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La re(ie trad;:ionr;ei'e i 0 94
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MÉMOIRES SECRETS POUR SERVIR À L'HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN FRANCE, DEPUIS MDCCLXII jusQu'À NOS JOURS; 0 U
JOURNAL D'UN OBSERVATEUR,
CONTENANT les Analyses des Pieces de Tkéatré qui ont paru durant cet intervalle ; les Relations des A[feinb!ées Littéraires f les notices des Livres nouveaux , clundeftins, prohibés; les Pieces fugitives, rares ou m:mtt.fcritn, en prose ou en vers ; les Vaudevilles sur la Cour; les Anecdotes & Bons Mots ; les Eloges des Savons, des Artifles, des Homwei de Lettres morts, &c. &c. Yc.
TOME SEPTIEME.
* hue propius me.
.V#s online adite t Hor. L. II. Sat. 3. vs. 81 & st.
1
A LONDRES,CHEZ JOHN ADAMSON.
M. OCC, LXXX,
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SECRETS POUR. SERVIR A L'HISTOIRE DE * «LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN FRANCE, DEPUIS MDCCLXII JUSQU'A NOS JOURS.
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JAN NÉE M. DCC. LXXIII.
Juin. Le Sr. La Borde est si atterré de l'alandon de Mlle. Guimard, qu'il en a contracté ne mélancolie affreuse. Quand son service auires du Roi fera fins, ce qui arrive au ier. Juilct, il va voyager, pour diiliper ces vapeurs & jberdre le fouvcnir de l'infidele. Lamufiquemêline lui est devenue odieuse, & il semble vonloir y renoncer aussi. Il écrit que cet art, dont 11 faisoit son amusement, lui a donné plus de khagrin. suscité plus de tracasseries que les affaires les plus tristes & les plus épineuses: 4 Juin. On a joué hier Térée & Philomcle. Ce sujet, tiré de la fable que tout le monde iconooît, & qui occasionna, il y a douze ans,
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une chute à M. le Mierre, n'a pas été plus favorable à M. Renout. La piece est absolument tombée , & ne s'est soutenue jusqu'à la fin de la premiere représentation, qu'à la faveur du jeu des acteurs, & graces à la bonhommie du Parterre, dont la patience devient de plus en plus admirable. C'est sans doute déja une grande mal-adresse que de choisir un trait aussi atroce & aussi ingrat. Le caraétere de Terée est d'une horreur dégoûtante. Le reste est à l'avenant.
Nulle entente du théâtre dans cette tragédie, mortellement longue, & qui ne mérite aucune discussion.
7 Juin 177?. On a parlé du procès singulier flue s'étoit suscité à Londres M. le Comte de Lauraguais , en laissant marier sa maitresse , qu'il avoit plaisamment qualifiée du titre de Comtesse du Tonneau, avec son Secrétaire , & en continuant de vivre avec elle. Celui-ci, après avoir paru se prêter sourdement à ce commerce infâme, a accusé son maître d'adultere, & lui a fait un procès criminel, sans doute pour en tirer de l'argent. Le Seigneur dont il est question, naturellement facétieux & qui aime à écrire, en a pris occasion de faire un Mémoire intitulé : Pour moi 87 par moi. Puis il détaille les noms & ses surnoms. Rien de plus original que ce pamphlet, où se livrant à la folie la plus extrême, il dit tout ce qui lui paffe par la tête, avec cette tournure qui lui est propre.
Dans le galimathias où le plonge son imagination vagabonde, on trouve des faillies charmantes. Il a dédié ce burlesque ouvrage au Duc son pere.
9 Juin. La Politique naturelle, ou Discours,
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sur les vrais principes du Gouvernement, par un ancien Magijlrat, dont on a annoncé le titre, acquiert la plus grande vogue & pasle pour le livre le mieux fait en ce genre qu'on eonnoiffe encore. L'auteur y est absolument dégagé de tous les préjugés, foit de religion, foit de gouvernement, foit même de société, qui offusquent les idées & les empêchent de se produire dans toute leur netteté.
Le premier volume contient quatre discours.
tO. De la société : 2". du gouvernement : }°. de h souveraineté : 40. des sujets. Dans le fecond font renfermé s les discours, sO. des abus de la souveraineté, du despotisme & de la tyrannie : 6°. de ia liberté : 7°. de la politique en général : 8°. de la politique extérieure : 90. de la dissolution des Etats.
Sans entrer dans la cfifcuffion de ces discours , trop longs & trop difficiles à analyser, il suffit d'observer que le but de l'Ecrivain est de faire voir que la politique, ou l'art de gouverner les hommes, ne peut être une science obscure, problématique, douteuse, que pour ceux qui ne se font pas donné la peine de méditer suffisamment la nature humaine & le but de la Société : que les passions, les intérèts imaginaires des Princes, les idées métaphysiques de la théologie, les menées ténébreuses des cours ont contribué à en faire un cahos impénétrable pour les esprits les plus exercés. Mais qu'en la faisant dériver de cette source indiquée, elle se réduit à deux principes bien clairs : 1°, Que nul peuple ne peut être heureux, s'il n'est gouverné suivant les Loix de la nature, qui corrdussent toujours à la vertu : 2°. Que nul Sou-
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verain ne peut être grand, puissant & fortuné; s'il ne regne avec justice sur des peuples raisonnables. Telle est la bafe de l'harmonie sociale, que le gouvernement est fait pour établir, 11 Juin 1775. On fait aujourd'hui , à n'en pas douter, que c'est le Maréchal Prince de Soubise qui a exigé l'expulsion de M. de la Borde de chez Mlle. Guimard. Ce Seigneur s'et f repris d'une belle passion pour la Danseuse en question, & a demandé le sacrifice de l'amant.
Quelques gens prétendent qu'il s'est fait de concert, & qu'il y a encore intelligence entr'eux. Quoi qu'il en fait, les Spectacles de la moderne Terpficore font absolument interrompus, & elle réforme ses deux théâtres.
, 1 J Juin. M. de Voltaire n'a pas laiiïe échapper l'occasion de la prétendue Comete, pour s'égayer & écrire. Il a fait une Lettre à ce l' sujet, où il développe on érudition ordinaire, & jette du ridicule sur les principaux Astronomes qui ont traité la matiere des Cometes. Il est tour-à-tour lavant & bouffon.
14 Juin. On a scellé au Sceau du mercredi 9 des Lettres patentes portant attribution à M.
le Lieutenant Général de Police de Paris pour juger un Libraire Imprimeur de Strasbourg & ses adhérens , sur la saisie faite sur lui de differens ouvrages proicrits, clandestins & libelleux, qu'il est véhémentement foupqonné d'avoir imprimé furtivement chez lui pour la plupart. Ces délinquans font détenus à la Bastille. Il faut que lesdits ouvrages saient pourtant d'un genre différent de ceux dont on fait la recherche au nouveau tribunal, auquel sans doute on auroit joint la eonnoiffaace de ce nouvel incident : ce
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qui fait présumer la vérité des bruits répandus à cet égard sur l'enlèvement de ce Libraire, dont on a rendu compte.
14 Juin 1775. Le Prince de Condéaen effet réclamé l'exécution du traité fait avec lui pour l'achat de son hôtel, & les circonltances étant devenues favorables, on a jugé convenable de tenir le marché. En conséquence la ville est chargée de payer ce bâtiment, & cela donne lieu à renouveller le projet d'y établir la nouvelle salle de Comédie. Ensorte que le plan du Sr. Liégeon reçoit de cette part une nouvelle contradiction, malgré la décision du Conieil, & quoique le Roi se foit expliqué plulieurs fois à cet égard. En attendant, tout reste in fiatu quo; & la restauration même commencée , laisse voir des ouvrages imparfaits : Pendent opera interrupta. Le Sr. Liégeon se flatte pourtant que les mêmes obstacles provenant du local subsistant toujours, arrêteront encore une fois l'exécution du projet qu'on voudroit remettre en vigueur, & que celle du fien ne fera que retardée.
i<; Juin i La piece de l'Erreuraun moment , jouée hier aux Italiens , a eu le succès le plus complet. Depuis longtems on n'en avoit vu un pareil à ce fpedacle. Elle a été applaudie continuellement depuis le commencement jusqu'à la fin. On a demandé l'auteur des paroles avec des transports indicibles, & comme il s'est retiré brusquement après avoir paru , on a crié bis, & l'on vouloit le revoir une féconde fois.
Quant à M. Dezaides, le compositeur de la musique, on l'a réclamé aussi, mais avec moins dïnftances, & il ne s'est pas montré. Il faut
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convenir que cette ivresse du public peut passer aussi à merveille pour l'Erreur du moment. Elle n'est pas à beaucoup près digne des brouhahas extraordinaires qu'elle a occasionnés. Cependant si l'enthousiasme le soutient, on en parlera plus au long.
16 Juin 1773. Madame la Dauphine & M. le Dauphin font venus à l'Opéra aujourd'hui, ainsi qu'ils y étoient attendus. On juge aisément de l'affluence qu'ils ont attirée à ce fpeétacle, défert depuis longtenis. Madame la Duchesse de Chartres a eu foin de se rendre à sa loge avant l'arrivée de ce couple augulle. M. le Dauphin est entré le premier , & j'n'a pas représenté avec la même dignité que le jour de son entrée dans Paris. Il a fait deux petites révérences allez maltournées, il a eu l'air très-décontenancé, & s'est bientôt rangé pour laitier paroître Madame la Dauphine, qui a occupé tout le devant de la loge. Les Dames de sa fuite garniffoicnt absolument les loges de son côté.
JV1. le Maréchal Duc de Biron avoit retenu les balcons : dans celui opposé à la Princcffe, il a mis les femmes les plus aimables de sa connoissance, & en a formé un coup d'œil délicieux pour le public. II. avoit placé dans l'autre balcon les Seigneurs les plus distingués de la Cour.
Il est d'usage lorsque les Princes ou Princesses de la famille Royale viennent au Spectacle, de former une enceinte au-dessous de leur loge, qui est surmontée d'un dais. Cette enceinte est garnie de Cent-Suisses de leur garde.
La loge des fécondés au dessus de leur tête telle également vuide: il n'y a qu'un seul Garde
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tfu Corps en sentinelle. Deux Gardes du Corpt font placés en faétion sur le Théâtre, ainli qu'il est d'étiquette aux Spectacles de la Cour, & font relevés d'aéte en aéte. M. le Dauphin t& Madame la Dauphine ont éprouvé la joie du Public par les battemens de mains du Parterre & des Loges.
Les Directeurs de l'Académie Royale de Mu-fique n'ont donné que le spectacle ordinaire, dont ils ont même retranché le Prologue de Platée. Ils n'o'nt pas même eu le tems de remettre celui d'Amadis, ainsi qu'ils en avoient eu l'idée, & qui présentoit des choses analogues à la fête. Ils ont feulement lardé les deux Actes de Théonis & de Zelindor de toutes for— tes d'ariettes charmantes, mais connues, pour donner lieu à tous les coryphées de la musique de déployer leurs talens. Ils ont également augmenté leurs Ballets dé Danses variées & agréables. La Dlle. Heinel, qui heureufcment étoit revenue la veille de l'Angleterre, a eu l'avantage de recommencer l'usage de ses talens a I Paris devant ce couple auguste. Elle étoit brouillée depuis longtems avec Vestris , pour des raisons qu'on a dites dans le tems, & cette fête.
a été le sujet d'un raccommodement. Ils ont * exécuté ensemble la chaconne de Le Breton" toujours très-bien reçue dés Spectateurs. Le Sr.
Gardel, qui a eu l'honneur d'être le maître à danser de Madame la Dauphine , a eu des rôles rie diftinftion à remplir dans la choréographie , & s'est évertué de ion mieux, ainsi que tous les autres coryphées de la Danse. Cependant on convient assez généralement que Mi le Dauphin & Madame la Dauphine n'ont pas- témai-
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# gne une grande fatisfaétion du fpeébicIe. On fait qu'en général, la Princesse accoutumée à ceux de Vienne, n'aime pas notre musique.
Il est d'étiquette de ne point applaudir aux Spectacles de la Cour, par une forte de respect, qui efi toujours un sentiment triste & froid. Les gens du Parterre, peu au fait de cette réglé, ont voulu se livrer à leurs transports ordinaires ; mais des murmures sourds des Gardes ont contenu l'admiration, & l'ont empêchée d'éclater en battemens de mains, qui déja le signal de la joie publique vis-à-vis les Augustes époux & consacré pour eux, ne pouvoit plus se prodiguer à des hiftriorts au même instant. Cependant la Dlle. Heinel ayant paru, & Madame la Dauphine ayant invité une Dame à côté d'elle de battre des mains, le publie a regardé ce signal comme une permission de le faire , & cette Danfeufe a eu l'honneur d'être la feule qui ait reçu cette marque de fatisfadion générale.
17 Juin -177?. On ne doit pas omettre dans la relation de ce qui s'est paffé à la bonne réception que M. le Dauphin & Madame la Dau..
phine.ont éprouvée des Parifrens, le compliment des PoiiTardes, court, énergique & plus en gestes qu'en paroles..Ces Dames, qui font de tgms immémorial en possessoin de haranguer les Rois, Reines, Princes & Princesses aux cé.
lémonies publiques, ont attendu le couple_augufte au Cours, lorsqu'lJ est allé monter dans l'un des çarolfes de campagne, & là, après les avoir comblés de bénédictions l'un & l'autre, .elles se font retournées vers Mgr. le Dauphin, & déployant leur avant-bras long, gros, rond & bien tendu : Nous vous en Jouhaitons uti
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xêmme cela, Monfeignewr, lui ont-elles dit : ce n'cjt pas trop pouf une avjjï jolie femme.
Quand on en a une pareille il faut bien la Jctoyer. Et les heureux Epoux de rire à gorge .déployée, ainsi que tonte leur fuite.
- Mais ce qui mérite surtout d'être retenu, r c'est la maniere fine & adroite dont Madame la Dauphine a prévenu la jajoufie du Roi à l'occasion de la réception flatteuse qui lui avoit été ,faite, ainli qu'à son auguste Epoux ; contraite trop frappant avec la maniéré dont le Monarque eit accueilli depuis longtems, pour ne pas l'affliger cruellement : » Sire", lui a-t-elle dit, avant de lui raconter les -détails de son entrée ; 5, il faut que Votre Majesté foit bien aimée des „ Parisiens, car ils nçus ont bien fêtés. w 18 Juin 177 v Lefuccés de l'Erreur d'un moment se soutient. Cest 1 comme on l'a annoncé, la fuite de Julie. Le mari de çelle-ci se dégoûte bientôt de sa femme & devient amoureux de celle .d'un paysan, chez le pere duquel s'étoit réfugiée Julie. Il fait à la villageoise une déclaration pat écrit, & vient pour avoir la réporife. Elle a tout appris à son mari, qui lui permet l'entrevue , l'exige même, & se réserve de sur venir en tems & lieu : ce qu'il fait, avçc Ja femme du Seigneur. Le petit-maître, touché du désordre qu'il aîloit porter .dans une famille désolée, & dans la sienne propre, revient à lui - £ c se raccommode avec sa moitié.
On voit par cet exposé, que le sujet a le mérite peu commun aujourd'hui d'être très-simple ; * & que s'il n'est pas fortement intrigué, il n'est point soutenu par ces ressorts romanesques & absurdes que mettent en oeuvre à présent nos
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faiseurs de comédies & même d'opéra-comiques.
C'est une action purement agreste. La scene de la Lettre, où le Seigneur fait sa déclaration; l'embarras de la paysanne en la recevant ; son ingénuité de la confier à son mari avant de l'avoir lue; l'état, le désespoir de celui-ci à cette ledtire ; la réponse, qu'il dicte lui-mênie: tout cela est charmant ; il en résulte des tableaux vrais & piquans, bien supérieurs à nos coups de théâtre magiques. S'il ne regne pas dans cette piece une joie bouffonne, on y goûte le plaifir- doux & pur que procure le spectacle touchant des mœurs innocentes de la campagne. Il y a du pathétique, tel que le sujet le comporte, qui eri découle naturellement, & ne contraste pas trop durement avec la gaieté du reste. Peutêtre le. dénouement fent-il trop la capucinade;.
& le retour du Seigneur à la raison & à la vertu, opéré par les fermons du paysan, est bien dans l'ordre des merveilles de la grâce, niais non dans le cours ordinaire des choies. C'eut été sans doute un moyen plus comique de le produire par le ridicule de la lituation d'un homme de qualité surpris aux genoux de sa vassale. D'ailleurs, l'amour conjugal est troppeu à la mode aujourd'hui pour interesser beaucoup au théâtre. Le style est , proportionné au sujet, & comme ce font presque toujours des payilins su-r la scene, c'est le jargon du village.
Mais par une bizarrerie peu analogue aux perfonages, les ariettes font plus élégantes que le dialogue ordinaire. Au surplus, à travers l'idiôme grossier des interlocuteurs, l'auteur a hasardé des réflexions assez fortes, qui ont été très-feuties & très-applaudies.
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Le Mufieieiî s'est parfaitement conforme au Poëte. La musique est agréable j. légeie & assortie au genre: elle est facile, & aura l'avantage d'être mieux retenue que tous les grands airs de nosmodernes compositeurs.
19 Juin 177 j. Madame la Dauphine & ton auguste Epoux viennent mercredi prochain à à comédie francoise. Cette Princesse a demandé le JSiege de Calais. Le cérémonial, fera-le même qu'à Forera.
La comédie italienne souffre des difficultés -pour recevoir cette Princesse, par le peu de circulation que permet le quartier. On a proposé de la faire jouer pour le jour où elle viendroit, sur le théâtre de la comédie francoise ; mais celaietteroit un désordre singuliër dans l'arrangement des loges, ensorte qu'il n'y a. encore rien de décidé à cet égard.
L'Opéra a eu cent louis pour les loges- de M. le Dauphin & re sa fuite-; ce qui en tout: comprenoit quatre loges & le balcon.
20 Juin. Les gens de Ruel étoient fort intrigués de la brouilîerie de M. la Borde - avec la Dlle; Guimard. Ils ne pouvaient-concevoir que '.Je Prince de Soubise, jusqu'à present si traitable sur l'article de lajalousie, en eut conçu toutà-coup un-accès violent, au point d'exiger de rActrice un si cruel facrifice- A force" de rechercher les causes de ce procédé , ils ont trouvé que le Sr. La Borde avoit donné ce qu'on appelle en leur langage une galanterie à la IMle. Guimans; que celle-ci l'avoit procurée' au Maré- çhal, Prince de Soubise ; le Maréchal à Madame la Comtesse de l'Hôpital ; -& la Comtesse à .*«♦.. Ici se perd cette généalogie, du njcoxis
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les faiseurs de chronique en font là. Ils attendent la fuite de la filiation pour en faire part au public. Mais il en féfulte certainement un motif de justification pour le Prince de Soubise, que personne ne peut désapprouver.
21 Jilin 1773. M. le Duc de Chartres a pris un goût extraordinaire pour Comus, le joueur de gobelets, qui a pouffé l'efcameiage à un dégré fuperieqr, & a réduit en principes cet art subtil. Le Prince prend des leçons , & il a rerté mardi depuis neuf heures du matin jiifqu'à trois heures après-midi chez ce faiseur de tours. On.
affure que S. A. a les plus grandes dispositions.
Elle s'est [fait faire une petite maison au haut du fauxbourg du Roule, où elle -s'exerce à ces petits jeux & autres amusemens de son âge.
22 Juin. M. le Contrôleur général, malgré son extrême envie de favoriser le Prince de Condé & de lui faire sa cour, a peine à ratifier le marché de l'hôtel de S, A. agréé par le Roi; il en calcule les inconvéniens. Il est certain qu'en y bâtissant la comédie, il en cotite au moins un million de plus. -Peut-être y auroit-il plus d'avantage pour la ville d'y bâtir des maisons. Quoi qu'il en foit, le Sr. Liégeon se dispose à tout événement, & fait un nouveau plan de salle de fpeétacle, en cas qu'on s'en tienne définitivement à ce dernier emplacement.
23 Juin. On a donné aujourd'hui à la comédie franqoife le Siege de Calais, & le Legs, pieces demandées par -Madame la Dauphine. Pour éviter le tumulte indécent qu'on trouve ordinairement à ce fpedtacleaux jours de premiere représensation, on avoit affiché dès la veille qu'on ne pourroit point faire retenir de places par djes
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iaquais ou valets-de-chambre. Cela n'a pas eftpêché que des midi il y avoit déjà un momie prodigieux pour les billets de toute espece.
Un peu avant Madame la Dauphine, Madame la DucheiTe de Bourbon est arrivée , & a été applaudie, quoique légèrement. Cette vue a démenti , à certains égards , les bruits qui couroient de l'exil de cette Princesse à Chantilli.
M. le Dauphin & Madame la Dauphine font venus à cinq heures & demie, & ont été accueillis avec des transports indicibles. Dès le commencement de la piece, le Duc de Duras , ayant pris l'ordre de Madame la Dauphine, a applaudi par un battement de mains ; ce qui a été un iignal au public que la Princesse lui donnoit la liberté de le faire, ensorte que Je parterre s'est livré à l'enthouftafine qu'il a voulu.
Au troisieme Acte, dans une scene où Aliénor disserte sur la Loi Salique, qui exclut lesétrafigers du Trône, & n'y admet que les héritiers de la famille régnante, filivant l'ordre de la succession & le droit d'aînesse, Mlle. Vestris, qui faisoit ce rôle, aux derniers vers : Le François, dans son Prince aime à trouver tin frète, Qui, né fils de l'Etat, en devienne le pere.
3 regardé M. le Dauphin en les prononçant ; ce qui a étéfuïvi de longs & unanimes applaudissemens..
Dans un autre endroit, il se trouve ces mauvais vers, mais vrais & sententieux : Quelle leçon pour vous, fnperbes Potentats !
Veillez sur vos sujets, dans le rang le plus bas,
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Tel, loin de vos regards, dans la misere , expire; Qui, quelque jour peut-être eut fauvé votre Empire Y M. le Dauphin & Madame la Dauphine ontpris leur revanche en cette occasion & ont applaudi les premiers à la tirade; & cette marque de sensibilité de leur part a été reçue avec des.
transports nouveaux de tendresse & de reconnoissance du public.
Le reste du spectacle s'est palTe dans se cérémonial d'usage., & les comédiens n'ont fait aucuns fraix 7 aucun divertiflfement, rien qui caradtérifât ce jour mémorable pour eux & pût: servir d'époque. L'entr'aéte- même entre la grande & la petite piece a-été fort long.
24 Juin 1773. On cite beaucoup le compliment de M. le Maréchal de Brissac à Madame la Dauphine, le premier jour où cette Princesse entra dans Paris-, tandis que le Prévôt des Marchands débitoit sa lourde & platte harangue Madame r lui dit ce preux Chevalier , vous* avcz-là fous vos yeux diux cent mille amoureux de vous, Propos bien digne- d'un antique Chevalier, qui affecte de ne rien faire , de nerien. dire comme nos modernes petits-maîtres.
25 Juin. Comme le mariage de' M. le Comted'Artois d-oit se faire dans l'amer e-faison & aux; ■ approches de l'hiver, faison plus favorable pourles bals & lef plaifirs-, on travaille à force pourdonner des fêtes en ce genre. On parle de cinq - opéra ,„ dont les auteurs se flattent d'être joués : le reste à proportion. Les Menus-font fort occupés , & l'on fait d'ailleurs que le Maréchal: de Richelieu qui se trouve cL!année -, a beaucoup d'goût.
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26 Juin I77. Le Sr. Chasle eftun Gentflhottîne Breton, qui par libertinage, par indigence ou bar une passion effrénée pour le théâtre, s'étoit ait acteur & chanteur de l'Opéra.. Sa belle fire, la noblesse de sots jeu & la beauté de sa ix, qui étoit une baffe-taille, l'avoient rendu bn des coryphées de ce spectacle. Il y a brillé longtems. Depuisplusieurs années il en est retiré: il a aujourd'hui 76 ans, Cependant, on ne ait trop comment, Madame la Comtesse DuDarrya voulu Pentendre. il s'est refusé aux inf- tances de ceux qui le sollicitoient pour cette Dame, & a déclaré qu'il ne chanteroit que pour le Roi, d'abord par Pobéiffance qu'il devoit à ron-roaÍtre-t & ensuite par reconnoissance de ses bontés & despenfions dont il l'honoroit. On lui a donc parlé au nom du Roi, & il a chanté à un petit souper devant S. M. & la Favorite. Ils en ont été émerveilles. Le Prince lui a dit t'1:11 e retenoit pour les fêtes du mariage; qu'il é lit qucftion -de remettre Roland, opéra dans lequel 11 excenoit, & qu'il vouloit que Chasse en fit lfe rôle. S. M. s'est expliquée-ainii vis-à-vis du Maréchal de Richelieu & des Intendans des Menus; & l'acteur est forcé de céder aux vœux du Monarque. Mais comme il est tien différent de chanter en chambre ou sur le théâtre, les amis de Fadeur tremblent pour lui. Au [urplus, le lendemain il a recu une boîte d'or de la valeur de 50 Louise & pour ménager sa délicatesse , iMadame Dubarri a bien voulu lui faire dire que 1 c'étoit de la part du Roi.
27 Juin. Depuis longtems on parle beaucoup d'une tragédie nouvelle du Sr. de la HarIFe, intitulée , les Barmecidcs. Suivant ion.
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usage il capte les suffrages des sociétés, en la .fant lui-même dans diverses maisons. Il a l'honneur d'être admis chez Madame la Ce telle Dubarri, qui a bien voulu l'entendre, pendant cetie Dame fatiguée dès le premier a( en avouant que c'étoit très-beau , bailloitbe coup. Elle a demandé le cahier de l'auteur; < l'a parcouru des yeux; elle lui a dit de lui les dernieres scenes) & a fini par s'extasier baillant toujours. L'amour-propre du petit l homme a été très-humilié , d'autant qu'il n' faire d'épigrammes contre le mauvais goût la Corn telle.
28 Juin 1771. On a parlé du jardin de M. B tin, appellé Tivoli, qui depuis qu'on l'a annoi est devenu encore plus varié & plus magnifiq On a inspiré au Duc de Chartres le goût d'en ci un semblable , c'ell-à-dire un plus magnifi( & plus digne de S. A. C'est un séjour enchan qui contribue à rendre plus délicieuses les oq du Prince. C'est le Sieur Carmontel, amat éclairé des arts, &qui les cultive lui même , ti connu par un rpeild proverbes & par son lent pour la caricature & pour des portraits société très-reifemblans, qui dirige les trav; de cette petite rhaifon , où, cnt..Jâutres eu fités, on a frit usage de h ponpe à feu, p l'élévation de l'eau & pour produire une rivi avec un puits.
29 Juin. Extrait d'une Lettre de ] rege, du 20 Juin 177,. Nous avons Mlle. Luzzi de la comédie françoise , qui efl nue pour remédier au* fuites d'une débai trop effrénée. "Cette aétrice revenue des v plaisirs de ce monde , est l'édification du pul
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Dn admire sa piété , sa résignation, dans les foufrrances, & elle ne joue pas moins bien le rôle le dévote que celui de soubrette qu'elle fairait.
3n dit qu'elle a quitté le théâtre ; mais on ne pourra vraiment bien juger de la vérité de cette :onverfion, que lorsqu'eïle fera rétablie, car ces :êtes foibles & romanesques passent aisément l'une passion à l'autre.
29 Juin 1773. Le Mémoire de M. Linguet, annoncé depuis longtems, se distribue. Il a pour titre : Supplément aux Obftrvatians pour le Comte de hlorangils, Cet orateur, d'une fécondité sans exemple, ne donne son nouvel ouvrage que comme une premiere partie du travail qu'il se propose. Dans celui-ci il discute la sentence u Bailliage du 28 Mai, & la présente fous 2; shefs différens, qu'il commence, qu'il contre3it, & qu'il refute) & dont il prétend enfin démontrer linjuftice & l'absurdité en totalité. Il innonce qu'il parlera încessamment de .la procédure , en traitant de la prise à partie qui fera demandée certainement, & que l'équité de la cour ne lui permettra fûrementpas derefufer.
Quelque aride que parut devoir être cette du- ussion, le brillant orateur a su y répandre les figures de son art. Les morceaux les plus int éreflans font Fexorde, quelques nouveaux détails sur -la police, une dissertation sur les Libelles &la justification des fiens ; enifn la perôraison vigoureuse contre lesconclufions du Procureur du Roi, d'après lesquelles le Comte de Morangies a été mis sur la felette. On ne peut nier qu'il n'y ait beaucoup de chaleur dans la plupart de ces endroits, qu'on ne les life avec plaisir. On n'en peut pas dire autant de la la-
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gique de l'Ecrivain, qui n'est pas ra partie do c: minantr. D'ailleurs l'impudence avec laquelle i i est convaincu d'avancer les faits les plus palpa-1 blemenc faux , discrédite tous ceux qu'il pour i roit articuler en faveur de ton client. C'est co qui ôte beaucoup de force à une piece qu'il cito: comme viétorieufe, ç'est une espece d'apologies du Comte de Morangiès , faire par la Nobieffo du Diocese où ses terres font iïtuées, en date du 29 Avril de cette année, & qui à la rigueur no conclueroit rien. Elle est souscrite de 19 signa..
turcs. D'ailleurs , est-ce le plus grand nombre V Comment ont-elles été données? Exment-elle!
même? Le peu de bonne foi du Sr. Linguet excite de semblables doutes.
30 Juin 1713. Hier, quoique ce fût jour de: fête, M. le Dauphin & Madame la Dauphines font venus aux Italiens, qui ont eu le bonheur] de jouer sur. leur théâtre devant eux , & de furmonter les ohltlcles qu'on proposoit contre. Lai circulation a été un peu génante pour le public: & pou.- les voisins du ipeftacle , qui ont eu peine à rentrer chez eux comme ils vouloient. Ain demeurant, il n'est arrivé "JClm accident. Ces!
Comédiens se - t distingués d'abord par un-et décoration dans le pourtour de la salle, qui!
donne un air de fête à cette représentation mé..
morable. Au moyen de girandoles en lustres qu'ils avoient appliquées contre les loges, il en J a résulté un ton plus brillant dans l'enceinte du public : les diamans des femmes jouoient mieux, & celles-ci pouvoient se distinguer avec plus de facilité, & développer tout l'écalage de leur parure. 1 Madame la Dauphine avoit demandé pour
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Diece Italienne : Arlequin & Scapin rivaux, fc pour féconde piece, le Deserteur. Cette der.
niere, a donné lieu à des applications heureuses, que le public a faisies avec avidité. Dans pn récit il est question des acclamations de l'Armée en faveur du Monarque, & de Vive le Roi, qu'on répété. Les applaudissemens ont ité rendus avec beaucoup d'intelligsnce par ceux que la police & les Comédiens avoient réandus à cet effet dans le Parterre. On a crié is, & Madame la Dauphine , en battant des nains elle-même, a donné son figne d'approation à l'acteur, qui a recommencé. A cette ois le parterre a chanté en chorus, Vive le Roi. Et ce concert assez discordant a été répété par quelques loges. Le Sr. Clairval, qui faisoit le rôle de Monte au Ciel, a jetté son bonnefc en l'air, en criant à son retour : Vive le Roi !
& Viventfts chers cnfans ! Et le public d'applaudir de nouveau, & de recommencer à chanter : Vive le Roi.
2 Juillet 1775. Le Journal Historique si Politique, institué depuis peu par le Sr. Martin & conforts, sur lequel ils avoient fondé les plus grandes espérances de fortune , ne se débite pas comme ils l'efpéroient. En conséquence ils ont imaginé de le réunir à celui de Bouillon, & de forcer le Sr. Rousseau à leur faire un fort. Ce*, lui-ci en butte à cette cabale puissante, a été obligé de recevoir la loi qu'ils ont voulu lui faire, & dorénavant doit prélever à leur profit une somme de ç r, çoo Livres : ce qui paroitroit increyable, si l'on ne tenoit le fait du Sr. Roufseau lui-même, qui en outre est obligé de payer une rançon de \)OQO Livres de rentei, pour
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exempter fou Journal Encyclopédique du fort fatal dont le menaçoit M. le Chancelier.
3 Juillet 1773. Les Spectacles avoient reçu desenses, lorsque M. le Dauphin & Madame la Dauphine y font venus , de faire aucun compliment. Malgré cela, les Italiens, comme on a dit, ont su l'éluder, en inférant adroitement au divertissement du DÇfcrtcur, des couplets, qui, sans être direêts, préfentoient une allégorie sensible de ce qui se passoit & des sentimens analogues. Par. le défaut naturel à la plupart des adteurs & adtrices de ce théâtre, malheurcufement personne ne les a entendus. Les voici.
Ce font cinq couplets ajoutés dans le Chœur qui termine la piece. On les dit du souffleur Ansiaume : 1er. Couplet.
Deux cœurs que l'amour enflamme!
Est-il rien de plus charmant?
Quel plaisir porte en notre aine Un fpe&acle si touchant!
2.
Ils partagent l'un & l'autre Nos transports & nos souhaits: Leftr bonheur devient le nôtre, Il ne finira jamais.
3.
Une Vieille. [Mlle. Deschamps.] Ma carriere est presque faite; Le terme est bien près pour mot
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Mais je mourrai satisfaite D'avoir vu ce que je vois.
4.
Une jeune fille.
De lettre belles destinées.
Que rien n'altère le cours.
Je donnerois mes années Pour leur conserver des jours.
5Louise & Alexis, avec le Chœur; Ne perdons jamais la trace : De ces momens enchanteurs.
Ce jour est un jour de grâce: Qu'il fera cher à nos coeurs !
Vive le Roi, c.
i; Juillet 1773. On a enfin tiré au clair Fhifc aire de la déclaration de M. de Montclar, Proureur général au Parlement d'Aix , qu'on avoit epandue comme souscrite par lui au lit de la iort , & qu'entr'autres le gazetier de Colore , tout Jésuite, avoit adoptée comme auhentique. C'est dans une Lettre d'un Gentillommc du Diocese d'Apt à .JI. que cette ntrigue est développée dans toutes ses parties.
1 en résulte que cette piece est absolument auffe. Il faut lire, dans l'ouvrage même , le déail incroyable des menées de l'Evêque d'Apt )our obtenir d'abord un pareil aéte du mori)ond, & ne l'ayant pu obtenir par ses émissaires, lour faire accroire au public qu'il l'avoit obtenu.
)n ne peut gueres révoquer en doute l'histori-
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que de cette intrigue , soutenu des Lettres pieces qui peuvent le fortifier. Cette brochur au surplus , est écrite avec une sagesse & UI modération qui disposent aisement à ajouter f à l'auteur.
6 Juillet 1773. Il nous est arrivé d'Angleter un quatrième volume des Efforts du Patri tifrnc , qui contient de nouvelles pieces , promet la fuite jusqu'à ce que la collection fc complette.
7 Juillet. On n'a pas tardé à repliquer la fuite des Observations de Me. Linguet, l'te. La Croix fait paraître un nouveau M moire pour le Sr. Dujonquay U. la Dame R1 main, contre le Comte de Morangies. On y 1 dans une Note : Cette affaire eut été c'toufft par la famille du Comte de Morangies, fifi défenseur ncfl fut vante de la gagner. Voit la cause de ses emportemens. On y réfuine c nouveau le fond de l'affaire , & l'on répon surtout aux critiques diverses que Me. Lingui fait de la sentence. On lui prouve que ses objel tions les plus spécieuses ne devraient pas êtl faites par un Avocat au fait des formes , de l'o être & du style judiciaire. Enfin , d'après ur consultation du 2 Juillet, Me. La Croix ren compte des motifs qui l'ont déterminé à écrii dans cette affaire, où l'on prétend qu'il n'avo ni mission ni caractere, & il déclare que c'est la foilicitation feule d'AubourgSc de Dujonqu qu'il est entré en lice.
8 Juillet. Il paroît une brochure clai destine & curieuse , intitulée : Raisons invii tibles qui doivent empêcher le Pape d accorda & les Souverains de pourfuivrc f abolition ( i
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la Compagnie de Je fus , tant que Cette caufc (éra dans l'état où elle efl. On voit par ce titre combien la piece doit être originale & recherchée. Elle est principalement dirigée contre le Duc de Choifeuil , à l'inimitié duquel on attribue la dissolution de l'Ordre dans une partie de l'Europe , & mérite une discussion très-ample , cette matiere étant aujourd'hui l'objet de l'attention des différens Royaumes partagés pour ou contre un Ordre fameux , qui semble tenir tête à une multitude de Potentats réunis contre lui.
Le Parlement ancien n'y est pas épargné , & le nouveau Tribunal y est demandé comme juge impartial de la querelle.
I 12 Juillet 1773. La Fricassée est une nouvelle brochure qui remplit à merveille son titre. C'est n pot pourri, où l'on parle de tout & où l'on ne dit rien. Si elle parvient à la postérité, elle fera la torture des Saumaifes à venir , plus (Encore que Rabelais & autres livres de cette lefpece.
13 Juillet. On a fait sur VErreur d'un mo..
ment, comédie nouvelle du Sr. Monvel , les quatre vers suivans : Monvel, las de nous faire rire, Hélas ! se livre au larmoyant: Fasie le ciel que ce délire Ne foit que l'Erreur iVun moment!
16 Juillet. L'auteur des Raisons invincibles9 &c. en a de générales & de particulières.
Les générales font: i°. que pour détruire un Ordre ancien , approuvé , protégé loué con.
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flamment par les plus éminens perfonages de l'Eglise, il faudroit des délits clairs , atroces , quifuflent ceux du Corps entier, & qu'il se fut montré incorrigible. On n'objecte , au contraire, que des imputations , vraies ou fauÍfes, contre quelques particuliers. On critique un Inftitut, brûlé en France , comme impie, & canonisé en Portugal , commefaint ; que tous les Sages , tous les Saints & sur-tout les Papes , les Evêques & un Concile universel ont regardé comme un chef-d'œuvre, & dont on n'a fait qu'un extrait frauduleux , fous le titre d'Assertions.
2°. Comme le crime ne se présume pas contre 20,000 Religieux , & qu'il ne peut être çonstaté légitimément que le prévenu n'ait fourni toutes ses défenses, il étoit également néce (Taire & indispensable d'entendre les Jésuites aussi juridiquement , aussi pleinement , aussi solemnellement que l'exigeoit l'importance de la cause.
50. Les Jésuites n'ont point été entendus de la maniere qu'on vient de voir qu'il falloit les entendre. On ne voit pas qu'en aucun tems, en aucun lieu , une audience libre , pleine, publique , ait été donnée à la Société, à son Régime , à ses représentans. L'auteur prétend , au contraire, pouvoir nommer le tems & les lieux où l'on a rejetté chez nous , impitoyablement & sans pudeur, des Requêtes en forme que présentoient les Jésuites, aux fins d'être ouis.
A ces vues générales, il croit pouvoir joindre des préjugés tirés des opérations dont on a été tçmoins, & c'est ce qu'il appelle ses raisons par..
ticulieres,
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18. Les Jésuites ont été proscrits uniquement sur deux pieces : savoir , sur les Extraits de l'initirut, faits ou débutés par le feu Abbé Chauvelin , & sur le Recueil des Assertions , fabriqué aux Blancs-manteaux , c'est-à-dire sur deux pieces qui contiennent au moins huit à neuf cent falsifications palpables. Ceux des Tribunaux qui témoignèrent longtems une juste horreur pour cette maniere de procéder , furent vaincus , par les ordres , par les menaces & par d'autres menées encore plus indignes du Ministre, [le Duc de Choifeuil] qui étoit alors à la tête de la persécution AlZti-Jifllitqlle.
2°. Cette persécution est l'ouvrage des Jansénistes , des Philosophes Encyclopédies , d'urt essain de Magistrats Républicains , ennemis du Catholicisme, de la Religion , de l'autorité Monarchique. Les Jésuites n'ont donc été proferitsr que parce qu'ils tenoient invinciblement à l'E -» glise Romaine , à Dieu & au Roi.
3°. Il est également averé & indubitable que les conjurés de Paris ont donné le branle à tout ce qui a été fait ou tenté en Portugal, en Espa.
gne, à Rome & ailleurs. On n'ignore ni la députation ni le nom des émissaires, ni l'envoi des libelles, ni les sommes offertes ou données , le tout fous la protection du grand chef [le Duc de Choifeuil ] dont la puissance étoit si étendue.
Ici l'auteur entre dans une grande difcuffiori de ce qui s'est pasle en Espagne ; &, dans une proropopée couchante au Roi de ce Royaume.
qu'il cherche à capter par un tour oratoire , il établit que tout prouve qu'il a été séduit ; que tout respire dans le complot en question les noirceurs de la calomnie, le caraétere des chefs
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de la bande , les moyens qu'ils ont employés, les pieces pour & contre qu'on a sur ce grand procès. Il discute ensuite les procédures portugaises , qu'il regarde comme un monstrueux alïemblage d'iniquités palpables. On ne peut le suivre dans le développement verbeux de cette partie de l'ouvrage.
Après il propose un Cas de conscience : savoir si des Princes Chrétiens & Catholiques peuvent en conscience demander au Souverain Pontife la destruction d'un Ordre, sans avoir vu ni entendu les accusés, sur des accusations dont une partie n'est pas articulée , @ dont l'autre est fausse , calomnieuse , absurde , &c. ? Il soumet cette décision au college des Cardinaux & à tous les Confultateurs Romains , au Clergé de France, à la Sorbonne, aux Universités d'Italie & d'Espagne, même aux Universités Proteftan.
tes d'Oxford , de Wittemberg & dupfal,, enfin au Muphti &à ses Imans.
Du reste, quand ? où ? en quelle forme ferat-on la revision du procès qui est l'objet de cette Requête ?
Ce ne feroit que trop tôt , répond - il ; à Rome, à Madrid , à Paris ou à Versailles : on ne refuferoit pas aujourd'hui le Parlement de Paris.
Suivent des objections & solutions, terminées par une observation décisive, suivant l'Ecrivain ; c'et f que si l'on n'a pas égard à sa réclamation, il prend acte contre les ennemis de la Société en présence de l'univers , qu'ils font non-seulement atteints, mais même convaincus , de tout ce qu'on leur impute d'atrocités.
.Dans cet ouvrage , où il y a de très bonnes
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choses , des anecdotes très-précieuses , il regne fous une apparence d'ordre & de méthode , un désordre & une confusion qui en rendent la lecture pénible , par une répétition fastidieuse des mêmes raisons, & par une multitude de mots accumulés, dans lesquels se noie la chaleur de l'orateur.
19 Juillet 1775. Le nouveau Mémoire de Me.
Linguet paroît , & est enlevé avec un cmpreffe.
ment proportionné à la célébrité de l'orateur.
Il a pour titre : Précis pour le Sr. Ménager , de l'Académie Royale de Chirurgie. Après un long détail des raisons qui obligent ce Menager d'entrer en cause, une grande difeuffion des motifs qu'il a de mécontentement contre les juges , des reproches grâves qu'il articule à leur faire , enfin il établit deux propositions incontestables : l'une , que ton client n'a jamais été dans le cas d'essuyer un décret ; l'autre, que ce n'est qu'en dénaturant la procédure par une manœuvre criminelle, qu'on est parvenu à se procurer une forte de prétexte pour le décréter. De ces deux principes il rire la confé.
quence , que le Juge qui a décrété le Chirurgien , & le Procureur du Roi qui a provoqué le décret, ne peuvent se soustraire à la prise à partie.
20 Juillet. On prétend qu'il s'est élevé une querelle entre la Comtesse Dubarri & le Comte Jean [le beau-frere J; qu'elle a été si vive que ce dernier , dans un de ces accès d'humeur violente dont on se répent toujours , a exhalé sa bile , & a fait une chanson , ou il se permet de rappeler , de la façon la plus piquante , des choses qu'il auroit dû oublier. Peut.
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être aussi un plaisant a - t - il été bien aise de trouver cette occalion de décharger la Tienne , en imputant au Comte Jean une production licentieufe d'une plume très - [atyrique. Telle qu'elle foit , voici cette chanson : Sur un air : De la Rqjiere.
Drôlesse !
Où prends-tu donc ta fierté ?
Princesse !
D'où te vient ta dignité ?
Si jamais ton teint se fane ou se pelt; Au train De Catin le cri du Public te rappelle.
Drôlesse ! &c.
lorsque tu vivois de la messe Du Moine, ton pere Guimard; Que la Ramson voloit la graisse Pour joindre à ton morceau de lard, Tu n'étois pas si ifere, Et n'en valois que mieux : Baisse ta tête altiere, Du moins devant mes yeux.
Ecoute-moi, rentre en toi-même, Pour éviter de plus grands maux : Permets à qui t'aime, qui t'aime , De t'offrir encor des sabots!
Drôleflfe !
Mon esprit est-il baisse ?
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Princesse !
Te souvient-il du paffé?
21 Juillet 177. Dans le tems de la tenue des Etats de la Province de Bretagne , il a été question d'un Mémoire de la NobleJJe de cette Ï Province au Roi, qu'elle s'est trouvé obligée de faire feule, les Conimiflaires ayant eu le secret d'intimider par menaces ou de séduire par promettes les députés des deux autres Ordres , pour qu'ils s'abstinssent d'y prendre aucune part ; & i I c'est ce qui a servi ensuite de prétexte à la cour pour ne pas. vouloir recevoir le Mémoire en question, dont on auroit voulu aléantir jusqu'à l'existence : c'est ce qui en a retardé la publicité jusqu'à présent. 11 est imprimé aujourd'hui. Il est d'une clarté, d'une précision, d'une force , qui le font lire avec la plus grande avidité. C'est d'ailleurs un tableau aussi fidele qu'effrayant des 1 j coups d'autorité multipliés, par lesquels le Miniftere sappe sans relâche la liberté de cette province, dont on lui envie jusqu'à l'ombre qui lui en reste. On admire l'éloquence avec laquelle l'orateur , après avoir tracé du pinceau le plus mâle & le plus rapide les ravages du despotisme, les fuites funestes, les malheurs sans nombre qu'il entraîne, ramasse toute l'onétion du sentiment pour attendrir le cœur du Monarque & émouvoir ses entrailles paternelles. Quelque bien fait que foit celui de la Noblesse de Normandie sur le même sujet, on trouve le Mémoire en question bien supérieur pour l'enchaînement , la marche, le style.
22 Juillet. Le Sieur Le Carpentier, Ar.
chitede, membre de l'Académie Royale d , Ar«
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chitecture, vient de mourir. Il avoit beaucoup de célébrité. Le Pavillon du Sr. Bouret , connu fous le nom de Pavillon du Roi, & qu'en effet ce financier avoit fait ériger dans l'espoir que S. M. l'achetteroit, est un morceau très-propre à lui faire honneur, par sa noblesse, son élégance & sa belle distribution.
23jitillet 1773. Outre les quatre volumes qu'on a annoncés fous le titre gén-éral des Efforts du Patriotijme , &c. on a imprimé dans le même format un Recueil de Réclamations , Remontrances , Lettres , Arrêts , Arrêtés, Protestations des Parlemens , Cours des Aides , Cham.
bres des Comptes, Bailliages, Prvjidiaux, Flections, au sujet de ïEdit de Décembre 1770, ÏEreèlion des Conseils Supérieurs , la suppression des Parlemens , Eec. avec un Abrégé historique des principaux faits , relatifs à la suppression du Parlement de Paris, & de tous les Parlemens du Royaume. Ces deux volumes, grand in - 8°. ont pour Epigraphe : Majora legum quam hominurn imperia. Ils font imprimés aussi à Londres. Ils font précédés d'une préface très-bien écrite & d'une éloquence digne de la matiere importante , traitée dans le contenu de l'ouvrage.
24 Juillet. Lettre du Pcre CauJJin, Jésuite, ConfeJJeur de Louis XIII, à Monjligneur le Cardinal de Richelieu.
On ne peut mieux faire connoitre cet ouvrage , que par l'avertissement de l'Editeur, que voici : ,, Le manuscrit que nous présentons ici au public pour la premiere fois , échappe à la jalousse d'une Bibliothèque privée. Beaucoup de
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traits qu'il renferme intérefferit la curiosité du Ledeut dans les circonstances où on le public , mais écrit d'ailleurs d'un style peu imitable & qui fait peinture par sa faillie & ses images ; il auroit intéresse dans tous les tems : on auroit pu y supprimer quelque préjugé personnel , comme une longue déclamation sur les traités entre un Prince Chrétien & des infideles , quelque comparaison tirée de la scholastique , &c.
mais on a préféré à tout la plus exaéte conformité avec le manuscrit. Quelques Lecteurs demanderont quelle vraisemblance il y a que le Perç Caussin , exilé & sans appui de ses Supérieurs-, ait osé prendre un ton si véhément avec -le redoutable Cardinal ? On y trouve liréponfe dans l'écrit même. Mais ce trait de chaleur & de zele n'eut-il' pas été porté jusques fous les yeux du Mioiftre f ce que le manuscrit ne décide pas] il ne demeure pas moins intéressant de placer parmi les monumens de l'hifioire ce qu'un homme d'esprit pensa dans le tems même d'une fiilluftre administration politique „.
Il est certain qu'il est peuji présumer qu'ùiï simple Religieux & un Jésuite ait osé écrire au Cardinal du ton sur lequel cette Lettre est montée. En tout cas le fauiTaire a merveilleusement bien contrefait "le style figuré de -ce tems là, & y a répandu l'éloquence du siecle, où it.
y a de très-belles choses. Mais il est à craindre que le but de l'ouvrage ne foit absolument manqué, & ne faffe un effet tout contraire puifqu'il ne doit inspirer que plus de confiance au Chancelier, par l'exemple qu'il lui fournit d'une administration si blâmée , si injuriée par Js contemporàins & si exaltée parles hifforiens
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postérieurs , si admirée aujourd'hui. Le paralelle des tableaux effrayans qu'on y trace de l'état malheureux de la France , assimilé à ceux des Ecrivains actuels, prouveroit que tout ce qu'on en dit aujourd'hui n'est que pure déclamation , comme la Lettre du Religieux. t 21 Juillet 1773. Le Sr. Morand , membre de l'Académie des Sciences , & chirurgien-major; des Invalides, vient de mourir. \;' 28 Juillet. On parle beaucoup d'une Oraison funèbre du Roi de Sardaigne , où l'auteur £ fous prétexte de louer ce Monarque, fait une satyre très-vive de tous les Potentats de l'Eu.
rope. Cette piece est très-rare & l'on n'en parlq encore que par ouï-dire..
29 Juillet. M. de Porte-lance, autrefois connu dans la Littérature par quelques ouvrai ges , & sur-tout par une tragédie qui , fan.
avoir réussi, lui fit un certain nom , à raison de sa jeunesse, vient de sortir de l'obscurité où il étoit resté depuis quelque tems , & a plaidé avec éclat tout récemment dans sa propre cause.
11 s'est acquis d'autant plus de gloire , qu'il n'a pas craint de lutter contre Me. Linguet & qu'il a eu l'avantage.
Celui - ci vient de faire imprimer son Mémoire , qui ne gagne point à la levure. Il défend un nommé Trunel, que le premier accuse d'avoir enlevé , par féduétion, captation , obsession, hypocrisie, la succession de son beau-frcre.
L'orateur paroît avoir eu moins en vue de composer un Mémoire dans cette affaire , que d'y mentir, à son ordinaire , impudemment à la face de tout le palais , relativement aux querelles
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journalières qu'il se fait avec son Ordre & avec (es confreres les plus en réputation.
1 Août 177,. Jeudi dernier, vers les neuf heures du foir, s'est manifesté dans la partie du Sud un phénomène à-peu-près semblable à celui dont on a parlé, il y a deux ans. Il étoit moins considérable : c'est un rayon de feu qui a paru sortir des nuages & n'a duré que plusieurs fécondes. Il a renouvellé dans plusieurs têtes foibles les terreurs encore récentes qu'y avoit occasionnées l'annonce prétendue de la comete.
z Août. Le Regulus, tragédie nouvelle de M. Dorat, imprimé depuis longtems, mais changé de beaucoup , a été joué avant-hier pour la premiere fois. Cet auteur, malheureux iufqu a présent à chauffer le cothurne , a reçu des applaudissemens très-grands & trop prématurés au premier aCle. Ils n'ont pas été également soutenus au fecond & au troisieme : &les connoisseurs conviennent généralement que ce n'était pas la peine de traiter un pareil sujet après Pradon , pour le refaire plus mal. Il ne s'est pas appercu que Regulus étoit un de ces caracteres roides, difficiles à ployer au théâtre; un de ces êtres impaffibIes, qu'on ne peut par cette raison mettre en scene ; que de la vertu extraordinaire & farouche de ce Romain il ne devoit résulter qu'une admiration , très-grande d'abord , mais stérile & froide ; que les fentijnens généreux de l'amitié , l'amour conjugal , l'amour filial, ne pourroient produire quelque effet, qu'autant qu'ils occafionneroient des combats , des flux & reflux dans le cœur du Héros, & que son genre de patriotisme étoit tel , qu'il ne POUyoÍt les lui kiffer éprouver ; qu'enfin le
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trait héroïque de Regulus, propre à éblouir d'abord les jeunes gens , ne fournissoit réellement qu'une scene. C'est ce que prouve la pieoe de l'auteur , absolument dénuée d'action, qui ne se soutient que par de petits moyens , & n'est , à vrai dire, qu'un long plaidoyer , une amplification de coliege , où le poëte a fondu tout ce que le patriotisme outré peut fournir d'idées plus gigantesques que vraies.
l'H. Dorat a chauffé le brodequin avec plus d'avantage \fa Feinte par amour, en trois ades & en vers, donnée pour petite piece , ne contient qu'une intrigue foible, trop allongée, trop délayée dans une multitude de scenes oisives & qui ne font pas avancer l'intrigue, peu neuve d'ailleurs, & relTemblante à quantité de pieces.
Mais il a enrichi ce fond très-commun de détails piquans & agréables ; il a développé une connoissance heureuse des mœurs du liecle & du caradere des femmes. Ses peintures pourtant font plus fines que fortes ; plus nuancées que colorées. Son comique est plus de mots que de situation ; & s'il ne se repete pas encore , il est à craindre qu'il le faITe à la premiere fois, &ne iefte dans le cercle de frivolité autour duquel roulent toutes ses Epitres. C'est un observateur qui ne saisit que les surfaces , & n'a pas le coup d'œil assez vigoureux pour percer l'écorce & fonder le cœur humain dans la profondeur de ses replis.
3 Août I77. L'Aéte d'Apollon ~£ Coronis, exécuté vendredi à l'Opéra, a été aHéz bien reçu du public.
4 Août. Il y a un différend de Madame de jVlargeret, Abbessè de St. Paul-les-Soissons, ; - i
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avec l'Evêqùe de cette ville, qui a obtenu une une Lettre de cachet, fous laquelle elle gémit?
à l'Abbaye-du Pont-aux-Dames. Il paroît qu'elle' ne s'est point rallende des efforts qu'elle fàisoit pour avoir justice des persécutions du Prélat, & qu'elle 11 intéressé. dans sa cause divers Seigneurs, entr'autres M. de .Puységur , qui .a une terre dans le même canton, & qui s'étant interposé à Compiegne en faveur de l'exilée, a eu une dispute vive avec l'Evêque: ce qui a fait dire que ce Seigneur en étoit venu à des paroles dures, à des gestes, & même à des voies de fait. Mais il y apparence que l'anecdote des coups de pied au cul, répandue avec affectation par les partisans de FAbbeue, & plus encore par les libertins & les impies, est absolument sausse. Au reste, comme on convient assez généralement que Madame l'Abbesse est très-galante, qu'elle a-eu une intrigue avec M. de Puységur, on n'est pas surpris de l'extrême chaleur qu'il a mise vis-à-vis du Prélat.
Quoi qu'il en fQit , cette histoire, vraie ou fausse, fait rireaujourd'hui la cour & la ville.
Ce M. de Puysegur :est un homme très-instruit, -de beaucoup d'esprit, & auteur d'un livre qui a paru il y a quelques années, pù il prétend que le Clergé ne -doit pas faire un Ordre dans l'Etat. Çette assertion, révoltante pour lè Corps Episcopal, a laissé un venin qui fermente encore, & le rend très-odieux à Noffeigneur les Prélats.
; Août 1773. Le Th/ifme, Essai philofophique-: deux volumes, avec cette Epigraphe : Ad cœlam fiinc ir-c jjutandum efl. sublimes ani.
mas.. Ce qui dtkelé tôpt le plan du Livre)t),' "i ,",' of - -
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qui n'est point un ouvrage théologique ; qui discute l'objet de la rai son, & non celui de la foi. L'auteur veut démontrer que les raisons de la Divinité se font jour dans tous les cœurs par une impression universelle & supérieure à toutes nos institutions. Il ne traite que de la religion naturelle, & s'abstient de rien dire sur la révélation. Cet ouvrage, bien écrit, plein de vie, & qui embellit la métaphysique par tous les charmes d'une imagination riante & poétique, est divisé par paragraphes. S'il n'apprend rien de nouveau , il a du moins une maniéré particulière qui mérite d'être suivie & discutee.
7 Août 1773 - L'Acte dApollon t#1 COlonis, remis sur le théâtre Lyrique le vendredi 30 Juillet, quoiqu'assez bien requ le premier jour, n'attire pas plus de monde que les autres fragmens. Il est tiré du Ballet des Amours des Dicux: paroles de Frezelier, musique de Mouret, & mériteroit sans contredit plus de succès. Le poëme est intéressant : les paroles en font harmonieusés, tendres & dans le vrai genre lyrique : la musique est douce, gaie & pleine de sentiment. Mais l'exécution ne répond pas au mérite de l'ouvrage.
8 Août. Me. Vermeil, qui depuis ses plaidoyeries dans l'affaire de Dujonquay , avoit gardé un silence profond, répand aujourd'h ui un Mémoire volumineux, mais ferré de faits & des preuves dont ils font susceptibles. Cet Avocat s'est interdit toute déclamation : il n'y a pas un mot qui n'ait trait à l'affaire , & cet écrit çft certainement un modele de tous ceux qu'on devroit publier au palais.
9 Août. Vendredi dernier, 6 de ce mois j,
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M. l'Abbé de l'Epée a fait faire l'exercice pu.
blic , par lequel il termine ordinairement l'année de les travaux. Ils confident à instruire des lourds & des muets au point de leur inculquer es notions, qu'ils fembleroient ne pouvoir acuerir, & rendre encore moins. Il apprend aux uns à articuler des fons, avec difficulté, mais ui forment un langage propre à se faire entenre de ceux qui font au fait, & aux autres à epondre par écrit aux questions qu'on leur fait; e qui s'est exécuté devant beaucoup de monte, à la satisfaction de tous les fpeétateurs.
11 Août 1773. Plus de vingt mille curieux s'éoicnt rendus hier à St. Ouen, & n'ont rien trouve qui répondit à la magnificence du Prince de Soubise & à l'honneur qu'il avoit de recevoir Madame chez lui. La fête a consisté uniquement dans une joute sur l'eau & dans un jouper. On ne parle pas même de celle qui a été donnée à cette Princesse à Vandres , le 31 Juillet dernier. Elle mérite une description particulicre.
Madame & Madame Elisabeth devant aller t Yandres pour y voir Mademoiselle, cette Princesse voul ut leur procurer quelque amufenent. En conséquence M. Laujeon fut chargé S'imaginer quelque chose. On connoît les tains de ce Secrétaire des commandemens plein e eout & d'invention. Il s'associa M. de Pin- shefne, très-propre à ce genre de fpeétacles, :tant exercé depuis longtems à alimenter le hiâtre d'Audinot, qui ne se soutient que par ui. Et voici le résultat de la fête champêtre , out-à-fait analogue aux circonstances, car il
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faut observer qu'il ne devoit point y avoir d'hommes.
Madame & sa fœur trouvèrent Mademoiselle vêtue en fermiere, occupée des fondions de son état, battant le beurre, &c. Elle les prie d'excuser si elles la surprennent ainsi. Elle leur propose de goûter de son laitage, & cependant elle appelle ses femmes. Après plusieurs délais, qui donnent lieu à des incidens agréables, & à des couplets, prélude de la fête, celles-ci arrivent dans un accoûtrement rustique , & présentent chacune leurs présens, un agneau , un nid de fauvettes & des fleurs. Alors Mademoiselle paiTe dans un cabinet de verdure pour y faire sa toilette ; les Dames de sa fuite s'habillent dans d'autres , & toutes reviennent parées convenablement à leur rang. On conduit Madame à un portique de feuillage élevé dans les jardins, & servant d'entrée au Temple de l'Amitié, auquel Mademoiselle, qui aime beaucoup à bâtir, avoit travaillé de ses mains. Comme les Princesses se rendoient au Temple, on entendit une musique délicieuse , dont on ne voyoit point les auteurs; ce qui sembloit la rendre céleste.
Elle étoit composée d'instrumens à vent, dont les joueurs étoient cachés dans le feuillage.
Richer, aussi caché , chanta une hymne à l'Amitié. Il se trouva dans ce lieu un livre magnifique, que Mademoiselle présenta à Madame.
Sur le premier feuillet elle vit son nom inscrit en lettres d'or, celui de sa fœur sur le fécond, & celui de Mademoiselle sur le troisieme. Les trois Princesses mirent la main sur ce livre, & se jurerent une amitié immortelle. A cette cérémonie succéda une piece de M. Laujeon , avec
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rrologue, roulant sur 'le même sujet, & tonjours composée exprès pour être exécutée lans ommes. Mesdames se transporterent de-la ans un sallon magnifique, où les compagne de Mademoiselle, vêtues eh Nymphes, exéculerent avec les villageoises un Ballet pantomine, qui enchanta par son-expression & sa juC.
dfe. Au sortir du sallon , Mesdames entrerent lans un bosquet, où on leur servit une collation. Elles furent reconduites au château à tra'ers une allée , dont les arbres étoient chargés te guirlandes de fleurs & de cartouches, con.
jenant des devises & des emblêmes relatifs au pur, aux perfonages. On les fit tourner autour l'un baffin, dont les bords étoient ornés d'aures cartons. Il s'y trouvoit des couplets, que ficher chanta fticceflivement.
C'étoit toujours quelque choie de nouveau.
fin approchant du château , les Princesses su.
jent arrêtées par ce dernier fpeétacle. Ce suent six enfans d'Audinot) qui jouerent une sa île, dont les personnages étoient Henriette, Pauline, le Singe, l'Ours, le Chat & l'Ane, & ont la moralité rouloit sur la flatterie de$ ourtifans.
Madame sortit enchantée de tout ce qu'elle uitva, & fit les plus grands remerciemena lX auteurs delà fête, qui eurent l'honneur de [n être prefontes.
12 Août 1773. Mlle, de Raucour, pour mieux 'exercer, est allée à Compiegne & y joue dans a troupe de Préville. Depuis que le F oi est dans, e lieu, Madame la Comtesse Dubarry a fait onner une représentation au piofit de cette lÇtrice. Elle a bien voulu distribuer elle-même;
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des billets aux Seigneurs de la Cour, qui pc lui plaire se font empresses d'en prendre. C' ainsi que cette illustre favorite cherche à e courager les talens.
16 Août 1773. Les Comédiens Italiens ont mis depuis quelque tems,sur leur théâtre un'a cien Opéra-comique de Favart, intitulé : Ac joii,'en trois ades & mêlé de vaudevilles, si vant la mode de ce tems-lit ; ce qui n'avi pas d'abord alléché les amateurs : mais on a p goût peu-à-peu à cet ouvrage rajeuni, très-gc très-piquant, plein d'une critique fine & just extrêmement varié dans ses détails, & orné jolies décorations. Il est annoncé pour la qu trieme représentation, & est digne de fucci Il est infiniment supérieur à tous les opéra-c miques modernes. Il est dans le vrai genre beaucoup plus naturel que ces drames h moyans. On y a joint quelques morceaux chant plus travaillés, bien fondus avec le reJ & qui ne font qu'augmenter son mérite.
24 Août. C'est le 19 Août que le no veau Tribunal a enrégistré les Lettres patent données à Compiegne le 30 Juillet pour la cor irudtion des bâtimens devant servir à la Com die Franqoife, sur les terreins de l'ancien hôl de Condé. Le préambule en est curieux par 1 éloges donnés aux Comédiens , & les égards q le Roi leur témoigne.
C'est le Sr. Moreau, Architecte du Roi, maître général des bâtimens de la ville, qui < chargé de la conftruftion & du plan de la fall Le Roi achette l'hôtel de Condé & ses environ & donne à la ville dans cet emplacement terrein nécessaire pour la Comédie, qu'elle se
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onftruire à ses fraix, & pour y subvenir S. M.
putorife à emprunter i,joo,ooo Livres.
2i Août 1773. Il est de réglé aujourd'hui que 's Académies des Belles-Lettres & des Sciences unies assistent à l'Oratoire pour y entendre le anégvrique de Saint Louis, prêché par un Eclésiastique nommé par elles. C'est le Président e la première qui en fait le choix. Ce diféours s prononce après celui que fait faire l'Acadélie Françoise à la Chapelle du Louvre. Tout e monde en sortant de cette Chapelle s'étoit endu à l'autre Eglise, & comme on étoit dans 'attente du discours, les Académiciens ont apiris qu'il n'y avoit personne de nommé. M. de Nivernois, le PréIident, qui auroit dû faire la lomination, s'est rappelé l'avoir oublié tout iet. Pour réparer cette omission, s'il étoit posible, il a demandé si dans la multitude d'AbHS qui étoient-là, il s'en trouvoit quelqu'un en :tat de monter en chaire? Il l'a affuré d'arance qu'on l'écouteroit avec plaisir. Mais perbnne n'a osé prendre une pareille commission , k le public s'est en allé peu édifié de la dévoion de Mrs. les Académiciens.
27 Août. Le nommé Loriot , Machilifte connu par plusieurs inventions ingénieues & méchaniques, a trouvé aussi un mastic égaement à l'épreuve de la pluie & de la chaleur.
)'après les expériences faites, S. M. a acheté on secret moyennant un contrat de cent mille rancs, à quatre pour cent d'intérêt. Les Ar:hitecles du Roi ne veulent pas qu'il en foit "ait usage avant celui qu'on en doit faire pour es maisons royales, & le secret ne fera divul[ué qu'alors. M. le Duc de Chai très ayant en
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besoin de Loriot pour sa petite maison, l'a d< mandé au Contrôleur-général, qui le lui a er - voyé. Ce mastic pourra tenir lieu de tuiles o d'ardoires pour la couverture des maisons.31 Août 177?. Quoique le discours de M Necker, couronné à l'Académie Françoise, foi approuvé, suivant l'usage rétabli par un dernic Arrês du Conseil, par deux Doéteurs- de Sor bonne très-connus , la Faculté de Théologie, 01 du moins quelques membres de cette Faculté font scandalisés de la manière cavaliere dont 11 Philosophe orateur y parle de l'existence di Dieu, qu'il semble ne donner que comme uni opinion utile. Cepen dant, comme le paffag n'est que louche & que l'Ecrivain s'exprime ail.
leurs d'une façon plus cathégorique , on ne croil pas que l'on s'en occupe en Sorbonne.
50 Août. Le Mémoire sur l'usage qu'il con.
viendrait de faire du revenu des Abbayes qui font en commende, est, dit-on dans un avertissement, le résultat d'une conférence que l'auteur eut avec un célèbre Magistrat, il y a une douzaine d'années. La conversation étant tombée sur les Bénéfices, l'auteur exposa ses idées sur les Abbayes en commende. Le Magistrat en fut frappé : elles lui parurent très-solides.
Il crut que l'auteur les avoit puifces dans un projet de Lettres patentes, adressé par le célébre Domat, qui étoit entre les mains du Chancelier d'Aguesseau, mais dont l'auteur n'a jamais eu aucune connoissance. 11 le pressa de les mettre par écrit, ce qu'il ne fit point alors & ce qu'il a fait depuis. L'Editeur a regardé ce projet comme si utile à l'Eglise & à l'Etat qu'il eeft empressé de le publier. Puisse-t-il faire
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[Ter le scandale que caurent dans l'Eglise tant gros Bcnéficiers, dont la vie fait gémir les ns de bien & fournit une ample matiere aux nfures & aux dérisions des mondains ! On era par le développement du projet, quels ;ns infinis il peut produire pour le temporel pour le spirituel, & comment l'exécution en urroit avoir lieu.
31 Août 177Acajou a constamment attiré monde à la comédie italienne, & l'on donne : opera - comique, jeudi pour la ipme. & rniere fois. Le succès de celui-ci a excité le le des comédiens, & ils se proposent de choicet hyver dins leur répertoire de ce genre, .is ceux qui feront susceptibles d'être préfenau public. Ils doivent jouer incessamment Kofc de Piron, piece extrêmement piquante.
ier. Septembre. L'auteur du Mémoire sur "âge qu'il conviendroit faire du revenu des bayes qui font en commende, explique d'ard ce que c'etoit que les Abbayes dans les miers tems de l'Eglise, & fait voir que les mmcndes aétueJles ne. ressemblent en rien < Commendes d'alors. Il en démontre le vice l'abus dans la maniéré dont on les confere iourd'hui. Un Abbé Commendataire est un cléiiaftique séculier à qui le Roi donne, sans ifulter les Religieux , la moitié du revenu ine Abbaye , qu'on appelle Manse Abbatiale , ur en jouir & en faire ce qu'il lui plaira. Et n'est pas là , sans doute , ce que devroit e un Abbé de Religieux.
D'ailleurs ces Commendes font injustes, i".
'ce qu'elles dépouillent , sans aucune forme procès, les propriétaires d'un bien qui leur
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appartient légitimement : za. parce qu'elle anéantissent les dispositions des fondateurs 3°. parce qu'elles donnent les biens des ml nafteres à des gens qui n'ont aucun titre ni c l'Eglise ni de l'Etat pour les posséder.
Envain ces prétendus Abbés invoqueroie en leur faveur le Concordat. Le Roi s'oblige ne nommer que des Réguliers aux Bénéfic réguliers, & des Réguliers du même Ordr D'ailleurs, ce Concordat, par lequel François accorda au Pape le droit de prendre à chaqi présentation le revenu d'une année de chaq Abbaye , à condition que le St. Pere lui accc deroit le droit de présenter à toutes les A bayes de son Royaume, n'est pas regardé comr une convention bien légitime. Mais on est fez d'accord sur le vice & les abus des Abbay en commende ; on demande comment y ren: dier ?
D'abord, comme le Roi même ne peut ôl à personne sa propriété , il faut rendre a monasteres un bien qui leur revient légitimeme; En fécond lieu , par une conséquence même principe, il faut entrer dans les vi des fondateurs, il faut remplir les charges conditions qu'ils ont apposées à leurs dons, i font : il. Qu'il y eut dans les monasteres le p grand nombre de religieux possible, rebri, ment à leurs revenus, pour qu'il y eût un p grand nombre de personnes uniquement oc< pées à prier Dieu pour l'Eglise , pour l'Etat pour les fondateurs eux-mêmes.
2°. Que le Service divin fc fit toujours d; les monasteres avec la plus grande décence,
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93 Il. Qu'en se dépouillant d'une partie de leurs ens en faveur des Religieux, ceux-ci fatisfif:nt mieux pour eux à l'obligation que Dieu npofe .aux riches de soulager la misere des auvres.
En conséquence , l'Ecrivain propose d'abolir :s Abbés Commendataires , d'en réunir les resnus à la mafle totale de ceux des Abbayes , : de charger les Religieux d'en distribuer une artie annuellement aux personnes auxquelles ; Roi affigneroit des pensions sur le monastere.
[ Ceux auxquels on accordeyoit de ces penons , feroient ou de pauvres Ecclésiastiques apables de servir l'Eglise , mais n'ayant pas un l'en de famille suffisant pour subsister , ou de auvres Militaires, qui ont bien servi l'Etat, u des hôpitaux qui n'ont point assez de reenus pour fournir aux. besoins des malades & es pauvres que la misere force de s'y retirer , lU des collèges qui n'ont pas suffisamment de tuai stipendier les maîtres qui élevent la jeu, nesse, ou enfin des séminaires, dont on vouIroit que les pensions des Ecclésiastiques fusent modiques , & même gratuites en certaine [uantité.
'A la fin de l'ouvrage se trouve un modele l'Edit tout digéré , extrêmement fage , au bas luquël le Souverain n'auroit plus que son nom l mettre; mais qu'il n'y mettra pas : toute la fete du Clergé , revêtue de pareilles Abbayes, :st trop irtéressée à les conserver, bien loin de es remettre ainsi gratuitement.
Du reste, le Mémoire est très-sagement écrit, ans fiel, sans amertume. L'auteur s'est même ibftenu de ces portraits satyriques, tres-prores
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à faire la fortune d'un écrit de ce genre, & qui seuls peuvent attirer les regards des gens du monde sur de pareils ouvrages.
2 Septembre 1775. On prétend que Mlle. de Raucoux , cette jeune Aétrice, si renommée par ses talens précoces & par sa sagesse antique, a vu enfin sa vertu échouer au voyage de Compiegne ; que M. le Duc d'Aiguillon , ce Ministre d'un tempérament fougueux & qui conferve encore tous les feuxcde la jeunesse , a vaincu & les préjugés & la résistance de la Comédienne. 1 4 Septembre. Les trois nouveaux écrits qui ont paru dans l'affaire du Comte de Morangiès, en même tems du jugement , font : 1 1°. Répliqué aux derniers écrits du Comte de Morangiès & de ses adhérens. Celui-ci est le 3 me. Mémoire de Falconnet. Il porte la conviction jusques chez les plus incrédules.
D'ailleurs, comme oratoire, c'est aussi une ex- cellente piece. On y trouve plus .de nerf que dans les deux premiers, & le sarcasme y est employé plus adroitement.
2°. Addition au resumé général, &c. C'est le dernier effort de Me. Linguet, où sa rage redouble contre tous ceux qui osent écrire ou dire quelque chose en faveur des Verons. Le Notaire L'Héritier y est surtout très-maltraité.
C'est ce Notaire qui a reçu le Testament de la grand'mere. Il annonce dans un poftfcriptuni qu'il attend justice de la Cour contre les Ecrivains adverses qui l'ont trop bien refuté, & il veut les attaquer perfonellement sur les inju-' res qu'ils lui ont dites, comme s'il avoit le privilege exclusif d'en dire seul. *« j°. La
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3°. La vérité géomltrÙjuement démontrée f juridiquement prouvée dans l'affaire des nt mille écus. Lettres d'un Colonel étranger un Membre du Parlement d'Angleterre ssir affaire du Comte de Morangics, dans lesquels on rapporte tout ce qui a été plaidé & imrimc pour E:cf contre les deuot-parties.
Ce pamphlet n'est qu'une répétition faftidieu? de tout ce qui a été écrit dans les divers fémoires de Me. Linguet, & dénué de ces orceaux d'éloquence chaude qui pouvoient acher le Ledteur qui n'y cherchoit que les Jands mouvemeris de l'Orateur.
5 Septembre 1771. L'Académie Royale de iufique se propose de donner incessamment au jblic un Ballet nouveau en trois actes, dont titre n'eH: pas encore bien désigné. 11 regne i général sur l'union de C Amour & des Arts.
:s paroles font du Sr. Le Monnier , la mu sije est du Sr. Floquet. Les amateurs, qui ont ïiîlé aux répétitions , n'en paroîssent pas exêmement contens : ils en trouvent la musique ès-médiocre & dans le genre antique.
7 Septembre. Les Directeurs de l'Académie oyale de Musique ayant enfin fixé le titre du )uvel Opérai, il a été annoncé fous celui de Union de l'Amour & des Arts , Ballet héroïle en trois entrées , composé des Actes de athile U. Chloé, de Théodore, &de la Cour Amour. Il a été exécuté avec un succès ex..
aordinaire. L'enthousiasme du public a été )rté au point, que dans le courant du fpeccle on a obligé plusieurs fois l'Orchestre de irréter, pour donner cours aux appIaudiffeens & aux crix tumultueux avec lefouels on
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demandent l'auteur. Comme on ne s efb pa trompé sur celui des deux qu'on désiroit voir à la fin du spectacle, & la toile tombée, on amené par un coin du théâtre le Sr. Floquet qui a joui d'un honneur que n'a jamais eu Re meau. C'est le premier qui ait été ainsi demand sur la Scene Lyrique, & qui ait paru. On a i combien ce Musicien, âgé d'environ 23 ans avoit eu peine à faire recevoir son ouvrage quelles mortifications il avoit essuyées penclar les répétitions , & les Spectateurs indignés or été bien aises de trouver cette occasion de dédommager de tous ces dégoûts. Au reste son ouvrage est charmant à bien des egardi mais ne méritoit pas cet excès de fanatifm D'ailleurs , les danses, variées, pittoresques délicieuses , n'ont pas peu contribué à fai: tourner les têtes.
S Septembre 1773. M. Caron de Beaumarcha fait paroitre un Mémoire a corifulter, F. Co fllltation, dans son affaire contre le Sr. Goe man, Conseilles du nouveau Tribunal. Il y e tre dans le plus grand détail de toutes ses d marches pour avoir audience de son Rapporte & des difficultés qu'il a essuyées, ou plutôt l'impossibilité absolue où il s'est trouvé de pa venir à lui, avant de faire fournir à sa femn les cent Louis en question pour la premiere fo Après avoir aussi traité l'article de la montr qui lui a été rendue, & des 1 ç Louis dema dés pour le Secrétaire , & que celui-ci n'a p reçus » quoiqu'ils fussent e:;':fés à cet effet, il juftitig du projet de corruption qu'on lui su pose, & te Sr, ISUMte 5 Avocat consultant,
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ifolument d'avis qu'on ne peut l'inculper à t égard. , r. 'd" & Ce Mémoire, qu'on fait être rédigé & com)se en entier par M. de Beaumarchais , est périeurement fait. Quoiqu'il ne roule que sur le narration , minutieuse en apparence, de tites circonstances peu intéressantes , il y a is tant d'art, tant de précision , un farcafmc fin & si bien ménagé, qu'on le lit avec la us grande avidité.
Par un concours assez singulier de circonftans, quatre hommes de Lettres r.fameux ou non, trouvent impliqués audit procès.
] °. Le Consultant, connu pour tel, célébré théâtre, & qui se proposoit d'amuser le Puc le carnaval dernier d'une façon plus agréapar son Barbier de Séville; que sa premiere aire avec le Duc de Chemines a retardç.
S"* G°?zm?n » atteint & convaincu par Memoire d'avoir composé de petites broures clandestines pour le Duc d'Aiguillon 2 sur "n le Chancelier, & pour favoriser la révo- ion de la Magiftrattire lesquelles s'imprilIent chez le Sr. Le Jay; ce qui avoic établi commerce entre ce dernier & le Conseiller sur-tout entre les deux femmes.
;'. Le Sr. Baculard d'Arnaud, qui se trou, it lié avec Le Jay, à raison aussi de ses petits mans , que celui-ci imprimoit, s'est immi~1-cé nne un sot dans le procès, en donnant ! - a - propos de mauvais conseils à son LU ire.
Enfin, le Sr. Marin, auteur de la Gazette France, qui, lié avec le Sr. Goezman a la maladrelTe dç vouloir faire un accommo.
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dement, & s'est conduit d'une façon très-r préhensible dans ses négociations. «
Ces deux derniers afteurs, & surtout le S Marin, font tellement inculpés par le récit d Sr. de Beaumarchais, qu'ils se trouvent nece sairement obligés de se justifier par dautrMémoires. 1 9 Septembre 1773. 1\1. le Duc de Durforl fils du Duc de Duras , ayant eu la hardieiTe ( vouloir essayer du préfetvatif du Sr. Guibert ( Préval, dont on a parlé, après s'être oint < cette espece de baume and-venérien, a c pouvoir se livrer à tout ce que la débauche plus crapuleuse peut inspirer ; mais il en a e amèrement puni, & il est obligé d avoir recoi aux remedes curatifs de la même maladie qu vouloit prevenir.
11 Septembre. L'Union de PAmour F. (
Arts s'est soutenue avec un égal succès, vendredi. Il est fâcheux que les paroles ne repc dent pas à la musique & aux danses. Ce fer - un des plus. jolis divertissemens qu'on eut depuis longtems sur le théâtre Lyrique. Lep mier aile seul paroît remplir le titre. Il La scene est à Athenes, dans le Temple d pollon, Dieu des Arts. lIermotime, son grai prêtre, & pere de Chloé, a promis sa fille a lui qui sauroit mieux la peindre & la chan Elle a pour amant Bat Iule, qui lens nécessaires désespere de 1 obtenir & dit roit. Chloé le regrette , & ne fc détermine q vec répugnance à donner sa main a Harpa celui qui, au gré du pere, a @ le mieux rer les conditions. Au moment oÙ tout le diii dans le temple pour la ceremonie, ont
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placé tout-à-coup sur l'autel un tatfleau représentant la fille du grand-prêtre. On apprend à celui-ci qu'un inconnu vient de l'apporter & que tout le peuple lui donne son suffrage. Harpagr réclame le prix qu'il a mérité. Hermotime lui déclare que le terme n'est pas expiré, & que le nouveau concurrent peut encore être admis. Il ordonne qu'il se montre. C'est Batliilc. Surprise agréable de sa maîtresse : fureur de son rival. Il espere du moins qu'il ne pourra chanter Chloc comme il a su la peindre : il requiert qu'il subisse l'épreuve. On apporte une lyre; il la pince aux accords de sa voix , & il remporte la viétoire. Harpage , outré de rage, arrache des mains d'un Soldat Athénien un javelot , & vient fondre sur Bathile, qui le désarme, l'abat & lui pardonne.
On voit qu'au dénouement près , trop tragique , ce cannevas prêtoit infiniment à la scene, à de très - jolies ariettes & à des paroles charmantes : mais il a été très-mal rempli. La scene est mal filée ; les ariettes font peu lyriques , & les paroles tout-à-fait plattes.
Le sujet de la féconde entrée est le même que celui qui a été traité par Roi, dans le ballet des Grâces. On en a supprimé feulement un rôle.
On a d'ailleurs changé peu de choses à l'ordre des scenes, & confervé beaucoup des anciennes paroles; ce qui les rend meilleures que les précédentes.
Théophile, Empereur de Byzance, égaré à la chaiTe, a découvert une jeune beauté, dont il est devenu éperdu ment amoureux. Celle-ci a conçu pour lui la même passion, sans le connoitre. Il veut l'éprouver : il la fait venir à sa
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cour, pour disputer l'empire avec ses rivales ; jour où il doit choisir entr'elles. Elle dcplo dans le palais sa destinée, qui la force à entrer < concurrence avec ses compagnes , & fouhai sincérement n'être pas victorieuse : elle préfe l'inconnu. Celui-ci paroît : elle est transports de joie. Après l'avoir fondée sur ses difpoiitioi & reconnu la sincérité de sa passion , l'Emperei se déclare & la couronne ; ce qui donne lieu à un très-beau fpeétacle.
La Cour d'Amour, ou les Tfmibadours, con pofen't la derniere Entrée. Aglac, Présidente c la Cour d'Amour, est aimée par Floridon , qi se plaint de son insensibilité. Elle n'est qu'al parente, & Céphise, bergere, dans les interé de celui-ci, le flatte de réunir. Elle lui propoi de prendre un déguisement que la fête autorise & fous le nom de Misis, de la forcer à s'expl quer. Il tente d'abord de la vaincre par ses foi pirs ; elle reste indécise entre la raison & l'amou Il a recours à la rufe projettée, & revient ma que. Il se donne pour un berger qui ne peut d( eider Céphise à aimer. La Présidente, touche de la tendresse & de la confiance de cet amant ordonne à la beauté rebelle de se rendre. Fie ridon se découvre alors , & lui dit qu'elle vier rie prononcer son propre arrêt. Elle ne se dt fend plus, & il triomphe.
Cet Aéte très-simple, & non moins fufcept ble de délicatesse & d'agrément , est égalemer manqué dans sa coupe, dans son intrigue & dan ses détails, au point d'être tout - à - fait dénu d'intérêt.
iç Septembre 1773. Hier M. le Comte Madame la Comtesse de Provence ont affilié
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'Opéra , plus brillant encore que le jour où M.
e Dauphin & Madame la Dauphine y font velus, par lapréfence de presque tous les Princes lu fang. Ils se font ensuite rendus au Colisée, )ù ils font entrés en carosse, & ont fait neuf évérences au Public , à trois reprises. Il y a :u un feu d'artifice au cirque, & à leur sortie , m fecond en dehors , a marqué la fête par ce louble fpeétacle.
16 Septembre 1773. Le Mémoire de M. de Be.
lumarchais fait un bruit de diable, & ien: recher:hé avec tant d'empressement, qu'il a été obligé J'en faire une féconde édition , enlevée avec au- :ant de rapidité que la premiere. On ne peut :oncevoir qu'un écrit aussi diffamant contre le 5r. Goezman ne foit pas arrêté. On prétend que :e Magistrat ne reparoîtra plus au nouveau Tri3unal, & que son protedteur, le Duc d'Aiguillon , le nomme Consul dans les Echelles du Levant. Ce Seigneur est aussi indirectement impliqué dans l'affaire, où l'auteur du Mémoire dit que la Dame [ Goezman J outrée de colere, l'avoit menacé [ le Libraire le Jay ] de le perire, ainsi que moi [ le Sr. de Beaumarchais] sn employant le crédit de M. le Duc d'
[ Aiguillon ].
17 Septembre. Le nouveau Pamphlet de M. de Voltaire en faveur de M. de Lally n'est: encore qu'un enfant perdu & non avoué, qu'il lance dans le public pour essayer comment il prendra. Il a pour titre : Fragmens sur l'Inde, sur le Général Lally & sur le Comte de Moran.
ries, car il met du Morangiès partout. Quant à ce dernier article , ce n'est qu'une répétition de ce qu'il a dit ailleurs, mais qu'il reproduit
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ici pour que la curiosité qui fera acheter l't fafle se pourvoir de l'autre neceffairemcnt, & pandre ainsi davantage la justification prétem de ce client.
19 Septembre 1773. Les comédiens fran< doivent donner incessamment Orphanis, tra die qu'on croit être du Sr. Elin de Saint M ; Ce nom, qui n'est connu ni comme de la ble, ni comme de l'histoire , ne peut poi d'avance aucun intérêt, & n'excite qu'une riofité vague.
20 Septembre. M. de Voltaire, dans [es Fr mens sur l'Inde, publiés depuis peu, prét< que la condamnation de IVL de Lally efi un ces meurtres commis avec le glaive de la d tice. Et pour soutenir son assertion, il fait abrégé historique des événemens & intrigues ont conduit ce brave général sur l'échaffai dans l'esprit propre à justifîer son sentiment l ticulier. Il est incroyable comment ce céle auteur peut se permettre du fein de sa retr: de juger ainsi le Parlement, & d'insulter à Magistrats dispersés qu'il accuse d'une partia atroce ; partialité qu'il décele lui-même dan maniéré d'exposer les faits avec une impude lâche. L'éloge qu'il fait dans ce Pamphlet M. l'Abbé Morellet & de son Mémoire fui Compagnie des Indes, prouve avec quelle le reté il prononce sur les matieres même qu'il tend le moins.
21 Septembre. Il paroît différentes critiq du Sallon, entr'autres La Vision, où il d'assez bonnes choses, des réflexions judiciet & fines quelquefois. Mais le quolibet de M Arnoux défoie plus les peintres que toutes
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jrûchures. Jamais , dit - elle , le proverbe , Gueux comme un peintre, ne s'est mieux vé„ ritié qu'aujourd'hui, où, à dix, ils n'ont pu „ faire cinq L Saint ] Louis
► Lundi dernier M. le Dauphin & Madame la Dauphine, M. le Comte & Madame la Comtesse de Provence vinrent voir le Sallon. Madame la Dauphine se plut surtout à examiner le tableau du Sr. Machy, représentant cette Princesse aux Tuilleries avec son augulte Epoux, allant vers le pont tournant, le 23 Juin 1773.
23 Septembre 1773. Le succès dePUnion de l'Amour Gr des Arts se confirme par la recette abondante des représentations. Les critiques se retranchent aujourd'hui à dire, que la musique n'en: qu'un pillage continuel de nos auteurs modernes les plus agréables. Mais ils conviennent que l'auteur a l'art merveilleux de les bien coutare ensemble & d'en former un tout délicieux.
1 Ils veulent pourtant que les ballets, dans un genre neuf, contribuent beaucoup à attirer' la foule , & sans doute ils n'ont pas tort en cela.
[ Dans le premier Aéte, une jeune danseuse, 1 nommée d'Orival, avec le frere cadet du' Sr.
Gardel, très- jeune aussi, excitent l'admiration des connoisseurs , dans un pas de deux qu'ils I exécutent. L'actrice surtout est bien supérieure r par son exécution libre , savante , légere & gracieuse.
La Dlle. Guimard, les Srs. Vestris & Gardel ! ! déployent tout ce que leur art a de plus divin.
Les deux coryphées surtout, qui depuis longtems n'avoient pas figuré ensemble , disputent de majesté. C'est un fpeétacle intéressant de
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voir ces deux illustres rivaux mériter à qui miel les éloges du public étonné.
Enfin, les Dlles. Allard & Peslin , unies au J Dauberval, ramenent au dernier Acte la gaie folle , suspendue par l'admiration, & conforr au sujet de la scene.
24 Septembre. 177;. On se doutoit bien qi Me. Linguet efluyeroit quelque brocard à l'occ fion du rôle qu'il a joué dans l'affaire du com de Morangiès. On répand sur son compte l'Ef gramme suivante, à l'occasion du Cordon de Il Michel qu'il demande, dit-on.
Ce pâle & débile squelette Détraéleur de Titus, défenseur de Molette, Ct) Du cordon noir veut être décoré.
Pour rendre son nom plus célebre, Il faut, à ce cordon funebre, Joindre la Croix de Saint André.
2 s Septembre. C'est aujourd'hui qu'on dont Orphanis, tragédie nouvelle de M. Blin de S Maur, annoncé depuis longtems. On fait al tuellement que c'est un sujet d'imagination, doi le lieu de la scene est en Egypte ; mais sujet al folument calqué sur le Barnevelt ou le Ma chandde Londres, c'est-à-dire, roulant sur l'a cendant irrésistible que l'amour donne à ur femme dont on est éperdument amoureux. L'Ai teur en a relevé les personnages , & les pren auprès du trône.
26 Septembre. On a exécuté à Choisi, devai le Roi, le 23 Septembre, un Ballet héroïqi
(*) Nom de famille des Morangiès.
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juveau, intitulé : Zenis & Almaflc, dont la ufique, d'un auteur anonyme , qu'on veut être l. le Duc de Nivernois , & les paroles de M. de hamfort, en nom, mais attribuées aussi au Duc s la Valliere. Il n'y a que les ballets qui soient i roture, & reconnus pour être du Sr. Laval, laître des ballets de S. M. Ce Spectacle, très)mmun au fond , a reçu beaucoup de valeur ar le brillant du coup d'œil, la beauté des délations & l'exécution , dont étoient chargés 's premiers Aéteurs de l'Opéra. On a joué avant a feinte par amour, de M. Dorât.
26 Septembre 1775. Le lundi 20 Septembre , ladam la Dauphine est venue à la comédie franaise , & s'est placée dans la loge des Gentilsommes de la Chambre. M. le Maréchal de Rihelieu, en sa qualité de Gentilhomme de la hambre, a présenté à cette Princesse le Sieur lorat, auteur des deux pieces nouvelles qu'elle honorées de sa présence. La verve de ce oëte s'est excitée, & il a enfanté le madrigal iivant :
A Madame la Dauphine, sur son incognito.
Quoi, fous un nuage envieux, Croyez-vous, auguste Dauphine, Pouvoir vous cacher en ces lieux?
Lorsque Vénus descend des cieux , On fent l'influence divine; Et, lorsque vous trompez leurs yeux, Le cœur des François vous devine.
Le même Poète a voulu exhaler sa reconnoîC.
ance envers le Maréchal par l'Epitre suivante:
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Entre les palmes de Mahon < Pour vous seul reverdit encore La couronne d'Anacréon; j Et, sans vieillir comme Titon, j Vous fêtez plus d'une Aurore. I Votre automne est un long printems j Que l'on admire & qu'on envie.
Vous cueillez à tous les inflans j Les fleurs du matin de la vie y i Et l'Amour amuse le tems 1 Pour qu'à jamais il vous oublie Ah conservez ces goûts charmans, !
Cette aimable philosophie, j Cette fleur de galanterie, Qui vaut bien les beaux sentimens ,.'
De la gothique bergerie.
Rendez Ovide à ma patrie, Et laiiïez un Code aux Amans. 1 , Voltigez de Belles en Belles 1 Vos lauriers, toujours florissans, Doivent tenter les plus cruelles. J Amusez-les par des sermens: 1 t Pour les fixer gardez vos aîles. Et puififez-vous, grondé par elles, Entendre encor, après cent ans, Tout ce qu'on dit aux infideles ï -
27 Septembre 1775. La piece de M. Blin St. Maur est recommandable par une adtion trc firnple. Il n'y a que quatre Aéteurs effentie -L'auteur a transporté en effet son action j
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Egypte, fous le regne du Grand Scfojlr Y Toute l'intrigue roule sur l'amour d'un petit-fils de ce Potentat pour une femme obscure, ambitieuse, & qui ne craint aucun forfait pour parvenir au trône. Par une intrigue adroite , gradùée & profonde , elle conduit insensiblement son amant au projet affreux d'assassiner son ayeul & son Roi. Il y a des longueurs dans l'ouvrage, qui retranchées pourront laisser plus de force à l'intrigue. En général peu d'aétion, ce qui rend une tragédie languissante, si elle n'est ranimée par un grand jeu de passions, & soutenue par l'élégance continue de la verlification, comice dans Racine. Celle du Poëte qui entre aujourd'hui dans la carriere dramatique, n'est point boursouflée ; elle a plus de correétion, de douceur & d'Harmonie, que n'en connoissent aujourd'hui nos tragiques.
28 Septembre 1773. La premiere décoration de Zenis U-;' Almafic représente un théâtre hérissé de rochers, & l'on voit au fond un volcan qui jette des feux. Zenis ignore sa naissance. 11 paroît seul & se plaint qu'on ait enlevé la Reine de Memphis qui partageoit son ardeur. Il la cherche partout. Une voix inconnue lui a annoncé qu'il réuffiroit enfin. Des monflres sortent des rochers: elle se renouvelle & rassure la confiance de cet amant. Il les combat & les fait fuir. Un aigle paroît & vole autour du théâtre. La même voix , toujours favorable, lui dit de le suivre.
L'oiseau de Jupiter s'abîme dans le volcan, & Zenis s'y précipite.
Le théâtre change & représente un Palais superbe. La Princesse Arncifie paroît endormie au fond dy théâtre, fous un pavillon magnifique.
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On voit à coté d'elle, sur un riche carreau , un sceptre d'or. Quelle surprise de Zénis & quelle joie ! Celle-ci est troublée, lorsque son amante lui apprend qu'elle est fous l'empire du Génie qui commande en ces lieux & qui l'aime. Elle lui fait craindre qu'il ne les surprenne. Des esprits invisibles veillent sans cesse à l'entour & peuvent immoler le téméraire. S'il touchoit feulement le feeptre redoutable qu'il voit, le Dieu se montreroit furieux & terrible sur un char enflammé. Son amant , excité par sa passion, brave courageusement cet ennemi. Il briTe lui-même le sceptre fatal. Àussitôt on entend une tempête affreuse : le théâtre s'obscurcit : le tonnerre gronde : un chœur d'esprits invisibles cherche à épouvanter le prophane audacieux.
Le Génie vole dans les airs sur un char de feu.
Il menace. Crainte des deux amans. Il s'adresse à sa captive : il lui dit que pour preuve qu'elle ne répond point à l'amour de cet indigne rival, qu'il est venu en ces lieux à son insu & sans Ion aveu, il lui donne un poignard dont il faut qu'elle le perce. Elle se refuse à ce forfait, & lui avoue qu'elle adore Zénis. Ce dernier , vengé par un tel aveu, provoque toutes les fureurs du Dieu jaloux & courroucé , qui veut le tuer. La Princesse s'y oppose : elle s'offre pour vidime ; elle veut arracher le poignard pour s'en frapper.
Alors le Génie fait figne à sa fuite infernale de disparoître. Ce n'étoit qu'une épreuve. Zénis est son fils, & il partage avec lui son empire, dont il s'est montré digne par son courage & sa constance. Le fpeftacle finit par une fête superbe.
On juge combien cette coupe heureuse prête à la pompe de la scene. Les paroles font ,har.
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monieufes & lyriques. Elles font honneur au Duc auquel on les attribue.
2y Septembre 1773. Dimanche dernier, leg Comédiens François ont été jouer à Versailles chez Madame la Dauphine, la Partie de cfiaffè cf Henri IV; cette piece, qu'on représente dans toutes les Provinces. chez les Princes & à la Cour, comme l'on voit , & qu'on n'a jamais voulu laisser sur le théâtre national. On espere que la Princesse obtiendra cette permission.
1 Otlobre. C'est le 8 Août 1772 que la Faculté de Médecine a ordonné que M. Guibert de Préval, Dodteur-Régent de la Faculté, feroit rayé du tableau , & le 12 dudit, arrêté , que le Décret précédent feroit confirmé & motivé. Il s'est pourvu au nouveau Tribunal contre ces deux Décrets , & a empêché qu'ils ne fussent confirmés par un troisieme , nécessaire en pareil cas, sans quoi les autres ne font, suivant que s'en explique la Faculté , -qu'un jugement commencé. De - là un procès en règle entre lui & la Faculté. Il doit attirer beaucoup de curieux au Palais. Le Sieur de Préval fait déjà paroître son Mémoire, dans lequel il établit, 1.° Qu'il n'y a aucune cause qui ait pu déterminer sa radiation du tableau des codeurs Régens de la Faculté de Médecine , fauf une baffe jalousie de quelques-uns de ses confreres , qui pour avoir forfté le plus grand nombre de Doéteurs qui se font trouvés aux assemblées, ou sa perte a été arrêtée , ne font pas le seizieme des Dots eurs-Régens de la Faculté. 2.0 Que les Doéteurs-Régens de la Faculté ne peuvent s'ériger en juges & rendre des jugemens contre leurs confreres, & que 4eurs Décrets ne
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font jamais que de simples Délibérations. 3°. Il établit la nullité des Decrets rendus contre lui, foit qu'on les confidere comme de simples arrê- tés, foit qu'on les regarde comme des juge- mens.
C'est ce M. de Préval qui prétend avoir trouve un préservatif contre la vérole , une eau dont on se baigne & quLrend invulnérable : c'est lui qui en a fait l'expérience sur sa personne en présence de plusieurs Princes du fang , &c.
1 Octobre 1773. M. le Comte d'Eu ne pou- vant , à cause de ses infirmités, chasser, ni à pied ni à cheval , chasse en voiture dans son
parc , & pour lui faciliter ce plaisir, on lui en a construit une d'une ftruéture particulière. Elle tourne sur un pivot , de façon qu'elle prend tous les aspects qu'il veut lui donner, & le met à même de faire rapidement toutes les voltes qu'il feroit à pied. S. M. qui commence à vieillir t & est obligée d'avoir un marche-pied pour se faire asseoir à cheval, goûte beaucoup cette invention , & se propose de se servir d'une voiture semblable.
2 Oélobre. On commence à se faire inscrire .pour avoir des billets , avec lesquels on puisse affilier aux fêtes & aux spectacles pour le mariage de Monseigneur le Comte d'Artois. En voici la distribution.
Le mardi 16 , jour6 du mariage , grand Appartement ; jeu dans la Galerie ; feu d'artifice ; festin Royal; Illumination. Le mercredi , 2de.
journée, Bal paré. Le lundi 22 , 4me. journée, Bal masqué. Le z, Novembre l'Opéra de Bellerophon , ancien & refondu , surtout pour la musique. Le jeudi , 25 Décembre, 6e. journée,
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l'Opéra de Sabinus, nouveau. Le jeudi 9 Décembre l'Opéra d'Ernelinde , remis & refondu.
Le jeudi 16 Décembre, huitième & derniere journée , l'Opéra ciiffe, ancien.
4 Oc7obre 1771. Les Comédiens Italiens ordinaires du Roi ont affiche pour aujourd'hui la premiere représentation du Stratagème découvert, Comédie en deux aétes & en Prose , mêlée d'ariettes.
3 Oc7obre. M. Dorât "a eu l'honneur d'être joué devant le Roi, à Choisy , où l'on a donné la nouvelle piece de la Feinte par amour, le jeudi 23. Il a reçu , suivant l'usage, la double faveur d'être présente à S. M. & il l'a remerciée par les vers suivans.
Des Souverains, quoi! le plus adoré, A mes eflfais daigne sourire!
Plus mon cœur en est enivré, Moins j'ai de force pour le dire.
Des Ecrivains heureux que leur siecle chérit, Un autre âge, souvent, vient fanner la couronne; Mais rien ne la flétrit, Lorsque c'eil Louis qui la donne.
Une timide fleur, peu faite pour briller, Loin de lui languissoit encore; A ses yeux elle vient d'éclore; Et la fleur se change en laurier.
ç OCTobre. Hier on a joué en effet le Stratagème découvert, comédie en deux astes & en prose , mêlée d'ariettes, nouvelle production du Sr. Monvel , de la comédie françoise & du musicien Dezaidcs. M. le Dauphin , Ma*
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dame la Dauphine , M. le Comte & Madame la Comtesse de Provence , s'y font rendus sans appareil & sans qu'on en fut prévenu. Us étoient au balcon des fecondes , & leur présence a beaucoup contenu le Parterre qui , sans Cet obstacle, auroit sifflé la piece d'importance : on présume qu'on ne l'auroit pas même finie. On prétend que Madame la Dauphine avoit dit qu'elle feroit curieuse de voir comment une piece torrN boit. Si le public eut su le goût de cette Princesse, on se fut moins géné, & l'on s'en fut donné à cœur joie.
Un fermier de campagne , qui, curieux de voir le fpedacle dans son accoutrement villageois , est venu se placer au premier rang du balcon , a plus fait rire que toute la piece.
8 Oélobre 1773. M. Fenouillet de Falbaire a épousé , il y a un an , une fille assez jolie, dont le Sr. Beaujon , Banquier de la cour, est devenu amoureux , au point de combler de biens le mari & la femme. Il leur a fait avoir d'abord un Domaine du Roi , ayant pour titre la Baronnie de Cangé, dont le nouveau marié a pris le nom. Il leur a procuré un quart de place de Fermier-général , dont il a fait les fonds. Il leur a fait 12,000 Livres de rentes. Il vient tout récemment d'envoyer un carosse & des chevaux à la femme, qui est accouchée. En un mot, ce font tous les jours de nouveaux bienfaits. Ils font d'autant moins chers que ce financier est déclaré impuissant , & ne peut cocufier le mari dans les regles ; qu'en outre , étant extrêmement jaloux , il empêche qu'il ne foit cocufié par d'autres : c'est une espece d'eunuque très-vigilant que le Baron de Cangé
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a autour de sa moitié. Du reste , comme les desirs de ce financier, en ne s'éteignant jamais, peuvent se multiplier beaucoup , & que son excessive richesse le met dans le cas de pouvoir acheter toutes les femmes qu'il veut, il en a comme cela plusieurs , qu'on appelle ses BerceuJès , parce qu'elles l'accompagnent jusqu'au lit & l'endorment par leurs contes & leurs cajoleries. Le Sr. Beaujon est un Turcaret dans toute la valeur du terme, sans graces , sans aménité, nullement décrassé, comme les financiers modernes , & très-rustre.
Il faut se rappeler aussi que M. de Falbaire est un auteur , connu par r honnête criminel, Drame qu'il a composé. Son opulence ne l'empêche pas de travailler , & il vient d'en enfanter un autre, qu'il compte faire jouer à Fontainebleau.
10 Ottobre 1771. Depuis quelque tems les bruits se renouvellent sur la prétention de M.
l'Abbé Terrai , d'être élevé à la pourpre romaine : du moins il faut le supposer pour entendre l'Epigramme suivante , inintelligible encore , si l'on n'instruisoit le Ledteur du foible de cet Ecclésiastique envers le beau sexe. Le voici: Certain Abbé visant aux sceaux , Ainsi qu'aux dignités du plus haut Ministere, S'adresse, dit-on, au Saint Pere , Pour être colloque parmi les Cardinaux.
j, Quoi, Saint Pere, dit-il, feroit-ce une arrogance, „ De tendre au même rang où Dubois fut porté ?
„ Non moins que lui j'ai la naissance, ,j L'esprit, les mœurs & la subtilité.
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„ En outre, mieux que lui, ne fuis je pas noté? -,, Connois-toi mieux", lui répond le Saint Pere Justement animé d'une fainte colere : „ 0 Satanas ! Vade rétro !
„ Vas conter ailleurs tes {omettes : 9, Jamais tu n'auras de chapeau : „ Il ne te faut que des cornettes." 12 Ottobre 1173. Le public qui aime à s'instruire , étoit fâché qu'il ne parut aucune défense imprimée & avouée de M. de Bellegarde dans J'affaire de l'Artillerie, qui a occasionné un Conseil de guerre aux Invalides. On fait que les Ministres repugnent à ces justifications d'éclat, & voudroient que les accusés reçussent sans se plaindre les jugemens qu'ils estiment à propos de faire rendre. Il faut convenir que ce feroit aussi une docilité trop grande de leur parc. On est donc bien aise de voir paroître une Consultation en faveur du prisonnier en question. Elle est de Me. Linguet, qui en a délibéré à Nogent le Rotrou, le 6 Ovftobre dernier. Elle est censée donnée à la requisition de la Dame de Bellegarde , femme de cet Officier. On est furprisd'y voir l'orateur, fr chaud, si brillant, y prendre le ton d'un Avocat très-ordinaire , & ne discuter que froidement une affaire bien propre à l'enflammer & à fournir matiere à Ion éloquence bouillante. On n'y trouve pas même de ces citations de loix , de cette érudition profonde dont ses confreres, au défaut des grands mouvemens de l'art , étayent leurs ouvrages.
L'auteur fatigué , sans doute , épuisé des efforts qu'il a faits en faveur du Comte de Morangiés,
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n'offre rien de séduisants dans ce nouveau Mémoire.
Précédemment à ce Mémoire on avoit repandu dans tout Paris une feuille in-40. de quatre pages feulement , portant Démonjîration de l'innocence des Srs. de Bellegarde & de Monthieu, signée par un ancien Avocat , nomme Lochard. Il y prétend en bref que Monthieu n'est pas coupable , & que M. de Bellegarde consequemment ne peut l'être.
19 Oélobre 1773. M. Laurent, fameux Machiniste , très-renommé surtout par un bas artificiel dont on a parlé beaucoup, il y a 13 ou 14.
ans , vient de mourir. C'est une perte pour les Arts. Cet habile homme , outre l'invention du génie le plus heureux , avoit des moyens d'économie extraordinaires. Ses machines étoient fort simples. Il est auteur de la belle cascade de Brunov , de celles de Chanteloup. Il étoit main.
tenant occupé au fameux Canal de Picardie , exalté avec trop d'emphase dans la Gazette de France, mais monument utile, qu'il est fâcheux de ne pas voir finir fous les yeux de celui qui en avoit donné les plans.
14 OElobre. M. de Choifeuil conferve sa liberté d'esprit dans sa disgrace. On cite un nouveau bon mot forti de sa bouche, à l'occasion du Comte de Broglio. Ce Seigneur, envoyé à sa terre de Ruffec en Angoumois, devoit nécessairement palier par Amboise. es équipages défiloient avec l'appareil qu'il met à tout. M. de Choifeuil fit semblant d'ignorer ce que c'étoic que tout ce train. Il demande à qui c'est. ? On lui répond que c'est à M. le Comte de Broglio.
>5 Eh ! commentj s'écrie-t-il, on le disoit Am-
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93 baffadeur, même Ministre? Il s'en faut, Mon.
,, sieur le Duc, lui répond-on ; il est disgracié ; 5, il va en exil à sa terre de Ruffec. - Ah ! ah !
3, dit-il en riant, je le reconnois bien-là. Il a 3, toujours fait les choses à rebours ; il prend le 35 Ministere par la queue „.
IS Oc7obre 177?. M. de Voltaire, qui ne lâche pas aisément prise contre quelqu'un auquel il en veut , à plus forte raison contre un Ecrivain qui l'a aussi maltraité que l'a fait M. l'Abbé Sabbatier de Caflres, vient de répandre une feuille sanglante contre ce petit auteur. Elle a pour titre : Extrait d'un ouvrage nouveau des Difiionnaires de calomnies, article 1 ç. Il y est peint comme un hypocrite des plus méprisables, puifqu'il rapporte divers écrits que cet Abbé a faits, bien différens des postérieurs. Il y attaque la Religion, qu'il défend aujourd'hui. M.
Sabbathier se trouve obligé de se disculper de ces grâves imputations, & sans doute il profitera de la circonstance favorable de la nouvelle Edition de son Dictionnaire pour confondre le Philosophe de Ferney , qui ne se pique pas toujours d'une grande exaditude sur les faits.
16 OElobre. Dans le préambule éloquent du Mémoire de l'Avocat Mille , en faveur de Madame de Bellegarde, après le portrait de Moniteur de Monteynard conçu en ces termes : - „ Il est un homme à qui mon cœur rend un î5 sincere hommage , lors même qu'il éprouve 3, par ses ordres les maux les plus déchirans.
3, Appelé à un rang élevé , sa million est de 5, punir les brigandages, comme de récompen3, fer les aétions généreuses. Le scandale d'une n foule de déprédations a frappé ses regards.
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„ Peut-être dans sa vie privée en a-t-il été plus „ d'une fois le spectateur impuissant. Il devoit „ à son Roi & à sa patrie de frapper des coupa5, bles. Il s'est trompé dans son choix , & sa „ justice me répond qu'il deviendra l'ami de 5, ceux qui foutfrent en son nom. Qu'on ne 33 croie pas que ce foit ici la terreur de la fer3, vitude qui caresse le pouvoir. J'espere qu'il 33 verra par la vigueur de ma défense que je 3, l'honore assez pour ne pas le craindre ,3.
On trouve celui-ci de M. de St. Auban , Lieutenant-Général d'Artillerie , l'ennemi personnel de M. de Bellegarde , l'accusateur & l'inftiga.
teur du jugement : „ Mais il est un autre homme que je dénonce s, à nos juges & à la société entiere , comme 53 l'oppresseur , le délateur & le calomniateur 33 de mon mari. Ennemi des noms fameux, & „ d'une gloire qui l'accable, il a voulu punir 33 dans mon mari son attachement pour eux & ,3 celui dont ils l'honorent. Protecteur d'une ,, Manufacture justement décréditée, il a voulu 3, couvrir sa honte & arrêter sa chute , en ren33 dant fufpeéts ceux qui en ont juridiquement „ constaté les désordres. Une diversion hardie „ lui a paru pouvoir servir tout à la fois , son „ affeétioll, sa jalousie & sa vengeance .,.
17 Oélobre 1773. Le Sr. Gondouin , jeune Architecte , qui conftruitles nouvelles Ecoles de Chirurgie , annonce un grand talent par cet édisice que les curieux s'empressent de visiter, quoiqu'il ne foit encore que commencé. L'Amphithéâtre surcout, déjà achevé, est d'une beauté singuliere, par sa belle forme, sa clarté, sa distribntion & l'admirable coupe des pierres. Com.
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nie les Cordeliers , dont le couvent est de l'autre côté de la rue , mafqueroient cet Edifice mo- derne , qui exigera un point de vue, le Sr. de la Martiniere a profité de son crédit pour proposer de faire paffer ces moines au couvent des Célestins. On abattra ainsi celui-ci, &il enréfultera une place excellente , tant pour la décoration de Pétabliflement en question , que pour la commodité de la nouvelle salle de comédie françoise , à construire à l'hôtel de Condé , ou un palais pour le Clergé , &c. )
18 Oc7obre 1773. L'auteur du Livre des Recherches sur les Américains, fort couru pour ses assertions hardies , vient d'en répandre un autre qui ne fera pas moins de bruit. Ce font des Recherches philosophiques sur les Egyptiens £ «? les Chinois, en deux volumes , où il renverse toutes les opinions reçues sur ces deux peuples. Ce qu'il dit principalement des Chinois est frappant. Il représente cette nation , que les voyageurs , & les économistes depuis peu , nous donnoient comme le modele parfait d'un peuple fage , agricole , politique, humain , civilisé , religieux , comme brute , pareiTeux , barbare , inepte , idolâtre. Il faut voir dans l'ouvrage même tout ce que l'Ecrivain avance à cet égard, avec une confiance d'autant plus décidée, qu'il pose ses alertions comme autant d'oracles infaillibles, & ne cite aucune autorité le plus souvent. Au farplus , ce Philosophe rempli de la plus vaste & de la plus profonde érudition, est un M. de Pau), Chanoine de Santen. Le style est lâche , diffus & incorrect.
19 Oélobre/ Les Grâces, les Amours & les Mufes pleurent également la mort de Ma, dame
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iame la Comtesse d'Egmont, fille du Maréchal Duc de Richelieu, & qui, à ce titre, avoit Iroit de prétendre à figurer parmi toutes ces Dignités. Il paroît qu'un attrait invincible pour e plaisir a abrégé les jours de cette femme trèsvoluptueuse.
20 Octobre 1773. M. Bacculard d'Arnaud, connu dans la République des Lettres par des ouvrages de différentes especes , s'est trouve compromis dans l'affaire de M. Caron de Beaumarchais avec le Conseiller Goezmann , à raison d'une Lettre surprise à la bonhomie de cet auteur. Celui-ci publie enfin un Mémoire de iç pages d'impression, dans lequel il prétend être en droit & reclame réparation , dommages & intérêts , applicables de son consentement à des œuvres pies, & la suppression du Libelle de Caron en ce qui le concerne. Ce Mémoire est figné Mille.
1 On parle d'un autre , que M. Marin , le rédacteur de la Gazette de France , impliqué dans la même affaire, publie aussi pour sa justification.
20 Octobre. M. de Voltaire, dans sa feuille contre l'Abbé Sabbathier, lui reproche d'avoir composé & fait imprimer à Amsterdam l'Analyse de Spinosa , où il finit ainsi cet ouvrage : point de Religion, £ cf j'enfcrai plus honnête homme : la Loi ne fait que des esclaves; elle n'arrête que la main ; & figné Adieu; Baptisabis. Il parle aussi de la prison de cet Abbé à Strasbourg, & prétend avoir des vers irffâmes & libertins, écrits de sa main lorsqu'il y étoit.
Puis il le peint comme un nouveau Tartuffe, qui, accueilli, nourri, habillé, &c. chez M,
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Helvétius , a fini par diffamer son bienfaiteur après sa mort.
22 Oélobre 1773. On savoit bien qu'on trouvoit mauvais à la cour que Mrs de Bellegarde & de Monthieu eussent trouvé des defenseurs en état de mettre leur cause dans un jour lumineux & d'en rendre le public juge par des Mémoires imprimés; mais on ne croyoit pas que le Ministere poufferoit le Despotisme au point de faire exiler les Avocats qui ont pris généreusement leur défense. Me. Mille & les deux que ce dernier a associés à sa Consultation, ont reçu avant-hier leur Lettre de cachet. Me. Mille est envoyé à 7*5 lieues, en Bourgogne , sa patrie , il est vrai, dont il a fait l'histoire.
23 Oflobre. Un Janséniste charitable n'a pas manqué de faire l'épitaphe des Jésuites. On présume du moins , à l'énergie de cette piece , qu'elle part d'une main très-ennemie de la Société. Voici comme celle-ci est définie.
Epitaphe des Jésuites.
Pour la tranquillité publique , Et pour l'intégrité des Loix, Ci gît le corps Jésuitique, L'opprobre de l'Eglise & l'assassin des Rois, Pélagien dès sa naifrance, Pharisien dans tous les tems, Persécuteur de l'innocence Il ne dût qu'aux forfaits des succès étonnans.
Si son exécrable mémoire Va juf%u'à I3 postérité.,
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C'est que l'horreur, comme la gloire, Conduit à l'immortalité.
23 Oéîobrc 177;. La Dlle. Arnoux, de rotera, ayant écrit une Lettre à M. le Duc d'Oréans pour lui demander la permillion de tirer in Feu d'artifice sur le Palais-Royal, où elle lemeure, en l'honneur de la naissance du Duc k Valois, a reçu une réponse très-fàvorable de !. A. En conséquence, vendredi, après l'Opéa, exécuté par tous les bons Acteurs, ce qui y oit attiré un monde immense , on s'est rendu ns le Jardin , & l'Actrice a donné sa fête exrêmement applaudie de tous les fpeétateurs.
)n se doute bien de la quantité de filles qu'il avoit, ce qui réjouissoit merveilleusement ÏS amateurs.
24 Oélobre. On chante dans Paris le couplet aivant, fort à la mode: il a été fait en l'honur de la jeune Vicomtesse Dubarri, & a paffé e la cour à la ville. Il est sur l'air: Lison dOT.
loit, &c. tiré de Julie.
Est-il Beauté plus accomplie?
Hébé, Vénus. Oui, la voilà.
Voyez sur sa gorge jolie , Ce bouton-ci, ce bouton-là; Et plus bas, plus bas. Alte-là!
On n'voit pas qà, on n'touch' pas - là : C'cft la cachette du mystere.
L'Amour jaloux défend ce lieu ; Un mortel y feroit un Dieu!
27 Octobre. On a fait sur le mariage annoncé : M. de Giac avec Madame la Duchcfife de
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Chaulnes, l'Epigramme suivante , qu'on pi tend pourtant très-ancienne, & inférée ch un vieux Recueil à l'occasion d'un mariage ai disproportionné d'une autre de Chaulnes.
voici, & elle n'en est pas moins bonne, qu que tres-grossiere: Si je quitte le rang de Ducheflfe de Chaulnes Et le siege pompeux qu'on accorde à ce non C'eftque de Giac a lev.. long d'une aune.
Et qu'à mon c.. je préfere mon c.
Z8 OElobre 1779. M. l'Abbé Terrai s'est j bâtir un nouvel hôtel , rue Notre Dame champs. Il est vaste , magnifique , élégan comme le peut être un bâtiment fait pour Contrôleur général. Les mçubles réponden la richesse du maître. Tout y est d'un luxe tr recherché. On y va voir, entre autres chos un lit qu'on disoit coûter 400,000 Livres, rr qui n'en coûte que 80,000 , prix encore éivor pour un pareil meuble.
;o Ollobre. Voici comme le Sr. Caron Beaumarchais est peint dans le préambule Mémoire du Sr. d'Arnaud, Conseiller d'Aml fade de la Cour de Saxe , de l'Académie Roy des Sciences & Belles-Lettres de Prusse.
„ Abandonnant la bafleffe & le to „ ment de l'intrigue à ces hommes du jo „ espece d'Enfans perdus , qui se jettent 5, toutes les routes, marchent à la fortune a ,, un front d'airain , per faniani £ «? populu „ qui , endurcis à la diffamation & au scanda „ s'agitent dans tous les sens pour exciter „ bruit, bien différent de la réputationj d
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„ l'impudence effrénée ose & brave tout; qu'on ,, ne sauroit confondre, parce que leur audace „ est au-dessus du ridicule & de l'insulte, qui, en un mot, font au comble de leurs vœux , ;, lorsqu'à quelque prix que ce foit, ils font , parvenus à représenter sur la scene du mon„ de : plaignant ces fortes de gens d'être con,, nus , « ,, 1 Oélobre 1773. Le Sr. Torré, le plus habile artificier que nous ayons , est chargé du feu qui "doit s'exécuter à Versailles pour le mariage du Comte d'Artois. Il doit ne pas moins ie distinguer dans sa partie que les autres Directeurs. Il s'occupe à feconder de son mieux les intentions de M. le Maréchal Duc de Richelieu, pour que cette fête foit citée & faffc époque , comme sans exemple , & ne pouvant être surpassée en goût, en magnificence & en dépense.
! 1 Novembre. Des Lettres particulières de Venise portent que Moncenigo , un des Grands de cette République, ayant été atteint & convaincu du crime de Sodomie, a été condamné à être mis dans un sac & jette à la mer, au moment où il se disposoit à remplir une place importante dans une cour étrangère, à laquelle il avoit été nommé. Cette nouvelle a d'autant plus surpris, que la pédérastie est fort à la mode en Italie, & s'y traite comme une gentiilelfe.
Au surplus , on dit que ce suppliée est celui adopté par l'ancienne Législation Romaine. Cet événement n'a pas laids que d'effrayer nos pédérastes de France, où ce vice devient de plus en plus en vogue.
2 Novembre. Le Médecin par occaRoti est
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une comédie en cinq astes & en vers, de Boissi Elle est fort jolie. Il y a dedans un rôle d< Métromane, qui a la fureur de faire des ver: sur tous les événertiens du jour. Le Médecine par occajton, qui a intérêt de capter la bien.
veillance de ce fol, lui suggere un sujet. Il ef d'usage de le varier à chaque représentation Cette fois-ci, cette piece ayant été jouée à Fon.
tainebleau devant le Roi , les comédiens oni imaginé de faire quelque chose de relatif au?
jeunes Princesses qu'on veut amuser, & U Sr. Monvel a compofs une fable allégorique, qui a été extrêmement applaudie.
3 Novembre 177;. Les talens de la jeune Sainval se trouvant absolument éclipsés par ceus de Mlle. Raucoux, ou même s'étant perdus ai point de ne la plus reconnoître, on lui a dé.
çlaré qu'elle ne feroit pas reçue & qu'elle eût à prendre son parti après l'année de son essai à l i pension. Cette Aétrice, piquée de ce renvoi , a témoigné son humeur, & a refusé de jouer dans ce tems de délabrement, où les meilleurs Afteurs font à Fontainebleau. Il a [tllu avoir recours à la correction ordinaire.
Elle a été mise au Fort-l'Evêque. Ce léger châ.
timent l'a rendue moins mutine , & elle est sortie 4 Novembre. Pendant les beaux jours qu'il a fait, le jeune Duc de Valois a été promene par sa nourrice dans le petit jardin de S. A. R.
fiparé feulement de l'autre par une grille de fer ; enrorte que l'on s'est eniprefle d'admirer le nouveau-né. Il est à la nouvelle mode, dans une corbeille , sans langes & autres entraves de kt vieille éducation. En outre M. le Duc de
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Chartres & la Princesse , sensibles à la joie que le public a fait éclater de cet heureux événement, permettent à tout le monde de venir "viiker le jeune Prince dans son appartement.
On demande au valet de chambre la grace d'être introduit auprès de lui. Il écrit votre nom, & l'on a la liberté de contempler à son aise cet illustre rejetton. On ne doute pas que l'affluence ne devienne grande, à mesure que le bruit de cette liberté accordée se répandra. La vénération particulière qu'ont les Parisiens pour les Princes du fang , & surtout pour ceux de cette branche , se manifestera en cette occasion non moins que leur allégresse.
S Novembre 177 Quoique l'Union de TAmour 'ê!: des Arts continue à rendre de l'argent à l'Opéra , les Directeurs , pour ne pas user ce ballet, se disposent à remettre Callirhoc , Opéî,i, dont les parles f^nt de Roi , la Musique de Destouches. On présume que celle-ci fera changée & fortifiée , surtout augmentée pour les airs des Ballets , la partie brillante de ce spectacle.
6 Novembre. On fait que Madame, d'une corpulence extraordinaire pour sa taille & pour son âge, a reçu des courtisans le burlesque sobriquet de Gros Madame. Une des Dames de son jeu ayant eu l'indiscrétion de se servir rle cette expression indécente en présence de Madame même , en reçut sur le champ une réprimande sévere de Madame la Comtesse de Marfan , qui lui fit entendre qu'elle feroit fort bien.
de ne pas reparoitre aux yeux de cette Princesse.
Cellc-ci l'a envoyé chercher le lendemain , lui a dcclaré que sa Gouvernante avoit fait fell
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devoir, mais qu'elle alloit faire le fien , en l'invitant de revenir lui faire sa cour, & en oubliant une étourderie qu'elle lui pardonnoit de bon cœur. Ce trait de bienfaisance ne peut qu'augmenter la tendresse qu'ont pour Madame 1 tous ceux qui ont l'honneur de l'approcher. 7 Novembre 177;. Nicolet, sur lequel le pu-I blic s'étoit refroidi depuis quelque tems, le rj- mene aujourd'hui à son fpedtacle, par une Pafttomime héroïque & burhfque de ï Enlèvement d'Europe. Il est inconcevable à quel point d'industrie est parvenu cet histrion, dont le théâtre est aujourd'hui le rival du théâtre lyrique , & le [urpaffe ,)ar un jeu de machines très - bien combiné & très-précis , par la magnificence de.?
décorations, le bon goût des habillemens , la pompe du fpeclacle , le nombre des acteurs, enfin par une exécution d'une perfection admirable. L'Opéra , jaloux du succès de cette pantomime , a voulu le faire interdire. Mais le fage Magistrat qui pr:fide à la police , fous Tinfpection duquel font particulièrement ces petits Spectacles, a cru de son équité de défendre Nicolet contre des sollicitations aussi injustes, d'autant qu'il a fait beaucoup de dépenses, dont il est naturel qu'il se dédommage.
8 Novembre. Le Sr. Le Doux , jeune Archftede , connu par plusieurs ouvrages qui annoncent du goût , de la noblesse, de l'imagination , mais auquel il manque quelquefois de la sagesse, vient d'être élu Membre de l'Académie d'Architedure, au préjudice de beaucoup de ses anciens. M. le Contrôleur général a déclaré à Mrs. de l'Académie , que Madame la ComtelTe Dubarri & lui defiroient qu'on donnât
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f la place vacante par la mort du Sr. Le Carpentier au Sr. Le Doux. C'est cet Artiste qui a construit le nouveau Pavillon de Lucienne. Il a fait aussi ; le Temple de' Terpficore de Mlle. Guimard, & quantité d'autres monumen plus agréables que grands.
10 Novembre 1773. Les Directeurs de l'Académie Royale de musique ont remis hier sur leur = théâtre Callirhoé. Cette tragédie en 5 Ades , l, & qui n'est pas mauvaise, comme Poëme, a été si mal accueillie du Public, qu'il a eu peine à en supporter toute la représentation.
11 Novembre. On parle d'un petit fpeétacle qu'on doit donner à Madame la Comtesse d'Ar, tois à Nemours , relatif à son mariage. On en a fait à Fontainebleau une répétition devant Madame la Dauphine. On y a trouvé beaucoup de mouvement & de cette joie bruyante , qui fied bien à une pareille fête.
* 12 Novembre. M. l'ancien Evêque d'Orléans est en Provence dans le fein de sa famille. Il est souvent à Marseille , & ce Prélat aimable 's'y délasse des pénibles fondions du Ministere Episcopal qu'il a rempli autrefois , & de celles qu'il a exercées auprès de S. M. lorsqu'il avoit la Feuille des Bénéfices. Il est naturellement gai , galant & va au Ipedacle avec une fran■ chife qui annonce la pureté de son cœur à cet * égard. Il y a dans cette ville un petit WauxInn, à l'instar de celui de la foire St. Germain.
M. l'Evêque d'Orléans ne craignoit pas de s'y montrer aussi. M. Du Belloy , Evêque de Mar, seisse , remarquant que cet exemple influait sur ; tout le Corps Ecclésiastique , & que beaucoup ; d'Abbés ne faisoient pas de scrupule d'imiter ce
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Prtat, a donné un Mandement, par lequel il défend aux Eccléfiaftiqucs de son Diocese de se montrer en ce lieu prophane , fous peine d'encourir les censures Ecclésiastiques. On écrit de Marseille que cette animadversion indiscrette de la conduite de M. de Jarente, a jetté du froid entre les deux Prélats.
13 Novembre 177 J. Le Sr. Beaujon , le Banquier de la cour , se trouvant encore trop mal logé à l'hôtel des AmbaITadeurs Extraordinaires, ci-devant hôtel d'Evreux , & depuis hôtel de Pompadour, y fait beaucoup de dépenses , & surtout dans les jardins où il bouleverse tout. 1 On s'entretient à cette occasion de ce magnifi-
que Seigneur , dont on conte ainsi la vie. Il se leve à quatre heures du matin ; il travaille jusqu'à neuf. Il s'habille alors , il prend son chocolat , il reçoit des visites , il donne ses audiences , &c. Il dîne en grande compagnie & vit en société pendant toute la soirée. A neuf heures il va se coucher : quand il est au lit on ouvre ses rideaux , & ses familiers , mais fur- v tout ses Berceujes entrent , le cajolent jufquà neuf heures & demie , qu'on referme ses rideaux.
Alors on va souper , & la compagnie fait tout.
ce qu'elle veut & se retire quand bon lui semble.
14 Novembre. Il y a une galerie d'une longueur immense , qui unit le Palais des Tui- !
leries à celui du Louvre. C'est-là où font placés tous les modeles en relief des diverses frontières j & places fortifiées du Royaume. On a présente à M. t'Abbe Terrai un projet, par lequel on lui propose, des fonds provenans des châteaux du Roi, qu'il compte faire démolir , de faire bâtir une Galerie à l'Ecole Militaire , où l'on tranf-
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porteroit ces plans , sur lesquels les Eleves prendroient des leçons bien supérieures à celles d'une vaine & stérile théorie.
Cette Galerie , ainsi débarralTée de l'attirail immense de tant de machines , l'auteur propose d'y exposer les Tableaux du Roi, les Sculptures , les Richesses mobilières de S. M. de toute espece , entasses, foit dans la Salle des AntiljllES, foit dans divers Garde-meubles ; de former ainsi de cette Galerie un Waux.hall, c'essà-dire un lieu d'afifemblée publique pour l'hiver , dont n'approcheroit aucun Waux - hall , aucun Colisee possible, par cet aliment continuel que celui-ci offriroit aux yeux.
Ce projet prifenté au Contrôleur-général, en a ère très-bien accueilli, & ce Ministre ne semble pas éloigné de s'y prêter.
14. Novembre 1773. Les diredeurs de l'Académie Royale de musique n'ont pas osé continuer la tragédie lyrique de Callirhoé. Ils ont repris vendredi f Union de F Amour & des Arts.
Madame la Duchesse de Chartres y a reparu pour la premiere fois depuis ses couches. Elle a été reçue du public avec de grands applaudissemens. Madame la Duchede de Bourbon y étoit aussi & en avoit eu sa part. Les bons aéteurs, quelque harassés qu'ils fussent des répétitions , se font emprefifés de donner à ces Altesses des marques de leur zele, en jouant ce jour-là , ce qui a attiré un monde immense.
D'ailleurs le Public n'a pas été fâché de mortifier le Sr. d'Auvergne, qui a tracassé prodigieusement le Sr. Floquet, Auteur de la l'l\jfi.
eue du Ballet repris.
15 Novembre 1773. On vient de rétablir trois
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chaires de Professeur au College Royal ; on les j a du moins converties en d'autres defiinations t plus utiles : une chaire de Profcffeur de Droit François a été donnée au Sr. Bouchaut, Docteur en Droit ; une de Professeur d'Eloquence > Franqoife à l'Abbé Aubert, auteur de Fables 1 & du Journal servant de continuation à celui de Trévoux; enfin une de Méchanique, à l'Abbé : Giraut, Professeur de Philosophie au College de Navarre.
17 Novembre 1773. Il n'y a point eu'hier d'Opéra à Paris, à cause des répétitions pour celui d'Ismenor, qu'on a dû jouer aujourd'hui à Versailles. Les boutiques ont été fermées hier par ordre de la Police. On a illumine dans toutes les rues. Le feu d'artifice n'a point eu lieu, à cause des dégâts survenus. Ce fera pour vendredi , si la charpente, très-confidcrable, est réparée, & si le tems , fort incertain dans cette faison, le permet.
18 Novembre. L'Opéra d'Ismcnor , joué hier à Versailles, n'a point eu de succès. On a trouvé gauche d'y reproduire le fpeftacle de quelques beautés locales du château , ce qui auroit pu faire effet à Turin. Mais quand on a la réalité fous les yeux , on fait peu de cas de l'image. Les ballets, n'ont pas non plus été exécutés avec la précision ordinaire.
19 Novembre. M. Caron de Beaumarchais rentre en lice, & répand un Supplément au Mémoire à consulter par lui accusé en corruption Oe Juge & calomnie. Dans la premiere partie il attaque Madame Goezmann ; il rappelle les confrontations d'elle avec lui & de lui avec elle. Il fait voir de quel ridicule le CQU*
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seil de cette Dame l'a forcée de se couvrir dans ses défenses, & il en porte sa justification au plus haut degré d'évidence.
Dans la féconde partie il s'en prend au mari ; il le dévoile comme le principal auteur de cette noire intrigue, comme celui qui en fait jouer tous les ressorts. 11 en établit les preuves morales & les preuves physiques. Il discute les deux déclarations du Libraire Le Jay, ainsi que la dénonciation du Confeiiler au Parlement, & partout il presle son adversaire de façon à ne point le laisser ochapper.
Suit une Confukation du 17 Novembre, signée de deux Avocats , qui estiment que le Sr.
de Beaumarchais doit conclure à être déchargé de l'accusation en corruption de juge & de calomnie, & demander personnellement contre le Sr. Goezmann des dommages intérêts, &c.
Il paroît, suivant que l'annonce le Sr. de Beaumarchais, qu'il se dispose à publier un troisieme Mémoire concernant le Sr. d'Arnaud & le Sr. Marin ; qu'il attend pour cela que ce dernier ait fait paroitre le ficn.
Il regne dans celui-ci le même intérêt, le même sarcasme, la même gaieté que dans le premier. Quoique la curiosité ne foit plus aussi prenante, l'adresse dp l'auteur à faire valoir toutes les minuties y supplée & n'excite pas moins l'avidité du Leéteur.
20 Novembre 177. On ne peut décrire la beauté du coup d'œil du Banquet Royal. L'Olympe , tel qu'on nous le dépeint dans le jour le plus brillant, peut seul en donner une idée.
Le Sr. Arnoux. machiniste plein d'imagination, a inventé un surtout d'une méchanique admi.
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rable. Le milieu en étoit une riviere qui a coulé pendant tout le repas avec une abondance intarissable : son cours étoit orné de petits bateaux & autres décorations du mouvement d'une riviere, & les bords représentoient tout ce qui peut les rendre agréables. Le jeu des diamans, dont on ne peut calculer la richesse, faisoit croire qu'on étoit dans un palais de Fées. On fait qu'à ce Banquet la feule Famille Royale & les Princes du Sang font admis. Le Roi étoit au milieu. En face de S. M., au rang des Spectateurs , se remarquoit Madame la Comtesse Dubarry, radieuse comme le soleil, & ayant à elle feule pour cinq millions de pierreries sur sa personne. Pendant tout le repas elle n'étoit en contemplation que de S. M., & le Roi ramenoit sans ceffefur elle des yeux de complaisance & lui faisoit des mines tres-remarquables. On a cru que S. M. étoit bien aise de démentir ainsi publiquement les bruits de défaveur qu'on faisoit courir sur le compte de cette Dame , dont la reconnoissance & le profond refpeét n'éclatoient pas moins sensiblement.
21 Novembre 177?. Le feu d'artifice a voit d'abord été marqué par un très-grand accident.
L'homme de confiance de Torré ayant disparu depuis l'ouragan qui avoit renversé une partie de l'Edifice, ce Directeur a été très-embarrasse pour le suppléer, & depuis on l'a retrouvé noyé dans un baffin du jardin : on présume que désespéré du désordre il a perdu la tête. D'autres accidens encore, mais moins sinistres, ont résulté de ce feu, exécuté hier, qui n'a pas eu le succès qu'on attendoit de cet habile artificier.
Il devoit représenter les Forges de Vulcain, &
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une allégorie soutenue, relative au mariage du Comte & de la Comtesse d'Artois. La précipitation avec laquelle il a fallu tout réparer, & l'humidité de la faison, peuvent servir d'excuse à l'auteur.
21 Novembre 1773. LImpératrice des Russies, toujours pleine d'idées grandes & magnifiques , veut se faire conllruire un palais exaétement semblable à celui des Augufles, ou Empereurs Romains. Elle a pour cet effet écrit à Paris, & demandé à l'Académie d'Architecture un sujet en état de diriger ce superbe monument. On a jugé M. Cleriffeau très-propre à ré pondre à ses vues. Cet Artiste, Peintre & Architecte, a fait une étude particulière des bâtimens antiques ; il doit partir incessamment pour le rendre aux ordres de cette Princesse. Les meubles répondront à l'Edifice , & tout doit être dans le cofth ume des anciens. Une Souveraine aussi sublime ne fera point déplacée dans un lieu dont elle remplira à merveille toute la maJtHC.
23 Novembre. Extrait d'une Lettre de Montagis, du 19 Novembre. La fête donnée ici le 12 à Madame la Comtesse d'Artois, a été exécutée par les enfans de l'Ambigu-comique. Elle a commencé par un Prologue. Le théâtre représentoit la place publique d'un village, entremêlé d'arbres & de maisons. 11 étoit couvert de paysans & de payfannesde tous les âges. Le sujet étoit l'embarras où l'on étoit de bien témoigner à la Princesse la joie de son arrivée, ce qui amenoit des vaudevilles & l'annonce d'une comédie intitulée la Tsôce de Montatgis.
La fceae de celle-ci se paffe dans un hameau,
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qui est censé être un village des environs de Montargis, & finit par un DivertilTement de Mariniers. Le tout roule sur l'événement du jour, qu'on célebre de différentes manieres. L Cette Comédie devoit être suivie d'une autre piece intitulée : La Guinguette, dont la scene devoit se paffer dans un jardin de cabaret à Paris , au Gros-Caillou. Celle-ci n'a point eu lieu, la Princesse s'étant trouvée trop fatiguée. Il n'y a eu qu'un compliment en proie, que l'auteur y avoit inféré dans la bouche d'un Abbé, qui ait été prononcé à la fin de la premiere, & l'en a ensuite chanté le vaudeville de la fin. »
24 Novembre 177 3. Le Roi a foupéhier dans les petits Appartemens chez Madame la ComteiTe Dubarri. S. M. avoit dit au Marquis de Chauvelin, un de ses favoris intimes, que MadameDubarri l'invitoit d'en être; ce Seigneur, en acceptant, a supplié S. M. de permettre qu'il ne foupât point, parce qu'il se sentoit un peu incommodé; cependant il avoit commencé un whisk avec S. M. Il s'est mis à table ensuite, & n'a mangé que deux pommes cuites : il a repris le jeu. La partie finie, il est allé s'adoffcr à la chaise de Madame la Maréchale de Mirepoix, qui jouoit à une autre table. Il a plaisanté avec cette Dame. Le Roi, qui étoit du côté opposé au Marquis, a remarqué de l'altération sur son visage, lui a demandé s'il ne se trouvoit pas mal? Il est. à l'instant tombé roide mort. Envain lui a-t-on donné tous les secours les plus promts. Le Roi & toute l'assemblée n'ont pu qu'être vivement frappés d'un pareil fpeétacle. > M, de Chauvelin n'avoit que 57 ans. C'étoit
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un homme de beaucoup d'esprit, cultivant les lettres. On a de lui de très-jolies choses. Il avoit été employé dans les négociations. Son expédition de Corse ne lui avoit pas fait auI tant d'honneur : il disoit lui-même qu'il n'étoit point Général. Quoique ce nom foit redoutable aux Jésuites, ce Chauvelin-ci, qui avoit été éleve du Pere de la Tour, leur étoit attaché.
S. M. l'aimoit beaucoup , & l'on peut dire qu'il est mort en vrai courtisan.
2s Novembre 1771. Quoique le feu d'artifice de Versailles n'ait pas réussi parfaitement à beaucoup près, on rend justice aux foins & à [ l'invention du Sr. Torré. On y a admiré des : bombes de construction nouvelle, qui ,au lieu r d'éclater & de se dissoudre en l'air, y confervent leur figure ronde quelque tems & forment des globes de feu.
* 26 Novembre. Le Sr. Floquct, auteur de la musique de l'Union de l'Amour £ «? des Arts, ballet qui rapportera plus de cent mille francs à l'Opéra, n'a eu que mille écus, suivant la ¡ convention des Directeurs. Il est en outre tourmenté d'un procès avec des marchands de mufique, qui lui enlève une partie de la rétribution qu'il pouvoit espérer de son ouvrage. Au S reste, il a déjà un fecond Opéra fait.
27 Novembre. Il court depuis quelque tems | | ici une Lettre du Roi de Prusse à son Chargé | d'Affaires à Rome, l'Abbé Colombini, à l'oc:' casson des Jésuites, que les politiques ont d'a: bord regardé comme une piece controuvée par ? ces bons Peres. Cependant comme elle est parfaitemer.t conforme à la conduite humaine, fage & adroite de ce Monarque envers eux; qu'elle
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est écrite d'ailleurs avec ce ton libre, fier, plaisant & spirituel qui caradérife son auteur, on va la rapporter : ,, Vous direz à qui voudra l'entendre, pour,, tant sans air d'ostentation ni d'affeétation, & ,, même vous chercherez l'occasion de le dire „ naturellement au Pape ou au premier Mi„ niftre, que, touchant l'affaire des Jésuites , ,, ma résolution est prise de les conserver dans ,, mes Etats, tels qu'ils ont été jusqu'ici. J'ai ,, garanti au Traité de Breslau , in statu quo, ,, la @ Religion Catholique, & je n'ai jamais trou,, vé de meilleurs Prêtres à tous égards. Vous „ ajouterez que puisque j'appartiens à la classe „ des hérétiques, le Saint Pere ne peut pas ,, me dispenser de l'obligation de tenir ma pa,, rôle, ni du devoir d'un honnête-homme & „ d'un Roi. Sur ce, je prie Dieu, Abbé ,, de Colombini, qu'il vous ait en sa fainte „ garde. „
27 Novembre 177?. A mesure qu'on veut éclaircir l'affaire du Sr. de Beaumarchais, elle se complique davantage , parce que consistant principalement dans des propos, des rapports, des dits & contredits tenus par différentes personnes, qui ont intérêt de les nier ou de les altérer , elle dégénéré en pots-pourris de société, qu'il fera peut-être impossible de jamais bien tirer au clair. Par exemple, le Sr. Bertrand d'Airolles, Négociant de Marseille, amant d'une fœur du Sr. de Beaumarchais, logeant chez elle , ami du frere, & à ce double titre agent dans ses négociations, porteur de parole vis-à-vis du Sr. Lejay, conséquemment pivot de tout le Mémoire du Sr. de Beaumarchais, intervient
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aujourd'hui par un Mémoire à ConJulter, & au moyeu de ses dénégations fait écrouler une partie de la défenfc du Sr. de Beaumarchais : de fou ami qu'il étoit, il paroît être devenu son ennemi, l'attaquer personnellement, lui faire les reproches sanglans de méchanceté, de mauvasse foi, de calomnie. A l'en croire, le projet de l'Ecrivain a été feulement de causer du bruit, d'amuser le Public, de faire de ses Mémoires une Suite à la Correspondance. Ce dernier mot, que le Sr. d'Airolles met par une réticence perfide , est d'une atrocité qui va de pair avec toutes celles du premier. Il y est question surtout du Médecin Gardanne, autre témoin très-mal mené ; ce qui doit obligèr le Docteur à paroître aussi sur la scene & à produire sa justification.
27 Novembre 1773. M. de Voltaire , qui n'est 3-T>ïHis longtems sans alimenter la curiosité du public, vient d'envoyer dans ce pays-ci une efrece de Satyre, intitulée: La Taélique. Elle elt faite à l'occasion de l'ouvrage de M. Guibat sur cet Art meurtrier. L'humanité du vieux Phiiofophe se récrie contre, & fait intervenir le dissertateur, qui lui prouve la nécessité mal.
heureuse d'apprendre aux hommes à s'égorger méthodiquement. Il y a un tour original dans cette piece de podie, qui caraétérire toutes les œuvres les plus minces de cet Auteur unique.
C est un mélange de persiflage & de ièntiment, de bouffonnerie & de sublime, qu'il amalgamme si bien, qu'il fait paffer des choses révoltantes dans la bouche de tout autre. Du reste, oi y trouve des descriptions très-pittoref^ues & dignes d'un vrai pocte. La tirade du
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Te Deum , qu'on va chanter après une bataille gagnée, ou une ville emportée d'assaut, est le morceau le plus neuf & le plus piquant.
28 Novembre 1775. On vient d'exposer un nouveau Fanal sur le Mont-Valérien. Il est d'une , ftrudture encore supérieure à ceux qu'on avoit < montrés à l'Observatoire & à Montmartre. Celui-ci est inventé particuliérement par le Sr.
Bourgeois de Château-Blanc , auteur des meilleures lanternes à réverbère , que les autres n'ont que mal imitées. Le fanal en question est le jréfultat d'opérations fondées sur une étude lavante de l'antiquité, car l'auteur a eu en vuela fameuse colonne de feu dont il est parlé dans l'Ancien Testament, qui servit si longtems à conduire les Juifs dans le défert.
28 Novembre. Ifmc'nor étoit très-protégé par madame la Comtesse Dubarri, qui n'étant pas contente des premieres paroles a fait faire les fécondés par le Sr. Desfontaines sur la musique de Rodolphe. Son objet avoit été de faire sa cour au Comte & à la Comtesse d'Artois , en y faisant inférer tout ce qu'on pouvoit dire de plus direct & de plus flatteur à leur louange. Toute cette fadeur n'a point en de succès , comme on a dit , & malgré les eiforts de la protectrice , qui applaudissoit beaucoup, le Roi, à la fin de l'Opéra, est venu dire.à Madame la Comtesse d'Artois : ma fille , avez„ vous bien bâillé" ?
Il n'en a pas été de même de Bellerophon , Opéra surtout en fpeétacle, & dont les machines & habillemens ont coûté cent mille écus. La musique, renforcée par des airs du Sr. Le Bre-
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ton , a eu beaucoup de succès, ainsi que l'ouvrage entier.
t 3 Novembre 1773. Madame Goezmann paroît enfin sur la scene. Elle publie un Mémoire assez volumineux , mais moins propre à la justifier f parfaitement qu'à inculper le Sr. de Beaumarchais. On y trouve des détails étrangers à l'affaire , qui font présumer avec raison que cet écrit est l'ouvrage du mari. Il est mal écrit , s & ne peut se lire que par ceux qui ont intérêt r à discuter le fond. On trouve à la fin une grande apologie du Sr. Goezmann , dont on fait l'histoire.
29 Novembre. On raconte avectranfport l'exclamation du Roi , à l'occasion de la mort du , Marquis de Chauvelin : Je perds en lui, a dit ,5 S. M;, un bon & vieux ami „ !
1 Décembre. Bellerophon, joué à Versailles le 27 Novembre , est , comme on fait , un Opera de Fontenelle. C'est Lulli qui en avoit ï fait la Musique. Mais depuis 1679 qu'il a été F donné pour la premiere fois , il a fallu nécessairement faire divers changemens à la musique.
C'est le Sr. Berton , maître de la Musique du Roi, Directeur de l'Opéra , & le Sr. Granier , ordinaire de la Musique du Roi , qui se font chargés de ce foin cette fois-ci.
3 Décembre. Le Mémoire à consulter pour le Sr. Marin , en réponje à ce qui le concerne dans un Mémoire pour le Sr. Caron de Beaumarchais, paroît dans l'instant & va donner matiere nouvelle à l'amufeinent du Public.
4 Décembre. La fermentation excitée dans ce pays-ci à l'occasion du jugement du Conieil de guerre des Invalides) quoique très.
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affoiblie par la nouvelle affaire du Sr. de Beaumarchais , n'est pas absolument terminée. On répand aujourd'hui des couplets contre le Président , où il est tourné en ridicule, d'une maniere très-sensible pour le Maréchal de France.
On recueille avec foin ces Vaudevilles , moins comme plaisans ou malins , que comme des pieces propres à servir à l'histoire du tems, à faire connoître à la postérité les diverses opinions des contemporains sur un événement où le plus souvent la générale est la meilleure, & fert quelquefois à fixer son indécision. C'est à ce titre qu'on conferve celui-ci , précieux monument d'ailleurs de la gaieté franGoife, qui se perd tous les jours :
Air : De la mariée de PoiJJî.
Biron a donné ses foins Au Conseil de guerre; S'il n'est pas juste, du moins Il est bien sévere!
Aux Juges l'on applaudit, Et dans tout Paris l'on dit Ils font gens de guerre (guere) d'esprit; Ils font gens- de guerre.
Air: Quand Biron voulut danflr.
Quand Biron voulut juger (bis) Son Epée fit apporter , (bis) Ses lunettes, Pas trop nettes, Son esprit tout rond ; V IlIS jugerez, Biron.
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ç Décembre 1773. L'Oraison funebre de Charres-Emmanuel, Roi de Sardaigne ~U Duc t/e fimwie, prononcée à Chambery le 17 Mars 177 J, gar J/ Vicaire de la Paroisse de St.
fort rare jurqu'à présent , devient aujourd'hui plus commune. On.ne fait pas pourquoi elle a été si longtems à percer. Elle contient sans doute des vérités fortes , mais énoncées vaguement , sans caractériser aucun Souverain , ni aucune Cour. Du reste, c'est un Eloge du Prince défunt, sur lequel l'Europe entiere semble s'accorder. Cet ouvrage , pensé profondément , est aussi nerveusement écrit, & ne peut que faire honneur à l'Ecrivain quelconque qui l'a conçu & enfanté. C'est une harangue aux Potentats, qui contient des leçons utiles, qu'il feroit à souhaiter de voir mettre en pratique par tous , comme le faisoit le Roi de Sardaigne mort, & comme le fait son auguste fils.
6 Décembre. On peut se rappeler un certain Abbé Ceruti, ci - devant Jésuite , jeune homme de mérite , qui a écrit en faveur de sa Compagnie avec une chaleur digne de l'enthousiasme qu'elle inspiroit à ses Membres. Cet auteur , venu à Paris, s'y est fait connoitre , s'est impatronisé dans de bonnes maisons , & enfin le bruit est que la vieille Duchesse de Brancas l'a épousé.
7 Décembre. Le Duc de Glocefler, frere du Roi d'Angleterre , est ici depuis quelque tems dans le plus parfait incognito; ce qui l'empêche d'aller à la cour. C'est le Sr. Monnet, ancien direcreur de Spectacles & fort répandu dans les filles de cette Capitale , qui s'est emparé de S. A. & préside à ses plaisirs. Il a de.
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mand é pour elle aux différentes comédies les pieces qu'elle desiroit , & elle a été annoncée sur les affiches comme une personne de la plus grande consideration. Ce Prince , comme tous ceux qui voyagent, est ami des arts. Il a visité les beaux monumens de Paris. La Magdelaine des Carmélites , par le Brun, l'a surtout vivement affeété, & il a chargé un Artiste de lui en tirer copie. On fait .que c'est Madame de la Valiere , dont la tête a servi de modele au Peintre. j 8 Décembre 177?. On admire ici une figure d'Henri IV, extrêmement curieuse, par la vérité de la ressemblance. Elle est en pied, dans les mêmes proportions qu'avoit la personne de ce grand Roi. La matiere dont elle est combinée, a permis d'en conserver le coloris & toutes les formes. Les cils, les sourcils, les cheveux, la barbe font naturels & enracinés. On a eu foin d'habiller ce Prince de vêtemens pareils à ceux dont on se servoit alors. Les étoffes ont été faites dans la plus exadte recherche , relativement au costume. En un mot , à l'ame pres; c'est Henri IV , tel qu'on le voyoit de son vivant. L'artiste prétend que cette composition est si bien faite, qu'on n'a rien à redouter des injures du tems pour les différentes substances qui y entrent. < 10 Décembre. Les partisans de M. de Voltaire se réjouissent d'une sottise énorme que vient de faire le Sr. Clément, le redoutable adversaire de ce Philosophe Poète, qu'il épluche depuis quelque tems dans des Lettres critiques très-bien faites. Ce dernier vient d'époufer une vieille coquette, ou plutôt une femme publique, futl
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fer le compte de laquelle on calcule cent & tant damans. On attend avec impatience les plaifanïeries du vieillard de Ferney.
12 Décembre 1773. Ernelinde a été jouée hier a Versailles, & a eu le plus grand succès par la ompe du spectacle extrêmement imposante. Il avoit dans une aébon 400 Grenadiers à cheval sur le théâtre. On fent quel effet a dû prouire une pareille nouveauté.
M. le Maréchal de Richelieu voulant signaler j [qu'au bout son année de service , a fait ajour d'autres fpeétades à ceux qui étoient annon- es. Il y a entr'autres Cep haie & Procris, Opéra e M. de Marmontel, musique de Gretri, qui ura lieu après IjJë.
- 15 Décembre. On fait que Ganganelli, le ape actuel , est d'une extraction ignoble. On retend même que son pere étoit vendeur d'oriétan, & en cette qualité fort lié avec le pere e Carlin, l'Arlequin d'aujourd'hui de la Conédie Italienne. Le Saint - Pere le connoît & 'aime particulièrement. Il vient de lui en don1er une preuve , en conférant un bénéfice à on fils.
1 3 Décembr. M. le Marquis de Chauvelin n'est point un de ces Grands dont le nom périt tout entier avec eux. Il avoit un mérite personnel & des qualités du cœur qui le rendoient recammandable aux lettres & à ses amis.
C'est à ce double titre que M. Léonard, jeune Poëte d'un talent distingué , a répandu des Heurs sur la tombe de cet illustre Mécene, Il y célébré sur-tout son attachement solide as Prince de Conti , attachement qui a redoublé chez lui depuis la disgrace de ce Prince , &
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qu'il savoit allier avec Ion dévouement au Ri 11 n'avoit point aussi cesse de voir M. de Clu feuil, & il alloit souvent à Chanteloup. M, ques d'amitié, toutes simples, toutes naturell dans un particulier , mais effort sublime da un courtisan !
17 Décembre 1775. Addition ait Mémoire < Madame de Goezmann, pour servir de répon eu Supplément du Sr. Caron. Cette additif est aussi platte que le premier Mémoire. El tend à prouver que le Sr. Caron est atroce ; la Dame Goezmann déduit en conséquence pr miere atrocité , féconde atrocité , troisieme atri cité. Dans la féconde , l'héroïne insinue que c, impudent a voulu faire le galant auprès d'elle qu'il lui a tenu sur cette matiere des propos avai tageux. On y lit cette phrase remarquable.
Vous avez osé ajouter que vous finiriez par voi faire écouter ; que vos foins ne me déplairoier pas un jour ; que .., je n'ose achever, je n'oi vous qualifier.
Elle finit par déclarer que le Sr. Caron ] chargera peut-être de quelques nouvelles impi tations , mais qu'elle ne répondra point à Ici fausseté.
20 Décembre. Une nxe survenue entr M. Buffi d'Agoneau, & le Marquis de Villetto deux mauvais sujets, mais hommes d'esprit, sa rire le public aux dépens du premier. M. c Buffi , qui ayant quitté le service de France étoit pasle en pays étranger pour chercher fo tune , est revenu à Paris depuis peu. Passan fous les fenêtres du Marquis , il a remarqt* Beaucoup de lumiere & tout l'appareil d'un fête : il y est entré. M. de Villette) surpris, I*
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accueilli avec réserve , en l'avertiuant qu'il y avoit des femmes honnêtes; qu'il l'exhortoità se conduire en conséquence, ou plutôt à s'en a ller, comme n'étant pas trop fait pour une telle société. Son camarade de débauche , excellent pour la riposte, a plaisanté , est: resté quelque tems, puis est fort!, est entre dans le premier Caffé, où il a barbouillé des vers assez plaisans sur la circonstance, & qui finissoient ainsi: Au reste, soyez sans allarmes, Faites férailler votre esprit; Je ne me fers que de vos armes.
l TI a envoyé cet impromptu au Marquis. CeHui-ci s'est trouvé piqué , n'a pu dissimuler à l'assemblée ce qui se passoit, a été obligé de montrer les vers. On l'a rassuré, en lui faisant comprendre que ce n'étoit qu'un cartel d'esprit & l'on a beaucoup ri à ses dépens & l'on en rit encore,
[Zi Décembre 1773. Vers à M. le Marquis de Fillette, par M. de BuJJî, ancien Mousquetaire.
Monsieur le nouveau converti, Vous avez manqué de prudence i Tenez-vous pour bien averti Que la valeur & la naissance Forment un mérite assorti Que l'on fait distinguer en France., Ripostez donc à cet écrit; Ne'vous livrez pas aux allarmes': Faites férailler votre esprit, Je veux me battre avec vos armes.
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On a vu précédemment l'anecdote qui a donné lieu à cette courte Epitre. M. de Villette y a, dit-on , répondu, mais mal.
22 Décembre 1773. On a des nouvelles de Mrs.
Diderot & Grimm, qui font en Ruffie & ont!
reçu le plus grand accueil de l'Impératrice. On fait de quelles bontés particulières cette Majesté a honoré le premier.
23 Décembre. Ernelinde, jouée à Versailles le 11 Décembre , est actuellement en cinq Aétes. L'Auteur , qui a retouché le Poëme de feu Poinsinet en trois, ne se nomme pas. On fait cependant que c'est le Sr. Sédaine. Quant au muGcien, c'est Philidor toujours existant.
26 Décembre. IJJé, Opéra exécuté à Verfailles le 18 Décembre , n'avoit pas été joué depuis environ 30 ans ; ce qui , à force de vétuHé, l'a rendu neuf pour beaucoup de monde.
Quant aux paroles, elles font faites pour plaire en tout tems , & la Musique , de Destouches, a éprouvé des changemens dans les fêtes. C'est le Sr. Berton , Maître de la Musique du Roi, Directeur de l'Académie Royale de Musique, qui les a faits.
28 Décembre. Deux particuliers s'étant ren-
dus le jour de Noël à St. Denis , à une au-
berge appelée l'Epée Royale, y ont soupé, ont ; paiTé la nuit à écrire. Sur le matin on a entendu j un bruit d'arme à feu ; on est monté dans leun chambre , on les a trouvés morts d'un coup de î pistolet que chacun s'étoit donné. Il y avoitfurti la table un Testament de mort. On y a appris s que l'un étoit Soldat du Régiment de Belfuncee Dragons, se nommant Bordeaux; qu'il n'avoitj que 20 ans ; qu'il avoit fait déjà plusieurs mé--
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tiers, & entre autres avoit été Moine ; que depuis l'âge de S ans il s'étoit toujours ennuyé de la vie. Cet écrit, en bon style & pensé philosophiquement, annonçoit de l'éducation dans son auteur. L'autre étoit un Tambour-Major , appelé Humain, & il y a apparence qu'il n'a suivi le mémeparti que par fanfaronnade, qu'il n'etoit pas aussi dégoûté de son existence que son camarade. Du reste, ils. avoient pourvu au payement de leur écot , & même aux fraix de Justice qu'ils savoiens devoir être occasionnés par cet accident.30 Décembre 1773. On n'a pas manqué de chantonner M. de Monreynard. Voici ce vaudeville, qui n'est qu'historique & n'a rien des agrémens & du sel de ceux de la vieille cour.
Quel bruit ! quel train au féjosr De la Cour!
Seroit-ce donc de l'Amour Encore quelque miracle?
Non , non, non, non, non, non; Non , ce n'est qu'une débâcle.
C'est Monsieur de Monteynard Qui repart, Après avoir par hazard Occupé le Ministere, Sans penser, sans penser, Sans penser, & sans rien faire.
On fent combien tout cela est injuste. Quand M. de Monteynard n'auroît fait que réduire à trente-six millions le Département de la guerre, porté fous M. le Duc de Choifeuil à soixante-uà millions, ç'auroit été beaucoup.
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11 Décembre 1773. Pour soutenir l'attention du public dans le procès de Véron, actuellement au Conseil, dont l'intérêt se rallcntiffoitfur cette affaire , on répand deux Ecrits très- lumineux.
Le premier est une lettre du Marquis de****, Brigadier des Armces du Roi, à M**** Avocat au conseil. Elle est datée du 10 Oétobre. Le fecond est Le Vœu de la Nohlcffe, Lettre à M.***, Avocat au Conseil. Tous deux font clairs, précis , méthodiques & résument en peu de mots tout l'historique du procès. Ils font sentir de la maniéré la plus convaincante & la plus modérée en même tems, l'absurdité de l'Arrêt du 3 Septembre. Le dernier surtout fait remar- quer en détail les contradictions qu'il renferme,' & qui doivent ouvrir une voie à la cassation. On ne fait si M. de Voltaire répondra des injures, mais il ne répliquera furenient pas par de bon- .nés raisons. Le style en est fimpJe, sans éloquence , sans prétention ; ce qui rend ces ou- * vrages meilleurs. Le Brigadier, au surplus, pa- 4 roît connoitre le Comte de Morangiès. Il en fait ainsi le portrait : J'ai servi longtems avec 1) lui. Il avoit un caraétere liant', une figure ,, douce & des manieres assez franches : il m'a „ quelquefois semblé qu'il avoit dans l'ame plus ,, de souplesse que de dignité ; que les refus ne » „ le décourageoient pas assez ; qu'il n'étoit pas, si dans le besoin, excessivement délicat sur le J 3, choix des moyens de le satisfaire".
Le Vœu de la Nobleffi établit pour premiere proportion, qu'elle n'a point pris fait & cause pour le Comte de Morangiés ; qu'elle ne s'est point liguée en sa faveur ; que son honneur ne tient point à celui de tel ou tel de ses membres j
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que loin de les protéger quand ils font coupa" ples , elle les désavoue ; qu'enfin elle est pour lux le tribunal le plus redoutable.
k.
ANNÉE M. DCC. LXXIV.
1 JAtivier. Le Sr. le Kain a reparu dernier?ment dans Tancrede avec une affluence de ponde prodigieuse. L'art qu'a cet auteur de ne ouer que rarement, & de prendre de longues acances , fait qu'il soutient constamment sa céébrité.
* 2 Janvier. Cephale & Procris, ou l'Amour Conjugal, tragédie lyrique en trois aétes, a été xécutée jeudi sur le théâtre de la cour. Il c parolt pas que celle-ci ait eu plus de succès ue les autres. On en a trouvé la musique assez lie , mais pas d'un genre assez relevé. On prénd qu'elle n'est point au dessus de celui de l'oéra Comique. C'est le dernier opéra des Fêtes u mariage. Toute la Cour en général est connte d'être débarrassée de ces fpeétacles d'éti1ette, & M. le Dauphin, peu plaisant de son aturel, a dit à M. de Richelieu : enfin voilà nos spectacles finis , nous allons donc nous miijer.
3 Janvier. Le Sr. Marin ne se sentant pas ii fôrces pour répondre au Sr. de Beaumarhais sur le même ton de plaisanterie , renonce bjourd'huià faire des Mémoires; il se retranche [ans une défense juridique , qu'il fait feulement croître imprimée. Sa Requête au Parlement est rès-bicn faite, courte , écrite noblement ; on.
oit qu'il s'en est rapporté à son Avocat, & qu'un
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1 otffi bon ouvrage ne peut sortir de la plume dit.
Redaéteur de la Gazette de France. S Janvier 1774. Il y avoit ici un Journal connu fous le nom de l'Avant-coureur. Il duroit depuis J 7 S 8. On y annonçoit les objets particuliers desfciences, de la littérature, des arts,' des métiers , de l'industrie, les fpeétacles & les nouveautés en tout genre. On y va substituer aujourd'hui une Gazette Littéraire, qui se distribuera deux fois la semaine , & fera d'une demi-feuille in-4 °. par ordinaire. *
Le Journal de Trévoux; entrepris par une Société celebre, fous les auspices du Prince de Dombes, paffé depuis entre les mains d'un Médecin , ensuite présidé par l'Abbé Aubert, fous le nom de Journal des Beaux Arts & des Sciences 7 dédié à M. le Duc de la Vrilliere, subit encore une métamorphose cette année, par la promotion de l'auteur à la place de Professeur de littérature francoise au College Royal. Ce font MM. Caftilhon, anciens auteurs du Jour-" nal Encyclopédique, qui l'entreprennent & le dédient à S. A. R. Mgr. le Comte d'Artois.
6 Janvier. On répand ici une Lettre du Roi de Suede au Comte d'Oftein, un des Sénateurs, qui, n'approuvant pas la nouvelle révolution introduite dans le Gouvernement de ce Royaume , s'étoit retiré des affaires. Cet écrit fait également honneur au Monarque & au sujet.' Je vous appelle à la tête de mon Sénat pour „ mon conseil & pour mon guide. Si j'avois „ connu dans mon Royaume un homme qui ,, eût plus de lumieres & plus de vertus, j'au-* „ rois refpeélé votre repos ; mais le ciel en y, créant les hommes de gcroc) les destine eu.'
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, même tems & les dévoue au bien public. J'ai , fait mon devoir, faites le vôtre : j'ai voulu , montrer à toute la nation & à toute l'Europe , que je veux environner mon trône de l'éclat , que les vertus répandent. Si vous refusez plus , longtems de vous rendre à mes vœux & à , ceux de mon Peuple, je vous en rendrai rest, ponfable à la nation & à la posterite".
1 7Janvier 1774. Le livre posthume de M. Hel.vétius est intitulé de l'homme, de ses facultés intellectuelles & de fort éducation. Son Epigra.
phe est prise de M. de Voltaire; I Honteux de m'ignorer, Dans mon être, dans moi je cherche à pénétrer.
L'auteur n'a donne cet ouvrage après sa mort que pour échapper aux persécutions. Celles que lui avoit fufeitées son livre de VEfprit, en l'aigriffant, l'avoient rendu plus circonspect. Dès a préface on trouve des choses qui n'auroient pu plaire à notre gouvernement.
k H Ma Patrie, dit-il , a reçu enfin le joug '„ du Despotisme ; elle ne produira donc plus „ d'Ecrivains célébrés. Le propre du Defpo,, tisme est d'étouffer la pensée dans les ef„ prits & la vertu dans les âmes.
j- „ Ce n'est donc plus fous le nom de Fran„ çois que le peuple pourra de nouveau se ! »il rendre célébré. Cette nation avilie est au.
„ jourd'hui le mépris de l'Europe. Nulle crise „ salutaire -ne lui rendra la liberté , c'est par ,', la cenfomption qu'elle perira. La conquête „ est le seul remede à ses malheurs
Le but de cet ouyrage est de faire connoîtrc
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fhomme a l'homme, de lui donner des Idées nettes de la morale, & de le rendre ainsi heureux & vertueux. Il n'est qu'un développement plus étendu des principes du livre de supris, que les hommes font les mêmes, qu'ils ont presque tous la même aptitude aux mêmes choses , & que la différence de l'éducation fait toute celU qui regne entre les facultés de leur ame, & même entre leurs pallions. Si ces assertions génétales ne font pas exaétement vraies, ou du moins font contestées par beaucoup de Philosophes, on trotive dans les détails une infinité de vérités particulières, auxquelles on ne peut se refuser.
Ce traité est certainement d'un métaphysicien profond , qui embellit ses idées abftrufespar une imagination brillante , & par un" fryle figuré, nerveux & plein d'images. L'auteur y a joinfc des notés, qui reporent agréablement & délassent les lecteurs par des traits d'hiftoireou par des citations, qui amusent en appuyant ses raisonnemens.
9 Janvier 1774. Les comédiens Italiens donnent depuis un mois une piece Italienne, intitulée: les troisfreres jumeaux Vénitiens. Elle est en quatre aétes , &de la composition du Sr. CoJalto , auteur & aéteur, car c'est le Pantalon de la troupe. On trouve dans cet ouvrage charmant par sa gaieté & son intrigue ingénieuse & piquante, le rôle d'un Capitaine de vaiiTeau, qui conséquemment est un Marin. Cette qualité, qui donne lieu de rappeler le nom du gazetier de France, si baffoué depuis quelque tems, a fourni à Arlequin des lazzi naturels, que le public a saisi avec avidité ; & ce feétaclc est la fureur du jour. Les mardis - vendredis, autrefois abfo-
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lument déserts aux Italiens , parce qu'ils y font consacrés aux pieces de leur nation, font devenus les beaux jours ; on s'y porte, & l'affluence ne diminue point.
fc 9 Janvier 1774. L'ouvrage posthume de M.
Helvétius mérite qu'on en donne une idée plus détaillée. Dans le premier volume , après une introduction sur le plan de l'ouvrage, l'auteur le divise en plusieurs sections, elles-mêmes fousdivisées en différens chapitres.
| 1°. Que l'Education nécessairement différente des differens hommes, est peut-être la cause de cette inégalité des esprits, jusqu'à présent attribuée à l'inégale perfection des organes.
I 2°. Que tous les hommes communément bien, organisés ont une égale aptitude à l'esprit.
3°. Des causes de l'inégalité de l'esprit.
40. Que les hommes communément bien organisés font tous susceptibles du même degré de passion : que leur force inégale est toujours l'esset de la différence des positions ou le hasard nous place. Que le caracîere original de chaque homme [ comme l'observe Pascal ] n'est que le produit de ses premieres habitudes.
So. Des erreurs & contradictions de ceux dont les principes différens rapportent à l'inégale perfection des organes des sens l'inégale supériorité des esprits.
So. Des maux produits par l'ignorance : que l'ignorance n'est point deftruétive de la mollesse ; qu'elle n'assure point la fidélité des sujets ; qu'elle juge sans examen les questions les plus importantes. Des malheurs où de tels jugemens peuvent quelquefois précipiter une nation. Du
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Mépris & de la haine qu'on doit aux proteifleurs de l'ignorance.
7°. Que les vertus & le bonheur d'un peuple font l'effet, non de la sainteté de sa religion 1 mais de la sagesse de ses loix.
8°. De ce qui constitue le bonheur des individus : de la bafe, sur laquelle on doit édifier la félicité nationale , necessairement composée de toutes les félicités particulières. c 1 9°. De la possibilité d'indiquer un bon plan de législation. Des obstacles que l'ignorance met à sa publication. Du ridicule qu'elle jette sur toute idée nouvelle & toute écude approfondie. De la morale & de la politique. De l'inconstance qu'elle suppose dans l'esprit humain. Inconstance incompatible avec la durée des bonnes Loix. Du danger imaginaire auquel, si l'on en croit l'ignorance, la révélation d'une idée neuve, & surtout des vrais principes des Loix, doit exposer les Empires. De la trop funeste indifférence des hommes pour l'examen des vérités morales & politiques. Du nom de vraies & de fausses, donné aux mêmes opinions, félon l'intérêt momentané qu'on a de les croire telles ou telles. ,
10°. De la puissance de l'instruction , des moyens de la perfeétionner , des obstacles qui s'opposent aux progrès de cette science. De la facilité avec laquelle, ces obstacles levés, l'on traceroit le plan d'une excellente éducation.
Telles font les matières principales, traitées dans les deux gros volumes in-g. ° du livre de M. Helvétius, qu'il termine par une récapitulation du tout. :
n Janvier 1774. Madame la Marquise du'
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Deffant est une vieille Mufe de la Cour de Madame la Duchesse du Maine ; elle étoit renommée autrefois pour ses grâces , son esprit & sa méchanceté : elle a toujours confervé quelque liaison avec le Philosophe de Ferney, & il vient de lui adresser une Epitre , où l'on retrouve encore la fraîcheur de son jeune âge.
Fers de M. de Voltaire à Madame du Dessant.
Eh quoi ! vous-êtes étonnée Qu'au bout de quatre - vingt hivers , Ma mure foible & surannée Puisse encor frédonner des vers !
Quelquefois un peu de verdure.
Vit fous les glaçons de nos champs,
Elle console la nature, Mais elle est séche en peu de tems.
Un oiseau peut se faire entendre Après la faison des beaux jouru Mais sa voix n'a plus rien de tendre, Il ne chante plus ses amours. i Ainsi je touche encor ma lyre Qui n'obéit plus à mes doigts, Ainsi j'essaye encor ma voix Au moment même qu'elle expire.
Je veux dans mes derniers adieux, Disoit Tibulle à son amante, Attacher mes yeux sur tes yeux , Te prelTer de ma main mourante.
Mats quand ori fait qu'on va paffcr, Quand l'ame fuit avec la vie,
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A-t-on des yeux pour voir DeHe Et des mains pour la caresser?
Dans ces momens chacun oublie Tout ce qu'il a fait en fanté ; Quel mortel s'est jamais flatté D'un rendez-vous à l'agonie ?
Delie elle-même à son tour S'en va dans la nuit éternelle, En oubliant qu'elle fut belle Et qu'elle vécut pour l'amour.
f Nous naissons, nous vivons, Bergere, Nous mourrons sans savoir commcnt; Chacun est parti du néant : t Où va-t-il ? Dieu le fait, ma chère !
14 Janvier 1774. On a vu dans le Mercure tme Lettre du fameux Gluck, Musicien allemand , qui offroit aux Directeurs de l'Opéra de leur envoyer ou.,çle leur apporter plutôt l'Iphigénie de Racine, mise en musique. Ces Messieurs, peu curieux de musique étrangère, dans la crainte qu'elle ne fît tomber la leur, avoient éludé la proposition. Heureusement le Sr. Gluck a jugé à propos d'arriver ; & comme il a l'honneur d'être connu de Madame la Dauphine, on espere qu"il aura assez de proteétion pour faire jouer son Opéra. Cette Princesse lui a donné ses.
entrées chez elle à toute heure.
14 Janvier. M. de Voltaire a fait imprimer, il y a quelques années , la Sophonisbe de Mairet, réparée à neuf : ce font ses expressions. Les Comédiens ne voulant pas jouer les.
Loisi de Minas > & ce vieillard étant toujours
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avide de renommée, il a si bien intrigué parsès amis, qu'on donne demain cette Sophonisbe, annoncée sur l'affiche , simplement comme une tragédie nouvelle de M. de Voltaire. Ses ennemis crient contre une telle supercherie.
16 Janvier 1774. Les comédiens franqois ont donné hier en effet la premiere représentation de a Sophonisbe de M air et, réparée à neuf, par M.
e Voltaire. Le concours a été immense, quoiu'on fente que cette tragédie, jouée à Fontaiebleau , n'y avoit produit que peu d'effet. Il faut convenir que cette piece, supérieure à toutes les ieces modernes les mieux accueillies, par la arche, la netteté, l'enchaînement de l'intriue , par la vérité des caraéteres & le naturel es situations, est froide , parce que MaJJïniJJc r Sophonisbe , depuis la fin du troisieme aéte Relient toujours dans la mêmb fituatibn, sans qu'aucun incident cause de ces révolutions qui gitent le cœur & le bouleversent. Mais le énouement, de la plus grande beauté, répare h langueur qu'on éprouve jusques-là. On ne lent exprimer surtout l'art avec lequel le Sr. le tain, jouant le rôle de illafiriiffe, y gradue les fccès du poison qui circule dans ses veines, se Inime & s'éteint de la maniéré la plus frappante. Le ityle simple de Sophonisbe l'est aussi fop quelquefois. Il y a de ces vers ridicules , le ces exprellions populaires, tels qu'on en renontre dans toutes les pieces anciennes & fouent dans Corneille. Le public , en général, l'a laI accueillie ; ce qui faisoit craindre aux Co.
lédiens qu'on ne voulut pas en tolérer une feonde représentation. En conséquence, le Sr.
; Kain, comme le plus agréable au public, elfe t
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venu faire l'annonce : après avoir parlé de c< qu'on donneroit le dimanche & le lundi, il a étendu les bras en figne de compassion, &avec un ton suppliant a dit qu'on donneroit Sophonisbe pour la fécondé fois le mercredi. Cette insolence vis-à-vis M. de Voltaire , & cette familiarité avec le public , ont produit une sensation contraire à celles qu'elles auraient dû causer, & l'on a fort applaudi l'histrion.
16 Janvier 1774. Fragmens sur 1 Inde, fui l'hifloii-c générale &flzi- la France. C'est une fécondé partie pour servir de fuite à ceux qu'or a déjà lus : c'est une rapsodie telle qu'en donne depuis longtems M. de Voltaire. Il se fait toujours lire par les graces du style, par l'art avec lequel il fait rapprocher les choses les plus éloignées , & interesser, sans cependant mériter h confiance du leéteur. Dans la premiere partie, il avoit rapporté les désastres de la Compagnie des Indes, avoit remonté à leur cause ; il s'étoil surtout étendu sur la mort du Général Lally, <S s'étoit permis des réflexions fort extraordinaires.
Aujourd'hui il donne un précis de l'histoire de; Indiens & de leur religion. Par un bavardage qu'on ne peut pardonner qu'à la vieillejTe , il revient encore sur le Comte de Morangiès , & donne un supplément nouveau, à ce qu'il dit.
sur cette affaire. Il parle aussi du procès de l'in.
fortuné Montbailli, & retombe à son ordinaire sur Nonotte, sur Freron, sur la Beaumelle, fui Sabbatier, &c. Puis il en revient à divers point de notre hifioire..
18 Janvier. Les Directeurs de J'opera, en attendant Sabinus, doivent remettre de; ïragmens qui ne font pas neufs: Íavoir, le De.
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pin de Village, Vertumne £e Pomone, & le feu des Elemcns. L'Union de l'Amour £ •? des Arts, doit être donnée dimanche 23, pour la trente-septieme représentation , sans interruption, que celle de Callirhoé. Ce succès soutenu est fins exemple dans les fastes lyriques, & cependant le pauvre Floquet n'a eu que ses mille (écus, .& l'on lui refuse une gratification d'ufa.
ge, quand la réussite est décidée à un certain point.
19 Janvier 1774. Les anti-inoculateurs triomphent beaucoup de la mort du fils de l'architeéte jMoreau, mort pendant le traitement de l'inoculation ; & les partisans de cette méthode n'en font nullement allarmés; ils attribuent l'événement à des accidens tout-à-fait étrangers. Quoi qu'il en foit, M. le Marquis d'Alligre , Commandeur des Ordres du loÍ , ci-devant Premier Président du Parlement, se trouve bien, d'avoir fait inoculer Tannée derniere son fils tmique, se dispose à faire inoculer sa fille , tant il est convaincu de l'excellence de ce procédé.
r Le fameux Gaty, que nos Docteurs regardent comme un charlatan , mais qui avoit été fort en vogue pour cette opération, parce qu'il la faisoit avec beaucoup de grâces, de légereté & de facilité pour ses malades, craignant avec raison que plusieurs de ceux inoculés par lui ne le diferéditaflent par des rechûtes inévitables , à railon de sa maniéré de faire l'insertion , est retourné en Italie , & ne veut pas revenir en France.
20 Janvier. On n'a point encore la Lifte des Croupiers & Pensionnaires de la Ferme Géué-
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raie, suivant le nouveau Bail ; on fait en gros que le total de cet objet se monte à trois millions de rentes; ce qui fait presque la moitié du bénésice. Quant aux acftcurs & aétrices, & gens à talens, dont les pensions font. hypothéquées sur cet objet, on explique la chofede deux façons, ou en ce qu'ils ne font que changer de lieu de recette, c'est-à-dire , qu'en place d'être-portés sur l'état des Menus, dont on supprimera les charges d'Intendans, ils le feront sur celui de la Ferme générale ; ou bien en ce qu'ils ne font pas en nom, & feulement en fous-ordre , c'essà-dire, que tous les Enfans de France, Princes & Princesses, auront assignée une certaine sOmme sur ces fonds, qu'ils feront maîtres de faire donner aux particuliers qu'ils voudront obliger par humanité, p?r charite, par bienfaisance, ou en reconnoissance des amusemens qu'on leur, aura procurés.
Mlle. Arnoux , à qui l'on avoit annoncé qu'elle avoit une croupe , a écrit à cette occasion une Lettre très-plaisante à M. l'Abbé Terray, Se l'on affure que ce Miniltre , qui entend raillerie, y a répondu très-agréablement. Voici cupie de l'une & l'autre Lettre.
Lettre de Mlle. Arnoux de Y Opéra à M\ Fabbc Terrai, Contrôleur General des Financcs, à l'occajion du bruit qui couroit qu'elle avoit une Croupe dans la Ferme Générale, par le nouveau Bail, figllt le i janvier.
MONSEIGNEUR, r 1 J'avois toujours ouï-dire, que vous faisiez peu de cas des arts & des talens agréables : on attri.
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uoit cette indifférence à la dureté de votre caactère. Je vous ai souvent défendu du prelier reproche ; quant au fecond , il m'auroit été ifficile de m'élever contre le cri général de i France entiere. Cependant je ne pouvois me ?
erfuader qu'an homme aussi sensible que vous ux charmes de notre sexe, pût avoir un cœur e bronze. Vous venez bien de prouver le conraire. Vous vous êtes occupé de nous au milieu de l'affaire la plus importante de votre Mi.istere. Forcé de grever la nation d'un impôt le 162 millions , vous avez cru devoir en ré-, erver une légère partie pour le théâtre lyrique fc pour les autres fpectacies. Vous savez qu'une ose d'rfllard [1], de Caillaud [2], de RauDux 131 est un narcotique sur pour calmer les pérations douloureuses que vous lui faites à reet. Véritable homme d'Etat , vous en priiez les membres suivant l'utilité dont ils font à vos ques. Le gouvernement fait sans doute en tems le guerre grand cas d'un guerrier, qui ,verse on fang pour la patrie: mais en tems de paix, e coup d'œil d'un militaire mutilé ne fert qu'à miger, qu'à exciter lesplaintes & les murmu'es du François, déja trop disposé à geindre. Il laut des gens , au contraire , qui le diftraienfc K l'amusent : un chanteur, une danseuse, font alors des personages essentiels; & la diftinétion kU'Oll. établit dans les récompenses des deux efoeces « de citoyens, est proportionnée à l'idée pj'on en a. L'officier estropié arrache avec peine
[1] Danseuse de l'Opéra.
[2] Chanteur retiré de la Comédie Italienne.
Ç3J Nouvelle aftrice de la Comédie Françoise,
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& après beaucoup de sollicitations & de cour.
bettes une pension modique ; elle est assignée fun leTréfor Royal, espece decrible, fous lequel ill faut tendre longtems la main avant de recueillirj quelque goutte d'eau. L'aéteur est traité plus, magnifiquement; il est accolé à une fang-fue: publique, animal néceffairc, qu'on fait ainsi j dégorger en notre faveur de la substance la plus !
pure dont il se repaît. C'est à pareil titre, sans i doute, Monseigneur , c'est à la profondeur de: votre politique que je dois attribuer le prix flatteur dont vous honorez mon foible talent. Vous !
m'accorderez , dit-on , une croupe : ce mot m'ef- frayeroit de toute autre part ; mais c'est une : croupe d'or. Vous me faites çhevaucher derriere Plutus. Je ne doute pas que dressé par vous , il n'ait les allures douces & engageantes. Je m'ycommets, fous vos auspices, & cours avec lui les grandes avantures. Puissiez-vous, en revanche, Monseigneur, ne jamais trouver de croupe rebelle ! puissent toutes celles que vous voudrez caresser , s'abaisser fous votre main chatouii-' leuse ! puisse la plus orgueilleuse se laHlèr domp- ter par vous, & recevoir votre Grandeur avec ce Frémissement délicieux, présage du plus heureux voyage , toutes les fois que vous galoperez dans les champs fortunés d'Idalie ! t Je fuis avec un profond refped, MONSEIGNEUR, Votre &c.
Paris ce 4 Janvier 1774. ,.
Réponse de M. le Contrôleur Général à Mlle.
Arnoux.
Versailles le 8 Janvier 1774.
On vous a mal informée, Mademoiselle ; voue
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avez point de croupe dans le nouveau Bail : nfi vous ne chevaucherez derriere aucun Ferier Général. Mais il vous est très-permis d'en ire chevaucher quelqu'un devant ou derrière us. Cet accouplement ne vous fera pas moins ile ; il est même plus commode en ce que, ur la mise, il n'exige qu'un très-petit fonds avance.
Je fuis, Mademoiselle, tout à vous.
L'A B B É T E R R A I.
ZI Janvier 1774. On prétend aujourd'hui ue le Sr. Dauberval n'est point allé en Russie, u'il n'est pas même forti de Paris, mais qu'il est tenu caché pour-se soustraire aux poursuis de ses créanciers. Quoi qu'il en foit, on l'a u à l'opéra, mais il n'a point dansé de toutes es fêtes, & ne danse point encore. Quant à la )IIe. Allard, il n'y a pas d'apparence aufll qu'elle eparoifle : elle devient si énormément graffe , ue ses amis lui ont donné le bon conseil de quitr le public au milieu de toute sa gloire, & de e pas attendre que son talent décline. Heureusement de jeunes sujets se forment, très-propres à la remplacer. La Dlle. Heidoux surtout a fait des progrès étonnans, depuis quelques mois, qu'elle est excitée par l'émulation de remplacer une danseuse si aimée des fpeétateurs.
0 Z 3 Janvier. Jeudi dernier 20 de ce mois, six Commissaires de l'Académie des Sciences, se font transportés auprès du Pont Royal, vis-à-vis la rue de Beaune, pour assister à l'expérience d'une nouvelle machine, à l'aide de laquelle l'mventeur prétend pouvoir rester fous l'eau pendant au moins une heure, sans conferyer aucune communication avec l'air exterieur.
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Cette machine est une espece de mannequin de cuir , c'etf-à-dire , un fourreau , conforma éxaétement comme un homme, à l'extérieur. Ce ; lui qui doit subir l'immerflon, entre dedans en chemise, ou en camisole, ou nud , par une ouverture qui reste au col. Ainsi affublé, il re; coit un casque de cuivre, qui lui emboîte toute la tête; & par un large collet du même métal vient s'adapter sur un cuir gras , auquel on l'at.: tache avec des écrous bien viiTés. Il n'y a d'au.
tre ouverture que des œilleres de verre, & uno troisieme au front, de verre aussi. Au sommes; de la tête font deux tuyaux, l'un sur l'autre
avec un conduit de cuir à chacun , du diamètre d'une grosse bougie & d'environ quatre pied de long , qui vont aboutir à une boule de cuivre. Cette boule à un ressort que l'on monte,, au moyen duquel l'air y contenu, pousse par le; canal inférieur, va se rendre à la bouche du plongeur ; & celui qu'exhalent ses poumons, comme: plus raréfié, se porte en haut & retourne par l; conduit supérieur au récipiend , c'est-à-dire à la; boule de cuivre, où 11 se rafraîchit & revient de: nouveau à la bouche. Ce jour-là l'inventeur i ayant trop forcé le ressort, il s'est casse ; ce..
pendant il n'a pas voulu que les Commissaires: s'en allassent sans avoir vu quelque chose : l'ex..
périence s'est toujours faite ; mais au bout de: dix minutes , l'encastré a tiré la petite ficelle H & il n'a pu y rester plus longtems. Ce qui efti toujours beaucoup sans aucune respiration. Ont doit incessamment recommencer l'expérience..
L'auteur allure pouvoir descendre jusqu'à la profondeur de o pieds. On a oublié de dire dans la description de la machine, que le cuir efti 6
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Contenu par des anneaux de fer, de distance en distance , afin que les mouvemens du pionpeur ne soient pas gênés par la pressîon de l'eau, & pour conserver d'ailleurs un certain volume d'air.
M Les Commissaires de l'Académie présens , étoient MiM. le Roi, le Chevalier de Borda, l'Abbé Bossut, Tenon , Petit & Sage. 1 L'auteur de la machine est un homme des côtes, grotIier, sans éducation , qui paroît l'avoir inventée pour aller ramasser les débris des naufrages.
b 24 Janvier 1774. On a annoncé le phénomène curieux d'une fille âgée de vingt ans , n'ayant que deux pieds quatre pouces. C'est à la foire St. Germain qu'on invite les amateurs de l'Histoire Naturelle de venir la voir le mois prochain.
y 25 Janvier. Si les François rendent les étrangers tributaires de leurs modes & de leurs frivolités, ceux-ci viennent prendre leur revanche & mettre à contribution la curiosité crédule de la Nation. UnAnglois, nommé lPildman, vient en conséquence d'afficher qu'il avoit trouvé le secret d'apprivoiser des abeilles : ce dont il invite les amateurs à voir ses diverses expériences , qui font au nombre de quatre.
y i°. A son ordre les abeilles sortiront de la ruche & iront se placer sur tel chapeau des spectateurs qu'il leur indiquera.
2°. Elles viendront s'entortiller autour de son bras en forme de manchon , sans lui faire aucun mal.
î°. Elles se porteront sur son visage en forme de masque, & le couvriront ainsi parfaitement
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4". A les ordres elles partiront & retourne; ront à leur ruche.
28 Janvier 1774. Deux Anglois s'entretenant des François dans ce pays-ci; l'un prétendoit qu'ils aimoient l'argent; l'autre soutenoit le contraire. Les contendans s'échauffent, & comme cette nation aime beaucoup les paris, celui qui étoit pour défendre la nôtre de l'esprit de cupidité que l'autre lui fuppofoit, gagea que pendant un tems déterminé il feroit crier des Ecus de 6 livres à 24 fols , sans que toute sa marchandise , au nombre de 200 écus, fut débitée. Les préalables, de bonne foi, de part & d'autre, bien arrêtés , on va à la monnoie prendre un sac de 1200 livres, en écus neufs; on loue un crieuc ou un aboyeur, qui au jour, lieu & heure marqués commence son annonce ; & l'on assure qu'au bout de deux heures , délai convenu , il ne s'étoit encore trouvé que cinq aéteurs. Ce pari, fol d'abord en apparence pour celui qui le proposoit, par les combinaisons de circonstances , paroît fait en connoissance de cause , & l'on allure la vérité du fait. 29 Janvier. Un Juif Anglois nommé Jonas, arrivé depuis quatre mois environ dans ce, pays-ci, ayant eu le bonheur de déployer ses talens pour l'escamotage, chez les jeûnes Princes, ell deveiiu tellement à la mode, qu'il n'y a point aujourd'hui de souper élégant dans Paris, où il ne foit appeté & ne servé quelque; plat de son métier. Il prend au moins 5 Louis par séance, & l'on juge quelle fortune il doit: faire : il est supérieur à Comas en cette partie, v c'est-à-dire qu'il est plus fin ; mais l'autre est: plus savant, & vraiment physicien. Le Sr. Jo-.
j
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as a un air balourd,. une tournure matérielle ronde, qui en impose encore davantage & fait paroître plus merveilleux.
3cr Janvier 1774. Le différend du Sr. Dauerval avec Mrs. ee l'Académie Royale de Muque étant accommodé, il a reparu dans les ragmens donnés depuis peu & a été extraorinairement fêté par le public, enchanté de le :voir.
31 Janvier. M. Diderot est attendu dans ce ays-ci pour le printems prochain. Ce grand omme écrit qu'il s'ennuye à Petersbourg ; qu'il 'y trouve d'intéressant que les conversations u'il a avec l'auguste Souveraine , sa proteétrice.
ans doute qu'elle ne se plaît pas moins dans .s tête à tête avec lui, mais les foins du gouernement la distraient & l'empêchent d'entre;nir aussi souvent qu'elle le voudroit ce fameux hilofophe.
1 Février. On a fait de mauvais vers sur 2 Sr. Mirlavaud , trésorier des grains au compte u Roi, annoncé dans l'Almanach Royal 1774.
,es curieux les recueillent toujours comme issant grande sensation en ce moment & anecote pour l'avenir. Les voici : Ce qu'on disoit tout bas, est aujourd'hui public : Des présens de Cérès le maître fait trafic, Et le bon Roi, loin qu'il s'en cache, Pour que tout le monde le fâche, Par son grand Alminac sans façon nous apprend Et l'adresse & le nom de son heureux agent.
2 Février. Il paroît un Mémoire de Me.
iinguet pour le Marquis de Soyecourt ; on y
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trouve le fpeétacle inftruétif & philofophiqui d'un Seigneur puilTamment riche, qui par un< cupidité baffe & sordide voulant accroître 6 fortune en entrant comme un vil financier dan!
des entreprises d'affaires lucratives, est la dup< d'intriguans & d'escrocs, qui abusent de sa cré.
dulité, au point de le faire se déranger confid6 rablement & de le conduire sur le penchant d< sa ruine. C'est la fuite du procès contre le Mar.
quis du Hautoy, où la Baronne de la Garde i maitresse du Contrôleur général , jouoit un rôle si infâme qu'il a été obligé de la renvoyer, f 4 Février 1774. Il court une Epitre à Margot qui fait grand bruit dans cette Capitale, à rai.
son des allusions qu'on croit y trouver relative ment à Madame la Comtefl'e Dubarri , quo qu'elles ne roulent en général que sur mill( exemples qu'on voit tous les jours de Courti fannes parvenues ; mais la malignité du public s'exerce & donne beaucoup de vogue à cet ou vrage, bien fait d'ailleurs, mais dont l'auteu est obligé par la raison ci-dessus de garder l'in cognito.
S Février. Le Sr. Bellanger, un de ces of ficiers avanturiers risquant tout parce qu'il n'ont rien à perdre, connu dans les tripots pou tenir la banque au pharaon, a voulu tente fortune d'une autre maniere. On affure qu'i avoit accepté une mission secrette pour aller ei: Angleterre, dont on veut que l'objet fût l'en!
Jèvement de l'auteur du Gazetier cuirasse : avoit pour associé à son expédition des suppôts de Police, tels que Receveur, Cambert, Fi, net, &c. Malheureusement pour eux, ils n'on pas réussi ; on a même eu vent de leur defleijj J ii
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is ont été désignés dans les papiers publics.
,e bruit avoit couru qu'ils avoient été attrapés t pendus comme Espions. Il est fâcheux que ela ne foit pas exactement vrai. Ils font reves ici, mais l'Exempt Receveur en a eu une Ile frayeur qu'il en est encore fol.
7 Février 1774. L'Almanach Royal de cette înée devient extrêmement recherché à cause t l'annonce nouvelle dont on a parlé, & qui existera plus à l'avenir. Le Sr. le Breton , IJmrimeur, en a reçu une sévere réprimande, & n Imprimerie est fermée pour trois mois.
� 7 Février. Une Arthémise nouvelle donne � Paris le fpeétacle rare d'une douleur conjuale que le tems ne peut affoiblir. C'est Maame la Comtesse d'Harcourt. Son mari mort, t y a près de cinq ans , fit beaucoup de bruit ms le tems à l'occasion du démêlé qu'il exa entre son Confess eur , l'Archidiacre Tando, l'Archevêque de cette Capitale. On va voir i jourd'hui chez le Sr. le Moine le mausolée ne son Epouse doit faire élever à Notre-Dame la mémoire du Comte. Elle va souvent chez Sculpteur pour presser le monument; elle y roit les cheveux épars, & dans l'arpareil ouloureux & lugubre où elle doit figurer dans I cénotaphe. Elle ne s'occupe pas moins du funt dans son intérieur. Elle lui a toujours ifervé son appartement : on y trouve encore figure en cire , qu'elle a fait fondre en pied , la mort de son mari. Il y est habillé dans sa e de chambre ; il est assis dans son fauteuil côté de son lit, préparé comme s'il devoit y coucher ; & cette femme, dont la tête vaDreufe & mélancolique la fait paffer aux yeux
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des profanes pour tirer un peu à la folie, s'ei ferme souvent en ce lieu , comme pour s'y et tretenir avec cette image muette & la careffi à !on aise.
7 Février 1774. L'Abbé Rousseau, qui do prêcher le Carême devant le Roi, a ouvert, su vant l'usage, sa station le jour de la chandeleu IVIerveilleufement encouragé par l'exemple d l'Abbé de Beauvais, dont le zele, vigoureu & amer, a été récompensé par un Evêché, ct lui-ci a suivi les mêmes erremens; il a encor enchéri, & a tonné avec une hardi elfe fainte aux yeux des dévots, cynique aux yeux de courtisans. Ce premier sermon fait déjà gram bruit.
8 Février. U Epitre à Margot est tellemen dans le style, à la maniere & le genre de M Dorât, qu'on la lui attribuoit allez générale ment. Le scandale que cette bagatelle a occa fionné, lui a paru mériter un désaveu , pour f mettre à l'abri du ressentiment de la femm puissante, dont les ennemis de celle - ci on voulu reconnoître le portrait dans Margot. Mai il a cru en même tems n'y devoir mettre au cune importance, & il s'en: contenté de fairi une autre Epitre , où il se defend de l'impu tation , en décriant beaucoup la premiere piq ,ce , qui vaut pourtant mieux que la sienne.
8 Février. Il paroit un Mémoire sur un réclamation contre des vœux faits malgré l'a torité Eccléliaitique : il est de Me. la Croix < se fait lire avec le plus grand intérêt. Il s'ag d'un Sr. de Poilly, fait Cordelier malgré lui, y a près de � ans & qui réclame conftammet depuis lors contre cette tyrannie. On ne-pe
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; dispenser de la reconnoître pour telle, puifu'il n'a paru consentir à entrer dans cet Ordre, ue pour se soustraire aux mauvais traitemens e ses parens ; que ceux-ci ont d'ailleurs rendu i profession irréguliere, faute de se conformer ux Ordonnances , en affiliant à la prise d'hait & en signant son a<fte de profession; qu'elle est encore, parce qu'il n'a point fait le noviiat convenable, qu'il n'a jamais été admis vo5ntairement parmi ses confreres; qu'enfin la uiffance Ecclésiastique s'y est opposée par une ntence de l'Officialité de Meaux. Le détail es vexations éprouvées parce malheureux est icroyable, & l'on ne peut concevoir qu'il se rouve une mere assez barbare pour se porter une persécution aussi constante. On a depuis mployé la calomnie contre ce même homme, u'on a d'abord accusé de péderastie, & qu'on a oulu faire palTer ensuite aux yeux du gouvernement pour auteur d'un livre, dont on ne donne ue les lettres initiales : La F. de P. L. D. réandu dans Paris par fragmens, & l'écrivain éfugié chez l'Etranger a été depuis connu.
8 Février 1774. M. de Rosset, Président de t Chambre des Comptes de Montpellier, traaille depuis 2 ans à un Poème sur l'agriculare. Il compte l'avoir enfin mis au point de erfeaion dont il le croit susceptible, & il imprime adtuellement au Louvre aux fraix du Loi, in-40., avec des Gravures & tous les oremens typographiques. C'est M. Bertin , le Miîstre, qui ayant eu autrefois connoissance de ouvrage , s'en est rappelé le souvenir avec laifir&a procuré à l'auteur cet honneur. Tous ;s Economistes font dans l'attente de ce Doë-
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me, qui vraisemblablement n'y répondra pas.
Le Poëte est déja presque sexagénaire, mais a encore tout le feu d'une tète méridionale.
* 9 Février 1774. M. de la Condamine , Chevalier des Ordres Royaux, Militaires & Hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel & de St. Lazare de Jérusalem, l'un des XL de l'Académie FranGoife, de l'Académie des Sciences, de la Société Royale de Londres, des Académies de Berlin, de Pétersbourg , Bologne, Cortone , Nancy, célébré par ses voyages, entrepris par ordre du Roi, pour déterminer la figure de la terre , par ses connoissances profondes en plusieurs genres, par ses divers Ecrits en faveur de la méthode de l'Inoculation, & même par son talent pour la Poésie légere, est mort âgé de 74 ans. Malgré les infirmités dont il étoit accablé , & surtout une surdité extrême, il a confervé jusqu'à la fin de ses jours une activité, une vivacité d'esprit & une gaieté étonnante.
9 Février. Le Sr. Guignon, ordinaire de la Musique du Roi, est mort à Versailles le jo Janvier, à près de 80 ans. Son talent supérieur pour le jeu du violon lui avoit mérité l'office de Roi & Maître des Mcnejlriers du Royaume, dont S. M. l'avoit pourvu par Lettres patentes du iî Janvier 1741. Au mois de Mars 1773 il s'étoit démis de cette charge, qui avoit été supprimée.
9 Février. Les Comédiens Frahçois doivent enfin jouer samedi le Barbier de Seville, ou la Précaution inutile , Comédie du Sr. de Beaumarchais, attendue depuis si longtems. Elle avoit été arrêtée à la Police & l'anecdote est plaisante. L'auteur s'est rendu chez M. de Sar-
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ines, pour se plaindre de l'embargo. Ce Ma- istrat lui a répondu , que c'étoit à cause des irconftances : à quoi le Sr. Caron a répliqué [ue c'étoient ces mêmes circonstances qui le leterminoient à la faire jouer ; que les ennemis lyant répandu le bruit qu'il y tournoit la Maiilrature en ridicule , il avoit le plus grand inérét à se disculper ; d'autant qu'il avoit l'aparobation de M. de Sartines & de Marin mêle, comme Censeur de la Police, depuis 18 lois : que si l'on s'obftinoit à arrêter la repré.
sentation de sa Comédie, il alloit la déposer su Greffe, munie de cette double approbation, l en requérir la levure aux Chambres affemilées. Le Lieutenant de Police n'a pu qu'être rès-ému de cette Réquisition, & Madame la )auphine, dont on a fait intervenir la protecion, a enfin levé tous les obstacles. On allure pe cette Princesse veut assister à la premiere eprefentation.
10 Février 1774, Il paroît que l'on a fait lire Madame la Comtesse Dugarri, l'Epitre dMar'Ot, qu'elle n'a point plu à cette Dame, &que e Sr. Dorat a été obligé de brocher bien vîte Ine rétractation poétique.
12 Février. Le Barbier de Sévi lie, deman.
dé depuis longtems & à plusieurs reprises, par t Parterre, avoit été affiché pour aujourd'hui àmedi ; mais jeudi au foir , les Comédiens anloncerent que cette représentation n'auroitpas ieu, qu'il étoit venu des ordres supérieurs qui mettaient obstacle. M. le Duc d'Aiguillon, i Madame la Comtesse Dubarri ont requis au )uc de la Vrilliere qu'il interposât son autorité our empêcher la publicité de cette Comédie.
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M. de Beaumarchais paroît encore mieux disposé & intéressé à la déposer au Greffe du Parlement pour se jufiifier.
Cette suspension fait un grand tort aux Comédiens qui ayant obtenu la permission de jouer cette piece, d'après un nouvel examen plus sévere & plus détaillé , étoient dans la ferme confiance qu'elle ne souffriroit plus de difficulté, en conséquence avoient fait beaucoup de dépenses en décorations, habits ; &c. tout étoit deja loué pour les six premieres représenta-i tions.
i 3 Février 1774. On annonce avec beaucoup d'emphase un Bal de M. le Bailly de FleuryAmbassadeur de Malthe. Le décore en doit être!
dans un genre singulier : on y entrera d'abord par le Tenare, ou plutôt par le Purgatoire, puifqu'on n'y restera pas ; & de-là l'on paffer aux Champs Elysées : fpeétacle d'autant pluS a gréable , qu'il fera vrai pour le local, puifquei c'est dans son jardin que fera cet emplacement enrichi de tout qui peut figurer le séjour des morts bienheureux.
13 Février. M. le Comte de Lauraguais, ce Seigneur aimable, dont le fond de gaieté inépuisable est si merveilleusement fécondé par sa vive imagination, après avoir amusé Londres est venu réjouir cette Capitale par ses faillies & ses plaisanteries ingénieuses ; on en raconta une charmante. *
Il a ces jours derniers formé une assemblée de quatre Dodleurs de la Faculté de Médecine, appelés en Consultation. La question étoit de savoir si l'on pouvoit périr d'ennui. Ils ont tous été pour l'affirmative, & après un long prcam-
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l bule, où ils motivoient leur jugement, ils ont figné dans la meilleure foi du monde. La famille des Brancas est assez généralement coml posée de perfonages idiots, hypocondres, va[poreux, mélancoliques, &c. Ils ont cru qu'il f s'agissoit de quelque parent du Consultant, & ils ont décidé que le seul remede étoit de difIfiper le malade, en lui ôtant de dessous les yeux , surtout, l'objet de cet état d'inertie & de stagnation.
i Muni de cette piece en bonne forme, le facétieux Seigneur est allé la déposer chez un Comniiflaire & y porter plainte en même tems contre le Prince d'Henin, qui, par son obsession continuelle autour de Mlle. Arnoux, feroit infailliblement périr d'ennui cette aétrice, sujet précieux au public & dont en son particulier il désiroit la conservation. Il y requiert en conséquence qu'il foit en joint audit Prince de s'abfkenir de toute visite chez elle, jusqu'à ce qu'elle Toit parfaitement rétablie de la maladie d'ennui dont elle est atteinte, & qui la tueroit, suivant la décision de la Faculté.
On ne dit pas comment le Prince d'Henin a pris la plaisanterie, un peu forte.
l S Février 1774. Le 4e. Mémoire du Sr. de Beaumarchais tant attendu paroit enfin. Il l'a donné dimanche aux Magifirars, aux Princes, à la Cour, & dès la nuit il l'a mis en vente au Bal de l'Opéra, car cet auteur adroit a tourné, i son profit la curiosité du Public & fait un gros.
jénéfice de ses ecrits. Celui-ci a pour titre : Quatrième Mémoire pour, tc. contre M.
lotzmann, Juge Accufc de subornation £ «? de aux: Madame Goezmann & le Sr. Bertrand,
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accusés ; les Sieurs fi/afin, Gazelier, d'Arnaud Baculard, Confciller d'JrnbaJJade, £ «f conforts, ~Êc. Et réponse ingénue à leurs Mémoires, Gazettes, Lettres courantes, Cartels, Injures, Ee mille & une Diffamations.
Comme celui-ci est plus fort, plus hardi, plus insolent, plus dérisoire contre le nouveau Tribunal entier, qu'aucun des autres, le Sr. de Beaumarchais, qui fait tout avec finesse, a eu celle de ne le répandre que dans les jours gras, c'est-à-dire dans un tems de vacances, & de gagner ainsi quatre jours de débit.
17 Février 1774. On parle beaucoup des deux Bals donnés par M. le Bailli de Fleury, & furtout du décore , qui subsiste encore & que tout le monde va voir. On étoit en effet obligé de passer par le Tenare. On y avoit figuré un Phlé- geton. 11 y avoit une barque à Caron, des monf- < tres, des bruits souterreins. Les Champs Ely-4 fées étoient délicieux : du reste, toutes fem- ( mes très-choisies, pas une fille, &c. On comp-
te que cette fête aura coûté 40,000 Livres à M. l'Ambassadeur de Marthe, très-vilain en général, & qui a merveilleusement rempli le proverbe..
18 Février. La curiosité de lire le dernier Mémoire du Sr. de Beaumarchais ne peut se rendre. On en a déja débité six mille exem-' praires. Il faut convenir que celui-ci est beaucoup plus intcreffant par les grands objets qu'il traite : il est d'ailleurs infiniment mieux fait que le troisième.
- L'ouverture est un chef-d'œuvre. L'auteur, par une prosopopée ingénieuse avec l'Etre Suprême t trouve le moyen de passer en revue
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bous ses adversaires & d'en faire des portraits encore piquans & rajeunis dans ce nouveau cadre. Outre les perfonages déjà connus & bafsoués, il y amene le Président de Nicolaï, dont le nom, la qualité & les aventures scandaleuses fixent plus particulièrement l'attention. Il paffe ensuite à un résumé clair & concis de toute l'affaire & de ses incidens, ce qui amene la discussion du fecond Mémoire de Madame Goezmann , auquel on lui reprochoit de n'avoir pas répondu. Il répand toujours à pleines mains le sarcasme sur cette Dame , contre laquelle il ne sauroit s'épuiser. Par une transition heureuse, il en vient à sa dénonciation contre le Faux de M. Goezmann, dans l'extrait du baptême , du premier ajournement personnel dont a été chargé le Conseiller. Il en fait voir la liaison avec son affaire. 11 établit l'intérêt pressant qu'il avoit à éclairer cette anecdote de la vie du Magistrat, puis il tombe à bras raccourcis sur d'Airolles, & se tire, linon en brave, au moins en fin adversaire du cartel. De cette carricature risible il s'éleve à un tableau de Michel-Ange; il décrit d'une façon majestueuse l'assemblée des Chambres, & fous cet appareil imposant déguise une dérision sensible aux yeux des connoisseurs du plat Aréopage. Le détail de l'i iiulte faite par le Président de Nicolaï au Sr.
de Beaumarchais vient comme naturellement à la fuite de cette narration, & n'est pas conté à l'avantage du Magistrat. Après s'être contenu dans la gravité du sujet, l'Ecrivain en revient à son ami Marin, qu'il traîne encore dans la boue & qu'il couvre d'opprobre. Enfin, pour se concilier les femmes en interessant leur Cf.
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il termine par un long épisode , vrai roman, d'une histoire prétendue arrivée à sa fœur en Espagne, avec Clavico , auteur du Pensador, feuille philosophique dans le goût du Spectateur. Il l'amene au moyen d'une Lettre infâme qu'il suppose que ses ennemis font courir, & qu'on soupçonne plutôt fabriquée par lui-même, pour avoir lieu d'inférer cette partie de son Journal, qu'il a cru devoir faire une diversion curieuse aux yeux de certains leéteurs, fatigués du récit de tant de querelles de palais.
On est obligé de convenir que ceci est de trop, en ce que le narrateur prête le flanc au ridicule par des rodomontades qui se ressentent fort du pays où il voyage, & dont ses ennemis profiteront, s'ils font adroits. A la fin de ce Mémoire on lit une Note curieuse, qui confirme l'anecdote dont on a parlé. Il paroît y persister dans sa résolution de soumettre sa piece du Barbier de Srville à l'examen du nouveau Tribunal, & il supplie en effet la Cour d'ordonner que le manuscrit lui foit représenté pour détruire à cet égard les imputations de ses ennemis.
19 Février 1774. L'affaire des Exempts1 & Espions qu'on disoit pendus en Angleterre, acquiert plus de clarté & paroit conttatée. C'est ; à l'occasion du Sr. de Morande, auteur du Ga- zetier Cuirassé, qu'il étoit en effet question d'enlever. Voici ce qui y avoit donné lieu. Ce moderne Aretin, se trouvant encouragé par le débit de son Libelle, & ayant ramassé d'autres matériaux pour y ajouter une fuite , a imaginé une tournure plus promte, moins pénible & Ricins dangereuse, pour gagner beaucoup d'ar- 4
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gent. Il a écrit à quelques particuliers riches de ce pays-ci, qu'il avoit sur leur compte des anecdotes très-scandaleuses, mais qu'il croyoit de son 'honnêteté de les en prévenir , & de favoir s'ils ne feroient pas fâchés de les voir ainsi réveler au grand jour ; que moyennant telle somme, il leur épargnerait ce désagrement.
Plusieurs y ont acquiescé, entr'autres M. de Marigny. L'audace du Sr. de Morande a été jusqu'à lui faire écrire à Madame la Comtesse Dubarri, pour la rançonner de la même maniere. Elle en a porté plainte à M. le Duc d'Aiguillon. Ce Ministre s'est abouché avec l'Ambassadeur i'Angleterre, qui en a écrit à sa cour; & S. M. Britannique a répondu qu'elle ne s'oppoferoit point à ce qu'on vînJ enlever dans ses Etats, y noyer dans la Tamise, ou y étouffer ce monstre, peste de la société , fléau de ses r semblables, pourvu que cela se conduisit dans le plus grand myfiere, & sans blesser à l'extérieur les droits de la Nation. C'est en conféquence de cet accord qu'ont été dépêchés les suppôts dont on a parlé , qui s'étant indiscrétement confiés à Madame de Godeville, Françoise, femme perdue d'honneur & de débauches , refugiee dans ce pays-là, ont été découverts & obligés de se tenir cachés jusqu'au moment favorable pour leur évasion.
20 Février 1774. Un faiseur d'Epigrammes s'est exercé sur la querelle entre M. Gerbier & Me. Linguet, & frappant à la fois sur les deux, les a flétris du même fer chaud. La voici.
C'est grand dommage, dites-vous, Ils font fous,
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Ces Avocats de haut parage , Qui, dans des écrits pleins de rage, S'arrachant la robe & l'honneur.
Quant à la robe, elle eut Couvent pareil outrage; Pour l'honneur, n'ayez crainte ; il est bien défendu : Linguet n'en eut jamais, & Gerbier l'a perdu.
20 Février 1774. Le Taureau blanc, Conte allégorique de M. de Voltaire , est toujours trèsrare. Il n'est point imprimé, il est en prose.
C'est une espece de féerie, qui ressemble beaucoup à l'histoire de Nabuchodonosor, changé en bête.
22 Février. On attend avec impatience la Lingue-Morangiade, poëme auquel le Sieur Robé travaille. On conçoit aisément qu'il roule sur le procès des Verons, & contient une satyre contre le Comte de Morangiès & son défenseur. On ne fait si cela fera bon. Ce poëte obscene n'a réussi jusqu'à présent que dans les Contes & Epigrammes orduriers. Malheureusement ses ouvrages ne feront peut-être jamais repandus. Il eut une pension du Gouvernement pour les brûler, ainsi que son fameux Poëme de la Vérole, & il l'a fait religieusement. Mais il les fait par cœur & les récite. Il est en outre dévot, grand convulsionnaire., & a fait un poëme sur les miracles du Bienheureux Diacre Pâlis. C'est un perfonagfctrès-inconséquent, comme tous les poëtes & gens qui ont plus d'imagination que de raisonnement.
23 Février. On a dit que Sabinus n'étoit autre chose que la Tragédie d'Eponine ressuscitée par M. de Chabanon & ajustée au théâ-
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e pour en faire un Opéra en cinq Astes ; c'est tns cet état qu'il a été joue à Versailles. Il a foi depuis encore une réduction , & a été redu en quatre actes, pour paroitre ici. Il a le donné hier dans cette forme, & le poème, flé à la Comédie Frajiçoife, n'a pas été jugé leilleur au Théâtre Lyrique. Quant à la mufiue, on y voit un compositeur qui s'évertue iierveilleufement pour trouver du nouveau, jour faire grand bruit, de l'extraordinaire, lui ne réussit pas toujours, & prodigue fouent des richesses déplacées ne produisant auun effet. Les Danses dont il est surchargé, font ine ressource communément fûre. Celles-ci ont été fort goûtées, à raison des coryphées. Tout ce que la choréographie a de sujets plus brillans a voulu s'y distinguer. Le jeun-é Veflrallard y & été fort applaudi. Mais ces ballets ont paru avoir le défaut de la musique, de ne rien exprimer , pour vouloir signifier trop de choses, pour être "trop recherchés.
MHe Maréchal Duc de Richelieu a fait donner à l'Opéra les habillemens de Versailles , ce qui a jetté beaucoup de luxe sur la scene. Les décorations ont aussi fait plaisir.
24 Février 1774. M. de Guibert est allé, comme l'on fait, voir ces vacances le Philosophe de Ferney. Suivant l'usage, il a été très-bien accueilli par Madame Denis; il a été retenu à dîIner, mais n'a point vu M. de Voltaire, ce qui lui a fait naître une plaisanterie. Avant de partir il a demandé une plume & de l'encre, & lui a écrit ces mots : „ Je vous avois toujours ■ „ soupçonné être un Dieu, mais j'en fuis au„ jourd'hui convaincu, puifqu'on vous boit & ;
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„ vous mange, sans vous voir „. Cette faillie ifopie & galante plut tellement au Patriarche qu'il se montra, & vint embrasser l'auteur du billet. Un adulateur de ce grand homme n'a pas voulu laisser perdre le bon mot, & l'a mis en vers qui courent.
O céleste génie , aimable oftogenaire, Philosophe sublime , ô grand homme, ô Voltaire!
Je vous avois toujours soupçonné pour un Dieu.
Vous ne m'êtes plus un problême , Puifqn'ainsi que l'Etre suprême, Sans vous voir on vous mange & vous boit en ce lieu.
•z<; Février 1774. Madame de Montglas est la femme d'un Président de la Chambre des Comptes de Montpellier, devenu Chef du Conseil de M. le Comte d'Eu. Il faut qu'elle foit encore jolie, puifqu'elle a occasionné une rivalité assez grande entre M. le Prince de Nassau & M. le Comte d'Efterhafi, Colonel de Hussards, pour en être venus à se battre au sujet de cette Hélene. Le dernier ayant été blessé, & la cordialité ayant succédé à la fureur, les deux amoureux font convenus de s'en rapporter au choix de leur maîtresse , se donnant refpeélivement parole d'honneur de s'y conformer & de s'éloigner sans murmurer. La Dame s'est expliquée en faveur du Prince de Nassau. Celui-ci est entré en pleine jouissance, mais ayant un jour trouvé Madame de Montglas chez un peintre avec M. d'Efterhafi , il en est survenu une autre rixe, & le scandale a été si grand que le mari, informé des faits , a obtenu une Lettre
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de cachet pour faire enfermer sa femme dans un couvent, où elle vient d'être conduite.
26 Février 1774. Le Sr. Wildman s'est transporté à la Foire St. Germain, & y fait voir ses expériences annoncées, concernant les abeilles : expériences qui étonnent tout le monde. Il ajoute, à ce qu'on a dit, qu'il pourroit leur faire prendre 50 positions différentes , & chacune dans deux minutes. Il prétend être en état de faire les mêmes expériences avec tel essain qu'on lui présentera, même avec des guêpes ou autres mouches des plus méchantes, & qu'il les apprivoisera en cinq minutes, sans qu'il y ait le moindre danger d'être piqué. La salle même est disposée de maniere que les infedtes ne volent jamais du côté des Speétateurs, ce qui doit enlever toute crainte à ceux qui en auroient.
Il fait voir aussi des ruches de son invention pour les appartemens & les jardins, qui ont mérité l'approbation de Mrs. de l'Académie des Sciences de Londres & de Paris. Il explique enfin la maniéré de conserver toute l'année ces infedtes industrieux, d'ôter le miel sans perdre une feule mouche , & de retirer dans une année trois fois plus de miel & de cire que dans les ruches ordinaires.
28 Février. Sabinus n'ayant point eu un succès décidé à la premiere représentation, les Directeurs l'ont repaîtri encore une fois, & l'on a transporté surtout le Ballet du cinquième aéte au 4e. , ce qui prouve qu'il n'y a pas plus d'ensemble dans la salle que dans les autres parties. On a retranché aussi quelque chose dans le poème, ce qui le, rend moins ennuyeux,
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mais ne lui a pas procuré plus d'accueil auprès des connoiiTeurs.
i Mars 1774. Les Comédiens Italiens ont donné hier la premiere représentation de la Rosiere de Salency, comédie en un aéle & en vers, mêlée d'Ariettes, & suivie d'un Divertissement, qui a déja été jouée à Fontainebleau, où elle a eu peu de succès, quoique la musique foit de Grétry. Les paroles font d'un Colonel, du Marquis de Pezai, que Madame la Dauphine protege. En conséquence cette Princesse a honoré de sa présence le fpeétacle, qui n'a pas eu un succès meilleur qu'à la Cour.
1 Mars. On a fait les vers suivans, sur Madame Goezmann ; la chûte en est assez heureuse, mais ils font du reste lâches, diffus & feulement comme historiques : Quand pour ouïr sa destinée, 1 Aux pieds de l'augllfte Divan, Tremblante , interdite, étonnée , La tendre Epouse de Gœzman Avec pompe fut amenée : D'un ton doux, civil & prudent, Monfienr le Premier Président, Fort expert en galanterie, 1 Au nom de la dosse Ecurie Lui fit ce joli compliment : Calmez vos sens; rassurez-vous, Madame, Vous en êtes quitte à bon prix : Vos Juges par ma voix vous déclarent infâme.
Soudain reprenant ses t'fprits : Quoi ! ce n'est que cette misere ?
Reprend la Dame aux quinze louis ;
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En vérité , dans cette affaire, -8o;iis superflus , Meilleurs, vous avez pris.
N'etoit besoin de tout ce formulaire , De ces grands mots ne disant rien, Pour condamner à l'infamie L'épouse d'un sujet de votre confrérie: Avec lui fuis-je pas, hélas ! commune en bien?
3 Mars 1774. Le projet de la conftrudtion le la nouvelle ville sur le lac de Geneve , abanionné depuis la disgrace de M. le Duc de Choieuil, reprend faveur & l'on s'en occupe : on ie croit pas feulement que ce lieu appelé Ver.
oy prenne le nom de Choifeuil la ville, comne il auroit fait, si ce Ministre qui le lui faisoit tonner fut resté en place.
4 Mars. Les Comédiens François ont remis lepuis quelques jours sur leur théâtre le Venceslas , tragédie de Rotrou. Cette piece , dont VI. Marmontel s'é 'oit avisé de faire les correc:ions, ebangemens , retranchemens, &c. a été îonnée dans son premier état & n'en a eu que )Jus de succès : il est vrai que le Sr. le Kain l'a 'ait infiniment valoir par son jeu supérieur & au lefTus de tous les éloges.
6 Mars. M. de la Condamine n'a pas cru levoir satisfaire à l'usage dans la derniere maadie dont il est mort. Un confesseur s'étant Drcfenté pour lui parler de Dieu , il l'a ren/oyé comme n'ayant aucun besoin de ses femurs : sa famille ayant voulu profiter d'un monent d'affaissement pour le faire administrer, 1 est revenu à lui & s'est refusé à cette cérénonie : enfin la machine étant absolument dé.
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traquée, on a eu recours à un bon prêtre accommodant, qui, quoiqu'instruit des scenes précédentes , lui a donné son passeport avec l'extrême-onction. Cet Ecclésiastique trop officieux vient d'être interdit par M. l'Archevêque.
7 Mars 1774. Le Sr. Moreau , d'après le dernier projet arrêté par Lettres patentes enrégistrées au nouveau Tribunal, comme architede de la ville, a fait ses plans pour établir la nouvelle salle de Comédie à l'hôtel de Condé. 11 est allé dimanche 27 Février les présenter au Roi. S. M.
ne les a pas agréés infiniment, elle s'est rappelée ceux que lui avoit présentés le Sr. Liégeon, & a paru desirer que celui du carrefour de Buffi sexécutât. En conséquence cet architeéte est de nouveau entré en conférence avec les Gentilshommes de la Chambre.
D'ailleurs, le Contrôleur général commence à reconnoître que l'exécution dans la circonscription donnée coûteroit infiniment cher. Il y a pour 1,800,000 Livres de maisons à acheter, indépendamment de l'hôtel de Condé, acheté trois millions par le Roi, & dont il faudroit réserver au moins 600000 & plus de terrein.
Ensorte que l'emplacement seul coûteroit prefqu'autant que la totalité d'un des deux projets du Sr. Liégeon.
Enfin les Comédiens ouvrent les yeux & craignent qu'ils ne perdissent leur propriété, si le Roi faisoit des avances aussi considérables pour eux. Il faut espérer que tant de considérations réunies, & une discussîon amenée par l'expérience, engageront le Ministere à se déterminer en faveur de l'un des deux projets du Sr. Liégeon.
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t 8 plars 1774. Voici une plaisanterie à l'ocpasion de l'Arrêt du nouveau Tribunal contre lé Ir. de Beaumarchais : pour l'entendre il faut se appeler qu'il se nomme Caron, & c'est sur e mot qu'on joue : on s'adreffc à ces Mer..
ieurs : 0 vous qui lancez le tonnerre, Quand vous defcendrez chez Pluton, Prenez votre chemin par terre Vous feriez mal menés dans la Barque à Caron !
9 Jllars. Le Prince de Conti couvre le Sr. de Beaumarchais de la protection la plus éclatante , & malgré l'Arrêt qui déclare ce particulier infâme , il l'a fait souper l'autre jour chez lui, avec 40 personnes très-qualifiées. Cette faveur qui ne se manifeste ouvertement que dans ce moment-ci, mais qu'on s'apperqoit être ancienne , les soupçons presque tournés en certitude ue la Correspondance & autres brochures de cette espece sortoient du Temple, & se travailloient fous les auspices de S. A., une certaine identité de style, de tournure , de méchanceté & d'esprit, tout forme de fortes préemptions pour faire croire que ses ennemis ne l'ont point taxé vaguement d'avoir eu part aux écrits en question, & qu'ils avoient là-dessus de bons renseignemens.
il Mars. M. Commerson ctoit un Docteur en Médecine, Médecin Botaniste & Naturaliste du Roi : il avoit acquis de vastes connoissances en cette partie : il avoit été envoyé par ordre du Roi aux terres australes avec M. de Bougainville, pour y faire des observa.
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tions sur les trois regnes de la nature', partout où cet Officier devoit le conduire. Il est resté depuis à l'Isle de France, où il est mort. En partant , il avoit laissé à M. Vachier , Médecin , son ami , un testament olographe , daté des 14 & iç Décembre 1766, qui a été ouvert Il qui fait bruit par les dispositions originales, curieuses & bienfaisantes qu'il contient. Il y est dit : Au cas où je viendrois à décéder dans une ,, ville où il y eût des écoles de Médecine oui „ de Chirurgie, je destine mon cadavre à être „ porté au plus prochain amphithéâtre d'anato-I „ mie , pour y être disséqué pour l'inftruétion ,, publique, priant M. le Démonstrateur d'a„ natomie y préposé d'en faire un squelette ar„ tificiel, qui puisse déposer perpétuellement ,, au public du desir ardent que j'ai eu toute ma1 „ vie de lui être utile. Il y fonde à perpétuité un prix de morale pratique, qui fera appelé Prix de vertu, & qui consistera dans une médaille de 200 livres, portant pour légende , Virtuti Practice Pr.'fmium ; laquelle fera délivrée tous les ans, à quiconque aura fait la meilleure aétion connue dns.
l'ordre moral & politique. Il supplie le Parlement d'être le protecteur & l'exécuteur de cette fondation, &c.
11 legue au cabinet des Estampes du Roi toutes ses collections Botaniques, consistant en plus de 200 volumes in-folio , qui contiennent les herbiers & les recherches de plusieurs Botanistes de nom , &c.
12 Mars 1774. Le Wauxhall de la foire St.
Germain continue à être fort à la mode cet
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iver. Le Spectacle du Sr. Jonas qui y donne ubliquement des leçons d'escamotage, excite àvidilé de quantité d'enfans de famille perdus :e débauche, & qui dans ce malheureux tems |j le gros jeu est pouffé à un point exceilif, budroient bien apprendre le secret de répare?
urs pertes.
1 Mars 1774. Le Sr. du Rozoi, dont la vaste nbition littéraire semble vouloir suffire aux pro..
:ts les plus vastes, a formé celui de rétablir le OLirnal des Dames , mort déja pluGeurs fois.
c'est Madame la Baronne de Prinzen qui en est le tête-nom. Il est dédié depuis sa réfurredion à ladame la Dauphine, & le Sr. du Rozoi tient i plume.
! 14 Mars. Un Prêtre a été allez hardi ur oser déclamer en chaire contre le Bref d'alition des Jésuites, & contre le Pape qui l'a ccordé à la @ priere du Roi. C'est chez M. M.
Es Militons étrangères , que cet excès a été comis le jour de St. François Xavier , patron des iflions. Le Sr. Corion, prêchant le Panégyque de ce Saint, s'emporta contre le Souvein Pontife 'au point de s'écrier , Exoriare liquis nojiris ex ojjihus ultor ! & de s'appuyer infi dans un discours Chrétien d'un vers tiré e l'imprécation d'un Poëte Payen. On avoit abord dit que sur les plaintes de M. le Nonce, : furieux avoit été rélégué dans une forteresse J Gevaudan.; mais il paroît plus certain qu'il tété simplement enfermé à St. Lazare, l'a veille le Noël, & remis en liberté la veille du premier pour de l'an.
M 7 Mars. On ne doute pas que ce ne foit un tes deux candidats exclus par ordre du Roi du 11
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fein de l'Académie FranGoife, où ils devoient être admis, qui fera nommé à la place de M.
de la Condamine, S. M. ayant levé son exclusion peu après, ainsi qu'on l'a dit dans le tems.
On croit que ce fera l'Abbé de Lille qui passera le premier, quoique le plus jeune, ayant plus de titres littéraires.
18 Mars 1774. L'Eglise de Lyon est une des plus anciennes & la plus célébré de toutes celles des Gaules. Outre la prérogative qu'elle a de compter le Roi pour le premier de ses Chanoines , elle se glorifie d'avoir elevi dans son fein - plufieursenfans de Souverain, d'avoir donne à l'Eglise trois Papes , 14 Cardinaux , une foule de Prélats ; enfin d'être compoféede membres choisis parmi les noms les plus illustres. Elle est surtout recommandable par son attachement à ses rits, à ses usages, à ses cérémonies. Tandis que la lithurgie des autres Chapitres a éprouvé tant de révolutions, & qu'il s'y est introduit tant de nouveaux usages dans le culte extérieur, celui-ci content dans sa discipline & dans sa lithurgie , retrace encore à nos yeux le modele peut-être unique de cette fainte simplicité, qui caradtériferoit I'Eglise naissante. Il est singulierement attaché à l'usage du chant par cœur, au point d'avoir un Séminaire commun, pour y former habituellement 80 ou 100 Ecclesiastiques, qui composent les divers ordres de sa hiérarchie.
Ce Chapitre, en outre, ne reconnoit point la jurifdiétion de M. l'Archevêque , & c'est vraisemblablement ce qui a produit les tentatives de ce Prélat, iqui veut en réformer la diicipline, & surtout abolir l'usage du çhant par cœur. Pour
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parvenir, il a voulu changer deux fois le Brelire en 12 ans , il a cherché à introduire aussi nouveau Missel: ce qui excite une guerre fort Fe entre le Chapitre de Lyon & IV1. de Monnet : il y a apparence qu'elle durera encore ks de la prochaine aflfeniblee du Clergé, & t-étre celle-ci terminera-t-elle ces disputes décentes & puériles, dont les prophanes rient.
= 19 Afars 1774. Mlle. Raucoux, qui excitoit le grande sensation dans ce pays-ci, n'en excite us aucune. Elle a même été huée hier dans le e d' Hermione, qu'elle faisoit dans la traie d'Andromaque, donnée pour la clôture.
a général, cette piece a été si mal jouée, qu'au r le Kain près, tous les autres acteurs ne s'éutoient pas, & l'on causoit dans les loges tame dans un cercle, sans faire aucune attenn à la scene.
Cette Dlle. Raucoux , dont les plus illustres rfonages briguoient aussi les faveurs, & qu'on soit inaccessible à tous les amans, est enfin entenue publiquement par le Marquis de Bievre, oufquetaire, qui lui a donné 40,000 livres, )ur payer ses dettes , 6000 livres de rentes geres, & lui fournit en outre 1^00 livres r mois pour le courant de la maison. Ce mouf- etiire est fort renommé pour les pointes : il t auteur du livre de la Contestation, & ne nrle jamais qu'à double sens. On jugera de ion me par un de ses quolibets à sa maitresse : glle-ci étoit à la chasse & vouloit tuer une Drneiile ; elle se trouva embarrassée dans de& rouffailles, & ne put suivre l'oiseau : vous comptiez prendre Corneille, lui dit fonin^énieux amant, mais vous avez pris Racine. '* , Tome VII. G
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22 Mars 1774. La Comédie Italienne vient de perdre un jeune lujet en la personne de Mlle, de la Bussiere, aéhice à la pension. Elle n'annoncoit pas encore de grands talens, mais elle avoit de la voix, & auroit pu se former. Elle étoit jolie & entretenue d'abord par M. le Duc de Fronsac, qui l'avoit fait recevoir, puis par Mo, de Saint-Foix , dont elle étoit grotte. j 23 Mars. Il court une Epitre à Ninon Lenclos, qui est certainement de M. de Voltaire : quoi qu'on y reconnût aisément sa touche , on ne pouvoit la croire de lui, à raison de son portrait qui s'y trouve , agréablement fait, mais on ne peut plus flatté. Qui se feroit persuadé qu'il eût pu se louer aussi impudiquement lui-même?
Cependant il n'est plus permis d'en douter, depuis qu'il en a fait l'aveu à Madame d'Argental , dans une Lettre où il convient de sa foiblesse., qu'il prie de pardonner à un vieillard. Au reste, elle est intitulée par M. le Comte de Sdwwaioiv, Chambellan de l'Impératrice des Russïes,* & cela devient néceuaire, relativement à ce qu'on lui fait dire. Cette idée très-bizarre amené des chôses peu neuves , mais rapprochées d'une façôn intéressante. Différens traits historiques enrichirent cette produétion, pleine de poésie , de grâces & de philosophie satyrique : ensorte qu'elle est extrêmement courue, comme tout ce qui fort de la plume de cet auteur célebre.
24 Mars. Lettre d'un Ecclésiatique de Provznce, sur le prétendu rétabliffiment des Jcfuites dans Paris, 20 Mars 1774. Dans ce pamphlet, attribué à M. de Voltaire, & marqué au coin de sa touche satyrique, l'auteur semble avoir eu moins en vue de raisonner que
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plaisanter. Après avoir parlé assez sérieuse- nt sur le premier objet, il tombe sur tous les ines en général & donne l'essor à sa bile. Au ;e, tout en riant il releve des abus sensibles Fournit des avis judicieux au Ministere. Ce :it: écrit se fait lire avec beaucoup d'intérêt de plaisir : on y voudroit feulement plus de :s & plus de développemens du prétendu ♦jet de réintégrer les Jésuites.
24. Mars 1774. C'est le Marquis du Rollet, qui mené de Vienne en France le Sr, Gluck, & qui kit la coupe de la tragédie de Racine d'une iere propre à être mise en musique. On pimence à suivre les répétitions de cet opéra Iphigénie avec une fureur , présage de celle on aura à courir aux représentations. Cet langer au surplus est enchanté de nos adeurs furut de notre orchestre, qui exécute Ion.
yrage avec la plus grande précision.
Le Sr. Gluck est un Allemand, Eleve de l'Ele de Naples, d'où font fortis les grands muens de l'Italie, les Pergoleze , les Orlandini. Il buta à Rome, il y a environ 18 ans, par deux éra très-accueillis du peuple de cette ville , t l'oreille superbe est réputée la plus délie , la plus fine de ces contrées. On adopte sans Amen sur les autres théâtres toute musique orée des suffrages de cette Nation. Le Sr.
bck a paffé depuis à Vienne, d'où il arrive.
2 S .iJJars. Verfoy est situé à peu près au atre du Lac de Geneve, bordé d'une part par Suiffe, & de l'autre par la Savoye. Geneve est )embouchure d'où découle le Rhône, mais qui Ift navigable qu'à plusieurs lieues de-là à l'en'oit qu'on appelle Seffel. Il est question de
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former par l'intérieur des terres un canal qui conduiroit de Verfoy à Seffel. Par ce moyen nous nous rendrions maîtres de toute la navigation du Lac , & ouvririons une communication par le Rhône avec les deux Mers. Il efl fâcheux que M. Laurent foit mort, car le Canal en question souffriroit des difficultés- aussi considérables que celui de Picardie..
2 s Mars 1774. L'Abbé de Lille a paffé le premier, ainsi qu'on l'avoit annoncé; il a été élu à 13 place vacante à l'Académie Françoise. I z6 Mars. Dans le quatrième Mémoire du Sr, de Beaumarchais, on lit le portrait suivant du Sr. Marin , dont il décrit l'enfance , pendant la.
quelle il étoit Gagiste à la Ciotat en Provence
& touchoit de l'orgue. Il quitte la jaquette ,, & les galoches, & ne fait qu'un faut de l'or.
„ gue au Préceptorat, à la Censure, au Sécréta9, riat ; enfin à la Gazette ; & voilà mon Marin Ici bras retrouffcs jusques au coude, & pêchanl ,., le mal en eau trouble. Il en dit hautemenl tant qu'il veut, il en fait sourdement tant „ qu'il peut : il arrête d'un côté les réputa.
,, tiens qu'il déchire de l'autre. Censure, Ga.
zettes Etrangeres, Nouvelles à la main , à 1; „ bouche, à la presse, Journaux , petites Feuil- „ les, Lettres courantes , fabriquées-, suppo „ fées, distribuées , &c. tout est à son ufagc ,, Ecrivain éloquent, Censeur habile., Gazetie ,, véridique, Journalier de Pamphlets, s'il mar ,, che, il rampe comme un serpent, s'il s'élève , i 5, tombe comme un crapaud : enfin se traînant ,, gravissant, & par sauts & par bonds , tou.
„ jours le ventre à terre, il a tant fait par se: s, journées, que nous avons vu de nos jours 1 !
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JCorfaire allant à Versailles, tiré à quatre che; vaux sur la route , portant pour armoiries aux t pannaux de son carosse, dans un cartel en for►, me de buffet d'orgues , une Renommée en champ de gueule, les ailes coupées, la tête | en bas, raclant de la trompette mann.e, & pour support une figure dégoûtée, repréfenl, tant l'Europe ; le tout embrassé d'une soutanelle doublée de Gazettes, & surmonte d'un 1 bonnet quarré, avec cette légende à la houpe : Oites-à-co ? Marin "., ¡- Ce didton provençal, qui veut dire quefi-ce: ue cela ? a plu si fort à Madame la Dauphine, Drfqu'elle a lu ce Mémoire, qu'elle l'a adopté, 2 répété souvent, & qu'il est devenu un quoli.
let de cour. Une marchand-e de modes a imaiiné de profiter de la cîrconstance ; elle a irienté une coëffure, qu'elle a appelé un Outhco : c'est une panache en plume, que les jec■ es femmes, les élégantes portent sur le defrierc ¡.e la tête , & qui ayant été goûtée par les Prin)esses & surtout par Madame la ComteïTe Du; arri, acquiert une faveur singuliere, & perpétue l'opprobre du Marin baffoué jusqu'aux ailettes.
e 27 Mars 1774. Le bruit que commence a aire M. le Baron de Pirch , excite la curioiité mbfique sur son compte, & surtout ceMe des militaires, qui en raisonnent suivant leurs affections ;articulieres. Voici ce qu'en raconte un de .2s amis. 11 prétend que dès sa plus tendre enan ce ce Gentilhomme a été attaché au Roi de irufie en qualité de Page; qu'il a suivi ce Mo; arque dans toutes ses campagnes, & a la ndique de ce Prince, que des solides rértexioros
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ont encore perfectionnée dans cette jeune tête Qu'il étoit Capitaine, lorsque ion attachemer trop grand au Prince Henri avoit déplu au Me narque, qui par punition l'avoit fait rétrograde & l'avoit envoyé Caporal à Magdebourg. Qu ce jeune officier craignant les fuites de cett espece de jalousie, avoit pris le parti violent d contrefaire le malade , de-se faire saigner vingt deux fois , & dans cet état de demander 1 S. M. un congé pour aller aux eaux de Spa;qu l'ayant obtenu, .il en avoit profité pour rempli son projet de désertion, & venir Chercher dl service en France, où il espéroit faire valoir se talens. 1 29 Mars 1774.. Mlle. Jude étoit une Dan feufe furnumérairede l'Opéra, qui, à la saveu de ce titre, à l'abri des persécutions de ses pa renç-& des recherches de la police , se livroit ai métier de Courtisanne avec tant d'ardeur, d'iri telligence & d'économie , que , quoique très: jeune encore, elle avoit déjà des rentes , de l'ar gent comptant & un mobilier fort honnête Malheureusement les fuites du libertinage vien nent de la conduire au tombeau. Durant sa ma ladie douloureuse, M. le Curé de St. Euftach averti du danger, a envoyé un Prêtre de sa pi roiffe pour pourvoir au salut de l'ame de cett Adrice. Celui-ci n'ayant pas été bien accueilli le Pasteur s'y est transporté lui-même , d sa charité insinuante lui a fait trouver l'acce qu'il desiroit. Il s'est si adroitement conduit au ,pres de la malade, qu'il l'a ramenée vers Dieu & qu'elle vouloit lui donner tout son bien pou les pauvres de sa paroifre. Mais ce digne Cur lui a représenté qu'elle avoir des parens mal 1
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l'aise & dans le besoin, qu'il falloit secourir d'abord : il n'a accepté qu'une légere Comme pour le premier objet. Ce trait cité avec éloge dans les coulisses & dans les foyers, fait infiniment d'honneur au zele éclairé & judicieux de M. de t. Eustache.
! Mars 1774. La translation de l'Hôtelieu, vient de donner lieu à un projet pour l'embellissement de la ville. Ce feroit de combler le bras de la riviere de Seine dans la partie (du Pont-Neuf, du côté de la rue Dauphine, jusqu'au lieu connu fous le nom de ter rein ,• de porte que l'on réuniroit l'île du Palais & celle e Notre-Dame au continent, & l'on formerait n espace considérable propre aux édifices publics, & si l'on vouloit même à une promenade pour l'intérieur de Paris , où il en manque. On allure que la sùppression de ce canal n'occafionperoit aucun inconvénient sur'l'abondance d'eau, ui prendioit son cours par l'autre : celui-ci tteroit en conséquence plus rempli en tout tems e plus utile pour son objet. On se rappelle mêtme que M. de Parcieu avoit proposé quelque rchofe de semblable, quant au dessêchement du [bras, relativement aux inconvéniensdes glaces )dans l'hiver. Au surplus , le projet en question htrès-détaillé.offre des avantages qu'il faudra bien [balancer avec les désavantages, avant que de s'y Rivrer.
- 31 Mars. M. Marin étant entré ces jours (derniers à la foire dans une boutique voiline id'une loge, où un marchand d'animaux ra:res & étrangers a des crieurs pour avert le [public; un malin qui avoit vu le Gazetier de France, donna un écu à l'aboyeur pour qu'il dit
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iefl ici que l'on voit le monfire marin, en animal sans pareil, nâ à la Ciotat. Les ch meurs furent telles, }- attirèrent tant de monde, que M. Marin étant venu à for tir , s'arrêta poui voir cequec'étoit, & ne perdit pas un mot lE l'annonce, dont il sentit aisément la méchan.
ceté. Il fait arrêter l'homme, le fait conduire ai corps-de-garde ; mais par l'ingénuïté de la nsr ration & de ses réponses , il fut aisé de juge qu'il étoit dupe de son avidité à gagner un écu Il désigna le Quidam , qui s'étoit enfui , commi on l'imagine aisément : ensorte que l'humanit, de M. Marin ne lui permit pas de faire châtia autrement cet aboyeur. < 2 Avril 1774. Une caricature sur M. de Vol taire attiroit depuis quelque tems Tindignatior de son parti : elle avoit été faite relativement a1 projet de lui ériger une statue. On l'y repre sentoit sur un piedestal : la Religion paroît a' dessus de lui dans une gloire , la foudre lui brir ravant-bras droit ; il se détache, une plumeel encore dans sa main : la Sottise, à la tête des phi lofophes , semble consternée de cet événemen & recueillir avec avidité ce triste attribut d l'Ecrivain. Un cadavre renversé est au bas, un Harpe à côté de lui ; allégorie froide & puérile qui sembleroit désigner M. de la Harpe. D l'autre côté est le parti des dévots, des Prêtres des Jésuites , des Jansénistes, qui triompher ensemble d'une telle vengeance. Au bas du pit destal, font les ouvrages les plus impies de et auteur , que dévorent les flammes. Cette ci tampe est intitulée : la Vengeance divine.
L'autre gravure , plus simple, plus fagemer composée, est le pendant de celle-là , & a et
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iiite 'pour le venger; elle a pour titre : la Veneancc humaine. M. de Voltaire est dans la mène attitude que la précédente , mais c'est l'imaiination qui tient lieu de la religion , & au lieu t e le foudroyer, elle lui présente le flambeau lu génie. Au bas & comme plongées dans la pnge, se montrent deux figures emblématiques,, iue leurs attributs font reconnoitre pour la Sotisse & l'envie , qui insultent, chacune à leur maàiere, la gloire dont il jouit. Dans les deux,, a figure est peu ressemblante.
: 3 Avril 1774. Les partisans de Madame la Comtesse Dubarry lui ont fait entendre qu'elle ne pouvoit mieux s'illustrer que par uneprotec:ion éclatante envers les Arts : ils l'ont excitée n se piquer de rivalité à cet égard envers Madame la Dauphine, comme cette Princesse protege hautement le Sr. Gluck & a favorisé son arrivée-en France , ils l'ont engagéè à opposer xin émule à ce dernier en la personne du Sr.
iPiccini, qu'elle fait venir d'Italie. On connoît )déja un Opéra comique de cet auteur, intitulé: la Buona Figliola, qui a eu beaucoup .>de succès à Paris.
p 4 Avril. Le Sr. Dorât, qui veut lutter )de fécondité avec M. de Voltaire, a fait ré[pondre Ninon; du moins on attribue à ce poëte Mine Epitre, qui paroit au nom de la courtitfanne. 'Il y a de jolies choses, mais beaucoup > de longueurs. -
f 4 Avril. On s'imaginoit que TVI. TAbbé de r-Beauvais ayant réussi au-delà de ses espérances i dans la station de l'année derniere à Versailles,, [ puifqu'elle l'a conduit à être 'Evèque de Senez., 1 deviendrait cDurtHàn. Depuis qu'il est parvenu
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à cette 19mte, 1 a len trompe ceux qUI <t voient ainsi jugé : il a prêché le Jeudi Saim pour la Cène, devant le Roi, un Sermon extraor.
dinaire , & il a tonné avec une éloquence ton jours foudroyante ; il a dit des vérités que li lieu seul pouvoit autoriser & faire paffer. Or parle beaucoup de ce discours. J 4 Avril 1774. Un fpeétacle curieux a réjouï le amateurs à Longchamp, & indigné les gens auf teres. On avoit vu précédemment la Dlle. Di Thé briller dans un pompeux équipage à six che.
vaux : Mlle. Cléophile s'est piquée d'émulation &s'y eftrendue le Vendredi saint de la mêm< maniere pour faire assaut de magnificence avec si rivale. On est resté indécis , non sur la si.
gure , mais sur le luxe & la richesse des ha.
billemens , des diamans , du cortege , sur h beauté des chevaux, l'élégance des voitures, &c Mlle. Cléophile, quoique beaucoup plus jeu.
ne , n'a qu'un minois de fantaisie & ne peut luttei avec l'autre beauté, réguliere, mais fade. L, premiere appartient aujourd'hui au Comte d'A.
randa , qui lui donne, dit-on trois cent louis dt fixe par mois : ce qui la met dans le cas de re.
présenter convenablement à cette dignité. C'efl une petite fille qui fort de chez Audinot, & efl aujourd'hui danseuse en double à l'opéra.
4 Avril. Par le calcul fait de ce que coûte l'Hôtel de Condé , acheté par le Roi 3,000,000 livres, de ce que coûteront les maisons qu'on veut acheter, pour augmenter l'emplacement de ia nouvelle Comédie, de ce que coûtera l'édifice & l'intérieur de la Salle, &c. il est prouvé que le tout reviendra à 7,500,000 livres ; tandis que marchés & soumissions faits
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avec tous les entrepreneurs d'ouvrages, & contrats de vente arrêtés avec les divers propriétaires des terreins, la Salle à construire aux jeux e boule de Mamus , les clefs à la main, au bout ides 3 ans convenus, ne coûteroit que 2,100,000 livres. On ne conçoit pas comment on a préfcféré le premier projet, dont il résulte d'ailleurs tries inconvéniens pour le local, dont Cil a déjà [parlé plusieurs fois; tout cela s'explique cependant , en songeant que le bien public est toujours sacrifié ici aux intrigues particulides.
ç Avril 1774. Le Sr. Pelerin est un vieux 5-amateur de Médailles, qui en a une colJeétion i des plus rares & des plus complettes. L'Impécratrice de Ruffie, instruite de ce cabinet par ses >émiffaires qu'elle a en quête de toutes les belles choies, a fait offrir à cet Antiquaire 500,000 [Livres de son cabinet, en en conservant la douiffance jusqu'à sa mort. On allure que M.
[Peletin peu touché de ces offres s'est refusé là vendre son cabinet 5 Avril. Depuis quelques jours on a recomtanencé les expériences des Fanaux du Sr. Bourgeois de Chàteau-Blanc ; on en a allumé un inouveau sur le Mont Calvaire, auquel il a donmé une perfection q-ui paroit ne plus laisser rien sa desirer pour remplir son objet. On l'apperxjoit à huit lieues, & il en résulte un foyer de liumiere très-considérable. Il ne faut pas confondre ce nouveau Phare avec ceux qui ont été exposés sur l'Observatoire & sur Montmartre.
ïCelui-ci réunit plusieurs avantages que les au- jtrés n'ont pas, & porte à une étendue beaucoup plus considérable.
6 Avril. La Réponse de Ninon à M. de
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• Schowalow , de M. Dorat, n'est point înclïghfl de faire le pendant de FEpitre de M. de Voltaire: à quelques longueurs près, & en fuppriTnant des tournures, des penfces d'un persiflage trop puéril, c'est une piece charmante, pleine de graces & de philosophie. On y trouve des images piquantes & vraies, des portraits de la vieille cour frappes de main de maître ; c'est une des meilleures choses qu'ait fait l'auteur.
6 Avril 1774. On commence à indiquer par des affiches la vente de la Bibliothèque de feu M. Flomél ,fiui ne commencera pourtant qu'au deux Mai prochain. Ce Savant, mort depuis quelques mois Avocat au Parlement, Censeur Royal, ancien Secrétaire d'Etat de la Principauté de Monsieur, & ancien premier Commis des Affaires Etrangères, étoit membre de 24.
Académies d'Italie. Il avoit un cabinet qu'il avoit forme lui-même., & qu'il augmentoit tous les jours depuis 1723. Il étoit composé de plus de IÇOOO volumes Italiens : il se faisoit un plai-' sir de l'ouvrir à tous les amateurs de cette Lit-' térature. On commence à distribuer le Catalogue en deux volumes in-8°. Ce livre deviendra' très-precieux comme une nomenclature géné-1 raie de tous les livres écrits en la langue qu'ilj possédoit si bien, & qu'il avoit enrichis de .notes de sa main, utiles & précieuses à coup fÚr.' 10 Avril. On ne peut exprimer la quantité ^'amateurs qui s'étoit rendue hier à la répétition générale de l'Iphigénie du Sr. Gluck. Il y avoit plus de monde qu'a la premiere représentation d'un ouvrage très-attendu. C'est décidément mardi que celle de l'Opéra en quef-" ssion lanra lieu. Il est réduit en trois actes. On I
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attend ce jour-là avec la plus grande impatience. On ne doute pas qu'il ne faffe époque dans notre Musique. Ceiui-ci, au gré de tous les connoisseurs, est remarquable par une grande expression ; l'auteur donne à chaque passion son langage & son accent. Il est si pénétré lui-même de son ouvrage, qu'il ne voit, n'entend rien sur la scene que ses perfonages, qu'il s'agite 6: se démene avec des accès, indices certains du démon dont il est obsédé. Au furplus, l'exécution a été admirable, & les acteurs emportés eux-mêmes par le génie du musîcien, jouent merveilleusement bien, même le Sr. le Gros, qui jusqu'ici n'avoit jamais été acteur.
il Avril 177e. On fait de quelle protection éclatante Madame la Comtesse Dubarri couvre le Sr. Dauberval. On a excité les regrets de cette Dame sur la perte d'un tel Danseur, abîmé de dettes & obligé de paITer en Russie, pour mettre ordre à ses affaires & profiter de la fortune considérable que lui fait promettre la Souveraine de ces contrées éloignées. En effet la Comtesse s'est mis en tête de ne point perdre un tel sujet : elle a fait calculer la Semme dont •il avoit besoin pour faire face à ses affaires : on a trouvé qu'elle se mon toit à ç 0,000 Livres.
'En conséquence elle a fait dresser un autre état de cottifation de la Cour ; elle a fait elle-même la quête proportionnément aux facultés de chacun : on ne pouvoit donner moins de cinq Louis ; mais elle en exigeoit quelquefois dix, 'q uinze, vingt, vingt-cinq, &c. Au moyen de cette tournure, la somme a été bientôt commette, &les regrets des amateurs commencent &fe calmet.
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ï i Avril 1774. M. de Pezay est un auteur dans le genre de M. Dorât, fonami, & qui en cette qualité a cru avoir Ton talent & s'est efforcé de le finger. Quoiqu'il ait fait de jolies choses," il n'en approche pas ; il n'a ni chaleur ni nerf.
Ce bel esprit petit-maître, d'une naissance or-' dinaire , a en outre des prétentions à la qualité & porte des talons rouges : il se fait appeler Marquis, & se donne les airs d'un homme de drftinétion. Il est rare dans ce pays-ci que le ridicule reste impuni ; on a fait à cette occaGon" l'Epigramme suivante sur M. de Pezay : 1 Ce jeune homme a beaucoup acquis, j Beaucoup acquis, je vous assure, En deux ans malgré la nature , Il s'est fait Poëte & Marquis.
14 Avril. Une Ordonnance du Roi du ç de ce mois, affichée à toutes les portes de l'Opéra & dans l'intérieur de ce fpettade, afflige fort les amateurs & les paillards. On entroit ci-devant librement aux foyers des Actrices avant & pendant les représentations ; on les voyoit s'habiller, on jouissoit de tout le coup d'œil séduisant que pouvoit présenter leur toilette, & les gens propres à l'impromptu y pouvoient faire des coups fourrés très - agréables. Cette communication devient interdite aujourd'hui. Il est défendu aux Directeurs de laisser subsister un utige aussi contraire au bon ordre du fervice qu'à la décence & aux mœurs, & ces Dlles. feront déformais obligées de réserver le fpeétacle de leurs charmes secrets pour le tête à tête de leurs amans. Les prôneurs du Mi-*,
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[niftere font valoir ce règlement comme une Epreuve qu'il s'occupe de tout ce qui peut contribuer à une adininiftration fage & à maintenir la vertu.
ï 14 Avril 1774. On parle beaucoup d'un nou.
eau livre intitulé : Elémens de la Politique, ou echerche des vrais principes de l'Economie sociale. On attribue ce livre en six volumes in-8". à l'Abbé Raynal, l'auteur de l'Histoire Philosophique £ «? Politique des deux Indes.
15 Avril. Comme le Dodteur Commerson, dont on a vu le testament, avoit le génie un peu romanesque, ainsi qu'on l'en a jugé, il se trouve dans sa vie des traits qui y font fort [analogues. Jeanne de Baret, dite de bonne foi ira Gouvernante, dont il parle avec affection, ien fournit un qui mérite d'être rapporté. Ce Médecin en partant l'avoit laiiTée à Paris, où elle devoit attendre fan. retour. Celle - ci, fort iattacbée à son maître & qui connoissoit mieux son lit que là cuisine, prend le parti de se désguiser en homme, de se rendre à Rochefort où 51 devoit s'embarquer avec M. de Bougainville, de s'y présenter comme Matelot volontaire, de se faire recevoir sur le même bâtimen-t & de partir avec lui, à son insu : bien plus, craignant à chaque instant qu'il ne l'envisageât, elle se barbouilloit de goudron le mieux qu'elle ouvoit; elle évitoit sa présence & avoit eu le pourage de relier ainsi avec lui plusieurs mois rans se faire reconnoître ; enfin débarquée, Se n'ayant plus à craindre d'être renvoyée, elle c'est montrée au Dodeur, qui n'a pu qu'être enchanté d'une telle marque de fidélité & d'at.
achement.
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16 Avril 1774. M. l'abbé de la Ville, racr Evêquc dimanche, est mort le jeudi suivant. Sa jperte devient nulle relativement aux Affaires Etrangères, dont il est retiré; car il est décida aujourd'hui que la place de Directeur générai] des Affaires Etrangères qu'on avoit créée pom lui, n'étoit qu'un vain titre, dont 03 avoit décoré sa vanité-, afin de l'éconduire plus agréa.blement. Quoique ce ne fût pas un génie, h avoit fait son chemincomme l'observe M. de 'Voltaire, par beaucoup de circonspection. SE mort laifleune place vacante à l'Académie Fran.çoife, dont il étoit, on ne fait trop pourquoi, Il succombe aux fuites de plusieurs attaques :d'apoplexie, qu'il avoit eues fuccefllvement, & le fruit d'une grande intempérance. Sa table étoit renommée dans Versailles, comme trèsdélicate. Il laisse une riche dépouille en pensons & en bénéfices.
17 Avril. Le sermon de M. l'abbé de Beauvais, le nouvel Eveque de Senez , prêché le jeudi saint, a fait la plus forte impression. Il rouloit sur une opposition entre la vie oisive & inutile des riches, & la vie aétive & utile des pauvres. L'Orateur entroit à cette occasion dans une peinture pathétique des miseres du peuple i, & par un tour oratoire annonçoit pouvoir la faire mieux que personne, .puisque lui-même., sortoit de cette classe. Il rappéloit au Roi l'époque de sa maladie de Metz, circonstance la plus glorieuse de sa vie, puisque c'est celle où l'amour de son peuple pour sa personne facrée s'en: manifellé à son plus haut degré. 11 ne lui a pas dissimulé que cet amour s'affoiblissoit, que le peuple accablé de fubfidzs m po-avdi 1
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plus que gémir sur ses propres maux : il a fait sentir au Monarque que, quoique sur le trône, il avoit des amis sans doute, & étoit digne d'en avoir ; mais que son meilleur ami devoit être son peuple : enfin il l'a exhorté à ne point s'en fier aveuglément pour l'administration de son Royaume aux conseils de ses Ministres , trop souvent intéressés à le tromper, mais à ne s'en rapporter qu'à lui-même, à son cœur, à l'expérience d'un regne de plus d'un demisiecle.
Le Roi n'a point été mécontent de cette hardiesse Evangélique, il a très-bien accueilli le prédicateur, & lui a rappelé l'engagement qu'il avoit pris de prêcher devant S. M. le carême de 1776; qu'il le fommoit de remplir, a ajouté S. M. en riant, quoiqu'Evêque.
Ce Prélat, fils d'un chapelier & neveu, comme on a dit, du Garde des Archives du Clergé, s'acquiert la plus grande considération, en remplissant ainsi son Ministere avec le zçle intrépide de nos premiers apôtres. En général, il est vu de mauvais œil de nos Evêques, qui prétendent qu'on ne doit aggréger à leur Corps que des gens de qualité. C'est l'Archevêque de Paris, TEvêque de Noyon & l'Evéque de Beauvais, qui ont porté fortement cet abbé & ont forcé la main à l'Archevêque de Rheims, aussi pmbu des mêmes préjugés. Ils ont été obligés ( d'employer l'autorité de la famille Royale.
, 19 Avril 1774. Tout se dispose aujourd'hui pour la premiere représentation de l'Opéra d'Iphigénie, ce qui attire un monde prodigieux, surtout depuis la certitude où l'on est que Mae dame la Dauphine doit y venir. Des onze heu.
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res du matin les grilles de distribution ont été assiégées, & il a fallq multiplier de beaucoup la garde, pour contenir la foule & empêcher le désordre. 1 Dans un avertissement qui est à la tête des paroles, le Bailly du Rollet annonce qu'on fera sans doute étonné qu'en transportant à notre théâtre lyrique, l'un des chefs-d'œuvres immortels de Racine, on n'en ait pas emprunté un plus grand nombre de beautés , & surtout qu'en conservant quelques-unes des pensées & des images de ce grand poète, on se foit servi d'autres expressions que les fiennes : mais on lui en a fait une loi; il a fallu s'y soumettre, ou re noncer à faire connoître en France un, genre de Musique nouveau , & qu'on n'y avoit point encore entendu. 1 Ce poëme lyrique est fort long ; il y a beaucoup de récitatif, & l'on est fâché que le poete, en transportant cette tragédie au théâtre lyrique , n'en ait pas changé le dénouement, & profité de la magie de ce fpeftacle pour amener plus d'aélion & de machines dans cette partie.
Il a supprimé entièrement le rôle d'Eryphile..
21 Avril- 1774. Le Spectacle hier a été aussi brillant qu'il est possible de le voir. M. le Dau-* phin , Madame la Dauphine , M. le Comte & ■Madame la Comtesse de Provence, font arrivés à s heures & demis : Madame la Duchesse de Chartres, Madame la Duchesse de Bourbon* Madame la Princesse de Lamballe étoient déja en place: les Princes, les Ministres, toute la Cour s'y étoient rendus, & cette époque a paru mériter l'attention générale. *
Le Chevalier Gluçk n'a pas eu un fucccs aussi #
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complet que ses partisans l'avoient annonce. On peut même attribuer en grande partie les applaudissemens qui lui ont été prodigués , à l'envie du public de plaire à Madame la Dauphine.
Cette Princesse sembloit avoir fait cabale & ne.
cessoit de battre des mains ; ce qui obligeoit Madame la Comtesse de Provence, les Princes & toutes les loges d'en faire autant. En convenant qu'il y a de belles choses dans l'opéra d'Iphigénie, des morceaux sublimes, on trouve qu'il y en a de très-médiocres, & d'autres trèsplattes. Les airs de Ballet font abfolunîent négligés , & l'on fait que cette partie est essentielle à Paris. Les décorations font pitoyables ; en un mot, tout l'accessoire est manqué.
e 22 Avril 1774. Un particulier de Lyon venu en cette capitale pour y déployer son talent singulier, fait grand bruit & excite la curiosité des amateurs : on dit qu'il a l'art de déclamer ou de lire une piece de théâtre entiere, en variant tellement ses inflexions de voix qu'il fait illusion & qu'on croit l'entendre jouer par autant d'aéteurs différens. C'est à qui aura à souper ce provincial, qui en outre exige un auditoire trèsnombreux : il se nomme Texier.
J' 23 Avril. L'alffuence n'a pas été moins graiv de le vendredi pour Iphigénic, & les billets de parterre & autres deviennent. une affaire de spéculation ; des particuliers en accaparent & les revendent six, douze, quinze francs, &c. Il a fallu des gardes à l'entrée du Parterre, pour contenir la multitude & empêcher qu'on n'y fût écrasé. Au reste, l'Opéra a paru prendre beaucoup mieux. L'oreille non encore faite à ce genre de déclamation chantée, commence à
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s'y habituer & à en sentir les beautés. Ce qui.
fait un éloge incontestable du musicien, c'eit que , quoique les fceries soient quelquefois trèslongues , on ne s'ennuye point au récitatif, parce que l'ame y est toujours émue des parfions qui tourmentent les adeurs ; & au rebours des autres Opéra du même genre, ce font les danses & les divertissemens qui en deviennent le partie fatiguante, parce qu'ils font très-négligés, qu'ils n'ont aucun caraftere relatif à l'action, & qu'ils n'expriment rien. Une autre innovation, qui n'et f peut-être pas ce qu'il y a de mieux, c'est le silence de l'orchestre entre les aétes. Ce qui n'avoit pas eu lieu jusques-là, & laisseroit l'auditeur se refroidir s'il n'étoit fortement ému par ce qui a précédé.
24 Avril 1774. Vendredi on a demandé l'auteur à l'Opéra avec une confiance qui a duré pris d'un demi-quai-'---.l'heure. Heureusement on est venu ave, tir qu'il étoit malade & dans son lit. 'i M. Rousseau de Geneve s'est réconcilié avec les Directeurs d.' l'Opéra, par l'entremjfe di Chevalier Gluck. Celui-ci leur a fait sentis leurs torts vis-à-vis de ce grand homme; il lu a fait rendre justice sur divers sujets d'intérêt Il a assisté aux deux représentations Iphigcnie & convient qu'il est obligé de se dédire, qu'oi peut faire de bonne musique étrangère sur de: paroles françoises. Celle-ci n'est point une mu fique italienne, mais une musique allemande c'est-à-dire, de l'Ecole dominante. Il n'y a dati tout l'Opéra aucune cadence, aucun fredon &c 2<; Avril. Le public est affligé d'un, perte qu'on a fait faire à l'Opéra, c'eû-à-dir
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lu renvoi de Mlle. Allard , que les Direéteurs ont jugé à propos de congédier, quoiqu'elle ontjnuât de plaire & à ne paroître qu'avec es plus grands applaudissemens. Ils ont pré:endu qu'elle étoit devenue trop épaisse & que Tailleurs elle faisoit continuellement des encans, qui la rendoient impropre au service pendant plusieurs mois. Ce dernier motif intéresse :outes les Demoiselles de ce Spectacle; elles ne veulent point qu'on leur interdise une liberté :;ui tient à leurs plaisirs & plus encore à leur Fortune : elles ont fait cabale, & il y a une grande fermentation , qui est heureusement appassée.
t 26 Avril 1774. Le Pouff au sentiment est une roëffure qjui a succédé au Qyçjàco, & qui lui sft infiniment supérieure par la multitude de xhofes qui entrent dans sa composition & par le génie qu'elle exige pour la varier avec art.
On l'appelle Pouff, à raison de la confusion d'objets qu'elle peut contenir, & au Sentiment, parce qu'ils doivent être relatifs à ce iqu'on aime le plus. La defcrif tion de celui de Madame la Duchesse de Chartres rendra plus sensible cette définition, fort compliquée. Dans xelui de S. A. S., au fond est une femme assise sur un fauteuil & tenant un nourrilTon : ce qui idéfigne M. le Duc de Valois & sa nourrice. A 3a droite est un Perroquet becquetant une ceirise, oiseau précieux à la Prineffe. A gauche aeft un petit Nègre, image de celui qu'elle aime ibeaucoup. Le surplus est garni de touffes de xheveux de M. le Duc de Chartres, son mari, xle M. le Duc de Penthievre , son pere, de ï1\1. le Duc d'Orléans, son btau-pere, &c. Tou-
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tes les femmes veulent avoir un Pouff & en raffolent.
28 Avril 1774. La singuliere & ridicule contestation mûe entre l'Archevêque de Lyon d'une part, & le Chapitre de l'autre part, à l'occasion de l'impression du nouveau Bréviaire, ne finit pas & continue à bouleverser cette ville. Le Prélat répand aujourd'hui un gros faétum fous le titre de Mémoire pour le Syndic du Diocife de Lyon contre les Doyen, Chanoines tif Chapitre de rEglife, Comtes de Lyon, &c. où il établit en bref que la caule du Chapitre est également incontestable & dans le fonds & dans la forme , & que tout ce que contient son Mémoire en maximes, en faits & en imputations, est ou contradictoire, ou faux, ou dénaturé.
30 Avril. Extrait d'une Lettre de Londres du 1 s Avril. Le foi-disant Chevalier de la Morande, auteur du Gazetier CuiraJJe, a pour veritable nom Thevenot : il est fils d'un honnête praticien d'Arnay le Duc en Bourgogne, qu'il a fait mourir de chagrin. L'argent que lui a valu son infâme brochure, lui a fait former le projet de vivre de libelles. Du fond de son répaire il a en effet menacé plusieurs personnes opulentes à Paris d'imprimer des anecdotes secrettes & scandaleuses sur leur compte, si elles ne fubiffoient pas la rançon qu'il leur imposoit : ce qui lui a núffi à l'égard de plusieurs.
Son fecond libelle a été contre le Comte de Lauraguais, qui l'avoit traité de gredin dans un Faélum , intitulé Mémoire pour moi & par moi, lors de son procès contre son Secrétaire, &c. Morande n'a point publié ce libelle contre le Comte, qu'il désignoit fous le nom
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Bras cassel, [Brancas ] parce qu'ayant eu la Maladresse, pour en préparer la vente, de rendre des vers calomnieux dans un c.b] pasrs public de cette Capitale, le Comte lui çe ita un procès qui eut dû écraser l'infecte nimcux. Il s'est con tenté d'obliger ce Scribler fermer toute l'Edition de son libelle & l'a 1 ligner dans toutes les gazettes angloises, "il le reconnoissoit lui Morande pour un imReur. Il a répandu le Profpeftus d'un ouvrage 4 volumes qu'il va publier, fous le titre de mémoires Secrcts d'une femme Publique, &c.
se des gravures. C'est une compilation infer,le. Le Gazcticr CuiraJJe est à l'eau rose, en comparaison de ce nouveau chef-d'œuvre. Le 1 de Morande étoit de se faire acheter l'Enon par les parties intéressées. Ses demandes nient fort modérées : il ne vouloit que îoo juis comptant, & 4000 Livres de pension sur tête, réversible sur celle de sa femme & de i fils. Ce qu'il y a de plus extraordinaire, rt que la Comtesse Dubarry ait donné là-dens ; qu'il foit venu des-intriguans de Paris, urgés de cette belle négociation, avec une Dorte de la sacro-fainte Police ; ce qui a fait Humer qu'ils n'y alloient pas de bonne-foi, vouloient enlever le digne auteur, &c. Mo)de, plus fin qu'eux, a débuté par leur emnnter à chacun une trentaine de Louis ; après ':oi il a sonné le toefin de telle maniere, que négociateurs véhémentement suspectés par cpeuple anglois, se font cachés & ont repassé ju le plutôt qu'ils ont pu. En attendant la tfeéHon de son Edition , Morande va lisant copies de Lettres qu'il doit avoir écrites à
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N. le Chancelier, à M. le Duc d'Aiguillon , &c.| dans lesquelles il les menace & les accable d'injures & de bourrades. 1 i Mai 1774. Le nommé Samuseau vient d'obtenir un Privilege du Roi, pour une compofi: tion de [on invention , qui préferye de la rouille.
toutes fortes de métaux. M. M. de l'Académie des Sciences y ont donné une approbation complette. Cette compolltion brillante n'est fufccptible d'aucune odeur & s'adapte tellement Ù' l'objet qui en est empreint, qu'elle est à l'é-' preuve des coups de marteau ; elle s';:mNoyc' pour les fusils, les pistolets & les garant des injures de l'air. 1 1 filai. Le public efi: dans l'impatience de voir imprimée la nouvelle Requête des Verons par Me. Drou, Avocat au Conieil ; mais on s'oppose à la publication, & l'auteur folli-| cite vivement qu'il lui foit permis de la répandre , la feule récompense qu'il puisse attendre de sa générosité à défendre ces malheureux, puisque vraifemblablcment ils ne feront jamais en état de le payer.
4 Mai. La réception de M. l'abbé de Lille à l'Académie Franqoife, qui devoit avoir lieu demain, est retardée à cause de la circonllance de la maladie du Roi.
6 Alai. Le Sr. d'Hemmery est un Exempt de Police chargé de la Librairie; en conséquence il a cru devoir avoir une Bibliothèque, & il n'a pas eu de peine à s'en composer une à bon marché, très-précieuse, au moyen des captures qu'il faisoit & qu'il fait journellement. Il a voulu se donner un air de curieux & de philosophe, il a composé un cabinet d'histoire na.
turelle
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relie, de pieces qu'il a escamotées de droite [de gauche, & qui ne lui ont pas coûte beaujup plus cher que les livres. Il avoit établi ut cela à l'hôtel des AmbaŒadeurs Extraorraires, ci-devant hôtel de Pompadour, où il (toit fait colloquer. Mais le Sr. Beaujon, Ban1er de la Cour, ayant acheté ce palais, la d'Hemmery a été obligé de déloger : il a lu tirer parti de cet événement, & il a fait endre à ce financier qu'un homme commedevoit avoir une Bibliothèque, un Cabi:, &c. que la tienne & sa colledion d'hire naturelle se trouvoient déja placées, qu'il lui vendroit, s'il vouloit : bref, le Turcaret a donné 40,000 Livres. Cette acquisition en a traîné une autre, celle d'un Bibliothécaire. Il ttt trouvé un homme de lettres assez bas pour peptercet emploi, par le canal du même fupti de Police ; c'est le Sr. Meunier de Querlon.
I Banquier de la Cour lui donne un logement, able, 1200 Livres, en forme de pension,.
erfible sur la tête de sa femme, &c.
k 8 Mai 1774. C'est à trois heures du matin que M. a dit au Duc de Duras de faire venir l'abbé udoux , son Confesseur. S. M. est restée nze à seize minutes avec lui ; ensuite elle a une conférence particulière avec M. le Grand,, mônier; enfin , elle a reçu ses Sacremens.
ant, le Cardinal de la Rache-Aimon a fait le (cours suivant pour le Roi : ILL Quoique le Roi ne doive compte de sa conduite qu'à Dieu seul, il est fâche d'avoir causé du scandale à ses sujets, & déclare qu'il ne .veut vivre déformais que pour le soutien de
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7, la Foi & de la Religion , & pour le bonh ,, de fqs peuples.
8 Mai 1774. La châsse de Ste. Genevieve découverte pour lamaladie du Roi.
Du reste, les moines ont fait ce qu'ils ont pour piquer davantage la curiosité du publi ils ont formé une espece de chambre noire da l'enceinte où est la chiffe, afin de faire mie ressortir l'éclat dey pierreries qui enrichissent relique.
9 Mai. M. l'Archevêque de Paris n'a cc tribué en rien à la conversion de S. M.
ri'est entré en aucune conférence avec elle, le Clergé est furieux contre lui du peu de z< & de fermeté qu'il a déployés dans cette occ fion. Les Evêques qui font à Versailles l'o très-mal mené, & surtout le Cardinal de Roha Mais les plaisans n'ont point laisse cette occafn de jeter du ridicule sur le Prélat. Pour ente dre le bon mot, il faut savoir que M. de Bea mont a une maladie qu'on nomme la Diurie , q fait piffer le fang, & qui a fait dire que cet i1 çhevêque pijfoit lefang à Paris, Qf ne faifl que de l'eau claire à Versailles.
10 Mai. Dès le commencement de la peti verole du Roi, un Médecin Anglois, nommé S: ton, de la famille de ce nom célébré par u méthode particulière d'inoculation & par un fp cifique contre cette maladie, se trouvant à P ris, s'est présenté pour traiter S. M. ; mais n Dodeurs François l'ont écarté de bien loin. D puis que S. M. est désespérée , on a fait cherch cet Etranger : M. le Duc d'Orléans & Madac Adélaïde lui ont offert cent mille écus po donner son secret & en laisser faire l'anal y I
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avant d'en faire usage pour le Prince. Il a prétendu que c'étoit un secret de sa famille , dont il n'avoit point la clef, & que d'ailleurs il étoit trop tard.
II Mai 1774. Le Taureau Blanc , traduit du Syriaque par M. Mamaki interprête du Roi d'Angleterre-pour les langues orientales.
jTel est le titre de ce pamphlet de M. de Voltaire , annoncé depuis longtems, re fté manuscrit , peu répandu en consequence, & qui ac-r quiert aujourd'hui plus de publicité par l'impression.
, Le Taureau blanc est Nabuchodonosor, dont le changement en bête fait le fond de ce Roman.
Son objet est de tourner en ridicule les événenens extraordinaires dont est remplie l'histoire fainte, en les assimilant à quantité de fables de 'antiquité, dont celles;de la Bible paroissent déivees. Mais cette allégorie n'est nullement foutenue. 11 y a plusieurs perfonages & maintes hiftoriettesdont on ne font pas l'allusion. Celler-ci ressemble assez aux Contes des Mille 85 Une Nuits.
f. 12 Mai. Le Dialogue de Pegase & d'un Vieillard, est une satyre, dans laquelle M. de 'Voltaire a enchasse le nom de tous les Ecrivains depuis longtems l'objet de ses farcafines. »
11 y fait voir aussi celui de M. l'Abbé Terrai , contre lequel il a toujours une dent. On voit qu'il se ceffouviënt encore de cent mille écus ;de Rescriptions qu'il avoit dans son porte-feuille, florfque ce Contrôleur Général en suspendit le paiement.
l' La piece , du reste, est peu saillante, & a be-
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foin du nom de M. de Voltaire pour avoir de la vogue.
14 filai 1774. Madame la Comtesse Dubarr: donne une grande vogue à l'Almanac de Liège, devenu très-recherché depuis sa disgrace. Dans ce livre bleu il est fait mention au mois d'Avril dune grande Dame qui jouoit un rôle dam une Cour & qui cessera de le faire. Elle avoit la modestie de s'attribuer la prédidtion ; & elle disoit: Je voudrois bien voir paffir ce vilain mois d'Avril.
1 S Mai. Lettre du Roi à M. le Comte de.
Maure pas.
Choisy, le II Mai 1774.
Dans la juste douleur qui m'accable & que je partage avec tout le Royaume , j'ai de grands devoirs à remplir : je fuis Roi, & ce nom renferme toutes mes obligations ; mais je n'ai que vingt ans, & je n'ai pas toutes les connoissances qui me font nécessaires : de plus, je ne puis voir aucun Ministre, tous ayant vu le Roi dans sa derniere maladie. La certitude que j'ai de votre probité & de votre connoissance profonde des affaires, m'engage à vous prier de m'aider de vos conseils. Venez donc le plutôt qu'il vous fera possible & vous me ferez grand plaisir.
16 Mai. Le Sr. Goys est un personnage jovial & plein d'esprit, qui a le talent de la pantomime au suprême degré , qui contrefait surtout l'Anglois & en a contracté la qualité de Mylord Goys. Il étoit fort lié avec le Comte Jean , beau-frere de la Comtesse Dubarri. Celui-ci, au moment de la mort du Roi , lui demanda çonseil sur ce qu'il devoit faire?,, fila foi, mon cher Comte ", lui dit le facétieux Mylord,
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après s'être frotté le front, ,, l'écrain & des „ chevaux de posse. Le Dubarri s'indigne d'un „ tel avis : moi ! fuir comme coquin Le Sr.
!'" Gays se frotte encore le front : eh bien, lui répond-il, des chevaux de posse & Vc"cram
17 Mai 1774. Le Roi a fait écrire sur le champ après la mort du Roi une Lettre à M.
[l'Archevêque de Paris , en date du 10 Mai, pour lui annoncer la mort de Louis XV, & lui recommander de faire faire des prieres publiques pour le repos de fou ame.
- Le Mandement donné en consëquence le 11 Mai, est très-bien-fait, plein d'onétion, écrit avec noblefife & digne du sujet. On y rapporte les faits principaux qui ont caractérisé l'évencment, tels que la douleur du Roi d'être obligé de se séparer de sa famille par la nature de sa rmaladie; l'embarras de sa langue, qui le détermina à demander les sacremens, & qui augmenta au point de ne pouvoir articu l er l'amende honorable que le Grand-Aumônier fit pour lui ; le trait de M. le Dauphin faisant distribuer des aumônes aux pauvres pour les inviter à demander au ciel la conservation des jours de son grand-pere, &c.
20 Mai. C'est M. l'Evêque de Senez [l'abbé de Beauvais] qui est chargé de faire l'oraison funebre de Louis XV à Sr. Denis. Cette commi.ssion devient délicate pour cet orateur, après son éloquent & terrible difeours du jeudi saint qui a si fort épouvanté le Monarque.
M. de ta Luzerne , Evêque de Langres, est charge de l'oraison funebre du même Monarque à Notre Dame. •
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22 Mai i/74- U est d'usage que l'Académie Françoise fafle célébrer un Service pour le Roi & fafle prononcer son oraison funebre : c'est l'abbé de Boismont, l'un de ses membres, qui est chargé du discours. Cet orateur a déja fait preuve de son talent en pareil genre à la mort de M. le Dauphin.
23 Mai. M. le Comte de Maurepas est un Seigneur de beaucoup d'esprit, qui né en 1701 fut fait Secrétaire d'Etat en 17IS & entra au Conseil avant d'être Majeur. Il étoit homme de plaisir & de toutes les parties du Roi, mais alors ces parties consistoient plus en fêtes de table qu'en galanterie. C'étoit le goût général de la nation. M. de Maurepas fut disgracié pour avoir chansonné Madame de Pompadour.
26 Mai. Il paroît que la dénomination donnée par le vœu général au Roi aétuel, est celle de Louis le Desiré; satyre la plus forte qu'on puisse faire du Regne précédent, & qui annonçant au jeune Monarque tout ce qu'on en espere, lui trace ses obligations.
27 Mai. On a beaucoup de peine à trouver ici des exemplaires du véritable Almanac de Liege, par le foin qu'avoit eu Madame Dubarri d'en faire retirer tous les exemplaires qu'il a été possible de trouver. La phrase est ainsi : une Dame des plus favorisées, jouera son dernier rôle , &c.
28 Mai. On répand dans se public le discours suivant, comme emané du trône & tenu par le Roi dans son Conseil d'Etat du-vendredi 20 Mars aux Ministres auemblés.
Ma juste douleur cede au devoir indispensable de la Royauté. Je vous ai mandés pour
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)us instruire de mes intentions. Indçpendament des ConseilS où je me propose d'assister guliérement & où j'appellerai les personnes ti m'en ont paru dignes par leur zele & leurs mieres, que chacun de vous se tienne prêt ix heures que j'indiquerai à me rendre un Impte clair & exadt de son Département, & à prendre mes ordres pour la fureté des opéra)ns qui y font relatives. Comme je ne veux 'occuper que de la gloire de mon Royaume & 1 bonheur de mes Peuplts, ce n'est qu'en IUS conformant à ces principes que votre tra,il aura mon approbation".
29 Mai 1774. On parle d'un ouvrage anglois six Dialogues, concernant le Partage de la ologne, où Louis XV est fort maltraite. On mde de Hollande qu'il y en a une traduction us presle, & l'on attend avec impatience cet lvrage important dans les circonstances.
30 Mai. M. Suard a été élu de l'Académie anGoife le 26 de ce mois.
31 Mai. Mlle. Arnoux, Chanteuse de l'Opéra, ie des Courtisanes la plus renommée pour > bons mots, dit en parlant de la mort du Roi de l'exil de Madame Dubarri, en déplorant fort de ses semblables : nous voilà orphelines pere & de mere l 3 Juin. A la mort'des Rois il semble que le II pie regarde ce moment comme celui de se nger de toutes les calamités qu'il a souffertes ; mme c'est dans ce sens qu'a été faite l'Epitaphe vante de Louis XV , où l'on suppose qu'il puni en enfer des malheurs de son regne , e est remarquable par son naïf, sa gaîté, & 1 laconisme :
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Ci gît le bien-aimé Bourbon, Monarque d'assez bonne mine , Et qui paye sur le charbon Ce qu'il gagnoit sur la farine. 1 4 Juin 1774. On est si disposé à regarder déla M. le Duc de la Vrilliere comme retiré, S même comme mort, qu'on lui a fait l'Epiaphe suivante : 1 Ci gît dans ce petit tombeau, J Le petit Monsieur Phelippeau, j Qui fut, malgré sa taille ronde, : Compté parmi les grands du monde ;
Parce qu'il étoit, ce dit-on , i Petit génie , & grand fripon.
ç Juin. M. Collé l'aniphigourifte, ainsi nommé à cause des chansons de ce genre dans lequel il excelle, vient d'en faire une sur le nouveau Roi. Quoiqu'en général tout ce qui est éloge foit allez fade, comme à l'occasion de celui-ci il fait une fatvre vive de la cour & de nos mœurs , elle est très-piquante : elle est sur Pair des Pendus. *
6 Juin. Madame la Duchesse de Chartres & Madame la Princesse de Lamballe avoient fait ces jours passes la partie d'aller chez Madame la Duchesse de Bourbon, qui les devoit recevoir dans sa petite maison de Vanvres. M. le Duc de Chartres a voulu en être. Les Princesses ont refusé de l'admettre, fous le prétexte qu'elles ne vouloient point d'homme. M. le Duc de Chartres a beaucoup insisté, & s'et fenfin rendu à leur refus. Il a donné le mot à M. de Fitz-ja-.
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I mes & à M. de Thiers. Il s'est déguisé en ours; le fecond Seigneur en tigre, & le dernier a joué e rôle du conducteur. Ils se font ainfr transportés à Vanvres , comme si les Princesses ayoient voulu s'amuser à voir l'ours, &c. Elles n'avoient donné aucun ordre à cet égard : cela les 1 d'abord surpris; enfin elles ont confend aies 9ir. Ces* animaux ont commencé par des gendllefles qui leur ont plu : ils ont paru fort apprimisés, & peu-après ils font devenus plus mé:hans , & ont fait une peur terrible à leurs lltefles : ils ont bientôt brifé leur chaîne , & pnt montés au château. Tout le monde avoit le mot : c'étoit l'heure du dîner. On est venu Ivertir les Princesses épouvantées , d'arriver, que les animaux féroces mangeoient tout le repas, & après beaucoup de singeries, le mystere s'est éclairci, & l'on a ri en toute liberté.
j> Juin 1774. Chanson de M. Collé sur It i nouveau regne: sur l'air des Pendus.
Or écoutez, petits & grands., L'histoire d'un Roi de vingt ans, j Qui va nous ramener en France h Les bonnes mœurs & l'abondanc..
[ D'après -ce plan que deviendront t Et les catins & les fripons ?
! S'il veut de l'honneur & des mœurs , Que deviendront nos grands Seigneurs?
L S'il aime les honnêtes femmes, t. Que feront tant de belles Dames?
I- S'il bannit les gens déréglés, ; Que feront nos riches Abbés ?
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S'il dédaigne un frivole encens r - Que deviendront les Courtisans? t Que feront les amis du Prince, Autrement nommés en Province ? »
Que deviendront les Partisans , f Si ses sujets font ses enfans?
S'il veut qu'un Prélat foit Chrétien , » Un Magistrat homme de bien, If. 1 Combien de Juges'mercénaires, D'Evêques & de Grands-Vicaires Vont changer de conduite ? Amen.
Domine, salvuim sac Rcget1!..l' !
10 Juin 1774. C'est mercredi que les Speda- î des doivent recommencer, jour où l'on quitte * pour la premiere fois les grandes pleureuses. to 11 Juin. Extrait d'une Lettre de Nantes du 6 Juin. *Ce qui paroît le plus occuper cette ville, c'est l'inoculation, qui s'y est introduitedepuis quelque tems, par le ministere d'un*!
Suttonicn, qui a eu de grands succès, & qui 3") comme ailleurs , ses partisans & ses adversaires.
* 13 Juin, Eloge de Louis XV ,prononce dans, une Académie le i<; JJlai 1774. Tel est le titre de la petite brochure de M. de Voltaire, qui pour louer, comme pour injurier, aime toujours à dépayser son leéteur, afin de lui donner le , plaisir & la liberté de Vincognito. *
Suivant l'orateur, Louis XV fit imprimer dans sa premiere jeunesse au Louvre un petit livre, ,• intitulé de la Géographie par le cours des fieuves" qu'il conipofa en partie, & sans doute en très-petite partie, sur les leçons de M. de Lille t y 1
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f clont on tira jo Exemplaires. Ce goût le mduiftt à quelques connoilïances de l'Aftronoie & à un peu d'Hiltoire Naturelle. Son jugeent étoit juste, mais l'apathie qui faisoit l'effenr de son cara&ere, & que M. de Voltaire quaie de facilité, le porta toujours à préférer opinion des autres à la lienne. C'est ainsi qu'il 1 la guerre de 1741 & celle de 1756. Il cite :poque de 1744, comme la plus flatteuse du egne de ce Monarque, comment on lui donna ir acclamation le fumom de Bien - aimé ; que ; lilence des Peuples semble lui avoir ôté deïiis dans des tems orageux , & que l'usage seul i a confervé. Il fait sa cour à la Reine , pat ansiton; il blâme la guerre contre son auguste ere Marie-Therese & la trouve injuste; ce que rais XV , qui faisoit cette guerre , pensoit iiB. Il convient que douze années de travaux d'industrie n'ont encore pu que réparer en irtie les malheurs de la fécondé guerre. Mais en n'ébranlait l'ame imperturbable de Louis V ; elle ne se démentit pas même lors de son Taflinat ; elle l'a été jusques dans l'affreuse nladie qui a enlevé le Roi à la France. Elle le ifoit paroitre dur envers ses sujets, & le panéfrifte prétend qu'il ne l'étoit réellement pas, Jifqu'aucua de ceux qui le servoient n'a eu ijet de s'en appercevoir. Il lui reproche trop e fufeeptibilité dans sa vie privée , de n'avoir as assez fouve.nt oublié dans le fein de l'amitié u'il n'étoit plus Roi. C'est ainsi qu'en palliant :s défauts du Monarque, l'ingénieux Ecrivain 's indique, & rend compte de toutes les calatités de ce regne desastreux. Il n'oublie pas époque de la Révolution de 1770, dont il faiftt •
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adroitement le côté le plus favorable : il loue h suppression de la vénalité de la Magistrature , & la justice rendue plus à portée des sujets éloignés de la Capitale.
L'orateur s'interrompt par la nouvelle de la maladie des trois filles du Roi : il convient que la Patrone de Paris a été invoquée en peu de tems pour les jours du premier Dauphin, pour son épouse , pour sa mere, enfin pour le feu Roi, & toujours inutilement.
De la mort de Louis XV, & de la fatalité.
Suivant M. de Voltaire , le Roi avoit rencontre un enterrement à la chasle : il demanda ce que c'étoit ? On lui dit que c'étoit une jeune fille morte de la petite vérole ; il ne fit paroître aucune émotion. Mais dès-lors son teint changea. Il veut que son dentiste Bourdet , en lui visitant la bouche , ait reconnu aux gencives les approches d'une maladie grâve & l'ait dit à un Ministre d'Etat. Personne ne savoit ici cette anecdote , & il est plaisant qtie le Philosophe de Ferney nous l'apprenne du fond de sa solitude. Il y a apparence que n'osant compter le fait comme il s'est paffé , il a substitué celui-ci au véritable. Quoi qu'il en foit , il part de-là pour prêcher en faveur de la méthode de l'inoculation ; il cite l'exemple de quantité de Souverains actuels, & peut-être que la brochure qu'aura lue le jeune Roi, n'a pas peu contribué à déterminer S. M. au parti qu'elle a pris. 1 i<; Juin 1774. Les Comédiens Italiens ont affecté de choisir pour donner aujourd'hui une piece qui puisse fournir occasion à l'enthousiasme public de s'exh^r en faveur du nouveau 1
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Monarque ; ils doivent jouer le Déserteur, ou l'on crie Vive le Roi.
Les Comédiens François ont aussi voulu jouer une pièce susceptible d'allusions heureuses , ils ont affiché Héraclius ; ils se flattent que cet endroit : Montrons Héraclius au peuple qui l'attend, &c. fera la plus grande fenfafion & fera saisi avec avidité.
• 16 Juin 1774. Les poètes ont donné Tefforà leur imagination : Mrs. Dorât , le Mierre , Du Rozoy , &c. se font signalés ; mais on ne trouve encore rien digne du Monarque.
Un M. Person, dit Chevalier de Berainville, a composé une Médaillé allégorique sur le nouveau Regne, il y a joint des vers ; il a présenté le tout à M. le Duc d'Aumont, premier gentilhomme de la chambre , pour qu'il voulût bien faire agréer cet hommage à S. M. Le Seigneur lui a répondu que le Roi n'aimoit point les Lettres , qu'il prendroit ces vers avec indifférence , les mettroit dans sa poche , & les y laisseroit sans les lire & sans en faire aucun cas.
18 Juin. Un Etranger , connu fous le nom de Chevalier de Lorge , a fait un portrait en pied de la Reine , qu'il a exposé , pendant quelque tems , aux Tuilleries, & où l'on l'alloit voir à des heures indiquées , fous le titre du tableau d'un amateur. Il paroît que les artistes le critiquent beaucoup & n'en font pas contens.
19 Juin. Quoiqu'on ne parle plus gueres de .Madame Dubarri , un plaisant s'dl: avisé de lettre en yeis l'Histoire des Ponts, il a inû-
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tulé sa piece : Les cinq Ponts, Complainte de Madame Du barri.
Les Ponts ont fait époque dans ma vie, Dit l'Ange (*) en pleurs dans sa cellule en Brie ; 1 Fille d'un moine & de dame Giroux , J'ai pris naissance au fein du Pont aux choux.
A peine a lui l'aurore de mes charmes Qne le Pont-neuf vit mes premieres armes.
Au Pont au change à plaisîr je setois r Le tiers, le quart, foit noble, fait bourgeois.
L'art libertin de rallumer les lfammes Au Pont Royal me mit le feeptre en main.
Un si haut fait me loge au Pont aux Dames CH), Où j'ai bien peur de finir mon deIHn.
22 Juin. On avoit trouvé à la statue d'Henri IV, sur le Pont-neuf, écrit en gros caracteres, 1 le mot Resurrexit. On en a depuis attaché un J autre tout-à-fait naïf & qui rappelant le fa- I ineux propos de ce bon Roi , pere de son peuple , prescrit à son successeur ce qu'il doit faire pour imiter parfaitement ce modele. Voici le distique : Refurrexit ! J'approuve fort ce mot,
Mais pour y croire il faut la poule au pot.
¡ 23 -Jllilz 17e8- On raconte que M. l'abbé de :., Sainte Geneviève se trouvant à dîner dans une maison où il y avoit beaucoup de monde , de
(¥) Nom qu'elle portoit étant fille.
.- (""¥) Le fout aux Dames eu Bl"ie..
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Tes gens l'entreprirent & le turllipinerent sa Sainte , dont la puissance paroilîoit bien , le aujourd'hui , dont la châsse avoit été déverte & descendue si inutilement. 11 les sa dire, & quand ils eurent, fait tous leurs roches : < £ eh bien ! Meilleurs , qu'avez-vous
i reprocher au ciel ? répondit-il : est-ce qu'il -¡' efi pas mort" ?
> Juin 1774. Perrin & Lurette, espece de torale qu'ont jouée hier les Italiens, ne doit son foible succès au Musicien , qui est le Ciaforelli. La musique en est petite & méicre, même dans cette espece. Le poëme est s-peu de chose aussi : il est même bizarre par mêlange de mœurs très-simples, avec un îouement magnifique & romanesque. C'est )endant celui - ci qui a été fort applaudi à Ion d'une atflion noble & génereuse, sur la- - elle le Parterre s'est enthousiasmé & est fortÎ la langueur où il étoit. Il a demandé l'auir, & le musicien a profité de ce mot généue pour se produire de bonne grâce aux yeux 's fpeétateurs.
26 Juin. La célébrité du Chevalier d'Eon Beaumont rend intéressante une Collection ses Oeuvres qu'il vient de donner au public, us le titre dejcs Loijïrs. Us font immenfcs, r ils contiennent 13 volumes in-8°.
27 JUIn. Les Comédiens le Kain & PréIle viennent d'obtenir un privilege pour une ;oIe de déclamation , dont ils feront les ofeffeurs : le premier pour le tragique , & le cond pour le comique. Cette institution , qui jurroit être bonne, a besoin d'être développée
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& perfectionnée, pour en tirer tout le parti possible.
28 Juin 1774. M. de Boyncs n'a pas été épargné dans les Vaudevilles, Epigrammes & Bons mots qui courent sur les Minifties. Voici la chanson sur lui. 1 On rit d'un Ministre Bourgeois C"') 1 Que chacun abandonne, j Pour n'avoir dans tous ses emplois I Fait plaisir à personne: !
Je crois que c'est injustement Que si fort on le fronde, iri j Car il va faire en s'en allant Plaisir à tout le monde. 1
29 Juin. Outre les Spectacles du Colysée •& du Wauxhall de Torré , un autre du même!
genre attire les amateurs. C'est au lieu où étoit autrefois celui des freres Ruggieri qui donnoient des feux d'artifice. On y voit des courses .de chevaux anglois très - curieuses. Le Sr. 1 Hyam , la Dlle. Mazon , & un enfant montent ces coursiers, au nombre de huit, dans tous les sens possibles , & font des exercices qui exigent alternativement la plus grande force & la plus grande adresse. Le Sr. Hyam offre cent Louis de pari contre celui qui exécutera quatre de ses plus beaux tours.
30 Juin. Copie d'une Lettre de M. le Comte Dubarri , écrite de Lausanne à M. de Saint R ****** son ami. • 1 Voilà mon rêve fini , mon cher ami, &
C) Son nom tte famille clt 50urge
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près m'être endormi en France je fuis tout tonné de me réveiller en SuiiTe ; je me vois ians la capitale du Pays de Vaud & dans une ille où l'industrie qui m'est propre trouvera lifficilement à s'exercer. Les mœurs y font impies , les femmes y font fages. Les hommes [ font francs & les filles y font observées.
,es loix y font séveres. Que voulez - vous que e devienne ? Ce n'est pas là mon élément. Le eu & la galanterie y font peu recherchés ; & i l'on vouloit trafiquer des Suiffiennes , il faulroit les vendre à la livre. L'art ne contribue Jas à les rafiner & leurs goûts font plus matéiels que délicats. Tout ce qui m'environne me nroît étranger. Je vois de la simplicité , de la sonne foi, de la continence, de l'amitié , de la 'éferve, & toutes les vertus me parlent Suiffe Se je n'en connois pas une feule.
J'étais à Paris à la tête d'une milice brillante fc les filles n'oublieront jamais combien mon crédit a fait fleurir leur empire. La faison étoit favorable pour faire fruétifier mes talens, & leur reconnoissance devroit m'élever des trophées dans la place du Palais Royal : j'avois établi dans ma famille le canal des grâces & des richesses, c'étoit une source dont le débordement & le limon engraissoient mes Domaines. Par quelle fatalité la jeunesse détruit-elle un cours que la vieillesse fortifioit de plus en plus ! L'on m'a à peine laiiïe le tems d'emporter une partie du produit de mes travaux , & je me vois réduit à boire & à rêver à la Suiffe, sans éprouver les marques de considération que les ames nobles me prodiguoient à la cour : mon plus grand embarras est de savoir où je pourrai faire agrées
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toiori Ministere. Ma réputation est généralement établie. Mais les Potentats de l'Europe s'observent ou font observés , ainsi, n'ayant point d'aptitude au service militaire , je crains qu'ils fie me trouvent trop dévorant pour m'employer -à celui de leurs chambres. J'apprends avec douleur que mes meilleurs amis, que j'ai cent fois reçus chez moi, pour qui j'ai sollicité des grâces, à qui j'ai souvent prêté de l'argent , me désavouent hautement aujourd'hui & font les premiers à me déchirer. Je rougis de leur ingratitude : mais s'ils me méprisent, je leur rends bien le change. J'ai laisse deux ménages à Paris, que je vous prie d'alimenter. Je vous ferai passer des fonds en une pacotille de fromages ou de vulnéraires , car l'inaétion m'est mortelle. Je m'attendris sur le fort de ma pauvre belle-fceur, qui n'avoit pas fait son noviciat dans des couvents si austeres que celui dans lequel on la tient renfermée. Si l'on ne m'eut pas réparé d'elle, j'en aurois encore tiré parti , mais c'est une mauvaise tête qui n'a pas voulu me croire ni me prendre pour son dépositaire. Mon frere n'est pas mieux traité , mais c'est un sot, & il fera encore trop heureux de glaner dans un champ qu'il n'a point cultivé. Quand on est dans la disgrace, tout concourt à nous accabler : ma noblesse fera hardiment contestée & les Baeys anglois feront morts pour moi. J'avois projette de paITer en Turquie & de me faire marchand d'Esclaves , mais l'on m'a asTuré que le Grand Seigneur me feroit ôter le pouvoir d'essayer ma marchandise. Je ne fais donc plus quel parti prendre : Iorfque je ferai décidé je vous donnerai de mes nouvelles. J'ai été obligé de chan-
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3e nom , l'on m'appelle ici M. de Vauder.
Ecrivez-moi fous ce nom, au marché au "on. La vertu & les talens ont desjnomens ans, mais ils font souvent persécutés. Plaii votre ancien ami, qui dans les tems sereins )rageux ne cessera d'être , &c.
Juillet 1774. M. de Salis , jeune officier Gardes-Suisses, avoit perdu il y a peu de s une jeune femme très-aimable, morte en :he ; il en a été si vivement atfeété, qu'on aint pendant quelques jours qu'il n'attentât vie, & qu'il a été deux jours sans vouloir idre de nourriture. Il s'est rendu depuis à aison , ou du moins il a paru s'y rendre ; s le coup mortel étoit frappé, & l'on affure 1 eftpéri de douleur : exemple bien rare, furt dans ce siecle pervers, d'un amour conjugal lté à son plus haut période.
Juillet. La réception de l'abbé de Lille enfin arrêtée pour lundi II de ce mois : on croit pas que celle de M. Suard ait lieu ce r-là , parce que le Récipiendaire desire avoir :ems de lire quelque ouvrage de sa compotii. On dit que c'est on Poème sur les plaisirs la campagne.
} Juillet. Le nombre des auteurs dramati:s s'accroît journellement : depuis que les médiens ont repris leurs séances , ils ont reçu pieces différentes , dont 20 font déja admires a leéture.
8 Juillet. On parle beaucoup d'un Manment de l'Evêque d'AIais , à l'occasion de mort de Louis XV ; il est très-étendu , il ntient des choses fortes, des peintures énerves des événemens du dernier regne, de la
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révolution "arrivée dans la Magistrature , & l'c prétend qu'il a tellement déplu au Convenu m'ènt, qu'il est arrêté & qu'on en empêche 1 distribution dans la capitale. r10 Juillet 1774. A la naissance de M. le Dt de Berry, aujourd'hui Louis XVI, on fit une gr: vure relative au retour du Parlement , arrivé la même époque. On la reproduit aujourd'hi & l'on voudroit bien en pouvoir frapper un pareille dans le moment aétuel.
10 Juillet. On construit au jardin de l'Ir fante, au bas de la Galerie du Louvre, un pei: bâtiment pour faire de nouvelles expériencf sur la fusion & l'évaporation du diamant. Cef r 1'1 rs. Cadet & Lavoisier , Commissaires de 17 cadémie des Sciences , qui continueront n" présider. On doit se servir du fameux mil ) ardent de M. le Régent. 1 II Juillet. Le vice des Tribades devi 1 fort à la mode parmi nos DemoiCelles d'Ope' elles n'en font point mystere & traitent < gentillesse cette peccadiile. La Dlle. Amoui quoiqu'ayant fait des preuves dans un -ir genre. puisqu'elle a plulieurs enfans , sur 1 retour donne dans ce plaisir; elle avoit u; autre fille nommée l'irginie, dont elle se se voit à cet usage. Celle-ci a changé de conditio: & est passee à Mlle. de Raucoux drla Coméd ïranqoife, qui raffole de son sexe &a renonc au Marquis de Bievre , pour s'y livrer plus son aise. Dernièrement au Palais Royal, dans nuit, le Sr. Ventes ayant turlupiné la Dlle. Vi ginie sur sa rupture avec Mlle. Arnoux , qu'o nomme Sophie dans ces parties de débauche celle-ci, témoin des propos, a donné au Cavalii
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uffiet très-bien conditionné, dont il a été fé de rire, en demandant des excuses à l'aire tribade.
[ Juillet 1774. Une CommiiTion de Medeétablie tous le feu Roi pendant la vacance 1 place de premier Médecin , exercoit une rite despotique sur tous les Arcanifles du aunie , c'est-à-dire gens à secret ; elle s'ékaufli attribuée la conno.iflance des Eaux érales. Dans les Provisions de premier Mén au Sr. Lieutaud , il a remarqué qu'on it omis de l'intituler Infpecleur Général des f* Minérales du Royaume ; il est allé troule Roi & lui a demandé s'il étoit moins id que ses prédécesseurs ? Cette tournure :onne a excité l'attention de S. M. , & le Lieutaud en a profité pour lui faire con:re que son premier Médecin devoit avoir mêmes prérogatives que les précédens. Il a u réformer lesdites Lettres-patentes , & y :rer la susdite qualité que l'on avoit omise : qui est une premiere hostilité contre la nmiffion. :2 Juillet. Il paroit que le jeune Salis ît on a parlé, victime de l'amour conjugal, on-seulement succombé à sa douleur, mais il a hâté ses jours en s'étranglant avec ses iveux fort beaux, & dont il avoit la bouche [agorge pleines.
14 Juillet. Dans J'édifice qu'on construit Jardin de l'Infante pour les nouvelles expert ces que se propose de faire l'Académie des ences , il est question d'y faire l'essai d'une itille immense remplie d'eau , dont on espere
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que le foyer fera supérieur à tous les miro ardens connus , ou du moins égal : c'est L Trudaine de Montigny qui avance les fraix ce bâtiment, dont on présume qu'il fera rei boursé par le Roi. On gémit beaucoup à cet occasion sur le fort d'un pareil Protecteur, do la fanté est en fort mauvais état, au point qu', doute qu'il puisse vivre longtems. *
i tf Juillet 1774. Le Chevalier de Lorge est 1 bâtard de la maison de Lorge , qui se livre la peinture & en fait son état ; jusqu'ici il n'av( point été connu. Son portrait en pied de Reine [ Madame la Dauphine lorsqu'il a été fai ne laisse pas que de lui attirer des Curieux. (
commence même à se réunir contre un jugeme trop légèrement porté par les Artistes , jaloi apparemment de celui-ci. On trouve de la n blesse dans ce portrait. La Princesse est Diane : elle revient de la chasse, elle donne ( ordres ; elle a une espece de robe à la polonoil Le coloris en est bon , les chairs en font viva tes : on n'y trouve que de la maniere & poi assez de large dans les draperies. On préfur que S. M. ne le prendra qu'après qu'il aura i honoré des suffrages du public. 4 16 Juillet. On s'impatiente de ne pas v< dans le Ministere les changemens dont on se B: toit. Depuis la démission du Duc (fAiguilt.
tout est au même état. Voici des especes d'q grammes ou couplets qui courent enattenda &-caraélérifent le vœu public, s'ils n'annonce pas un grand génie dans le satyrique. f Stur le Duc de la Vrillierc. 1 1 Ministre sans talent, Se sujet sans vertu, a
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1 Homme plus avili qu'un mortel ne peut-être, r: Pour te retirer, dis, réponds donc qu'attends-tu ?
je le vois j qu'on te jette-enfin par la fenêtre.
t Sur M. Bourgeois de Boynes.
)ur toi,Bourgeois,fameux par cent traits de démence, iii fais rire l'Anglois, & fais gémir la France: ur te mettre en la place où tu peux être bon, convient que tu fois Ministre à Charenton, r Sur M. l'abbé Terray.
[Pour vous Monlieur l'abbé, digne de plus d'éclat, [Entre tous ces Messieurs si chers à la patrie, 1 Vous fûtes le moins sot & le plus scélérat: Montfaucon doit payer votre rare génie.
17 Juillet 1774. Les Comédiens Italiens anncent pour aujourd'hui une piece nouvelle, kituiée la sausse Peur, comédie en un acte êlee d'ariettes. On attribue les paroles à l'abbé je Voisenon; quant à la musique, on la dit du tit d'Arcy, jeune éleve de Gretry, quia déja it pour les Italiens la musique d'une piece Intitulée le Bal Masqué, dont la chûte dut noms s'attribuer à celle-ci qu'aux paroles.
18 Juillet. On parle beaucoup de la Cfoix le St. Louis que le Sr. Bouret d'Erigny, Ferhier général, a obtenue de M. le Duc d'Ai[uillon. On a fait à cette occasion l'Epigramme uivante : | D'un Ordre Militaire on décore un Traitant : f A quel titre obtient-il ce ruban éclatant?
* Quels font donc les exploits de sa valeur insigne ?'
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De la Croix par quel fang verse 1 Aujourd'hui s'effc - il rendu digne? j Eh! comptez-vous pour rien celui qu'il a sucé ! !
23 Juillet 1774. M. le Marquis de Caraman est un amateur du. jardinage , qui se pique d'avoir beaucoup de goût en cette partie, & s'efl proposé à la Reine pour arranger son jardin du petit Trianon , ou du petit Vienne. Cette Princesse a accepté le Seigneur en question, eileefl venue voir l'autre jour son jardin de Paris & er a été extrêmement satisfaite. Le feu Roi qui aimoit la botanique, avoit fait au milieu une colledtîon de plantes & de simples considérable, qui fera transportée au jardin du Roi.
2 S Juillet. On prétend que M. l'abbé de Beauvais, Evêque de Senez , a fait en Sorbonm une répétition de son oraison funebre du Roi, qu'il doit prononcer après demain à St. Denis & qu'en admirant l'éloquence forte & pathéri que de cet orateur, on avoit voulu qu'il en fup.
primât .certains morceaux comme trop forts trop injurieux à la mémoire du Monarque ; mai: qu'il avoit répondu ne pouvoir les ôter, S qu'il aimeroit mieux ne pas prononcer son dif cours.
28 Juillet. La cérémonie de St. Denis a ét< remplie hier avec toute la pompe usitée : rier n'a été omis, elle a duré depuis midi & dem jusques à s heures & demie. Les Princes qu'ot avoit déja désignés pour y représenter le deui s'y font rendus en effet, savoir, les deux frere du Roi, Monsieur & Monsieur le Comte d'Ar tois. & le Prince de Condé : M. le Duc di Bourbon y a rempli les fondions de Grand rnaitr
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Ltre. Les révérences ont été faites avec beauip de grâce de la part de Monsieur , dont on dmiré la bonne mine ; il n'en a pas été de me de M. le Comte d'Artois.
e discours de M. de Senez a fait une nde sensation par des morceaux très-hardis : pris pour division les bonnes qualités & les auts du Roi. On a cru remarquer qu'il iniuvoit la destruction des Jésuites & approut la destruction de la Magistrature. On ne it rendre compte de l'ouvrage , débité à la e, fort long & très-mal saisi par la plupart » Spectateurs.
Les Prélats qui font à Paris , au nombre de , avoient été avertis qu'ils ne pouvoient s'y dre qu'au nombre de 40. Cest M. le Cardide la Roche-aimon qui a offici, malgré grand âge : la superbe de ce Prélat aimant Faite & la représentation , a soutenu sa ca:ité durant cette longue & fatigante céîonie.
19 Juillet 1774. Le Pere Neuville , ce Jésuite mommé pour la prédication, vient de mourir t. Germain en Lave , dans un âge avancé : il étoit retir é fous un habit d'Abbé.
lo Juillet. On peut se rappeler une Deifelle Granville de l'Opéra , entretenue par lM. Jonville , Maître des Requêtes. Elle fit nd bruit, il y a deux ans , à l'occasion de uvais traitemens qu'elle avoit éprouvés d'un ant en fous-ordre qu'elle avoit , & que ces )ures appellent un Guerluchon : elle fut tiblement défigurée & l'on répandit un letin plaisant sur son état. Le Sr. Jonville n'a ,se détacher de sa passion, & la Dlle. ne lui
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est pas restée plus fidelle. Au Guerîuchon fng elle en a substitué un autre, officier aux Gard Ce qui a enfin excité la jalousie du Maître c Requêtes. On affure qu'il l'a poussee au po de gagner une maladie vénérienne , pour donner à la Courtisanne, afin qu'elle la ren au Guerluchon. Il en est résulté une ruptt éclatante. Le Sr. Jonville , ruiné en gran partie pour cette Demoiselle , a voulu ravi zs'ooo Livres environ de Lettres de Change qi lui avoit faites. Celle-ci n'a point voulu les re die. La contestation a été portée devant M.
Lieutenant-général de Police. M. de Sartir n'a osé prendre sur lui d'ordonner la reftituti du bien acquis ; il a envoyé le plaignant au D de la Vrilliere , très - expert en pareil cas.
Secrétaire d'Etat a eu la même délicatesse , il fournis l'affaire à la décision du Roi. S. M, rendu un jugement digne de Salomon. Le !
Jonville a été débouté de sa demande en ref tution. Le jeune Monarque a décidé qu'il d voit être puni de son intempérance & sur-to de sa vengeance criminelle , mais en mcn tems, pour la réparation du fcandalc public pour l'honneur des mœurs outragées par le lu: insolent de la Dlle. Granville, elle a été co damnée à être rasée & enfermée au couvent c Ste. Pélagie, maison de correction pour f Semblables. I 31 Juillet 1774. Il se répandoit depuis que ques jours le bruit que Me. Drou , l'Avocat dl Verons , étoit interdit pour trois mcis. Cet nouvelle se confirme , & l'on affure que la peir est prononcée par un Arrêt du Conseil. C yçut que ce foit pour avoir parlé indecemme: l
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3 Magistrats. Sur quoi l'on observe que s'il t a calomniés, il doit être puni sévérement ; a dit vrai, ils ne méritent aucune confidéran , mais , au contraire , d'être eux - mêmes ilctés pour leurs prévarications. Ensorte que le blic impartial est plus que jamais convaincu l'iniquité criante avec laquelle on a conduit ite l'affaire.
; 1 Juillet 1774. L'assemblée qui s'est rendue z chapelle du Louvre pour entendre l'oraison.
lebre de Louis XV par JY1. l'abbé de Boisint, étoit très - brillante & très nombreuse.
îflieurs les Quarante y étoient en aussi grande Intité qu'ils pouvoient y être : ils avoient iris le crêpe & les pleureuses. L'orateur a proit une grande sensation , qu'on attribue prinalement à son débit , à ion talent de Codien , pouffé au plus haut degré , talent utant plus marqué, qu'il a un organe trèsrat & que dans les inflexions baffes & douireufes, sa voix se perd absolument. Tout est ifice chez lui , & son ouvrage est un chefsuvre d'adresse qu'on ne pourra bien apprécier à la lecture. Les connoisseurs font partagés : n est qui le préferent à celui de l'Evêque de îez : d'autres trouvent le Prélat infiniment s éloquent.
[ 1 Juillet. L'abbé de Neuville , avant de urir , a renouvellé une espece de protefta1 semblable à celle qu'on a déja lue dans sa :tre inférée dans les Gazettes : il a déclaré il étoit très-soumis au Pape & au Roi , mais il devoit à la vérité , de jurer qu'il n'avoit lais vu ni connu ns laiîociété dont il avoic )nneur d'être membre , rien qui méritât les
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i mputations dont on l'avoit chargée. Il n' point voulu faire de testament, suivant la Ke gle , qui ne permet point aux Religieux d tester. Ce qui annonce sa résolution & son idé d'être toujours Jésuite. Il a feulement légué [{ manufcrks à un autre Ex-Jésuite, qui est ven s'emparer incontinent de ce trésor précieux. :
avoit 82 ans.
31 Juillet 1774. On a déjà fait deux grande repétitions d'Orphée & Euridice, Drame héro que en trois aétes du Chevalier Gluck , quant, la musique. L'enthousiasme ne s'est point éteij sur le calent de ce grand Compositeur, on a éH généralement transporté, & l'on se flatte qn ce nouvel ouvrage réunira d'autant mieux h suffrages qu'il réunit lui-même la vérité , Te) pression du récitatif , à tout l'agrément à accessoires. La troisieme Repétition aura lie demain, & mardi 2 Août on donnera la pri miere Représentation.
1 Août. La ville fait aussi célébrer un si vice pour le feu Roi , & c'est M. l'abbé Roïi seau qui a prêché le Carême dernier à Versai les, qui est chargé de l'Oraison funebre. 2 Août. Orphée & Euridice est un poën originairement Italien de la composition de | Calzabigi. Voici son argument, fondé sur t deux vers de Virgile : Te dulcis conjux, te solo in littore secusso, Te veniente die, te difcendente canebat.
La fable nous apprend qu'Euridice mour dans les campagnes de Thrace , de la morfu d'un serpent, quelques jours après, son mariai avec Orphée.
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Pour conserver l'unité de lieu dans ce poëme, suppose que ton tombeau est place dans une npagne voisine du Lac d'Averne , qui conit à l'entrée des enfers. Les Dieux touchés désespoir d'Orphée, lui permettent de pénér dans les champs Elysées pour en retirer iridice , à condition qu'il ne la regardera int qu'il ne foit de retour sur la terre. Orée , avant de sortir des enfers , presle par la )lence de son amour, oublie la loi qui lui imposée & donne la mort à Euridice , en mt la regarder. Pour adapter cette fable à tre scene, on a été obligé de changer la catrophe, & d'y ajouter l'épisode de l'Amour i réunit ces Epoux.
Il résulte de cet exposé une tragédie trèsiple , à la maniere des Grecs , qui se divise turellement en trois aétes & ne comporte e trois aéteurs, Orphée , Euridice & l'Ayur.
6 Août 1774. Le discours prononcé par l'abRousseau à St. Jean en Greve fait encore LIS de bruit que celui de l'Evêque d-e Senez.
ns être aussi éloquent , il est plein de hareiTes qui ont fort déplu à beaucoup de gens, r l'improbation de l'expuifion des Jésuites & te sortie audacieuse contre l'ancienne Magifature. On regarde cet éclat général danstous les chaires, comme une espece de confération de la puissance Ecclésiastique pour mafester son vœu dans une auiïi belle occasion.
7 Août. On dispute aujourd'hui plus férieurnent à M. l'abbé Sabbatier l'honneur d'avoir it le DiSlionnaire des trois Siecles : on veut l'il foit d'un certain abbé Martin, Vicaire de
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la Paroisse de St. André des Arts , chez lequel le premier alloit tous les matins se styler k.
s'instruire. Cette assertion est avancée hautement dans une nouvelle Brochure intitulée : Reflexions sur le Diflionnaire des trois Siccles, adressées à l'auteur même, par M. Du Parc ; ci-devant Jejliite. i S Août 1774. Plusieurs confreres de M. Gresles, c'est-à-dire les Académiciens Encyclopédistes, font furieux de son dernier discours à la réception de M. Suard, auquel il a répondu comme Directeur. On assure que ce dernier , qui n'étoit point venu à Paris depuis longtems , a été fort scandalisé de cette multitude de mots nouveaux formant la langue de grand nombre de sociétés , connue fous le nom de persiflage : ce qui a allumé sa bile, & a donné lieu à la sortie qu'il a faite contre le siecle. D'ailleurs , on fait qu'il est aujourd'hui dans la plus haute dévotion, & l'on veut que sa tête s'en ressente. En consequence ces Messieurs traitent de radotage tout ce qu'il a dit, & il faut convenir que son ouvrage , malgré les bonnes choses qu'il y avoit, méritoit un peu ce titre. Ils doivent se réunir pour engager M. Gresset à ne pas le publier. 5 8 Août. La musique d'Orphée & cf Euridice étoit depuis huit à dix ans imprimée à Paris, mais elle faisoit si peu de sensation que" l'imprimeur au bout de ce tems n'en avoit pas débité 12 Exemplaires. Il paroit cependant que tout le monde n'ignoroit pas cette mine d'har-' monie : on a été très-surpris de retrouver à b représentation que Mrs Philidor, Goflfec, FIo-" quet , &c. y a voient puisé à leur aise & quei
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morceaux entiers de leurs ouvrages s'y reivoient ; ce qui les rend un peu confus.
0 Août 1774. La grande sensation qu'a faite lison funebre par M. l'Abbé Rousseau , a prc; différens effets, suivant les affeétions de x qui l'ont entendu. Il paroît que le Clergé a été enchanté, puisque trois Evêques ont 1 retenu cet orateur pour prononcer successiient ce Discours dans leurs Dio-cefes. Il doit unencer par Meaux; puis il ira à Chartres, it il est chanoine , enfin il se tlnfportcra Provence , pour y monter dans la chaire de cathédrale d'Aix.
:1 Août. L'oraison funebre de Louis XV, M. l'Evêque de Seriez, est imprimée : elle écrite avec beaucoup plus de force, de fim;ité, de clarté , de noblesse, que celle de ,bé de Boismont; elle contient plus d'hiftoie & est enrichie de plus d'anecdqtes ; inais n'y remarque aucun de ces morceaux fails capables d'exciter la fermentation qui relit & d'empêcher l'apparition de cette piece loquence. Il ne parle de l'expulsion des Jécs & de la diflbludon du Parlement que raement & d'une maniéré très - décente , en nifeftant cependant son opinion sur l'un & itre de ces événemens, qui est l'opinion gé"lIe du Clergé ; & s'il n'a rien changé à ces droits, comme on l'a dit, c'auroit été mal à >pos qu'on se fût tant opposé à la publicité l'ouvrage. D'ailleurs , il s'est fournis à la ifure du Syndic Riballier, simple Dodeur SOfbonne.
II Août. L'exemple du Roi & des Prini ses freres a tellement mis en vogue l'i-
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floculation, que les inoculateurs ne peuven suffire au nombre de ceux qui requierent ku minifiere.
12 Août. Une prise qu'a eue le Chevalie Gluck avec le Prince de Henin chez Mlle. Ar noux, fait beaucoup de bruit. On raconte qu ce compositeur étoit chez elle à lui faire répété quelques morceaux avec d'autres muficiers lorsque le Prince arriva. Depuis la Corfuka tion plaisante du Comte de Lauragais qu'on peu se rappeler, on fait que ce Prince est l'aman de Mlle. Arnoux ; il trouva mauvais de voi tant de monde , il témoigna son humeur, 6 la fit rejaillir jusques sur la musique & su le musicien. Ce qui piqua vivement l'amourpropre de celui-ci , au point que bouillant dt colere il resta sur sa chaise & ne fit aucune attention au Seigneur en question. Celui-ci re.
marquant l'impertinence dit : mais il me „ semble que l'usage en France , lorsque quel.
„ qu'un , & surtout un homme de confidera„ tion , entre , est qu'on se lève,,. Alors Gluck n'y tenant plus, se lève, & venant au Prince: „ l'usage en Allemagne , Monsieur , lui rc„ pond-il, est de ne se lever que pour les gens 5, qu'on estime „. Et pendant que le Prince balbutioit quelqu'injure , le Chevalier se retournant vers Mlle. Arnoux : puisque vous 55 n'êtes pas maitresse chez vous, continue-t-il, „ je vous quitte & je n'y reviens plus ,.
1 ; Août 1774. L'Académie des Sciences avoit autrefois choisi pour son Ingénieur en instrumens de Mathématiques , le Sr. Langlois comme l'artiste le plus habile en ce genre. A la mort de celui-ci , elle avoit nommé le Sr.'
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anivet , son neveu : elle l'a perdu & elle f, ropofe de le remplacer par un concours qui, n excluant la faveur, laisse lieu au seul mérite e se distinguer. En conséquence elle propose h Prix de 2400 Livres , dont S. M. a bien oulu faire les fonds , qui servira comme de dédommagement des fraix dans lesquels le vainueur se fera constitué.
Le sujet du Prix est un quart de cercle de rois pieds de rayon , garni de toutes les pieces ui peuvent servir à le rendre d'un usage sur t commode , & accompagné d'un Mémoire conenant le détail des moyens qui auront été emrloyés pour le construire.
.i Les Instrumens & Mémoires feront reçus ufqu'au premier Mai 1777 , & le Prix fera rdjugé à la séance de la St. Martin suivante.
= 13 Août 1774. M. Suard , dans son discours le réception à l'Académie , en vantant les avan;ages de la Philosophie , la fait influer jusques tir les Souverains de nos jours, & lui attribue ,'abolition du Droit daubaine , qui effeétivenent s'étend beaucoup. On vient de publier plusieurs Lettres-patentes qui en font la preuve.
14 Août Adelalde de Hongri-e, nouvelle :ragédie de M.' Dorât, n'en: autre chose que ses deux Reines, Drame en prose non représenté & imprimé en 1770. Il ra mis en vers & en cinq aétes, & l'a exposé ainsi au grand jour du théâtre. L'absurdité de la fable de cette piece détruit toute l'illusion que pourroient produire quelques belles scenes nées de ses invraisemblances Tomanefques. La premiere scene feule a été fort applaudie , relativement à quelques
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vers dont on a saisi l'allusion aux circonstances présentées , entr'autres celui-ci : Je rends aux Tribunaux leur auguste exercice.
On ne fait trop comment le Censeur a laiflï passer ces endroits, qui reviennent peu au sujet , & semblent n'avoir été mis là que comme vers de rapport, propres à donner un véhicule à la tragédie.
1 S Août 1774-11 paroitque M. Gresset n'a pas eu égard aux représentations que ses confreres vouloient lui faire pour l'empêcher de publier son discours , qu'ils appeloient un rabachage.
Il est: imprimé , à peu près tel qu'il l'a prononcé, & il faut convenir qu'il est absolument indigne de son auteur.
16 Août. On plaifantoit après la mort du ; Roi l'abbé de Ste. Genevieve sur le peu de vertu de la châsse en cette occasion ; on a cité la réponre qu'il avoit faite : quelqu'un l'a tournée en épigramme. La voici : Sur Geneviève que l'on vante, Sur sa châsse dont autrefois 1 La découverte ou la descente Du ciel, en faveur de nos rois ► Suspendoient les fatales loix , f On faisoit mainte raillerie; A la Sainte on donnoit le tort, Quand le chef de sa léthargie N'y peut tenir, se lève & crie : ; Incrédules! n'elt-il pas mort ?
.j ,16 Aoû« t. Le Colysee est plus suivi cette
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inee que les précédentes , au moyen de dîerses ressources qu'employent les Direéteurs.
lier ils ont fait venir le Sr. Hyam, qui s'appelle 1 héros Anglois , renommé par ses exercices ms pareil , dont voici les principaux , qui exécutent effectivement avec beaucoup de extérité & d'agilité.
D'abord une fille âgée de cinq ans fait à cheal des choses surprenantes pour cet âge. Ati- * Ensuite Mile. Mazon, associée du héros Anlois, court au grand galop sur un cheval, se enant debout, un pied sur la felle & l'autre lied entre les deux oreilles du cheval; ensuîte Irend le bout de son pied dans sa main & court lans cette attitude ; ce qu'elle prétend n'avoir amais été fait par aucune femme d'Europe, îlle court encore sur deux chevaux'en pleine iourfe , se tenant debout" un pied sur chaque felle : enfin elle monte sur deux chevaux & aute par dessus la barriere.
f Le Sr. Hyam court sur un cheval au grand alop, se tenant debout sur un pied sur la feue, 5re un coup de pistolet & fait plusieurs fatrts m avant-& en arriéré. Il faute en bas de fou Sheval dans la courre, tire un coup de pistolet se faute, dessus la feHe. 11 fait plusieurs faut-s -de leffus la felle à terre & de la terre sur la felle en pleine course. Il faute en pleine course par fleltus son cheval. Etant en pleine course sur ton cheval, il amasse quelque chose à terre. H s'engage de balayer la terre avec la main étant sur son cheval , la longueur d'un quart de lielieIV son commandement il fait tomber son chenal parterre, comme s'il étoit mort, & étant de £ sous, à son commandement il le fait relever. 11
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court sur deux chevaux en pleine course, se : tenant debout, un pied sur chaque felle, fait, plusieurs sauts de dessus les selles , tourne le dos du côté de la tête des chevaux , tire un coup de pistolet, & au même inftantfe remet dans sa premiere position. Il se laisse tomber entre deux chevaux en pleine course, & faute de terre dessus la felle. Il monte deux chevaux en pleine course, & portant un enfant sur sa tête , fait plusieurs sauts dessus la felle & tire un coup de pistolet. Il court sur deux chevaux en pleine courfc) droit sur la felle, sans retenir les rênes, allant de même que la Cavalerie, lorsqu'elle va au combat, chargeant, amorçant son fusil plusieurs fois , & y mettant la bayonnette, & la remet ensuite dans son fourreau. Il court sur deux chevaux en pleine course, avec un pied dans chaque étrier , ayant ses genoux ployé s jufquà terre , faute des étriers à terre , & de la terre sur la felle. Il court sur deux chevaux en pleine course » faute par dessus un des deux j chevaux , & tombe sur la felle de l'autre che- val , & après faute une féconde fois par dessus les deux chevaux. Il court sur deux chevaux en pleine course, tourne le dos du côté de la tête aux deux chevaux & tire un coup de pistolet lorsqu'ils fautent par dessus la barriere. Il court sur deux chevaux en pleine course , une jambe.par dessus chaque felle, & en cette attitude faute par dessus la barriere, au même moment , met sa tête sur un cheval, & ses jambes sur l'autre , & fait un autre faut par dessus la barriere. Il court sur deux chevaux en pleine course, & offre de prendre deux chevaux de chasle qu'il n'aura jamais vus, & de les faire
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1 luter par dessus quelle hauteur ils soient capales de fauter, en se tenant debout avec un ied sur chaque felle. Il finit par représenter un tilleur à cheval , qui vient de Londres à Paris our y apprendre les modes.
1 Un enfant de huit ans sur un cheval , court i tête sur la felle , & les jambes en l'air.
Enfin il a un cheval très-extraordinaire , qui nite un chien en se tenant droit , étant alors His sur son derriere ; & y étant , l'exercice se \it avec tant d'adresse, que le maître se trouve ir son cheval , qui commence à courir.
Tous ces divers exercices , au nombre de 23 , ht singuliérement amusé l'assemblee & très-bien 111pli la séance.
f 18 Août 1774. La Police a forcé le Sr. Dott de retrancher du premier acte de sa tragéie différens endroits qui prêtaient à l'allusion t avoient fait beaucoup de sensation, entr'aules ces deux vers prononcés par Pépin à son ouronnement: f J'enchaîne la Discorde aux pieds de la Justice, Et rends aux Tribunaux leur auguste exercice, In a fait substituer & laisse aux tribunaux; ic. Quoi qu'il en foit , la piece , suivant la putume , est montée aux nues. La cabale de auteur y ell accourue de beaucoup renforcée.
)n a vu au milieu du parterre le Sr. Freron , onnant le ton à ses suppôts & s'épuisant à batre des mains. Au surplus, il y a quelques chanemens qui rendent la piece moins mauvaise, lais non moins absurde. Tous les gens de letres impartiaux conseillent au Sr, Dorat de ne,
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plus faire de tragédie, ce genre étant absolument au-dessus de ses forces.
18 AoÙt 1774. Le parti de 1\1. de la Harpe dans l'Académie Francoise ne pouvant cette année lui faire adjuger le Prix, qui, comme l'observe plaisamment Fréron , semble avoir été fondé pour lui , à cause d'autres pieces dont ils ne pouyoient mécennoître la supériorité, a cabalé pour empêcher du moins qu'il ne fut adjugé, & il est décidé qu'il n'y en aura pas.
19 Août. L'Avocat Falconet , qui n'avoit point fait parler de lui depuis le procès des Verons , répand aujourd'hui un Mémoire fort singulier. Il est pour le Sr. Thaïr Muphtà, de Tetouan , au Royaume de Maroc.
20 Aoîlt. Le fond d'un Mémoire de Me. de Ligny , Avocat, est excellent : on admire furtout son adresse à relever l'indignité de la conduite de M. le Procureur du Roi dans toute son affaire, en paroissant le combler de louanges,1 en vantant ses merveilleuses qualités & ses vertus; mais le style est du plus parfait ridicule,1 on en pourra juger par cet échantillon. j „ On n'entendra ici ni la voix du bruyant 35 exorde, ni les accens plaintifs de la touchantel 5, peroraison : c'est une plume , & non pas un 33 pinceau dont je veux faire usage. Mes phrases' j, ne feront point émaillées du coloris de la 33 rhétürique, que le fage doit Regarder comme 3, une vieille coquette, toujours parée de fleurs J 3, le plus souvent fanées. Ses adorateurs les ) plus chéris, qui parviennent à la rajeunir, ne s, font couronnés que de feuilles : le fruit est s, réservé à la noble fimplidté. D'ailleurs, il e n difficile de donner à Ion ençre une tonte de
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fose , quand on écrit en marchant sur des épines ,, Je ne cherche point à amuser le public ; je veux l'intéresser dans ma propre cause, & l'inftruire par un récit fidele & sans recherches.
Le fard & les parures de l'éloquence plaisent t à l'esprit , mais laissent le cœur oisif & la ! cause dans une brillante ftérili té. Je commence ,3.
2 Août 1774. Madame la Princefife de Henin t une jeune & jolie femme, qui a eu depuis :u la petite verole : ce qui a effarouché tous s adorateurs en grand nombre, même le Cheilier de Coigny. M. de Lisle , Capitaine de ragons , a profité de cette desèrtion pour tuner sa pointe , & voici comme il a ingéeusement fait sa déclaration fous le voile de llégorie fui vante :
La Rose £ *? VEtourneaii : fable.
L'aimable fille du printems, La Rose, à qui tout rend hommage, Vit au nombre de ses amans Un Etourneau du voisinage: Sans regret il avoit quitté De ses freres la troupe errante, Pour ranger son ame inconstante Sous l'empire de la beauté.
Perché sur un buisson d'épine Où la Rose tenolt sa cour, Il ne cessoit à la voisine De jurer un fidele amour;
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* Mille autres amans, lui dit-elle, Chaque jour m'en jurent autant; Mais, si je eefrois d'être belle Aucun d'eux ne feroit constant.
Ah ! dit l'oiseau , vous verriez naître En moi des feux toujours nouveaux i J'ose en prendre à témoin le maître Des Roses & des Etourneaux.
Le petit Dieu dans sa volée Entendit faire ce ferment, Il retient son soufle au moment Et la nature fut glacée : La Rose en perdit ses appas; Son éclat, sa fraîcheur pafrcrent; Zephirs, Papillons délogerent; L'Etourneau ne délogea pas : Calmez , lui dit-il, vos allarmes, Si mon cœur suffit à vos vœux, Il vous reste bien plus de charmes Qu'il n'en faut pour me rendre heureux.
Sans faire une épreuve nouvelle L'Amour étonné du fttccès, A la fleur rendit ses attraits Et l'oiseau seul fut aimé d'elle. -: De la Rose facilement • On devine la ressemblance, C'est moi qui fuis l'oiseau contant, Mais je n'ai pas sa récompense.
25 Août 1774. Le Sr, Torré annonce pont 1
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son auxhall , des Tournois, qui doivent avoir lieu aujourd'hui en l'honneur de la St. Louis, fête du Roi. On doute que ce fpedacle désigné foi s un titre pompeux , y réponde ; il exigeroit un local , des dépenses , une magnificence , que ne comportent point l'emplacement & la direction du Sr. Torré.
:: S ÂOlLt 1774. Le public est allé aujourd'hui voir en foule l'exposition des divers ouvrages qui , en Peinture, en Sculpture, en Architecture , ont paru dignes de concourir pour le Prix refpedtif accordé par chacune de ces Académies.
Le sujet de celui de Peinture est Stratonice.
Tout le monde fait que Démétrius voulait époufer cette Princesse, mais qu'instruit par un Médecin qu'Antiochus son fils malade périffoit d'amour pour elle , il la lui céda. On fent combien ces détails prêtent à la composition de l'artiste.
Le sacrifice d'Iphigénie étoit le sujet du Prix de Sculpture. La difficulté de rendre ce sujet sans copier les grands maîtres qui l'ont traité & rurtout le fameux trait de Timante, semble exiger un génie auquel ne peuvent atteindre des Eleves !
Enfin un projet de bains publics , avec des Sonnées convenues, a exercé les Elevts d'Architecture.
On a trouvé de bonnes choses dans ces divers ouvrages ; la Peinture est la partie la plus roible.
27 Août. Le Chevalier Gluck ne partira loint, comme ses partisans le craignoient. La Reine a enfin déployé fil protection envers lui; ïlie lui a fuie avoir 6000 Livres de penlion
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annuelle , & à chaque Opéra qu'il fera jouer, on lui en donnera autant.
2 Septembre 1774. Depuis quelques jours on avoit repandulle bruit que le S. Marin n'avo:t plus la Gazette de France, qu'il étoit remplacé par l'abbé Aubert. Celui-ci a effectivement parole de M. de Vergennes de remplacer leSr. Marin, s'il quitte , ou est renvoyé.
3 Septembre. Il court dans les rues une Chanson , telles que la Police en permet fouvent pour amuser le peuple. Le renvoi de M. le Chancelier a donné lieu d'en faire une sur le même air, qu'on appelle l'air de Famitié & que la populace chante aussi à la sourdine : Sur la route de Chatou Le peuple s'achemine Pour voir la f. mine Du Chancelier Maupeou, Sur la rou. sur la rou. sur la route de Chaton, &c.
On voit que tout le sel de cette plaisanterie grossiere confifle dans l'équivoque , auquel l'air donne lieu , & qui exprime le desir d'une canaille effrénée qui se déchaîne avec fureur contre les Aliniftres que la disgrace laisse exposés à son indignation.
4 Septembre. L'Académie de St. Luc est une fœur cadette de la grande Académie de Peinture , de Sculpture , &c. Ceux qui ne peuvent se faire recevoir de cette derniere , se repou ffent dans' l'autre , & s'efforcent en persectionnant leurs talens d'exciter la jalousie,
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les maîtres qui les ont dédaignés. C'est pour intrctenir une émulation utile que la premiere ait de tems en tems des Expositions, dans les nnées où la grande Académie n'expose pas. Il y en avoit pas eu depuis 1762. M. le Maruis de Voyer d'Argenson étoit alors ViceIruteéteur de cette Compagnie. M. de Paulmy, 'rotecleur en titre , a 'favorise l'exposition ui Ce fait aujourd'hui à l'hôtel Jabach ; car le eu de la scene n'est point fixe. Elle est nomreuse & présente 258 numéros ; ce qui fait nviron 100 de plus qu'en 1762 , puifquc la Collection de ce tems-là n'ctoit que de 163.
6 Septembre 1774. M. de Vennes, qui remlace M. le Clerc en qualité de premier Commis--- es Finances , ne l'imitera vraisemblablement as dans son luxe. La philosophie dont il est i daceur, le rendra traitable & modeste. Il est onnu pour avoir travaillé à des morceaux de Encyclopédie, ce qui donne une grande idée e ses lumieres & de sa sagesse. M. Turgot est Dili renommé pour son attachement à cette cole , ainsi que M. de Langeville , Directeur ES Bâtimens. Tous ces choix annoncent que 3n rend justice à cette Sede , qu'on avoit jircie dans l'esprit du feu Roi , en la peignant us les plus affreuses couleurs.
7 Septembre. M. de Pont- de- Vesse , frere J Comte d'Argental , Ministre de Parme en rance , vient de mourir. C'étoit un homme beaucoup d'esprit, auteur de plusieurs ouages agréables , mais surtout de quelques Coédies, presque les dernieres qui nous rappelnt le vrai genre. Il étoit extrêmement lie avec L. de Maurepas : ils avoient toujours vécu en-
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semble, ils avoient composé de ces folies de fociétc, où fous les apparences les plus frivoles regne une philosophie aimable, ornée de graces & pleine de gaité. Ils ne pafiïbient presque pas un jour sans se voir , & l'on peut juger combien cette séparation a dû être douloureuse pour le Ministre.
8 Septembre 1774. Le service de Notre Dame a eu lieu hier. Pendant l'oraison funebre le feu a pris à une gloire de l'autel ; mais les précautions étoient si bien prises , qu'à l'instant il a été éteint ; & l'orateur s'étant arrêté un moment , a continué avec la même présence d'esprit.
Suivant un usage qui n'a lieu que pour les Rois, l'extérieur de l'Eglise étoit précédé d'un periltile en décoration très-noble, composé de six colonnes d'ordre corinthien. On y voyoit en bas reliefs la représentation des événemens les plus glorieux du Regne de Louis XV, & le fond étoit chargé d'inscriptions tirées de l'Ecriture Sainte & relatives, foit à la vie, foit à la mort du Roi. L'entrée étoit pratiquée de façon qu'elle ressembloit à l'ouverture d'un antre funéraire. Cette architecture est de la composition du Sr. Chalier. On doit laisser le tout en place pendant quelques jours, pour que tout le peuple puisse se repaître successivement de ce lugubre [peétacle.
9 Septembre. M. de Vergennes vient de prévenir par une Lettre le Sr. Marin , que la Gazette de France alloit déformais être confiée à l'abbé Aubert, connu par des fables & autres petits ouvrages , actuellement chargé des petites affiches, & Professeur d'Eloquence j
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irançoife au College Royal. Il y a rédigé aussi )endant quelque tems le Journal de Trevoux , ntitulé aujourd'hui Journal des Beaux Arts.
IoSeptembre 1774. Quoi qu'en général on dise leu de bien de l'oraison funebre prononcée par \1. de la Luzerne, Evêque de Langres , on en :ite pourtant un morceau comme fupérieuretient fait : celui de la Régence. D'autres vanent encore une énumération oratoire , où l'aueur passant en revue les divers Regnes de la rance, veut prouver que celui de Louis XV ;st le tems où les Peuples ont été les plus ieuretix.
11 Septembre. On parle de l'Ordonnance lu Lieutenant de Police , qui renouvellant l'anciens Réglemens défend de tirer des fusées x d'en vendre. Ce premier monument de son idminiftration fera remarqué par l'Epigramme uivante, qui doit faire anecdote ; Pour son insigne fausseté, Le Roi de son Chancelier vient de faire justice, Mais du peuple la joie ayant trop éclaté, Ce Prince aime si fort l'austere vérité Que même à nos plaisirs il défend l'artifice.
12 Septembre. Les Comédiens François repetent actuellement les Amaris Généreux, nouvelle Comédie en cinq astes de M. Rochon de Chabanne , que cet auteur a composée pendant qu'il étoità la cour de Dresde , chargé des affaires du Roi. Elle roule sur un trait du Roi de Prusse , qui ne peut que faire honneur à ce Monarque.
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T 5 Septembre 1774. M. de Saint-foix, l'auteur de l'Oracle , des Graces & autres Comédies agréables, des EJJais hijîoriques sur Paris , & kiltoriographe de l'Ordre du Saint-Efpric , est dans un état de fanté déplorable, qui le fait condamner par la Médecine : on ne croit pas qu'il paffe l'automne. ;
16 Septembre. Depuis quelques jours on parle d'un pamphlet, où l'Oraison funebre de Louis XV par M. l'Evêque de Senez est fort maltraitée. Il a pour titre : ait Révérend Pere en Dieu, MeJJïre Jean de Beauvais, créé par le feu Roi Louis XV Evêque de Senez : il ne contient que 8 pages d'impression. On regarde cette Satyre comme une gaité de M. de Voltaire , auquel il faut toujours quelqu'un qu'il prenne ainsi à tâche pour servir de plastron à ses plaisanteries , souvent très-mordantes.
18 Septembre. Rien de plus singulier que les changemens continuels qu'éprouve le projet de la conftruétion d'une nouvelle Salle de Comédie Françoise. On croyoit qu'enfin il étoit arrêté irrévocablement. Le Sr. Moreau s'en flattoit , & pour mettre le gouvernement dans le cas de ne pouvoir se dédire, il faisoit prelïer les ouvrages commencés à l'hôtel de Condé avec vigueur. Il prétend qu'il y a déja pour cent mille écus de dépenses faites. Par une circonstance heureuse pour le Sr. Liégeon , le changement de Contrôleur général ranime son espoir, & fait de nouveau concourir son projet avec celui de l'Architecte de la ville. Un Sr. de la Croix , Secrétaire de M. Turgot , avoit eu connoiiïance du projet du Sr. Liégeon , l'avoit ité , lui avoit même écrit à cette occasion. Il
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f t profité du moment favorable pour mettre fous es yeux de M. Turgot les projets de dépenses les deux Salles , & pour faire voir à ce Ministre ;ombien celle du Sr. Moreau passeroit celle du Liégeon, au point que les avances déjà élites ne pouvoient empêcher de suspendre 'execution des travaux commencés , puisque e bénéfice feroit encore très - considerable. M.
Furgot a senti la vérité du premier coup-d'œil le ce parallele , & provisoirement , afin de se lonner le tems d'examiner la chose plus mûrenent, il vient de faire arrêter les travaux de 'hôtel de Condé.
20 Septembre 1774. On parloit depuis longems d'un Mandement de l'Evêque d'Alais lont on avoit arrêté le débit dans ce pays-ci ; ;e qui , suivant la coutume , a irrité les desirs les curieux. Il en a enfin percé quelques xemplaires. Il paroît que la fainte hardiefl'e lu Prélat a occasionné la proscription annonce. Voici les endroits qui ont pu ne pas plaire lu Gouvernement. Dans l'un le Prélat ne diflinule pas le débordement des mœurs du Roi, 1 dit : j „ La destinée de ce Prince est couverte à nos :, yeux d'un voile impénétrable , mais si les 3 foibleflfes & par conséquent les scandales qui 1" se font succédés sur le trône , ont été trop l' visibles pour être désavoués, leur réparation 1) n'a-t-elle pas été allez authentique pour nous „ donner les espérances les plus consolantes?
>, Que de témoins respectables ce Prince n'a„ t-il pas appelés pour en faire les dépositaires „ de ses regrets & les hérauts de sa pénitence!
n Que de voix se font entendre aujourd'hui
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M pour repéter l'amende honorable qu'a faite à 5, son peuple cet illustre Pénitent „ !
Le tableau fuivanra paru trop fort aux Courtisans.
„ Que le Monarque aime Dieu , & il aimera „ son Peuple & il portera aux pieds du trône 3, des regards bienfaisans , j ufqu'au fond de ces j, Provinces dont les tristes habitans manquent „ quelquefois de pain, ou le trempent souvent 3, dans leurs larmes. & l'on cessera bientôt 3, de voir le Royaume partagé, pour ainsi dire, 3, en deux classes ; dans l'une, les dépouilles 3, des Provinces servir de trophée au luxe & au 3, faste de quelques familles, méprisables autant a, par leur origine que par leurs mœurs, qui ne 3, voient jamais de superflu dans leur opulence; 3, tandis que dans l'autre des milliers de fa-1 33 milles, tirant à peine le nécessaire d'un travail s, pénible , semblent reprocher à la providence 35 cette humiliante iniquité". '1 Enfin , les allusions suivantes ont paru trop recherchées , quoique tirées de l'Ecriture , & capables d'occasionner de la fermentation dans un tems où le gouvernement ne paroissoit pas disposé au retour du Parlement. 1 3, Venez avec confiance & je vous exaucerai.
33 J'étendrai ma main pour ôter l'écume & l'é33 tain qui est en vous ; je rétablirai vos Juges 33 comme ils étoient auparavant ; vos Conseillers 3j rentreront dans leurs anciens droits „. 1 Du reste , cet ouvrage est écrit avec une éloquence noble , vigoureuse & patriotique ; c'est un des meilleurs , faits sur la mort du Roi.
22 Septembre 1774. Le nouvel ouvrage du Sieur Mercier qui fait bruit par la rareté & par
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l'impudence de ses assertions , a pour titre Théâtre, ou Nouvel Effaifur l'Art Dr civique. Les Chapitres 27 des foi-disant CriLes, & 29 , des Comédiens, font très-propres :tirer des ennemis à l'auteur; Dans le total :e traité il semble regarder le Drame comme chef- d'œuvre du théâtre par excellence, & tout quand il est bien romanesque, bien • , bien atroce. Il ne veut pas qu'on faffe dans la Comédie. Rien de plus ridicule que écrit, par l'air confiant de l'Ecrivain & par ton faftidique. A cette occasion on le recon.
pour Fauteur de l'An Deux Mille Quatre, t Ouarante.
3 Septembre 1774. Il paroît décidé que le Marin n'a plus la Censure de la Police, qu'on accordée au Sr. de Crebillon. Il faut qu'on réellement très-mécontent de cet homme , que pour la place de Gazetier, comme pour 2-ci , on lui a refusé la grace qu'il deman.
de paroître se retirer, donner sa démission , )btenir une pénsion en conséquence. On re qu'il n'a aucun traitement. M. le Noir t à Madame la Comtesse de Cruflol , qui citoit pour lui : Madame, j'admire votre aurage , votre générosité ; vous êtes la :ule qui ayez la bonté de me parler pour ît homme-là „.
4. Septembre. On admire au Sallon de Sr.' le portrait de Mlle. Dubois, exposé depuis ; il est d'un Sr. de Saint-Aubin. Elle est efentee en Melpomene. La vérité de l'ex[ion, la beauté des étoffes , le précieux ;oloris, des chairs vives & animées , tout l cet ouvrage digne de figurer ailfeurs qu'au
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Salion de FAcadcn-ue de Saint-Luc. Ce Pot ti est daté de 1769. On lit au bas le quatr; suivant : Le myrte , le laurier me parent tour à tour , De tous côtés ma victoire est certaine Et je soumets à Melpomene Les cœurs échappés à l'Amour.
26 Septembre 1774. Un plaisant a fait i accolade des quatre Minières disgraciés , d; une Epigramme, intitulée le Vinaigre de S qi tre voleurs.
Ami, connoissez-vous l'enseigne ridicule Qu'un peintre de St. Luc fait pour desparfumen Il met en un flacon, en forme de pillule, Boynes, Maupeou, Terrai, fous leurs propres couleu Il y joint d'Aiguillon, & puis il l'intitule : Vinaigre des quatre voleurs.
27 Septembre. Le petit Pamphlet de M.
Voltaire , intitulé de l'Encyclopédie, est la p aimable gaîté qui lui ait échappe depuis loi tems. Point d'âcreté , point d'humeur, un p fiflage léger & du meilleur ton , le vrai st d'un homme de cour. Aussi efl-ce-là q place ses interlocuteurs, puisque la feene el Trianon. Ils font Louis XV , le Duc de la 1 liere, le Duc de Nivernois , Madame de Pc padour , le Comte de Coigny. Il s'éleve tr'eux une difeuffion sur la meilleure poudr tirer : tous conviennent ne pas savoir un 11 de la maryere dont elle se fabrique. On regre t'Encyçlopédie, que S. M. a fait arrêter, &
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,ntenoit tous ces détails utiles. Le Roi, pbup justifier , ordonne qu'on aille chercher ce îc, abominable. On l'apporte , on y trouve ) meilleures choses du monde & sur toutes les atieres. Le dénouement est un regret du Morque d'avoir méconnu si longtems l'excellence un livre dont les Etrangers ont déja fait quaéditions, qui leur ont valu 1800,000 écus.
est sur ce foible cannevas que le Philosophe puye sa morale exquise.
28 Septembre 1774. On allure que Me. Lintet se plaignant amerement de n'avoir rien reçu M. le Duc d'Aiguillon , ni honoraires ni ote&ion , pour le zele avec lequel il l'a déidu si éloquemment dans son procès si célee , ne recevant pas même de réponse à ses licitations, a fait un Mémoire manuscrit, ur mettre les Ledeurs dans son parti : il )porte des Lettres, qui deviennent piquantes ns les circonstances aétuelles. On connaît ailleurs l'energie du style de cet Ecrivain , & fougue lorsqu'il est agité de quelque passion )Iente.
29 Septembre. Le Caissier de la Comédie ihenne vient de prendre la fuite, & fait aux teurs une banqueroute d'environ soooo Liïs : un Receveur particulier a suivi cet exem> & emporte 10,000 Livres.
;o Septembre. On peut se rappeler l'histoire la Poule au Pot. Elle a occasionné le quatrain vant :
Enfin la poule au pot fera donc bientôt mise ; On doit du moins le présumer,
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Car depuis deux cent ans qu'on nous l'avoit proml On n'a cesse de la plumer.
1 Octobre 1774. Vers à quelqu'un qui dema, doit ce qu'on disoit du Roi à Paris.
Ami, notre jeune Monarque, En véritable Télémaque, A pris le Bon Sens pour Mentor, Et pour Conseil l'Expérience, La Probité, la Prévoyance: L'Economie, est son trésor.
Il a pour Femme la Tendrcffe, Tous ses Sujets pour ses cnfans, Et la Vérité pour Maîtresse.
Que deviendront les Courtisans?
S'il est possible, honnêtes gens.
Entre toutes les fadeurs débitées sur le noi veau regne , il faut convenir que celle-ci e sans contredit la meilleure, par la justesse d( pensées , la vérité de l'allégorie -, & surtout pc une chûte heureuse & piquante.
6 Otlobre. Les Amans généreux , cette Ce médie que devoient jouer les François , for rétardés par l'indisposition d'un aéteur. On fai aujourd'hui que le fond de la piece roule sur u trait de la vie du Roi de Prusse. Il a fallu qu l'auteur eut en conséquence l'agrément du Ba ron de Goltz.
8 Oélobre. On parle d'un projet pou empêcher les glaces de venir jusqu'à Paris, ; causer le ravage des débâcles si dangereux. M SPreot , qui le connoit & le presume trss j
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utile , veut le faire essayer en petit cette année sur la Marne , & l'on va travailler à son exécution.
9 Octobre 1774. Le Roi paroît vouloir prendre une infpeétion particulière sur la Gazette de France , il a ordonné qu'on lui en envoyât régulièrement les Epreuves.
12 OaObrf. Le projet dont on a parlé & qui devoit paraître beaucoup plutôt , n'a etc retardé que par les formalités dont on l'a voulu revêtir pour lui donner plus d'authenticité.
Quoiqu'il ne foit pas d'usage d'accorder un privilège pour ces fortes de pamphlets, celui-ci en a un qui passera au fccau demain , & rien n'empêchera pour- lors qu'il ne foit répandu dans le public. On juge par les précautions du gouvernement pour lui donner de la vogue & de la confiance , combien il le favorise déjà & le trouve bon. 11 a pour titre : Plan d'oppqfition économique & d'administration des Finances , présenté à Monseigneur Turgot, Minière Contrôleur-général des Finances, par M. Richard des Glanieres. Cet auteur montre une Lettre du Ministre, en date du 13 Septembre , qui prouve le vœu de ce dernier. La voici : ,, Lorsque je vous dis, Monsieur , de faire „ imprimer votre projet , c'étoit pour mettre ,, le public à portée de le juger. Je fuis donc ,, bien éloigné de m'opposer à la distribution „ des exemplaires , & vous êtes bien le maître ,, de la commencer aussitôt que votre ouvrage ,, fera imprimé.
„ Je fuis , Monsieur , entièrement à vous , [ Signé2 Turgot.
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15 Ollobrc 1774. Le projet pour empêcher la Seine de se glacer dans Paris , est de M. de Parcieux & a été lu à l'Académie des Sciences, il y a quelques années. Il consiste en une quantité de pieces de bois attachées ensemble & amarrées de l'un & de l'autre bord avec des chaînes de fer. Ces poutres traverseront toute la largeur de la riviere , y feront flottantes & feront armées de tranchans , qui rompront l'impétuosité des glaçons & les briferont à leur arrivée. M. Turgot a mandé le Prévôt des marchands & la ville pour leur faire part de ce projet, & leur enjoindre de se préparer à en commencer l'exécution sur la Marne, vers l'endroit où elle se jette dans la Seine. Si cette premiere partie du projet réussit, on exécutera la féconde dans la Seine même , vers le Port à l'Anglois.
14 Oflobre. Les Amans généreux ont enfin été joués hier avec un succès mérité. Le fond est historique , à ce qu'affure l'auteur. Il est question' d'un officier accusé d'exaétions auprès du Roi de Prusse aétuel, qui sur les premiers indices cru coupable , avoit été à la veille d'être dégradé, & , la religion du Monarque mieux instruite , fut trouvé digne par ce Souverain des marques de son estime & de sa reconnoissance. C'est sur ce cannevas très-simple que M. Rochon a bâti sa fable , bien arrangée , pleine de mouvement , où tout se développe avec aisance & clarté. On y trouve la peinture nouvelle des mœurs allemandes, & par un art très - difficile le comique & le pathétique s'y réunifient sans un contraste trop dur. Tous les perfonages de la piece font vertueux , ians
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"il en résulte aucune monotonie insipide. Les acteres font extrêmement bien soutenus , & dénouement un des plus heureux, des plus tes & des plus imprévus qu'il y ait au théâCette Comédie fait beaucoup d'honneur au ëte, & lui donne droit de prétendre au preer rang parmi nos jeunes Comiques.
i ç OBobre 1774. La querelle survenue entre Lie. Arnoux & Mlle. Raucoux a dégénéré en e guerre ouverte. Le Sr. Bellenger, deffinair des Menus & amant de la premiere , a s fait & cause pour elle contre le Marquis Villette , Chevalier de la féconde , & les Dpos ont été si vifs de la part du premier , e celui - ci a voulu en venir aux voies de t & écraser Je poliçon qui osoit lui tenir :e. Cette scene s'étattt paiTcS presence beaucoup de témoins , Bellenger craignant ressentiment du Marquis , a porté plainte ntre lui au criminel. Cependant des médians se font interposés entr'eux , & par un "angement bien ridicule on est convenu que deux rivaux se préfenteroient l'un contre utre l'épée à la main , & qu'on les fépareroit : qui a été fait. C'eil à l'occauon de ce racmmodement burlesque , qu'a été écrite la rifanterie suivante.
traÍt de la Gazette de Berne, article de Paris , 6 OElobre 1774.
On écrit de Lesbos une nouvelle qui paroît oir beaucoup de fondement : la Souveraine cette isle [1], qui est , dit- on , cujointe
(1) Mlle. Raucoux.
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avec le Prince Lapon, ci devant Patagon [2J cwnnu par ses arriere-exploits, fait cllgratuler ce Prince sur ce qu'il vient d'être cupris dans le traité de pets a/clu entre les Turcs & Ruflcs en cusidération des services postérieurs qu'il a rendus dans les guerres des Pays-Bas & des vœux cutinuels qu'il a faits pour que les Turcs nous tournaient le derriere. Les parties clltractantes font cuvenues dans la conférence de Buchareft de cucéder au dit Prince Lapon l'isle de Chio , telle qu'elle se cllporte avec son Cl/tour, pour en jouir, à l'exception des dépendances, pour lui & ses hoirs en ligne directe , mais masculine. La dite isle cucédée a été érigée en cuféquence en Cuté & Vicuté , aux cuditions cutenues dans la Cuvention, dont suivent les articles les plus cufiderables.
Primo. La Souveraineté du Seigneur Cute & Vicwte de Chio cttprendra toutes les Cllquêtes des Russes dans cette partie de l'Archipel. 4 Secudo. Il n'y aura dans l'isle que le seul culte des Cuformistes.
Tertio. La garde du Seigneur Cute & Vicute fera cwpofée d'habitans d'Ancula, Florence, Rome & autres villes circuvoifines, à l'exclulion feulement de ceux de la Marche d'Ancone, qui ne pourront jamais servir fous le dit Seigneur Cute & Vicllte.
Cuarto. On cuferera tous les Cures de l'isle ;
(z) Le Marquis de Villette. Il est d'une petite taille, & dans une querelle qu'il avoit dernièrement contre un homme plus poltron que lui , il disoit qu'il avoit six pieds contre lui; de-là les délignations 4e Lafon & de Patagon. 1 !
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an réformera les Confesseurs, on ne cwfentira jamais à l'ctabliffement d'aucune Confrairie ; mais on curentira à la cufirmation des Constitu tions des Jésuites.
Cllinto. Ledit Seigneur Cute & Vicute fera Général né de l'Arriere-garde des Cufédérés & elle fera tenue d'y cllparoître toutes les fois qu'ils feront cu vaqués & de cucourir en tout au bien caramun.
Sexto. Les revenus du Seigneur Cute & ViClltc de Chio feront cuftitués sur tous les Particuliers ayant droit de latrines, fosses d'aisance, vidanges, &c. lesquelles Cutributions feront payées artant à l'hôtel de son Cutrôle particulier.
Septimo. Enfin le Seigneur Cute & Yicute, au moyen de ladite érection , & Cuceffion, fera tenu de renoncer à tous les droits sur l'isle Maquerelle ; en dédommagement de quoi on lui a cuferé la propriété du Bourget & de la Villettc, avec permission d'en porter le nom & les armes.
On peut juger, au surplus, par cette facétie qui amuse beaucoup de Sociétés, du délire qui a tourné les têtes pour une aussi platte querelle.
1 S Oélobre 1774. M. le Chevalier Laurés vient d'adresser à M. le Comte de Maurepas une petite piece de vers, intitulée le Songe.
C'est une allégorie ingénieuse de l'état où étoit la France & de celui où elle se trouve. Il y a beaucoup de poésie & d'harmonie dans cet Duvrage. Les louanges ainsi enveloppées ne font point fades, d'autant qu'elles ont pour fondement la vérité,
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16 Octobre 1774. Tous les Financiers font furieux contre le projet de M. Richard des Clanicres. Les Fermiers généraux surtout ne peuvent digérer une petite puérilité qu'il s'est permise sur leur compte. On fait que l'on les appelle par dérision les Colonnes de l'Etat. L'auteur , en soutenant cette allégorie , présence dans son ouvrage deux estampes : l'une est une Colonne minée par les fondemens, percée à jour de toutes parts, dégradée & vacillante sur sa bafe : l'autre est une Colonne bien droite , ferme , solide, n'ayant que l'ouverture nécessaire ; & il joint une explication à l'une & à l'autre figure , par laquelle la premiere désigne l'administration ancienne, dont il énonce les vices principaux ; la féconde , la nouvelle administration , dont il fait voir les qualités essentielles.
Au surplus, ce projet qui présente un tableau de huit cent millions de revenus pour le Roi, en divisant les sujets de S. M., qu'il porte à 3 8 Millions , en huit classes, depuis 3 Livres, jusqu'a 500 Livres par tête, n'a rien de neuf, & n'est que la RicheJJe de l'Etat de M. Rouffil, Confeiïler au Parlement, qui a paru il y a dix ou douze ans & occasionna tant de fermentation. Celui-ci n'avoit que 8 pages in-40. & portoit un caraétere de simplicité plus séduisant. Celui-là a ; s pages in-4 0. & contient beaucoup plus de détails & de calculs, qui annonceroient plus d'érudition s'ils étoient jufies.
17 Oélobre. L'affaire de M. Linguet avec M. le Duc d'Aiguillon ne. fait pas honneur au premier. Il est constant qu'il avoit reçu mille Louis de cet illustre accusé pour le défendre , que depuis sa disgrace il l'a fait assigner comme
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l n'en avoit pas été payé, & qu'il a produis Mémoire énorme de ses prétentions, monit à plus de soixante mille francs. Que M. le ic d'Aiguillon craignant de reparoître sur la îne, aime mieux payer & qu'il s'est déja acitté en partie.
18 Octobre 1774. On affure que le projet de M.
chard des Glanieres est arrêté, & qu'il ne se nd plus que clandellinement, ce qui l'a fait icherir de beaucoup. On s'informe de la perimé depuis qu'il en est question, & après pluurs recherches il se trouve que c'est un hom2 qui a été dans les emplois, qui en a eu de 1118, mais qui a marché en rétrogradant & est il à l'aise aujourd'hui. Quand on lui conteste elque point de son projet, il le défend avec ialeur , mais non avec grande force ou étente de raisonnement. Il ne paroît pas foncé mme il devroit l'être sur une pareille mare, d'où bien des gens concluent que le 0 jet n'est pas de lui, qu'il n'est qu'un prêteom.
20 Oc7obre. Les Comédiens François viennt de perdre un asseur distingué en la pernne du Sr. Feulie. Il faisoit certains rôles de ilets gais, pour lesquels il avoit une aisance, le vérité , un masque unique. Il est mort de petite vérole, pour avoir été traité à la maere moderne.
22 Ollo/Ju. On a fait des Commande mens i Roi à son Garde des Sceaux. Onr voit sément qu'ils font calqués sur ceux de Henri V à son petit-fils. Cependant ils contiennent jelques anecdotes relatives à ce Chef adhiel e la Justice, qui les rendent précieux. Les voici :
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!.t"ommemdemens de Louis XVI, à M. de Miromenil, Garde des Sceauxt Ton seul Prince tu serviras, Après les Loix premièrement.
Jamais ne te parjureras Comme Maupeou vilainement.
Les Sceaux, de ton mieux garderas, En les appliquant justement.
Le Parlement rétabliras - Pour exister plus longuement, Charges point ne supprimeras Qu'en rebourfant loyalement.
Toujours la vérité diras, Sans crainte aucune absolument.
Paillard honteux toujours feras, Puisque ne peux-être autrement.
Mais avec ta femme vivras Pour bon exemple feulements Teus ses travers excuseras, Pour qu'on l'excuse également..
Ainsi glorieux tu feras Dans l'histoire éternellement..
Pour l'intelligence de ceci il faut savoir que-: M. de Miromenil a été obligé de faire enfermer sa femme pour ses déréglemens.
24 Octobre 1774. Le Mémoire de Monsieur au }\Ql contre le Parlement est très-vrai. Il a été ternis à S. M. la veille du départ pour Fontai,.
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ebleau. C'est le Sr. Cromot & le Sr. de .Fon; ette, l'un Surintendant des finances , bâtiens , arts & jardins , & l'autre Chancelier , IGarde des Sceaux, Chef du Conseil de ce Prin..
e , qui passent pour auteurs de cet ouvrage. Il st intitulé : Mes Idées.
z S Octobre 1774. M. de Bernieres, ancien Contrôleur-généra l des ponts & chauffées, connu par rdiverfes machines qu'il a Imagmees, - s est proposé de faire un miroir ardent, tel que celui qu'on impute à Archimede. Il en a fait l'essai , il y a quelques jours, dans le Jardin de l'Infante , donnant sur la riviere, & il paroît que ses foins n'ont point été infructueux. Il doit încessamment en réitérer les opérations en préfence de M. M. de l'Académie des Sciences, auxquels il fera voir la machine.
26 Octobre. On parle d'une Estampe intitulée : La France sauvée, qui a été arrêtée par la Police. On y voyoit Louis XV au tombeau , & le Chancelier en fuite, poursuivi par la Justice , armée de son glaive. Les Peuples, par leurs acclamations , sembloient témoigner leur joie. On conçoit qu'on ne pouvoit tolérer une carricature aussi indécente , quoique portant de grands caraéteres de vérité.
27 Octore. L'Oraifonfun-ebrede LouisXV, prononcée dans FEglife de Toulouse, le 7 Septembre dernier , par l'Abbé Vemal, Grand Vicaire de M. l'Archevêque, est sans contredit urt très-beau discours. On admire comment, en présence du Parlement même, il a gémi sur les malheurs de la Magistrature , & formé des.
!» vœux pour le rétablissement de Pancienne.
za Qflobre* Le Sr. Artaud, auteur de la eo*
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niédîe intitulée : La Centenaire, & Bibliothécaire de M. le Duc de Duras , vient d'être chassé de chez ce Seigneur , pour escroqueries & vols qu'il a faits. On a découvert qu'il avoit vendu plusieurs livres de la Bibiiotheque.
31 Oilobre 1774. Le premier cahier du Journal de Politique & de Littérature de Me. Linguet, contenant les principaux événemens de toutes les Cours, les nouvelles de la République des Lettres, paroît depuis le 25 de ce mois. On y trouve un long préambule, où cet auteur gonflé de vent, égoïfe à son ordinaire & ne parle que de lui. Il prétend qu'il vouloit garder l'incognito & qu'une méprise iinguliere a divulgué son secret , &c. Il ne conte point cette méprise : on peut la mettre au rang de ces supposîtions gratuites, de ces mensonges habituels, qu'il se permet en écrivant, Il rassure ses ennemis sur leurs craintes qu'il n'abusât du sceptre de la critique dont il s'empare aujourd'hui , & que , fuivantfes expressions, il ne la transformât en poignard ; il se compare modestement à Adrien &à Louis XII, & dit à ses prétendus persécuteurs littéraires : vous voilà sauvés.
31 Oflobre. Le pauvre diable de Baculard d'Arnaud reparoît encore sur la feene, par une Requête à M. le Lieutenant Criminel contre le Cerf Levy, Mérouville & leurs adhérens.
Il y parle au nom de sa femme aussi &; du Sr.
le n.,c, son ami. C'est la fuite de son affaire à l'occasion des Lettres de change , faites à un Juif pour fonds nécessaires à l'impression d'une nouvelle Edition de ce poëte , que l'usurier devoit fournir, qu'il n'a point donnés , & qu'il s réclamés cependant. C'eû aujourd'hui contre
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n Memoire que le Sr. d'Arnaud revient, s'y 'étendant injurié, calomnié , ainsi que sa feme & son ami.
i Novembre 1774. On dit que le Journal des James recommenqoit depuis cette année, & ie le privilege en avoit été accordé à une cerjne Baronne de Prinzen , fort entichée de la anie de faire des vers, & remplissant ce Joural de ses insipides productions. Cette Dame trouvait, il y a peu de tems , dans une pete Société littéraire, où chacun a la liberté 5 produire ses ouvrages. Un Sr. Gilbert, poëte ans toute la valeur du terme , qui ne manque as de talent , & furtont est doué d'une chaur singuliere ; telle qu'il a l'air d'un énergulene en recitant ses opuscules , lisoit une piece p poësie de sa façon. La Baronne, sans égaro Dur l'amour-propre de l'auteur, causoit & oit avec une grande indécence pendant cette fcture, au point que le Sr. Gilbert s'en apercevant & ne pouvant y tenir de rage , met pn papier sur la table , & regardant Madame ie Prinzen , lui adresse le quatrain suivant : [h ! Prinzen, par pitié, daignez du moins m'entendre, (ni, mes vers font d'un froid & d'un lourd sans égal; dais le mal que je fais vous pouvez me le rendre : Faites-moi quelque jour lire votre Journal.
2 Novembre. M. l'abbé Beaudeau , Ecolomiite , dans les mêmes principes que JVÎ. Richard des Glacieres, mais qui a plus de tête , olus de méthode, plus de raifonneflient & plus le style, vient de lui faire une réponse, dont le prévalent les ennemis du projet, mais qui,
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au fond, n'en est que la confirmation, plu: fage, plus réfléchie & plus développée. 3 Novembre 1774. On écrit de Vienne que l'Empereur s'est piqué d'émulation envers le Che.
valier Gluck; qu'il ne veut pas que ce musicien distingué quitte sa cour, & que pour l'y atta.
cher il lui fait aussi deux mille écus de pension mais en même tems, pour ne pas le priver de; avantages qu'il retire en France , il lui permei d'y venir tous les ans faire exécuter quelqu'un de ses ouvrages.
5 Novembre. Dans l'Estampe satyrique dom on a parlé, on voit en outre Madame Dubarr frappant à la porte d'un couvent, & Louis XV-.
rayonnant de gloire.
6 Novembre. Le nouvel Opéra du Sr. Lo Monnier, dont la musique est de Floquet , Î; pour titre : Alozan, ou les femmes indifcrcttes Il doit avoir lieu le 1 s de ce mois.
9 Novembre 1774. Il paroît des Lettres à iir, ami sur la destruction des Jesuites. Ce qui rend; ces Lettres précieuses, outre qu'elles font très.
bien faites, c'est qu'elles ont été compofces par ordre de M. le Duc d'Aiguillon, lorsqu'il étoil; Ministre des Affaires Etrangères. Ce Seigneur voyant toutes les Puissances, & surtout celle de la maison de Bourbon conjurées contre la: Société, a cru devoir se laver de l'attachement pour elle dont on l'accusoit, & il a jugé ne: pouvoir mieux prouver son impartialité qu'en chargeant quelqu'un de tirer au clair les griefs de cette Société, & les motifs de la nécessité.
de sa deftrudtion.
10 Novembre. Mrs Diderot & Grimm font!
revenus de leurs longues courses, Ils font, ¡¡I
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krïvcs chargés des présens de la magnifique Souveraine qui les avoit appelés, & de différens [Princes à la cour desquels ils ont paffé.
12 Novembre 1774. On a commencé à l'Opéra les répétitions d'Azolan en trois actes. Le poëme a paru triste , la musique médiocre , [quant à la partie charmante, beaucoup de ballets & d'assez belles choses dans cette partie.
1 Novembre. On cite le bon mot suivant 3e M. de Maurepas au Lit de Justice : ce Ministre s'étant montré dans la grand'chambre , M. d'Aguesseau, le Doyen du Conreil, a paru mrpris de sa venue , & lui a déclaré qu'il ne oouvoit avoir aucun rang dans ce cérémonial.
„.e Ministre l'a raÍfuré en lui apprenant qu'il venoit feulement lanterner. En effet, il s'est tlacé comme incognito dans une lanterne.
14 Novembre. Par un abus né de la corjuption des mœurs de la capitale, lorsqu'une iemme vouloit se soustraire à l'empire de son nari, une fille à l'autorité de son pere ou de à mere , elle se faisoit inscrire sur la lifte des illes de l'opéra , & sans avoir aucun talent ni clifpofition pour le théâtre, elle devenoit libre I.e vivre dans le désordre , sans que la police fût avoir infpe&ion chez elle à cet égard & la aire retourner fous la puissance de ceux de qui flle dépendoit. S. M. instruite de cet abus, & Joulant rétablir, autant qu'il eftpoffible, dans me grande ville, le bon ordre & l'honnêteté ïes moeurs , vient d'abolir ce règlement désftable.
:- IS Novembre. L'Henri IV, de M. du t.ozoy, a été joué lundi à la comédie italienne.
sa fable de ce drame Lyrique roule sur un in-
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cognito de ce Prince, genre de plaisir auquel il aimoit à se livrer, mais dont l'auteur n'a pas tiré pour la galanterie tout le parti possible ; qui d'ailleurs ne présente rien de neuf, après les situations du Roi & le Fermier, & celles de la Partie de Chasse de M. Collé. Celui-ci a lieu peu avant la bataille d'Ivry & n'est motivé de la part de S. M. que sur une disposition militaire qu'il veut faire ; ensorte que l'amour ne devient qu'épisodique dans la piece , & n'échauffe que des perfonages subalternes. La bienfaisance d'Henri , son courage , ion fang froid dans les aétions périlleuses, font les principales qualités que l'auteur lui fait déployer ici. Il a saisi quantité de traits, sentences & bons mots de la vie de son héros, qu'il accroche de droite & de gauche & qu'il place ainsi.
Le dialogue est donc excellent, toutes les fois que M. Du Rofoy fait parler Henri IV d'aprèa lui-mcme & d'après l'histoire ; mais toutes less fois qu'il veut mettre du fien, donner de fond esprit à ce Monarque, & lui inspirer des ma-l drigaux, rien de plus froid & de plus ridicule..
On ne trouve pas moins extravagant de faire chanter à Henri IV son plan de bataille. Le seul moment où l'on eut pu donner au Roi ce genre^ de gaîté , c'étoit à table ; car il y a aussi un repas : ce qui devient bien trivial après ceui^ des deux pieces déjà citées, & dont il ne résulte pas d'ailleurs les allusions ingénieuses » les détails piquans & l'aimable enjouement des autres. A bien discuter cette piece , il n'y a donc eu aucun mérite à la composer, & tout le succès est dans le titre.
La musique, du Sr. Martini, est peu analo.
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E au Drame, & sembleroit n'être pas fait jur s'y adapter en beaucoup d'endroits. Il y a bendant de jolies choses. Le moment de la ille, qui se donne entre le 2d. & le 3 e.
ie , & dont on entendoit le bruit dans le irain , produit de l'effet. C'est une invention reuse ; c'est l'endroit le mieux senti de la : du Musicien, quoiqu'il ne foit pas pouffé point de perfection où il pouvoit aller.
n a semblé généralement assez content du Clairval, qui jouoit le rôle d'Henri IV. Cet ur qui n'avoit pas reparu depuis longtems , t pensé être enlevé au public par une mae très-grave , & a été revu avec un nouveau il r.
7 Novembre 1774. Les comédiens François Eant les Italiens les primer, pour offrir au lie Henri IV, n'ont point voulu rester en rc. Ils se font pressés de se mettre en état pouer la Partie de Chasse de M. Collé, & [l'ont exécutée hier. Quoique cette piece, [trimée depuis longtems & jouée partout, sist -connue, on ne peut rendre l'empressement jpublic pour la voir à ce théâtre, où pour: elle n'a pas fait la sensation qu'on atten:. Beaucoup de monde dans les coulisses , la foule des spectateurs s'est rendue, ne want se répandre ailleurs : une nuit qui n'a nt été exécutée , quelques défauts dans le jume , des atteurs mal servis par leur méTe, ont contribué au défaut d'illusion. D'ailBrizard n'a pas rendu le rôle d'Henri IV i parfaitement qu'on l'eût cru.
8 XÓvembrc. Lettre à un Duc & Pair.
IF cczzc brochure , de plus de 6p pa.
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ges, on discute d'une maniere claire & préc tout ce qu'ont osé dire les prêtres depuis p d'un siecle pour établir leur empire au méf des Loix & des Magistrats qui en font les orj nés. L'auteur conduit leurs intrigues jufqi aux derniers événemens, dont il prétend qu ont été les auteurs : il n'hésite point à leur i puter tous les maux que notre auguste Monarc vient de réparer. Il rappelle tout ce que le partisans ont fait pour empêcher cette gloriel époque de sa sagesse & de sa bienfaisance. Ce Lettre, fort noblement écrite , part [ûremc d'un homme très-instruit. Elle est datée 30 Septembre dernier.
18 Novembre 1774 M. l'abbé de Voifenoi Membre de l'Académie Françoise , est mala dangereusement. Il est sujet à des attaqi d'asthme qui, quoique très-violens , se pafft promtement, & le laissent ensuite dans l'éi de fanté le plus parfait. Mais cette fois craint pour l'hydropisie de poitrine.
19 Novembre. Mes réflexions, sur les Idt d'un Inamovible & Compagnie. Oflobre 17' Tel est le titre d'une réfutation du Mémo: intitulé : Mes Idées, que l'auteur feint d'att buer à Me. Gin, pour pouvoir le refuter pl à son aise & plus gaîment. Quoique la disci fion ne foit pas en regle & complette , iltoni sur les endroits les plus saillans de l'ouvra & tourne le Conseiller parfaitement en ridiez Il fait voir aussi l'odieux de ces Idées. Ce pe pamphlet est assez légèrement fait , & fera" avec d'autant plus de plaisir qu'il est court..
Clergé n'y est point épargné & y reçoit f coup de patte , relativement au zele qu'il
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noigné pour le soutien des InamovibJes; voulant les identifier avec la religion, qu'il étend devoir s'écrouler avec eux. L'abbé :rrai y figure aussi, & sa phrase dont Mefprs se glorifient, lui attirent une épisode où [ sarcasme & l'indignation se succedent tour, :our. On y joint quelques anecdotes piquais Ê & propres à réveiller les amateurs.
'19 Novembre 1774. La premiere Lettre à un ni sur la destruction des JlJuites, datée du ovembre 1775 , n'embrasse que leur systême léologique , & quoique très-importante pour ftifier l'ouvrage du Saint-Pere , est peu amutite, peu intéressante conséquemment pour r plupart des Lecteurs.
La Seconde est un Commentaire du Bref de sément XIV. Elle embrasse conséquemment us un coup d'œil plus général cette deftrucfn. Elle discute tous les griefs énoncés dans Bulle, & prouve que la Société a justement érité sa suppression totale.
Par la nature & les carafteres de son régime.' sPar fbn ambition excessive pour tout envahir.
tpar une cupidité effrénée pour amasser des ;hesses.
[Par les troubles qu'ont excité dans l'Eglise 1 nouveautés en matiere de doétrine.
Par le renversement scandaleux de tous les ëncipes de la Morale.
■ Par la perte de la Religion dans les Missions.
* Par sa révolte persévérante contre toute au.
rité.
< Enfin par ses intrigues , ses cabales dans ssos les Etats.
tIg ces points font développés ensuite aves
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beaucoup d'étendue & soutenus par une multitude de citations historiques & d'anecdotes recueillies par l'auteur dans les différens Etats d'où les Jésuites ont été expulsés. Mais son bal essentiel est d'éclairer sur une assertion que ses membres dispersés affedtent de répandre er France : savoir , que n'y ayant plus de Jésuite; en ce Royaume , la publication du Bref etoii inutile. L'auteur prétend, au contraire , qu'i est essentiel de donner sur ce Bref des Lettre: patentes , qui légalement enrégistrées afiuren la pleine & entiere exécution de la Conftitutior Dominus, parce que l'extinction de la Socicct ne peut être secrette, mais publique ; que le connoissance en doit être légale, pour la ren dre obligatoire & règle de conduite ; qu'elle ni peut être regle suivant nos libertés, sans l'avoi rendue notoire, & qu'elle ne peut être notoin sans Lettres patentes. En un mot, qu'il est in dispensable d'ôter ainsi aux membres dispersé de l'Ordre , la faculté de corrompre encore pa l'enseignement public ou la direction secrette 20 Novembre 1774. Pour entendre l'acroi tiche suivant, il faut savoir que le nom de bap tême de M. de Maupeou est René, & que 1 12 Novembre, jour où le Parlementa été renii dans ses fonctions, est celui où l'on célebre 1 fête de ce Saint.
J¡dcqois pour ton bouquet ce grand événement ; trjn ce jour solemnel renaît le Parlement.
Xoti, , l'on ne pouvoit pas mieux célébrer ta fête tot pour la completter, il y faudroit ta tête.
On voit par cette petite pièce de vers qui
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les esprits ne font pas encore aussi calmes que e defireroit le Gouvernement. La suivante en t une nouvelle preuve. 4 Louis vouloit être Titus ; Mais Maupeou vouloit le contraire, Car il comptoit pour jours perdus , Tous ceux qu'il passoit sans mal faire , Mais le coq n'en perdoit gueres.
I 23 Novembre 1774. M. Dorat vient de faire primer trois Epitres nouvelles. L'une à Themis : elle roule sur le retour du Parlement , l'auteur finit par voir réalisé l'âge d'or, que 'imagination fabuleuse d'Ovide avoit esquissé.
1 y a beaucoup de facilité dans cet ouvrage , ine marche , un plan , des détails qui annonClil: des connoiiTances de l'histoire & des diverres législations des Etats de l'Europe, anciens & nouveaux. On ne peut y trouver à Redire qu'un caraétere d'adulation trop marqué.
!: Le fécond ouvrage est un Dialogue entre Vcgafc & M. Clément. L'auteur avertit que Ton but est de venger M. de Voltaire des attentats de ce critique ; c'est le prétexte. Mais M.
Dorat a patte aussi fous cette coupelle, & son amour-propre est aussi chatouilleux qu'un au:re. Il est fort à craindre que sa facétie ne lui Concilie pas le Vieillard de Ferney , & ne révei lie l'Aristarque , bien propre à donner de nouvelles mortifications à M. Dorât. Du reste , la fable de cette Diatribe est absolument calquée sur celle du Dialogue entre Pégase & un 'Vieillard de M. de Voltaire, & l'on ne voit pas trop comment est amené ce cheval aîlé, t
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dont la brusque incartade est mal motivée ; il y a quelque défaut de sens commun dans le plan & la marche de ce petit poème.
La troisieme Epitre est adressée à M. de Chamfort , après la lecture de son Eloge de la Fontaine. Elle est foible de choses & de coloris , ne porte sur rien. On juge que M. Dorat a pris la plume avant d'avoir bien concu ce qu'il avoit à dire. 1 21 Novembre 1774. L'Académie Royale de Musique a donné hier la premiere représentation d'Azolall, ballet héroïque en trois aétes, ou le ferment indifèret. On a remarqué dans le Parterre visiblement deux partis; ce qui empêche de fixer encore une opinion certaine sur cet ouvrage. La pantomime de Bacchus & d'Ariadne n'a point souffert d'indécision, & a été généralement applaudie. 1 24 Novembre. Il se répand une nouvelle brochure , intitulée : Les derniers soupirs du soidijant Parlement. C'est une réfutation de l'Arrêté du 19 Octobre , dont on disseque chaque phrase & qu'on décompose en 11 articles. Au bas de chacun est la réfutation. On ne peut qu'applaudir aux bons principes de l'Auteur & à la solidité de ces raisonnemens, mais on defireroit qu'il ne les eût pas entrelardés de mauvasse plaisanterie , toujours déplacée dans un .ouvrage de difeuflion sérieuse ,& plus indécente vis-à-vis de gens qui ne peuvent plus répondre.
A la fuite est une réponse aux Quejlions du tripot , au nombre de 10. Ce font celles répandues avec l'Arrêté susdit & qui y étoienfe jointes. Même logique & point de turlupinaîles, ce qui n'est que mieux, 4 8:
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A la tête du pamphlet, on voit en ordre métrique une multitude de petites têtes figunt l'assemblée du Tripot. Elles font autour un quarré vuide. Au milieu est celle du Chantier , & autour cette épigraphe : Oiiid. nobis perefl Jinan JufPiria Maupeou !
27 Novembre 1774. Une Lettre de M. VArlevêque d'Utrecht è? de M. M. les Evêques de arlem & de Deventer , Je s suffragans, à r. VArchevêque de Toulouse, fait grand bruit i dans un certain monde & surtout parmi les mféniftes. Elle est écrite au sujet du rapport ; M. de Brienne contre le Concile d'Utrecht ; 1705 , fait dans l'Assemblée générale du lergé de France 1765 & de la censure qui en été la fuite. Elle est bien écrite & encore ieux raisonnée.
28 Novembre. Il paroit qu'on n'a pas été mtent de la nouvelle expédition de M. de erguelen pour les Terres Australes ; qu'on l'acife de mauvaise foi, de cupidité , & qu'il a é mis au Conseil de guerre , dont ses amis aignent le résultat pour lui.
29 Novembre. La Lettre de M. r Archevête cf Utrecht , &c. contient d'abord une ainte de ce Prélat & de ses confreres au sujet y l'entreprise de l'Assemblée du Clergé de mnee , dont on démontre l'irrégularité & l'inIrice. On prouve que les faits historiques énonP dans le décret font altérés ou controuvés: 1 releve les méprises groifferes sur les Memes du Concile, les faux reproches sur les arties de Dodtrine adoptés par le Concile. 011 et voir qu'il n'y a ni omissions essentielles , ni tiences affectées, ni nouveautés de langage,
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encKjrc moins des erreurs. On refute les vain déclamations , uniquement fondées sur le d cret de Rome contre ledit Concile , décr manifestement obreptice & subreptice. On eppofe l'applaudissement universel que c Actes ont reçu dans toutes les parties del'égli Catholique. On retorque l'accusation de l t prit de parti qui regne tout entier dan3 la ce fure de l'assemblée du Clergé de France. C finit par des réflexions sur le prononcé, où vérité , la justice, la sincérité font si cruel] nient offensées.
Il feroit difficile ,de trouver un ouvra de controverse mieux fait que cette Lettn datée d'Lftrecht , le 20 Mars 1774. Elle écrite avec une modération rare dans les d putes théologiques. On y trouve , qui pl dt , une politesse , une urbanité de mœurs de style, qui doit faire regretter à nos Préle de recevoir une pareille leçon des Prélats H( îandois , à qui notre langue & ncrtre amen' littéraire devroient être étrangères. M. l'Arche vêque de Toulouse y est fpéciaîement convai eu de l'ignorance la plus crade ou de la ira vasse foi la plus décidée, & ce petit écrit n à jamais l'opprobre du Clergé de France, j JO Novembre 1774. Le Parlement est rem lundi dernier 28 Novembre. Il y a eu ce qu' appelle Les harangues ; c'est-à-dire, un d cours du Premier Président qui a roulé sur l mour du devoir ; un du premier Avocat gér ral SeguÍer, sur la gloire ; & enfin une 1 ponfe des Avocats , qu'a fait Me. Target.
De tous ces discours prononcés devant d aiïemblée très-brillante & très-nombreuse , < 1
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Lui de M. Seguier a fait le plus de bruit par son affectation à ramener sur la scene le Chancelier Maupeou , dont il fait le portrait à plusieurs fois , & toujours avec beaucoup de variété , d'énergie & de vérité. Il paroît que l'endroit le plus frappant & le plus remarqué du public est celui où il a comparé ce Chef suprême de la Magistrature à un rocher, qui frappé des rayons du ioleil en impose de loin , par l'éclat, l'impienfité de sa marre, par le prestige qu'il occasionne aux yeux, mais qui , dès que l'astre se retire , n'offre plus qu'un fpeétacle hideux & effrayant.
i Décembre 1774. L'opéra SAzolan , que les mauvais plaisans appellent désolant , excite une guerre vive entre les partisans de Floquet & ceux de Gluck. Ces derniers intriguent tellement , que l'orchestre fait de son mieux pour faire tomber l'ouvrage du compositeur François, par son éxécution gauche & capable de désorienter les chanteurs & même les danseurs.
C'est au point que le mardi, jour de la quatrième représentation , les Directeurs n'ont pas eu cent louïs de rétribution. Le pauvre floquet a été obligé de faire des bassesses auprès de ces menetriers, pour les solliciter en a faveur & leur faire oublier les choses dures qu'il leur avoit dites dans ses momens d'humeur. Les défenseurs de ce Musicien , en convenant de la superiorité des talens de l'Allemand, ajoutent qu'il y a de très-jolis morceaux dans Azolan, & qu'enfin on doit encourager un jeune homme qui n'a que 24 ans , & ne pas le comparer à un compositeur confonimé de 60 ans.
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2 Décembre 1774. M. Dupré de St. Maur
Maître des Comptes, & l'un des 40 del'Académie Francoise , vient de mourir à près de 8c ans. On ne connoissoit de lui qu'une Traduction de Milion , encore qu'on lui conteste. Son Essai sur les Monnoies de France, n'est point un titre littéraire, & en général il passoit poui un homme très-médiocre. Sa femme a beaucoup plus de prétentions au bel esprit. C'est une des virtuoses renommées de cette capitale.
3 Décemhre. Il paroît un Précis hijioriqut de la vie de Ãladame la Comtesse Dubarri, Cet ouvrage, que les colporteurs n'auroient pas osé débiter plutôt, perce ici , mais ne répond pas à l'empressement des curieux. Très-peu de faits, presque tous faux ou défigurés, se trouvent noyés dans un amas de réflexions & de dissertations morales, qui font de cet écrit galant un très-ennuyeux sermon. De pareils Mémoires ne peuvent être bien ccmpofés que par quelqu'un de la cour, à portée de connaître toutes les anecdotes de la vie de cette Courtisanne, comme la qualifie allez malignement l'auteur , qui a quelquefois, mais rarement , de bonnes plaisanteries. Du reste, un style incorreét, lourd, des phrases d'une longueur à perte d'haleine , fatiguent le lecteur & l'obligent à quitter souvent cette brochure , d'un volume assez mince , puisqu'elle n'a pas 90 pacres.
On voit à la tête un portrait de Madame Dubarri , aussi défiguré que son histoire.
Suivant quelques passages du livre , tirés ds.
r Anglois , dont on cite le texte, il y auroifc dans cette langue un écrit de la même nature , mais dont le ïéda&eur ne fçroit ras mieux 41f1
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ruit, puirqu'il ne fournit rien de bon à son opifte. Il est à efpércr' qu'un jour on aura la ie de la Comtesse. en question , rendue d'une açon plus intéressante & plus détaillée pour le ond & pour la forme.
4 Décembre 1774. Azolan, malgré la forte abale contraire , & les mauvaises intentions les adteurs & de l'Orchestre se soutient & cquiert même des partisans. il paroît nécessaire l'en faire un plus grand détail.
L'épigraphe du poëme composé par le Sr.
.e Monnier, tiré du Conte de M. de Voltaire ntitulé Azolan, caractérise à merveille en deux rers tout le sujet : Tant d'honneurs & tant d'opulence N'étoient rien sans lin peu d'amour.
En effet, Azolan comblé de tous ces biens, condition de renoncer au dernier , se trouve plus malheureux des mortels, n'y peut tenir, k se livre à une passion irrésistible. Il en est iuni par le Génie qui lui avoit imposé la fatale oi, & l'Amour, auteur de son parjure, le délommage & le soustrait au supplice du tyran.
Tel est le cadre heureux de ce Ballet héroïue , dont les paroles malheureusement ne épondent pas au sujet, & font médiocres, prefue toujours & souvent détestables.
Le morceau vraiment intéreiTant de l'Opéra, ï qui attire les SpeCtateurs, est la Pantomime lu fécond Acle. L'Amour , pour faire voir à Izolan qu'il n'est pas aussi effrayant qu'on le ui a dépeint , par une iilufion soudaine ftit etracer à ses yeux les amours de Baccluis &
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d'Ariane. Ce Poème pittoresque en quatre Actes , est exécuté principalement par le Sr.
Vestris & la Dlle. Guimard. Rien de plus majestueux que le premier, rien de plus séduisant que la féconde, & le développement de cet épisode s'exécute avec une pompe & une prccifion auxquelles on ne peut rien ajouter.
S Décembre 1774. Entre toutes les plaisanteries qui éclosent journellement sur les événemens du moment, on distingue deux chanfuns ; l'une , du grand faiseur le Sr. Collé , intitulées : Les Revenons, sur l'air , chansons, chansons.
Il faut savoir, pour l'intelligence de cette facétie, que M. le Chancelier se feryoit de cette expreiffon en parlant du Parlement exilé , & qua-,1 il vouloit enrôler quelqu'un dans sa nouvelle milice, il lui disoit : N'ayez pas peur des Revenons.
L'autre est sur l'air : Vous m'entendez bien, & roule sur la transformation de Messieurs du nouveau Parlement en Grand Conseil, sur les honneurs du mortier, du manteau herminé , de la robe rouge , &c. qui leur tiennent au cœur , & auxquels ils ont peine à renoncer.
7 Déccmbre. La ville de Rouen , pour témoigner à M. le Garde des Sceaux sa vive reconnoissance du rétablissement du Parlement , a arrêté qu'il feroit placé dans le Sanétuaire de la Justice l'effigie en marbre de M. de Miromenil, représenté en pied. Les principaux habitans se font cottifés sur le champ pour contribuer aux fraix de ce monument, & par cet empressement ont ôté au plus grand nombre la liberté & le plaisir de le faire.
9 Décembre. Les partisans du Sr. FIo-
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net se cottlfent pour lui faire faire un voyage Italie, dans l'espoir que ce jeune musicien se terfeftionnera par la Gomparaifon.
t 10 Décembre 1774. Extrait d'une Lettre d'Aliensdu j Décembre. Vous voulez un. détail cironstancié du projet du Canal qui se construit in Picardie, & des avantages qu'il doit procurer Fia Province. Le voici.
; La Somme , qui prend sa source dans la Picardie , & la traverse pour se perdre dans la mer lui baigne ses côtes, se refusoit à la navigation Lifques à Amiens, par l'épanchement de les aux dans les campagnes , dans un coure de 20 eues. Là commence une navigation difficile [ques à Abbeville , où les flots de la mer tiennent chercher les bâteaux qui descendent k apportent ceux des Ports de Saint Valeri & du CrotoL É On avoit anciennement formé le projet d'une Navigation soutenue dans la partie supérieure e la Somme , & perfectionnée dans ses parties inférieures , pour reunir les deux extrémités par un commerce général, communiquant avec ta mer.
f M. Laurent a perfectionné ce projet. Il a été commencé fous sa direction , & elt déjà exécuté en partie par la construction d'un Canal sur la rive gauche de la Somme , qui se réunit '!vec elle dans ses parties navigables, Ife produira une navigation de 34 lieues sur cette riviere & une communication directe avec la mer.
g Mais cette navigation particulière à la Picardie , devient, par l'entreprise la plus hardie ide l'indultrie humaine , un point nouveau de
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réunion des principaux fleuves du royaume Se de tous les canaux qui s'y joignent. La Somme placée entre YOiJe & l' Escaut , communique avec ce premier fleuve par l'ancien canal de Picardie, connu fous le nom de Canal de la Fere. Sa jonttion avec YEfcaut ne pouvoit se faire que par un canal de 14 lieues de longueur1, au moins, en prenant la Somme dans l'endroit où elle est navigable près de Saint Quentin, & en perçant ce Canal en ligne droite , pour réunir les deux fleuves au-deflfus de Cambrai.
Mais la nature fembloic avoir mis à ce projet des obstacles insurmontables parades chaînes de montagnes ou d'élévations, que l'on ne pouvoit éviter que par un détour de huit à neuf lieues, qui auroit entraîné des travaux immenses , enlevé à l'agriculture beaucoup de terres précieuses , & qui auroit exigé la conftruclioti & l'entretien d'un grand nombre d'Ecluses pour former up niveau de communication entre les deux rivieres , dont les hauteurs ont 60 pieds de différence.
M. Laurent , après avoir fondé les profondeurs , reconnu la qualité du terrein , mesuré les pentes des deux rivieres, calculé les difficultés , a démontré la possibilité de percer ces élévations en ligne droite , par un Canal souterrain propre à la navigation. Sa longueur doit être de 7,000 toises , fous des maIres de plus tic 200 pieds dans quelques endroits. L'exécu- !
tion heureuse de cet ouvrage confirme la sagesse de ses combinaisons, & en affure le succès. Í
Le Canal entre fous terre près de Hesdin, à une lieue au Nord de Saint OiientinIl reçoit J'air & la lumiere par des puits creu[és de 100) l'air & la lumiere p ar des puits creusés de 100
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toises en cent toises, qui fervent en même tenïs à l'extraétion du débris des fouilles. La voûte est taillée en plein ceintre dans les couches pierreuses à travers lesquelles on pénétre. Elles ont toute la solidité nécessaire dans la plus grande partie des terreins où les excavations font faites. Mais dans ceux où l'on craindroit les éboulemens , la voûte fera soutenue par des arcs de maçonnerie. Sa hauteur est de 20 pieds & sa largeur de 16 , indépendamment des banquettes ou trotoirs ménagés au - dessus du niveau de l'eau , pour servir de chemins aux haleurs ou tireurs de bateaux.
> L'entrée & la sortie de ce Canal fouterrein font décorées de deux portes triomphales, élevées à la gloire du Roi. Déja l'on a percé plus de SlO00 toises , dont une partie , conduite à sa perfeétion, est l'objet de la curiosité des voyageurs.
L'utilité de cet ouvrage consiste à former la jonction de YEfcaut & des Canaux par lesquels ce fleuve prend sa navigation dans toute la Flandre, la Hollande & les Pays-Bas* avec la Somme , VOiJe , la Seine, la Loire & l'Tonne , qui communiquent à ce grand nombre de riches Provinces qu'elles parcourent, tous le& avan.
tages d'un commerce si général & de leur débouché dans la mer.
13 Décembre 1774. Un Conseiller au Parlement de Rouen , ancien confrere de M. de Miromenil, a excité sa verve en une aussi belle occasion & lui a adresse une Epitre en vers, où à travers beaucoup d'incorrections dûes en grande partie , sans doute , à l'infidélité des copistes, on trouve de très-beaux vers, des
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images fQrt poétiques & deux portraits de M.
le Comte de Maurepas & le Chancelier , qui contrastent à merveille par leur vérité. Il feroit à souhaiter que cet ouvrage, purgé à l'inipreflion de toutes ses fautes , parut dans son véritable éclat. Il ne peut que faire beaucoup d'honneur au talent du poëte.
14 Décembre 1774. On a parlé de la Chanson des Revenans de M. Collé. L'abbé de Lattaignant a ranimé sa Mufe décrépite à cette occasion , & a adresse à l'auteur le couplet suivant , trèsgalant. Il est du même mètre que ceux de la chanson en question & sur le même air.
Est-ce Anacréon, est-ce Horace, Qui chantoit ces vers pleins de grâce, Dans son printems ?
Collé, recevez-en la gloire, Ou vous nous forcerez à croire Aux Revenans iç Décembre. Le Roi est venu hier pofer la premiere pierre des Ecoles de Chirurgie.
Ce monument est presque fini , & doit faire honneur à son architeifte le Sr. Gondouin, quoiqu'il y ait deux grands défauts. Le premier, que le périftile immense & qui annonce un vaste edifice , est suivi d'une cour trop petite, & conduit à un corps de logis qui ne répond pas à cette magnificence. Le fécond , c'est qu'il manque de point de vue. On espere remédier à ce dernier inconvénient, en faisant devant ce bâtiment une place , au moyen de l'Eglise des Cordeliers qu'on abattra en partie.
S. M. s'en rendue à Paris par les nouveaux
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boulevards. Elle a traversé au milieu des acclamations d'un peuple immense. En s'en allant ille a pasle par devant l'hôtel de la Monnoie , sâtiment d'un autre genre & qui a des beautés DIUS miles & plus solides.
17 De xcmhre 1774. On écrit de Genève qu'on y p-oit un Journal historique de la Révolution opérée dans la Constitution, de la Monarchie Françoise , par M. de Maupeou, Chancelier de France. Cet ouvrage a plusieurs volumes , S: va jusqu'à la réunion des Princes à la cour, en Décembre 177). Il est en forme de Tablettes, jour par jour , & contient des anecdotes trèspiquantes. On ajoute que ce n'est qu'une contrefaction de l'uriginal, imprimé vraifemblablernent en Angleterre , dans des tems plus critiques.
18 Décembre. On a parlé de la Po Il le au pot, bon mot occasionné par le Rçfuri-exit trouvé à la ilatue d'Henri IV. Il a donné Si eu à une Epigramme qui n'est pas finp, mais énergique: Grace au bon Roi qui Tegae en Frasce, Nous allons voir la poule au pot i Cette poule, .t'efi: la Finance, Que plumera le bon Turgot.
Pour cuire cette chair maudite, Il faut la grève pour marmite Et l'abbé Terrai pour fagot.
19 Décembre. Les Speétacles orrt recomanencé à la cour sur le petit théâtre , le jeudi 15, lendemain du deuil quitté. Les Bals com-
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Smencent chez la Reine aujourd'hui lundi 19, & auront lieu à pareil jour chaque semaine.
L'uniforme est pour les Dames un Domino de taffetas blanc , garni de gaze. Les hommes doivent avoir un habit de velours bleu, une veste blanche , brodée en bleu.
zo Décembre 1774. On peut se rappeler certains Dialogues de l'abbé Galliani, sur le commerce des crains, où il plaifantoittrès-lestement les Economistes. Deux coryphées de ce parti lui vouloient répondre; l'abbé Beaudcau , dont l'ouvrage fut arrêté à la féconde feuille d'impression , & l'abbé Morellet , dont l'ouvrage imprimé fut enfermé à la Bastille. Le Ministere favorisoit alors le premier ouvrage , composé par ses ordres , à ce que prétendent les adversaires de l'Italien ; & pour la composition duquel ils veulent qu'il ait reçu cent Louis. Les principes du Gouvernement ayant changé , l'ouvrage de M. l'Abbé Morellet est forti de la Bastille & est aujpurd'hui en vente.
21 Décembre. M. le Chevalier de Chatellux, auteur la Félicité publique , de comédies jouées en société , & l'un des coryphées du parti Encyclopédique , briguoit fortement pour avoir la place vacante à l'Académie Franqaife par la mort de M. Dupré de St. Maur; mais ayant su que M. de Malesherbes se mettoit sur les rangs, il s'est désisté de ses prétentions, & tous les suffrages doivent se réunir sur ce Magistrat, non moins recommandable par l'éloquence de ses discours que par la fermeté de sa conduite.
On attend avec impatience l'expiration des six semaines nécessaires avant de procéder à VElediort
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I 22 Décembre 1774. Extrait d'une Lettre de erney, du 8 Décembre 1774. M. de Voltaire sest un homme si illustre que tout en est intétressant. Je vais donc entrer dans des détails qui [paroîtroient minutieux en tout autre cas. Sa "vie ordinaire est de rester dans son lit jusqu'à tmidi. Il se leve & reçoit du monde jusqu'à rdeux heures , ou travaille. 11 va se promener sen carosse jusqu'à quatre, dans ses bois ou à la campagne, avec son Secrétaire , & presque [toujours sans autre compagnie. Il ne dîne point, :prend du caffé ou du chocolat. Il travaille juf¡qu'à huit , & se montre alors pour souper , quand sa fanté le lui permet. On remarque de:puis cet automne qu'elle est bien chancelante, ^qu'elle varie d'un jour à l'autre ; qu'il est si :foible à certains jours , qu'il est hors d'état de :paroître, &que le lendemain on ne s'en apperiçoit plus. Il est d'une gaîté charmante. J'ai 'visité & compté sa Bibliothèque : elle est de 16,210 volumes. Il y en a beaucoup de médiolores , surtout en fait d'hifioire. Il n'y a'pas 30 rvolumes de romans mais presque taus ces [livres font précieux par les Notes dont M. de Yoltaire les a chargés. Il a 150,000 Livres de [rentes, dont une grande partie gagnée sur les Taiffeaux. La dépense de sa maison se monte à 40,000 Livres environ : on en met 20,000 [Livres pour le gaspillage , les incidens , &c.
[Reftent 90,000 Livres, qu'il araaffe ou place.
[Il fait bâtir beaucoup de maisons , qu'il loue à' )deux &tlemi pour cent. Il commande une maîsson à son maçon , comme un autre eommanjderoit une paire de souliers à son cordonnier.
tll a grande envie que Ferney devienne confia
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derable : il secourt les habitans & leur fait tout le bien possible. En général , c'est lui qui se mêle de toute l'administration extérieure & intérieure de son bien. Madame Denis n'y a rien à voir & ne s'en mêle aucunement. J'ai visité l'église, & le tombeau de ce Philosophe , qui est dans le cimetiere attenant l'égliie , de pierre de taille & simple.
23 Décembre 1774- Extrait d'une autre Lettre de Ferney , du 10 Décembre. Nous avons reçu le procès - verbal du Lit de Juilice. On a lu devant M. de Voltaire les Edits ; il a tout admiré , & sur-tout celui concernant le rétablissement du Parlement de Paris , dont les articles lui ont paru très-propres à brider cette Compagnie. Il fait un grand éloge de M. le Comte de Maurepas. Quant à M. Turgot, il est payé pour cela ; c'est son ancien ami & partisan. Il en a reçu ces jours-ci une Lettre de 4 pages , qui l'a comblé de joie. Mais ce qui l'a plus affetflé encore , c'est une réponse qu'il a reçue de M, de Buffon , auquel il avait écrit.
Je fuis bien aise de vous apprendre que ces deux grands hommes se font réconciliés. On en fait l'honneur à Madame de Florian , mais la gloire en est due à M. Guénaut de Montbeliard.
Pour revenir aux détails intérieurs, vous feriez surpris comment le Sr. Vaniere , qui de poftilion du Philosophe de Ferney est devenu son Secrétaire & son ami, peut suffire seul aux écritures immenses qu'il a.
Une des choses qui font le plus d'honneur à M. de Voltaire , c'est le foin qu'il prend de faire fleurir son village. Il y établit une manufadure de montres, qu'il protégé par son crédic
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bar son argent. Et 1773 il est forti de C5 Ri 4,000 montres, faisant un commerce d'enton 400,000 Livres. Il y a 12 maîtres Horigcrs. 11 y a entr'autres un M. Delfin, beauère du fameux l'Epine, auteur d'une pendule irieufe qu'il a présentée au feu Roi, comme C lui , & qui est réellement l'ouvrage de {mtre.
: P. S. JMe Voltaire a reçu ces jours-ci de uifie un mouchoir , sur lequel est représentée histoire des Jéfuitcs.
24 Décembre 1774. L'Henri IV de M. Du lofoy , joué devant le Roi la semaine derniere, 'a pas reçu l'approbation de ce Monarque. Il ; ère scandalisé de la façon peu digne dont l'autur fait figurer ce Prince enplufieurs endroits,.
l S. M. a déclaré que si les représentations n'en.
toient pas aussi avancées , elleferoit arrêta ce Ira me lyrique.
Ces jours derniers un provincial dans le parhre , émerveillé de la piece, demandoit quel n étoit l'auteur? Quelqu'un lui répondit: u c'est „ Henri IV. - Oui, le héros de la piece, mais l'auteur ? — Henri IV , vous dis-je :1 ne put en tirer autre chose, & ce bon mot reul indique combien est nul le mérite du poëte.
zi Décenibi-c. Les Bals de la Reine ont fecommencé le lundi 19. Jusqu'à présent il n'y avoit été admis que des femmes. S. M. ayant ru envie d'y admettra des DemoifelJes, on a Eompulfé les régimes pour savoir si cela feroit conforme à l'étiquette ; on en a trouvé des exemples. & enconféquence six Demoiselles ont seu entrée dans l'assemblée.
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S6 Décembre 1774. Lettre du Chancelier Meaupeou à fil. de filiromeniL, Garde des Sceaux. Ce pamphlet manuferit est daté de Thuy le 10 Octobre , terre qu'a nouvellement acquise le Chef de la Magistrature , & où il a choisi le domicile principal de son exil. C'est un des ouvrages les plus adroitement faits en sa faveur. On y a parfaitement pris la tournure de son génie & de son style. Il cherche à y prouver que tout ce qui se fait aujourd'hui J , n'est que le résultat de ses dispositions éloignées , & que si l'autorité du Roi est consolidée, malgré le retour du Parlement, c'est a lui qu'est dû cet heureux accord. Il se disculpe sur les maux passagers qu'il a été obligé de faire , toujours inévitables dans les révolutions pcomtes & necessaires. Il fait un portrait du feu Roi , malheureusement trop ressemblant à celui qu'en tracera l'histoire. Il rend justice aux excellentes qualités du jeune Monarque. Il traite un peu lestement M. le Comte de Maurepas , & rabaisse tant qu'il peut la gloire de M. de Miromenil , qu'il appelle plaisamment , & avec ce ton de familiarité qui lui est ordinaire , Jon Vicaire. On trouve beaucoup de finesse, de légéreté , de vérité , dans cet ouvrage , où les deux partis font prefqu'également maltraités. On ne doute pas qu'il ne foit im-' primé incessamment, vu la multitude de copies & la curiosité générale du public, pour cette facétie interessante & amusante. j 26 Décembre. On déplore le fort d'un jeune Peintre en miniature, qui touché des ri-" gueurs de sa maicreffe s'est jbleffé à ses yeux & en est mort,
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I 26 Décembre 1774. M. la Grange de Checieux, Senfeur Royal , vient de mourir. C'étoit un nomme de Lettres très-obscur , remarquable feulement par sa bifarrerie de mettre en vers Ecossaise de M. de Voltaire & de la faire louer aux Italiens.
26 Décembre. M. de Malesherbes ne s'est oas mis sur les rangs : cfeft par une admiration' extraordinaire des hautes qualités de ce Magifrrat que l'Académie , s'élevant au-dessus des relies , a arrêté de le recevoir, & de l'inviter à venir prendre place dans son fein.
II 27 Décembre. On a parlé de la chanron des rUevenans de M. Collé. On parle d'une Reponje oeaucoup mieux faite pour la partie technique, où il y a plus de causticité.
b 27 Décembre. M. Quesnay, Docteur en Médecine, mais plus connu par ses écrits sur les matieres d'agriculture & d'adminitfration , le Chef de la Sede des Economistes , celui qu'ils lippeloient par excellence le Maître , est mort, Il y a quelque tems, & laisse une dignité à remolir, à 1 laquelle ces Meilleurs n'ont point encore nommé.
p 2% Décembre. On vient de faire un Vaudeville sur l'Air : Chansons, chcinfons , &c. On seroit d'abord tenté de le croire fabriqué par quelque ifnancier enragé contre M. Turgot & rlui voudroit donner une opinion défavorable de ses projets pour l'amélioration des revenus de ["Etat & le rétablissement du crédit public, en.
fiaifant regarder comme des contes tout ce qu'on iiit de consolant à cet égard ; mais comme il y 'L beaucoup de gaieté, au fait cette chanson est lolus maligne que méchante.
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29 Décembre 1774. On a fait depuis peu Fex-1 périence qu'on avoit proposé de commencer sur I la Marne -pour arrêter les glaces & les empêcher t de parvenir jusques dans Paris , mais le seul effort de l'eau a fait brifer une des poutres. On se propose de recommencer inceffammellt. Les , Commissaires de l'Académie préposés à l'exa- tnen de la machine, ont eftifrié que cet accident
ne provenoit que parce qu'on avoit choisi des bois d'un trop foible échantillon. t 30 Décembre. On fait que plusieurs quartiers de Paris font placés au-dessus de fouter- * reins formés par des Carrieres qui , malgré les précautions prises pour assurer le fol, menacent « d'une ruine plus ou moins reculée tous les édi-j fices bâtis dessus. Une excavation con si défable, formée à la Barriere de la rue d'Enfer, par un 1 éboulement subit, ne peut que confirmer ces craintes. Heureusement elle s'cft formée dans un lieu isolé ; une feule maison voisine en a souffert. On est occupé à réparer ce désordre & à prendre les précautions que la prudence & l'art pourront fournir.
31 Décembre. Il paroît que M. Turgot, mécontent de la maniéré dont Me. Linguet, toujours vif & ardent dans la dispute, a traité les Economistes & leur systême dans sa derniere Lettre à M. l'abbé Roubaud , a saisi ce prétexte pour l'empêcher d'écrire sur ces matieres , en paroissant improuver feulement ses inveélives & (es calomnies. 4
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ANNÉE M. DCC. LXXV.
i JAnvier. On attribue la parodie de la chanon des Revenans à l'aumônier de l'Archevêque le Paris. Elle n'est point aussi bien faite qu'on ; avoit dit , & n'est remarquable que par une nechanceté , pas toujours bien appliquée.
2 Janvier. M. Imbert, jeune auteur distingué îar le talent d'une poésie riche , harmonieuse & ;:orrctte, vient de s'essayer dans l'art dramatique. On doit jouer après-demain une petite Joiece de lui, intitulée : Monsieur Pétau ou le Roi de lafeve , comédie en un adte & en vers libres, précédée d'un Prologue.
? 5 Janvier. Me. Joly, Avocat , auteur de la traduétion des Ouvrages de JJJaTc-Aurele, vient le mourir.
! 6 Janvier. On a réitéré l'expérience de ','espece d'estacade flottante sur la Marne , Béja tentée une fois sans succès. Cette féconde yois, quoique le même accident arrivé d'abord n'ait pas eu lieu , on a reconnu aisément des ~convéniens encorè plus grands à cette machine imaginée par M. de Parcieux , que tous ceux occasionnés par les glaces ; & le rapport des Commissaires de l'Académie doit faire proscrire absolument une pareille invention.
7 Janvier. Voici la chanson dont on a parlé, qu'on croit avoir été faite au souper de quelque financier.
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Air : Chanson, chatifbn.
Le digne Ministre de France, Doué d'esprit, d'intelligence Et de raifoll; En réformant notre Finance, Répandra partout l'abondance.
Chanson, chanson.
Turgot, par son économie, Fera pleuvoir sur la patrie L'or à foison.
Il est affuré de son thème, Et nous vivrons par son fyftême* Chanson, chanson.
Tout va prendre nouvelle forme; On ne parle que de réforme De mœurs, de ton : Ce n'est plus le siecle des Belles j On va déserter les ruelles.
Chanson, chanson.
Du luxe on va faire défense, Et l'on va borner la dépense, Nous promet-on.
Partout où rcgnoit la licence Nous verrons regner l'abondance.
Chanson, chanson.
Quand du Sénat de mince allure , On apprit la déconfiture ; Chacun dit bon !
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Les Revenans vont, sans épice;" Noblement rendre la jufiice.
Chanson, chanson.
Vous, qui languissez sans paroître, Et qui cherchez auprès du maître Un bon patron, Nommez feulement qui vous êtes Et l'on va vous payer vos dettes.
Chanson, chanson.
8 Janvier 177La Secte des EconomifleJ; uvant les circonstances favorables pour sa topagation fous un Ministre qui fait gloire d'en ire membre , vient de recommencer son Jourhl, fous le titre de Nouvelles Ephérémides tzonomiques , ou Bibliothèque raisonnée de Mifioire , de la Morale & de la Politique. On utnonce que M. l'abbé Beaudeau en fera le réacteur , & que M. de Saint Leu , Colonel au irvice du Roi & de la République de Pologne, t charge de traduire ou analyser les Ecrits en rrngue étrangère.
On donne pour Essai un petit volume extraornaire gratuitement. Il ne contient rien de en neuf, de bien piquant. Il revient même iir des choies rebattues , telles que les Maxim ies générales du Gouvernement économique.
Min Royaume Agricole de M. Quesnay ubliées en 1768. On y lit , au surplus, avec slaiGr, le Difcoitrs Economique au Roi de llede & à son Académie des Sciences sur Je onheur des Peuples £ j? les Loixfondamentales :ss Etats 7 frv 411, le Comtç de Sçheffçr, 8{"!
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e nateur U Chancelier des Ordres. Cet ouvrage traduit par M. Baër, Secrécaire & Aumônier dt l'Ambassade Suédoise à Paris, est merveilleuse ment bien écrit, & porte , quant au fond, ut grand intérêt avec lui.
.9 janvier 1775. Les Comédiens François on joué le 6 de ce mois Monsieur Pétall, ou l Roi de la feve, fous le titre nouveau de Gâ teau des Rois. Le prologue, composé des ac teurs ne jouant pas dans la piece & se félicitan de n'y pas jouer, assez gai, allez bien écrit, t contenant d'avance une critique de l'ouvrag plus juste que l'auteur ne la présumoit faire, iL avoit concilié le public. Mais il n'y a pas'e moyen de rester dans ces mêmes sentimens Qu'on s'imagine un souper de la rue St. Denis non chez quelque gros marchand, trop civilil aujourd'hui, mais chez quelque ouvrier renfoi cé : souper dont on feroit bien fâché d'être, < qu'on trouveroit fort ennuyeux , même e chambre. Qu'on le transporte sur le Théâtre , l'on aura toute l'idée de la piece , qui, dans c tems d'indulgence , n'a pourtant pu aller jufqui à deux représentations. Quelques louanges pot le Roi, tant bien que mal amenées , foit dai le courant du dialogue , foit dans des couplet!
auront fait illusion au poëte & aux comediei sur la nullité du drame , ainsi qu'à la Police, si une critique assez indécente de la vieillesse c feu Roi , & l'on est surpris qu'elle ait paffé c endroits.
10 Janvier. On parle beaucoup de T vanture singuliere arrivée à un Bal de la Rein Deux Seigneurs ont trouvé à terre une Lett qu'ils ont ouverte. Ils ont lu une déclaratif 1
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Pt r 1, D Eres-amoureuse & très-emportée qu'une Dame Faisoit à un Cavalier : elle finissoit par dire que [Tes sentimens étoient si vrais qu'elle ne craignoit oint de les signer de son fang. Et en effet la Signature étoit tracée en caraéteres de cette ligueur. Ces étourdis ont lu la Lettre tout haut etn se réservant cependant la signature. Toutes les femmes du Bal ont été furieuses, parce illun tel fdupçon peut tomber sur chacune elle.
II Janvier 1774. On a remis hier à l'Opéra 1 higénie du Chevalier Gluck. Le principal changement consiste dans le dénouement, plus analogue à ce genre de spectacle , par l'intervention même de Dfanê. Cette décoration est belle, produit un très-bon effet & l'adion se termine à merveille , par l'embarquement des Grecs pour l'expédition qu'ils ont projettée.
fc- Dans le fecond acte, il y a des danses caracitérifées , où font figurés les Jeux divers de la JGrece ; ce qui donne un appareil plus militaire là la fête, & plus d'expieffion à cette choréojgraphie.
En général, VIphigéme, applaudie avec tranf[port à quelques endroits sublimes, n'a pas proiduit cet excès d'enthousiasme continu, que [les Spectateurs avaient témoigné la preraiere [fois.
I 12 Janvier. Le Sr. de 1Jellolf, réchappé d'un premier état de langueur où il étoit tombé , il y a quelques années , se trouve aujourd'hui plus gravement attaqué : il est réduit ;à un point de ptbyfie qui ne lui permet pas d'aller loin.
il Janvier. L'avanture du Bal de J/er-
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f-ailles, arrivée lundi 2 Janvier, fait toujours beaucoup de bruit, sans qu'on puisse la tirer au clair. On affure que M. d'Houbtot, officier aux Gardes,, le fils de la célèbre Madame d'Roub..
tot, la Minerve de M. de St. Lambert, & tenant bureau de bel esprit, est l'auteur de l'in-.
discrétion, & est rayé de la lifte des Seigneurs; admis aux Bals de S. M. f 14 Janvier 1775. Hier la Reine est venue à.
l'Opera, comme on l'avoit annoncé. S. M. n'y étoit que dans une espece d'incognito, puif-.
qu'il n'y a point eu tout l'appareil qu'auroit: exigé sa présence en grande loge. Elle s'est: rnife dans la loge des bâtimens, en face du!
théâtre , aux fecondes. On lui a cependant: rendu les honneurs indispensables, c'est-à-dire" que M. le Maréchal Duc de Brissac, comme: Gouverneur de Paris, & M. le Maréchal Duc: de Biron , comme Commandant la garde dui Spectacle, se font trouvés à la portiere du ca-.
rode de S. M. ainsi que les Direéteurs. Ceux-cii avoientdes flambeaux, & ont précédé & éclairé: la Reine jusqu'à sa loge. S. M. étoit accompagnée de Madame, de Monsîeur & de M. le: Comte d'Artois. En arrivant , S. M. a été reçue avec les plus vives & les plus sinceres acclamations de joie de la part du public. S. M..
y a répondu par trois révérences. Madame l'ai imitée : les deu Princesses se font ouvertes :: alors Monsieur est venu au milieu d'elles, ai fait les trois uennes, & M. le Comte d'Artois ayant successivement pris sa place, a rempli le: même cérémonial. On ne peut peindre à l'imagination la beauté d'un pareil coup d'oeil., J-'Opér £ s'est exécyté aveç la plus grande perfection^
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action. A la Scene 3 e. du fecond Adle, il y ijun chœur où le Sr. Le Gros, faisant le rôle Achille , dit: chantez, ccicbrcz votre Reine, x. Par une présence d'efpric qui lui fait hon!ur, il a envisagé S. M. en ce moment, & a jt : chantons, célébrons notre Reine, &c.
mus les yeux à l'instant se font fixés sur S. M.
le Chœur fini on a répété Bis. La Reine, mue de sensibilité à la vue de pareils tranfiorts , que Monsieur & M. le Comte d'Artois jiciroient encore par leurs applaudissemens, n'a n contenir sa reconnoissance , & l'on a vu des "Jl'1nes de joie couler de ses yeux. Quand S. M.
t sortie, l'allégresse du peuple n'a pas moins Haté, & la foule a suivi la Princesse autant 'n'elle a pu avec les acclamations ordinaires de s:ve la Reine, &c..
[ 1 S Janvier 177S. Il paroit une Epître ett \rs à M. Turgot , où l'on décrit d'avance le sen que doit opérer ce Ministre. Les talens y rint exaltés au plus haut degré. Il y a de trèsaeaux vers, & les louanges, quoique fortes, -¡y paroissent point baffes & serviles. L'ousage sembleroit d'un Vieillard. Il part de la mime de quelque partisan de la seéte des EcolOmiftes.
[ 17 Janvier. Les prêtres & les dévots cabamt sans relâche contre M. de Maurepas, cone M. de Miroménil , contre M. Turgot, qu'ils ocufent d'irréligion. Le dernier surtout est le uus exposé à leur rage, sur ses liaisons conlues avec les coryphées du Matérialisme & de lAthéifme. C'est ce qui a donné lieu à la facétie vivante.
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Dialogue entre le Roi & M. de Maurepas, LE ROI.
Mon Contrôleur Turgot,dites-moi, qwel homme est-ce: LE COMTE DE MAUREPAS,.
Sire, il a l'esprit juste & le cœur citoyen ; Il rcfpede les loix, les moeurs.
LE ROI.
C'est fort bien y Mais jamais il n'entend la Meflfe !
LE COMTE DE MAUREPAS.
Sire, je n'en fais rien. On tient tant de difeours f L'Abbé Terrai, dit-on, Tentendoit tous les jours 17 Janvier I77. Extrait d'une Lettre d!
Ferney, du 6 Janvier I77S. Rien de plu vrai que la réconciliation de M. de Voltair avec M. de Buffon. C'est ce dernier qui a sa les avances par un billet qu'il remit le 22 Üe tobre à Madame de Florian, qui passoit ps Montbar. J'ai lu cet écrit , où il fait une ei pece de réparation à M. de Voltaire de tout c qu'il a pu écrire contre lui. Cette Dame 1er voya sur le champ à ce grand poëte, qui en été, on ne peut pas plus , content, & qui répondu au Philosophe Ion confrere par un Lettre tres-touchante & tres-honnête. Celui-1 a riposté par une autre , qui a cimente la réi nion de ces deux grands hommes. 1\1. de Vo - taire, enchanté, a fait présent à Madame d Florian d'une montre d'or à répétition , denv
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j'ton 60 Louis , pour la remercier de cette heu5:euse négociation. Le vrai est que c'est M. Guémaud, ami de M. de Buffon , qui a seul opéré ce rapatriement. Ce M. Guénaud est un trèsnabile homme , qui a beaucoup travaillé à THiftoire Naturelle. Celle des Oiseaux, à l'exception du Discours , est entièrement de lui.
[Il a donné aussi beaucoup d'articles pour l'Encyclopédie , entr'autres cel ui d'Etendue, &c.
Ferney , dont vous me demandez des nouwelles, est un très-beau château , très-solidement dbâti. Il a des jardins & des terrasses magnifiques. Il n'y a pas de jour où M. de Voltaire me mette des enfans en nourrice. C'est son terBue, pour dire qu'il plante des arbres : il y epréfide lui-même. Il a une quantité prodigieuse fxle tableaux, deftatues, de choses rares, qui doivent valoir un argent immense.
Le village est composé d'environ 80 maiTons , toutes très-bien bâties. La plus vilaine 3en dehors vaut mieux & est plus belle que la plus superbe de nos villages des entours de Taris. Il y a environ 800 habitans, trois ou quatre maisons de bons bourgeois : les autres font Mes horlogers, menuisiers, artisans de toute efilPece. Sur ces 80 maisons, il y en a au motos à6o à M. de Voltaire. Il est certainement le xréateur & le, pere de ce pays-là , il y fait des (tiens immenses.
17 Janvier. M. le Prince de Tingri, Capitaine fjdes Gardes, Seigneur austere, ami du feu Roi, javoit été indigné, lors de la représentation du Gâteau des Rois , des allusions injurieuses & jtfenfibles que l'auteur s'étoit permises contre la mémoire de Louis XV, pour mieux faire con-
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trader les louanges prodiguées au nouveau Ko", Il en a instruit Mesdames, & ces Princesses s'étant plaintes air Roi , S. M. a ordonné qus fauteur des couplets , l'aétriee qui les avoil chantés, & le censeur de la police fussent pumis. En conséquence le Sr. Imbert est au Fort.
PEvêque pour trois mois; Mlle. Luzzi, comme la moins coupable , n'y a été que quelques îieures, pour la forme ; le Censeur [M. Crb billon s'etant justifié, & ayant fait voir que fauteur n'avoit tenu compte de ses radiations, n'a été suspendu que pour huit jours, au liea de trois mois que portoit l'ordre de S. M.
On trouve que cette punition est mal-adroi te, en ce qu'elle donne de la consistance à de mauvais couplets, qui devoient tomber d'euxmêmes avec la piece, & que la circonstance va rendre précieux. Les amateurs les recherchent comme faisant anecdote, & vont les confcrver dans leur porte-feuille.
i8 Janvier 177. Lettre de M. Terrai, E.
Contrôlcur général, à M. Turgot, Miniflre des Finances, pour Jervir de Supplément à la Correspondance entre le Sr. Sorhouet M. dt Maitpeou. Ce pamphlet est un tableau vrai & terrible de toutes les exactions , vexations , extorsions de ce Minifhe, dont l'ame atroce est peinte avec les couleurs qui lui font propres; On y fait intervenir un Sr. Destouches , son ame damnée , qu'on suppose l'inventeur de nouvelles formules pour varier les impôts & & les porter à leur comble. On voit que l'Ecrivain en effet a calqué son ouvrage sur la Correspndance, qu'il imite assez bien, mais dont le ton de plaisanterie; bon en quelques en-
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) droits, n'est pas soutenable, lorsqu'il s'agit de avouer à l'exécration publique l'auteur de tant ) d'horreurs & de calamités.
19 Janvier 177$. M. le Président de Malesheres, déja sûr des suffrages., a été élu membre de Il'Académie le jeudi 12 de ce mois. On attend -avec impatience le jour de sa réception , qui ifbra très-brillante. C'est M. l'Abbé de Radonvilliers , élu Diredteur par le fort, qui est chareé de lui répondre , & la façon depenser, bien )différente, de cet Ecclésiastique ne fera pas une ie -2s circonstances les moins piquantes delà cétremonie.
M. de Maleslierbes a écrit à M. de Voltaire , jpour avoir son suffrage. Celui-ci lui a répondu.
)Ces deux Lettres font, dit-on , un chef - d'œuvre d'adrefife pour sépier, s'observer , ne pas tfe compromettre. La conduite connue du poète "odans les circonstances où l'Orateur Magiitrat sfeft couvert de gloire, étoit trop opposée pour pque son sufFrage foit bien sincere.
21 Janvier. Le Sr. Taconet, auteur de 11"lus de 60 pieces , tant jouées aux Foires St.
Xïermain & St. Laurent , qu'aux Boulevards, aen Province, non représentées , imprimées ou ftnanufcrites, vrent de mourir au milieu de sa xarriere, n'ayant pas 45 ans. Il avoit en outre aie talent de jouer , & étoit l'ame du théâtre de /INicolet. Tous les Boulevards font en deuil de ila perte de ce farceur inépÜirabJe.
23 Janvier. C'est samedi prochain qu" AIbert premier, piece en trois adtes & en vers , ;'doit être joué à la comédie françoise. Il n'y a as d'apparence que la Reine y vienne, puisque
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la piece , si elle réussit , doit être jouée à Vei failles.
2j janvier 1779. LeSr. Le Kain forme tou jouru un grand vuide à la comédie francoise pou les tragédies. Il a ce qu'on appelle une Cau choifc. C'est ainsi qu'on qualifie une maladi honteuse que cet aéteur, très-crasseux , a gagn d'une fille venant du pays de Caux, qu'il trouv dans la rue un jour qu'il revenoit de jouer Cette même maladie s'appelle à la comédie italienne une Italienne , du Sr. Julien , autn aéteur de ce théâtre , qui en a infecté beaucou] de femmes.
26 Janvier. Le discours de Me. Martin d< Marivaux, Avocat, prononcé à la rentrée di Châtelet , lorsqu'il y a plaidé la premiere eau se , a fait tant de bruit que ses ennemis on voulu le noircir auprès du Gouvernement, comme ayant insulté à la mémoire du feu Roi Ses envieux , d'un autre côté, lui ont repro.
ché son zele, comme déplacé, commeauftere.
puifqu'il avoit fait lui-même aéte d'Avocat , pendant ce qu'il appelle lefommeil des Loix.
Cet orateur, non moins vif que Me. Linguet, a cru devoir se défendre de pareilles imputations. Il répand un Supplément à son Discours de rentrée du Châtelet, où il explique sa conduite & défie ses détracteurs sur ces deux point.
Il y rend de folemnelles aétions de graces à M. de Ste. Foy , Ministre Plénipotentiaire de France à Deux-Ponts, dont les bienfaits l'ont soutenu dans sa détresse, & qui le traiLoit moins comme son Secrétaire que comme ion ami. Ce petit écrit , aulii chaudement écrit rue le premier , n'est pas moins intéïd'fcuit, 6: doit donner
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iirce forte de célébrité à ce jeune orateur, qui hrûle de s'elancer dans la carriere.
£ 28 Janvier 177S. Depuis que M. Du Belloy est dans l'état de langueur & de dépériïiement dont un a parlé , son Siege de Calais a été joué devant se Roi. Sa tragédie ne pouvoit manquer de tolaire à S. M. Sur ce qu'Elle s'est informée de hauteur , on lui a représenté le regret qu'il avoit île ne pouvoir recueillir par lui-même les éloges de son maître : on a pris occasion de-là oour peindre sa situation misérable & mal à ;"aise. Le Roi a en conséquence chargé le Duc le Duras de lui envoyer cinquante louis , ):omme un témoignage de la fatisfadion de 0. M.
I 28 Janvier. Toute la cour a été en l'air oour le bal de la Reine, lundi dernier. S. M.
lyant désiré qu'on y vint en habit du cofthume suivi dans la Partie de Chasse de Henri IV , jes Seigneurs se font empressés de s'y mettre; vMonJteur, M. le Comte d'Artois, M. le Duc Be Chartres , ils se font trouvés 37 en pareils nabillemens. Les femmes étoient en pareil nombre , habillées ainsi que Marie de Médicis.
womme cet appareil a fait beaucoup de bruit , ;S: qu'on assuroit que déformais les courtisans croient vêtus de cette maniéré pour paioîtrc devant; leurs Majestés , le Roi a déclaré qu'il ne le souffriroit point ; que cette mascarade ëtoit bonne pour le tems du carnaval , mais qu'au carême il vouloit que chacun se mît à l'ordinaire , & qu'il l'annoncoit hautement , cpour rassurer le commerce allarmé d'une telle innovation.
4 28 Janvier. Mole tombé subitement ma..
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ïade , a empêché qu'Albert premier ne fût joué aujourd'hui.
28 Janvier 1779. Tout le Conseil a été pour la cassation du jugement rendu en faveur du Comte de la Blache contre le Sr. de Beaumar.
chais, fauf M. Bastard , dont ce plaisant dit qu'il e/i accoutumé à sister les pieces avant que la toile fait levée, pour exprimer la prévention & la partialité de ce Magistrat. Du reste, le Conseil a supprimé les expressions injurieuses des Mémoires réciproques des parties ; & quant au dernier Mémoire de Beaumarchais 1 le Roi s'en est réservé le jugement. On le represente comme, un libelle , parce qu'il n'eH: muni de la signature d'aucun Avocat aux Con.
feils ; qu'il n'a pas été signifié à la partie; qu'au fond , il traite de beaucoup de choses étrangères à la quefiion, & que l'auteur s'y permet des sorties très - peu refpeétueufes, très - indécentes contre le nouveau Tribunal qui l'a jugé.
30 Janvier. M. Tmbert est forti de sa prison , & M. de -Crébillon est relevé de sa fuf.
pension dans les fonétions de Censeur.
31 Janvier. Les Italiens donneront demain la premiere réprésentation de la Fausse Magie , comédie en deux adtes & en vers, mêlée d'ariettes , dont les paroles font de M. de Marmontel, la mufiqueeft du Sr. Grétri : comme le poëte est un des coryphées de la Sede Encyclopédique, tous les Bureaux divers de Littérature auxquels il préside se font empreffcs d'alter aujourd'hui à la répétition , qui a été trs-brillarite. On a trouvé l'ouvrage déii deux quant à la mulique : on dit que c'elt - 1
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la meilleure qu'ait fait le compositeur jufgifà .présent.
- i Février r77ç. Les Comédiens François ont la permission de représenter le Barbier de Se'ville du -Sr. de Beaumarchais. Ils en ont commencé les répétitions. Cette comédie fera jouée vraiferiblablement dans le carnaval. L'auteur [l'a étendue de quatre actes en cinq.
- 2 Février. Le Sr. Jacques Droz, jeune homme de 22 ans , du comté de Neufchâtel )en Suiffe, attire les curieux depuis quelques (jours par plufieur-s ligures automates, dont une principalement fait le désespoir de nos artistes..
)C'est une figure d'enfant de deux ans, assis sur jun tabouret devant un pupitre & écrivant sur Jlm papier. Cet enfant trempe sa plume, secoue l'encre, & écrit tout ce que le Spectateur lui édicté. Il place convenablement les lettres inifiales ou majuscules., laisse l'intervalle d'usage aentre les mots , pasle d'une ligne à l'autre" avec le même ordre, & les yeux fixés sur son ouvrage durant .qu'il écrit. Quand il a fini, il les porte sur un exemplaire à côté de lui, comme s'il regardoit ce qu'il auroît à copier.
Le fameux Vaucanson a assisté à ce fpeaaxle ; il a été étonné de l'exécution précise ,& -rapide de cette machine , sans aucune commutriication apparente avec son auteur. II n'a pu aencore en pénétrer le méchanisme. L'étranger a ooffert de le lui développer.; mais l'académicien s'y refuse., & se propose, sans doute, de résoudre par-lui-même le problème.
k 3 Février. La Fausse JJlagie, jouée merocredi par les Italiens, n'offre rien de mervéilleux, quant au .po,ëme. L'intrigue roule sur,un
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vieillard crédule , qui ajoutant foi aux songs & aux devins se trouve la dupe de ses terreur On profite du blanc seing, que lui fait denm une prétendue Bohémienne , pour lui fait approuver le contrat de mariage de sa pupile qu'il vouloit époufer, au lieu de la marier ave un jeune homme qu'elle aime. Tout le mond favorisant cette union, concourt à la fupei cherie, & le tuteur est la fable générale. Rie de faillant dans le total de la piece, peu d gaieté & un dénouement trivial, comme on 1 voit , ne lui auroient pas procuré un gran succès, sans la musique où il y a des chofc agréables & lavantes. Le spectacle des enchar temens de la sorciere relève la fin & la ren plus piquante que le reste.
3 Février 177s. Les difcu fiions entre les Cuba!
ternes du Palais ne font pas encore appaifées c'est ce qui a donné lieu à la facétie suivante toujours bonne feulement comme piece histe rique. Il faut savoir pour son intelligence qu la Bazochc est un petit tribunal érigé en l'hon neur des Clercs de Procureurs , où ils fiegen & jugent certaines causes. Cette institution re monte à l'ancien tems & se ressent du géni romanesque d'alors, car il y a ce qu'on appell le Roi de la Bazoche ; il a son Chancelier, &c il a une forte de discipline sur sa troupe.
ORDONNANCE DE LA BAZOCHE. j
Air : Monjicur le Prévôt des Marchands.
Nous Chancelier, Garde des Sceaux, Ordonnons à tous les suppôts
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Du Royaume de la Bazoche, De faire en nos mains le ferment De vivre Clercs comme de roche, Et fideles au Parlement-.
A tous Clercs il est défendu D'entrer chez les Avocats du : Parce qu'étant d'expérience, Q!Je tel Maître, tel Compagnon, Ils apprendroient fous cette engeance A devenir maîtres fripons.
Déclarons ne faire aucun cas De ces trois Classes d'Avocats, Que Quatre mendians on nomme, Les Vingt-huit & les Promoteurs, L'Avocat devant être un homme , Bon, pur, fidele '& plein d'honneui.
Permettons de faire imprimer, De publier 8: d'afficher Partout la présente Ordonnance: Enjoignons à notre Greffier D'en remettre, par déférence, Un exemplaire au Bâtonnier.
4 Février 1775. Haute - Messe , célébrée par l'Abbé Perche! , Conseiller -Clerc du ci-devant ifoi-disant Conseiller Supérieur de Rouen. Tel l'est le titre d'un Pamphlet, qu'on s'imagine ailé.
ranent devoir être une folie méchante & non anoins platte.
h, Février. Il paroît une nouvelle Brochure nivee de Normandie sur les circonstances
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présentes. Elle a pour titre : Oraîson faneurs de très-hauts £ «? très -puiJJa'ns Seigneurs , en leur vivant, les Gens tenant les Conseils Supérieurs de France, prononcée dans la grande Jalle de l'hôtel de ville de Caen , le lundi 28 Novembre 1774 , à roccajion de Penrégifircrnent de VEdit portant le rétabliffiment des Parlemens. Par M. Z)*** , Avocat en la mêmeville.
Cette otaifon funebre, qui sembleroit sur l'énoncé du titre être une facétie , est au contraire un ouvrage très-grave. Il est en forme de discours. L'Auteur a pris pour texte ces paroles de Y In exitu : Os habent & non loquentur.,.
Manu s habent 87 non palpabunt Non ckimabant in gutture suc il est divisé en deux parties. Dans la premiere , l'Orateur vent faire voir que l'exil des Parlemens n'a Fait qu'ajouter à leur grandeur, en méme-tems qu'il les a rendus plus chers à la Nation. Dans la deuxieme il veut établir que l'heureux événement qui les restitue aux Loix & à l'Etat, est le plus sûr présage du regne auguste du jeune Monarque qui fixe tous les vœux de la France.
Trop d'adulation envers les Parlemens, que l'auteur assimile mal-à-propos au Sénat de l'ancienne Rome, gâte cet ouvrage , bien écrit d'aill'eurs ,& où l'on rencontre une forte d'éloquence , mais dont le sujet n'étoit jamais sur.
ceptible d'être traité que comme une plaisanterie.
Février 177 ç. Le Mémoire pour Me. Gerbier; ancien Avocat au Parlement, précédé de cette Epigraphe : Quod gemn hoc hominum ?
est fort recherché & fait un bruit du diable. il
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r en a suspendu le débit , & il cherche même a en retirer la petite quantité d'exemplaires qu'il en a distribuée. On ne fait encore au juste sur quoi porte cette prudence tardive , car il en restera necessairement dans le public. On verra , par la comparaison , quels endroits auront déplù.
7 Février 1 77 Il paroît que Me. Gerbier, en retirant le plus -qu'il a pu des exemplaires de sa première Edition, a voulu supprimer quantité de partages trop forts contre son adverfuire.
Il dit à la fin du fécond Mémoire , que le refpeét ■dù au Prince auguste à qui sa juftificarion doit être offerte, exige de lui la plus grande modération. Cependant toutes les suppressions faites dans la nouvelle Edition se trouvent dans la susdite premiere, mise fous les yeux du Prince, comme le dit l'A uteur du Libelle, le 6 Janvier, distribuée à tous les gens en place jusqu'au 16, ■& vendue publiquement au moins depuis le 16 jusqu'au 21.
C'est à celle-ci que Me. Linguet déclare qu'il répond dans ses Observations sur un Imprimé ayant pour titre: Mémoire pour Me. Gerbier, ,ancien Avocat , avec cette Epigraphe : Qiiod genus hoc hominum ? On voit que ce fécond & bouillant adversaire n'a pas perdu de tems pour repliquer.
7 Février. Me. Linguet, ,dam; sa nouvelle apologie , ou plutôt dans sa contre - diatribe, reproche à Me. Gerbier d'avoir fait de sa Désense un Libelle, c'etf- à-dire une diffamation calomnieuse, publiée sans nécessité & sans les formes introduites par lajuftice en pareil cas. Il attaque ensuite son adyerfaire sur sa propre jus.
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tification, & des sept griefs en choisit quatr: pour les développer & répondre au défi que lu porte son ennemi. Ces quatre font, l'affaire di Marquis de Brunoy, dont Me. Linguet parle parce qu'elle est publique; celle des freres Michelin , parce qu'il y a joué un rôle ; celle di Comte de Guincs, parce que Me. Gerbier l'j compromet: enfin ses persécutions envers lui , parce qu'elles lui font perfonelles. Il faut con.
venir qu'on ne peut lire les Faétums réciproque; de ces deux adversaires sàns les mépriser souverainement, tant ils ont bien l'art de s'inculpei réciproquement, & manquent de celui de con.
vaincre sur leur juftincation. Quant à la chaleur, à l'abondance , à l'énergie, Me. Linguet l'emporte constamment sur Me. Gerbier, & fail infiniment mieux attacher le Leéleur.
6 Février 1775. La nouvelle diatribe de Me, Linguet a pour titre : Supplément aux Réflexions pour Me. Linguet, Avocat de la Comteffi dt Bethune. C'est un écrit forcené, où cet Avo.
cat oubliant absolument toute pudeur , se dé.
chaîne avec,une fureur sans égale, non-seulement contre ses ennemis particuliers ou les représentans de l'Ordre qui ont jugé sa radiation mais encore contre l'Ordre entier , dont il re.
cure d'avance le jugement, s'il ne lui est favora.
ble. Dans le compte qu'il rend de divers Co.
mités où il a été d'abord jugé, il rapporteurs Lettre de lui au Bâtonnier & une réponse Ue ce dernier, par laquelle Me. Larnbon lui expose se griefs. Il cite ensuite ceux qui lui ont été oppo.
fés dans l'assemblée du 26 Janvier, & motifs de sa radiation, qu'il trouve absolument différens & diftinûs des premiers. Il y joint un diL:
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tours qu'il se proposoit de prononcer, & qu'oïl 'a pas voulu entendre , comme inutile au fond e l'affaire. Il discute ensuite les derniers griefs nonces au nombre de huit. Il y répond tantôt vec ironie, tantôt avec rage, & toujours avec Irès-peu de logique. Il fait un paragraphe à Part, intitulé : Preuve que le but de toutes ces manœuvres est feulement de m'empêcher de plailler la cauje de la Comteffi de Bethune. Et l'on rvoit que son objet est de s'identifier ainsi avec sa cliente, & de faire croire qu'il n'est, à parHer vrai, qu'un plastron sur lequel on porte les icoups dirigés contre cette femme de qualité.
pi termine par des Idées, qui 'méritent d'être méditées, dont le résultat feroit, suivant lui , a nécessité d'ôter à l'Ordre des Avocats la Police sur ses membres, ou de la subordonner au Parlement, comme ayant , exclusivement l'exercice de l'autorité. En général, ce Mémoire n'est qu'une déclamation, où l'Auteur paroit avoir totalement perdu la tête, où son imagination déréglée prodigue sans choix les figures les plus gigantesques, dont l'éloquence n'est que bouffissure, impudence, extravagance , absurdité.
7 Février 177ç. On annonce la réception de M. le Président de Maleskerbes à l'Académie Françoise pour le jeudi 16 dé ce mois, & c'est déja un empressement prodigieux pour se ménager des billets, afin d'entrer à cette assemblée mémorable.
7 Février. Albert Premier a été joué avant-hier; toute la seéte des Economistes s'y ètoit rendue pour soutenir la piece, dont el!e compte l'auteur parmi ses partisans. Ce Drame a paru très-médiocre, sans invention, sans réf.
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fort. C'est le trait de bienfaisance tout pur 5e l'Empereur, mis en scene. Dans le premier Acte , la veuve d'un Militaire, réduite à uti état d'indigence, ainsi que sa fille, comptant sur les bontés d'un Seigneur, qui sest chargé d'exposer leur misere à l'Empereur, apprend que toutes les démarches de leur Protecteur ont été instructueuses. C'est un scélérat débauché, qui voudroit abuser de la situation de la jeune personne, pour la séduire & la forcer à se livrer à sa passion criminelle, qu'elle ne connoit point. Il excite fous main un créancier impitoyable à les tourmenter , & pour mieux avancer la persécution, il achette la créance & se met à sa place. En forte que cette mere respectable n'a de ressource pour se soustraire à l'emprisonnement dont elle est menacée, que de faire vendre le reste de ses effets, & même ses hardes, ainsi que celles de sa fille.
Dans le fécond Ade , cette jeune personne est rencontrée dans la nuit par l'Empereur déguisé , Il l'interroge ; il apprend les motifs de la douleur & de sa sortie noéturne : il la rafJure, la console, lui donne sa bourse ; lui dit ■que l'Empereur est plus humain qu'on ne l'a .dépeint : qu'elle ait à se trouver à l'audience de S. M. le lendemain; qu'il a l'honneur d'en être connu, d'en approcher ; qu'il plaidera la xaufe de sa mere, & que sûrement ce ne fera pas en vain. Il lui donne un diamant pour figne de reconnoissance , lorsqu'elle se prélentera à lui.
Le quatrième Adte est un tableau mesquin & croqué de l'audience de S. M. Impériale. La jeune personne & la mere s'y trouvait-: l'Ent
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ipereur se découvre pour être l'Etranger qui les sa secourus ; & le Seigneur, leur soutien prétendu , est démasqué comme un vil scélérat, fil est chassé de la Cour. Cette famille est comblée des bienfaits du Monarque, qui approuve île mariage de la jeune personne avec son amant.
: Tout cela est accompagné, enrichi, chargé e grands traits de générosité ; de la part de la mere, qui refuse les secours d'un Etranger, [quand sa fille lui apprend ce qui s'est pasle ; xie la part d'un artisan chez lequel elles se font refugiees, & qui les alimente aux dépens de sa propre subsistance ; de la part de la mere Encore , qui, dénuée des ressources qu'elle esperoit, déclare à sa fille qu'il faut, renoncer à Tes espérances d'époufer le jeune Officier qui saime, ne point abuser de sa passion pour lui Faire faire une sottise où elle pourroit l'entr-ainer ; e la part de celui-ci, décidé à subir avec elles tous les revers du fort, & à soulager leur infortune avec son foible patrimoine.
Telle est l'esquille d'Albert PreinÍer, allez mal accueilli hier ; mais l'Auteur , accoutumé aux premiers dégoûts du public, n'en est point ffrave.
7 Février l i7 ç. Compliment du Prieur des Bénédictins de l'Abbaye de St. Mélaine à Rennes , à M. de la Chalotais, rappelé à ses fonctions.
5 » Monsieur : Poursuivi par l'envie , attaqué par la calomnie, vous avez laisé vos ennemis par votre constance ; vous les avez vaincus par votre vertu. Le feu Roi qui , même en cédant ux efforts de la cabale , admiroit vos talens , refpecloit vos vertus , regrcttoit vos fer vices , i
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aiiToît enfin écouté la voix de la justice & le cri de son cœur. Une mort prématurée ne lui' a pas permis d'effacer une tache qui. ternHfoit sa gloire. Notre jeune Monarque paye la dette de son prédécesseur. Il ne vous justifie pas , votre apologie étant écrite dans tous les cœurs,' mais il vange la surprise faite à la religion de Ion ayeul ; &, en vous rendant aux vœux de la Nation , il annonce à l'Europe entiere qui s'est tant interessée à vos malheurs, que son regne fera le fléau de l'injustice, le triomphe de l'innocence & l'époque de la félicité publique". I Le même Orateur, à M. de Caradeuc. 1 „ Monsieur : Formé à l'école de l'adversité , vous avez reçu de votre illustre pere de grands exemples & de grandes leçons. Rendu à nos vœux & rappelé à vos fondions , vous éclairez vos ennemis par votre sagesse, comme vous les avez déconcertés par votre fermeté ; & votre générosité leur apprendra que l'héroïsme , le , triomphe de la vertu , c'est d'oublier les injures & de les vanger par des bienfaits f On juge par la tournure de ces complimens, qu'ils n'ont point été imprimés. C'est ce qui les a empêchés de se répandre avec la même facilité que les autres , depuis surtout que celui de M. le Chapetlier, Bâtonnier des Avocats de Rennes , adressé à Mrs. les procureurs géné, raux, lors de leur retour , a paru trop violent à M. le Duc de Penthiévre, qui conferve une: vénération profonde pour la mémoire de j Louis XV. i 7 Février 177^. Hier , Albert Premier a paruj reprendre quelque vigueur , au moyen du le- ; cours de M. de Trudaine , qui a envoyé tous
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s Ponts £ Chauffées pour le soutenir. Pour tendre ce quolibet , il faut lavoir que cet Inndant des Finances a eu anciennement Mame le Blanc, la femme du poète, pour maîffe ; qu'il conferve encore une tendre affecn pour elle, & qu'ayant le Département des nts & Chauffées, il a fait distribuer une mulude de billets aux jeunes gens de cette éco|, avec des instructions sur la maniéré d'apîlaudir & de demander l'auteur à la fin.
^D'ailleurs : toute la cabale des Economises a :e aussi sur pied pour prôner ce drame dans 25 sociétés, à raison de quelques maximes de 9 Secte, de quelques apophtegmes que l'Ecriiâin a mis dans la bouche de l'Empereur. En isnéral , toute cette morale sur la félicité des euples, sur le bonheur des Souverains, est si fée, si rebattue dans leurs ouvrages, qu'elle te peut plus faire d'effet qu'elle ne foit préfende avec beaucoup d'art ; & c'est ce qui mane à M. le Blanc. Il a cru que des éloges , tint bien que mal amenés, de l'Empereur, de ilmpératrice Reine, du Roi, de la Reine, &c.
fevoient tout faire paffer. Il s'est trompé , car tour faire aller cette nouveauté, les Comédiens font déja obligés de la placer en fecond & se la faire précéder de quelque Tragédie où auSe grande piece.
i 8 Février 1779. Théorie du paradoxe. Tel st le titre d'un ouvrage fort couru , de M.
Mbbé Morellet. Ce Docteur Economiste a rincipalement en vue de tourner en ridicule nns ce pamphlet Me. Linguet, un des grands dversaires de la Secte, & l'on ne peut s'em"cher de convenir qu'il y réussit completteI
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ment. Il est à présumer que cet orateur fera plus sensible à une pareille facetie qu'à l'Arrêt du Parlement qui ordonne sa radiation.
8 Février 1775. On écrit de Rennes qu'on y avoit joué une feule fois un drame , intitulé Le couronnement d'un Roi ; drame dans lequel on avoit cru trouver des allusions injurieuses à la mémoire de Louis XV ; ce qui avoit obligé M.
le Duc de Penthievre de s'opposer à la féconde représentation de la piece.
8 Février. Un Amateur, nommé M. le Chevalier de Berainville, a fait un dessin, dont la composition est relative au retour du Parlement, & l'a présencé à M. d'Aligre , Premier Président de cette Compagnie , qui l'a accueilli avec beaucoup d'honnêteté , mais n'a pas mis dans cette çeception tout l'enthousiasme qu'exigeoit la circonstance.
9 Février. M. le Prince de Soubise a fait voir à la Reine le méchanicien nouve u; qui étonne tout Paris. Cet artiste instruit deux jours d'avance de l'honneur qu'il devoit avoir, a disposé si bien son automate qui dessine , qu'il l'a mis en état de faire le portrait du Roi & de la Reine; ce qui a émerveillé tous les Spectateurs, qui n'étoient point dans le secret.
10 Février. Il vient d'arriver de Ferrey an petit volume de productions de M. de Voltaire , où l'on trouve du nouveau : 1°. une ritre dédicatoire à M. d'Alembert , Secretai; c perpétuel de l'Académie Fraaqoife , membre de l'Académie des Sciences, &c. par l'Editeur de la tragédie de Do m PaIre.
20. Discours hiltorique & critique sur la tragédie de Dom Pedre,
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5°. Dom Pedre , tragédie en cinq Actes.
4°. Eloge de la raison , prononcé dans une ::ademie de Province , par M. de Charnbon il74. - ii Fevrier 1775. M. de Voltaire usant des di-rs traveftifiemens dont il se fait un jeu depuis ng-tems , suppose que la tragédie de Dom dre est d'un jeune Auteur de ses amis , qui nd en la personne de M. dAlembcrt, hommage à toute l'Académie dont il est Secrétaire.
pasle rapidement en revue le plus grand nomce des Membres de cette Compagnie , & leur fiente à tous une dose d'encens, quelquefois a peu forte pour des têtes moins philofophines. Il a saisi cette occasion pour rendre hommage à M. de Buffon, qu'il place le premier ms cette espece de Panthéon Littéraire dressé la hâte. C'est une confirmation de la réunion :jà connue de ces "deux grands hommes. Le mégyriste n'oublie pas dans sa nomenclature de Malesherbes, le nouveau Récipiendaire , s'il voudroit bien faire revenir des imprefons défavorables qu'a ce Magistrat à son sujet, our son adulation baffe envers le Chancelier.
loue même d'avance les Candidats qu'il prétât devoir siéger incessamment dans le fauuuil , tels que M. le Chevalier de Châtellux, le Marquis de Condorcet , M. de la Har, &c.
[ Dans le discours préliminaire de la Tragédie, rtUteur s'excuse d'avoir traité un sujet déjà mis Théâtre par le grand maître, M. Du Belloy.
sais la modestie de cet Ecrivain , qui n'a pas ;9gé à propos de faire imprimer son Pierre le ,-uel) autorise le jeune homme à paroitre sur
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'q la scene. On fent tout ce qu'a d'amer ce per.
fiflage pour un poëte dont la piece a été si cruel, lement fiffiée. Le surplus est un bavardage hif.
torique , un mélange de philosophie & de déclamation, dont l'assortiment disparate déplaît & fatigue..
Quant à la tragédie, elle est assez simple dans si marche ; ce qui est un grand mérite , mai; foible de carafteres & de coloris. On fent par.
faitement la main octogénaire qui a composé cel ouvrage..
L'Eloge de la Raison est un Roman allégorique extrêmement ingénieux. On fait que for auteur a toujours singuliérement réussi dans ce genre. Il fait voyager cette Intelligence, ave( la Vérité, sa fille, & par des allusions soutenues trace à grands traits le tableau des extravagances des siecles barbares. Il s'etend un peu plas sur le nôtre. Il fait parcourir- aux Déesses le; différens Royaumes qui partagent l'Europe Elles commencent par l'Italie ; elles font trcs étonnées de se trouver bien accueillies & fêtée à Rome. Après avoir loué dans l'Epître dédi catoire de sa tragédie les gens de Lettres don il recherche le fuifrage , il encense ici les diver Souverains dont il mé nage les faveurs. Il le trouve tous occupés à faire le bien, à pratique la justice & à rendre les peuples heureux. 1 termine par la France , où la Raison juc qu'elle doit fixer principalement son empire puisse un si beau fonge se réaliser !
12 Février 1775. L'ouverture de la foire Sti Germain a donné l'idée surannée d'une méchant ceté sur les Laïs du siecle , qu'on paiTe en revin comme animaux Ifues. On fent combien cet:
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Ilaifanterie pourroit être vive & piquante entre es mains d'un homme d'esprit qui auroit du fel- c de la gaieté.
* 12 Février 177s. M. l'Archiduc a été hier à la Comédie Itaiienne. On a mis sur l'affiche : On lonnera aujourd hui , par ordre , La fal/JJe nagie, &c.
1 12 Février. La piece jouée à Rennes au ommencement du mois, a pour titre , Le Couonnement d'un Roi. C'est un acte en prose , nèlé de musique & de chant. C'est une allégorie des plus fines. Tous les Vices qui entouent le trône y font perfonifiés. On y voit le Mxe, le Despotisme , la Volupté, la Flatteic. On y reconnoit en bien & en mal différent iiiniftres passés & présens, qui rendent la scene ilus intéressante. Il y a beaucoup de spectacle , c ce divertissement pourroit s'arranger en opera le la plus grande pompe. On l'attribue à un Lvocat de Rennes. Il en a paffé ici , furtivenent, quelques exemplaires imprimés ; car M.
e Duc de Penthiévre est trop circonspect pour aiffer librement débiter fous ses yeux une fayre aussi forte du regne précédent.
- i] Février. L'Archiduc Maximilicn a été lier à la Comédie Françoise , où l'on a donné , par ordre , le Misantrope.
t 16 Février. M. de Châteaubrun vient de nourir. On peut apprécier son âge par sa pre.
niere tragédie de Mahomet Second, représentée n 1714. avec peu de succès. Quarante ans près, c'est - à - dire en 1754, il donna la fécondé ntitulée : Les Troyennes, qui eut plus de ra'eur , ainsi que Philoclete , jouée l'année fuiante. Ces deux pieces , jointes à la protection *
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de la maison d'Orléans , lui valurent l'entrée à l'Académie Francoile. I\ï:.is sa réputation pro.
digieufement montée tout-à-coup, s'efi: évanouie de même. Sa quatrième tragédie d'Astianax n'eut aucun succès , &il meurt aujourd'hui prelqu'ignoré. Ses ouvrages , dans la simplicite, dans le bon genre de l'antique , pouvoient exciter une grande sensation dans le moment, mais x devoient déplaire bientôt à un goût qui se dépravoit de plus en plus. Il s'étoit retiré depuis quelques années à Picpus , où il a termine sa carriere.
19 Février 177s. Supplément ail Rapport fait le 13 Septembre 1769 , dans rajfcmblce du Clergé , par M. de Brienne , Archevêque de Toulouse , contre M. de Beautcville, Bue que.
d'Alais. Tel est le titre d'une brochure de 120 pages , qui porte la date du 1 S Juin 1774, C qui ne paroît que depuis peu , parce que les Aétes du Clergé n'ont paru que de l'année derniere. On fait aujourd'hui que cet Ecrit , ainli que la Lettre prétendue de l'Archevêque d' Utrecht, dont il a été rendu compte, font faits aux Blancs-Manteaux par de savans Bénédidins, & que M. le Duc d'Aiguillon & l'Archevêque de Lyon font les promoteurs de cet djuvrage , en haine ou jalousie de M. de Brienne , qui est encore plus maltraité dans cette derniere brochure , où même les auteurs se permettent des grossiéretés bien contraires à leur ancienne modération. Elle est très-recherchée, à cause de ce Prélat, qui est aétuellement dans son Diocese , où il se fait adorer par le bien qu'il y fait & les secours qu'il y donne aux malheureux paysans affligés de la perte de leurs bestiaux
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tiaux qu'enlève la maladie épizootique ré..
îdue sur eux.
zi Février 177fi. Me. Linguet ne pouvant en.
imoment donner l'essor à sa plume inépuisable, icependant toujours curieux d'entretenir la mentation élevée à son occasion dans le puc, jurqu'à ce qu'une occasion plus favorable permette de la reprendre , revient sur le fie, & a fait imprimer son plaidoyer prononcé r lui-même en la Grand'Chambre les 7 & 11 îvier dernier.
Il dit dans une Note préliminaire , que des fons particulières l'ont déterminé à supprimer ifpcce d'Avertissement qui étoit contenu dans ; 20 premieres pages de cet Imprimé , qui ne mmence que par la 23 ; que c'étoit un objet folument séparé de son plaidoyer ; qu'on n'a s cru devoir le confondre. Il est plus proble que quelque nouvel écart de ce foueux Orateur aura été cause de la suppression noncée.
Dans ce début il demande comme Cicéron 1 est son crime , où font ses accusateurs, où nfr leurs preuves ? Il cherche à capter ses juges .r une peinture injurieuse , odieuse , avilissante a Tribunal intermédiaire, par l'éloge pompeux :s Magistrats qui reprennent leurs places. II excuse d'avoir comparu devant le dernier, sur nécessité de défendre l'innocence.
Dans la premiere partie il rend compte des éliminaires du Jugement rendu contre lui le : Février 1774.
La féconde est divisée en deux paragraphes.
c. Irrégularité du jugement du II Février 774.
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2". Injustice de ce jugement.
Il discute dans la troisieme, la Délibération prise contre lui le 22 Décembre 1774, par une âssemblée de 22 Avocats.
Ce plaidoyer , travaillé plus à loisir & plus limé que les derniers écrits de Me. Linguet contient une foule de beautés oratoires , de grands mouvemens de l'éloquence. Il est plein de vigueur & de nobleiïe ; le style en est pur & châtié, sans rien perdre de sa chaleur & de sa force. Mais on ne peut dissimuler que k partie du raisonnement est toutà -fait deFec.
tueuse ; que la façon de prouver consiste unique.' ment à nier les imputations qui lui feroient défavorables , à avancer sur ton seul témoignage.
& avec beaucoup d'impudence , les faits qu'i; produit pour sa justification.
22 Fcvrier 1775. Le Couronnement d'un Roi, Essai allégorique en unatie & en prose ,jitiv' d'un Vaudeville. par lUI Avocat all Parlementde Bretagne , [M. GoyerJ avec cette Epigra, i phe : Redeunt Saturnia Regain. Et au bas Au Temple de Mémoire.
Tel est le titre de l'ouvrage deja annoncé, mais qui mérite un plus long détail, & par son importance , & par la sensation qu'il a faite & par la rareté dont il est.
L'AvertiiTement est en deux vers que void; Ai-je tort de céder au zele qui m'entraîne?
Henri IV & Titus ont paru sur la feene !
C'est le samedi 28 Janvier 177 , que et,' Drame Lyrique a été représenté sur le théâtre dt, Rennes,
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Les Adeurs font le Roi, la Reine , Henri h vmd, Princes du Sang, AliniJlres , Magifits connus, Suite de la Reine, Perfonages négoriques & pantomimes, le Peuple.
]Le théâtre , à l'ouverture , représente une le magnifiquement décorée. On y voit une uronne placée sur une table couverte d'un ois de velours bleu-céleste, parsemé de fleur-lis d'or. Les perfonages de la Scene premiere font le 0 i, la Flatterie, Fantôme sans nom, Fausse )oÍl c, Volupté, Despotisme, Perfonages panmimes 6 allégoriques.
LLe Roi fixant la Couronne, remarque qu'elle est accordée encore qu'à sa naissance ; qu'il ne point méritée. Il entend des cris de Vive le oi } & ces acclamations ne font qu'exciter Avantage sa sensibilité sur l'importance de ses woirs, sur l'excellence de son peuple, & sur le rangement qu'il doit craindre s'il ne remplit ïpoir qu'on conçoit déjà de son regne. Il téoigne sa reconnoissance à ses sujets, son desir les rendre heureux, & prévoit d'avance que bonté doit être éclairée & guidée par la fHce.
..Le Luxe , premier perfonage allégorique , epréfenté fous un ColoiTe richement vêtu , cire les regards du Roi : il est placé à côté d'un ône d'or, relevé par-tout ce qu'il y a de plus datant, mais dont les degrés font formés d'un Dupe de malheureux , couverts de haillons, m lancent vers le trône des regards où se peint désespoir. Il montre le trône au Monarque t semble l'inviter à y monter. S. M. est éblouie un tel éclat ; elle approche , & voit le fpeâav
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clé effroyable caché fous tant d'opulence. Ld: Fantôme lui présente des Edits bursaux. Lo Prince les déchire & gémit sur les impôts dont; son peuple elt déjà accablé , qu'il voudroit supprimer.
La Flatterie , fecond Acteur , se présente; fous la forme d'un perfonage qui, dans l'attitude.
la plus humble, montre au Prince la place qu'on: lui destine dans l'Olympe.
Le jeune Prince se moque d'abord du pyg.,niée , de sa baffe adulation ; puis il s'indigne, prend le flatteur , lui fait faire une pirouette : il se trouve derriere ce fantôme , un malheureux , le placet à la main , que le courtisan avoir écarté & caché jusques-là.
Le Fantôme sans nom , troisieme perfonage.
affublé de vêtemens noirs , tient de la mair: droite un glaive , & de l'autre distribue à un groupe d'aveugles de petites balances de bois dans lesquelles se trouve un morceau de painr Aux pieds du Fantôme font jettées les vraie." Balances de la Justice, à côté du Code. Il s'a; vance pour prcfenter le glaive au Roi, & mar' che sur le Code qui est à ses pieds. Le Roi rec lève le Code , & frémit de voir les Loix a;nfl foulées. Il frappe sur le poignet du Fantôme <Sî lui fait tomber le glaive des mains , pour re = mettre ce dépôt sacré en des mains plus fîdelese Il regarde le groupe d'aveugles, il leur distribue le pain&brife les balances ; en déclarant qu'ii ne veut point se servir d'aveugles, mais qu'il le:i plaint & les nourrit.
La Fausse Gloire , quatrième perfonage fous la forme de la Viétoirc, tient dans unir main une couronne de laurier , montre dïi
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3eptres & des couronnes enchaînés a Tes pieds* ,e Monarque est peu touché de cet éclat men□nger : il s'annonce pour ne vouloir combatte qu'en défendant la patrie, & en se dévouant your elle , mais il renonce à l'ambition injuste Les conquérans.
La Volupté, cinquième personnage , paroît Dus les traits les plus féduifans , conduite par un vieil esclave couronné de myrthes. Elle ient dans ses mains des chaînes couvertes de leurs. Le jeune Prince , d'abord ému de tant l'attraits , cependant quelque doute sur fou >:onduéteur, dont il soupçonne les fonctions télébreufes ; il se rassure en remarquant les charnés ingénus de la Déesse ; il reçoit la guirsande qu'elle lui offre, puis la rejette en voyant lue ce font des chaînes ; il les jette au col Re l'Esclave de la volupté, qui est à genoux, & l'enchaîne, en ordonnant qu'il foit éloigné Ne ses yeux.
Le Defpodfme est le sixieme & dernier perfonage. C'est un homme cuirassé de bronze , je casque en tête, un sceptre de fer à la main.
1.1 montre au Roi un trône de fer, fort élevé, mais si étroit vers sa bafe, qu'à peine peut-il se soutenir. Les pieds de ce Trône font de bois, on groupe de malheureux les ronge pour le renverser. Le Roi, en touchant ce Trône le fait chanceler ; il jette les yeux sur le groupe & frémit d'un tel fpeétacle. Le Fantôme se retire de lui-même, & reconnoît l'aversion que le Prince a pour lui.
La scene finit par un coup de tonnerre. Les i:rônes se brifent & les perfonages difparoif.
fent.
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A cette décoration succede l'entrée du Tew pie de Mémoire. A la porte se voit le Tenu armé de sa faulx ; on l'en suppose le portier.
La fécondé scene se paffe entre le Roi : Henri le Grand. Ce dernier félicite les Fran çois d'avoir un Roi, & son successeur, d'avoi déja dompté tous les monstres dont il avoii trouvé son trône investi. Son petit-fils rapport) son courage à son desir de ressembler à un pareil modele , dont il se fent bien éloigné.
Henri lui prédit qu'il surpassera son ayeul il découvre dans le jeune Monaxoue un cœu: auili bon que le fien , & moins Toible ; ce qui amené un éloge de la Reine. Henri termine c<, dialogue par présenter au Roi la couronne qui étoit sur la table. Il l'accepte, en lui deman.
dant ses conseils : il le prie de l'aider à trouver un Sully. Henri lui déclare qu'il connoîtn; bientôt ceux qui doivent approcher du trône,Le Temple de Mémoire s'ouvre : Henri y re.' tourne : il se referme. La décoration change) par un nouveau coup de tonnerre. Le théâtres représente un Palais. Dans le fond doit être urr trône, avec tous les ornemens de la Royauté.
Scene troisieme : Le Roi, Princes du Sang: Le Roi les invite à s'approcher, à servir de; jempart à son trône contre le mensonge & l'adulation. Il ordonne au Duc de Penthievre; & à la Princesse de Lamballe d'aller en Bretagne , pour consoler la Province & réparer ses malheurs.
Scene derniere. Le Roi, la Reine, Princesi du Sang , Suite de la Reine, Ministres & Magistrats connus. Le Peuple.
Le Roi se félicite d'avoir pour Ministres deSs
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nis de son peuple. Il fait approcher les MaRrats. A l'un, qu'il regarde comme le généux défenseur des Loix , il confie les piemieres ridions de la Magistrature ; il lui ordonne de tidre un nouvel éclat à cet Ordre de l'Etat l'on vouloit avilir.
A l'autre , accablé fous les ans & les infirités , S. M. donne une palme, qu'un homme a peuple lui présente, comme un monument Î son triomphe.
Il invite tout ce cortège à le fulvre & à se àêler à celui de la Reine , composé des Vertus.
Le Roi donne la main à la Reine. Ils monmt ensemble sur le trône. La Reine dit au ai, que le bonheur du peuple est son seul avrage, & que celui de son auguste Epoux la garde & fera le fien.
Le peuple crie, Vive le Roi ! le Roi crie , live mon peuple !
Vaudeville qui termine, sur l'air de celui qui finit le Déserteur.
Le premier Magiflrat, au Peuple.
Oublions jusqu'à la trace D'un malheur peu-fait pour nous, Eprouvés par la disgrâce, Notre fort en est plus doux. Le Peuple.
Oublions jusqu'à la trace &c.
Un Huissier, en robe.
Louis, par sa bienfaisance , Nous offre un fécond Henri,
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Et dans son Conseil, la France Retrouve plus d'un Sulli.
Sous lui regne la justice ; Le Sénat nous est rendu.
De par le Roi, que le vice Faffe place à la vertu.
Le Peuple.
Oublions, &c.
Un Berger.
De notre Roi, ma Bergere* Sais-tu ce qu'on dit ici_?
La Bergere.
Dans lui nous avons un pere » J'ai pensé dire, un ami !
Ensemble.
Nous reverrons au village 't Les jeux , les ris, les amours,
Life Colin
c'est après l'orage
Qu'on fent le prix des beaux jours.
Le Peuple.
Oublions, &c.
Un Breton.
Chalotais , par sa présence,, Va finir tous nos malheurs : Il paroît, & l'innocence
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N'a plus de persécuteur: Pour les amis de la gloire Est-il un instant plus doux ?
Quel heureux jour! sa viaoire Est un triomphe pour tous.
Le fécond Magifirat.
Oublions jusqu'à la trace 5 &c.
Le Peuple.
Oublions, &c.
Un autre Breton.
Que Penthievre & la Princesse Jouïssent de leurs succès: Citoyens, notre allégresse Est le fruit de leurs bienfaits.
Mais, trop heureux que nous sommes; Nous comblons allffi leurs vœuxi Amis, le bonheur des hommes, Doit faire celui des Dieux
Le Peuple.
Oublions jusqu'à la trace D'un malheur peu fait pour nousy Eprouvés par la disgrace, Notre fort en est plus doux 1: Vive le Roi ! Vive le Roi !
Vive à jamais,, vive le Roi!' Ce qui a fait supprimer cet ouvrage , cfelfc fexclamation d'H enri IV, ouvrant la scene, & s'écriant :: Vive Dieu, les François ont dotw m EoL
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Du reste, M. l'Abbe Terrai est parfaitement défigrré fous le personnage allégorique intitulé le Luxe. On reconnoît dans la Flatterie, à ne pas s'y méprendre, M. de Maupeou. Le Dcfpotifme désigne sensiblement M. le Duc d'Aiguillon. Le vieil esclave qui amène la Voluptér peint à merveille le Duc de Richelieu. Enfin le PhantÓmefans nom est le Nouveau Tribunal, à ne pouvoir s'y méprendre. C'est ce qui rend le spectacle , très-beau en lui-même, encore plus piquant.
23 Février 17 7 Le Barbier de Seville tant annoncé , n'a pas répondu à l'attente du public, dont la foule apensé produire des événemens sinistres par le peu d'ordre qui regne aujourd'hui, foit pour ladiftribution des billets,, foit pour l'entrée du fpedacle. Cette piece , que l'auteur prolixe a allongée en cinq ades, au lieu de la réduire à trois, n'ell, quant à l'intrigue, qu'un tissu mal ourdi de tours uses au théatre pour attraper les maris ou les tuteurs jaloux. Les caratferes, sans aucune énergie, point assez prononcés, font quelquefois contradictoires. Les actes, extrêmement longs, font chargés de scenes oisives que l'auteur a.
imaginées pour produire de la gaieté & qui n'y jettent que de l'ennui. Le comique de situation est ainsi totalement manqué , & celui du dialogue n'est qu'un remplissage de trivialités , de turlupinades , de calembourgs , de jeux de mots bas & même obscenes : en un mot, c'est ..¡me parade fatigante, une farce insipide, indigne du théâtre François. Le premier acte seul, gJTez bien disposé , a reçu de vrais applaudiffeincu & les méritoit. Dans tous les autres J
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: dégoût n'a fait que croître & parvenir à fou amble. L'auteur a soutenu cette chûte avec in impudence ordinaire. Il espere bien relesr & monter aux nues , dimanche, où elle oit être jouée pour la féconde fois.
24 Février 1775. Le Sr. Du Belloy étant toumrs dans un état de langueur qui exige beau3up de secours pécuniaires , & cet Auteur n'émt pas riche , les Comédiens , par une géné)sité louable , se disposent à donner demain Siege de Calais , & d'en faire tourner les onoraires à son profit.
2 Février. Le Sr. de Beaumarchais ne se ent pas pour battu. Il a fait afficher son Bar1er de eeville, pour demain 26 , en quatre stes feulement. Il prétend que c'est parcomlaifance pour les Comédiens, enchantés de tte comédie & la trouvant trop courte, qu'il a allongée.
26 Février. M. le Marquis de Villette & Ule. Raucoux, par la reflonblance de leurs Jùts , s'étoient rapprochés & vivoient enfemle depuis quelque tems, composant un genre tixte de leurs plaisirs. Le premier, par inconfHice, ou par mécontentement, ou par une snte invincible à son ancien péché , a écrit ne Lettre de rupture à l'autre. Celle-ci lui a tvoyé en réponse un petit ballai, avec ces 2ux vers de Voltaire, si connus sur l'amour : Qui qne tu fois, voici ton maître : Il le fut, l'est , ou il doit l'être!
Ce qui fait aujourd'hui Fanecdote des cotr[es, & couvre de ridicule le Marquis fufdit* ; 7 Févliçr 1775. Des caisses d'orangers jettéss
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au rebut par vétusté, à JHeudon, ont paffé au propriétaire du four bannal du village, qui a cru pouvoir s'en servir pour faire chauffer fou four. Beaucoup de paysans font morts dans des douleurs excessives. A force de recherches Si d'examen , les médecins appelés, pour examiner le fait, ont reconnu que ces malheureux étoient empoisonnés. On a remonté à la fource , & il a été constaté que le verd-de-gris en.
trant dans la composition de la peinture de* eaifTes en question , calciné par le feu , avoii laisse un sédiment , dont les fournées de pair avoient été imprégnées , un peu plus, un pet moins ; ce qui occasionna les ravages déplorable qui avoient excité l'attention de la Faculté Pareil malheur arrivé , il y a vingt ans, à Mont rouge y est une nouvelle preuve du dange d'un pareil emploi.
28 Février 1775 M. le Chevalier de Berainville amateur des arts, & distingué par ses fentimen patriotiques , a imaginé & exécuté lui - mém Je dessin d'un médaillon allégorique, pour céli brer le retour du Parlement , dont on a dé: fait l'annonce. La ville de Paris y est défignt fous l'emblème d'un vaisseau, faisant lesarmt de cette capitale. Après avoir été longten battu de la tempête , il arrive au port de Felicite. On voit sur le rivage une multituc de peuple qui , par des danses , témoigne joie.. Le ciel est éclairé par un soleil de justice qui semble fixer son cours sur ces lieux dai les douze signes du zodiaque qui l'y entourer .figurant les douze Parlemens de-France. En hal est le Roi, avec les attributs de Jupiter : a .gauche est la Sagesse, représentée par une EaM
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qui l'inspire. On voit à sa droite une autre rem: me, désignant la justice , à laquelle il remet son glaive. Au bas on lit : ad redit uni Senatus t 12 Novembre 1774. Au haut : Ex Juflitia Felicitas , & sur l'Exergue ; Ex felicitate Gloria. Le tout est terminé par des vers , qu'il faut moins considérer comme un morceau de poésie que comme une explication de l'estampe. Les voici ;
Le retour du Parlementa
Lutece, sur les flots d'une mer orageuf,.
Aborde aint1 au port de la Félicité : Par des jeux innocens, une troupe joyeufeAnnonce de ces lieux la pure volupté; Le Soleil de justice, en sa nouvelle Aurorer Fixe sur ce climat ses douze stations Et découvre uFrançois, près du Dieu qu'il adorer La sagesse & la loi guidant ses aéHons.
1 Mars 177Ç. Le Barbier de Seville, au moyen de la ressource usitée des auteurs, a été aux nues les dimanche & mardi-gras. Les Battoirs , comme les appelle le Sr. Caron luimême dans sa piece, Font parfaitement bienservi. Il y désigne fous cette qualification burlesque, cette valetaille desfpeétacles, quigagne ainsi ses billets de parterre par des applaudissemens mendiés, & des battemens de mains perpétuels. Il a réduit sa pièce en 4. ades, ce qui la rend' moins longue, moins ennuyeuse, & ce qui a fait dire qu'il se mettoit en quatre pour plaire au' public. On a dit encore mieux qu'il auroit plutôt dû mettre ses quatre Aétes en pièces j jeu de mots qui, en indiquant lé refgeéfc
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tn'il auroit dû avoir pour la décision du publie , aéligne le principal défaut de son ouvrage , où il n'y a ni fuite ni cohérence entre les diffétens attes.
2 Mars 177 ç. Le premier médaillon, présenté au Roi, à Marly, le 29 Juillet dernier , représente la France venant pleurer au pied du trône la perte de son Roi Bien-aimé. Louis XVI court àu-devant d'elle , lui tendant les bras pour la consoler. M. le Comte de Maurepas, désigné fous la figure de Minerve , est derriere le Monarque & l'inspire. Une gloire, qui environne & fait briller la couronne, annonce les fuites heureuses des conseils du Ministre. La félicité du regne futur est exprimée fous l'emblème d'une corne d'abondance , qui semble s'épancher du trône sans interruption. Les Arts approchent à l'envi de leur Souverain , & lui consacrent leurs travaux. La Peinture est ocaupée à le peindre. La Poésie, dans son enthousiasme, implore Apollon pour le chanter. La Géographie mesure sur le globe l'étendue de son heureux empire. L'immortalité , d'un vol rapide , vient le couronner. Au bas de l'Estampe allégorique est : Ludovicus XVI fufeipit Imperiuni 1774. Et sur l'Exergue : Sufficit omnibus, Dans le fecond médaillon, en l'honneur de la Reine, cette jeune Majesté est figurée par l' Aurore, annonce d'un jour par & serein , emblème du regne futur de son auguste Epoux.
Le tems, appuyé sur une urne, en fait couler un fleuve d'or. Au milieu flotte la France , représentée par un globe fleur-de-lifé, sur lequel l'Aurore répand des roses.
§ou iUtçiïç Royale, Madame* à la tête des
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Sraces, ses fœurs, Madame la Comtesse cratjuis & Madame Clotilde , présente à la Reine (me couronne de fleurs. Cette Souveraine, lesaegardant avec tendresse , leur montre le soles l lui va la suivre, comme le principe de la gloire ju'elle partage.
* Madame Elisabeth , fous la figure de l'Ingéruité, fait remarquer ce fleuve d'or à Madame a Comtesse d'Artois , qui la tient par la mairt ! lui montre le soleil, précédé de l'Aurore , Taies sources de l'abondance. On lit au bas : Wa. ATsTa. JjJfS Franeorum, 1774. Et sur ffixerglle : Ex hinis unafalus.
II y a trop d'esprit , trop d'emphase & trop l'adulation dans ces monumens, dont les preSiieres qualités doivent être la vérité & la fimIjcité. L'auteur a joint aux médaillons deux ieces de vers trop longues, trop fades, & fousnt trop peu poétiques.
t 2 Mars 177 s. M. DuRofoy, par ses proteciturs, a fait lever les obstacles qui s'opposoient sa nouvelle piece d'Henri IV, dont le titre si le Siège de Paris. On a vaincu la répu nance du Roi, & ce nouveau Drame Lyrique: st à l'Etude. La rnufique est aussi du Sr. Marmi. Les comédiens en oMila plus grande efp& fence.
3 Mars. On fait combien Madame Clotilde l' ont le mariage est déclaré avec le Prince 5 Piémont , est épaisse & volumineuse : on dit encore combien elle a d'excellentes qualizs , & même d'esprit , cachés fous cette enteloppe grossiére ; c'est ce qui a donné lieu an ;uatraiA suivant, où cette Pjancefîe est ençoie-
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ttéfignée fous le titre de Madame , qu'elle portoit avant la mort du Roi.
Le bon Savoyard , qui réclame Le prix de son double présent, En échange reçoit Madame ; C'est le payer bien grattement.
4 Mars 177Ç. Un Curé de Gascogne, qui plus sévere que les gens de sa robe, malgré le teni-pérament fougueux dont il étoit tourmente ,, a voit gardé la plus exaéte continence , a été atteint d'une maladie terrible , dont il parois n'avoir été guéri que par une indulgence necessaire pour la nature. Revenu à lui, il en a.
décrit les symptômes extraordinaires dans un Mémoire qu'il a adressé à M. de Buffon. Ce.
manuscrit, remarquable par les détails & par une imagination prodigieuse, est regardé comms: très-authentique pour le récit. Mille temoim: peuvent déposer de ces faits récens arrivés fous: leurs yeux , & l'Académicien compte faire ufag, de cet écrit singulier, pour prouver l'absurdits du vœu de la chasteté &. fès dangers.
9 Mars. On a fait beaucoup de critique:: du projet de finances du Sr. Richard. 111e comprend toutes dans une Réplique général, pour le présent & l'avenir, aux Oservations faites & à faire sur son plan dimpofitm économique. Il faut avouer qu'il n'est pas heu xeux à. la répartie , & q.ue la plupart de se réponses à des obje$ions très-fejifees font pif, toyables.
6 Mars. Extrait d'une Lettre de Ferncy u 25. févri"er., Ne soyez pas sûrpris
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Mr. de Vultaire n'écrit point en faveur de son ami , le Maréchal de Richelieu : il commence à se lafifer d'être ainsi le Dom Quichotte des gens de la cour , qui ne font que des ingrats ensuite. Vous vous rappelez tout ce qu'il a dit , écrit & fait pour le Comte de Morangiès.
Savez-vous comment il en a été récompensé ?
: Peut-être iç jours après le jugement, cet accufé lui a écrit un petit bout de lettre, où il [ lui demandoit excuse de ne lui avoir pas plur tôt annoncé le gain de son procès , en rejeti tant cet oubli sur la multitude de ses affaires, 1 & en remerciant très-légérement M. de Voltaire 1 de la part qu'il y avoit prise. La sensibilité du [Philofophe a été fortement émue d'une pareille froideur.
7 Mars 17 7 s. Théorie du Libelle, ou ï art de ) calomnier avec fruit. Dialogue philosophique \pour servir de Supplément à la Théorie dit Paradoxe. Tel est le titre de la réponse de [Me. Linguet à l'abbé Morellèt. Il y introduit )ce dernier avec un certain M. P., qu'il Ifuppofe avoir été chargé de travailler à faire ides Extraits des ouvrages du premier pour le Ddeshonorer & le tourner en ridicule. Il fetrourve , au contraire , que M. P., en les lisant, sa été enchanté & n'a pu se résoudre à trahir sa Dconfcience. Il finit en témoignant son indignaition au Dodeur économiste, & il le congédie.
7 Mars. M. le Contrôleur général a chargé, , par ordre du Roi, M. M. d'Alembert , il'abbé Bossut & le Marquis de Condorcet, tous jtrois membres de l'Académie des Sciences , bde s'occuper de recherches théoriques & expérimentales , relatives aux canaux de navigation
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pour l'avantage du commerce ;& ces Meiïieurs prétendent, en se chargeant de ce travail, avoir mis pour condition qu'ils ne recevroient point d'appointémens ; ce qui ne s'accorde pas avec les 6,000 livres qu'on leur attribuoit dans le public.
8 Mars 1775. Le Sr. Du Belloy vient de mourir enfin , & laisse une nouvelle place vacante à l'académie. Cet auteur, dont le Siege de Calais doit faire à jamais époque au théâtre, a joui d'une réputation prématurée que la postérité ne lui conservera pas. Tout son mérite est d'avoir donné l'exemple de mettre sur la scene des sujets pris dans notre histoire , quoiqu'il n'ait pas même, à le bien prendre , cet honneur aussi entièrement qu'il l'a prétendu. Mais la barbarie de son style est un obstacle invincible pour que sa piece puisse jamais être lue, ainll -que toutes les autres qu'il a composées depuis.
On affure que le Sr. Beaujon , s'erigeant depuis quelque tems en Mécène des Gens de Lettres, anftruit de la détresse de celui-ci, lui ayant offert des [ecours, en a reçu une Epitre où il lui demande pour toute grace de vouloir bien faire faire son buste , pour être placé à la Comédie Françoise entre ceux de Corneille & de Racine, iorfque la nouvelle Salle fera finie. On doit .croire qu'il étoit absolument en délire quand il a écrit cette lettre.
- 9 Mars. Mémoire adressé au Roi par les Protejians de Guyenne. le 3 du mois dernier, pour Jupplier S. M. de leur accorder la liberté de conscience. Tel est le titre d'un imprimé , où ces sujets infortunés employent tous les moyens que l'humanité leur suggere pour tou.
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cher notre auguste Monarque, afin d'obtenir cette grâce, que la nature follicice pour eux, & que la politique suggere, pour contenir dans [le fein du royaume des sujets fideles , & en [rappeler ceux que l'erreur des tems a si cruelle[ment proscrits. Ils y apportent des certificats )des lieux où ils habitent, par lesquels la NoIblefle du pays rend justice à leurs vertus patriotiques , & les regarde comme dignes des ibontes du Roi. Ils ont envoyé copie de ce Mémoire à tous les Princes, & les supplient de leur accorder leur protection auprès de S. M.
10 Mars 177v Il y a cu hier une course de xhevaux exécutée à la plaine des Sablons , par [divers Seigneurs de la Cour, où la Reine & la ;la famille Royale ont assiste.
10 Afars. On parle beaucoup de la complaisance de M. le Duc d'Orléans pour Madame de rTvlonteiTon. Il la pouffe au point de jouer la comédie chez elle à Paris ; ce qu'on critique rort : il remplissoit dernièrement un rôle dans je Déserteur.
11 Afars. La course de chevaux, exécutée avant-hier à la plaine des Sablons , consistoit en ion certain espace de terrein à parcourir plus ou moins promtement. Plusieurs Seigneurs de la
):our avoient fourni des coursiers, sur lesquels ils T.voient assîs des paris considérables. Ils étoient montés par des palfreniers accoutumés à ces cortes d'exercices. Outre la famille Royale, on Domptoit du nombre des Princes du Sang, M.
2 Duc de Chartres & M. le Duc de Bourbon.
Ëy avoit une estrade élevée pour placer S. M..
t sa cour. Le cheval de M. le Duc de Lauzim t eu l'avantage,
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11 Mars 1775. Malgré tous les foins pris dam le Béarn , dans la Baffe Navarre & autres Pro.
vinces adjacentes , pour arrêter la contagion de la maladie des bêtes à cornes, les plus habiles gens de l'école vétérinaire y ont échoué Elle n'a fini que par la dévastation générale de: befiiaux. On y est dans le plus grand embarra: pour travailler la terre & faire le labourage.
12 Afars. La Théorie du Libelle n'ef pas faite pour réjouir les Economistes. Ils se sonfortement remués à l'occasion de cet ouvrage & ont profité du crédit où ils font aduelle ment pour le faire arrêter. Malgré le peu d< tems qu'il a été mis en vente, on affure qu'i s'en est débité plus de 4,000 exemplaires : tan le Parisien a une merveilleuse avidité pour 1: méchanceté !
13 Mars. On doit donner , pour la capitaticr desaéteurs, l'Opéra & Orphée & d'Euridice, di Chevalier Gluck. i; Mars. On reçoit d'Allemagne de petite: feuilles imprimées , ayant pour titre, : Corrd pondance littéraire Jecrette. Elles font par Nu.
méros. Il paroit qu'il s'en distribue ainsi un< chaque semaine. On peut juger de-là combier les Etrangers font avides de tout ce qui vient de Paris , car elles font datées de cette Capi taie , & ne portent pas, à beaucoup près, avec elles , l'intérêt & le piquant dont elles feroienl susceptibles. On voit que l'auteur n'apporte 11: diligence ni choix dans la collection de ses matériaux ; que ses jugemens font fort hasardés.
ses anecdotes peu fúres & son style peu noble, traînant & diffus. On juge que c'est une invention de cette année, qui pourra se perfeétionnel
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intre les mains d'un Correspondant de goût fit épandu.
14 Mars 1775. M. GreiTet vient d'obtenir des lettres de Noblesse. En voici le préambule.
9, Les avantages que les Sciences, les Belles - Lettres & les Arts procurent à notre Royaume , nous invitent à ne négliger aucun des moyens qui peuvent contribuer à leur maintien & à leurs progrès. Les titres d'honneur répandus avec discernement sur ceux qui les cultivent, nous paroissent l'en-.
couragement le plus flatteur que nous puiilions , leur donner. Parmi ceux de nos sujets qui se font livrés à l'étude des Belles - Lettres , notre cher & bien aimé, Jcan-Baptiflc-Louis I Grcffet, s'y est distingué par des ouvrages qui , lui ont acquis une célébrité, d'autant mieux , méritée, que la religion & la décence, toujours refpeétées dans ses écrits , n'y ont jamais requ la moindre atteinte. Sa réputation , a depuis longtems engagé l'Académie Fran0 coife à le recevoir au nombre de ses mem1 brcs, & nous l'avons vu , avec fatisfaétion , , nous offrir, en qualité de Directeur, les hom, mages de cette Académie, la premiere fois , que nous avons bien voulu l'admettre à nous , les présenter, à l'occasion de notre avènement , à la Couronne. Nous savons d'ailleurs qu'il est , issu d'une famille honnête , de notre ville d'A, miens ; que son ayeul & son pere y ont rem0 pli différentes charges municipales, & qu'ils y ont toujours , ainsi que le Sr. Gresset luiiIb même, vécu de maniere honorable, qui, en rapprochant de la Noblesse, est un degré pour 0 y monter. ,,
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14 Mars 1775 Les Comédiens François se propofoient de faire l'anniversaire de Moliere, en donnant le 17 du mois dernier une représensation de la Centenaire : mais des considéra.
tions particulières qui influent beaucoup sur les délibérations du tripot & en arrêtent les meilleurs effets, ont empêché que la cérémonie n'ait eu lieu.
iî Mars. Les Comédiens Francois avoient affiché pour aujourd'hui, Tancrede, par ordre ; cette tragédie a été donnée pour M. le Comte d'Artois , qui est venu à ce spectacle , in fiocchi.
16 JIais. L'Ade dont le Sr. Le Gros a refait la musique avec le Sr. Deformeri , est absolument réprouvé du public. Il faut se rappeler qu'il est intitulé : Hylas 0? Eglé, qu'il est tiré d'un Ballet de M. Le Franc de Pompi.
gnan, intitulé : Le triomphe de L'harmonie. Cette musique est maigre , froide & sans caradere.
Une Dlle. Mollet, Eleve du Sr. Le Gros , y joue pour la premiere fois avec une forte de v talent. Elle a la voix agréable , quoique foible; & sa figure mutine a de l'expression & peut convenir à certains râles qui n'exigeront pas une forte de noblesse.
17 Mars. Quoique le cheval du Duc de Lauzun , triomphant à la derniere courre de chevaux , foit mort des fuites de sa vi&oire , les amateurs & concurrens ne font point découragés : il doit y avoir inceflaminent de nouveaux paris.
18 Mars. Le Sr. le Kain, quitte de sa Cauchoise , c'est-à.dire de la maladie honteuse ont l'ayoit fait s'absenter de la scene, a reparu , il y
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quelque tems, dans la tragédie de Gaston '& Fayard. Il a paru plus admirable que jamais , à est décidé le plus grand asseur qui ait encore existé.
19 Mars 1775. On commence à débiter, tres..
jurtivement , une brochure dont le titre eftpij uant. Il porte , Remarques hifloriques & Anecdotes sur le Château de la Baflille. On y a oint un plan. On présume qu'elle a été comj osee par quelqu'un des malheureux prisonniers; ) étenus sur la fin du regne de Louis XV, rela:vement aux troubles excités dans l'état par la évolution derniere.
20 Mars. Les comédiens Italiens donnent aujourd'hui la premiere représentation d'une iiece nouvelle, intitulée : les Femmes vengées, m prose & en un aéte, mêlée d'ariette. Les raroles font du grand faiseur Sédaine, la muûuue du Sr. Philidor.
21 Afars. Le Colisée , ce monument mon. v mieux de la folie parisienne , est l'objet, demis sa naissance, de diverses contestations entre 2 s propriétaires & les créanciers , & même enJe les créanciers seuls qui ne font pas d'accord.
ceux-ci font au nombre de 260. Une partie oudroit qu'on détruisit cet Edifice : l'autre oudroit le conserver. La premiere fou tient que produit fera toujours au-dessous de la dépen: la féconde affure qu'il y a eu du bénéfice, sême en 1771 & 1772, tems auquel les cabales vouloient faire manquer tout ; qu'en 1775, malgré le trouble & les dissentions fomentés ans la Compagnie , ce bénéfice a été de plus s 33,000 Livres , par les foins du Direéteur ; qu'en 1774, malgré les deux mois perdus
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p-ar les circonstances de la mort de Louis XV il a monté à plus de 42,000 Livres , & qu': y en aura un plus considérable chaque année par la diminution graduelle qu'il fait de 1 dépense. C'est une contestation à décider pc M. Le Noir , comme Lieutenant - général d Police , établi juge en cette partie , & c'e l'objet d'une requête énorme de Me. Oudet Avocat, au nom des Syndics des créanciers d Colysée , unis par le traité du 26 Déccmbr 1*773, à présent au nombre de 227 , contre le foi-disant propriétaires, le 28 Juin 1769 , de terreins réunis aux Champs Elysées par le Roi dès le 14 Juillet 1767 , & dont le Roi a céd une partie au Colysée , le 26 Juin 1769, d contre ceux des prétendus créanciers qui n'on point figne le traité du 26 Décembre 1773. ,
22 Mars 1775. M. Thomas avoit prononcé le jour de la séance publique de l'Académi Franqoife à la Fête de Saint-Louis, un Eloge a Marc-Aurele , qui avoit été extrêmement ap plaudi , autant à cause de son mérite intrinfe que que de la satyre sensible qu'il contenoit d regne d'alors. M. le Chancelier , instruit par M Séguier, fort lié avec lui dans ce tems-la , d la sensation qu'avoit produit l'ouvrage , s'op posa constamment à l'impression. Il compri trop combien les maximes philosophiques, le grandes vérités, les principes d'équité répandu dans cet Eloge , contrarieroient les principe despotiques qu'il alloit établir & mettre en pra tique dans la révolution qu'il méditoit. Riel ne s'opposant plus à la publicité de l'Eloge ci question , il paroît , & répond à la haute opi "J).ion qu'on en avoit conque : c'est, sans coa - tredl j !
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pedit, le meilleur ouvrage de l'Académicien.
23 Mars. La brochure "intitulée : Remaries historiques Zy Anecdotes sur le Château la Bafiillc, suivant l'Avertissement , a été umpofée comme pour servir d'inftruétion trèsi:ile, dans le tems où elle devoit paroître, aux utoyens patriotes que leur zele pourroit y con- --tuire. Le plan & les détails qui concernent le ggime, la police, les aflfauts que les prisonniers int à souffrir dans ce château ; les questions , 2s surprises, les violences auxquelles ils font [ipofés , font extrêmement exacts & curieux.
a partie des anecdotes n'est pas aussi intérefmte, & contient peu de choses nouvelles ou lnorées. Il est à présumer que l'auteur a beausoup puisé dans l'Inquisition Françoise ou Hifvire de la Baflille de M. de Renne ville , ourage en deux volumes , imprimés en 1719, qui n'est pas commun.
2$Mars 177 ç. Les Comédiens François, très)econtens du Livre de M. Mercier , dont on a irlé , non-seulement font peu disposés à jouer m Drame lu , jugé & reçu le 8 Août 1775 , orès neuf mois de sollicitations , mais lui ont ifufé la lefture d'un autre , pour lequel il étoit Ifcrit dès le 22 Décembre 1775 , & qu'il exiitoit définitivement par une Lettre du 4 Mars, 'ec invitation par la même Lettre, de l'inscrire our une troisieme piece. Voici la réponse des Iftrions.
I\lonfioor , Votre Lettre , datée du 4 Mars, & adressee MM. les Comédiens Francois ordinaires du 3i, a été lue hier à leur assemblée. Voici l'avis
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qui a réuni le plus grand nombre cfe voix, qu'elle m'a chargé de vous communiquer.
Qu'il court dans le monde un libelle intitull de l'Art Dramatique que ce libelle attaqi directement la comédie Franoife ; que M. Me cier n'a point désavoué cet ouvrage injuriem & que la Comédie ne peut avoir rien de cor mii/i avec un auteur qui a cherché à la couvi de ridicule & d'infamie ; qu'elle mériteroit 1 odieuses imputations de M. Mercier , si el avoit la foiblesse de joindre jamais ses intérê à ceux de cet Auteur, & qu'enfin elle ne pei Je charger d'aucun de Je s ollvrages, ni les rec voir, ni même les entendre , qu'il ne foit juil fié du libelle que tout le monde lui attribue qu'il se vante lui-même d'avoir fait, & que @ désaveu ne foit aussi notoire que l'injure a c publique' ,,. »* Cette Lettre , datée du 7 Mars , & expédii comme conforme à l'original , par le Sr-. de Porte , Secrétaire de la Comédie Franqoife blesse , camme de raison , M. Mercier, & il e va résulter un procès intéressant pour tous le auteurs Dramatiques & pour la Littératui entière. 1 24 filars 177V. Dans la plupart de nos villf de Commerce il s'est établi une feuille hebdc madaire, connue fous le nom de Petites Affiche.
Son but principal est de favoriser la circulatio des affaires & des achats par une publicité plu rapide & plus étendue. Mais la, disette des ma tériaux, ou le desir de rendre cette feuille plu intéressante, engage souvent les Rédacteurs à inférer des Nouvelles Littéraires. C'est ainsi qu tout récemment dans les petites affiches d
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leims" on y a mis un quatrain, attribué a M.
Guibert , & adreiïe par lui à M. de Voire , ancien quatrain que tout le monde conît , où l'auteur compare le Seigneur de Fery à Dieu, qu'on boit & qu'on mange dans uchariftie sans le voir, parce qu'il avoit été rfaitement bien reçu au château, & en étoit pendant parti sans pouvoir admirer face à face de Voltaire. M. l'Archevêque de Rheims t pas trouvé cette plaisanterie bonne ; il en a rté ses plaintes au Roi, comme d'une impié, & l'on dit la feuille supprimée & l'Auteur ini.
24 Mars 1775. Il paroît un Mémoire à conIter & Consultation pour le Sr. Mercier, conla troupe des comédiens François ordinaires Roi. Il est très-bien fait, très-bien écrit, & Consultation, en date du 20 Mars, autorise plaignant à se pourvoir par devers les Magiats. Elle est signée de Me. Henrion de Peni, Avocat célebr, & auteur de l'Eloge de 'athicu Molé, prononcé à la premiere affem;:e de l'Ordre dans la Bibliothèque des Avots, lors de la rentrée du Parlement : Eloge Mt M. le Chancelier n'avoit jamais voulu persttre l'impression.
24 Mars. La piece des femmes vengées" Est autre chose que le Conte des Remois de Fontaine. Le premier jour cette piece fort aveleufe amusa beaucoup les hommes, tandis s les femmes ne savoient quelle contenance ire. Il a fallu supprimer quelque chose pour seconde représentation , mais le fond étant à - même très-délicat à traiter, il n'est pas ossible de le changer. Au futplus, M. Sédaine
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n'a fait que cuivre presque le canevas ri'u semblable facétie donnée chez Nicolet. Qu: à la musique, à quelques Ariettes près , ne la trouve pas digne du sujet.
24 Mars 1779. M. le Comte d'Artois ellve hier in fiocchi à la Comédie Italienne. On donné l'Amoureux de quinze ans & le Ti ban enchanté. La maladie des principales ; trices a empêché que la premiere piece ne i jouée comme elle mérite, & comme la circoi tance l'exigeoit encore plus.
25 Mars. La plaisanterie qui court ] cercles , fous le titre cTAnimaux rares de foire, porte principalement sur les Dlles. A nous , de Raucoux, Mi mi, Dubois, du Th Beau oisins, d'Ervieux , &c. la méchance de la premiere, l'impudicité de la fécondé, bétise de la quatrième font allez bien carad risées. Du reste , on y trouve des filles peu co: nues & qui ne méritent pas d'être tirées de foule.
t 2S Mars. M. Le Breton, Maître de la Mi fique du Roi, qui avoit la survivance du S Rebel pour la place d'Administrateur génér; , de l'Académie Royale de Musique, est en t tre aujourd'hui par la retraite du Sr. Rebel, qui l'on donne 3,000 Livres d'augmentation d pension. 1 Cette place d'Administrateur général, éta blie comme celle de Diétateur dans la Répr blique , & qui sembloit ne devoir avoir lie que pour les tems difficiles de l'Académie Ro yale, devient, comme on le voit, habituelle tant le pouvoir aime à s'étendre & à se pet pétuer. 1
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2^ Jlfars 1 7i). Il paroit depuis plusieurs fenaines trois volumes de près de 400 pages cha:W1 , ayant pour titre : Journal historique. de.
a révolution aperce dans la Constitution de la Monarchie Franioifè, par M. de Maupeou , l'ianceiier de France. Ce Journal Chronologique commence à l'époque de l'Edit envoyé au Parlement le 17 Novembre 1770, & se termine u retour des Princes à la Cour en 1772. On 'oit comme dans le Journal de PEtoile, fous lenri IV , jour par jour, tout ce qui s'est pafe dans ce tems désastreux. Il; complette la :uricufe histoire de cette étrange révolution, eiate tous les écrits qui ont paru dans le cours le ces deux ans & en donne l'idée & le précis, 1 faut croire que le fidele rédaéteur de ce Jourlal en donnera la Suite , jusqu'au moment où m nouvel ordre de choses a réintégré la Ma.
ijhature dans toutes ses fondions , & rendu 1 l'Etat ses Magistrats , objet des vœux de la dation.
26 Mars. Tout confidéré., la pièce des Femmes vangées est la plus jolie qui ait été lonnée au Théâtre Italien depuis longtems..
Quoique le Sr. Sédaine ne foit pas ordinairenentgai, entraîné par son sujet, il n'a pu s'em)êcher de le devenir, car , indépendamment lu comique de dialogue, il y en a un continu le situation , bien préférable, dont une partie :st même dûe à l'auteur, qui dans tout le reste L beaucoup d'obligation à La Fontaine. Par une nnovation très-heureuse, il a imaginé de laif'er tous les Aéteurs en scene en ajoutant deux Cabinets, où d'une part font les maris, & de ,'autre les femmes, à mesure qu'elles s'abfen-
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tent du théâtre. Par-là , le fpeélateur jouît d trouble, de l'embarras, de la conversation de premiers , & ce que les situations des autre auroient d'allarmant par leur absence, qui Ci est la fuite, est fauvé au moyen de ce qu'oi les revoit le moment d'après. La confidence 01 l'on est que les diverses déclarations du Pein tre, & la feinte défaite des Belles, n'est qu'ui jeu pour faire enrager les maris témoins , adou eit de beaucoup ce que la scene d'ailleurs pré fente de trop libre & de trop révoltant. Enfin il en résulte un mouvement, une variété qu soutiennent sans relâche la curiosité & renden la comédie piquante d'un bout à l'autre. Uni autre amélioration que le poëte a faite au Conte (j'a été d'enrichir son premier aveu, en mettan le fecond dans la bouche de la femme, commi ii elle étoit folle du peintre. Le dénouement est aussi plus théâtral , par le retour des fem mes, qui trouvent leurs époux aux genoux d< leur rivale. Il y a des couplets charmans dam: le courant de la piece & à la fin. Il est fâcheux que la musique ne reponde pas au poëme autanl qu'il le mériteroit ; ce feroit un véritable cher d'oeuvre. C'est un Opéra - comique du meilleu-J genre , & tel qu'il en faudroit plus souvent à ce théâtre.- ( 27 Mars 177 5. On a fait en Bretagne une Ro* mance allégorique, intitulée : Themis redressée, Elle est sur l'air : sisols dormoit dans un Boccage. Elle est relative à la fifcuation où se trouvoit depuis long-tems la Justice dans cette Pro.
vince, & peint à merveille l'anarchie des Loix*.
A quelquès endroits près , concernant le Duc d'Aiguillon, & qui par - là caraéhrifent fpé* i
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Salement le lieu, le sens des paroles pourroit dapter à toute la France. Il y a des couplets ureux.
■ 27 Mars. 1771. On va travailler incessamment I disposer les combles des Invalides pour y revoir les Plans en relief de nos villes de guerre, : dégager ainsi la Galerie du Louvre, destinée | un meilleur usage. On fait que c'est pour y kpofer les Tableaux du Roi & autres curiofifcs précieuses , qui se gâtent faute d'ordre, d'air [: de propreté. D'ailleurs, ce fera un Salon Perpétuel pour former les Eleves de la Peindre & autres jeunes Artistes , par l'étude des fcinds modeles.
27 Mars. On ne fait pourquoi la brochure s deux Regnes est toujours rare & chere , lest un poème en six Chants: dont on dit les -rs médiocres. Le fond roule sur les événeInens des regnes de Louis XV & de Louis XVI.
Se qui pouvoit fournir matière au génie d'un oëte & exciter sa verve. i 27 Mars. M. le Comte de Buffon est toupurs désolé d'une petite humiliation que lui a onnée involontairement - sans doute, l'Archiuc, pendant son séjour ici. Ce Prince étant îlié au jardin du Roi, pour en voir les curiohés; avoit été requ par cet Académicien, qui "ln sa qualité d'Intendant du jardin & du cabinet, en devoit faire les honneurs. Celui-ci ivoit profité de la circonstance pour lui préfenser une Edition de ses Oeuvres. L'Archiduc, I-près l'avoir parcouru un instant, la lui a re- rnife , en lui disant : je ne veux pas vous en priver.
ï4 27 Mars. On va consigner ici l'Epitre du
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Conseiller au Parlement de Rouen , telle qu'elle est nianufcrite. i
1 Epltre, à M. le Garde des Sceall., par un Conseiller du Parlement de Rouen. 1
Sage Miromcnil, que le pouvoir faprêmc, j Voulut combler d'honneur pour l'honorer lui-même, Ah ! que ton fort est doux, puifqu'il est mérité !
Tout l'Etat applaudit à ta prospérité.
Dans son ambition, en vain nourri de brigues, 1 Un lâche s'aggrandit par des viles intrigues; ; Cette secrette voix qui tonne au fond du cœur, «j L'accable fous sa honte & flétrit sa grandeur. j Ton bonheur est plus pur: dans ta noble carriere Ton œil peut sans effroi retourner en arriéré : i Au sentier de l'honneur tous tes pas imprimés * Nous rappellent par-tout des abus réprimés, J L'orphelin défendu , la veuve protégée, î Et du vice puissant l'innocence vengée. j Reçois donc de ma main cet encens qui t'est dû : | Quel autre a plus de droit d'admirer ta vertu ?
Jadis , le compagnon, le témoin de ton zele, * Je te voyois de près, lorsque ta main fidele | Soutenoit la balance & le glaive des Loix i Ou lorsque déployant ta séduisante voix, j Maître en l'art de parler, par ta flatteuse adrefre, Aux esprits égarés tu rendois la sagesse: Je crois te voir encor, par des discours vainqueurs; Enchanter notre oreille & subjuguer nos cœurs. i Ce tems dura trop peu ! bientôt d'affreux orages j
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•lit "sur un ciel serein déployé leurs nuages.
ais que dis-je ? Ces jours font ceux de ta grandeur.
Oui, sans doute, à ta gloire il manquoitle malheur.
°ar le choc des revers un cœur noble s'enflamme.
Cet homme & Foible & vain, sans refîbrt & sans ame, 0 eut-être eût été grand, fenfihle & généreux, Mais il eut le malheur d'être toujours heureux !
D'autres pourront te peindre avec plus d'éloquence., rréfidant un Sénat regretté par la France, ùuiToufflant ton génie, & de ce vaste Corps Vers le bonheur public dirigeant les ressorts; Mais moi je te peindrai, grand, même en ta retraite.
Tranquille, heureux , goûtant dans une paix parfaite .les délices .des arts, les doueeurs du repos ; Et loin des dignités, du bruit & des complots, Habitant fortuné du château dé tes pères Errant un livre en main dans tes bois solitaires.
Mais l'Etat te réclame, & du fein de ces bois On t'appelle aujourd'hui près du trône des Loix.
itfotrer destin par toi voulut enfin s'absoudre : ux grandeurs condamné, daigne donc t'y résoudre j rlmmoleton repos à nos pressans besoins : la France t'attendoit. Que tes généreux foins tui rendent & sa force & sa splendeur auguftc.
ce corps-majestueux 1 .si fain & si robuste , Tut languir, accablé par des coups rigoureux : ITu parois , il s'élèy'e , & bientôt vigoureux, Que ne devra - t -il pas au médecin habile Qiii tend une-main prointe à sa grandeur débile !
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Je ne te promets point la faveur de ton Roi De l'or, des dignités. Que feroient-ils pour toi? t Nos cœurs : voilà ton prix. Malheureux un Ministri S'il s'annonce à l'Etat comme un astre sinistre. l Qu'il verse , comme toi, ses rayons bienfaisans ; D'infâmes ennemis , d'avides courtisans : Pourront tromper son maître & -monter à sa place î" Mais les regrets publics vangcroient sa disgrace. j On emporte en quittant, dans son cœur satisfait, i Nos vœux, sa propre estime & le bien qu'on a fait Enfin arrive un jour, qu'appelle par son Maître; Après sa longue éclipse on le voit reparoître ; : Alors servant l'Etat sans lui rien demander, 'l Lui délignant les chefs sans vouloir commander,
Il appelle aux honneurs la vertu, la prudence, Et voit son Roi s'armer de son expérience; Tout bénit son retour. Tel un fleuve fécond i Quelquefois englouti dans un gouffre profond, 1 Se perd , & pour un tems disparoît fous la terre : Mais. bientôt s'échapant du cachot qui l'enferre, I Il se montre, & grossi par de nouvelles eaux, Il porte auxfchamps desfucs & des bienfaits nouveaux:,: D'un Ministre chéri, telle est l'heureuse image. 'i Tel n'est point ton destin, toi l'horreur de ton âge !
Qui comme un fonge vain regardes la vertu, 1 Ministre corrupteur autant que corrompu ! 3 Des valets, des flatteurs, d'odieures richems De l'impure Phriné les venaies caresses, | Voilà donc pour quels biens, foulant aux pieds l'honneur, .ij
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ans pudeut sur le front, sans pitié dans le cœur, m ris des vains soupirs d's peuples eii gémissent, un marches aux clameurs des voix qui te maudissent : je remords s'assoupit dans la prospérité !
LMaisattends qu'un revers loin des cours t'ait jette; ux remords , à la rage, -à l'infamie en proie, nyant fous les éclats de la publique joie, ans un asyle honteux ta chercheras la paix ; por ne la donne point. Courbé fous tes forfaits, 1 2 vertueux vassaux enviant les mifere4 m feras en horreur à leurs yeux : & les peres, m te montrant de loin, diront à leurs enfans,, s voilà, ce cruel, qui dévoroit nos champs !
L
[ 29 Mars 1775. On a comparé les sept Macchaux de France nouveaux aux sept pêchésTpitaux, & voici oommerit on les désigne reiiivenrent au caraétere de chacun : le Duc \Arcourt, la Paresse : le Duc de Noailles, l'Aixice : le Comte de Nicolai, la Gounnandi[e:.
Dac de Fitz - James, l'Envie : le Comte de \ioailks , l'Orgueil : le Comte du Mai, la Cote : M. le Duc de Duras, la Luxure.
: 29 Mars. Malgré l'esprit de pacification mt recommandé par le Monarque, exercé æme par les Magistrats , les suppôts du Parrment ne l'ont point adopté. Déjà les- Pro~reurs rentrés ont molesté les Avocats du , rour la taxe de leurs ftaix; il les tourmentent ncoreplus essentiellement au fond, en refurnt d'Ânftrumenter dans les procès où ils se.
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trouvent contradictoirement avec eux , & obli- geant ainsi les parties à les révoquer.
29 Mars. Il parcut depuis quelque tems une nouvelle brochure , intitulée : La Ligue dé• COllverte, ou la Nation vangee. Lettre d'un Quakre dirigée contre M. de Voltaire , à qui.
l'on reproche son silence sur les affaires du tems.
Il est d'autant plus extraordinaire, en effet, que: cet Auteur elt toujours fort empressé à saisir l'à: propos ; mais il a si hautement affiché sa facou.
de penser, qu'il est aujourd'hui fort embarrasse: pour se retraéter. Quoi qu'il en foit, on tour-, mente à cet égard le vieux Philosophe de Fer..
ney, & la matiere prèteroit infiniment à un meilleur plaisant. Celui-ci est lourd , sans sel, & sa: brochure ne signifie rien, à quelques anecdotes près , très clair - semées. Mauvais style d'ailleurs & satyre dégoûtante,, dont l'Ecrivain est.
anonyme , & fait prudemment.
29 Mars 177 v M. le Comte d'Artois se pro..
pose vraisemblablement de venir beaucoup à l'Opéra. Il a regardé la loge de la ville comme la plus commode pour lui. En conséquence il faut que le corps de ville en cherche une autre.
Il a ordonné d'y mettre des jalousies , & de lai disposer de façon à faire foupqonner qu'il n'y viendra pas simplement pour voir le fpedtacle.
30 Mars. On parloit d'un bâtiment que las ville avoit fait ériger dans la plaine des Sablons en l'honneur de la Reine, pour que S. M. pÚt y voir plus à l'aire les courses des chevaux Se* autres fpeétacles de ce genre. Il est venu depuis, un ordre du Roi pour le défaire.
30 Mars. La division est toujours grande ati Bordeaux, au point que ú les honoraires n 'a— voient
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Soient pas repris le service , il ne poufroit se faire , à cause de la retraite des Magistrats Jiués.
30 Mars I77. M. le Contrôleur général pertfiftant toujours dans son systême sur la liberté du commerce des grains, ne s'émeut point de la cherté qui s'élève de toutes parts. Il affure qu'elle ne fera pas plus forte qu'elle ne l'étoit du tems Uu monopole : mais que cette calamité n'aura gu'un tems, & que les acapareurs punis de leur icupidité , perdront pour toujours le desir de larder leur bled.
30 Mars. Outre les sept péchés capitaux dont in a fait la plaisanterie sur les nouveaux Marésc aux de France, on dit un quolibet qui n'est s sans sel. On prétend qu'ayant cherché à les I pmparer aux sept planettes, on n'a point trouvé le Mars.
! 30 Mars. Un Anglois chargé à Londres le la confiance de plusieurs Négocians, -en: :oit parti depuis peu & avoit enlevé près de' Dois millions d'effets, plus de 20 mille guinées, Dc. Il s'étoit réfugié à Paris, & compteit parT incessamment pour l'Italie avec un pareil burn ; mais heureusement ceux dont il avoit ainft ïahi la confiance, ont eu aïsez d'aétivite pour bévenk notre Gouvernement, & pour obtenir n ordre de le fouiller & de lui faire refiituer uut ce qu'il avoit emporté.
[30 Mars. Un certain M. le Hoc & un Abbé Ity , inrrigans, faiseurs d'expériences & auprétendues découvertes, avoient fait endre à M. Turgot qu'ils avoient trouvé le feet de faire du salpêtre avec l'eau de la mer.
Imme on est embarralTé de trouver fuffifànv
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ment de cette matiere premiere popr la sa cation de la poudre, & qu'ils se faisoient f< d'en fournir la quantité qu'on voudroit, à be coup meilleur marché, la Ministre avoit ado leur proposition, & étoit à la veille de cafifei Bail des poudres qui se fournirent par ent prise. Mais l'affaire portée au Conseil, leMii tre de la guerre, avec lequel M. le Contrôl général ne s'étoit pas concilié vraifemblab ment, & que cette innovation regardoit & téressoit, n'a pas trouvé les expériences p< constater le succès de la nouvelle fabricati suffisamment bonnes. Il a représenté combie en cas de guerre, il feroit dangereux de sa usage d'une poudre qui pouvoit causer lesvers les plus funestes. Cette obsession a entrai les membres du Conseil, & le Ministre des nances a eu du dessous.
30 Mars 1779. Vers du Phiîofophe de sa Souci au Duc de CllOifeuiZ.
Tu es vengé, Choifeuil, & tu vois ta patrie, Par tes deux successeurs indignement flétrie; Ton front ceint de lauriers rit des vaines clameur Que lancent contre toi de vils persecuteurs.
Impur amas de fiel , qui ne doivent la vie Qu'au soufle empoisonné de l'infernale envie, Ils ne peuvent du fein de leur obscurité, Soutenir les rayons qu'offre la vérité.
.On leur dit, armez-vous, combattez ce grand homme.
Mais souviens-toi, Choifeuil, qu'on vit jadis à Rom
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Hic Pater Patriæ, qui fut persécuté.
Le monstre audacieux, contre toi déchaîné, N'a pour tout aliment de sa rage intrépide, Que la haute faveur du Mentor qui le guide; Cet Anti-Bélisaire , accablé fous les ans, [Ne peut encor longtems dénigrer tes talens, [Et cette Hydre abattue, on verra rimpofture [Retourner se cacher dans sa demeure obscure , [Et tes foibles rivaux, dans la fange plongés, [Rentrer dans le néant dont ils furent tirés.
Méprise d'A ¥H¥¥ & son ame de boue !
[Il est assez puni d'entendre qui te loue; 1 Ce feroit t'avilir- que répondre à ses cris.
fUn Heros généreux abandonne au mépris, [De pareils combattans descendus dans l'arène.
LMontecuculli seul fut digne de Turenne.
Tu ès digne de moi ; toi seul es mon égal, je t'admire en secret, mais je fuis ton rival; [Tandis qu'à mes côtés j'enchaînois la viaoire, 7Toi par d'autres sentiers tu marchois à la gloire; DPolitique profond, nouveau Législateur, LTU fis faire à ton Roi une paix en vainqueur.
EEh! que n'eus-tu pas fait, pour l'honneur de la France,
SSi Louis profitant de ton intelligence, Teût laissé de l'Etat conduire le timon, lEt qu'il eût par ses Pairs fait juger d'AH¥¥¥ f ILa France des Anglois auroit été vengée,
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La Pologne jamais n'eut été partagée, Et moi, en t'admirant, j'aurois eu le regret, Que Choifeuil n'aie pas été né mon sujet.
Fin du Septième Volume,