient pour un capitaine de Dragons.
,, mais qui font insuffisans pour l'état qu'on m'a „ forcée de prendre. Il doit surtout compren,, dre que le plus sot des rôles à jouer est celui 5, de pucelle à la cour, tandis que je puis en,, core jouer celui de lion à l'armée. Je fuis re,, venue en France fous vos auspices, Monfei„ gneur; ainsi je recommande avec confiance „ mon fort présent & avenir à votre généreuse ,, protection, & je ferai toute ma vie, avec la ,3 plusrefpectueufereconnoinance, ,, Votre dévouée Servante LA CHEVALIERE D'EON".
Copie de la Lettre denvoi de la Chevaliere cTEonà plujiturs Dames de la Cour.
MADAME, „> Je vous supplie instamment de protéger ,, auprès des ministres du Roi le succès de mes ,, demandes, énoncées en la copie de ma lettre ,, ci-jointe , à M. le comte de Maurepas , pour ,, aller servir comme volontaire sur la flotte de ,, ln. le comte d'Orvilliers , prévoyant qu'il y „ aura encore moins de guerre sur terre cette „ année que la derniere. Vous portez, madame, 3, un nom familiarise avec la gloire militaire ; ,, comme femme, vous aimez celle de notre ,, sexe. J'ai tâché de la soutenir pendant la 5, derniere guerre en Allemagne & dans les
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,, négociations en diverses cours de l'Europè „ pendant vingt-cinq ans. Il ne me reste plus „ qu'à combattre sur mer avec la flotte royale.
,, J'espere m'en acquitter d'une façon que vous „ n'aurez nul regret de protéger celle qui a „ l'honneur d'être avec un profond reîpect, MADAME, „ Votre dévouée Servante La Chevallere d'Eon"-' A Versailles,le 17 Février 1779, rue de Noailles, au Pavillon Mayon.
DE PAR LE ROI.
Il est ordonné à la DUc. deon de se retirer il Tonnerre dans trois jours, après la réception du présent ordre , d'y refler dans les habits de son sexe jusqu à nouvel ordre de S. M., sans pouvoir habiter aucun autre lieu, à peine de désobéissance: Fait à Ver failles, It 19 Février 1779. [ Signé] LOUIS, & plus bas AMELOT.
„ Je, soussigné, certifie que M. de Vierville t „ major des gardes du Roi en la prévôté de ,, son hôtel , m'a notifié & remis l'ordre du „ Roi, dont copie ci-dcHus. Je promets d'y „ obeir avec la iüumiilion due à S. M., en lui "reprercntant trcs - refpedueufement , ainsi ,, qu'à ses Miniltres, que je fuis présentement ,, dans mon lit, malade, & abfolutnent sans ar,, gent, sans meubles & sans lit dans ma mai„ son de Tonnerre, que j'ai quittée il y a plus
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5, de vingt-cinq ans pour le service public & ,, secret du feu Roi, mon bon maitre Louis XV.
„ Fait dans mon lit , à Paris , ce 2 Mars 1779.
9) [Signé] LA CHEVALIERE D'EON".
1 Avril 1779. L'humeur des partisans de l'ancienne musique contre la révolution opérée en ce genre, n'est pas finie , & l'un d'eux l'a témoignée dans l'épigramme suivante, une des plus jolies choses qu'ait enfantées la querelle élevée à ce sujet, elle est intitulée l'Opéra Champêtre.
Qu'ils me font doux ces champêtres concerts, Où Rossignols, Pinçons, Merles, Fauvettes, Sur leur théâtre, entre des rameaux verts, Viennent gratis m'offrir leurs chanfonaettes.
Quels opéra me feroient aussi chers!
Là n'est point d'art, d'ennui fcicntifique; Gluk , Piccini, n'ont point noté les airs ; Nature feule en a fait la musique, Et Marmontel n'en a point fait les vers.
2 Avril. Le fpedacle qui attire le plus le public dans ce moment-ci , c'est un trône def.
tiné pour le Roi , lors de la réception des chevaliers du St. Esprit ; on le dit ajusté & composé avec autant de noblesse que de magnificence ; tous les ornemens en font exécutés en broderie , & la dépense est de 500,000 liv. C'est la premiere fois qu'on a renouvelé ce trône depuis la fondation de l'Ordre par Henri III.
C'est M. Rocher, brodeur, qui a présidé au travail. Bien des gens pensent qu'on auroit pu
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prendre un autre tems pour faire une pareille acquisition: on s'excuse sur environ 300 ouvrieres que cela a mis en œuvre.
1 Avril 1779. Le grand procès pour la dif..
cuffion des créanciers de M. de Brunoi a été terminé lundi. Le notaire Arnoux , après avoir essuyé un traitement infamant qui sembloit l'annoncer comme très - coupable , a été déchargé de l'accusation & eftforti blanc comme neige. Toute la cour s'est intéressée pour lui, & le corps des notaires a remué ciel & terre , afin d'épargner à un confrere une punition qui auroit réjailli furies autres. Tous les créanciers ne s'en font pas tirés aussi favorablement que le Sr. Arnoux, & l'un d'eux sur-tout ayant été blâmé , a été si sensible à cet affront, que dès la nuit il est allé chez Poitevin demander un bain, s'est mis dedans , s'est ouvert les veines avec un rasoir, & craignant que cette mort ne fût pas assez fùre , s'est achevé avec un pistolet.
On est-accouru au bruit; il avoit gardé foa fiacre, qui heureusement a indiqué quel il étoit.
2 Avril. Le particulier qui s'est tué de désespoir, de l'arrêt dans l'affaire de Brunoi , est M. Pidansat de Mairobert, secretaire du Roi, secretaire des commandemens de M. le duc de Chartres & censeur royal. Il faut qu'une trop grande facilité à se prêter aux vues de prodigalité de ce fol, l'ait déterminé à accepter un billet d'une somme conliclérable qu'il lui a souscrit sans en avoir reçu la valeur, & qu'excité par l'espoir d'etre payé d'une pareille créance, il se foit refusé aux déclarations convenables & exigéec; par la justice.
Quoi qu'il en fait , cet événement fait un.
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bruit de diable à raison du perfonage , qui avoit fuccefifvement eu la confiance de M. de Malesherbes, lorsqu'il étoit chef de la librairie, puis l'oreille de M. de Sartine, de M. Albert, de M. le Noir , & enfin de M. le Camus de Néville. Ce qui sembloit devoir le faire mettre clans une autre classe que celle des gredins, des gytons, des crocs & escrocs de toute espece dont étoit entouré M. de Brunoi.
3 Avril 1779. Sous prétexte d'ordre & d'utilité plus grande, le gouvernement continue à se mettre insensiblement à la tête de tous les corps, ordres, états & corporations. Par des lettres patentes du 23 janvier, enrégistrées au parlement le 12 mars, en portant confirmation des statuts pour la communauté des maîtres écrivains, on en établit un bureau particulier, composé de vingt-quatre maîtres de la communauté , lesquels s'occuperont de la perfection des arts & des sciences dependans de leur profession & notamment de la vérification des écritures & iignatures.
Le Lieutenant général de police & le Procureur du Roi du Châtelet feront Présidens nés de ce bureau, lequel fera composé en outre d'un -directeur , d'un secretaire & de quatre professeurs , dont un d'écriture ,un de calcul , un de vérifications d'écriture & un.de grammaire françoise, tous pris dans les membres du bureau, qui cboifiront parmi les autres maîtres de la 'conimunauté vingt-quatre agrégés destinés à les remplacer en cas de vacance.
Ces maîtres & leurs successeurs feront aux termes.de l'article quatre des lettres patentes , les seuls experts en justice.
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3 Avril 1779. On continue à s'entretenir de M. de Mairobert. Le curé de Saint Eustache, sur la paroisse duquel il demeuroit, ayant fait difficulté de l'enterrer, vu la publicité de sa catastrophe , il a fallu que M. le duc de Chartres ait obtenu un ordre du Roi, qui enjoint qu'on lui accordât la sépulture chrétienne , mais avec le moins de publicité possible.
Un des amis du défunt lui a fait l'épitaphe ci - jointe , qui caractérise à merveille & le per.
fonage & sa fin sinistre. 1 Ci gît qui de l'honneur partisan assidu, De ses sentiers étroits s'écarta par ivresse, Mais qui cherchant la mort pour punir sa foiblesse; En a plus recouvré qu'il n'en avoit perdu.
M. de Mairobert étoit un homme de lettres, auteur de quelques opuscules, mais sur-tout grand amateur ; il ne manquoit aucune piece de théâtre dans sa primeur , & se faisoit entourer dans les foyers : il avoit au(H toutes les nouveautés , & sa bibliotheque étoit en ce',genre une des plus curieuses de Paris. Elevé dès son ensance chez, madame Doublet , il y avoit puisé ce goût , ainsi que celui des nouvelles ; c'étoit un des rédacteurs : il conservoit le journal qui se composoit chez cette Dame & le continuoit: il avoit eu différentes prises avec la police relativement à ce inanuCcrit, qu'il donnoit à ses amis 'de Paris & de province ; mais on n'avoit pu le priver de cet amusement inftrufrif & agréable, d'autant qu'il étoit fort circonfpeit. Il avoit la fureur de faire parler de lui; il pe connaîtTait pas la fage maxime de ce philosophe qui disoit :
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X pour être heureux, cache ta vie". Il mettoit son bonheur dans l'éclat & le bruit, & malheureusement il en a fait jusqu'à sa mort & après.
Avant de mettre les scellés chez lui, on a enlevé , par ordre du Roi, tous ses manuscrits, & même beaucoup de livres.
4 Avril 1779. On connoît depuis long-tems un ouvrage de M. Dorât, intitulé les Bai fers, imprimé avec un luxe typographique admirable, sur-tout avec des estampes charmantes. On fait l'épigramme sanglante qu'affeéta de faire en action contre l'auteur présent un particulier en.
trant chez son libraire , demandant le livre ; l'achetant, puis, sans sortir , le découpant, enlevant les vignettes , & laissant tout le relie comme inutile. Un caustique vient de répandre une autre épigramme écrite , non moins piquante , avec ce titre : ,sUl" un insipide ouvrage : intitulé LES BAISERS.
Vous, qui lisant les vers faits pour Lesbie, Avez d'amour trop senti l'aiguillon, Si voulez voir sa flamme refroidie , Et de Vénus pâlir le vermillon , Ja n'est besoin que nonain vous indique Bu nénuphar le breuvage pudique ; Prenez , prenez vers refrigératifs, Que Dorilas ses Baisers intitule, Et calmerez, tant fussent - ils rétifs, Les feux malins dont vous briiloit Catulle.
ç Avril. Il n'est que trop vrai que Mlle.
fl'Eon a été conduite au château de Dijon &
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même avec beaucoup d'éclat ; voici comme elfe a été arrêtée. On a vu qu'elle éludoit d'obéir à l'ordre du Roi, en paroissant le respecter beaucoup. Elle le doutoit qu'on voudroit l'enlever, elle s'étoit munie en conséquence de toutes les armes propres à sa defense, & au cas qu'on lui ôtât tout moyen de le faire perfonellement, elle avoit un baril de poudre tout prêt, auquel elle coniptoit mettre le feu des qu'on voudroit user de violence pour entrer dans sa chambre, & se faire ainsi fauter avec lamaifon. Elle avoit confié son dessein à un ami intime. Celui - ci connoissant sa violence & sa résolution , a imaginé de la sauver d'une catastrophe aussi extrême , ainsi que ceux qui auroient été dans la maison & peut-être le voisinage. Il s'est présenté à sa porte, qu'elle n'ouvroit qu'après avoir demandé qui? Elle a reconnu la voix de son ami, elle lui a ouvert; il étoit escorté d'alguasils, qui soudain l'ont enveloppée & empêchée de se défendre. Il y avoit une chaise de poste prête, où l'on l'a conduite, maudilTant, avec raison , le perfide auquel elle s'étoit confiée.
6 Avril 1779. On parle beaucoup d'une dénonciation faite au Parlement, concernant M. le Camus de Néville, directeur de la librairie; dénonciation qui roule vraisemblablement sur ses opérations dans ce département.
S Avril. Le trône du Roi , qu'on va voit rue Ferou, mérite une description détaillée. Sur deux marches couvertes d'un tapis de velours verd, brodé en or & en argent, on voit le fauteuil de S. M. Deux coqs fervent de pieds de devant, & le dossier est un bouclier orné d'une tête defoleil. Le fonds de ce bouclier, travailla
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en paillettes prefleesles unes contre les autres, rend un éclat, à peu près semblable à celui du métal poli. Le baldaquin , qui est suspendu au dessus du fauteuil , a la forme d'une tente ouverte. Dans le jour , on voit un Saint-Esprit en argent, qui jette de grands rayons, interrompus par quelques légers nuages. Pour donner un effet plus pitorefque , les rayons qui partent du St. Esprit font à leur naissance travaillés en argent, & se terminent en or. Cette espece de tableau a pour bordure deux faiffeaux de piques élevées sur deux socles, & auxquels font attachées des peaux de lion & des armes grouppées en trophée. Le baldaquin , qui, comme on l'a dit, a la forme d'une tente , dont les rideaux retroussés aux faiffeaux, retombent rnajeftueufement jusqu'au bas, est orné de carquois attachés à chaque pan, & sur lesquels on a posé des casques, tous variés de forme. Le haut est couronné par un corcelet de guerrier, accompagné d'armes &, d'étendar'ts ', d'où fort une massue, qui soutient un casque plus grand que les autres, à fond d'azur, orné de trois fleurs de lys. Tous ces carques chargés de leurs plumes, amenent naturellement & motivent les panaches dont on decore toujours ces fortes de dais.
Les colliers de l'ordre font la bordure des grands rideaux "de la tente. Le tout ensemble a beaucoup de majesté , & a bien le caratftere d'un ordre militaire..
6 Avril 1779. Les virtuoses qui se font distingués au concert fpiritúel cette année , font Mrs. Wounderlich pour la flûte ; mal apprécié à son début , il a mérité ensuite les plus grands applaudissemens : Piettain pour le -, !.
M
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violon ; cet élève de Jarnowick , chaque jour se montre plus digne de remplacer son maître; Antoni , qui a su tirer du baITon, infiniment sec & lugubre , les fons les plus moëlleux & les plus agréables ; mais son exécution sans plan est trop vague , son air de guinguette est ce qu'il a offert de plus caraétérifé.
Mlle. Dantzi entre les voix a reparu , elle est aujourd'hui Made. le Brun ; elle a lutté contre un haut - bois avec le plus grand succès. Le Sr. Amantini a une voix pareille en homme & n'a pas moins étonné ceux qui aiment ce genre de chant rapide , bruyant & mortelle.
6 Avril 1779. M. d'Alembert dans l'Eloge de Defiouchcs ayant avance que ce poëte avoit éré quelque tems comédien , sa, famille a réclamé contre une pareille anecdote & le panégyriste a été obligé de la désavouer par une lettre du 29 mars; ce qui prouve que les philosophes font sujets, comme d'autres, à adopter le faux, lorsqu'il donne lieu à des contraires piquans.
1\1. d'Alembert doit changer cette portion de la vie de son héros à la premiere édition qu'il fera de son livre.
7 Avril. L'Eloge de Voltaire , lu à Tacadémie royale des j'ciences & belles-lettres de Berlin , dans une affcmblée publique extraordinairement convoquée pour cet objet le 26 .Novernbre 1778 ,par Sa M. le R de P.
devient moins rare: Ce qu'il offre de plus extraordinaire, sans doute , c'est son auteur, c'est un monarque faisant le panégyrique d'un particulier : cependant le Roi de Prufife avoit déjà accordé cet honneur à la Mettrie , qui
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n'était pas un homme à comparer à celui dont il s'agit aujourd'hui.
Cet éloge-ci, comme littéraire, est le meilleur qui ait encore paru sur ce sujet ; les faits y font liés avec l'hiitorique des ouvrages , entremêlés d'anecdotes ; il suppose dans l'auteur une grande coni-oiffaiice de l'hinoire , il annonce une étude reflechie de notre langue ; il y a très-peu de taches , quelques expref.:fions néologues , quelques-unes peu nobles, quelques incorrections : voilà tout ce qu'on peut lui reprocher. La narration du reste est rapide , le style clair : la tirade sur les prêtres est le seul endroit qui doive déplaire dans ce pays-ci & mériter à cet imprimé la prufcription sévere dont on use. Les gens de lettres, les savans , les philosophes doivent une véritable reconnoissance au souverain éclairé qui fait les apprécier , & reconnoître de quelle utilité ils font, quel lustre ils répandent sur les Etats.
8 Avril 1779. M. Linguet , après avoir séjourné trois semaines dans cette capitale, est reparti & va reprendre son journal interrompu par son voyage. Il paroit que, sentant la difficulté de substituer un autre correfnondant à ïhonnête M. le Quesne , comme il l'appelle luimême, & pour éviter d'ailleurs le mauvais effet qui resulteroit dans le public d'un nouveau procès avec lui , il s'est arrangé & que leur querelle n'aura pas de fuites.
9 Avril. On a profité de ce tems de vacances pour chercher à ramener les mutins de l'opéra & l'on espere que tout fera pacifié pour la rentree) que les démissions & congés
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feront annuIles, qu'ils feront tous bonsamîs; & que le Sr. de Vifnies jouira enfin de l'autorité que S. M. lui a confiée.
10 Avril 1779. Les aCteurs de la comédie francoise se font assemblés mercredi dernier pour le repertoire de la semaine prochaine : ils se font déterminés en faveur du succès de la petite piece de M. de la Harpe, de lui faire l'ineftiraable honneur de jouer pour l'ouverture sa tragédie de Warwick , dans laquelle le nouvel aéteur, ci-devant Rofelli , aujourd'hui Grammont , remplira le rôle du perfonage principal.
Les pieces en ce moment à l'étude font une comédie en un aéte & en prose , intitulée le militaire françois : c'est la même de M. Rachon , qu'on a déjà annoncée fous un autre titre , & Agatocle, tragédie de Voltaire , qui n'a encore été ni représentée , ni imprimée : il l'avoit apportée avec Irène. On la dit inférieure & c'est par refpeàt pour la mémoire d'un des peres du théâtre françois que les comédiens ont consenti à la jouer.
Il n'est plus question de Medée & l'on croit qu'on a cherché à amuser M. Clément , afin d'avoir le tems de l'éconduire doucement pendant les trois semaines de vacance.
Les comédiens se proposent aussi de remettre incessamment trois anciennes tragédies, le Mahomet II, de la Noue; YIno & Alélicerte , de la Grange ; & la Rome Sauvée de Voltaire ; mais voilà bien du travail pour ces Mellieurs & ces Dames ; & l'on doute qu'ils exécutent ces belles résolutions.
Aucun des anciens auteurs ne s'est retiré
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cette année , mais on vient de recevoir quelques-uns de pensionnaires : on nomme parmi ceux-ci les sieurs Vanove & Florence. Le lieur Bellemont est chargé du compliment d'ouverture.
10 Avril 1779. On a parlé d'une lettre cirtulaire , écrite par le ministre de la Marine à toutes les chambres de commerce. Celle de la Rochelle , en réponse à cette lettre , en a adressé une à M. de Sartine , dont il a été très-mécontent ; il l'a mise fous les yeux du Roi & l'on croit que cette chambre pourroit bien être interdite.
11 Avril. On a annoncé les défenses du jeune comte de Solar , qui consistent jusqu'à présent : 1°. dans un Mémoire à conjulterpour le Sr. Bouvalet, avocat au parlement, tuteur du jeune comte de Solar , Jourd & muet, trouvé Jlir h chemin de Peronne le 1 août 177 J. Ce mémoire très-court n'a que 8 pages.
2°. Dans une lettre de M. Vabbé de VEpée, à M. Elie de Beaurnont. Elle est datée du premier février dernier & a 72 pages , petit caraétere. 30. Dans une Consultation , sans date , souscrite des trois jurisconsultes , Mrs.
Boudet, Aubry , Cadet de Saineville : elle a 34. pages. Ces trois pieces font très-propres à établir le fait , à en développer les preuves & à offrir aux leéteurs des lumieres pour se décider dans cette question aui ffépineufe qu'intéreITante.
12 Avril. Les changemens survenus à la comédie italienne au sujet de ce renouvellement d'année dramatique, font la retraite du Sr. la Ruette & celle de la Dlle. Defglands.
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Le premier avoit débuté à l'opéra comique en 1752 & suivi sa troupe lors de la réunion des deux fpettacles. Il a composé la musique de plusieurs pieces ; il avoit du talent pour certains rôles de charge , mais trop de monotonie ; sa voix étoit très - vilaine : il réparoit ce défaut par un certain goût , une grande vérité & une profonde connoissance de la note.
La Dlle. Gontier , les sieurs Dorionville & Rosiere ont été reçus. On paroit se disposer à remettre sérieusement à ce théâtre les anciennes pieces françoises. On y repette maintenant une nouveauté, quia pour titre la Rose d'Amour.
12 Avril 1779. Le sieur Bouvalet , dans son mémoire , demande 1°. si les preuves d'identité entre le mineur Joseph & le comte de SuJar, présentées par M. l'abbé de l'Epée , dans sa lettre , font suffisantes pour établir l'existence du jeune comte de Solar, & détruire en même tems la prétendue preuve résultante centre son existence de l'acte mortuaire qu'on lui oppose ? ,
2°. Si persistant dans la conduite qu'il a tenue jusqu'ici , il attendra l'événement de la procédure criminelle commencée à la requête du ministere public, ou s'il poursuivra en'ce moment l'audience sur la demande civile qu'il a formée.
M. l'abbé de l'Epée divise sa lettre en trois parties. Dans la premiere , il rend compte à Me. Elie de Beaumont de tout ce qui s'est paffé dans cette affaire. Dans la fécondé , il prouve l'identité du jeune Joseph avec le jeune Solar. La troisieme contient les réponses aux
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()bjeétions contre les dépositions des témoins qui ont été entendus.
Les jurisconsultes consultés, après la leéture de ces deux pieces, établissent d'abord la véritable question , qu'ils appellent une queflion d'exiflence & d'identité de per forme. Ils examinent ensuite , d'un côté, les témoignages produits par le jeune Solar pour autoriser sa réclamation , & d'un autre , les objeétions qu'on lui oppose.
lis en concluent 1° , que l'existence & l'identité du jeune Joseph avec le comte de Solar font justifiées & que le prétendu extrait mortuaire qu'on lui oppose , ne peut porter atteinte aux preuves qu'il produit : 2°. que si le réclamant poursuivoit actuellement l'audience, il auroit tout sujet d'espérer un jugement favorable ; mais ils estiment que le sieur Cazeaux ayant conclu expressement, dans sa cause pendante au parlement, à ce que le jeune Joseph fût envoyé à Toulouse à l'effet d'y subir différentes confrontations , le tuteur doit suspendre ses poursuites jusqu'après le jugement de cette eonteftation.
Dans ces trois pieces, aucun morceau d'éloquence , quelque susceptible qu'en foit la cause , mais partout une logique lumineuse , hérissée de preuves ferrée , pressante jusqu'à la conviétion.
12 Avril 1779. Le sieur l'Ecluse ayant été obligé d'abandonner son théâtre nouveau par sa banqueroute, ce font les deux freres Malter, de l'opéra , qui le remplacent dans cette propriété. Par leur arrangement avec lui , ils se font chargés 1°. d'acquitter ses dettes, dont
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l'état a été fixé ; 2°. de lui faire une penfiotï très-honnête ; enfin de lui donner une gratification par iculiere toutes les fois qu'on jouera une piece de lui intitulée le Postillon , dans laquelle il représente & excelle comme qéteur.
12 Avril 1779. On vient de traduire en prose françoise une ode italienne sur la mort de Voltaire ; elle a été inférée au journal de Paris N°. 100. Ce qui rend l'anecdote précieuse , c'est qu'on l'attribue à un pere Bertola. Il n'est pas peu lingulier de voir dans le pays du fanatisme , de la superstition , fous les yeux du tribunal inquisitorial , un moine répandre une piece à la gloire d'un poète , à qui le clergé de France11 a refusé la sépulture , & y louer à outrance un Prince hérétique, le Roi de Prusse.
Du reste , à en juger par cette foible copie , l'ode est très-lyrique , pleine de mouvement , d'élans & de sensibilité. Le parti philosophique ne manque pas de se prévaloir beaucoup de cette piece, & d'agréger parmi ses membres le cénobite ultramontain.
1 Avril. On fait combien les femmes ont besoin d'indulgence , aujourd'hui où les sociétés font pleines d'arrangemens particuliers & où il n'y a pas de mari qui n'ait au moins un coadjuteur. Ces jours-ci une prude cenfuroit le-dérèglement général, & blâmoit la facilité avec laquelle on s'y prête ; un poëte a fait sur le champ cette épigramme contre le prédi.
cateur en cornette.
La Tolérance.
Qu'en son faux zele une prude est amere} Damner le monde est un j saisir d'élus ;
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Mais le Sauveur à la femme adultere.
Dit sans courroux : „ allez , ne péchez plus. Telle est du cicl la sublime indulgence !
Il plaint l'erreur, il pardonne à l'offelife; Il n'arme point ni le fer ni le feu.
La pécheresse eut sa grace accordée : Mais qu'on suppose, à la place de Dieu, Prude, ou doreur, elle étoit lapidée.
13 Avril 1779. L'esprit de changement qui fait appeler depuis quelques années nos Ministres des marchandes. de modes , regne surtout aujourd'hui dans le département de la guerre , où l'on vient de rétablir huit régimens de Grenadiers Royaux ; ce qui fait une augmentation de dépense & d'états-majors à payer. Entre les nouveaux colonels on distingue M. Mesnil Durand , l'auteur d'une taélique nouvelle que le maréchal de Broglio a voulu mettre en œuvre au camp de Bayeux, mais qui n'a pas plu généralement. La faveur accordée à ce militaire sembleroit faire croire qu'on goûteroit ses principes & que l'ordre profond feroit préféré à l'ordre mince.
M. de Villepatour , qui plaisante sur tout, disoit, que cet ordre profond est bon à tout recevoir & à ne rien rendre. C'est par ce sarcasme en faire la plus cruelle critique.
14 Avril. Demain on doit donner sur le théâtre lyrique la premiere représentation de la Buona Figliola maritata, ou la bonne fille mariée, opéra bouffon en trois aétes de M.
Piecini, avec des divertissemens analogues à la nôce de la bonne fille. Il y aura des aéteurs
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nouveaux qui débuteront dans cette piece ; il Signor Poggy , dans le rôle du Colonel, & la Signora, sa femme , dans celui de la bonne file.
On attend à ce théâtre en outre pour nouveautés , le Devin de village, avec une musique nouvelle de Jean-Jacques Rousseau & l' Iphigé..
nie en Tauride du chevalier Gluck.
1 S Avril 1779. Dans l'assemblée publique de l'académie des sciences tenue hier , il n'y a eu de remarquable que l'Eloge de Linneus , par M. de Condorcet. Mais il ne faut point omettre deux anecdotes précieuses ; l'une est un mémoire sur l'aurore boréale de M. Franklin. M. le Roi qui en a fait leéture en présence de ce grand homme, a observé préalablement la singularité de voir le ministre d'une nouvelle république occupé des plus grands intérêts, trouvant encore le loisir de s'amuser à la physique. Ce mémoire clair , ftmple, méthodique , est écrit parfaitement bien en françois; il est vrai que l'académicien a prévenu que M. Franklin avoit consulté & pris les avis d'un fecond pour le style.
L'autre anecdote est relative à un mémoire assez curieux sur la population de Paris & du royaume depuis 1771, par le doéteur Morand; mémoire qui, ayant été commencé le dernier , n'a pu être achevé, au grand regret des auditeurs. Dans le cours de de qu'en a lu l'auteur,-- .il a cité parmi ses autorités l'abbé de Caveyrac. On fait que cet abbé est l'apologiste de la St. Barthelemi. A l'instant , plusieurs académiciens ont murmuré , qu'on osât le nom,mer dans une pareille assemblée , & se préva
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loir du suffrage d'un écrivain , l'objet de l'exécration nationale & de l'humanit é entiere ; M.
d'Alembert a élevé la voix plus hautement & a inculpé M. Amelot , le président , qui en cette qualité avoit dû avoir communication du mémoire & ne pas tolerer ce passage. Il en a résulté une telle rumeur , que M. Amelot a rompu la séance.
16 Avril 1779. L'enthousiasme des partisans de M. de Voltaire ne finit point; il n'est aucune occasion de l'exalter qu'ils laissent pader fous fiience. Un artiste en bronze, nommé Hauré , a exécuté dans ion attelier pour encadrement & ornement d'une pendule le couronnement de ce grand poëte à la comédie françoise. Il prétend qu'il étoit présent à cette fête & qu'il en fut si frappé qu'à son retour il jetta les premiers traits de son dessin. Voltaire y est représenté dans sa loge , à côté de madame Denis ; l'auteur a saisi le moment où le héros , attendri jusqu'aux larmes , & se courbant fous la couronne que Brizard lui pofoit sur la tête, s'écria avec une émotion prophétique; ils veulent donc me faire mourir Tous les détails , tels que les deùx colonnes sur lesquelles la loge est assise & figurant les deux mufes dramatiques , Thalie & lJfclpomene, font allégoriques & analogues à la scene qu'il s'agit de rendre , ou au principal perfonage.
M. Hauré est un sculpteur , élève de le jMoine.
f 16 Avril. Suivant une lettre de Poitiers du 9 de ce mois, on a découvert dans un village de cette province une mine d'argent & 4e plomb. On en a envoyé des échantillons à
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h. Paris pour en faire Feflai & l'on a demandé permifliort au gouvernement de l'exploiter , si l'on y reconnoit des avantages réels. On a déjà trouve en Poitou des mines de marbre , d'antimoine , de porphyre,, de charbon de terre & des ochres.
17 Avril 1779. Le compliment des comédiens italiens à leur rentrée , malgré la fadeur de cette cérémonie qui se répété tous les ans , a eu beaucoup de succès '& a paru acquérir un air d-e nouveauté par la tournure de l'auteur. C'est le sieur Anfeaume le soufleur , qui depuis plûsieurs années est en possessîon de" remplir cette tâche. Celui-ci étoit dialogue & chante, suivant l'urage le mieux reçu sur cette scene. Le fond consiste en bouquets que préparent de jeunes personnes ; leurs amoureux surviennent & les croient destinés pour eux; ils apprennent qu'ils font pour le public ; ce 1 qui amené des couplets de la part de cha-' cune , où il y a fous un air de nouveauté des poliçonneries assez adroites , qui ont pris le mieux du monde @ & reçu beaucoup d'applau.
[ difiement. ,y ■' :
17 Avril. Depuis que la Reine est réI tablie de ses couches & de sa rougeole , le: jouaillier de S. M. est venu lui faire sa cour: elle lui a demand é comment il menoit le.
commerce ? Il lui a répondu qu'il alloit fort * mal, depuis que S. M. ne portoit plus de àÍa-.; mans : elle l'a consolé , en lui disant qu'elle comptoit les reprendre & lui a commandé en conséquence une paire de girandoles d'ufi f million. h En effet, far h "fia de la rrciïWTë de' h
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Reine, une Dame présentée s'étant montrée chez elle avec beaucoup de diamans, la Reine lui demanda qu'est-ce qu'il y avoit de nouveau pour qu'elle fût ainsi parée comme une chiffe ? Les femmes de la cour jugerent que S. M. n'aimoit pas les diamans & s'y conforJnerent. Ils étoient passés de mode , & il n'y avoit plus guere que les filles & les bourgeoises qui en portaient. Mais ce genre de luxe va reprendre faveur , au moyen de cet auguite exemple, 18 Avril 1779. Comme le pbëme de la bonne fille mariée, jouée jeudi à l'opéra, eit du Sr.
Goldoni , on se flattoit qu'il feroit supérieur aux autres dont on s'est toujours plaint ; mais quoiqu'il y ait dans les détails quelques scenes d'un comique plus vrai que dans les autres pieces dans ce genre, déjà données , l'ensemble n'a pas plus d'intérêt & les incidens n'ont pas plus de vérité. Il paroit décidé que le poëte absolument subordonné au musicien , doit s'y sacrifier en entier. La musique a produit le plus grand effet sur les oreilles des amateurs. Les applaudissemens ont été très-vifs , on a même redemandé la finale du fécond acte. Les deux débutans, la Signora Clementina Poggy & il Signor Poggy , son frere , & non son mari, ont été accueillis très - favorablement & applaudis l'un & l'autre avec transport.
19 Avril. Me. Linguet annonce qu'il fait maintenant réimprimer toutes les pieces de fort incroyable affaire, c'est-à-dire, toutes les désenses qu'il a été obligé de publier dans le cems contre ce délire robinefque ( ce font ses termes. )
Il ajoute , qu'elles composeront un volume de
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la grosseur & du format de ceux de ses AnnaîeS & qu'il le fera distribuer gratuitement à ses souscripteurs , avec le portrait de l'auteur. On est dans l'attente de ce cadeau , dans la persuasion qu'il aura encore renforcé l'ouvrage d'injures nouvelles & d'anecdotes plus scandaleuses.
19 Avril 1779. Le Sr. Boncert si renommé fous M. Turgot, l'auteur de ce pamphlet sur les droits féodaux qui a causé tant de fczFiJde & une procédure violente contre son auteur au Parlement, dont l'autorité feule miniftériellea arrêté les fuites , se rend fameux aujourd'hui par une contestation d'un autre genre ; il s'est emparé de la confiance de M. le prince de Conti, & jette l'allarme , le trouble & la consternation parmi quatre cent pauvres familles, auxquelles il a enlevé un communal propre au séjour & à la pâture de leurs bestiaux.
Il s'agit d'un marais de plus de 760 arpens , qu'il veut dessécher & mettre en culture pour s'en appliquer les fruits , fous prétexte d'une.
concession de ce terrein faite à lui & conforts, comme faisant partie du domaine du comte de Chaumont, appartenant au prince de Conti.
Indépendamment des habitans de six viHages que concerne plus particulièrement cette grande contestation , elle, intéresse une foule de Seigneurs voisins, & presque toute la province.
19 Avril. La petite comédie de Y Amour français, en un acte & en prose , de M. Rochon de Chabannes, a parfaitement répondu à la bonne opinion que le public a de cet auteur , dont c'et f la sixieme piece jouée à ce théâtre sans aucun échec. Celle-ci a été fingu
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tiérement bien accueillie, fauf le dénouement y.
ce qu'il est aisé de changer. Elle est pleine de mœurs : il y regne une gaîté douce ; il y a plusieurs vers nouveaux & de caraétere : il faut attendre la fécondé représentation pour en mieux juger encore.
20 Avril 1779. La société royale de médecine vient de donner au public 1e, premier volume de ses mémoires : cette collection est précédée d'une histoire de la société par le fecrétaÍre Vicq d'llzyr. La faculté trouvant qu'il y avait des faits faux , altérés, omis , a cru y devoir fupptéer par une petite brochure intitulée : Précis hijiorique de Vétabliffeinent de la Société Royale de Médecine , de sa conduite, & de ce qui sreji fait à ce sujet dans la Faculté de Médecins de Paris.
Elle a en outre fait imprimer : Très-humbles très-refpeclueufcs représentations de la Faculté de Médecine en r Univerjîté de Paris all Koi , contre la Société Royale de ltlédccinc.
Quoique ces deux pamphlets n'aient pas une authenticité avouée par la Faculté même , on.
est cependant fondé à croire qu'ils font trèsexacts sur les faits & n'en feront pas désavoués.
On y trouve tout le fang froid , toute la fagesse, toute la modération qu'on a droit d'attendre d'un semblable corps.
21 Avril. Le gouvernement fonge sérieusement à tirer parti de la culture de la pomme de terre en France. Différens Intendans de province ont envoy é des hommes intelligens aux Invalides , pour suivre fous le Sr. Parmen.
tier, le nouvel auteur de la transformation de de ce farineux en pain , les divers détails de
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cette manipulation. Tout recemment encore il en a été fait une nouvelle expérience devant M. Bertin le ministre , M. le Directeur générai des finances, le Lieutenant général de police & autres grands seigneurs & divers magistrats.
Mais il paroît qu'on n'a pas été auHl content cette fois , que le pain ne s'est pas trouvé d'une aussi bonne & belle qualité , enfin on a'eU: pas d'accord sur le prix , qui feroit médiocre suivant le Sr. Parmentier, & tres-cher suivant ses critiques.
Cette manie a tellement ;)gné nos Intendans avides de nouveautés , ainsi que le ministere , que plusieurs , pour se mettre mieux au fait , font actuellement un cours de boulangerie.
22 Avril 1779. Xa morale de la petite piecc de M. Rochon de Chabannes, fous un air de frivolité est exquise, puisque son objet est d'apprendre aux jeunes gens combien l'attachement a une femme honnête est susceptible de les conduire à la gloire. Un jeune officier de dix-neuf ans est amoureux d'une veuve de vingt-deux , & pour se livrer plus facilement à sa paffiori obtient un congé ; elle lui fait des reproches de preférer son plaisir à son devoir, & su: la nouvelle de la guerre déclarée le détermine à partir sans avoir sa main ; alors bien fure de sa façon de penser , elle ne peut s'empêcher de lui témoigner tout ce qu'elle fent pour lui & consent à le prendre sur le champ pour époux.
Cette comédie , dont le dénouement plus long, n'étoit pas aussi bien amené la preniiere fois, a produit plus d'effet à la fécondé & au-
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roit encore mieux réussi si le défaut de mémoire des adeurs & surtout du Sr. Préville n'eût refroidi le spectateur.
Le style en est naturel, vif & agréable; il y Il a des morceaux de détail piquans : celui concernant le Marquis de la Fayette a été parfaitement senti & applaudi ; on cite quantité de vers de cet ouvrage qui feront proverbe.
23 Avril 1779. On a remis mardi le Devin de village avec une nouvelle musique , qui ne"' consiste cependant que dans quelques ariettes refaites par l'auteur. Le public n'a pas été content de ces changemens. On a même sifflé en - quelques endroits. En général, les ouvrages de.
génie ne peuvent se remanier sans en souffrir, parce qu ; 'fondus d'un seul jet , les imperfections même y tiennent aux^ beautés & qu'bn ne peut toucher aux unes sans, affoiblir les autres.
2? Avril. M. l'avocat général d'Agucffeau a porté la parole mardi dans l'affaire de l'enfant sourd & muet cru comte de Solar. La séance a duré jusqu'à cinq heures & demie , avec une affluence de monde prodigieuse & de femmes surtout.
Ordonné provisoirement que Cazeaux fera élargi , à la charge de se représenter toutes & quantes fois qu'il en fera requis; défenses il lui de se rendre à Toulouse & autres endroits dénommés , avant que l'enfant accompagné de son interprête y ait été pour subir les examens, interrogatoires & confrontations prescrites.
Ordonné que deux conseillers au Châtelet iront sur les lieux , comme commissaires , presider à ces vérifications^, & que S. M. fera fup-
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pliie d'expédier toutes lettres-patentes nécessàîres à ce sujet.
23 Avril 1779. La Faculté, dans ses représentations très-bien faites, commence par protester qu'elle né réclame point directement contre une commission de médecine , livrée d'une maniéré [péciale à l'étude, au traitement des maladies épidémiques & épizootîques, & prête à se cranfporter sur les ordres des minis.
tres dans les provinces où sa présence fera jugée nécessaire. Elle ne réclame point contre l'attribution que S. M. jugera à propos de faire de l'infpeétion des eaux minérales , ainû que d'accorder des brevets aux possesseurs uniques des remedes jugés efficaces ; elle s'en rapporte sur cet objet aux respectueuses remontrances qu'elle a faites en 1770 , sur les abus infinis réfuîtans de ces brevets.
Les occupations attribuées à la fooiétc, la quantité des membres dont elle est comporée, la reftrktiûii des fondions des Facultés de médecine prononcées par les lettres-patentes, lui înspirent les plus justes allarmes , & ne laissent entrevoir que le renversement de l'ordre établi par tous les prédécesseurs de S. M., la deftruétion d'un corps légal existant avec gloire depuis six cent ans, & la dégradation des médecins : tels font les objets sur lesquels la Faculté porte ses gémissemens & ses réclamations au pied du trône.
24 Avril. Les comédiens Italiens doivent donner aujourd'hui une piece , d'abord intitulée Raft d'amour, & aujourd'hui Rose & Carloman. Elle est en trois actes & en vers , m les d'ariettes & en style gaulois. Le poème est
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d'un M. Dubreuil & la musique d'un M. Cambini. Le sujet est imité d'un fabliau inféré dans le conte de Sargines, des Epreuves du gentiment de M. d'Arnaud. L'auteur a cru donner plus de mérite à l'ouvrage , en y conservant le style naïf de nos ancêtres ; mais on doute que cela puiflfe palIer.
25 Avril 1779. M. le Duc de Chartres, colonel général des troupes légeres, que lesperfifleurs qualifient de Colonel général des têtes légeres , doit faire incessamment la revue de ses quatre régimens. Quel changement depuis un an ! On ne peut revenir de voir ce Prince se laisser dégrader à ce point , & le peu de foin qu'il a lui-même de sa propre réputation, force ses pai tifans à l'abandonner & à croire vrai tout le mal qu'on en a dit.
2ç Avril. M. Goldoni, très-fâché qu'on lui attribue le poëme de la bonne fille mariée, a - écrit>uh £ lettre inférée au Journal de Paris n°. 113 , pour dissuader le public. Il convient avoir fait la buona figlivola , son début en opéra-comiques à la cour de Parme, où il avoit été appelé. Il dit qu'il avoit tiré cette pièce de sa Pamela , comédie en cinq adles , qui avoit eu en Italie le plus grand succès. Le Sr. Duni fit la musique & le tout réussit à merveille, ce qui lui valût le titre & la pension dont le Duc voulut bien l'honorer.
Depuis , M. Piccini fit une autre musique sur le drame imprimé: pendant ce teins il avoît donné à Venise la fuite de Pamela , fous le titre de Pamela mariée: mais à laquelle M. Goldoni n'a eu aucune part.
24 Avril. La Faculté de médecine , dans
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ses rtpréfentations , observe que le Sr. Hcrouard , premier médecin de Louis XIII, avant surpris des lettres-patentes qui lui attribuoient la surintendance de la médecine dans la capitale & le royaume , ces lettres-patentes furent rejettées par arrêt du conseil en 1711 sur les représentations de la Faculté.
Le Sr. Daguin, premier médecin de Louis XIV, ayant aussi obtenu l'établissement d'une chambre de médecine, composée de médecins étrangers à la Faculté de Paris, cette chambre fut supprimée. Huit ans après il fit revivre cette association fous le titre de chambre royale de médecine , espece d'académie , supprimée encore par une déclaration enrégistrée au Parlement.
Le Sr. Chirac, premier médecin de Louis XV , avoit formé un projet d'académie de médecine expérimentale & pratique , qui ne differoit que par le nom de la nouvelle société ; 3a Faculté de médecine & l'Universite avoicnt supplié le cardinal de Fleuri d'entendre c. de permettre de porter au pied du trône ïeiîrçrefpectueufes doléances ; la mort du Sr. Chirac plongea le projet dans l'oubli.
Les mêmes causes qui ont fait fupprirner ces établissemens, tant de fois renouvellés & reproduits fous différentes formes, doivent empêcher celui de la Société royale , qui ne cause pas moins de troubles & de disTensions ; si constitution, telle qu'elle est annoncée , ne peut que porter le coup le plus funeste, nonseulement à la Faculté de Paris , mais en général à la médecine dans tout le royaume.
La Faculté, au nombre de içc membres,
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supplie en conséquence S- M. de ne pas souffrir que la Société royale la dépouille de la portion la plus.-honorable de ses droits, de ses fonctions & la menace d'un avilissement funeste à l'art lui-même.
27 Avril 1779. Tout le monde connoît l'affection de la Reine pour Madame Jules de Polignac ; on fait que. c'est d'elle que S. M. a gagné la rougeole , au moyen de quoi elles ne s'étoient pas vues depuis longtems. Madame Jules a écrit ces jours-ci à la Reine, de Clayes, où elle passoit la convalescence, qu'elle auroit l'honneur d'aller lui faire sa cour à Marli lundi, le lendemain de son arrivée ; S. M. lui a répondu : sans doute, la plus empressée de nous embrasser, c'ejî moi, puisque j'irai dès dimanche diner avec vous a Paris.
En effet, dimanche à une heure la Reine s'est rendue rue de Bourbon chez sa favorite, y a diné tête à tête avec elle , & est restée enfermée jusqu'à cinq heures qu'elle est repartie.
Madame la Princesse de Chimay, Dame d'honneur de S. M., qui l'avoit accompagnée , n'a pas même assisté à l'entrevue , & après avoir pris ses ordres pour le départ , a dû se retirer.
Pendant ce tems-là M. Jules de Polignac a traité la fuite de la Reine & les courtisans ; il avoit trois tables. Tout Paris , instruit de l'arrivée de S. M. chez Madame Jules , a inondé la tue pour attendre le moment de son départ. 1 On forme mille conjectures sur ce tête à tête & sur les augustes secrets que la Souveraine y a déposés dans le fein de l'amitié.
28 Avril. M. d'Alembert., qui depuis «juji! est secrétaire de l'Asr.démie, a cru se re-
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conn-oître le talent de l'éloge , a totalement
adopté ce genre : il vient de faire celui de milord Maréchal, cet illustre Ecossois, viérime de son zele pour la mailon de Stuart & de sa haine pour la tyrannie. La vie de ce Seigneur, à la fois guerrier , politique , philosophe , est une des plus curieuses qu'un écrivain puisse faire , & l'auteur l'a rendu extrêmement intereiïante , en rassemblant les principaux traits qui pouvoient y contribuer. On y trouve le défaut commun à presque tous les éloges conipofés par M. d'Alembert , de courir trop après l'esprit & de ramaflfer sans choix des plaiCnteries qui ne font pas toujours bien nobles : mais il y a quantité d'endroits remplis de sensibilite & d'onêtion.
On 'fait que milord Maréchal pvoit été appelé par le Roi de Prusse auprès de lui & étoit frere du Maréchal de Keith, général célebre peri au service de ce Prince ; il est lui-même nort à Berlin, plus que nonagénaire. Il paroît flu.e le desir de plaire au Roi de Prusse & de iatisfaire au devoir de l'amitié ont déterminé M. d'Alembert à entreprendre l'ouvrage en 'GlJdtion. On trouve que profitant des augustes wf pices fous lesquels il les produirait, il a été beaucoup plus hardi que de coutume, tant contre h religion, que contre les Souverains: al parle & s'égaye très-librement sur ces deux objets, & cette fois perd de vue la fage maxime dui ordonne d'y être bien réservé. Au reste , le pamphlet est imprimé à Berlin & l'Académicien n'y a pas mis son nom.
M. d'Alembert , dans le récit de la vie de feu héros, ne pou voit guère se dtfpenfer de
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rendre compte de quelques faits relatifs à RouJJeau de Genèi)e ; il prétend qu'il a eu des torts envers milord. Maréchal; que celui-ci a eu la géncroficc de dissimuler ; il laiiïe percer à cette occasion son propre ressentiment envers cephilofophe , &, sans le dénigrer ouvertement, comme M. Diderot, cherche à atténuer ce que ce véridique person-age auroit pu dire de lui dans ses Confessions ou fifémoires. Il y a à parier par ces insinuations , que cet ancien ami du Genevois craint de n'y être pas ménagé.
Cet éloge , au surplus, est encore moins celui de milord Maréchal que du Roi de Prusse : ce Monarque y est représenté non-seulement comme un héros , comme un roi, comme un philosophe , mais comme le proteéteur le plus aimable , l'ami le plus généreux , le cœur le plus sensible, en un mot, comme joignant aux qualités les plus sublimes du trône, toutes celles de l'homme privé.
28 Avril 1779. Les comédiens Italiens avoient fait beaucoup de dépense pour la Rqfe d'amour; ii y a de charmantes décorations , de beaux habits & tout le costume de l'ancienne chevalerie y est observé. Mais tant de préparatifs deviennent inutiles & l'attente du fpeétateur s'y trouve désagréablement trompée , au point qu'on a dit que c'étoit un poisson d'Avril pour le public. Cela n'a pas reuill.
29 Avril. L'aréopage comique vante beaucoup une piece qu'il a dernièrement écoutée & reue avec transport ; l'acquisition est d'autant plus importante, que C'est une comédie en cinq aéles & en vers de la composition de M. Fontaine Malherbe. Elle a pour titre les il/ujîons
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du jeune âge, ou le jeune homme détrompé.
Ce nouveau débutant dans la carriere comique est un des coopérateurs de la traduction qu'on fait aétuellement de Shakespear.
Les Sieurs Courville & Dorival ont aussi été reçus au nombre des comédiens du Roi à cette rentrée de Pâques.
50 Avril 1779. M. Tronçon du Coudray, qui a brillé au barreau dans l'affaire de l'enfant sourd & muet, où il plaidoit contre le comte de Solar prétendu , a sa fortune & sa réputation faite par cette feule cause ; il ne peut suffire aux cliens qui se présentent en foule. Les circonstances de fonheureufe deftinéefont singulieres.
Il étoit marchand devina Rheims; il eut un procès contre un particulier , où il se défendit lui-même; on trouva qu'il avoir un talent marqué, on l'invita à suivre le barreau & à venir à Paris, où la ville , sa patrie , lui fait 1200 liv.
de pension.
Il est parent du fameux Tronçon du Coudray, mort chez lesinfurgens, officier d'artillerie , trèsdistingué & qui a même écrit sur sa partie & dans l'affaire de M. de Bellegarde contre le marquis de St. Auban.
30 Avril. Mémoires sur les finances de la France & leur adminifiration par M. Necker.
Tel est le titre d'un pamphlet qui se débite dep:.:i peu fous le mantçau j il ne se vend point & ne se donne qu'aux gens de confiance. Suivant l'avertissement de l'auteur , daté de Patris le 28 oétobre 1778 , ce mémoire a été composé dans le tems que l'administrateur général des finances, par son opération contre les trésoriers, annonqa la forme qu'il vouloit prendre, pour êtendre
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avec éclat par les changemens le pouvoir qu'il alloit avoir sur tous les départcmens ; il vouloit le communiquer feulement aux Ministres , mais l'ensemble des circonstances le détermina bientôt à rendre publiques ses idées, sur l'extrême danger pour la France, de confier ses finances à M. Necker. C'est là l'objet entier, le seul but de fou écrit.
y i Mai 1779. La piece la plus curieuse du précis historique de la faculté , c'est le decret du 22 juin 1778, rendu en latin, & dont voici la traduction.
,, La faculté de médecine aarrète, d'une voix „ unanime; que ceux de ses membres qui le „ font aussi d'une nouvelle commission de mé5, decine établie pour tenir une correspondance ,, avec les médecins régnicoles & étrangers sur ,,' les maladies épidémiques & épizootiques, ,, feront avertis qu'ils se font dénoncés eux,, mêmes comme ayant pris des titres qui ne ,, leur ont jamais été donnés & faisant des „ fonétionsqui ne leur font point attribuées & „ contraires aux droits de la faculté : que, mal5, gré la connoissance certaine qu'ils ont de la „ juste & indispensable réclamation de la fa„ culte, leur mere , contre leurs entreprises, , „ ils osent annoncer qu'ils vont tenir une séance ,, publique , dans laquelle ils s'occuperont d'ob,, jets de médecine , & pour laquelle ils à1t: ,, trïbuôftt des billets ; & qu'en conséquence ils „ feront privés des droits, privilèges & honneurs „ académiques, si, fousfept jours, fideles en„ fin à leur ferment, ils ne se rendent à la voix ,, de la faculté, & ne renoncent à une com„ million clui , feufTement & injustement se
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,, qualifie de société royale de médecine, & s'ils „ ne certifient au Doyen qu'ils font rentrés dans ,, leur devoir avant les sept jours révolus, „ c'est-à-dire , avant le 30 du présent mois de „ juin"
C'est ce décret qui a fait tant de bruit alors, qui a fait accuser la faculté d'avoir attenté à l'autorité du Roi, en le rendant , & provoqué contr'elle les anathêmes du gouvernement, comme si elle eût été vraiment criminelle.
1 Mai 1779. M. de Saint George est un mulâtre , c'est-à-dire fils d'une négrelle : c'est un homme doué d'une foule de dons de la nature : il est très - adroit à tous les exercices du corps, il tire de armes d'une façon supérieure, il joue du violon de même , il est en outre un trèsvaleureux champion en amour & recherché de toutes les femmes instruite-s de son talent merveilleux , malgré la laideur de sa figure. Comme un grand amateur de musique , il a été admis à en faire avec la Reine; Madame de Montesson voulant se l'attacher pour ses Spectacles, a fait créer par M. le duc d'Orléans une place pour lui dans ses chasses, avec toutes fortes d'agrémens & beaucoup d'utiles.
Dernièrement, dans la nuit, il a été assailli par six hommes, il étoit avec un de ses amis, ils se font défendus de leur mieux contre des bâtons dont les quidams vouloient les assommer; on parle même d'un coup de pistolet qui a été entendu: le guet est survenu & a prévenu les fuites de cet assassinat; de forte que M. de Saint George en est quitte pour des contusions & blessures légères, il se montre même déjà dans le monde. Plusieurs des assassins ont été arrêtés.
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M. le duc d'Orléans a écrit à M. le Noir, dès qu'il a été instruit du fait , pour lui recommander les recherches les plus exactes, & qu'il fût fait une justice éclatante des coupables. Au bout de 24 heures M. le duc d'Orléans a été invité de ne pas se mêler de cette affaire là , & les prisonniers, qui ont été reconnus pour des gens de la police , parmi lesquels étoit un nommé Desbrugnieres, si renommé dans l'affaire du comte deMorangiès, ont été élargis , ce qui donne lieu à mille conjectures. 1 2 Mai 1779. Le petit fpeftacle du bois de Boulogne, dont on a parlé l'année derniere , continue : il s'est ouvert hier par un drame nouveau , intitulé le Puits d'Amour, ou les Amours de Pierre le Long & de Blanche Bazu.
2 Mai. Sur le décret de la faculté intervint l'arrêt du conseil du 26 juin , non moins curieux & non moins' ignoré jusqu'à présent, puisque le Sr. Vicq d'Azir ne fait que le citer dans son histoire de la société, sans le rapporter dans sa teneur , que voici : Le Roi ayant, par un arrêt rendu en son conseil le 29 avril 1776, établi une société de çorrespondance de médecins , pour s'occuper principalement de l'étude des épidémies & épizooties, se ménager des correspondances avec les meilleurs médecins des provinces & même des pays étrangers, recueillir & comparer leurs observations , les rassembler en un corps & réunir toutes les notions qui peuvent être- utiles , pour prévenir ou arrêter les ravages que les maladies contagieuses font parmi les hommes & les bestiaux ; & S. M. étant informée que les faccès de cet etablissement paroissent exiger »
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qu'il fût plus particulièrement autorisé , & que même l'on étendît l'objet de ses travaux , il auroit été dresse en conséquence un projet de lettres-patentes qui a été communiqué à la faculté de médecine ; mais que la faculté, au lieu de délibérer sur ce projet, auroit, dans une assemblée tenue le 23 du présent mois & convoquée feulement quelques heures auparavant , rendu un décret , portant que les membres de la société de correspondance , établie par l'arrêt susdit, feront dépouillés de tous leurs droits , privilèges & honneurs, si dans sept jours ils ne renoncent à ladite société, & n'en certifient le doyen avant le mardi trente du présent mois; & S. M. considérant qu'un pareil décret est tout à la fois une atteinte à l'arrêt qui a établi ladite société , une injure pour les membres qui la composent , & une entreprise d'autant plus indécente & inexcusable , que la faculté , par la communication qu'on a bien voulu lui donner du projet des lettres-patentes concernant cet établissement, se trouve à portée de faire telle observation qu'elle croira convenable.
Le Roi étant en son conseil, a ordonné & ordonne que la faculté de médecine fera tenue de donner incessamment ses observations sur le projet des lettres-patentes concernant la société royale de médecine, dans une assemblée qui fera convoquée au moins deux jours d'avance , à laquelle feront invités tous les membres de la faculté, & même ceux qui font membres de ladite société. Entend S. M. que ladite assemblée foit tenue avec la décence & la tranquillité convenables, sans confusion ni tumulte, & que
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ses observations relatives audit projet dont on y conviendra, soient incessamment adressées à M. le Garde des sceaux ; & S. M. a caffé & annullé ledit décret, fait défenses à la faculté d'y donner aucune fuite, & d'en rendre à l'avenir de semblables.
Comme aussi, jusqu'à ce qu'il ait été statué par S. M. définitivement sur le projet de ses lettrespatentes & les observations de la faculté , lui fait défense de prendre aucune délibération ni conclu/ion, & faire directement ni indirectement aucune démarche ni acte de procédure tendans à troubler, suspendre ou empêcher les assemblées publiques ou particulières de ladite societe, à peine de désobéissance.
Ordonne S. M. que le présent arrêt fera signifié de son ordre exprès au doyen de la faculté, & qu'en sa présence l'huissier qui fera ladite signification , rayera & biffera du registre des délibérations ledit décret ; ce dont il dressera procès-verbal.
Enjoint S. M. audit doyen de se conformer ati présent arrêt & de tenir la main à son exécution , à peine d'être perfonellement respon.
fable des contraventions qui pourroient être commises, &c.
3 Mai 1779. lnfiruélion du procès entre les premiers fui et s de Vacadémie royale de mujlqiie & dedanfe.
Et le Sr. de Vismes, entrepreneur, jadis public; aujourd'hui clandejïin, &? directeur de ce fpeflacle.
Par-devant la Tournelle du public.
Extrait de quelques papiers qui ri ont pas cours en France.
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Tel est le titre de cette facétie, dont il annonce allez le sujet. Elle fait une grande sensation parmi les amateurs & partisans du théâtre lyrique, quoiqu'elle ne foit pas à beaucoup près aussi plaisante qu'elle pourroit l'être.
4 Mai 17 79.La piece intitulée lePuits d'amour ou les amours de Pierre le long si' de Blanche Bazu , drame nouveau en langue romance est imitée du roman de M. de Sauvigny : l'auteur est M. Landris. Elle a été exécutée par les petits comédiens du bois de Bologne, le premier mai, & fort goûtée, dit-on, ainsi que la musique, du Sr. Philidor. Mais comme ce font desenfans qui jouent, que ce spectacle est une espece de fpettacle de société , il faut être en garde contre ces applaudissemens outrés.
ç Mai. Il y a de bonnes choses dans le Mémoire sur les finances de la France annoncé ; mais l'auteur n'ayant ni méthode, ni clarté, il est fatiguant à lire, ne peut être entendu que des gens tres-instruits de cette partie : d'ailleurs., nuls faits, nulles anecdotes, nuls détails piquans pour les leéteurs, & un style lec & peu agréable conséquemment.
6 Alai. Aux inculpations grâves de l'arrêt du conseil du 26 juin la faculté répond.
1°. Que l'on a trompé le ministere , en lui faisant donner dans cet arrêt la qualité de Société de correspondance de Médecine, non énoncée dans celui de création, & qu'on a affetté; foit de ne pas le présenter en sollicitant celui-ci, foit de le falsifier pour inculper la faculté de s'opposer à un établissement fait par le Roi , lorsqu'elle reprochoit, au contraire , à ses insti.
tuteurs de le changer, de le dénaturer.
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2". Que lorsqu'elle a rendu son décret , elle n'avoit aucune connoissance du projet des lettres-patentes , sur lequel elle ne pou voit conséquemment délibérer.
3°. Que par fan décret elle n'enjoignoit pas à ses membres de renoncer à la commiiïion établie par l'arrêt du 29 avril 1776 , mais à une assemblée se qualifiant faussement de focicté royale de médecine, &faifant des fondions qui ne lui avoient pas été attribuées.
4°. Qu'il n'y avoit point de société royale de médecine établie légalement ; donc le décret ne porte point atteinte aux volontés du Roi.
ç'. Que la Faculté par cette correction ufoit de la discipline qu'elle a sur ses membres ; que les coupables pouvoient se pourvoir au paiement, suivant leur droit, si le décret étoitr injufie.
6°. Que les menaces de l'Arrêt lui ôteroient cette discipline, que le parlement a reconnue & confirmée par une foule d'arrêts.
Telles font les principales observations , par où l'historien fait voir que cet arrêt obreptice & subreptice tendroit à la violation de tous les droits, loix & privilèges, & enfin à la subversion totale de la Faculté.
7 Mai 1779. La facétie sur la querelle de l'opéra contient d'abord une lettre des premiers Jujets de Vacadémie royale de musique & de danje , à M. Duval, premier commis au café du caveau , département des glaces.
Ce caveau est un lieu renommé pour les jeunes auteurs , qui s'y rassemblent tous les soirs; il est dans le palais royal : ce qui le rend très-fréquenté, surtout dans la belle faison. Ce
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Duval est le premier garçon du caffé , qui à force d'entendre parler de belles - lettres, croit être littérateur lui-même. On le prie par la lettre de vouloir bien faire part de la requête des sujets révoltés au public afferoblé dans cet aréopage.
Suit la très-humble requête des premiers sujets de Vacadémie royale de mujique & de danse A Mcjfîeurs les amateurs, politiques y littérateurs, critiques £ # dégujlateurs du caveau. Elle tend à revenir contre le jugement porté avec trop de précipitation en faveur du Sr. de Vismes , & l'on y appelle du public mal informe au public mieux informé. Elle est signée des sieurs l'Arrivée , le Gros , Geslin , Vestris , Gardel, d'Auberval, Noverre , acteurs & danseurs , & des demoiselles le Vasseur, Dllplan, Beaumesnil , Durancy , Guimard, Heine!, Allard, Peflin , aétrices & danseuses.
La requête est admise : le quinze mars commencent les séances ; on entend les parties , & le dix-neuf intervient arrêt qui condamne le sieur de Vismes à quitter Tadminiflration de l'opéra.
Quoique ce pamphlet peu piquant ne contienne rien de bien méchant, le Sr. de Vismes s'en est trouvé fort offensé & M. Amelot a fait faire des recherches exaétes & sévéres.
8 A/ai 1779. En attendant que le monument que M. l'abbé Mignot fait ériger à son oncle I dans son abbaye de Scellieres puilTe fournir matiere à la gravure de s'exercer , on a imaginé une estampe allégorique relative à cet objet.
.On voit au milieu un tombeau finrple, où l'on suppose que les cendres de Voltaire font ren-
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fermées. Les quatre parties du monde déri.
gnées , Y Europe par M. cf Alembert ,• l'Afie par l'Impératrice de Russie, Y Afrique par un certain prince negre , nommé Orenoko ; enfin Y Amérique par le doéteur Franklin; tous dans le costume de leur nation grouppés ensemble , viennent rendre hommage à ce grand homme, pleurer sur son tombeau & y déposer des palmes : le Secrétaire de l'académie assez ridiculement ouvre la marche , en donnant la main à l'Impératrice des Russies : mais à la droite du tombeau , s'élance l'Ignorance , avec tous les attributs de l'Envie , du Fanatisme & la Superstition , & semble s'y opposer & les repousser.
Dans le lointain on voit le tombeau élevé dans Y Eh/ft'e, ou Y hic des Peupliers, à Ermenonville, par M. le Marquis de Girardin à Rousseau.
Cette idée , de rassembler fous le même point de vue deux hommes si différens & cependant également persécutés , auroit été fort heureuse , si on l'eût mieux exécutée. On a déjà vu qu'une partie de la composition étoit pitoyable , l'autre est obscure & ne désigne pas assez les efforts du clergé & sa rage effrénée contre les mânes du chef de la philosophie moderne. C'est, sans doute, ce qui a empêché d'en défendre la vente jusqu'à présent.
9 Mai 1779. C'est mardi prochain qu'a lieu la premiere représentation d'Iphigcnie en Tauride, tragédie lyrique en quatre aétes, paroles de M. Gaillard, musique du chevalier Gluck. On dit Le troisieme adte de la plus grande beauté : le compositeur , en homme de génie tirant parti
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de tout pour produire d'heureures innovations., cette fois-ci a employa des sonnettes en certains endroits.
10 Mai 1779. Une autre piece intégrante de la querelle entre la Faculté & la Société de médecine , est la requête suivante , présentée au parlement le 23 juin : sa briéveté permet de la rapporter.
„ Supplient humblement les Doyen & Docteurs Régens de la Faculté de médecine en.
Puniverfité de Paris , disant qu'ils viennent d'être instruits , par des billets d'invitation imprimés & distribués , qu'une foi - disante Société royale de médecine doit tenir le 30 du présent de juin une séance publique dans la salle du college royal de France : qu'il n'existe d'autre Société royale de médecine dans cette capitale que la Faculté de médecine , lune des quatre Facultés de l'Université ; qu'il n'existe aucune loi qui ait supprimé la Faculté , y ait substitué une assemblée quelconque de médecine ; qu'une telle entreprise est évidemment contraire aux Joix qui ont établi la Faculté de médecine , & aux droits dont elle jouit fous l'autorité de la cour. Ce confidéré : Nosseigneurs , il vous plaise faire défenses à aucun Médecin , foit membre de la Faculté , foit autre , de faire & tenir des assemblées publiques , ailleurs que dans le lieu où se tiennent les assemblées de la Faculté , & conformément à ses loix & usages , & de se dire Société royale de médecine , n'y ayant aucun titre d'un semblable établissement C'est ce qui détermina le Procureur-général à défendre d'office la séançe publique qui de-
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voit avoir lieu en juin & ne se tint que le 20 octobre suivant.
10 Mai 1779. L'affaire de la loge des neuf fœurs est toujours en train, sans avancer beaucoup ; cependant on attend incessamment un mémoire , dont est chargé le frere la Dixmerie.
Il a été agité dans une délibération s'il feroit ostensible aux profanes : on est convenu que le délit prétendu ayant été commis dans une fête publique , tout Paris étant imbu de ce procès, il falloit désabuser tout Paris & conséquemment le composer de façon à pouvoir être lu de tout le monde. M. de la Lande , le vénérable, liomme pusillanime & craintif , n'a pas voulu adhérer à cette délibération ; il s'en est retiré & fait schisme.
11 Mai. Le jeune Fréron marche sur les traces de son pere , en se tenant fermement attaché au parti des dévots ; il avoit fait un extrait des Atlalltides, ou hifioire de Tagronomie ancienne , nouvel ouvrage de M.Bailly, de l'académie royale des sciences. Il y avoit attaqué un systême de cet écrivain , tendant à détruire la Genese par ses conséquences, & son zèle s'étoit porté jusqu'à s'enflammer contre l'auteur. L'astronome se pique d'être fort religieux , il a porté ses plaintes à M. le Garde des sceaux d'une inculpation aussi grâVe : le chef de la justice, indisposé déjà contre le journaliste , l'a mandé & menacé de [upprimer fesfeuilles, s'il ne se rétraétoit.
L'extrait étoit d'un abbé Royou , le frere de sa belle-mere, écrivain fougueux , très-lie avec M. Linguet : l'abbé a autorisé Fréron à rejetter la faute sur lui. Le Garde des fce; u: n'en
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n'en a pas moins persisté dans son jugement & it même prescrit les paroles de sa rétractation, diclees par M. Bailly , où il y avoit en propres termes que le journaliste avouoit sa sottise. M.
Royou n'a point voulu accéder à cette phrase : cela a fait la imtiere de négociations , où font intervenus les plus grâves perfonages , & enfin par arrangement il a été dit que le journaliste conviendroit avoir eu tort d'interpréter les intentions de M. Bailly. Ce qu'il a fait dans la derniere feuille , mais il s'en répent déjà & rougit de sa pusillanimité.
Le singulier c'est que M. Bailly se trouve par-là , malgré lui, agrégé à la Cede des encyclopédifies, dont il s'éloignoit.
12 Mai 1779. Iphigénie en Tauride n'a point eu lieu mardi par l'indisposition de Mlle. Rosalie ; on avoit proposé une doublure, mais le chevalier Gluck s'y est opposé : il a fallu envoyer un courier à la Reine, qui devoit honorer le spectacle de sa présence.
13 Mai. Les ennemis de M. de Sartine recueillent avec foin toutes les petites anecdotes qui peuvent jetter du ridicule ou du discrédit sur son administration ; ils racontent que le comte d'Orvilliers étant chez ce Ministre à conférer des opérations avec d'autres gens du métier , il fit venir une carte, que M. de Sartine préoccupé de la multitude des grandes affaires qu'il a en tête se trompoit & mettoit le doigt sur Gibraltar, comptant montrer Ports.
niouth ; que M. d'Orvilliers n'osant lui faire voir ouvertement sa méprise , & voulant cependant que les autres ne s'en apperquffent pas, en semblant pointer la earte avec lui, lui avoit
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«droitenient conduit la main au vrai Portr.
mouth ¡ & alors avoit appuyé avec M. de Sartine : , voilà Portflnolltlz.
13 Mai 1779. On a déjà parlé plusieurs fois de ljfmpertinence du Sr. Dugazon : on peut se refBuvenir de son aventure vis- à - vis de M.
Caze, maître des requêtes : l'impunité l'a enhardi & il vient de se faire une querelle moins pl aifante & qui devroit avoir des fuites trèsserieuses pour lui. Sa femme en est encore l'objet. Dans sa jalousie il lui a écrit une lettre, où il lui rappelle ses déportemens, & après lui avoir fait une longue énumeration de ses infidélités , il lui reproche d'en être venue jusqu'à se livrer à un Langeac. Madame Dugazon a jnontré le doux billet à son amant. Celui-ci outré, étant chez un nommé la Salle , directeur du WauxhaU d'hiver, où il y avoit beaucoup de monde, a parlé de cette lettre & a die .qu'il donneroit des coups de bâton au Sr. Dugazon. Il est entré dans ce moment & allant au Marquis l'a prié de lui apprendre quel jour il se proposoit de lui donner des coups de bâton , afin de se mettre en état de les lui rendre. A quoi l'autre a riposté par un soufflet.
Le comédien nerveux s'est jetté sur lui & lui en a appliqué deux ou tro's : on les a séparés, & l'on dit que M. de Langsac mettra ces fouffiets avec les coups de pied & coups de poing que lui a déjà donné s Guerin p chirurgien du prince de Conti. En effet, on prétend que M. de Langeac , chevalier de Saint-Louis & ayant le brevet de colonel, ne peut se mesurer avec un histrion.
14 Mai. Les partisans de M. de Voltaire
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ne perdent point de vue sa gloire & cher* chent tous les moyens de réparer par de nouveaux triomphes l'insulte que les prêtres lui ont faite. En conséquence on se propose de célébrer l'anniversaire de sa mort, en donnant au théâtre son Agathocle. Les comédiens ont écrit une lettre circulaire aux auteurs qui ont des pieces sur le répertoire , pour les engager à ne point trouver mauvais qu'on les recule & qu'on satisfasse l'empressement de madame Denis.
14 Mai 1779. L'Amour François jouït enfin du plus grand succes. Le marquis de la Fayette est venu remercier M. Rochon de la tirade à sa gloire ; c'est la premiere fois qu'un vivant se trouve loué en comédie. Le duc de Chartres est furieux & a fait tout ce qu'il a pu pour décréditer la piece. Il fent qu'il auroit dû y occuper une place , s'il se fût bien conduit ; &
cette omission est regardée comme une satyre au palais royal.
i ç Mai. Voici la copie de la lettre circulaire écrite par le Sr. Vanhove , semainier de la comédie françoise , aux auteurs des pieces reçues & non encore représentées à ce fpeélaclc.
MONSIEUR,
„ La comédie françoise a entendu avec le -, sentiment de l'admiration & de la reconnoif„ fan ce une lettre de madame Denis , dans „ laquelle elle leur annonce la tragédie d'Aga„ thocle , ouvrage pofthnme de M. de Voltaire.
5, Le desir de madame Denis feroit que cette 3, piece fût jouée pour l'anniyerfaire de l,
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33 mort de ce grand homme. La comédie , „ pressee entre son zèle si légitime & le ref5, peét qu'elle doit aux droits de Messieurs les auteurs reçus , prend le parti de vous faire 33 part , Monsieur, de cette cÍrconftance" ,3 afin que vous puiillez faire valoir vos droits, 33 si telle est votre intention , & pour épar33 gner 'à Meilleurs les auteurs reçus la peine 33 de lui écrire l'aveu qu'ils donneroient à la 33 résolution de jouer Agathocle incessamment, 33 elle croit plus simple de prendre pour un 3, consentement le lilence de ceux qui ne s'y 33 feront point opposés d'ici à huit ou dix 33 jours , tems auquel commenceront les répéJ) titions , fauf l'approbation du magistrat.
33 J'ai l'honneur d'être , &c. ,3 V A N H 0 VE, premier Jemainitr.
15 Mai 1779. La répétition du samedi d' 1.
phigénie en Tauride avoit été pour les Ministres seuls & autres gens de la cour ; ensorte que le public n'avoit pu en juger. Celle de lundi a -eu un autre t'défaut; elle a été si nombreuse, si tumultueuse , qu'il n'a pas été possible de l'entendre avec l'attention neceIraire. Cependant, d'après un aveu assez général, le quatrième & dernier aéte s'est trouvé très-inférieur aux autres & surtout au troisieme , de la plus grande vigueur, & le chevalier Gluck n'a pas été fâché de ce répit pour le refaire absolument.
jç Mai. M. de la Martiniere, premier -chirurgien du Roi , très-zélé pour les progrès 4k la splendeur de l'école pratique de chirurgie
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établie fous ses auspices -, où l'on enseigne pendant le cours de chaque année, l'anatoinie & la pratique des opérations aux élèves dif- tingués par leur application fous les professeurs du college & destinés à retourner dans leur province , vient de fonder à perpétuité dans cette école deux nouvelles places de professeurs , avec des honoraires de 500 livres pour chacun. Il y a nommé messieurs Chopart & Default.
16 Mai 1779. On a parlé du poëmefur la musique de M. de Marmontel : il embrasse aussi la peinture. On fait que l'abbé Arnaud , le prôneur du chevalier. Gluck, y est fort maltraité : voici deux épigrammes qu'il a enfantées à ce sujet : Ce Marmontel si gros, si long, si lent, si lourd, Qui ne déclame pas, mais beugle, Juge de peinture en aveugle Et de musique comme un sourd.
Ce pédant à facheuse mine De ridicules tout bardé, Dit qu'il a pour les vers le secret de Racine: Jamais secret ne fût à coup sur mieux gardé.
On ne connoissoit point le talent de M. l'abbé pour la poésie & il peut dire comme Juvenal : facit indignato vcrfum.
16 Mai. Des lettres de l'isle de France portent, que les muscadiers ont commencé à donner des fruits & qu'on espere que cette branche intéressante de commerce deviendra de la plus grande importance.
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On apprend anssi par la corvette FHeurcufe à son retour de Coromandel , que l'on a fait à Maurice l'expérience d'un mastic enduit , inventé par un habitant de l'Isle de France , pour préserver les bâtimens qui naviguent dans les mers chaudes , de la piquùre des vers. Cette expérience a répondu à ce qu'avoit annoncé son auteur , qui avoit pris ce mastic à bord des bâtimens Malabares : les habitans de cette côte s'en fervent depuis un tems immémorial * & c'est un des moyens qu'ils emploient pour faire durer leurs navires cinquante ou soixante ans.
16 Mai 1779. On fait que le Journal de Trévoux , depuis la deftruétion des Jésuites a paffé dans différentes mains & n'a fait que se détériorer. Il fcmble qu'il étoit réservé à un Ex-Jésuite de le réparer & de lui rendre son lustre : ce que vient de faire M. l'abbé Grosser qui, brouillé avec Freron, a pris la direction de ce Journal, fous le titre de Journal de Littérature, Sciences & Arts. Pour lui donner plus de véhicule par plus de fraîcheur, il a imaginé de le distribuer par cahiers , comme le Mercure, de dix jours en dix jours : il a aussi tenté d'y inférer des nouvelles politiques, en s'écrivant, ou se faisant écrire des lettres ; mais le Sr.
Panckoucke n'a pas été dupe de cette rufe , il s'efl plaint au Garde des sceaux & le premier Journal a été condamné à lui payer un tribut «onfidérable , s'il vouloit parler politique.
C'est un chevalier Paulet, qui est à la tête de l'entreprise, & donne cent louis à l'abbé irofier, & le surplus du bénéfice doit tourner
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au profit de l'établi iferaient nouveau ducurédc Saint Sulpice , dont on a parlé.
17 Mai 1779. On adonné hier à l'opéra lapremiere représentation de il vago deprezzato , ou le fat puni, intermede en un aéte, musique de M. Piccini, dans lequel le Sr. Viganovi tenore a dû faire Ton début.
17 Mai. L'avocat Rugy, cet infortuné quia attiré la commisération publique & qui gémiffoit dans les prisons depuis longtems , sans pouvoir obtenir justice, ni l'aura vraisemblablement. On l'a fait évader pour terminer cette affaire, & l'on affure qu'il est auprès de M. Linguet, qui après l'avoir défendu , lui a donné un asyle.
18 Mai. M. le comte de Linieres , dont on a eu occasion de parler déja dans cet ouvrage , ayant composé à Bordeaux les paroles d'un opera comique, d'après un conte de M. de Marmontel , intitulé le mari sylphe , a cru devoir lui en faire un hommage & le lui envoyer; il lui marquoit que s'il le jugeoit digne du public, il le prioit d'en faire composer la musique par M. Gretry. M. de Marmontel a été long-tems sans lui répondre ; enfin il lui a accusé la réception de l'ouvrage, & lui a écrit l'avoir remis au musicien. Cette négociation a traîné encore longtems. M. de Linieres impatient a éclairci que M. de Marmontel avoit trouvé son idée si bonne , qu'il avoit voulu le dévancer auprès de la comédie Italienne. Ce procédé est d'autant moins honnête, que M.
de Marmontel , fort maître de reprendre Son bien , n'étoit pas obligé d'user d'une telle perfidie.
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18 Mai 1779. Les femmes de la cour font trèsjalouses de Madame la duchcfle de Villequiere à Marly. La Iteine n'ayant pu manger deux fois avec le Roi, S. M. pour occuper la place de son auguste compagne , qui est aupres du monarque , a nomme la duchesse en quefiion.
19 Mai. M. l'abbé Royou , piqué en effet d'avoir été obligé de se rétrader à l'égard de M. Bailly & n'osant se venger directement, a imaginé de le tourmenter d'une maniéré plus cruelle. Il a dénoncé l'ouvrage de cet Académicien à M. l'Archevêque de Paris. Celui-ci l'a remis à deux doéteurs de Sorbonne pour le censurer , ou du moins y découvrir ce qu'il a de repréhensible. Il fera fort aisé de le trouver; ce qui allarme M. Bailly , qui vraisemblablement fera obligé de faire une protfftatiOI1, comme M. de Buffon , de sa soumission à la foi, aux livres saints , & de ne proposer son systême que comme hypothétique.
19 Mai. Mlle. d'Eon ayant promis de se conformer aux ordres du Roi , a eu permission de sortir du château de Dijon & de se rendre à Tonnerre, lieu de son exil.
19 Mai. Le livre sur l'administration des finances, dont on a parlé, est de la composition du comte de Lauraguais, ainsi qu'on le répand dans le public. Il en est très-digne par son obscurité & les bonnes vues ; mais on n'y trouve point ces faillies, ces éclairs, ces pétarades d'esprit, dont abondent ordinairement toutes les productions de ce Seigneur.
20 Mai. Il paRe pour constant que le Sr.
de Beaumarchais , qui ne néglige aucun moyen aPacquérir de l'argent & de la célébrité , a
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acheté du Sr. Panckoucke l'édition des œuvres générales de M. de Voltaire , dont ce Libraire étoit chargé. Celui-ci , à la veille de faillir, a mis la plus grande économie dans sa maison & obligé de faire face, a vendu l'objet en question une somme considérable, argent comptant, à cet intriguant.
Il a acheté les caradteres de Baskerville, ce fameux artiste de Londres, dont les éditions font si renommées ; il doit établir le siege de son imprimerie aux Deux Ponts. Mais on craint que n'ayant pas le secret de l'Anglois , il ne faffe que du bousillage.
20 filai 1779. M. le comte de Thelis , officier aux gardes franqoifes , excellent patriote , rempli de bonnes vues & de lumieres , a imaginé un Plan dtéducation nationale en faveur des pauvres enfans de la campagne, dans lequel il se proposoit de suppléer aux corvées : il a destré faire imprimer cet ouvrage depuis leur rétablissement, mais M. le Garde des sceaux s'y est refusé.
Ce Seigneur a pris le parti de faire venir un imprimeur dans sa terre & de l'y forcer à remplir ses intentions.
Il est ensuite revenu avec une quantité d'exemplaires , qu'il a paffé en fraude , comme un mauvais livre ; il en a présenté au Roi & à toute la famille royale. S. M. a goûté ce plan, en a dit des choses flatteuses à l'auteur & fourni des fonds pour l'exécution du projet. En consequence il doit en commencer incessamment l'exécution fous les yeux du gouvernement & dans les environs de Paris. Le Garde des sceaux a été fort sot quand M. Thélis lui a présenté
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un imprimé du manuscrit qu'il avoit resuré Se lui a appris comment il l'avoit publié. Les Intendans , en général , font opposés à ce plan , qui tendroit à diminuer leur pouvoir & leurs concu (fions.
21 Mai 1779. L'Iphigénie en Tauride a eu lieu mardi. La Reine , qui n'avoit paru depuis longtems en cette capitale, a honoré le fpeétacle de sa présence. On a vu avec peine que S. M.
étoit changée & maigrie. Depuis sa couche elle a monté à cheval & en a été très-incommodée de coliques , qui l'ont obligée, comme on a dit * de renoncer à cet exercice.
L opéra a été fort applaudi , il est dans un genre neuf. C'est proprement une tragédie y déclamée plus savamment qu'au théâtre francois , une tragédie à la grecque. Il n'y a point d'ouverture , une feule danse très-caradlériftique , point d'ariettes ; mais les divers accens de la passion exprimés avec la plus grande énergie y répandent un intérêt inconnu jusqu'alors au théâtre lyrique. On ne peut qu'applaudir au chevalier Gluck d'avoir trouvé ce secret des anciens , qu'il perfectionnera sans doute. On a vu des fpedateurs y sanglotter d'un bout à l'autre.
21 Mai. Le Roi , dans un divertissement à Marly, ayant desiré voir danser le Sr.
Préville , celui-ci qui n'est point dans cette habitude , a fait des efforts extraordinaires & s'est donné une entorse.
22 Mai. L'assemblée publique de la Société libre d'émulation s'est tenue avant-hier & a été remarquable par plusieurs accessoires, & circonstances. On y a vu pour la premiere fois siéger
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M. d'Alembert, qui , sans doute, s'y est agre4 gé. M. Elie de Beaumont y a fait le rôle de Directeur ; enfin M. Dumont, le nouveau secrétaire, y a remplacé l'abbé Beaudeau , dont le mécontentement s'est manifesté par sa disparition totale. Du reste, beaucoup de cordons bleus , rouges, noirs ; &c. beaucoup de femmes de qualité y ont orné la séance.
M. Elie de Beaumont l'a ouverte par un discours oratoire, roulant sur la Société même & sur les caraéteres qui la distinguent ; il en a trouvé cinq principaux : unanimité, sécurite, égalité , économie , modestie.
L'unanimité consiste dans cette tendance gé.
nérale de tous les membres , aujourd'hui au nombre de 43 Ç , diversifiés à l'infini, d'état, de caractere, de façon de penser , de mœurs s au même but, le bien de l'humanité & l'amélioration des arts.
La sécurité de la Société se manifeste par son indifférence à obtenir cette consistance , cet appui , cette protection , dont les autres établiiïemens ont bfoin pour se maintenir : elle se repose uniquement sur la pureté de ses vues , sur son utilité , & ne veut -marcher que fous les auspices de la raifort & de la bienfaisance.
L'égalité, dont elle fait profession , lui fait admettre dans son fein indiftinétement & le seigneurs les plus qualifiés & les artisans les plus simples : tous les titres se déposent à l'entré e de l'assemblée , & l'on n'y apporte que son mérite & ses œuvres. < L'économie nécessaire à tout établissement patriotique , l'est surtout à la Société ; elle
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^éloigne de toute ostentation, de tout luxe, de ces superfluités , deces commodités recherchées , qui abforberoient une partie des fonds consacrés à remplir sa destination essentielle.
Enfin sa modestie l'oblige à conserver une soumission parfaite à l'Académie royale des Sciences , dont elle convient n'être qu'une foible émanation, & qu'elle fait profession de respecter toujours & de regarder comme son oracle, bien loin de vouloir élever autel contre autel, ainsi que ses ennemis l'ont prétendu.
Tel étoit , en substance , le discours du Président, bien meilleur que celui de M. de Saint-Sauveur de l'année derniere. Il a fini , comme lui , en insinuant aux fpeftateurs que la société avoit besoin d'un premier véhicule , qui étoit l'argent ; il a cherché à faire des prosélytes utiles , mais d'une maniéré moins platte , moins ignoble que son prédécesseur ; il regardoit de tems en tems M. d'Alembert , & sembloit requérir le suffrage de ce maître, qui l'écoutoit attentivement & l'encourageoit par de légères inclinations de tête.
M. Dumont , déjà connu par deux prix remportés à l'Académie des belles-lettres , a parfaitement répondu à l'opinion qu'on avoit de lui, par la méthode , l'ordre , la clarté , la précision de son mémoire , où il a rendu compte de l'état aétuel de la société , de ses efforts pour étendre & perfectionner son institution , enfin des fruits que la France en recueilloit par ses ouvrages couronnés ou proposés au concours. Trois choses ont surtout frappé dans son récit : 1°. il a appris que la société avoit déja taffemblé assez de machines pour former un
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cabinet , qu'on le mettoit en ordre & qu'il feroit incessamment ouvert au public : 2°. qu'elle ne pouvoit exécuter aussi promtement un autre projet qu'elle avoit en vue, qui étoit d'établir un cours théorique & pratique à l'usage des artisans pour la perfection des arts & métiers : 3°. enfin , il a fait part qu'elle s'occuperoit un jour de la perfection des haras dans le royaume, pour rendre aux races de nos chevaux Filluftration & le mérite qu'elles avoient autrefois.
Le reste de la séance a été occupée à la lecture des descriptions de machines soumises au concours relativement aux divers prix proposés : cette leéture, mal faite , très-allongée, remplie de termes techniques , a fort ennuyé l'auditoire.
23 Afai 1779. On a rendu compte de la dissolution de la loge des neuf soeurs , mais avant de parler du mémoire & de ce qui a suivi, il faut entrer dans les détails de cet événement.
C'est un M. Bacon de la chevalerie , orateur du grand Orient , qui a dénoncé'la loge , qui a dit que le gouvernement étoit si furieux de ce qui venoit de se paHer, que si l'on ne faisoit sur le champ justice, il étoit à craindre qu'il ne sévit contre la maconnerie entiere.
Ce récit a effrayé , on s'est regardé comme nécessité pour le salut commun à suivre l'impulsion du dénonciateur, & sans autre instruction on a procédé au jugement qu'on a rapporté. Depuis, la loge s'est plainte de n'avoir pas été entendue; après bien des pour-parlers jeudi dernier le jugement a été annulé, & le
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grand Orient l'a réintégrée dans tous ses droitg.
Quelques membres ont prétendu qu'alors le mémoire devenoit superflu ; mais on a représenté qu'ayant été plutôt composé pour la justification de la loge devant le public, que devant le grand Orient , la justice qu'on venoit de lui rendre n'étoit pas assez connue aux yeux des profanes , qu'il s'agissoit d'éclairer.
En conséquence, le Mémoire pour la loge des neuffoeiirsparoit. Il est d'une espece toute nouvelle , comme le sujet, & accompagné de pieces de prose & de vers.
24 Mai 1779. Les Italiens ont donné avanthier la premiere représentation du petit Oedipe, parodie d'Oedipe chez Adrnete, en un aéle, en vers, mêlé de vaudevilles. Cette piece ett de M. Landrin. La tragédie d'Oedipe en est plutôt le prétexte, que le sujet ; on n'y voit de ressemblance qu'en ce que le héros de celle - ci & celui de la parodie, qui est l'Amour , font aveugles. Le principal but du poëte étoit de rendre hommage à la Reine , à l'occasion de son heureux accouchement, & , quoique le compliment vienne un peu tard, il eftfaic pour pli*, t-e à la cour. Le petit Oedipe a été alTez bien goûté du public : il y a de la ddi-cateffe, du sentiment , de la gaieté , des couplets agréables & qu'on retiendra, une musique analogue & facile , une jolie décoration , même quelque critique : enfin, il ce n'est pas une parodie , c'est quelque chose de mieux & qui pourroit subsister par foi-même fous un autre titre , tel que la réconciliation de t Hymen & de l'Amour..
24 hlai. Le plan de M. le comte de ThéliS" pour l'éducation nationale en faveur des pau.
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vres enfans dans la campagne, consiste, i*~. 1 leur donner des principes de religion, bafe de toute éducation : 2°. à leur apprendre tout ce qui peut en faire de bons soldats, en les formant aux exercices militaires,& en les endurciiïant à la fatigue & au travail : 30. ce qui peut en faire des ouvriers dans le genre le plus nécessaire aux travaux de la campagne, des pionniers , des charpentiers & des maréchaux.
M. le duc de Charost se propose d'imiter cet exemple ; mais, de concert avec ce seigneur, le plan imaginé par M. de Thélis, doit avant s'exécuter dans les environs de Paris, comme on a dit.
Par le détail des travaux faits de cette maniere, depuis 1770 jusqu'au premier janvier 1779, l'auteur prouve l'utilité de son établissement pour la bonne exécution de l'ouvrage, pour la célébrité & pour l'économie.
24 Mai 1779. La comédie italienne a perdu un de ses aéteurs retirés en la personne du Sr. de Hesse. Il avoit débuté à ce théâtre en 1734, dans le petit Maître amoureux. Il jouoit les rôles de valet avec un succes soutenu & a été très-regretté du public, auquel il étoit conftarament agréable.
24 Mai. Les fpeétacles des boulevards, quoique multipliés d'année en année, ne peuvent suffire à l'empressement du public. Celui de l'Ecluse a vogue aujourd'hui pour une piece intitulée les Amours de Montmartre : comme ils attirent sur-tout quantité de jeunes gens & de filles , il y a fou vent des querelles ; ces lieux ne font que fous la garde du guet peu respectée
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des militaires. Dernièrement des officiers ayant occasionné beaucoup de tumulte & menacé d'ensanglanter la scene , si l'on arrêtoit quelques-uns d'entr'eux, auteurs du désordre, le prince de Montbarrey a cru devoir faire un exemple, & deux ou trois connus doivent être cassés à la tête du régiment.
25 Mai 1779. D'après le mémoire de M. Morand sur la population de Paris, dont il n'a pu que commencer la leaure dans la derniere réance publique de l'académie des sciences , il y a reconnu une augmentation sensible depuis une quarantaine d'années. M. l'abbé d'Expilly y compte 600,000 habitans ; M. de Buffon, 6S8,000; & M. Moheau , 670,000: il trouve que les provinces augmentent : sans y comprendre la capitale , la population du royaume, au commencement du Iiecle, étoit portée à 19,094,146, & reduite par plusieurs écrivains à 16,000,000. Elle est aujourd'hui de 20,000,000, suivant M. l'abbé d'Expilly, de 22,672,077 felon M. de Buffon , &, de 24,000,000 félon les rapports réunis des intendans & felon l'efiime de M. Moheau.
26 Mai. On-écrit d'Aix , que le Sr. la Rive, aéteur de la comédie françoise, ayant joué le 27 � avril avec le plus grand succès, fut harangué par un avocat au nom du parterre, en lui présentant une couronne de laurier. On écrit de Marseille qu'il y a reçu le même honneur, c'est-à-dire une couronne de laurier, avec cette inscription : dotis ftipremœ pretium & decus.
Ce qu'il y a de Iingulier, c'est que ce comédien est regardé à Paris comme tres-nudiocre par beaucoup de gens.
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26 Mai 1779. Ileft merveilleux de voir M.
Franklin, malgré le? grandes & notnbreufes affaires dont il est chargé , trouver assez de tems pour jouer à la chapelle, & suivre les afleinblées de franc-maçons, comme le frere le plus oisif : jeudi dernier il a été élu vénérable de la loge des neuf Sœurs & une députation est allée à Passy lui en faire part.
Les freres comte de Milly & Court de Gebelin, premier & fecond surveillans, le frere la Dixmerie, orateur, & le frere abbé cordelier de St.
Firmin, agent général de la loge, composoient la députation.
Cette élecftion est faite très- à - propos dans un instant critique, où il s'élève une persécution violente contre la. loge, à l'occasion du mémoire en sa faveur répandu depuis quelques jours. M. le Garde des sceaux a écrit à M. le Noir d'en empêcher la distribution & de faire faire des recherches séveres pour en découvrir l'imprimeur. Comme il est souscrit de quelques freres, il est à craindre qu'on ne les inquiette , pour tenir d'eux au moins le nom du délinquant: & voilà matiere de quoi exercer le zele du nouveau vénérable.
27 Mai. La société libre d'émulation a distribué dans sa séance publique le programme d'un prix pour la meilleure conftruétion des cheminées ou poêles.
La question sur le chauffage économique , ou le moyen le moins dispendieux de chauffer les pauvres, que la société avoit choisie pour le sujet d'un prix qui devoit se distribuer au mois de juillet 1778 , renfermoit la perfection des cheminées, celle des poêles ou fourneaux , 1"
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recherche enfin de matieres combufiÍbles, abondantes , salubres & moins coûteuses que celles qui font en usage. La réunion de tant d'objets de divers genres, & très-etendus, chacun en particulier, peuvent être la cause du petit nombre de pieces [ d'ailleurs très - foibles ] envoyées au concours : la société croit devoir diviser ces questions, pour en obtenir successivement les solutions & se restreint aujourd'hui à demander quelle eji la meilleure conjiruclion des cheminées ou poëles , en combinant l'économie, la Jalubrité, lafolidité, la sur été & le plus grand nombre demplois.
La récompense pécuniaire qu'elle se propose de joindre à l'honneur de la primauté est dg isoo liv.
Le surplus des inftruétions pour le développement du sujet , pour la maniere de le remplir, ainsi que des conditions exigées , est détaillé dans le programme très - long, ayant six pages d'impression.
27 Mai 1779. Comme l'opéra d'Iphigénie en Tauride est fort court, quoique en quatre aéles, qu'il n'y a que deux ballets qui n'en font même pas pour nous autres , puisque ce ne font que deux pantomimes très - expressives; [avoir, la daiife des Scythes, dont on a déjà parlé, & celle des Eumenides; le Sr. Noverre a proposé au chevalier Gluck de terminer par un ballet intitulé les Scythes enchaînés: on leur rendra la liberté, ce qui fournira lieu à desfcenes plus gracieuses & plus gaies.
28 Mai. Le colyrée, qui n'a point été ouvert de l'année derniere, à raison de Con mauvais état, est décidément fermé celle - ci
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! en vertu d'un arrêt du conseil en date du 19 mars 1779. Cet arrêt, attendu que cet établif[ement, qui d'ailleurs n'est d'aucune utilité , a donné matiere à des contestations qui se font élevées, qui subsistent & se multiplient sans cesse entre les intéressés audit privilege, les propriétaires des terreins sur lesquels les bâti.
mens ont été construits, les ouvriers fournis.
feurs & les créanciers de tout genre , qu'erfinces établissemens & dépendances se trouvent saisis réellement, que plusieurs parties des bâtimens & constructions font reconnues en mauvais état, révoque le pri vilege.
28 Mai 1779. Depuis plusieurs années une novice du couvent de Ste. Avoye ne pouvoit obtenir l'émission de ses vœux de M. l'Archevêque y qui regardant cette communauté comme janséniste voudroit la laisser s'éteindre, la suppliante a pris le parti d'en appeler comme d'abus au parlement , elle a été reçue appelante & autorisée à se pourvoir pardevant le primaj^ 29 Mai. La fermentation du tricot lyrique qu'on croyoit éteinte, n'étoit que rallentie & assoupie. Elle se renouvelle & les chefs de la cabale affurent que M. de Vismes fera dupe de leur sécurité apparente. C'est principalement Mlle. Guimard qui conduit l'intrigue avec l'adresse qu'on lui connoit; c'est elle qui a empêché les partis violens, qui disoit dans les assemblées : sur-tout, Mesdames & Messieurs, point de dcmijjîons combinées; c'est ce qui a perdu leParlement.
29 Mai. Le comte de Merci-Argentau, l'ambassadeur de l'Empereur & de l'Impératrice Reine, devient de plus en plus amoureux, s'ii
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est possible , de Mlle, le Vasseur ; il lui a acheté une terre titrée, puisque c'est une Baronnie ; il lui a fait construire une maison ; il la comble de biens journellement : depuis peu il lui a proposé de renoncer à l'opéra, mais elle s'y est refusée; elle lui a répondu que c'étoit à ion talent qu'elle devoit toute sa considération, qu'elle craignoit de la perdre, en quittant le théâtre: que d'ailleurs, c'étoit devenu un amusement pour elle , & qu'il lui resteroit un trop grand vuide dans le repos. Son excellence n'a point voulu la gêner , & ne la presse plus.
29 Mai 1779. Depuis les divers accidens arrivés dans cette capitale , par les crevasses qui s'y font faites chaque année, & sur-tout depuis celui de l'année derniere, on s'occupe continuellement d'en prévenir d'autres en raffermissant le fol. C'est ce qu'on voit par des ordonnances de police, qu'on affiche fréquemment, foit pour faire combler des fours à chaux , des carrieres à plâtre , foit pour mettre à l'amende ceux qui ont enfreint la loi , foit pour démolir des édifices périclitans ; & l'on juge par la quantité de ces précautions dont on ne peut dérober la connoissance au public , sans parler de celles que la prudence fait cacher, combien le danger est devenu grand & imminent.
29 Mai. Quoiqu'on ait prétendu que Rousseau eût laissé peu de manuscrits , on en répand aujourd'hui une lifte nombreuse & qui l'emporte sur celle de ses œuvres imprimées. Ea voici le catalogue.
Extrait de - la PohjJmodie.—Jugement sur la paix perpétuelle. — Traduftion du premier ivre de thijloire de Tacite. — Discours Jur la
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premiere vertu du héros, plus complet qui celui imprimé fous ce titre. — L'engagement téméraire, comédie en trois aétes & en vers.
- Emile £ «? Sophie , ou les Solitaires. — Zc lévite d'Ephrdim, poème en prose , en quatre chants. - Lettre à Sara. Cet ouvrage entrepris par une espece de défi, etfdeftiné à répondre à cette question : si un amant d'un demi -flecle pouvoit ne pas faire rire? — Traduction de VApolokintojts de Seneque sur la mort de VEmpereur Claude. -À'lémoire lu à l'Académie des Sciences, l'an 1742, concernant de nouveaux signes pour la'musique. - Réponft à AI. Rameau, dans une brochure intitulée : Erreurs sur la musique de l'Encyclopédie.EJJaifur l'origine des langues , où il est parlé de la mélodie & de l'imitation musicale. Lettres £ «? Mémoires sur divers sujets. — Les confejjîons de Jean - Jacques Roul/eau, en six livres. — Les rêveries du promeneur solitaire : titre que l'auteur a donné au journal de ses pensées pendant ses promenades vers la fin de ses jours. — Confédérations sur le gouvernement de la Pologne. — Traduction de tépifode (TOlinde & Sophronie, tirée du TasTe.-L'orai..
son funebre du feu Duc d Orléans. -Aventures de Afylord Edouard,fuite de la nouvelle Héloïse.
Lettres, mémoires &piecesfugitivesfur divers sujets. Cette collection très-étendue contient notamment, Lettres à M. le Maréchal Duc de Luxembourg, sur la Suiffe en général, (# par.
ticulièrement sur le Val de Travers lieu de son domicile. - Lettres à M. le Préjident de Malesherbesfur les motifs de sa retraite à la campagne. — Une très-longue lettre sur texfii
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tcnce de Dieu. — Lettre sur la botanique, dans le but de rendre plus agréable & plus facile l'étendue- de cette partie de l'hilloire natlirelle.
-Lettres diverjes à ses amis.
Du reste, la veuve Rousseau déclare qu'elle a remis la totalité des manuscrits qui lui restent, à la société typographique de Genève, & que c'est la feule avouée.
o Mai 1779. Le mémoire pour la loge des neuf fœurs est souscrit des freres Court de Gebelin, secretaire, comte de Persan , maître des cérémonies & député , & la Dixmerie, orateur, député & rédacteur de ce mémoire. Il y avo:t une permission tacite de M. le Noir , ce qui les tranquillise.
Dans ce mémoire l'auteur détaille ce que c'est que la loge des neuf fœurs ; il rappelle ce qu'elle a fait ; il expose , il discute ce qu'elle éprouve.
Cette société existe à peine depuis trois ans ; ses travaux embrassent deux objets; la maçonnerie, qui rapproche les hommes; la culture des arts & des sciences, qui les éclaire. De là une énumération brillante de ses principaux membres: feu Voltaire, Messieurs Franklin, talande, Cailhava, le Miere , de Chamfort, Roucher , de Fontanes, Turpin, la Lonptiere, Chevalier de Parny , Imbert , Vernet, Greuze, Houdon, Forster , Yfquerdo, deux naturalistes étrangers, fameux en Angleterre & en Espagne, Piccini, &c.
Dans la fécondé divinon, l'apologiste prouve l'exactitude de la loge à suivre les travaux maço.
niques, son zele à pratiquer des adtes de bienfaisance. Il rend compte de l'objet de la fête de
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mars, de ce qui s'y est paIre, & prouve qu'il n'y a eu rien de repréhenfibl^.
Dans la troiIteme, il relève les imputations & lesdifcute; il montre l'injustice de l'accusation , rillégaiité du jugement, & la néceilité de le réformer.
Cet ouvrage n'est pas aussi bien fait qu'it pourroit l'être; il n'est ni amusant , ri oratoire; il y a des expressions peu nobles ; il se ressent en tout de l'écrivain mol, diffus, froid ; en un mot, il n'est pas assez intéressant par lui-même, ou par la maniere dont il est traité, pour être mis fous les yeux des profanes.
Quelque médiocre que foit cet écrit , M. de la Dixmerie veut en partager le mérite avec ses freres. Il convient dans un poftcriptum avoir été beaucoup aidé par les freres comte de Milly, comte de Turpin , Cabanis, de Florian, Dupaty, Garat, Duffieux, Grouvel, Fallet, Guichard, Dufresne, Garnier, Monet, Godefroi, &c. Cela prouve que la réunion des talens ne produit pas toujours les meilleurs ouvrages.
1° Mai 1779. Il paroit décidé que c'est pour demain YAgatoclede Voltaire.
11 Mai. M. Turgot, dans son systême de liberté générale, avoit affranchi les manufactures du code des anciens réglemens : il croyoit que les marchandises ne devoient se remarquer que par leur mérite intrinseque, ou leurs autres qualités supérieures, qu'il en falloit laisser établir la concurrence sur ce pied; ce qui pouvoit, au gré des défenseurs du régime réglementaire, ouvrir la porte à beaucoup d'abus & de fraudes.
M. Necker prend un milieu, il veut conserver
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les formes , marques & infpeétions capables d'attirer la confiance des acheteurs non connoisseurs & en même tems favori fer l'industrie en donnant l'essor à tous les talens, mais de manière que leurs productions , sans être claflets dans celles approuvées, soient cependant distinguées des étrangères.
31 Mai 1779. Les travaux de la nouvelle salle de la comédie franqoife près le Luxembourg font commences depuis quelque tems, ils se pouffent avec vigueur : l'on arrache les pierres des fondemens de la premiere déja jettes au même lieu , mais un peu plus bas , & elles fervent à celle-ci.
1 Mai. La Reine continue à honorer d'une diftinétion particulière Mlle. Bertin sa marchande de modes. Dernièrement à Marli, elle avoit ordonné au maréchal, duc de Duras, de la placer au fpeétacle, & ce seigneur s'est acquitté de la commission avec une diftindtion bien propre à exciter la jalousie des autres femmes.
1 Juin. La Fontaine a dit il y a long-tems : mieux vaut goujat debout qu'Empereur en terre. Cet axiome s'est prouvé sur-tout hier à Ja premiere representation d'Agatocle. Il n'est de grimaud débutant au théâtre , dont la tragédie n'eût attiré plus de monde : non-seulement le concours a été très-médiocre à l'ouverture de la salle, mais des parties ont reflé long-tems vuides, & l'amphitéâtre même n'a jamais été parfaitement rempli. Le parti de ce grand homme si aétif à cabaler pour lui de son vivant, a perdu en cette occasion beaucoup de son ardeur, & n'a fait que d'impuiffans efforts pour
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pour soutenir la piece , qui en avoit grand bef oin.
Le sieur Brizard a commencé par un compliment , dont l'adresse Jinguliere a fait juger aux gens un peu fins que cette œuvre posthume étoit très - médiocre. On y sembloit nécessiter l'admiration au moins politique des spectateurs, en annonçant qu'on mettroit tout autre sentiment sur le compte de l'envie. Ce discours trop long a été plus applaudi qu'Agathocle. Les défenfeursde Voltaire conviennent que lui-même ne la regardoit que comme une esquisse. Quel besoin avoit sa réputation d'un si fragile accessoire ?
Cette esquisse, encore plus foible qu'Irene, au surplus , vaut mieux cependant que nombre de nos tragédies modernes si courues. Le sujet en est précis, l'intrigue claire, la marche simple, & le dénouement un des plus heureux & des plus fatisfaifans du théâtre. Mais toute la partie de l'amour est extrêmement froide ; point de caractères vigoureux & prononcés, des ressorts postiches & le dénouement si beau, pris en partie de Venceslas & contre toutes les vraisemblances. Quelques vers brillans se distinguent feulement dans la foule; encore les pensées en font-elles communes ou fausses. Tel est le résultat du jugement de la partie la plus faine & la plus impartiale du public.
1 Juin 1779. M. le Miere est actuellement occupé à faire imprimer son poëme des fasses de. F année , c'est - à - dire roulant sur toutes les cérémonies, fêtes & époques civiles , politiques ou religieuses de la France. Quoique ce poète en ait fait souvent lecture dans les sociétés, on
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fié peut, comme l'on fait, s'en rapporter aux suffrages de ses amis ; on conçoit que cette entreprise modelée sur celle d'Ovide , exigeroit une plume aussi féconde, aussi ingénieuse, aussi brillante , mais surtout variée , autant que les événemens qu'il s'agit de décrire , & M. le lYIiere a une plume feçhtf, une maniere roide, une versification dure , toutes qualités bien opposées à son sujet.
2 Juin 1779. M. Bochard de Saron, président à mortier , est en même tems très - savant & versé surtout dans l'astronomie , mais par goût & sans ostentation. Ses amis de l'académie des sciences voudroient le voir parmi eux , & après beaucoup de pour-parlers & de tentatives avoient imaginé de faire créer pour lui une place furnuméraire d'honoraire ; mais il y a eu schisme dans la compagnie & M, d'Alembert, qui n'y a pas autant de crédit qu'à l'académie françoise , un des opposans, a pris le parti d'écrire auminiftre une lettre pour lui représenter le danger d'une telle innovation , très-préjudiciable d'ail.
leurs à plusieurs grands & ministres sur les rangs, entr'autres à M. de Sartine. M. Amelot a renvoyé cette lettre à l'académie , qui a réprimandé ce membre d'une démarche aussi contraire au bon ordre & au respect dû aux délibérations ; mais il a toujours résulté de cette opposition de M. d'Alembert que la place n'a pas été créée.
3 Juin. On vient de recevoir de Bretagne un nouveau mémoire divisé en deux parties très-volumineuses, concernant l'affaire d'Elifabeth Lefcop, contre M. Durofcouet. Cette infortunée ? dont on se rappelle l'histoire) en est
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encore à poursuivre la réparation de l'attentat commis publiquement en sa personne contre toute loi naturelle & positive.
M. Garnier de l'Hermitage , avocat de Rennes , son défenseur , cherche à reproduire de la maniéré la plus touchante & la plus énergique les angoisses & l'opprobre dans lesquels elle a vécu avant qu'elle foit parvenue à se soustraire au supplice qui la menaçoit , & par ce tableau , accompagné de toutes les preuves nécessaires , il fait connoître de plus en plus l'énormité du crime du magistrat, & la nécelïité de le gréver des peines pécuniaires les plus fortes ; elles ne feront jamais proportionnées à son délit.
4 Juin 1779. Le nouveau divertissement ajouté à l'opéra d'Iphigénie en Tauride, y est parfaitement lié &' en découle. Il représente les Scythes enchaînés par les vainqueurs : ils arrivent avec leurs fers & tendent leurs mains suppliantes vers Orefie &- sa fœur , qui leur rendent la liberté ; ce qui leur donne lieu de marquer leur reconnoissance & leur joie ; dans lelts transports, le& Grecs se mêlent avec eux & par les graces , l'élégance & la noblesse de leur danse contrastent à merveille avec la rudeffc, la vigueur & l'énergie de celle des Scythes. Le ballet finit par l'enlèvement de la statue de Diane, seul objet du voyage étOrejie & Pilade.
La musique du divertissement est de M.
Gossec.
s Juin. On allure que Monjicur doit venir incessamment au Luxembourg , qu'on meuble le petit château pour le recevoir , & qu'il pofera la premiere pierre de la nouvelle salle de
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comédie francoise. Les architedles , messieurs Peyre & de Wally, se pressent d'accélérer le moment de la cérémonie , dans l'espoir qu'après il n'y aura plus à s'en dédire, & que leur entreprise munie d'une telle protection , ne pourra plus échouer, ainsi que les précédentes.
6 Juin 1779. On n'a pas oublié le procès de l'infortuné d'Amade & son issue. On fait que ses adversaires restoient détenus en prison , faute de paiement ; ils y font encore. On a imaginé de faire en leur faveur une souscription & l'on fait courir des billets imprimés conçus en ces termes : ,, Le nom de messieurs de Queyflat recom,, mandable par leur bravoure , n'est devenu „ que trop cclebre par leurs malheurs £ «? par ,, la condamnation qu'ils ont cjjiiyé : ils n'ont ,, aucune fortune & font dévoués à une prison „ perpétuelle , faute de paiement de la somme „ de 100,000 livres de dommages & intérêts „ auxquels ils ont été condamnés. S. M. a „ bien voulu permettre qu'on ouvrît en leur „ faveur une souscription ; elle a même donné ,, à ces officiers , ainsi que la Reine, toute la „ famille royale & les princes du fang , une ,, marque particulière de bienfaisance, en con,, sentant de contribuer au secours qui leur est „ nécessaire pour assurer leur liberté ; les Mi,, niftres & un grand nombre de personnes „ distinguées dans le clergé , la magistrature „ & le militaire, ainsi que plulieurs régimens, „ se font déjà empressés de suivre cet exemr ,, pie ; ils ont déposé leurs généreuses con99 tributions chez M. Duclos Dufrenoy , noti taire , rue Viyienne. On prie ceux qui vou-
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-" dront bien les imiter, d'envoyer chez le ,, même notaire ce qu'il leur conviendra de , donner. C'ejf Jervir sa patrie que de lui "rendre trois braves officiers, qui ont mérité „ d'elle par leur zèle & par des adions diftin„ guées à la guerre.
„ Permis d'imprimer & distribuer, ce z) mars „ 1779. � [Signé] LE NOl R w Malgré l'approbation , cette affiche n'a pas paru ici. On en a vu des exemplaires feulement à Versailles. Il est faux que le Roi & la Reine aient souscrit & l'on ne peut que s'indigner des expressions honorables dont on s'y fert pour caractériser leur délit & leur châtiment.
7 Juin 1779. La faculté de médecine vient de voir avec douleur le doéteur Barbeu Dubourg paffer dans le parti de la société & s'y faire agréger : cette défection eff d'autant plus honteuse , qu'il avoit été un des plus ardens contr'elle. Il est vrai que sa derniere lettre imprimée , dont on a rendu compte, pouvoit préparer à cet événement par sa mollesse excefifve.
7 Juin. 11 est décidé aujourd'hui que M.
d'Alembert est l'auteur du compliment prononcé , il y a huit jours, avant la premiere représentation d'Agathocle. Si tout le parti avoir fécondé ce chef avec le même zèle , la piece qui est déja désertée se foutiendroit mieux.
Il paroît que sans avoir les talens de son prédécetTeur, le géomètre vise' décidément à le remplacer dans sa qualité de patriarche des philosophes.
8 Juin. Tous les efforts du parti Voîtérien n'ont pu soutenir Agathocle) & après la
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trtfîfieme représentation il a fallu la retirer.
Cette gaucherie fait triompher les adversaires , & l'on pourroit dire en effet que le jour de l'anniversaire de ce grand poëte a été celui de son enterrement : il a tant de chef-d'œuvres que cet échec ne peut nuire à sa gloire & fait feulement tort à ses enthoufiafles trop extrêmes.
9 Juin 1779. M. l'abbe Rozier est un savant , qui toute sa vie s'cft occupé des matieres économiques. Il est auteur d'un journal de physique & il se dispose à répandre plus amplement ses connoissances dans un Diélionnaire univerfil (V Agriculture, mis à la portce de te ut le monde. Cet ouvrage vaudra & contiendra un cours complet d'agriculture , théorique , pratique & économique , de médecine rurale & vétérinaire. Il doit être précédé d'un difeonrs contenant un plan d'étude , propre à fixer la marche des connoissances nécessaires au cultivateur. II a pour coopérâtes des agriculteurs praticiens , qui l'aident de leurs lumieres & il ne le donne que pour le rédacteur.
Cet auteur écrit mal , ornais en pareille matiere le style n'est pas la chose la plus essentielle. Cependant , comme ce didionnaire lumineux occupera six volumes in-4°. de 700 pages chacun , il feroit bon qu'il y eût quelque agrément pour en sauver l'ennui & l'insipidité.
10 Juin. M. de Vismes continue à nous faire parcourir une fuite d'opéra bouffons..
On doit donner aujourd'hui l' ldolo Cineft, ou l'Idole de la Chine, en trois aétes, musique de PaifielIo.
11 Juin. Quoique monsieur Turgot ne foit
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plus en place , il est des parties de la fcienca économique toujours en honneur. M. le Lieutenant-général de. police se dispose à établir une école publique & pratique de boulall.
gerie pour la meilleure fabrication du pain ; établissement moins nécessaire dans la capitale que dans les provinces & les campagnes , où la fabrication de cet aliment est encore trèsimparfaite.
12 Juin 1779. L'anecdote précieuse concernant l'opéra bouffon ayant pour titre l'Idolo Cinese , c'est qu'il a été composé à Naples dans le tems des différends de cette cour avec celle de Rome, & que c'est une parodie satyrique de l'exaltation & de la vénération des fideles pour le Pape ; car les Italiens, si superstitieux à certains égards , font les premiers à se moquer du saint pere. Avec la clef cette farce devient plus intelligible & acquiert beaucoup de sel ; il est vrai qu'on asTure qu'elle a été bien affoiblie , parce qu'à raison de cette circonstance on avoit peine à en palier la repréfentatfon.
Au reste , elle est beaucoup plus gaie que tout ce qui a paru en ce genre ; il y a infiniment de fpeétacle, & la musique , sans être aussi supérieure que celles des autres ouvrages de Paisiello , a de l'agrément & des beautés.
I3 Juin. Depuis l'arrivée des bouffons on s'est toujours plaint qu'ils ne reniplilfoient pas leur titre, qu'ils étoient tristes & plats. On trouve aujourd'hui qu'ils le font trop & que YIdolo Cinese est une farce indigne de la ma.
jessé du théâtre lyrique. On doit cependant distinguer dans celle-ci un costume historique & curieux des mœurs & cérémonies chinoises;
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ce qui la particularise & la rend vraiment intérefTantc. Il s'en fuit un fpedtacle étonnant , un mouvement prodigieux & une variété d'incidens , qui diitraient le fpeéhteur & lui sauvent l'ennui du récitatif. Il y a d'ailleurs dca danses analogues amenées naturellement, dans lesquelles le Sr. Noverre a parfaitement imité toutes les contorsions de ce peuple mime. La musique est fort critiquée par le mélange d'une foule de morceaux étrangers , d'ariettes peignant mal les objets , ou les situations auxquelles on les a adoptées.
13 Juin 1779. M. ClairilTeau et fun architecte qui a été 17 ans à Rome en qualité d'élève de l'académie , & y a employé ce tems très-utilement à visiter tous les monumens antiques de l'Italie , de la Calabre & de la Dalmatie : il les a tous deilinés de différentes maniérés & s'est fait un porte-feuille de sept volumes in-f°.
de ces études précieuses. C'est aujourd'hui un homme d'un mérite supérieur pour peindre l'architeéture. L'Empereur l'a visité pendant son séjour ici, & il est parvenu jusqu'aux oreilles de l'Impératrice de toutes les Russies qu'il vouloit se défaire de son porte-feuille. Cette Souveraine lui en a fait compter 120,000 livres, avec offre de l'en tailler dépositaire jusqu'à sa mort ; mais il a eu la délicatesse de l'envoyer sur le champ à cette magnifique Princesse.
•14 Juin. Il y avoit à la comédie francoise une grande dispute entre Mde. Vestris ayant l'emploi des premieres Princesses, & Mlle.
Sainval l'aînée , reçue pour l'emploi des Reines.
Celle-ci réclamoit à titre d'ancienneté divers tôles de la premiere. Les gentilshommes de la
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sfcambre avoient prononcé en faveur de Mcfe.
Vestris , dont la figure décidoit aisément la question. Cependant , par un beiu procédé , depuis peu elle a cédé à sa rivale neuf rôles qu'elle ambitionnoit, & se réserve feulement de la. doubler ; ce qui caraétérife une émulation noble & louable.
14 Juin 1779. Dans ce tems d'émulation générale , où il s'agit d'humilier l'orgueil anglois & de rendre à la France son égalité & sa supériorité sur la mer, le patriotisme se manifeûe de toutes les manieres. Le sieur Barbier le jeune, peintre , propose par souscription une estampe intitulée la bienfaisance du Roi. Elle représente S. M. daignant honorer Roussard , pilote de Dieppe , du titre de brave homme. Elle fera .gravée par le Sr. Le VaiTeLJr, de l'académie royale de p.einture.
Le Sr. Barbier renonce au bénéfice, qui doit être , les fraix prélevés, partagé en deux partie égales. La premiere fera employée à récompenser d'une somme de 900 livres chacun , .tous les matelots françois au service de bâtimens corsaires qui auront fait des actions de courage & d'intrépidité.
La feconde est deûinée au soulagement des veuves de matelots chargées d'enfans , dont les maris feront morts en combattant contre les ennemis de l'état Dans les deux cas on exige des précautions & attestations nécessaires, pour que la diftriîsution se faffe avec l'équité & l'ordre coru venables.
14 Juin. Il s'élève déjà beaucoup de critiques au sujet de la nouvelle salle de çmé-
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die : les plus essentielles font de son emplacement. Il en résultera que toutes les voitures publiques, toutes celles de charges & fardeaux pour la bâtisTe & rapprovifionnement de la capitale, defcendartt par la rue d'enfer, ne pourront plus dans le tems du fpeétacle se diviser, & feront toutes obligées de paffer par une rue longue, étroite & fort en pente ; à cet inconvénient se joint celui d'un rédillon considérable , qui dans les tems de sécheresse ou de gelée rendra très-difficile l'accès de la comédie & surtout très-périlleux le recul ordinaire aux grands jours , par la multitude des caroffes arrivant ou sortant en foule. Les architectes , chargés de l'édifice , n'ignorant pas ces objections se hâtent de l'avancer, afin qu'on ne puisse plus s'en dédire ; ils sollicitent fortement Ã/onfleur de venir y attacher son sceau d'approbation en quelque forte , en y posant la premiere pierre.
i<; Juin 1779. M. le chevalier Gluck se propose de faire incelTamment jouer un opéra d'été, intitulé Narqffe. Comme l'amour de la gloire ne fait pas tort chez lui à l'amour de l'argent, il a longtems marchandé avec le sieur de Vifmes pour le prix de cet ouvrage : encouragé par la manière généreuse dont il a été payé de son Iphigénie en Aulide , qui lui a valu 12,000 livres & 4000 de gratification, il demandoit o,coo de Narcisse : l'entrepreneur - général concessionnaire du privilège de l'académie -royale de musique, a bataillé longtems & enfin le marché s'est conclu à 10,000. Le chevalier Gluck très - mécontent qu'on le tracafïat ainsi , a menacé le Sr, de Vismes de s'en plaindre à la
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Reine , si S. M. lui faisoit l'honneur de l'entretenir de cela. Du reste , il veut être le pacificateur-général du tripot lyrique , il a déjà exigé que Mlle. Beaumesnil rentrât , & il veut que Mlle. Duplan foit aussi remise en grâce; ensorte que ce compositeur est très-aimé des sujets des deux sexes.
16 Juin 1779. Lettre des directeurs du commerce de la province de Guyenne ail chevalier Gras de Préville, commandant la frégate l'En.
gageante.
MONSIEUR, „ Malgre l'injuste préjugé qui, le plus fou,, vent , n'attache la gloire qu'aux succès, la „ reconnoissance de la patrie n'est pas moins - ,, due au militaire intrépide , qui fait tous les ,, efforts possibles pour prévenir des revers & „ secourir ses compatriotes. C'est à ce titre „ que le commerce s'empresse de vous faire „ ses justes remercimens du zele & des talens ,, que vous avez développés dans la conduite „ du convoi de la Martinique. C'étoit le pre„ mier qui, depuis les hostilités, feroit arrivé à „ bon port sans la rencontre funeste des vaif,, féaux ennemis. Votre manœuvre savante en „ cette occaGon ayant mérité les plus grands ,, éloges, nous nous sommes fait un devoir de ,, l'annoncer à M. de Sartine & de prier ce ,, Ministre de reconnoître ce service par quel.
„ que faveur éclatante. Nous apprendrons avec „ une véritable fatisfaétion que notre recoin.
,, mandation n'ait pas été stérile, & que vous , ayez agréé le témoignage de notre vive re.
,, connoissance, &c. „
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On se doute bien que cette lettre n'a pas été eciite proprio motli, & que le commerce n'est pas allez content pour se contredire ainsi avec ses plaintes plus réelles & plus légitimes.
16 Juin 1779. Le Droit du Seigneur est une comédie de M. de Voltaire, donnée la premiere fois en 1762 fous le titre de l'Ecueil du fage.
Elle n'eût point de succès alors. Comme l'amour-propre de ce grand homme lui permettoit rarement de renoncer totalement à une production , il avoit réduit cette piece de cinq aétes en trois & l'avoit rapportée avec lui pour la faire jouer. Les deux premiers font a-peuprès tels qu'ils étoient , mais les trois autres font resserrés en un. On s'étoit flatté à la faveur de cette nouveauté de faire passer encore Agathocle, mais cette tentative n'a pas réussi, & il a fallu retirer une fécondé fois la tragédie.
17 Juin. Ce qui se paffe aujourd'hui, donne lieu de s'entretenir de M. le comte de Vergennes, dont le ministere, si ses négociations réussissent & se soutiennent, doit faire époque dans la monarchie, comme un des plus brillans en France. On ne peut assez admirer qu'au moment où il enlevoit à l'Angleterre une portion de sa richesse & de sa puissance , où il tourmentoit l'Espagne afin de la déterminer à s'unira nous dans nos efforts pour la liberté des mers , où il contenoit la Hollande & ga-gnoit la confiance de toutes les puissances maritimes & en obtenoit des secours essentiels au rétablissement de la marine , il ait eu l'ascendant necessaire pour concilier en peu de tems les deux plus formidables souverains de l'Allemagne sur le point de mettre l'Europe c.;} feu,
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ait étendu son "aétivité jusqu'aux confins de rAfle & y ait réuni deux potentats qui, depuis pluGeurs annees, ne pouvoient s'accorder , tandis qu'une fausse politique , suivant des intérèts malentendus , auroit au contraire cherché à fomenter les divisions.
Ce qui relève surtout l'administration de ce ministre , c'est sa modestie, sa simplicité , son 1 affabilité. Malgré ses nombreuses & importantes occupations , il est toujours accessible, il recoit avec aménité tous ceux quife présentent, & ne dédaigne personne.
Son train de vie est des plus uniformes. Il a deux commis enfermés continuellement avec f iui, qui ne vont nulle part & ne reçoivent aucune visite ; il ne se confie pour le reste qu'à lui-même & à un chiffre, dont seul il a la clef.
Levé à quatre heures du matin , il travaille ju[qu'à une heure. Il se rend alors chez la comtesse de Vergennes , dîne en famille, joue avec ses en sans ; il se renferme à cinq ou six heures dans son cabinet ju[qu'à dix, prend un bouillon & se couche. Telle est sa vie ; éloigné de toute intrigue ministérielle , il n'a d'autre appui, d'autre proteétion auprès du Roi que son travail , son mérite & sa vertu.
On a déjà dit combien ce ministre rendoit la vie douce aux bureaux , dont le travail est fini le matin & qui ont presque tout le reste de la journée libre.
18 Juin 1779. On répand dans le public depuis quelque tems la lettre suivante de M.
de Sartine au comte d'Orvillîsrs. Elle n'tt f assurément pas dans le style ministeriel , dans la gravité du caraétere de M..de Sartine & con-*
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tient des fanfaronnades peu décentes ; elle pourroit partir tout au plus du fein de l'amitie & alors on n'auroit pas affecté de la divulguer.
C'est donc le jeu puéril de quelque perlîtfleur oisif. On va en juger. Elle est datee du 29 Mai.
,, Ce font des adieux que je vous fais, mon 3, cher Général ; ce {ont des vœux pour vous, „ pour tous les officiers généraux , comman,5 dans & autres & pour toute l'armée. Cher3, chez l'ennemi au moment favorable, atta„ quez-le vigoureusement ; vous le battrez , ,5 vous ferez heureux : je le ferai de vos fuc,, ces : vous m'enverrez de bonnes nouvelles, ,, j'aurai la latisfaction de les annoncer au Roi, „ il fera content, je demanderai des grâces, j, je les obtiendrai toutes, elles feront envoyées }3 avec empressement à ceux qui les auront mé„ ritces , elles feront recues avec reconnoifj, sance, le pavillon franqois fera triomphant, „ nous remercierons le Dieu des armées. Voilà, 5, mon cher général, ce que j'espere pour la m j, campagne prochaine : donnez-moi de vos ,5 nouvelles par toutes les occasions possibles, 55 je les attends avec impatience.
„ Vous connoissez, mon cher général, mon ,5 amitié pour vous, mon attachement pour le „ corps de la marine & mon zele pour sa f, gloire (1.
11 Juin 1779. Recueil de lettres sur différensfujets. Il en contient deux jusqu'à présent.
L'une de M. le chevalier de L * * à M. l'abbé de C*** , en réponse à ses Mémoires philoJbphiques ; l'autre à M. Lin^uet sur fO:1 sujet de banqueroute royale inféré dans ses Annales Politiques n°. 1. On parlera plus amplement de
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ce pamphlet, qui se donne fous le manteau , comme fort scandaleux , & est pourtant trèsinnocent.
19 Juin 1779. M. l'abbé de C ¥o ¥o it, est l'abbé de Grillon , un des coryphées du parti anti-philosophique, que combat l'auteur d'une des lettres dont on a parlé. Cet abbé, dans ses Mémoires Thilofoptiques , espece de roman moral, où il met en aétion les philosophes & les fait figurer comme il veut, c'est-à-dire de la façon la plus humiliante , la plus injurieuse , la plus atroce, prétend démontrer l'absurdité de leurs principes, la perversité de leurs mœurs, l'hypocrisie de leur conduite, leur inconséquence, leur contradiction. Son critique les défend avec chaleur & prouve que l'abbé de Crillon dans son livre, où il y a du sel & de la raison , prend feulement à gauche & ne fait aux philosophes que des reproches semblables à ceux qu'ont mérité les Jésuites & le clergé. Il entre en matiere & détruit toutes ces imputations , qui restent trop bien à la charge de ceux-ci. Il y.
a quelques bonnes choses dans cette épitre, dont la logique est foible cependant, & où les sarcasmes font cljir-femés & peu piquans.
La féconde lettre contre M. Linguet n'est pas plus énergique. L'écrivain , bon patriote, prouve la fausseté du systême de l'auteur paradoxal , qui permet au gouvernement de faire banqueroute & regarde ce moyen de se libérer comme légitime. & nécedaire. Mais il n'accable point ce mauvais citoyen des argumens viftorieux dont il pourroit le presser ; il n'entre point dans cette fainte fureur qu'inspire fort étrange impudence à tout homme qui fent la
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dignité de son être ; il se rapproche mime de son adversaire, il le loue, il le flatte, il devient fougueux Morangifte.
Les deux lettres font accompagnées de notes qui ne font pas fort curieuses. Au reste , l'écrivain annonce une fuite ; c'est un mémoire sur les ressources de finances qu'on pourroit employer pour tirer l'état de sa crise ; il le soumet à M. Linguet, il veut qu'il en foit le juge & le Mecene. De cet éclaircissement , on feroit assez tenté de conclure que l'ouvrage prédit est le mémoire du comte de Lauraguais, qui a paru il y a quelques mois ; dans lequel on ne retrouve, pas plus que dans ces lettres , son feu , sa gaîté, son esprit & ses faillies.
20 Juin 1779. Pour mieux connoîtrela situation du jardin des plantes & arbustes d'épice- , ries créé par M- Poivre, voici un extrait des annonces , affiches & avis divers pour les isles de France £ «? de Bourbon, du mercredi 9 Décembre 1778.
„ Lundi 7 de ce mois , MM. les chefs & administrateurs de la colonie, accompagnés de beaucoup de personnes de consideration , se font rendus au jardin du Roi le Jfont-plaijïr , où M. Ceré , major du quartier des Pamplemousses, à qui M. de Sartine , ministre de la marine, en a confié la direétion , leur a fait voir un muscadier femelle aromatique, en rapport & en fleurs , provenant d'une noix plantée en 1770 par M. Poivre , duquel il a détaché une noix venue à la grosseur convenable pour reproduire refpece. M. le chevalier de Guiran la Brillane , gouverneur général dcsifies de France & de JBpuibon, & AL Foucault,
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Intendant auxdites isles , se font chargés d'adresser au ministre de la marine cette premiere noix , pour être présentée à S. M. comme une preuve du succès complet de cette épicerie à Pisse de France, & comme un nouveau gage de la reconnoissance des habitans des deux isles.
,, Ces Meilleurs , en parcourant ce jardin si riche par ses productions des quatre parties du monde , y ont vu en fleurs ou en fruits un arbre pomifcre de Pisse de Cythere, Otahiti, nommé Hcrile Litchi , cet excellent fruitier de la Chine ; le noyer de Bancoul ; le Rima foccluis ou fruit à pain ; les différens bois propres à la teinture de FAménque, comme rocou , fapan , campêche, le sandal cetrin ; les différens theyers , arbres & arbustes, arequiers, LigeLitiers des Moluques & de Pisse de Madagasc.it , cacaoyers , caneliers de Ceylan & de la côte Malabarc , cardamomes , le camphrier , le bois d'aigle , le ravenefaras , cet arbre à épicerie fine de Madagascar , & plus de trente girofliers chargés d'une quantité de - bouquets , la plupart de ço, 60 , & 72 clous. Ils y ont vu également plusieurs pépinières garnies de nouveaux girofliers ravenefaras , & en général tout ce que renferme ce jardin dans le meilleur état de végétation.
20 Juin 1779. Le Sr. Fonteuil est un élève de Préville dans le tragique ; il avoit joué ici autrefois avec peu de succès : il a reparur hier 'dans le rôle d'Onze de la tragédie d'Iphigénie en Tauride : on l'a applaudi avant qu'il parlât , & cette bonne volonté s'est soutenue. Il a eu de beaux momens , mais il a rapporté à peu-près tous ses défauts , & il est difficile que
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cet enthousiasme dure. On l'a demandé à la fin de la piece & il est venu recueillir de nouvelles marques de fatisfaftion publique.
21 Juin 1779. Le nouvel opéra d'Iphigénie en Tauride fait triompher plus que jamais les partifans du chevalier Gluck. L'un d'eux perfiffle cruellement ses adversaires , le chevalier de Chatellux, Marmontel , la Harpe & les autres dans le Dythyrambe suivant ; il est intitulé Boutade d'un citoyen de Paris en perruque nouée, sortant de voir la nouvelle Iplzigélzie, &c.
Deftru&cur de la paix publique, Brigand! quel inftindt diabolique Au fein de Paris t'attira ?
Ennemi du rithme gothique, De la phrase périodique Qu'un grand poete célébra; Rends-nous notre chant pacifique t Notre fredon soporifique Et tous nos flon flon la ri ra.
Quoi donc ! le pouvoir tyrannique De ton déchirant opéra, Renverse en un jour tout cela ?
Quoi! d'un théâtre léthargique, La terrible scene tragique S'empare: on y sanglotera?
Plus de batelage italique!
Le trône , le sceptre lyrique , Aux mains d'un tyran restera!
Entends mon vœu patriotique: -"
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'Dès que le sommeil t'atteindra, Puisse quelque furie étique D'un ton traînant & syllabique , Te crier: qu'il meure! il mourra, Il te tu é notre mujîqtte !
Puis, quand l'effroi t'éveillera, Que du lit il te chassera ; Puisse la chûte d'un portique Ecraser ta tête rustique, Et le démon qui l'inspira !
Eh! périflfe ton style antique Et ta sublime poëtique Et ton orchestre despotique Et ton génie , 2f ccetera !
21 Juin 1779. M. le Due de Large avoit la parole du Roi pour succéder au Duc de Villeroy, sans enfans , dans la charge de capitaine des gardes : Madame la comtesse d'Artois , dont la duchesse de Lorge est Dame d'honneur , s'y intéreffoit. La Reine a prié cette princesse de se désister de sa protection envers le duc & a demandé la place au Roi pour le comte de Grammont , dont la mere attachée à S. M. en est fort -aimée, depuis que fous le feu Roi elle se fit exiler pour avoir traité avec hauteur & mépris la comtesse de Barry.
21 Juin. M. Changeux est connu chez les physiciens par un traité des extrêmes estimé. Il est en outre poëte , a fait des fables & autres opuscules : il étoit orateur de la loge des neuf foetirs'& pérora lors de la cérémonie funéraire, Consacrée à la mémoire de Voltaire. Il est ma-
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ehinifte aujourd'hui & auteur d'un nouveau baromêtre, déjà vu & admiré de différens mem-' bres de l'Académie des Sciences. Le mérite de cet ouvrage , production de son génie & de sa main , est de marquer d'une façon durable toutes les variations de l'air, non-seulement dans vingt-quatre heures , mais dans une semaine entiere; ensorte qu'il suffira de le remonter de sept jours en sept jours. Cette découverte peut-être fort utile à l'avancement de la phy* figue en cette partie.
20 Juin 1779. Mademoiselle Jules de Polignac n'epouse plus le comte d'Agénois : on prétend que le duc d'Aiguillon ayant trop tôt publié cet arrangement , a donné lieu à ses ennemis d'intriguer & de le détruire. Elle se marie avec le jeune comte de Grammont & c'est ce qui a valu à celui-ci la furviva-nce du duc de Villeroi : ce Seigneur rongé de ses hémorroïdes & ne pouvant plus monter à cheval , a demandé luimême au Roi un survivancier. Le comte de Grammont doit être fait duc de Guiche, jusqu'à ce qu'il jouisse du duché de Grammont après la mort du duc de ce nom & de son fils le duc de Lefpar , qui est imbécille, &qui, quoique marié avec une Noailles , n'a jamais habité avec elle : on parle même de ^interdire, afin d'accélérer cette jouinance.
En attendant que le comte de Grammont, âgé de vingt-trois ans feulement, ait les biens qui doivent lui revenir , le Roi lui donne 10,000 écus de rentes sur ses domaines. La Reine en a fait avoir autant à la jeune épouse. On présume que c'est cette grande affaire que S. M. a traitée avec sa favorite , lorsqu'elle lui a fait l'honneur
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de venir dîner tête à tête avec elle. On ne dit point comment on dédommagera le duc de Lorge, qui tout récemment en partant pour son régiment a rappelé au monarque sa parole & en a reçu une nouvelle. La duchesse deCivrac, sa mere , est furieuse. La Reine a également exigé de Madame Vidoire, dont elle est Dame d'honneur , & le duc de Civrac chevalier d'honneur , qu'elle n'interposât point sa protedion en cela.
22 Juin 1779. L'auteur du poëme d'Iphigénie: en Tauride, l'a resserré en quatre actes, & a suivi assez exactement la tragédie de M. Guimond de la Touche. Dans le premier, le théâtre représente, au fond, l'entrée du temple de.
Diane ; sur le devant le bois sacré, qui le précédé & l'entoure.
On entend, dès le commencement delafymphonie, quelques coups de tonnerre, qui se succedent plus rapidement , à mesure qu'elle marche. Elle finit par une tempête furieuse. Le jour est commencé; mais il est obscurci par les nuages, & le théâtre n'est éclairé que de la lueur des éclairs.
C'est ici que le musicien, en grand maître, au lieu d'ouverture , excite déja l'effroi dans l'ame des fpeétateurs , par la peinture harmonique d'une tempête & de ses horreurs. Iphigéni., grande-prêtresse de Diane, & toutes les autres courant éperdues sur la scene en augmentent l'impreinon. T/was, roi de la Tauride, intimidé lui-même, vient demander un sacrifice de fang, pour calmer ses terreurs. Le peuple ac-
court & annonce deux étrangers arrivés, comme victimes offerjtes par les dieux ; ils célebrent cet
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événement dans un divertissement très - court, & rendant à merveille le cofthume Scythe.
Orefle & Pilade paroissent , on les dévoue au trépas.
Au fecond aéte, le théâtre est converti en temple fouterrein , éclairé par des lampes, avec un autel rustique : scene tendre entre Orefle & Pilade enchaînés. On vient les séparer ; Orefle seul, tombe accablé de lassitude & d'épuisement : les Euménides sortent du fond du théâtre & l'entourent. Les unes exécutent autour de lui un ballet pantomime de terreur; les autres l'outragent , & toutes répètent en chœur * fréquemment ces mots terribles : il a tué sa mere !
Enfin l'ombre de Clytemneflrc paroît elle-même.
Cette illusion se diiïipeaux approches des prétresses. Iphigénie fait ôter les fers d' Orefle & l'interroge. Elle -apprend toute la malheureuse histoire de sa famille, qu'elle ignoroit depuis son sacrifice, & Orejle finiiTant par dire qu'il a rencontré le trépas qu'il desiroit, lareconnoifsance reste adroitement suspendue en ce que sa fœur le croit mort. Elle n'en veut pas savoir davantage & le fait retirer, pour réfléchir sur ces fatales nouvelles. Elle veut honorer la cendre de son frere par des libations & des cérémonies funéraires; ce qui tient encore lieu de danse & termine l'ade.
Au troisieme, on voit l'appartement d'Iphige'nie dans le temple. Elle se réfout d'après le conseil des prêtresses, ses concitoyennes, à écrire à Eleflre sa fœur , la feule de sa famille qu'elle croit encore en vie, pour lui apprendre son fort.
Elle se propose de délivrer un des captifs, qui remplira cette mission. Elle choisit Oreftei
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combat entre Pilade & lui. Il détermine fort ami, qui ne consent à partir que pour le fau ver y ou périr s'il ne peut réussir.
Le quatrième aéte s'ouvre par Iphigénie feule, aux pieds de l'autel de Diane , dont la statue est élevée dans son temple, sur une estrade, devant laquelle est un autel. Elle a peine à se résoudre au sacrifice; elle fent des remords : envain ses compagnes la pressent de l'exécuter.
On fait faire à Orefie toutes les cérémonies préalables ; on remet le couteau sacré à la grande prêtresse, lorsque Orefie s'écrie dans un tendre fourenir : Iphigénie, ô ma fceur , ainfl tu fus jadis immolée en Aulide ! Reconnoiflancequifufpendlefacrifice. TILOas , qui a tout appris , arrive & veut faire massacrer Orefie par ses gardes. Pilade survient à la tête de ses Grecs, & le délivre par la mort du tyran.
Tel est cet opéra où, comme l'on voit, les quatrième & cinquième actes de la tragédie se trouvent réunis ensemble, plus vifs conféq gemment, où la reconnoissance est sur-tout pîus en aétion.
Le superbe troisieme aéte de la tragédie, ne peut être aussi bien Ici, que les scenes ne font pas susceptibles d'être autant filées ; mais le musicien y a suppléé par tout ce que son art a pu lui fournir de plus propre à remuer les parfions, & c'est le chef- d'oeuvre du chevalier Gluck.
23 Juin 1779. - La dénonciation faite par M.
d'Epremesnil aux chambres assemblées contre Jes arrêts du conseil rendus fous la direction de M. Camus de Néville , concernant la librairie, ayant été renvoyée au 2 juillet pour y être
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statué, les gens de lettres, les libraires & autres intéressés à ce qu'elle ait des fuites , ont jugé nécessaire d'éclairer le parlement au moment où il va s'occuper de l'affaire; & ont répandu en conséquence une Lettre d'un libraire de Lyon à un libraire de Paris , en date du premier mars 1776. Toute la vigilance du chef de la librairie & du garde des sceaux n'a pu empêcher l'apparition de ce pamphlet.
24 Juin 1779. Outre la Lettre d'un libraire de Lyon à un libraire de Paris, il y a la Réponse du libraire de Paris , en date du 1 S mars.
L'objet de la premiere est plus spécialement de .rendre odieux M. de Néville , en découvrant toute l'iniquité de son ouvrage & les motifs de cupidité sordide qui l'ont pouffé. Dans la feconde, on cherche à capter le parlement, & à l'engager à ne pas se désister d'une recherche qui le compette & rentre dans la plus essentielle de ses fonctions.
24 Juin. Ces jours derniers M. le comte d'Artois parloit devant ses courtisans de la rigueur avec laquelle le prince de Montbarrey excluoit tous les volontaires' de l'armée d'Irlande ; le Prince s'adressant au prince de Poix , lui disoit: 3, cela est cruel , on a refusé le chevalier de 3, Coigny, on m'a refusé, on vous a rcfufé, 33 on a refusé jusqu'au maréchal deBroglie, qui 3, n'aura point ce commandement. — Oh !
répondit le prince de Poix, „ distinguons, Jloti31 seigneur ; on a refusé votre Alteffi, M. de 3, Coigny, moi & beaucoup cfautrcs, cela 35 nous fâche ; mais peu importe au rejïe ; all 3, lieu que le maréchal de Broglie, ceji la 5) nation entiere qui le demande." 25 Juin
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2 ç Juin 1779. L'abbé Baudeau , qui avoit Id plus contribué à l'anéantinement de lacaifle de Poissy par ses déclamations, n'a pas vu de bon œil son rétabliflTement; en conséquence il vient de faire un nouveau , Mémoire pour les nourrisseurs & hejrbagers & pour les marchands forains de befiiaux, approvisionnant les marchés de Sceaux £ «? de PoiJJy : il a pris dans cet ouvrage un ton de modération; & loue même le ministre vertueux qui préside aux finances » en le combattant.
2S Juin. On travaille fortement à la suppression des Célestins en France. Leurs monasteres de Metz &de Sens , leurs maisons des Ternes, d'Ambert, de Vichy & d'Efclimont, font déja éteints par des brefs apostoliques ; il en paroît de nouveaux, supprimant les monasteres d'Amiens , de Lyon , de Lymai - les - Mantes, de Saint Pierre de Villeneuve, de Sainte Croix d'Offemont & de St. Pierre au Mont de la Châtre : des lettres-patentes données à Marly le. mai confirment ces derniers, pourvu toutesfois qu'il n'y ait rien de contraire aux iaints décrets & concordats passés entre le saint Siege & les Rois prédécesseurs de Louis XVI, ni de dérogeant aux droits , franchise & liberté de l'Eglise Gallicane.
La grand - chambre & Tournelle assemblées ont enregistré ces lettres-patentes le 17 mai, pour être exécutées conformément aux loix, maximes & usages du royaume , sans approbation des clauses inférées auxdits brefs, qui pourroient y être contraires.
26 Juin. Pour avoir un échantillon des dépenses de la marine, on va faire le relevé
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des bœufs en vie fournis aux vaisseaux, fré1 gates & autres bâtimens du Roi, feulement en 1779; car les navires marchand s ne consomment guere de viande fraîche.
B RES T. 40000.
TOULON 22000.
ROCHEFORT 20000.
BORDEAUX OU 16000.
LIBOURNE.
NANTES 30000.
MARSEILLE 1000.
BAYONNE • 1200.
LE H A V R E. 800.
1,'ORIENT. 12000.
rT. M A L O. 30000.
CHE R BOU R G. 3000.
Total. 149000.
uumcmm«
Le total est cent quarante-neuf mille, non compris le bœuf fumé , qui, les moutons & les porcs compris , peut monter à soixante ou quatre-vingt mille quintaux.
26 Juin 1779. M. l'abbé Baudeau , dans ton mémoire pour les nourrilTeurs & herbagers, &c.
établit: i°. Que les faits sur lesquels font appuyées les lettres-patentes font faux; il expose en conséquence les vraies causes du renchérissement de la viande.
2°. Que la nouvelle caiflfe double l'impôt de cinq livres par tête de bœuf, qui se perçoit actuellement à la barriere.
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3°. Que la nouvelle forme d'impontion est contraire au commerce , par la gêne & les entraves où elle le réduic, & qu'elle est capable d'opérer le découragement qu'on se propose d'empêcher.
4°. Qu'elle a tous les vices de l'ancienne caille, à l'exception d'une légere diminution dans l'impôt, & de la liberté accordée aux bouchers riches de ne pas emprunter.
<5°. Qu'une caisse exclusive de prêt n'est pas nécessaire.
6°. Qu'une caisse exclusive de prêt est nonseulement inutile, mais nuisible.
7°. Ils proposent de faire rendre par le Roi une déclaration interprétative de l'édit de 1776, laquelle suppléant au silence de l'édit sur la qualité de l'intérêt du prêt & sur le terme, permettra à toutes personnes de prêter à dix pour cent aux marchands forains & aux bouchers pour le commerce des bestiaux exclusivement & fixera le terme du prêt à deux ou trois mois.
27 Juin 1779. Chaque bœuf, l'un portant l'autre, se vend 250 liv. ; ainsi les 149000 ont coûté 37,250,000 liv. non compris le fumé, les autres viandes & salaisons.
Il s'enfuit que cette exportation de six mois excede de plus de vingt mille bœufs la consommation annuelle de Paris, qui n'est que de centdix-sept mille bœufs, 27 Juin. , Il paroît confiant aujourd'hui que M. le Maréchal de Broglie ne fera pas employé.
Ses ennemis triomphent & le décrient : ils disent hautement que ce général a montré son ineptie au camp de Bayeux, & qu'il s'y est abfalument perdu de réputation.
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27 Juin 1779. 1\1. Favart donna en I77 Japetite Iphigenie, parodie charmante de l' Iphigrnie en Tauiide de Guimond de la Touche. On a joué hier les rêveries renouvellées des Grecs, parodie des deux Iplzigénies. Celle-ci est de M. Guérin de Frémincourt, qui a beaucoup profité de son devancier , mais l'a plus gâté qu'embelli. Elle est est trois aétes, & calquée presque scene par scene sur le nouvel opéra, dont les situations & les morceaux les plus terribles font présentés fous un jour ridicule, ou sur des airs boufons.
28 Juin. On a parlé de la brochure contre l'abbé Sabbathier, l'auteur des trois Jîecles de littérature Françoifl, auquel l'on conteste la paternité de ce livre. Depuis que la nouvelle édition paroît , cet abbé a publié une fécondé lettre dans le Journal de Paris, où il cite les propres expressions d'un M. L.
qui avoit prêté sa plume à M. l'abbé Baudouin , grand-maître du college du cardinal le Moine, le protecteur & le défenseur du défunt abbé Martin, dont, suivant lui, l'abbé Sabbathier s'est approprié le travail. Ce M. L. désavoue formellement le pamphlet, se repent d'avoir été l'organe du mensonge & de la calomnie-, & yepréfente son instigateur comme le plus noir & le plus fourbe de tous les hommes. Si l'abbé Baudouin ne refute pas ces inculpations atroces, celui qu'il a voulu décrier aura droit de l'en regarder comme convaincu, & le public ne peut qu'en avoir la plus mauvaise opinion.
29 Juin. A peine Mlle. d'Eon a-t-elle été Jibre , qu'elle s'est occupée de la nouvelle affaire qui lui est furyenue. Elle piibliç aujourd'hui
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! Mémoire el confu/ter & conJultation pOlir la Chevaliere cFEon ; en réponse à celui de MeJJïeurs de Hercado, ou Carcado, touchant leur généalogie.
Le premier est figné de Me. Guillaume, Avocat; la feconde, datée du premier juin 1779, est de Mes. Guillaume, Taillandier, Sarradhy.
30 Juin 1779. La Lettre cftm libraire de Lyon à un libraire de Paris, contient plusieurs anecdotes injurieuses au directeur de la librairie; ce qui @ le rend furieux contre cette brochure, envoyée à'tous les membres du parlement & aux magistrats du conseil. On y apprend que M. de Néville n'ayant eu pour but dans ses arrêts que de se procurer de l'argent ,a vendu au iieur Duplain , libraire de Lyon, 40,000 liv.
permission d'imprimer l'Encyclopédie , malgré l'arrêt du parlement du 6 février 1759 , qui défend de vendre & publier les sept premiers volumes de l'Encyclopédie; qu'il s'est réservé la faculté de vendre à plusieurs la même tpermiffion.
Que tous les contrefacteurs ont été mis à tcontribution; qu'on leur a fait payer fort »cher l'amnistie de leurs anciens vols & la [liberté de vendre les nouveaux ; que le directeur se félicite avec ses amis de son invention W dit, comme l'abbé Terrai, quand il avoit un jpeu pressuré les financiers : après tout, je tic Vais que voler les voleurs.
L'auteur cherche sur-tout à faire perdre k 1M. de Néville la considération qu'il s'étoit acaauife auprès des patriotes durant les troubles Se la magistrature par son courage & sa fer.
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meté: il n'avoit alors que vingt-deux ans;fbn ar étoit neuve: elle est aujourd'hui corrompue; dit lui-même : autres tems, autres mœurs. (
rappelle le propos tenu à Rouen lors de ici cci monie de l'estampille, qu'il lui falloit 100,0 liv. pourfes bureaux.
On conclut que le seul moyen rené a libraires d'éviter Jeur ruine, c'est d'oppo plus d'argent à moins d'argent. M. de Névill à ce prix, retirera ses arrêts ; il suivra l'exemf de M. de Maupeou, qui a reçu dans le tei joooo liv. pour tolérer l'impression de l'Enc clopédie , & çoooo liv. pour l'empêcher.
l'on crie que cela n'est pas jujle, il dira, e core comme l'abbé Terrai , qui vous dit ql c'eji jufle ?
50 Juin 1779. Les partisans du maréchal < Broglie ou du comte de Maillebois , critiquei beaucoup le choix de M. le comte de Vat pour commander l'expédition d'Angleterre : i disent qu'il est vieux , infirme , podagre , fo gros de corps, qu'il a les jambes encore pli grosses ; qu'il est d'autant plus ridicule de l'avo nommé, qu'une pareille expédition exige ai tant d'adivité de corps que d'esprit. D'un auti côté, on ne voit pas que ce militaire ait !
moindre crédit à la cour, qu'il ait intrigué o cabalé , & l'on a tout lieu de croire qu'il ne s'a tendoit à rien moins qu'à sa nomination.
1 Juillet. Le chevalier du Coudray, batc leur littéraire si jamais il en fût, avoit imagin de se faire directeur de troupe & d'élever u petit fpeftacle forain aux boulevards neufs. ]
se flattait de pouvoir ainsi satisfaire, à son aise son amour-propre & faire jouer librement se
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pieces rebutées des autres théâtres. Il a en conséquence vendu des contrats pour subvenir aux fraix de conftruétion du nouvel édifice. Il étoit fini & déjà l'on en avoit annoncé l'ouverture dans les petites affiches de Paris ; mais la police s'y est opposée; & lui reproche de s'être prévalu d'une permission pour des jeux à six & à huit fols & de s'ériger en directeur de grande troupe : ensorte qu'il est fort embarraITe-avec fan théâtre, ses aéteurs & ses pieces. Les petites affiches ont été obligées de se rétradter.
1 Juillet 1779. La Reponje du libraire de Paris est encore plus vigoureuse, s'il est possible, contre M. Camus de Néville. On y avance des anecdotes & des faits non moins cruels ; on lui reproche : i6. Que le produit de l'estampillage, dont une partie étoit assignée pour les vacations des syndics & autres officiers de la librairie , est paffé tout entier-entre ses mains.
2°. Qu'ayant paru favorable aux contrefacteurs, il les a rudement vexés par un impôt sur chaque volume ; en forte que plus ils avoient multiplié les contrefaçons, plus il leur en a coûté ; au point qu'à tel libraire il en coûte1 ç,000 liv. argent comptant sec.
3°. D'avoir porté à un taux excessif le tarif qui taxe le format & le nombre des voletnes qu'on aura permission d'imprimer.
4°. Enfin, qu'en mettant des impositions arbitraires , en se réservant la faculté de les augmenter quand il le voudra , en les établissant à perpétuité , en ne se rendant comptable à personne des deniers qu'il recevra , il a formé
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une entreprise contraire à la constitution nationale & à toute espece de gouvernement.
C'est ce qui motive la confiance des libraires dans le parlement , d'autant que les derniers arrêts du conseil non revêtus de lettres-patentes, font absolument contraires aux loix enrégistrées concernant la librairie.
Avant d'avoir recours à cette voie extrême; ils ont dû épuiser les autres. Il falloit démontrer à M. le directeur que ses arrêts violent manifestement les loix de la propriété ; que la maniéré dont ils ont été faits , leur clandcftinité , le secret gardé aux conseillers du bureau dont ils font censés émanes , prouvent la perversité de la besogne ; que ses défenseurs ne font que des sophistes & des écrivains flatteurs, mercénaires ; que tout est contradiétoire éedans ses arrêts & dans ses apologies : il falloit tâcher de dissiper le préjugé du Garde des sceaux, qui lui a confié ce département ; il falloit tenter par une requête bien motivée d'obtenir le renvoi des griefs au bureau chargé de cette espece de législation ; il falloit convaincre M.
de Néville par un jugement en justice réglée , tel que celui entre la dame Deffaint & le sieur Pauéton , que jamais les tribunaux n'adopteloient ses arrêts , contraires à toutes les notions de justice & d'équité.
2 Juillet 1779. Outre les deux lettres dont on a parlé , concernant les réclamations des auteurs & des libraires , il en paroît une troisieme, Lettre de M -\C à un libraire de ses amis, en date du 18 avril 1779. Son objet est de rappeler sommairement tout ce qui a été dit de plus lumineux dans les écrits précédens en sa.
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vew des plaignans , & de faire sentir au parlement qu'il ne peut s'empêcher de statuer sur leurs griefs, pour ne pas être en contradiction, avec les loix , auxquelles il a donné la fanétion par l'entegiftrement.
2 Juillet 1779. M. Lantier, auteur de l'Impatient, petite comédie en un ade & en vers, jouée l'année derniere une feule fois sans succes, ne s'est pas rebuté & la fait reparoitre plus heureusement aujourd'hui.
3 Juillet. Le mémoire de Mlle. d'Eon est infiniment mieux fait que tout ce qu'elle a écrit jusqu'à présent ; son style est clair, ferme, noble, plein d'énergie : elle y apprend au public comment dans son impatience de combattre les ennemis de l'état elle avoit demandé la permission de servir fous les yeux du célébré comte d'Orvilliers , dont elle cite la réponse datée de Brest le 3 mars 1779 ; comment le Sr.
de la Fortelle , lieutenant de Roi de St. Pierre le Moùtier , auteur de fasses militaires, ou annales des chevaliers des ordres royaux & militaires de France, lui avoit écrit pour avoir fr notice ; comment elle lui avoit envoyé plusieurs de ses mémoires adressés aux Ministres, dont il en avoit tiré un précis de la vie militaire, politique tjf privée de cette singuliere héroïne ; comment enfin il avoit copié un imprimé contenant sa généalogie qu'elle lui avoit aussi confiée , dressée en I76 sur pieces authentiques par M. de Palmeus, secrétaire de S. A. S. le feu prince de Conty.
C'est cette généalogie qui a allarmé Mrs. de Kercado & donné lieu au procès qu'ils ont
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intenté a l'historiographe , qui en a fait la dé- ■ nonciation à Mlle. d'Eon.
En conséquence, cette fille célebre, avocat elle-même , ne pouvant mettre en cause Palineus mort, se défend.
1°. Elle détruit les objedions proposées contre le systême du généalogiste , indifférentes à meilleurs de Karcado.
2°. Elle fait voir que les motifs de plainte qui font particuliers à ses antagonistes, n'étant ni de son fait, ni de celui du sieur de la Fortelle, ne peuvent leur être imputés, mais au Sr. de Palmeus seul.
5°. Elle montre que vis-à-vis de celui-ci même , les parties adverses n'ont pas prouvé l'intérêt de leur réclamation.
4°. Elle établit enfin que les griefs prétendus ne font que des phantômes , & que loin de s'en trouver offensées ou d'en témoigner du leflentiment au généalogiste , elles lui en doivent de la reconnoissance.
Tel est le résumé de ce mémoire , très-bien raisonné , très-savant, au fond plein de recherches , & où d'ailleurs on trouve des morceaux historiques curieux & intéressans , tel que le portrait de l'hérésiarque Eon , dont Mrs. de Kercado rougissent de descendre , & qui est reprérenté ici comme un homme rare , & même comme un grand homme, quoique ces Mef- sieurs le traitent de fol.
La consultation confirme les excellentes raisans de la Dlle. d'Eon, qui non-seulement n'est point dans le cas de faire aucune réparation, mais d'en attendre.
Au surplus, la réponse de M. d'Orvilliers
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étant une piece à conserver, en voici la copie.
„ Il n'est permis , Mademoiselle la cheva„ liere , à aucun habitant de l'Europe , qui „ ait reçu quelque éducation dans cette par„ tie du monde , d'ignorer le rôle distingué 5, & extraordinaire que vous y avez joué : , l'admiration & l'ellime ont dû être la fuite , de cette connoissance. Personne au monde , ne vous paye ce juste tribut avec plus d'&5, tendue que moi, & je ferois enchanté si , 9, par un effet de la lettre que vous avez „ adressée à M. le comte de Maurepas , les "cÍrconftances me mettoient à même de „ combattre à vos côtés, de justifier l'estime „ que vous m'accordez & de vous donner des „ preuves du rerpeét avec lequel j'ai l'honneur „ d'être , &c. ,, 3 Juillet 1779. Il est certain que le Directeur aétuel de la librairie a trouvé dans son tarif une mine d'or , s'il peut le maintenir sur le pied qu'il a imaginé.
Pour une édition in-folio, chaque ) 240 livres.
, v 240 ivres.
volume, tire a ISOO exemp. )
Pour une édition in-4. idem. 120.
Pour une édition in - 8. idem. 60.
Pour une édition in-12. idem. 30.
Pour une édition in-16. idem. iç.
Telle est la taxe des objets les plus importans.
4 Juillet. Si l'on en croit Me. Linguet , qui dans son N°. 39 fait une sortie des plus violentes contre M. de Mairobert , celui - ci feroit l'auteur des Mémoires ftcrcts, &c. de Bachaumont, & l'on juge qu'il en est en effet
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très-persuadé aux sentimens de vengeance êc de fureur qui l'animent. Cependant, comme cet étrivain n'apporte aucune preuve du fait, que M. de Mairobert , suivant ce qu'attestent tous ceux avec qui il vivoit dans la plus grande intimité , a toujours désavoué ce livre , il est calomnieux au journaliste de lui attribuer un ouvrage qu'il regarde comme aussi abominable. Tout ce qu'a dit le défunt censeur, c'est qu'il y avoit dans les Mémoires en question beaucoup d'articles conformes au journal pri.
mitis de madame Doublet, dont il avoit une copie , ainsi que le président de Meynieres , ainsi que M. d'Argental, ainsi que M. l'abbé Xaupy & plusieurs autres illustres amis , commensaux & collaborateurs de cette virtuose.
Il s'enfuivroit de cet aveu , au contraire , l'authenticité du livre, jusqu'à la mort de M. de' Bachaumont. Et les éditeurs, sans doute, n'ont pas prétendu persuader au public que ce Philo To p h e fÚt revenu de l'autre monde pour composer la fuite.
Quant à la maniéré dont Me. Linguet s'exprime sur le compte de M. de Mairobeit & au tems où il l'attaque, on peut à plus juste titre reprocher à ce journaliste de l'insolence & de la baffeffe. Il est insolent en effet de dire le nommé Mairobert , d'un homme mieux né que Ion accusateur ; de l'appeler parvenu, parce qu'il étoit avocat, censeur royal & secrétaire du Roi, toutes qualités qui n'étonrieroient pas dans un homme de l'extraétion même de Me.
Linguet; enfin il est bas de n'oser outrager que sa mémoire & de fupnrimer sciemment sa qualité de secrétaire des coirunandemens du duc de
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Chartres , pour lui enlever le protecteur qui pourroit lui relier après sa mort.
Un fait plus certain à cet égard que les alertions très - hazardées du journaliste, c'est que la police ayant à l'instant de la mort de M. de Mairobert & avant l'apposition des scellés , fait enlever de chez lui par ordre du Roi , non-seulement tous ses mamifcrits & papiers, mais même beaucoup de livres , on n'y a rien trouvé qui donnât la moindre induétion de ce soupçon.
5 Juillet 1779. Il vient de mourir une demoiselle Tiercelin , une de celles consacrées aux plaisirs de Louis XV. Celle-ci étoit fille d'un cavalier de maréchaussée , bâtard d'une maison illustre du nom que portoit cette demoi felle. Le Sr. le Bel instruit de l'existence de cette rare beauté , l'avoit fait enlever à onze ans & éduquer jusqu'à quatorze, qu'il l'avoit jugée propre à la couche de son maître. C'est cette considération de destination forcée qui avoit fait excepter Mlle. Tiercelin par le Roi aétuel , qui l'àimoit beaucoup. Elle avoit un fort d'environ 30000 livres de rentes , elle en dépenfoit cent , & tous les ans S. M.
ordonnoit qu'on payât ses dettes. Elle en laifife encore pour 300000 J^;res. Elle a un fils d'environ quinze ans, qui se nomme monsieur le Duc.
A la mort de Mlle. Tiercelin , son pere & son frere ont trouvé une caflefte précieuse qu'ils ont remise & ils esperent être bien récompensés.
ç Juillet. Pour donner plus de relief & plus de vogue encore au lJlercllre, il s'agit de
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le faire paroître chaque semaine ; on voit le profpedtus de cette nouvelle entreprise.
6 Juillet 1779. Dans la renaissance de la poésie parmi nous , nos poëtes se sentant de la galanterie de la vieille cour agitoient des problêmes amoureux qui nous paroissent fort ridicules aujourd'hui. Cependant M. le Brun vient d'en renouveller un de cette espece , qui fait fortune : c'est le jugement de r Amour sur les yeux noirs & sur les bleus.
Un jour les beaux yeux noirs aux vives étincelles, Et les bleus aux regards doux, tendres & mourans, (Jamais plus grâve objet n'intéressa les belles! )
Voulurent à la fin terminer leurs querelles Et que l'Amour fixât leurs rangs.
Au juge de Cythere ils présentent requête ; Ils plaident : mes amis , c'est bien en pareil cas, Qu'il est charmant de voir plaider les Avocats.
L'Amour, en bonne & grâve tête, Sur la foi des Baisers, intégres rapporteurs, Met ainsi d'accord les plaideurs : , Les yeux noirs savent mieux briller dans une tête; „ Les bleus font plus touchans à l'heure du berger.
») Les yeux noirs savent mieux conquérir, ravager.
„ Les bleus gardent mieux leur conquête.
9, Les noirs prouvent un cœur plus vif, mais plus léger; Les bleus un cœur plus tendre & moins promt à changer.
Les noirs lancent mes traits, les bleus ma douce flamme :
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„ Les noirs peignent l'esprit, & les bletis peignent l'ame
7 Juillet 1779. Tout le parti Janséniste a tressailli de joie ces jours derniers en voyant M. l'abbé de Gergy, recevoir à Ste. Genevieve, le jour de la Saint-Pierre, M. l'Archevêque de Paris, & l'y laisser officier ; ensuite le Prélat est allé dîner au réfectoire à côté de cet abbé & y prendre un repas frugal. Pour connoître le sujet de l'allégresse de cette cabale, il faut savoir que Ste. Genevieve est censée un repaire du jansénisme ; que M. de Gergy surtout 7 l'abbé adtuel, étoit tellement fufpeété par M.
de Beaumont, qu'il lui avoit interdit la prédication & qu'il le tient encore dans cet état de suspension. Cela n'a pas empêché qu'il n'ait été promu aux dignités de son ordre. Depuis qu'il est abbé de Ste. Genevieve, il a obtenu trois fois la permission de prêcher ; ce qui paroît fort inconséquent de la part du Prélat ; mais sa derniere démarche est le comble de ses contradictions, & les Molinistes, de leur côté r en font très-allarmés.
8 Juillet. La Reine de "Golconde est sans doute , un des sujets qu'on puiflfe mettre au,théâtre le plus heureux. Il est fâcheux seulement qu'il foit tombé entre les mains du Sr.
Sedaine, le poëte le moins propre à ce genre Outre qu'il a très - affoibli dans son style les grâces & la naïveté du roman original , c'est qu'il est très-mauvais versificateur, très-dur , très-plat & sans le moindre rithme harmonique.
Malgré ce vice radical, l'intérêt du sujet , sa variété , la multitude de décorations & de
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ballets qu'il exige naturellement, jointe à la musique agréable , charmante & pittoresque du compositeur, le Sr. Monsigny, y ont attiré du monde & les Gluckistes , Picciniftes , Bouffonistes n'ont pu s'empêcher de le louer.
Pour dédommager la portion du public qui aime la danse & qui en est sevrée depuis longtems ; le Sr. de Vismes a fait refaire & étendre les ballets. Celui du premier acle est du Sr.
Gardel l'aîné ; le Sr. Vestris s'en: chargé du fecond , & le troisieme a été jugé digne de la composition du Sr. Noverre : chacun de ces choréographes s'est tellement plu dans son travail , qu'il l'a trop allongé ; en forte qu'il en résulte de la satiété , même pour les amateurs de ces divertissemens.
Une nouvelle débutante a chanté une ariette, dans laquelle on a admiré la justesse & la légereté de sa voix. Ce fera une très-jolie cantatrice, mais comme elle n'a ni énergie , ni étendue, on doute qu'elle puisse être jamais adtrice ; elle se nomme Girardin. Mlle. le Valseur a daigné descendre aux rôles de bergere ; mais accoutumée aux coups, de fO-ree, aux mouvemens des passions violentes des héroïnes , elle a peine à revenir à la douceur , à la simplicité de cet état humble & calme.
9 Juillet l'i79. La souscription annoncée s pour les Queyfïat n'a pas réussi , sans doute, puisque madame la comtesse des Gentils, gouvernante des enfans du duc de Chartres , se propose de leur donner des secours. On fait que cette femme bel - erprit fait des comédies très - ingénieuses ; elle en a fait imprimer un "j * J
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volume qui doit être vendu au profit de ces prisonniers. On ne peut qu'applaudira des vues de bienfaisance aussi nobles.
9 Juillet 1779. Les pieces pour le concours du prix de l'Eloge de Voltaire, ont été remises & le concours est fermé du trois de ce mois.
Il y a vingt-deux Eloges de l'abbé Suger. Un d'eux n'ayant été porté que le quatre chez l'imprimeur , l'Académie a délibéré à ce sujet & est convenu de l'admettre par grâce.
9 Juillet. M. l'abbé Beaudouin le grandmaître du college du cardinal le Moine, excité par ses amis, s'est enfin déterminé à rendre plainte au criminel contre la lettre de l'abbé Sabbathier de Castres , inférée au Journal de Paris du 15 Juin & l'affaire est en instance.
9 Juillet. On a parlé en 1779 de la million qu'avait M. le comte d'Effuille pour suivre dans les provinces un plan d'opérations, tendant à augmenter les richesses des communautés & à leur fournir de nouveaux moyens de supporter leurs charges. Il consistoit à les engager , en se réservant la propriété des marais & communes qui leur appartenoient , à les diviser en autant de parties égales qu'elles contenoient de familles riches , ou pauvres, à qui ces portions étoient échues par la voie du fort, pour en jouir & leurs dercendans, autant qu'elles réfideroient dans la communauté , & sans que ces parties de biens pussent être faisies par leurs créanciers. En faisant ainsi participer tous les habitans aux fruits des biens communs , dont les seuls particuliers riches tiroient alors avantagé, ces communautés font parvenues à accroître leurs propriétés par des défrichemens qui ont
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téuffi très-facilement, à faire servir leur intérêt particulier au bien & à la prospérité de l'état, à l'augmentation du commerce & de la population , & à tarir une des principales sources de la mendicité.
On ne fait pourquoi M. le comte d'Effuille a été arrêté dans sa million. Il paroît qu'on fonge à remettre en vigueur son systême. Cet écrivain économiste l'a développé dans son excellent Mémoire sur le tourbage , suivi d'un autre également utile que les Etats firent imprimer à Arras, & mieux encore dans un traité politique &' économique des communes, qu'il publia en 1772.
9 Juillet 1779. L'on a donné hier au théâtre la premiere représentation de Yamore soldato, ou l'amour soldat, opéra bouffon en trois aétes du Signor Sacchini. Malgré le nom de son auteur & l'excellence de la musique, il n'yavoit personne. Il est prouvé que chaque représentation des bouffons, leur traitement & leurs fraix compris , revient à mille écus & qu'ils ne rapportent pas la moitié : il n'est pas possible que cela dure.
10 Juillet. Depuis long-tems la comédie italienne lutte contre le refroidissement, l'ennui & le dégoût du public ; il paroît que cette troupe ne peut plus y tenir & qu'elle est décidée à retourner en Italie. On ne conferve qu'Arlequin & Argentine. Si les bouffons repaient aussi les monts au bout de leur engagement , la liberté qu'auront les autres adteurs de ce théâtre de prendre de ces opéra, de les parodier en françois & d'en adopter la musique,
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pourra lui conserver une existence qui ne peut avoir lieu sans ce secours.
11 Juillet 1779. On se propose déjà de donner un rôle à la nouvelle cantatrice de l'opéra & l'on lui fait repéter celui d'Aline dans la Reine de Golconde. Les vrais connoisseurs estiment que c'est trop se presser, & qu'il auroit fallu la laisser acquérir avant de l'assurance & du maintien.
12 Juillet. Il est décidé que les quinzevingt feront transférés du lieu où ils font , l'hôtel des mousquetaires noirs , qu'on vient d'acheter pour eux : on leur fera un traitement pécuniaire à chacun, & comme les deux tiers ne font pas parfaitement aveugles , on doit y établir une corderie, où l'on les occupera suivant leurs facultés refpeétives.
12 Juillet. Madame la marquise de Rosen , Dame pour accompagner Madame, est fille du Maréchal de Broglio. Quelqu'un attaché vraisemblablement à la même princesse, a fait des tracasseries auprès de S. A. royale , au point que le Maréchal s'est trouvé inculpé par des délations & obligé de se justifier : ce qu'il a' fait de la maniere la plus satisfaisante pour Madame; mais ayant desiré connoître son accusateur, la Princesse s'est refusé à le lui nom- v mer , parce qu'elle avoit donné sa parole au coupable de ne le point faire. Après les inf- tances les plus vives de l'accusé, S. A. royale est convenue de lui écrire une lettre très-forte» où elle le déclare absolument innocent & rend compte des raisons qui laissent le calomniateur à l'abri du juste reÍfentiment du Maréchal. Il
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fait expédier des copies manuscrites de cette lettre , qu'il délivré à tout Je monde.
13 Juillet 1779. La troupe du Sr. l'Ecluse, intitulée aujourd'hui le fpeclacle des variétés amusantes est devenue à la mode ; c'est la fureur du moment : malgré les grossiéretés dont ce théâtre est infeété , les femmes les plus qualissées , les plus fages en raffolent. Il y a furtout un aéteur faisant les rôles de niais , qui est singulierement admiré : ceux de la comédie françoise font venus le juger & l'ont déclaré le premier dans son genre ; ils vont travailler à l'acquérir. Pour satisfaire la foule des amateurs , cette troupe qui va se transporter à la foire St. Laurent, après y avoir représenté le jour, viendra la nuit dans la fale des boulevards donner sa reprise.
14 Juillet. L'écrit ou mémoire en faveur des nourrisseurs & herbagers & pour les marchands forains de bestiaux , a fait une telle sensation que la police en a cru devoir arrêter la distribution. Cependant la cour des aides en ayant eu connoissance & n'ayant point enrégistré l'édit de rétablissement de la caisse de Poiss'y , avoit rendu le 30 Juin arrêt , défendant de percevoir aucun droit en cette matiere non autorisé par elle , à peine de concussion ; le gouvernement instruit de cette démarche a envoyé chez l'Imprimeur de la Cour-des-Aides pour arrêter la publication & impression de cet arrêt, casse dès le lendemain par un arrêt du conseil. Ensorte que la nouvelle caisse n'a pas moins eu lu au commencement de ce mois.
D'après le premier mémoire il a paru en cette matiere.
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i8. Mémoire pour les marchands bouchers de Versailles, de Corbeil, de St. Germain , de Montmorency, de St. Denis & des environs de Paris, sur la nouvelle Caisse de PoiffLJ.
2°. Second Mémoire pour les nourriffiurs & herbagers & pour les marchands forains de befliallx approvisionnant les marchés de Sceaux £ «? de Poissy.
Servant de réponse aux différentes objections proposées contre le premier , & d'éclaircissement sur d'autres points intéressans.
3 Supplément au fécond mémoire des marchands forains & herbagers.
Contenant 1°. quelques obrervations necéssaires à la cause : 2°. l'adhésion de 14 autres herbagers de Normandie, au mémoire des marchands forains ; ce qui porte le nombre des reciamans à 296, y compris les quarante bouchers de Versailles.
1 Juillet 1779. Le mémoire pour les mar.
chands bouchers de Versailles , de Corbeil, £ «fc.
fouferit de quarante d'entr'eux , est fort couw: & fort clair. Ils adherent en tout au premier mémoire & ajoutent en outre : ID. Que les lettres-patentes établirent sur les bouchers dç la campagne une imposition de 8 livres, 6 fols, 8 deniers par bœuf & d'une liv.
par paire de moutons.
20. Que le Roi déclarant ne vouloir tirer aucun produit pour son tréror.royal de cet impôt, ils ne peuvent concilier une imposition aussi forte avec l'intention manifeste de Sa Majesté.
30. Que cet impôt étant destiné à remplacer celui mis pour l'entrée de la ville de Paris
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n'y a aucune raison d'établir ce remplacement d'impôt dans les endroits où il n'y ayoit pas de droit d'entrée établi.
Le résultat de ces obrervations est , que l'impôt rendant net au Roi environ 3*50,000 livres, fera augmenté de près de 700,000 liv.
ce qui doit entrer dans la bourse du fermier, puisque Sa Majesté n'exige que la même somme du paffé.
16 Juillet 1779. Dans le fécond mémoire pour les nourrisseurs & herbagers , & pour les marchands forains de bejiiaux , &c. on fixe les doutes élevés sur les données , telles que le nombre des bœufs & des moutons qui se vendent annuellement aux deux marchés de Sceaux & de Poissy, & le prix moyen des boeufs & des moutons. On prouve que les calculs établis à cet égard font exaéts ; c'est-à-dire, que Paris consomme annuellement cent dix-sept mille bœufs & 245,000 paires de moutons , & que l'évaluation du prix moyen à 250 livres par bœuf ou vache est reconnue vraie par tous les gens du métier. Il en est de même de celle du prix commun de la paire de moutons , à 30 livres.
On explique ensuite comment l'augmentation totale de l'impôt , portée à plus de 600,000 livres , peut se concilier avec celle qui résulte de l'impôt partiel par tête de bœuf, & par paire de moutons : ce qui devient clair après les données ci-dessus. L'on démontre que la tête de bœuf , par l'impôt établi fous M. Turgot, de <; livres à la barriere , se monte réellement aujourd'hui à 8 livres , 6 fois, 8 deniers de plus, & celle de la paire de moutons, ci-devant
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de 12 fols , à i livre 10 fols. En outre, le boucher de campagne , qui ne devoit rien payer à la barriere , payera la même somme. De ce double accroissement se forme cet excédent de plus de 600,000 livres de l'impôt ; tandis que le Roi déclare qu'il ne demande aux fermiers que la même somme qu'il tire maintenant.
Il feroit fastidieux de suivre l'auteur du mémoire dans la discussion ultérieure de ses proportions , toutes très-clairement prouvées.
Dans le supplément au fécond mémoire, on poursuit les partisans & défenseurs de la nouvelle caisse jusques dans leurs derniers retranchemens, & après les avoir fait convenir du point essentiel , qui est l'augmentation réelle de l'impôt , on détruit leur prétexte , en prouvant que les pertes que fera la caisse feront imperceptibles en comparaison du produit net qui leur restera.
16 Juillet 1779. La Faculté vient de recevoir encore un nouvel échec , par l'attribution faite à la Société de correspondance exclufivc de tous les hôpitaux du royaume. En outre , c'est elle qui doit être consultée par l'adminif- tration sur les. meilleurs moyens de réformer les vices , les inconvéniens & les abus de ces lieux.
16 Juillet. Entre les pieces qui concourent pour l'Eloge de Voltaire , il s'est trouvé un dithyrambe qui a surtout frappé les Académiciens , & qui , malgré la bifarrerie de cette forme , a de si grandes beautés, que Messieurs les Académiciens font tentés de lui adjuger le prix.
16 Juillet. La fiance concernant les nou.
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veaux réglemens de la Librairie, tenue le 2, a été renvoyée à la fin du mois. On craindroit que ces délais n'annonçaffent des dispositions peu favorables du Parlement en faveur des plaignans ; mais on affure que l'Avocat général Seguier , à qui les Imprimeurs & les Libraires ont fait de gros presens , s'est engagé à les soutenir de son crédit dans la compagnie & de son éloquence ; ces derniers se font ligués & font décidés à sacrifier un million , s'il le faut , pour triompher de M. de Néville.
17 Juillet 1779. Le parlement, les chambres àssemblées le 13, a ftipprimé les mémoires dont on a parlé , concernant les nourrisseurs , herbagers & marchands forains de bestiaux. C'est l'avoeat général Seguier qui a fait le réquiutoire , où il a représenté ces écrits clandestins comme destinés à échauffer les erprits & à jetter l'allarme dans le public ; comme contenant des déclamations indécentes contre une loi émanée du trône, & ayant reçu la fonction refpeétable de l'enrégistrement. En conséquence il a été ordonné une information contre les auteurs, imprimeurs , colporteurs & distributeurs de ces pamphlets , dont il a été jugé important d'arrêter le scandale.
18 Juillet. Les mémoires pour les marchands forains, bouchers, &c. qu'on croyoit de l'abbé Baudeau, parce qu'ils font dans les principes de la fede des économistes , & furtout dans ceux développés par cet abbé , lors de fan plaidoyer contre les fermiers de la caille de Poissy, font décidément de la composition de Me. Blonde, avocat, l'auteur de la Lettre sur M. de Vairies , & fameux par cette querella
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relie. Il est assez singulier de le voir mainte-1 nant défendre l'ouvrage de M. Turgot , après l'avoir si cruellement affligé par sa diatribe contre sa créature.
Du reste , les magistrats & les ministres conviennent allez aujourd'hui des vérités avancées dans les écrits condamnés par le Parlement.
Mais les nouveaux fermiers ayant fait une avance de deux millions , il faudroit les leur rendre, & le trésor royal ne rend rien. Ainsi M. Necker a été obligé de les mettre en possession du bail commencé le premier Juillet. On impute cette besogne peu patriotique à M. le grand aumônier , qui toujours affamé d'argent s'est laide gagner par ses créatures, & moyennant finance , qu'il ne veut pas restituer aussi , a fait réunir & maintenir le projet. Voilà le public grevé d'un impôt de plus de 600,000 livres , pour assouvir la cupidité d'un grand seigneur & de quelques particuliers.
19 Juillet 1779. C'est aétuellement M. le comte de Broglio qui attire le public au palais. L'affaire est peu considérable en ellemême ; c'est un vrai commérage, une pure tracasserie : mais l'importance du perfonage & sa turbulance l'ont rendue grâve, intérellante ou du moins curieuse.
M. le comte de Broglio a prétendu, l'année derniere , lorsque fan frere fut nommé pour commander le camp de Bayeux , qu'il avoit été accusé par ses ennemis -d'avoir détourné le Maréchal d'accepter cette faveur du Roi , si lui, comte de Broglio , n'étoit nommé Maréchal général des logis de l'armée. Il a imaginé que cette accusation devoit partir de la maison de
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Rohan , ennemie de la sienne , & il a en conséquence mis en cause un certain abbé Georgel , attaché en qualité de bibliothécaire au cardinal de Guémené. Celui-ci s'est défendu au Châtelet , ayant été décrété d'assigne pour être ouï , en a appelé au Parlement. Le procès se plaide actuellement Grand-chambre & Tournelle assemblées. C'est Me. de Bonnieres qui a parlé pour lui dans deux audiences : c'est Me. Tronqon du Coudray qui plaidera contre.
19 Juillet 1779. La présidence perpétuelle en la personne du premier médecin , étant une des choses qui a le plus révolté dans la composition de la nouvelle Société royale de médecine , M. de Laffonne a pris le parti de se piquer de générosité ; il a fait déclarer à cette compagnie qu'il renonqoit à cette perpétuité , & même à cette dignité ; que la société feroit libre d'en élire un autre. Quant à M. Lieutaud, comme son nom ne figure sur la lifte que pour la forme , qu'il répugne à l'établiffemcnt , on.
n'aura nul égard à,lui, & il difparoîtra de cette place, ainsi qu'il y a paru, sans s'en offenser.
Il est même si peu d'accord avec son colle-, gue, que c'est lui qui a présenté au Roi les; représentations de la Faculté contre le moderne etabliffcment. S. M. les a prises, & l'on' ne fait pas encore ce qu'elle a répondu ou répondra.
19 Juillet. A l'occasion du voyage de Mi de M*** à Brest , les courtisans font furpri: j de le voir s'éloigner aussi longtems de Versailles avec une sécurité bien dangereuse pour un mi i niftrç , d'autant qu'ils reprochent à celui-c.:
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bien des choses. Ils prétendent que rien ne se fait auprès de lui que par l'argent ou par les filles ; ils lui attribuent un vice crapuleux , celui d'aimer à boire jusqu'à perdre la raison.
On réveille le bon mot de Mlle. Arnoux qui, lorsque M. de M * * * fut nommé adjoint du comte de s'écria : je le croyois bien capable de devenir un Minifire faolll , mais ■non pas un Sous-hlinifire. Heureusement M.
de Maurepas le soutient , & l'on croit qu'il reliera en place , tant que le vieux Mentor existera.
20 Juillet 17-79. Dans le tems du procès de l'Amiral Keppel , on a parlé de l'amertume qu'avoit ressentie le comte d'Orvilliers , dont ce général relevoit & découvroit les fautes. Il a compris la nécessité de se justifier , ou du moins de détruire les impressions défavorables que la défense de l'Amiral faisoit naître contre lui. En conséquence il a fait imprimer un petit recueil intitulé: Réponftde M. le comte d'Orvilliers , général des armées navales de France , à l'impartial Nolamed, ancien c officier françois à Londres , par laquelle ce général le remercie d'avoir pris la défense de la vérité calomniée. Il lui envoie tout le détail du combat naval du 27 Juillet 1778, & les circonstances qui l'ont fait triompher avec une flotte très-inférieure en force, & tous les désavantages du vent de la mer.
Cette superfétation indigeste de matériaux pour l'histoire du combat d'Ouessant est tropennuyeuse pour qu'on s'y arrêtât, sans les circonstances qui donnent de l'intérêt à l'ouvrage & soutiennent la curiosité du lecteur. Par mal..
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heur , on n'y trouve encore aucun éclaîrcîsse ment satisfaisant sur la conduite de M. le Du< de Chartres , sur la séparation des deux vais feaux, sur M. de la Cardonnie , enfin sur h rentrée précipitée à Brest , deux jours après h prétendue viétoire, & au moment où devoieni paffer les flottes marchandes Angloises & le; nôtres , & lorsqu'il s'agissoit d'intercepter le: premieres & de favoriser la rentrée des fecondes.
1 21 Juillet 1779. On a parlé de la prétendue générosité de Madame Vestris qui , malgré la décision unanime de Messieurs les premiers gentilshommes de la chambre en sa faveur , avoit cédé à Mlle. Sainval l'aînée certains rôles de premieres Princesses que réclamoit celle-ci.
Mlle. Sainval outrée, en éprouvant une injustice , de voir que sa rivale fit un étalage de beaux sentimens dans le Journal de Paris, où elle avoit envoyé une note à sa louange, insérée n°. 164, a voulu y répondre & rendre la vérité des faits ; mais les rédacteurs de cette feuille ont recu défenses d'inférer sa lettre.
22 Juillet. En lisant la réponse du comte d'Orvilliers, on demande d'abord ce que c'est que cet impartial Nolamed, ancien officier franqois. Il paroît que c'est un nom faétice ou anagramatifé. On trouve une préface de l'éditeur à la nation Angloisè, qui donneroit à ptéfumer que cecéditeur est l'individu en question , & que cet individu feroit le rédacteur du Courier de l'Europe. La piece est à peu près dans le style & le ton de plaisanterie de cet écrivain, ancien officier francois en effet.
Suit une Lettre du comte d'Orvilliers datée île Brest le zl Mars 1779 , où il s'exprime fort
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durement contre l'Amiral Keppel , & dément ses assertions par des assertions contraires. Mais celles- de l'anglois ont subi la contradiction des témoins , ont été épurées au feu d'un conseil de guerre , & il a triomphé ; avantage que n'a pas son adversaire.
Les forces comparées des deux lignes qui ont combattu à la journée d'Ouessant, forment la fécondé partie de ce faêJum. Il résulteroit en effet de la comparaison une différence en faveur des Anglois de 3^4 canons; mais en supposant juste cet état où M. d'Orvilliers ne met que 27 de ses vaisseaux en présence de la totalité de l'armée Angloise , les canons ne tirent pas tout seuls ; il faut du monde pour les servir , & c'est ici que se décele la mauvaise foi du Général françois, qui n'a garde de comparer les équipages , les nôtres étant d'un grand tiers plus nombreux , c'est - à - dire pouvant tirer trois coups contre deux, toutes choses égales d'ailleurs.
Au paralelle des deux lignes succedent les principaux faits de la journée d'Ouessant.
Comme c'est M. d'Orvilliers qui les raconte, il les rapporte à son avantage, ce qui doit être.
Cependant, en les discutant , peut-être trouveroit-on à chicaner, à le mettre en contradiction avec lui-même , & surtout à lui faire voir que plus il vante ses belles manœuvres , plus il prouve l'habileté de l'Anglois de les avoir rendu stériles.
Infidélités , omijjions £ «? faux jugemens de r Amiral Keppel : telles font les gentillesses que l'adversaire reproche dans la quatrième partie à son émule.
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Enfin la conclusion est la ritournelle du titre, que M. d'Orvilliers a triomphé, avec le ck-iavantage des vents & de la mer, & une infériorité de forces si décidée, que la France n'avoit que deux vaisseaux à trois ponts contre sept.
La bienveillance de l'impartial éditeur est telle, qu'il justifie avec éloge jusqu'à Palliser, dont le conseil de guerre n'a pas trouvé la conduite digne de cet honneur , & le Lord Sandwich , dont la nation demande la tête.
En un mot, vaincre est un terme dont chaque parti peut se servir : c'est par les avantages que s'apprécie la viétoire. Or, les flottes marchandes Angloises font rentrées en totalité , précisément après le combat ; les flottes françosses ont été enlevées en très - grande partie dans le même tems. Le procès est jugé aux yeux, non de l'impartial Nolamed , mais de tous ceux qui le font véritablement.
23 Juillet 1779. On voit un Mémoire justificatif pour le Marquis de Brunoy, qu'on dit avoir été imprimé , mais dont tous les exemplaires ont été saisis , fauf un , sur lequel on a fait des copies manuscrites. Il est court , & l'on juge aisément à la fabrique qu'il est de ce perfonage. Il y a beaucoup de verbiage, malgré sa brièveté, peu de raisonnemens , & des faits vagues , sur lesquels le leéteur ne peut asseoir sa décision. Le plus singulier & le plus curieux, C'est: celui où il rend compte d'avoir été empoisonné , c'est-à-dire trompé , par les conseils d'un fanatique ignorant, de s'être laissé administrer une potion composée d'extrait des sucs des quatre semences froides & de nénuphar) qui l'ont réduit à un état d'impuissance
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physique habituelle , qui a influé sur ses facultés morales. Du reste, il prétend qu'il n'est ni prodigue , ni imbécille , ni furieux , ni libertin crapuleux , & c'est sur ces quatre chefs qu'il se défend. Son style fent l'imagination exaltée ; il est souvent en désordre , & chargé de citations latines tirées principalement de l'Ecriture-Sainte. Enfin, cet écrit lâche & sans énergie , donne une idée de son auteur, qui, en forçant à le plaindre à certains égards, parce qu'on fent bien qu'on a abusé de son état pour lui ôter la disposition de ses biens & la liberté de sa personne , l'en fait paroître trèsdigne à d'autres par certains aveux qu'il est obligé de faire. Il en résulte de plus en plus que le marquis de Brunoy est un des êtres de la nature le plus incomprehensible.
23 Juillet 1779. On parle d'un Mémoire imprimé pour la jujlification de Mlle. Sainval rainée, qui n'ayant pu faire inférer au Journàl de Paris fareponre à Madame Vestris, a imaginé cette tournure. Les gentilshommes de la chambre ont été si outrés qu'ils ont fait exiler cette actrice: par gentilshommes de la chambre, il faut entendre le Maréchal de Duras , le seul qui mene aéluellement le tripot comique.
24 Juillet. Le Mémoire pour Mlle. Sainval est de la composition de Madame la marquise de Saint - Chamont, ci-devant Mlle. Mazarelli, très-renommée d'abord pour ses avantures galantes & autres , & depuis pour ses ouvrages littéraires. On le dit très-méchant , ce qui le rend fort rare.
2S Juillet. On connoissoit de Madame la comtesse de Genlis , trois comédies , impri.
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Mees dans le Parnasse des Dames , ayant pour titre : l'amant anonyme , les fallffis délicatesses & la mere jalouse. Elles annonçoient déja un talent décidé : mais renfermées dans la classe ordinaire , elles ne préfentoient pas à vaincre les difficultés que l'auteur s'est proposées depuis dans son Théâtre à Tuf âge des jellnes personnes, qu'elle publie aujourd'hui, où elle s'est imposé la loi de ne pas admettre un seul rôle d'homme , de ne pas même y prononcer le mot d'amour , & d'avoir dans toutes pour objet le développement d'une vérité morale. Ce travail peut être d'autant plus utile, que Madame la comtesse de Genlis est gouvernante des enfans de M. le duc de Chartres, & cherche ainsi à les instruire en les amusant.
26 Juillet 1779. Me. Tronçon du Coudray a plaidé vendredi dernier pour le comte de Broglio , devant une assemblée non moins brillante que celle où avoit paru son adversaire.
On n'a pas été content de cet orateur, dont le plaidoyer n'est pas fini. Les partisans même de son client ont trouvé qu'il n'avoit pas donné à sa cause l'importance dont elle n'étoit guere susceptible, mais qu'il falloit cependant affecter, pour augmenter la curiosité de l'auditeur, si l'on ne pouvoit y jetter de l'intérêt en faveur du comte de Broglio. Il est tout entier du côté de l'abbé Georgel, sans qu'il foit diminué par sa qualité d'Ex-Jésuite, dont l'orateur a cherché -à profiter pour lui aliéner les magistrats.
les huées du public lui ont fait connoître qu'il n'approuvoit pas cette précaution oratoire. On fait qu'en général il est toujours pour la partie la plus foible ; & à ce premier motif se joint
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celui de la détestation générale, où est à la cour & à la ville le puissant accusateur de l'ancn disciple d'Ignace.
26 Juillet 1779. Les comédiens Italiens ont commencé, d'effeduer, mardi, leur projet annoncé de remettre au théâtre les pieces françosses dont leur répertoire est garni. Le Sr.
Michu a débuté par un compliment, où il a fait part au public du nouveau projet de la troupe ; projet dont il n'a pas dissimulé les difficultés à l'égard d'aéteurs non exercés dans un pareil genre, mais pourlefquels il a réclamé l'indulgence des fpeétateurs, qui l'ont fort bien accueilli.
27 Juillet 1779. Il paffe pour constant que jusqu'ici Monsieur n'avoit pu faire goûter à Madame les plaisirs de l'amour, par une cause encore plus fâcheuse que celle qui a retardé l'aéte de virilité conjugale chez le Roi. Enfin, la nature a parlé chez son Altesse Royale, c'est ce qui fait courir le bruit que Madame étoit grosse. Il est faux; mais son auguste époux s'est trouvé tellement enflammé que sa conversation s'en ressent aujourd'hui, & est très-vive, très-chaude, très - énergique sur les matieres erotiques : il surprend tous ses courtisans. :
28 Juillet. Les partisans du duc de Choiseul font furieux de voir les heureux succès du comte de Vergennes, dont les négociations habiles le rendent bien supérieur à ce prétendu grand maître en politique. Toute sa science étoit de brouiller, de diviser , de tracasser , d'allumer le feu de la discorde par-tout.
Le ministre aéluel des affaires étrangères prend une tournure bien différente. Au lieu de se
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sa!re craindre, il se concilie l'amitié des puissances, il gagne leur confiance , il les éclaire sur leurs véritables intérêts, & les mene à leur bonheur par la voie la plus courte & la plus fûre.
Il ett actuellement occupé à tarir une des sources fécondes de la richesse de l'Angleterre, en lui enlevant le Portugal , qu'il veut soustraire à sa servitude , non pour l'asservir luimême , mais en lui donnant une énergie salutaire , qui le tire de son engourdissement & le vivifie.
28 Juillet 1779. Le comte d'Artois, qui cherche à faire de l'argent de tout, vient, au nom du grand-prieur de France, son fils, le duc d'Angoulême, de vendre, par bail amphytéotique de 99 ans, à une compagnie, le terrein de l'enclos du Temple, pour y construire des édifices sur le plan donné, & y ouvrir des rues. Cela ne s'est pu faire sans l'agrément de l'Ordre de Malthe, auquel le marché est, dans le fait, trop avancageux pour s'y refuser, & l'on présume que le but du comte d'Artois a été de se faire fournir un gros pot de vin. Au surplus, on ignore encore tous les détails & arrangemens de la vente, 29 Juillet. Depuis long-tems on propofoit d'établir deux troupes de comédiens franGois; c'étoit même l'alternative dans le résultat du travail des membres du bureau de législation dramatique. Les comédiens Italiens ont profité de ce vœu général des auteurs pour faire revivre leur privilege : ils ont représenté eux gentilshommes de la chambre qu'ils étoient cette féconde troupe toute établie; ce que ceux-ci ont accepté. Il est question en conférence de les recruter d'auteurs propres à ce , 1 1
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nouveau genre d'étude. Ils ont acquis déjà une demoiselle Pitrro pour les rôles d'amoureuse, & ils doivent posséder bientôt une dame Verteuil, très-renommée pour les drames , qui faisoit les délices des amateurs à Bordeaux, & a joui du même succès à Versailles, où elle est.
Les auteurs feront maîtres de présenter leurs comédies aux uns ou aux autres, comme ci - devant. Il n'y a que la tragédie , dont ceux-ci n'ont jamais été en possession. Point de concession particulière, qui ne pourroit avoir lieu qu'après celle bien établie de l'autre genre , .& méritée par des applaudissemens constans.
Les gentilshommes de la chambre ont saisi d'autant plus volontiers cette ouverture , que la féconde troupe dont on parloit, dévoie leur être soustraite, & appartenir à Mçnjieur ou au comte d'Artois : tout, au contraire, reste fous leur main.
30 Juin 1779. Quatre ou cinq perfonages figurent en fécond dans le procès intenté par le comte de Broglio à l'abbé Georgel , que le prince Louis soutient ouvertement , puifqu'il n'a manqué à aucune des audiences.
Meilleurs le comte de Guibert & Favier y jouent un rôle infâme. L'un est connu par son mérite & ses ouvrages ; l'autre , par sa détention à la Bjftille , fous le duc d'Aiguillon.
Tous deux font peints dans le plaidoyer du défenseur de l'abbé comme deux espion? du r comte de Broglio , , venus chez son adversaire pour fonder ses dispositions & en tirer des aveux défavorables à sa cause, dans une conversation insidieuse de leur part. Me. Bonnieres a tellement démasqué ces traîtres, il les a couvert
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'de tant de mépris & d'exécration , qu'ils font furieux & veulent l'attaquer directement.
Le marquis d'Escars & M. Radix de Saint-foix :ne brillent pas davantage sur cette scene. L'un témoin pour le comte de Broglio, prétend avoir eu une conversation avec l'autre, où celui-ci lui a révélé certains faits favorables à son ami y que le fecond nie.
Enfin, un certain Geoffroi de Limon, renommé aussi pour son expulsion honteuse de chez Monjleur, dont il avoit eu la confiance, -prétend avoir vu une lettre du maréchal de Broglio au gouverneur de son fils , & est un cinquième agent de cette trame ourdie sur le complot supposé du comte de Broglio & de fonfrere, de se réunir à M. de Maurepaspour pouffer hors les minières afluels, C'est l'expression.
On attend avec impatience les mémoires de Éette singuliere tracasserie, pour en être mieux au fait.
31 Juillet 1779. C'est à Clermont en Beauvoisis qu'est exilée Mlle. Sainval, forte de punition reservée jusqu'à présent aux personnes jlluftres , & qu'on n'avoit point exercée envers une comédienne. Le but de celle-ci est moins d'honorer Mlle. Sainval , que de l'empêcher de communiquer avec ses amis & ses protecteurs , & sur-tout de donner fuite à ses écrits.
L'affaire devient très-grâve : lundi dernier" comme on se doutoit qu'une cabale formidable manœuvreroit pour elle , & hueroit sa rivale madame Vestris, on a triplé la garde. Nonfçylement cette aétrice est rayée de la lifte > pais il lui est défendu de jouer, dans quelque
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troupe que ce foit, & ses propres camarades ont fait un arrêté entr'eux de quitter plutôt que de la laisser rentrer dans leur société.
31 Juillet 1779. Samedi dernier on a fait l'expérience d'une espece de carosse qui va sans le secours de chevaux, & dont la marche éft même assez rapide. Elle a eu lieu dans la place de Louis XV en présence de plusieurs membres de l'Académie & d'un grand concours de monde. La voiture a fait plusieurs tours dans la place.
A la partie qu'occupe le brancard ou le timon, se voit un aigle, les aîles déployées, qui fait ornement, & fert à cacher & contenir les guides , à l'aide desquelles la personne placée dans la voiture en dirige la marche. Derriere est un homme , qui imprime à la machine un mouvement plus ou moins accéléré, en pressant alternativement des deux pieds : il est debout ou assis, les jambes en partie cachées dans une forte de coffre, où paroissent établis les reÍforts.
On a jugé cette voiture propre à l'amusement de M'le duc d'Angoulême, & l'on croit qu'elle ne fera plus communiquée au public, que lorsque l'enfance du prince s'en fera amusée & rassasiée.
On en attribue l'invention au Sr. Blanchard.
31 Juillet. Mlle. Girardin, dont on a annoncé le début à l'opéra comme cantatrice , n"a pas tardé à y être employée comme aétrîce, & quoique l'on dût craindre qu'elle ne fût trèsgauche dans le rôle d'Aline, qu'elle a rempli dès le dimanche ig, elle y a eu un succès décidé ? malgré les défauts inséparables de cette
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diftindtion prématurée. Enfin le dimanche 2Ç, elle a chanté celui d'Angélique dans" le Roland de M. Piccini. Il est sans exemple à ce théâtre qu'une débutante ait dans un espace de tems aussi court, & sans plus d'épreuves & d'exercices , fait deux premiers peribnages. On l'a goûtée encore davantage dans le dernier.
1 Août 1779. Lzfacîum de la Dlle. Sainval est un gâchis , où les amateurs de la vraie plaisanterie , les partisans du bon goût & les amis éclairés de l'actrice font désespérés de voir une si excellente cause gâtée & noyée. Ce font deux Lettres de Madame la comtesse de ilal -
à Madame la Múrr¡uift- d'A., qui en rassemblent les diverses pieces, les moyens & raisonnemens.
Par l'une, datée de Paris, le 10 mai 1779, on apprend que Mlle. Sainval avoit* déjà eu précédemment des tracasseries pour certains rôles qu'elle réclamoit, & qu'elle avoit dès-lors des ennemis dans la troupe qui lui firent éprouver des injustices. On apprend qu'ayant demandé un congé pour aller aux eaux, & ayant joué dans sa route à Marseille & à Toulouse, on en avoit conçu de la jalousie , & par forme d'amende on l'avoit privée de sa part pendant cette absence; chose qui n'a jamais eu & nJa point lieu à l'égaré des autres. On trouve dans cette partie différentes lettres dé l'aétrice, & d'un perfonage qu'on appelle le superieur, où la premiere reproche à celui-ci de la haïr, ce dont il se défend. Or, ce supérieur est le maréchal duc de Duras, qui entretenant la Dlle.
Vestris , participe à l'aversion de sa maitresse pour sa rivale. Ses lettres à Mlle. Sainval font
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assez plattes, & ne ressentent ni l'homme de cour , ni l'académicien, ni le juge impartial.
C'est cette révélation qui l'a désolé.
La feconde lettre, en date du 8 juin, plus longue que la premiere , rapporte au long tous les commérages relatifs à la derniere querelle sur les rôles , avec un relevé de ceux-ci, suivant lequel la Dlle. Vestris en avoit cent douze & la Dlle. Sainval, vingt-trois feulement.
C'est ici que se manifeste encore plus la prévention aveugle du supérieur , dont l'injustice va jusqu'à obliger les journalistes de combler d'éloges sa protégée, & de refuser tout ce qui viendra de la part de sa rivale. Il la pouffe plus loin , si l'on en croit la lettre : il veut forcer la Dlle. Sainval à demander sa retraite , & en même tems on lui défend de quitter Paris ; on la menace d'interdire à tout directeur de province de la recevoir, & d'agir même auprès des cours étrangères pour l'empêcher d'y jouer, si elle venoit à s'échapper du royaume. Tel est le comble des vexations qu'on lui annonçoit, & qu'elle éprouve aujourd'hui.
2 Août 1779. Différens débuts occupent les amateurs de l'opéra. On a déjà parlé de la DlIe: Girardin. Depuis , la Signora Georgi , célébré cantatrice, qui a brillé plusieurs fois au concert spirituel, a chanté une ariette dans l'amorcfoldato , avec ion succès ordinaire. Elle doit chanter demain une ariette en francois dans Roland. Enfin upe Dlle. Dupuis, formée ou exercée du moins par le chevalier Gluck, a osé remplacer dans Iphigcnie les DIles. le Vuffeur & la Guerre. Cette aétrice, qui avoit chanté long - tems à ce fpeétacle, dont elle
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s'étoit retirée depuis huit à dix ans , sembloit ne pas devoir se promettre beaucoup d'applaudissemens ; cependant elle en a eu, mais n'a point empêché de desirer celles qu'elle doubloit.
Jeudi l'on doit donner à ce fpeétacle la premiere représentation de il Cava/iere errante, ou le Chevalier errant , opéra - bouffon del Signor Trajetta , célébré compositeur , dont on regrette la perte en ce moment. Il vient de mourir à Venisê à la fleur de son âge.
zAoÎlt 1779. Un grand phénomene occupe aujourd'hui les naturalistes. L'arbre connu jusqu'à présent fous la dénomination d'arbor Sinarum incognita, planté depuis plus de vingt - cinq ans dans le jardin de M. le maréchal duc de Noailles à Saint-Germain-en-laie , porte enfin des fleurs. C'est le premier qui jouisse en France , dans ce moment, de cet avantage. On dit qu'il a fleuri l'année derniere en Angleterre ; mais M. Trocheau de la Bertiere, qui annonce le premier fait, n'est pas sur du fécond. Il donne au Journal de Paris, N°. 213 , une ample & favahte description de cet arbre : les amateurs pourront le consulter.
2 Août. Rien n'est plus extraordinaire que la maniere dont certains ouvrages font ici fortune, sans qu'on puisse en assigner le mérite.
Le fpe&acle du Sr. l'Ecluse, connu à présent fous le titre de Variétés amUfalltes, créé depuis un an, & très-peu connu dans le commencement , est la fureur du jour. Un M.
d'Orvigny , pauvre diable d'auteur , fiffié, hué sans relâche aux Italiens, s'est retourné du coté des boulevards, & a présenté au fpedtacle en question une niaiserie intitulée) les battus
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paient ramende; facétie misérable que l'aéleur dont on a parlé , fait tellement valoir, qu'elle étoit hier au foir à sa 90e. représentation. Nonseulement le peuple y court en foule , mais la ville & la cour. Les plus grands en raffolent; les grâves magistrats, les évêques y vont en loge grillée; les ministres y ont assisté ; le comte de Maurepas sur-tout, grand amateur de farce: on a même prétendu que celle-ci étoit de sa composition, & cette anecdote n'a pas peu contribué a en soutenir & augmenter la vogue.
Personne n'ignore que ce seigneur , durant sa jeunesse, se délaffoit dans la société avec de pareils jeux, mais où il perçoit toujours de l'esprit , de la finesse, & même le ton de l'homme de cour. D'ailleurs, Ion âge & ses occupations aétuelles ne peuvent permettre de le roupçonner d'être l'auteur d'une telle platitude.
2 Août 1779. M. le prince de Condé continue d'embellir Chantilly , le séjour sans contredit le plus délicieux des divers châteaux qui environnent Paris, à raison de la multitude & de la variété des beautés de toute espece qu'il renferme. On y a découvert depuis peu une statue d'un enfant de la grandeur de trois pieds , nud , sans bandeau , sans carquois, sans fléchés & sans aîles, tenant dans sa main un cœur enflammé. Ce qui a fourni l'idée des vers suivans , mis au bas de cette statue , qu'on a placée dans l'Isle d'Amour. Ils font de la composition de M. Grouvelle, secrétaire des commandemens de son Altesse , jeune poëte que lui a donné M. de Chamfort , qui occupoit précédemment sa place. Les yoici :
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N'offrant qu'un cœur à la Beauté, Anssi nud que la vérité, Sans armes comme l'innocence, Sans aîles comme la confiance, Tel fut l'Amour au siecle d'or : On ne le trouve plus, mais on le cherche encor.
2 Août 1779. Les comédiens François doivent donner aujourd'hui la premiere représentation de Laurette, comédie en trois aéles , sujet déjà traité deux fois sans; succes.
3 Août. L'affaire du Sr. le Bel, secrétaire de M.
Bastard chancelier du comte d'Artois commence à s'éclairer au moyen d'un mémoire qu'il répand.
Cet accusé , détenu à la Bastille depuis la nuit du 1 S au 16 décembre 1778, ayant demandé à être mis en justice réglée , il intervint des lettres - patentes du deux février dernier, enrégHhées Je cinq au parlement, par lesquelles 4e Roi ordonnoit qu'à la requête du Procureur-général le procès feroit fait & parfait jusqu'à arrêt définitif, aux auteurs , complices & adhérens de différentes falsifications , ratures, surcharges , surtaxes & autres délits, tant à l'occasson des droits de sceaux & honoraires taxés sur les lettres expédiées de foi & hommage des vassaux de l'appanage de monseigneur le comte d'Artois , que dans la perception des finances d'aucons officiers desdits appanages.
Par arrêt du douze dudit mois , la cour a ordonné que toutes les preces servant à conviction des faits énoncés aux lettres-patentes feroient apportées au greffe de la cour, & que par le conseiller commissaire & en présence
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de l'un des fubftitnts du Procureur - général, il feroit dressé procès verbal desdites pieces.
Le 29 mars , sur le vu desdites pieces , le Procureur-général a rendu plainte en faux principal desdites falsifications , ratures surcharges, surtaxes , &c. Arrêt en conséquence.
L'information faite à Paris le 27 avril 1779, le Sr. le Bel a été décrété de prise de corps , & le 30 transféré de la Bastille à la Conciergerie.
Son interrogatoire a été clos le 20 mai, & dès le même jour il a eu la liberté de voir sa famille , ses amis & un conseil, après avoir été au secret pendant plus de cinq mois. j C'est dès ce moment qu'il a travaillé à sa justification , qui n'a pu s'opérer qu'en inculpant grandement M. Bastard.
Quant à lui , d'après la consultation de ses avocats , en date du vingt-cinq juillet , il a présenté requête pour être déchargé de l'accufation intentée contre lui.
3 Août 1779. La Laurette du nouvel auteur qui a entrepris de la traiter , est en trois aétel & en vers. Il n'a pas été aussi malheureux que ses dévanciers. Cependant on ne peut pas dire qu'il ait réussi. Ce sujet romanesque , triste & noir en lui-même , demanderoit un pinceau trèsénergique , un coloris vigoureux , dont le poëte manque. Du reste , il n'intrigue pas mal & file assez bien des scenes : il a tiré du rôle du pere tout le parti possible. Comme c'est un premier ouvrage , on doit espérer sur cet esTai qu'il fera mieux une autre fois.
4 Août. Outre le mémoire pour Mlle. Sainval , il y a des couplets très-méchans contre
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l'a comédie françoise , qu'on dit imprimés, & qui se vendent avec cet écrit.
L'affaire devient chaque jour plus grâve : Mlle. Sainval cadette ne veut pas jouer , tant que sa fœur fera dans la disgrace ; elle demande sa retraite , & parle même d'intenter un procès à ses camarades pour l'avoir privée de son état & rayée ; droit qu'ils n'ont pas.
M. le maréchal duc de Richelieu , en outre , prend parti pour l'exilée ; ce qui établit un schisme entre les gentilshommes de la chambre.
ç Août 1779. On inculpoit le Sr. le Bel sur trois chefs.
1°. Les prétendues falsifications & surtaxes dans les lettres-patentes expédiées à la chancellerie du Prince.
2°. Les ventes des offices levés aux parties casuelles du Prince.
?°. Les lettres anonymes , contenant des détails sur l'administration des finances du Prince; où les noms des personnes étoient défignéspar des nombres , ou par des épithetes.
Il a donné des solutions satisfaisantes sur ces lettres , d'ailleurs étrangères au délit prétendu.
Il convient du fécond chef , & même qu'il a vendu ces offices à un prix plus haut ; mais outre que ces fortes de négociations ne font prohibées par aucune loi précise , c'est que, secrétaire uniquement de la personne de M.
Bastard, il n'étoit point officier de la chancellerie du comte d'Artois.
Enfin il démontre qu'il n'y a ni falsification ni surtaxe dans les aéles argiiés ; que tout ce qu'il a fait , il l'a fait par ordre de son fupé-
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1 rieur, & que le produit des corrections & augmentations qui en résultoit , n'a tourné nullement à son profit.
Dans le courant du mémoire se trouve le fait particulier d'une quittance à lui administrée par M. Bastard , qui auroit été inférée après coup dans ses papiers , & feroit une manœuvre trèsrepréhensible de ce chancelier. C'est-là le point très - grâve de réclamation portantcontre le frmagiftrat.
ç Août 1779. Par des lettreslpatentes doninées à Versailles le 24 mars 1779 , & enrégistrées au parlement , Grand - chambre & Tournelle assemblées , le marché de la place Maubert doit être transféré sur le terrein formant le pourtour de la nouvelle place aux veaux. L'incommodité dont étoit ce marché dans un des quartiers les plus fréquentés de Paris , est le motif de ce changement , qui contribue d'ailleurs à le rendre moins mal.
propre.
s Août. Il se répand que c'est M. Garat, avocat, qui a le prix de prose : on ajoute que M. de Sechelles , avocat du Roi au Châtelet, a un Accessit.
Quant au prix de poéste , on le donne dans le public à l'auteur du Dythirambe, qui est un RusTe, le comte de Schouwalow , déjà prôné par M. de Voltaire. On ne doute pas que fous main M. de la Harpe lui avoit blanchi son linge fale.
6 Août. Le Sr. Palissot avoit imaginé de former à la comédie francoise une bibliothèque , & en conséquence il y avoit envoyé ses oeuvres, comme pour servir de bafe à cet édi-
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sice. Aujourd'hui c'est un Sr. Defentelles , intendant des menus , qui propose d'eu établir une. aux menus , c'est-à-dire à l'hôtel magnifique élevé depuis quelques années , rue bergere , dépôt destiné à la conservation de tous les uftenciles relatifs aux spectacles de la cour.
Il nous apprend qu'elle est déjà commencée , quoique le Roi n'ait pas consacré des fonds à cet effet : elle s'accroît journellement , & il invite par une lettre inférée au Journal de Paris , N°. 2 l ç, les auteurs dramatiques à concourir à cette collection , en y adressant leurs œuvres corrigées de leur main. Ces ma.
numens littéraires placés ainli invariablement, serviront de regle pour fixer la véritable leçon que l'on doit suivre dans la représentation ou dans l'impression.
Ce Defentelles est vraisemblablement le factotum du maréchal de Duras , & fait l'important parmi ses confreres , comme celui - ci parmi les fiens. Il joue aussi un rôle dans le mémoire de Mlle. Sainval , qui n'érant que subalterne , n'en est que plus vilain. Il caresse ici les auteurs & leur fait de grands complimens.
6 Août 1779. La premiere partie du plaidoyer pour le comte de Broglio contre l'abbé Gcorgel, prononcé à l'audience du 2; juillet 1779 , est déjà imprimée. Quoique Me. Tronçon du Coudray , par un exorde assez important & assez adroit, motive la démarche du comte, & prétende l'affaire très-intéressante , la fuite n'y répond pas. C'est un détail minutieux de commérage de société, qui fait tomber à chaque page le plaidoyer des mains du lecteur.
7 Août. Les couplets sur les actrices font
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plaisans par les @ équivoques , dont quelquesunes font amenées avec justesse ; mais, en général , ne répondent pas au talent de l'homme de cour auquel on les attribue. C'est le marquis de Louvois , fameux pour ces méchancetés, quoique n'ayant pas, à beaucoup près, le sel & la finesse de M. de Souvré son père , dont le nom fera immortel en ce genre.
Pour revenir à la chanson , elle est en neuf couplets : on y paffe en revue -les Dlles. Vestris , les deux Sainval , Luzzi, Fannier , Doligny , Préville , Drouin , Molé , Suin , Dugazon & Hus. Les plus heureux font ceux sur les Dlles. Vestris & Préville.
7 Août 1779. On a donné jeudi à l'opéra la représentation annoncée de l'opéra bouffon , il Cavalicre errante. CQ sujét simple & mieux conçu que les autres, fournissoit beaucoup au musicien. On reproche cependant à sa musique , purement écrite, harmonieuse & forte, de n'avoir ni la chaleur , ni le brillant , ni le caradtere de folie qu'exigeoit le genre : on en.
a trouvé les airs de bravoure communs , les chœurs & les symphonies médiocres ; mais on a admiré dans la deftruftion du palais de l'isle enchantée la manière large & grande d'un maître à qui l'on n'auroit rien à reprocher , si ses chants étoient aussi agréables que son harmonie est correde.
8 Août. Outre l'importation du geroflier des Moluques aux isles de France , de Bourbon & des Echelles , on a parlé de celle faite de ces isles à Cayenne. Il étoit bien à craindre que cet arbuste ne dégénérât par tant de transmigrations.
Cependant pour prouver le succès de cette der-
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hiere importation , il a été envoyé de Cayenne à M. l'abbé Raynal une branche de géroflier chargée de clous , provenue des plantations modernes de cette isle.
Le gouvernement qui , pour ne pas exciter la jalousie des Hollandois , persiste à ne pas vouloir qu'on infere dans la gazette de France ces heureuses nouvelles, n'empêche pas qu'el- les soient inférées dans d'autres ouvrages périodiques qui , quoiqu'imprimés avec permission , ne font pas avoués par lui comme le premier , n'ont pas le même caraétere d'authenticité , & d'ailleurs ne pénètrent gueres chez l'étranger.
8 Août 1779. Dans le fecond plaidoyer pour le comte de Broglio , contre l'abbé Georgel, prononcé à l'audience du 30 juillet, qui paroît aussi imprimé , M. Tronçon du Coudray , après avoir cherché à détruire l'idée du public , que la cause ne rouloit que sur des indiscrétions, sur de vains propos , cherche à établir la question fous son vrai point de vue , à montrer la nature & la gravité de la calomnie de l'adversaire, & à révéler toute la noirceur de sa machination.
A force de rapprochemens , d'induétions & d'art , il trouve un corps de délit ; il prouve que l'abbé Georgel en est l'auteur , & il le Tepréfente dans le cas d'être puni suivant la rigueur des loix décernées contre les calomniateurs.
Cette partie du plaidoyer de l'orateur produit plus d'effet que la premiere , & d'ailleurs est soutenue d'une lettre de l'abbé Georgel au comte de Broglio , en date du 30 juin 1778 ; du
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du témoignage du Sr. Favier , en date du 30 Septembre , & de celui du comte de Guibert.
g Août 1779. Depuis quinze jours, M. d'Alembert écrit à ceux qui lui demandent des billets pour la séance de la Saint-Louis , qu'il y a plus de gens inscrits que la salle n'en peut contenir ; que la fureur est telle, qu'il faudra dorénavant s'y prendre plusieurs mois d'avance; gu'il est surtout obsédé de femmes , & que Semblée feroit uniquement composée du '.exe , s'il exauçoit les prieres de toutes celles gui le sollicitent.
9 Août. M. l'abbé Georgel se propofoiô le ne faire imprimer qu'autant que le comte de 3roglio lui donnerait l'exemple. En conféquence[1 répand un premier Mémoire expojitif des raies. Celui-ci n'est figné que de la partie , qui ourle eile - même. On présume que Me. Bonlieres son avocat , n'aura pas pu encore , ou n'aura pas osé faire imprimer son plaidoyer , à :ause des sorties violentes qu'il contient contre MM. de Guibert & Favier , qui avoient envie le le prendre à partie.
10 Août. Jean-Jacques Rousseau, durant Dn sejour à Londres, y avoit vendu tous ses Ivres , on ne fait pourquoi , sans doute dans Dn projet fol de renoncer à la littérature pour ,.e s'occuper que de botanique. Ce furent YlM. Hume & Dutens qui les acheterent & les iartagerent entr'eux. Dans le lot du fecond se touva un # exemplaire du livre de VEfprït de PL Helvétius , avec des notes marginales de A main du philosophe , étendues & curieuses.
M. Dutens a imaginé de faire imprimer une nouvelle édition de cet ouvrage avec ces notes.
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C'est l'imprimeur Barbou qui s'en est chargé niais il éprouve beaucoup de contrariétés , & n'a encore pu obtenir cette permission.
11 Août 1779. La comédie françoise est tau jours dans le désordre, & l'on ne peut guere y jouer de tragédie depuis l'exil de Mlle. Sain val l'aînée. Sa cadette a déclaré au maréchs de Duras , que tant que sa fœur feroit en dii grace elle resteroit dans l'inaction, & Mde Vestris craint de se compromettre : chaqu jour où elle paroît, il faut une garde formida ble pour contenir le parterre ; ce qui déplai également au public & à l'actrice. On ne [¡i comment cela se terminera. On parle encor une fois de faire revenir Mlle. Raucoux.
12 Août. On a déjà parlé du fameu: phare de Pétersbourg , exécuté par le Sr. Bour geois de Château-blanc, l'inventeur des rever beres de Paris. Il est terminé, & l'on doit ei faire l'essai vendredi, qui est demain. Il fer placé à Meudon, & l'on en pourra voir l'effe de Paris & des environs ; peut-être même d, Meaux , qui est à quatorze lieues de Meudon Il est construit, comme on l'a dit, pour éclai rer la Baltique , & l'ambassadeur de l'Impéra trice des Russies a permis & desiré qu'on prati quât cette expérience avant de l'envoyer à si destination.
13 Août. Le mémoire de l'abbé George est très - modéré. Il y a cependant quelque; endroits plus chauds & phis vigoureux ; mail sa piece vraiment viétorieufe, c'est la repÍigm t'le Me. de Bonnieres. Il résume la plainte È trois chefs d'accusation de la part du comte de Broglio.
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Ib. L'abbé Georgel est l'auteur & le colporteur d'une intrigue, dont l'objet étoit d'enlever au comte de Broglio la place de Maréchal-général des logis de l'armée.
2°. L'abbé Georgel a parlé des lettres du comte de Broglio au Sr. abbé Sarlat. Il a répandu à la ville & à la cour les bruits les plus faux & les plus injurieux contre lui.
f. Il a dû avoir vu & porté au Ministre des lettres qui annoncoient le projet du comte de Broglio d'exciter fan frere à agir aussi vivement que lui contre les Ministres.
L'avocat reprend successivement chacun de ces chefs, les discute & les refute, en montrant que le défenseur du comte , ennemi de toute méthode , a l'art de tout confondre ; qu'il néglige de répondre aux reproches proposés contre les témoins; qu'il dédaigne de s'asservir aux époques ; qu'il change celles qui le contrarient; qu'il en crée au besoin , feint d'oublier une partie de la plainte quand il ne peut plus la soutenir , & que prenant de côté & d'autrcce qui peut lui convenir, sans s'embarrasser de ce qu'on lui oppose , il présente un mémoire de faits qui produisent au moins une illusion passagere. Il "finit par réclamer les loix protectrices de l'innocence accusée , & cherche à prévenir le jugement anticipé dans le public, d'un hors de cour qui ne feroit pas satisfaisant pour fort client persécuté.
13 Août 1779. M. le Garde des sceaux , p: oteéteur de M. de Néville, qu'on veut être son, fils, avoit tant intrigué dans le parlement, uuil avoit encore fait remettre l'assemblée des
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chambres concernant les arrêts du conseil sur la librairie au mardi 10. M. Séguier y a parlé, à ce qu'on afifure, avec beaucoup de force , & s'est trouvé absolument opposé aux innovations du chef de la librairie. Malgré cela , le crédit l'a encore emporté & il n'a été rien statué.
13 Août 1779. De jeunes gens voyant le succès de la farce intitulée les battus payent tamende , qui, jouée'deux fois par jour depuis près de deux mois , en étoit hier à sa cent treizième représentation , sans que la fureur du public se rallentiffe pour s'y porter en foule, avoient imaginé d'en composer une nommée Lamentine, piece comi-tragique en deux aétes & en vers , & l'avoient présentée au diredeur de cette troupe dont on est tant engoué. Il leur déclara qu'il ne pouvoit la recevoir qu'après que les comédiens François & Italiens l'auroient examinée & n'en auroient pas voulu.
Les premiers l'ont rejettée hautement ; mais les féconds l'ont trouvée digne de leur théâtrè & elle a été exécutée hier. Il y a quelques plaisanteries assez bonnes : la scene du conseil & le dénouement font heureusement imaginés.
Du reste , c'est de beaucoup trop long ; il y a quantibé de trivialités , de turlupinades , de platitudes, de grossiéretés même dégoûtantes, & l'on ne peut concevoir comment les Italiens ont oré se flatter d'obtenir quelques succès pour cette bouffonnerie.
1 Août. Mardi dernier , les chambres assemblées, il a été enrégistré un édit de ce mois , portant fupprefllon du droit de mainmorte & de servitude dans les domaines du Zoi i & dan tout; ceux tenus par engagement,
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& abolition générale du droit de fuite sur les serfs & main-mortables. Cette loi est une preuve que la philosophie fait à la longue détruire les préjugés , & par son influence irrésistible maîtriser enfin le conseil & le cœur des rois. C'est elle qui doit se glorifier de ce monument de bien^îfance , plus propre à immortaliser le regne de Louis XVI, que toutes les conquêtes les plus brillantes.
14 Aoîit 1779. M. l'avocat-général Séguiera porté aujourd'hui la parole dans l'affaire du comte de Broglio, & a conclu absolument contre ce Seigneur. L'arrêt est intervenu & a déchargé l'abbé Georgel de toute accusation , a condamné le comte de Broglio à tous les dépens & à vingt livres de dommages-intérêts, envers l'abbé Georgel, par forme de réparation Civile , applicables aux prisonniers de la Conciergerie , suivant la demande de l'abbé.
Les termes injurieux contenus dans les mémoires contre l'abbé Georgel supprimés ; soo exemplaires de l'arrêt imprimés & affichés aux dépens dudit abbé. Il lui fera donné acte de sa déclaration de n'avoir ni lu , ni eu , ni vu les lettres du comte de Broglio.
Lé plus humiliant pour le Comte présent dans une lanterne avec toute sa famille, ce font les applaudissemens généraux & très-longs du public , qui n'aime point ce courtisan & l'a bien prouvé.
14 Août. Tout Paris a été en l'air hier au foir pour le fameux phare de Pétersbourg affiche avec tant d'ostentation. La police se doutant du concours des curieux, avoit multrL plie les gardes & les patrouilles pour empêcher
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le désordre ; les Tuilleries font restées ouvertes' une partie de la nuit , & tout cela fort inutilement. Quoique la nuit fût très-belle , on n'ab entrevu aucune clarté dans la partie de rhorison qui en devoit flamboyer, & quand on auroit voulu attraper le public , on n'auroit PUIJ s'y prendre mieux. Ce qui donnoit une si grandes confiance dans ce phénomene , c'ea que laE gazette de France, si grave , & si véridique ,t l'avoit aussi annoncé.
i ç Août 1779. De nouvelles expériences attestent tous les jours l'utilité de l'opération dansa les accouchemens forcés, imaginée & exécutées par le médecin Sigault, contre laquelle ses détracteurs continuent à s'élever ; mais ce quE semble leur répondre de la maniéré la plus vie- torieufe, c'est que les étrangers même , qu'oar ne peut pas accuser de s'engouer pour le doc-, teur franqois , l'adoptent , & pour lui confer-.ver l'honneur de la découverte, l'appellent lac session figaultienne. Il est @ à espérer que cetces dénomination deviendra générale à la longue. 15 Août. Voici encore un Libraire qui ses voue généreusement à l'amusement & l'infimcn' tion publiques. Le Sr. Moureau annonce unr; cabinet académique de leéture d'une especes plus étendue & plus générale que les autres.
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3°. Une bibliothèque , contenant tous les livres périodiques annuels , anciens, tels que almanachs royaux , du commerce, des spectacles, de la noblesse, le manuel de l'auteur & du libraire, les almanachs militaires, & tous ceux qui forment un tableau de nomenclature, comme les almanachs & répertoires de la capitale, des provinces & des royaumes étrangers; I en un mot, tous ceux dont on peut avoir besoin à chaque instant pour la recherche d'un nom , d'une adresse , &c.
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j Il invite les notaires à y envoyer leurs affiches , t ainsi que les particuliers qui voudroient faire l annoncer quelque chose.
Les appartemens font au premier , bien décores, servis par des garçons de littérature trs - erendus. On y trouvera des bureaux , avec papier , encre, pIUlles, &c. On fera très-bien chauffé en hiver , & toujours éclairé en bougies.
l- Pour surcroît d'agrément, le prix très-modique n'est que six fols par séance.
16 Août 1779. M. le comte de Broglio, pour en imposer aux juges , avoit fait répandre la veille du jugement : Expofc des motifs qui avoient nêcejjitc la plainte du comte de Broglio. Il y avoit inféré un avertissement, où il
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disoit que le Roi lui avoit permis de publier CI memoire , & l'avoit autorisé à dire que c'étoi par permission de S. M. Il vouloit insinuer par là , la haute protection dont le couvroit a Monarque.
Du reste, dans cet écrit peu essentiel à l'af faire, ce Seigneur résume les diverses époque: de sa vie qui , au lieu de tendre à fajuftification , font présumer , au contraire , qu'il !
toujours été inquiet, turbulent , intriguant <S fadieux.
Il convient qu'en 1773 il fut inculpé dans l'affaire célébré de la Bastille, où sa liberté & son honneur furent compromis ; que les plus grâves accusations s'accumulerent sur sa tête; qu'il fut dénoncé à sa patrie & aux cours étrangeres comme un incendiaire politique, comme un artisan d'intrigues & de manœuvres : qu'il voulut alors réfuter ces cruelles inculpations : mais qu'en 1774 il fut obligé de sacrifier son ressentiment aux ordres absolus du Roi : ce dont ses ministres , Mrs. le Maréchal, du Muy & comte de Vergennes lui délivrèrent une déçlaration de S. M. précise & motivée.
Il convient que le bruit se répandit cinq ans après qu'il avoit fourni des Mémoires contre le prince de Montbarrey & son administration.
Ce bruit, suivant lui , fut fondé sur ce qu'il avoit en effet remis au Roi , le 14 Mars 1778 , un mémoire, hommage de son zel, communiqué à M. de Sartine. Envain pria-t-il M. le marquis d'Entragues , ami du ministre de la guerre , de se joindre à lui pour remonter à la source de cette calomnie : ses démarches furent inutiles. Il çonvient de deux exils, non
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• mérités, dit - il, en ce qu'il en a l'assurance I par écrit.
Enfin arrive ce caquetage de l'abbé Georgel, l qui le met hors de lui , & le nécessite à un édat � judiciaire.
Du reste , il nous apprend que le 26 Mai , le Roi, par une autre defiination, l'ayant obligé de renoncer à la place de Maréchal général des logis de l'armée de son frere , voulut bien témoigner au Maréchal qu'aucun mécontentement ne motivoit ce déplacement.
t Il nous apprend qu'en 1752 , appelé à la confiance intime du feu Roi , par ses ordres réitérés , il l'a conservée jusqu'à la mort de ce Monarque, avec lequel il avoit une correspondance habituelle; qu'il l'a fait discuter par trois ministres , le maréchal du Muy, le comte dé Vergennes & M. de Sartine , & qu'on ne l'a trouvé en aucun endroit, l'ennemi, le détracteur ou le rival de ceux dont il avoit le plus à se plaindre.
On voit bien que tout ce-la prouve que le comte a été mêlé dans beaucoup de mauvaises affaires, mais ne l'appuyé en rien dans celle-ci.
16 Août 1779. Le Parlement, en enrégillrànt l'édit, a mis la modification sans que les dijl positions du nrt/flni :'.lit nuijjent nuire ni préjudicier aux droits des Seigneurs.
Dans son préambule) S. M. témoigne ses regrets de ne pouvoir racheter ce droit des mains des Seigneurs , pour abolir sans diftinctioii ces vestiges d'une féodalité riqoureufe. Elle a cru devoir jvtfqu'a'ors rerpeder le droit encore plus sacr é de propriété.
Quant aux engagistes , eUe offre à ceux qui
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se croiroientlefés de remettre les domaines dont ils joaiiffent , & de réclamer les finances fournies par eux ou leurs auteurs.
17 Août 1779. L'arhor Sinarum incognita
ou l'arbre inconnu des Chinois, appelé encore Robinia , dont on a parlé au commencemen de ce mois , a fleuri, non-seulement dans 1< jardin du maréchal de Noailles, mais aussi ; Trianon , quoique celui de ce dernier lien n'ait guere que vingt-cinq pieds; c'est-à-din moins de moitié de hauteur & de force confé: quemment.
C'est ce que nous apprend M. Richard petit-fils du jardinier de la Reine à Trianon: Il prétend que les caracfteres floraux de cet arbre' jusqu'à présent inconnus en France , & peut) être en Europe, ont été mal saisis par M. Trc: chereau , & il redreiïe cet habile Naturaliste dont il reconnoît le mérite d'ailleurs.
Il donne une autre defeription très-ample df.
cet arbre au n°. 228 du Journal de Paris.
Madame Regnault , auteur de la Botaniqn mise à la portée de tout le monde , s'occupe peindre & à graver cet arbre.
17 Août. Lundi dernier on a donné la cet; vingtieme & derniere représentation de la faro intitulée : les battus payent Vamende. Il a fal. !
retire-r cette piece , non à cause de la satie du public, mais parce que l'adeur qui y joue principal rôle commencoit à se blâser enfin semblôit exiger du repos , ou du moins avo besoin de diversifier son jeu & d'occuper fo" talent d'un nouveau rôle.
18 Aotlt. Malgré l'arrêt du Parlemes dont on a rendu compte, qui permet à la nn
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vice de Sainte. A voye ', ou plutôt aux novices de ce couvent , car elles font plusieurs dans le même cas depuis quatorze ou quinze ans , de se pourvoir par devant le primat, pour l'émission de leurs vœux, le parti de M. l'archevêque triomphoit de voir traîner l'affaire en longueur. M. de Beaumont même se flattoit que son confrere , M. de Montazet , ne lui donneroit pas cette mortification. On portoic la ,confiance jusqu'à dire qu'il y avoit un ordre du Roi à la supérieure , portant défenses de recevoir ces novices. Il paroît que l'archevêque de Lyon n'a tant tardé que pour endormir celui de Paris, &la chose s'est conduite si fécrettement que les v receptions se font faices avant que le dernier en ait été instruit. Il est furieux d'être dupe ; mais ce qui le désespere surtout, c'est que cet exemple fait loi , & que d'autres couvens des religieuses qu'il moleste d'une maniéré ou d'une autre , vont user de la même ressource.
19 Août 1779. Le Roi a fait dernièrement une | espiéglerie à la Reine, dont le but moral étoit de donner une petite leçon à son aimable compagne. Elle est dans l'usage de faire des parties de nuit avec le comte d'Artois , d'aller à la comédie de la ville ou ailleurs, & de se retirer fort tard. S. M. le foir , donna à l'ordre la consigne que paffé onze heures on ne laissat t entrer dans la grande cour du château aucune voiture sans exception. La Reine étant venue avec son beau-frere à une heure ou deux du I matin , fut très - surprise de se trouver arrêtée I par le garde-du-corps en sentinelle. En vaîa fit-elle venir l'officier supérieur & le capitaine tt des gardes ; tous deux déclarèrent que c'etoit
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l'ordre exprès qu'il n'étoit pas permis de transgresser. Il fallut rétrograder , & que S. M. & le comte d'Artois sissent un autre tour pour rentrer par ailleurs. Le lendemain explication avec le Roi, qui déclara que toujours couché à onze heures du foir , & ayant besoin de repos , le bruit dans la nuit le réveilloit. Il pria en conséquence la Reine de s'y conformer.
Cependant la consigne est levée pour S. M.
feule.
19 Aoîlt 1779. On parle beaucoup d'un autre édit qui doit être porté aux cours incessamment, par lequel S. M. supprime tous les p'ages par terre ou par eau , appartenans aux Seigneurs particuliers , que S. Al. offre de rembourser. Depuis longtems on se plaignoit de ces gênes onéreuses à la circulation & au commerce, mais le crédit jusques-là l'avoit emporté sur l'utilité publique. Il paroît que M. Neckera encore obtenu du Roi cet acle de bienfaisance.
20 Août. On a parlé du projet de l'administration d'occuper les prisonniers de Bicêtre, & en les tirant de leur oisiveté , de les soustraire à la contagion du libertinage, li propre à corrompre ceux qui ne le font pas encore tout-àfait. C'est surtout à M. de Malesherbes , ressé trop peu de tems dans le minifiere, qu'on doit cette idée patriotique. M. le Noir, suivant les mêmes erremens , a imaginé un moyen démultiplier les travaux dans ce château , & de faire faire par des hommes ce qui s'exécutoit par des chevaux , en forte qu'en économisant les fraix de ceux-ci, on pût trouver de quoi fournir quelque douceur & encouragement aux jnanouvriers qui remplacent ces animaux.
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Le puits de Bicêtre est renommé comme un chef-d'œuvre méchanique ; on y élève journellement l'eau de plus de cent pieds de profondeur : on entretient ainsi un réservoir immense destiné à fournir à tous les besoins du grand nombre d'individus que contient cette maison.
Elle est mûe par quatre chevaux, se relevant de trois heures en trois heures au nombre de douze.
Il s'agissoit de suppléer à ceux-ci à force de bras : mais comme cette machine est précieuse, il étoit question de trouver un moyen de la supprimer pour l'essai des hommes sans la gâter ou l'altérer, & de maniere qu'on pût y revenir aisément, s'il ne réuffiffoit pas.
Le Lieutenant-général de police a proposé un prix pour celui qui enfeigneroit le meilleur procédé en ce genre. Le plus simple & le moins dispendieux est celui de M. de Bernieres , contrôleur des ponts & chauffées , du moins il a déja paru tel à la premiere expérience. Elle doit se réitérer aujourd'hui.
20 Août 1779. C'est aujourd'hui Iphife aux Boulevards qui attire le public, & c'est le théâtre des élèves pour la danse de l'opéra qui fixe le concours. Cette piece contient l'éloge du chevalier Gluck , ainsi que celui de Mlle. le Vasseur, actrice qui a si merveilleusement contribué à faire valoir sa musique. Lundi elle est allée jouir de son triomphe, & en effet fos partisans qui s'y étoient rendus en foule, n'ont pas manqué de se retourner vers sa loge & de lui prodiguer les plus vifs applaudissemens , au moment où il étoit question d'elle.
21 Aollt. On commence à désespérer de
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& rentrée de Mlle. Sainval l'aînée à la comédie francoise : ses ennemis ont aigri la Reine & le Roi contr'elle ; ils ont interprété malignement certains endroits du mémoire , d'où l'on pourroit induire que la cour eu: une petaudiere; qu'on mène le jeune Monarque comme on veut, & que son auguftc compagne déroge à la majessé de la feue Reine , jusqu'à se mêler des intrigues des fpedacles & à entrer dans leurs querelles. Il paroît que la cadette a bien senti la délicatesse de cette cause, puifqu'elle l'abandonne & doit reparoître sur la scene , comme de coutume.
21 Août 1779. La feconde expérience du puits n'a pas moins bien réussi. Le moyen de M.
de Bernieres est admirable , en ce que sans rien changer à la machine adtuelle & sans donner un coup de marteau , l'addition qu'il y fait, peut s'adapter en moins d'une demi heure & en être ôtée en aussi peu de tems. En forte que tour à tour elle peut être mue avec la même facilité & par des hommes & par des chevaux.
D'après l'arrangement de l'inventeur moderne , vingt-quatre prisonniers ensemble , distribués autour de la machine , ont fait monter sans peine ni fatigue , les sceaux du puits contenant içoo livres d'eau, & l'on a observé que ces hommes n'allant que leur pas ordinaire & réglé , ont élevé le sceau en moins de tems que ne font les chevaux , & qu'en général ce fervice fera plus rapide.
M. de Bernieres a déclaré qu'il ne concouroit pris pour le prix , ou que , si l'on vouloit bien le lui adjuger comme au plus digne , il
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upplioit que sa valeur fut répartie en deux [années entre les prifofiniers employés au tirage idu puits.
j 22 Août 1779. Le Roi est de fort mauvaise huImeur de voir que rien, n'avance : il fait que toute l'Europe a les ye,ux.fixés sur lui. Les prôneurs du ministere ont. annoncé qu'au mois d'Oétobre la mer feroit libre , graces à la France ! Voilà un grand engagement qu'il s'agit d'effeétuer. S. M. uniquement occupée de cet important objet , se refuse à tous les plaisirs : la Reine se proposoit de lui donner à Trianon une fête pour la Saint-Louis ; on en vouloit donner une à la Reine pour la Vierge. Le jeune & fage Monarque s'est opposé à l'une & à l'autre , & n'a point trouvé que ce fut le tems de dépenser de l'argent en choses superflues.
23 AoÙt. On a parlé cet hiver du tôrt que faisoient aux cultivateurs les nouvelles gênes rétablies concernant la vente des bleds ; on l'a fait concevoir au gouvernement. Enfin les intendans du commerce ont annoncé aux négocians que pour faciliter la circulation par mer des grains nationaux pendant la guerre, la ferme venoit d'être autorisée à donner ses ordres à ses employés dans les ports, de ne point exiger le droit de frèt ou de tonnelage.
L'intendant de Flandres , de son côté , a rendu une ordonnance , où il dit que le Roi touché du bas prix des grains dans la plupart des provinces malgré leur abondance , s'est déterminé à en permettre la fortieà l'étranger; qu'en conséquence , certain qu'il en exifteen Flandres & en Artois une quantité supérieure aux besoins des habitans, & pour faciliter le
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débouché de cette denrée, il défend à toutes personnes d'apporter des obtfacles à l'exportation des grains & à leur libre circulation.
23 Août 1779. Tandis que Me. Linguet le déchaîne avec une fureur qui ne se rallentit point , & s'exhale périodiquement contre M.
d'Alembert , cet homme illustre n'oppose à sa rage que le calme & le silence ; mais ses admirateurs ne s'en tiennent point à ce froid stoïcien : sans refuter directement le journaliste , ils y répondent plus invinciblement , en publiant les belles aétions de leur héros. C'est ainsi qu'un M. de la Bartherie , en annonçant sa reconnoiiïance d'un bienfait personnel , assura , en une demi-heure qu'il a passee chez ce philosophe , avoir été témoin de deux autres.
Ces faits font conlignés dans une lettre du 20 Juillet, adressee aux auteurs du Journal de Paris, & inférée au n°. 229 du 17 Août. Et, en général , tous ces Meiffeurs attellent- que M. d'Alembert, connu comme le plus grand géomètre de son fiecie , comme un littérateur du premier ordre , est en outre rempli d'humanité , de rinfibilité , & qu'il paffe tous les momens de sa vie à éclairer ses semblables ou à les sécourir.
23 Août. Mlle. Sainval cadette a en effet reparu dans Tunerede le samedi 21 , où elle a fait le perfonage d'Amenante. Les applaudiflemens du public en la voyant ont été si vifs & ont produit sur elle une si forte sensation , qu'elle s'en est trouvée mal ; on l'a emportée du théâtre sans connoissance : la piece a été suspendue; mais enfin elle a repris l'usage de ses sens , & répandant dans les diverses parties
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de son rôle la sensibilité dont elle étoit encore imue, a joué infiniment mieux que de coutume.
Au moyen de cette ivresse du parterre, la garde n'a pu empêcher que le nom de Sainval l'aînée ne fût mêlé avec celui de sa fœur, & qu'on ne la redemandât à grands cris , ce qui n'aura pas fait plaisir au Supérieur.
13 Août 1779. Le Châtelet a attiré un grand concours de monde cette semaine pour deux causes curieuses. La premiere est celle , connue déjà , de Mlle. d'Eon contre le marquis de Carcado. La feconde, celle - plus nouvelle de M. de Caraccioli , l'auteur des Lettres de Ganganelli, contre son Libraire Lottin. Lorsque les mémoires de cette oerniere affaire feront imprimés , on en parlera pîti: pertinemment.
24 Août. M. l'abbé Royou , devenu chef de l'année littéraire depuis que l'abbé Grosser a renoncé à ce Journal , a fait une grande sensation dans le parti des dévots par sa critique de l'Eloge de Milord Maréchal, dont on fait que M. d'Alembert est l'auteur. Pour faire connoitre mieux ce morceau véhément contre le philosophe, Me. Linguet, avec lequel est lié le journaliste , l'a inféré en entier dans un de ses numéros. Le tout a merveilleusement réussi, & Monjieur, fous la protection duquel s'est rangée cette cabale dispersée qui avoit besoin d'un tel appui, a fait à l'abbé Royou la faveur éclatante de le nommer chapelain de son Ordre ; ensorte qu'il est aujourd'hui décoré de la croix de Saint Lazare.
2 S Août. La loge des neuf fœurs s'étant justifiée des inculpations qui l'avoient mise dans le cas de l'animadverlion du grand Orient,
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& de l'arrêt rigoureux prononcé contr"ellie , a voulu , suivant son usage , célébrer le grand jour de cette réunion par une fête solemnelle.
Elle a été indiquée au Wauxhall de la foire Saint- Germain, & a eu lieu le lundi 16 de ce mois , après plusieurs délais. Les Dames , sans lesquelles il ne fanroit y en avoir de parfaite , y ont été admises.. Mais , pour éviter l'inconvénient de la derniere , on a annoncé qu'on ne danferoit point ; que ce feroit un spectacle purement académique, entremêlé de musique & de lectures.
M. Franklin, quoiqu'ayant accepté la p'rje de Vénérable, a cependant mis la condition, de ne point s'asservir à remplir ce rôle avec l'exaétitude [crupulepfc qu'il exige, & comme c'est surtout son nom dont on ambitionnoit d'iiluftrer la férié des grands-officiers de la loge des neuf fœurs , on l'a laissé maître de s'absenter toutes les fois que ses importantes occupations le demanderoient. Cette séance a été privée de sa présence : c'est le frere comte de M illy , premier surveillant , qui a tenu sa place.
Les principaux ouvrages lus ont été, 1°. un Eloge dé Montaigne , par M. de la Dixmerie.
La maniéré de cet auteur qui n'a nulle énergie dans rame, nulle philosophie dans la tête, nulle chaleur dans le style , étoit trop opporée au genre du héros pour qu'il fut dignement célébré. C'est un littérateur pur , élégant, estimable , mais bien au-dessous de la tâche qu'il s'étoit imposée. Il n'a pu même , quoiqu'il ait élagué de beaucoup sa premiere partie , terminer sa lcéture de la feconde, & il a
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fallu qu'un frere vînt au secours de sa poitrine ; fatiguée.
2°. Un chant du mois de Novembre, du poëme de M. Roucher. Il l'avoit choisi pour un éloge adroitement amené de M. Dupati , ce jeune Avocat-général du Parlement de Bordeaux, non moins célébré parmi les patriotes que parmi les orateurs. Le poëte lui ayant obligation du bonheur dont il jouit, a cru devoir lui en témoigner ainsi sa reconnoissance , & le public a applaudi avec transport. On a couronné ce magistrat , qui modellement a placé le laurier sur la tête de M. Carat, déo!lt il a prématuré ainsi le triomphe.
Ce même magistrat , frere de cette loge depuis son séjour à Paris , devoit lire ïéloge de Jlontejquieu ; mais ii a déclaré quelques jours avant, qu'il n'auroit pas terminé cet ouvrage.
On croit plutôt que les morceaux hardis dont il ef/plein , dit-on , ont engagé ses amis à le détourner de se donner ainsi en fpedacle.
3°. Un éloge de Voltaire , en vers, par un jeune frere qui donne des espérances : c'est M.
de Flins des Oliviers.
4°. La préface d'un ouvrage intitulé : EJJais historiques & politiques sur les Anglo-Américains , de M. Hilliard d'Auberteuil , ou il a tracé les portraits des principaux chefs de cet état nailTant, entre lesquels figure le dodteur Franklin : ce qui a donné lieu de célébrer ce chef de la loge.
5°. Enfin un drame intitulé : le repentir de Pygmalion , par M. Garnier. Ce jeune auteur , qui s'est distingué à la comédie Italienne , y a fait recevoir ce draAie-ci , dont le plan a paru
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à l'assemblée ingénieux , piquant & agréable mais qui dépend beaucoup de la musique comme toutes ces fortes d'ouvrages : - enforfc qu'il faut attendre à le voir au théâtre pou prononcer.
Après ces leétures, on est monté dans 1: galerie d'en-haut , où différens artistes & phy ficiens avoient exposé des morceaux de leu composition. M. Houdon , pour la sculpture M. Greuze , comme peintre, brilloient entn les autres. M. Changeux y avoit placé le sa meux barometre dont on a parlé.
Cette longue assemblée , trouvée trop court par les frcres, & même par les Dames, s'ei terminée , suivant l'usage , par un banque Simple & spirituel , qui a prolongé les plaisir jusques bien avant dans la nuit.
25 Août 1779. On a déjà parlé vaguemen du testament de feu M. le comte de Valbelle Il est essentiel de constater le fait dans tout, son authenticité , & voici la clause du testa ment, en date du 26 juin 1771.
,, Je prie Meilleurs de l'académie franqoif 3, de Paris de trouver bon que je leur laisse 1; „ somme de 24000 livres une fois payée , pou ,, la placer le plus avantageusement & le plu ,, solidement que faire se pourra ; les priant di „ vouloir bien , à la pluralité des suffrages „ décerner tous les ans le revenu qui provien „ dra de ce capital , à tel homme de lettres ,, ayant déjà fait ses preuves , ou donnan ,, feulement des espérances , qu'ils jugeront ; „ propos; pouvant le décernerpluifeursannée: „ de fuite & y revenir après avoir discontinué.
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„ félon qu'ils le trouveront bon & honnête à » faire ,,.
En consequence de cet arrangement que i asadémie a accepté , elle a résolu de faire faire l'éloge du comte de Valbelle par son secrétaire , & c'est un des morceaux qui doivent y être lus aujourd'hui.
26 Août 1779. L'assemblée de l'académie franqoife a eu lieu hier après - midi , suivant l'usage, pour la distribution des prix.
On a d'abord lu l'Eloge de l'abbé Suger, par M. Garat, avocat. Il n'a point paru merveilleux , & l'on croit que l'académie auroit tout aussi bien fait de ne point donner de prix. On a trouvé ce discours long , ennuyeux & sentant plus la dissertation que le genre oratoire ; en outre rempli de beaucoup d'idées petites & mesquines.
On n'a point nommé le candidat qui a eu YAcceJJît ,• mais il est certain que c'est M. Hérault de Sechelles , jeune avocat du Roi, qui a desiré n'être pas connu.
Quant au prix de poésies, ce n'est point le Russe donc on a parlé qui l'a mérité. Il paroît qu'il n'aura pas voulu servir de prête - nom à M. de la Harpe , dont tout le monde fait aujourd'hui la supercherie. Il est vraiment le pere du Dithyrambe ; mais il a fait écrire par M. d'Argental à l'académie , que l'auteur de cet ouvrage couronné avoit des raisons pour ne point accepter le prix ; ce qui , en effet, auroit été contre les statuts , défendant à tout académicien de concourir. D'après cette déclaration, la médaille a été décernée à M. de Murville.
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1M. de la Harpe a lu les deux ouvrages. 011 a été très-content d'eux , mais surtout du premier, qu'on a trouvé supérieurement bien travaillé.
M. d'Alembert a terminé par l'Eloge de M. le comte de Valbelle , qu'il a composé i suivant le vœu de l'académie, & lu. Toujours des calembours , de la satyre, & une affectation de philosophie & de bel-esprit, qui, réunis ensemble, ne produisent qu'un plus mauvais effet.
Quoique cet académicien ne réponde directement à -aucune des injures de 31. Linguet il ne le perd pas de vue, & trouve toujours le moyen de le ramener , sans le nommer , mais d'une façon trop rapprochée , pour qu'on ne le reconnoiffe pas. Il l'a donc peint fous les couleurs les plus noires & les plus viles, & n'a pas même épargné ses protecteurs , mais d'une maniere plus générale & plus vague , quoique non moins sentie , par le danger d'indisposer contre lui d'illustres perfonages & même un Prince auguste, dont il se feroit autrement de dangereux ennemis.
27 Août 1779. M. de Vismes continue à remonter l'opéra par tous les foins imaginables.
Il cherche des compositeurs chez l'étranger, & tâche d'amener en France les plus illustres.
C'est ainsi que M. Bach a été invité de'se rendre à Paris. Il doit mettre en musique Amadis de Gaule , & vient d'arriver de Londres.
27 Août. Malgré tout le succès de l'expérience de Bicêtre , on n'ôte pas à ceux, qui voudront concourir la faculté de le faire , s'ils peuvent trouver quelque çhose de mieux que
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liL de Bernieres. Pendant une heure qu'a duré ile travail pour l'expérience de sa machine le les Vi* ngt - quatre hommes qu'on a employés , ont monté dix-neuf féaux ; ce qui fait un peu plus feulement de trois minutes par séance , & il en faut cinq aux chevaux.
» 28 Août 1779. Dans son plaidoyer de l'affaire du comte de Broglio contre l'abbé Georgel, L M. Séguier , avocat-général, portant la parole, i avoit emprunté une comparaison heureuse du Mercure avec la Calomnie; ce qui a donné lie* à l'épigramme suivante : Le corrupteur & corrompu Séguier, Qu'en mauvais lieu tout débauché rencontre Ces jours derniers, dans un long plaidoyer, Taifoit le pour, ne parloit que du contre j Car pour le contre il s'étoit fait payer.
Il empruntoit surtout une figure Du vif métal, furet de la nature: On admiroit un morceau si brillant : Merveille n'est, dit quelqu'un, le galant Connoît à fond les vertus du Mercure.
29 Août. Entre les pieces de poésie qui ont concouru pour le prix , excepté les deux dont on a parlé, l'académie n'en a jugé aucune digne d'une mention honorable , ou dont on pût extraire quelque morceau détaché susceptible d'éloge ; un seul vers a trouvé grace , & a paru mériter d'être cité pour sa beauté , & comme capable de servir d'inscription à un buste de Henri IV , dont il s'agit : Le seul Roi dont le pauvre ait gardé la mémoire,
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Le sujet du prix de poésie désigné pour l'année prochaine , est conçu ainsi : la Jervitudc abolie dans les domaines du Roi, fous le règne de Louis XVI. L'académie qui avoit si fort critiqué ses prédécesseurs imposant des entrâves au génie des jeunes poëtes, a cru devoir déroger à la regle qu'elle s'étoit faite en faveur de cette loi , dont la philôsophie se fait gloire & qu'elle s'attribue.
Pour laisser aux auteurs le tems de faire les recherches nécessaires , on a proposé dès-àprésent le sujet du prixJd'éloquence à décerner en 1781 : c'est l'Eloge de Charles de SaintMaure , duc de Jrlontaufier, pair de France, gouverneur du Dauphin fils de Louis XIV.
M. d'Alembert a ajouté que M. le comte de Montausier , ancien colonel du régimentRoyal Infanterie , & dont M. le duc de Montausier étoit le trisayeul maternel, ayant appris que l'académie devoit proposer cet Eloge pour le concours , & desirant de contribuer à tout ce qui peut honorer la mémoire de l'homme refpeftable dont il porte le nom, a prié la compagnie de permettre qu'il ajoutât la Comme de 600 livres à la valeur du prix ; ce que la compagnie a accepté.
29 Août 1779. Un évêque Anglois, homme d'esprit, parlant très-bien le François, & qu'on soupçonne un honnête espion dans ce pays-ci , dînoit dernièrement avec neuf autres Anglois chez le maréchal duc de Biron. Il y avoit un évêque François , qu'il affeétoit d'appeler toujours son confrere, & celui-ci , au contraire, de le qualifier toujours de Milord. Pourquoi ç, donc, lui dit le prélat hérétique, ne fraternifez."
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ç, nifez-vous pas avec moi ? Je ne vois qu'une „ différence entre nous : c'est que j'ai une ,, femme & des enfans autorilcs par la loi „» Quelque tems après , comme on le pressoit de questions indiscretes sur la politique : quand „ je pourrois répondre, reprit-il, vous sentez ,, bien que je ne le ferois pas. Tout ce que ,, je puis vous avouer , c'est que si nous „ avions joué votre rôle , la flotte de la Ja,, maïque ne feroit jamais rentrée dans nos „ ports il, 50 Août 1779. Outre l'éloge de M. le comte de ValbclIe, l'académie a voulu lui donner une autre marque de sa reconnoissance, en faisant faire son buste par M. Houdon. Elle l'a placé dans la salle de ses assemblées particulières, où il figure avec les académiciens. On lie au bas : Jqfcph-Alphonjè-Omer, comte de Valbelle, bienfaiteur des lettres.
30 Août. M. l'archevêque de Paris a gagné au parlement un procès très-important pour son objet utile. Il s'agit d'environ trente mille livres de rentes & d'une Comme de plus de 500,000 livres déposée. Son premier foin, en ftouchant celle-ci , a été de l'envoyer à Madame Necker' pour les pauvres. Madame Necker est directrice générale en cette partie : elle est à la tête des hôpitaux , des maisons de charité, de toutes les institutions tendantes à soulager l'humanité. Elle a dans ce genre de "vastes projets , comme son mari dans le lien.
'Le prélat s'en est rapporté à elle , quoique hérétique.
1 31 Août. Comme la machine de M. de Bernieres, adaptée au nuits de Bicêtre offra
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l'avantage spécial d'occuper un grand nombre de prisonniers , radminiftration l'employe jusqu'à ce qu'elle ait définitivement adopté un moyen. L'auteur la soumet à l'examen de tous ceux qui voudront la critiquer ou l'améliorer, jusqu'à ce que le concours foit fermé.
Ce fpeétacle a donné lieu d'aller voir plus particuliérement le château de Bicètre, & d'y applaudir aux heureux changemens opérés dans cette maison , depuis la trop courte in.
fluence de M. de Malesherbes. On y voit un attelier pour le poli des glaces ; on y voit les moulins pédales , dont on obtient une farine égale à celle que produit la meilleure mouture ; on y a fait aussi des changemens heureux pour la fabrication du pain.Ce qui frappe surtout, c'est l'empressement des prisonniers à être occupés. Le travail est devenu pour eux une récompense , par le pé.
cule & la meilleure nourriture qu'il leur pro.
cure : il ne s'accorde qu'à la bonne conduit précédente ; ce qui tend necessairement à la réforme de ces malheureux, qui devenoienttrop souvent plus mauvais sujets dans cette prison.
- 1 Septembre 1779. Le Sr. Favart, cet auteui aimable d'une foule d'ouvrages reliés aux deux théâtres , a un fils qui n'ayant pas les talens de son pere , cultive avec succès ceux de sa mere & est excellent aéleur de société. Maigre lar.
gent immense que madame Favart & son mari ont gagné , ce dernier est resté peu à son aise, & le jeune homme est obligé de chercher de ressources. On prétend que c'est ce qui le re duit à prendre le parti de se faire comedien. IJ doit débuter demain dans les rôles de la Ruette,
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Son nom fait sensation , & tous les amateurs , se disposent à l'aller voir.
2 Septembre 1779. Ces jours passés l'académie royale de peinture & de sculpture a jugé les 1 tableaux & bas-reliefs des élèves concourans aux grands prix. Elle a mis en réserve les premiers, tant en peinture qu'en sculpture, & n'a accordé que les féconds dans l'une & dans l'autre. Celui de peinture a été décerné au fils de M. Vernet, âgé de dix-neuf ans; & quant à la sculpture, c'est le Sr. Lorta, qui a été couronné.
3 Septembre. Il n'a point paru de mémoire dans les affaires du châtelet dont on a parlé.
Mrs. de Kercado ont été mis hors de cour à l'igard de leur agression contre M. de la Fortelle & Mlle. d'Eon, ainsi que ceux-ci respectivement.
Quant au Sr. Marquis prétendu de Caraccioli, qui vouloit forcer le libraire Lottin à recevoir sa paraphrase des pseaumes à un prix convenu , il a été débouté de sa demande, attendu que le contrat n'étoit pas synallagmatique, c'estdire obligatoire des deux parts.
4 Septembre. M. le duc de Chartres a témoigné la plus grande sensibilité à la vue de son coureur blesle à la chasse par son altesse ; til a lui-même déchiré sa chemise pour le panser Jur le champ. On espere qu'il n'en mourra pas. Comme il est chez sa femme , rue des foulies, & que l'on a mis du fumier devant sa porte, tout Paris a été bientôt instruit de ce fatal événement.
; Septembre. Le sieur Favart a paru dans le Tableall parlant & les trois Fermiers : il fait les rôles de la Ruette, c'est-à-dire ceux de
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-vieillard. Comme il est très- jeune, sa figure & sa voix répugnent à cette forte de perronnage. Malgré cette difficulté , il a réussi & à reçu les plus vifs applaudissemens. Ce qui n'a pas peu contribué à le rendre plus agréable au public, outre l'intérêt qu'il prend à lui par reconnoissance pour le pere & la mere , c'est un couplet que le débutant a trouvé à inférer & à chanter à la fin du Tableau parlant. Il est peu spirituel, mais flatteur pour le parterre, & c'est tout ce qu'il faut dans ces fortes de cir.
confiances :
Je ne mets qu'en tremblant Le pied dans la carrière, Et mon foible talent Est chancelant: Mais le but nécessaire, Messieurs, est de vous plaire : Je brûle du delir D'y parvenir.
<; Septembre 1779. On fait aujourd'hui que le Sr. Gudin est l'auteur de la piece dont on a cité le seul vers rapporté sur Henri IV.
6 Septembre. Le maréchal de Duras, excité par Mlle. Vestris , qui remue cet amant à son gré, a engagé le Roi à donner au Sr. Brifard, l'un des plus acharnés de la troupe contre la .DIle. Sainval l'aînée , des marques de sa fatiffaétion par une gratification considérable. Cependant S. :M. s'est radoucie sur le surplus des peines. Son exil va finir incessamment ; elle aura la liberté de venir paffer quelques jours à
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'Paris pour arranger ses affaires, mais ne pourra y rester plus long-tems. Du relie, il lui fera permis de prendre parti dans les spectacles de province ou de paffer chez l'étranger.
i On admire beaucoup la fermeté généreuse du Sr. Molé, qui est presque le seul de ses camarades dans les intérêts de l'actrice expulsée, & les soutenant avec une chaleur extrême, sans crainte de déplaire au supérieur.
° 6 Septembre. Le programme des prix de l'aca- : demie d'architeéture à distribuer cette année , étoit un IVlufeum sur un terrein de cent cinquante toises sur cent, avec des détails impafés & désignés. Comme les deux de 1778 avoient été remis , il y en a eu quatre. Les quatre couronnés ont été les Srs. Gifor, Launoy, Durand & Barbier.
: 6 Sèptemhrc. Le chevalier Gluck est rétab!i, l'on a repris les répétitions d'Echo & NarciIJe.
I 7 Septembre 1779. La société royale de mér decine a tenu le mardi 31 août son assemblée I publique d'usage pour la distribution des prix.
! Elle n'a pas été courue comme les précédentes.
Les éloges lus par le Secretaire n'avoient rien -< de curieux par le peu d'intérêt qu'on prenoit t aux personnages. L'un était d'un M. Arnault i de Nobleville , auteur de quelques ouvrages de médecine ; l'autre de M. Macbride, prétendu, par son panégyriste, célébré docteur en médecine, & chirurgien à Dublin.
M. d'Aubenton a lu le seul.mémoire qui pût) fixer l'attention de l'assemblée sur le régime le
plus nécffaire aux troupeaux.
8 Septembre. Billet du Roi à madame la ducliejje de Duras ,Jœur du vicomte de Na ai lies. )
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s, Je reçois dans le moment, madame la Du33 cheffe, des nouvelles de M. d'Estaing ; il ), s'est emparé de la Grenade ; le vicomte de 53 Noailles commandoit une attaque & s'y est « très-bien conduit : il a eu plusieurs balles 33 dans ses habits , mais n'a pas été blesle.
33 II étoit deux jours après à un combat naval as où M. d'Estaing a forcé Byron de se retirer as avec perte. Voilà ce que j'ai appris sur son 35 compte.
3, La Reine m'a chargé de vous faire tous s, ses complimens. Elle a mandé à M. de 33 Sartine que s'il y avoit des lettres pour vous 33 de vous les envoyer tout dé fuite. Je parts 33 pour la chasse dans le moment , & vous 33 souhaite le bon jour. Ce lundi 6 septembre 55 ] 779".
On voit dans cet écrit authentique , la bonté du Roi & son honnêteté. On est fâché cependant qu'en traitant un de ses sujets de Monsieur, S. M. appelle le général étranger feulement Byron.
8 Septembre 1779. On trouve beaucoup de forfanterie dans la relation de la prire de la Grenade , publiée fous les auspices du gouvernement, qui n'a pu être envoyée que par le comte d'Estaing, & où il se loue avec une impudence révoltante. Ce n'et f pas ainsi que César écrivoit ses commentaires. Malgré cet étalage , on juge que le succès n'est dû qu'à la foible défense de la garnison. Du reste, c'est une de ces conquêtes qui se font & se reprennent comme l'on veut.
Le récit du combat naval est plus gascon encore. Dans celui imprimé sur les lieux, on
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faisoit au moins mention de la perte : elle est absolument supprimée ici, & tout confidéré, il n'y a d'avantageux que de n'avoir pas sur le champ reperdu la conquête.
9 Septembre 1779. La Reine, Madame, madame la comtesse d'Artois , madame Elisabeth , Morifieur & le comte d'Artois font venus hier à Saint Cioud , honorer de leur présence la fête d'usage , le comte d'Artois servoit de cocher à S. M. qui étoit en calèche, & l'on admiroit la bonne mine de ce superbe Automédon. fflonfieur étoit seul , enfoncé dans son carosse, avec deux seigneurs de sa fuite sur le devant. La Reine a bien voulu se trouver au feu d'artifice exécuté chez Griel dans la salle de ba. Elle s'y est rendue en simple particulière, y a affilié de même , & l'on a admire sa bonté de souffrir qu'une foule de femmes & d'hommes vînt se mettre debout devant elle & lui masquer le fpeétacle, sans que l'avertissement, plusieurs fois répété à ces indiscrets, qu'ils empêchoient Sa Majesté de voir, les ait engagés à se déranger, Sa patience n'a pas été moins grande pour attendre que l'illumination, très-longue , s'exétàt; & toute cette brillante & auguste compagnie s'est ensuite promenée à pied quelque tems dans le bal. On a été surpris qu'il n'y ait pas eu la moindre acclamation, le lendemain d'une victoire annoncée.
10 Septembre. Les naturalistes s'occupent beaucoup de Varbor incognita Sinarum y qui a fleuri cette année & a fixé pour la premiere fois leur attention. On prétend aujourd'hui qu'il a la qualité finguliete de purger par l'odorat. On raconte qu'un particulier ayant
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-voulu le travailler pour en faire quelque ou-.
vrage, fut attaqué de colique & de dévoiement; qu'ayant repris , le lendemain, son exercice, il éprouva un effet semblable ; qu'ayant appelé un tourneur , celui-ci ressentit le même accident , ainsi que deux autres consécutivement employés.
10 Septembre. M. de la Harpe annonce au public dans le Mercure du quatre de ce mois, que ses importantes occupations ne lui permettent plus de s'occuper de cet ouvrage périodique , & que depuis quelques ordinaires M. le Vacher de Chamois étoit chargé des fpedtacles. C'dt celui qui avoit aussi indécemment supplanté M. Le Fuel de Méricourt, que, M. de la Harpe avoit succédé à M. Linguet. 11 Septembre 1779. Il est décidé que la,' Dlle. Raucoux rentre. On peut se rappeler que les comédiens ont fait tous leurs efforts pour s'opposer à ce qu'elle revint, & ont même éludé la protection de la Reine, à laquelle ils représenterent que l'inconduite & le libertinage de cette aftrice répugnoient à l'honnêteté deleur société. Tous ces obstacles font levés par un ordre du Roi. ,
Mlle. Raucoux est defeendue chez Mlle.
Arnoux, où elle loge. Elle commence aujourd'hui par le rôle de Didon. Toute la secte des Tribades est sur pied pour la faire triompher, & c'est une fureur non moins grande que celle de son début.
: 12 Septembre. M. le marquis du Hullay , premier veneur de M. le comte d'Artois , a composé une chanson à l'honneur de son coufin le comte d'Estaing, & elle court aduclkment.
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les rues. Elle est adressée aux Anglophiles , & est excellente pour sa destination.
12 Septembre 1779. Hier à Versais!es, il y a eu un Te Deum, pour remercier Dieu solemnellement de la conquête de la Grenade & du conbat naval dans lequel , avec laide du Toutpuissant , M. d'Estaing a repoussé l'Amiral Byron. Le Roi, la Reine, la famille royale, toute la cour ont affilié in fiocchi à cette cérémonie, où l'on a vu pour la premiere fois , depuis long-tems , trois pavillons & deux drapeaux ennemis floTtans au pied de l'autel delà chapelle. Ils doivent être transférés aujourd'hui à Paris & déposés à Notre-Dame, où un nouveau Te Deam fera chanté en grand e pompe.
13 Septembre. On a fait feniir à madame la duchesse de Duras son indiferétion d'avoir laissé prendre copie du billet familier du Roi, qui aime beaucoup cette dame & la confidérp.
Elle a sur le champ envoyé un courier à cheval pour retirèr ces manuscrits, mais elle n'a pu r'avoir tout , ou plutôt des copies prires sur l'original , s'étoient multipliées dans d'autres mains.
13 Septembre. On peut se rappeler la jolie piece des Tu & des Vous de Voltaire. Une.
Dame ayant fait dernièrement un voyage à Ermenonville, demanda sur lés lieux si Iîoufïeau tutoyoit sa femme. Sur l'affirmative elle fit les couplets suivans.
AIR : Chantez, donfez, - C,
De Jean-Jacques prenons le ton , Et ne parlons que son lanJagc,
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Que Pous ne foit plus de faison , D'un couple heureux soyons l'image.
Vous effarouche les Amours , Et Toi les ramene toujours.
Tu tiens à Vous, peut-être à moi, Moi j'aime Toi, c'est ma folie, Et tel est mon amour pour Toi Que pour Toi seul j'aime la vie.
Vous effarouche, &c. ,j Ce vilain Vous peint la froideur, Ce joli Toi peint la tendresse; Vous souvènt afflige le coeur, Toi, bien placé, comble d'ivresse.
Vous effarouche, &c.
Plus donc de Vous, mais fêtons Toi, Toi fixe à jamais mon hommage; Quelqu'un dira : mais c'est la loi : Je fuis mon cœur & non l'usage.
Vous effarouche les Amours, Et Toi les ramene toujours.
13 Septembre 1779. La DUe. Raucoux paroît avoir confervé les beaux moyens que la nature lui avoit donnés , & du reste avoir rapporté les défauts qu'on lui reprochoit , tels qu'une affeétation outrée dans sa façon de scander les vers, une lenteur ennuyeuse, de grands vilains bras , une inclinaison de corps continuelle, peu de sensibilité & quelquefois un jeu faux. Ses partisans l'ont applaudie à tout rompre, & la. Dlle. Arnoux , avec quantité d'autres Tri-
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bades , faisoient cabale à l'orchestre pour cette fœur illustre.
14 Septembre 1779. La Dlle. Raucoux a Surtout rapporté une grande insolence. Elle a fait sentir à la Dlle. Sainval,cadetteJa supériorité des protections qu'elle avoit, & lui a déclaré qu'elle la dépouilleroit de ses rôles. Celle-ci en conséquence demande qu'on les lui affure , ou sa retraite: nouvelle fermentation dans le tripot.
14 Septembre. Les deux drapeaux qui ont donne matiere aux Te Deum , étoient du régiment dont des détachemens formoient la garnison de Grenade, & les trois pavillons ceux de la Dominique, de Saint-Vincent & de la Grenade. Le Roi , dans sa lettre , comprend toutes les conquêtes , ainsi que le combat naval.
Comme il y a long-tems qu'on n'a vu de ces cérémonies, voici la marche. Ils ont été apportés de l'hôtel de la guerre de Versailles aux Invalides ; de là transférés au palais des Tuilleries par un détachement de l'hôtel. Le gouverneur, peu au fait, avoit d'abord ordonné que chacun feroit confié à un bas officier. On a représenté à M. d'E[pagnac qu'un tel fardeau étoit une fonction honorifique dont les officiers ieroient jaloux. En conséquence la destination a été changée ; on a promené ces dépouilles en pompe, tambours battans dans tout le fauxbourg Saint Germain. L'après-midi les CentSuisses arrivés de Versailles, qui les avoient reçus au château , ont fait le même rôle pour les conduire à Notre - Dame , où des détachemens de la maison du Roi & des cours ont aussi grossi le cortege. Ces dépouilles prophanes ont été reçues par l'archevêque qui les a bénites,
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puis par une procession solemnelle , 0:1 les à
en quelque forte proposées à la vénération des ; fideles. Trois salves d'artillerie ont annoncé le triomphe de la France, & une illumination i générale a marqué FaHégreflTe des Parisiens.
M. Garceron, notaire, à la pointe de la Croîs -des Petits-champs, homme peu faitucux, modèle & même simple, a frappé les regards des .curieux par une décoration plus brillante que celle des hôtels & des palais. On y lisoit,à l'aide d'un transparent, ces quatre mauvais vers. i
Lonis fait gronder son tonnerre :.
Pour confondre l'orgueil Anglois; * D'Estaing, dans un antre hémisphere 1 * Venge l'honneur du nom François. ! ¡r
On a supposé pour motif de ce zele extraor- dinaire , que cet officier de juflice étoit vraisemblablement le notaire du comte d'Estaing.
15 Septembre 1779. Les badauds de Paris, .qui admirent & dépriment sur parole & fiils savoir pourquoi, s'étoient imagi nés que le comte' d'Orvilliers alloit conquérir l'Angleterre : al- jourd'hui, avant de connoître les rairons & les excuses qu'il peut alléguer, ils font des épi-
.grammes contre lui. En voici une qui roule sur
la qualité de dévot qu'a depuis long-tems ce Général. On l'appftrophe r T Vous entendez toujours lameffe, , ,Et n'entendez jajnais ri-ifrn ; î, 1 On vqus voit aller à confesse Quand il faut tirer le canon : >
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Grand dévot n'est qu'un petit homme ; Quittez vos prophanes desseins, * Aujourd'hui que chacun vous nomme * j Vice - Amiral des capucins.
16 Septembre 1779. La fermentation a été très - violente lundi à la comédie francoise , où IVÎlle. > Raucoux jouoit le tôle de Phedre. Les amis des Sainval ont pris leur revanche & l'ont sifflé durant presque toute la piece par des allusions malignes à chaque vers , susceptible d'être interprété contr'elle. Ils lui prodiguoient des applaudifleinens outrés, & l'obligeoient de recommencer, pour rire après de nouveau. Le supérieur par excellence, comme on qualifib aujourd'hui le maréchal duc de Duras, avoit fait donner à la garde les ordres les plus févéses ; en forte qu'on a arrrêté deux jeunes, gens, qu'on a conduits en prison. Le lendemain on répandait, le foir, dans le palais Royal des copiés multipliées du brûlot suivant, dont l'allée s'est-trouvée couverte.
„ Le comté d'Estaing bat les. Anglois, pour ,j leur faire reconnoître l'indépendance Am&j, rictiine.- iVÏ. de Duras emprisonne, les Fran,, côis, qui n'a £ plaudiflent pas la Vestris & la s, Raucoux ,
r Mlle. Raucoux, pour regagner l'indulgence du public, a fait inférer dans le Journal de Paris du 15 1 une lettre Ilunible-, où elle déclare qine.. n'a'hibmônne la place de personne & est vèPlüé a cbntrjt?Ve poyr doubler tout le monde.
r! 1 JÏ SèptVnibre. A près'latent quarante- deur.ie.nlë:'frpréfV tation dès'jbattit s payent Vamitute, on les avoït interrompus-, mais il a 1
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fallu y revenir, pour satisfaire l'avidité insatiable du public, & ils en ont eu déja peut-être vingt autres depuis. Il n'y a point d'exemple d'un succès aussi extraordinaire. Aussi l'auteur, M. d'Orvigny, sifflé deux fois aux Italiens, en est d'un orgueil qui se manifeste dans son JBpltre il Ion Libraire , dont il a fait précéder l'impression de ce proverbe, comédie-parade, ou ce que l'on voudra: c'est ainsi qu'il l'intitule.
Il faut convenir qu'à la letture même on trouve une si grande naïveté dans cet ouvrage, qu'elle se supporte sans insipidité. C'est une carricature sur un ton de vérité qui fait illusion , & qui , fous son enveloppe grossiere & baffe , contient une morale juste & très - philosophique. On a gravé M. Jeannot, & c'est le portrait à la jnode.
17 Septembre 1779. On évalue jusqu'à deux cent mille livres les dettes de Mlle. Raucoux, & l'on croit que la cour n'est pas éloignée de les payer. En attendant, il paroît un règlement, ou plutôt une déclaration du- Roi, qui semble avoir été rédigée en sa faveur, dont la principale disposition est de rendre libres & affranchies de toutes faisies, arrêts & oppositions, les gages & appointemens des régisseurs, receveurs , infpeéteurs , comédiens & autres personnes attachées aux fpe&acles, jusqu'à la concurrence des deux tiers, fauf pour raison de nourriture & logement.
Il est à observer cependant, que ce réglement n'est que pour les fpedacles établis à la fuite de la cour ; mais par l'abus qu'ont introduit les gentilshommes de la chambre de faire évoluer au conseil toutes les contestations élevées
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contre les comédiens de Paris, il y a grande apparence qu'on autorisera le même réglement à l'égard de ceux-ci.
La déclaration donnée à Versailles le 18 août a été enrégistrée le 3 septembre, les sémestres assemblés au grand conseil, auquel S. M. attribue l'appel des procédures, qui doivent s'instruire par devant le prévôt de l'hôtel.
18 Septembre 1779. Extrait d'une Lettre de M. Cérèdirecteur dujardin de Monplaisir , à l'Isle de France, en date du janvier. „ En „ 1776 , on eut 2SOO doux de gérofle, 5000 „ en 1777, & infiniment, davantage en 1778.
„ La plupart de ceux-ci font tombés avant ou ,, après l'épanouissement de la fleur; mais il en 5, reste un grand nombre sur les arbres defti,, nés ou réservés pour baies. Treize gérofliers „ fleurirent la premiere année, treize la deu„ xieme, & trente-un la troisieme. Il y en a „ un Créole de baies de 1776, & il en reste „ deux cents de fauvés de 1777. A trois mois „ ils étoient plus forts que celui de l'année j, précédente. Cloux , baies, plans , en général „ tout ce qui provient de nos gérofliers , n'est „ pas encore si fort qu'aux Moluques, par la ,, raison que nos arbres , quoique superbes, 5, bien verds & bien vigoureux , ne font encore „ que des enfans eux-mêmes. Mais cela viendra 5, & ne m'inquiete plus. Nous ne sommes pas « si avancés pour le muscadier; nous n'avons que « le nombre de femmelles reconnues , c'est« dire huit, & que celui planté par M. Poivre : de ces floraisons subséquentes il n'a rien λ noué. Il y a apparence que la floraison à fruit 5Î n'arrivera qu'une fois par an, dans le mois
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,, de février. La muscade envoyée au Roi a ,, neuf mois & dix jours de floraison ; une autre ,, dix mois & onze jours : les quatre autres y ,, destinées à être plantées, je les 1 aiderai s'ou„ vrir, & je les planterai avec des remarques & ,, des observations r8 Septembre 1779. Aille. Raucoux continue à faire l'entretien de la ville & même de la cour.
Il en fut question l'autre jour au coucher du Roi.' S. M. demanda au maréchal de Duras , gentilhomme de la chambre de service, comment cela, s'étoit paffé le mercredi ( Elle s'informa qui étoient les deux étourdis arrê- s le lundi. Il fut surtout question d'un , qui est Me. Ader, avocat.
Le maréchal afrura que c'étoit u., mauvais sujet, & le maître dit qu'il le connoHfüic pour tel. Le singulier, c'est que Me. Ader ne va jamais à la comédie, & il est vérifié que le maréchal s'eil trompé de nom.. - 4 D'un autre côté , la fermentation est grande dans le tripot. Les comédiens font outrés' de la maniéré dont Mlle. Raucoux s'eit pré-1 fentéeà leur assemblée, sans les prévenir & fou ordre de début à la main. Plusieurs menacent de quitter & demandent leur retraite. t 19 Septembre. Vendredi les comédiens Ita-" liens ont fait l'efrai de leurs forces pour jouer des pieces nouvelles. Ils ont donné »la premiere représentation des Bourgeois du jour, comédie en cinq acles & en prose, de M. le chevalier de Rutlidge. Les deux premiers actes, '1 d\ll' excellent comique, ont été bien reçu? 6c ont fait beaucoup de plaisir. Malheureusement ils étoient trop bons; l'auteur a foibli dans letroisieme & le quatrième ; & le cinquième, tout-à-
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fait froid romanesque, a donné trop de prise aux détraéleurs & aux envieux pour ne pas' tomber complètement. On ne peut refuser untalent décidé au poëte , mais il faut qu'il étudie l'art davantage , ménage mieux ses forces & châtie plus fonftyle ; car il a plus que tout autre le tel & la gaieté , les deux premieres qualités du genre.
20 Septembre 1779. On a repris les répétitions I f&Echo & NarciJTe, opéra en trois actes du chevalier Gluck , car il ne faut pas s'imaginer .que ce foit une pastorale : c'est du tragique véritable. On devoit donner la premiere repréfenjtation du mardi 21, c'est-à-dire demain, mais on ne croit pas qu'elle puisse avoir lieu de la 'fcmaine.
21 Septemhre. Les avis font très-partagés sur Ja L:p¡t¡()(l générale d' t'c/zo & NarciJJè, qui [a eu lieu hier. Elle étoit aussi nombreuse que ila plus belle chambrée. On convient généralement que ie poëme est détestable; qu'il y a de beaux effets de musique, mais déplacés & trop vigoureux pour un sujet aussi (impie. Les partisans même de Gluck ne peuvent le dissimuler ;' ses adversaires trouvent l'ouvrage trop long & d'un ennui excessif. Quoique le musicien ait monté son harmonie sur le plus haut ton, il a plus donné que de coutume au goût françois, & il y a quantité de ballets , dont quelques-uns peu pittorefqpes.
Ce qui a fait le plus de plaisir dans tout ce
fpeéTacle, ç'a été de voir reparoître Mlle.
Théodore , danseuse, qui avoit quitté, entraînée par la cabale générale contre M. de Visines.
Ce jeune sujet, qui joint la nohleffe à la gaieté t
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les grâces à la légèreté , la précision à la gentillette, réunit tous les suffrages. Elle est en femme ce que le célébré Pic est en homme, & fait le plus grand honneur au Sr. Lany,son maître.
22 Septembre 1779. Madame Necker , dans l'espoir de se donner une consistançe de son côté, a imaginé de se mettre à la tête des hôpitaux du royaume,pour l'administration intérieure des 'œuvres de charité. Elle a fait goûter Ion projet à la Reine & à Madame, fous leurs augustes aùspices. C'est un intriguant , nommé Colombier, membre de la société royale, qui est son agent pour la partie médicale. Elle est allée dernièrement à la conciergerie , (Sr a trouvé à redire à l'infirmerie de cette prison. Elle a envoyé chercher le Sr. Couture , architecte du Parlement & l'a réprimandé. Ce subalterne en a rendu compte à M. Pasquier, Doyen- de la Grand-chambre, Commissaire des prisons & des édifices qu'on construit. Ce Magistrat a été furieux , & a donné les ordres les plus séveres pour s'opposer aux entreprises de la femme du directeur général des finances , ce qui ne met celui-ci que plus mal avec le parlement.
22 Septembre. L'inquisition mise par le maréchal duc de Duras pour empêcher qu'on ne siffle Mlle. Raucoux, & que les partisans des Sainval ne cabalent contre Mlle. Vefiris, continue à augmenter le nombre des mécontens, & faute de mieux , l'indignation se manifeste par des pamphlets manuscrits. Il paroit une facétie intitulée : Supplément à la gazette de France, du vendredi 17 septembre, où par une allégorie soutenue, on raconte tout ce qui s'est pasle dans le tripot, en termes de marine: ce qui
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donne lieu à quelques sarcasmes assez piquans pour ceux qui font au fait de l'hifiorique & des anecdotes.
23 Septembre 1779. La Reine & la famille royale ne pouvant venir décemment xhez l'Ecluse , pour voir les battus payent l'amende , n'ont pu tenir à leur desir, & cette troupe a été mandée à Versailles , pour y jouer sur le théâtre de la ville, le mardi 21. La direétrice a eu permission d'augmenter les places , ce qui lui a fourni une très-bonne chambrée.
24 Septembre. Dans le tems de l'incendie de l'hôtel-Dieu, on avoit donné divers projets, foit pour transférer cet hôpital ailleurs , foit pour l'anéantir entièrement & y suppléer d'une autre maniere. Un des spéculateurs sur cette matiere avoit proposé que chaque paroisse eût le fien. On n'y a point eu d'égard , & l'on a non-seulement confervé ce receptacle de toutes les maladies de Paris , mais on l'a laissé où il est.
Aujourd'hui, fous les auspices de Madame Necker, M. le Curé de Saint-Sulpice a imaginé de construire un hôpital particulier pour sa paroisse , & il feroit à souhaites que cet exemple fût suivi des autres pasteurs.
24 Septembre. 'Aujourd'hui les comédiens Italiens donnent la féconde représentation des Bourgeois du jour. Ils ont réduit cette piece en quatre adtes & elle n'est peut-être que meilleure. Il feroit même à desirer qu'on l'eût resserrée en trois. Elle est imprimée depuis long.
tems fous le premier titre du train de Paris, qui la caracterise mieux & qu'on a ajouté.
3 5 Septembre. Il faut se rappeller que M.
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Linguet, dans un de ses derniers numéros, en"* parlant de la querelle élevée parmi la troupe { des comédiens François , à l'occasion de la t.
Dlle. Sainval l'aînée , appelle le Supérieur, 1 c'est-à-dire le Maréchal Duc de Duras , le Bâtonnier, & faisant allusion au Bâtonnier des l' Avocats, ordre contre lequel il est constamment *• élevé , perfiffle cruellement ce Seigneur. Il t l'avoit déja mal-traité dans ses diatribes contre !
l'Académie , dont M. de Duras est membre. i Le Maréchal, outré de colere , a fait écrire au 1 journaliste qu'il eût à s'abstenir d'entretenir le j public de lui , ou qu'il lui feroit donner des coups de bâton. Tant mieux, fait-on repliquer ?
au libelliste ,je ferai fort aise de lui voir faire , usage de son bâton une fois en sa vie.
26 Septembre 1779. Il courcit depuis quelques jours un quatrain sur le Prince d'Henin , capitaine des gardes-du-corps du comte d'Ar- l tois , qu'on n'a pas daigné recueillir dans le ; moment parce qu'il ne contenoit qu'un calem- '» fcour. Malheureusement fous cette pointe groft fiere ttoient renfermées des vérités dures, con- i cernant la bètise, la crapule & la nullité de ce fcigneur, lié avec toutes les impures de Paris, jr & surtout ne désemparant pas de chez Mlle.
Arnoux , qu'il ennuye du matin au foir. Il a + su que le quatrain étoit de M. le marquis de 1 Champcenets , gouverneur des châteaux de Meudon , Belle-vue & dépendances en furvi. )
vance de son pere , un des chansonniers de la !
cour & rival en ce genre du marquis de Lou- t vois. Il s'est plaint au comte d'Artois son maître & Mr. de Champcenets a été condamné par le Roi à être exilé pendant deux ans, dont six 1
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mois dans un chût eau-fort , & pour le reste, sa famille a obtenu qu'il le paderoit à voyager.
r Cette anecdote rend précieux les vers qu'on dedajgnoit : t Depuis qu'auprès de ta Catin Tu fais un rôle des plus minces, ; Tu n'es plus le Prince d'Henin, (des Nains) Mais feulement le Nain des Princes.
27 Septembre 1779. Il y a parmi les danseuses de l'opéra une Dlle. Vernier, dans les doubles , roulant fOl corps depuis longtems & renommée pour ses tours & ses perfidies. Un • chevalier de Grille , suivant un quolibet de ses camarades , donnant dans les vieux corps, s'étoit attaché à cette courtisanne. Ces jours - derniers il l'a surprise couchée avec unguerluchon : celui-ci s'est apparemment échappé, & toute la colere du chevalier a tombé sur l'infidelle , qui a fui nue en chetnife. Il l'a poursuivie à coups de canne jusques dans la rue, où il l'a laissee presque morte. Le Roi informé de cette vengeance lâche & contraire aux loix , a ordonné que M. de Grille fût enfermé au château de Ham : d'autres disent qu'il n'est qu'exilé.
27 Septembre. Les partisans de la facétie intitulée les battus payent l'amende, enchantés de l'honneur que le Roi avoit fait au Sr.
l'Ecluse de demander sa troupe à Versailles pour l'y jouer , ne doutoient pas que le suffrage de la famille royale n'y mît le dernier sceau. Ils ont été bien étonnés de voir tous ces uguA:es perfonages y bâiller à qui mieux , & -,'ecrier : n'efi-ce que cela ?
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28 Septembre 1779. M. de Foncemagne, aprèd avoir donné plusieurs fois l'espérance à ceuK .qui aspirent à l'Académie françoise de leur cé-i der bientôt la place , a enfin réalisé tout dd bon leur attente. C'étoit un littérateur efti i mable , qui avoit produit beaucoup de chose' peu recherchées. Il s'étoit surtout attaché à b partie de l'histoire, dans laquelle il avoit des; connoissances très - étendues ; mais il l'avoitt traitée plus en savant qu'en homme de génie..
Il avoit eu l'honneur d'être fous - gouverneuti de M. le Duc de Chartres.
28 Septembre. Outre le quatrain sur le: Prince d'Henin , on attribue au jeune Champcenets les couplets sur la comédie & beaucoup.
d'autres choses sur la cour. Il paroît que le pere; fachant le fort dont son fils étoit menacé , ai mieux aimé le prévenir, en demandant lui-même ; au Roi un ordre pour le faire arrêter.
29 Septembre. On est indigné de la ligue générale des peintres contre le tableau de M.
Bonnieu , qu'ils cherchent à décrier à l'envi par leurs propos & leurs critiques injurieuses.
Mais ce qui marque plus particuliérement la jalousie dont ils font dévorés, c'est leur acharnement à obtenir du gouvernement qu'il empêche les ouvrages périodiques de payer à cet artiste le tribut de louanges qui lui est dû. Aucun n'a osé en faire mention.
M. le Duc de Chartres , à peine arrivé de son voyage est allé chez M. Bonnieu & a acheté cette Bethsabée 6000 livres , le prix auquel l'artiste , trop modeste, l'avoit mis.
29 Septembre. Madame Elifabet ayant deliré être inoculée, elle doit se soumettre incef-
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famment à cette opération , qui aura lieu au èhâteau de Meudon.
jo Septembre 1779. Dès la féconde représentation , les balcons , l'amphitéâtre & les premières loges se font trouvés vuides , ensorte qu'on regarde l'opéra d'Echo £ «? Narcisse comme presque tombe ; & s'il se soutient un peu, c'est par les ballets du Sr. No verre. Le chevalier Gluck, dans le principe , n'en vouloit pas : il prétendoit que ses ouvrages n'en avoient aucun besoin ; ce n'esft pas même lui qui a fait les airs. Ses partisans , qui cette fois l'aban donnent, c'est-à-dire son opéra, en rejettent principalement la chûte sur le peëme , du Baron de Tschudi. Il est vrai qu'il n'est pas possible "de lire de plus mauvaises paroles. Le style guindé , précieux , amphigourique de ce poëte, c!t porté à un dégré dont il n'y a pas d'exemple , & son plan même , absolument contraire à la fable , est la plus ridicule chose qu'on puisse imaginer.
Quant au chevalier, il se moque de cela ; il a touché d'avance , suivant son usage, les dix mille francs , prix de sa musique, & l'on calcule qu'avec les autres revenans bons, il en aura 22000 livres.
M. de Vismes , peut-être pour la premiere fois , a fait beaucoup de dépense pour l'exécution de cet opéra , le premier où il y ait unité de lieu. Il n'y a cependant qu'une feule décoration , charmante , dont les fites vari é s donnent lieu à des ballets très-pittoresques pour le coup d'oeil , & remarquables par des effets piquans & neufs, qu'on n'avoit pu saisir aux répétitions.
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30 Septembre 1779. Supplément à la gazette de : France, du vendredi 27 Septembre 1779.
d'Amathonte, le 17 Septembre 1 779.h La division s'est mise dans les flottes com-
binées des Reines Venus & Melpomene, & les
deux partis font prêts d'en venir à une guerre civile. La jalousie est le principe du désordre.
L'Amiral Vejlris n'a pu soutenir l'éclat de la
gloire de l'Amiral d eSainval l'aînée & a ré foin la perte de cette rivale , dont les grandes qualités attiroient l'admiration publique.
ESCADRE BLANCHE, portant le Pavillos.
de la Reine Vénus,
CAPITAINES. VAISSEAUX. 0 T q.
'VESTRIS,Amiral. Le Duras. 100 Le Maréchal Vaisseau qui Duc'Je Duras ., çennlliomine cTfe> a pl, us d appa- kl cïnmbrc de rence que de ienice, fupésolidité. rieur des comédiens, & amant de la Dame Vcfiris, bavard, sans parole fermeté.
BEIZARD. L'Intérêt. 90 Ce comédien, Vieux bâtiment. Je, c)~f dH p.ni Vieux bâtiment. de lUile. (• 'j" IS, en âgé & très.
ladre.
PRÉ VILLE. Le Courtisan. 7$Ce comédien »■ Bâtiment ruiné. cherche à iemettre bien avec le ; ; [ul'érifur,& d'ailkurs eiï nfé de débauches.
DESES-
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CAPITAINES. VAISSEAUX.Car. NOTES.
DESESSARTS. Le Balourd. 74 C'est un auteur Ma Il va is voilier. très-épais & trèsMauvais voilier. bete.
LA RIVE. Le Belâtre. 74 Bel aCteur; ayant Bâtiment mou. des dents bien blanches, qu'il montre , mais froid.
PONTEUIL. H Inutile. 64 Comédien méBâtiment radoubé. diocre, qui a reparu depuis peu au théâtre.
V A N H 0 V R E. Le Tartuffe. 64 A voit paru du Louvoyé fupé- parti de Mlle.
rieurement. Satnval, IX en a changé, voyant l'autre parti l'emporter.
C 0 U R V I L L E. Le Ridicule. 64 Il est hué dès Porte bien la qu'il proît & voile. va toujours ion VOl e. train.
BOURET. JOHonnête. 64 Comédien qui Bâtiment plat. a des mœurs , mais est un piétre homme.
GAZON.
Du G A Z O N* L Ifitftgucitit. 50 Comédien qui Bâtiment sujet cherche à faire à ploy3 er.' cour auX d®pens de tous ses camarades.
Mail. PREVILLE. La Vengtance. 50 Bonne aftrice, Bâtiment lent froide, facile à à la marche, ™r & impla" à la marcs,,e , able.
mais sur. cable.
Madame Le Profond. 50 Vieilleaûrice BELLE COUR. Sujet AUX voies dévergonde.
d'eau.
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FRÉGATES. J
■•i Mlle. Lu Z Y. La Coquette. 32 Cette aftrice a M 1 l b' une maladie de a radoubee. femme incura.
ble. 11 Mad. DUGAZON. L'Effrayante. 32 Allégorie rela.
File 1 S nœuds tive à son intérieur & à sa lu.
par heure. 1 bricité. }
Mad. S U 1 N. La Fatiguante. 20 1 Même caracteFile 18 nœuds re, meme tem.
péramment. 1
:■» ESCADRE ROUGE, portant le Pavillon de la Reine Melpomene. |
CAPITAINES. VAISSEAUX. Can. NOTES.
'----v----' '--v--' 1 SAINVAL l'aînée, Le Talent. 120 La meilleure Amiral A si b aftrice actuelle, une uper e vigoureuse & batterie. dans le genre de Mlle. Dumesnil.
hl OLÉ. Le Ferme. 100 C'est Tasteur r qui a déplov le Peut lerVIr enplus tle vigueur core longtems. dans le tripot en faveur de l'expulsée. M MONVEL. L'Ingénieux. 90 Ce comédien est
VaHfeau iar en même-tems auteur & fait des pour les quah- pieces de théâtés. tre.
A U G É. L'Admirable. 90 Excellent comé.., dien dans les roVaisseaux a con- les de valet & fervcr. d'un genre diffi-.
1 ciie- 4 n'eit reçu Tae (le A examiner. n est reGu que de
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CAPITAINES. VAISSEAUX.Can. NOTES.
F L E U R Y. Le Féridique. 64 Eloge du caV 'ffi d' raftere de cet acal eau une teur.
batterie qui fait fuir tout ce qui l'approche.
Mlle. SAINVAL , Le Senjible. 54 Cette aétrice a cadette. Bâtiment peu de i'ame,mais de durable. fOIbles moyens.
Mlle. DOLIGNY. Le Séduisant. 64 Aftrice qui a 1 Vaisseau à ré- plu longtems , Vaiueau à re- sans qu'on fache fr ormer. trop pourquoi & sans moyens.
Mlle. FA N 1 E R. Le Prétendant. 64 ; A.clrice très-apVaiui_au qai « a .prêtée dans son.
ail? qUI,a jeu & sur-tout betoin d un fre- dans sa toilette.
- quent calfatage.
FRÉGATES.
Mlle. LA CHAS- Z'Insouciante. 32 Caraftere de SAIGNE. Durera longtems. cette afuice.
Mlle. CONTAT. La Dédaigneuse. 32 Cara&ere de N'attrapx e rien. cette actrice, peu renommée poitc ses conquêtes.
Le capitaine Raucoux , corsaire vigoureux montant la Sophie [ 1 ] , avec soo volontaires, des deuxfexes, vient de se joindre à l'Escadre blanche. Ce bâtiment armé à Florence , est
(1) Il faut savoir que Mlle. Arnoux se nomme Sophie, & c'est ainsi qu'elle est surtout appelléc parmi les Tribadc.
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malheureusement , quoique construit depui peu , très-fatigué , vu ion fer vice fréquent surtout dans son arriere, par nne artillerie tro] forte. On ne croit pas qu'il puisse tenir la me longtems , & le lundi 13 il a eflfuyé un grair violent, à la hauteur de l'iile Phedre, [2: qui i'auroit fait relâcher , si le capitaine Eau.
coux n'étoit intrépide. Il a feulement usé d< prudence & vogue fous ses baffes voiles.
L'Amiral Vejîris a commencé les hostilités & donné chasse à l'Amiral Sainval, qui, con.
trarié par le vent , sans munitions & mal fécondé des fiens , a été coupé & forcé de gagnei quelque port neutre.
Le commandement auroit dû être dévolu à Sainval cadette , capitaine du Sensible ; mais n'étant pas mieux fecondée , elle ell allie folliciter les secours de la reine Melpomene.
Pendant ce tems toute l'escadre rouge , affamée, s'est rendue au Duras, fauf le capitaine Jtfolé, qui s'est expliqué hautement, au risque d'être démonté , & si les renforts de la reine Melpomene n'arrivent promptement , ses états font absolument à la veille d'être dévastés par les ennemis, On affure que la retraite du capitaine Sainval cadette ayant donné des inquiétudes, on a fait Timpolfible pour le ramener, & qu'il servira fous les ordres de l'amiral de l'escadre blanche ; lâcheté dont on s'indigne.
Le prince des Nains [;J , qui aime fingulie-
(2) Mlle. Raucoux a été violemment fiffiée à une représentation de la tragédie de Phedre où elle jouait.
(3) Le Prince d'Henin , l'amoureux de Mlle. Ar-.
Houx, & qui en confécjuence protégé Mlle. Raucoux.,
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rement le corsaire Raucollx, à cause du bâtiment qu'elle monte, sur lequel il a fait quelques traversées , s'intéresse fortement à elle , & lui a concilié la Reine & les Princes de la famille royale.
i Octobre 1779. Une société avoit proposé un prix de 1200 livres pour l'Eloge de Louis, Dauphin , [pere du Roi. Il devoit être décerné au commencement de juillet dernier. Cette fois Ice n'étoit aucune académie qui dût en décider.
Les juges étoient dix particuliers choisis, sa voir, (Mrs. Guenée , Gérard , Chevreuil , de JYIilou r Godefcard, Pey, Asseline , Royou, Geoffroy & Grosser. Ces arbitres n'ayant trouvé aucune piece digne d'être couronnée , la même société , en augmentant le prix de 1200 livres, propose le même sujet une féconde fois. Cette fois elle donne des indications plus précises. Elle desirs que les auteurs ne s'asservissent pas à parcourir l'historique de la vie du héros , mais qu'ils s'appliquent à considérer l'esprit qui anima ce Prince , & à le présenter comme plein de cute retigion qui a consacré toutes ses vertus & dont la premiere a été de se dérober à l'admiration de [on siecle. Le concours fera ouvert jusq n'a:.!
premier septembre 1780 exclusivement, & le prix fera décerné au commencement du mois de décembre.
1 Oélobre. L'opéra a donné hier sur son théâtre la premiere représentation d'un intermede italien : il matrimonio per inganno , ou ou mariage par fupercheric , en deux aéles , dont la musique del Signor Anfoffy. Nous avons une piece françoise fous ce titre qui est charmante : Fcpoux par Jupcr cher ic, deBoiffy. On
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présumoit que l'auteur Italien en auroit tiréi!
parti ; mais il est décidé que ces intermedesii doivent absolument ne pas avoir le fcns commun : les poëtes y veulent laisser au mulicien tout l'honneur du succès.
Quant à la musique , elle a été fort goûtée du petit nombre d'amateurs qui suivent ce genre de spectacle.
2 OElobre 1779. On a réduit dans un quatrain le bon mot prétendu de Me. Linguet : il devient ainsi plus vif. D'ailleurs , la pointe de cette épigramme est une épée à deux tfanchans: in utrumque feriens.
Au maréchal duc de Duras, tourné en ridicule par Me. Linguet dans un de ses derniers numéros :
Monsieur le Maréchal, pourquoi cette réserve , Lorsque Linguethaufie le ton, N'avez-vous pas votre bâton ?
Au moins qu'une fois il vous serve.
2 Oélabre. Dans les démolitions & fouilles faites à Belleville & aux environs des carrieres par ordre de la police , on a trouvé une pierre avec des carafteres : on l'a cru digne de l'examen de messieurs de l'académie des inscriptions & belles-lettres ; en conséquence elle leur a été apportée à grands fraix : les commissaires nommés pour l'explication se font donnés beaucoup de peine, afin de rendre les lettres lisibles.
Voici quelles elles font & l'ordre figuré de leur arrangement :
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Mais quand il a fallu rechercher dans quelle langue étoiènt écrits ces carafteres & ce qu'ils fignifioient , ils se font inutilement caffé la tête. Ils ont consulté M. Court de GeSelin, îe savant auteur du Monde Primitif & l'homme le plus versé dans la connoissance des hiéroglyphes , il s'cft avoué incapable d'y rien comprendre.
Le bideau de Montmartre entendant parler du fait & de l'embarras des académiciens , a prié qu'on lui fit voir la pierre , & sans doute , instruit de son existence antérieure , il en a' donné sans difficulté la solution , en îifTemblant Amplement les lettres , qui forment ces mots francois ; ici le chemin des ânes. 11 y avoit dans ces cantons des carrieres à plâtre, & c'étoit une indication aux plâtriers qui venoienten charger des sacs sur leurs ânes , dont ils se fervent pour cette expédition.
Si l'on trouvoit une pareille anecdote dans quelque ana , on la prendroit pour une plaisanterie : on ne peut contester l'authenticité de celle-ci.
3 Octobre 1779. Extrait d'une lettre de Bordeaux du Z $ ftptembre. jeudi 23 nous
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eûmes un Te Deum pour la conquête de la \Grenade par le comte d'Estaing ; mais les né-
gocians font si contens , qu'ils firent des illumi- : nations qui n'étoient point ordonnées. Le foir on donna Gàflon %? Bayard exprès, parce qu'il s'y trouve ces quatre vers, les plus mauvais peut- ï être de du Belloy , mais précieux par le nom du héros :
Ecoute , ô mon élève, espoir de ta patrie, D'Estaing, cœur tout de flamme à qui le fang me lie, Toi, né pour être un jour , par tes hardis exploits, Ainii que ton ayeul, le bouclier de tes rois!
A ces vers trop vagues de la cinquième fcenc
du cinquième aéte, un de nos Bordelois en avoit ajouté d'autres , & l'on reçut avec les plus vives acclamations la tirade en l'honneur de ce général, qui diiTipoit enfin lu crlfteiïe & le deuil de ce port.
3 Octobre 1779. Les comédiens francois ont donné hier la premiere représentation de Rn- Jeïde, comédie en cinq actes & en vers de M.
Dorât. L'auteur se proposoit d'abord de faire paroître sa piece fous le titre de Y Intriguant, le principal caractere qui y domine ; mais comme ce caraaere, plutôt défini que mis en aétion , n'auroit pas répondu à l'attente-que le titre auroit excité, on a conseillé au poëte de se contenter de celui plus vague du nom de l'héroïne, qui ne présente que l'idée d'un drame romanesque. Des vers, des portrait des tirades ont excité des applaudissèmens, & c'est tout.
Les reins de M. Dorat font trop foibles pour soutenir le fardeau qu'il s'étoit imposé : il est
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hors d'état de conduire l'intrigue qu'exigeoit son sujet. Nulle gaieté , un froid continuel & beaucoup d'ennui ; c'est ce qui résulte de cette nouvelle production , plus propre à l'écarter qu'à le rapprocher de l'académie , à laquelle il comptoit s'ouvrir un accès par cet à propos.
4 Octobre 1779. Les artistes enchantés du bruit qu'on a fait courir qu'on n'avoit jamais vu de si beau sallon que cette année, pour jouir plus longtems de l'enthousiasme public, ont engagé M. le comre d'Angiviller à le prolonger de huit jours.
Hier 3 , jour de la clôture , on y a exposé deux nouveaux tableaux représentant la ville de Malines & le château de la Tamise. On en a admiré l'extrême fini , les détails les mieux entendus , l'intelligence des plans de chaque fabrique dont ils font composés. La veille, l'auteur , M. de Cort d'Anvers , avoit été agréé de l'académie sur leur feule infpeétion.
S -oélobre. Il paroît imprimé : précis de la campagne de 1779 , par M. du Bourg, officier au régiment de Languedoc, embarqué sur le vaisseau du Roi VIndien.
Ce pamphlet vient de Brest, où l'impression en a été autorisée le 23 septembre , de l'agrément du commandant de la marine.
Il est couru avec avidité , mais on n'y trouve qu'un peu plus d'ordre & de précidon dans les faits r"] qu'on savoit déjà. Flufieurs même y font omis , & une réticence totale des anecdotes qui pourroient satisfaire, laisse le ledeur
e-) EncoTe les dates ne font-elles pas évades-
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dans le même embarras. On y remarque du reste , un génie rodomont, fuite sans doute de la contagion des Espagnols. Cette forfanterie est encore plus déplacée , vu la supériorité excessive que nous avions, & le peu de succès; qui en a résulté. it 5 Octobre 1799. A celle qui Je reconnaîtra.
Telle est le titre d'une épitre nouvelle adressée è Mlle. Raucoux. C'est un persiflage en vers,, où il y a de la facilité, de la faillie , une critique des mœurs du jour vraie & piquante. On l'attribue à M. Dorât. Cependant par sa méchanceté , sa hardiesse & surtout par son genre , elle est encore plus dans la maniere du marquis de Villette. - 1 d Oélabre. Depuis les disputes élevées dans le fein de la comédie au sujet des Sainval , le Sr. Préville & sa femme s'étoient retirés & ne vouvoient plus représenter. Celle-ci, con-' nue pour une des ennemies des deux adtricesj opprimées & chéries du public avoit été huée, dans la gageure imprévue, piece où elle avoit joué délicieusement. Son mari avoit pris fait & cause pour elle, & ils avoient envoyé leur renonciation au théâtre. Leurs camarades éprou-
vant le vuide laissé par ces deux coryphées , ont député quatre d'entr'eux pour les ramener: tels les Grecs envoyerent autrefois vers Achille.
Ils ont répondu, en prescrivant certaines conditions , qui confiRent à mettre plus d'union dans la troupe , plus de fermeté dans les délibérations , & surtout plus de zèle à empêcher le parterre de prendre en grippe les meilleurs adeurs & de les huer. Les articles ont paru si
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durs, si difficiles à exécuter qu'on ne leur a pas répondu.
7 Octobre 1779. Le prince de Nassau - Saar.
bruck qui a épousé mademoiselle de Monbarrey , a moins de treize ans & demi, il n'en a qu'onze & demi, & la demoiselle doit revenir sur le champ après la cérémonie. Il est protestant & elle catholique. Beaucoup de gens blâment son pere de cette alliance & craignent qu'il n'en résulte un divorce lorsque le jeune Prince fera majeur. On s'est trompé du reste, & il a encore son pere.
7 Otlobre. M. Dorat a tenu une rassemblée chez Mlle. Fannier , après la premiere représensation de sa piece , pour savoir s'il la retireroit. La pluralité a été pour forcer le public à la recevoir & à la pouffer toujours. Cet auteur avoit pris pour modele de son Intriguant le rMarquis de Pezay , dont il étoit autrefois l'ami & qui s'étant méconnu dans son élévation, avoit donné de l'humeur au poëte ; mais ce caractere est si mal mis en aétion , qu'on n'en a pas senti l'effet, & surtout qu'on y a reconnu en rien le prototype.
M. Dorat est d'autant plus désespéré que ses aTaires se dérangent chaque jour ; qu'il doit au moins 60,000 livres , & n'est à l'abri des poursuites de ses créanciers que par un fàuf-conduit.
8 Octobre. Echo & Narcisse n'a rapporté mardi , jour de la troisieme représentation , que 1 çdo livres. Cette époque critique décide de sa chûte absolue.
M. Robinot, ci-devant abbé, en a présenté aux Italiens une parodie intitulée : les Narcisses
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9U VEcot mal payé. Elle a été accueillie avec transport. Mais comme il y a beaucoup de perfonalités contre le chevalier Gluck , l'abbé Arnaud , M. Suard, le chevalier de Chatellux & ses autres partisans connus, on doute que la police la tolere, sans la châtrer étrangement.!
9 OSiobre 1779. Le chevalier Gluck, dont l'amour-propre , comme celui de tous les gens à talens , est très - susceptible , dégoûté du peu de succès d'Echo & Naraffe, sur le point de partir pour Vienne, est allé prendre les ordres de la Reine, & n'a point dissimulé à S. M. sa douleur & son projet de ne plus revenir. La Reine voulant le détourner de ce dessein, lui a fait donner la place de maître de musique des enfans de France , & lui a permis de partir feulement pour l'arrangement de ses affaires, avec injonétion de revenir pour toujours se fixer ici.
10 Oélobre Vers à Mademoiselle de Monbarrey sur son mariage avec le Prince de IJajJau - Saiirbriick.
Vous partez, vous allez loin de votre patrie * l'asser des tendres mains d'une mere chérie Dans les avides bras d'un époux enchanté: Déposant un fardeau si cher, si regretté, L'une l'arrosera de larmes L'autre, pofleffetir de vos charmes, Sera de plaisir transporté : Dans ce monde admirable, ainsi tout se compenfc : Votre beauté mettoit en France Mille esclaves à vos genoux : Sur de nouveaux sujets par votre bienfaîfanee
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Vous allez exercer un empire plus doux : Ici l'on vous auroit maudite, Se voyant par vous dédaigner: Là vous ferez toujours bénite : D'une ou d'autre façon il vous falloit regner II Oélobre 1779. On prend toutes les mesures pour faire l'édition générale des Oeuvres de Voltaire , dont le sieur de Beaumarchais & conforts s'occupent depuis longtems. Quoique le Profpeélus ne paroiiTe pas encore , on fait que le nombre des volumes fera de soixante in-8° , & la souscription de 300 livres.
Afin de pouvoir éviter les censeurs de France - & leurs scrupules , les éditeurs ont obtenu de monter leur imprimerie au fort de Kehl appartenant à l'Empire , non loin de Strasbourg.
S. M. Impériale leur fournira des gardes pour veiller, tant au dehors que dans l'intérieur de l'imprimerie, & surtout pour empêcher qu'aucun des travailleurs n'emporte , suivant l'usage , des feuilles des épreuves : au moyen duquel larcin la contrefaçon a lieu prefqu'aussitôt que l'édition originale.
12 Oftobre. Un des bâtimcns de Paris qui attirent aujourd'hui la curiosité des habitans de cette capitale & des étrangers, c'est le petit palais Bourbon : colifichet ingénieux , riche , élégant , plein de recherches voluptueuses : on ne peut y entrer qu'avec un billet de la propre main du prince de Condé. Ce n'est qu'un accefloiredu grand palais, qui n'est point fini & dont les travaux font suspendus faute d'argent : il y a en outre le palais moyen. Par la réunion de ces trois especes de bâtimens,
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S. A. fera logée pour 600,000 livres de rentes environ. On évalue à douze millions ce vaste édifice , supérieur pour l'étendue à tous les palais connus d'aucun souverain en Europe.
12 Oélobre 1779. VEcole de la jeunejje , ou le Barnevelt François, drame tragique, si jamais il en fût , & appelé par les comédiens italiens improprement comédie , en trois adtes & en vers, mêlée d'ariettes , paroles du sieur Anfeaume, avoit eu pour musicien le sieur Duny, mort, dont le genre facile & doux ne convenoit gueres à la noirceur de cet ouvrage.
Un sieur Prati , élève de Piccini , a imaginé - de refaire cette musique, & son ouvrage a été exécuté lundi dernier , mais avec un succès très-médiocre & qui laisse encore beaucoup à desirer.
ii; Oélobre. M. Dorât , au moyen des retranchemens considérables faits à sa piece, des billets qu'il distribue abondamment à chaque representation, & de la complaisance des comédiens à y joindre de petites pieces jclies , jouées rarement & accompagné es de leurs agrémens, se traîne avec une forte d'ostentation aux yeux des bonnes gens qui ne voient pap tous ces ressorts & ne connoissent pas Ion manège.
Cet auteur marche déjà à un nouveau triomphe; il nous annonce aujourd' hui une tragédie, qui doit être jouée incessamment ; c'est un sujet fort intéressant, Pierre le Grand: pour que le public foit prévenu d'avance & exciter son attente, il répand des vers à Mlle, Sainval cadette, en lui envoyant le rôle d'Ametis :
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Diogene, avec sa lanterne, Cherchoit un homme & ne le trouvoit pa)" Plus d'une Diogene moderne Et même fort en pareil cas ; La chose est, dit-on, bien prouvée ; Moi je fuis plus heureux. Las des talens trompeurs De l'ampoule tragique , avec foin conservée , Ma lanterne à la main , me moquant des railleurs , Je cherchons une ame éprouvée, Tendre,sensible,ouverte aux doux charmes des pleurs: C'cft une rareté chez Meilleurs nos afteurs, Et dans Sainval je l'ai trouvée.
14 Oélobre 1779. Il matrimonio per inganno est un opéra bouffon tout nouveau & denné à Naples il n'y a gueres que ftx mois : la musique en est admirée de plus en plus ; cependant comme la Signora Chiavacci veut toujours une ariette de bravoure à chanter, le sieur Piccint a été obligé d'y en ajouter une de sa composition pour elle. Cette cantatrice n'a pas un organe fort étendu , mais elle est parfaite musicienne ; elle travaille beaucoup , elle a le plus grand goût , elle est pleine de graces & furmonte par son art toutes les difficultés : elle est en outre excellente actrice , principalement pour les rôles de fourberie hypocrite , dans le caradtere de sa nation & dans le f1en.
La Signora Chiavacci excite la jalousie de nos courtifannes , & surtout des demoîselles del'opéra , dont elle surpasse par sa magnificence les plus riches; outre un train considérable >
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elle a un coureur & joue la femme de qualité * elle appartient actuellement à M. Amelot.
iç Oiïobre 1779. Il s'éleve dans le fein de l'académie une division sourde d'abord; mais qui éclate insensiblement & pourroit causer des effets funestes. M. de la Harpe s'étoit impatronisé chez M. Suard , son confrere , & il s'y étoit tellement ancré qu'il a paffé pour le cocufier. M. Suard n'a pas trouvé cela bon & a expulsé l'ami de la maison. Celui-ci piqué , à l'occasion du chevalier Gluck extrêmement prôné par M. l'abbé Arnaud & conséquemment par M. Suard son écho, a pris parti en faveur du sieur de Marmontel , à la tête des Picciniftes : le Journal de Paris a servi de champ de bataille à tous les champions qui ont déguisés fous des noms empruntés , se font dit beaucoup de choses grossieres à la faveur du niafque.
M. Suard est un fier à bras : il n'est forti de Befanqon sa patrie- & venu à Paris que pour une affaire d'honneur avec des officiers du régiment du Roi : M. de la Harpe a fait, au contraire, des preuves de couardise & depoltrunerie ; il] a reçu des croquignoles de tous ceux qui ont voulu lui en donner , & ne s'est vengé que par sa ptu me, qui ne l'a pas toujours bien servi. Son confrere a trop abusé de sa supériorité : mais encore un coup Y incognito couvroit tout cela. Le dythirambre a donné de nouveau prise à M. Suard , qui a fait inférer dans le Mercure une critique sanglante de ce poëmc & même tombant indirectement sur Pacadémie, le panégyriste de Voltaire a été furieux & ne trouvant pas vraifemblabrlement
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l le défenfenr assez chaud , a fait intérêt une ! lettre en réponse , où il est si fadement adulé, I qu'on fent qu'elle ne peut venir que de lui.
I Tout a transpiré aujourd'hui, & M. d'Alembert, outre que des académiciens se donnent ainsi en [ L fpeétacle , fait de son mieux pour assoupir la L querelle & l'éteindre ; mais M. Suard est implal cable & menace toujours de couper les oreilles j au cocufiant. Voilà l'état aétuel de cette guerre •• devenue ouverte & qui amuse les malins , dont cette capitale abonde.
1 S Octobre 1779. Un mémoire qui dans le tems n'a voit fait aucune sensation , est très-recherché aujourd'hui , depuis qu'il est supprimé par un arrêt du conseil du 2S Septembre. Il est au nom des -cp'ingliers , merciers, tabletiers , contre M. le chevalier Dubois, commandant la garde de Paris. Me. Prevost de St.
Lucien , avocat , en est l'auteur : la causticité qui y regne contre le militaire , auquel on reproche un despotisme vexatoire , en fait le mérite & le piquant.
15 Gclobre. On cite un bon mot de M. le I Duc de Chartres à Madame la DueheiTe accou! chée : quoi ! lui dit l'épous en soupesant le nouveau-né, vous ne me donnez qu'un enfant , à moi qui ai travaillé pour quatre.
16 Oèlobre. A celle qui se reconnoitra.
Toi, la plus belle des Didons, C') Chaste un peu moins que Pénélope, Dans ce pays d'illuflons
r (*) Mlle. Raucoux jonc le rôle de Diden avec f succès & y a toujours brillé.
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Il n'est rien que nous ne fassions Pour fuir l'ennui qui nous galoppe.
Plumes en l'air, nez en avant, On court grimpé sur la chimere Vers le plaisir qui fuit d'autant; On aime , on plait à sa maniéré : Le plus fage tourne à tout vent, L'un atteint l'amoui par devant, L'autre l'attrape par derrierc.
Le caprice est ce qui nous meut ; Le diable emporte les scrupules.
Enfin on fait du pis qu'on peut : Tout le monde a des ridicules , Mais n'a pas des vices qui veut.
Du tien ne vas pas te défaire , Dans la Grece on en faisoit cas Et sur le vice on fait, ma chere, Que les Grecs étoient délicats ; Dans Romeencor, ville exemplaire, Messaline , Assée ou Glycere , Ne t'auroit pas cédé le pas.
Jours de débauche & de lumiere i Beaux jours de la corruption, Les petits soupers de Néron Auroient bien été ton affaire: Là nul censeur contredisant, Jeunes bacchantes très-humaines, Au corps souple, au geste agaçant, Auroient imité tes fredaines Et fçii provoquer ton talent.
Saint Jerôme cite souvent Le tempérament des Romaines.
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Quoi qu'il en foit, au gré du tien Eduque nos Parisiennes ; Il est des excs qu'en tout bien Il faudra que tu leur apprennes.
Ceignant le pampre & le laurier N'obéis qu'à ta fantaisie, Garde ton essor cavalier Et ton audace & ton génie Et cet amour peu familier, Dont le costume irrégulier Tente la bonne compagnie.
Monte le matin un courlier D'Angleterre ou d'Andalousie; Aime le foir Souck & Julie ; (*) Le lendemain viens larmoyer Tenant l'urne de Cornelie.
Le parterre a beau guerroyer ; Laisse à tes pieds siffler l'envie : Tout va, tout prend, tout nous est bon, Nous aimons à voir une Reine En pet-en-l'air , en court jupon, Beaucoup plus lascive que vaine Faire de myrthes une moisson, De ses bras lier sa Climene, Et mettre sans tant de façon La cocarde du fier dragon Sur l'oreille de Melpomene.
Va, dans ce siecle de bon ton Les mœurs font une lingerie, Les préjugés une chanson,
00 Deux fameuses tribades entre nos courtifannes.
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Et la sagesse une folie.
Nous sommes libertins à fond, Par nous tu dois être accueillie.
L'oubli joyeux de la raison Est un don du ciel qu'on t'envie; Nargue les sots , céde à tes goûts , Donne aux femmes des rendez-vous, Parle aux hommes philosophie ; N'en aime aucun, trompe les tous : Sois gaie, insolente & jolie : Sur la scene, avec énergie, 1 Prends le feeptre , regne sur nous : Tiens le thyrse dans une orgie Et tu n'auras que des jaloux !
17 Oflobre 1779. On peut se rapeller l'inculpation répandue il y a près de deux ans ,.
contre M. le comte Desgrce, comme s'étant * l'aide corrompre par le Maréchal duc de Duras 1 commandant en Bretagne , lorsqu'il avoit l'honI neur de présider l'Ordre de la noblesse , & 1 d'en avoir reçu une somme de içoo livres pour faire passer une délibération favorable à la cour. Ce gentilhomme a porté sa plainte au Parlement de Bretagne contre cette diffamation calomnieuse : depuis ce tems , comme le Maréchal de Duras y est gravement compromis, il a intrigué pour empêcher que cette plainte n'éclatât & qu'on n'y donnât fuite : cependant elle commence à acquérir de la confiflance , & il paroît un Mémoire pour le comte Desgrée, !
qui jette un grand jour sur toute cette affaite.
L'autorité semble disposée à s'armer pour l'ar" rêter ; déja même elle empêche la diftributioa I
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de l'écrit en qneftion , dont cependant quelques exemplaires ont percé. Pour peu que l'accule mette de fermeté, que le Parlement s'obstine à instruire l'affaire, & que le ministere continue à user des voies despotiques pour étouffer les gémissemens de ce gentilhomme , sans lui rendre justice , cela peut produire une très - grande fermentation dans la province , surtout si elle se fomente jusqu'à la tenue des Etats, & devenir prefqu'aussi grave que l'histoire de M. de la Chalotais.
18 Oélobre 1779. Un Sr. Daudé de JoiTan connu dans la littérature par quelques opuscules , surtout par des critiques sur le sallon très-ingénieuses, s'imaginant que ce n'étoit pas le meilleur parti à tirer de son efprit& que cette faculté nous étoit fpécalement accordée par la nature pour faire des dupes , s'est jetté dans les intrigues de toute espece & a escroqué tant qu'il a pu : abîmé de dettes , mis en prison, châtié par la police, il ne s'est rebuté de rien, il est forti de la sphere des courtifannes dans laquelle il s'étoit concentré d'abord , il s'est faufilé chez les grands, chez le Prince Louis, chez la Baronne de Neukerque , chez le Duc de Chartres , chez le Duc d'Aiguillon , &c.
Chassé de ces divers endroits , il s'est relevé de nouveau & tout recemment a gagné la confiance du Prince de Monbarrey. Comme il est Allemand & parle la langue de cette nation , il lui a servi d'agent pour négocier à l'occasion des difficultés élevées sur le mariage projetté du Prince de Nassau avec la fille de ce ministre, & pour récompense celui-ci vient de le faire pommer Syndic de la ville de Strasbourg, par
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adjondion avec M. Gerard & en ayant l'exer cice. Cette place , la plus belle après celle di Préteur, le met à la tête du corps municipa de cette ville, composé de la plus haute no blesse. On ne fait comment elle souffrira d'ètri présidée par un polisson de cette espece, petit fils de Mlle. le Couvreur , ci-devant abbé 6 précepteur du fils de M. de Lucé , ancien In tendant de la province. En un mot, c'est 1< fecon4 tome du marquis de Pezay ; mais ayan plus d'esprit , d'adresse & de fourberie , d'imprudence , de figure & de jeunesse, il peul aller encore plus loin.
18 Oélobre 1779. Vijion du prophète Daniel, trouvée nouvellement dans les ruines di JéruJalem, traduite de THébreu par uh amateur.
Et le premier jour du mois de Nifam j'etoi couché sur les bords de l'Euphrate déplorant dans mon cœur les malheurs de- Sion & je me flattois qu'un jour Jéhova laisseroit désarmer la colere, que nous reverrions le grand fleuve Jourdain qui a quarante-cinq pieds de large & le beau pays qu'il arrose, & que l'heureux tems reviendroit où nous pourrions encore égorger nos ennemis, comme Adonaï nous leprefcrit, piller leurs possessions comme il nous l'ordonne massacrer leurs femmes & leurs filles, brûler des milliers de vieillards, & écraser sur la pierre les têtes des petits enfans , pour accomplir la loi de l'Eternel.
Et je me réjouilTois dans ces douces pensées.
Et tout d'un coup mes yeux se fermerent.
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1 Et un doux sommeil s'empara de mes sens.
Et je m'endormis profondemenr sur le rivage.
Et je me figurois être dans le palais de Baibylone.
Et comme je fuis curieux , je parcourois cc rvafte édifice & j'entrai dans une grande salle.
Elle étoit partagée par le milieu.
Et la partie qui étoit devant moi repréfcntoit un palais , & il étoit formé de chassis recouverts de toiles peintes , le tout assez mal illuminé.
Et je fus étonné quand je me retournois de voir l'autre partie de l'appartement entouré de :rois rangs de cages remplies de femmes Caldéennes , brillantes de pierreries , assez mal assises , entassees les unes sur les autres & plongées dans une obscurité qui m'empêchoit de discerner leurs traits.
Et au milieu de cette enceinte j'apperçus juatre à cinq cents hommes, tant jeunes que Tieux , debout , prefiTés l'un contre l'autre , )OUS le visage tourné vers le palais de toile teinte, gardant quelquefois un profond silence k en l'interrompant quelquefois pour frap1er dans leurs mains , & pour crier bravo, lU paix-là.
Et je me dis ces gens-là font fous ou ivres.
Et je vis qu'ils écoutoient attentivement ce rue disoient des hommes & des femmes qui l'entretenoient tout haut de leurs affaires dans )e palais de chassis recouverts de toiles peintes.
Et ils avoient l'air d'éprouver de grands nalheurs , de reÍIentir de vives afflictions i de s parler d'amour, de se prodiguer des injures,
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de se confier des secrets & ils crîoîent à tue., tête.
Et personne ne leur disoit : taifcz-vous donc., ne criez pas si ofrt, vous êtes des imprudens en entend tout ce que vous dites.
Et j'avois envie de les avertir, mais quand j«i vis que tout le monde avoit du plaisir à être de.
moitié dans leurs confidences je fis comme le autres.
Et il y en avoit quatre ou cinq qui , s ,e,gofil-.
loient & on leur crioic bravo, & moi je disois: ces gens-là m'étourdissent.
Et ils ont beau se frapper l'estomac, leve: les mains au ciel, trépigner sur le carreau , secouer leurs plumes , & se déchirer la poitrine ils ne me touchent point & je sens que s'ils parloient de ce qu'ils disent , cela di fait pou m'intéresser.
Et je fis cette réflexion tout haut, & un vieux Caldéen qui êtoit à mes côtés, m'enten J dit & me dit : tu as raison, esclave , tous ceu: que tu vois-là font des braillards.
Et ils ignorent que les grandes paillons fonr muettes & ne s'expriment que par des accenr étouffés.
Et leur ame n'est que dans leur cerveau.
Et leur sensibilité n'est que dans leur gorier.
Et leur chaleur n'est que dans leurs gestes..
Et leurs effets ne font que des pantomime: outrées.
Et leurs grands traits ne font que des diITo: nances perpétuelles , des fons insupportables:' Ils ne font que crier, parce qu'ils ne saveir.
point parler.
Et leur phyfronomie grimace toujours , o < n'exprimr
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! n'exprime rien , parce que l'ame feule donne f aux traits du visage l'expression propre à chaque sentiment.
sa Et leur voix faute toujours du haut en bas & du bas en haut, parce qu'ils ne connoissent rien , au langage des pallions, à la marche de la nature & à Pexpreffion du [entiment.
: Et ce qu'ils font, s'appelle jouer la tragédie, c'est-à-dire , exécuter les chefs - d'oeuvres des plus grands maîtres qui ont mis en action les djts & faits, les astes de vertu, les crimes, les malheurs des hommes célebres ou les révoluÉtions des Empires.
f Et pour rendre ces chef-d'œuvres, il faut du Et ces gens-l à n'en ont point.
I Et tu vois bien cet homme noir [il, dont e visage feroit aflfez bien , s'il disoit quelque chose, qui a la jambe grêle , le buste mal attaché , les bras longs & la tête roide, qui s'adimire avec le sot orgueil d'un paon , & se rertourne tout d'une piece , comme un loup , & .c'est-là l'homme qui succede au plus grand Itragédien [ 2 ] dont s'honore notre patrie. Et [pour le remplacer celui - ci n'a qu'une groue rvoix , une poitrine forte , des poumons d'aitrain, beaucoup d'amour-propre & un grand fond xl'impudence; & pour suppléer à l'ame & à l'intelligence qui lui manquent, il crie , se bat les
[1] Portrait mal- fait, qui convient à certains égards au Sr. la Rive & à d'antres, au Sr. Ponteuil, & ne caraétérife réellement bien ni l'un ni l'autre: jiinfi le lecteur choifua.
[z] Le Kain.
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flancs, frappe des pieds sur le parquet, & je à chaque instant ses bras par dessus sa tête Babylone a été quelque tems dupe de ses cc torsions ; mais l'erreur n'a pas duré & l'on i maintenant l'apprécier.
Et écoute ces brouhaha , ces ris qu'il eXcil cela s'appelle des huées; c'est avec cela que F accueille & que l'on récompense des automa comme lui, qui ont l'audace d'entreprenc plus qu'ils ne peuvent faire.
Et tu entends comme ces huées redouble & tu vois bien comme il les mérite.
Et tu peux t'imaginer qu'il aura la bêtise l'orgueil de ne les imputer qu'à des ennen qui veulent lui nuire , & moi qui le conn< je dis que cela fera mal-à-propos & je te ju par Belus que, s'il annoncoit feulement des d positions , il n'éprouveroit que des encourag mens ; mais on desespere avec raison de lui l'on punit à juste titre ses prétentions & f( impudence.
Et tu vois bien cette petite femme [ ; ] dont la tête est trop grosse pour son corps dont les yeux font éteints & qui a recouve son teint grénéleux & tanné, & ses traits effi ces par un triple enduit de ccrufe & de ve millon : & bien ! fous ce pastel imposteur , foi ce marque qui de loin & graces aux lumier< lui donne encore un certain éclat, elle cach une ame plus fausse encore que sa beauté d'en: prunt. Et vois-tu ces gestes compasses, & en tends-tu ces sans aigus de sa voix, ou rauque ou glapissante, qui détruit la noblesse & l'éner
[3] Madame Veltris.
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gie du caraâere passionné qu'elle doit nous peindre , & que penses-tu de la voir perpétuellement courbée en deux , gesticuler à tour de bras , mettre la main fous le nez de son pere ou de son amant, & dire je vous aime, commi t on dit une injure. Et remarques-tu que , malré ses contorsions d'énergumene , malgré ces inaut-le-corps & ces cris qui ne partent que du ygofier ou du cerveau, cette femme ne dérange jamais l'édifice de sa coëffure ni la symétrie de Son ajustement, & que son visage qu'on croijroit décoapé d'un tableau, a toujours le même coloris , la même expressîon & ne varie jamais, Ifc fais-tu attention que les applaudissemens u'elle reçoit, rares & clair-femés , partent de uèlques pelotons d'ignorans soudoyés , que o-1 va raniaflant de carrefours en carrefours K qui n'attendent que le signal convenu pour ptourdir leurs voisins.
Et t'apperçois-tu de ces chut , de ces paixp., paix, dont le nombre & la force étouffent tes applaudissemens mercenaires ; l'indignation tes arrache aux gens de goût , qui ne peuvent voir accorder à l'impudente & orgueilleuse nullité ce qui ne doit être que la récompense du salent.
Et je regardois tout ce que montroit le Baby)onien.
Et j'écoutois tout ce qu'il me disoit.
Et je voypis qu'il avoit raison.
Et je lui dis, on ne fait donc point à Babyrone faire justice de l'orgueil & de l'impudenje , & j'ajoutai si Jéhova qui a montré son derliere à Moyse dans le buisson ardent , nous Noit accordé un autre fpedacle, s'il nous avoit
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envoyé de mauvais comédiens bien impudent & bien orgueilleux , nous l'aurions prie de les: traiter comme il a fait des peuplades entieres: qui n'avoient d'autres torts que d'être chez!
elles & de ne pas permettre que nous les en: chaffions.
Et Jéhova nous auroit exaucés , car il n'entend pas raillerie , & je trouve que vos dieuv font bien patiens, de souffrir comme cela qu'or ennuyé impunément- le public ; mais chacun fait chez foi comme il juge à propos.
Et quel.est ce vieillard aveugle M qui paroî i la-bas , soutenu par une jeune fille : ses che.: veux blancs imposent le refpeét.
Et le Caldéen me répondit : celui-ci que tr vois-là, n'a besoin que de se montrer paul affecter l'ame & pour toucher le cœur.
Et confidere un peu la noblesse & la fimpli: cité de ses mouvem.ens & le pathétique de foorgane , & il n'est pas nécefifaire que je t'aven tille qu'il pèche par l'intelligence , qu'il enten i à peine ce qu'il dit & qu'il déraisonne le ph, souvent.
Et tu t'en, appercevras facilement, mais laimi le s'échauffer , laine l'aétion l'entraîner fari qu'il s'en doute , à quelque morceau de fora & d'énergie.
Et tu feras toi-même entraîné.
f Et tu entendras le cri de la nature retenti jusqu'à ton cœur.
Et l'explonon de l'ame de ce vieillard r' muera tes entrailles.
[4] Le Sr. Brizard faisant le rôle d'(Eflip dans fergédie de M. Dupis,.
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Et il aura l'air d'avoir de l'esprit.
Et si l'âge qui s'avance , ne détruit pas entièrement ses forces , l'ensemble de son talent te fera toujours plaisir.
Et tu lui pardonneras ses défauts en faveur de ses bonnes qualités.
Et je trouvai que le Babylonien raifbnnoifc gjufte. 1. d.. []' r
Et je lui dis, cette jeune S qui fou tient lJe vieillard , ne t'émeut-elle pas comme moi ?
Et sa figure ne te paroit-elle pas douce & Hntéreffante ?
Et il repartit , sa voix arrive jusqu'à mon 1 cœur, son ame me parle, elle séduit, elle tou1 che , elle enchaîne tout ce que le sentiment a rde plus doux , elle fait l'exprimer ; tout ce ique les priions ont d'orageux & de terrible, .e11e a l'art de le peindre, rien n'est étranger à son talent.
Et cet homme fluet & délicat [6] que tu )découvres dans l'éloignement, va complettcr ll'illusion qui s'empara de tes sens. �
Et tu ne l'entendras pas hurler comme cet aénergumene qui t'étourdifloit, il n'y a qu'un inioment [ 7 ].
Et il maîtrisera toutes tes facultés.
Et son ame brûlante entraînera la tienne.
[ç] Mlle. Sainval cadette, faifantle rôle d'Antigon e Wans la même tragédie.
[6] Le Sr. Mole , faisant le rôle de Polinice dans ;la même traçédie.
[7] Partialité aveugle , car le Sr. Molé crie plus nu'aucun asseur.
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Et en l'écoutant tu ne t'appercevràs plus de ce que la nature lui a refusé.
Et je vis effectivement un tableau qui déchira mon cœur.
Et je me crus transporté dans un autre pays ; ce vieillard, la jeune fille & son frere me firent éprouver tous les sentimens dont ils étoient animés.
Et je conclus que le peuple Babylonien n'avoit pas tort de chérir ceux qui leur procuroient des plaisirs aussî vifs.
Et bientôt je cessai de voir : une nuit profonde m'environna , & je me trouvai dans un bois, au milieu duquel il y avoit un tombeau.
Et des soldats traînerent ce jeune homme à ce tombeau.
Et j'apperqus une femme échevelée, [8] armée d'un poignard, qui s'avançoit, le désespoir dans les yeux, pour immoler le jeune homme.
Et une voix lui crioit, c'ejt Egifte !
Et dans cette femme égarée & furieuse , je ne vis qu'une tendre mere craintive, agitée , tremblante pour les jours de son fils.
Et son aétion forte & vigoureuse, le jeu de sa physionomie, les accens étouffés de sa voix, ses difeours, d'autant plus persuasifs qu'ils fembloiant l'expression forte de son ame , m'arracherent à mes réflexions, réveillerent mes esprits & firent palpiter mon cœur.
Et je partageai les allarmes de cette mere infortunée. Ses cris désespérés retentirent jusqu'au fond de mon ame, sa position affreuse
[8] Mlle. Sainval l'aînée, faisant le rôle de Mérope dans lu tragédie de ce nom.
I
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& le choc perpétuel de ses sentimens, tous variés, tous diftindts 5 tous frappans , tous naturels , me transporterent hors de moi.
Et mes larmes avoient coulé en abondance ; mon cœur étoit oppresse , je ne respirois plus qu'à peine.
Et de nouveaux tableaux , moins terribles, mais non moins féduifans, vinrent frapper mes regards.
Et je vis une jeune beauté [ 9 3, douce , ingénue, dont le maintien annonçoit la candeur.
Et elle parloit d'amour avec le ton qui persuade.
Et elle intéreffoit tous les sentimens, parce que ton ame étoit de moitié dans tout ce qu'elle disoit, que sa voix avoit un charme inexprimable , & que l'honnêteté , que la décence accompagnoit ses regards , ses gestes & ses discours.
Et elle adressoit la parole à un homme.[iol que j'aurois cru jeune, à n'en juger que par les agrémens de sa physionomie, par l'élégance de sa taille & les graces de tous ses mouvemens.
Et cet homme étoit plein de feu , & tout ce qui sortoit de sa bouche étoit autant de faillies rendues encore plus brillantes par la maniéré dont il les exprimoit.
Et il avoit un ami auquel il se confioit.
Et cet ami [ II 3 plus jeune que lui, plaisoit à ma raison & touchoit mon cœur : moins bril-
[9] Mlle. Doligny , qui n'est cependant ni jeune ni jolie.
fiol Le Sr. Mole, dans le comique.!
[II] Le Sr. Monvel. - -
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lant que l'autre perfonage , il n'en étoit pas moins agréable ; il avoit de la fierté, de la noblesse, des graces dans le maintien, de la finesse dans ses regards; je remarquai qu'il étoit à son aise dans tout ce qui exige l'ironie maligne & la plaisanterie de fang froid ; sa voix & sa prononciation le trahiffoient quelquefois, mais il réparoit ce défaut par une intelligence fûre&une sensibilité vraie.
- Et voici qu'après eux m'apparurent trois ef.
claves de différens sexes , deux hommes & une femme1, & la femme f 12 3 étoit vive, gaie , & me communiqua bientôt le plaisir qui l'animait & le désordre charmant de ses idées.
Et sa physionomie brillante & son petit nez retroussé se graverent dans ma tête, & n'en font pas encore effacés.
Et les deux hommes m'amuserent également : l'un, [13 ] grand, bien découplé , plaifantfans chercher à l'être, l'œil etfprefîîf & plein de feu, portoit sur son visage tout le caraétere & l'audace de la fourberie.
Et mille voix répétèrent autour de moi : c'est un honnête homme! & l'autre, [ 14] taillé délicatement , annonqoit plus la rufe que la scélératesse , savoit exciter le rire sans outrer la plaisanterie, & ne facrifioit jamais la raison au desir de paroître comique.
Et chacun disoit, j'aimerois mieux être servi par lui toute ma vie - qu'un quart-d'heure par
fut Mlle. Fanier.
En] Le Sr. Aueé.
1141 LQ Sr. Previllc.
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1 ce bouffon dégoûtant [iç] , que nous fotnmesr condamnés à supporter @ vingt ans, vil histrion , dont la gaieté n'est que grimace, dont la plàifanterie n'est qu'une charge infâme, digne ea tout de ses fœurs [16] par sa nullité, son effronterie , son orgueil & sa méchanceté.
Et je m'applaudis de n'être point obligé de voir celui que l'on pei^noit fous ces affreuses couleurs.
1 Et j'admirois les autres.
il Et j'applaudis à leurs talens.
Et dans l'ivresse où me plongeoit une si douce illusion , je m'écriois : Dieu d' lfraël ! conferve des êtres qui produisent en nous des sensations si vives & si touchantes.
Et comme j'adreffois ma priere à Jéhova, je .vis cette petite femme à la grosse tête , au teint plâtré , qui crioit, se démenoit & tâchoit 'd'animer ceux qui l'entouroient , contré cette mere intéressante, dont l'ame de feu avoit pris tant d'empire sur mes sens.
Et elle prononçoit d'une voix forte : chajjez la ! chassez-la ! elle a plus de mérite que moi : chaJTez-la ! tant qu'elle fera parmi nous je ne servirois qu'à augmenter son trioml he : chassez-la !
p Et cette petite femme, telle que les Caldéens représentent le mauvais principe , étoit armée de serpens & elle les jettoit sur tous ceux qui l'environnoient.
- Et tous ceux qu'avoient touché ces reptiles impurs , se rangeoient du côté de l'Arimane
fiç] Le Sr. Dugazon. - -- -
[161 Mlle. Dugazon «"Madame Veltris,
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femelle & ils crioient chassez-la ! chaecz-la !
Et un de ces serpens couleur d'ftr & d'argent , s'élance sur le vieillard aveugle L1?] » dont j'avois été si satisfait, & le venin agissant dès l'instant il se mit à crier comme les autres: clzaffiz-la ! clzaffiz-la !
Et vainement neuf ou dix esprits bienfaisans s'armerent pour la défendre , il furent repoussés & la petite femme aux traits effacés , à la voix rauque & glapissante , hurlant comme une forcenee , traînoit par les génitoires un vieux Satrape [18] , à qui elle crioit : vous avez le pouvoir , abusez - en : j'ai fornicé avec vous ; souvenez-vous - en ; vengez mon amour-propre offensé : cliaffez-la ! chafJez-la !
Et le public crioit haro !
Et le Satrape dit à sa vieille concubine : je ripferois , on me crie haro , que diroit le public ?
Et la concubine répondit : moquez-vous du qu'en dira-t-on; vous connoiiïez mes talens au jeu d'amour, narguez le public & vengez-moi, vous aurez du plaisir.
Et comme il se défendoit moitié par honte, moitié par probité , elle lui lança le plus venimeux de ses ferpeos, celui qu'elle avoit nourri de son lait.
Et alors le vieux Satrape devint furieux & il
[17] Le Sr. Brizard étoit un des plus acharnés de la troupe contre Mlle. Sainval.
[18] La maréchal, Duc de Duras, gentilhomme la chambre, supérieur des comédiens & l'amant de la Dame Vestris.
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se mit à crier de par le Roi qu'on a trompé, je t'ordonne de forcir de Babylone & de ne point approcher de la banlieue ; tu feras punie d'avoir plus de talens que ma concubine.
Et tu feras rayée du nombre des élus , parce que tu as eu l'audace de plaire.
Et feront traités comme toi , si Dieu me donne vie , tous ceux qui se déclareront de ton parti ou qui auront plus de mérite que ma con.
cubine.
Et nul n'aura de talens hors nous & nos amis.
Et le public aura beau se plaindre , il faudra qu'il avale ma créature.
Et l'on me traitera d'imbécille , je le fais.
Et ma concubine viendra me voir le matin.
Et je ferai consolé.
Et je rappellerai la prostituée de Babylone ; [ig] elle reviendra parmi vous qui , déjà trèsavilis par le préjugé le plus injuite, ferez couverts de fange par moi , votre protecteur , en vous forçant de recevoir celle qu'ont rejettée toutes les nations: & le peuple qui l'écoutoit, se mit à crier au scandale ! à Fimpureté !
Et l'on entendit crier : place ,place au Prince des Sains [20].
Et je regardois , croyant voir à la tête d'une troupe de pygmées un avorton rebut de la nature.
Et j'apperçus un grand homme pâle & maigre, à l'œil bête, au rire niais, affectant un air d'importance ; & quelle fut ma surprise quand
[19] Mlle. Raucoux, rentrée à la comédie. -
[ 20 ] Le Prince d'Henin , protecteur de Mlle.
Raucoux & son amant aujourd'hui.
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je vis à travers son corps diaphane , qu'au lieu de fang une boue noire & empestée circuloit dans ses veines , & que ce rayon émané de la Divinité qui nous anime, par qui nous pensons, qui ennoblit notre tête , s'étoit éteint chez lui dans cette fange impure.
Et son cœur corrompu tomboit en pourriture.
Et l'on n'y distinguoit aucun cle ces sentimens qui caradlerifent la noblesse : la lâcheté, la poltronerie, la debauche infâme , le mensonge , la flatterie , l'avarice & la duplicité se partageoient le relie de ce cœur gangréné.
Et il perqa la foule , conduisant sur le poing une femme que je pris pour un homme , à sa démarche effrontée, à sa voix forte , à sa taille gigantesque.
Elle jettoit des regards lascifs sur toutes celles de son sexe [21] & une voix cria : la voilà , celle qui a renchéri sur toutes les abominations dont les peuples se font fouillés.
Et elle va renouveller ici les feenes de débaifche & de luxure , qu'elle y donna jadis : meres , ne quittez pas vos filles ; amans, veillez sur vos maîtresses ; maris , prenez garde à vos.
femmes.
Et si vous vous relâchez un moment, elle
entrera dans votre lit, elle polluera ce que vous avez de plus cher.
Et le vieux Satrape s'efforçant de couvrir » cette voix, montroit au public la prostituée de Babylone & repétoit fortement : elle n'a ni ame ni intelligence ; elle n'effacera pas ma concu- bine ; c'est ce qu'il nous faut. 'H1.-
- [ZI] Mlle. Raucoux est une tribade renommée. i -
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Et j'entendis tout cela.
Et je vis toutes les abominations de l'homme de boue & de son Androgine.
Et furieux je donnois à tous les mauvais principes du monde le Satrape , la concubine & tous ceux ,qui avoient conspiré la perte de cette mere infortunée & profente , dont le rime étoit d'avoir trop de mérite , & comme je jurois de toutes mes forces, le peuple de Babylone & des contrées adjacentes s'ameuta, tfe, mit à crier comme moi & l'on n'entenfdoit que brocards , coups de sifflets , huées & ^malédictions.
: Et ce tapage affreux me réveilla.
1 Et je me trouvai allis sur les bords de l'Eu'phrate , & je vis que tout ce qui venoit de se ipaffer à mes yeux n'étoit que l'effet d'un fonge.
- Et il avoit fait une telle impression sur moi y qu'il fera toujours présent à ma mémoire.
f 18 'O[{obre 1779. Le mémoire pour mcffïre.
rJacques-Bertrand Colomball, comte Defgrée, chef de nom & d'armes , chevalier , seigneur Idil Lou & de Lefhe , ancien president de l'or.
,dre de la noblejje de Bretagne, a pour but de prouver :
; 1°. Que sa conduite ne permet pas qu'on lui :impute d'avoir trahi les intérêts de la patrie.
| 2°. Que la délibération sur laquelle on suppose qu'il a influé, n'est pas contraire aux droits de la province.
f" 3°, Que le comte Defgrée n'a rien reçu.
::.. Ce mémoire très-long & très-ferme en même t?ms, est ligné de Aie. Gohier, avocat, & est fuivi4d'une confultadon de six des plus fameux yjrifconfulteside Rennes,, en date du 2,6 juillet A
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779, qui déclare que le comte Defgréea très-, fort le droit de poursuivre son calomniateur,,, & qu'il lui importe, ainsi qu'à tous les ordres.* de la société, que celui-ci foit connu, poursuivi i & jugé suivant les loix.
18 Octobre 1779. Morjieur est enfin en pof-.
session du Luxembourg ; les Suiffes ont pris sa 1 livrée : on travaille à forçe au petit palais pour le mettre en état de le recevoir ; mais on re-.
tarde l'arrivée de ce prince en ce lieu , jusqu'à J ce qu'on ait commence à abattre les arbres pour : commencer à aligner les rues qu'on se propose : , de faire dans le jardin ; ce qui le resserrera beaucoup ; on craint que si S. A. royale le voyoit ; avant, elle ne fût tentée de le garder tel qu'il est & cela détruiroit les espérances de fortune ; de ceux qui doivent être employés aux bâtimensii projettes. Dès que la fève fera arrêtée, on pro-
cédera à la besogne.
18 OIlobre. Enfin la Dlle. Sainval cadette a reparu hier à la comédie, avec des applaudifle- mens, dans le rôle d'Ariane.
19 Oélohre. M. le comte Defgrée attribue !
à son zèle pour faire élire aux Etats de 1770 le Sr. Beauregard, trésorier de la province, au lieu du Sr. de la Balue , l'aigreur & l'aétivité de ses ennemis ; ils publièrent que ce gentilhomme étoit à la tête d'un parti qui faisoit tout , qui disposoit de tout ; c'étoit pour le perdre dans l'esprit du ministere & par un rafinement d'atrocité pour le perdre en même tems dans celui de ses concitoyens. On dit qu'aux états de 1768 il avoit reçu une gratification pour faire passer la délibération du cinq mars 1769 , contraire aux intérêts de la
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province. Il écrivit au maréchal de Duras , aiurs en Bretagne & premier commilTaire du Roi , pour savoir d'où provenoit cette imputation flétriiTante. Par sa réponse datée de Catuelan le 28 septembre 1777 , le maréchal, loin de nier le fait , l'affirma positivement au contraire. Tout décidé à poursuivre l'auteur d'une pareille calomnie, il crut ne pouvoir s'adresser a la justice, qu'après avoir prévenu son ordre. Il attendit l'ouverture des états de 1778; il en fait part à la noblesse , qui lui déclare n'avoir pas diminué de confiance à son égard & lui en donne des preuves en le nommant à la premiere commission. C'est au premier travail qu'on lui fit les reproches dont il a été question dans le tems ; il se démet alors & déclare qu'il ne s'occupera des affaires nationales que lorsqu'il fera vengé.
Le 16 novembre il met sa plainte en calomnie devant le parlement de Bretagne & demande des juges pour informer: le parlement ne commet point de juges & le 26 rend l'arrêt suivant.
„ La cour , avant de faire droit sur la fuf„ dite requête, & faisant droit sur les conclu„ fions du procureur-général du Roi, ordonne „ que le dit Defgrée déposera au greffe-, gar„ de-sac de la cour , toutes les lettres & pieces „ le concernant, dont il a donné ledlure aux „ états ; permet au procureur-général du Roi „ d'informer devant M. Ruart de la Bourban„ fais , doyen de la dite cour , de la remise , „ foit réelle, foit supposée, des rçoo livres , dont est cas , pour le tout communiqué au „ dit procureur-général du Roi, être , sur set
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„ conclu fions , statué ce qui fera vu apparte- s, nir, fauf pafiTé de ce, à être permis au fup- ,, pliant, s'il y a lieu , à informer de ses faits ; j „ défenses fauves au contraire, &c. „ j Quelque satisfaisant que fût cet arrêt, puif- qu'il transformoit le comte Defgrée d'accusa-j teur en accusé , il a satisfait à l'arrêt, il a déposé au greffe le 9 décembre les lettres dont il est question. *
Le 7 janvier 1779 , le procureur-général luiV, a fait signifier l'extrait d'un prétendu état de I distribution & une lettre du sieur Mesnard de Conichard , qui tendroient à favoriser l'incul-j pation , tel ett l'état où en étoit la procédure à la distribution du mémoire.
20 Octobre. Le comte d'Arcy , membre de l'académie des sciences , vient par sa mort de laisser une place vacante de pensionnaire ordi- j naire dans la classe de géométrie. Il ne felivroit pas tellement aux hautes spéculations qu'il ne , s'occupât de sa fortune, & lors des assemblées j orageuses de la compagnie des indes, il s'étoit fort distingué & fecondoit le comte de Laura- x gais pour secouer le joug d'une adminiAradon. i perverse & tyrannique. -t 21 OSfobre. Vambigu comique a attiré beaucoup de monde à la foire St. Laurent, par un.
fpeébcle à machines, intitulé les quatre fils d A y mon , pantomime en trois aétes. La gran- : deur du théâtre & sa forme tres-avantageufe- < ont permis de le rendre dans toute sa beauré, | & il faut convenir qu'on ne sauroit exécuter la foule de tableaux militaires & pitorefques que 1 présente l'aétion , avec plus de vivacité , de précision & de vérité. Tous les gens de guerre
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ent applaudi à ce qui concerne leur partie. Cette représentation , où tout retrace les mœurs de l'ancienne chevalerie , ne pouvoit que plaire infiniment, & certaines situations ont attendri jusqu'aux larmes beaucoup de fpeétateurs assez froids naturellement. On diftribuoit un programme étendu de la piece , annonçant du génie dans le compositeur, digne émule de Noverre & de Servandoni.
22 Oéiobrc 1779. La possession des épiceries étant un des événemens les plus curieux de la marine, voici comment cette conquête, plus )rccieufe que celle de la toison d'or, a été faite , suivant le rapport d'un témoin oculaire & digne de foi.
I Des 1768 on s'occupa du projet à l'isle de [ France : M. Prevost fut chargé de la part de pl. Poivre, alors intendant des isles de France , de Bourbon , de la recherche, conjointement vec M. de Tremignon , lieutenant des vaif(eaux du Roi. Ils partirent en mai 1769 sur le Vigilant, commandé par le dernier ; après différens séjours ils ne mirent à la voile qu'en janvier 1770 pour les Moluques , & ils revintent avec leurs plans de mufeadiers & de gefofliers en juin 1770. Le procès verbal est du fc7 de ce mois.
Cette premiere importation n'ayant pas réussi t on s'occupa en 1771 d'une féconde expédition & le même M. Prevost , de retour le 4 juin 1772 , rapporta des plans & des graines , qui iprès la vérification furent distribués aux habi¡ans des isles de France , de Bourbon & des ■schelles. Ce font ces derniers qui ont réussi.
Apres avoir relâché à Pondichery & ensuite
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à Achen , les Argonautes avoient été joints la premiere fois par M. Cherry , lieutenant cie frégate, commandant l'Etoile du matin, ainsi qu'on en étoit convenu.
De.là ils allèrent à Gueda, où des opérations tentées l'année précédente n'avoient pas réussi ; ils passerent ensuite aux Manilles pour y prendre des renfeignemens ; les moulions devenus favorables, pour des Philippines se rendre aux Moluques, ils firent voile en janvier 1771 ; ils touchèrent à Meudona , isle la plus fud des pretnieres, & la plus voisine des Moluques , pour acquérir plus de notions : de-là ils paffexent l'isle de Jolo , où ils furent très-bien reçus par le Roi du pays, qui s'engagea à leur procurer des plans d'épiceries à un autre voyage.
Ils aborderent avec peine à Mino , isle où ils cherchèrent envain pendant deux jours des plans ; le 21 mai 1771 ils se partagèrent : M.
Prevost avec l'Etoile du matin fut à Ceram & dans les autres isles dépendantes des Hollandois , Se M. Tremignon à Timor.
Le premier toucha en divers endroits à Ceram , entr'autres à la Baye de Saway , où il apprit que les Hollandois avoient détruit ré-' cemment tous les plans de muscadiers & de gérofliers. De - là il passa à Gueby , où il obtint des naturels & du Roi des plants & des graines , qu'il rapporta par une traversée de deux mois.
Nota. M. Poivre prétend qu'il, n'y a jamaiseu de gérofliers ni de muscadiers dans cette isle , dont les habitans ne font que de pauvres pécheurs.
M. de Commerson , célébré botaniste , se
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trouvant alors à l'isle de France, revenant de faire le tour du monde avec M. de Bougainville , attesta par un certificat du 27 juin la vérité des plans.
Le 16 juillet le gouverneur & l'intendant rendirent une ordonnance pour défendre l'exportation de ces plans , qui fut enrégistrée au iconfeil fupjrieur.
Ce fut par ordre du chevalier des Roches* & de M. Poivre que M. Prevot f partit la féconde tfois le 2 i juin 1771 , sur la Bute du Roi l'isle de France, commandée par M. de Coetery , gnfeigne de vaisseau , & la corvette la Nézejjaire, commandée par M. Cordé, ci-devant officier de la compagnie des indes.
L'académie des sciences de Paris approuva les plans envoyés par M. Poivre.
23 Octobre 1779. Ce font des plans condijjonnés par M. Poivre & sur le point de partir Qui ont été envoyés à Cayenne par son successeur M. Maillart Dumefle : il expédia ces gérofliers & muscadiers sur un bâtiment , qui irriva dans cette isle le 3 février 1773 , seulement après 64 jours de traversée , capitaine bram.
En 1774. , M. de Ternay & M. Dumefle irent un fécond envoi , qui ne réussit pas par [les avaries que le bâtiment éprouva ; on a vu lue le premier a eu un succès véritable.
23 Otlobre. Les dissentions de la comélie francoise ne tarissent point. C'est aujourl'hui le sieur la Rive qui menace de quitter ; 1 prétend que ses camarades , jaloux de la supériorité de son talent naissant, le tracassent À qu'ils pouffent l'indignité jusqu'à aposter &
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gager des gens dans le parterre pour le siffler.
Ceux-et affluent qu'il n'est rien de si faux, qu'il n'est pas besoin d'employer une pareille rufe. A 24 Qélobre 1779. Le fils de M. de la Borde, enseigné de vaisseau embarqué sur l'armée navale , atteint de la maladie regnante qui est une dissenterie épidémique, est venu chez son pere , mourant. Le docteur Petit en défefpépoit , cependant il l'a réchappé aujourd'hui.
Une de ses précautions a été de changer Je malade deux fois par jour de matelats & de lui en donner de neufs chaque fois. Ce foin excessif ne pouvoit avoir gueres lieu que chez un richard , comme ce banquier de la cour. à
2 i Oélabre. Dans le procès du comte Defgrée, le procureur-général a voulu d'abord éclaircir un fait important ; il a voulu découvrir s'il s'étoit formé une association criminelle entre deux hommes qui feroient également coupables ; il a voulu savoir s'il y avoit un corrupteur & un corrompu" pour les livrer tous deux à la rigueur des loix. 1 Rassurée aujourd'hui sur l'intérêt public, la justice ne peut plus se dispenser d'entendre le cri du citoyen opprimé. Le comte Defgrée justifié à la fois, par l'invraisemblance des faits qu'on lui impute , par sa conduite, par la délibération qui a servi de prétexte à la calomnie , par la nature même des pieces qu'on lui a fait ftgnifier, a demandé à informer des faits qu'il a dénoncés à la justice.
Son crime n'est pas celui dont on l'accuse , mais d'avoir reçu en 1778 l'hommage le-plus flatteur qu'on puisse rendre à un gentilhomme,, d'avoir été choisi , d'une voix unanime , pour
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femplacer le président de son ordre ; son crime est d'avoir réuni la pluralité des suffrages pour présider pendant les états de 1772; son crime est de s'y être comporté avec diftindtion , d'y avoir montré un zèle inflexible , une fermeté inébranlable dans les circonstances les plus critiques ; son crime est d'avoir été nommé député en cour & de s'y être conduit de maniere à mériter la délibération du o décembre 1774, d'avoir, suivant les termes de cette délibération glorieuse, des droits à l'eflimc publique, à l'at.
tachement & à la rcconnoiffance de tous ses concitoyens ; son crime est d'avoir eu son nom placé dans les inscriptions honorables , faites à l'occasion du rappel de la magistrature ; son crime est d'avoir été du nombre des procurateurs qui furent chargés en 1776 , de se rendre en cour , pour défendre , pour réclamer un droit essentiel & inhérent à la constitution nationale , celui de cnoiftr ses députés ; Ion crime est d'avoir sollicité pour le Sr. Beauregard , & d'avoir, en remplissant les devoirs de l'amitié , sans manquer à ceux de citoyen , traversé des vues secrettes & des inté/êts privés; son crime enfin est d'avoir pénétré & dédaigné de servir les intrigues de ceux qui prétendent devoir influer sur le succès des affaires , qui veulent paroître tout protéger pour tout affervir , & qui parviennent ainsi à s'acquérir euxmêmes des droits à la protection.
2 S Oflobre 1779. On ne peutaflez s'indigner ttu milieu de bâtimens élevés par le luxe dans <:ette capitale , lorsqu'on s'occupe à l'embellir de toutes parts de pompeuses bagatelles , dans un siecle où l'on affedie de prôner si fort
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Ifenri IV, on laisse sa statue élevée sur le pont neuf dans un état de dégradation qui indigne ceux qui adorent véritablement ce bon Roi. Quelques particuliers , pour exciter le corps municipal , ont offert d'ouvrir une foufcriptionà ce sujet, & tout récemment M. Gois, sculpteur de S. M. , offre d'y concourir de tous ses foins & peines : c'elt ce qu'on voit dans une lettre qu'il a adressée aux auteurs du Mercure.
26 Octobre 1779. Un M. d'Huès , fameux sculpteur de l'académie , ces jours derniers étant venu ouvrir sa porte à quelqu'un qui frappoit , a été atteint d'un coup de pistolet à l'œil. Le quidam , qu'on affure être une femme, s'en est retourné avec tant de tranquilité & de fang froid , que les voilins accourus au bruit ne l'ont pu soupçonner & arrêter. Cet assassinat singulier paffe même aujourd'hui au moyen des éclairciffemens pour un adte de vertu & de courage maternel. On prétend que cet artiste trèsvicieux , abusant de son état, avoit l'habitude de débaucher de petites filles, non encore nubiles ; qu'il avoit usé du même stratagême avec l'enfant de la femme en qneftion , décidie à venger ton outrage à quelque prix que ce tut.
On ajoute que les lettres de grace font toutes prêtes, lorsqu'elle se fera connoître. Quoi qu'il en foit, on ne peut attribuer à un motif ordinaire & vil , ce meurtre commis sans aucun vol préalable ou rubfequent.
26 Oélobre. Depuis quelques années nos sculpteurs ont imaginé de faire des figures en plâtre colorées & drapées d'une maniere trèssreflçmblante : ils réuinHeat surtout dans les
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abbés, & la mode est aujourd'hui d'en omet les jardins ; il en est de faits à tromper les yeux.
M. Carmontel, auteur d'opuscules dramatiques rconnus & joués dans les sociétés , a imaginé d'en faire un sujet de comédie , & sa piece intitulée l'abbé de plâtre, doit être jouée ce foir à la comédie italienne ; cette bagatelle est en un adte & en prose. 1 28 OBobre' 1779. Extrait d'une lettre de Rennes du 24 Août 1779. „ L'affaire du comte iDesgrée prend couleur & fera bruit : il a enfin :mis sa requête & y a attaché un mémoire.
L'Evêque Girac a été trois heures ventre à terre auprès de M. de Caradeuc pour engaget ice Procureur-général à ne pas donner de conclu fions : mais il a répondu qu'on lavoit trompé lllle fois G qu'on ne le tromperoit pas deux.
K)n lui a repliqué : „ consultez au moins M.
tn le Garde des Sceaux; vous allez vous cornai promettre" : il a répondu qu'il ne confultteroit que les loix.
Le Doyen nommé par l'arrêt du 26 NovemIbre 1778 pour faire l'information , attendoit jdepuis huit mois les preuves du Procureurjgénéral ; il représenta qu'il étoit tems de permettre au comte Desgrée de faire les fiennes : De Procureur-général, sans approbation de ce )qui est contenu dans le mémoire , y a conlrenti.
Arrêt du 13, qui permet d'informer ; je le )Crois très-entortillé & je ne fais s'il pourra lui t servir.
- M. Desgrée avoit prié M. le Premier Préfixent de Catuelan de n'en point connoitte ; anais ce dernier ne reconnoissant en foi aucun
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moyen de récusation, n'a pas cru devoir priveffi la justice d'un si bon juge.
Le mémoire imprimé à Nantes s'y vend trois ; livres : il est malheureux d'être le plastron des: grands , car on ne peut en avoir jufiicè, & je: ne crois pas que M. Desgrée foit plus heureux,, il s'y ruinera , mais son honneur l'exige.
28 Octobre 1779. JJ abbé de plâtre n'est point: digne de son auteur; c'est une fiacetie, tout aui plus bonne à être jouée en société : encore n'y trouve-t'on ni gaité, ni faillie. M. Carmontef11 n'a tiré en rien parti de son sujet , qui auroit: pu fournir à quelque chose de mieux ; nulle: invention dans les situations , nulle linefle dans; les moyens , nul esprit dans le dialogue; c'enj une véritable platitude.
28 Otlobre 1779. Lettre dzMadame la Ducheffi de Rohan à M. Defgrée.
A Blains, ce 22 Août 1779.
Je viens, Monsieur, de lire votre mémoire ;; j'y ai trouvé en notes deux lettres de moi desc 4 & 12 Janvier 1775. Elles portent entr'autresi choses ces mots : ,5 je compte aller demain à;1 55 VerfaiIJes, je verrai M. de Maurepas , j'ap-„ puyerai fortement pour qu'il fafle mettre pan 33 la cour le sceau pour le don des Etats, &c. CC3 Vous dites que je fis cette demande de molli propre mouvement & que ce témoignage eftj d'autant plus flatteur pour vous que j'ai été témoin de vos démarches.
C'est donc mon témoignage que vous invo-.
quez aujourd'hui & vous le fondez sur les lettres que vous faites imprimer en 1779 ? fanse mac
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ma permiflTion : vous n'ignorez pas, Monsieur, les égards qui font dûs en pareil cas.
Je crois pouvoir interpréter votre conduite. ;
ous m'avez fdit l'honneur de penser qu'en biontrant l'intérêt que j'ai pris pour vous , cela ourroit faire impression. Je ferois fore embarraflfée à m'exprimer de cette maniere en parant de moi, si je ne fondois la considération.
gue je puis avoir en cette province sur l'attachement que j'ai voué à ses interêts & a sa * oire ; sentimens qui , je crois , font générasement connus. En pensant que mon témoinage pourroit vous être utile, vous m'avez ue en même tems assez foible pour le laiflec sasser , sans vous demander pourquoi il se trou" oit-là ? ; I J'ai eu de l'estime pojrf vous , Monsieur, j'en nviens ; j'ai cherché à .vous servir & à vous ire valoir : mais vous me ''forcez à vous le tire, j'ai changé , & j'ai changé pour d'autres lauses que celles qui font l'objet de votre imTimé. C'est à vous à juger s'il est de votre insrêt que je vous déclare sur quoi est fondée on opinion aétuelle.
Extrait dune lettre de Rennes du 26 Août.
Rappelez-vous, Monsieur, que le s Octobre 1774 , vous me marquiez : il n'y a encore que Douai de rétabli , je ne fais rien par rapport à vous, mais feulement que votre député le comte Defgrée n'y perd pas un.
infant , c'est un homme rare.
Eh bien ! cet homme rarc, cet homme qui si bien servi toute la province , est le perféfcté & presque l'abandonné. Il sa 't que tes
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ennemis soiént bien puissans , ils remuent & terre & les opposent à sa justification.
Cette lettre de la Duchesse de Rohan ne !
pas être sans réponse ; cette réponse doit ferme , & sans s'écarter de la considération à cette Dame , on doit la presser de décl; les motifs nouvellement survenus qui l'ont changer de sentimens. La deftruéîion de nouveaux motifs doit tenir effentiellemen une pleine justification. L'Evêque de Rennes & le premier Présid font souvent chez la Duchesse de Rohan.
28 Octobre 1779. Le Sr. Préville, après av parlementé longtems depuis sa retraite avec camarades & le supérieur, s'est enfin déterm à revenir & il a paru le dimanche 24 avec plus grand éclat : l'on fait que le revenant toujours ces jours-là des battoirs gagés pc l'applaudir , & les benêts suivent , au lieu huer un histrion insolent, qui se fait ainsi valoi qui, au lieu de remplir exactement son devo: s'en dispense, comme bon lui semble ± pari & disparoît à son gré.
29 Octobre. Stances sur les Infiirgens. T est le titre d'une satyre charmante , pleine graces & de philosophie, en S2 couplets & trc courte , malgré sa longueur. Elle est cenffaite par un voyageur, qui est allé sur les liei (ur la foi de l'abbé Raynal, s'imaginant y tro!
ver un peuple libre , fier & vertucux. 11 pa delà pour se recrier contre cet auteur crcU ulé & pour peindre les Américains & les Amer caines d'une toute autre touche : il n'épargr pas les chefs du parti , même Franklin ; Général Washington est le seul qu'il loi*e ,
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le repréfertte comme un très-grand homme.
On feroit tenté d'attribuer cet ouvrage à M.
Dorât , s'il n'y avoit beaucoup plus de fonds, de faits & d'anecdotes, que dans ses frivoliés, si le poëte ne paroHfoit avoir infiniment plus de vigueur , de connoissances & de faine saison que lui.
[ 50 Octobre] 1779. Mlle. Sainval l'aînée a pris le parti d'aller jouer à Bordeaux, où , sans être excessivement applaudie, elle a du succès.
I 30 Oélobre. Extrait d'une lettre de Rennes du 20 Septembre. En parlant du mémoire du comte Defgrée, vous dites quelle force ! quelle poblefle ! quelle évidence! mais quelle justice!
Vous avez rai[on, il n'et f peut-être pas d'exemple d'une procédure criminelle ainsi conduite; si elle partoit d'une jurisdiction inférieure, elle feroit cassée & refaite aux dépens des premiers Juges.
I M. Defgrée a présenté requête à la chambre des vacations pour lui être nommé un commissaire qui pût entendre les témoins : on a nommé M. de la Gafcherie.
3 Le dernier jour de la séance fut le jour du apport de la requête du comte. M. le Doyen [ui est de droit Commissaire , & qui l'étoit sur e requHitoire du Procureur-général, prévint le premier Président qu'il ne pouvoit l'être à présent , étant fatigué de la derniere séance & ayant beroin de repos. Comme cela se dit de l'un à l'autre feulement, le premier Président n'en tint pas compte & le nomma. Quand il se gnt dans l'arrêt , il fut fort étonné , il en fit ire des reproches au premier Président, & il ;a etolt plus tems ; la million du premier Préfir
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dent étoit passée, mais le Doyen affurant qu'il n'y avoit de sa faute partit : de forte que M. DeC.
grée a été obligé de se pourvoir à la chambre.
M. de la Gafcberie a entendu des témoins mardi & mercredi ; ce dernier jour arriva un arrêt du conseil , qui fut signifié au procureur général, au greffe du Parlement & à M. Defgrée. La chambre s'assembla jeudi.
Le greffier a envoyé à la chambre l'arrêt du conseil & depuis on a cessé d'entendre des témoins.
Cet arrêt est signifié au Procureur-général pour qu'il envoyé les motifs de l'arrêt du 25 Août au Greffier , pour qu'il envoye la procédure ; à quoi contraint par corps : on a fait au Parlement défense de poursuivre.
A-t-on jamais obtempéré à un pareil arrêt du conseil ? Le Garde des sceaux ne doit-il pas savoir que les cours souveraines ne peuvent reconnoître les volontés de S. M. , que lorsqu'elles font indiquées par des édits , déclarations & lettres-patentes, ?
L'arrêt du conseil en date du 50 Août est motivé sur ce que S. M. a remarqué que ton Procureur-général n'avoit pas satisfait à l'arrêt du 29 Octobre , en ce qui touche la permission d'informer de la remise vraie ou supposée des 1 sooJivres, &c. & veut s'instruire des motifs qui ont déterminé à permettre, au contraire , au comte Defgrée de faire infor-.
mer , &c.
L'arrêt a été signifié au Greffier, au Procureur-général & à M. Defgrée.
Le Greffier a envoyé sa copie au Parlement: on s arrêté de continuer d'entendre des té-.
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mois, & on les entend, c'est-à-dire , ceux qui font arrivés ; car M. Defgrée ne fait s'il doit en faire assigner d'autres, attendu l'arrêt : on croit pourtant qu'il le peut, des que le Parlement va son train. Ce dernier a écrit au Garde des sceaux pour lui rappeler les principes.
1 Oélobre 1779. Extrait d'une lettre de Rennes du 25 Septembre. Il est venu depuis des lettres-patentes ; le Roi ne s'est pas borné à demander des copies de la procédure, il a exigé qu'on la suspendit pendant qu'il s'inftruiroit de cette affaire : & comment pouvoir s'instruire d'une affaire dont on arrête l'inftrudion ?
C'est un prétexte pour arrêter tout : ce n'est pas s'éclairer qu'on veut , c'est servir un grand qui se trouve dans l'embarras.
1 Dimanche dernier on fit partir les copies de f cette procédure & l'on envoya en même tems, à ce qu'on croit , car la chose s'est faite très1 fecrettement , des arrêtés de remontrances , qui exposoient tous les inconvéniens & tous les dangers d'une pareille demande.
| 31 Ollobre. Au palais Bourbon moyen , il y a une vaste galerie consacrée en l'honneur du grand Condé & ornée surtout de ses batailles.
i Quatre tableaux immenses la remplirent. On 1 en connoît déja deux de M. Cazanova, exposés 1 au sallon il y a quelques années & dont on a rendu compte; les deux autres font d'un M.
de Pan qui , sans être de l'Académie, lutte t avantageusement contre ce rival.
t 1. Novembre. Extrait d'une lettre de Rennés du 27 Septembre. „ Notre Evêque est parti pour Paris , il se démène fortement pour
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son bon ami le Maréchal des Menus (de Duras. )
Les lettres-patentes ne se bornent pas à demander des copies , elles cassent toute la procédure faite au mépris de l'arrêt du conseil signifié.
La chambre des vacations a fait partir des copies de toute la procédure , avec un arrêté , où elle en soutient fortement la validité ; elle ajoute que l'arrêt du conseil, ainsi que les lettres-patentes , font évidemment l'effet de la surprise, qu'elle ne peut y avoir égard conformément aux ordonnances , qui réglent la conduite des Magistrats à l'égard des atftes du Souverain , qu'il a déclarés lui-même n'être souvent dûs qu'à l'importunité. En conséquence la chambre des vacations a donné ce matin une commission aux juges de Quimper pour entendre M. de Kerfaleum , témoin assigné dans cette affaire. M. de la Gafcherie va reprendre son travail , & l'information continuera. Je ne fais quel parti le ministere prendra danslapofition pré fente. Le systême du gouvernement est bien toujours le même au fond , mais on prétend que pour se donner un air de modération , il veut gagner par rufe ce que l'ancien ministere emportoit l'épée à la main. Si cela est , la résistance (¡u'il éprouve , sans s'y être attendu , pourra lui faire abandonner cette affaire, ou prendre 'une marche plus timide & plus cachée.
M. de Crequi arriva ici, il y a peu de jours, venant de Paris ; il fut descendre à l'Evèché , qui est devenu l'auberge des grands Seigneurs yenans en Bretagne : aussi l'appelle-t-on l'auberge de la croix d'or , tenue par la Violette,
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ervie par Scapin , bon vin, bon logis , jolies ervantes, à pied & à cheval. M. de Crequi lUmtôt fan arrivée envoya un de ses gens savoir des nouvelles de M. Defgrée & lui annoncer qu'il étoit dercendu à l'évêché. M. Defgrée répondit par un billet , qu'il étoit fort sensible à l'attention du voyageur & qu'il se présenterois pour le voir, s'il n'étoit pas logé dans une maison dont il s'étoit interdit l'entrée pour de très-fortes raisons. Cette réponse donna matiere à beaucoup de plaisanteries, que M. de Crequi fit à l'Evêque de Rennes : ,M. Defgrée, ditS5 il , ne peut venir ; il faut que j'aille chez a, lui de ce pas, car j'ai trop d'envie de le voir, 3-, pour ne pas m'accorder cette fatisfaétion ; t" il parla du mémoire de son ami à l'Evêque îa, & dit que c'étoit une bombe qui avoit écrasé M. de Duras, sans qu'il pût jamais enrevet5 nir Il.
f i Novembre 1779. Nous n'avons pu nous [procurer qu'en ce moment une copie exatte des tcouolets sur la comédie franqoife & nous nous hâtons de les inférer ici.
t Chanson à l'endroit des Dames de la comédie françoise, par leur très-humble serviteur Luxembourg. Sur l'air, des trois fermiers. C'eji ibien doux, &c.
La Vestris achette à grand prix Les bravo de la populace; A force d'art & de grimaces Elle fait applaudir ses cris ; Elle ne vaut pas à tout prendre (Bis.) Pas un fou
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Pas un fou Pas un soupir tendre. (Bis.) Sainval cadette a des talens, Elle plaît sans aucunes ruses, C'est la favorite des mufes , C'est la reine des sentimens ; Mais elle employe avec fréquence (Bis.) Trop de vi Trop de vi Trop de violence. (Bis.) Quand sa fœur se possede un peu, C'est le chef-d'œuvre le plus rare ; Mais lorsque son esprit s'égare, D'un diable en fureur c'est le jeu.
On frémit, elle est redoutable (Bis.) Comme un con Comme un con Comme un connétable. (Bis.) Luzzy obtient avec raifort Les éloges les plus sinceres ; Elle rend tous les caraéteres , On l'applaudit à l'unisson.
Mais où Luzzy est précieuse, (Bis.) C'est en eu C'est en eu C'est en curieuse. (Bis.) Fanier, que chante maint auteur , Inspire ce qu'ils disent d'elle,
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Toujours vive & toujours nouvelle De leur verve excite l'ardeur; Et pour augmenter leur Rame, (Bis.) Elle fou Elle fou Elle fournit l'ame.
D'Oligny bravant les amours, Plaît sans avoir fait parler d'elle ; Son cœur est pur, son ame est belle, Elle se rit des vains discours, En reduisant le cœur des femmes, (Bis.) Ebranlant Ebranlant Ebranlant leurs ames. ( On la dit Tribade) Préville eut d'abord du malheur, Mais on la connut à l'usage , Et le public qui l'encourage Claqua dans le DijJipateur, Ce fein jadis si plein de charmes (Bis.) Et si mou Et si mou Et si mouillé de larmes. (Elle pleure dans la piece) Il reste Belcour & Drouin Dont le-théâtre est bientôt quitte, Toujours déchirant le mérite Le Public les connut enfin: Il fut dégoûté de l'usage (Bis.) De leur com De leur com
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De leur commérage. (Bis.) Molé, Suin , ne croyez pas Mériter qu'ici l'on vous chante, Avec Dugazon l'insolente Rampez dans le rang le plus bas, Qu'avec Hus vous ailiez en outre , (Bis.) Vous alliez Vous alliez Alliez vous faire. &c. (Bis.) 1 Novembre 1779. Le Sr. de la Rive excédé effectivement des tracasseries de les camarades & de la jalousie des Sieurs de Monvel & Ponteuil , a demandé sa retraite, qui lui a été accordée sur le champ.
L'inquisition continue & un commis des domaines , le jour qu'on a joué Adcltiide du CueJ-' elin, ayant pris la liberté de critiquer un peu haut le Sr. Monvel , a été arrêté & mis en prison.
C'est une fuite du traité du Sr. Prévilleavec ses camarades , dont il a exigé qu'on se réuniroit, qu'on députeroit au supérieur & qu'onle fupplieroit de faire donner à la garde les ordres les plus séveres pour contenir les mutins & niécontens du parterre, enfin pour empêcher le public de huer , s'il ne vouloit applaudir.
2 Novembre. C'est à Issi que M. le comte de Thélis a formé fous les yeux du gouvernement VEcoli Nationale, dont on a parlé & dont il avoit commencé des essais dans ses terres : elle est composée de 24 orphelins pauvres. On les reçoit dès l'âge de douze à treize ans, pour les garder jusqu'à seize & même au-delà. On a
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dit qu'on leur apprenoit leur religion, à lire & récrire. On leur enseigne en outre l'art du pion.
f nier, du maréchal taillandier , & du charpen! tier - charron ; on les fait travailler à la conf• truétion des chemins & on les instruit aux exercices militaires ; ensorte que s'ils ne peuvent !devenir soldats , ils feront toujours bons pioniniers.
; On les exerce aux évolutions guerrières tous .les jours après leur trav-ail : ils ont à leur tête un commandant en chef, qui a fous lui plusieurs adjoints ; on choisit pour ces emplois-là isparmi les militaires , ceux qui font les plus r'irréprochables du côté de la bravoure & de la probité. Chaque adjoint a la direétion d'un certain nombre d'élèves, & il rend compte de leur conduite au commandant , qui seul a droit de .les punir.
- A chacun des trois repas qu'ils font par jour, ils ont de la soupe, graffe pour les jours gras, & on leur donne à diferétion du pain de seigle, purgé du premier son.
b- 11 y a toujours une foufeription ouverte pour tfuppleer aux ressources de l'auteur du projet ; ae Roi, la Reine, & toute la famille Royale Ifont à la tête des fouferipteurs.
Le Duc de Charost vient de s'associer au icomte de Thélis pour multiplier des établisse..
imens si utiles à l'humanité.
Quand la fâison le permet , ces éleves vont icamper dans la plaine ; ils couchent alors fous des tentes , où l'on a écrit pour devise : tout iJollr la patrie.
t Depuis trois mois ces vingt-quatre éleves ont fait environ 300 toises de chemin.
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Le comte de Thélis se propose actuellement de faire entrer dans son école de jeunes gentilshommes , dont l'éducation peu dispendieuse , en les rendant plus utiles à l'Etat , pourra soulager nombre de familles. Mais n'est-il pas à craindre que cette agrégation ne devienne funeste par l'orgueil des uns & la jalousie des autres ?
3 Novembre 1779. Pour conserver les bouffons en France, s'il est poirible, M. de Vismes a imaginé de faire un mélange de leurs opéra avec des fragmens françois : en consequence dimanche il a fait exécuter les deux comtefjcs & l'aéte de Théodore:, & réuni ainsi les bpuffoniftes & les amateurs de notre genre : pour faire mieux encore, il se propose d'y faire joindre incessamment un ballet pantomime ; ce qui forcera les enthousiastes de la danse à entendre aussi ces Italiens & façonnera peu-à-peu les oreilles les plus ineptes à leur musique.
? Novembre. Le Sr. PoissonnÎer, conseiller d'état, médecin revêtu de la dignité d'inspecteur & directeur général des hôpitaux de la marine , s'est transporté à Brest à l'occasion de l'épidémie ; mais il se contentoit de se faire.
rendre compte des malades par les dofteurs ; subalternes ses confreres & n'entroit point dans les hôpitaux ; ce dont M. le comte Duchaffaut : lui a fait de vifs reproches, il l'a obligé de remplir ses fondions & de traiter les malades ( par lui-même.
4 Novembre. Extrait d'une lettre de Ren- nes du 30 Septembre. La cour n'a encore ; rien envoyé depuis le dernier arrêté sur l'af- faire de M. Defgrée. On pense qu'elle est dansa
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l'embarras : elle ne s'attendoit pas à toute la fermeté qu'on a montrée dans cette occasion ; notre évêque qui est à Paris remue ciel & terre.
Autre lettre du i ; Oétobre. L'affaire de M.
Defgrée ne reste point dans l'inaction. Il y a deux commissions expédiées, l'une pour Quimper , l'autre pour la Rochelle ; celle pour Quimper ne pourra avoir lieu : M. de Kerfaleum est parti pour le Périgord : M. de la Gafcherie s'en est aussi allé , & c'est M. de Bonamour qui le remplace ; il aura , dit-on , au premier jour, l'honneur de faire lever la main au Premier Président , que M. Defgrée a fait assigner comme témoin. Voilà le Premier Président dans la position la plus critique, il n'en peut sortir que très-entaché il est vrai que cela ne touche plus les grands.
S'il ne dit rien , il est certainement parjure, car personne ne fait mieux que lui tout ce qui s'est paffé ; personne après l'Evêque ne doit avoir entendu plus souvent que lui les propos du Maréchal de Duras, & je fuis persuadé que la réponse de ce dernier datée de Catuelan à M. Defgrée , a été combinée avec le maître du château.
D'un autre côté , si le Premier Président dit sa vérité , il se contredit , ayant dit à M. Def.
grée , accompagné de son Procureur , quand il fut le voir & le prier de ne pas connoître de l'affaire , qu'il n'avoit connoissance de rien.
De plus , ce feroit avouer qu'il a connu d'une affaire à laquelle il avoit pris trop de part , pour conserver l'impartialité néçessaire.
Comment se tirer de là ? On compte que M.
Défgrée n'espere tirer d'autre avantage de son
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témoignage , que celui de l'écarter de la connoissance de l'affaire : ce qui n'est pas flatteur.
4 Novembre 1779. Le Sr. Philidor fit exécuter l'hiver dernier à Londres le poëme fécu]aire d'Horace qu'il avoit mis en musique : on allure que cette entreprise hardie & originale eut un prodigieux succès, les trois fois que le morceau fut exécuté. Les savans , les musiciens & le beau sexe en furent également satisfaits.
A son retour ici cet artiste a répété chez lui cet essai , où les Sieurs Richer , Narbonne & la Dame Philidor étoient les coryphées; on ne peut savoir au juste à quoi s'en tenir, parce que les (pedateurs étant tous amis , partisans ou enthousiastes du musicien , deviennent trèsfufpeéts. On dit aussi qu'il est rappelé en Angleterre pour y faire un opéra Italien, & qu'on s'occupe à Londres d'y établir un opéra comique françois.
s Novembre. On ne peut qu'applaudir au zele & à l'aétivité du Sr. de Vismes, qui en huit jours aura donné cinq & même six opéra différens. Dimanche 31 Octobre on a joué les deux Comtesses, opéra bouffon italien , & l'ade de Théodore de Floquet ; mardi Echo & NarcWè; jeudi la buona figliuolavendredi on doit jouer Alcefle, & dimanche Iphigénie. 1 6 Novembre. Trois nouveaux écrits se répandent & grossissent la lifte des libelles contre la Socté royale : 1°. Lettre d'un Sociétaire non pensionné à un correspondant en province.
Elle est déjà ancienne & datée du 7 Mars dernier : 2°. Lettre d'un amateur à un médecin de province, aspirant à l'honneur d'être correspondant de la Société Royale de médecine.
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Celle-ci est datée du 31 Août 1779. : enfirf * '¡Lettre à M. de LaJJone , sans date. Quelques faits & anecdotes contenus dans ces pamphlets les rendent précieux pour les amateurs. On y reviendra.
i 6 Novembre 1779. Depuis longtems on avoit "annoncé une piece aux Italiens de M. de Flo.
rian , l'auteur des deux billets ; le succès de celle-ci , où l'on remarquoitun talent décidé y en donnoit une excellente opinion , & le titre singulier d'ailleurs excitoit la curiosité. Elle a été jouée hier. Son intitulé est : Arlequin, Roi., Dame & Valet , comédie héroïque en trois actes & en profe*, suivie d'un divertissement.
Une anecdote avoit accru la foule des amateurs ; on publioit que le Duc de Penthievre qui aime fmgulierement ce jeune militaire r ainsi qu'on l'a dit dans le tems, avoit voulu lire la piece entièrement & en être le censeur.
On en citoit un trait de critique retranché par ce Prince : Arlequin Roi marchandoit qnelque chose , il le trou voit trop cher , il disoit au vendeur: donnez-le moi à tel prix, vous vous en dédommagerez en le vendant plus à mon peuple.
I Cette comédie n'a point répondu à l'attente du public, ni même à son commencement, où l'on remarquoit du sel , de la gaité , une critique vive , légere & philosophique : elle a bientôt d'iéneré en une farce médiocre, ne valant pas les pieces italiennes , dont l'imbroglio est fordinairement excellent. Le parterre a eu peine fà la soutenir jusqu'au bout, & elle est abfoluypient tombée.
Arlequin est venu annoncer immédiatement
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& convenant bonnement de la chute a dît : Mejjleurs je fuis fâché que la tierce au Roi pour 'la premiere fois ne l'ait pas emportéfur la tierce de l'or: quolibet dont personne n'a senti la finesse.
7 Novembre 1779. La Lettre tfun sociétaire nonpenjlonné , &c. est censée écrite la veille du jour où la Société s'installa au Louvre fous des lambris dorés , tandis que la Faculté sans asyle , est obligée de tenir les fiennes dans des mafu- res. Elle roule sur le mécontentement de quelques membres à l'égard de certaines dispositions des lettres-patentes. Les un«§ tendent trop à
fomenter le despotisme du chef & à avilir ses confreres ; les autres font trop insultantes pour la faculté, trop dérisoires. Le membre qu'on fait parler, convient aussi de la division élevée dans le fein même de la compagnie ; il en craint les fuites funestes , il ne dissimule pas le refus injurieux que les facultaires font de : consulter avec les sociétaires, schisme que ceux-
ci font résolus de consommer, en usant de re-
préfailles ; enfin il est question d'une réfolution que l'Académie royale des Sciences fem-
ble disposée à prendre, en forçant d'opter ceux : de ses membres agrégés à la Société royale qui i ne @ pourront lui apporter en tribut que des : mémoires déja lus dans celle-ci , rivale pour j cette partie de la physique , qu'elle doit d'ail- leurs envifagerde mauvais œil. Tel est le précis c de ce pamphlet, qui offre des objeétions assez 2 difficiles à resoudre.
7 Novembre. Il y a eu hier une course ; de chevaux à Vincennes, qui a été annoncée <
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avec beaucoup d'appareil; le comte de Lauraguais , de retour de son exil, y a figure.
La premiere étoit demiff Atusk, à ce Seigneur, courant un mille contre Coiner , à M. le comte d'Artois ; le dernier a gagné.
La féconde du poulain françois, au duc de Chartres, courant trois mille contre un poulain francois au comte d'Artois : le premier a gagné.
La troisieme enfin du fils dHérode, au comte de Lauraguais, courant trois milles contre un fils de Rélario, au duc de Chartres : le Prince a gagné.
8 Novembre 1779. La Lettre dun Amateur, &c. est plus gaie, mieux écrite que la précédente, c'est un persiflage de la séance publique de la société royale de médecine. On y observe malignement que le secretaire y avoit lu l'éloge du célébré Macbridge , qui n'avoit jamais pu être afïbcïé étranger de la société ; celui de M.
Navier, médecin de Châlons, qui n'avoit pas voulu en être & avoit renvoyé ses patentes. On y plaisante ingénieusement M. de Lassone sur son mémoire, où avec du persil dans du lait il prétend arrêter les progrès de la petite vérole, & remédier à ses plus funestes effets. Remede de bonne femme , ancien, dont, fût - il aussi excellent que l'annonce l'auteur, il n'auroit pas le mérite de la découverte. Quoi qu'il en foit, vu le rare service qu'il rend à l'humanité , on parle de le couronner , non de chêne ou de laurier , mais de persil. L'eau rose , que le même médecin annonce comme un préservatif pour les yeux des belles en pareil cas, ne donne pas moins lieu à l'ironie &aux sarcasmes. Les mémoires de l'abbé Tessier sur la conffruaion
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de nouvelles établesà vaches ; celui du dodletir Carrere sur la Duleamore & les autres font également tournés en ridicule : on croit ce* pamphlet du doéteur le Preux ; il a l'élégance & la finesse des premiers écrits en ce genre, dont il semble rester incontetfablement le pere.
9 Novembre 1779. Pour la premiere fois de sa vie Louis XVI a joué aux jeux de hasard au dernier voyage de Marli, & a fait des pertes considérables, relativement à ce qu'il rifquoit auparavant. Il a tenu le lansquenet, auquel il a pris goût. On est fâché de le voir se départir de sa sagesse austere : on attribue ce changement au maréchal duc de Richelieu, que S. M. ne pouvoit supporter , qu'elle méprisoit, & qui à force de confiance & de souplesse, a vaincu cette répugnance ; il a fait les beaux jours du voyage & a singuliérement amusé leurs Majestés par ses faillies, ses anecdotes & ses sarcasmes.
Enfin , un foir le Roi à souper, la Reine n'y étant point, a regardé avec plaisir une jeune personne desfpeélateurs, l'a considérée avec sa lorgnette & a envoyé demander qui elle étoit.
Les courtisans remarquent toutes ces petites circonstances pour en tirer parti & chercher à faire entrer les pallions dans un jeune cœur, ferfqu'ils croient l'en voir susceptible. Les bons patriotes au contraire, en font tres-affliges.
Du reste, on peut juger des pertes du comte d' Artois, par les arrangemens qu'il a pris avec M. de Chalabre, le banquier du jeu : il lui a fait payer cent mille écus argent comptant & paffé en outre un contrat de rentes viagères de jçooo liv.
9 Novembre. Depuis longtems- les dévots
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igémifloient de voir un nouvel ouvrage de N. de Buffon se répandre dans le public avec approbation & privilege, sans essuyer aucune Icontradiclion des théologiens ; ce font les ÏEpoques de la Nature, ouvrage hardi, où fixant lia formation du monde il établit un fyftêmç Pdeftructeur absolument de la Gènese , qu'il Is'elTorce cependant de concilier avec ses idées.
lEnfin le docteur Ribalier a dénoncé l'ouvrage tau prima mensis dernier ; il a fait frémir toute la faculté de théologie du danger où se trouve lafoi, si l'on laissoit subsister une telle impiété , & [l'on a nommé des commiflfaires pour examiner Je livre.
t 9 Novembre 1779. La faculté de médecine i&'est assemblée samedi pour le choix d'un doyen, & l'on avoit élu unanimement 1 s doéteur Maloet : mais ce perfonage prudent a senti le danger d'une pareille place, il a refusé fous prétexte qu'étant attaché à des personnes de la famille royale, on service ne lui permettoit pas de vacquer aux nelions importantes de la dignité dont on honoro,,'t; on lui a substitué alors le doéteur le acher de la Feutrie.
� 10 Novembre. Extrait d'une lettre de Rennes u premier novembre. On parle toujours ici & ans toute la province de l'affaire de M. Defgrée.
n a adressé dans toutes nos villes des paquets e mémoires imprimés sur quelques feuilles & est un gentilhomme qui les distribue gratis.
"est un homme vendu à l'autorité & à tous les ens puissans. Quant au mémoire, ce font des Ibfervations du Sr. Mesnard de Conichard, ur la partie du mémoire de M. Defgrée qui le garde; il voudroit prouver qu'il n'est point en
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contradiction avec lui - même dans ses deux
lettres, & pour cela il dit que la distribution du Port-Louis est chiffrée de la main de M. d'Invau & le renvoi à M. Mesnard de ton écriture. Les lesteurs ob fervent à leur tour , pourquoi M..
Necker , qui a eu l'attention de refuter dans l'extrait adresse à M. le Procureur général du J parlement de Bretagne la date du jour, le mois ; & l'année , & de dire que le Bon étoit écrit de la i main du Roi, n'a-t-il pas refuté également que : les chiffres, I& mois , l'année & le renvoi à M..
Mesnard étoient de la même écriture & de la J même main de M. d'Invau ?Le collationné quii devoit paroître en justice exigeoit cette exaditude ; & cette circonstance devoit d'autant moins z s'oublier , que les vues de Mesnard étoient de faire croire que M. d'Invau en avoit connoif-.
sance, & que c'étoit lui qui avoit fait l'ouvrage.
Une raison sans réplique, qui devoit obligen le Mesnard à faire faire cette réflexion à M..
Necker, c'est qu'il avoit fous les yeux copie dui dépôt des pieces , & qu'au nombre de ces pieces, étoit la lettre de M. d'Invau, qui donne un dé-menti formel à ce qu'il disoit.
Au surplus, dit Mesnard dans ses observations, il fait que le bon fut remis au Maréchal ;; mais, dit-on, à quoi cela fert-il ? Le bon eftf au nom de M. Defgrée, il faut donc prouven qu'il l'avoit touché, ou qu'il ait donné une procuration à M. le Maréchal pour toucher en sonn nom , car on ne peut pas supposer que celuih qui paie, le faffe sans une reconnoissance de lac part de celui qui touche.
Enfin , dit-on, il n'est pas question d'un bonr de 15 oo liv. quin'auroit été accordé qu'au moiS2
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de novembre 1769 en forme de gratification; mais d'une somme de içoo liv. comptée en petits ecusaux Etats de 1768 , par M. de Duras, pour faire paffer une délibération. La lettre même de M. de Duras porte, qu'il a compté cette somme aux Etats de 1768. Voilà ce qu'on a à prouver pour rendre M. Defgrée suspect ou criminel. Mais ce qu'on trouve de la derniere importance, c'est qu'on permette la circulation du mémoire de M. Mesnard, figné par lui seul, tandis que la police intercepte les mémoires de M. Defgrée, signés d'avocats, dans une instance liée.
Le fécond arrêt du conseil du 13 oétobre 1 1776 , signifié au procureur général & à M.
Dergrée, caffe l'arrêt du parlement de Bretagne 'du 23 août dernier & toute la procédure qui s'en test suivie, comme contraire à celui du 2; nor' embre 1778 , qui n'a point été rappprté.
i Or, dit - on , il est de toute évidence que n'arrêt du 26 novembre 1778 n'avoit pas besoin M'être rapporté , puisque l'arrêt du 23 août fuitvant n'ordonnoit ni ne permettoit à M. Defgrée d'informer de ses faits qu'en exécution de ce précédent arrêt du 26 novembre, & cela est tirés - clair.
} M. Defgrée met sa plainte ; avant de l'expéfdicr , le procureur général demande à informer ide la remise vraie ou supposée des l SOO liv. dont fil est cas, pour , sur le tout communiqué , être fftatu¿ ce qui fera vu appartenir. Sauf au suppliant .à informer de ses faits. Arrêt en conséquence, 'qui ajoute feulement, s'il y a lieu, •' Naturellement, & avec iustice, au bout de )trois mois le procureur général auroit dû se pré-
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senter & exposer que ne trouvant aucune preuvede la remise des i Soo liv. dans ce cas, il consent à ce qu'il foit permis au Sr Defgrée de faire preuve de ses faits, en conséquence l'arrêt du 29 novembre: au lieu de cette marche qui eût été de toute justice , illaiffe à M. Dergrée à faire les premiers pas : en conséquence le Sr. Defgree, au bout de neuf mois présente sa requête , fait mention de l'arrêt du 29 novanbre, & sur le motif de cet arrêt & le silence du procureur général demande, &c.
Ce qu'il y a d'admirable, c'est que cet arrêt du conseil porte infine , „ fauf au procureur général w & au Sr. Defgrée, s'il y a lieu , à procéder en 55 exécution de l'arrêt du 26 novembre 1778".
Combien le public se recrie sur la force de l'imagination , qui a fait trouver au conseil un moyen si conféquentde mettre les parties sur la voie de se faire rendre justice !
On dit ici qu'on est fort occupé à Blain.
chez Madame la duchesse de Rohan à faire un .mémoire , pour le maréchal de Duras. Je fuis bien étonné qu'on faffe à Blain ce mémoire, que les avocats de Paris auroient été plus capa- bles de composer.
10 Novembre 1779, Dans la Lettre à M. de Laffonne on pose deux questions : la société de médecine est - elle établie pour s'occuper des : progrès de la médecine & de la conservation des sujets du Roi? Est-elle feulement initituée : pour satisfaire la cupidité, l'ambition de celui i qui en est le chef?
Le refus des médecins les plus estimés d'en- ■ trer dans ce corps, répond à la premiere qtieftion, ,IG ,il résulte de la feconde qu'on ne peut niçr 0
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qu'il doit devenir bientôt non feulement un objet de dérision , mais un fléau public , en augmentant les abus auxquels, depuis si long-tems, la medecine fert de prétexte ; dès-lors il ne doit plus se trouver que des sujets tarés pour remplir les places , & quand alors la sagesse du gouvernement n'anéantiroit pas la société, letems seul la détruiroit.
L'auteur exalte dans ce pamphlet M. Lieutaud, le premier médecin, qui loin, comme M. de Laffonne, de vouloir détruire la faculté pour élever la [ociete, accueille la premiere, veut lui servir de défenseur auprès du Roi, & a préfentéà S. M. le plan fait par la faculté, qui contient des réglemens pour obtenir tous les avantages pojjîbles de la médecine & pour obvier aux abus auxquels ellefert de prétexte. On ne doute pas que le jeune monarque ne l'agrée , & en conÜquence, on envoie d'avance à M.
de Laffonne , le canevas d'un discours à faire pour être prononcé dans la derniere séance de son établiJJement. La plaisanterie assaisonne cette harangue , que la méchanceté nourrit d'anecdotes curieuses & diffamantes.
11 Novembre 1779. Madame de Palerne vient de mourir. On a remarqué sur ses billets d'enterrement que , contre l'usage , on ne désignoit aucun parent comme faisant part. On auroit dû mettre naturellement : de la part de M. le duc & de madame la duchesse de G ont aut, ses fille & gendre ; on a su que ce seigneur n'avoit pas voulu que son nom fût au-dessous de celui de Palerne. Belle leqon aux financiers & bourgeois riches, qui ont la fotte manie de donner leurs filles à des gens de la cour !
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11 Novembre. Les logogryphes font , en.
général, un jeu d'esprit trop pueril ik souvent ; trop bête pour meriter l'attention des vrais littérateurs; cependant tous les genres peuvent ; être pouffes à un point de perfection qui fasie i distinguer certaines pieces : tel est le logogryphe suivant , composé par une dame & qui le lent : des graces & de la finesse de son auteur ; La nuit j'habite sur la terre, J' Et le jour je remonte aux deux :
J'éblouis les regards d'un éclat radieux., Mais je n'ai qu'un matin pour plaire. ?
Cinq lettres font mon nom : supprimez la premiere Je fuis un prophète fameux , Je deviendrai la fleur que l'on aime le mieux En retranchant l'avant - derniere.
a Otez-les toutes deux , j'offre un mot précieux, Dont l'amour même fait mystere, -* Et qu'à l'amant qui lui fait plaire 1 L'amante ne dit que des yeux. > Le mot est rosee : on y trouve Orée, ross, oje.
12 Novembre 1779. Il est des perfonages sur qui le public a si constamment les yeux que leurs actions les plus indifférentes font remarquées ; tel est M. d'Alembert, aujourd'hui le patriarche de la feste philosophique ; il vient de prendre carosse & dans l'infiant tout Parisen a été instruit ; c'est un quanquan qui ne , finit pas.
Une autre de ses actions moins connue & qui, lorsqu'ellc le fera, malgré ton excelience, ne manquera pas d'être tournée en ridicule par - les I
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lesdetraéteurs de ce grand homme ; c'est ta générosité envers Arlequin. On fera d'abord surpris de voir une affinité entre ces deux hommes ; quoi qu'il en foit, Arlequin se trouTant compris pour une Comme de 50,000 livres dans la banqueroute du Sr. Roland , est venu çonfier sa douleur à son ami : le philosophe l'a consolé efficacement, en lui disant qu'il se chargeoit de sa fille qui est aveugle. Tout cela se trouve dans un paragraphe du Journal Be Paris N°. 312 , où l'historiette est racontée sans nommer personne. Mais les partisans de M. d'Alembert ont trahi sa modestie & ce beau trait commence à se répandre dans les sociétés.
r 12 Novembre 1779. On attend bientôt M.
Oli vier, conseiller au châtelet, envoyé comme conimirfaire pour faire les informations ordonnées par le parlement dans l'affaire du jeune Solar : il étoit parti avec un substitut du procureur du Roi & un greffier; ils doivent être de retour avant la fin du mois. Suivant ce qu'il a écrit , il a trouvé bien du faux dans les faits allégués par l'adversaire pour sa justification, & Je procès tourne mal pour lui.
i 19 Novembre. Un gros livre in- 40. trèsvolumineux & très-ferré , ayant pour titre de adtninijîration des Etats Provinciaux & de la nature de l'impôt , perce difficilement & excite beaucoup de curiosité. On a lieu de préfumer & l'on a même des notions assez certaines qu'il est , sinon de la composition de M.
Kecker, au moins dans son génie , ses principes t& qu'il se produit fous ses auspices ; que ce ininiftre a fait les fraix de l'impression & qu'il
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le fait dîstribuer , attendu qu'il se délivre gratis. C'est un ouvrage qui coûterait chez lei, libraires 12 livres. Il n'est qu'un homme très.
riche , ayant de grandes vues, & intéresse àé ]eur propagation, qui puisse avoir fait un pareih sacrifice.
Le motif du mystere de cette diftributionr lente, c'est qu'on craint d'ameuter le clergé u contre lequel il est spécialement dirigé. Aui premier apperçu on juge que le plan de l'admi..
niftrateur général feroit de revenir au systêmes de M. de Machault & de l'imposer comme les?
autres. Les chefs de l'église en ont déjà l'éveih & se remuent en conséquence.
14 Novembre 1779. Suivant les dernieress nouvelles de Bordeaux, les fpedateurs s'étoientt échauffés enfin pour Mlle. Sainval J'aînée H avoient reconnu la sublimité de son talent & lui: avoient procuré les distinctions qu'elle méritoit, : On avoit donné pour elle une représentation &S ce voyage devoit lui rendre 16000 livres de bé..
néfice : elle partoit pour aller jouer aux états de) Montpellier.
Quant ici , depuis son expulsion les jalou-.
fies , les haines , les noirceurs ne font que s'ac..croître dans le tripot ; ils cherchent naturelle..
ment à se rendre le jouet du public. Dernièrement le Sr. Ponteuil a été hué dans l'Orphelin de la Chine, depuis le commencement dea son rôle jusqu'à la fin ; les partisans du Sr. las Rive , indignés qu'on eût obligé celui-ci des quitter, ont voulu le venger par ce traitement,, moins l'effet du mauvais jeu de l'aéteur que des la cabale. On ne fait quand finira ce dCfordroe
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& l'anarchie qui regnent dans l'aréopage Ce.
mique.
15 Novembre 1779. On a joué samedi à la comédie italienne les événemens imprévus, comédie nouvelle en trois actes en prose, mêlée d'ariettes. Cette premiere représentation a ré.
pondu à la haute opinion qu'on avoit des auteurs ; c'est M. d'Hell, qui a composé les paroles & M. Gretry la musique : la piece a eu le plus grand succès dans les deux genres. L'ex.
cellencé du poëme a rendu le musicien encore supérieur à lui-même; le théâtre avoic befoiri d'un pareil secours pour sortir de la langueur où il étoit depuis longtems.
1 ç Novembre. L'académie royale de peinture & de sculpture , &c. s'écoit assemblée ces jours derniers pour prendre en confidcration la catastrophe de M. d'Hu és, que sa dignité de professeur devoit rendre plus instruit rur les mœurs & plus délicat sur sa réputation. Il étoit question de le rayer : mais le grand nombre n'a pas trouvé des preuves assez fortes pour se porter à cet aéte deshonorant Dn a prétendu que la leçon que venoit de lui donner la poissarde, & la perte d'un œil dont il étoit menacé , feroient peut-être suffisans pour le corriger., 1 s Novembre. L'académie françoise a déjà,
:enu un comité pour se concilier sur l'élection uture du successeur de M. de Foncemagne.
Il paroît que tous les partis font à peu près j'accord & se réunissent en faveur de M. de :;habanon de l'académie des belles - lettres.
est un garçon bien né , de mœurs douces & Liantes , porté ci- devant par M. de Voltaire
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£ lie?. lequel il avoit rélidé longtems 8c qui ] tule depuis dix ans. Son mérite littéraire médiocre & de ce côté il auroit dix concurr à paffer devant lui : c'est ce qui a donné lie l'épigramme suivante , pour l'intelligence laquelle il faut savoir que c'est en même te un excellent violon ; il paffe entre les amate pour le premier coryphée en ce genre après A Foncemagne on veut, dit-on, Pour le fauteuil soporifique Faire succéder Chabanon : Mais son mérite Académique?
Aucun : il est grand violon ; Dans le fein de la compagnie Manquant d'accord & d'tiniffon Il rétablira l'harmonie.
17 Novembre 1779. La piece de M. d'Hell r Qu'un intérêt de curiosité , comme le pl grand nombre des comédies d'intrigue , me soutenu & çroissant avec un grand art. D Je premier acte on croit déjà toucher à la f & l'on est inquiet comment feront remplis 1 deux autres ; à l'instant même le nœud, par 1 incident préparé & entrevu, sans que le fpe tateur s'en doute, se forme & occasionne l'iir broglio ; il semble encore devoir s'éclaircir ir fâilliblement au fécond ; mais un jeu de théâtr très - adroit ne fait que jetter plus d'embarr.
dans la scene. On fent qu'à mesure que chc mine le troisieme, il faut que le fil de l'aétio ^onduife au dénouement, sans que le fpeéta teur puiiTç assigner lij. manière dont il s'opcl
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8rra, & il y est arrivé avant de l'avoir imaginé : e qui donne lieu aux critiques de le juger trop- bruCque. L'auteur a préféré dé facrilier un peu: de vraisemblance à la rapidité , toujours né ceiTaire en pareil cas : d'ailleurs , le parterre écant dans la confidence , on suppose que les acteurs font plus aisément i-nftruits de la bonne gaîté , du comique de situation , & des failliesheureuses qui continuent à caraétérifer cette nouvelle production du poëte.
M. Gretry accoutumé à faire d'excellente' musique , ne pouvoit que réussir avec un fond aussi bien disposé : la veine est devenue plus' abondante & plus variée , & le musicien à chaque instant produit presque autant d'etonne.
irrent que le poète. Il a jugé à propos d'amcnet � des finales à la fin de chaque acte , à lanjaniere" des Italiens : on fait que par finales on entend la réunion de tous les aéteurs sur la scene , chantant ensemble ; mais ce n'est pas en quoi JV1. Gretry a le mieux réussî ; foit par sa faute , ou plutôt par le défaut d'habitude des chanteurs, il en résulte une cacophonie peu' agréa-^Jble , embrouillée & discordante.
17 Novembre 1779. Stances sur les Infurg £ fff<-
1.
Ami, je fnis parti de France, Le cœur plein d'un noble projet,.
L'esprit content, car l'espérance Embellit toujours son objet.
2.Je m'embarquai pour l'Amérique sJe quittai mon pays natal,
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Traversant la vaste atlantique Sur la foi de l'abbé Raynal.
3.
Mais lui peu chiche de l'étoffe Dont son esprit chaud s'empara, Comme un moderne philosophe A taillé l'erreur en plein drap.
4.
Dans la douce ivresse où nous plonge Le charme d'un style divin, Les prix fols font pour le mcnfonge, Le vrai moisit au magasin.
S.
De ce peuple encor dans l'enfance, J'ai vu les asyles divers : Son orgueil, son indépendance Préparent sourdement ses fers.
6.
Il est sobre par indolence, A peine l'on peut l'éinotivoiri, Et la liberté qu'il encense - N'est que la haine du devoir.
7.
J'ai vu le Quaker pacifique, Dont l'orgueil perçoit le manteau t J'ai vu l'insolence cynique Qui fixa son vaste chapeau.
8.
Je n'épouse point la manie Qui le porte à braver les Roisr
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Et qui le fait par modestie Tutoyer frere George Trois.
9L'air philosophe qu'il se donne, En sa, faveur conclut-il bien?
Le fage, qui ne hait personne Est assez près de n'aimer rien.
10.
Moi j'ai vu ces hommes integrisF Vantés par tant d'honnêtes gens , D'une main affranchir des Nègres Et de l'autre acheter des Blancs.
il.
La probité de ces feclaires N'étoit pas ce qui m'étonnoit, J'admirois de vieilles sorcieres Chez qui Dieu se réincarnoit.
ia.
,Ah! tlis-je, ah quels monstres farouches Le Saint Esprit daigne inspirer ; C'est dans de si vilaines bouches Que le diable va se fourrer !
13.
Parmi tant de cultes fantasques L'homme simple reste abattu , Et ne fait plus fous tant de masques Comment discerner la vertu.
14.
Enfin telle est la digne race De ces foLlats fiers & cruels,
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Qu'un hypocrite plein d'audace Arma fous l'abri des autels.
IS'.
Le bonheur d'autrui les irrite, Jaloux, sans foi, sans amitié Ils cherchent partout le mérite ; Mais c'est pour le fouler aux pieds..
16.
Un jour ce peuple fanatique Qui liait avec férocité , Vous le verrez dans l'Amérique Le fléau de l'humanité.
17.
Un culte austere, un fol agreste, La fois de l'or. un cœur cruel Pour guider Ion penchant funeste.
J1 n'attend qu'un nouveau CromweL 18.
Ami, c'est ici qu'une belle N'offre qu'une fleur d'un moment, Tout homme s'arroge auprès d'elle Le droit: du plus discret amant, 19.
Les caresses font un pillage Qui flétrit bientôt ses appas, Les grossiers transports d'un sauvage Qui lubjugue & ne séduit pas.
20.
Par une douce résistance Le défkr n'est point, exeite,,
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e'est dftns le fein de la joirîffanfls Qu'on trouve la satiété.
21.
Tendres refus, charmans caprices,.
Font valoir la moindre fav::ir: L'Amant d'un rien fait ses délices j Voilà le triomphe des mœurs, 22.
A Boftoli d'une beauté neuve' L'epouseur n'est point entiche, Ni fille, ni femme , ni veuve C'eû tout ce qu'on trouve au nw-'ch&!(j 0 mon'pays , aimable France" Objet de mes plus chers désirs" Où d'accord avecl'abondance Le goût préside à nos plàisirs., 24.-
E'égalité, cette chimerê, Qu'exaltent nos fiers écrivains" ta nature que je révere L'évite dans tous ses desseins.Z".
sa force, [la valeur, raîrcfTe*,Et le génie ont ici-bas Surla sottise & la foiblesse Des droits que l'on ne prescrit pas, ■ 2t.
0 Frailçois, l'Hudson, la Tamise , KRbre , le Tibre , ni le Rhin,
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N'offrent r:en qui ne t'autorifo A leur préférer ton destin.
27.
Est-il un peuple sur la terre Plus content, plus heureux que toi ?
Ton maître n'est qu'un tendre pere, Dont ton amour fait un vrai Roi, 28.
Que le fort de sa main pesante Accumule sur moi ses traits Je brave sa rage impuHfante, Je fuis honnête homme & Ftanqois !
29.
Entre nous ces fâmeux athletes Que vous accablez de lauriers , Leurs vertus font dans les gazettes Les vices font dans leurs foyers.
30.
La liberté , cette pucelle, Qui fut séduite tant de fois , Dans l'effervescence du zele Fait taire ici jusques aux loix.
31.
Vous voyez leur mobile unique Ce vieux Doreur in pcirtibus Dont l'insidieuse rubrique Vous échauffe de ses rébus.
* f> Sur l'Amérique consternée Plaçant le bout d'un conduéteuf;
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De l'autre à l'Europe étonneV Il lance le feu deihuéteur.
33.
Caméléon ottogénaire, Son esprit se ploie aisément; De la France & de l'Angleterre Le fourbe rit également, 34.
La haine dans son cœur regorge, Fait qu'en ses projets inouïs Si Louis lui répond de George t George lui répond de Louis.
3?Ce Hankock (*) qu'il tient en tutelle, Aux dehors plats, aux sens grossiers, Peut fournir un riche modele A nos délicats financiers.
36. *
Francklin de l'or du fanatique Ebaucha son hardi projet, Et dans cette farce héroïque Il en fit fan Milord HlIzzet. (f) 37.
Je vois dans ce qui m'envfeonne De tristes sots , d'iirptes fous : Que l'univers me le pardonne, Mais les bonnes gens font chez nous.
- 1 (*) Préfideut du Congrès.
(tJ Pt'rfonae du FTAUÇPJJ h Lçndres. -
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38Déjà-j'entends d'un ton.caulKque' L'élégant Raynal crier Foin/.
Défiez - vous du fatyriqltc: Meilleurs, celui-ci vient de loin.
39.
Ail! j'aurois dlîi mieux me défendre Du vain désir d'en bien juger : L'aimable abbé pour en revendre N'eut pas besoin de voyager,.
40.
Maintenant mon cœur me féconde : Je vais peindre un vrai citoyen , Le Fabius du nouveau monde, IJn .hérosun hpmme. de bien, 41.
Il est d'une figure heureuse De beaux traits, dela dignité,.
Sous une ;forme àvantageuse.
La plus noble Jinaplicité..
4ci Sensible, valeureux, fidèle".
Et révéré de l'ennemi; L'honnête homme en fait son modèle^, Et l'homme, aimable son ami., 43. son aml
Contre, l'orage qui murmure Son courage en impose au fort;, C'est le calme d'une aoie, pureJgoi\r qui l'épueilimçme.est uixp&rt.
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44.
J'ai vti Washington sans armée;, Devant un ennemi vainqueur , Et la cabale envenimée.
Attaquer jusqu'à son honneur..
45.
Du double coup qui le menaceCe héros n'est point abattu , L'Anglois refpefte son audace;, L'envieux cede à. sa vertu.
46.
Il fait trop que pour entreprendre L'art manque à ses braves enfàns r Ce qu'il n'oseroit en attendre La constance l'obtient du tems..
47.
- Jouet du fol, tresor du fage,.
0 tems qui nourris notre espoir,t Tu feras paffer d'âge en âge , Celui qui connoit ton pouvoir.!!
48 Ici la nature économe N'irrite point les yeux jalotix Elle n'a produit qu'un grand homme; Mais il est le salut de tous.
49 .Ami, je vais, s'il est possiblê,, ESayer de nous réunir : Je ne veux plus du foin pénible D'errer toujours sans palveiiirk-
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so.
J'ai Foulé la terre & les ondes, J'ai franchi vingt climats divers Et n'ai trouvé dans les deux mondes Que des dupes & des pervers.
, Si.
Mon front chauve & ridé par l'âge, Chaque jour semble m'avertir, Qu'il faut faire un autre voyage : Eh bien ! je fuis prêt à partir.
p.
Que la mort enleve sa proie : Celui qui dédaignant tes traits, Vécut sans remords & sans joie, Finit sans crainte & sans regrets.
17 Novembre 1779. A quelque point de per session que foit porté la danse à l'opéra, on ] fait sans celle recrue de sujets qui femblen enchérir sur les anciens : c'est ainsi que h demoiselle Zanuzzi , fille d'un aéteur de ce nom de la comédie italienne , débuta hier feule dans le ballet du quatrième aéte d'Iphigénie en Tauride, avec le plus grand succès : elle fc déployé, se présente & marche avec beaucoup d'assurance & de graces ; elle joint à une grande légéreté une force supérieure pour son âge de treize ans; elle est absolument dans les excellens principes de son maître Vestris, le pere, & c'ell lui - même en femme. Coryphée du genre, Mlle. Heinel ayant paru après elle, & offrant sur le champ un objet de comparaison,
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line fit pas la même sensation : sa froideur gîaqd ttous les amateurs.
, 18 Novembre 1779. Mlle. Dubois de la cornél'die franqoife, retirée avec pension en 1773, vient de mourir de la petite vérole. Si elle n'a pas idifpofé de ton bien avant son trépas, on évalue ique le domaine doit gagner après elle 20 à 2 ç [mille livres de rentes. C'étoit une des courti: fannes du jour les plus célébrés pour sa cupi> dite & son art d'eferoquer les dupes : du reste élle avoit toujours été médiocre au théâtre & :,n'avoit pas su tirer parti des heureux moyens que la nature lui avoit donnés.
, 19 Novembre. On a joint hier à un ade françois & à un acte bouffon un ballet pantomime : l'acte bouffon nouveau a pour titre : il vago difprezzato , ou le fat méprisé. Ce qui revient allez à notre fat puni, mais n'en ; approche en rien. C'est un poëme d\m ennui mortel à l'ordinaire , que cette fois ne rachette pas la musique : cependant il y a eu du monde & la chambrée étoit nombreuse. C'est le ballet intitulé Mirza & Lindor, qui avoit attiré la HFoule. Il est de la composition du Sr. Gardel , & la musique du Sr. Gossec. Il a plu généralement , quoique trop long au troisieme ade t où radian est finie.
19 Novembre. Extrait d'une lettre de Bruxelles du 14 odobre. "Vous allez bien rire :& faire rire M. d'Alembert & tout le parti : „ à l'occasion d'une anecdote que j'ai à vous ;M conter ; elle est fLÎre, car je la tiens de !" source. Il s'agit de Me. Linguet. Cet avocat ;M devenu folliculaire , foit par spéculation t » pour gagner plus d'argent , foit par diffi.
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55 culte de se concilier avec les imprimeurs de: 3j Bruxelles , setoit établi dans un joli châ-55" teau à quelque distance & y avoit monté une: „ imprimerie à ses fraix : là il regnoit en def..
„ pote sur ses suppôts ; il menoit un train' de ; M grand seigneur , roulant en carosse à six : „ chevaux & ayant toujours quinze ou vingt ; „ couverts. Il ne voyoit pas , sans doute , la
M meilleure compagnie du pays ; mais beau- „ coup de filles , des comédiennes , des î5 escrocs , des avanturiers francois , surtout ,5 ceux qui raduloient, qui colportoient ion „ journal & lui fournissoient des matériaux , „ c'est - à - dire des méchancetés. Tout cela5, n'auroit été rien , si ce perfonage très-in,5 conséquent, qui prend le ton hypocrite dans 55 tous ses écrits , n'eut affiché la plus grande 5, irréligion : il ne s'aflervifibit à aucune des „ pratiques extérieures du christianisme si né5, ceffaires : il n'a point fait ses pàques , ne „ s'est point présenté à confettis : il affeftoit 5, de faire travailler les fêtes & dimanches, 55 de n'aller jamais, à la mêsse &c. Le fcan55 dale eftdevenu si grand, que non-feulemenc ,5 le curé du lieu , mais les curés voifinP^ 5, craignant que la contagion ne gagnât leurs „ ouailles , ont porté des plaintes à l'arche,5 vêque dé Malines contre cet impie. Heu,5 reusement M. de Stharemberg, le minifire: 55 de l'Impératrice-Reine en cette cour , affèc53 tionne Me. Linguet ; il a prié le prélat de.
,5 suspendre les censures & obligé l'Aristarque.
,5 de venir exercer la ifenne dans cette capi-,5 taie, où ses aétionsferontmoins remarquées:, 33 - il a.en conféquenge :lou.é un superbe-hôteL
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j. Je ne fais comment il s'arrangera pour son iniprinierie ; il a déja un procès avec un „ fameux imprimeur de la ville, car il lui faut „ toujours quelque petite querelle pour s'ocj, cuper & se réjouir „.
20 Novembre 1779. De Bordeaux le 16 novembre. "■ Il y a environ quinze jours que ,, Mlle. Sainval est partie ; à mesure qu'on a „ été instruit de ses malheurs & de sa perfé,, cution , l'enthousiasme , foible d'abord , a „ redoublé :' elle a joué , successivement, les „ rôles à'Emilie , Hypermneflre, Sémiramis) ,, Alzire, Amcnâide , JJlàope, Iphigénie , ,, Cléopâtre, Clitenmefire, Hermione, Didon, ,, Phedre , Idamc , Athalie , Pauline, & faa ,, triomphe s'est accru au point que jamais ,, acteur ni actrice n'a fait une aussi vive fen,, fation ;-quoi qu'on fût dans le tems le plus „ prenant des vendanges , on a quitté tout ,, pour elle ; & le dernier jour, comme elle ,, finissoit Mérope , deux amours sortant d'un ,, nuage font venus poser une couronne sur f;t ,, tête , aux acclamations du public qui lui a „ jette , à son tour d'autres couronnes & des „ pieces de vers , en demandant à grands cris ,, une représentation à son profit ; ce qui a été „ accordé".
21 Novembre. Messieurs les notaires au.
jourd'hui font des petits-maîtres très-agréables, très-élégans , qui tranchent des gens de courou des plus riches financiers & entretiennent des filles d'opéra. Un nommé Armet s'étoit avisé ainsi de vouloir coucher avec une Dlle. Sarron r ancienne danseuse figurante de ce fpedacle; mais ayant de l'efprit& furtoyt. du mami j elle
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lui avoit emprunté i 800 livres, dont elle lui avoit fait son billet , Se comptoit bien être quitte. M. Armet le lendemain a trouvé le repentir acheté trop cher , & n'ayant pu se faire payer à l'échéance , a eu recours à M. le Noir , qui a chargé un exempt de la voir & d'arranger l'affaire. Elle n'a voulu y entendre , & voici la lettre qu'elle a écrite au suppôt de police , qui court Paris & fait tourner en ridi..
cule le tabellion très-laid de figure, très-dégoûtant.
„ Je voudrois bien déférer à votre conseil, ,, j'en fais grand cas, mais cela m'est im'possible, ,, & mon Adonis qui est un homme de loi, fait ,, la raison pourquoi „.
„ De tout ce que j'ai, rien ne m'appartient „ plus que mes faveurs ; le Roi retient une „ partie de mes rentes pour payer les imposs.
,, tions ; des gens de mauvaise foi me dilpu„ tent le reste : mais S. M. ne se réserve rien ,, sur la premiere & la chicane n'y peut mor,, dre. J'ai le droit incontestable d'en difpofev ,, librement & par coaféquent de les dormcr „ ou de les vendre. On interdit ceux qui pro,, diguent leur bien au premier venu , on les l' traite de fols & je ne fuis pas folle. Vous „ conviendrez , après avoir vu le pcrfonage, ,, que rien ne pouvoit m'exciter à la généro,, sité ; au moins doit-on recueillir le plaisir du „ bienfait !
„ J'ai donc vendu ce que je ne voulois pas ,, accorder gratuïtement; rien ne manque à la „ vente , & tous les notaires de Paris y auroient „ pasle , qu'elle ne feroit pas mieux en réglé.
„ Ils m'ojit appris qu'il y falloit trois points,
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;, la chose , le prix & le consentement. J'ai livré la premiere , je retiens le fécond & :" quant au troisieme, [on portrait , dont l'ac:" quéreur m'a gratifié, en répond. Je fuis prête à le lui rendre : s'il me croit dédommagée par , ce cadeau ; je ne me fuis pas trouvée fatis:" faite même de sa personne , & l'image ne , m'a jamais tenu lieu de réalité.
„ Quand je voudrois être généreuse , je 0, choifirois mieux; ainsi, quoi qu'il foit humi0, liant dans tout autre cas d'avouer bonnement 0, que l'intérêt m'a seul guidé , je préféré ce0, pendant pour mon amour-propre que l'on a, m'accuse plutôt de cupidité excessive que de „ mauvais goût.
,, Je m'en rapporte à votre bon jugement, c" monsieur, & à la sagacité du magistrat que ô, je refpedle & dont je réclame l'équité ; c'est 0, une dérision que la prétention de ce petit 0' notaire , une misérable chicane : j'espere 0' que fçs eonfreres le remettront dans les bons „ principes".
Nota. Mlle. Sarron a envoyé à Me. Armet une fiammation accompagnée d'offres réelles de ilui rendre son portrait.
22 Novembre 1779. La musique du fat mé..
yrifé est de M. Piccini, & l'on y reconnoît peu lia main de ce maître.
Quant au ballet de Mirza £ «? Lindor , le xompofiteur y a eu moins en vue, sans doute, lie former une intrigue intéressante , que d'armener des événemeng qui pussent être agréables dans leur exécution & surtout d'offrir des tableaux neufs & variés : en conséquence , il sa établi la scene en Amérique. Une jalousie
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Fait le fond du sujet, que saisit facilement It fpeclateur ; ce qui n'est pas un petit mérite dans la pantomime.
Le poème est partagé en trois acres: au pré.
mier se forme le nœud , l'exposition en est tres.
heureuse & accompagnée de détails piquans: où le choréographe commence à déployer son intelligence & sa fécondité.
Le fecond est remarquable par un duel exécuté avec des graces , une légéreté , une précision , une vérité , une diversité d'attitudes, des voltes , des positions, qui intéressent fingulierementle fpeclateur pendant un espace de tems assez conliderable qu'il dure. Le jeune Veftrallard & le Sr. Nivelon s'y font admireï des spadassins les plus consommés.
Le troisieme y purement de spectacle, consiste surtout en évolutions militaires- & en danses Negres & Créoles , dont le mélange offre une multitude de scenes & de costumes, qui contrastent avec beaucoup de succès & soutiennent l'attention. On fent bien qu'il a fallu des soldats francois pour les premieres & pour un.
simulacre de combat qur a eu lieu aunî.' La Dlle. Guimard qui n'avoit pas paru depuis la mort de sa fille , qu'elle a pleurée longtems, étoit trop nécessaire à ce fpedlacle pour s'y refuser : elle s'y est montrée encore plus aétrice que danseuse. Les meilleurs sujets du genre , au reste , étoient réunis à cette fête & s'y font drflligués.
L'administration n'a rien épargné pour le décore & les habits. La dépense doit être conCdérable.
z1 Novembre 1779. Extrait d'une lettre de-
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¡, Ferney du iç novembre. "Les étrangers con< 4, tinuent à visiter cet ancien séjour de M. de „ Voltaire , avec la même affluence & la même [ ';) curiolité. Le marquis de Villette a fait con„ ferver sa chambre , telle qu'elle étoit, juf, „ qu'à son lit qui semble encore prêt à le rei 5) cevoir. Mais ce qu'il y a de nouveau & qui ,, frappe d'un saisissement involontaire , c'est „ un monument dont voici la description „.
„ On voit une pyramide quadrangulaire, „ contre laquelle est adossé un autel composé 5, d'un simple tronçon de colonne cannelée.
,, Cette pyramide est ceinte au tiers de sa hau„ teur d'une corniche saillante, soutenue aux ., angles par quatre consoles antiques & porte „ une urne sépulcrale, Sur chaque face , une ,, couronne de laurier termine la pyramide „ tronquée : c'est le seul attribut caradérifti, p>, que qui y foit exprimé , & sur l'autel est s, placé un couffin de velours , où repose un "7 cœur , symbole de celui qui est dans l'inté..
„ rieur du monument „.
,, Cet ensemble, composé de trois marbres, ; le blanc , le noir & le verd antique, de la „ hauteur d'environ sept pieds sur trois & demi „ de largeur de la bafe , est placé au fond d'une „ niche drapée en noir".
„ On ne fait comment l'évêque d'Annecy, t, qui n'a pas voulu que le cœur de M. de „ Voltaire fût dans l'église , prendra cette ,, espece d'idolâtrie , cette parodie du moins , des monumens religieux dans un lieu tout „ prophane".
11) On a décoré l'appartement de quelques portraits raffemfclés de diverses chambres du
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„ château , portraits pour lesquels le grand ,, homme défunt avoit le plus de prédilection ; ,, savoir , ceux de l'impératrice de Ruffie, du „ roi de Prusse , de la princesse de Bareuth , ,, de la marquise du Châtelet, de l'aéteur le „ Kain, de M. d'Alembert, du comte de Mau,, repas, de M. d'Argental., de M. le marquis ,, & madame la marquise de Villette. Il est „ à observer que le comte de Maurepas n'a „ jamais figuré entre les perfonages chéris de ,, M. de Voltaire , qu'il en parloit avec assez ,, d'irrévérence , mais l'auteur du monument „ trop sujet aux censures ecclésiastiques , a „ cherché ainsi à se mettre fous la protection ,, du Mentor du Roi „.
1, Enfin on y lit cette inscription : mes mânes ,, font cOlyolés, puisque mon cœur cfl au mi.
„ lieu de vous „.
24 Novembre 1779. On prétend que le Roi a figné ces jours derniers un plan qui lui a été présenté , pour construire sur l'emplacement du couvent des cordeliers des édifices destinés à contenir la jurifdiétion du châtelet ; que ces religieux iront occuper le local des célestins supprimés avec penuon, & que les antiques bâtimens appelés grand & petit châtelet , feront démolis & fondus dans des plans d'embellissement de Paris. Leurs priions, que la fagesse du ministere envisage principalement, feront dans ce cas transportées sur le nouveau terrein. Le but est de les rendre plus faines que toutes celles qui existent, & d'y tenir les prisonniers pour dettes séparés de ceux qui font accusés de forfaits. Comme l'emplacement de ce couvent, quoique très - spacieux ,
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ne suffiroit pas encore, dans cette fuppofidoll, pour l'accomplissement du projet, on y ajoute le terrein de l'église de St. Côme & de quelques maisons adjacentes; & la paroisse de St.
Côme feroit partagée entre celles de St. Be.
noit, de St. Jacques & de St. Sévérin.
2S Novembre 1779. Il parolt que sa compagnie regrette beaucoup la perte du chevalier d'Arcy, plus particulièrement connu fous le nom de Comte d'Arcy. C'étoit un Académicien d'un mérite rarg, qui avoit un excellent esprit pour les sciences & joignoit à beaucoup de sa gacité une vigueur de raisonnement & une force de tête peu communes. Disciple de l'illustre Clairaut , il se fit connoitre dès 1742 dans le monde savant ; il n'avoit alors que dix-sept ans. Il entra à l'Académie des sciences en 1749.
Militaire par sa naiiTance, il s'occupoit surtout de l'artillerie ; il avoit imaginé un fusil sans bayonnette, qui se charge par la culasse, dont la construction est très-solide, &le service sans danger & cependant avec lequel on tire facilement six coups par minute , tandis que le soldat le plus exercé n'en peut pas tirer trois.
Il fit une expérience curieuse sur la sensation de la vue & prouva sans répliqué que la durée de cette sensation opérée sur l'organe, après que l'objet a disparu, est encore de huit tierces.
Il comptait recommencer ses expériences sur sa théorie de l'artillerie , lorsqu'il a été enlevé à ses amis & aux sciences.
26 Novembre. M. de la Blancherie ne trouvant pas qu'il ait encore recueilli tout ce qu'il cfpéroit de son établissement, monte de nou-
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Veau sur ses treteaux & crie plus fort pour van..
ter son zele courageux à former & entretenir une correspondance entre lesfavans &lesartif- ■ tes de toutes les nations.
Cette correspondance renferme deux objets s principaux : l'assemblée ordinaire des savans & : des artistes ; & l'ouvrage périodique ayant pour titre : Nouvelles de la République des Lettres ■ & des Arts.
Son assemblée fert de rendez-vous , est un J Centre de ralliement & de communication à i tous les savans , les gens de lettres, les artistes, les amateurs & les voyageurs distingués , na- tionaux ou étrangers, quife trouvent à Paris.
2°. Est un point de réunion fous leurs yeux : des livres , des tableaux , des pieces de méca- nique, des morceaux d'histoire naturelle , des < modeles de sculpture & enfin de toutes fortes < d'ouvrages anciens ou modernes , dont on vou- dra faire connoître ou apprendre jjromtement j l'exiilence, la valeur ou l'auteur.
3°. Enfin procure les moyens d'étendre une : correspondance & des relations dans toutes les
parties du monde & sur tous les objets des feien- ces & des arts.
Quant à ses NouveZZes de la République des Ci Lettres £ «? des Arts , elles offrent d'abord la f notice des différens ouvrages qui viennent d'ê- tre publiés , ou qui font sur le point de l'êtredans les différentes parties du' monde ; ses dé- couvertes intéressantes pour les Arts , des juge- mens des Académies sur ces découvertes , des ?.
séances de ces mêmes Académies, des anecdotes s iur la vie des savans & des artistes, &c.
C'est ce Journal qui le touche spécialement, f pUlfquc:",
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puisque c'est lui qui doit l'indemniser de ses dépenses ; en conséquence il invite les savans à souscrire & à imiter le Roi & la Reine, Monsieur , Monseigneur le Comte d'Artois, & Ma; dame fœur du Roi , qui en ont pris plu fleurs r xemplaires.
r 27 Novembre 1779. Mlle. le Vasseur, veuve, de Jean Jacques Rousseau, qui de sa servante etoit devenue sa femme , vient de rentrer dans ion premier état : elle a épousé le nommé Nicola Montretout, un des laquais de M. le .Marquis de Girardin , Seigneur d'Ermenonville, ichez lequel le philosophe s'étoit retiré : c'est lui qui lui a élevé le monument dont on a parlé.
r M. de Girardin est furieux de la baffeffe de cette femme, & tous les partisans de RouiTeau font bien honteux de lui avoir vu placer son.
idfettion en une pareille compagne. Cet événement confirme l'idée qu'on avoit déja du triste intérieur du philosophe, & les [oupçon.
ue dans son désespoir il a accéléré sa mort. ,
28 Novembre. Les quatre statues commandées pour 1781 , font celles des Maréchaux de Tourvilles & Catinat, du Duc de Montaufiec fc de PascaL M. Houdon , a qui l'on rend enfin justice ; ,:st chargé de la premiere ; M. de Joux, nouvel Académicien , doit exécuter la feconde; a troisieme sortira des mains de M. de Mouthy , auteur déja du Duc de Sully ; & le favanfc rulpteur de Bossuet, M. Pajou , fera revivre crivain des Lettres Provinciales.
On doit placer incessamment dans une des, ailes du cabinet du Roi au jardin des plantes.
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le buste de Bernard de Jussieu , le célebre 1 tanifte.
28 N'ovembre 1779. Quoique les répétitic tfAmadis des Gaules mis en mufiqueparle meux Bach, aient commencé depuis quelc tems, il est encore loin d'avoir son ensems & sa perfeétion; on espere pourtant qu'il f joué avant la mi-Décembre.
29 Novembre. Madame la Princesse hé ditaire de Nassau Saarbruck [tel est le ti qu'a pris à la cour Mlle. de Monbarey] retour depuis la cérémonie du mariage fait a été présentée en cette qualké. Elleavoit u robe superbe & du plus grand goût, garnie plumes & de marcassites. La Reine en a t éblouïe & a voulu en avoir une pareille. Tri couriers font venus successivement chez le
Bourgeot, marchand de sàie, où l'étoffe avi été prise & qui en avoit donné le delfin, & M. n'a pas été contente que ses ordres n'aie été remplis. On ne doute pas que cette sa taisse ne foit un véhicule de plus au luxe de énorme.
1 29 Novembre. Le mémoire du Marécli Duc de Duras, auquel on travailloit en Br tagne, est enfin minuté & paroît, ainsi que cel du Sr. Mesnard de Conichard, qui se disti buoit depuis quelque tems dans la provinc Tous deux se publient ici. Ces adverlaires che chent à répondre de leur mieux à celui c Comte Defgrée.
30 - Novembre. Observations pour Melfi François Mesnard Chevalier Seigneur de Ci nichard, Intendant général des posses aqjoint Jecrétaire des commandemens de Madame <
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ComteJJe cf Artois & premier commis de Tadminiflration générale des finances pour les pays d' .Etats.
Touchant ce qui le concerne dans un mémoire imprimé & publié au nom de M. Defgrée du Lou.
Tel est le titre ridiculement fastueux de cet écrit du Sr. Mesnard, qui en étalant toutes ses qualités nouvelles porte l'indécence jusqu'à ne pas même donner la qualité de Comte à son.
dversaire, qui a eu l'honneur de présider la noblesse de Bretagne.
Quant au fond , ce mémoire qui n'est qu'un ttmas de dits , & de redits , de contredits , est rd'un ennui insoutenable malgré sa brieveté; il ICft en même tems d'une obscurité très-défavoorable à son auteur, car la vérité est ordinairegrnent simple & claire : il n'y a que le mensonge se l'artifice qui cherchent à s'envelopper. Il est Higné du client feulement. A juger des talens jde ce premier commis sur cet ouvrage, c'est un itrès-pauvre logicien & un écrivain détestable.
30 Novembre 1779. M. le Maréchal de Duras, Sans sa Réponse au Mémoire de M. Difgré eu Lou , affirme qu'un des derniers jours de la ïemife des'Etats , M. Defgrée étant seul avec ilui dans son cabinet, il lui remit en nature de gratification, une somme de içoo livres qu'il emporta en deux voyages.
Qu'à son retour à Versailles, il déclara àf M. le Contrôleer général qu'il avoit fait à ce gentilhomme l'avance de cette gratification, riinfi qu'il y étoit autorité; qu'il lui en demanda ae remplacement & le pria d'y ajouter un fupUlément de 500 livres.
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Que M. d'Invau approuva l'avance , mais parut se refuser au supplément & lui dit que pour le remplacement dû au Maréchal, ilferoit employer J\11. De[gree pour une somme de 1500 livres, dans la premiere distribution des fond, du Port-Louis.
Que le travail pour la distribution de ces fonds s'étant fait au mois de Novembre fui- vant, M. le Contrôleur général lui envoya alors dans la forme d'usage, un effet au porteur., de la valeur de içoo livres , en execution du bon que le Roi avoit bien voulu donner de ; pareille Comme en faveur de M. Defgree.
Enfin que M. d'Invau lui confirma dans sa J lettre d'envoi , qu'il ne pouvoit accorder les « 500 livres demandées de plus.
Tels font les faits simples énoncés par le î Haréchal : quant au surplus, du memoire, il est j tout aussi peu clair , aussi peu raisonné, il est 2 tout aussi bavard & insipide que les Observations..
Il y a feulement une dose de plus d'amour- propre très-forte, & M. de Duras s'y prodigue des: louanges qu'il devroit attendre de quelqu'autre î plume : Laus propria vilifcit.
Cet écrit n'est également figné que de la par- iie : tout cela ne fert qu'à embrouiller davan- tage l'affaire.
1 Décembre. 1779. La tragedie de Pierre les Crand de M. Dorât, en cinq ades & en vers, t doit se jouer enfin aujourd'hui. Les gens impartiaux, qui connqiflent la piece, assurent qtit-2 1 fauteur est relle bien au-dessous de son héros;; que le caraftere en est absolument manqué &3 qu'il n'en a fait qu'un Prince très-ordinaire. Onr prétend d'ailleurs qu'elle n'est qu'un réchauffé se
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de ZuZica, tragédie du même poëte donnee en 1760.
2 Décembre 1779. Le mêlange des intermedes bouffons avec des aétes de musique francoise & le ballet pantomime de Ifirza , bien loin de produire l'effet heureux que s'en promettoit M.
de Vismes, a occasionné dimanche une scene très-violente de la part de la cabale contraire; les partisans de la musique italienne étant en trop petit nombre pour balancer les huées de leurs adversaires , ceux-ci font restés maîtres du champ de bataille, & les malheureux chanteurs fie pouvant plus se faire entendre, la Signora foggi s'est retirée avec eux , mais en marquant son humeur d'une maniere plus insultante pour x le public. Le tumulte a continué & s'est accru , & pour le dissiper il a fallu bailler la toile, avant lue la piece fût terminée & exécuter le ballet iéfiré.
Il n'est guere possible après un tel scandale k une réprobation aussi générale & aussi marluée, que les bouffons reparoissent. On parle le substituer à leurs pieces dénuées de sens :ommun une espece de concert sans adion, où 'on ne fera entrer que les beautés musicales & t les ariettes des grands maîtres d'Italie.
3 Décembre. On peut se rappeler qu'au ombat d'Ouessant M. de la Cardonnie , capitine du Diadême, fut inculpé de n'avoir pas Dnné ; qu'il étoit question de tenir un conseil : guerre pour le juger ; mais qu'il n'eut pas su : le ministre s'est contenté de ne lui consr aucun commandement. Il paroît que son ipitaine en fecond n'étoit pas de bonne intel:ence avec lui, qu'il a tenu des propos inJu
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ï;eux M. de la Cardonnie & lui a imputé des torts qu'on ne faisoit que foupqonner. Quoi qu'il en foit, cette division a éclaté depuis quel ques jours ; ces deux officiers se font battus , e il est question d'un mémoire que ce capitaine en fécond se propose de répandre , où il dévoilera bien des choses qui éclairciront ce com.
bat d'Ouessant très-embrouillé jusqu'à présent.
On ajoute que le Duc de Chartres comptant être lui-même disculpé par ces explications , protégé l'officier & l'encourage à publier sa justification.
; Décembre 1779. La premiere représenta.
tion d'une piece aujourd'hui n'étant qu'une ré.
pétition brillante , où l'auteur tente le goût du public, on ne peut encore asseoir aucun juge.
ment, non sur le mérite de Pierre le Grand.
Êxé par les connoisseurs & réduit à peu d< chose , mais sur le nombre des représentations que lui procurera l'adroite & prodigue indus trie de M. Dorât : s'il peut réchauffer le pu< blic en sa faveur on en parlera plus ample.
ment.
3 Décembre. La chute de tant de feuille: périodiques naissant, mourant & renaissant pou mourir encore, ne rebute ni les auteurs, ni le libraires. On annonce aujourd'hui un Manue iibliographique des amateurs, contenant l'é: tat en général de tous les objets anciens é.
nouveaux qui font relatifs aux lettres , aui sciences, aux arts & qui se vendent journellti ment dans Paris , tels que les livres , les te; bleaux , les dessins, les estampes , les brori zes , les médailles , les pierres gravées , h, Buriofités nàturelles & autres effets recherché:
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Tares & précieux, avec les prix exactement rei cueillis & comparés entr'eux ; des descriptions, des écIaircHTemens, des notes sur les auteurs célebres & sur leurs ouvrages.
Il est certain que cette entreprise bien exé.
cutée peut être utile aux professeurs de bibliothèques & de cabinets , & à ceux qui se proposent d'en former , anx gens de lettres qui veulent connoître tous les livres sur la matiere qui fait l'objet de leurs études & aux personnes qui défirent être au cours de la littérature & suivre les progressions des connoissances humaines.
4 Décembre 1779. Mercredi après la comédie tous les conseils & amis de M. Dorat se font rendus chez la Dlle. Fanier , où il les attendoit. Madame la Comtesse de Beauharnois & tout le monde en chorus a trouvé que c'étoit fupcrbe; mais que, comme le parterréavoit eu quelque malveillance pour certains endroits de la piece , il falloit lui montrer de la docilité par des élaguemens : à quoi l'on a travaillé sur le champ.
Le comité étoit composé de M. de la Bouillerie , Aide-major du Régiment des gardes & amateur ; du Président d'Hericourt , amateur & entreteneur de la maitresse de la maison; de M. Sanguin du Roulé, Conseiller au Parlement & amateur ; de Mrs. de Saint Marc, le Mierre & Dudoyer , auteurs.
Dès le foir les coupures ont été faites & les futures arrangées : on a prétendu que l'ouvrage devoit aller ainsi & jouir d'un succès complet.
Cependant, comme il est bon d'opposer ça" baie à cabale & que les jaloux de M. Dorait
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font en grand nombre , on a pris les précautions nécessaires pour contrebalancer les efforts de ceux-ci. Outre les billets que l'auteur a droit dé retenir, outre ceux que M. le Lieutenant général de police qui le chérit devoit lui procurer par son autorité , il a été convenu que les laquais de toute l'assemblée iroient faire le coup de poing , afin d'en accumuler le plus possible , & qu'on les diftribueroit à des battoirs qui rempliraient leur devoir avec leur zele ordinaire. Le moyen que l'admiration publique ne foit pas entraînée par des ruses aussi.
bien combinées & surtout par cette vigoureuse impulsion.
S Décembre 1779. Jeudi dernier on jouoit le Dejerteur à la comédie italienne : il y a un endroit où Montauciel dit : buvons à la Jante de nos guerriers; l'aéteur a regardé en ce moment le capitaine Royer de Dunkerque , très-connu par des expéditions faites depuis la derniere guerre , dont les gazettes ont retenti & qui lui ont valu des réoompenfes honorifiques du gouvernement. Le public s'est retourné vers ce corfaire & l'a applaudi : l'adteur voyant que son apostrophe prenoit bien , est allé plus loin & a ajouté & du Capitaine Royer ,• alors les battemens de mains n'ont plus fini.
On a été surpris de ne pas voir l'anecdote consignee. dans le Journal de Paris, ou dans les Petites Affiches, ou dans quelqu'autre feuille , & l'on présume que M. de Sartine a donné des défenses de le faire par ménagement pour la marine royal e , avec laquelle les auxiliaires font de plus en plus mal: ce qui a même
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occasionné à Brest plusieurs affaires particu* lieres.
Le même capitaine a été applaudi beaucoup à l'opéra , mais sans aucune difiinétion publique & par de simples battemens de mains du parterre.
5 Décembre 1779. Depuis longtems on a élevé en plusieurs provinces de France des contestations relatives à la jurifdiétion Episcopale , que les Evêques voudroient étendre & les Curés restreindre ; la fermentation a été grande à ce sujet dans les diocèses de Lisieux, de Cahors, &c. : une semblable a eu lieu recem* ment à Chartres entre M. de Fleuri & le Curé de t>igni. Celui-ci en avouant qu'il ne prétendoit en rien contester au Prélat le droit seul d'approuver les Prêtres pour administrer les sacremens de son diocese , hors les cas dené.
affité, a soutenu apparemment avoir été dans le cas de l'exception : quoiqu'il en foit, la cause plaidée à la Tournelle avec grand éclat, est
intervenu arrêt qui a condamné le Prélat à payer 30000 livres de fraix , arrêt qui a mérité les suffrages du nombreux auditoire qui suivoit les audiences.
Le Prélat a eu recours au Conseil, où l'arrêt de la Tournelle a été caffé. Les agens généraux du clergé n'ont pas manqué d'envoyer à tous les Evêques cet arrêt, faisant loi suivant eux , avec une lettre circulaire , où ils s'expriment d'une façon très-légere sur le compte du Parlement.
Depuis la rentrée il en a été question aux chambres assemblées , où la lettre a été dénoncée & l'on parloit , après les formalités requis
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fës, d'en décréter les auteurs. Plusieurs Evêques ont eu recours à M. de Maurepas , qui n'aime pas l'éclat ; il en a conféré avec S. M. On a assemblé un comité, où pour mez20 termine on a imaginé de faire rendre un arrêt du conseil qui préviendroit celui du Parlement , en supprimant ladite lettre & lui donneroit d'ailleurs une tatisfadion personnelle par des expreflfions conformes à sa dignité.
Cette résolution , qui dans d'autres tems n'auroit fait qu'exciter le zele de la compagnie à venger son injure d'une maniere digne d'elle, a été communiquée aux chefs & approuvée ; ensorte que la dénonciation restera sans effet.
6 Décembre 1779. Ce que l'on a prévu dans le comité tenu chez Mlle. Fanier a eu lieu & la piece a été samedi aux nues. Pour apprécier ce triomphe , il faut revenir sur cet ouvrage & ses diverses métamorphoses : on pourra juger enfuite de ce qu'il doit être. Il est très - certain que Zulica jouée en 1760 , qui eut sept ou huit l'epréfentations , n'étoit que le même sujet traité aujourd'hui 7 qu'elle fut imprimée depuis fous le nom de Pierre le Grand , avec de légers changemens & qu'enfin c'est la même qui a reparu mercredi après avoir été revue , gorrige'e & augmentée. „ L'auteur , pour se ,, disculper a dit dans son avertissement, qu'il „ n'avoit voulu montrer dans le Czar que le „ créateur d'une nation nouvelle , traversé, „ combattu par un défenseur de l'ancienne „ constitution ; qu'il a écarté les nuances de ,, pere, d'amant & d'époux , pour ne considérer en lui que le politique & le légifiateur Il.
Ou lui répond qu'il valoit mieux çonserver
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à cette tragédie les noms Tartares qu'il avoi adoptés d'abord ; parcequ'en mettant sur la scene des Princes aussi celebres, des faits aussi voisins de notre tems , il est difficile de se faire pardonner les atteintes qu'on porte à l'histoire.
Enfin on ne peut juger la piece de M. Dorat qui, pétrie & repétrie en plusieurs manieres , à l'examen est cependant toujours la même , qu'en s'en rapportant à son aveu ; il dit dans le compte qu'il en rend à la tête de sa fecondc édition.
„ Une premiere représentation ramène tout „ au vrai. Je vis diftinétement que je n'étois „ pas aussi sublime que je me l'étois imaginé.
„ L'indulgence du public, qui d'abord fut ex„ ceffive , ne m'abandonna qu'aux derniers aétes , où il manqua de force pour m'ap„ plaudir , pafce que je n'avois plus celle de ,, rintéreffer.
6 Décembre 1779. Beaucoup de curieux se disposent à se rendre au parlement de Rouen pour y entendre M. d'Eprémesnil, conseiller du parlement de Paris, qui doit y plaider lui-même - en faveur de M. Leyrit, son oncle inculpé dans l'affaire de M. de Lally , contre M. de Tollendal , fils de ce dernier & devant repliquer aussi lui-même.
6 Décembre. La Reine a beaucoup plaisanté l'ambassadeur de Naples sur les difg/aces que les bouffons ont éprouvé de la part du public, & il paroit qu'on fera obligé de les renvoyer : ils n'ont pas osé remonter depuis.
7 Décembre. On court avec empressement à un ouvrage nouveau, dont le titre est impo.
sant & propre à exciter la curiosité des letteujfc
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Ce font , Mémoires de M. le Comte de Saint Germain, Afiniftre & Secretaire d'Etat de la Guerre , Lieutenant général des Armées de France , Feld-Maréchal au service de S. M. le Roi de Dannemarck , Chevalier Commandeur de l'Ordre de tEléphant, écrits par lui-méme.
Le petit nombre de colporteurs qui ressent, & les vexations les plus fréquentes & plus vives qu'ils éprouvent, permettent difficilement de se procurer cet écrit clandestin , quoiqu'il pasoisse depuis plusieurs mois.
Si l'on en croit l'éditeur, ces mémoires trèsintéressans par leur objet & par la célébrité de leur auteur, ne [ont pas de ces productions de pure imagination, tels que les testamens politiques de différens grands Ministres; on ne peut douter qu'ils ne (oient le fruit des réflexions de M. le comte de Saint Germain pendant sa retraite, puifqu'il n'y a pas un mot dans les papiers dont on les a extraits qui ne foit de sa main. D'ailleurs, les mémoires militaires qui en forment la féconde partie, avoient été envoyés avant son exaltation , au maréchal du Muy & au comte de Maurepas ; il est aisé de les compter.
Ce Ministre avoit confervé une liaison intime avec un homme de qualité d'Allemagne , parent de Madame la comtesse de Saint Germain, qui jouissoit à un tel degré de sa confiance & de son amitié, que dans toutes les situations où il s'est trouvé, il lui a constamment ouvert son ame. M. de St. Germain, dès qu'il s'est vu en danger de mourir, a rassemblé tous ses papiers, ou projets d'administration & les lui a envoyés, avec la liberté d'en faire , après son décès, tel
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usage qu'il croiroit utile à sa réputation. C'est ■ ce dépositaire qui les a remis à l'éditeur; il a refusé de livrer la correspondance de son ami avec M. de Crémille, pour que cette publicité ne compromît personne. Par la même raison, il n'a pas voulu qu'on inférât dans le recueil les conditions prescrites au comte de Saint Germain, lorsqu'il fut appelé au ministere, ni les lettres de Louis XVI. Malgré tous ces dé..
t tails, on a beaucoup de peine à croire que la ! rédaétion de ces mémoires , quoique imparfaite I encore , foit du ministre auquel on les attribue; t il y a une marche & un fiyle, qui ne s'accor; dent gueres avec ce qu'on a vu composé p.ar lui avant & depuis son élévation.
8 Décembre 1779. La lettre de MM. les A gens i généraux du clergé à M. l'archevêque de Tours" * a été arguée en effet par arrêt du conseil du 27 novembre. Il est appuyé sur ce que dans cet i. imprimé l'on donne à celui du 2 octobre dernier une interprétation & des motifs opposes aux ï intentions du Roi, & que l'on attrbue aux magistrats qui on rendu l'arrêt du 4 septembre y un dessein de détruire la jurifdiétion épiscopale, t dont ils ne purent jamais être soupçonnés En * conséquence, ladite lettre est supprimée, comme contenant des assertions inexactes, contraires - àla volonté de S. M. & d'ailleurs, pour mainte:nir le refpeét dû à ses cours.
Les prélats pacifiques font furieux contre l'abbé de la Rochefoucault, le premier des deux agens,boute.feu qui vient d'attirer à l'ordre .épiscopal cette petite mortification.
.; 8 Décembre. LaJJbnne , ou la Séance de la Société Royale de Médecine. Tel est le titïtj
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d'une comédie nouvelle en trois ads en vers; C'est encore une facétie sur la querelle élevée entre les facultaires & les sociétaires. On allure que cette production est toujours due à la plume inépuisable en méchancetés du doéteur le Preux.
9 Décembre 1779. M. de Champcenes est forti du château de Ham & rentré en grace plutôt qu'on ne comptoit : lesentrailles paterneHes se font émues, & ce jeune officier aux gardes a paru hier au concert spirituel.
9 Décembre. Quoique le public ait témoigné son dégoût très-marqué des bouffons ; quoique la Reine les déteste ; quoique le Roi dit à l'occasson des huées qu'ils ont reçues : „ ma foi, a, cela ne me surprend pas ; si j'avois été au 5, parterre de l'opera,) j'aurois aussi cabalé 3, contr'eux, car je ne fais rien de si insipide 3, que des bouffons qui ne savent pas faire rire", on cherche à les garder , & l'on parle d'un autre arrangement, suivant lequel ils feroient .incorporés à la troupe des comédiens italiens.
10 Décembre. On parle beaucoup d'une brochure nouvelle, intitulée les Jammabos, ou les moines Japonoîs. C'est une tragédie, qui concerne la destruction des Jésuites , mais regardée plus du côté de la politique que de la religion. L'ouvrage est en vers : on n'en peut parler encore que sur rapport. L'auteur .en .a fait parvenir à toutes les personnes en place des exemplaires magnifiquement reliés ; ce qiii annonce qu'il, ne craint point d'être connu à un certain point ? cependant on ne le nommé pas.
10 Décembre. M. de Ja Cardonme s'est -plaint que son fecond ac ^étoit pas comporté
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loyalement dans le duel qu'ils ont eu : qu'après L lui avoir caffé son épée, ce traître s'étoit porté sur lui sans défense pour le poignarder avec la sienne ; mais qu'il avoit heureusement éludé le coup & empoigné la lame de côté & tellement contourné qu'il la lui avoit aussi rompu; que désespéré de n'avoir pu commettre son jaffafïînat , son adversaire avoit eu recours aux f coups de poing & à toutes les ressources de la ! brutalité, & qu'il n'avoit cessé cette lutte ignoble qu'envoyant venir du monde. C'est à l'occasion de ces griefs sur-tout, que l'affaire est portée | au tribunal des maréchaux de France.
io Décembre 1779. Ilparoîtenfin un Mémoire t à consulter & Consultationpour le Sr. Parent, President en la Cour des Monnoies , qui jette 1, un grand jour sur cette incroyable affaire. Il en résulte que ta Dame Roger lui a véritableï ment escroqué plus d'un million d'acquisitions t, faites des deniers de ce premier commis fous | le nom de cette femme ; que loin qu'il y ait une fc collusion infâme entr'elle & lui pour en frustrer ses créanciers , il exhorte ceux - ci à s'unir à lui &à poursuivre cette receleuse infidelle. La confultatiom en date du 10 novembre, signée de Courbeville, le jufiifie & donne les moyens de parvenir à la vérité, ainsi qu'à- faire rendre gorge à la Dame Roger. Il fuit de ce mémoire, qu'afin de ne pas paffer pour un fripon, M.
Parent s'avoue un sot.
II Décembre. La comédie contre la société royale est une piece sans art, sans goût, sans intrigue, sans femme & sans actions; c'est une fuite de scenes en dialogues où l'on a fait revenir toutes les anecdotes méchantes deja répan.
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dues dans les libelles précédens. Il y a sur la totalité des vers très heureux; mais en général, ils font très-mauvais & très-plats. Cet ouvrage, qui ne peut avoir un peu de sel que pour les doéteurs intéressés à la querelle, ne vaut pas la peine qu'on en parle plus au long. On ne peut se persuader qu'il foit en effet du doéteur le Preux.
II Décembre 1779. Extrait d'une lettre de Brest du 6 décembre. „ En continuant mes recherches sur ce qu'il falloit penser de la campagne de M. d'Orvilliers, j'ai éclairci une anecdote qui y jette un grand jour. Vous vous fouvenez qu'on a beaucoup parlé d'un étranger myjftérieux, ou même de plusieurs qui s'étoient embarqués à son bord ; de ce nombre étoit un M. de Parades, Espagnol d'origine : il a été obligé de s'expatrier de bonne heure, il a beaucoup voyagé, il parle toutes les langues de l'Europe avec la plus grande facilité; il paroît que c'est un espion d'importance qui se vend à la cour qui le paie le mieux. Il a eu de très - grandes liaisons avec le cabinet de St.
James, il s'étoit embarqué comme volontaire dans l'escadre de l'amiral Keppel. Depuis pasle en France, il est allé avec un ingénieur françois lever les plsns dont il a été question dans le tems pour la descente. M. de Sartine a été si content de sa découverte & des renfeignemens qu'il lui a donnés, qu'il l'a fait embarquer avec M. d'Orvilliers & que ce général avoit ordre, dès qu'il feroit entré dans la Manche, de ne rien faire que fous la direttion de ce mentor de vingt - quatre ans; car M. de Parades n'a pas davantage. Vous jugez combien cet airer.
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viflement a dû mécontenter le général; d'autant que l'aventurier en question est en même tems très-instruit & très-crâne , & qu'il s'exprimoit avec une discrétion extrême, & tantôt exaltoit les manœuvres de M. d'Orviltiers, tantôt l'accusoit d'indolence & d'ineptie. Vingt fois M.
d'Aubeterre a été à la veille de le faire arrêter à Brest, mais n'a osé. Quoi qu'il en foit, il étoit impossible qu'avec le génie du corps de la marine royale une entreprise dirigée fous de semblables auspices pût réussir.
12 Décembre 1779. Des députés du commerce de la ville de Lyon envoyés ici ont fait des représensations sur le dépérissement des manufactures, depuis que leurs Majeités ne donnoient point l'exemple des vètemens riches, & en or , & argent. Le Roi y a eu égard; en conséquence la Reine a défendu qu'on parût devant elle en polonoife, & il a été commandé des étoffes en or & argent pour la cour. On ne doute pas que cet exemple ne ranime le goût de ce genre de j magnificence , auquel avoit succédé celui des: étoffes simples & unies.
< 12 Décembre. L'académie royale de peinture , &c. vient de perdre M. Chardin , peintre du Roi, conseiller & ancien trésorier de cette compagnie : il étoit membre aussi de l'académie des sciences , belles-lettres & arts de Rouen* -Cet artiste excellent dans les petits sujets , avoit toujours été goûté du public, & quoique vieux il ne manquoit pas de payer son tribut ;à chaque sallon ; cette année encore il avoit exposé des têtes d'un excellent caraétere & :pleines de vigueur.
12 Décembre. On a fait hier une répétition de t
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YAmadis des Gaules de M. Bach : quoiqu'on doive en donner la premiere représentation mardi, elle a été très-mal exécutée, & les aéteurs n'ont pas semblé bien au fait de leurs rôles. A en juger par cette représentation imparfaite , il n'y a aucun coup de force , aucun morceau de génie, mais unemufique agréable, d'un excellent goût ,-.f<. sentant l'homme qui possede le talent de la bien fondre : du reste, beaucoup de danse & des airs de balets delicieux ; ce qui doit plaire au gros des-fpedtateurs avides de cette partie & regrettant qu'elle ait été trop négligée du chevalier Gluck. C'est un frere de M. de Vismes qui a rajusté le poëme de Quinault & l'a réduit à trois actes , & l'on juge que l'ancien auteur n'a pas dû gagner à cette refonte.13 Décembre 1779. M. l'abbé de la Porte se meurt d'une phtisie pulmonaire. On prétend que cet individu formétrès-chétif parla nature, s'est épuisé pour finir ses deux derniers volumes du Voyageur François , le seul de ses ouvrages qui pourra lui conserver quelque réputation : ce qui fait présumer qu'il est hors d'espérance, c'eil qu'il a fait appeler un confesseur, a reçu le viatique , s'est reconcilié avec ses ennemis & a abjuré ce qu'il pourroit y avoir de condamnable dans ses œuvres.
i ; De'cembre, Un M. le Roi, frere des le Roi très-connus dans les sciences, médecin de , Montpellier, que sa réputation avoit attiré à Paris depuis quelques années , vient de mourir de consomption. Son mérite l'avoit fait recevoir de la faculté, & son ambition paIrer à la societé royale de médecine.
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13 Décembrt. M. le comte de Saint Germain dans ses mémoires, rend compte d'abord de son administration , des contradictions qu'il eut à éprouver lorsqu'il voulut exécuter son plan , & il ne dissimule pas sa faute de l'avoir laisse morceler. Suivant lui cependant, par la comparaison qu'il fait de l'état militaire de France en 177 S, non compris l'artillerie, la maison de S. M. à cheval & les régimens des gardes françosses & suisses, avec la nouvelle constitution , celle-ci est encore la meilleure & la plus avan.
tageufe.
A la mort du maréchal du Muy, le Roi avoit 1277IS hommes , dont 25952 de cavalerie, mais dont il n'y en avoit que 18 ? 28 de montés ; & à la retraite du comte de Saint Germain, ce nombre étoit de 147236 hommes, dont 26660 de cavalerie , desquels il' y a 18410 qui font montés : donc l'augmentation étoit alors de 19521 hommes & de 72 chevaux.
Il y avoit dans l'ancienne constitution 24Z débouchés de colonels , il y en a dans la nouvelle 309 : ils font donc accrus de 67 places.
Il fait valoir avec raison l'avantage de la proscription de la peine de mort pour les déserteurs, & d'avoir trouvé dans son économie le moyen de donner une augmentation d'appointemens aux officiers & une augmentation de solde aux cavaliers , dragons, hussards & soldats : il a en outre éteint les dettes de ses prédécesseurs ; il n'étoit pas dû un fol dans son département à sa retraite, & il avoit près de six millions dans les caisses des trésoriers.
Suivent ses projets, ses mémoires militaires, &
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tnfin quelques lettres d'un officier général à ce ministre & ses réponses. On voit par - tout que M. de Saint Germain connoififoit parfaitement son métier; qu'il avoit (^ excellentes vues, mais encore plus de foiblefife: & il est une preuve nouvelle que ce n'est pas à soixante-huit ans, âge auquel il étoit parvenu lors de sa nomination , qu'on peut opérer une révolution quelconque , & surtout extirper les maux d'un état corrompu & reparer ses desordres.
13 Décembre 1779. Il paroît un nouveau factum du Sr. le Bel, où l'on affure que M. Bastard est encore inculpé plus diredlement & mal mené avec plus de force.
14 Décembre. Au concert spirituel du mercredi 8 de. ce mois , il a débuté deux virtuoses dans un genre différent. La Dlle. Stekler , jeune personne qui entre à peine dans sa treizième année, a exécuté un concerto de harpe au grand étonnement de tous les fpedateurs : 'elle posséde cet instrument de maniere à n'être arrêtée par aucune difficulté : l'accord de ses mains , la netteté & le brillant de ses trils , la fûreté & lahardieffe de son jeu , auroient exigé feulement une composition moins savante , moins dure , moins longue & une meilleure harpe. En général , ce n'est pas un instrument propre à briller dans un aussi vaste vaisseau.
1 M. Ozi a joué un concerto de basson : sa maniere est libre & décidée ; la belle qualité de ses fons sur un instrument aussi ingrat & la justesse parfaite de son intonation l'ont fait placer par les connoisseurs au rang des meilleurs artistes.
Enfin madame Todi a reparu & produit l'en.
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•' thoufiafme qu'elle excite toujours. Cette chat* S mante italienne chante avec l'aisance dont une C autre parle ; elle surmonte sans effort & avec L grace les plus grandes difficultés : elle fera à jamais le modele & le désespoir de celles qui la suivront.
14 Décembre 1779. Il y a un pere Romain Capucin , auteur qui avoit critiqué durement l'abbé de la Porte ; c'est lui précisément que le mourant a choisi pour son confesseur & ce qui prouve combien il l'aime & est véritablement converti c'est qu'il lui a dit : Mon pere , j'ai 55 grand besoin de vos consolations dans ces ,, derniers momens ; je vous prie de me les ,3 donner le plus que vous pourrez , de me ve33 nir voir souvent : le mauvais tems ou l'éloi33 gnement ne doivent pas vous arrêter ; pre33 nez des voitures & je vous les payerai
Un pareil excès de générosité de la part de cet abbé très-ladre surprend tous ceux qui le connoiffen t.
Du reste , il a envoyé chercher l'abbé de Fontenai , auteur des Affiches de Province, ex-jésuite comme lui, mais avec lequel il n'avoit pgs moins eu des querelles vives. Il lui 9.
dit, en lui tendant la main : Jésus-Christ a par53 donné à ses ennemis, mon cher confrere ; 3, j'espere que vous me pardo increz „. Il a :fait dire à Mde. Fréron , à son fils, & à toute :sa famille , qu'il se répentoit de la haine qu'il lavoit eu pour le pere & qu'il les prioit de tout oublier : autant au poëte d'Arnaud : enfin c'est au prône qu'il a chargé le curé de St. André • des arts, sa paroisse, de publier son défavey» ide ce que ses ouvrages pouvoient avoir -dc
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contraire , foit à la religion , foit aux mœurs, foit à la charité chrétienne.
15 Décembre 1779. La cour de Londres, dans le Mémoire justificatif pour fervlr de réponje à Fexpofé des griefs de la Cour de France , a fait l'honneur au Sr. de Beaumarchais de le nommer , comme un des agens les plus cupides , les plus actifs & les plus intriguans du commerce de France avec les colonies révoltées , occupé sans relache à leur porter non-seulement des marchandises , mais des munitions de guerre , des armes & des officiers. Cet avanturier , qui aime à faire parler de lui , est parti de-là pour intenter un proces au Roi d'Angleterre & répandre son faëlum contre cette Majesté , fous le titre d'Obftrvations sur le Mémoire jujïificatif de la Cour de Londres , par Pierre Augujiin Baron de Beaumarchais, armateur & citoyen Frahçois; dédiées à la patrie; avec cette épigraphe : fcici t indignatio versum.
On est surpris que le gouvernement lui eut permis de répandre cet écrit très - indécent , non-seulement contre le vicomte de Stormont, mais encore injurieux aux ministres de France, en ce qu'à force de vouloir exagérer leur bonhommie , il les peint d'abord comme des benêts, ignorant ce qui se paffe dans les ports, dont ils n'étoient avertis que par l'ambassadeur d'Angleterre , ensuite comme des fourbes bas, qui par une collusion honteuse avec les contrebandiers fermoient les yeux sur l'infradtion aux défenses qu'ils avoient signifiées , & enfia comme des politiques mal-adroits , qui , prévenus de nouveau par cet étranger, laissoient
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impuni cet attentat à leur autorité & au droit des gens , & avouoient indirectement ainsi la même perfidie dont il cherche à les défendre.
Par ces conséquences , à tirer inévitablement de l'écrit du Sr. de Beaumarchais , on juge combien sa logique y est en défaut : son style n'est pas moins vicieux , il est pesant, entor.
tillé , sans noblesse. On voit, au reste , que l'auteur n'est pas dans son élément en traitant une si grande matiere ; il frise perpétuellement le quolibet & le calembour ; c'est un fcapiri forti de son sac , qu'il faut y faire rentrer.
16 Décembre 1779. Le Sr. le Bel, dans sa nouvelle requête au parlement , la grande chambre assemblée , ,établit en effet mieux que jamais.
1°. Que les falsifications qu'on lui impute , ne font que des corrections.
2°. Qu'elles ont été ordonnées par M. le chancelier'du comte d'Artois (M. Bastard).
30. Que ce magistrat en a touché le produit.
4*. Qu'on ne peut à cet égard lui opposer l'invraisemblance d'un fait constaté par des pieces liées entr'elles , de maniere à former le corps de preuves les plus lumineuses.
Il demande en conséquence sa liberté provisoire , fous les réserves expresses de se pourvoir par le fupplrçmt contre les dénonciateurs , ainsi qu'il appartiendra.
16 Déceriïbre. La Reine, Madame, madame la comtesse d'Artois & madame Elisabeth ont honoré avant-hier de leur présence le fpedacle de l'opéra. On y donnoit la première représentation d'Amadis des Gaules : il n'a pas produit plus d'effet qu'à la répétition du CgtÍ
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Ses grands mouvemens & de l'énergie de l'expression musicale ; maïs on n'a pu s'empêcher d'en goûter la mélodie légere & continue, le chant tendre & facile ; l'andante de l'ouverture a surtout été fort applaudie , ainsi que plusieurs airs de ballet. Quant au pcëme , on l'a trouvé étrangement mutilé. Le rédaéteur, sans se donner beaucoup de peine, en a tout bonnement retranché non-seulement le prologue , mais le premier acte & le cinquième; c'est comme si , jugeant les proportions d'une statue trop forte , on lui coupoit la tête & les pieds. Voilà une nouvelle façon de raccourcir , dont on ne s'étoit pas douté jusqu'à présent, une découverte rare , bien digne de l'invention du Sr. Alphonse de Vismes.
17 Décembre 1779. Le mariage de la veuve de Jean-Jacques Rousseau eit très-vrai, & M. le marquis de Girardin a expulsé de chez lui cette femme , à laquelle il avoit confervé la retraite donnée à son mari.
17 Décembre. La faculté de médecine , toujours contrariée par sa rivale plus puissante, n'avoit pu tenir sa séance publique à la même époque de l'année derniere. Elle a vaincu enfin les obstacles qu'y mettoit la société royale , & cette séance a eu lieu le 9 de ce mois dans les écoles extérieures de Sorbonne.
Ce qui a frappé le plus dans cette circonstance, ç'a été le discours du nouveau doyen, M. le Vacher de la Feutrie , contenant un exposé de l'état où est réduite actuellement la faculté : il est si déplorable , que faute de lieu , elle se trouve dans l'impossibilité de faire aucua de ses exercices, foit de son enfeigne-
ment
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ment , foit de sa licence. Cet exposé , quoique fuccinét, a soulevé l'indignation de toute l'assemblée.
On a , du reste , goûté l'éloge de feu M. de Jussieu par M. le Preux ; l'année derniere il avoit déja prononcé celui de M. Bernard & a pris pour celui-ci une maniéré toute différente : la' premiere étoit brillante , la féconde beaucoup plus austere.
M. Defeffarts, l'ex. doyen, a prononcé ceux ides docteurs Hazon & Michel & a recu des.
applaudissemens mérités.
Le surplus de la séance a été rempli par des mémoires scientifiques.
17 Décembre 1779. C'est à M. Fenouillot de Falbaire, baron de Kingé aujourd'hui , qu'on attribue la tragédie des Jammabos , ou les moines Japonois.
18 Décembre. L'académie franqoife a enfin iclu jeudi 16 M. Chabanon pour remplacer.
M. de Foncemagne : elle a différé quelque items son assemblée à cet effet & remué beaucoup dans l'espoir de faire faire le service de Voltaire avant celui du confrere dernier mort; mais cette tentative n'a pas réussi.
18 Décembre. Les Jammabos ou les moi..
mes Japonois, font une tragédie en cinq aétes )& en vers , avec cette épigraphe, qui est la tréponfe du général des jésuites , lorsque le gouvernement lui proposa la réforme de l'ordre : Jint utfunt, aut llonjint, dit-il ; & respondit iterra, nonjint, ajoute l'auteur.
Il dédie l'ouvrage aux mânes d'Henri IV , ttournure adroite pour se concilier le trône en annonçant son but fous son vrai point de vue.
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celui d'attaquer feulement la fllperflition, 1' fanatisme & l'intolérance : du reile , on voit clairement que la deftruétion des jésuites eit la grande catastrophe qu'il a voulu peindre dans ce tableau dramatique. Il a eu l'art d'y, râfifembler les traits principaux des horreurs reprochées à cet ordre fameux , consignées dans l'histoire , & de les faire servir de bafe , de nœud & d'intrigue à sa piece. Sans doute , on pouvoit y mettre plus d'art , y jetter plus d'intérêt & l'enrichir de moyens mieux combi.
nés , de plus beaux développemens ; mais son plan tel qu'il foit, excite au moins la curiosité & elle le soutient jusqu'au bout. Il est fâcheux encore qu'une poésie brillante n'y répondç pas à la grandeur du sujet ; elle est lâche , traînante , prosaïque & trop semblable à celle de l'honnête criminel pour pouvoir méconnoître la main de l'écrivain , sur lequel on n'a plus d'incertitude. Il y a cependant des vers de génie & qui se retiennent. - Dans les notes qui suivent , Fauteur se met encore mieux à , couvert des reproches d'irréligion ou d'irrévérences pour le elergé : il fait l'éloge de plusieurs prélats , &• exalte leurs vertus , leur zèle & leur patriotisme ; il désigne non moins avantageufenient *n© £ minières , dont il capte la bienveillance & mérite ainsi la' protedion : M. Necker est surtout cité & divinisé.
Point de perfonalités enfin, que contre l'abbe^
de Fontenay , auteur des Petites affiches dis Province, 'qu'il traite avec une dureté qu'on fent être le résultat d'un amour-propre tlès ulcéré contre la critique. '•
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Cet ouvrage estimable , auquel on ne peut reprocher que trop de violence , caradtere diftinétif d'une atne fortement émue des maux que les prêtres ont causé à l'humanité , est trèspropre à lui mériter un rang parmi les philosophes du jour : il s'en montre le digne imitateur & l'enthousiaste ; il les nomme comme des coryphées , & l'on croit entrevoir qu'il se ménage d'avance leurs suffrages pour s'ouvrir à la premiere occasion les portes de l'acadcmie ; car c'est surtout ceux de cette compagnie auxquels il adresse ses hommages & son encens 18 Décembre 1779. M. Barbeu Dubourg" doéteur de la faculté de médecine de Paris, vient de mourir : après avoir déclamé beaucoup contre la formation de la société royale , il s'en étoit rapproché & venoit de s'y agréger , c'est-à-dire de se deshonorer sur le bord de sa tombe. Du reste, c'étoit un homme de lettres, qui a beaucoup écrit sur les matieres médicales & sur d'autres objets.
19 Décembre. De r adminifiration provinciale & de la réforme de l'impôt; tel efb.
le titre exaét du gros in-40. annoncé , ayant 661 page6. Il paroît imprimé à Basle & est précédé d'un avertissement de M. Hirzel , pasteur à Zurich , éditeur. On y apprend comment cet étranger est parvenu à avoir en janvier 1779 le manuscrit , qu'il avoit d'abord intention d'inférer par morceaux dans les Ephémérides de l'humanité, nouveau journal qui circule dans toute l'Allemagne & qui contient le dépôt des connoissances morales & politiques ; mais il a vu qu'un des principaux mérités de cet ouvrage étant de former un
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ensemble parfaitement lié dans tous Ces points, il perdroit trop à paroitre en détail. C'est ce qui a déterminé l'éditeur à le publier en entier.
Suit une préface de l'auteur , où il rend compte à son tour de ses intentions , de ses vues & de la formation de cet ouvrage, qui d'abord ne devoit être qu'un simple mémoire, & grossi insensiblement est devenu un billot énorme. Du reste , il se flatte de n'avoir pas enfanté des chimeres , ainsi que tant d'autres spéculateurs. La réforme qu'il propose, s'exécute aétueUement avec le plus grand succès en Toscane , où elle est presque terminée & dans les états de son altesse sérénissime monseigneur le margrave régnant de Bade.
Outre les raisons qu'on a données pour croire que l'ouvrage est terminé , imprimé & se distribue fous les auspices de M. Necker, c'est qu'on y trouve parfaitement ses principes.
1°. On suppose la suppression des impôts de la France & les moyens de remplacement.
2°. La réforme de la taille & l'établissement d'un impôt réel & proportionnel au revenu.
5°. L'administration provinciale est le moyen çffentiel pour parvenir à ce but. ,
C'est M. le Trône , grand économiste & çonnu par divers écrits sur la science , un des (joopérateurs du livre, qui en est décidément le prête-nom. Après avoir excité la curiosité du public par une distribution d'exemplaires gratuite adroitement faite , on commence à se resserrer & l'on le vend , mais toujours clandestinement & cher, afin d'entretenir le goût des amateurs & l'empressement des gens avides des nouveautés.
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19 Décembre 1779. On a enfin hazardé de remontrer les bouffons au public : ils ont joué jeudi la Frafcatana , mais feule & sans autre piece ou ballet. Ils ont été reçus avec des transports de joie par leurs amateurs , qui s'étoient rafleinblés & ne formoient malheureusement qu'un très-petit auditoire.
20 Décembre. M. le prince de Condé ayant obligé M. d'Agou , l'un de ses ofifciers, de lui -donner sa démission pour mauvais propos tenus contre une femme de sa cour, celui-ci s'est trouvé offensé de cette expulsion & en a demandé fatisfavftion à son Altesse. Ils se font battus samedi matin de très-bonne heure eu chemise , en présence de témoins. Le princh de Condé a été légèrement blessé au bras , il s'est fait pan fer & est parti sur le champ pour Versailles , afin de demander la grâce du coupable. On ne peut concevoir cette extravagance de M. d'Agou & l'on la met sur le compte d'une jalousie effrénée. On admire fort Je prince, qui auroit pu ne pas accepter ; mais c'eil surtout sa générosité qui lui concilie les suffrages.
21 Décembre. L'ouvrage de M. le Trône est si immense , qu'on ne peut suivre l'auteur dans tous les détails de son systême : en voici les points principaux.
1°. Des principes de l'impôt en général, des effets de l'impôt indireét sur le revenu territo:rial & sur le revenu public , & du préjudice iqu'il porte au souverain & à la nation.
2°. De la nécessité de la réforme de l'impôt >& des obstacles qui s'y rencontrent.
3°. Des impôts de la ferme générale & de
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ce que coûtent, tant directement qu'indircac.
ment, les principaux d'entr'eux.
4°. Des moyens de remplacer le produit des : impôts par la ferme générale & des autres im- pôts de même nature.
So. De la forme d'une administration pro-
vinciale.
6°. De la maniere d'asseoir d'abord les impôts de remplacement.
7°. De l'établissement de l'impôt réel.
8°. De la perception de l'impôt; des moyens de conserver l'ordre établi dans son assiette ; de la maniéré de tenir les régistres , &c. Réponses aux diverses objections contre le plan propose.
9°. De plusieurs opérations concomitantes & fubféqu entes à la réforme.
10°. Fixation de la dépense publique : distribution de la dette entre les provinces , de la maniéré d'asseoir 'l'impôt après l'estimation de la dette ; de la comptabilité.
11°. 'Enfin des différens services qu'on peut tirer de l'administration provinciale.
A la fuite de ce vaste traité est une DiJJertation sur la féodalité dans laquelle on discute son origine, son état actuel , les inconvéniens & les moyens de les supprimer.
On se rappelle la tempête qu'a excité contre son auteur fous M. Turgot un ouvrage semblable, dont le parlement fut allàrmé singuliérement : c'est vraisemblablement une nouvelle cause du mystere avec lequel le gros livre dont il s'agit, se distribue. M. le Trône est dans les mêmes principes que l'autre écri-
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vain & ne veut pas essuyer les mêmes persécutions.
21 Décembre 1779. Il paroit que la derniere requête du Sr. le Bel, dont on a parlé, a fait effet sur les magistrats ; car M.'Bastard a été décrété d'assigné pour être ouï la semaine derniere. Quelque léger que foit ce décret , qui ne l'a pas empêché de siéger au cojifeil des parties lundi , il est remarquable vis-à-vis d'un conseiller d'état. On se rappelle que celui-ci , ancien premier président du parlement de Toulouse, étoit fort mal avec sa compagnie , qui disoit ne vouloir ni de Bâtard ni de Bafiard; on se rappelle que depuis membre du conseil il est devenu un des agens du chancelier les plus ardens pour la deftruétion des cours : toutes ces raisons ne peuvent le rendre que trèsdésagréable au parlement de Paris , où est Il'arfaire.
f 21 Décembre. M. Chardin, dont on a annoncé la perte , étoit dans sa 8 te. année quand il a expiré. Sa fin a été le foir d'un beau jour. Il étoit dans les principes de Roufseau , qu'un moribond doit chercher à ne point effrayer les fpeélateurs par un extérieur triste & dégoûtant ; durant sa derniere maladie il n'a cessé de se faire raser à l'ordinaire.
; Au sallon dernier il avoit exposé un Jacquet.
madame Viétoire en fut si contente qu'elle lui fit remettre pour témoignage par le comte d'Affry une boëte d'or : ç'a été son dernier ou.
vrage : depuis cinquante-un ans qu'il étoit reçu de l'académie il avoit toujours travaillé & toujours plu au public.
Il étoit doué d'un talent exquis pour la cou-
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leur. La plupart des sujets de la vie privée qu'il a traités , font connus par les gravures ; plusieurs font chez le Roi , dans les cabinets du roi de Suede & de l'impératrice des Russies. Ils ont l'avantage de se soutenir contre toutes les écoles , même pour la couleur.
Il n'avoit point de maniere ; il disoit, onse fert pour peindre de la main & des couleurs; mais ce rieji point avec les couleurs & la main que l'on peint.
M. Renou , plus poëte que peintre , étoit un de ses élèves & a payé à la mémoire de ce maître dans le Journal de Paris le tribut de reconnoissance qu'il lui devoit.
22 Décembre 1779. L'abbé de la Forte , dont on a annoncé la fin prochaine, vient de mourir : il avoit environ soixante ans ; il étoit né à Bedfort dans la haute AIrace & avoit paffe la plus grande partie de sa jeunette chez les jésuites : forti de cet ordre , il étoit devenu collaborateur de Fréron , s'étoit brouillé avec lui , & avoit élevé autel contre autel par son Obfervc.
teur littéraire, ouvrage périodique qui ne put durer longtems. C'étoit un compilateur infatigable, & il a gagné ainsi plus d'argent que de gloire, dont il ne se foucioit guere. Ses principales colleaions font un recueil volumineux de Contes £ s? de Nouvelles, un Diélionnaire des Théâtres, une Ecole de littérature , la Bibliothèque d'un homme de goût, &c. Sans compter des almanachs & des dictionnaires de toute espece , des Esprits, &c. &c.
22 Décembre. Les ducs de Choifeuil & de Praslin ont été indignés des Observations du Sr. de Beaumarchais , en ce qu'il qualifie
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la ;derniere paix des expressions les plus outrageantes pour ceux qui en étoient les auteurs, & qu'il ose avancer que par une stipulation secrette l'Angleterre avoit limité le nombre des vaisseaux que la France pourroit entretenir ; en conséquence ils en ont porté des plaintes au comte de Vergennes. Ce minifire en a rendu compte au conseil dimanche & il est intervenu arrêt qui @ le supprime , mais n'inflige aucune peine à l'écrivain connu ; ce qui est fort furprenant & confirme le bruit que , malgré son impudence, il n'auroit pas osé publier un tel libelle sans en avoir donné communication aux mini lires.
23 Décembre 1779. La derniere séance tenue à l'académie françoise concernant le service de M. de Voltaire, est très-curieuse & mérite des, plus amples détails. Il s'y trou voit trois prélats , dont les avis étoient attendus avec impatience : c'étoient le cardinal de RohanGuemenée , grand aumônier , l'archevêque de Lyon & l'archevêque d'Aix. On pouffa vive..
ment le premier & l'on lui représenta qu'en qualité de grand aumônier & de premier curé des diverses maisons royales, il pouvoit lever toutes les difficultés , en demandant au Roi à faire faire ce service dans la chapelle du Lo- vre , lieu le plus convenable pour une pareil cérémonie ; il répondit qu'il le pensoit aussi & qu'il y prêteroit volontiers les mains , quand le service auroit été fait à St. Sulpice , paroisse sur laquelle est mort le défunt.
M. de Montazet s'en tira plus adroitement; encore , & dit que vu la scission qu'occanonnoif dans l'église le service de M. de Voltaire , il
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pourroit se faire qu'il en résultât contestation j qu'ayant l'honneur d'être primat des Gaules , cette contestation pourroit ressortir à son tribunal & qu'alors il étoit de son intégrité de ne pas s'expliquer.
Enfin l'archevêque d'Aix ne s'en tira pas moins finement, & opina pour réformer l'usage de faire faire un service à chaque académicien ; mais pour en établir un à perpétuité qui engloberoit indifiinétement tous les morts de la compagnie.
Cet avis qui sauvoit l'honneur de Voltaire & celui de l'académie, entraîna tous les suffrages.
Le marquis de Paulmy seul différa d'opinion, [il est goguenard] & prétendit qu'il ne s'étoit fait recevoir que dans l'espoir d'avoir un service pour lui seul , qu'il ne confentiroit jamais à l'innovation adoptée.
Cependant l'arrêté fut formé & l'on convint que les députés chargés d'aller annoncer au Roi la nomination de M. de Chabanon & lui en demander l'approbation , lui feroient part du nouvel arrangement fous le bon plaisir de S. M.
Le Roi a répondu qu'il approuvoit le choix de l'Académie , mais qu'il falloit à l'égard de la féconde demande que les choses se passassent comme ci-devant; ce qui rejette la compagnie dans le même embarras.
23 Décembre 1779. Annoncer une piece nouvelle aux Italiens , c'est y annoncer une chute: c'est ce qui vient d'arriver à une comédie en un aéte en vers, intitulée : le Lord ânglois & le Chevalier François. La féconde représentation , malgré sa réprobation générale, est cependant annoncée pour dimanche.
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24 Décembre 1779. On ne peut encore rien statuer depofitif sur le duel du Prince de Condé avec M. d'Agou, c'est-à-dire sur la maniéré dont il s'est engagé. On fait feulement que Madame de Courtebonne , attachée à Madame la Duchesse de Bourbon, dont M. d'Agou étoit fort amoureux & aimée du Prince ensuite , en a été le sujet ; que le premier a tenu des propos outrageans sur le compte de cette Dame & a prétendu avoir lieu de les tenir : que S. A. les a trouvé mauvais & en a témoigné son mécontentement en termes peu mesurés à cet officier.
mais, quels étoient ces termes ? mériroient-ils qu'il s'oubliât au point d'en demander raison à son maître, auquel il venoit de remettre fadémillion de capitaine de ses gardes ? C'est ce qu'il est impossible de fixer. Il est feulement à préfumer qu'on ne se porte pas à une démarche de cette conséquence & dont les fuites ne peuvent être que très-funestes , sans le préjugé impérieux de l'honneur , ou sans l'impulsion violente d'une jalousie aveugle.
On ne fait rien de plus certain sur l'action même : on convient feulement qu'il avoit pour témoin son frere , officier des Gardes-du-corpt, qui, de plus de fang-froid que le combattant, n'auroit pas accepté ce rôle s'il n'eût cru l'honneur de sa famille intéresse.
On convient encore que malgré la blessure du Prince , l'adversaire de S. A. & son frere non feulement ne se jugerent pas satisfaits en ce moment, mais sur la demande du Prince , sur l'observation de M. d'Autichamp du côté de son Altcffe , afîurantque les Joix de l'honneur n'en exigeaient pas davantage, resterent quel-
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que tems indécis & se firent répéter deux fois la même chose.
En général , sans entrer dans la discussion du fait, toute la haute noblesse est enchantée de l'action de M. d'Agou, qui la metainfi de niveau avec les Princes du fang & rendra ceux-ci plus circonfpeéts.
Au contraire , il y a une grande fermentation entre les Princes , les Ministres & leurs adhérens , intéresses à ce que les inférieurs ne puissent pas demander raison à leurs chefs de leurs mauvais propos ou autres griefs qu'ils pourroient avoir contr'eux. C'est une matiere d'importance qu'on traite aujourd'hui à Verfailles & sur laquelle il n'y a rien de statué, L'agresseur provisoirement est en fuite.
24 Décembre 1779. Le tribunal des Maréchaux de France a prononcé entre M. de la Cardonnie & M. de Schantz , son fecond , à l'occasion de leur combat singulier au bois de Boulogne : le premier a été déclaré homme d'honneur , & le fécond tenu de sortir de France ; défense à lui d'y rentrer. Il est à espérer que ce Suédois , libre déformais de publier le mémoire qu'on lui avoit défendu de faire paroitre , ne trouvant plus d'obstacle , nous le fera parvenir par le secours des presses étrangères.
29 Décembre. La Sorbonne s'occupe toujours de la censure du livre nouveau de M. de Buffon ; mais M. Amelot ayant écrit que S.
M. désiroit qu'on ne prononçât pas définitivement avant d'avoir entendu l'accusé, il se flatte que cette recommandation aura son effet
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& qu'on attendra son retour de Montbar où il.
est allé. ,, Le comité des Docfteurs nommés pour ex1. primer les propositions condamnables , est présidé par M. Asseline , & l'abbé Paillard tient la plume , comme rédacteur.
f 26 Décembre 1779. Tous les passages pour les livres venant de chez l'étranger font tellement obstrués que ce n'est que depuis peu qu'on commence à voir ici les tomes 11 & 12 des Mémoires secrets pour Jervir à ïliiftoire de la République des lettres en France, &c. Ils embrassent feulement l'année 1778 où la ma• tiere a, sans doute , été plus abondante. Ils f semblent d'ailleurs composés avec plus de foin & de recherches encore que les précédens. On y trouve surtout un journal exaét, curieux & , circonstancié du séjour, de la maladie , de la mort de M. de Voltaire & de ses fuites. Ces Mémoires font enrichis en outre de lettres intéressantes sur le sallon de 1777; elles ne sentent nullement l'artiste , mais font d'un amateur éclairé, plein de goût & qui fait féconder & varier une matiere naturellement seche & monotone. Il est fort à désirer qu'on continue à perfectionner ainsi d'année en année cette collection unique dans son genre.
[ Cet article est extrait d'une gazette manufc.
crite , très-accréditée à Paris , dans les provinces & même chez l'étranger. ]
26 Décembre. On voit une lettre du Duc de Choifeuil au Comte de Vergennes , contenant ses plaintes contre le libelle du Sr. de Beaumarchais dont on a parlé. On affure qu'il y en a une aussi du Duc de Prailin & que M. le
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Duc de Nivernois , ministre plénipotentiaire pour la derniere paix , s'est joint à eux. C'est à l'occasion de ces diverses requisitions que le 19 Décembre est intervenu l'arrêt du conseil qui le supprime. La suppression est motivée sur ce qu'il renferme différentes assertions hazardées & qualifications trop peu ménagées ; sur ce que l'auteur auroit établi en fait qu'il existoit dans le traité de paix de 1763 une stipulation , foit publique , foit secrette, qui limiteroit le nombre des vaisseaux que la France pourroit entretenir : assertion aussi fausse qu'absurde ; enfin , sur ce que cet écrit a été publié & répandu en contravention aux réglemens de la Librairie.
On dit que la lettre du Duc de Choifeuil est diffuse & pleine de négligences : on trouve celle de son coufin beaucoup mieux traitée, précise, noble & ferme.
Le singulier de cette anecdote, & qui prouve la légereté & l'inconséquence du ministere , c'est que l'auteur des Observations connu, dont le nom est au titre de l'ouvrage, rappelé dans l'arrêt du Conseil , accusé impLitement de calomnie envers les auteurs du traité de paix, au moins déclaré infraéteur des loix de la Librairie ? ce qui a valu la captivité à tant d'autres , reste libre & impuni : mal-adresse qui ne laiue.aucun lieu de douter que le Sieur de Beaumarchais n'ait été autorisé à publier fou écrit ; c'est un soufflet, dirent les perfiffleurs de cour , que les ministres se donnent sur la joua de ce vilain.
27 Décembre 1779. Un Prince de Carignan , frère de Madame la Princesse de Lamballe ,
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colonel au service de France d'un Régiment de son nom , est devenu amoureux à Saint Malo d'une Demoiselle Magou , niece des Magous renommés dans le commerce & la finance : elle n'est ni riche , ni jolie , mais a de l'esprit & de l'intrigue : elle a amené le Prince fort borné à l'époufer. L'Evêque de St. Malo satisfait d'une permission vague du Roi de Sardaigne que lui a montrée le Prince , de se marier en France, a donné les dispenses & la cérémonie s'est faite avant que la cour ait pu s'y opposer. On ne croit pas que cet hymenbon quant au for intérieur , subsiste quant aux effets civils , & quoiqu'il foit confomtné on va travailler à le faire casser ; on dit que le Roi de Sardaigne a rappelé en conséquence le Prince à Turin.
28 Décembre 1779. Il y a douze ans que M.
Dutens étant à Londres acheta les livres de J. J. Rousseau au nombre d'environ mille volumes ; ce qui le détermina surtout à cette acquisition , ce fut un exemplaire du livre de VEfprit, avec des remarques à la marge de la propre main du philosophe. Rousseau, de son côté , ne consentit à la vente qu'à condition que pendant sa vie le possesseur ne pubiieroifc point les notes qu'il pourroit trouver sur les livres vendus , & que surtout il ne laisseroit pas sortir de ses mains le premier : il paraîtqu'il avoit entrepris de refuter l'ouvrage de M.
Helvétius ; mais que le voyant persécuté il avoit renoncé à son projet. Celui-ci instruit que M.
Dutens étoit acquéreur de l'exemplaire en question , lui fit proposer par M. Hume de le lui envoyer : lié par sa promesse il n'y put con..
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sentir, mais crut ne pas y manquer en faisant part à l'auteur des remarques principales. M.
Helvétius y répondit par une lettre, & il en promettoit une autre qu'il n'eut pas le tems de finir ; la mort l'enleva huit ou dix jours après.
Cette anecdote est la feule chose précieuse à extraire d'un pamphlet intitulé : Lettres à M.
de B. sur la refutation du livre de VEfprit d'Helvétius par J. J. Rousseau, avec quelques lettres de ces deux amateurs : tout le reste ne valoit pas les fraix de l'impression ; les notes mêmes du critique & la réfutation de l'auteur, isolées & sans fuite , ne font ni inftrudives , ni intéressantes.
29 Décembre 1779. On délivre à l'hôtel de Condé une espece de récit de ce qui s'est paffé entre le Prince & M. d'Agou. Il en résulte que S. A. s'est parfaitement bien conduite, & que le seul grief apparent du dernier est le mot de calomniateur dont elle s'est fer vie.
C'est à Seve , comme le Prince changeoit de chevaux, que M. d'Agou est monté à la portiere de sa chaise & lui a témoigné la nécessité où il se jugeoit de lui demander fatisfadion , ainsi que le lieu, l'heure du combat & le choix des armes : S. A. en lui déclarant quelle n'avoit point eu intention de l'offenser, lui a dit que cependant en considération du corps dont H avoit l'honneur d'être membre , elle vouloit bien accéder à son désir : „ au champ de Mars.
a-t-elle ajouté, à huit heures , à l'épée , tC & sur le champ a relevé sa glace.
M. le Prince de Condé, après s'être fait penser est ailé à Veriailles, non pour demander
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au Roi la grace du coupable ; mais pour, au contraire , prouver l'alibi, au cas que S. M. lui en parlât : c'est la médiation du Comte de Maurepas que S. A. a interposée & ceminiftre, tout conlidéré, a en effet déterminé le Roi à ne se point mêler de la querelle & à l'ignorer.
En conséquence les deux d'Agou continuent leur service refpeétif ; l'un dans les gardes du corps , & l'autre dans les gardes françoises.
Madame de Courtebonne reste auprès de Madame la Duchesse de Bourbon & depuis a fait au palais les honneurs de la table.
Cette Dame est une veuve laide , de plus de quarante ans , qui fait cependant encore des enfans & inspire , comme l'on voit , les paillons les plus fortes. La Princesse de Monaco est furieuse, & regarde cet esclandre com.
me un congé que lui donne le Prince de Condé.
29 Décembre 1779. C'efi Al. Imbert qui est r l'auteur de la derniere piece nouvelle jouée aux Italiens. On ne peut concevoir que ce jeune homme , qui avoit annonçé du talent, ait pu faire quelque chose d'aussi mauvais ; il : faut cependant se rappeler qu'il donna , il y a quelques années , aux François le gâteau des iRais, comédie plus détestable encore : toutes ¡ les espérances fondées sur lui doivent s'évanouir aujourd'hui.
J 30 Décembre. UObservateur Anglais, si n couru en France & plus encore chez l'étranî ger paroit aujourd'hui fous le titre plus convenable de VE/pion Anglois. C'est une édition y très-augmentée. Il est dit dans un avis que les r hostilités entre la Grande Bretagne & la France ont englgé l'auteur à faire de nouvelles décou-
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vertes , principalement sur ce qui concerne la marine françoise & celle de l'Erpagne. On attend avec impatience la fuite de cet ouvrage qui ne , va encore que jusqu'à la fin de l'année 1776 & consiste feulement en quatre volumes.
30 Décembre 1779. Le Sr. Yolange, plus connu ious le nom de Jeannot, continue à faire les beaux jours du théâtre de l'Ecluse. Les Directeurs font convenus qu'il leur avoit valu de quoi payer leurs dettes , montant à 200,000 livres, & en outre un bénéfice de plus de ( 300,000 livres. Il avoit un ordre de début pour la comédie Italienne , tres-abandonnée depuis ; Jong-tems. Il auroit pu y ramener la foule , mais ces histrions ayant voulu prendre avec lui un air de dignité , il leur a déclaré qu'il les abandonnoit à leur malheureux fort & que semblable à César , il aimoit mieux être le j premier dans un village, que le fecond dans
Rome. * Il amuse le public non feulement en scene , mais encore dans les sociétés : il n'est pas de bonne fête où l'on ne l'appelle:'& dont il ne fafle les délices. Dernièrement il a eu un petit j rhume : sa porte le lendemain est devenue r inaccessible par les carottes ; les femmes de qualité envoyoient savoir de ses nouvelles, & les plus grands Seigneurs venoient en chercher j eux-mêmes ; on ne fait jusqu'à quand durera I ce délire : il doit être long en ce que c'est vé- i ritablement un grand aéteur, qui par son na- 1 turel exquis donne du relief aux plus grosses j balourdises dans ces farces foraines : indépen- j damment des les battus payent l'amende, qu'on d joue très - fréquemment & qui font peut-être j ■J
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à la deux centieme repréfentatiott , il y en à plusieurs autres où il excelle même davantage , entr'autres encore il remplit huit rôles différens.
On a modelé Jeannot en porcelaine de Seve & son buste , de cette matiere, est en ce moment l'écrenne à la mode : la Reine en a pris plusieurs pour distribuer à ses favoris & favorites.
31 Décembre 1779. Mr. Dillon , colonel, un de ceux qui se font distingués en Amérique , même un des blessés , revenu depuis peu a paru au lever du Roi , où il devoit être préfente. S'étant rendu plus tard qu'il ne fallait, au lieu de l'accueil gracieux qu'il attendoit, il n'a reçu d'autres mots de S. M. que ceux-ci : fil. Dillon , la tête vous a tenu longtcms sur le chevet ce matin. A quoi l'on veut qu'il ait répliqué douloureusement : Sirequand il s'agit de votre service il n'en est pas de même.
31 Décembre. M. Barbeu Dubourg étoit né à Mayenne en 1709 : à quinze ansilavoit fini son cours de philosophie, il avoit étudié en théologie ; mais les mathématiques le firent renoncer'à cette science occulte & vuide. Il appriti-lts langues & s'initia dans l'hébreu avec tari-tz-ide succès ,.-que son Profefifeur au college royal le consultois sur les passages les plus difsiciles. Il préféra l'anglois & l'italien. Il traduisit d'abord de la premiere de ces deux langues les Lettres sur Vhijioire de Bolmgbroke.
En 1761 & 1762 il fit sa gazette de médecine fous le nom de Gazette rf Epidaure. Il étoit fort lié avec M. Franldin, qui le chargea , il y a plusieurs années, de faire une édition &
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tme traduétion françoise de ses œuvres. Il est auteur d'un Code de la raison humaine, d'une Carte cronographique, avec une introduction à l'lzijloire abrégée des différens peuples anciens e:# modernes ; il a fait le BotaniftefranfOis: enfin , son dernier ouvrage imprimé a été le Calendrier ck Philadelphie. Il en avoit plusieurs sur le métier quand la mort l'a enlevé; il n'exercoit presque plus la médecine que pour ses amis & pour les pauvres.
31 Décembre 1779. Un Sr. Parifeau, directeur des élèves de l'opéra, adeur & auteur de ce théâtre, avoit composé une piece intitulée veni vidi vici, ou laprije de la Grenade : c'eit une imitation suivie de cette conquête, où figure M. d'Estaing. Quand il a su que ce général revenoit , il a suspendu pour ne remettre sa piece qu'à son arrivée , dans l'espoir qu'il l'honoreroit de sa présence & y donneroit un véhicule extraordinaire. Malheureusement le Vice-Amiral, mécontent de la fin de sa campagne , ne veut pas se montrer en public, même rester à Paris ; il s'est retiré à Passy & son état d'ailleurs ne lui permettroit pas de venir à ce fpedlacle forain.
Le Sr. Parifeau , comme de raison , n'a pas moins cru devoir aller rendre ses hommages au Comte d'Estaing & lui demander son agrément pour le mettre ainsi en scene ; car il faut savoir que c'est lui qui joue le rôle du Général.
Il n'a pu parvenir à lui, & a fait à cette occa.
fion les vers suivans , qui valent mieux que son dtame héroïque ;
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Foin de votre portier maussade !
Brave d'Estaing, je crois qu'il faut Dans votre hôtel entrer d'assaut, Ainsi que vous à la Grenade.
Je fuis jaloux de voir vos traits ; J'accours en hâte, & l'on me chasse.
Les Anglois vous ont vu de près, Accordez-moi la même grâce.
C'est moi qui tous les jours du mois, Auteur, atteur tout à la fois, Aux yeux des dames amusées Mets la Grenade fous mes loix.
Avec du guet & des fusées, Nous recueillons pareillement Un très-juste tribut d'éloges , Nous avons l'applaudissement Vous de l'Europe, & moi des loges ; Ainsi donc daignez recevoir Mon foible , mais sincere hommage : Daignez consentir à me voir; Car enfin je voudrois savoir Comment j'ai saisi votre image.
Si l'on attaque mon maintien Et le langage de mon zele, Votre copiste est infidele; C'est ma faute; car je fais bien Que rien ne manque à mon modele.
JI Décembre 1779. On a parle de cabinet d'aisance, substitués dans le jardin des Tuilleries ; aux vastes cabinets de verdure plantés par le t fameux le Nôtre pour receptacles des besoins f de 1 humanité; la cupidité a été le principe de
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cette plus grande commodité offerte au pubIic, car on paie pour entrer dans ces lieux, & c'est une petite ferme au profit du gouverneur du château.
Un chevalier de Modene , aventurier, qui, sans appartenir en rien à l'illustre maison dont il porte le nom, s'est impatronisé chez Monsieur & s'est fait établir par son altesse royale, gouverneur du Luxembourg, n'a pas manqué d'adopter, pour le jardin de ce palais , la méthode imaginée aux Tuilleries. Mais pouffé par un amour de l'argent plus sordide encore, il fait faire des patrouilles séveres & ne veut pas que personne puisse se soustraire à cette espece d'impôt sur les ventres trop relâchés. Lorsqu'on surprend quelqu'un dans une attitude qu'on fait n'en être pas une de défenCe , on s'empare de son épée, de sa canne ou de son chapeau posé à terre, & on le force ainsi à payer une amende beaucoup plus forte que le tribut ordinaire.
Un M. Pierre, substîtut du procureur général du parlement, ignorant la commodité offerte en pareil cas , a été rançonné : il s'est refusé à ce qu'on exigeoit de lui, il a été traduit devant le gouverneur, qui le trouvant insolent, & ignorant'qui il étoit, l'a fait constituer prisonnier au château. C'est devenu la matiere d'un procès, qu'on dit, avoir tourné à l'humiliation du chevalier de Modene, qui a reçu une injonction du parlement d'être plus circonfpeét, de faire des excuses au magistrat maltraité , & a été condamné aux dépens, dommages & inté.
rêts , &c.
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( 3 l ccem Jre 1779. La facétie suivante , trcs.
irare, court risque de rester longtems dans les ténebres par l'inquilition littéraire établie en France; sa nouveauté & son mérite consistant 1 sur-tout dans l'à - propos pour les amateurs, nous ont déterminé à leur en faire part sur le champ.
! Annonces, affiches £ «? avis divers, ou Journal 1 général de France, du vendredi 31 Décembre 1 1779.
¡ TERRES ET BIENS SEIGNEURIAUX A VENDRE, 1 TErre & grand fief dans l'isle Maquerelle , T 1 3 partie en bois taillis, partie en terre labourable, appartenant à Mlles. Mijis , Doucet & hfontauban, à vendre en totalité ou par portion. S'adresser aux propriétaires rue des Cordeliers, & en leur absence, à Madame Gourdan [ z 3.
Fief & château des deux'portes à vendre par licitation , payable en monnoie de France & monnoie de l'Empire ; on recevra de l'argent de toutes mains. S'adresser à Mlle. RaJalie, dite le Vasseur [ 3 ].
[1] Isle du côté du gros Caillou , qui porte en effet ce nom.
[2] Mere abbesse.
[3] Elle est maîtresse de M. le Comte de Mercy, Argenteau, Ambassadeur de l'Empereur.
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Biens en Roture à vendre ou à louer.
Quatre grands quartiers d'héritages à vendre, avec une très..grande entrée, fort fréquentée sur le devant, & une porte bâtarde sur le derriere , qui l'est presque autant. S'adresser à Dlle.
Porjin, à toute heure du jour en sa maison rue trousse - vaches, excepté depuis six heures du foir jusqu'à huit, qu'elle travaille aux Tuilleries.
Grand & magnifique terrein dit le trou denfer , propre à faire un haras de jeunes chevaux. S'adresser à Madame de Mollet, rue Jean pain mollet, aux Vaches Suiffes, qui le fera voir avec la plus grande facilité.
Plusieurs arpens de marais propres à faire des pâturages, sans garantie d'hommes & d'animaux, à cause des fondrieres. S'adresser à Mlles.
Crépeaux , Bigotini , Coulon & Puisieux, à l'académie royale de musique.
Maisons ou appartemens à louer.
Plusieurs beaux & grands appartemens à l'hôpital général, vacans par la retraite des Dlles. Grauville, Souck & Rallcourt. S'adresser aux anciennes locataires, rue vuide-gousset, à la levrette, & au besoin un peu plus haut.
Portion délit à louer pour le premier du mois prochain. S'adresser à Mlle. Violette , ou à sa femme de chambre : rue verte à la pantoufle, & dans peu à l'hôtel-Dieu.
Petit appartement au cinquième en siamoise, à troquer contre un appartement au premier en damas de trois couleurs. S'adresser à Madame Saint Marie, ouvriere eu tours de lit, rue de la
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I la nouvelle halle, ou chez Madame de Launayl [ [ 4. ] rue des petits champs, où elle travaille à 6 la journée.
! Passage public, dit le PaJJage du Saumon, | ouvert à tout le monde, à louer. S'adresser à | Madame 'Thcvenin , rue du hasard à l'as de ! pique.
Vente de meubles, tableaux & effets.
1 1 Une Vénus aux belles fesses en marbre blanc 1 représentant Mlle. Contat, [ 5 ] d'un beau genre, & pouvant servir de modele , si les pieds & les mains étoient du même auteur.
Tableau représentant Mlle. Colombe [ 6 ] en if Pomone , grand comme nature , sur deux pieds ï quatre @ pouces de large; elle est peinte offrant f. ses prémices au dieu des jardins. La taille du I* dieu , quoique colossale , ne paroît pas encore proportionnée.
1 Beau tableau représentant Danaé, recevant ! une pluie d'or dans le tonneau des Danaïdes.
S'adresser à Mlle. Duthé.
Modele d'antique d'après Mlle. Beauvoijirr* Cette figure a pu représenter autrefois une assez jolie nymphe , mais les outrages du tems& des lplàtres l'ont presque entiérement défigurée.
t Les sept péchés mortels du poussin , fameux ► t
[4] Fameuse abbesse qui a supplanté Made. Gourî dan, & a la vogue aujourd'hui.
: M Aftrice de la comédie françoise , belle fille qui a les mains & les pieds vilains.
[6] De la comédie italienne , belle fille , mais yrodigieufement grosse & grande.
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tableau copie par un bon maître; úwoir, l'avarice , représentée par Mlle. Amcnaïdc ; la paresse , par Mlle, de Beaupré [ 7 ] ; la colere, par Mlle. Luz2y [8]; la luxure, par Mlle. la Guerre [ 9 ] ; la gourmandise, par Mlle. Urbin [ 10]; l'orgueil, par Mlle. T/zevenet; l'envie, par la Dlle. Dugazon [ 11 ]. Ce tableau est frappant pour les ressemblances.
Meubles & effets de Mde. la Borde à vendre par autorité de justice ; (avoir , un lit avec sa courte-pointe fort usée , sur le devant un canapé en cuir du levant entièrement élimé : un bidet garni de plusieurs seringues à injedion; quelques boëtes de pillules & plusieurs pots de pommade astringente.
Très-jolie serinette à vendre chez la Dame Trial [ 12], rue du perroquet, à l'enseigne des prétentions.
Cinq mille livres de rente en mille parties de cinq livres chacune sur différens particuliers très-solvables. S'adresser à Mlle. Demarcq [ 13 J.
17] De la comédie italienne.
18] De la comédie françoise.
[9] De l'opéra.
[10] Courtisanne fameuse par son luxe & sans talent connu.
su] De la comédie françoise.
[12] La premiere cantatrice de la comédie italienne, à qui l'on reproche de ne pas être aétrice.
ti3] Fameuse pour les détails & ne refusant pas les petits profits.
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[ Vente de chevaux, voitures & autres effets.' Berline angloise , chevaux & équipage , après' F le départ de Mile. Dufay el [ 14] pour la falpéI triere.
[ Deux jolis poulains égaux parvenus à leur icroifiance. S'?dre(Ter pour les voir à Mlle.
Treco!irt [ 10 , & pour le prix àMde. sa mere, au cinquième arbre dans la grande allée du palais royal.
Très-beau perroquet verd chez Mlle. Félix, I qui ne fait encore dire que : ,, montez , Mon5, fteur , payez, baisez mon cœur<& allez-vous en". Mais l'on espere qu'il en apprendra I davantage par la fuite. Prix un louis.
r Livres nouveaux.
t L'art de faire de l'esprit & d'y mêler celui des autres, par Mlle. Arnoult [ 16] , rue des deux f portes à la ménagerie.
[ Nota. On voit aussi au même endroit un morceau d'histoire naturelle à vendre ou à troquer; c'est une mâchoire de requin d'une grandeur effroyable, mais les dents parfaitement 1bien conservées.
1 [14] De la comédie italienne , accusée d'avoir •voulu empoisonner sa fœur par jalousie.
; LI SJ Kenommee pour diitribuer le mal-immonde.
[16] Emérite de l'opéra, fameuse pour ses méchancetés & ses bons mots ; elle paffe aussi pour 1 Tribade, elle a de fort vilaines dents & pue de la [bouche. Un jour qu'elle disoit qu'elle avoit le cœur :sur les levres - je ne fuis pas surpris, lui repartit quelqu'un qu'elle wplaifantoit, cpis vous ayez l'haleine Ji , wuuvuifs.
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L'art de composer sa figure & de rétrécir sa bouche aux dépens du reste. Un volume petit in-12 , papier d'Hollande. S'adresser à Mlle.
Bouton de Rose, rue Bétizi à la grimace.
Traité d'ostéologie , ou le squelette des graces, par Mlle. Guimard [ 17 ], rue de la planche à l'arbre sec.
Traité du renoncement des paillons, par Madame Jufiine, rue de Sodome au bien-venu.
Demandes particlllieres.
Un locataire qui occupe un très-grand appartement sur le devant chez Madame FOllrcy, defireroit y faire faire par entreprise un retranchement ou des cloisons pour y être moins à son aise, il se tiendra sur le derriere pendant les réparations.
Un particulier possesseur de la Demoiselle Ste. marie, l'ainée , defireroit trouver un maître qui lui apprît à parler & à ne rien prendre.
Le Sr. Agironi, traitant les maladies vénériennes , offre pour preuve de son talent de faire visiter la Dame Rossen , qui mange & agit actuellement comme si elle n'avait. jamais été attaquée de ce mal.
La Dlle. la Forefi [18] offre de donner pour un morceau de pain les ruines de Palmyre) épreuve retouchée.
[17] La premiere danseuse de l'opéra, seche & maigre.
[18] Vieille courtisanne très-renomme'e jadis, aujourd'hui laide & ruinée. -
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, La Dlle. Balthazar, defireroit emprunter ! lix francs ; elle donnera une galanterie pour les intérêts, & son pere & sa mere en nantifTemenjt pour le principal.
La Dame Vejiris [19] prévient le public, qu'elle achettera tous les fnflets à quelque prix j qu'ils soient ; elle demeure toujours rue du s champ plàtreux [ 20 ].
La Dlle. Renard, propose de mettre ses fais veurs en lotterie , la délicatesse de son ame répugnant à ruiner tous ses amans pour soutenir ison état de fille du monde. La quinzaine de fea faveurs fera divisee en cinq lots-, qui echerront aux cinq numéros sortant à chacun des tirages de la lotterie royale de France. Le porteur de chacun des numéros fortis de la roue de fortune, gagnera un terne noéturne, & aura de plus à souper, & pourra donner ou céder des coupons à qui bon lui semblera : les billets feront de douze livres & feront garantis par le Sr. Agiroiîi [z i] : la Dlle. Renard, les délivrera elle-même rue du puits qui parle, au buiflort ardent [ 22 ] -1 & dans la grande allée du Palais.
Royal, depuis une heure jusqu'à deux heures ^après-midi & apres-minuit.
[ig] De la comédie franqoife ; il faut se reflou.-venir que le Public lui en veut beaucoup & la liffle "•foulent depuis qu'elle a fait renvoyer Mlle. Sain val..
1:1 [zo] Elle ufl accu le c de mettre beaucoup de blano '-dans sa figure.
, [ZIJ Empyrique renommé pour le mal-vénérien lîcité ci-deflfus.
[22] Elle paire pour être rouiTe*
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Charges £ «? Offices à vendre.
Charge de maquereau suivant la cour, à vendre ou à troquer contre un bénéfice. S'adresser à.
Mrs. les abbés Chotard [23] & Gitigony.
Annonces diverses.
La société royale de médecine propose pour prix de l'année prochaine deux médailles d'or de la valeur de 1200 liv. chacune. La premiere fera adjugée au meilleur mémoire sur les maladies des Dlles. Cléophile & Dervieux [ 24] ; & la feconde, au meilleur mémoire sur une cpizootie nommée par les savans Furor amoris antiphifici, dont les Dlles. Kaucourt, Souck, Sophie, Agnès & Denise Colombe [29], ont infedté la capitale. Ces deux mémoires devront contenir les remedes nécessaires, & attendu la nature extraordinaire & opiniâtre de ces maladies , tous leQ savans , tant regnicoles qu' étrangers, font invités à concourir.
La Dlle. Gonorrhée l'ainée, dite Colombe, & la Gonorrhée la jeune, dite Adeline , ont ouvert un cours d'expérience priapique , tant tnafculin que féminin, en leur demeure rue de regoût, à l'enseign.e de Menaline, elles se proposent d'y résoudre tous les problêmes de l'Arétin; il
[211 Abbé qui fournissoit autrefois des filles au Prince de Conti.
[24] Deux danseuses de l'opéra, retirées pouf canie de maladies..
£ 35] Faweufes Tribales.
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y aura deux séances par jour, les Dames «titreront sans payer & la livrée en payant.
La Dile. Durancy L 26 J, continue de montrer sans succès un ours afriquain. Cet animal est couvert depuis les pieds jusqu'à la tête d'un poil extraordinairement long ; il ne se nourrit que de chair humaine; il en fait une prodigieuse consommation to-us les jours.
On peut voir chez la Dlle. Bianchi, dite Argentine [27], rue de l'amant jaloux [28] » un squelette, qui marche, mange , digere & couche comme une personne naturelle, il n'y a que la tête & le cœur qui ne fassent point de fonctions ; il parle italien, bégaie le franGois, mâchonne l'angloi§_& n'écorche personne.
Enterrement.
Enterrement de Jean ÏArctin, mort d'éthisie hier entre les bras de la Dlle. Laguerre [ 29 J" son écoliere : il a institué pour son héritiere la Dlle. Bcllecourt [30], qui lui succede; elle donnera des répétitions tous les jours rue du tonneau [^i]! au dÕuble crochet [32].
[26] Adlrice de l'opéra , laide , mais renommée pour sa luxure.
[27] Actrice des Italiens fort maigre.
[28] Elle est maîtresse de M. d'Helé , auteur àe l'amant jaloux.
Czg] De l'opéra, déja citée.
£ 3oJ De la comédie franCjoire
[31] Elle est grosse comme un muid.
[az] Elle couche avec un muuciea,
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Traits de bienfaifancc. y Un journaliste doit se faire une loi sévere de publier avec exadicude les traits de bienfaisance & de vertu qui viennent à sa connoissance : il y trouve deux avantages, celui d'exciter par-là l'émulation de ses leéteurs, & celui de répondre aux détracteurs des mœurs de ce siecle caractérisé par la génerosité, la tolérance & l'Encyclopédie : M. D*** fermier des attraits de la DHe. J~c/o~ ~~, arrive un jour chez elle en sortant de la paume , épuisé de fatigue & de chaleur ; il demande un verre d'eau & de vin: la beauté sonne, & bientôt un laquais ba- : lourd apporte ce rafraichissement ; mais en le présentant à M. D quiétoit assis, il lui mar- che sur le pied. M. D * * qui a eu autrefois un fort joli pied-, a aujourd'hui des cors. Dans sa douleur, il dit à la danseuse: „ que ne ren3, voies-tu ce brural-là , il est d'une mal-adresse 3, effroyable. Tu v is voir que je renverrai mon 3, frere pour te faire plaisir," lui repartit la DUe. Michelot. Et le laquais ne fut renvoyé; il en fut quitte pour une leçon de la part de sa fœur & pour quelques menaces. Ce triomphe A charmant de la tendresse fraternelle sur la vanité, nous a paru digne d'être transmis àlapoC.
1 l 1 1
térité la plus recu l ée. j Anecdote. �
i Malgré h rigueur des ioix contre les duels, i
[53] Danseuse de l'opéra. 1
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l'amour qui ne connoît point de loix alloit en, fanglanter les boulevards ,&quel qu'eût été le vainqueur, la France étoit à la veille de faire une perte irréparable sans le dévouement de la Dlle. Mont autan [34]. Voici le fait.
Le Pierrot de Nicolet, dont les talens font depuis longtems les delices de la capitale, étoit depuis long - tems en possession du cœur & du lit de la Dlle. la Guerre, lorsque cette chanteuse s'est subitement éprise du célèbre Jcannot, le Pâris des boulevards. Les deux rivaux étoient iprêts d'en venir aux mains , lorsque la Dlle.
tMontauban est venue généreusement offrir de se charger de la consolation de Pierrot. Le baladin, après avoir un peu balancé, s'est enfin résigné : il a embrassé son rival, la paix s'est rétar blie, & l'on affure que les deux couples amoureux ne se quittent plus.
Spetlacles.
Les comédiens franqois donneront aujourrê'hui le fat puni, & l'impertinent. Le Sr. de la Rive [3 î] remplira les deux rôles.
Les comédiens italiens donneront aujourd'hui [la premiere représentation de la Courtifannt iamoureufe, au profit du Sr. Julien [ 36 J qui va iquitter le fpeétacle.
»' ■ —— -
1 [34] Figurante à l'opéra.
* [35J Aaeur de la comédie francoise, accusé injuffetement ici d'être fat & impertinent.
[36] Aéteur de la comédie italienne, qu'une fille triche veut époufer, à cemlition qu'il quittera le fPea:acle.
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Aux boulevards les différentes troupes donneront aujourd'hui relâche pour le service de la cour 13 7 1.
Ce: e feuille paroît tous les jours : le bureau pour l'aoonnement est au foyer de l'opéra.
Fin du quatorzieme Volume.
[37] Autrefois ces farceurs n'alloient jamais à 12 cour. Ce n'est que depuis Made. Dubarry.