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MÉ M 0 I RE S SECRETS POUR SERVIR À L'HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN FRANCE, DEPUIS MDCC LXII JUSQU'À NOS JOURS;
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JOURNAL D'UN OBSERVATEUR,
JONTF.NA.NT les Analyses des Piecc)" de Théâtre qui ont paru durant cet intervc.'le ; les ReLtions da ! Afemblées litt/raites; les notices des Livres nou« -veaux , clar.dcilins, prohibés; les Fieces [fugitives t rares ou manuferites, eu prose ou en vers; les rauÛe,piss,', sur la Cour; les A::edotcs 2f Bons /Ilots ; les Eloges des S'a : ans, des Artijles , des Hommes de Lettres morts, & c. &c. &c.
TOME ONZIEME.
, , , , !mi prupius me , vos ordille adite.
Hor. L. II , Sat. 3. vs. Si & 32.
A LON D RES, CHEZ JOHN ADAMSON.
M. DCC. LXXX,
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MElVIOIRES S E C R E T S POUR SERVIR A L'HISTOIRE BE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN FRANCE, DEPUIS MDCCLXII JUSQU'A NOS JOURS.
PREMIERE LETTRE (*), Sur les Peintures, Sculptures & Gravures expo* fées au Sallon du Louvre, le 2 ç Août 1777.
Paris, ce 9 Septembre 1777.
LE Sallon de cette année, Monsieur, se ressent dcja des foins du nouveau Diredeur pour fort amélioration, pour le rendre moins indigne de
C"') Les Lettres suivantes nous font parvenues trop tard , pour pouvoir être inférées à leur véritable place & felon l'ordre des dates: cependant, comme elles .font écrites avec vérité, remplies d'ailleurs d'une Critique fine & bien raisonnée, nous croyons faire plaisir au Public en les plaçant à la tête de ce Volume Note de l'Editeur.
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la foule des curieux qui le remplirent sans relâche. C'est le plus nombreux que l'on ait encore vu, ou du moins le plus richement garni. Des la cour on trouve quatre superbes Statues. La Sculpture se répand encore au loin, & les atte-
liers de plusieurs Artistes recèlent des chefd'œuvres qu'il y faut aller chercher. A l'égard de la Peinture , on en a retranché cette multitude de Portraits dont ce lieu autrefois étoit furcharqé; indice de la stérilité des Maîtres ou du déperiirement de l'Art. On l'a remplacée par des Tableaux d'histoire du premier genre, & dans ceux commandés par le Roi , on a remarqué avec fatisfaclion que beaucoup de sujets ctoient choisis dans nos Annales. Il y a du bon dans presque tous ces morceaux : il en est même qui excellent pour certaines parties. Tel concurrent a le coloris assez brillant, tel autre la composition fage; celui-là ordonne bien , celuici dessine supérieurement ; mais dans aucun on n'admire l'enthousiasme du génie , sans lequel il n'y a point de grands hommes, en quelque genre que ce foit. C'est pour y parvenir, sans doute, que les juges se font rendus fort difficiles cette année, & n'ont accordé aucun prix aux :Eleves. C'est déformais d'eux qu'il faut attendre ces sublimes élans, fruit de la nature perfectionnée par l'érude, plus que de l'âge & de la ïéflexion : assertion qui se justifie des aujourd'hui.
M. Callet, tout recemment Agréé, dont le nom même ne se lit point encore sur le livret, est celui qui annonce le plus d'ame & de feu. Dans son Tableau de Céres implorant la foudre de Jupiter, apres l'enlèvement de Projerpine sa Jille) quoiqu'à genoux aux pieds du l\it¡e dçs
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Dieux, la vengeance respire tellement sur sa figtt-' re,qu'elle semble le menacer lui-même. Dans cha, cime de ses mains elle tient une torche ardente ; elle va ravager les molflcms , embraser la terre, si elle n'obtient la justice qu'elle exige. LaDéelfe dit tout cela. Cependant on ne lui trouve pas assez de désordre dans le vêtement, trop magnifique. Elle n'a point ces cheveux épars dont la couvre Ovide. Quant au Jupiter,- par l'art du Peintre, il paraît colossal 1 quoiqu'il ne foit que dans les proportions ordinaires : mais son courroux n'a rien de surhumain ; c'est plutôt l'humeur d'un vieillard qu'on arrache à fan repos. Toute la fierté qui devroit résider sur fan visage, ell dans son attitude & dans ses muscles fortement prononces. Il fuit de ces critiques feulement que le candidat a fait assez bien pour mériter de i les éprouver.
Le dernier Agréé avant celui-ci, M. Berthellemy, offre un Tableau qui n'est pas sans mérite.
Il a traité le sujet qu'avoit trouvé si heureuses ment M. Dubelloy pour sa tragédie qui a fait tant de bruit, le Siege de Calaistitre impropre, en ce que le siege n'est nullement l'aétion qu'a choisie le Peintre. Il a pris le moment, plus intéreffant, où Edouard, irrité de la longue rçfiC.
tance des affiegcs, ne voulant entendre à aucune composition si on ne lui livroit six des principaux d'entr'eux, Euflache de Saint -Pierre & cinq autres se dévouent pour leurs compatriotes, 1 i:, la tête & les pieds nuds , la corde au col.
apportent au Monarque les clefs de la ville : if est déterminé à les faire mourir; mais il se làisse vaincre, & accorde leur grace aux prieres de la Reine & de son fils. Il y a de l'ensemble dans
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cette composition : on en aime l'unité ; tout concourt à l'action; point de hors-dœuvrè, de partie étrangère ou oiseuse. Mais le caraétere des têtes n'est pas à ce point de noblesse & de vérité qu'exige un fpeétateur difficile. La colere du Roi semble plutôt naître de la méchanceté que de l'indignation d'un vainqueur superbe , que révolte tout obftacIe, pour qui la défense la plus légitime devient un crime. On distingue cependant à travers son air menaçant une eipece de souffrance ; ce qui n'est pas exad : c'est de l'attendrifrement qu'il faudroit; mais on doit toujours savoir gré à l'Artiste d'avoir su réunir sur un même visage deux ferctimens contraires, seul effort qui prouve combien il est capable de marcher sur les pas des grands Maîtres.
On reproche à la Reine intercédant en faveur des viétimes une pâleur excessive, qui la feroit prendre pour la vifrime même. Quant au fils d'Edouard, il est enfoncé dans la demi-teinte & devient par-là subalterne. On delireroit plus de fermeté dans Eustache de Saint-Pierre., personnage le plus faillant des captifs, ainsi que cela doit être. Comme c'est lui qui "joue le plus beau rôle de ce poëme intéressant, l'auteur auroit dû rassembler tout le sublime de l'aétion sur lui & lui faire écraser, par la supériorité de son ame bien sentie, le héros Anglois , n'ayant en ce moment que l'appareil & les entours de la grandeur.
Le St. Jérôme de M. Vincent, autre Agréé des derniers reçus, est daiis le bon style, & prouve un admirateur de l'Antique, qui a fait d'excellentes études en ce genre. Il a représenté cet Anachorette dans un délire mystique, où il
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entend l'Ange de la mort qui lui annonce le Jugement dernier. Le contraste du corps de l'esprit céleste avec celui du pénitent, est parfaitement , bien exprimé. Le premier est bien pose dans les airs; il a la légéreté & l'éclat, attributs de fou essence. Le fecond est dessiné avec des touches fortes , larges & savantes. Elles n'empêchent point d'y reconnoître la macération des chairs , un individu créé robuste par la nature & exténue par les jeunes, la baire & le cilice. La tête elt pleine de vie ; le sentiment de la frayeur y est rendu de maniere à l'inspirer au fpeétateur, & ce Tableau est un des plus animés du Sallon.
La plus grande machine & la meilleure, au gré de certains connoisseurs, est encore d'un Agréé qui expose pour la premierefois & montre -une tête fortement organisée, capable des plus Tasses conceptions du grand genre. M. Mena- geot, c'est fan nom, a tiré son Tableau du Poëte Grec, de cet Homère si propre à en fournir, où le génie, dans tous les genres, puise sans cesse ; sans tarir, pour ainsi dire, sa fécondité. Le Peintre expose son sujet de la forte : „ Les embrassemens de Polixene & d'Hécube, „ au moment où cette jeune Princesse est arra„ chée des bras de sa Mere pour être immolée ,, aux mânes d'Achille: Hécube tombe évanouïe „ de douleur en recevant les derniers adieux de „ sa fille , qu' UlyJJè entraîne à la mort".
Le chef- d'œuvre de l'art de cette composition est la maniere dont Hécube tombe; on voit son corps dans cet abandon d'une femme qui perd connoissance en effet, & ce moment est saisi par tous les regardans. La violence du Héros Grec ravissant sa vidime n'est pas moins bien
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rendue, & la tendresse de la jeune Princeflfe, oubliant le fort funeste qui l'attend , pour ne s'occuper que de l'état où elle laisse sa mere, adoucit bientôt l'impression d'indignation qu'occasionne la barbarie du vainqueur; ou plutôt, l'ame ainsi partagée entre differens fentimen's, ne reçoit d'aucun des traces trop profondes, & n'éprouve que les sensations du plaisir que procure l'imitation même des choses tristes ou tragiques, portée à un certain degré de vérité & de perfection.
Du relie, si l'auteur s'est étudié à bien composer les malles principales de son ouvrage, dont il a saisi le plan avec beaucoup d'intelligence , on observe qu'il a négligé les accessoires; qu'il n'a point allez caraéterifé cette foule de Princesses dont étoit rempli le Palais de Priam ; que l'architeéture en est lourde ; que le lieu de ]a scene est trop sombre; qu'il y a un défaut d'entente du clair-obscur., On trouve ignoble qu'il ait fait figurer un chien dans une adion aussi imposante. Je n'ignore pas qu'on voit de ces animaux dans divers tableaux a'histoire des grands Maîtres, & qu'il y en a surtout trois ail Couronnement de Mcdicis par Rubens, dans la Galerie du Luxembourg ; mais je crois que cedernier cas est très-différent : discussion au furplus trop longue pour entrer ici. Mais £es défauts tenant surtout au mécanisme de l'arty peuvent se réformer dans un jeune débutant; au lieu que l'invention, la chaleur, l'énergie, la fenfibiIite, toutes ces parties du génie doivent se montrer dès les premieres productions ; qu'autrement elles ne se développent & ne s'acquierent jamais: au contraire, elles se Qonlçr-
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vent ordinairement jufqucs dans les plus mauvais ouvrages des grands Artistes. Cependant, à la honte de M. Doyen, regarde jusques ici comme le premier Peintre d'hiftùire de nos jours, on n'en trouve aucun vestige dans son Tableau, dont je ne vous parlerai que pour vous amuser par l'excès du ridicule, ou pour faire gémir sur le fort de notre humanité, qui veut que le talent le plus sublime foit quelquefois au - dessous dix plus médiocre.
Un ancien Cuisinier, attaché à l'hôtel de Condc, enrichi au service de cette maison, a l'amourpropre singulier de croire que tout l'Empyrce veille à sa eonfervation. Un jour, traverfantla forêt de Gros - Bois, près des Camaldules, il tombe de cheval, la jambe embarrassée dans l'tder, le bras droit pris avec son fouet dans une haie, tenant la bride de l'autre main, il allait périr. Dans cette extrémité il se recommande à la VÏerge, & , comme si ce n'étoit pas aîTez de cette puissante intercession , il a recours encore à Ste. Gcncvicve & à St. Denis. A l'instant, dit le livret, le ciel vint à son secours <Sc il fut délivré. Cette faveur méritoit bien un Ex voto. Voul-ant égaler sa générof.té -à sa reconnoissance, le Cuisinier a recours au plus habile homme qu'on lui indique, à M. Doyen, qui je prGfle d'abord sur l'exposé de sa c'emau;-c ; u^is, le particulier faisant sônner une borrfe de louis ! qu'il offre de donner d'avance, le fuj>t devient plus susceptible de sa verve ; il s'en chargp & se 'met au travail. La condition étoitque le tableau feroit prêt pour le Sallon , où le protégé du ciel vouloit rendre publique la grâce fingdiere qu'il lavok reçue.
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Le Peintre en vain s'échauffe & se fecouc: if n'est pas content de fQn esquisse ; il consulte ses confreres, qui lui donnent leurs conseils & ne font que le retarder. Enfin un jour il est si mécontent de lui-même , qu'il efface tout ce qu'il a fait pour recommencer de nouveau. Dans l'intervalle arrive le Miraculé, qui ne voit plus qu'une toile nue : il se plaint, il menace M. Doyen de lui intenter un procès & de le faire assigner s'il ne remplit pas Ion marché, & si l'Ex-vota n'est pas exposé au tems convenu : c'auroit été le cas, sans doute, de rendre l'argent & de ne-point sacrifier sa réputation à sa cupidité; mais l'argent étoit mangé. Le Peintre s'evertue , barbouille & termine son Tableau en 18 jours. Il est partagé par une Gloire : d'une part brille la Vierge tenant l'Enfant Jésus, & derriere elle Ste. Génevieve avec sa quenouille : de l'autre s'avance St. Denis.
Au bas est un cheval, qu'on a peine à reconnoitre, & un Cavalier renversé dans l'attitude décrite, sans qu'on s'apperçoive en rien du prodige même ébauché, à moins qu'on ne fui)pose qu'un rayon dardé d'en haut, qu'on prendroit pour un coup de foudre , caraétérife l'intérêt & la puissance des trois Bienheureux ; à qui ce miracle, au surplus, semble ne rien coûter, qui s'approchent & devisent familièrement ensemble.
M. Doyen dit dans son explication , que l'orgueil n'étant point le motif qui ait fait desirer au propriétaire du tableau là publicité, il a trouve bon que l'Artiste sacrifiât le protégé à ses libérateurs. Mais sa délivrance en étant l'objet capital , il falloit qu'elle fût exprimée, .ou du moins sentie, & que le courtier & l'homme , sur qui devoit s'exercer la faveur divine,fussent dans
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« le premier plan, &non ensevelis dans l'ombre, ann que les incrédules ne pouvant foupqonner aucune fraude, aucun escamotage, aucune illusion , rendissent hommage au pouvoir des opérateurs. En voilà beaucoup trop sur cette grande carricature , digne de figurer à côté de tant d'autres qu'on voit dans nos églises de village , mais qui ne font pas du 18e. siecle. Je ne saurois vous exprimer, Monsieur , avec quelle complaifauce les confreres de M. Doyen regardent sa production, & s'applaudissent de le voir ainsi audessous d'eux.
Dans sa décrépitude M. Halle du moins a encore quelque chose. Son sujet étoit, Cimon l'Athénien, qui ayant fait abattre les murs de, les possèssions, invite le Peublc à entrer librement dans ses jardins & à en prendre lesfrllits.
Le fait est mal rendu. On s'en apperqoit au premier coup-d'œil ; on ne remarque aucunes ruines, & d'ailleuts il ne pouvoit régner que beaucoup de froideur dans cette composition , dont le coloris est aussi. très-mauvais. Mais il y a du moins du dessin, une distribution fage , une ordonnance bien entendue.
Deux grands Tableaux de M. Brenet lui confervent la supériorité qu'il s'étoit acquise depuis quelques années. Il est des admirateurs outrés, sans doute, qui le comparent à Le Sueur. S'ils veulent dire qu'il manque de coloris comme lui ; qu'il a le pinceau sec ; qu'à force de vouloir paroître dilicat il donne une proportion trop foible à ses figures, ils ont raison. Ils ont raison encore, en disant qu'il a quelque chose de sa maniere, de son goût ; qu'il approche de sa - correction, de la pureté de son dessîn ; qu'il a
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les pensées simples & naturelles comme luî: mais il y manque de son élévation & n'aura, jamais son expression sublime.
M. Brenet reproduit aujourd'hui un sujet déjà exposé plus en petit au Sallon de: 177?.
Il y est intitulé : L',.AgriculteuT Romain. Ce
tableau, de 10 piés quarrés, est pour le Roi. il représênte l'Affranchi cité devant un Edile pour se dilculpcr de l'acqufation de magie, à taison de ses récoltes toujours plus abondantes que telles des autres. Il est inutile de- s'étendre sur rhifto rtque de cet ouvrage, traité à peu de chose près, comme la premiere fois; Il est à remarquer qu'on lui reprochoit alors de présenter ses quadrupedes par derrîere; ils montrent la tête aujourd'hui: nouveau sujet d'observation : tant les Critiques font difficiles t Ces bœufs gras vigoureux étant le plus effentid de l'action, puisque e"est sur eux que roule le sortilege prétendu ; que c'est à leur force bien employée que doit se rapporter la prospérité de l'accusé; que c'est à leur croupe rebondie feulement qu'on pour, raIt juger de leur embonpoint, ils auroient voulu que TArtifte eût déployé cette partie dans toute son étendue. Quoi qu'il en soit, M. Brenet a enrichi en outre sa composition d'une belle & flmple Architecture, qui n'étoit point dans l'autre.
Son fécond sujet est neuf, & -d'autant plus intéressant qu'il est tiré de notre histoire. Il n'est point de François qui ignore que Duguesclin , assiégeant un fort défendu par îes Anglais , mourut-avant sa reddition ; mais que les ennemis ayant promis au Connétable de capituler, s'ils n'étoient pas fecouns à certain jour indiqué , nQ se qrurent pas dispensés de tenir le.ur parole
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iqii'en effet leur Commandant, suivi de- fa- garmfort , se rendit à la-tente du défunt & se pros- ternant aux pieds de fan lit, déposa les clefs de la place.
Le court espace accordé, sans doute, à l'Auteur, l'a obligé de resserrer sa eompofition & d'en soustraire beaucoup de .chofcs qui lui auroient donné plus de grandeur & de mérité historique. Elle se réduit proprement à cinq perforinages : au cadavre du héros dans son lit de parade, à un Anglais- qui présente la Capitula..
tion , à Olivier de. Clisson, frere d'armes du défunt, debout & plongé dans la plus- grande tristesse, montrant fort ami-mort, au Maréchal de Sancerre, chargé du commandement de l'armée, il à un Page sur le devant du tableau , pleurant lit perte de son Maître. Cette feene, qui devroit être vaste, devient ainsi trop nue, & l'aétioiî concentrée dans l'interieur de la tente du Général François , n'a pas l'éclat qu'elle devroit avoir r tenant à la destinée de deux grandes Nations. D'ailleurs, point de conttafte dans les caracteres, & sans sentiment ; & l'on fait quet
effet ils produisent dans tout drame, foit pittoresque, foit théâtral L'ait du Poëte s'est restreint à varier les douleurs , & négligeant le parti qu'il pouvoit tirer de celle de l'Anglois, où l'admiration est une forte de frayeur, imprimée encore sur sa physionomie par. la présence du Héros, même mort, auroit pu fournit à- son enthoiifiarmeil Ta représenté par derliere. D'ulleurs, U est seul; ce qui rend cet ade mesquin, & réduit le Commandant du fort, aéteur principal & le fécond de la feene, à ua.
ïâle abJColmneAt fujbalt.erns. JMais CL le Poe.te; ■
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pêche par ces parties d'invention & de contenance que fournit le seul génie, il en a d'autres au suprême degré, & là netteté du plan, l'agencement des grouppes, une exécution précise, un costume bien observé, une distribution heureuse des clairs & des ombres, frapperont furtout les Artistes & ceux qui ne recherchent que la lettre & non l'esprit d'une composition.
Pour ceux qui defirent des conceptions plus relevées, le Tableau de la Continence de Bayard, de M. Durameau , ne fera pas plus fatiaifant.
Ce trait particulier & domefiique, s'il est permis de s'exprimer ainsi, est si héroïque cependant, qu'il est presque autant connu que celui de Dugucfclin. Il n'étoit pas moins heureusement choiG, moins propre à allumer la verve d'un homme de génie. On se rappelle que ce loyal Chevalier eut un jour envie d'avoir une compagne dans son lit, qu'il en fit chercher une , qu'on lui amena le foir une jeune personne d'une beauté éblouissante ; mais que touché de ses larmes, & fachant que la misere de sa mere l'avoit feule déterminée à se mettre à la discrétion du militaire paillard, il manda celle-ci', lui fit des reproches de sa conduite, la secourut, & lui donna une dot pour marier la Demoiselle.
On voit qu'il résulte divers points à traiter de ce sujet compliqué. L'artiste s'est décidé pour le moment le plus ingrat de l'aétion , celui où Fayard dote la jeune fille. Il s'est privé par-là'de l'intérêt que devoit exciter l'aveu du héros, balançant entre fan amour & sa vertu, & de toutes les beautés secondaires q.ue pouvoit lui suggérer cette situation. On ne remarque plus aucun combat sur fou virage, d'une gravité
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Espagnole ; dl soupèse une bonrfe qu'il montre là la Demoiselle & à sa mere. On ne fait si c'est :pour les déterminer à se rendre, & le Spétateur a besoîn de l'explication du Peintre pour en connoitre l'idée , équivoque sans doute , un des plus grands défauts qu'on plliffe commettre en compafant. La viétime offerte à l'incontinence de Boyard, n'a pas plus d'expression ; elle ne regarde nullementfon généreux Bienfaiteur, & tourne les yeux vers sa mere C'). Celle-ci est à genoux, & par son étut humiliant semble indiquer feule quelque chose du trait historique.
Du reste , on remarque surtout dans Bayard le faire dur de M. Durameau. Toute sa figure est seche & roide. 11 y a principalement un bras qui révolte des le premier afpeét. On fait-que, revêtu d'une armure, il ne pouvoit avoir le jeu & la souplesse ordinaires ; mais il falloit dérober au spectateur cet inconvénient, en faisant retomber son vêtement avec p.dresse jusques sur le coude. Les femmes se ressentent de la maniere de l'auteur, & n'ont ni graccs , ni douceur , ni ces touches tendres qu'exigeoit leur situation.
Un tel Met auroit mieux convenu au pinceau suave &: mcëlleux des deux La Grcnée, qui, au contraire, ont eu à traiter des sujets à réserver
( * D Je demande pardon au Peintre de ma balourdise. J'apprends que c'est la fille qui est à- genoux & la meve debout. Je ne m'en feroispas douté , nonfeulcment narce que j'ai cru qu'il étoit contre le bon sens de faire joufr dans cette situation le premier rôle à sa RUe, mais parce que celle-ci m'a paru plus âgée que l'autre.
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pour le ton austere & sauvage de M. Durameau.
Aussi, faute d'avoir proportionné leur entreprise à leurs forces,les premiers ne produisent-ils pas plus d'effet que celui-ci dans deux grands Tableaux de leur composition. L'aîné a voulu rendre la grandeur d'ame de Fabricius rcfiifant lespréfens que Pyrrhus lui envoie. L'idée est belle assurément, mais exigeoit une élévation de pensées dont l'auteur n'étoit pas fufceptiule. Il a mieux carac-" térisé l'Ambassadeur du Rord'Epire, qu'on fuppofeêtre Cyneus, parceque ceperfonnage devoit avoir un air de candeur & de [éduétion, en même tems, dans le genre de posse du Peintre. Il n'en est pas de même du Romain , dont il falloit plus exprimer l'avion par le mouvement de l'ameque parle repauffement de la main allongée. Au lieu de l'indignation qu'on s'attend à remarquer au plus haut dégré sur sa physionomie, on n'ylit que de l'humeurce n'eit point le courroux d'un Héros , c'est un air boudeur & maussade-; & le refus ne se détermine que par la roideur du bras, gesticulation forcée quifent plutôt le Rhéteur que te grand homme.
Albinus s'enfuyant de Rome, & offrantfon ehar aux Vejïahs qu'il rencontra chargées des vases Jhcrés, n'exige pas le même Sublime que Fabricius. Ce sujet n'est susceptible que d'une grande noblesse, d'une vaste ordonnance, d'unedistribution heurerfe & bien entendue. LésPrêtresses ne devant infrrrer même en cette polition qu'une vénération profonde, principe de J'a.de religieux qu'il s'agissoit de décrire, ne pouvoient admettre que des grâces pudiques & séveres comme elles. On. ne tro vc rien, de tout cela dans le tableau de M, La Gpcuc'e. le jeune,
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qui, n'attachant ni l'ame ni les yeux, refle ifolc & sans spectateurs.Il n'en est pas de même du Tableau de M.
Lcp'icié, dont le fond chargé d'ombres, repousse merveilleusement les couleurs, & frappe lespalsans les plus distraits. On est d'autant plus surpris quand on lit le nom de l'auteur, qu'on ne l'auroit pas cru capable d'une production de ce genre.
Il n'a point été effrayé du projet de peindre le courage de Porcia, fille de Caton, femme de Br/dm. Ces grands noms ne lui en ont point ■ imposé ; & s'il a manqué à un certain point la partie de l'exprelïion, défaut prefqne général à tous les Maîtres que nous venons de paffer en revue, il a satisfait les connoisseurs qui ne s'arrêtent qu'au méchanisme de l'art..11 étoit question de decrire la vertueuse Romaine, qui, ayant découvert la résolution de Ion époux de délivrer ROlllE de fun tyran par l'assassinat de César, & prévoyant l'issue. funeste de ce complot, pour s'exercer à la mort qu'elle est décidée à se donner si le vengeur de la patrie f-uccombe, se blesse volontairement. Aux cris de ses femmes, Brutus qui sortoit, revient, la trouve dans cet état, & lui reprochant son imprudence , apprend fort < dessein généreux. M. Lépicié est sans doute bien excusable d'être resté au-dessous d'un sujet digne -de la sublimité du pinceau de Raphaël ou de Michel-Ange : on doit même le louer d'en avoir > rendu quelque chose. Il y a de la noblesse & de l'intérêt dans la tête de Porcia, meilleure que celle de son épo'ux. Mais on lui reproche deux choses, qui tiennent à l'ordonnance & à l'annonce de son.plan : l'une, que le retour de Brutyj ; revenant sur ses pas ,. n'est nullement
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indiqué ; l'autre que le matériel de Hadtion est absolument dérobé aux yeux du fpeétateur, par des esclaves empressées à secourir leur Maitresse & qui, en la foignant, cachent entièrement la bleffurc. Je n'appuyerai pas sur ces Critiques, dont la premiere est peu de chose, & la féconde blâme une adresse de l'Artiste qui, sans offrir aux yeux le coup d'œil déchirant d'une plaiesanglante, la désigne suffisamment par l'attitude, des suivantes.
Pour n'être pas trop long, je ne ferai qu'indiquer le morceau de l'Aurore & Céphale dé M.
Vanloo, où la premiere est fraîche, amoureuse & séduisante: mais on ne sauroit se persuader qu'elle puisse enlever un Chasseur très-corsé & qui pese lourdement encore sur la terre. Elle est sur un nuage qui a trop de consistance, &, j en général, ce sujet n'est pas gai , léger & j vaporeux comme il devroit l'être. Son pendant, ] le Triomphe d'Amphitrite par M. Taraval est, au contraire, si aërien , qu'on n'y distingue que les premiers linéamens des figures. On le prendroit pour une esquisse : on ne peut qu'exhorter l'Artiste à le finir, avant qu'on s'occupe à en rechercher & difeuter les détails. *i Tous ces Tableaux, Monsieur, dont je viens de vous parler, ont été enfantés fous les auspices de Monsieur le Comte cTAngiviller , qui a déterminé S. M. à canfacrer chaque année une : romme qu'il doit distribuer entre les ArtÏstes occupés à travailler dans le genre de l'Histoire, qui se fèroit perdu déformais sans cet encoiira- gement. Ils feront placés dans une Galerie avec des Values, dont je parlerai à leur rang; &
formeront une fuite d'ouvrages de l'Ecole'Fran- j J
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eoife moderne. Vous concevez qu'on n'aura garde d'y en inférer d'autres, dont ils ne pourroient fouteair la comparuison.
Je vous parlerai la premiere fois des Tableaux d'histoire de chevalet, & ces Tableaux de genre, ♦ù il y a d'excellentes choses : ceux-ci font le triomphe de nos Artistes &c.
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LETTRE II.
Sur les Peintures, Sculptures & Gravures expo* fées au Sallon du Louvre le 25 Août 1777.
Paris, ce 15 Septembre 1777.
Si les deux La Grenée, Monsieur, ne brillent pas cette fois dans le grand genre, auquel on ne les juge pas destins, ils plaisent par der sujets gracieux plus convenables à leur génie.
L'aîné se retrouve surtout dans ceux tirés de la Mythologie , où grand nombre font plus analogues à son imagination, & lui fournissent plus à peindre de ces beaux corps de Dcefles ou de femmes nues, pour lesquels il excelle. Il neus reproduit cette année son Pygmalion , dont Venus anime la Statue. Je ne puis vous rappeler quelles font les différences de celui exposé en.
1773 ; mais je vois touj ours peu de chaleur dans l'Amant, qui devroit être brûlant d'amour. Je ne fais si c'est par ime adresse de réflexion qu'il a bté à la Déesse toute sa séduction , pour la transporter dans la figure principale, qui toute-
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fois n'opère point cet effet. On ne la contemple que comme un chef-d'œuvre du Peintre, par la dégradation des chairs, plus animées dans les parties supérieures, moins dans les lnfrieures, ensorte que le pied est encore absolument marbre. Son Jugement de Pâris, adjugeant la pomme à Venus, attire au premier coup d'oeil.
Des contours moëlleusement dessinés , des chairs vivantes., des développemens voluptueux réveillent la lubricité. Les desirs s'éteignent bientôt quand on en approche, & la Pallas elle-même, dans un raccourci de jambe , paroît estropiée.
Quelque beau qu'Homère nous ait représenté le fils de Vriam, je trouve aussi qu'il falloic mettre une différence entre sa carnrrtion & celle des Déesses, puis varier encore la leur, donner plus de teintes rouges au corps de Juron dans son courroux , rembrunir davantage celles de Minerve , enfin épuiser toutes les grâces du.
pinceau sur la mere de l'Amour. Son fujct le plus maltraité à coup sur, c'est la Philosophie qui découvre la Vérité. On pourroit également prendre l'inverse, & faute d'avoir assez caractérisé chacune d'elles , le fpettateur reste incertain. En voilà assez sur cet Artiste, qui a exposé beaucoup d'autres tableaux ayant leurs partisans & leurs admirateurs, pour juger que malgré sa supériorité soutenue sur beaucoup de ses confreres, il n'excelle pas comme de coutume. Il est même à craindre qu'il ne dégénéré de plus en plus, parce que fan genre fcmble tenir principalement à l'ardeur, à la fraîcheur, au brillant de la jcuncffe, & qu'avec l'âge il perdra insensiblement ces qualités.
Au contraire, M. La Grenée le jeune monte,
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& se fou tiendra plus longtems, en ce que son
talent, quoique analogue à celui de fou frere, inférieur pour les grâces, a plus de vigueur &; plus d'étendue. Son Saint - Jérôme , toutefois-, le cédant à celui de M. Vincent, en est une preuve : on y retrouve ce neif, cette savante connoissance de l'anatomie , qui caradtérifoient en 1775 son tableau de l'Hiver. Il est fécond aujourd'hui en sujets agréables. Entre douze qu'on compte au Sallon, son Télémaque racontantfes aventures à Calypso, paroît réunir tous les suffrages. La candeur du jeune Prince, la sagesse & la prudence de MentoF, la curiofitc participant déja de la passion qui s'allume dans :e cœur de .Calypso, déGgnent chaque perfoniage dans le degré convenable. Il n'est pas jusqu'à la Nymphe Eucharis qui , plus spécialement iéfignée entre ses compagnes , laisse prévoir qu'elle jouera bientôt un rôle entre les adieurs.
principaux. Toute cette composition est char.nante, pleine d'intérêt, bien empâtée, d'un oloris excellent, fausse ciel, lourd & d'un bleu l'empois, & les arbres d'un verd sec, noir & ltnt les feuilles , sans aucun jeu ; semblent :ollées & ne faire qu'une masse morte. Sa La Bergere allaitant son fils pendant que son Berger la contcmpl; , est d'un faire supérieur , du pinceau le plus tendre & le plus moelleux. Peut-être t; a-t-il trop de noblesse dans la tête de la femme, ui n'a rien de la rusticité de son état.
Ce même Artiste a exposé quantité de delTms s ont un attire 4es plaisans & les fait rire" Ce IIPt des Angès ramassant les corps des Enfans innocens , pour les empêcher d'être dévorés par *3 chiens, 11 faut convenir qu'il n'it gucreg
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poffiblc de pouffer plus loin un délire mystique, de rencontrer une image à la fois aussi puérile & aussi dégoûtante.
Rien de plus édifiant, Monueur, en général, que le Sallon de cette année, où, faps avoir affeété d'y mettre beaucoup de traits tirés de l'Ecriture Sainte, tout y concourt à élever l'aine ou à épurer le cœur. On y peut faire un Cours de morale entier.
Le Mariage rompu de M. Aubri, nous moti-!
tre un perfide qui, ayant fait des enfans à une jeune personne avec promesse de l'époufer, veut donner sa main à une autre. La délaissée s'y oppose, lui présente les gages de leur union & ramene au devoir cet infâme féduéteur. On remarque dans ce Tableau que le principal personnage, c'est-à-dire le traître, est contrefait & disloqué ; qu'à force de honte il a la tête dans l'esso mac, attitude que Saint Denis seul pouvoii : prendre, disposant de son chef mobile à son gré.
mais contre toutes les réglés du dessin & de l'anatomie. Un Bédaud, de précaution, éteio gnant les cierges dès qu'il voit que la cérémonie n'aura pas lieu, est l'idée la plus ingénieuse di .ce petit Poëme, où il y a beaucoup de vérité i moins cependant que dansJes autres sujets traité; par le Peintre, toujours naturel dans ses com positions., mais dont le coloris ne l'est gueres d'ailleurs sans chaleur & sans énergie.
M. Wille, d'une part, nous excite dans fo:" Aumône, à nous attendrir sur le fort des malheu ceux ; de l'autre, nous montre la récompenf de la sagesse & de la vertu dans sa Féte des bonne!
gens. Plus loin c'est le Devoir filial. Je m'arrêtai <ai feulement à celui-ci, dont M. Greuze, qu
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-«connoît en ce Peintre son Eleve, revendique l'invention. Il prétend en avoir composé le dessin il y a plus de quinze ans, & reproche au plagiaire de n'en avoir saisi que le matériel, de n'avoir pas creusé & terminé son adlion comme lui, pour en tirer une idée agréable & philosophique. Voici d'abord l'explication de M. JFilk.
„ Un Vieillard prend l'air, soutenu par sa Ïjl fille & son fils, qui suspendent leurs travaux „ pour l'aider à marcher. Un petit garçon .essaie ,, de balayer la route. Deux autres plus forts „ portent un grand fauteuil, & la mere , que , l'on apperqoit dans le fond , bénit le ciel de „ lui avoir donné de si bons enfans".
On juge qu'une pareille composition, qui prête aux talens de l'Artiste, n'annonce aucun trait spirituel, aucune moralité fine & détournée.
On va voir la différence du même sujet manié par un Auteur qui combine son plan &le médite en vrai Poëte. M. Greuze avoit senti qu'en finissant-là son aétion, elle deVenoit triviale, & ne sortoit point des bornes ordinaires d'une feene bourgeoise qui touche le cœur sans laisser à réfléchir. Il avoit donc imaginé de prendre un Chef de famille, consumé sans doute d'ans & de travaux, mais ayant encore de l'ame & de la sensibilité. Il lefoutenoit, dans sa démarche pour se rendre à la promenade, par ses enfans jeunes, mais grands & mariés. Il le faisoit arriver dans un jardin, où il trouvoit ses petits-enfans jouant & dansant. Alors, ranimant son héros principal, il lui inspiroit cette pensée douce & conso.
l lante qu'il ne mourroit pas tout entier , qu'il i revivroit dans sa nombreuse postérité ; pensée que tous les fpeétateurs auroient lu sur la phy-
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sionomie revivisiée de cet ayeul, far laquelle on se feroit reposé avec complaisance & dont, forc de quitter ce tableau, on airoit confervé le souvenir satisfaisant. Ce grand maître reproche à son concurrent d'avoir trop exténué fan vieillard ; de faire traîner le siége énorme par des Bambins qui n'en ont pas la force. Enfin, il regarde comme une idée peu naturelle, relativement à l'âge de l'enfant, le plus petit de tous,
à l'état du personnage dominant de la feene &
au local de radian., celle de lui faire balayer 4e tfhemîru Quant à l'exécution, elle est heureuse, fatile., variée & digne du Maître de M.
Wille. Il a été moins prodigue de couleur dans cette aétion- simple, & a réservé le brillant de son pinceau pour ses autres sujets exigeant de l'appareil, tels que sa Rosiere & son Repas villageois ; morceaux qui fatiguent les yeux en cela même, parce qu'ils manquent de cette harmonie, qualité précieuse dont ij est encore loin* * M. Bounieu paroît entendre mieux cette magie , qu'on admire surtout dans son tableau représentant un beau trait d'Henri IV. Ceit celui de ce Prince lorsqu'il dit à sa Maitrcffe, qui vouloit lui faire renvoyer Sully:" Je trou„ verai cetit femmes comme vous, & jamais ,, un pareil MiniRre". Gabrielle d'Etrées confuse ■eft dans l'état le plus violent. Elle se précipite sur son lit, théâtre deformais impuissant de ses fédudlions, qui ne lui doit plus servir qu'à ensevelir sa honte & son désespoir. Le Peintre , en ce moment de fureur, pour faire valoir davantage le sacrifice de l'auguste Amant, l'a rendue plus belle que jamais. Le Roi la désigne du doigt à son ami, par ce geste de mépris, indique élgfiuemraenfc
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<i!oqv.emn?nt au (pedateur les paroles qu'il vient clc proférer. Du relie , ion courroux eit no'oie, & ion ame lemble y eonlerver le calme heroïque des grandes ames. Sully eit pénétré des sentimens de reconnoiiTance dûs à un si bon Maître. Cependant il craint sa foibleiTe, & l'on voit son desir de l'arracher de ces lieux. Le Peintre , pour rendre mieux cette scene animée, a monté sa composition sur le plus haut ton de couleur, par un lit cramoisi ; mais des ombres répandues à - propos en temperent l'éclat, enforte que la vue peut s'y porter & s'y fixer [am crainte.
La leiïure du Poëme des Fasses par l'Auteur, st un autre sujet de M. Bounicu, qui attire surtout les Gens de Lettres , les femmes tenant Bureau de Bel-esprit, les hommes de cour, protecteurs des talens, & tous ces riches Finan;iers qui voulent s'en donner l'air. Cet auteur :(t M. Le Mierre. Il a composé un ouvrage en /ers qui embrasse le cercle de l'année civile, & a description de toutes les fêtes & cérémonies lui s'y renouvellent périodiquement. Il va le déDitant de société en focicté, & c'est dans un de :es momens que le Peintre l'a saisi. Ce n'étoit >as sans-doute le plus heureux où il pût le prenire, car il lui a donné un air fort sot, qui est ifTez celui d'un homme lisant ses productions.
1 est dans le fort de l'action ; il a près de lui in verre, détail petit, mais dans le cofthume, lui annonce qu'il a besoin de rafraîchir un gosier léchiré par la déclamation de vers durs & âpres.
Jn tel effet se manifeste encore mieux par la ;ontrad:ion des muscles du visage du Ledeur & es pénibles efforts qu'on y remarque. On doit
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supposer que le morceau lu par M. Le Mierre, contient quelque description très-touchante, car la Dame la plus voiiine de lui, & qui n'a pas la figure la plus spirituelle, il est vrai, pleure de la meilleure foi du monde. La maîtresse de la maison, qu'on remarque sur le premier.plan, dans le plus grand jour, & par fan vêtement éclatant, est sérieuse & sans émotion. Un Evêque , qui ressemble beaucoup à celui de Senlis., en sa qualité d'Académicien, d'homme accoutume au charlatanisme littéraire, n'y fait pas grande attention. Un Cordon-bleu, dans la demi-teinte, elt fort déconténancé & a l'enniri d'un Grand Seigneur. Celui du reste des fpeclateurs, est diversifié dans la proportion nécessaire. SUil n'y a pas un vif intérêt dans cette Scene, il y a beaucoup de verÍt-é. La maniere noire de l'Auteur y va à merveille , en ce qu'elle y fait regnerun silence morne, caraélere domiriant de ces fortes d'arlemblées.
On avoit reproché, il y a deux ans, à M.
Théaulon d'avoir éludé la sévérité de l'ordonnateur du Sallon , en y glHfant un petit sujet capable d'échauffer les imaginations libertines.
Il répare cette faute aujourd'hui par sa Mere Jcverj £ , dont le but moral est de réprimer la coquetterie d'une jeune fille, qui, ayant reçu un bouquet d'un jeune homme,' se le voit déchirer : on l'humilie en la forçant de mettre des sabots.
Cette composition naïve, mais peu spirituelle , est d'une exécution attrayante à raison des caraéteres bien prononcés. Celui de la mere frappe singulierement : -on voit que le Peintre s'est étudié surtout à rendre la fille intéressante, & peut-être lui a-t-il donné trop de grâces, de
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gentillesse, de piquant, de fwelte , de finesse pour son état, indiqué par h punition. On ne peut qu'exhorter ce jeune Artiste, ainii que le précédent, à choisir toujours des sujets bien pensés & dignes de leur pinceau aimable, mais trop mol, surtout chez M. Bounieu qui, à force d'adoucir & de lécher ses figures, leur donne .une couleur de cire. On voit que le feçond peut acquérir une touche plus ferme & plus libre.
On est enchanté principalement, Monsieur, cette année, de M. Le Prince, dans un genre pour lequel il nous avoit donné déjà de hautes espérances. Il les remplit à merveille. C'est le Paysage qu'il peint d'un grand goût. Il ne nous transporte plus en Russie ; ce n'elt plus cette nature marâtre qu'il offre à nos yeux ; ce font les sites délicieux des environs de Paris, dont tout le monde peut reconnoître la vérité. Il entend à merveille la perspective aérienne : 'il marque parfaitement les diverses heures du jour, les différentes façons dont la terre est dorée & le ciel éclairé au lever, au midi & au coucher du soleil. Peut-être n'excelle-t-il pas autant à rendre la verdure, la fraîcheur du feuillage, le jeu de la lumiere & ses accidens de toute espece , à travers ces masses légeres & mobiles ; mais quelle variété , quel mouvement, quel esprit dans la multitude dont il anime ses tableaux: champêtres ! Il est fâcheux qu'on y retrouve de teins en tems des reminiscences de ses premieres études, un cofthume & des formes Russes. Son Etude de Vache d'après nature, est efilmée digne du Berghem, au gré de certains connoisseurs : d'autres comparent son Corps-de-garde à çeux des deux Teniers & aux bambochades de
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notre ifrateati. Pour moi, qui cherche moins les rapprochemens d'une maniéré avec une autre, que le génie de l'Artiste, que cet intérêt qui doit regner dans tous les bons ouvrages, je louerai M. Le Prince de n'avoir pas imité le défaut de ces Maîtres, donnant souvent dans les sujets bas. Il a leur gaité, leur finesse & n'est jamais ignoble.
Un tableau qu'il a intitulé la Crainte, m'a fourni longtems à réfléchir, ainsi qu'à beaucoup d'autres. Si l'on ne connoissoit le mérite de cet Artiste, on feroit tenté de croire en l'examinant, qu'il a fait un contresens, puisque rien ne répond au sentiment qu'il [a voulu rendre; que l'expression du visage de l'héroïne, son attitude & tous les accessoires qui l'entourent, font naître des idées entièrement opposées. Seroit-ce donc une énigme qu'il a proposée au Public ? Il est plutôt à présumer que, craignant de scandaliser s'il eut indiqué son sujet fous le vrai titre, il l'a masqué fous un autre, pour qu'il ne fût point rejette du Sallon. En voici la composition ingénieuse & vous en allez juger.
Une femme couchée , d'une belle figure , dont le corps parfaitement biendefliné est toutà-fait séduisant, a ses couvertures rélevées; elle n'est qu'en chemise , qui laisse entrevoir ses appas de toutes parts. Elle semble s'élancer après quelqu'un, & ce mouvement, ainsi que son teint très-coloré, ne désignent rien moins que la frayeur. Un fauteuil est renversé près de son lit ; un déjeûner préparé avec deux tasses trèsdiftinétes, prouve qu'elle ne devoit pas le faire feule, & que c'est à une heure où ne s'introduisent pas ordinairement les voleurs. Vu çhiça
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dans l'ombre, courant à la porte, semble aboyer après quelqu'un qui vient de s'enfuir, & vouloir venger sa Maitresse qu'il a outragée. En un mot, tout caraftérife un Amant téméraire qui n'a pas eu la force de se rendre coupable, & qui est allé cacher ailleurs sa honte & son desespoir.
Si j'avois voulu, Monsieur, ranger chaque Peintre suivant la sensation qu'il produit au Sallon, je vous aurois d'abord nommé M. Vernet. Outre l'effet admirable du pinceau de cet Artiste qui ne vieillit point, c'est qu'il y joint une fécondité prodigieuse, une fecilité incroyable , & cependant il ne peut suffire aux ouvrages qu'on lui demande. Il faut se faire inferire chgp lui plusieurs années d'avance avant de pou jouir. Entre ses productions, on difting grandes machines imposantes par leur hauteur.
L'une est l'entrée d'un Port de Mer dans un tenu calme, au coucher du Soleil ; l'autre uns tempête, avec le naufrage d'un vaisseau. Il est si fort au-dessus de tout éloge, qu'on ne s'attache plus qu'à y découvrir ce qui peut prêter à la critique. Par exemple , dans son fécond Tableau, moins estimé que l'autre, on y remarque une femme qu'un Marinier enlève aux flots" & frpeu soutenue Sur le dos de son Libérateur, qu'on craint à chaque instant qu'elle ne tombe.
Un amateur exprimoit à M. Vernet un autre genre de frayeur , manière bien délicate de flatter son amour-propre : „ Je me hâte toujours, lui disoit-il, à chaque fois que je viens ici ,.de considérer ces nuages chargés qui forment votre orage, car j'appréhende qu'ils ne soient dissous & évanouis à mon retour". Mais pour le contraire il a placé dans l'autre partie du -Tableau
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un Ciel déja serein & brillant , & qui tranche bien brusquement. Il y en a, sans doute, des exemples dans la nature; mais alors le moment de son adion ne feroit que la fin de l'orage , ou ce ne feroit Amplement qu'un grain, en terme de marin, ce qui ôteroit à la scene tout le terrible qu'elle doit avoir & qu'elle a , & conféquennnent tout l'intérêt.
Le premier Tableau offre le grouppe d'un Bacha qui vient s'embarquer avec sa Maîtresse & sa fuite pour prendre le plaisir de la promenade, & cet amas de figures droites n'est pas regardé comme assez pittoresque. Une autre faute contre le cofihumc, & à laquelle il n'y a p:ltde réplique, ç'est que pour remplir un coin de la scene , il y a mis des Blanchisseuses ; & l'on fait qu'on ne lave jamais dans l'eau de la mer, absolument impropre à cet usage. M. Vernet, Oui cil t. d:ins un Port de mer & les a si fort fréquentés, ne pouvoit l'ignorer, mais il a cru qu'on ne poufferoit pas la discussion jusques-là , & il s'est trompé. Du relie, les autres détails font traités dans l'un & l'autre ouvrage avec tant de vérité, qu'ils rappellent le propos de ce matelot, disant à son camarade tenté d'aller admirer une Marine de M. Vernet : Que veux-tu aller faire là ? tu n'y verras que ce qu'on voit ici 1 Un Savoyard du Pont-neuf ou un Porte-faix de la Monnoie en pourroit dire autant de M.
Machy , qui nous offre différentes Vues des plus beaux édifices qu'on envisage des quais , & d'autres des environs de Paris. Indépendamment de ce genre, où brille la beauté de son delfin exad, pur, riche, où l'on admire le choix toujours heureux & délicat de ses profils dans les
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membres d'architeéture dont il décore ses Tableaux , il veut aujourd'hui lutter contre M.
Robert, dont le génie plus mâle & plus libre se déploie surtout dans les ruines. Son rival nous en offre de plusieurs especes, mais l'on y retrouve encore la netteté, la propreté de fou exécution , & rien de cette fougue & des écarts qui produisent tant de clameur chez l'autre.
Je ne m'arrêterai que sur deux morceaux de celui-ci, qui serviront de preuve & caraétèrifent cet Artiste. Ce font deux Vues des Jardins de Versailles dans le tems qu'on en abattoit les arbres.You-s savez , Monsieur, que ce beau Parc cft absolument dévasté aujourd'hui , & offre un coup-d'œil triste & nud , bien différent de celui qu'il présentoit dans le tems de sa magnificence.
M. le Comte d'Angiviller proposa au Roi, pour encourager la Peinture dans tous les genres, de faire lever, par M. Robert, le plan pittoresque d'un fpedlacle effrayant, mais unique , & qui ne se retrouveroit plus d'un flecle. Le Peintre fut ; appelé, S. M. lui donna les ordres : Elle parut delirer en même-tems que sa présence ne lui en imposàt pas, & qu'il esquissât, sur le champ, son i dessin. M. Robert s'excusa & répondit qu'il ne ! feroit ainsi qultm mauvais Tableau , très-vrai, très-exadt, mais froid. „ Quel est votre objet, : Sire, ajouta-t-ill Ce n'est pas d'avoir un rac, courci géométrique de cette vaste Scene ; mais „ de faire retrouver à votre ame la sensation.
.,, douloureuse qu'elle éprouve en jettant les „ yeux sur cette nature morte , sur ces monu, „ mens des arts qui, isolés, n'ont plus d'afpedt ,„ agréable, & semblent participer aux ruines de
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', la premiere. Laissez-moi faire ; je promets à „ V. M. que je reproduirai à ses regards tout „ ce qu'elle voit: mais qu'elle ne donne point d'entraves à mon imagination". Le Monarque a consenti & M. Robert a réussi parfaitement pour les gens de génie. Quant aux autres, qui ne retrouvent point les choses à leur place , & qui ignorent cette anecdote, ils se récrient que c'est manqué, que ce n'est pas ressemblant.
Ils n'en diront pas autant des Ouvrages de Mlle. Valayrr, dont le pinceau sûr & fidele s'est fournis tous les objets de la nature inanimée. Mais après ce triomphe elle court à de plus considérables. Déja elle s'est distinguée dans le portrait par une touche ferme & hardie.
Celui de M. Roettiers , ancien Graveur général des Monnoies, est d'une vérité qui frappe tous ceux qui connoissent l'original, & d'un faire qui étonne tous les Connoisseurs, Ellegrouppe même actuellement ; elle historie avec un égal succès. C'est ce qu'on admire dans trois petits fujcts, dont une jeune personne montrant ù son amie la statue de r Amour, arrête le spectateur, le porte à réfléchir, & annonce une tête qui combine des idées & fait en faire naître.
Avant de finir , Monsieur , l'article de la Peinture, il ne faut point omettre le portrait en pied du Roi, trop remarquable, & par la hauteur de la machine, & par la beauté du cadre, & par le personnage auguste auquel tous les François viennent rendre hommage. Malheureusement on ne reconnoit Louis XVI qu'aux attributs de la Majesté qui l'entourent : des plaisans ont prétendu qu'à la tête près il étoit très leflemblant. C'est que M. Duplessis, au lieu de
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chercher à rendre l'homme , avoit voulu peindre le Monarque. Il n'a pas senti que l'humanité, la bonté, la popularité , la familiarité, si l'on peut s'exprimer ainsi, étant le caraétere distinctif de la physionomie de notre Roi, il ne pouvoit s'allier avec celui de la grandeur, de la fierté imposante, repoussante même, qu'il a voulu lui imprimer. Du reste, les détails font soignés avec l'exactitude qu'on connoît à l'Artiste : il a toujours le coloris vrai & vigoureux.
Si l'on pouvoit révoquer en doute son talent pour attraper les ressemblances, on feroit forcé de lui rendre bientôt justice en voyant Ion Tableau de M. le Président d' OrmeJJon, où, se proportionnant à son sujet, il ne l'a point dépassé. Il a exprimé littéralement la franchise 1 la bonhomie de ce Magistrat. L'air sérieux & pincé du Marquis de Bievre, -qui contraste si fort avec ses calembours, & leur donne tant de vogue, ne lui a point échappé, & même son vêtement modeste & simple y ajoutant encore. Il a déployé plus de force dans le portrait de M. Ducis , ce noir Tragique , l'auteur d'Hamlet, de Roméo & Juliette; mais dont la face large & fleurie annonce que fan imagination n'influe en rien sur son physique bien constitué.
Je vous-parlerai encore du Portrait de M.
Coquebert de Montbret, Consul général dans le Cercle de Baffe-Saxe, moins à raison du Peintre, M. Perronneau, dont la maniéré dure est en général peu efHmée, mais à raison du personnage qui, déja Membre du Corps Diplomatique depuis plusieurs années, se trouve initié aux myfteies de la politique, dans un âge où
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.Von n'en soupçonne pas encore l'existence, & fournjffoit ainsi un sujet analogue au pinceau de l'Artiste. Çelui-ci, en vieillissant la figure dit jeune homme, a du-moins caractérisé son génie précoce & sa prudence déjà consommée.
Je ne ferai que vous indiquer Mrs. Paffilier , Hall, Courtois & Weiller, destinés specialement au service de l'Amour , à peindre ces beautés , dont l'existence furtive ne doit durer qu'aussi longtems que la passion de celui qui les commande. Ce genre est trop borné , trop futile pour s'y arrêter. Il n'en est pas de même dé M. Chardin, qui, dans sa vieillesse, a toujours une maniéré ferme & grande, nous fait encore l'illusion la plus complette dans son tableau imitant le bas-relief.
Mon silence, Monsieur, sur le reste des productions pittoresques du Sallon, sans leur ôter le mérite qu'elles peuvent avoir, indique cependant que ce ne font pas elles qui font les plus admirées. Une, effrayante par son étendue, & impossible à faire par sa forme & sa façon d'être prélenté , si pourroit avoir de grandes beautés, d'autant qu'elle est d'un jeune Artiste ayant fait beaucoup de sensation il y a deux ans, de M. Robin, dont vous vous fbuviendrez sans doA. C'est une Esquisse d'un PïaFond exécuté dans la nouvelle Salle de Speétacle de Bourdeaux. Le sujet général est cette Capitale , qui éve un Temple à Apollon & aux M.uses.
L'Auteur en a fait un poëme entier divisé en cinq chants ou parties , & il justifie l'opinion que je vous enavois inspirée, en le regardant comme un des meilleurs soutiens de notre Ecole pour l'histoire & les uvres- de génie. ,,
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Mon. dernier article fera pour M. Jollaîn, que je ne peux omettre en entier. Non content de vouloir mettre tout Romere en Tableaux , il semble embrasser aussi Le Tassi. Dans un sujet tiré de ce dernier Poète, il y a un Renaud -où l'on admire un tour de force de l'Artiste.
On y trouve trois formes différentes. Les perfifleurs rappellent La Trinité. En effet, on y remarque distinctement la tête d'un beau jeune homme, le corsage d'un héros, & les jambes de l'être le plus ignoble.
J'ai l'honneur d'être , &c.
LETTRE III.
Sur les PeÎlztures, SLulpturcs Gravures expoJets au Sallon du Louvre le 25 Août 1777.
Paris, ce 22 Septembre 1777.
LE plus grand morceau de Sculpture qu'on voit cette année, Monsieur, est le Maufolte de feu Monseigneur le Dauphin & de feue Madame la Dauphine, qui doit être placé dans le Chœur de la Cathédrale de Sens. Ce monument de M. Coftou, mort lui-même avant d'y avoir pu mettre la derniere main, est fort compliqué & mérite un détail plus étendu.
L'Artiste puisant son idée principale dans le caraétere diftindif des deux augustes Epoux, c'est-à-dire dans cette tendresse mutuelle qui les
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avoit unis pendant leur vie & n'a pas permis a Madame la Dauphine de survivre longtems à la moitié d'elle-même, déja dans le tombeau, & à laquelle elle ne desiroit que de se rejoindre-, a imaginé de former un piedestal sur lequel font deux Urnes, liées ensemble d'une guirlande de la fleur qu'on nomme Immo-rtelle.
,, Du côté de l'Autel, TImmortalité debout „ est occupée à former un faisceau ou trophée „ des attributs symboliques des vertus du Dau„ phin, telles que la Pureté, déftgnée par une „ Balance; la Prudence, par un miroir entouré.
„ d'un sérpent, &c. Aux pieds de cette figure „ est le Génie des Arts, dont le Prince faisoit „ ses amusemens. A côté, la Religion, aussi ,, debout, & caraétérifée par la Croix qu'elle „ tient, pose sur les Urnes une Couronne d'é,, toiles ; symbole des récompenses célestes def- ,, tinées à l'un & à l'autre.
,, Du côté qui fait face à la nef de l'Eglise, „ le Tems, qu'on reconnoit à sa faulx & à tes „ divers acceflbires, étend le voile funéraire „ qui couvre déjà l'Urne du Dauphin , sur celle „ supposée renfermer les cendres de Madame „ la Dauphine. A côté, l'Amour conjugal, son "flambeau éteint , regarde avec douleur un „ Enfant qui brife les chaînons d'une chaîne ,, entourée de fleurs, symbole de l'Hymen.
„ Les faces latérales ornées de cartels aux „ armes du Prince & de la Princesse, font con"sacrées aux infcripdons qui doivent tranf„ mettre leur mémoire à la Postérité
Telle est la maniere dont M. Coflou a conçu & rempli son plan, où l'on n'envisage rien de
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de sublime, que peu d'unité , & beaucoup d'images décousues ou trop ressemblantes.On est tenté d'abord de regarder comme un pleonasme la fleur appelée Immortelle, employée d'une part, & l'Immortalité ensuite personnifiée de l'autre. Mais la premiere désigne l'union immuable qui va régner déformais entre les: deux Epoux, & la fécondé est relative uniquement au souvenir durable des vertus du' Prince. Il s'enfuit au moins une certaine ftérilitéd'invention dans l'Artiftepour n'avoir pas mieux.
varié & distingué ces deux idées qui se rapprochent & se confondent de nouveau dans lai troisieme ; car la Couronne d'étoiles dont la Religion veut faire rayonner à jamais les deux: Urnes, est encore une forte d'Immortalité que r par la réflexion, on conçoit désigner celle des bienheureux.
Si l'on fait attention aux airs de tête, à l'expression du visage de ces person-nages allégoriques, on trouve de même beaucoup de reffemhlance. Bien loin de remarquer les contrafles piquans que le génie fait se ménager dans les: sujets qui en paroiiTent le moins fufeeptîbles., la douleur est le sentiment dominant des trois figures dont nous venons de parler. Celle du Génie des Art, qui vient de perdre un élève & un protecteur, est assez naturelle. Quant à la Religion, elle pourroît également se réjouir de voir dans le cieMeux Héros Chrétiens , dont lefalut sur la terre étoit toujours en danger, & se désoler de perdre deux soutiens dans un tems ou elle en a tant besoin Mais on ne voit pas ce qui peut affliger l'Immortalité, dont la fon&ioa toujours glorieufe-* doit liéça-àirk
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ment la Faire participer à la joie de ses sujets; Ce feroit sans doute une pensée sublime, de lui donner des regrets en couronnant un Prince, dont l'histoire mélangée offriroit également & des victoires & des forfaits : pensée qui ne peut naître à l'égard de M. le Dauphin.- Si lldn paffe du côté opposé du Monument, c'est une autre action dont on ne fent pas à l'instant la liaison avec la premiere ; c'est une feconde partie du poëme presque détachée de l'autre. Les urnes qui font sur le centre auquel elle se rapporte , ne frappent pas assez par leur masse, & font un objet trop inanimé pour intéresser ; en un mot, nerepréfentent qu'imparfaitement les augustes Epoux que doivent concerner toutes les parties de la composition. D'ailleurs , le Tcms , qui étend fôn - voile d'une urne à l'autre & les enveloppe enfin toutes deux , est une image belle , fimple& dans la vérité historique , mais elle devroit se présenter la premiere : il faudroit que celle de l'Immortalité & de la Religion ne lui fût que secondaire, & terminât l'attion d'une façon £ atisfaifante.
L'Amour conjugal, dont l'Artiste a fait un être distingué de l'Hymen, est une mauvaisë allégorie , & ne fert qu'à augmenter le galimathias de ce Poëme froid & obscur , mêlange bigarré de profane & de sacré, qui déplaît à l'esprit & devroit être proscrit d'un temple religieux.
Je me fuis attaché, Monsieur , à dlfcuter la composition de ce Mausolée, parce que c'est chez nos Sculpteurs , ainsi que chez nos Peintres , l'endroit foible , ce dont ils semblent J'occuper le moins. Ils ne font pas ttftentioa
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que l'invention dans leur art est, comme dans les ouvrages d'esprit, la partie principale; que toutes les autres la supposent, & que sans elle on ne peut être grand Artiste , pas plus que grand Ecrivain. Comme ils Tentent bien cependant que c'est par où ils pechent, vcilà la raison qui leur fait si fort redouter la critique des Gens de Lettres. Ils savent que ceux-ci iront droit au talon d'Achille , & ils esperent être mieux traités de la part de leurs confreresqui, plus igrorans , ne verront pas le mêmes désauts, où sont intéressés à les pardonner, afin d'obtenir la même grace à leur tour. Telle eit la manie d'un artiste qui ne travaille pas pour la poitérité, & dès-lors il est en effet indigne qu'on s'occupe de lui.
Au surplus , quant à l'exécution , l'ouvrage de M. Coustou fait regretter sa perte. Elle est grande , noble, savante , correcte & même hardie.-Le cofthume vouloit qu'il habillât les figures de la Religion & de I Immortalité' ; ce qu'il a fait , avec des draperies jettées avec grâce à larges plis, dont les contours moçlleux marquent bien ceux du corps des deux Divinités. Sa figure est imposante , dans une attitude vraiment pittorefqne , & lui a fourni l'occaficxi d'employer la vigueur & l'énergie de son ciseau. Quant à son Amour conJugal, s'imaginant sans doute le distinguer de l'Amour ordinaire , il l'a fait grand , & lui a donné la forme d'un adolescent : idée recherchée & qui déplaît à la plupart des fpeétateurs. On ne s'habitue point à voir Y Amour raisonnable.
En revenant au Sallon , on est arrêté par .quatre grandes Statues de marbre que je vous
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ai indiquées dès ma premiere Lettre, & qui font d'autant plus de plaisir à voir , qu'elles représentent des hommes illustres de notre nation, dont l'Académie Franqoife a déjà, par des Panégyriques publics , consacré la mémoire à la postérité. C'est un projet heureux de M. le Comte d'Angiviller, qui a suggéré au roi de faire fucceirivement exécuter par nos plus fameux statuaires , les images des François célébres dans tous les genres. Cette fuite, si elle a jamais lieu , fera une maniéré de faire apprendre notre histoire aux enfans, également vive, facile & rapide.
Le premier est le Chancelier de THôpital, dont on a fait l'éloge cette année. L'Artiste annonce qu'il en a saisi le moment leplusintéressant , celui où ce Chancelier „ exilé dans ,, son château , apprenant que ses ennemis ve„ noient pour l'assassiner , loin de s'émouvoir, „ commanda d'ouvrir toutes les portes. Ce trait „ de fermeté , ajoute-t-il, a déterminé l'Ar„ tiste à donner ce caractere à son attitude & ,, à l'expression de son visage. „
On juge peu prudent à M. Gois de nous avoir avertis de son intention. Elle n'est point du tout rendue. Le sublime de ce Héros patriotique n'est nullement exprimé sur sa figure, qui n'offre que de l'indifférence ou de l'impafnbilité ; ce qui y ajoute même du puéril , c'est une innovation qu'il a regardée comme une finesse savante & hardie dans l'exécution, qui peut l'être aux yeux des gens de l'art , mais qui est sûrement mal-adroite. Au premier coup d'œil on croit le Chancelier manchot : pour re- trouver sa main gauche on est obligé d'aller ta i
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chercher par derriere, où elle est occupée à retrouver sa simarre, geste peu noble & surtout dans un pareil moment. Si l'on regarde ensuite les pieds , on remarque le droit soulevé avec légèreté , comme s'il alloit faire un pas de danse ; autre gaucherie- qui ne va point à la gravité du personnage. Du reste , on ne peut qu'applaudir à l'exécution , foit de la tête, foit de l'a plomb du corps, foit des draperies, fous lesquelles on fent parfaitement le nud. On est fâché de voir qu'un si habile homme ait plus fongé à faire briller son ciseau que son intelligence.
On en peut dire autant de M. Pajou dans son Descartes, qui réve à la Suisse, bien loin de nous frapper par les conceptions fortes d'un Philosophe fabriquant le monde dans son imagination. M. Mouchy n'a pas été plus heureux à rendre l'ame de Sully, ce modèle des Minis, très ; & M. Le Comte a fait couler des lèvres de Fénelon cette éloquence douce & inlinuante de l'auteur de Télémaque. Mais tous semblent disputer le prix entr'eux pour l'observation la* plus exadte du cofthume, pour la beauté du faire, pour toutes les parties de détail, n'exigeant que de la vérité, de la force ou de la délicatesse dans la main. En remontant au Sallon , je n'apperçois , parmi une foule de Bustes, que deux ou trois morceaux de composition propre à exciter le génie. L'un est Vulcain présentant à Vénus-les armes dËnée. L'air fâcheux du demi-Dieu y est très-bien rendu. On y voit le mécontente.
ment de ce malheureux époux percer à travers r son empressement & son obéissance. Toute l'a.
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natomie du corps est savamment traitée , & ,cette Statue, modelée feulement en plâtre, répond à la haute opinion qu'on avoit conque, il y a quatre ans, des talens de M. Bridan.
Le Morphée de M. Houdon caractérise le Dieu du sommeil, de façon à ne pouvoir le méconnoitre. Ce n'cft point un assoupissement ordinaire ; c'est. une suspension parfaite de tous les sens , c'est une pesanteur profonde , un abandon total , c'est l'anéantirrcment le plus absolu , qui feroit maladie , léthargie, dans un mortel , & n'est que l'état naturel dé cette divinité. Ses ailes feules semblent avoir quelque adtion encore , quelque mouvement, pour exprimer, sans doute, au milieu de fonengourdiirement, son empire sur la nature entiere.
Ce qui annonce la facilité de l'exécution , jointe chez cet .Artiste à l'intelligence raifonT.ZZ do son art, c'est la iïi altitude d'ouvrages qu'il a exposés ; ensorte qu'à lui seul il en a prcfque fourni autant que tous ses confreres ensemble. Il n'en est aucun qui n'ait du mérite.
CI Entre ses bustes, on diilingue ceux de Monsieur, de Madame, de Madame Adclaïde , de Madame Vifloire. Dqns la premiere tête il a parfaitement exprimé la sagesse prématurée de cette Altesse Royale , par un air de réflexion qui ne lui ôte rien de ses graces & de sa jeunesse. Au contraire , il n'a point flatté son auguste Compagne, Princesse non moins sensée, mais dont la figure annonce en effet moins de fraîcheur & plus de maturité. Les deux Tantes lui fournissoient également des contrastes à rendre, qu'il n'a pas moins bien saisis, foit en exprimant la finesse des traits de l'aînée, foit
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en modelant l'embonpoint de la cadette. II faudroit être Artiile , Monsieur, pour vous détailler toute l'habileté du ciseau de celui-ci à travailler les dentelles , à planter les cheveux , à les détacher , à coèffer avec élégance , à figurer les divers attributs des Ordres du Prince, enfin à rendre tous les accessoires , avec non moins de vérité que l'ame de ses modèles.
Ses autres bustes ont tous des variétés frappantes, & il je pouvois les détailler, vous ■ verriez qu'on est incertain dans quel genre de têtes il excelle le plus. Il présente tour-à-tour la majesté , la noblesse, les grâces , l'enjoueiment, la sévérité, l'ingénuité , l'esprit, le génie; tout cela est différencié suivant le sexe , l'âge , le caradere, le rang des personnages.
Par exemple , son buste d'une Diane, dont.1 modele, de grandeur naturelle, doit être exécuté en marbre & placé dans les jardins du Duc de Saxe- Gotha, est mieux conçu que chez M.
•Allegrain. C'est le genre de beauté austere de :cette Déesse , qui imprime le rcfpeét, au lieu d'encourager la témérité par des graces trop éduifantes.
M. Houdon, dans la colleélion de ses œu, _vres, avoit parlé d'un Buste de Charles IX ; Jamais il a senti vraisemblablement qu'on verroit avec horreur un Monarque auteur du MaJJacre Jde la St. Barthelemi, & il ne l'a point placé.
Cous nos yeux. Son médaillon de Minerve en marbre est d'une pureté de ciseau digne de la Déesse. J'aime beaucoup son idée d'une Vejlalc qui doit servir de lampe de nuit. Elle est inagénieufe & analogue aux fonétions de la Prétresse.
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Nos Sculpteurs, Monsieur, ne semblent pas avoir été plus heureux à nous reproduire le Roi aétuel, que M. DupLeJJîs. Je dis nos Sculpteurs , parce que j'envisage deux bustes de Louis XVI : l'un traité par m. Pajou , sans avoir une exadte ressemblance , est plus dans le caradtere de S. M. , dont elle exprime la popularité, mais si bénigne, qu'elle en devien..
droit niaise. L'autre, de M. Boizot, a plus de noblesse, mais on y critique une certaine finesse qui, au gré des courtisans ayant l'honneur d'approcher du Monarque , n'est pas l'attribut diftinétif de sa tête. Ce dernier a mieux réussi dans le Buste de l'Empereur, dont, ne pouvant plus admirer la personne , les François aiment encore à contempler l'image. Elle est d'une exactitude scrupuleuse, & son air de tête est surtout bien saisi dans ce point d'attention & d'examen qui étoit l'attitude fréquente de cette Majesté observatrice à Paris.
M. CajJiery nous produit auill trois Bustes intéressans, propres à faire s'évertuer le génie ; d'un Artiste. 11 a fait palier dans la tête de fonr Maréchal du Muy l'esprit de la devise qu'il a i gravée au bas : Virtutis vera custos, rigidusque satelles. Son Pierre Corneille, dont le Butte i doit être placé dans le foyer de la Comédie
Francoise, est animé de la vigueur qui caracté- rifoit encore les demieres pieces de ce grand t homme dans sa vieillesse. Enfin celui de Ben- jamin Franklin nous montre un fage Philan-" trope , qui cherche le remede aux maux de sa ; patrie. On voit son ame se soulever d'indignation sur sa physionomie , dont ce sentiment f altéré la couleur,
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Il semble que l'auteur l'ait efquHTé dans le moment où il lui commandoit le tombeau d'un.
Général, qu'on conçoit aisément , en le détaillant , être destiné à passer en Amérique. M.
Caffiery en expose le dessin noble & simple, digne de l'antique, comme les vertus de celui dont le monument doit perpétuer le souvenir & la gloire.
„ Sur un retable soutenu par deux consoles „ s'élève une colonne tronquée, sur laquelle „ eftpofée une urne cinéraire. D'un côté de la „ colonne est un trophée militaire, accom„ pagne d'une branche de cyprès ; de l'autre „ font les attributs de la Liberté, grouppés » avec une branche de palmier. On y lit cette „ inscription : Libertas restituta. Derriere la „ colonne s'éleve une pyramide. Dessous le ,, retable, entre les deux consoles, est un car„ tel & une table de marbre blanc, pour l'inf„ cription. „
On ne fait pourquoi l'Artiste n'a osé nommer le héros (-j() auquel doit être élevé ce monument. Il est l'objet de la curiosité générale , & l'on s'indigne d'une reticence injurieuse, ca..
ractérisant la foiblesse du gouvernement , qui, sans doute, l'a défendu pour ne pas déplaire aux Anglois, Vous vous rappellerez peut-être, Moniteur, ,que je critiquai beaucoup au dernier Sallon des esquisses de figures imaginées pour la Salle
( v ) On voit que c'est le général Moiitgoiiierv 3 mort en Canada de l'es blessures, entre les bras ,e'4rwid qui lui il fyccédé,
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<3e Speclacle de Bordeaux, par M. Berruer. Il les a exposées cette année plus finies, & modelées telles qu'elles doivent être exécutées en grand. Elles font en Caryatides : l'une est Melpomène & l'autre Thalie. Celle-là est noble & belle , mais elle n'a qu'une douleur froide , & non ces fureurs éonvulfives, attributs distinctifs de la tragédie moderne. L'Artiste a donne à celle-ci un visage long, forme consacrée à la franchise, à la bonhommie, qui. ne peuvent s'allier avec la gaîté piquante de la Déité maligne. Au reste , elle est analogue au génie de nos comiques aduels , de nos tristes & bénins auteurs de Drames. Quant à la Terpficore, elle n'a ni graces ni décence ; elle est bien en mouvement ; mais d'une façon ignoble : elle a l'air d'une Catin dansant aux Porcherons (*).
Nous terminerons l'article des Sculpteurs par un Agréé qui n'est point encore sur le catalogue & mérite certainement d'y être. C'est M. FOllCOll, dont une tête de Bacchante & une de Corybante tenant un petit Satyre sur ses épaules , en marbre , fervent de preuves de ion talent. Belle expression, pureté de ciseau, contours moëlleux , fini précieux ; tout y catactérife le grand artiste , & l'on y découvre même le germe de génie.
Entre les Graveurs , M. Le Bas obtient toujours par ses œuvres le premier rang que lui donne son ancienneté. Sa Vue du Port & de la Citadelle de Saint-Petersbourgfur la Nerva,
£ *) Guinguettes renommées de Paris.
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prise dessus le Quai, près du Palais du Grand Chancelier, Comte de Bestouchef, est unevafte composition, d'après le tableau de M. le Prince, qui fixe tous les yeux par sa magnificence. Il prouve que les machines immenses n'effrayent pas le génie de cet Artiste, voue spécialement aux sujets plus naïfs & plus gais. Il est vrai qu'on le retrouve dans les détails où il a pu se livrer à son goût, dans tous ces grouppes amusans, dans mille traits spirituels qu'a saisis son modèle , dont il est digne , & qu'il rend avec une liberté d'original. Cette Estampe doit être dédiée à S. M. l'Impératrice de toutes les RlÛfies, &, en reproduisant à Paris les superbes ouvrages de cette Souveraine, elle attestera en même tems à Petersbourg les talens de nos Ar tilles.
Je vous ai déjà annoncé , Monsieur , une Estampe de M. Porporati, Graveur & Garde des Dessins du Roi de Sardaigne , à l'occasion de la belle Inscription de M. Roie-cati de Genève : Prima mors, primipartntts, primus lullus. On en devine le fuiet à Tinftant : c'est la mort d'Abel, ou plutôt l'effroi & lafurprife dont Adam & Eve font saisis à la vue du cadavre de leur fils. On ne peut faire un éloge plus julle de l'ouvrage, qu'en convenant qu'il rend précisément tout ce que désigne la légende. C'est la mort dans toute sa vérité ; c'est la tendresse : paternelle à son plus haut degré ; c'est surtout , cette douleur morne & profonde qui, pour la.
première fois, introduite dans le monde, flctrif1 foit la figure des chefs de l'humanité , & n'a cessé depuis de tourmenter leur postérité infortunée, Outre l'invention, quifemble appartenir
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à l'Artiste, & lui fuit infiniment d'honneur, son exécution est grande, limple & fublimc, comme son idée.
Entre les œuvres de M. Beauvarlct, qui dans les sujets hiltoriques embrasse la fuite de l'histoire d'Esther, d'après M. de Troy le fils, & soudent la réputation méritée qu'ils lui ont faite, je ne choisirai que le Portrait* de M. Sage, plus précieux par l'anecdote. C'est un Physicien habile de l'Académie des Sciences, si enflammé pour la propagation de l'étude de la Chymie, qu'il en fait un Cours gratuitement, où il admet tous les honnêtes gens qui veulent se présenter chez lui. Ses Elèves ne pouvant lui témoigner leur reconnoissance autrement, ont voulu la perpétuer, en faisant graver son image avec cette inscription au bas : Discipulorum pignus amoris.
Ils ont choisi un Artiste en état de répondre à l'étendue & à la durée de leur sentiment. Ils ont jugé le burin de M. Bcauvarlet le plus propre à rendre la physionomie ouverte & bienfaisante de leur maître.
Que M. Cathelin n'a-t-il aussi bien employé son talent ! pourquoi choisir lç portrait de M.
l'Abbé Terray , de ce monstre abhorré de la France entiere , qu'elle rougit d'avoir produit, & dont elle voudroit effacer l'adminiitration de ses fastes ? Que n'a-t-il du moins imité la pru- dence de feu M. Roslin, qui, en se chargeant du tableau , s'est bien donné de garde de le
produire au Sallon ? L'existence de cet ouvrage offert à tous les yeux & soutenu de tous les regards , prouve l'apathie de la nation. Chez ; toute autre cette effigie feroit mise en pieces , il y alongtems. Quoi qu'il en foit, le Graveur, i sans :
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uns doute , n-e considérant son sujet qu'en \.rtiHe, a trouve une tête dont le caraiftere bas l sinistre présentoit des difficultés dignes de fort wrin. L'Ex-Contrôleur général est extrêmement effemblant, &, au milieu de sa laideur, l'esprit icrce dans ses yeux pleins de feu. C'est un mor- eau d'exécution vigoureuse & fiere, au gré de eux qui peuvent le contempler de fang froid.
leur moi, j'en ai toujours détourné les yeux, - leur admirer au-dessus la maniere de M. Arange, igréé digne de lutter contre M. Porporati. Sa Wort de Didon, d'après le Guerchin, sa Cléopârc d'après le Guide, indiquent. un Artiste né .¡eur le grand, M. de Launay, dernier Agréé, sans avoir un urin aussi hardi , l'a fécond & étendu. Sa Ilarche de Silene, d'après Rubens, est une Teuve que les grouppes multipliés ne l'embarassent point, qu'il a de lagaieté. Son Endymion c sa Leda font d'une grande correction de efrin. On trouve un faire doux & moelleux ans sa Complaijance maternelle, & son lleulifè fécondité d'après M. Fragonard : Ses ruines Romaines font frappantes, attristent par ■ ne grande vérité, & ses divers sujets pour la Nouvelle Hélo1fl, pour le Télcmaquc & le Roland furieux, font pleins d'esprit. L'Acadéde ne peut que faire une excellente acquisition - ans un pareil membre.
S'il étoit question, Monsieur, de régler l'or.
le du rang de chaque artiste, proportionnélent à son mérite, avant d'en parler, jen'aurois -as réservé M. Duvivier pour la fin. Quoique an genre foit le dernier, il n'en est point que , e puisse illustrer un homme de mérite, &
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assimiler presque à ceux d'une espece supérieure.
Tel est M. Duvivier, Graveur de Médailles.
Il nous offre cette année plusieurs petits Poemes circonscrits dans l'espace étroit où il est forcé de se renfermer. Tels font le Renouvellement de r Alliance des Suiffes, le Retour du Parlement de ToulOlûe, ayant pour revers des Prifonnicrs délivrés à cette occasion par le Corps du Commerce, &c. Malgré leur complication , on admire un dessin net & facile , du feu & de la correétion. Son Sceau de VAcadémie pour son morceau de réception, est remarquable par la tête du Roi, plus ressemblante qu'en peinture ou en buste, mais surtout par la légende : Libertas Artium restituta, 1776 ().
Et c'est cette même Académie, se réjouissant de la liberté rendue aux Arts, qui vient de folliciter un Arrêt du Conseil, où, par un despotîsme révoltant, on ôte aux Peintres, qui ne : peuvent figurer chez elle , la faculté d'expofar au Colysée leurs productions !
Je m'arrête, Monsieur, & l'aurois fait beaucoup plutôt, si je n'avois voulu vous justifier mon assertion du début de ma premiere lettre.., Quelque médiocre que foit encore le Sallon de!.
cette année, les Voyageurs, les Etrangers font.
émerveillés de sa fécondité, & d'un talent plus ou moins marqué qui se manifeste dans prefqueu toutes ses productions. Ils aITurent qu'on parii
( * ) Elle est autour d'une lIlhzeyve, formant le revers de la Médaille & des nouvelles armes accor.:) dées par le Roi à l'Académie , suivant l'article VlIU des nouveaux Statuts & Réglemens,
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Coureroit l'Europe avant de potivoi"r raeembleé e' entre les œuvres des ArdUes modernes, de quoi composer une collection semblable. Contentons..
nous donc de notre médiocrité, que les nôtres pourroient bien appeler aurea, car on ne les a jamais si fêtes, si vantes, & surtout li bien payés.
J'ai l'honneur d'être, &c.
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ANNÉE M. DCC. LXXVIII.
i Janvier 1778. La Faculté de Médecine commence à publier un écrit ayant pour titre : Res grfiæ in jaluberrimâ Facultate Parifienfi circa feclionem Symphise ojjium pubis supra mulicre dic7a Souchot , celebratam. Elle y a joint une traduétion en François du même récit.
On voit au bas l'inscription gravée sur le revers du jetton d'argent du Doyen , arrêtée en l'honneur de l'inventeur & des (feux exécuteurs de l'opération. Elle consille en ces mots:
L'an 1768 , M. Sigault, ( Dotfcur en Méde* cine de la Faculté de Paris ) a invente & pro- ; posé la Jeclion de la Jl/mpliiJe des os pubis : en 1777 il l'a pratiquée avec fucccs. Et plus bas : M. Alphonse le Roi, Docleur en Médecine is; de la Faculté de Paris, l'a aidé.
Ce Recueil contient, 1°. L Extrait des Ré giftres de la Faculté de Médecine de Paris, &6 Je resultat de ses assemblées & délibérations sur Jj ce sujet.
2°. Le Mémoire de M. Sigault, lu aux Affem. blées des 3 & 6 Décembre 1777. Il est Françoise feulement.
30. Le Rapport, aussi feulement en François, ; des Dodeurs Grand-Clas & Descemet, nommés à pour suivre cette section, ses effets & sa guérison, si Il résulte de ces trois pieces, que la Faculté a pris toutes les précautions possibles, afin de >) connoître, d'éclairer & de constater une opéra..:, tion si intéressante & si utile pour l'humanité, 3 .4 Janvier, Malgré la publiçité <jue ïe^oi^ii •i
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aujourd'hui le plagiat de M. de Chamfort, par la comparaison que tout le monde peut faire de sa piece avec celle de M. Belin , elle concinue à être très-courue ; mais comme le dénouement déplaît beaucoup , il est occupé à ! le changer: ce qui est une grande opération pour un Poëte qui a été douze ans à se traîner sur les pas d'un autre, & à calquer sa tragédie sur la sienne. Il n'est pas encore prêt.
2 Janvier 1778. Le difcous lu par M. FAbbj Baudeau, dans l'assemblée publique dont on a parlé , fit une grande sensation par son art & fim éloquence. Il y avança d'abord un fait curieux: & ignoré généralement, c'est que c'est en France qu'a pris naissance le projet d'une Société libre, d Emulation pour l'encouragement des Arts fer AlétÍers, en 1728. Elle se forma fous les auspices de M. le Comte de Clermont. Il elt: vrai qu'elle fut très-foible, qu'elle n'eut jamais :alors que 30 Associés ; & que, foit par le peu de zèle du protecteur, foit par la légéreté naturelle de la nation, cette Société s'éteignit bientôt. Des Anglois qui étoient à Paris, & avoient eu connoissance d'une telle institution, imaginèrent de la transporter en Angleterre ; ce qu'ils firent en 17; o. Elle s'y est soutenue, & a pris une consistance si vigoureuse qu'on y compte lufqu'à 6000 Adeptes. Les Anglois reconrtoiffent pourtant que, par sa position, Paris doit être le centre d'une association, que la différence des )ays, des climats, des gouvernemens, de la, )aix ou de la guerre ne doit pas troubler.
M. l'Abbé Baudeau instruisit encore l'affem)Iée, que cetefpritde patriotisme se répandoit' luffi dans les provinces, où il se formoit de
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petites Sociétés pareilles , affiliées à la mcre commune; que d'autres, nées en Allemagner la reconnoissoient également pour l'ancienne, & qu'enfin il s'etoit, par ses recherches, procuré ainsi des points de correspondance partout, qui ne pouvoient que contribuer à l'amélioration de la chose.
Ce discours dédommagea l'assemblée de celui du Président, fort long, fort ennuyeux, aride & sans objet, ainsi que du bavardage du Docteur Jumelin , sans méthode , sans clarté & fansaucune qualité extérieure nécessaire à l'homme qui veut parler en public.
3 Janvier 1778. Entrait dune Lettre de Lyort
du 27 Décembre 1177.,, Les grands avantages ; que la plupart des villes de commerce de ce- ; royaume retirent de l'affluence des In furgens. 1 dans nos ports font perdus pour nous, ou du i moins nous ne pouvons nous en ressentir qu'in- 4 directement, par le luxe qu'enfante & nourrit-j toujours la richeITe. Ces peuples ne font pas: i encore dans le cas d'avoir besoin de nos arts j j mais notre commerce n'en va pas moins bien.. î
Nous continuons à tout acheter comptant & à ï vendre tout à crédit. Nos grandes fournitures: !
aujourd'hui font pour le Nord; la RuHle, la si Pologne, l'Allemagne tirent beaucoup de cheznous, & nous sommes en avance de plus de-, vingt millions avec ces pays là. g 3 Janvier. Dans la séance publique de la, !
Société libre cf Emulation, il y avoit bCdu-_,r coup de Dames & du plus haut parage , l'oit: comme initiées , foit comme fpeltatrices. N.. J l'Abbé Baudeau n'a pas laissé échapper cettQ-jjj ©ccafion de capter la bienveillance du Scx) enj*
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lui adressant dans son. discours des louanges adroites & délicates, en prétendant qu'il n'étoit pas moinspropre que les hommes, par la sagacité & la pénétration de son esprit, à juger des matieres soumises aux décisions de l'assemblée , & d'ailleurs infiniment plus séduisant pour encourager par ses graces & ses charmes. Cet Abbé, quoiqu'ayant fait tout ce qu'il a pu pour gagner ainit tous les suffrages , n'en a pas moins vu s'élever contre lui un orage violent. On a démêlé son projet de se perpétuer dans la place de Secrétaire ; ce qui est absolument contraire aux statuts. On a reconnu que , fous son apparence de Philosophie & de Patriotisme, il cachoit une ambition sourde * un desir violent de dominer, & un génie de despotisme qui tendoit à s'élever sur tous les membres, & à asservir toutes les idées aux fienpes. Des jaloux ont voulu arrêter les entreprises de ce tyran naissant 7 & il étoit question de dénoncer hier ses attentats contre la liberté générale dans une assemblée indiquée. Instruit du coup qu'on vouloit lui porter , il a gagné de primauté , il a annoncé que, croyant avoir assez bien mérité de la Compagnie pour y être attaché d'une façon durable & permanente, il ; avoit espéré en effet être inamovible dans sa dignité, & en faire ron état & son occupation ; imais que, dès que sa conduite étoit fufpeéte, il ;demandoit à se démettre.. Cet aveu & cette ; menace ont fait une grande sensation , & après beaucoup de débats, il a été convenu pour le :bien de la chose qu'il ne quitteroit ses fonétions qu'au mois de Juillet.
Il a été décidé en outre "que toutes les places
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de la Société feroient éligibles chaque année, fauf de Secrétaire, qui ne le deviendroit que tous les deux ans.
4 Janvier 1778. Le 30 Décembre, le Conseil a prononcé sur la contestation élevée entre les Salpêtriers de Paris & le Sr. Micault de Courbeto.i , leur Chef. Ils ont été condamnés en tous les dépens, & en 10 livres de dommages & intérêts applicables au pain des prisonniers.
L'Arrêt ordonne en outre l'affiche du jugement & la suppression des termes injurieux & calomnieux employés dans leurs écrits & notamment de deux Requêtes, dont l'une intitulée: Requête très-importante sur la fabrication dit Salpêtre, & l'autre: Réponse des Salpêtriers de Paris au Mémoire de la Compagnie des poudres £ «f du Sr. Micault de Courúeton.
ç Janvier. Le Sr. de Beaumarchais , qui ti'a , été que légèrement blessé de sa chute , après avoir fait à l'occasion de cet événement le bruit qu'il desiroit, vient d'inviter tes auteurs dramatiques à venir chez lui reprendre leurs conférences, ou plutôt donner la derniere approbation au Mémoire, ion ouvrage , & mettre ce Règlement du Bureau de Législation Dramati- que en état d'être homologué au Parlement.
s Janvier. Une Consultation imprimée pour le Baron £ «? la Baronne de Bagge, en date du 12 Décembre , par M. Dassy , Avocat , fait grand bruit, à raison de sa hardiesse à attaquer M. Titon , Conseiller de Grand - Chambre , auteur d'un Arrêt contre les confultans , qu'il regarde comme un ouvrage de prévarication r « à traiter durement & plaifaniment tourna-
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fcmr, M. l'Archevêque de Paris, impliqué dans l'affaire.
6 Janvier 1778. M. de Junquieres, Auditeur des Comptes , vient de mourir de la petitevérole. Avant de s'attacher à cette Compagnie, très-propre à enfouir les talens, il avoit paru annoncer des dispositions pour la Littérature.
En 1764 il avoit donné aux Italiens le Gui de chêne ou ZaJête des Druidés,comédie en un Aéte., 7 Janvier. Entre les divers Co-opérateurs ou j plutôt Directeurs du Journal de Paris, on en t compte quatre, iqavoir le Sr. Corancé, Commis' aux fermes, le Sr: DÚjj!eux, connu par divers' ouvrages, le Sr. & le Sr. Cadet, Apothicaire. Cest ce dernier qui- a fourni matiere à TEpigramme suivante :.
On lisoit au racré Vallon'
Un nouveau Journal Littéraire:; Quelle drogue, dit Apollon!
Rien d'étonnant, répond Fréron, Il fort de chez' l'Apothicaire !
Cette facétie plaisante, en finissant-là , a té' ifâtée de la maniéré suivante : Quoi, dit Linguet, sur son haut ton, Un- Ministre de la Canule Vondroit devenir notre Emule?
Oui, dit- la Harpe, que veux - tu ?
Cet homme ayant toujours véciv Pour le' service du derriere, - Doit completter son ministere En nous donnant un torche-eu.
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$ Janvier 1778. MM. du Concert des Âmateurs, toujours curieux de le maintenir sur lemeilleur pied, & de le rendre de plus en plus brillant , ont fait venir de Wurtzbourg une Virtuose appelée Mad. Hizelberg. C'est la prejniere Cantatrice de S. A. E. Mgr. l'Evêque Duc de Franconie. Elle a déjà chanté deux fois un air cantabile & un air de bravoure. Malgré l'indulgence de Mrs. les Amateurs pour un sujet qu'ils ont acquis, elle n'a pas plu aux connoisseurs. Il faut en convenir, elle n'a point de douceur ni de flexibilité dans la voix : elle a dans le haut beaucoup d'étendue, mais le bas détestable , & en outre elle chante fou vent faux ; ce qui ne caradérife pas une oreille bien, délicate.
9 Janvier. Nos Princes ont profité de la circonstance des gelées pour recommencer les.
courses en traîneaux qui plaisent beaucoup à la Reine. Le luxe de ce genre d'équipages n'a fait qu'augmenter, & il y a de ces traîneaux qui coùtent jusqu'à dix mille écus.
9 Janvier. Le Magasin pour les Eleves de.
l'Académie Royale de Musique étant dans le cas d'être rebâti, on force Messieurs de la villeà cette dépense, qui est un objet d'environ 400,000 livres, & l'on lui fait donner, en attendant , des logemens en argent- à ceux qui y étoiènt installes. Cela se traite avec une magnificence rare, car le nouveau Directeur a deux mille écus ; les autres à- proportion.
9 Janvier. Le Docteur Malouiii , de la Faculté de Paris , Membre de l'Académie Rovale des Sciences , vient de mourir. Il étoit pour la classe de Chymie , & a écrit sur cette science
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de facon à faire bruit & sensation dans lé tems■ 9 janvier 1778. M. le Prince Louis, en f& qualité de Grand-Aumônier de France , est en même tems Président du Bureau d'Administration du College de Louis le Grand. Il y cft venu prendre réance le lundi 5 Décembre. M..
Hérivaux , Professeur d'Eloquence en ce lieu-,, lui a, en conséquence, présenté une Ode latine: qu'il a fait imprimer avec la traduction & qu'il; publie aujourd'hui. Le Prélat a reconnu cet: : éloge par une très-belle tabatiere d'or ,, dont iL a fait présent à FOrateur.
9 Janvier. Quoique les essais, tentés depuis; I longtems pour connoître si l'Electricité peut- être un remede dans certaines maladies , n'aient Pas eu- un succès certain, cependant la Société Royale de Médecine, instituée pour la perfect tion de cette science, ne les a pas regardés; comme absolument vains , & elle a chargé MiMauduit de la Varenne des expériences en ce genre. Il convient lui-même que jusqu'à-présent: elles n'ont fourni que des probabilités & non.
des preuves , & dément tout ce qu'on s'eit kâté de débiter trop aiffrmativement à cet égard..
10 Janvier. La veille des Rois, M. Franklin, féfidant toujours à Passi, s'étoit. déterminé à rendre le pain-béni le lendemain r quoiqu'eni qualité de Protestant, & n'étant pas prorriétaire: lie la maison , qui appartient au Le-Rez-deChaumont, il eut pu s'en dispensèr., Il se faisoit: .»n plaisir de cette- cérémonie, & avoit disposé:- : .en conséquence treize brioches , nombre des; treize Colonies de l'Amérique unies. Il vouloir mettre une banderole à chacune, & la premiere devoit porter inscrit le mot Liberté. Le cure"
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qui étoit à diner chez cet Insurgent, téinoigna, quelque répugnance à cette singuliere étiquette.
Le mot de Liberté sur tout l'effaroucha : l'Evêquede Xaintes, aussi du repas, appuya davantage,.
& prétendit qu'il ne feroit pas possible au Pasteur de tolérer une telle innovation. Mlle.
d'Eon, présente, fut consùltée à son tour. Elle répondit qu'elle n'avoit rien à ajouter à ce que des membres de PEglife avoient décidé; mais qu'à leur opinion elle joindroit une raisôn politique , non moins prépondérante : c'eit que,, n'étant qu'à trois lieues de Versailles, il ne* ,, convenoit pas d'tifer d'un mot qu?on n'aimoit.
,, ni ne vouloit y connoître".
II Janvier 1778. On est abfolumentrafluré sur les inquiétudes qu'avoit données la goutte sur venue à M. le Comte de Maurepas, à la fuite d'une indigeltion accompagnée de fievre. Du relie, ce Ministre a toujours la même gaieté ; il est fécond en faillies , fait joindre des bons mots aux matieres le-s plus graves. M. d'Angi-.
viller l'étant venu voir ces jours-ci, & ayant remarqué qu'il fumoit dans son appartement, lui promit de le délivrer de cette incommodité, par une nouvelle méthode appelée une cheminée à la Franklin. ,, Vous ne voulez donc,, pas, lui-répondit le Ministre, que le Vicomte„ de Stormont" ( l'Ambassadeur d'Angleterre.) „ vienne se chauffer à mon feu. II Janvier. Le 7 de ce mois il devoit y avoir une répétition de POpérade Rolandde Piccini v dont on commence à s'occuper sérieusèment.
M. Marmontel , qui a changé lè poëme deQuinault pour l'adapter à la musique de cetItalien & le réduire en trois-aétes., étoit présent.
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Ifês se commencement ayant apperçu un douMe, c'est-à-dire, un personnage que ne remplissôit pas l'auteur principal, il entre en fureur &, comme un autre Roland,. effraye tellement & les Adteurs & les Actrices & l'Orchefire , que - tout fuit pour fé fçuftraire à ses menaces ; ensôrte que la. répétition n'a pas eu lieu ce jour -la:.
11 Janvier 177&. M. Vallier, appelé communément le petit Voilier, qui avoit été successivement Président au PaiiementCapitaine aua Régiment de Champagne, étoit renommé par beaucoup de foliés & par une grande prodîgalite, vient de. mourir subitement; eomme il essayoit un habit pour le deuil de l'Electeur de Baviere, il est tombé aux pieds de son tailleur. Il avoit auffi- la manie d'être auteur, & avoit composé deux actes d'opéra. Il venoit de.
faire une nouvelle extravagance. en se-mariant., it 7ç- ans. qu'il avoit.
12 Janvier. La Consultation dont on a parlé pour le Baron & la Baronne de Bagge, par M.
Dafry, a fait une telle sensation, que l'Ordre des Avocats s'est assemblé à ce sujet, & est.
convenu derrayer ce confrere du Tableau. Depuis, l'écrit a été deQoncé au Parlement, quia décrété l'auteur de prise de corps.. Il est en fuite & s'err retiré en Hbllandè., C'èft d'autant.
plus fâcheux, que cet Avocat charitable & à.
fôn aire travailloit beaucoup pour les- pauvres;.
On trouve ce traitement bien dur., 12 jàiwier. - M. Challe, Professeur de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture '1 Peintre & Dessinateur de la Chambre du Roi,.
vient de mourir, Il.ayoit:ç.ojii £ ofç autrefois.des.
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Tableaux qui n'étoient pas sans mérite , mais depuis longtems il s'étoit voué à la décoration.
Il travailloit pour les Menus, pour les Catafalques. Sa femme, fille du fameux Nattier, donnant dans le bel - esprit, le fecondoit & faisoit les devises. Entre autres ouvrages de cet Artisse, la Chaire à prêcher de St. Roch est renommée pour son goût bizarre & prophane , • ce qui lui a attiré dans le tems beaucoup de plaisanteries & de ridicule.
1 Janvier 1778. La Vénus Pèlerine, petite piece fournie à Nicolet par l'auteur de l'Amour quêteur & qui doit lui servir de pendant, après avoir essuyé toutes les contradictions qu'a suggérées la jalousie des autres Spectaclesdoit enfin se jouer ; mais le Diredeur forain garde cette nouveauté pour la foire St. Germain qui approche, il espere qu'elle ne lui rendra pas moins d'argent que la premiere , qui va toujours & continue d'avoir un succès prodigieux. ,
14 Janvier. La Gazette de France & autres papiers publics ont fait mention de raétion.
courageuse & héroïque de Boussard, Pilote de Dieppe, appelé Brave homme, depuis que M.
Necker l'a ainsi qualifié. Cette belle action, arrivée au mois d'Août, feroit restée dans l'oubli , si un étranger, le Comte de Strogonoff , l'ayant apprise sur les lieux , n'avoit excité l'indifférence de l'Intendant. Depuis, ce Seigneur a fait venir Bouffard à Paris , qui a été accueilli avec diftinétion de nos Princes & des Ministres. 11 a eu ordre de se trouver dans la Calerie à Versailles au partage du Roi. S. M. àqui on l'a montré, s'est écriée: Ah, voilà donc k brave homme! & lui a. éclaté de lire au nez j,
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ce qu"on a jugé être l'expression naïve Je îi* satisfaction du Monarque dans un langage plus a portée du Pilote que le style fleuri de la cour.
"Quoiqu'il en foit, la ville de Dieppe fait actuelkment bâtir une maison pour ce citoyen de distinction. On l'a exempté de toutes impositions ; mais il est peu sensîble à ces grâces" pécuniaires, & annonce que ce n'est point avecde l'argent qu'on paie une aftion qui ne lui est pas, au surplus, extraordinaire & qui porte sa, récompense avec elle-même. Il s'est bientôt ennuyé ici & est reparti pour son pays.
15 Janvier 1778. Le dégel survenu mal-àpropos a arrêté les courses de traîneaux qui" amusoient infiniment nos Princes & la Reine. S..
M. a surtout pris plaisir ces jours derniers à chasser le daim dans le Bois de Boulogne de cette maniere. Il y a eu aussî des courses detraîneaux sur les boulevards, qui ont faitfpectacle pour les Parisiens. Lundi , la Reine & toute la cour y font venus avec 21 traîneaux,.
Celui de S. M. représentoit une corbeille de fleurs. Tous ont d'ordinaire des figures d'animaux, comme les vaisseaux, dont ils tirent leurnom , ú Lion y le Cigne , le Singe, &c. Le termede ces Courses étoit un dîner à la Muette,. ou àlonceaux, ou au Temple.
IS Janvier. M. Vaffelier y Contrôleur des Postes a Ly.on, a voulu célébrer auffile mariage du Marquis de Villette dans une piece de poésie: qui marque du talent..
16 Janvier. Le Sr. Le Kain ayant refufede prendre le rôle qui lui étoit destiné dans la piece de. M. de Voltaire, M. le Marquis de.
Thibouville, chargé des. intérêts de ce grand
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homme-, a écrit une lettre à l'auernblce dÆ; Comédiens, où, en se plaignant de l'ingratitude & de l'impudence- de celui-là, il le' maltraite très-durement. Cette lettre s'est ouverte en présence de l'aréopage comique,. & a été lue sans qu'on fût prévenu d'avance de ce qu'elle contenoit. Le Kain a été furieux des exlprefflons du Marquis & de la. publicité qu'elles recevoient.
Il a -cru que c'étoit un tour qu'on lui jouoit : il s'est emporté contre le lecteur, & il s'en est ensuivi un tumulte & un désordre qui ont of cafionné un grand scandale parmi les amateurs du théâtre.
17 Janvier 1778. Madame la Baronne deBagge sentant l'impression fôcheufe que pouvoit produire auprès des Juges la Consultation de M.
Dassy, s'est hftté delà désavouer par l'organe de Me. de la Croix, son Avocat, qui en a fait imprimer une.autre, en date du 6 Janvier. Du reste, il ne paroit pas qu'on veuille donner fuite au Décret de prise de corps lancé contre ce Jurisconsulte. On a feulement voulu intimider par cet aéle rigoureux ceux de ses confreres qui feroient tentés de se livrer au même délire. j 18 Janvier. On craint fort que la fermentation occafionrrée dans le tripot comique par l'incartade du Sr. Le Nffin, ne nous- empêche de jouir de la nouvelle Tragédie de M-. de Voltaire, intirulée Irene, ou Alexis Coinene.
En attendant que les .débats foientfinis, on se prépare à nous donner à ce théâtre l'Atcii lé par crédulité, comédie en un adte & en prose.,
par feu 4. de Fournd : 18 Janvier. Charles Eisen, fameux Dessina- teur, & ayant le titre de Peintre-du. Cabinet du , --
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Roi, eh mort à Bruxelles le 4 de ce mois. On connoit surtout ses dessins pour les Métamor- phoses d'Ovide, ceux des Contes de la Fontainey & ceux pour une Edition de la Henriade. On lui reproche d'avoir abusé de la fécondité de son imagination & de sa facilité, d'avoir gâté sa maniere, & , pour courir trop après les grâces & l'élégance , de s'être souvent écarté de la vérité y d'avoir don: < ; dans le gigantes que & le tortillage.
19 Janvier 1778. On assure que m. Greuze, empressé de transmettre à la postérité la figure de tous les hommes célébrés, s'est chargé de faire le Portrait de J. Boudard , Haleur du Port de
Dieppe, surnommé le brave homme. En attendant, on le voit gravé par M. de la FoiTe.
; Au reste, on tient du Comte de Tourville r Gouverneur de Dieppe, que Boufiard, Garde du Pavillon de ce Port, cest-à-dire, chargé du feu de la tour, l'avoit laissé s'éteindre & avoit , ipar cette négligence, exposa le bâtiment qu'il a voulu sauver à se perdre; que, pour éviter la corde qu'il craignoit, il s'est porté à raétiotl héroïque qu'il a faite. Il peut dire en ce cas : felix culpa !
19 Janvier. Depuis quelques années ort entend parler dans le monde du Poëme d'un M. Roucher , intitulé : les Mois. Cet auteur est fort recherché dans les sociétés , à raison du inanufcrit dont il lit des morceaux toujours très-applaudis. Il a enfin terminé son ouvrage en douze Chants, & il se propose de le livrer à l'impression.
Le but de M. Roucher a été de peindre tous les grands phénomènes de la nature, la ■ marche annuelle des cieux" les travaux de la !
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campagne, & la plupart des fêtes antiques relaté Ves à ces objets intéressans. Son plan eff enrichi de la plus nombreufc & la plus "magnifique poésie, & la feule chose qu'il y ait à craindre, c'est qu'un ouvrage aussi long, toujours soutenu sur un ton aussi brillant, quoique varié, ne fatigue le Leétcur.
Au reste, M. Roucher, espece de Gascon, venu de sa province ici sans fortune , a, en vertu de son talent, été accueilli dans tous les Bureaux de Littérature, & M. Dupaty, Avocat général de Bordeaux, qui s'enthousiasme aisément des beaux vers, lui a obtenu à Montfort l'Amaury un emploi qui, sans exiger aucune résidence, lui procure à Paris un bien - être très - honnête.
M. Roucher a encore sur le métier un poëme épique, intitulé : la Rhorfâde, ou la COIl- que te de l'Isle de Rhodes par Soliman.
19 Janvier 1778. C'est enfin aujourd'hui qu'a eu lieu à YAcadémie Françoise la réception de M. l'Abbé Miilot.
19 Janvier. Lï Olympiade a été enfin reprise à la comédie Italienne le jeudi 1 ç de ce mois.
On a remarqué d'heureux changemens dans le poëme, qui ont fait valoir davantage la musique. On ne doute plus que cet ouvrage n'ait le même succès que la Colonie.
19 Janvier. Des persifleurs, toujours prêts à distribuer le ridicule , n'ont pas manqué de saisir l'occasion d'en couvrir M. Marmontel, au sujet de la scene qu'il a donnée à l'Opéra , dont on a rendu compte. On a parodié la Lettre de M. Necker à Bouffard, auquel on compare l'Académicien furieux..
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Du reste, pour éviter les fuites de cette mésintelligence du Poëte avec les Adeurs du Théâtre Lyrique , M. Amelot lui a enjoint de la part du * Roi de s'absenter déformais des répétitions. Cet ordre du Ministre n'est pas.
approuvé. On le regarde comme fort injuste & fort indécent.
20 Janvier 1778. Malgré l'attention exceffivede M. Le C'il .H' 'il de N***** , Chef de la Librairie, pour empêcher de percer iyie petite brochure ayant pour titre : Lettre à un Ami sur les Arrêts du Conseil du 0 Août 1777 r concernant la Librairie & VImprimerie , on commence à en voir des exemplaires. En la lisant on conçoit pourquoi il en redoute si fort la publicité. Lafoiblefie, l'ineptie, l'injufiice de ion systême de légillation en cette partie, y font démontrées avec une telle évidence , qu'il ,t.: impossible de s'y refuser.
21 Janvier. Il s'éleve une querelle singuliere entre Mlle. d'Eon & le Sr. de Beaumarchais.
Quoiqu'on en parlât depuis longtems, on ne pouvoit la croire, tant elle paroît absurde y mais elle prend consistance aujourd'hui à ne pouvoir en douter, par diverses Lettres dont le dernier donne des copies.
Mlle. d'Eon reproche au Sr. de Beaumarchais de l'avoir trompee dans la négociation qu'il est venu faire à Londres avec elle, pour retirer de ses mains des papiers que le Gouvernement desiroit r'avoir, & qu'on veut être une correspondance de Louis XV. Elle prétend qu'il ne lui a pas compté la somme convenue, & donne à entendre qu'il en auroit réservé une partie pour lui, )
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Le Sr. de Beaumarchais s'est plaint à M. de Vergennes d'une imputation aussi injuste & aussi deshonorante , & il demande à ce Ministre que, pour toute récompense de fesfervices dans une occasion où , bien loin de s'être permis lae infidélité honteuse, il s'étoit conduit, au contraire , avec la plus grande générosité , il voulut bien lui fournir un témoignage dans une lettre ostensible ; ce qu'a fait le Ministre des Affaires Etrangers.
En conséquence, le même Beaumarchais a adresse à Mlle. d'Eon une autre Lettre où, après lui avoir reproché son ingratitude, lui avoir fait part de la réponse déciIive de M. de Vergennes » il la prie de mettre fin à ses propos, qu'au-surplus il méprise, comme partant d'une personne dont le sexe lui interdit d'exiger une fatisfaétion personnelle.
On attend avec impatience la réponse de lx Demoiselle.
21 Janvier 1778. "M. Necker, curieux d'illufc trer son administration par des monumens glorieux , s'il ne peut le faire par des opérations plus obscures & plus avantageuses, vient d'engager le Roi à fonder un Prix annuel en faveur de toutes les personnes qui frayeront de nouvelles routes à l'industrie nationale, ou la perfectionneront essentiellement ; mais il ne fera adjugé qu'à celles dont les idées utiles auront été miles en exécution. C'est ce qu'on voit dans une Ordonnance de S. M. en date du 28 Décembre , portant Inftitiition d'un Prix public en faveur des nouveaux établissemens du Commerce £.;:' de LyInduJlrie.
Le Prix fera une médaille dor, du poids de
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12 onces , ayant d'un côté la tête du Roi, & de l'autre une exergue & une légende analogues au sujet. Le premier fera décerné au mois de Mars 1779 pour l'année 1778, & ainsi d'année en année.
La distribution aura lieu dans une assemblée extraordinaire , composée du Ministre des Finances, de trois Conseillers d'Etat, des Intendans du Commerce : les Députés & Infpefteurs Généraux du Commerce y feront appelés.
S, M. ordonne en outre que les Intendans du Commerce rendent compte à cette assemblée 'de tous les établissemens nouveaux dont ils doivent acquérir la connoissance dans le cours de l'année.
22 Janvier 1778. Lettre de M. de rifmes, Diretteur-général de V Opéra, à M. Campeîl, Muficicn de l'Académie Royale de Miifîqne,
16 Janvier 1778.
Brave homme, JE n'ai appris qu'hier au-foir par l'accla„ mation publique, avec quel courage & quelle ,, fermeté vous avez châtié Tinfolence du Sa„ vetier de Quinault. Vous ne devez pas douter „ que je ne vous accorde, au mois d'Avril pro„ chain, la gratification & la pension dûes 3 ,, votre zèle. Continuez à être le défenseur des "Doubles si utiles à l'Opera, à secourir les „ autres quand vous le pourrez, & faites des 3, Yœuîç pour la gloire & la prospérité de yotïÇ
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, nouveau Directeur général, qui aime & ré„ compense les braves gens. „ (Signé) DE VISMES, Directeur général. Telle est la plaisanterie faite contre M. de Marmontel, à l'occasion de son esclandre sur le théâtre lyrique, lors d'une répétition de Roland, qu'il interrompit le mercredi 14 de ce mois , dont on a rendu compte. On voit qu'elle porte en même tems contre M. Necker , dont on parodie la Lettre à Bouffard.
Enfin , pour l'intelligence de cette facétie peu spirituelle, mais historique, il faut savoir que ce Campell est un Musicien de TOrcheftre, -qui, prenant la défense du Sr. Tirot doublant le Sr. Le Gros, & qu'avoit maltraité l'Académicien , mal-mena celui-ci durement, & lui dit .qu'il ne lui en auroit pas fait autant.
23 Janvier 1778. Enfin, après bien des difficultés , l'Opéra de Roland, mis en musique par M. Piccini, & réduit en trois aétes par M.
Marmontel, doit avoir lieu mardi prochain. Les répétitions en font suivies avec une fureur plus grande, s'il est possible, que celles des Opéra du Chevalier Gluck, parce que les deux partis s'empressent également de s'y rendre : les uns pour découvrir les endroits défectueux ou foibles & les critiquer plus promtement ; les autres par l'enthouftafme dont ils font prévenus en faveur de ce grand Maître. De-là, les divers propos sur un ouvrage qu'on ne pourra apprécier au juste qu'après plusieurs représentations, -car, tout étant cabale aujourd'hui, il faudra se iefier également des premieres rumeurs.
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Ce matin , il est venu défenses de la part du Roi de laiiTer entrer personne à la derjiiere répétition, à cause du tumulte excefilf qu'il y avoit eu à celle du samedi.
24 Janvier 1778. La Lettre à un Ami sur les Arrêts du Conseil du 3 Août 1777, concernant la Librairie & l'Imprimerie , est datée du 1 Novembre. Elle tend à convaincre le Lecteur combien les différentes dispositions de ces Loix attaquent plus ou moins diredement les droits les plus refpeétables, & combien ce qui a été probablement imaginé pour être utile feroit funeste & pernicieux. L'Auteur les attribue à cet esprit philosophique, si à la mode aujourd'hui, qui a inspiré un goût presque universel de Législation, & qui, égarant le Chef de la Librairie, l'a porté à anéantir l'ancienne dans sa partie, pour lui en substituer une à sa maniere, ou plutôt qu'on lui a suggérée.
Cependant le Code de la Librairie , qu'on bouleverse aujourd'hui, étoit l'ouvrage du Chancelier d'Aguesseau, qui, en 1723., l'avoitrédigé, après avoir pefc, examiné tous les Mémoires, combiné les intérêts de la capitale & des proIvinces, ceux du commerce intérieur & extérieur: Les Libraires de province, en 1726, firent aussi des efforts contre les Régleinens de 1723. Ils donnèrent des Mémoires, demandèrent la même W. chose qu'ils demandent aujourd'hui, employe• rent les mêmes motifs, tenterent les même$ il moyens, les mêmes ressources. Les Libraires de il Paris y opposerent la même défense , qu'on li trouve en partie dans un Mémoire du célébré I Avocat d'Héricourt. M. le Garde des Sceaux, après avoir pris communication de tout, enten.
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du respe Vivement toutes les parties, pcrfîfta dans ce qu'il avoit décidé. 1 Voilà une grande présomption contre l'ac- cueil fait aujourd'hui aux clameurs des Libraires de province.
2 ç Janvier 1778. Suivant les Lettres de Nancy , le procès de Mrs. de Bellegarde & de Monthieu a été jugé à ce Parlement. Le jugement du Conseil de guerre a été annullé quant au fond ; ils ont été absolument déchargés des accusations intentées contre eux. «
26 Janvier. Le fameux Siege est une Pantomime de Nicolet , qui -ne lui attire pas moins de monde que r Amour quêtcur. C'est le Siège d'Orléans, où la Pucelle, qui en porte le nom, se distingue d'une façon si brillante, que l'action est exécutée avec une pompe, une rapidité, une précision qu'on ne trouve point au théâtre Lyrique. f 26 Janvier. Lesprôneurs du Chevalier Gluck, qui voudroient nous mettre à ses Opéra pour toute nourriture, gémissent qu'on retire Armidc après 27 représentations qui ont produit, fui- van t leur calcul, 106,000 livres, & avec Ip/iigenie, Orphée, Alcejie, 801,000 livres en tout.
26 Janvier. Le Mémoire pour Marie-Louise Nicolais, veuve d'Antoine Defrucs, Appelante du plus amplement Informé prononcé par le Châtelet en Juillet, contre le Procureur général, se distribue dans le public aujourd'hui.
De cet écrit volumineux, il ne résulte qu'une plus grande cerfutude du crime de Defrues.Quant à la femme , il paroîtroit en effet,. par une fuite de circonstances bien bizarres , qu'elle auruit pu n'avoir aucune çonnoissance de l'em- - poifonnement
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ptifonnement & de l'enterrement de la Damer île La Motte & de son fils.
Malheureusement, la plupart des faits qu'on rapporte ne font que des assertions de sa part & Went pas de témoins.
Il y a peu de logique dans ce Fatlum, quelque pathos & de la mal-adresse par fois. 11 n'en: .p.int d'un Avocat, mais d'un homme de lettres, de M. de la Dixmerie, que l'Imprimeur Valeyre a excité à ce travail, ayant plutôt pour objet une Spéculation de -finance que la défense de l'accu fée.
L'Arrêt doit avoir lieu aujourd'hui.
16 Janvier 1778. Dimanche 18 de ce mois," lest tenu chez le Sr. de Beaumarchais l'affemliée derniere du Bureau de Législation Dramatique, pour terminer le Mémoire & les Réglenens à remettre aux Gentilshommes de laJhambre concernant les différends des Auteurs ivec les Comédiens. Cette assemblée étoit peu umbreufe, & encore n'y a-t-il pas eu unanimité.
kl général, on a remarqué beaucoup de foilesse dans la plupart de ces Messieurs , abfolulent subjugués par l'Amphitrion , qui s'en ett infi rendu Le petit tyran. M. Rochon de Chalannes est le leul qui ait osé lutter contre lui ï avoir un avis à part.
26 Janvier. La fermentation n'est point teinte dans la Librairie, & l'un des plus fameux Libraires de Paris nommé De Bine., ayant fcfufé de faire estampiller ses contrefaçons , a té conduit à la Bastille.
28 Janvier. M. Elie de Beaumont, Avocat célebre, non moins distingué par un patriotisme imanefque que par la Fête, des Bonnes Çms
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qu'il vient d'instituer à sa terre de Canon, dont tous les papiers publics ont retenti , ayant envoyé, mercredi 21 de ce mois, à M. le Curé de Saint-Nicolas, sa paroisse, un panier de huit perdrix rouges , y avoit joint un billet, par lequel il le prioit d'en faire la distribution à ses pauvres, ce Pasteur lui a répondu : Paris, le 23 Janvier 1778. 1 ,, J'ai reçu, Monsieur, les huit perdrix rouges , que vous m'avez adressees, afin d'en faire 3, la distribution à mes pauvres. Vous me , supposez , sans doute , le talent de notre 5, divin Sauveur qui, avec cinq pains & au5, tant de chétifs poissons, nourrissoit des 3, milliers d'hommes. Il ne faudroit rien moins qu'un prodige pareil pour repartir huit per,, drix rouges entre vingt mille malheureux environ, que j'ai à soulager tous les jours. Il 3, n'est pas d'anatomiste qui pût faire cette dif- 5, fedion. D'ailleurs, à moins que vous ne vou- i 3, luffiez me promettre de fournir à mes pauvres 3, une nourriture aussi succulente , ce feroit 3, un mauvais service à leur rendre que de les 3, en faire tâter, & les remettre ensuite à un 3, pain grossier & à une soupe peu substantielle.
3, J'ai pris le parti, Monsieur, de'faire servir „ votre gibier sur ma table & d'y substituer.
3, huit écus, que j'ai remis à la maITe des au-i.
5, mônes. J'espere , Monsieur, que vous ne me' ,, ferez plus manger dorénavant de perdrix aussi!
„ cheres. Réservez ce goût délicat, cette re-j n cherche ingénieuse qui vous caradérife, pour.
M vos productions littéraires, ou pour vos inllitu",
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r tions sociales, & mettez plus de bonhommie „ dans vos charités. Permettez-moi, en qualité „ de votre Pasteur, de vous rappeler la maxime* „ Evangélique : Beati pauperes spiritus „ J'ai l'honneur d'être, &c, 27 Janvier 1778. Confédérations sur l'origine & les révolutions du Gouvernement des Rc* mains. 2 vol. Elles font de M. l'Abbé Dubignon.
,Grand-Vicaire de l'Archevêque de Bordeaux.
On lit dans une courte préface ces mots : cet ouvrage eji le fruit de la solitude & du malheur.
En voici l'explication. L'auteur s'étant attire pour ennemi M. l'Evêque d'Arras, ce Prélat eut le crédit de le faire mettre à la Bastille pendant dix-huit mois & exiler pendant trois ans* .C'est dans cet intervalle que l'Abbe Dubignon a composé son livre.
27 Jûnvier. L'auteur de la Lettre à un Ami9 &c. prétend & démontre que le premier Arrêt concernant les privilèges en Librairie , attaque les propriétés; qu'il part d'un faux principe ; : que le privilege, grâce fondée en justice pour l'Auteur , foit pure grâce pour l'Imprimeur puisque c'est enlever au premier la faculté de substituer le fecond en son lieu & place ; c'est le léser indiredement, & fous prétexte delà Ilui conserver, cette propriété, c'est la lui ôter, :en lui ôtant ainli le droit naturel de la trans, i mettre.
Il discute ensuite les avantages apparens de la nouvelle loi, qui font, d'empêcher le monopole , de protéger les Libraires de province, de favoriser l'émulation par la concurrence. Il en fait voir l'illuiion & la fausseté : il prouve 2
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mt contraire, les inconvéniens, trop réels, qui en résultent, comme de dégrader l'Imprimerie.
d'arrêter les grandes entreprises, d'anéantir le Commerce, de renverser les fortunes des Librai.
res, & même de nuire a celle des Auteurs.
enfin de conduire à une augmentation certaine du prix des livres & des livres les plus néçessaires.
Quant à l'Arrêt contre les contrefaçons, suivant le même défenseur des Libraires, par un renversement de tous les principes de l'équité & des principes de la Législation, il légitime l'injustice de l'usurpation & facilite les moyens de la continuer.
28 Janvier 1778. La femme Defrues a été jugée avant-hier par la Tournelle. Il a été prononcé contre elle un plus amplement informé d'un an , pendant lequel tems elle fera tenue de garder prison.
28 Janvier. Dimanche 2 i de ce mois, M. de la Harpe a lu sa tragédie des Barmccides chez Madame le Coulteux du Molé, femme d'un riche Banquier de cette ville. Cette Virtuose tient un des Bureaux de bel esprit, trop multipliés aujourd'hui. Le poëte a fait une grande sensation : plusieurs philosophes présens ont été attendris jusqu'aux larmes, ce qui n'est pas peu de chose.
29 Janvier. Le jour de la derniere assemblée du Bureau de Législation dramatique, chez le Sr. de Beaumarchais, après le dîner dont les séances font toujours précédées , & la ledture des Mémoires & Réglemens dont on a parlé , trois objets occupèrent ces Messieurs.
Lt; premier fut une contestation, élevée par
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M. Rochon de Chabannes, à l'occasion. des quatre Commissaires (M. Saurin, Marmontel, Semaine & Beaumarchais ) qui auroient le projet de se rendre perpétuels & inamovibles. Cet Auteur prévoyant que ces Meilleurs afferviroient bientôt les autres par un pouvoir aussi étendu, .& qui ne pouvoit que s'accroître par sa durée , s'oppofoit depuis longtems à cet article , & avoir même pensé à formen schisme nouveau en se retirant des séances. Pour empêcher cet éclat, on lui a fait entendre que l'objet capital étoit d'abord de se réunir contre les comédiens ; que c'étoit le manquer de se diviser. En conséquence il se réserve à mettre en délibération, cet article dans un autre tems.
Le fecond, concernant les héritiers de Racine, établis à Cadix & ruinés par des'banqueroutes. Le Sr. de "Beaumarchais rendit compte iéu fait par manière d'acquit feulement, & sans ifuggérer aucune manière de leur être utile , !puifqu'ils pensoient trop hautement pour accepter des secours pécuniaires. M. Rochon de .Chabannes imagina une tournure de soulager les descendans d'un des plus grands hommes Mu théâtre. Ce fut de consacrer une somme de sa Louis, à titre de prêt feulement, pour les aider à poursuivre un procès intenté par Racine Je fils, contre les comédiens l'occasion, de répétition qu'il formoit de plusieurs objets, mais surtout des honoraires d'Athalie, tragédie deTant toujours appartenir à l'Auteur ou à ses théritiers, n'étant jamais tombée dans les règles.
Cette ouverture bienfaisante & ingénieuse fut accueillie avec transport.
Enfin M. Rochon de Chabannes ouvrit encore
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l'avis de charger les Commissaires d'înterposes leurs bons offices auprès des Gentilshommes dt la chambre, pour faire rendre provisoirement : M. Mercier ses entrées r dont les comédiens.
de leur autorité, l'ont privé insolemment du.
jant le cours du procès qu'il leur avoit intente devant les tribunaux, & qu'ils ont fait évoque) au Conseil où il pend.
Cet avis fut également adopté.
30 Janvier 1778. , Quoique l'opéra de Rolatw ait été fort mal exécuté mardi, foit de la pari de Mlle. Le Vasseur, qui a souvent chanté .faux ; foit de la part du Sr. Le Gros, dont la tournure ne comporte point les graces séduisantes & naïves de l'Amant d'Angélique ; foil de la part du Sr. Larrivée même, ne rendant pas les fureurs de Roland comme le faisoit ChasTe, dont on se souvient encore; foit enfin de la part de l'Orchestre , quelquefois trop bruyant & couvrant les voix ; ce fpettacle a eu le' plus grand succès. On a senti des cette premiere représentation, très-imparfaite, les charmes d'une mélodie qu'on regrettoit dans Armide.
Il y a beaucoup de chant dans Roland & de ces airs délicieux vraiment analogues au goût de la nation & au génie de notre langue.
Il faut avouer , au-surplus, que M. Piccini ne paroit pas avoir, comme le Chevalier Gluck, l'expredion des grandes pallions, & que les morceaux de force de Roland, tels que celui de » ses fureurs , ne produisent pas les effets énergiques & terribles qni bouleversent l'ame dans les ouvrages de l'Allemand.
La Reine a honoré ce fpe&acle de sa présençe avec Madame Elisabeth. S.. M. n'a point.
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applaudi. On fait combien elle protége le C'he.
valier Gluck & aime sa musique.
30 Janvier 1778. On parle d'une rcponfc que M. Camus de Neville a fait faire à la Lettre à un Ami, pour défendre les Arrêts du Conseil.
31 Janvier. On ne peut que savoir mauvais gré à M. Navarre d'avoir retranché de l'opéra, comme il l'annonce pour aujourd'hui, le Ballet des Chinois du fecond aéte, auquel les fois, les ignorans , ou les anti-Picciniftes ont seuls trouvé à redire. Il n'a d'autre défaut que d'être un peu trop long. Du reste, il est très-pittoresque , il eit de caraétere & dans le enftu me Chinois. On fait que cette nation est mime & pantomime & surtout le peuple. Il n'elt donc pas étonnant que des matelots, tirés de cette clasTe, se livrent dans leurs accès de joie à des folies qui, placées ailleurs, dégraderoient la ma.
jessé de la feene.
31 Janvier. M. l'Abbé Terray est depuis quelque tems dans un état de langueur qui fait craindre pour sa vie. On soupçonne qu'il a la gangrene dans le fang : Cela n'eji pas danrreux, disent certains plaisans ; il s'est porté à merveille si longtems, l'ayant dans le cœur.
Le Doéteur Bouvart, non moins excellent patriote qu'habile médecin , ayant été appelé auprès de cet Ex-ministre, le premier foin de celui-ci a été de lui demander quelque chose pour paner une bonne nuit : J'y vais travailler v a répondu le Consulté , quoique vous m'en avez fait passa de bien mauvaises & encore plus à d'autres.
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1 Janvier 1778. M. le Garde des Sceaux a envoyé chercher le Libraire Hérissant, chargé de la dillribution de' la 'nouvelle édition du MiJJcl du Diocese, lui en a défendu la vente, & s'en est fait apporter tous les exemplaires.
* Cette précaution est relative aux clameurs des Jansénistes, reprochant à l'Archevêque de Paris d'avoir annonce purement & Amplement ce Missel comme celui de M. de Vintimille, & d'y avoir fait des interpolations , entr'autres celle fle la Fête du Sacré Cœur de Jésus, donnant lieu à une seéte naissante appelée lçs Cordicoles.
1er. Février. On ne parle dans toutes les conversations de Paris que des bons mots d'un Ministre, chez qui la vieillesse n'a point refroidi les faillies. Il continue à traiter les plus grandes affaires avec cette aisance , cette légéreté d'cf..
prit qu'il fait allier avec la profondeur du génie.
M. l'Ambassadeur d'Angleterre s'étant venu plaindre à M. le Comte de Maurepas, du Traité prétendu fait par la France avec les Insurgens, il lui demanda sur quoi se fondoit cette réclamation, & le Vicomte de Stoimont ayant répondu , qu'il ne pouvoit regarder que comme sérieux un fait dont on avoit parlé dans les carofles du Roi; le vieux Ministre a repris: ,, savez-vous ce qu'on a dit dans les caroffes „ de la Reine ? On a dit que les Anglois avoient fait tout ce qu'ils avoient pu pour conclure „ le leur, mais sans succès. Allez, Monsiêur „ l'Ambassadeur, soyez tranquille ; fachez qu'en , politique ceux qui en savent le plus, font ceux qui en disent le moins : il n'y a que ,, les sots qui parlent .: croient.
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1er. Février 1778. La Séance publique qu'a tenue pour la premiere fois la Société Royale - de Médecine , établie pour les maladies épidémiques & épizootiques, le mardi 27, a eu lieu dans la Salle des adtes du College Royal, un des plus beaux vaisseaux qu'il foit poîlible de voir. Il peut contenir environ mille fpedareurs.
Au milieu étoit une table immense , entourée de 60 pcrfonnes, dont 30 I\lembrê'!S de cette nouvelle Compagnie, & 30Honoraires & Dignitaires. M. de Lassone, le premier Médecin de la Reine , son instituteur, avoit tâché de donner à cette affiamblée lavante tout l'éclat d'une C. 3 , par le luxe dont elle étoit susceptible. Il y av i" plus de 80 bougies ; on y voyoit des femn.ej, autrefois étrangères à de pareilles assemble .c:.
Les Mémoires lus étoient en François {.;: presque tous critiques. Ceux qui ont frappé davantage font: 1°. Celui de M. Lorry, (Taulcnu raisonné des maladies qui ont regné en 1777 ) écrit avec élégance & rempli de sagacité & de finesse.
20. Celui de M. Mauduyt de la Varenne x dont il résulte que l'Electricité peut être appliquée avec succès à de certaines maladies résidant dans le fluide nerveux. Il a parlé de trois cures de cette espece, finies & complettes, & d'une douzaine en bon. train.
30. Celui de 'M. Bucquet. Son .objet étoit de tourner en ridicule la prétendue invention du nouveau remede de YAlkali volatil fluor, imaginé en France par M. Sage, & si à la mode qu'il n'est point de petite-maîtresse qui n'ait auj'ourd'hui son flacon rempli de ce spiritueux (c'eooit l'étrenne de cette année ) 5 mais le Doc-
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teur s'est contenu dans les bornes d'une critique extrêmement honnête & détournée.
4°. Celui de M. l'Abbé Tessier, détruisant l'assertion d'un M. Carpentier, qui av;oit déclaré que l'ergot, forte de bled dégradé, naissant dans.
la Sologne, n'étoit point nuisible & ne donnoit point la gangrene. Il a confirmé, au contraire, çetee découverte, funeste, mais utile pour, la; société..
2 Février 1778. La Faculté de Médecine n'a : pas vu de bon œil la. naissance de la SociétéRoyale , destinée à s'occuper plus particulièrement de, la théorie -& de la pratique des maladies épidémiques & êpizootiques. Elle est furtout jalouse de la protection immédiate du gouvernement dont cette Société est accueillie,, au point qu'il a déjà dépensé plus de 20,000.
livres pour elle, tandis qu'on refuse à la pré-miere un asyle pour se réunir & répandre ses, inftruélions..
La Faculté regarde cet établissement commeinjurieux , en ce que c'est renvoyer à un petitnombre de Docteurs, ce qui doit faire l'occupation de tous; c'est l'arguer d'une forte denégligence & d'indolence, reproche qu'elle ne jnérite point, puifqu'elle a toujours, mêmedans les tems les plus critiques, donné des, preuves de son zele; ce qu'atteste une foule-.
dé médecins, morts viéHmes de leurs fondions., En conséquence, elle a d'abord nommé un: Comité subsistant de douze Docteurs, qui, rédigeant par écrit les travaux & les observations; des assèmblées de la Faculté, les conftaterenfe dans le monument durable de Ses Registres., Elle a en outre tenu des assemblées & nomma
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des Commiflaircs pour aviser aux moyens d'obvier à une innovation dangereuse, qui tend à former un schisme dans son fein même, puisque la plupart des membres de la Société font tirés des liens, & à élever ainsi autel contre autel ; ce qui ne peut que nuire à la science qu'elle profelle & exerce, bien loin d'en avancer les progrès.
Mais avant d'adresser au Roi ses repréfentations, les députés. de ce Corps doivent tenter auprès de M. de Laffonc les voies de l'insinuation & de la conciliation.
2 Février 1778. Maigre toute la répugnance & même la défense de M. le Carde des SCCdllX" on voit imprimé : Requête ail Roi £ 5? Conflilfations des anciens Avocats aux Confcils du Roi £ ? au Parlement de Paris, pour le Corps de la Librairie & Imprimerie de Paris', au fidet des deux Arrêts' du Conseil du 30 Août 1777, le premier relati f à la durée des privilèges en Librairie, sr le fecond concernant les contrefaçons de.s livres.
2 Février. La Danse des Matelots, substitueeau Ballet Chinois, est triviale, comme l'avoit prévu M. Navarre, & n'approche pas des ta-bleaux neufs & piquans du premier.
2 F/vricr. A deux voix près la veuve Desrues: éprouvoitle même fort que son mari. Les conelufions des Gens du Roi ctoient à ce qu'elle fût pendue & jettée au feu ensuite. La premiere colonne des Juges , composée de dIx.
avoit déjà été unanime à cet égard. Dans la: fécondé, de onze Magistrats quatre étoiént disposés à adhérer à l'avis des premiers, mais on' ÏW a ïambes, & l'avis du plus amplement
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informé l'a emporté d'une voix. Si, après se délai d'un an, il ne survient pas de-nouvelles charges, on ajoute qu'il y a un rctentiun à l'Arrêt, par lequel S. M: doit être suppliée de faire enfermer à perpétuité cette femme. Un marchand de drap , riche & honnête, parent de Defrues & portant son nom, a obtenu des Lettres patentes pour en changer.
3 Février 1778- L'Aveugle par crédulité n'est qu'une farce excellente chez Nicolet; cependant on est li peu accoutumé à rire à nos comédies modernes, que celle-ci a été accueillie avec indulgence. On a paffé en faveur de la gaieté sur les invraisemblances & les. absurdités de la fable. 3 Février. La Requête au Roi pour le Corps de la Librairie & Imprimerie de Paris , contient, dans une forme plus. régulière feulerment, les mêmes principes, les mêmes raisonnemens de la Lettre à un Ami, dont on a parlé.
Elle tend dans les conduirons à ce y qu'en agréant les dites très-humbles représentations,, il plaise à S. M., sans avoir égards aux Arrêts du Conseil contre lesquels réclame ce Corps., ordonner que les choses relieront comme par le paffé.
Suit une première Consultatîon d'Avocats aux Conseils en date du 9 Janvier 1778 , qui résol, vent Ja question délicate : Si les Arrêts du Conseil dont on se plaint, doivent être regardés comme des Loix générales , n'étant fuCceptibles d'au cime composition. Il les en croient très-susceptibles, comme ayant les principaux caraéteres d'Arrêts rendus far la demande. &aa.
profit des particuliers.
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La fécondé Consultation d'Avocats au Parlement en date du Z3 Décembre 1777, décide, au contraire, que ces Arrêts étant rendus du propre mouvement du Roi, il n'est pas permis d'y faire aucune opposition, mais que les Libraires & Imprimeurs de Paris font bien fondés à demander la permission de faire à S. M. de très-humbles représentations sur les dispositions de ces mêmes Arrêts.
2 Février 1778. Les Comédiens Italiens annoncent pour mercredi Matroco, drame burleique en 4 adtes & en vers, mêlé d'ariettes & de vaudevilles. Les paroles font de M. Laujon, la musique a été arrangée par M. Grétri, Cette piece, composée dans les principes pour Chantilli, & dont Mgr. le Prince de Condé faisoit le principal rôle, avoit beaucoup amusé son Altesse & sa société; elle a' ensuite été exécutée à Fontainebleau cet automne, & au rapport de certains spectateurs elle n'y a pas été auili bien accueillie : elle est imprimée depuis ce tems.
3 Février. La réponse dont on a parlé à la Lettre à un Ami, qu'a fait faire M. de Neville, est plus rare encore que celle-ci; on n'en connoît même le titre que par la réfutation, qui est une fécondé Lettre à lin Ami :Jllr les affaires - afluellcs de la, Librairie, en date du 2 janvier 1778.
4 Février, ta défense des Arrêts du Conseil concernant l'Imprimerie & la Librairie, a pour ) titre, Discours impartial d'un homme de lettres. Vobjet de celui-ci était principalement de réfuter les raisonnemens" de l'auteur de la 1 Lettre à un Ami. Le dernier prend la FIume:
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Je nouveau, & par sa répliqué doit ôter à forr Iclverfaire tout desir de rentrer en lice. Il le' fuit pied à pied dans ses étranges définitions; des propriétés littéraires & des privilèges. Dansfo difgreffion sur le Règlement de 1725, il leplaisante principalement sur son Code de morale bizarre à l'égard des contrefaçons, & lui démontre évidemment que l'Arrêt en cette partie , par la plus énorme des injustices, donne à ses dispositions un effet rétroactif très-nuiiible aux propriétaires & aux fortunes des particuliers, - qu'elles renversent, & finit par lui prouver plus invinciblement encore qu'il ne" l'a fait, le peu de nécessité, pour ménager les : intérêts des Libraires de province , de leur sacrifier les droits de ceux de la capitale : que' sans cette protection, ils auroient mille moyens' honnêtes de faire un commerce utile & légitime , ils faisoient même des fortunes trèsbrillantes, & venoient à Paris étaler un luxe': propre à étonner les plus riches de cette ville4 Février 1778. Entre les divers Spectacles r dont on a cru devoir amuser rAmbaiTadeur de Maroc, qui est ici depuis peu de tems, on n'apoint oublié le Bal de la Reine : c'est un divertissement qui dure pendant l'hiver une fois par semaine dans l'appartement de S. M. Le barbare a été frappé de l'appareil de cette fête, & surtout du luxe & de la parure des jeunes: femmes qui y reprérentoient. e. le Comte d'Artois remarquant sa surprise, lui fit demander pour l'intriguer davantage, sans doute, laquellede ces femmes, la Reine exceptée, il préfereroit? Le Musulman lui répondit par son interprété,. que la. queilicn du Piinçe. Tembai»-
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jsafïoît beaucoup par la restriction qu'if y mettoit & qu'il se trouvoit dans l'impoiTibilité de* * le fatisfuire. On admira ce compliment assèz: bien tourné pour un barbare, ou plutôt très-digne de la galanterie franqoife : il n'a pu que flatter infiniment la Reine..
5 Février 1778. Mlle. Davies, l'Inglefine, Cantatrice arrivée de l'Opéra de Londres, a débutéau Concert Spirituel le jour de la PurificationElle a d'abord chanté un air Italien & enfuits , une ariette dans la même langue : les amateurs; s'étoient rendus en foule à ce fpedacle pour l'entendre : ils ont été très-partagés.. En général, elle n'a pas une figure séduisante, elle est': grimaciere ; il paroît qu'elle a été plus goûtce- la première fois que la féconde.
6 Février. M. Vacquette d'Hermilly, Censeur Royal, vient de mourir : il étoit connui par une- étude particulière de la langue Efpagnole & par plusieurs traductions de cette ef1 pece. Il travailloit au Journal Espagnol , etablt1 depuis quelques années, mais qui n'a pas duré,- f longtems & n'a jamais été même bien curieux..
6 Février.. M. Piet, Chirurgien-accoucheur,..
ne paroît point s'en être laisse imposer par l'éI clat qu'a fait dans Paris l'expérience tentée sur la femme Souchot, si célébrée dans les papiers: publics, accueillie avec admiration par la Fa— culté de Médecine & consacrée par une médaille en l'honneur du Dodteur Sigault , l'opérateur.
1 Ce critique, dans ses Réflexions sur la ftc- '■ tion de la Symphise du pubis r prétend prouver: ., que le nouveau moyen pour les accouchement plus léger ayantape
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sans causer de grands désordres ; qu'il ne remplit nullement l'intention qu'on se propoie; que s'il n'a pas été funeste à la femme Souchot, c'est qu'il lui étoit inutile, & qu'enfin l'état de cette femme n'est pas à beaucoup près aussi satisfaisant qu'on l'a publié. Sans entrer dans le fort de cette discussion, en peut aiTurer que cet écrit est très clair, très méthodique, très honnête & à la portée de tous les ledteurs : on y trouve même du llyle, de la pureté & une forte d'élégance.
7 Février 1778. On publie un Extrait des Registres du Parlement du mercredi, sept Janvier 1778. Il contient le discours de Me. Duvert d'Emalleville, Bâtonnier des Avocats, devant la Grand'Chambre & Tournelle assemblées. Il y met fous les yeux de la Cour, la ftyneufe Consultation pour le Baron t:7 la Baronne de Bagge. Il lui apprend que son auteur, Me.
Daily, a été rayé du Tableau par délibération du 3 Janvier, & qu'il dépose dans son fein cet atf e de discipline de l'Ordre, comme un monument public de l'exactitude, de la police & de la pureté des principes qui le dirigent.
A la fuite de ce difeours, affe7 mai tourné & très plat, on voit un Requisitoire de l'Avocat Général Seguier, où, après avoir cité divers' endroits repréhensibles de l'Ecrit dénoncé, il conclut à ce que Me. Dassy foit & demeure rayé du Tableau des Avocats déposé au Greffe de la Cour, à ce qu'il lui foit donné aéte de la plainte qu'il rend de la composition & de la diitribution de la Consultation „ contenant les 3, injures les plus graves contre la Magiflra» turc & les Minifires de l'Eglise tendant 4
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„ une diffamation publique contre un-des ,5 Membres de la Cour , „ ( M. Titon de Villotran, Conseiller de Grand Chambre, rapporteur de l'affaire ) & comme contraire au respect dû aux Arrêts âicelle, & à ce qu'à présent le procès foit fait à l'auteur. Arrêt conforme, qui décrété Me. Dassy de prise de corps.
7 Février 1778. Les persifleurs de la Cour n'ont pas manqué de faire un quolibet sur les trois nouveaux Chevaliers décores des Ordres du Roi, le jour de la Chandeleur, Mrs. Marquis de Vogue, le Prince de Montbarrey & Comte de Boisgelin; ils ont dit que le Roi avoit nommé un Gentilhomme , un Ministre, :. & un Bourgeois.
7 Février. Un grand objet de curiosité & d'amusement aujourd'hui pour les femmes de -, Paris , c'est l'inventaire de Madame la Marquise de Massiac, commencé depuis peu & :¡ qu'on compte devoir durer six mois. Le mobi1: lier immense de cette Dame est une chose à "> voir : il est évalué à deux millions. On ne : connoît point de magasin de marchands d'etofses, -de porcelaine, ou de bijoux de toute ef: pece mieux garni. Cela vaut bien la peine de :v s'entretenir delà défunte, singuliere en tout.
n Née d'une famille honnête, mais sans forune, elle étoit devenue femme d'un premier K: commis de la Marine, appelé GOlll-dan : restée ; /euve avec un bien considérable elle avoit :i'f. poufe M. de MaHiac, Lieutenant général des Armées du Roi & Secrétaire dtat de la Ma..
ine pendant quelques mois. Elle lui a furvéu , & par une vanité dénaturée. elle n'a, laisse 1 l
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i ses parens que vingt fols de rente pour cha cun, & a institué ion légataire universel ui Garde de la marine, parent de M. de Massiac qui se trouve tout-à-coup investi d'une suc cession de plus de 200,000 livres de rentes à laquelle il ne pouvoit avoir la plus léger prétention.
7 Février 1778. M. Hornecca, fameux Ban quier de Hollande, chargé des intérêts de 1 République en France, venoit de terminer un affaire importante avec le Contrôleur général enchanté du zele, de l'intelligence & de l'ac tivité de M. Rouet de Santerre, l'un des Corn mis de ce Département, qui avoit expédié e trois semaines un objet pouvant durer six mois il va le remercier & en sortant laisse sur 1 bureau une boîte d'or superbe. M. Drouet l'af perçoit, la prend , & la soulevant s'apperco qu'elle est pleine d'autre chose que de tabac ; la remet froidement à l'étranger : „ je ne puis 5, dit-il, regarder ce présent comme un moye ,5 de féduélion, puisque l'affaire est conforr 55 mée, & je n'ai pas pour vous le fentimer 55 d'indignation que vous mériteriez en pare „ cas; mais je dois me plaindre à vous d 55 peu de délicatesse que vous me supposez. R" 5, prenez ce métal, vil à mes yeux en ( 55 moment, & si c'est une marque d'estime 5, d'amitié que vous voulez me donner, j'al „ cepterai quelques bouteilles de vin de Con a, tance feulement." On tient ce trait de M. Homecca lui-même & l'on s'empresse de le publier ; parce que, quo qu'ancien, il n'est pas connu & ne sçauroit trc l'être pour servir d'exemple.
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'7 Février 1778. M. Necker a reçu ces joursci une lettre anonyme , dont l'auteur s'annonce pour un de ses amis : il lui marque avec quelle douleur il a appris qu'il se dégoûtoit & vouloit renoncer à une place où il defefpéroit de réufsir ; il l'exhorte à montrer plus d'énergie & de confiance, à se roidir contre les difficultés & les obstacles , & à les surmonter; c'est surtout , suivant lui, dans une pareille crise que doit se montrer le grand homme, le vrai patriote ; & abandonner la France en ce moment, feroit démentir la haute opinion qu'on a de ses talens, de son zele & de sa fermeté.
8 Février. Le Diflol/rs impartial, en réponse à la Lettre à un Ami, devient plus commun : il a 41 pages d'impression & ne justifie pas son titre : il combat fortement les défenses des Libraires, mais il n'est ni vigoureux ni adroit.
On parle d'une autre brochure dans le même esprit, ayant pour titre, Lettre à un Magistrat sur les conteflations alluel/es entre les Libraires de Paris & ceux de province : son objet est le même, mais il le remplit avec plus de succès, il mérite d'être dîscuté.
9 Février. Par une Lettre de Ferney, en date du 2 Février, M. de Voltaire écrit à un de ses amis que M. le Marquis de Villette & sa femme, avec Madame Denis, doivent partir pour Paris le jeudi q , & que lui, s'il ne survient aucun empêchement, partira le samedi 7 pour se rendre à Dijon y suivre un procès: on conçoit que ce n'est qu'une maniere indirecte de nous annoncer son arrivée à Paris : on ne peut plus en douter d'après cette lettre positiv.
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9 Février 1778. Au Jeu de la Belle faccede un autre jeu, qu'on nomme les trois Couleurs. Il ne differe du premier que par le nom, & en ce qu'il a moins d'avantage pour le Banquier.
9 Février. Les GluckHtes n'ont pas manqué de faire beaucoup de calembours sur le nouvel opéra ; ils disent, que Roland est un guerrier sans cœUf , parce qu'ils n'y trouvent pas de chœurs, comme dan ceux de leur maître : ils ajoutent qu'il fera bon lorsque nous aurons la guerre, c'est-à-dire quand Mlle, la Guerre qui double Mlle. Rolalie, aura pris le rôle d'Angélique ; enfin ils logent le muficieri dans la rue des petits-champs, & le poëte rue des mauvai- ses paroles. Cela signifie qu'ils trouvent la ique foible & les paroles détestables. Cette derniere critique est la plus juste. Il est inconcevable de voir comment M. de Marmontel, par sa refonte, ses coupures & ses interpolations, a fqu faire disparoitre l'harmonie & la molelfe du poëme de Quinault.
10 Février. L'objet de la Lettre à un jflagUlrat est de justifier les Arrêts du Conseil dont se plaignent particulièrement les Libraires de Paris, & l'auteur le fait, aux yeux de bien des gens, avec des armes victorieuses sur presque toutes les parties. Il est cependant forcé de convenir à l'égard des contrefaçons, que la Loi ne peut légitimer un vol , il ne fait que balbutier pour excuser cette complaisance aveugle & injuste du législateur : il prétend que le 1 gouvernement fermant les yeux sur ces contrefaçons, les autorisoit ainsi tacitement, leur donnoit une forte "de caractere, de privilege , '& qu'il ne pouvoit ensuite ruiner les conrrefac-
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teurs , en condamnant au pilon des ouvrages produits indirectement fous ses auspices. Tout ce raisonnement est pitoyable, & dépare le surplus de l'écrit, [pécieu, au moins, s'il n'est bien solide. 10 Février 1778. Pour entendre le jeu des trois Couleurs, il faut se rappeler celui de la Belle : il çonsistoit en un damier ou carte comptée de 104 quarrés numérotés. Les pontes choiMoient pour établir leur mise un de ces quarrés ; le banquier avoit un sac rempli de lioulçs en nombre égal , il en droit une, & si elle portoit le numéro çhoisi , il payoit aux pontes 96 fois la mise, au lieu de 104, qu'il suroît dû payer s'il eût été égal. Ensorte qu'il avoit un bénéfice certain de huit toutes proportions gardées ; il y avoit d'autres façons de ouer, trop longues à détailler ici, mais donc 'e résultat étoit toujours aussi dès-avantageux oour les joueurs, Le jeu des trois Couleurs differe du premier m ce qu'il ne présente que 102 lozanges & ue celui qui gagne ne gagne pas seul : ses ieux acolytes ont huit fois la mise , & lui a lo. Ce qui forme un déboursé de 96, pour le lanquier, sur 102 chances ; en forte qu'il n'a .ue 6 de bénéfice, au lieu de 8 qu'il retirait la Belle, Quoique ce jeu ne foit pas aussi attrayant que l Belle, il prend beaucoup ; on commence à ; jouer dans les maiforis particulières , mais ependant fous les auspices de la Police, qui aurnit des banquiers avoués par elle : au moyen J4 changement de nom Qn espere éluder les
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âcfenfes du Parlement, & l'on s'attend à voir bientôt renaître des tripots où il aura lieu.
10 Février 1778. On fait que tout le quartier St. Jacques, & une partie du fauxbourg St.
Germain, font bâtis sur des carrieres creusées tellement, qu'on est dans le cas de craindre pour leur bouleversement total, dont on a déja eu quelques avant-coureurs. Il est question de s'occuper sérieusement à remédier aux malheurs qui pourroient arriver dans ces quartiers de Paris, à la moindre commotion violente qu'ils éprouveroient.
M. le Comte d'Angiviller, Directeur & Ordonnateur Général des Bâtimens, & M. le Noir, Lieutenant de Police, ont parcouru depuis peu ces souterreins & ils en ont été effrayés : en conséquence, demain il doit y avoir une visite des gens de l'art, pour aviser aux moyens de prévenir quelque catastrophe : c'est M. Hazon i}ui est chargé de cette expédition pour les Bàtimens, & la Police doit le combiner avec eux sur cet objet. Le Roi fera étayer toutes les.
rues & les édifices publics, & l'on avertira les.
propriétaires des maisons dont le fol périclitera de pourvoir à leur fureté.
10 Février. Madame de Bellegarde a fait faire un tableau en forme d'ExVolo à la Reine, en aétion de graces de l'heureuse délivrance de.
fan mari. Il est représenté avec sa femme aux.
genoux de S. M. Ils tiennent dans leurs bras, un enfant , sur la tête duquel un glaive elt suspendu : la Reine l'écarté de sa main bienfai.
sante. Cette Princesse a été si flattée de cette mrque ingénieuse de reconnoinance, qu'elle a
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fait placer ce monument dans ton appartement, où tout le monde va le voir.
II Février 1778. M. Tronchin ayant averti, samedi le Sr. le Kain du danger où il étoit, l'a exhorté à prendre ses précautions. Un Carme est venu nettoyer cette conscience fale, & le comédien a fait la renonciation ordinaire & a été administré. En conséquence, l'église lui a accordé la sépulture , & il fera enterré avec pompe.
11 Février. Madame de Vanrobais, ci-devant Madame la Marquise de Bombelles, Mlle. Camp en son nom, fameuse par son procès contre ce féduéteur, vient de mourir d'une maladie de langueur qui l'a fait traîner pendant plusieurs mois. Comme elle étoit Protestante , M. le Curé de St. Nicolas, faparoifle, s'est présenté plusieurs fois chez elle pour la ramener au giron de FEglife, mais il en a toujours été repoussé; elle lui faisoit dire constamment, qu'elle lui étoit bien obligée de son zele, qu'elle .avoic un Ministre de sa Religion qui venoit la visiter., l'instruire & la consol er. Elle a confervé • cette fermeté jusqu'au bout, en conséquence n'a été enterrée que dans le rit Proteitant.
11 Février. On doit commencer à plaider , .cette semaine au Palais, Grand'Chambre & Tournelle assemblées, une Cause très intéres.
; ! fante : il s'agit d'un assassinat commis par les Srs. Chevalier de leyifat, Capitaine de Dragons, dans la Légion de Lorraîne ; Froidefond de Queyflat, ci - devant Capitaine au Régiment Provinc al de Marmande, & Fillol de Queyffat) ci-devant Çapitaine-Aide-Major au même Reëi
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ment, en la personne du Sr. Beller Damade , Négociant de la ville de Bordeaux. 1 < C'est à Castillon sur Dordogne, dont les assassins font habitans, que s'est commis le délit, qui n'a heureusement pas été consommé en , entier. Le plaignant, eitropié pour le reste de j ses. jours, & à la fleur de l'âge mutilé de la < maniere la plus déplorable, se préparoît à ré- 4 clamer la sévérité du tribunal des Maréchaux de France, Juges du point d'honneur, lorsque les Srs. de Queyffat, dans l'espoir sans doute i d'un meilleur succès , engagerent la contestation 1 devant le Juge ordinaire par plainte du 27 j -Odtobre 1775.
Celui - ci, qui est le Lieutenant Criminel de a Libourne , ne put pas s'empêcher de décréter i de prise de corps les Srs. de QueyffaL Ils en I sppelerent au Parlement de Bordeaux, qui, par deux Arrêts consécutifs des 16 Mars.& 18 j Mai 1776, les débouta de leurs appds, erdonna qu'ils feroient transférés dans les pri- i fons du Sénéchal de Libourne , poui leur procès leur être fait & parfait j &c. *
Les Srs. de Queyfltft, ayant depuis fait càsser au Conseil le dernier Arrêt du Parlement de ; Bordeaux; sur un prétendu défaut de forme , ent été renvoyés au Parlement de Toulouse,.
qui a confirmé le. décret de - prise de corps j décerné contre les assassins.
Par une nouvelle chicane, ils ont incidente A de nouveau & les voilà au Parlement de Paris, i Le bras de la justice, appésanti déjà trois fois A sur la tête des accusés, est une grande préfom- j ption qu'ils font coupables.' "'i 12 Février 1778.. M. de Voltaire est en effet fl arrivé a
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rrlvc à Paris, avant-hier dans l'après-dmee : il mis pied à terre rue de Beaune , chez M. le Marquis de Villette , & une heure après il est cllé gaillardement, & de Ton pied, rendre visite M. le Comte d'Argental, quai d'Orcay. Il :toit dans un accoutrement si singulier, enveoppé d'une vaste pelliffe, la tête dans une peruque de laine, surmontée d'un bonnet rouge £ fourré, que les petits enfans , qui l'ont pris lour un chie-en-lit dans ce tems de carnaval, ont suivi & hué.
Hier M. de Voltaire s'est tenu toute la journée m robe de chambre & en bonnet de nuit : il a 'cçu ainsi la cour & la ville : il donnoit pour excuse qu'il étoit extrêmement fatigué, incomnodé : il parloit toujours de se mettre au lit & le s'y mettoit point. Voici quel étoit l'ordre du cérémonial. On. étoit introduit dans une fuite l'appartemens superbes, dont Madame la Marluise de Villette, maîtresse de l'hôtel, & Maiame Denis, niece de M. de Voltaire, faisoient es honneurs. Elles tenoient cerde. Un valet le chambre alloit avertir M. de Voltaire à chaque personne qui venoit ; Mrs. le Marquis de fillette & le Comte d'Argental, chacun de leur côté, préfentoient ceux que le Philofo)he ne connoissoit pas , ou dont il avoit lerdu le souvenir; il recevoit le compliment iu curieux & lui répondoit un mot honnête, mis retournoit dans son cabinet, diéter à son iecretaire des corrections pour sa tragédie l'Irene.
Il paroît que sa tendresse paternelle pour cet ouvrage, qu'il auroit grande envie de voir jouer,
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Jien: pas entrée pour peu dans Ton retour ici ; mais quelle a été sa douleur d'apprendre la mort de le Kain !
13 Février 1778. Les Gluckistes ayant poulie les mauvaises plaisanteries jusqu'à donner de la consistance à leurs calembours, en mettant au bas d'une affiche de l'opéra de Roland: l'auteur du poëme loge rue des mauvaises paroles, U l'auteur de la muftque rue des petits champs ; les Picciniftes ont pris leur revanche, ils ont fait placarder M. le Chevalier Gluck, auteur d'iphigénie , d'Orphée, d'Alceste & d'Armide, logé rue du grand hurleur. Ce dernier est parti pour Vienne.
11 Février. Le Sr. Audinot, directeur de troupe foraine & rival de Nicolet, a auili imaginé une piece qui pût amener un siege : il l'a intitulée les Héroïnes. Il a enchéri dans cette pantomime sur la magnificence & l'élégance du premier, sur le brillant, la justesse, laprécifion de l'exécution , & tout Paris court à cette nouveauté.
Matroco n'a point encore eu lieu aux Ita.
liens , & est retardé par la maladie de Madame Trial.
13 Février. Les Comédiens François annoncent, pour lundi prochain, une représentation d Heraclius , en faveur d'un petit-neveu de Corneille : ils s'en font un mérite, & l'on fait qu'il y a plus de deux ans qu'on les tourmente inutilement pour cela.
13 Février. Depuis quelque tems, on parle d'un fils naturel du feu Comte de Lally qui se prétend légitime, & en cette qualité avoir droit de demander la réhabilitation de la mémoire de
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én pere; mais avant il faut qu'il constate fbft :tat. Connu successivement fous le nom de frophime, de Valcourt, de Tolendal, il veut ecourrer son véritable, de Lally: il est à cet :ffet en instance contre la Comtesse de la Heuze, reconnue dans tous les tems pour niece
i la mode de Bretagne, du Comte de Lally.
- ïlle est appelante d'une sentence du Châtelet du 27 Juillet dernier , qui ordonne qu'elle jufdiiera de sa parenté, sur sa demande à ce qu'il -it fait défense au premier de prendre le titre fc la qualité de fils légitime du Comte de Lally.
- 1 cette occasion Mlle. Oflyn, Comtesse de la Seuze, vient de faire paroitre un Mémoire à - ..:.on[ulter pour démontrer la justice de sa denande, & que son adversaire n'est qu'enfant ■ laturel, sans titre ni possibilité d'en pouvoir icquérir pour sa prétendue légitimité.
13 Février 1778. Le Kain étoit très vilain, .res laid. On prétend qu'il y a chez lui, tous es scellés, plus de cent mille écus'en or, ainsi Iiie quantité de bijoux qu'il avoit reçus en oréfens.
14 Février. Les deux Abbayes de St. Wail: fc de St. Bertin, prétendoient jouir de l'exemption; c'est-à-dire, n'être point soumises à l'El'êque Diocésain & relever immédiatement du St. Siege.
En conséquence de cette exemption, & pour atisfaire aux décrets du Concile de Trente,, qui ordonne aux monasteres de cette efpcce de se mettre fous Chapitres généraux & de s'af.
sembler tous les trois ans , ne pouvant plus faire Congrégation avec d'autres Abbayes du même genre, fous la Domination Autrichien
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ne, à caure de l'Edit rendu en France conce nant les Réguliers en 1768, elles avoient pt le parti de l'Ordre de Cluny, elles avoient ol tenu des lettres patentes du Roi à cet effe Telle étoit la matiere de la contestation.
Les Prélats préfentoient que ces deux Ai bayes n'avoient pu être admises' par l'Ordre c Cluny, attendu qu'elles n'étoient pas exem] tes, & qu'elles n'avoient à cet égard aucui titres valables.
On trouve dans les différens Mémoires poi & contre cette affaire des morceaux histor ques très-curieux, ainsi que des détails trè: érudits concernant les moines, les conciles < le droit canon.
14 Février 1778. L'enterrement de le Kain qui devoit avoir lieu le lundi, a été remis mardi. Les deux Comédies y ont assisté & e conséquence ont donné relâche au théâtre.
C'est le Sr. Bouret, premier semainier de 1 comédie Françoise, qui a été chargé de 1 part de la troupe de se retirer par devers 1 premier Gentilhomme de la Chambre de service & de lui apprendre cette nouvelle. Le pre mier Gentilhomme en a rendu compte au Roi qui a témoigné regretter cet Acteur, mais 1 Reine surtout en a paru aftligée.
14 Février. M. de Voltaire continue à gar der son appartement, à recevoir des visites 6 à faire des corrections pour la tragédie d'Ircne Il a été si affetté de la perte de le Kain, qu'i s'est trouvé mal lorsque l'Abbé Mignot lui et a annoncé en même tems & la maladie & h mort.
M. de Voltaire a aussi consulté M. Tron-
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chin sur la constipation habituelle dont il se plaint, & sur le peu de succès de la enfle qu'il prenoit trois fois par semaine pour aider la nature. Le Doéteur lui a répondu qu'à son âge il n'y a voit que de la patience à avoir; il lui a cependant indiqué quelques remedes pour suppléer au premier.
Du reste, le Philosophe vit à peu près comme à Ferney ; il tient son ménage che7, le Marquis de ViMette , & a fait acheter jusqu'aux moindres uftenciles.
M. de Voltaire déclare lui-même ne pouvoir exprimer la joie qu'il a ressentie de l'accueil distingué qu'on lui a fait ici. L'Académie assemblée jeudi, a cru devoir dépurer vers lui par extraordinaire pour le complimenter. Il paroît qu'il ira peu.
15 Février 1778. Les comédiens François doivent donner demain une représentation de Cinna, au profit du petit-neveu de Corneille.
Le Sr. Molé, semainier, a annoncé cette nouvelle dans une lettre inférée au Journal de Paris , qui commence par cette phrase : La Comédie Françoije saisît avec le plus légitime empreffcment la précieuse occasion d'être utile au fang du grand Corneille. Elle indigne tous ceux qui savent apprécier la valeur des termes.
On y retrouve le protocole insolent que cette troupe semble s'être fait depuis quelque tems.
Ce n'est pas comme cela qu'il falloit qu'elle s'exprimât dans une circonstance où il ne s'agit pas d'être utile, mais de remplir un devoir sacré de reconnoissance envers son Maître, son Bienfaiteur & son Pere.
Du relie, on doit savoir peu de gré aux co-
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jnédiens de la représentation qu'ils donner aujourd'hui pour le descendant de Corneille puifqu'il y a deux ans qu'on leur écrit & qu'o les sollicite à cet égard, & sans doute ils n se font déterminés à cet adle de bienfaifanc qu'à l'arrivée de M. de Voltaire, dont ils on craint les reproches trop mérités.
15 Février 1778. On a parlé d'un malheu reux, attaché au carcan par Arrêt du Parle ment du 1 S Janvier, pour fausse déclaratioj d'attaque & de vol de nuit dans les rues. 1 se nommoit Gaspard Geoffroy, dit Saint-Hyp polite; il étoit garçon ciseleur : on ne lui re prochoit jusques-là aucune bassesse, & l'on lu reconnoilîoit de l'honnêteté & des sentimens Ses camarades l'aimoient, & le dernier jour di fan exposition ils l'attendoient pour le conso 1er, manger avec lui & lui prouver qu'il n'a voit rien perdu de leur estime. Mais il n'a pi survivre a son infamie , &, fous prétexte d'allei la laver, il s'est arraché de leurs bras & s'efl jetté à la riviere, où il s'est noyé. Parmi beaucoup de contes que l'on fait en pareille matiere, il faut dittinguer cette anecdote, qui efl aujourd'hui constatée.
16 Février. On a vu dans les gazettes , différentes lettres du Sr. de Beaumarchais, qui instruisent le public du sujet de sa querelle avec jMlle. la Chevaliere d'Eon. La lettre du IVliniftre des Affaires Etrangères semble justifier le premier à cet égard, & plus encore le silence de la feconde, qui n'a rien répondu jusqu'à yréfent : auquel cas son accusation paroit d'une folie inconcevable. Le Sr. de Beaumarchais J'xplique en la mettant sur le compte, non
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de la haine, mais de l'amour : il prétend que Mlle. d'Eon a pour lui une passion violente, |t qu'il en coirferve dans son porte-feuille une déclaration expresse. Il ajoute, que depuis la ■ publicité de les lettres, la Dlle. d'Eon s'eil "réfentée chez lui, lui a fait demander des excuses, a voulu se réconcilier ; mais il lui a fait refuser sa porte.
16 Février. M. de Voltaire a continué ces jours-ci à recevoir des hommages, plutôt que des visites.
Samedi les comédiens François ont député ivers lui. Le Sr. Bellecour le harangua, & M.
lie Voltaire lui répondit, après avoir parlé de t-sa mauvaise fanté : je ne puis plus vivre dcsormais que pour vous £ «? par vous. Se tournant ensuite vers Madame Vestris, il ajouta : Madame , j ai travaillé pour vous Cette nuit comme un jeune homme de vingt ans. Il vouloit parler des corrections qu'il avoit faites à sa pièce & qu'il avoit paffé la nuit à arranger.
La députation des histrions partie , quelqu'un ayant observé que le Sr. Bellecour avoit débité son discours d'un ton fort pathétique & qui avoit presque attendri les auditeurs, il répondit : oui, nous avons fort bien joué la cornédie l'un & l'autre.
On a observé aux comédiens, après le cérémonial rempli, que M. de Voltaire ayant toujours exalté Cinna comme le chef-d'œuvre de Corneille, ils auroient dû préférer de donner cette piece lundi, au lieu d'Heracliits. A quoi ils ont promis de se conformer. M. de Voltaire s'est engagé d'y aller, si M. Tronchin le lui permettoit.
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M. de Voltaire a été fort gai pendant tout >> l'audience qu'il a donnée ce jour-là. Il ; r beaucoup parlé politique; il a montré une lit' tre du Roi de Prusse, qu'il avoit reçue recem j: ment; il a observé que ce Monarque y posus pour principe qu'il ne falloit pas prendre Il bien d'autrui : „ cependant, a-t-il ajouté et 3, riant, il veut s'emparer de quelque petite „ partie de la succession de l'Eleéteur de Ba, 3, viere, mais sans doute c'cft fondé en justice 3, Quant à l'Empereur, il faut qu'un granc 3, Prince, comme lui, occupe plus de terrein.
5, & marche par une voye large & spacieuse, 3, convenable à sa dignité.,, 17 Février 1778. Mlle. Cecile est sans contredit aujourd'hui la plus jolie danseuse de l'opéra : au talent le plus brillant, elle joint une taille, des grâces, une figure , une fraîcheur r une jcuneIre, qui séduisent & ravissent. Cette nymphe est digne des hommages de tous les amateurs, mais elle se refuse aux adorateurs les plus distingués, & ce cœur novice est épris d'un jeune danseur nommé Nivelon, qui possede en homme tout ce qu'elle a en femme : par une de ces bizarreries trop communes en amour, il ne répond pas à la passion de Mlle.
Cecile & il est épris à son tour de la Dlle.
Michelot, danseuse figurante, dont les talens & les appas n'approchent en rien de ceux de sa rivale. Cependant elle a vu dans ses fers un cfclave Auguste qui lui a donné un grand resies : M. le Comte d'Artois ne l'a pas trouvée indigne de ses regards, & elle est aujourd'hui jadieufe des diamans dont l'a enrichie cette ..lteŒ.: Royale. Le Sr. Nivelon a vraisembla-
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èlement été guidé dans son inexpérience par ;ette courtisanne, plus experte dans les exercices de Paphos que dans ceux de Thalie, & rien ne peut le détacher de sa passion.
Mlle. Cecile, dans un accès de jalousie bien légitime, vient tout recemment de se livrer à la fureur ; elle a fort maltraité la Dlle. Miche, .ot, & l'on est occupé actuellement à calmer "- la premiere, dont le mérite personnel fait exsufer la fougue & les écarts.
17 Février 1778. M. de Voltaire n'a pu aller hier à Cinna, il a été tourmenté depuis dimanche de strangurie, c'est-à-dire d'une difficulté d'uriner ; M. Tronchin lui a défendu de sortir.
C'est cette incertitude de voir le Philosophe ailleurs que chez lui qui rend le concours encore plus grand. : ceux-mêmes qui ne le connoissent pas, & n'ont aucun prétexte de s'y : présenter d'eux-mêmes, s'y font présenter par d'autres : d'ailleurs, on va la, à peu près comme à l'audience des Ministres, lui parle qui veut, & bien des gens se contentent de l'entendre & de le contempler.
Comme on a beaucoup varié sur un motif id'intérêt qu'on assigne pour un des sujets de sa venue, voici ce qui en est éclairci. M. Marchand de Varennes, aujourd'hW fermier général i& neveu de M. de Voltaire, étoit en nom pour ides intérêts accordés à son oncle par feu M.
le Comte dargenfon; le dernier en a transigé lavec M. Marchand moyennant 8000 livres de :rentes viagères ; il y a dix ans que celui-ci n'en i a rien payé & il vient même d'entrer en fail- ilite. On doute qu'une créance aussi verreufe, i" fut un pajent proche, eut pu déterminer M.
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de Voltaire à venir ici dans une aussi mauvaise faison.
18 Février 1778. On annonce par souscription un nouveau Recueil de Romances, de Chansons & de Vaudevilles avec accompagnement de Harpe, de Clavecin & de Guitarre, dont les paroles feront cependant pour plus de commodité séparées de la musique. Ce recueil doit servir de fuite au Nouveau Chansonnier François, mais absolument gothique & dont les airs monotones & funéraires font plutôt à oublier, & à l'Anthologie Françotfe faite avec.
plus de goût, quant aux petits poëmes, mais, non moins insipide pour la musique, dont le genre a changé absolument.
18 Février. Lundi M. de Voltaire n'a point donné d'audience générale à cause de son indisposition du dimanche, mais il a reçu quelques perfonncs en particulier, malgré les foin?
de M. de Villette à veiller à cette précieuse fan té , & à empêcher les importuns de pénétrer.
Les personnages les plus distingués qui ont eu Je bonheur de voir le Philosophe, font le Doreur Franklin, Madame Necker, M. l'Ambassadeur d'Angleterre & M. Balbaftre. On a admiré comment il a varié sa conversation pour des afteurs aussi divers; & surtout, avet quelle grâce, quetle vivacité, quel esprit il a cherché à plaire à la femme du Directeur général des Finances.
Quoiqu'il se plaignît du mal de tête, il a voulu flatter Pamour-propre de l'Artisse renommé qui étoit venu lui rendre horrimige, il iui, a demandé une piece de clavecin, <x cet
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habile homme a semblé charmer les maux du i malade.
] 8 Février 1778. Les médecins connoiflentenfin le genre de maladie ou plutôt de mort pror chaîne de M. l'Abbé Terrai : c'est une humeur qui s'est jettée sur un pied cet été, qui est rentrée & qui s'est portée à la poitrine. Le Doéteur le Roi , appelé comme très expert en pareil cas, avoit été d'avis d'qn cautere : le Docteur Bouvard l'a rejetté & le malade aussi , ayant grande confiance en celui-ci.
Dès la premiere vilîte du Curé de St. Suli pice, l'Abbé Terrai avoit promis qu'il feroit ce ) qu'il conviendroit en tems & lieu, & joueroit 1 bien Ion rôle ; il a tenu parole en demandant le 1 viatique proprio motu. Il souffroit horriblement, 1 ne pouvant plus se lever ni paffer une robe de «chambre sans douleur.
f 18 Février. Mercredi dernier M. Hazon & sa fuite au nombre de quinze font defeendus en effet dans les carrieres par une ouverture qui est au Val de Grâce. Ils ont marche pendant 1 cinq heures entieres dans ces immenses fouterrains, & en font fortis par FObfervatoire ; & du léger apperçu de cette visite, il a résulté la nécessité de prendre des précautions pour la fureté des quartiers de Paris correspondans à ces especes de gouffres ; mais cela demande un travail long Se difficile. Il est question de tever une carte de ces carrieres., pour distinguer les rues & édifices à étayer par le Roi, & les maifons de chaque particulier pouvant péricliter.
* Ce qui prouve le danger d'une tetle expédition , c'est que lors d'une premiere defeente faite par gens de bonne volonté ,, l'un d'eux
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tétant écarté de ses camarades, comme il revenoit, il s'éboula entr'eux & lui une masse si considérable , qu'il fallut vingt-quatre heures de travail pour le dégager & le ramener à la lumiere ; il ne s'ensuivit heureusement aucun accident.
19 Février 1778. M. l'Abbé Terrai n'a été en effet administré que mardi matin. M. le Curé de St. Sulpice a voulu vraisemblablement rendre cette cérémonie plus éclatante r afin de réparer , autant qu'il étoit possible - le scandale donné par le moribond durant sa vie fort débordée.
19 Février. M. d'Arget, Ministre en France du Prince Evêque de Liege & du Prince Evêque de Spire, est très mal d'un accident grave & fort fmgulier. Depuis quatre ans il prétendoit avoir une arrête dans le goster, sans que cela l'incommodât. Cependant il lui est venu, il y a quelques mois, une grosseur à la gorge ; il a fallu l'ouvrir, & l'on en a retiré en effet un corps étranger. Depuis lors la playe rend un pus très infed; le malade ne peut mâcher, il a peine à parler, & il est dans un état déplorable. C'est M. Tronchin qui le fuit & a présidé à l'extraction de l'arrête. Ce Ministre est connu par la bienveillance dont l'honore le Roi de Prusse, qui lui a adresse une Epitre qu'on lit dans les Oeuvres du Philosophe de Sans-Souci.
19 Février. M. de Voltaire s'étant trop fatigué dans la journée de lundi, a eu recours au Doéteur Tronchin, qui lui a trouvé les jambes enflées, il l'a fait coucher, & lui a déclare qu'il ne répondoit pas de sa vie j qu'il n'avait
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pas huit jours à exister s'il ne se conduisoit pas autrement, & ne prenoit un repos absolu : en conséquence le vieillard effrayé ne voit plus pcrConne, & se refuse aux gens de la plus haute considération : il s'écrie que sa fanté lui est plus précieuse que tous les hommages qu'on veut lui rendre ; cependant il ne peut s'abitenir de travailler, & accable d'écritures ;• n Secrétaire Vagnieres pour cette malheureuse tragédie qui le tourmente.
L'amour-propre de M. de Voltaire est d'autant plus atHigé d'un tel contretems, que M.
le Comte d'Artois l'a fait affurer de sa bienveillance & du plaisir qu'il auroit de le voir à la comédie, & Tinvitoit en même tems de lui faire savoir le jour où il pourroit y aller.
La Reine ne pouvant lui donner d'audience Dublique, par refpeft pour son auguste mere , :¡ni regardant M. de Voltaire comme un des, DIUS grands ennemis de la religion, n'approuveroit pas cette démarche, a fait dire aussi à :e Philosophe qu'elle feroit fort aise qu'il afillât à la cour à la représentation de quelqu'une de ses pieces.
C'est à l'occasion de cette inimitié, qu'on ssure que l'Empereur n'a point voulu s'arrêter Ferney & voir le Philosophe, pour se conforner à la parole qu'il en avoit donnée à l'Impéatrice Reine.
20 Février 1778. Le tripot lyrique est dans me grande fermentation au sujet du Sr. de Visimes, qui vient prendre à Pâques la direction le ce spectacle. Chaque jour, quelqu'un des Coryphées du Chant ou de la Danse demande
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sa démission, & l'on jugé qu'il y a une cabale très acharnée contre lui.
20 Février 1778. M. Barthe se presle de faire jouer sa comédie de l'Homine personnel ; elle est annoncée pour aujourd'hui, quoique les comédiens ne soient pas trop prêts. L'auteur craint d'être arrêté dans ses succès par la tragédie de M. de' Voltaire.
zi Février. Deux fermiers sortent ensemble de leur village, ils cheminent allans à leurs affaires, ils prennent querelle, la rixe s'échauffe, l'un d'eux tue son camarade : son premier mouvement est de fuir. La réflexion lui suggere de revenir sur ses pas & de jetter le cadavre dans une petite riviere voisine pour ne laisser aucune marque du délit. Il revient chez lui après cette expédition. Il est tellement boùrrelé de remords, que le lendemain n'y pouvant plus tenir il va à confesse à son curé, s'accuse du meurtre & raconte comment il s'eff pasle : le curé lui impose pour la Satisfaction du péché une pénitence proportionnée, & du reste lui conseille, afin d'éviter tout soupçon, de ; rester & de garder le plus profond silence.
Le même jour, le Pasteur devoit dîner chez le fermier défunt. II y va, & trouve la famille dans l'ignorance absolue de la perte de son chef, & tout le monde paroît fort gai. Le contraste de cette joie, avec le secret funeste qu'il recèle dans son fein, afflige & gêne tellement le curé qu'il fait pendant le repas une très triste figure. On l'interroge sur son embarras apparent, il l'explique en des termes ambigus.
Un des fils du tué y fait attention & les romine : dans la nuit son imagination s'exalte) il
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se petfuade que son pere est mort & que le curé le fait. Dès le grand matin il va chez lui pour lui demander l'explication de ses propos entrecoupés de la veille ; celui-ci se repentantd'en avoir trop dit, élude & prétend ne rien savoir, n'avoir rien dit qui doive l'inquiéter.
Le lendemain ce jeune homme bouillant & agité de nouveau dans la nuit par des rêves plus sinistres, fait part de ses craintes à un frere, & de la résolution où il est de forcer le Curé à s'expliquer : il s'arme d'un pistolet & tous deux vont ensemble chez lui. Après les premieres instances, auxquelles le Pasteur résiste, le jeune homme furieux lui montre le pistolet & lui déclare qu'il est refohi de lui brûler la cervelle s'il ne découvre ce qu'il fait sur la mort de son pere dont il ne doute plus : l'autre, présent, l'invite aussi à ne pas porter par fan refus son frere à exécuter sa me.nace. Le Curé intimidé enfin leur raconte tout ce qu'il a appris.
La chose s'ébruite, le meurtre s'apprend, .le Ministere public en est irftruit, - l'affaire em- portée au Parlement de Toulousé, qui renvoye absous le meurtrier, condamne le Curé à être brûle vif, & les deux freres à être rompue vifs. On s'est pourvu contre r Arrêt; il a été caffé & ils ont été renvoyés par devant le Parlement de Paris, qui examine actuellement ce procès vraiment romanesque , & fait la matiere des ConfuItations. On ne peut s'empêeher d'applaudir l'Arrêt de Toulouse, conforme , aja lettre de l'a Loi, mais on le trouve bien oureux, & l'on efpereque tous les coupables ifljont leur grâces
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5i Février 1778. La fermentation élevée dans le fein du théâtre lyrique contre le futur adminifirateur, est occasionnée surtout par le projet annoncé du Sr. de Vismes de réformer ou diminuer du moins considérablement les feux.
On entend par ce mot les gratifications accordées aux coryphées à raison de la quantité de fois qu'ils jouent ou dansent dans un Opéra ; ce qui doubloit presque les appointemens de plusieurs. Leur dessein, en s'ameutant ainsi contre ce Direéteur, feroit de le dégoûter & l'empêcher de remplir son plan.
Il y a aussi à la comédie Françoise beaucoup de divisions pour les rôles de le Kain : le Sr.
Molé prétend avoir droit de choilir tous ceux qui lui conviendront avant tout autre, & le Sr. Monvel doublant celui-ci, veut après lui en faire autant; en forte qu'il ne resteroit au Sr. la Rive qu'une douzaine de rôles, appelés en termes techniques les taureaux, cest-â-dire les rôles les plus violens au théâtre, exigeant des poumons que ni l'un ni l'autre n'ont.
Le Sr. la Rive, au contraire, déclare qu'ayant été reçu pour doubler le Kain, tous les rôles à sa mort doivent lui être dévolus.
Cette contestation très vive ayant occasionné tics propos, des injures & des menaces dans l'ordre des honnêtetés dramatiques, doit être portée aujourd'hui par devant le Maréchal Duc de Duras, le Gentilhomme de la Chambre à qui les autres ont abandonné la direction de cc tripot.
22 Février 1778. Le jour où le Dorteur Franklin est allé voir M. de Voltaire, il lui a présenté son petit-fils, & par une adulation indéçente,
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tuériJe, baffe & même, suivant certains dévots , d'une impiété dérisoire , il lui a demandé sa bénédiétion pour cet enfant : le Philosophe ne jouant pas moins bien h comédie que le Docteur, s'est levé, a imposé les mains sur la tête du petit innocent, & a prononcé avec emphase ces trois mots: Dieu, Liberté, Talé..
rance.
M. de Voltaire, non moins étonnant au physique qu'au moral, s'est trouvé beaucoup mieux le jeudi ; ses jambes se font defenflées & il s'est occupé de la distribution des rôles de sa tragédie. Le seul Maréchal Duc de Richelieu a eu permission de le voir, relativement à cet objet. C'étoit un spectacle curieux d'observer ces deux vieillards & de les entendre ; ils font du même âge à peu près ; le Duc est un peu plus jeune; mais, malgré sa toilette & sa décoration , il avoit l'air plus cafte que M. de Voltaire en bonnet de nuit & en robe de chambre. Celui-ci est convenu de se transporter dimanche à la comédie & d'y assister à un premier eIrai de répétition, le cahier à la main, pour connoître la portée de chaque aétcur.
Vendredi M. de Voltaire a tellement travaillé qu'il n'a pas laissé à son Secrétaire le tems de s'habiller. Madame la Comtesse du Barry s'est présentée l'après-diné pour le visiter : on a eu ibien de la peine à déterminer le vieux malade à la voir. Son amour-propre souffroit de paroitre devant cette beauté sans toilette, & sans préparation. Il a cédé enfin à ses instances & réparé par les grâces de l'esprit ce qui lui manquoit du côté de l'élégance extérieure.
22 Février 1778. M. le Marquis de Villette
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ayant demandé à Mlle. Arnoux ce qu'elle peu foit de sa femme, après l'avoir vue ? „ C'est ,, lui a-t-elle répondu , une fort belle éditioi ,, de la Pucelle. •» Il faut se ressouvenir qu< la Marquise de Villette est une Demoiselle d< Varicourt, élevée depuis pluiieurs années che M. de Voltaire. 22 Février 1778. Malgré l'annonce faite déj: dans l'Almanach Royal de lafuppreflion de treiz< Fêtes par Mgr. l'Archevêque de Paris dans for Diocese , on commenqoit à craindre qu'ellt n'eut pas lieu par la difficulté qu'elle excitoi au Parlement. Les Magistrats sentoient que et feroit treize jours de travail de plus pour eux, S cette fatigue les allarmoit. On les a fait rou.
gir enfin de cette pitoyable raison, & aprè beaucoup de pour-parlers & de négociations.
le 20 de ce mois les Grand' Chambre & Tour.
nelle assemblées, il a cté enregistré des Let.
tres patentes du Roi, données à Versailles er Février , confirmatives d'un Mandement dt Y Archevêque de Paris, portant suppression de plusieurs Fêtes dans Jon Diocese.
Ces patentes portent expressement : enjoi- gnons aux Officiers de Juflice & de Police dt tenir la main, & ordonnons qu'aux joun dont les fêtes font retranchées parle Mande- ment, ils entrent au Palais pour y faire leun fondions ordinaires.
On a public aussi le Mandement de l'Arche.
vêque de Paris qu'il a refondu. Celui-ci efl daté du 11 Février : il est fort verbeux , fort capucinal, dénué de noblesse & de dignité.
Ne voulant rien perdre des jeunes, le Prélat ordonne que les quatre supprimés, avec les
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fêtes qui y donnoient lieu & y obligeoient, feront remplacés par d'autres ordonnes pour les vendredi & samedi de la preiniere & feconde semaine avant le carême.
22 Février 1778. Hier l'enflûre est un peu revenue aux jambes de M. de Voltaire ; il a été en retraite toute la journée & n'a vu que Me médecin : on doute qu'il foit en état d'aller aujourd'hui à la comédie, ou même de faire 1 venir les comédiens chez lui, comme on le lui a proposé. Quoiqu'il lui fût défendu de rien faire, il a encore travaillé toute la journée.
23 Février. On étoit bien surpris de voir Mlle. d'Eon relier dans le silence & se laisser 1 écraser impunément par les sarcasmes, les i injures & même les raisons viétorieufes du Sr. de Beaumarchais. On voit dans le monde aujourd'hui une réponse de cette fille, célébré, mais elle est encore fort rare, quoiqu'elle eût intérêt de la répandre avec la plus grande pro: fusion.
23 Février. On annonce un Journal Militaire, dédié à Monsieur, Frere du Roi, par une Société de gens de Lettres & d'anciens Militaires.
En 1770 on avoit entrepris un semblable Journal fous le nom d'E'ncyclopédie Militaire, mais il n'avoit pas été loin. On le régenére aujourd'hui; on en doit suivre les premiers erremens & la division des objets qu'on y traitoit, mais avec des améliorations & des articles nouveaux, Cet ouvrage, contenant quatre feuilles chaque Numéro, paroitra pour la premiere fois le ier. Avril prochain & dçux fois par mois. -
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23 Février. M. de Voltaire, dimanche dernier, malgré l'enflure de ses jambes, s'étant jugé en état de recevoir les Comédiens, a fait chez lui la distribution & la confrontation der rôles d'Irene. On est disposé pour commencei bientôt & sérieusement les répétitions, & l'on ne doit pas tarder à voir jouer cette tragédie.
M. le Maréchal Duc de Richelieu etoit pré-i fent à la feene, & c'étoit un fpedacle plaifantu de voir les deux vieillards se démener au mi-n lieu de ce troupeau d'histrions. Le foir, lé poëte s'est trouvé fatigué, & a été obligé de se coucher à huit heures.
Quoique le Roi ait déclaré qu'il n'aimoit ni n'estimoit M. de Voltaire , & que M. de Maurepas l'ayant pressenti sur le desir de cet illustre expatrié de venir à Versailles, S. M. lui a lépondu , que c'étoit bien assez qu'elle fermât les yeux sur son sejour à Paris ; cependant par une inconséquence apparente, mais qui s'explique si l'on veut y réfléchir, M. le Comte d'Angivilliers a obtenu que , dans les statues à faire exécuter par l'Académie de Sculpture après les dernieres ordonnées, celle de M. de Voltaire feroit comprise. Ce Direétçur général des bâtimens n'a rien eu de plus pressé que de faire (avoir au héros cette nouvelle flatteuse pour son amour-propre, il a cru que M. Pigal, chargé de ce travail, feroit le messager le plus agréable à lui envoyer : le plus grand poëte comblé a répondu à l'Artiste, auili chargé de la Statue du Maréchal de Saxe, par les six vers suivans :
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Le Roi connoit votre talent : Dans le petit & dans le grand Vous produisez œuvre parfaite.
Aujourd'hui contraste nouveau !
Il veut que votre heureux ciseau Du héros descende au trompette.
24 Février 1778. Samedi l'Homme personnel, comédie en cinq aétes & en vers, n'a eu aucun ifuccès. Le principal caraétere n'est qu'un apperçu, & tous les autres font pitoyables : les tctes, d'une longueur excçffive pour la plupart, ont extrêmement fatigué le fpeétateur.
1 y a dans l'intrigue quelques moyens heureux que le Poëte n'a pas eu l'art de faire valoir, en les motivant mieux & en les développant -. avec adresse. Quelques morceaux détaches & .tenant peu au contexte de l'ouvrage, ont été applaudis feulement : mais, en général, le style n'eH: pas excellent ; il y a des expressions baf- Tes, des façons de parler proverbiales & qui ne 'vont point au ton des personnages. l' Egoisme Ide M. Cailhava valoit cent fois mieux.
24 Février. Pour donner une idée du genre ides conversations de la ville & même de la cour, on va rapporter un calembour qui a fait une grande fortune & que l'on cite partout : il a été dit dans les jours où l'on crai.gnoit le plus la guerre. On fait que les Rois sont aulïi fiajets aux foibleiïes de la nature & lie l'humanité, Louis XVI, au milieu d'un gros lie courtisans, laissa échapper un figne d'affecitions venteuses. Bonne marque, s'écrie le Marquis de Bievrg présent : voila des bruits de
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Paix ( de Pet ) qui courent à Versailles.Vraiment, reprend un autre Seigneur, dont par malheur on n'a pas retenu le nom, ils n'ont pas lieu sans fondement.
24 Février 1778. Le Règlement projette par le Bureau de Législation Dramatique , & remis au Maréchal Duc de Duras, Gentilhomme de la Chambre , qui a le plus à cœur la réunion des auteurs avec les comédiens , a été communiqué à ceux - ci , qui ont commencé par jetter les hauts cris , par déclarer qu'ils ne pou.
voient acquiescer à des conditions aussi dures , aussi injustes, aussi avilssantes. Le Maréchal leur a repliqué qu'on leur donnoit l'alternative d'une fécondé troupe. Cette autre proposition les a encore plus all armés , & ils ont pris le parti de discuter le Mémoire de leurs adversaires & d'y répondre : ils esperent ainli allonger la contestation, & ils attendent tout du bénéfice du tems.
25 Février. Mlle, la Chevaliere d'Eon a enfin rompu le silence injurieux qu'on lui reprochoit dans sa querelle avec le Sr. de Beaumarchais. Elle le fait par un volume d'ecritures , où il y a malheurenfement beaucoup plus de plaisanteries que de bonnes raisons : elle ne prouve pas bien directement que son adversaire lui ait friponne 60,000 livres ; mais elle révèle beaucoup d'iniquités , de turpitudes de cet aventurier , n'existant qui d'intrigues & de fourberies, comme n'en ont jamais douté ceux qui le connoissent.
Dans une premiere Lettre intitulée Très-humble. réponse à très - haut £ «? tres - puissant Scigneur , Alunjèigneur, Pierre Auguflin Caron,
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$u Carillon, dit Beaumarchais, &c. elle le turlupinée d'abord sur ses qualités , & elle établit les fiennes avec beaucoup d'emphase. Elle réfuté les prétendues obligations dont il se prévaut pour l'accuser d'ingratitude , & elle - forme sa demande , non de 60,000 livres, mais ie 256,763 livres 10 fols, dont elle prétend :tre frustrée, sans dire cependant que Caron.
les ait mises dans sa poche ; mais elle donne à - entendre ce dont on se doutoit bien encore , lu'il s'est prévalu de Ces négociations avec elle - prur s'initier dans les secrets du Ministere, se faire valoir même , en sacrifiant les intérêts de cette Dëmoiselle, lorsqu'il faisoit vis- à - vis i'elle des aétes de zele , pour gagner lui-même beaucoup d'argent, en se mêlant d'affaires qu'il e trouvoit par-là à portée de connoître & de * érer : enfin le reproche le plus grave, c'est l'avoir abusé de la connoissance du sexe de la Ille. d'Eon , afin d'en tirer une nouvelle source ..ie fortune, & devenant croupier de ceux qui oarioient qu'elle étoit fille. Elle donne à entendre, par des réticences multipliées, qu'elle luroit à cet égard des infamies sans nombre à évéler sur le compte de ce perfide agent.
: , Cette Lettre, trop longue , trop verbeuse, )ù les anecdotes piquantes qu'elle suppose ne ènt pas assez éclaircies , & les sarcasmes font moufles par quantité de phrases oiseuses ,„ est Jatée du Petit Montreuil près Vcrfailles , le :undi jour de la Purification, 1778.
Suit un Appel à mes Contemporaines. C'est m écrit par lequel la Dlle. d'Eon dénonce - 3eaumarchais & le livre à toutes les femmes de - onfiecle, çpmme ayant voulu élever son crédit
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fnr celui d'une femme, faire sa cour aux dépeni d'une femme , obtenir des richesses sur l'honneur d'une femme , & enfin venger son espos; frustré en écrasant une femme, &c.
Cet Appel est daté du même jour.
Cartel de mon nouveau genre est la troi, sieme piece annexée à ce recueil ; il est tou.
jours daté de Montreuil le 8 Février : il er résulteroit que la Dlle. d'Eon , dès le com mencement de la négociation, ayant reconm l'homme , a reclamé auprès de M. de V ergenne contre cet indigne agent, qui abusoit de f; com midi on pour obtenir d'immerises richesse.
par la manifejiation de son Jexe : qu'il s'étoi laissé pour substitut le Sr. Morande, & que et n'est qu'en traitant diredement avec le Ministre que la Chevaliere d'Eon a terminé & est venu* dans ce pays-ci. Elle prétend que tout ceci feroi, éclairci par ses lettres à M. de Vergennes qu'elle supplie de faire connaître, & par celle;; de Beaumarchais, qu'elle somme de produire.
La derniere piece de la colleaion , est si.., conde Lettre aux femmes, datée de Paris le ie Février 1778. La Chevaliere d'Eon y triomphd de la décision du Banc du Roi inférée dans le: gazettes , par laquelle le Lord Mansfield é prononcé que ton tribunal ne s'occuperoit plu: des contestations au sujet du sexe de l'être amphibie en question , attendu que la vérification blessant la bienfc'ance îe, les mœurs , & qu'un tiers sans intérêts (la Chevaliere d'Eon' pouvant en être affeélé, la cause devait etrt mise au néant.
Février 1778. M. le Maréchal Duc de Duras a décidé la contefiation élevée entre les comédiens
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emédiens au sujet des rôles de le Kain. II eU 1 saiÇ trois parts , distribuées entre Mo lé , Uonvel & la Rive. On a fait sur ce dernier la jlaifanterie suivante, qui n'est pas d'un admi.
atcur de son talent ; Ah ! quel affreux malheur m'arrive , A dit Melpomene à Caron ; Le Kain a paffé l'Acheron , Mais il n'a point laisse ses talens sur la Rive.
2Ç Février 1778. Le Dodteur Franklin s'hunanise & fè montre dans les sociétés , même ralantes, ce qui manifeste de plus en plus sa ienrie union avec notre gouvernement & la atisfaction qu'il ressent des nouvelles heureues de son pays. Dernièrement il étoit à un Bal, tel Madame de Floiffac, la femme d'un finanier. Il y avoit beaucoup de jeunes & jolies )ames, & toutes ont été successivement lui endre hommage & l'embrasser, malgré ses luaettes qu'il porte toujours sur le neî.
Du restè, on est un peu scandalisé du luxe qu'il tolere dans ses petits-fils, & qui contraste :rop avec sa simplicité. Ils ont arboré les talons ouges\ décoration frivole, bonne à la cour de Versailles, mais indigne des descendans d'un.
les chefs du Congrès de Philadelphie.
26 Février. M. l'Abbé Sabattier, Conseiller Clerc au Parlement, homme aimable, d'excellente société & dans le genre de l'Abbé de Voi:.ènon, sans avoir une réputation aussi brillante, tant un de ces jours derniers malignement ■ questionné sur ce que c'étoit qu'une femme , répondit sur le champ par le Quatrain'suivant:
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quoi! me demander ce que c'est qu'une femme, A moi, dont le destin est d'ignorer l'Amour!
D'un aveugle affligé, vous déchireriez l'ame, Si vous lui demandiez ce que c'est qu'un beau joui 26 Février 1778. M. l'Abbé Terray a ordonn par son testament, que son corps feroit tranfpor té à sa terre de la Motte ; ensorte qu'après avoi été présenté à St. Sulpice, sa paroissè, il et parti mardi matin. Le peuple a témoigné 1 plus grande joie à son convoi. Lorsqu'on lu portoit le Bon-Dieu, les poissardes, en polies îion de distribuer les réputations & prefqu toujours judicieusement, avoient déja crié dan leur langage énergique : on a beau lui porte le Bon-Dieu, il n'empéchera pas que le Diabi ne l'emporte.
26 Février. Les Comédiens Italiens se for enfin trouvés en état de jouer Matroco lune dernier, au grand regret du musicien Gretry tlui craignoit de participer à la chute de c Drame, & auroit bien déliré transporter ailieui sa mu si que.
La meilleure piece à ce théâtre n'auroit ps attiré tant de monde. La Reine, qui étoitvenu au Bal de l'Opéra, n'a pas voulu manquer cett représentation. On savoit combien le Monarqu avoit goûté cet amphigouri à Fontainebleau ayant déclaré que jamais aucun ouvrage n J'avoit tant amusé : on savoit qu'à Chantilly, 0 Metroco avoit été imaginé & enfanté, il avo extrémement amure le Prince de Condé & 1 çour, & chacun étoit empresse de voir l'efft qui en résulteroit à Paris. Il n'a pas été heureux
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in a admiré sa musique, elle a paru délicieuse; nais le poëme a tellement ennuyé , malgré ce ,'ecours , malgré le jeu des aéteurs, malgré la jompe du fpeélacle , la richesse des habits, la irariété des décorations & tous les accessoires sossibles, qu'on a entendu des fpeétateurs s'épier presque involontairement : ah ! que ncflLis.
ic Roi ou Prince pour trouver cela beau !
S. M. a applaudi dans les commencemens, nais à la longue l'ennui l'a gagnée, & elle s'est angee du côté du public.
27 Février 1778. La populace, pendant le ransport du corps de M. l'Abbé Terrai, sortant le son hôtel à la paroisse, ayant témoigne l'on )eu de respect pour un Ministre dont vivant lIe avoit brûlé l'effigie, la famille craint que a fureur ne s'accrût au point d'insulter, dans la raverfée de Paris, les infâmes reliques du déunt; elle a demandé en conféqucnce dou 'e ommes du guet à la Police, pour escorter le ;ot billard jusqu'à une certaine distance de la ;apitale.
23 Février. Malgré le grand nombre de parifans & d'admirateurs de M. de Voltaire , il a ncore plus d'ennemis. Il a contre lui tout le îarti des dévots & du clergé. Ils ont été furieux le l'éclat qu'a fait ici son arrivée, & de la fenfaion incroyable qu'elle a produit; ils ont cherté d'abord à se prévaloir des ùéfenfes, qu'ils :royoient exister, sur lesquelles il lui étoit interiit de reparoitre dans cette capitale ; ils ont ompulfé les registres de la Police, ceux du département de Paris, ceux des Affaires Etran.
;eres, pour voir s'il ne se trouveroit pas quelsue bout de lettre de cachet dont ils puilent
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s'autoriser pour le perdre pieusement dan l'esprit du Roi, déjà très-mal disposé contr lui : projet dans lequel ils efpéroient être fecor des par Monsieur, ne goûtant pas d'avance 1 coryphée de la phiLosophie moderne. Malhet reuiement il est constaté qu'il n'y a jamais e d'ordre par écrit qui ait expulsé M. de Voltaire & que sa longue absence ne doit s'attribue qu'à son inquiétude naturelle, & à des insinua tions verbales de s'éloigner.
Sans doutç une foule de ses ouvrages brûlé pouvoient servir de prétexte à lui faire foi procès ; mais il n'en a figné aucun : ce font de écrits anonymes ou pseudonymes, qu'il a tou jours desavoués , & il faudroit établir une ini trucion en réglé, qui feroit trop odieuse dan ce sieçle éçlairé, & à laquelle ne se prêteroit pa aujourd'hui le Parlement, dans le fein duque il a des parens, des amis & des admirateurs.
Le Fanatisme est donc réduit à s'intriguelourdement d'un côté, à crier au scandale d l'autre, & à gémir universellement du séjour d cet Apôtre de l'Incrédulité dans cette ville IVlgr. l'Archevêque, comme le plus intéresse son expulsion & le plus zélé pour la défens de la religion, en a écrit direclement au Roi mais on a représenté à S. M. que ce vieillart déjà fatigué de son déplacement dans une pareil le faison, d'une longue route & de la multitude, - de visites qu'il avoit reçues, & encore plus afFcétl du chagrin de déplaire au Monarque, ne pour •Toit retourner à Ferney dans le moment ; qui ce feroit une inhumanité de l'y contraindre qu'il en mourroit, & qu'il étoit de la bonté di
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5. M. de le laisser repartir de lui - même, ainsi qu'il se le proposoit.
Voilà où en étoient les choses, lorsque M.
de Voltaire est tombé sérieusement malade, par - l'accident grave du crachement de fang qui lui tft survenu. C'est la matiere de nouvelles inquiétudes pour les Prêtres ; il est question de pénétrer chez le moribond, de le convertir , - eu du moins d'en obtenir quelqu'acte extérieur Je religion , dont ils puissent se prévaloir & - triompher.
C'est à quoi font attentifs de leur côté ceux ; lui l'entourent ; c'est ce qui les oblige de dissimuler leurs inquiétudes, & de ne pas laisser transpirer au dehors les nouvelles fâcheuses de Ion état : on ne donne le bulletin qu'aux amis _connus.
ier. Mars 1778. Les amis de M. de Voltaire Tentant la difficulté qu'il séjourne ici longtems, à cause des-clameurs des dévots & du Clergé, \& craignant d'ailleurs pour sa fantér qui a comîmencé à s'altérer peu de tems après son arrivée , : ;songeoient sérieusement à l'emmener lors de - Ion accident. Madame de St. Julien , surtout, :en grande liaison avec lui, faisoit préparer une voiture faite exprès pour lui rendre le retour plu. commode. Il est bien à craindre que ces 'précautions prises trop tard ne deviennent .inutiles.Il paroît qu'on doit attribuer le crachement 'de fang qui lui est survenu le mercredi, aux ressorts qu'il avoit faits- le dimanche précédent, lors de la répétition dè sa piece, qu'il s'est truvé..obligé de déclamer prefqu'cn entier, pour donner à chaque aéteur le ton de fan rôle.
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Kt comme cet accident étoit la fuite d'une tt) fatigue extraordinaire, on critique les faignéea JJ faites en pareilles circonstances & à son â^e.$ 11 ne voit plus personne que sa famille; toutiO travail lui est interdit absolument, & il reireh presque toujours au lit: il fait bonne contenan-K ce cependant & rassure les alliltans, en difantfl) que ce n'est rien.
Il y a de plus en plus de grands mouvtmens',", dans le Clergé, pour aviser aux moyens de se si conduire vis - à - vis du corvphée de la Philofo--: phie : & les Philosophes à leur tour redoublcntlo d'efforts pour que leur chef ne false rien d'indi- -fr gne de lui. ¡ 1er. Mars 1778. On continue les repréfenta- 4 tions de l' Homme peifonnel, malgré la répu- tjj gnance que le public avoit témoigné pour le p revoir; mais on fait que tout va aujourd'hui r graces à certaines manœuvres des auteurs. Celui li de cette comédie y a fait quelques corrections, g qui, en la rendant moins ennuyeuse, ne lui dor- nent pas' une marche plus vive, un intérêt plus £ réel, & ne sauvent pas du ridicule les caraéteres, | tous manques & surtout le principal.
Matroco va aussi, & quoique hué à la fe- conde reprcfentation, il étoit affiché pour la J troilieme. Malheureusement une aétrice est li tombée malade, ce qui a obligé de l'inter- [f rompre. | 2 Mars, Avant que M. de Voltaire tombàt, , malade, Madame Dudeffant lui avoit écrit pour aller voir Roland avec elle; il répondit par le billet suivant :
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De ce Roland que l'on vous vante Je ne puis avec vous aller, ô Dudeftant, Savourer la musique & douce & raviffiinte: Si Tronchin le permet, Quinault me le défend.
Cette chûte épigrammatique est piquante pour M. Marmontel, à qui le poëte fait ainsi reproche indirectement d'avoir osé retoucher le Poème de Quinault.
M. de Voltaire disoit toujours ? Ferney qu'il rie mourroit pas content qu'il n'eût vu encore une représentation de la comédie françoise & une séance publique de l'Académie. Il étoit à la veille de jouir de ce double spectacle, ou , pour mieux dire, de ce double triomphe, & cependant il est à craindre qu'il n'en fait privé pour jamais, son état devient de plus en plus inquiétant, il continue à cracher un peu de fang.
Au refteon ne fait même si la seance publique de l'Académie Franqoife n'aurait pas souffert quelque difficulté; du moins les Prélats eussent-ils beaucoup remué pour empêcher le Roi de la permettre. Ils ont déja été trop feandalifés de la deputation de cette compagnie vers le coryphée de l'impiété, en ce qu'indépendamment de l'éclat que faisoit cet acte solemnel, il lioit en quelque forte le clergé aux hommages qu'on lui rendoit en la personne de j plulieurs Cardinaux, Archevêques, Evêques Sç Abbés, membres de l'Académie, & par conséquens cenles avoir adheré a la délibération.
Tout le parti des dévots en a frémi & anathéinatifé le Prince de Beauveau qui portoit la
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parole. Les plaisans se font contentés d'en riic.
ils ont dit que c'étoient les membres qui ailoient chercher le corps.
2 Mars 1778. Un partage de la Lettre de Mlle. d'Eon au Sr. de Beaumarchais, a donné lieu de découvrir une anecdote plaisante , mais peu connue. Il y a dans cette capitale un peintre nommé MuJJbn, plus habile farceur qu'artiste ; il joue à merveille tous les rôles qu'on veut lui donner & surtout celui de femme. Madame de Fourqueux , une virtuose présidant à un bureau du bel-esprit, avoit témoigné la plus grande envie de voir la Chevaliere d'Eon, qu'elle n'avoit jamais connue fous aucun sexe. Un plaisant, voulant tourner en ridicule cette Dame, lui promet de la lui amener à souper; il donne le mot au peintre, & le jour pris pour cette petite comédie, la Dlle. d'Eon prétendue arrive. Parmi les femmes qu'avoit invité Madame de Fourqueux , il' y en avoit de très curieuses; eires avoient-projetté entr'elles de vérifier absolument le sexe de cet être amphibie, & de résoudre un si singulier problême. Au moment où elle étoit paffée dans la garde-robe, elles la suivent fous prétexte d'un même besoin, & suivant un ufageassez commun aux femmes. Là, se trouvant en force, elles veulent absolument sàtisfaire leur desir. Le Sr. Muflon les prie, les supplie à épargner sa pudeur, puis se défend comme beau diable, enfin ses forces s'épuisent, illaiITe pénétrer les mains des curieuses, qui trouvent un monstre & font des cris épouvantables. La Dlle. d'Eon, les larmes aux yeux, les conjure du moins de lui garder le secret sur le mystere folitiçpe & l'on rentre.
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Mariante de Fourqueux, qui avoit entendues cris, veut savoir ce que c'est : on le lui lit à l'oreille, en lui demandant le même fe=et : dès le lendemain elle n'a rien de plus Bresse que de raconter l'aventure. Quelqu'un lui, la veille même, avoit passé la soirée avec a Chevaliere , lui rit au nez, lui fait voir l'ali)i y elle reconnoît qu'elle a été dupe de quelqu'imposteur. Les Dames enchantées de leur lécouverte, devenues ainsi l'objet de la ri fée générale, reconnoissent le danger d'une curiosité indifcrette.
3 Mars 1778. Quelqu'un des Philosophes qui forment la cour de M. de Voltaire, le aryant affligé de ne pouvoir aller à Versailles tons l'appareil qu'il auroit désire, lui dit : l' vous êtes bien bon; savez-vous ce qui vous ,j feroit arrive ? je vais vous l'apprendre. Le 0 Roi avec son affabilité ordinaire vous auroit „ ri au nez & parlé de votre chasse de Ferney; la Reine de votre théâtre; Monsieur 13 vous auroit demandé compte de vos revela nus; Madame vous auroit cité quelques-uns I5 de vos. vers; la Comtesse d'Artois ne vous „ auroit rien dit ; & le Comte vous auroit en- „ tretenu de la Pucelle. „
Les vers du Marquis de Villette adressés à
M. de Voltaire à l'occasion de sa prétendue convalescence, inférés dans le Journal de Paris, ne peuvent raflfurer sur l'état de ce vieillard : le Marquis & lui ont été fâchés de l'éclat donné- par ce même journal à l'accident du maiade., & l'on a insinué au redacteur de n'en plus parler, afin d'endormir la vigilancç du clergé, & de pouvoir éconduire sans
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rcandale tes prêtres qui se préfenteroient.
Le vrai est, autant qu'on peut le conjeétu.
rer & le découvrir par les mouvemens de le niaifon, qu'on est toujours dans les allarme: sur une fanté aussi précieuse, que les crachats font teints, qu'il y a de la toux, quoique fan; fievre, de l'agitation les nuits, pendant lesquel.
les on garde M. de Voltaire, qu'il a aussi de afioupiflemens, qu'il se leve peu, qu'on l'empêche de parler, & que tout annonce un vaiffcau rompu dans la poitrine.
Cependant, on cherche à l'égayer, ou du moins a l'occuper des choses qui lui font les plu3 agréables. C'est ainsi, que M. de la Harpe dimanche dernier lui lisoit un chant de sa Pharsale : il le faisoit avec tant d'emphase, 1 avec des poumons si vigoureux, qu'on l'entcndoit de l'intérieur de la maison & même de la me ; l'espoit d'être couché sur le testament du Papa Grand Homme fait redoubler ce poëte & sa femme de zele & d'assiduité auprès de, lui.
4 Mars 1778. Zyg-Muntowski, cet enfant de sept ans qui joue du violoncelle à étonner les virtuoses les plus difficiles, & qui a paru au concert des amateurs du lundi 16 Février, se fait admirer comme un vrai prodige chez les plus grands Seigneurs où on l'appelle. Il a aussi enchanté la Reine. Tout le monde en le voyant peut juger qu'on n'en impose point sur son âge. 11 est si petit qu'on le place sur une table, il s'assied sur un petit placet de cuir; ion instrument est auili grand que lui, & c'est dans cette attitude qu'il déployé son talent aux yeux de tous les spectateurs.
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Du reste, cet enfant est prématuré en tout: sans être d'une figure jolie, il annonce de l'esprit, & répond avec justesse & finesse même aux questions qu'on lui fait; il parle franqois à se faire entendre à merveille.
4 Mars 1778. Un masque fort extraorditaire qui y la nuit du jeudi gras, a beaucoup 1 parlé à la Reine durant le tems qu'elle a été dans sa loge au bal de l'Opéra , qui a singuliérement rejoui S. M., au point d'être observé de tous les fpeétateurs & de les avoir i intrigués, est encore un problême à résoudre.
Ce masque étoit vêtu comme une poissarde, avec une coëffure déchirée sur la tête & le reste de l'habillement à proportion. Des que la Reine a paru, il est venu au bas de sa loge, & l'a entreprise avec une familiarité singuliere: l'appelant Antoinette & la gourmandant de n'être pas couchée auprès de son mari qui ron- floit en ce moment. 11 a soutenu la conversation, "que tout le monde entendoit, sur ce ton de liberté, il y a mis tant de gaité & d'intérêt, que S. M. pour mieux causer avec lui se baissoit vers lui & lui faisoit presque toucher sa gorge. Après plus d'une demi-heure de propos elle l'a quitté, en convenant qu'elle ne s'étoit jamais tant amusée , & sur ce qu'il lui reprochait de s'en aller, elle lui a promis de revenir ; ce qu'elle a fait. Le fécond entretien a été aussi long & aussi public, & cette farce a fini par l'honneur qu'a eu l'inconnu de baiser la main de la Reine ; familiarité qu'il a prise sans qu'elle s'en foit offenIëe.
Le bruit général est que ce masque était fc
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-Sr. du Gazon, de la comédie françoise; mais on a peine à se le persuader.
S Mars 1778. M. de Voltaire depuis son retour ici aura présenté en peu de tems le contraste le plus philosophique & le plus intéressant.
A son arrivée, il a jouï d'hommages enivrans,.
d'honneurs incroyables, d'une gloire dont il n'y a point d'exemple : on l'a vénéré comme un génie unique, comme un dieu n'ayant rien de commun avec ses semblables ; aujourd'hui il n'est plus qu'un spectacle affligeant pour l'humanité , son corps en a toutes les infirmités, son esprit toutes les foiblesses : comme il ne parle à personne, on ne peut calculer jusqu'à quel point il cft baiiTé, mais on en juge. par les faits dont on va rendre compte.
Dimanche M. de la Harpe, bien loin de soulager le malade, l'ayant extrêmement fatigué par sa déclamation dure & déchirante, & par les observations que M. de Voltaire ne pouvoic s'empêcher de lui faire, le Dodeur Tronchin a défendu qu'on le laissât parler à personne ; en ne fait plus que le montrer à ceux qui viennent ; il prend la main aux uns, leur foulit, & il témoigne aux autres qu'ils, lui déplaisent par des cris affreux..
- Il avoit fait venir de Ferney un jeune homme pour aider le Sr. Vagnieres, son Secrétaire , dans ses écritures. Comme celui-ci n'a plus grande occupation, le maître a renvoyé le premier avec une inhumanité singuliere, & Madame Denis a été obligée de lui fournir, à l'inscu de Ion onde, des secours pour se loger & exiger, Depuis huit jours M. de Voltaire ne vit. que de ptifanne & de bouillon coupé ; ce qui lui
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rend la tête vuide, & lui ôte le peu de forces qui lui restent ; ensorte qu'il a peine à cracher : il a les yeux encore vifs & bons, au point de lire continuellement des brochures qu'on lui envoyé ; mais cette occupation est aujourd'hui :hez lui plus machinale qu'intellectuelle.
On lui a représenté que son état exigeant !u'il fut vallé les nuits; ses domestiques, trop atigués de ce service auquel ils n'étoient pas iccoutumés, ne pouvoient y suffire, qu'il lui allait une garde, il y a consenti, à condition qu'elle feroit jeune & jolie pour le ragaillardir lans son ennui; il en a une de 20 ans, mais lu commencement du carême où nous entrons,.
Ine veut point absolument qu'elle faffe maigre.
Le lundi gras, il s'est confessé, sans prépaation & avec beaucoup de docilité; ce qui de a part est le comble du délire. Voici comment 'elt patte cet événement curieux.
Le clergé, voyant le moment de son triomphe, a tenu conciliabule sur conciliabule, pous irrêter la maniéré de se conduire envers ce :oryphee de ta philosophie; on est convenu t'envoyer d'abord un enfant perdu, un bon îomme, simple, pour tâter le terrein. C'est un tbbé Gauthier, que le Curé de St. Sulpice a JOur cette mission. Il s'est présenté au Marquis ieVillette, qui, sentant le danger de cette viite insidieuse, n'a eu garde d'expulser le prêtre, ta fort bien accueilli & l'a conduit chez M. de Voltaire. Le philosophe est entré en pourparl ers & s'est laissé dégrossir la conscience., Le uré profitant de la voye ouverte est venu peu près,& a eu avec le malade une fécondé conrerfation Il est allé rendre, compte du tout à
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M. l'Archevêque, & l'on est dans l'attente de jour de l'administration. Cependant, le mardi gras & le mercredi des cendres se font écouléi sans que ces Meilleurs aient reparu.
6 Mars 1778. La Chercheuse d'Esprit, cc ballet pantomime dont on a déja parle, a et le plus grand succès dimanche, & continue i N'exécuter avec les mêmes applaudigemens. I est compote de 7 personnages principaux, sa.
voir, Madame Madré riche fermiere (Mlle Peflin; ) Mr. Subtil, Notaire, (le Sr. Despreaux;) M. Narquois, Savant, ( le Sr. Gardel, cadet, ) Nicette, fille de Madame Madrt ( Mlle. Guimard;) Alain, fils de M. Sublil.
(le Sr. Gardel l'aîné; ) f Eveillé, ( le Sr. Dauberval ; ) Finette, ( Mlle. Dorival. )
Tous ces coryphées, distingués par leurs ta., lens pour la Danse, ne brillent pas moins ic par leur intelligence. Cependant on defireroii que Mlle. Allard fit le rôle de Madame Madré , & que le Sr. Gardel l'aîné eut plus de naïveté & de niaiserie : le divertissement qu: termine l'adion devroit être plus court.
7 Mars. Un Sacristain de la paroisse Saim' Nicolas des Champs , l'Abbé de Villeme.
sens, ferme janséniste réfraétaire noté & ne.
veu du fameux qui fit dans (on tems decrétei M. de l'Ecluse, l'ancien curé de cette église M. Dubertrand Vicaire, & cinq autres Prêtre: contumaces, condamnés par des Arrêts flétris sans , & morts de chagrin dans leur exil, ef tombé gravement malade ces jours-ci ; ce qu a fort allarmé le Curé aftuel & tout son cIer.
gé : herreufemer,t l'Abbé Gauthier déjà cité.
Ex.jCuit.e) le bras droit de l'Archevêque &
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pand fanatique, a été chargé de la commit: fion de le convertir & de le confesser ; ce qu'il a fait au point que le moribond a envoye chercher Mrs. de l'Ecluse & Dubertrand en.re existans, leur a demandé pardon , & a fait wne rétradation authentique de ses erreurs. Tous les Molinistes font fous le. charme, & admirent la- puissance vidtorieufe de la grâce.
7 fffars 1778. Comme la vérité est essentielle irfans les moindres détails , & que les plus miirutieux concernant M. de Voltaire acquièrent iie l'importance, par l'intérêt qu'on prend à 'ce grand homme & l'avidité du public à re:eneillir & à s'entretenir de tout ce qui le con.cerne, il faut réformer l'inexaétitude de quelques faits précédens.
Depuis l'allarme donnée dans tout Parie; sur l'accident grave de M. de Voltaire , plusieurs -Prêtres s'étoient déjà présentés chez lui sans.
june forte de succès ; lorsque M. Tronchin, -qui, quoique Protestant, éft fort religieux à èbferver les devoirs de sa profession, se crût \.blig,e de faire cannoître au malade le danger ide son état : afin de mieux' frapper son imagi..
nation, qu'il vouloit ébranler pour s'en rendre .le maître & le réduire au repos absolu dont il savoit befp-in, il se servit d'expressions emphri- .tiques, dont on a vu un échantillon dans le îkutîetîn du Journal de Paris No. 5 1 : il lui dit fntr'autfes choses qu'il devoit toujours voir, :comme Damoclès, une épée suspendue sur fjt -?? ne tenant qu'à un fil. Cette menace répandit la terreur dans l'ame du Philosophe , & : t'est. alors qu'arriva l'Abbé Gauthier.
- Celui-ci était -envoyé par l'Abhé l'Attaignant,
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le fameux chanConnier, vieux pécheur, un des pénitens convertis par cet enthousiaste ; il étoit encore tout radieux d'avoir regagné au giron de l'Eglise l'Abbc de Villemefens. Il entra chez M. de Voltaire tout triomphant, il se jetta à ses genoux, il lui dit qu'il étoit un envoyé de Dieu, qu'il venoit le conjurer de profiter du peu de jours qui lui restoient pour se repentir de ses erreurs, & songer à la grande affaire de son salut. Celui-ci, membre de l'Académie FranGoiCe, Gentilhomme ordinaire du Roi, sur qui le Clergé & la Cour avoient les yeux ouverts, craignant de faire un éclat scandaleux , craignant la mort, affoibli par son hémorragie , par une saignee, par le lit, par une diete austere, encore tout ému de l'effrayant pronoltic de Tronchin, se trouva pris, & se mit en devoir de satisfaire aux ordres du ciel, que ce fanatique lui signifioit d'un ton si imposant.
Cependant le Curé de St. Sulpice, averti de son côté & qui ignoroit la démarche de l'abbé Gauthier, @ arriva & trouva mauvais que l'on l'eût dévancé ; il fit des reproches à l'enthousiaste, à qui M. l'Archevêque a défendu vraisemblablement de mettre la faulx dans la moisson d'autrui : l'Abbé Gauthier n'a pas reparu chez M. de Voltaire, mais le Pasteur est revenu tous les jours jusqu'au vendredi exclusivement, & jeudi surtout il est resté plus de deux heures dans la maison.
M. le Marquis de Villette excédé de voir son hôtel en proye aux gens d'église , & de tous les propos qu'ils occafionnoient dans Paris, ne pouvant faire gauchii le Docteur Tionchia dans
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son avis, imagina avoir recours au Docteur - Ltrry, médecin voyant aisément couleur de ese, petit-maître, homme d'esprit, dont il spéroit plus aisément tirer parti : en effet ceui-ci, plus docile à rassurer M. de Voltaire, ci a dit que sa guérison étoit entre ses mains , pour rallentir l'ardeur des prêtres est con^«iu , non de donner aucune signature qui,le empromît par un avis raisonné, mais de se aifler écrire par le Marquis de Villette un jîlLet qu'on publieroit dans le Journal de Deis, N°. 64, duquel on put s'autoriser afin le répandre l'espoir d'une convalescence pro.-i chaine. Tel en est le deflbus de cartes On • passe sur le différend de M. le Marquis de fillette avec Tronchin , relatif à la fermeté de :elui-ci, sur celle de Madame Denis avec M. le Marquis, aussi à l'occasion du Doéteur Lorry - ppelé sans participation de M. de Voltaire : lutes ces tracasseries de l'intérieur font faites jour y rester. Au surplus, il y a un mieux narqué dans l'état du malade.
8 Mars 1778. Il paroit Troisieme Lettre à m Aini' concernant les affaires de la Librairie.
llle est datée du 6 Février, & son objet est de épondre à la Lettre à un Magistrat, qu'on a nnoncé & dont on a rendu compte dans le ^ms.
8 Mats. Les propos de M. de Voltaire au lodteur Lorry, lors de l'apparition de ce mé- ■ecin, confirment bien que ce philosophe n'a- tit pas la tête à lui toute enti-ere; il fut le fremier à lui apprendre qu'il s'étoit confessé.
l'appercevant que le Doéteur mécréant faisoit - xi fous-rire de pitié , plus que d'approbation.:
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jj Vous me croyez donc hien impie, « conti faae le malade; l'autre, servi par sa mémoir qui lui fournit en ce moment un vers de cita tion heureuse ,. lui répondit : .,.
Vous craignez qu'on l'ignôre & vous en faites gloire - s. Au reste, reprit M. de Voltaire, je n 33 veux pas qu'on jette mon corps à la voirie » Tout œla me déplaît fort, cette Brétraill 33 m'assomme, mais me vbilà entre ses mains.
35 il faut bien que jç m'en tire. Dès que j 33 pourrai être transporté, je m'en Tais ; j'es s, pere que leur zele ne me pourlpivra pas jui Il 39 qu'à Ferney : si j'y avois été, cela ne f ; 3J feroit pas paffé ainsi.
C'est avec cette conversation. qu'il à écon duit M. Lorry , dont l'avis étoit au furplu ; qu'on le fubftant&t .davantage. La nuit du jeuc au vendredi .ayant été bonne , le crachemen r de iling ayant celle, M. Tronchin, toujours ei possession dè la confiance du vieillard , lui 1 permis de manger un œuf : il a fait supprime I les ptifannes, & y a substitué de l'eau & d vin ; ce qui l'a ranimé : les idées dramatique ?
font revenues, & il a renvoyé vendredi Madam Denis sa niece chez M. le Maréchal de Riche lieu, vraifemblablementvpour enjoindre au: < comédiens de s'occuper de sa tragédie , qu'oi auroit enterrée avec lui , car on la dit très 1 froide.. f Tout confidéré. jusqu'ici , ce que le Curé ; : tiré de mieux de M. de Voltaire , ce font, f ce qu'on assure, des aumônes très-abondante i pour les pauvres de sa paroüfe; voilà le rôll '*• î 1
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lu Pasteur fini, à moins qu'il ne revienne queljue crise.
1 Mars 1778. Epitaphe de M. l'Abbé Terrai, :n terre à sa terre de la Motte suivant ses derîkres volontés.
le grand Abbé Terrai, le Dieu de la Finance, L'Etalon des Putains, le Bourreau de la France Est donc enfin trépassé ?
Ce Prêtre a tellement toujours aimé la Cotte Que pour dernier aille il a choili la Motte.
Requiescat in Face.
j Mars. Dès le Vendredi foir , Mr. de.
•luire a soupé avec des œufs brouillés , & le aiemain il s'est mis à table avec tout le wide, mais en robe de chambre, qu'il n'a point uittée depuis qu'il est arrive: la tête est retenue, il a repris sa fermeté , il est resté entmé avec son Secrétaire, & lui a dié beauur de lettres : tout cela fait présumer qu'on l8it trompé sur la nature de l'accident de ce - iejlard, aussi étonnant au physique qu'au mo& que le fang qu'il a rendu ne veneit pas Sa Confession a roulé sur deux points, sur une tractation de ses ouvrages , qu'il a prétenduêtre pas obligé de faire, parce qu'il ne pou:lit désavouer ce qu'il n'avoit jamais avoué, sur sa foi. Les prêtres se vantent qu'à cet ";ar«l il en a donné une profession par écrit * ai est entre les mains de M. l'Archevêque, & ont on dira sans doute comfne Ninon de sa messe à ton amant : le bon billet qu'a la
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Châtre! Les gens de la maison affurent que c ci pour la neuvieme fois de sa vie qu'on le voit l confesser en pareille circonstance.
Quoi qu'il en foit , au lieu de remarque dans la maison la joie que devroit y répandr sa convalescence , on n'y observe qu'une con - fternation générale, & les valets mêmes fem blent honteux de la pusillanimité que leur mai tre vient de montrer. M. le Marquis de Con dorcet , M. d'Alembert & autres Philosophe font venus le gourmander fortement , & lui même demande à tout le monde ce qu'on penf< dans Paris de sa confession ? Son refrein ordinain est qu'il ne vouloit pas que son corps fût jett<
à la voirie.
Cette premiere honte bue il ne parle plus d( partir, & ne fonge qu'à sa tragédie, qu'il veu"faire jouer avant pâques.
9 Mars 1778. Roland a confiamment été suiv: avec des chambres complettes : en 12 repréfen-r tations il a rendu 60,000 livres. On donne i M. Piccini pour ses honoraires 400 livres par représentation.
10 Mars. L'auteur de la troisieme Lettre u un Ami concernant les affaires de la Librairie a réellement fort à cœur de détruire tout l'effet I qu'auroit pu produire la Lettre à un Magijirat dont le ton imposant a étonné & subjugué' beaucoup de leétpl]rs. Son auteur,, fui vaut le critique, panégufte déclaré, infiniment plus effronté que celui du Discours impartial, défendant modestement les Arrêts , & satisfait de calmer les aliarmes trop répandues sur les inconvéniens qu'on y avoit trouvée, ne se. borne pas à l'apologie des nouveaux Réglemens, mais
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1 veut qu'on en fuit entoufiafme; il témoigné" riéme de- l'humeurcontre tant de gens d'auez nauvais goût pour ne pas partager ses tranf-: ports. 14 regarde ces Réglemens comme comjase's dejujlice , de sagesse ; comme une excellente opération d'adminifiratien i comme un chef-d'œuvre de courage fs de vraie justice ; :omme le salut de VImprimerie Françoift, & un gage assuré de sa reconnoissance.
Au relie , il ne trouve -pas les raisonnemens apologétiques de ce prôneur en proportion avec - éloges : autant ceux ci font .ampoulés, autant ceux-là font foibles ; il prétend que Ion adversaire laisse même fuhfifter toutes les preuves lie la premiere Lettre , qui ont paru une démastration à tous ceux -qui les ont lues, & qui ont fixé les idées du public désintéressé.
.Cependant ,- comme auprès de beaucoup de ,gens celui qui parle le dernier a toujours raison, fil ajoute quelques réflexions succinctes à ce qu'il la déjà dit.
Dans cette troifteme Lettre , le critique re,vient en conséquence sur les propriétés littéraires,, sur les privileges, sur les réglemens .concernant la Librairie , sur les contrefaçons, & principalement sur Feffct rétroactif qu'a l'Arrêt à cet égard. On ne peut le suivre dans Ile développement de toute cette marche , 'où dl semblé ne s'écarter jaunis de son ennemi, '! le presser, au contraire , avec acharnement, & I le terrasser toujours de la maniéré ~a plus vidtoi ïieufis.
ii Mars 1778. Les Libraires de province ne font pas restés oisifs, & cherchent à défendre aussi leur cause par des écrits contre les Libraires de
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Paris. On a fait à Lyon des observations sur h première Lettre àun Ami, où l'on trouve beau.
coup plus d'injures que cæ raisonnemens.
Il Mar, 1778. Les partifuris de M. de Voltaire ne pouvant nier sa confession trop ,, répandue dant le public, cherchent aujourd'hui à effacer lef impressions facheuses qui en pourraient résulter, en la faisant envisager comme un acte dérisoire : pour preuve, ils en rapportent cette phrase re.
marquable au Curé l'axhortant à rentrer au giron de l'Eglise : Vous ayez raison, Monsieur le Curé i il faut moûrir dans la religion de fiJ peres, si étais aux bords dit GaRCf:, je VOile drais expirer une queue-de vache à la main.
Mais, outre qu'il est conltant par le témoignage -de tous ceex qjji rentouroient qu'il aroit-réelle.
ment peur, outre gu'on u vu par les différentes adtions qui ont procédé, accom-pagné 6c suivi cet adte, qu'il n'avoit: pas aflei de prélènce d'er.
prit pour jouer alors- la comédie, c'est que cette comédie ferait indigne & d'un homme de génie, & d'un bon citoyen, & d'un honnête homme.
Au reste, l'empressement qu'il a montré, des qu'il -en a -été le maître, pour faire jouer sa tragédie, prouve que sa conversion, si elle a été sincere dans le moment, n'a pas été longue.
Depuis il en a été tellement occupé, il a été si indocile aux avis du docteur Tronchin , que la nuit du dimanche au lundi le crachement de fang est revenu ; il a fallu le remettre de nou- veau à la diete , aux ptifannes & furtput au silence.
Voici sa déclaration de foi: je soussigne u déclare, qu'étant attaqué depuis quatre jours »
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d'un vomissement de fang à l'âge de 84 ans, & n'ayant pu me traîner à l'église , M. le !, Curé de St. Sulpice ayant bien voulu ajouter , à ses bonnes oeuvres celle de m'envoyer M.
l'Abbé Gauthier prêtre, je me fuis confeflfé à lui", & que si Dieu dispose de moi, je meurs , dans la fainte religion Catholique où je fuis , né, espérant de la miséricorde Divine qu'elle J daignera pardonner toutes mes fautes, & que J si j'avois scandalisé l'Eglise , j'en demande , pardon à Dieu & à elle. (Jïgnê) Voltaire , r le z Mars 1778 , dans la maison de M. le Marquis de Villette , en présence de M.
l'Abbé Mignot, mon neveu , & de M. le „ Marquis de Villevieille, mon ami.
Le mardi matin il s'est fait dans le Sallon une répétition de sa tragédie, mais il a eu la ilouleur de n'y pouvoir assister, la toux le fatiuant trop la nuit, on avoit été obligé de le relever, & s'étant recouché, le Médecin avoit exigé qu'il restât au lit & même les rideaux fermés, afin de lui éviter l'envie de parler aux personnes qui feroient dans sa chambre ; mais il faudroit lui lier la langue & il dit toujours quelque chose, Ce qui le fâche le plus, c'est la crainte de .ne pouvoir assister à la premiere représentation, id'Irene. Le Docteur Tronchin s'y oppose, mais .ceux qui s'embarrassent peu des fuites l'encoy'ragent à cette démarche dont il auroit la plus ; grande envie.
Sa rechute lui a fait revenir le desir de s'en aller dès que sa piece aura été jouée & qu'on pourra l'embarquer avec fureté. Preise par ses amis ci ses admirateurs de se fixer à Paris, on
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du moins d'y avoir un domicile, il avoit voult louer l'hôtel que quitte le Comte d'Hérouville fauxbourg St. Honoré. Cet hôtel, qui donnt sur les Champs Elysées , lui convenoit à tou: égards ; outre un jardin magnifique qui y ef attaché , outre un bon air & une vue étendui dont il auroit jouï, il auroit eu la facilité de si dérober au tumulte de sa maison & de Paris & d'aller à pied ou en carrosse se promène: dans le Cours; ce qui lui auroit fait retrouve son habitude d'aller tous les jours, où le tern le permettoit, rêver pendant quelques heure' dans ses bois à Ferney.
La maladie, les tracasseries qu'il a éprouvées & peut-être des ordres supérieurs lui ont ôte: ce projet, qui reviendra sans doute s'il n'y :, point d'obstacle & s'il jouit du triomphe qu'i espere pour sa tragédie. Il a toujours été for capricieux, & l'âge, les infirmités & la flatterie
ne l'ont pas guéri de ce défaut.
12 Mars 1778. Les Remontrances du Parle ment de Paris, à l'occasion de l'Arrêt concernant les Vingtièmes, commencent à se répan dre & ne répondent pas à l'opinion qu'on et avoit, surtout à cause du bruit qui s'étoit ré pandu , que M. d'Epremesnil , dont tout 1< monde connoît les talens , en étoit le rédacteur 1 J Mars. On parle beaucoup d'une avanturf arrivée au Bal de l'Opéra , le mardi gras , qu concerne M. le Comte d'Artois & Madame 1; Duchesse de Bourbon ; elle est si grave, qu'or ne peut la rapporter que lorsqu'elle aura étt constatée indubitablement.
On parle encore d'un Vicomte de la Maillardiere;
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diere, qu'on oblige de se dcbaptifer : autre anture qui exige plus de certitude.
q Mars 1778. On trouve dans la troisieme ttre à un Ami, certaines anecdotes concermt la Librairie , qui la rendent plus curieuse ic les autres : en voici quelques-unes.
Les premiers privilèges furent accordés pour ,;s ouvrages anciens : en 1$07, pour les Épîtres ; St. Paul, traduites 300 ans avant par Def\8ulins" & glosées par un Augustin inconnu : i 1508 , pour les ouvrages de St. Bruno : en iog pour l'impression de Jllaior in Sententias : .1 1 ç 11, pour la Chronique de Sigibert : en ;, ) J 8, pour les ouvrages d'Ange Politien, &c.
,On prétend qu'Erasme fut le premier qui detandât un Privilege pour l'impression de ses urvrages. L'auteur de la Lettre veut qu'Erasme ait demandé en faveur de Jean Froben, pour jus les livres que cet artiste imprimeroit, afin e le protéger contre l'avidité des contrefacteurs.
La vraie cause des Imprimeries étrangères lultipliées aux portes du Royaume, nous venant nos ouvrages, c'est le double avantage belles ont sur les nôtres , en ce que leurs hess ne payent point de droit sur le papier , abriqué chez eux, & qu'ils en payent moins que : tous sur le papier tiré de France.
En France , fous M. d'Aguesseau, jamais on l'a accordé la continuation d'un Privilege qu'à elui qui l'avoit eu , à moins qu'on n'apportât in désistement du propriétaire : en Angleterre, m Ecosse , en Irlande, il est inouï qu'un imprimeur contrefasse l'ouvrage d'un de ses confreres ; l feroit puni comme voleur, & si dans un de les Royaumes on contrefait un livre imprimé
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dans un autre, il ne pénétre point dans celui-e En Hollande , on n'accorde aucun privileg qu'on n'ait envoyé le titre du livre à tous le Libraires, & si quelqu'un le réclame comm lui appartenant précédemment , ii faut que 1 demandeur ou prouve la propriété, ous'accom mode avec l'opposant. En Allemagne-, quoiqu chaque Souverain puisse permettre d'imprimé chez lui , on ne souffre point les contrefaçon d'un ouvrage imprimé chez un autre Princ Allemand. Trattner ayant osé le tenter à Vienne a excité un soulèvement général. Enfin en Ita lie jamais dans le même Etat la contrefaçoi, n'est tolérée, elle n'y est pas même connue..
On y apprend encore qu'il n'y a que 26, Imprimeurs en France, dont la plupart l'em portent de beaucoup en Province sur ceux d< Paris pour la richeITe.
> Pour prouver que si les Arrêts s'exécutent la concurrence achèvera de détruire ce qu'ur reste de gêne conservoit encore; le même cri.
tique cite une Lettre écrite à un Libraire étrange ; par Duplain, fameux pour la contrefaçon, qui 1 craignant de l'exercer, fonge aujourd'hui à mo nopoler sur les manuscrits. Cette Lettre origi.
nale est datée du î Janvier.
„ Comme les Libraires de Paris ( lui dit-il 3, eu ,sard aux nouveaux Régleinens, ne veu.
3, lent plus acquérir de manuferits, je vous offre 53 mes services pour traiter avec les auteurs qui 3, ont le plus de réputation, & vous accaparer 35 les meilleurs manuscrits qui pourront vous pro33 curer les bénéfices les plus considérables. Nous 3, laisserons aux Libraires de ce p lys, les almaj, nachs, les romans infipiJes, les journaux, pour
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niufcr les beaux-esprits de Paris. Sig. PlERRfe 3UPLAIN, COllr dll Coliiiiierce. ID [J Afars 1778. M. de Voltaire a pasle encore i,' mauvaise nuit du mardi au mercredi , il a ! du beaucoup de fang clair qu'on juge être la poitrine. Le doéteur Tronchin lui a r onné le lait d'ànesse : on fait bonne conte: ice dans la maison pour éviter un fecond = landre de la part des prêtres ; mais on est i uiet, & la famille s'y rassemble assiduement .ie desempare pas. Comme il avoit pour usage : refaire ou de revoir son testament tous les , is , afin de contenir les afpirans en haleine , craint que la foule n'en augmente dans ce s-ci , & l'on ne veut pas laisser enlever un .H bon héritage.
iomme il n'y a pas moyen de le rendre doc à l'égard du repos , de la tranquillité &' du nce, on a pris le parti de ne le plus tourinter là-dessus : Madame Vestris est venue vir prendre ses avis sur certains endroits de 'h rôle , mais il n'a pas voulu la voir & il a dit il laissoit ce foin-là à Madame Denis , & sur c qu'on lui représentoit la nécessité d'une réition générale dans sa maison pour lui rendre Mpte à mesure des choses qui méritoient des ervations : pourquoi faire ? a-t-il répondu, oulez-vous que je fulfe venir ici les comédiens pour me jetter de l'eau-bénite ? , Il : it dans sa pusillanimité ce jour-là & ne sembloit Ps se souvenir de sa piece : il déclaroit furut qu'il n'y aflifteroit pas : il renvoya à Malne Denis tous ceux qui lui demandoient des t'ets. L1 veille il n'en devoit distribuer que 24 ; ll st question aujourd'hui de 1 SA : le jour de la
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,r premiere représentation d'Ircne est fixé jusq présent à lundi.
Mlle, la Chevaliere d'Eon est venue hierpc voir M. de Voltaire, & l'arrivée dç. cette si célébré n'a pas excité moins de curiosité c le vieillard qu'elle vilitoit: tous les domestiqu, ou plutôt toute la maison, s'est rangée sur 1 passage pour la contempler; elle avoit 1 honteux en quelque forte , son manchon f( le nez & le regard en-dessous ; elle est rer peu de tems, & l'on a su que sa visite n'éti qu'une fuite de l'invitation que lui avoit fr le Philosophe de lui procurer le plaisir de 1 entrevue.
14 Mars 1778. Jeudi M. de Voltaire cb affaifle, & ceux qui le voient habituellenui l'ont trouvé plus changé en quatre jours qi n'avoit paru l'être en quatre ans. Il disoit à co qui venoient le voir: Voltaire fc meurt ; V taire crache du fang. Il n'avoit pas enctf' commencé le lait d'ànesse & prenoit du c» avec très-peu de lait. La consternation eb extrême dans la maison ; Madame Denis pl-f roit. Cependant, pour en imposer à l'extérien M. & Madame de Villette ont affe&é de É montrer à l'Opéra. -0 L'Académie, instruite de la rechute de membre précieux , a fait une députation ; jour-là-même chez M. de Voltaire, pour * témoigner l'intérêt qu'elle prenoit à son et Elle s'y est rendue dans le carrosse du Prir; 1 de Beauveau, mais n'a pu être admise cheï malade qui reposoit.
Il n'est question que d'Irene, & c'est à i se pourvoira pour allister à la premiere rep1 1
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ntation de cette tragédie. On varioit sur la ace qu'y occuperoit l'auteur. Les uns le mettent dans un fauteuil sur le théâtre, pour que ( public pût le contempler à l'aise : les autres > ii faisoient l'honneur de l'admettre dans la tge de la Reine, où il feroit derriere S. M.
es gens plus fages le plaçoient dans celle des entilshommes de la chambre. Il paroît aujour„ hui impossible que le moribond jouisse de * ; triomphe ; ce qui rallentiroit l'ardeur de uantité de curieux plus empreilés de voir le oëte que sa tragédie, si son état étoit bien.
mftaté & qu'on désespérât de jouir du fpeccle de sa personne.
: 14 Mars 1778. L'anecdote, concernant Ma.¡ .une la Ducheiïe de Bourbon & M. le Comte Artois , fait tant de bruit , est attestée par ,nt de bouches, qu'on ne peut se réfuter a la oire. C'est au Bal du mardi-gras à l'Opéra ue s'est passée l'aventure.
.11 faut savoir avant, qu'une jeune Madame î Canillac , très-jolie personne, attachée lors î son mariage à Madame la Duchesse de ourbon, avoit plu au Prince ; que la Prin:Œe, indignée que son auguste époux eût ainsi ne intrigue fous ses yeux, témoigna son méintentement à Madame de Canillac ; ce qui Jligea celle-ci à se retirer. Depuis elle a plu J Comte d'Artois, & ce Prince, masqué, lui onnoit la main au Bal. Elle fit connoître la ucheffe de Bourbon à S. A. R. qui , la tête n peu chaude de vin, à ce qu'on affure, lui it : „ je vais vous venger, „ & effedivelent entreprit le masque qui conduisoit la Prineffe. C'étoit précisément le beau-frere de Ma*
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itame de Canillac. Il supposa que sa Dam étoit une fille de la plus mauvaise espece, & f lâcha en conséquence en propos outragean; La Duchesse furieuse, ne fachant abfolumen à qui elle avoit affaire, voulut Je voir en le vant la barbe du masque du Comte. Celui-c bouillant de colere , prit le masque de la Du cheffe à deux mains & le lui brifa sur le vifagc Elle avoit reconnu l'Altesse Royale, & croyan ne pas l'être avoit jugé de la prudence de laisse tomber cela. Malheureusement le Comte d'Ar tois s'en est vanté; alors toute la branche d Condé a pris fait & cause, & les Princes on été demander fatisfa&ion au Roi de l'insulte S. M. a répondu que son frere étoitun étourdi mais il n'a encore fait aucune réparation : o qui défoie la Maison. Madame la Duchesse d Bourbon ne fort plus depuis ce tems, & l Prince son époux est allé trouver M. de Mau repas, lui a remis son Mémoire au Roi & lu a ajouté que si S. M. ne jugeoit pas à-propo i de lui donner fat'■ f«dion, il regarderoit o refus comme une permission de la prendre lui même. On ne doute pas que la branche d'Or léans, dont est issue Madame la Duchesse di Bourbon, puifqu'elle est fœur du Duc dl Chartres. n'intervienne au (H.
15 Mars 1778. Un certain intriguant, fil d'un Huissier de Valogne, ayant fait fortune on ne fait comment, avoit voulu s'illustrer & ayant trouvé un pauvre gentilhomme d'uni famille ancienne & connue, en avoit acqui: les titres. Muni de ces pieces il e f} venu à Pari; fois le nom du Vicomte de la Alaillardiere ; il « acheté la Lieutenance de Roi de Picardie : i
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s'est fait présenter à la Cour ; il est monté dans les carrosses du Roi, & a joui de toutes les prérogatives attachées à cette étiquette. En conlequence ayant trouvé un excellent mariage à Faire, le contrat écoit déjà figné par le Roi. Maliieureufement pour lui la Demoiselle s'étant :rouvée incommodée , il a fallu différer la cérénonie. Dans cet intervalle quelqu'un , par laine contre le futur ou par zele pour la famille, a observé aux parens de la jeune personne qu'ils alloient vite en besogne , qu'il couroit des bruits que le prétendu Vicomte étoit un aventurier, un homme de rien. Ces foup10ns ont été si circonstanciés, qu'en effet on fait des informations & l'on a appris des choses si positives, qu'on a remercié le faux Mail■\ lardiere, aujourd'hui la fable de la cour & de la ville.
t~ ltfars 1778. Jeudi, jour où M. de Vol:aire avoit perdu toute sa vivacité, M. le Comte de Villevieille, un familier de la mai1 Ton, un obligé du Philosophe , par zele pour sa personne, & voulant le ranimer avec un emede violent sans doute, mais tel qu'il le iugeoit nécessaire, lui apporta des vers contre Irene. M. de Voltaire les lut & les lui rendit - ans dire mot, sans annoncer aucune fenfibiité ; ce qui déplut aux specTateurs # 1QO affligea, Ha le dé^iuciciit Dicn malade.
Comme Madame la Marquise de Villette, affocke aujourd'hui à la célébrité de M. de Voltaire son Protecteur, joue un grand rôle, & qu'il court beaucoup de relations fausses sur sa naiITance, sa personne & son impatronisation chez le vieillard de Ferney, il est hou
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de constater les détails de cette anecdote d'un façon certaine.
Madame de Villette, de Varicourt en fo nom , est fille d'un Officier des Gardes d Corps, peu à l'aise & ayant douze enfans. :
étoic question de faire Religieuse cette jeun personne, dont la famille n'avoit aucun espos de la marier. Mlle de Varicourt, instruite d la bienfaisance de M. de Voltaire, se servit d fcn esprit pour lui écrire une Lettre très-bie tournée, où elle se plaignoit de son fâcheu destin. Touché de cette Epitre il va trouve .Madame Denis ; il dit qu'il falloit arrache au Diable cette ame qu'on prétendoit donne à Dieu, & il engagea sa niece à proposer à 1 famille de Mlle. de Varicourt de permettre qu celle-ci vint paffer quelque tems à Ferney. L jeune personne s'y est si bien conduite qu'ell.
y a acquis le surnom de Belle & Bonne; CI qui a déterminé M. le Marquis de Villette à ei faire la fortune en l'épousant.
1 ç Mars 1778. Il n'y a pas longtems qu< M. de Voltaire, quoique malade , se méloi encore de l'intérieur de son ménage. Il étoi question d'une couverture qu'il vouloit donne: à sa garde. Le marchand, venu de loin, h laissoit à 17 livres au Philosophe, qui n'er offroit que iç. Celui-ci n'a pas voulu augmenter, Ce ti força le vendeur à Cf. rptirer) ju rant comme un démon qu'on l'ait fait perdre sa peine & son tems. Ces petits détails, indi.
gnes d'être rapportés dans tout autre cas , fer.
vent ici merveilleusement à établir le caractere confiant de ce grand homme, mélange d'opposés si inconcevables !
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Le lait d'ânesse n'a pas réussi le premier jour, l y a eu une consultation de médecins qui ont éterminé de le lui faire quitter. Il est moins lal, les crachats ne font plus que teints, mais abattement est toujours le même. C'est Maame Denis qui veille uniquement au succès e la piece. Il y a eu samedi une répétition énérale où elle a présidé.
M. de Voltaire, sans doute par une fantaisie e malade, vouloit que l'on mit sur l'affiche annonce d'Ircne, au lieu de ces mots facranentaux : Les Comédiens François ordinaires ri Roi. Le Théâtre François donnera, &c.
e Sr. Molé eil venu vendredi de la part de troupe représenter au poëte que ce changent ne dépendoit pas d'eux, mais il n'a j être admis en sa presence, & sa niece s'est largée de lui faire entendre raison.
On étoit curieux de savoir comment M. de oltaire, très-mécontent de l'ingratitude du omte de Morangiés, pour la défense duquel s'étoit si mal-adroitement compromis , rece- oit cet ancien client : on a su qu'il s'étoit éfenté à la porte, mais n'avoit pas été lmis.
16 Mars 1778. Le Roi, craignant les fuites : la vengeance que respiroit la Mairon de mdé & même toutes les branches des Prins du fang, avoit ordonné au Chevalier de ussol, un des Capitaines des Gardes du Comte' Artois, de ne pas le quitter. Ce Prfnce a ifin senti son tort ; il a consenti à faire à adame la Duchefl'e de Bourbon une ripadon convenable, en déclarant qu'il n'avoit mais eu intention de l'insulter, & qu'il ne la
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connoissoit point au Bal. Cette fatisfadion a eu lieu hier à Versailles, en présence de toute la famille Royale d'une part, & des Princes di fang de l'autre. Cet aveu étoit d'autant plUÙJ humiliant, que c'étoit chez Madame Jules d< Polignac, la favorite de la Reine, que le Comtu d'Artois s'étoit vanté de l'insulte, parce qu'i savoit bien que S. M. n'aime pas Madame h Duchesse de Bourbon. ,, 17 Mars. La scene de réconciliation ne po vant avoir lieu à l'égard du Duc de Bouri bon, ce Prince, dans l'entrevue à Versailles It par un geste d'appel a fait connoitre forme - lement son mécontentement au Comte d'A tois. Son Altesse Royale s'est enfin rendue il l'avis de son Conseil, & même aux inunu tions du Chevalier de Cruffol, son Capitaine des Gardes, qui, en lui annonçant l'ordre reqij du Roi, de veiller à la garde de la personn de son Maître, & de ne pas le quitter d'ui instant, ajouta. Mais si avois llionncu d'être le Comte d'Artois , le Chevalier d CruJJbl ne ferait pas vingt-quatre heures moi.Capitaine des Gardes.
Le dimanche ce Prince a fait savoir au Dut de Bourbon, ou par une Lettre ou par ui tiers, qu'il se promèneroit le lundi matin ai Bois de Bologne. Le dernier s'y est rendu de huit heures, mais le premier n'est arrivé qu'if dix. Ils se font ecartés, & feiils ils ont comc mencé un combat en chemise, dont beaucoujo de gens ont été témoins. Il aziuré six minmi tes , & cependant avec tant d'égalité & d'ab dresse, sans doute, qu'il n'y a pas eu un:I goutte de fang répandu. Alors le Chevalier d :
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Crufïol est intervenu, & leur a ordonné de la oart du Roi de se séparer. Ils se font embrases : dans l'après-midi M. le Comte d'Artois :st venu voir Madame la Duchesse de Bourbon.
Pendant le combat on avoit fermé les pores du Bois de Boulogne, mais il étoit déjà empli de monde. Le Duc de Chartres étoit iccupé à tracer un emplacement dans la plaine les Sablons pour une course, lorsqu'on le lui a ppris ; & M. le Duc d'Orleans faisoit une répéti— ! ion de Comédie avec Madame de Monteflbn.
) Cette nouvelle s'est bientôt répandue dans )aris. Madame la Duchesse de Bourbon, qui 1 l'avoit requ personne jusques-là, & faisoit rendre du Suiffe par écrit, contre l'étiquette, i ous les noms de ceux qui venoient, est sortie 1e sa retraite & s'est montrée à la Comédie ranqoife, où tout le fpeftacle l'a applaudie vec des battemens de mains si longs, si gééraux & si marques, qu'elle en a versé des trmes d'attendrissement. Un tel enthousiasme oit surtout s'attribuer au propos de cette AI- {fe au Roi, répandu dans le Public. On ipporte qu'elle a dit à S. M., qu'elle demanoit moins une réparation comme Princesse, ue comme Femme & Citoyenne, dont la plus ifime devoit être respectée partout, & prinipalement fous le masque.
La Reine est venue avec Madame, quelques tinutes après. S. M. n'a été applaudie que )iblement, en comparaison de Madame de ourbon : on a fqu que la Reine avoit déclaré e vouloir pas se mêler de la querelle.
Le Duc de Bourbon & le Prince de Condé snt arrivés à leur tour pour recueillir les hom*
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mages du public. A peine ont-ils paru derriere Madame la Duchesse de Bourbon, que les battemens de mains ont recommencé plus fortement, accompagnés d'exclamations de bravo!
de bravissimo ! qui ont comblé le pere & le fils.
Monsieur a fait peu de sensation, & le Comte d'Artois, arrivé le dernier, n'a recueilli que des battemens de mains de décence, & dont le grand nombre, ne provenant que du parterre , sembloit mandié.
La Reine a témoigné beaucoup d'humeur pendant tout le Speétacle.
La Tragédie finie, M. le Duc de Bourbon s'est transporté à l'Opéra qui duroit encore.r Les claquemens , les bravo ! les bravissimo ! ont repris à ce spectacle, & ont completté la sa.
tisfaétion du Prince.
M. le Duc de Chartres ne s'est pas montré à la Comédie; il craignoit de n'y pas jouer un beau rôle. Le public a été indigné d'apprendre que, depuis l'aventure de sa fœur, il eût continué à vivre avec le Comte d'Artois dans la même intimité, & qu'il se fùt montré en public avec lui à la charte.
On a caractérisé les personnages principaux, figurant dans cette grande scene, par les quatre vers suivans, historiques & sans aucune padie Bourbon se tait & se lamente, L'Epoux menace & se présente; D'Artois se vante & puis mollit; De Chartres rit & s'avilit.
17 Mars 1778. Malgré les éloges outrés, prodigués à M. de Voltaire par les journalises
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: c par ses adulateurs à l'occasion de sa tragé.
je d'Ircne, l'impartialité veut qu'on allure ,ue les deux premiers Aétes ont été reçus vec de sinceres applaudissemens, & font en i: stes femés de beaux traits ; mais que les trois i lerniers absolument vuides font glacials. Il y a ians Penfemble quelques scenes nobles, il y a es morceaux de sensibilité, mais rien de vrainent tragique, rien de cette éloquence vijoureufe dont on trouve tant d'exemples dans )cdipe, Alzire, Mahomet , &c. Qpant au lialogue, il est lâche, diffus, bavard & plein le répétitions. Les caralteres font ce qu'il y a le mieux. On les a trouvé afièz bien frappés, rrais & soutenus; mais il ne se développent ;ueres qu'en paroles, la piece étant presque :out-à-fait dénuée d'action. En un mot, elle le peut que grossir le nombre des dernieres ?ieces médiocres de l'Auteur.
18 Mars. Les Comédiens Italiens donnent lemain la premiere représentation de la Rage f amour, Parodie de Roland, en un aéte en vers & en vaudevilles.
19 Mars 1778. M. le Comte d'Artois est exilé par le Roi à Choisy, & M. le Duc de Bourbon à Chantilly.
19 Mars. On a fait sur la Confession de M.
de Voltaire une Epigramme gaie, attribuée à M. de la Louptiere.
On répand au fil une Chanson en treize couplets , sur les treize Fêtes supprimées , où l'on plaisante avec une grande irrévérence sur les Saints, déjà si maltraités par M. l'Arçhevêque Les voici l'une & l'autre.
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1 Epigramme sur la Confession de M. de Voltaire.
Voltaire & L'Attaignant d'humeur encor gentille Au même Confesseur ont fait le même aveu En tel cas il importe peu Que ce foit à Gauthier (*), que ce foit à Garguille ; Mons Gauthier cependant nous semble bien trouvé, L'honneur de deux cures semblables A bon droit étoit réservé Au Chapelain des Incurables.
4 »
Chanfonfur la Réforme des treize Fêtes : Air de la Madeleine j ou Pour voir un peu corn.
ment fafra.
Je vais vous conter, chers amis, L'article du journal célcfte: Un ange en mes mains l'a remis, C'est un des anges les plus preftesi Il est daté du mercredi, Il l'eût jeudi, vint vendredi, Et me le donna samedi.
Il me dit, j'arrive des cieux: Ah! c'est un bacchanal énorme, On voit mille séditieux Au sujet de cette Réforme.
(*) l'Abbé Gauthier, le Confesseur de M. de Voltaire, a converti l'Abbé de L'Attaignant & est Chapelain des Incurables.
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Les Saints qui s'y trouvent compris, Grands & petits Bis.
Font les Diables en Paradis.
Chez le plus grand des Tout-pu iflans On vit douze Saints d'une bande, Suivis de milliers d'Innocens Faisant tous la même demande : Mathias crie envain, Jésus, Par quel abus Bis.
Paris ne nous fête-t-il plus ?
Les deux Jacques veulent parler, La rage leur ferme la bouche : ils ne peuvent que bredouiller : Après un silence farouche, Ils font réduits à bégayer, A supplier • Bis.
Qu'on change le Calendrier.
Laurent sur son gril attaché Gémit d'un si triste salaire , Barthélémy tout écorché Voudroit que ce fût à refaire : Il jure en jettant les hauts cris Qu'à pareil prix Bis.
Il n'y fera jamais repris.
Que l'on me chomme, dit Alattbieu, Ou pour les humains je ne bougè:
Saint Michel crie au Fils de Dieu, Je veux qu'on me r'écrive en rouge, Moi qui piétinois sur Satan: Monsieur Saint-Jean Bis, A bien sa fête une fois l'an.
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Philippe te judes en courroux, Coadjuteurs en survivance, N'en font plus humbles ni plus doux, Etalent autant d'arrogance.
Chrijlophe, le moins désolé, Dit essouflé Bis.
Je ne ferai point perfifflé.
De Monseigneur pauvre Patron, Gros butor, infâme faux frere , Penses-tu voir longtems ton nom Subsister en gros caraâere?
Seras exclus Bis.
Répliquent mutins en chorus.
Faisons mieux, ne souffrons jamais Que nos noms soient en jours ouvrables; On nous prendroit pour des benets, Nous devons être inébranlables : Chers confreres, pour seul moyen Tenons nous bien Bis.
Et nous pourrons ne perdre rien.
Dans ce tems l'Eternel entra Il demande , qui vous défoie ?
On croiroit être à l'Opéra, On n'entend pas une parole : Au lieu de Saints je vois des Fous, Mais qu'avez-vous Bis.
Pour troubler la paix de chez nous?
Simon commence à pérorer, Et se plaint que Beaumont l'abhorre.
On entend Marcel murmurer
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Martin veut qu'on le déshonore : Un autre accourt tout effaré, C'cft Saint André, Bis.
Jurant comme un défcfpéré.
Saint Thomas dit, sans me vanter, Je crois en bien valoir un autre ; Monsieur Saint Denis va rester Parce qu'il fait le bon Apôtre; Ce Saint, quoique décapité , En vérité.. Bis.
Est le Saint le plus entêté.
Paix ! répond la Divinité, Ou je vous enverrai tous paître; Parce que vous avez été Vous prétendez donc toujours être?
Rien n'et f de toute éternité, La vanité Bis.
Sied mal avec la sainteté.
20 Mars 1778. M. de Voltaire s'étant ex:édé de travail le dimanche, où il avoit travaillé douze heures sans interruption, eut une ort mauvaise nuit, & toutes les louanges que es adulateurs lui prodiguèrent au retour de la :omédie ne purent calmer son fâcheux état.
1 pouvoit s'appliquer cette fameuse sentence l'un pere de l'Egtife, sur la futilité des répuations de tant d'hommes célebres & immor.
:alisés dans ce bas monde, lorsqu'ils brûlent en nfer: Laudantur ubi non funt, Cruciantur ibi flint. L'anecdote, qui l'auroit fait tressaillir de joie s'il n'eut pas été si souffrant, c'é.
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toit le fpettacle de la Reine, le crayon à rmin, semblant écrire les plus beaux vers c la piece. On s'est imaginé que c'étoient furtoi ceux relatifs a Dieu & à la Religion, dont poëte parle avec beaucoup d'édification, t qui fit s'écrier un plaisant : on voit bien qu' a été à confefjc ! Quoi qu'il en foit, on a pn fumé que S. M. vouloit les citer au Roi, poi justifier sur ses vrais sentimens ce coryphée d la Philosophie, si décrié par les Prêtres, si rt doutable au Clergé.
Le mardi & le mercredi le Philosophe n' pas été encore bien : on a refusé tout le mon de, même le Directeur général des finances qui s'étoit dérobé un moment à ses importan tes occupations pour le visiter, même M. 1 Comte d'Argental, ton ami de ço ans, fo: confident, fo., maitre en politique, dont 1 conversation avoit jusques-là charmé le ma lade.
A la fin de la féconde représentatîon d'Ire ne, le Parterre demanda des nouvelles du Poë te, & l'Acteur qui annoncoit, donna des pa roles consolantes.
Le jeudi, M. de Voltaire est ressuscité pou la troilieme fois; il a reçu du monde, en tr'autres le Duc de Praslin; il a acheté de: chevaux & parle de se promener. Il est com.
me les marins, qui pendant la tempête pro.
mettent de ne plus quitter le port & se rembarquent bientôt après : il ne fonge plus à partir, & a peine à s'arracher à ce pays-ci, surtout au moment où l'on l'embaume plus fortement que jamais de l'encens le plus Hat-
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ur, où l'on lui fait accroire que sa tragédie estera au théâtre & fera époque.
20 Mars 1778. Le Doéteur Franklin affeéte Je se montrer de plus en plus. Il est venu mercredi au concert des amateurs, & y a été ipplaudi à tout rompre.
20 Mars 1778. On parle beaucoup d'un Voyage pittoresque de toute la Grece, que se oropofe de donner M. le Marquis de Gouffier, jeune Seigneur passionné pour les Arts. Cette Collection fera très-bien le Pendant du Voyage oitt orcIque d'Italie du Sr. de la Borde.
21 Mars. Les Francs-Maqons remis en vigueur depuis quelques années, & surtout iliuftrés par la persécution de Naples, jouent aujourd'hui un rôle considérable en France , & re font signalés dans les divers evénemens patriotiques. Entre les Loges de cette Capitale celle des Neufs Sœurs tient un rang distingué : comme elle est surtout composée de Gens de Lettres, que le Marquis de Villette est FrancMaçon, & que M. de Voltaire l'est aussi, dans une assemblée tenue le 10 de ce mois, un des membres ( M. de la Dixmerie ) a proposé de boire à la fanté du vieux malade, & a chanté des couplets de sa composition en son honneur. Ensuite il a été arrêté de lui faire une députation pour le féliciter sur son retour à Paris, & lui témoigner l'intérêt que la Loge prenoit à sa conservation. Jusqu'à présent le Philosophe n'avoit pu l'admettre ; enfin le jour est pris pour aujourd'hui 21, & comme ce n'est qu'une tournure afin de voir & de contempler à l'aise cet homme extraordinaire, la députation doit être de 30 Freres.
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22 Mars 1778. Comme M. le Duc de Char tt tres a joué un fort vilain rôle dans l'affaire de).
Princes, on a dit qu'il n'y avoit que lui quv fût forti blessé du combat. On attribue à fonî ambition la neutralité qu'il a gardée. Son defual de figurer dans la Marine lui a fait sacrifier le intérêts de sa fœur. Il disoit pour s'excuser queg Madame la Duchesse de Bourbon n'étoit ni fait fille ni sa femme, & c'est sur ce propos qu'il à?
été refusé au Palais Bourbon loriqu'il est ventm la voir. Ses Courtisans prétendent que le Ro - l'avoit prié de ne pas discontinuer de vivre ère intimité avec le Comte d'Artois, afin de lt ramener à la raison, à l'ordre & aux procédés nécessaires. S. M. craignoit de se compromet.
tre en haranguant son frere, & que la viva.
cité de cette Altesse Royale ne l'obligeât de la punir plus sévérement. Le Monarque atten.
doit davantage des bons offices du compagnon des plaisirs du Comte d'Artois. Le Public, qui ne fait point toutes ces anecdotes, a jugé le Duc de Chartres & l'a blâmé ouvertement ; ensorte qu'il faudra quelque tems pour que ce Prince regagne son affeéHon.
24 Mars. La Rage damour est d'un M.
d'Orvigny , auteur de plusieurs ouvrages du même genre. Celui-ci est très-médiocre.
24 Mars 1778. Lundi 16, jour de la premiere représentation d'Irene, pendant qu'on jouoit cette Tragédie, dès le feccnd aste un messager fut député de la Comédie pour annoncer à M. de Voltaire la faveur qu'elle prenoit : après le 4eme un fecond vint avec ordre de pallier le froid presque général dont on avoit reçu le je. & le 4e. A la fin du 5e,
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'M. Dupuy, le mari de Mlle. Corneille, fut le premier à lui apprendre qu'Irene avoit eu un succès complet.
Un ami entré ensuite trouva M. de Voltaire au lit, écrivant, enflé des éloges qu'il venoit de recevoir, & mettant en ordre sa féconde tragédie d'Agathocle, pour la faire jouer tout .de fuite. Le Philosophe affecta d'abord un grand iegme : il ne répondit au complimenteur auitre chose, sinon; „ ce que vous me dites me „ console, mais ne me guérit pas. , Cependant il voulut savoir quels endroits, quelles tirades , quels vers a voient fait le. plus d'effet, & sur ce qu'on lui cita les morceaux contre le Clergé comme ayant été fort applaudis, il fut enchanté de savoir qu'ils compenferoient la fâclieufe impreHion que sa confession avoit produite dans le public.
Les jours suivans plus de 30 Cordons-bleus étant venus se faire écrire chez lui pour le ! féliciter, l'illusion du succès ne put que s'accroître, & ce qui y mit le comble, ce fut la députation du jeudi 19 de l'Académie Françoife, pour l'affurer de la part que la Compagnie prenoit à son triomphe. Le Poëte fortira d'autant moins de cette agréable erreur, que , pour ne pas la troubler, les Journalistes ont reçu défenses de parler de lui & de sa tragédie, à moins que ce ne foit pour louer.
Depuis ce tems M. de Voltaire ne rêve que tragédie. Outre son Agathocle on affure qu'il en a entrepris une troisieme , & qu'il ne veut plus même s'occuper que de ce genre de travail. 11 a chargé ses emissaires de répandre dans le public sa fatisfaétion, de l'affurer de
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de toute sa reconnoissance, & de sa disposition sincere à venir lui-même faire ses remerciemens au Parterre des que sa fanté le lui permettra.
24. Mars 1778. Les plaidoyeries commencent à s'avancer dans l'affaire du Sr. Damnde contre les freres Queyflat , qu'on a annoncée, & qui attire tout Paris au Palais. Il paroit un premier Mémoire pour le Sr. Damade Belair, ci-devant Négociant à Bordeaux , contre les Srs. Chevalier de Queyssat, Chef d'Escadron au Régiment de Chartres, Froidefont & Fillol de QiieyJJat, Capitaines réformés au Régiment provincial de Marmande.
Il est de Me. Elie de Beaumont, & bien inférieur au plaidoyer de Me. Target dans la même cause. Il n'approche pas de celui d'un M. Jamme, Avosat au Parlement de Toulouse, dont le Factum dans ce procès est un des mieux fait entre tout ce qu'on a vu en pareil genre.
25 Mars 1778. Les Remontrances du Parlement de Paris, pr/èntées au Roi en Février 1778 -, sur r Arrêt du Conseil, du 2 Novembre précédent, concernant les Vingtièmes, font imprimées, avec la Réponse du Roi, & l'on est obligé de convenir de plus en plus qu'elles ne répondent point ni à la majesté du tribunal ni à la grande idée que l'on avoit de l'éloquence du rédaéteur. On voit cependant que la matiere ne manquoit pas au fond ; que la multitude énorme des abus en cette perception, que les grands principes méconnus, at -.
taqués, violés, fournissoient aux Magistrats de quoi déployer une vigueur, une énergie , une
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naleur qu'on trouve dans beaucoup d'autres.
;rics semblables, sur des impôts qui ne font ts d'une importance aussi grande , qui n'inressent pas aussi essentiellement, aussi généJement la Nation. Pourquoi donc ces Reetrances font-elles si mal faites ? C'est qu'il y a plus de nerf dans cette Compagnie ; c'est j'encore abasourdie du coup de massue qu'elle reçu par le Chancelier Maupeou , elle n'ose ..us que tracasser, intriguer, & que ses déarches purement politiques & le résultat feument de la fermentation occasionnée par quelles ambitieux, ne font nullement dirigées ir ce vrai patriotisme qui en devroit être -■ ime.
:zs Mars 1778. M. de Voltaire, ranimé par , m amour-propre exalté au plus haut degré, ;st trouvé en état de monter en voiture le medi : il s'est promené dans Paris, fous prexte d'aller voir la Place de Louis XV ; & s chevaux allant au pas, il a été suivi de :ut le peuple & de beaucoup de curieux; ce 11 lui formoit un cortege & une forte de iomphe.
- Rentré chez lui, il a reçu une députation ; la Loge des Neuf-Sœurs ; elle s'étoit renie à pied au nombre d'environ 40 membres, - dvie de plusieurs carrosses appartenans à quelles Francs-Maçons. C'elt M. de la Lande, Vénérable, qui portoit la parole. Ces Mef; urs font tombés dans une veine henreufe : Vieillard étoit frais, gaillard; le grand air ivoit fortifié. Il a paru très-aimable à l'asanblée. Ne se ressouvenant plus des formu■s, il a affefté de n'avoir jamais été Frere,
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& il a été inscrit de nouveau : il a figné sur 1 champ les constitutions, & a promis d'aller el Loge. M. de la Lande lui ayant nommé suc ceffivement les Freres qui pouvoient en étr connus, il a dit à chacun des choses obligean tes, relatives aux adlions ou aux ouvrages pro pres à les caraétérifer.
L'après-midi l'humeur est revenue : il s'étoi engage de louer un appartement voisin, il n' pas eu de cesse que Madame Denis n'eut fai retirer sa parole. Il a trouve aussi que sa gar de étoit trop jeune; il a dit qu'il avoit de 1 pudeur ; qu'en mettant ses culottes & les ôtant il pouvoit faire voir bien des choses qu'on n devoit pas montrer à une Agnès de cet âge il en a voulu une canonique, & il a aujout d'hui une garde de quarante ans.
Le dimanche il a eu un léger mouvemen de fievre. Le lundi il s'est plaint de sa stran gurie, c'est-à-dire d'une difficulté d'uriner qi: a duré le mardi ; il y avoit de l'enflure ; mai tout cela n'inquiette plus, par la facilité mer veilleuse avec laquelle il se tire des accidens le plus graves.
26 Mars 1778. Le Maréchal Duc de Riche lieu revient de nouveau sur la scene. Il fau se rappeler la succession d'une Madame d Gaya qui, l'an paffé, l'a institué son Légatair universel. On revient contre cet adte, & i paroît : Précis sur le Provisoire pour le Si Jean Charles Dupré Ecuyer, Mineur, procc dant fous l'autorité du Sr. Tabusse, Marchant Bourrelier, son Oncle & son Tuteur, contr Monsieur le Maréchal Duc de Richelieu, Pai de France.
Ce
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Cet écrit est de Me. Boucher, Procureur Parlement, personnage lettré, érudit, qui _:¿jà derme un Essai de traduction de Tacite, "'- ne peut s'empêcher de citer partout cet terien dont il est plein. H en a tiré une graphe pour son Mémoire : Neque heréditait cujus quam adiit ( Cæfar) niji quam ami..
Jâ meruiffit, ignotos & alli-S itifeifios fO..
t: principem nuncupantes procul arccbat. ,
- J.1 est fort recherché à raison du personnage _aqué', & à raison de la piece plaisante &Jeufe contre laquelle on revient, & surtout .- raison - de la singularité du défenseur qui, _cc beaucoup de lumières, de connoissances, savoir & de logique, a l'art merveilleux de --dre ridicules toutes les causes qu'il entreend.
27 Mars 177g. M. le Comte d'Artois & M.
luc de Bourbon ont paru mardi au leve-r du bL Le premier est retourné à Choisy, où étoit stée malade Madame la Comtesse d'Artois. Le ccnd s'est montré le foir à l'Opéra, & a e applaudi à tout rompre, surtout par les mmes.137 Mars. Il paroît un Arrêt du Conseil, en 1te du 27 Février, portant Règlement pour Académie Royak de musique. Le Roi, en î donnant la concession & l'entreprise de l'Ofra à M. de Vif mes du Valgai, en même ans statue sur les droits, prérogatives & poubirs qu'ell-e entend devoir être exercés par 2t Entrepreneur sur les sujets attachés à ce :>e&ade Le détail contient 12 pages zVï-40.
27 Mars 1778. Mrs. de Bellegarde & dç lonthieu, après avoir triomphé tant au Coi;*
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seil qu'au Parlement de Nanci des accufarÍonf.
portées contr'eux, ont demandé & obtenu qiTwjf.
imprimé portant pour titre : Confidàationsfl.}A, la reforme des armes, jugée au Conseil di guerre ajjcmblc à Vhôtel des Invalides, fedt , lupprimé comme injurieux , faux, calomniellb & diffamatoire. En conséquence, Arrêt d Conseil du 6 Mars conforme. Ils se refervett en outre la faculté de rendre plainte contre 1« auteurs & instigateurs dudit Libelle, diftribitt' teurs & colporteurs d'icelui, à conclure coifc tr'eux en telle réparation , dommages & in térêts qu'il appartiendra , & à requérir la jontfr' tion du minillere public pour la vindicte pi blique. Tout le monde fait que cet écrit cor.
tre lequel ils réclament, est de M. le Marque de Saint-Auban, leur adversaire acharné.
Le ftngulier, c'est, qu'il y a environ un a' que ce dernier avoit obtenu un Arrêt du Confe qui fupprimoit les Lettres de Madame de Be/ legarde, à-peu-près par les mêmes motifs.
28 Mars 1778. M. de Voltaire s'est habill jeudi pour la premiere fois depuis son féjou ici, & a fait toilette entiere. 11 avoit un habi rouge doublé d'hermine, une grande perruqu à la Louis XIV, noire, sans poudre, & dan laquelle sa figure amaigrie étoit tellement en terrée qu'on ne découvroit que ses deux yeux brillans comme des escarboucles. Sa tête étoi surmontée d'un bonnet quarré rouge, en form Ge couronne, qui ne femrsloit que posé. 1 avoit à la main une petite canne à bec-de-cor bin , & le public de Paris , qui n'est point ac coutume à le voir dans cet accoutrement, Í beaucoup ri, Ce personnage, singulier en tout;
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,« reut lans doute avoir rien de commun avec j.aaciété ordinaire.
I annonce toujours qu'il ira incessamment Comédie , & il differe par une espece de .j: riatanerie très-utile aux Comédiens & au t: :ès de sa piece qui, par ce moyen, est j^rue avec la même avidité que le premier ,, r. Ses émiiTaires se répandent dans la foule, ément adroitement le bruit, à chaque repré..
Station, que l'Auteur pourroit bien furprendrc c our-là l'airemblée. C'est ainli qu'aujourd'hui itThuilleries étoient encore pleines degroupb de curieux.
,a gaieté de ce vieillard, intarissable, est icenue & les bons mots recommencent à xiler.
i /autre jour Madame de la Villemenue, vieille nuette qui desire encore plaire, a voulu ef..
.er ses charmes surannés sur le Philosophe; Y: s'est présentée à lui dans tout son étalage, éprenant occasion de quelque phrase galante : il lui disoit, & de quelques regards qu'il kioit en même tems sur sa gorge fort décourte : „ comment, s'écria-t-elle, M. de Vol..
taire, est-ce que vous songeriez encore à ces petits coquins-là ? — Petits coquins, reprend avec vivacité le malin vieillard , petits - :oquins, Aladam j ce font bien de grands pendards ! „
aujourd'hui, pendant qu'on attendoit à la médie M. de Voltaire, il étoit à parler poliue avec l'Ex-Miniltre Turgot, & est reste i igtems en conférence avec lui.
lM. le Comte d'Artois, dupe comme les aut ltï de l'arrivée de l'auteur à la Comédie, Ÿ
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est resté une petite demi-heure , & s'en est ail quand il a perdu l'espoir de l'y voir.
29 Mars-1778- Le Sr. Goupil, Inspecteur d Police pour la Librairie, a été arrêté fecrettt ment, il y a près d'un mois, & conduit à 1 Baflille; on dit sa femme à Vincennes. Lei d'étention,très.-ignorée jusqu'à présent, netran pire que depuis peu. On l'attribue à différei tes causes. La plus fÙre & la plus apparente c'est qu'ils faisoient commerce des livres que i mari saisissoit. On accuse en outre celui-ci è profiter du trouble de ceux qu'il arrètoit, d désordre qui s'ensuivoit dans leur domicile, t de l'inquisition que sa charge l'autorisoit e faire, pour voler l'or, l'argent, les bijoux < les effets des détenus.
30 Mars. Avant-hier il y a eu chez Madan de Montesson une répétition, en tout fembh ble à la représentation d'une Piece attribuée cçtte Dame, ayant pour titre : l'Amant n manesque, en cinq astes & en prose, & d'u Opéra comique en trois actes., dont les paroh font d'un M. d'Hele, Anglois, & la mufiqu de Gretry : c'est le Jugement de filir/a Outre beaucoup d'Abbés qui y ont assisté, y avoit en efet, suivant la coutume, des A chevêques & Evêques au nombre de douzi Ces Prélats y font venus avec la même aifancc la même impudence, que s'ils sussent entre dans le Sanctuaire pour y officier. Ils entot roient M. le Duc d'Orléans, & l'un d'eux prêté son manteau pour Midas. Cet exemp autorise M. le Duc de Penthievre, malgré i dévotion, à ne pas manquer un de ces spec tables. Quoiqu'il y ait quelques gravures dar
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A (ecande Pièce; Nosseigneurs ont fait bonne .-reriÀ-nœ & n'ont point été déconcertes.
-?• JlarS 1778. Le premier cahier du JouritL de Bouillon- de cette année est toujours arête, par la complaisance aveugle de M. le arde des Sceaux envers Madame la Fertémbault , la fille de Madame Geofffin, s'ebfinant à le faire proferire f parce qu'en y rend compte des éloges de cette Dame, dont-on a wlé. Comme cet extrait contient près d'une euille d'impression, M. Rouffcau a peine à le changer. C'dl: encore indécis ; les autres paries arrivent régulièrement.
50 Mars 1778. On court de plus en plus aux - plaidoyers de l'affaire de M. Damade. Le premier Président, outre les billets pour les Lanternes, est obligé d'en délivrer pour les nauts sieges vacans à ces audiences. On y comptoit samedi environ 200 femmes de qualité & autant de gens de la cour: C'est Me.
.Gerbier - qui a répliqué pour Mrs. de Queyfiàt, & malgré tout son talent il n'a pu se faire applaudir.
- On commence à plaider la cause du Sr.
Peixetto, Banquier. Aucun bon Avocat n'ayant Volilu défendre le mari, il a été obligé d'en prendre un detestable., & malgré l'intérêt de l'affaire, la salle est vuide. 11. n'en fera pas de même, sans doute, lorsque ledéfenfeur de ia femme plaidera.
31 Mars. UAmant romanesque est une piece qui en vaut cent autres qu'on exécute .à la médie Francoise. Quelques bizarres- qu'en 4wnt' les incidens, le caractère principal une fois- admis.( & ce caràétere, qui n'est plus dans
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jJos moeurs, étoit commun dans l'ancienn Chevalerie, ) ils en découlent naturellemeiu La fable est constituée de forte que, nccei sairement fondée sur lui, elle s'écroule ave lui. Il produit plusieurs feenes, & surtout deu dans le second acte d'un excellent comique très-gaies , & qui contraltent avec les autres tenant beaucoup du larmoyant. Un rôle d Gouverneur, très-naturel & caustique, jette d piquant en plusieurs endroits, & releve ce qu le reste auroit de trop langoureux. 11 y a beau coup d'art dans cet ouvrage : il y regne uni grande intelligence du théâtre : l'intrigue ei ctt simple ; la marche ne s'arrête point : l'in térêt croît d'acte en at"te, & le dénouement e6 tout-à-fait satisfaisant.
Le jeu répond à la piece. Elle est exécutée par Madame de Montesson , des femmes & des hommes de sa cour, représentant avec beau.
.coup d'aisance, de noblesse & d'ensemble. Le rôle de la premiere est un peu jeune pour elle, mais comme il est sérieux & pathétique, & que cette Adtrice a beaucoup de sensibilité, ce dé.
faut est moins remarquable.
L'Opéra-comique est charmant : c'est une nf.
légorie tirée de la fable & adaptée aux querelles qu'excitent en ce moment les diverses musiques. Le Jugement de Jlidas, qui est son titre, indique afiez quel en peut être le fond. Du reste, il est très-gai. Madame de Montesson a reparu encore dans l'exécution, aussi parfaite dans son genre que celle de la premiere piece. Comme celle-ci doit être donnée aux Italiens après pâques, on aura occasion d'y revenir, d'autant mieux qu'il y a à parier qu'elle
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iiira le plus grand succès. La mufiquc est descieuse & pleine de caractère.
31 Mars 1778. Une scene assez plaisante lest passée avant-hier aux Champs Elysees, ou ilutot à la Place de Louis XV , au sujet de VI. de Voltaire. Un charlatan y étoit, cher• hant à vendre de petits livres où il enseignoit les secrets de tours de cartes : „ En voici un , , disoit-il, Messieurs , que j'ai appris à Ferney , j , de ce grand homme qui fait tant de bruit ! , ici, de ce fameux Voltaire notre Maître à M , tous ! „ Quelques gens sensés, qui par haard entendoient le charlatan, trouvèrent l'éoge très-épigrammatique, se mirent à beac:oup rire & l'ont rapporté.
1er. Avril. M. de Voltaire, décidé à jouir lu triomphe qu'on lui promettoit depuis longems, est monté lundi dans son carrosse cou';, eur d'azur, parsemé d'étoiles, peinture bi:arre, qui a fait dire à un plaisant que c'étoit e char de l'empyrée. Il s'est rendu ainsi d'a)ord à l'Académie Françoise, qui tenoit ce our-là son assemblée particulière. Elle étoit ,ompofée de vingt-deux Membres. Aucun des ?rélats, ou Abbés, ou Membres du Corps ccléfiaftique, ses confreres , n'avoit voulu s'y rouver ni adhérer aux délibérations extraordinaires qu'on se proposoit.
i Les seul s Abbés de Boismont & Millot se ont détachés des autres; l'un comme un roué, de la cour, n'ayant que l'extérieur de son état ; ; .'autre comme un cuistre, n'ayant aucune grace 1 espérer, foit de la cour, foit de l'église.
L'Académie est allée au devant de M. de Voltaire pour le recevoir. Il a été conduit du
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'icge du Directeur, que cet Officier & VÀ^ demie l'ont prié d'accepter. On avoit place i
portrait au dessus de son fauteuil. La cornj gnie sans tirer au fort fuivajnt l'usage, a co mencé son travail en le nommant, par acc mation, Diretteur du trimestre d'Avril. Le vie lard étant en train, alloit causer beaucoup, lo qu'on lui a dit qu'on s'intéreffoit trop à sa fat' pour l'écouter , qu'on vouloit le réduire silençe. En effet, M. d'Alembert a rempli séance par la lecture de l'Eloge de DtjjJrcau.
dont il avoit déjà fait part dans une cérémor publique, & où il avoit inféré des choses fh, teufes pour le Philosophe présent.
M. de Voltaire a déliré monter ensuite ch
le Secrétaire de l'Académie, dont le logeme est au-dessus. Il est reste quelque tems chez lu & s'est enfin mis en route pour se rendre à Comédie Françoise. La cour , quelque val qu'elle foit, étoit remplie de monde qui l'a tendoit. Dès que sa voiture unique a paru, (.
s'cft écrié : „ le voilà. Les Savoyards,, les ma chandes de pommes, toute la canaille du qua tier , s'étoient rendus-là, & les acclamation!
vive Voltaire ! ont rétenti pour ne plus fini Le Marquis de Villette, arrivé d'avance, le venu prendre à la defeente de son carrosse, dai lequel il étoit avec le Procureur Clause. Toi I deux lui ont donné le bras & ont eu peine l'arracher de la foule. A son entrée à la Coméd : un monde plus élégant & saisi du véritable et thouiiafme du génie l'a entouré les f.emmc surtout se jettoient sur son passage & l'arrêtoien afin de le mieux contempler. On en a vu s'en presser à toucher- les vêtemens, & quelqiies-un<
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rracher du poil de sa fourrure. M. le Duc de Chartres , n'osant avancer de trop près , quoiue de loin, n'a pas montré moins de-curiosité ue les autres.
Le Saint, ou plutôt le Dieu du jour, devoit ccuper la îoge des Gentilshommes de la cham.
re, en face de celle du Comte d'Artois. Maame Denis, Madame de Villette étoient déjà lacées, & le Parterre étoit dans des convuliions e joie, attendant le moment où le Poète pantroit. On n'a pas eu de celle qu'il ne se fut lis au premier rang auprès des Dames. Alors: n a crié: la Couronne ! & le Comédien Brifardt venu la lui mettre sur la tête : Ah ! T)iciVr nus voulez donc me faire mourir ! s'est écrié [. de Voltaire', pleurant de joie & se réfutant cet honneur. Il a pris cette couronne à la' iain & l'a présentée à Belle Gr Bonne.- Celledilputoit, torique le Prince de Beauveau (Ii." lant le laurier, l'a remis sur la tête du Sophoe, qui n'a pu resister cette fois..
On a joue la piece, plus applaudie que, da- lutume, mais pas autant qu'il l'auroit fallu)ur répondre à ce triomphe. Cependant les: amédiens étoient fort intrigués de ce qu'ils roient, 6c pendant qu'ils délibéroient, la'.
; igédie a fini, la toile est tombée & le tuuîte du Parterre étoit extrême, lorsqu'elle !:st relevée, & l'on a vu un spectacle pareil àl lui de la Centénaire. Le buste de M. de altaire, placé depuis peu dans le foyer de h • )niedie Françoise , avoit été apporté au thcÙJ & éleve sur un piédestal :' tous les Comeens l'entouroient en demi-cercle', des palT es. & des guirlandes à la main. One Cou-
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tonne étoit déjà sur le buste; le bruit des far fares, des tambours, des trompettes avoit an noncé la cérémonie , & Madame Vestris te noit un papier , qu'on a fqu bientôt être de vers, que venoit de composer M. le Marqui de Saint-Marc. Elle les a déclames avec un emphase proportionnée à l'extravagance de 1 scene. Les voici :
Aux yeux de Paris enchanté, Reçois en ce jour un hommage Que confirmera d'âge en âge La sévère postér-ité.
Non , tu n'as pas beioin d'atteindre au noir rivag four jouir des honneurs de l'immortalité r Voltaire, reçois la couronne Que l'on vient de te préfcnter; Il est beau de la mériter, Quand c'est la France qui la donne!
On a crié bis , & l'Actrice a recommenct Après, chacun est allé poser sa guirlande au tour du Buste. Mlle. Fanier , dans une extal fanatique, l'a baisé & tous les autres comt diens ont suivi.
Cette cérémonie fort longue , accompagné de Vivat qui ne cessoient point, la toile s'e encore baillée, & quand on l'a relevée poi jouer Nanine , comédie de M. de Voltaire on a vu son buste à la droite du Théâtre, qi est reste durant toute la représentation.
M. le Comte d'Artois n'a pas osé se mor trer trop ouvertement ; mais instruit , fuivar l'ordre qu'il en avoit donné, dès que M. d .4
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Voltaire feroit à la Comédie , il s'y est rendu ncognito, & l'on croit que dans un moment ù le vieillard est forti & pass'é quelque part, ous prétexte d'un besoin , il a eu l'honneur le voir de plus près cette Altesse Royale & e lui faire sa cour.
Nadine jouée , nouveaux brouhaha , autre mharras pour la modestie du Philosophe ; il toit déjà dans son carrosse & l'on ne vouloit as le laisser partir; on se jettoit sur les cheaux, on les baïsoit, on a entendu même de mnes poètes, s'écrier qu'il falloit les dételer : se mettre à leur place, pour reconduire l'Aollon moderne ; malheurcufement, il ne s'cft as trouve assez d'enthousiastes de bonne vo)nté , & il a enfin eu la liberté de partir , non' ms des Vivat, qu'il a pu entendre encore du ont Royal & même de son hôtel.
Telle a été l'Apothéose de M. de Voltaire, ont Mlle. Clairon avoit donné chez elle un chantillon , il y a quelques années, mais de-' enue un délire plus violent & plus général.
M. de Voltaire , rentré chez lui, a pleuré e nouveau & a protesté modestement que s'il voit prévu qu'on eût fait tant de folies , il 'auroit pas été à la comédie.
Le lendemain , ç'a été chez lui une procef-' 'On de monde , qui est venu successivement lui mouveller en détail les éloges & les faveurs: u'il avoit reçues en chorus la veille ; il n'a a résister à tant d'empressement, de bienveilmee & de gloire, & il s'est décidé sur le hamp à acheter une maison.
1 Avril 1778. Le Prix de la justice & de humanité, brochure de M. de Voltaire, de
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i,,.; qui n'avoit pas encore perce dans ce paiys-ci, y est enfin parvenue. Cest un supplément , rempli d'excellentes réflexions , à joindre à YEfprit des Loix.
3 Avril. Eloge & Pensées de Pascal, nouvelle Edition commentée,, corrigée & augmentée par M. de Ht' Cette autre brochure plus ré-i cente, est encore attribuée à M. de Voltaire.
4 Avril 1778. On voit ici chez un particulier quatre têtes trouvées dans les décombres 4'Herculanum, qu'on regarde comme antiques.
Elles représentent celles de Caton, de Brutus son gendre, de Porcie sa, fille , & de Cicéron.
'Elles font plus petites que nature, d'albâtre
allez bien conservées , ayant leurs draperies modernes en bronze doré d'or moulli, montées sur un socle de marbre noir. Les trois premières têtes ont beaucoup de caradere & font très-ressemblantes aux médailles du tems, auxquelles les antiquaires les ont- comparées. Le Cicéron souffre plus de difficulté. &. n'est pa aussi incontetfablement reconnu des.amateurs.
5 Avril. Me. Gerbier a: continué mercredi la réplique en faveur de Mrs. de Queyffat; ii a été plus applaudi que le premier jour, moim pour le fond des choses, que pour des tOun oratoires très-adroits ; il avoit d'ailleurs eu foin de garnir l'auditoire de bons. Battoirs qu mettaient les autres en train.
Hier Me. Target a répliqué aussi & n'a pas eu besoin de ce secours ; il a mis. le comblé à son triomphe, & l'on est. convenu qu'il n'étoit pas possible de pouffer l'éloquence plus loin.
Me.. Seguier doit porter- là parole le lundi feint,, jour-auquel le parlement va. enfin pro-m
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t:lO"nœr..;, Madame la Duchesse de Chartres- a !
fait demander une lanterne au Premier Préfixent, & ron peut- juger par-là du concours & de l'elpece dauditoire' qu'il y aura..
ç Avril 1778. Les Italiens ont fait hier leur clôture par une petite piece nouvelle à scenes.
tpifodiques & en vers , mêlée de vaudevilles, iiititulée,. les: Adieux de Théâtre..
- ç- Avril. Le- Prix proposé par la Société Economique de- Berne en faveur du meilleur Mémoire concernant un plan complet & dé: taillé- de Législation sur les maçierrs criminel-- i lésfous diffiérens rapports énoncés dans leProgramme, a fait naître- le premier ouvrage de M. deVoltaire qu'on a annoncé.. Il paroît que, non content de fournir des vues & desidées aux tuteurs, il a voulu encore y joindre un encour-agement, & qu'il éft le second: inconnu qui a, ajouté cinquante louis au Prix proposé Son écrit ne contient gueres, comme ilTavoue, que des doutes : il montre beaucoup d'imperfections-,, de défauts, d'abus dans les; diverses Législations ; mais il'ne donne aucunremedè. Il' traite d'une infinité de choses, n'en approfondit aucune-, ne fait encore que les- eifleurer légèrement pour la plupart,. & Y jètter-ce vernis satyrique dont il empreiht, plu?
que jamais, tout: ce qu'il produit On y trouveaussi beaucoup- de rabachage , & de tems en.
tems des élans d'humanité qui font plaisir, de.
quelque part qu'ils viennent ; car le ton de l'auteur est presque toujours ironique, déclamatoire, quelquefois greffier.,. &nercara&érifé;
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pas un Philosophe vraiment affcdé des maux contre lesquels il se récrie.
6 Avril 1778. A travers les diverses formes , à travers tous les voiles dont on a revêtu & enveloppe les Pcnjecs de Pascal, voici ce qu'on a pu démêler de l'Edition annoncée & venue avec l'ouvrage intitulé : Prix de la juflice £ «? de l'humanité.
Tout le monde fait que M. de Voltaire a fait anciennement des Remarques sur les Penfiles de Pascal. Son objet étoit d'atténuer l'esset que pouvoit produire ce livre en faveur de la religion, auprès de ceux à qui en impoferoit le grand nom de son auteur. M. le Marquis de Condorcet, autant qu'on peut le deviner par induction , a trouvé trop foibles quelques raisonnemens jettés au hazard par le premier , & plus propres à donner du ridicule, à faire rire, qu'à détruire les argumens du Philofophe Chrétien, il a jugé à-propos d'y joindre un commentaire, & de le faire précéder d'un Eloge prétendu de Pascal, qui prépareroit la réfutation flbféquente de son livre, & en feroit d'avance la satyre en décriant l'auteur.
Il y a inféré une piece intitulée Réflexions sur rargument de M. Pascal Ee de M. Locke, concernant la pojfbilité d'une autre vie à venir , par M. de Fontenelle, & envoyé le tout au Philosophe de Ferney , qui a fait faire l'Edition en question , non sans y mêler encore d'autres apostilles , qu'il attribue à un fécond Editeur.
On peut assurer que, dans cet état, les Pen.
fees de Pascal, grâces aux foins des annotateurs, font devenues le livre le plus diaboli-
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I tic contre le Christianisme, le plu capable e former des Matérialises, des Déistes , des 1: Ithées ; ce qui étoit vraisemblablement leur tout, qu'ils ont atteint par excellence.
Quant à la Dissertation attribuée à Fontea' :elle , il y a cent contre un à parier qu'elle - l'est pas de cet illustre défunt ; que c'eit un 1 ravestissement fous lequel a voulu se cacher le noderne Secrétaire de l'Académie des Sciences.
t 6 Avril 1778. On s'est rendu avec plus de j rureur encore que de coutume à la Comédie i Francoise pour la clôture , à cause du compliment qu'on s'imaginoit devoir produire une grande sensation. C'cft le Sr. Molé à qui on en attribue la composition & qui l'a débité.
I Il rou'*c sur trois événemens : la mort de le Kain , la Représentation au profit du fang de 9 Corneille, & le Couronnement de M. de Voltaire. On a trouvé beaucoup d'enflure & de galimathias dans le discours de ce Comédien, aussi outré dans son style que dans sa déclamation tragique.
- 6 Avril 1778. Tout est mêlé d'amertume !dans cette vie & le plus beau triomphe est souvent accompagné d'humiliations : c'est ainsi que M. de Voltaire vient d'en éprouver plusieurs,. dont la moindre feroit propre à empoisonner le bonheur d'un homme qui a autant d'amour - propre.
i°. Le jour de son Couronnement, il savoit que la Reine étoit venue à l'Opéra, mais avec i le projet secret de paffer incognito à la Comédie Franqoife & d'y recevoir sans affedation Iles hommages du Nestor de la Littérature; elle ne lui a pas donné cette satisfaction ; un
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assure que dans sa loge elle a reçu un billet qui Fa détournée de son premier dessein ; on prétend même qu'il avoit été rendu en route à Sa Majesté.
i". Son Irène a bien été jouée jeudi dernier à ;.a cour, mais on ne l'a pas fait avertir d'y venir, comme il s'en flattoit, & comme la Reine le lui avoit fait espérer ; mais le jour de la représentation, au débotté du Roi , pendant que S. M. s'habilloit pour le spectacle y on a entendu les courtisans perfides, pour plaire au Monarque qu'on fait ne point aimer M.
de Voltaire, lui dénigrer d'avance la tragédie & prématurer son ennui, qui ne s'est que trop manifesté.
;cr. Enfin, le vieillard de Ferney, qui en se repaissant de la fumée de la gloire, ne néglige: point le solide, & veille à ses affaires en hom-
me qui s'en occupe essentiellement, est allé Fautre jour chez un Procureur au Parlement , nommé Hurea,u , pour lui parler d'un procès dont celui-ci n'avoit plus d'idée. Il a eu le dépit de voir ce suppôt du Palais l'ignorer absolument , le traiter cavaliérement comme un client ordinaire , & l'obliger de décliner son nom , & il a dû juger que ce malheureux praticien vivoit dans une telle indolence, qu'il ne savoit pas feulement que M. de Voltaire fût à Paris. Il est vrai qu'à ce nom de Voltaire il a ouvert les yeux & les oreilles, que toute la.
maison en a bientôt rétenti , & que la rumeur, passant de bouche en bouche le Philosophe en rentrant dans son carrosse , s'est vu assailli de: toute la populace du quartier.
7 Avril 177.8. Oh n'a pas manqué de ftpe
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jne Gravure au sujet du triomphe de M. de Voltaire. On l'a représenté très-ressemblant, lebout j les deux mains sur sa canne. Il a le :hapeau fous le bras , & une couronne de lauier sur son énorme perruque : il est peint avec rérité, mais si ridiculement que cela ressemble wrt à une caricature. On a mis au dessous.
"homme unique à tout âge , expression d'un, certain Abbé de Launay, dans les vers amphigouriques qu'il lui a adreaës le premier sur ion retour , & au bas ceux du Marquis de : -saint-Marc : an a sans doute adapté cette EC: ampe dans la maifort du Philofuphe, car o-n ■,a distribue aux amis.
8 Avril 1778. On fait que M. Necker a lcrit au nom du Roi une Lettre circulaire aux -fntendans de province, pour les obliger de réider dans leurs Départemens refpeétifs, au noins neuf mois de l'année ; un plaisant avoit Jejà exprimé Ion voeu à cet égard dans. tequatrain faisant r Pour notre bonheur sans reIaelle: Envain Louis travaillera , Pendant qu'en loge à- l'opéra Chaque Intendant fera sa tâche.
8 Avril. Me. Linguet cherche aujourd'hui k opposer aux corps de toute espece qu'il s'efi:.- aliénés en les injuriant, celui des Dévots &r des 'Prêtres. Il est singulier de voir comment, par ifes louanges hypocrites , il est parvenu à leirendre l'oracle des benêts de ce parti.. Du. plus loin que M. l'Archevêque voit quelqu'un., & ■fus tout. un Magistrat arriver à Canflans , il.
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s'écrie avez-vous vu Linguet ? On trouve feuille de ce journaliste sur la cheminée d Prélat, à côté de ton Bréviaire , & c'est le 1 vre qu'il savoure le plus après l'Ecriture Sainte c'ert afin d? mieux entretenir cette illusion pn cieufe que l'exile a proposé un Prix pour 1 meilleur Mémoire sur la Mendicité, mais ; veut que le jugement en foit remis à la déci fion des Curés de Paris ; il a adresse en con séquence à ceux-ci une lettre circulaire très mielleuse, & il espère bientôt rattraper au cen tuple , par les souscripteurs que lui procurer; ce stratagême , l'argent qu'il annonce comme consigné chez le Sr. Baron, Notaire.
9 Avril 1778. Lundi dernier on a donne i chez Madame de MonteiTon la Belle Arfaie, opéra comique très-connu sur le Théâtre Ita-
lien , & qui fournit matiere à un Speébcle considérable & à des Ballets extrêmement voluptueux : comme il y avoit sur les billets le mot Répétition , mot sassant la feule différence de cette Représentation avec la véritable, on étoit curieux de voir si les Prélats s'y trouveroient : ils y font venus comme à l'ordinaire , mais en moindre nombre , ils n'étoient que huit ; on y remarquoit entr'autres l'Archevêque de Narbonne & l'Evêque de St. Orner.
Madame Montesson remplissoit le rôle de la Belle Arsene, M. de Caumartin celui d'Alcindor, & différentes Femmes & Seigneurs de cette cour faisoient les autres. Mais les Danses étoient exécutées par ce que l'opéra a de meilleur en Elèves de Terpficore : les Demoiselles Guimard, Heinel, Cécile y brilloient surtout. Le coupjd'œil le plus curieux pour un Philosophe étoit
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;clu des Evêques: tous, la lorgnette à la main v.uroient avec un plaisir qui se manifeftoft us leur phyiîonomie les mouvemens les plus afcifs, les attitudes les plus lubriques des Dane*fes & n'en perdoient rien. Prokpudor ! dans c Carême, aux approches de la Grande Semaine !
9 Avril 1778. On a parodié les vers adrelTés 1 M. de Voltaire par M. de Saint-Marc le jour le son couronnement, & 011 les met'dans la »uçhe de la France. On prétend que cette ioiece est d'un Soldat : Je ne fuis point une infidelle,0 -François! je n'ai qu'un Epoux; L'aimer est mon foin le plus doux Et ma ternireffe est éternelle.
Pour partager mon cœur, il en est trop jaloux.
.J'honore ce savant, sa Gloire est immortelle , Mais quoiqu'il ait pu mériter, La France n'a qu'une Couronne, C'est à Louis qu'elle la donne, Lui seul est fait pour la porter !
10 Avril. On ne fait ce que cela veut dire-, reilà trois ordinaires que le Courier de l'Europe a manqué, ce qui allarme tous les souscripteurs île cette feuille.
10 Avril. Me. Linguet fait courir le bruit dans cette Capitale que les Anglois lui ont offert de le conserver à Londres, en cas de rupture tvec la France , mais qu'en Patriote généreux il a déclaré qu'il se refusoit à leur invitation se passeroit en Suiffe. Ceux qui savent combien il est hypocrite ^menteur & impudent, ne croient rien de tout cela.
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10 Avril 1778. Lundi M. de Voltaire s'e trouvé assez vigoureux pour aller à pied de cht lui à l'Académie, & l'on juge combien il a sa courir de monde après lui.
Mardi matin il s'est rendu à la Loge des Neu Sœurs, suivant la promette qu'il en avoit fai aux Députés. La joie des Freres leur a fait con mettre quelques indiscrétions, en forte que malgré le mystere de ces fortes de cérémonies beaucoup de circonstances de la réception c ce vieillard ont transpiré.
On ne lui a point bandé les yeux, mais 0 avoit élevé deux rideaux à travers lesquels 1 Vénérable l'a interrogé, & après diverses quel tions, sur ce qu'il a fini par lui demander s' promettoit de garder le secret sur tout ce qu': verroit, il a répondu qu'il le juroit, en affuran qu'il ne pouvoit plus tenir à son état d'anxiété En priant qu'on lui fit voir la lumiere, les deu: rideaux se font entr'ouverts tout-à-coup , & ce homme de génie est resté comme étourdi de pompeuses niaiseries de ce fpedacle ; tan l'homme est susceptible de s'en Iaifler impose par la surprise de ses sens ! On a remarqua même que cette premiere stupeur avoit frapp< le Philosophe, au point de lui ôter pendan toute la séance cette pétulance de converfatior qui le caradérife , ces faillies, ces éclairs qu partent si rapidement quand il est dans fofl assiette.
Au Banquet il n'a mangé que quelques cuillerées d'une purée de fèves, à laquelle il s'cft mis pour son crachement de fang, & que lui a indiquée Madame Hébert, l'Intendante des Menus.
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Il s'est' retire de bonne heure, il s'dl: montré" ians l'apl:ès. dînée sur ion balcon au peuple ssemblé -il étoit entre M. le Comte d'Argental fc le Marquis de Thïbouville. Le Codr il est allé :.ir la Belle Arsène chez Madame de Montffon ; il a-retourné hier jeudi à ce Spetflacle , jù l'on -a dû donner en sa faveur une féconde iepréfentation de l'Amant Romanesque & y tindre Nanine.
12 Avril 1778. Les plus cauteleux d'entre -es curés de Paris, assemblés pour délibérer au ijet du .Prix proposé par Me. Lin-guet, dans ân N°. XXI & de sa lettre circulaire du 18 février,ne voulant point s'oppofçr au fanatisme lui rendoit le plus grand nombre engoué de ce journaliste, ont pris la tournure de suggerer que, leur acqtiiefcement.à cet égard ne pouvant tvoir lieu que fous les auspices du Conveme- ment, il falloit d'abord sàvoir s'il le trouveroit bon; les Pasteurs ont en confcq,uence arrêté une Députation vers M. le Npi.r , qui les a ren- voyés à AI. Amelot.
1 J Avril. M. de Voltaire a jouï jeudiau Spectacle de Madame de M.onteHon presque —des mêmes honneurs qu'à la Comédie Frauçoi-.
se, le Couronnement excepté: il a été accueilli de la maniéré la plus flatteuse par toutes les femmes & seigneurs de cette cour distinguée.
M. le Duc de Chartres lui aya-nt accordé la rpermiffion qu'il avoit demandée à S. A. d'aller faire sa cour aux jeunes Princes, M. de Voltaire s'y est rendu samedi matin. Le pere l'a fait in-viter devenir chez lui: il vouloit se tenir debout, unais S. A. l'a forcé de s'asseoir, fous prétexte.
-ij'¡¡ vouloit jouir longnems de su:onvr:Lation.
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Madame la Duchesse de Chartres , qui étoit cnà, core au lit, instruite de lapréfence du vieillard,!
s'est fait habiller promtement & est passée chez Monseigneur: nouvelle confusion du Phi.
lofophe, qui vouloit se jetter aux genoux de la Princesse & y relier : on l'a fait se rasseoir une féconde fois pour l'entendre. Il s'est répandu en i complimens sur les Enfans de leurs Alreffes, &' principalement sur le Duc de Valois ; il a pré.
ndll qu'il ressembloit au Régent.
Tous ces vains honneurs, si propres à cha..
touiller l'amour - propre de M. de Voltaire, excitent de plus en plus la fureur du Clergé ; &, ce carême, diffirens prédicateurs de cette capitale se font permis des sorties violentes contre lui, elles l'auroient peu ému sans celle faite par l'Abbé de Beauregard Ex-Jesuite , prêchant à Versailles devant le Roi. Cet orateur chrétien très-couru, a gémi sur la gloire dont on affectoit de couvrir le chef audacieux d'une secte 1 impie , le deftrudeur de la religion & des mœurs, & a sensiblement désigné le vieillard de Ferney. Celui-ci a jugé que S. M. n'avait' pas désapprouvé cette diatribe évangélique, & que, conséquemment, elle est encore dans le préjugé défavorable qu'on a inspiré au Roi contre lui ; ce qui le défoie en lui ôtant l'espoir d'être jamais accueilli du Monarque.
q Avril 1778. Le bruit court que le Secrétaire d'Etat au Département de Paris a déclaré aux Curés, qu'il avoit pris les ordres de S. \l.
sur leur demande, & que le Roi ne verroic pas de bon œil qu'ils acceptaient aucune commission de la part de Me. Linguet.
14 Avril. C'étoit Me. Falçonnet qui s'étoit
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aiord chargé de défendre par écrit les Sieurs e Queyffat, mais il est décidé que le Mémoire .l'il avoit entrepris pour eux ne paroîtra pas.
in ne fait si c'est par le mécontentement des arties, ou par des tracasseries qu'il a eues avec Le. Gerbier, dont il a été l'adversaire dans le rocès du Duc de Guines, source de tous les aalheurs de cet Avocat.
C'est un Avocat de Bordeaux, Me. Garat, onnu par un Eloge imprimé du Chancelier de Hôpital, qui a composé le Faélum en quef-!..; il est aussi bien qu'il puisse être & défend Jécieufement les assassins.
- Ce Factum est suivi d'une Consultation du inq Avril, où figurent Me. Hardouin , Me.
herbier, &c.
- De l'autre part Me. Target a fait imprimer i Réplique, bon & solide écrit, mais qui ne roduit pas à la ledture la vive sensation qu'il causée au débit.
Me. Elie de Beaumont a présenté aussi des réflexions : on les préféré au gros Mémoire,& ;on y remarque un morceau oratoire très véhément contre Me. Gerbier. L'Ecrivain , après wvoir cité l'exemple de Papinien, que Caracali fit périr pour s'être refusé à le justifier du matricide dont ce Prince s'étoit rendu coupable nvers Geta , ajoute : „ Et nous, lorsqu'un grand nous caresse, lorsqu'une personne en crédit nous recher, che & nous preise, lorsqu'un motif moins , excusable encore vient échauffer nos talens, , avec quelle facilité nous oublions quelque, fois la sainteté de notre Ministere, le plus , beau Ministere qui exjfte sur la terre, celui
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n,, de porter les cris du foible & de TindefcncVa „ aux pieds du trône de la justicé ! Les dépré,, dateurs du trésor public, nous les innocen,, tons, les calomniateurs des citoyens refpecta,, bles qui ont servi noblement le Roi & l'Etat ,, nous les accompagnons, nous les dirigeons „ dans les replis tortueux de leur haine & de „ leur vengeance. Les meurtriers, nous les trans„ formons en héros.
On voit parfaitement ici que l'orateur reproche à Me. Gerbier d'avoir fait réhabiliter Cadet, le Munitionnaire des Vivres du Canada, implique dans le procès des fameux coupables de cette Colonie, moyennant 900,000 livres, qu'il toucha de ce riche voleur public : d'avoir, animé parle Duc d'Aiguillon, soutenu Tort -contre le Duc de Gaines, iors du grand procès de ce dernier ; enfin aujourd'hui de se laisier -aller à Timpulfion du Maréchal de Broglio ce d'autres protecteurs accrédités de Queyflat.
Hier matin l'Avocat Général Séguier a porté la parole, & son plaidoyer a doré quatre heures, ainsi qu'il l'avoit annoncé ; il a été quelquefois applaudi, mais les éloges n'ont pu le dédommager des huées plus violentes dont il a été accueilli en plusieurs endroits. Il a devore ccs humiliations , & a donné les concluions les moins défavorables possibles aux Srs. de Qiieyffat : c'est cette partialité manifeste des le commencement de son difeours qui a révolté le public.
Les Magiftfats font fortis, & après un délibéré de trois heures, est intervenu Arrêt satisfaisant pour le Sieur Damade : comme depuis longtems.
cette Cour n'en avoit rendu un pareil dans des affaires
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.Mires majeures , elle a été singulierement plaudie.
[Ç Avril 1773. Les Concerts Spirituels de te Quinzaine se soutiennent sur le ton diftint b auquel les a montes le Sr. le Gros : outre ccellente Musique qu'on y exécute , les Vir)ses les plus renommés de l'Europe viennent vriller tour à tour. Avant-hier M. le Chevalier ;¡,aff a débuté. Pour donner la plus haute idée son talent, il suffit de citer l'anecdote suinte.
La Princesse de Belmonte Pignatelli de , Naples, protectrice de tous les gens à talens & particulièrement des Musiciens, étant malade & environnée de la Faculté , reçut la visite du fameux Chevalier Raaff. A peine fut-il entré qu'elle le pria de chanter une des ariettes dont son clavecin étoit couveit. Le fort tomba sur une du célébré Hasse, surnommé le Saxon. Pendant tout le tems que dura.
l'Ariette , la fievre dont la Princesse étoit dévorée, cessà totalement. Etonnée d'un langement aussi promt, la Faculté ne trouva i oint de remede aussi propre à la guérison de t malade que le chant du Chevalier Raaff : roilà , Madame, lui dit un des Esculapes, oilà votre véritable Médecin. La sensatiôn que ette Princesse éprouva fut si vive , qu'ayant ppeié Raaff auprès d'elle pour lui donner une larque de sa fatisfadion , elle tira de sa main a plus belle bague, & la mit elle-même au loigt de ce nouvel Amphion. Ce fait rappellera, 'ans doute, aux lecteurs instruits, ce qu'on lit lans l'histoire de l'Académie des Sciences de Paris, au sujet d'un Musicien qui fut guéri d'une
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violente fievre par un Goncert exécuté dans chambre.
1 ç Avril 1778. L'U niverfitc a perdu , le ci ai de ce mois, M. Rivard, ancien Professeur Philosophie au Collège de Beauvais. Ses E e mens de Mathématiques , livre classique, Ot source de tous les progrès que cette science faits dans les collèges depuis un demi fieele "t le germe de tous les ouvrages excellens qui am 'paru depuis en ce genre , rendront son nd immortel dans son Corps. Il étoit Janséniste ., 'meux, & fera sans doute célébré plus dignemeflqu'ici dans la Gazette Ecclésiastique. 1 16 Avril. Mon Apologie , satyre par M. ie Gilbert, est une production nouvelle de ce Poé forcené, qui cause beaucoup de rumeur pari les dévots & de scandale parmi leurs adverfi res. Elle est en dialogue : les interlocuteurs fo Pfaphon, Philosophe du jour, & Gilberc Poète Satyrique.
16 Avril. Voilà le sixieme ordinaire que Courier de l Europe manque ici, ce qui allarn 'tout-à-fait les souscripteurs, & leur donne lie de craindre que notre Gouvernement n'ait pro crit absolument cette Gazette.
17 Avril. M. de Voltaire, après avoir vari beaucoup sur le logement qu'il prendroit Paris, vient enfin d'acheter, à vie sur sa tête < sur celle de Madame Denis, un hôtel rue d Richelieu, en face de celui du Duc de Choifeu Avant de s'y inftaler il compte retourner Ferney, mais il faut que le vent du Nord & 1 froid cessent, & lui permettent de se mettr en route.
On est occupé actuellement à imprimer uni
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, Alitio-i de la séance de ce grand homme à la .uge des Neuf-Sœurs, & l'on doit y joindre ous les vers qu'ont enfantés sur cet événement es Poètes aimables dont abonde cette Loge.
1s se flattent que leur nouveau Frere y joindra lu tIen; il est convenu que c'ctoit la feule maliere dont il pouvoit leur témoigner sa reconîoiffance & son zèle. Jusques-là ces Meilleurs ont fort discrets & ne veulent pas faire part de eurs productions ; voici cependant un couplet lu'on a retenu, comme le plus faillant, d'une .hanson qu'on attribue au Frere la Dixmcric: Au seul nom de l'illustre Frere Tout Maçon triomphe aujourd'hui ; S'il reçoit de nous la lulniere Le monde la reçoit de lui.
17 Avril 1778. Par le prononcé de l'Arrêt tendu lundi, les freres Queyflat font condamnés solidairement en 80,000 liv. de dommages ;& intérêts par forme de réparation civile envers le Sr. Damade ; ce qui entraîne l'obligation de garder prison jusqu'à l'entier accomplissement de cette disposition ; ils font également condamnés --en 300 liv. d'aumônes envers les pauvres de la Paroiflfe de Castillon; il leur est défendu de maltraiter par voie de fait ou par injures le Sr. Damade , & d'approcher de dix lieues de Castillon ou de Bordeaux , à peine de punition corporelle. Le Sr. Damade est déchargé de toute accusation & plaintes, & les freres de Queyflat ne font que mis hors de cour, même sur l'accusation d'anailmat. Permis au Sr. Damade
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de faire imprimer & afficher une certaine qua p tité d'exemplaires de l'Arrêt.
Le Duc de la Trémouille , le Comte de Stau2 ville, le Baron de Vioinefnil, le Comte (j Genlis & nombre de gens de qualité préfenral ont été indignés de voir succomber leur clienaL & l'on a entendu M. de Viomefnil se plaindni de l'Avocat-Général Seguier, qu'il n'avoit p j tenu tout ce qu'il leur avoit promis.
F 18 Avril 1778. M. l'Evêqiie d'Autun , qui a j
feuille des Bénéfices, a fort à cœur d'encouragir la Prédication ; en conséquence il est disposés( verser les graces de l'Eglise sur ceux qui s: j; livreront : il a engagé M. l'Evêque de SeneZ'I¡ comme homme du métier & grand connoisseur à rester ici pour lui rendre témoignage d( onteurs sacrés qui se feront distingués dans 1 chaire durant ce Carême.
18 Avril. Dans la Satyre de JVÏ. Gilbel intitulée Mon Apologie , il y a de la vigueur de l'énergie & de très - beaux vers ; il el dommage que sa critique foit trop générale trop vague ; on lui trouve le défaut rare d n'être pas assez étendue. Il a saisi adroitemen la circonstance du Couronnement de M. d, Voltaire ; & , sans le nommer , l'a désigné à ni pas le méconnoitre. Il en est de même du Du, de Fr v. ; il faut se rappeler qu'il y a dix an ce jeune Seigneur n'ayant pu séduire par foi or & ses carelles une jeune personne qui vivoi • avec sa mere , dans le délire de sa palllor effrénée se rendit coupable de trois crimes à h fois, l'incendie , le rapt & le viol.
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Cependant une vierge aussi fage que belle Un jour à ce Sultan se montra plus rebelle ; Tout l'art des corrupteurs auprès d'elle assîdus, Avoit, pour le servir, fait des crimes perdus.
Pour son plaisir d'un foir, que tout Paris périsse!
Voilà que dans la nuit, de ses fureurs complice , Tandis que la Beauté, vittime de son choix Goûte un chaste sommeil fous la garde des loix, Il arme d'un flambeau ses mains incendiaires, Il court, il livre au feu les toîts héréditaires Qui la voyoient braver son amour oppresseur, Et l'emporte mourante en son char ravideur : Obscur, on l'eût flétri d'une mort légitime; Il est puissant, les loix ont ignoré son crime.
19 Avril 1778. On donne une cause bien tite, bien mesquine , & qu'on ne pourroit oire si le fait ne la confirmait, de la supression du Courier de l'Europe en France. On rétend que c'est à Londres que les envois en int arrêtés ; que le Vicomte de Stormont a presente à S. M. Britannique à son retour , nmbien cette feuille avoit répandu des luiieres dans ce pays-ci sur l'état de la nation ngloife ; combien elle avoit monté toutes 's têtes & même celles du Ministere de Verdlles ; qu'en conséquence le Gouvernement e pouvant faire cesser cette feuille à Londres lême, sans violer la liberté de la presTe , avoit ris le parti d'empêcher , par toutes fortes de
lOyens, qu'elle ne nous parvint directement : - ln ne rend pas encore l'argent, & l'on compte, lit-on, lever les obstacles.
19 Avril 1778. On voit depuis quelque tems
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dans l'Attelier de M. Houdon un Buste de Mo l\
liere, qu'il a fait pour être place au foyer d< la Comédie Franqoife. Il est très-beau , pleir-l de vie & de caractere ; on y reconnoit le coiifo d'œil perçant, le génie observâteur de ce Poëto Philosophe, en même tems cette causticité vigoureuse & énergique qui le rendoit le fiéau des vices & des ridicules.
Le même arrilte vient d'exécuter le Buste de M. de Voltaire, & il a varié son faire fuwi vant le genre de cet autre personnage; il semble que son ciseau tout en feu , en donnant à son ouvrage l'aine de l'auteur , n'ait fait que la revêtir d'une enveloppe légere pour la rendrez palpable aux sens.
La tête la plus curieuse de cet Attelier, par sa nouveauté & la singularité de l'anecdote, c'cft le Buste de Mlle. Life. Il faut se rappeler qu'en 1774 la ville, au lieu de donner des fêtes vaines en l'honneur du mariage de M. le Comte d'Artois , imagina de marier des filles ; de ce nombre étoit Mlle. Life. Lors.
qu'elle se présenta pour se faire inscrire , on lui demanda où étoit son amoureux ? Elle répondit qu'elle n'en avoit point, qu'elle croyoit que la ville foumiffoit de tout, & la ville en effet lui choisit un mari. La figure d'une pa- * reille niaise étoit sans doute à conserver, &,.i c'elt ce qu'a fait M. Houdon : sur cette phY-1 fionomie, dont les traits réguliers font trèspropres à former l'ensemble agréable d'une figure ordinaire , on remarque un je ne fais quoi de caraétéristique qu'on ne trouveroit pas sur, cent mille autres.
zo Avril 1778. Un des traits du Discours de-
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bbc Beauregard , où il a fait son explosion.
ntre M. de Voltaire & Tes partisans, le plus roit est celui où il a peint lu pusillanimité du.
irde des Sceaux qui , redoutant les Philophes, avoit donné défenses de laisser paflfer lïmpreŒon aucune critique de ce Coryphée aidant fort séjour à Paris. M. de Miromesnil.
été si honteux de voir sa foiblesse indirecte- ent dévoilée devant le Roi , que craignant le explication, il s'cft hâté de lever sa défense.
20 Avril. Les avocats qui ne finissent ja- lais de parler & d'écrire, ont encore répandu, ans l'affaire du Sr. Damade des additions aux ivers Mémoires qu'on n'a gueres connus qu'ares l'Arrêt. D'abord ce font des Notes de le. Elle de Beauniont sur un Mémoire pour s Srs. de Qiieyffat, figné Garat : ensuite de ipart de ceux-ci un Résultat des faits & Obhvations importantes par Me. Gerbier; puis Résultat exa8 des faits dans raffaire du Sr.
lamade , de la part de Me. Target ; enfin ;oup d œil sur le crime des Sieurs de Qucyffat, lu même. Cette derniere feuille est excellente , >arce qu'elle est courte, & résume en quatre )ages ce qui est noyé dans les volumineux Faflums précédens. Ces nouveaux semblent noins, au dernier près, publiés pour la juftiication des accusés , que pour celle des déienfeurs ; c'est une guerre d'injures qu'ils se.
font , bien honteuse au Barreau & qui mériteroit l'animadversion de la Justice contre les agresseurs.
20 Avril 1778. Il perce des copies dans le public de la correspondance dont on a parlé entre M. de Voltaire & M. le Curé de St. Sul-
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pice. On en infere que, sur le bruit de la con session de ce grand homme aux pieds de l'Abb Gautier, le Pasteur témoigna de l'humeur a Marquis de Villette de voir s'échapper cett ouaille ; que celui - ci en rendit compte ai malade , qui le 4 Mars à huit heures du matii fit porter une Epitre au curé de St. Sulpice 2V1. de Terfac (c'est le nom du Pasteur) m voulut point être en resté & riposta. Ces dem écrits font précieux & dans le véritable esprit de chacun. On observe , en lisànt la Lettre du Philosophe, qu'il étoit parfaitement revenu à lui , & avoit retrouvé ce ton de persiflage honnête qu'il entend si bien , & dont il n'est pas possible de se fâcher. Mais bien attaqué, bien défendu : le Ministre du Seigneur , sans quitter son costume de gravité , & dans un style admiratif proportionné au personnage, ne le plaisante pas mal en lui disant les vérités dures qu'exige sa fonction.
M. de Voltaire à M. le Curé de Saint Sulpice.
4 Mars 1778.
Monsieur, M. le Marquis de Villette m'a afifuré que si j'avois pris la liberté de m'adresser à vousmême , pour la démarche nécessaire que j'ai faite , vous auriez eu la bonté de quitter vos importantes occupations , pour venir & daigner remplir auprès de moi des fonctions que je n'ai cru convenables qu'à des subalternes, auprès des passagers qui se trouvent dans votre Département.
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M. l'Abbé Gautier avoit commencé pat l'écrire sur le bruit seul de ma maladie ; il :oit venu ensuite s'offrir de lui - même , & tuis fondé à croire que demeurant sur votre aroiffe il venoit de votre part. Je vous regarde, ronfieur, comme un homme du premier ordre e l'Etat ; je fais que vous soulagez les pauvres Il Apôtre , & que vous les faites travailler en sinistre. Plus je refpeéte votre personne & otre état , plus j'ai craint d'abuser de vos xtrêmes bontés. Je n'ai confidéré que ce que = dois à votre naissance, à votre ministere & à otre mérite. Vous êtes un General à qui j'ai emandé un Soldat. Je vous supplie de me ordonner d'avoir ignoré la condescendance vec laquelle vous feriez descendu jusqu'à moi : jardonnez - moi aussi l'importunité de cette ettre , elle n'exige pas l'embarras d'une rélonfe ; votre tems est trop précieux.
J'ai l'honneur d'être, &c.
Cette Lettre , apportée à huit heures du matin M. le Curé de St. Sulpice , il y a répondu luffitôt & par le même commissionnaire.
Réponje de M. le Curé de St. Sulpice à M. de Voltaire.
Tous mes Paroissiens, Monsieur , ont droit t mes foins , que la nécessité feule me fait parcager avec mes coopérateurs ; mais quelqu'un, :omme Monsieur de Voltaire , est fait pour attirer toute mon attention. Sa célébrité, qui fixe sur lui les yeux de la capitale de la France
& même de l'Europe, est bien digne de la foUi.
citude pastorale d'un Curé.
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La démarche que vous avez faite n'étoit nécessaire qu'autant qu'elle pouvoit vous être utile & consolante, dans le danger de votre maladie : mon Ministere ayant pour objet le vrai bonheur de l'homme, en tournant à son profit les miseres inséparables de sa condition , & en dissîpant par la foi les ténebres qui offuf.
quent sa raison & le bornent dans le cercle étroit de cette vie : jugez avec quel etlpreffenrent je dois l'offrir à l'homme le plus distingué par ses talens, dont l'exemple feroit seul des milliers d'heureux , & peut-être l'époque la plus intéressante aux mœurs, à la religion & à tous les vrais principes , sans lesquels la société ne fera jamais qu'un assemblage de malheureux insensés , divisés par leurs paillons & tourmentés par leurs remords.
Je fais que vous êtes bienfaisant , si vous me permettez de vous entretenir quelquefois, j'espere que vous conviendrez qu'en adoptant parfaitement la sublime Philosophie de l'Evangile , vous pourriez-faire le plus grand bien , & ajouter à la gloire d'avoir porté l'esprit humain au plus haut degré de ses connoissancés , le mérite de la vertu la plus sincere , dont la sagesse Divine , revêtue de notre nature , nous a domré la juste idie & fournit le parfait modele que nous ne pouvons trouver ailleurs.
Vous me comblez de choses obligeantes que vous voulez bien me dire & que je ne mérite pas; il feroit au-dessus de mes forces d'y répondre en me mettant au nombre des savans & des gens d'esprit, qui vous portent avec tant d'empreflcmefit leurs tributs & leurs hommages : pour moi , je n?ai à vous offrir que le vu de
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otre solide bonheur , & la sincérité des fenti- lens avec lesquels j'ai l'honneur d'être , &c.
21 AvriL 1778. On voit encore dans l'attelier e M. Houdon une Nayade annoncée dans le vret du Sallon dernier , mais qui n'avoit pu y tre exposée ; elle est d'une grandeur naturelle.
Ile tient une urne fous son bras gauche , & ;mble appliquée à la fonction que doit remplir ne pareille Divinité; l'on ne peut gueres y éfirer qu'une figure fwelte, un ciseau pur, ne draperie légere, & des graces très-simples; leil tout ce que rassemble cette figure. L'Ariste , qui a de l'invention , l'a plus particulièrerient caradérifee en la disposant de façon que „ ilacée dans une salle à manger , dans une salle le bain ou fous un portique, recevant de Peau )ar un tuyau disposé derriere elle, elle peut la erfer sans relâche dans une couche au-dessous , k remplir ainsi sa destination suivant la fable.
M. Houdon n'avoit pu annoncer pour le ballon de 1777 une Diane dans un genre difféent de celle de M. Allégrain , dont on a "endu compte, & qui ne mérite pas moins les îommages des amateurs aujourd'hui qu'elle est Ànie : elle est en chasseresse , le carquois sur ['épaule gauche & tenant un arc de la mairt droite ; elle a un pied en l'air, & suspendue sur la pointe de l'autre, il semble qu'elle aille voler ; c'est la Camille de Virgile. Il est dommage que cette attitude presque céleste , trèsbien exécutée en plâtre, ne puisse s'accommoder de la pesanteur du marbre. Le Sculpteur fera obligé de l'appuyer contre un roseau, & ètera de la forte à la figure son extrême légerété. Las tcte est traitée suivant la fonction que donna-
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l'Artiste à la Déesse ; c'est une beauté sévere qui n'a point encore senti l'amour, & ne s'occupe que de la guerre qu'elle va faire aux animaux des forêts.
L'Ecorché est une troisieme figure qu'on voit chez M. Houdon, & dont le nom annonce assez le fpe&acle effrayant : c'est un morceau d'anatomie si savamment traite, que plusieurs Académies étrangères ont voulu l'avoir dans leur salle d'étude.
Tout caractérise dans M. Houdon l'homme de génie , qui joint à une riche imagination une grande variété , une hardieÍfe sublime ; cependant , M. le Comte d'Angiviller ne l'a encore fait charger par le Roi d'aucun des ou.
vrages commandés pour S. M.
22 Avril 1778. JVÏ. de Vismes commence son administration de l'opéra par des innovations dont il espere tirer un plus grand profit; c'est ainsi qu'il vient de faire garnir tout le tour des loges en glaces , pour qu'on puisse voir le Spedtacle des corridors , & pour empêcher le froid qu'occafionnoit la levée des lorgnettes aux perronnes qui étoient dans les loges.
Il a fait construire aussi de chaque côté de l'orchestre un banc pour des abonnés.
Il prétend avoir trouvé le moyen d'augmenter la clarté de la salle & d'y procurer infiniment plus de lumiere.
Il a surmonté les difficultés que faisoient les Bouffons pour venir ici ; mais il n'a pu les avoir encore tous en ce moment.
Tous les amateurs de ce Spectacle ont les yeux fixés sur son administration ; il doit commencer à s'ouvrir dès lundi.
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q Avril 1778. Le Théâtre lyrique doit faire on ouverture par une nouveauté , intitulée les rois âges de la Mujlqut. On a pour but dans ;ette espece-de Prologue relatif aux circonfances , de peindre les époques intéressantes le cet art en France , dont les coryphées font Lully, Rameau & Gluk. On attribue les paroles au Sr. Alphonse de Vismes , frere du nouveau Direéteur; la musique est du Sr. Gretry.
24 Avril. M. de Voltaire , qui se pique de remplir toutes les bienséances de la société fcrupllleufement, n'est pas moins exaét à rendre les vilites , qu'à faire réponse aux lettres qu'il reçoit ; depuis qu'il est rétabli parfaitement, il a beaucoup été ; il a surtout employé la quinzaine de pâques à rendre les devoirs aux Princes & Grands du Royaume qui font venus l'admirer ;j il est allé aussi chez les particuliers & n'a pas même dédaigné de se traniporter chez les plus célébrés Laïs du jour, c'est ainsi que le samedi saint on l'a vu chez Mlle. Arnoux.
Le mercredi 22 les Comédiens François étant assemblés pour le répertoire de la semaine de l'ouverture , ont été surpris agréablement de voir arriver chez eux le vieux malade , qui les a comblés de remerciemens pour les foins qu'ils se font donnés afin d'accélérer la représentation d'Irene & de la faire goûter du public. Il leur a dit qu'étant sur le point de faire un voyage de deux mois à Ferney , il emportoit les manuferits de sa tragédie d'Agatode & de la Comédie du droit du Seigneur, pour y faire des changemens nécessaires. Quant à la derniere, elle a été jouée en 1762 fous le titre dçUEçueil
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liu Juge. Elle est médiocre, on dit qu'il veut la réduire en trois actes.
24 Avril 1778. Le Babillard est une feuille 1 nouvelle de cette année , dont le principal au- 11 teur est le Chevalier de Rutlidge ; elle est dans 11 le goût du Speflateur , mais très-médiocre &. > ne peut aller loin.
2s Avril. Me. Linguet ayant écrit à M. le 1 Comte de Vergennes pour lui demander un 11 paffe-port & traverser la France en se rendant ir en Suiffe , ce Ministre lui a répondu qu'il n'y ( avoic aucun ordre décerné contre lui, & qu'il li étoit le maître d'aller où il voudroit.
26 Avril 1778. On vient d'imprimer par a extraordinaire le discours tant exalté qu'a pro-. noncé l'Archevêque de Lyon à la rentrée du s Parlement le 12 Novembre dernier. Quoiqu'on 1 ait affecté dans le Journal de Paris de publier * qu'il n'étoit point exact & de s'en défier , le& partisans du Prélat affurent que c'est une tournure prise pour empêcher de croire qu'il fait.
participant de l'impression. En effet ce morceau oratoire extrêmement long pour la circonstance, ne peut que déplaire infiniment au Clergé, par les éloges dont l'orateur comble les Magistrats. Mais en ne prenant les louanges.
qu'il leur donne que comme une indication de ce qu'ils devroient être , c'est une excellente.
exhortation. L'endroit qui déplaît le plus par une adulation outrée envers un personnage non moins désagréable au public qu'à Ion corps : c'est le portrait magnifique de M.
d'A * * * , mais portrait malheureusement peu ressemblant.
Du reste > ce discours abrégé, rapide de
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hiltoire du Parlement, tableau brillant de ses mdions & de ses devoirs , est écrit d'un style roportiionné aU' genre , nerveux , noble & uelquefois fubKme : c'eit vraisemblablement le leilleur & le plus intéressant qui ait jamais été rononcé en pareille circonstance.
27 Avril. M. Linguet profitant de la lierté d'aller & de venir qu'il prétendoit avoir ■erdue , & que le ministre l'a assuré ne lui avoir tmais été , est venu , dit-on , à Paris & y étoit .* 24. Il a vu ses amis ; il a ranimé son parti ar sa. présence ; il a sollicité ses protecteurs , : a surtout fait tressaillir de joie le Clergé y ui envisage en lui son defenseur & un coryphée e la foi. On prétend même qu'il a eu l'honeur de rendre ses devoirs à M. l'Archevêque e Paris.
27 Avril 1778. M. de Voltaire avoit annoncé on départ pour Ferney , & il devoit se mettre n route le lundi de Ôuajimodo qui est aujouri'hui. Mais Madame Ta Marquise de Villette ient de faire une fausse couche , & l'on ne roit pas qu'il abandonne sa chere Belle fef Honne dans une pareille circonstance. Cet évéîement est d'autant plus fâcheux, qu'il devoit iroduire une scene intércŒwte & curieuse , le pedacle du Philulophe à l'Eglise, parrain de 'Enfant & donnant enfin une ame à Dieu, iprès en avoir tant donne au Diable.
28 Avril. Une foule immense s'elt rendue nier à l'Opéra, moins pour l'Acte nouveau dont on avoit peu d'opinion; que pour examinerles prétendues améliorations de la salle & de& différentes parties de l'ensemble du Spectacle.
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Tout a été impitoyablement critiqué , blâ 1 mé , hué.
D'abord on a trouvé très-mauvais qu'on eu i imaginé de retirer le lustre fait pour éclaire i l'Amphithéâtre , le Paradis & les Loes de c< côté-là pendant le spectacle , fous pretexte dt porter toute la maffc de la lumiere sur la scene indépendamment de l'inconvénient qui en ré-i fuite pour les fpeétateurs de cette partie qui ; ayant le livre des paroles , npeuvent en faire!
ulage , il en eit un plus grand pour les femmes; qui venant moins à l'Opéra pour y voir que pour y être vues, restent ainsi dans l'obscurité, & pour tant d'hommes frivoles , oilifs & plus curieux de braquer leur lorgnette tur les jolis minois qu'ils découvrent que sur les actrices qu'ils savent par cœur.
Les lorgnettes des loges , quoi qu'aggrandies, mises en verres de Bohême , au lieu de bois , n'ont pas plus d'avantage : JO. aux gens des loges qui, continuellement observées par cette substitution , ne peuvent faire ce qu'ils voudroient quelquefois : 2°. pour les amateurs roulant dans les corridors , auxquels ces verres interceptent le son. Mais le reculement de l'avant-scene pour ménager quelques loges de plus & une quantité de places dans l'orchestre, a produit surtout le plus mauvais effet , en ce que le son des instrumens ne venant plus frapper directement contre un ceintre en bois qui le repercucoit, se perd dans le vague de la scene ; en ce que loin d'en augmenter le nombre le Sr. de Vismes , par un esprit d'économie mal entendu , l'ayant diminué , on s'apperçoit mieux de la suppression : en ce qu'enfin les
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ldeurs se trouvant ainsi plus éloignés du pu)lic , leurs voix , déjà très-foibles , ne s'enendentplus.
Ce défaut, le plus sensible & le plusfunefte, :st malheureusement le plus difficile à rcparer, i ne peut gueres se corriger que dans un tems .- le vacances.
28 Avril f778. Il faut se rappeler les Renontranc s présentées au Roi par la cour des lides en Mai 177-5 : elles parurent si fortes dors, que S. M. ne jugea pas à propos de les lifcuter , & n'y répondit que vaguement , qu'elle fit surtout à cette Cour la dcfenfe la )lus sévere de les laiiTer paroître, & ordonna ju'on lui en remît la minute. Il en elt , sans toute , reste une copie , car elles font enfin mprimées ; elles font datées du 6 Mai 1779 < ont 1S0 pages , indépendamment de deux acunes qu'on y remarque. Il est peu de pieces le cette efpcce qui méritent autant d'attention; ;'est un résume de l'état aétuel de la Nation , les empiétemens du Mirnftere, & des moyens ju'il y auroit à prendre pour le soulagement les peuples , & rendre aux loix & à la confitution de l'Etat leur activite. C'est un ouvrage )ien digne du Magistrat éloquent auquel on attribue , qui, élevé depuis au Ministere , & le pouvant effeétuer les grandes vues qu'il y ettoit pour le bien public , a bientôt abanlonné une place où il auroit perdu sa gloire & )eut-être sa vertu.
29 Avril 1778. Les trois âges de l'Opéra nou-
)eau , Prologue en un aéte exécuté lundi à 'Opéra, a été fort mal reçu : ce n'est point assez gai pour un Opéra Bouffon, & c'est trop
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grâve pour un Intermede. Les paroles d'ailleurs font on ne peut moins lyriques & très-médiocres , au fond : le mélange de toutes ces Mu.
fiques des trois auteurs est un pot-pourri détellable. Le nouveau Direéteur a débuté on ne i peut plus mal.
29 Avril. Les séances publiques de l'Académie des Sciences font toujours très nombreuses ; il y a même souvent des étrangères illustres & des virtuoses en femmes du premier ordre ; mais le gros des fpeétdteurs ne consiste guere qu'en savans obscurs , en élevés des maîtres dans tous les genres de sciences dont est composée l'Académie. Cette fois-ci c'étoit un monde différent , tout ce que la Beauté a de plus séduisant parmi le sexe, tout ce que la Cour a de plus frivole en hommes aimables, tout ce que la Littérature a de plus élégant & de plus recherché , s'étoit emparé de la salle.
La Géométrie , l'Astronomie , la Méchanique, l'Anatomie , la Chymie , la Botanique se font trouvées exclues , pour ainsi dire; de leur sanctuaire par les Mufes & les Grâces. C'est le cortege que traîne toujours à sa fuite M. de Voltaire, & l'on savoit qu'il devoit ce jour-là jouïr en ce lieu d'un autre triomphe , d'une l, fécondé Apothéose. En effet, à peine a-t-il paru , que les acclamations & les battement de mains se font fait entendre de la faqon la il plus bruyante; & quoiqu'il ne foit pas mem-.r bre de l'Académie , le vœu général de MM. a s été que ce Philosophe prît place parmi les s: Honoraires. On y avoit déjà vu M. Franklin,
mais la réunion des deux vieillards qui se font si çmbraffés aux yeux de l'affemblce, a produit
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ie sensation nouvelle , & les brouhaha ont pris plus vivement. Le tumulte ayant celle , Secrétaire a commencé , & l'on a lu ditferens loges & Mémoires.
30 Avril 1778- La Cour des Aides , les Chaînes assemblées hier, a suivant la coutume requ plainte des Gens du Roi , qui, en apportant la Cour un exemplaire des Remontrances mt on a parlé , ont dit que, tout imparfait j'étoit cet imprimé & accompagné de notes je l'editeur avoit eu la témérité de joindre ixdites Remontrances , il ne pourroit manquer 2 faire sensation dans le public ; qu'il conçoit des objets qui ne devoient jamais être :pandus par la voie de l'impression ; que la our avoit même pris les plus grandes prétutions pour en empêcher la publicité ; que étoit manquer au respect dû au Roi & à l'au)rite de la Cour ; qu'ils se propofoient de faire es recherches particulières pour découvrir les uteurs de cette contravention , pourquoi ils en equéroient la suppression : Arrêt en conséquence m du sur le champ.
En général , le Gouvernement est fort piqué e la publicité des Remontrances de la Cour es Aides , servant de Supplément à celles du arlement sur la matiere des Impôts, & trèsropres à éveiller la vigilance des Cours , à blairer les peuples sur leurs' droits & leurs îtérêts , & à déconcerter les niefures que M.
tecker se disposoit à suivre d'après les erremens tu dernier Ministere de Louis XV.
lo Avril 1778. Le projet de la ville de dénolir la porte Saint-Antoine commence à exécuter ; on fait qu'outre ce travail il est
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question de combler les fossés, d'aligner le rempart, de tracer une rue nouvelle, depuis le centre de la place nouvelle du faubourg Saint Antoine jusques à l'entrée de la rue baffe du Temple, formée derriere les cassés ; &, du bénésice qui doit résulter à la ville de la vente de tant de terreins , de @ construire sur le rempart une chauffée de pave.
Enfin M. de la Michaudiere, le Prévôt des Marchands aduel , sur le point d'être remplacé par M. de Blaire de Boifemont, semble vouloir signaler sa retraite par une foule d'entreprises pour l'amélioration & la décoration de la capitale : il vient aussi de faire commencer à , aligner , élargir & applanir une petite rue de l'égoût, empêchant la projeétion de celles de Saint-Louis , une des plus vastes & des plus droites de Paris, qui aboutira ainsi directement à la rue Saint-Antoine.
ier. Mai 1778. Trois époques principales paroissent devoir diviser l'Opéra quant aux différentes formes de la composition musicale : i". Lully a été parmi nous le fondateur de ce fpeétacle, & de concert avec l'inimitable Qiiirrault, en a réglé l'enfcmble & l'a partagé en scenes & en divertissemens.
2°. Rameau lui a donné un plus grand essor , par la profondeur de la science , la beauté de ses chœurs , & la perfection de ses airs de danse.
3°. Le Chevalier- Gluk vient d'y produire une révolution plus éclatante encore & plus marquée , en donnant à la composition de ses Opéra un mouvement tragique qui n'avoit pas encore été employé.
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Voilà ce qu'a voulu exprimer le sieur AIhonfe de VaInes, l'auteur des paroles du hologue des trois âges de l'Opéra, suivant son vertissement qui les précede, où il fait de rès-humbles exeufes à M. Piccini de n'avoir iu l'infcrer dans son Apothéose : il cherche à s dédommager de cette omission par des élaes ; il le désigne comme un aimable Génie mi vient de transporter sur notre Théâtre ijrique les grâces de l'Italie , & de nous eniellir de beautés non moins intéressantes hors le laIcene que sur la scene même.
Quoique les principaux rôles de ce nouveau peiftacle dussent être exécutés par les grands cteurs, le Sr. le Gros & les Demoiselles le lasseur & la Guerre ont cru prudent de s'en lifpenfer pour le début; ils ont voulu laisser ffuyer aux doublures les premiers brocards & mees du Parterre qu'ils prévoioient.
2 Mai 1778. La porte Saint Antoine est un nonument érigé en iç8> ■> qui a été restauré k enrichi d'une nouvelle architecture du defin du fameux François Blondel en 1670 ; on y conferva les fleurs & bas reliefs, dont Jean Soujon, fameux Sculpteur, l'avoit ornée : Blondel y ajouta des figures & bas-reliefs de la main de Michel Augier.
La ville est occupée, en démolissant la porte Saint Antoine, du foin de conserver au public la vue de ces excellens ouvrages ; cependant on assure que M. le Duc de Chartres veut les acheter,pour les placer vraisemblablement dans sa maison de Mousseau; ce qui remplira en partie le même objet.
z Mai. Lundi dernier 17 Avril M. de Vol-
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-taire est allé à me Séance particuliere de l'i cadémie hancjoiih. I.'A <bé de Lille y lut q*;e ques moreaux d "l-::h,:S de son Poëme sur l'a d'orner, de pe'u'ù^ !;natire& d'en jouir, la traduétion de la cciebre Epitre de Pope e Docteur Arbuihnot. Pendant cette lefture vieux malade se rappeloit les vers Anglois c Pope, les comparoit à la traduétion & préf roit celle-ci.
M. de Voltaire, à cette occasion, se pla gnoit de la pauvreté de la langue Franqoife il parla de quelques mots "peu usités & qu' feroit à délirer qu'on adoptât, celui de tri gédien, par exemple, pour exprimer un adlei jouant dans la tragédie. „ Notre langue e „ une gueuse fiere, „ disoit-il, en parlant è la difficulté d'introduire des mots nouveaux „ il faut lui faire l'aumône malgré elle.,, Il fut ensuite voir jouer A12ire; il étoit if cognito dans une petite loge, celle de Made me Hébert ; mais le Parterre l'ayant entrevu interrompit la piece pendant plus de trois quart d'heure pour l'applaudir.
Au milieu de l'enthousiasme général, M. 1 Chevalier de Lescure, Officier au Régimer d'Orléans Infanterie, s'échauffa & il présent au moderne Sophocle sortant de sa loge l'im promptu suivant : Ainsi chez les Incas, dans leurs jours fortunés, Les Enfans du folcil,dont nous suivons l'exemple Aux transports les plus doux étoient abandonnés.
Lorsque de ses rayons il éclairoit leur temple.
M. de Voltaire a répondu à ce mativai.
quatrain par les deux vers de Zalre, qu'on ;
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Touvés fort impertinemment appliqués de sa Douche :
Des Chevaliers François tel est le cara&ere, Leur Noblelie en tout tems me fut utile & chere 2 Jlai 177S. Il a été commandé ici unecuiirasse fort singuiliere,d'un prix qui annonce qu'elle n'est pas destinée à un guerrier ordinaire. Elle coûte 1000 Louis : elle est composee de cent - doubles de taffetas l'un sur l'autre piqués : elle a été éprouvée, & est à l'abri du pistolet à bout portant, du fusil & de la carabine à la distance où ces armes peuvent être plus dangereuses : on fait mystere du héros auquel elle est destinée qui, suivant sa hauteur & ampleur, est un homme très grand & corsé à proportion ; elle va partir incessamment.
3 Mai 1778. Dans les trois âges de P opéra le Théâtre représente un lieu tranquille, où - id'un côté l'on voit plusieurs grouppes d'Artistes idanstes attitudes de désœuvrement; de l'autre un Pavillon où font Polymnie, Terpsicore & > flic/pomme, chacune diflinguée par ses attributs ; & dans le fond le Temple de l'Immortalité.
Le Génie de l'Opéra excite le zele des grouppes des Artistes, il appelle les trois Muses qui se réunifient pour lui complaire , & font venir leurs favoris successivement. On voit d'abord paroitre Lully entouré de quelques-uns des personnages de ses principaux Opéra, tels que Renaud, Roland, Armide & c. Ce qui produit différens morceaux de sa mulique; puis il est conduit au Temple de l'Immortalité,
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quoiqu'il convienne que son regne est passe. A .1 ce héros du théâtre Lyrique, vanté par Po-1 lymnic comme le pere de la musique agréable & facile, succede Rameau, que Terpsîcor amene & prône pour ses airs de Dante ; ct , personnage envieux & jaloux, comme il l'étoit de son vivant, se plaint que sa patrie elle même ait concouru à lui donner des rivaux étrangers; on l'éconduit comme le premier i fous prétexte de l'apothéoser. Ici Melpomwfl ne vante un mortel qui a surpris ses secrets ilt & cependant refuse de se montrer, mais on chante de fcs morceaux ; on conçoit que c'ef\': le Chevalier Gluck.
Le tout est terminé par un Ballet qui pré-tr fente les différens âges de la Danse & ses divers caractères : il devoit être interrompu Pill une symphonie très vive & très brillante qu.
précédoit Mo nui s, accompagné des aéteurv Bouffons Italiens & les introduifoit en sçene: mais M. de Vismes n'étant pas content de ceux arrivés, il en attend d'autres, & ils n'ont point paru encore.
4 Mai 1778. M. de Vismes a été forcé de se rendre aux réclamations du public & de re.
mettre les choses dans l'ancien état, ou du moins à peu près comme elles étoient; ce qui ne contribuera pas à augmenter la confiance en son intelligence & en son goût.
Pour se bien faire venir au moiis des Auteurs, il a sollicité un Arrêt du Conseil en date du 10 Avril, concernant les honorlires de ceux qui travaillent pour l'Académie Royale de Musique; il a cherché ainsi à leur faire recueillir, 1.
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■ illis, outre la gloire, un bénéfice honnête f leurs travaux.
[Mai 1778. On voit actuellement au jardin du J-à des belles fleurs sur un pied d'Anis-Etoilé r Badian, plante des Indes, qui n'avoit en; e jamais fleuri en France, ni même, dit-on, c Europe.
j. Mai. On parle d'une tête d'airain, à qui ! jteur a eu l'art de faire prononcer très-diftinclient ces paroles : le Roi fait le bonheur de ses uples, sr le bonheur defes Pcuplesfait celui r: Roi. C'est un Abbé Mical qui l'a construite.
4. Mai. On annonce une Comédie nouvell e i M. Palissot, intitulée le Triomphe de Sopho; il l'a dédiée à M. de Voltaire, & l'on confit airément quel a été le but de l'auteur.
ç Mai. M. Efmangard, Intendant de la Géuralité de Caën, vient de proposer deux Prix -t 400 livres chacun, à accorder au jugement Y l'Académie de cette ville. Le premier a pour jet d'y étendre les branches du Commerce, ; le fécond de défendre les Côtes de la ProMce contre la fureur & l'invasion des flots de : mer : on ne sauroit trop publier ces aétions "triotiques & les applaudir.
6 Mai. M. le Chevalier de Chatellux dent aujourd'hui, on ne fait pourquoi, le ampion de M. Barthe ; il a fait une longue ologie de r Homme personnel de ce poëte eti rme d'extrait, & l'a fait inférer anonyme'ent dans le Mercure. On ne peut nier qu'il, y ait dans cette dissertation beaucoup d'efdt, de goût & de connoissance du théâtre; ais on est fâché de voir tant de choses si mal mployées.
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6 Mai 1778. L'Abbé Foucher, membre l'Academie des Belles-Lettres, vient de mou 7 Mai. On prépare à la Comédie Italienne fpeétacle nouveau , intitulé l'Art & la Natu 8 Mai. Les paroles de l'Art £ r la Natl font de feu la Noue. Il composa cette pit pour la Cour 1 & elle y fut jouée fous le n< de Zélisca pendant les fêtes du mariage ; Monseigneur le Dauphin, pere du Roi; il vraisemblable qu'on y aura fait des changeme 8 Mai. M. Moreau le jeune, Dellinatt & Graveur du Cabinet du Roi, a composé dessin représentant le couronnement de m.
Voltaire à la Comédie Francoise. M. le G, cher, graveur de l'Académie des Arts de Lo dres , travaille actuellement à consacrer par burin ce monument. La scene est repréiént telle qu'elle s'est passee au théâtre.
8 Mai. Lundi quatre de ce mois il s\
tenu une assemblée publique au Collège Pharmacie, où l'inauguration du Buste de 1 le Noir, Lieutenant de Police, a eu lieu : cet cérémonie envers le Magistrat proteéteur d't tel établissement, devient si commune, qu'el perd tout l'éclat qu'elle mériteroit n'étant p prodiguée par l'adulation.
M. de Machy y a prononcé un difeours q avoit pour objet l'hiltoire naturelle ; il y traité de l'origine, des progrès & des rappor de cette science.
8 Mai. Le Courier de l'Europe interromp en France depuis plus de lix femaincs, a r< paru par intervalles & les Numéros 2ç, 26 27 & 28 font arrivés. Ce dernier, du marc 7 Avril, laisse çncorç une lacune d'un mois
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;e qui prouve qu'ils ne font venus que par ..ie indirecte & de contrebande, & ce qui wineroit ici cette feuille à la longue, si la persécution duroit. Par quelques Avertissemens kj Directeur, il est éclairci qu'elle vient du Mdniftere Anglois ; ils confirment ce qu'on a lit à cet égard sur des manœuvres qui déceent la petitesse du. génie de ce Minillere, qui j: manifeste ainsi dans les moindres choses.
On apprend par occasion dans un de ces SIS- que le Rédacteur du Courier de l'Europe, aent on étoit curieux de savoir le nom , est M. de Serres de la Tour, auteur d'un traité du bonheur 9 Mai 1778. Les Remontrances annoncée de la Cour des Aides ne sauroient être trop connues : c'est un chef-d'œuvre de Patriotisme écrit avec autant d'énergie que de logique, se l'on regrette infiniment que l'Editeur, par une trop grande réserve, en ait retranché quelques paragraphes , les plus vigoureux sans doute.
G'est pour remplir le plus important de ses Jevoirs, que cette Cour a profité des premier.
momens de son rétablissement, & a élevé sa voix éloquente. Elle présente un tableau fidele des Droits & des Impositions qui se perçoivent dans le Royaume, & qui font l'objet de la juridiiction confiée à ses membres ; elle rend sensibles les causes générales & fondamentales de tous les abus, elle indique au Monarque la inéceffité & les moyens d'y remédier ; en un mot, elle plaide la cause du Peuple & de la INation, &, sans doute , point de matiere plus intérenante.
Cette Cour jette d'abord tin coup d'œil rapide sur les calamités de la Magistrature; elle
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fait voir que la prétendue nécessité d'affermi l'autorité Souveraine a servi de prétexte à de exactions exercées avec impunité sur les fL jets ; qu'il a été formé une ligue entre les en nemis des Tribunaux, & ceux qui faifoien gémir le peuple fous le poids des impôts arbi traires : que ceux là ont prêté leur appui pou anéantir les loix , avec leurs organes & leur mil nifterc pour remplacer ces derniers, & que 1 prix de ce funeste service a été de livrer 1 France à leur cupidité. On ne peut mieux ca, raétérirer l'abominable confédération du Mail peou & du Terrai.
En rétablissant la magifirature, on n'arépar qu'une partie des maux de l'Etat ; on a Iaiffi subsister des loix établies illégalement ; on ; laisse dans plusieurs places importantes des hom mes qui ont abusé de leur pouvoir, & loi voudroit faire valoir en leur faveur le prétendi mérite de s'être sacrifiés pour le maintien d< l'autorité Royale : c'est pour décharger le Mo narque du fardeau d'une reconnoissance si pré judiciable à son peuple, que la Cour des Aide: croit devoir démasquer ces coupables accrédités Elle défireroit, sans doute, que cette dé.
nonciation partît du corps plus caractérisé ; elle gémit sur la funeste politique introduite depuis plus d'un siecle par la jalousie des MiniC très, qui a réduit au silence les Ordres de l'E.
tat, excepté la Magistrature. Elle fent qut les Etats généraux pourroient seuls s'acquittei pleinement d'une réclamation qui leur appartient spécialement : à leur défaut elle s'éleve avec liberté contre l'infraction des loix & des droits Nationaux, & ne peut user envers fcî
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anemis d'une générosité qui la rendroit comlice. de leurs forfaits , & lui feroit trahir les gérées de la nation entiere.
10 Mai 1778. Le projet du Sr. Dulaurent, laire de Rochefort, pour le desséchement de ingt mille arpeiis de marais,commence à prenne consistance, & , pour en mieux faire con__i«ître l'objet & les avantages,il répand imprimé )ut ce qui a rapport à cette grande affaire commencée depuis plusieurs années. Ces pieces font.
10. Très humbles & très refpecrueufes Représentations de la Ville de Rochefort au Roi, réfentées à S. M. par le Sieur Dulaurent, ancien Médecin de ses Camps & Armées, nétuelement son Médecin de la Marine au Port de Rochefort, son Conseiller, Maire, Lieutenant mènerai de Police & Député de la même ville.
- 20. Mémoire à consulter & Consultation du 16 Mai 1772, figné Grouber de Groubental, tvocat au Parlement. Autre du 30 Mai 1772 lignée de Lambon. Autre enfin du 15 Juin 1772, ligné Boucher dargis.
- 50. Représentations au Roi des Juges Conluis d'Angoulême & Lettres des Officiers Municipaux de la ville de Coignac, à M. le Cotirôleur Général, en date du 21 Mars 1772.
4°. Représentations de la ville de Saintes au loi, & Extrait du Mémoire de la ville de Saint-Jean-d'Angely, figné de ses officiers muaicipaux & notables habitans.
5°. Requête au Roi pour le desséchement de Vingt mille arpens de marais, figné de Me.
Badin, Avocat aux Conseils du Roi. 1j 6°. Seconde Requête au Roi pour le desséchement , &c. signée du même.
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il Mai 1778. Oa est toujours fort peu cer- ) ta m des vrais motifs qui ont détermine la dé.
tention du Sieur Coiipil, - Iff-fpedeur- de Police pour la Librairie, & celle de sa femme, fem-
me-de-chambre de la Reine. On a prétendu qne cette derniere avoit fourni à S. M. des liTres abominables. Mais il est ,qudHon d'une ; cause plu* criminelle encore ; on veut qu'il ait ; été composé un manuscrit infâme contre S.
M. dont ils etoient participans, & que pour se rendre recommandables, ils- en aient ensuite prévenu le Ministere, avant que l'ouvrage fût ■ imprimé ; qu'en conféquence- on fût convenu de l'acheter; en forte qu'il n'a point paru imprimé & ne paroîtra pas. On ajeutc que de- j puis on a découvert, ou du moins soupçonne, leur collusion avec l'auteur.
11 Mai. Le nouveau fpeccacle que l'on avoit d'abord annoncé fous le titre de lArt & la
Nature, a été exécuté samedi aux Italiens fous celui de Zulima, Comédie en trois actes, mèlée d'Ariettes. On a comparé cette piece à Matroco pour Pennui, mais non pour te ridicule. 11 n'y a malheuïeufement pas autant de folies à beaucoup près, mais un froid glacial & des longueurs mortelles. Quelques ariettes de bravoure ont fourni à Madame Trial de quoi faire briller la beauté, la fermeté & la flexibilité tour à tour de son organe. On prétend que le Sr. Monvel a retouché les paroles qui n'en font pas meilleures : on ne fait pour- quoi l'on est allé retirer de l'oubli cette féerie, pour l'y replonger incessamment. ,
12 Mai. Le premier tableau que présente la Cour des Aides dans ses Remontrances, }
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, celui des Droits connus fous- le nom de roits des Fermes. Elle fait voir qu'ils font oins onéreux par eux-mêmes que par les fraix : régie & les gains des Fermiers , que les Milires du dernier regne ont juge à propos de pifer entre leurs favoris fous le nom de Croups : elle gémit sur cette multitude de citoyens mt la Ferme prive l'Etat, les uns employés faire la fraude, les autres à l'empêcher. Ei;e itre dans le détaii des productions dont l'enie est défendue , ou la fabrication gênée pour ntérêt de la Ferme, tels que le tabac & le 1 : elle s'étend encore sur les autres droits û nuisent tous à-la culture & au Commerce, jifque la France produiroit plus de vin fins s Droits d'Aides , & qu'il s'y fabriqueroit plus ; marchandises, sans ceux des Traites. Mais cft surtout contre la rigueur des loix péuas prononcées contre la contrebande qu'elle éleve, contre la cruauté de punir de more es citoyens pour un intérêt de finance. Elle éveloppe une autre tyrannie plus sourde & on moins insupportable au peuple, qui l'ér 'rouve tous les jours, vivant dans une espece e servitude des suppôts de la Ferme, dont il st forcé de souffrir sans relàche les caprices, 's hauteurs, les insultes même. La cause de 'ctte servitude est dans la nature du pouvoir :ue les Commis ont en main : JO. Le Code de a Ferme est immense, il n'est recueilli nulle sart ; c'est une science occulte, que fcs Chefs iuls développent & font valoir à leur gré. 2°.
:-Ieurs loix font incertaines; & le Fermier se hasarde à les exercer suivant les circonftancesi 1°. Il en est d'autres dont l'exécution littérale
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«Il impoffibIe , mais qui s'exécute cependarf suivant la rigueur ou l'adoucissement qu'ent feut y apporter.
Enfin l'auteur des Remontrances dévt'top .1.
les moyens employés par la Ferme général pour réussir dans ses contestations avec les pz eticulitrs : c'a été de se soustraire à la jurifdilr tion des Cours des Aides & des Tribunaux qt.
y ressortissent, par une foule d'évocations; les faire renvoyer devant l'Intendant de cnaq.' Province, & par appel à un Conseil des finafi ces, qui n'est réellement composé que d'th Intendant des nnances; ensorte que partoi c'est un seul homme qui est juge, & ce jui est par essence toujours partial, toujours porr à favoriser la Ferme, qui l'a fait nommer , coi tre les particuliers qui réclament sans cet; contre le Despotisme du Commissaire dcparti., ou du Représentant du Contrôleur Général, f 1 Mai 1778. Dimanche dernier, on a rem le Devin de Village, dans lequel la Dcn:o felle Cécile a joué le rôle de Colin & ÎVIllt d'Orival celui de Colette. Comme il y a dii férentes leçons sur ces Danseuses métamorphe fées en Adtrices, il faut attendre que le juge ment des connoisseurs foit fixé.
19 Mai. Il paroit confiant que M. de Vol taire ne retournera point à Ferney. Il s'est dé terminé à se séparer pour quelque tems di son Secrétaire Vagniercs, & à l'envoyer là-ha: pour mettre ordre à tout, & lui faire venii là Bibliothèque.
L'éloignement où ce Philosophe est resté df la cour lui a fait craindre quelque orage s'il s'abfentoit. La ligue générale du clergé de ne
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point mettre les pieds chez lui, est trop formidable , & en effet il auroit bien pu recevoir i défenses de revenir.
[ 14 Mai 1778. Depuis longtems le Sr. la Combe, cet homme de lettres devenu Libraire pour faire fortune , ayant voulu trop embrasser, étok en mauvaise posture & l'on craignoit sa faillite. Elle vient enfin de se manifester ; elle est d'un demi-million. Il avoit principalement deux Journaux, celui des Savam & le Mercure.
» i<; Mai. Pendant qu'on se dispose à guerroyer de toutes parts, il est des gens qui ne perdent pas de vue l'amusement public, d'autant plus nécessaire qu'il s'agit de faire diversion aux idées sinistres qu'inspirent tant d'armées terrestres & navales sur pied. Une Compagnie se propose d'établir à Paris des Combats de Taureaux dans le goût de ceux d'Espagne. 11 s'agit de former une magnifique enceinte, capable de contenir environ vingt mille spectateurs, :. , & l'on feroit venir du pays des maîtres capables de diriger ces sanglantes boucheries.
- 15 Mai. Les malheureuses diffenssions élevées entre les divers créanciers du Colysée font que ce spcétacle n'est point encore ouvert. Il y a apparence que les fouferipeions proposées Tautomne derniere n'ont pas reussi.
16 Mai. On raconte que ces jours derniers M. de Voltaire se trouvant chez Madame la Maréchale de Luxembourg , il fut question de la guerre. Cette Dame en déplora les calamités , & souhaitoit que les Anglois & nous entendissions assez bien nos intérêts, & ceux de l'humanité pour la terminer sans effusion de fang & par un bon traité de paix : Madame, dit le
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Philoîophe bouillant, en montrant Tépée cfie Maréchal de Broglio qui étoit présent , voilæ la plume avec laquelle il faut signer ce traité.
16 filai 1778. Il paroit qu'on va reprendre le projet de la l'allé de Comédie à l'hôtel de Condé, & qu'on l'arrangera feulement de forte que Monfleur puisse s'y rendre sans sortir de son palais.
17 Mai. Depuis longtems on agite s'il eit utile de rendre florissant le Port de Rochefort.
Les Ministres qui se font succédés dans le Département de la Marine, ont pensé diversement sur cet objet : celui d'aujourd'hui a pris le parti mixte, d'y faire construire & d'envoyer à mesure les gros vaiiïeaux à Brest.
Les principaux défauts qu'on reproche à ce Port, c'est l'insalubrité de l'air , c'est d'être incommode pour la sortie des gros vaisseaux & peu utile en tems de guerre par le manque d'une rade fortifiée. Ils font compensés par de-» ressources de tout genre qu'il peut procurer. On se rappelle d'abord que fous Louis XIV, il s'y est armé, en moins d'un an , trente vaiiTeaux , dont sept à trois ponts ; d'ailleurs il est essentiel pour hâter de grands armemens d'avoir ptufieurs Ports à cet usage : Rochefort est utile & nécessaire pour la partie économique , pour completter les armemens du port de Brest , pour divi- fer, inquiéter & occuper les forces de l'ennemi, pour servir d'afylc ou de refuge dans les circonstances malheureuses ou de nécessité , pour faciliter les convois des navires marchands , pour les radoubs, pour la fabrique des corda-' ges, pour l'armement des vaiffaux de moindre force, pour l'equippement des flottes en canons de fonte & en fer, pour entretenir le cabotage & former plus de gens de mer) pour des expé.
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itions' prômtes & secrettes qui pourroient exécuter au premier ordre à Rochefort, li dtte ville avoit la liberté du commerce qu'elle emande. 1 En outre, les vaisseaux y conservent mieux ur carêne; on peut, sans inconvénient, les 'mer cinq ou six mois après les avoir carénés ; vase les garantit lorsqu'ils échouent; la temerature de l'air; moins chaude qu'à Toulon, - eins humide qu'à Brett, tend mieux à leur mfervation j ils font d'ailleurs, dans cette riiére, à l'abri des vers, qui y meurent.
ilVîais, outre ces avantages, on peut parer ux inconvéniens, c'eft- à -dire, purifier l'air, iminiter les difficultés de la Riviere & de la ordclle pour la conduite des vaisseaux en rade, nfin, protéger la rade davantage par l'exécuen d'un Canal, dont l'objet feroit de joindre 1 Scudre à la Gironde ; d'établir ainsi une communication plus fûre & plus avantageuse, avec fardeaux, par conséquent avec les deux mers ; e qui, en faisant le bien du Commerce, seoit d'un grand secours à la Marine Royale.
Telles font les principales vues falutaifes s'on remarque dans les Représentations de la ille de Rochefort au Roi annoncées.
18 Mai 1778. Suivant les Remontrances' de i Cour des Aides, c'est surtout dans la Régie ..,;:s Droits compris au Bail des Fermes, fous le nom de Domaine, tous enlevés à la connoifance de la justice réglée, que se commettent ies abus monftrucux & intolérables; c'est au coint que le Fermier Général fait juger aujourd'hui par la justice arbitraire la question d'Etat a plus intéressante, celle de la Noblesse. Il
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semble cependant qu'il aurait pu se dirent d'employer tant de moyens illégaux pour soustraire à la justice réglée, quand on confide les moyens légaux qui lui ont été donnés po Tcuflir contre ses adversaires dans quelque jufh que ce foit ; moyens tels que les juges foi souvent forcés d'aller contre les lumieres c leur raison , moyens presque toujours fond sur la délation & le parjure.
C'est ainsi que plus de cent cinquante mi lions arrivent dans les coffres du Roi tous le ans. La Cour des Aides insinue, que dans nécessité de venir au secours d'un Peuple ol primé par cette monstrueuse Régie , l'Economi feroit d'abord une grande ressource ; & que, far examiner si l'on ne pourroit pas par des impôt moins onéreux remplacer ce produit immense il feroit au moins nécessaire de Amplifier le Droits & la Perception , après avoir examin les extensions de tous les Droits faites fous 1 dernier MiniHere, & les évocations accordée avec une profusion dont il n'y avoit poin d'exemple.
- Les- Fermiers Généraux s'opposerent à ce louables entreprises , & leur répugnance ei prouvera la nécessité.
Ici l'Orateur, par une digression adroite, fou: prétexte que la Cour ne vouloit entrer dans It tiétail d'aucune affaire particuHere , rappeloit les Remontrances de 1770 , adressées au feu Roi, &ramenoit l'effroyable vexation commise par le Fermier Général Mazieres contre , un innocent, victime de sa barbarie , qui n'en avoit reçu qu'un léger dédommagement. C'est CJ qui oçcasionne la premiere lacune de cet ccrit.
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I Mai ^778* Quoique le public se porte avec empressement à l'Opéra pour y voir les Demoiselles Cecile & Dorival dans les perfon- nages de Colin & de Colette, cet essai est pitoyahle; L'une a la voix aigre, & l'autre chante faux ; elles rëussissent mieux dans la Pantomime, qui fait une partie de leur rôle , & qui est dans leur genre de Danse facile & naturel.
19 Mai. Par une jalousie baffe le Sr. de la I lorde avoit adresse à M. Duffieux, l'un des Rédacteurs du Journal de Paris, une lettre où il cherchoit à dénigrer de son mieux la Musique du Devin du Village, en témoignant son dcfir modeste de garder l'anonyme. M. Duffieux indigné de voir si cruellement maltraité un petit 1 chef-d'œuvre toujours couru dès qu'on le remet, n'a point voulu publier cette critique que l'auteur ne l'avouât. La Sieur de la Borde n'a pas osé & la lettre n'a pas été inférée.
20 Mai. Plus on discute les Remontrances de la Cour des Aides & plus on les trouve belles & admirables. La lacune dont on a parlé con-- cerne les Lettres de cachet, comme il est aisé d'en juger par ce qui fuit. L'Editeur a cherché à y suppléer par une Note pleine de réflexions judicieuses sur cet objet;' mais il fonge plus à pallier le mal, qu'a le fupprimertout-à-fait. La Cour Souveraine eft- plus tranchante & ne veut pas que, fous aucun prétexte, onpuiffe user de cette voie illégale, elle propose au jeune Monarque d'examiner les ordres donnés sous le feu Roi en ce genre, - dont quantité de viftimes - gémissent ehcore dans les prions; & c'est sans doute , d'après ces erremens, que M. de Malesherbes, devenu Secrétaire d'Etat au Département de Paris, s'est conduit & n'a voulu donner au"-
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cune lettre de cachet qu'elle n'eût été examinée par une Commission de Magistrats de sa compagnie.
L'orateur revient aux Impôts, & approfondit à cette occasion le systême funeste d'administration qui s'est introduit, qu'il qualifie énergiquement de Despotisme , dont le résultat est Ie. d'avoir anéanti les vrais Représentans de la nation : 2°. d'être parvenu à rendre illusoire les réclamations de ceux qu'on n'a pu détruire : 5°. de chercher même a les rendre impoffiblcs.
C'est pour y parvenir que la clandestinité a été introduite. Il en est de deux genres ; l'une qui cherche à dérober aux yeux de la Nation , à ceux du Monarque même , les opérations de l'adminitfration ; l'autre qui cache au public la personne des administrateurs.
20 Mai 1778. La liberté du Commerce accordée à la ville de Rochefort, comme utile à l'Etat, aux Provinces limitrophes & à la Marine, a fait prendre au Sieur Dulaurent, ancien Maire de cette ville , la confiance de demander le dessechement de vingt mille arpens de marais en Saintonge , dont on a annoncé le projet. Outre l'avantage particulier de la Compagnie qui l'a formé , il résulterait de son succès un encouragement pour le desséchement de plus de <;oooo arpens noyés dans la même Province ; il faciliteroit de plus les approvifionnemens du Port de Rochefort ; il multiplieroit les élevés en bestiaux, de maniere à pourvoir les flottes royales & marchandes des salaisons que l'on tire à grands fraix de l'étranger ; il donneroit par-là aux fels qu'on fabrique dans les lieux voisins, un nouveau débouché „ plus utile, en ce que le profit en resteroit tout
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iera la nation ; il augmenterait la q-uahticc suifs & des cuirs en proportion, de la pluside quantité de bestiaux, d'en naitroient.
utrcs refiburces pour occuper utilement des * fs ou malheureux ; plus d'aiftivité, plus de yens d'encouragement pour l'induilrie , l'aCulture & le commerce.
ii Mai 1778. Le Sr. Marmontel, qui, avec : barbarie impitoyable se proposoit de fui■v son projet commencé par Roland, de mur successivement les poëmes de Quinault r îr les rendre souples & dociles aux moduons du Chant, & avoit déjà sur l'enclume i/s & Perjee , vient d'être arrêté par le refus Sieur de Vismes de lui payer son travail ,'nme du neuf. C'est ce qu'on voit dans une i refpondance très - singuliere de l'Académie .,rI ayec l'Entrepreneur actuel de l'Opéra.
r *n de plus propre à faire tourner en ridicule t premier, que la lettre du 4 Mai inférée au urnal de Paris. On y remarque une cupice baffe, la charlatanerie vaine & puérile d'un gne-petit , qui vante sa marchandise , & ce d indique surtout dans un homme de lettres; re 1 ame mesquine , sordide, usuriere , qui 'dégrade & déshonore cette profefhon. 22 Mai. Le Courier de l'Europe, dont les iméros du mois d'Avril , suspendus pendant ngtems, avoient enfin pasle en contrebande & j intervalles irréguliers , est apparemment us consigné que jamais à Londres; outre qu'il anque encore quelques ordinaires d'Avril, on en a qu'un seul de Mai : il n'est pas possible je cela dure, & les souscripteurs feront forces.
y renoncer.
22 MaL M. de Voltaire a encore beaucoup
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inquiété ces jours-ci pour sa tfrangurie , ma il va mieux.
23 Mai. 1778. La Faculte de Médecine se troi vant toujours en discussion avec le premi< Médecin Lassone, à raison de la société Roya du même nom, que celui-ci protege, & dont est le créateur , ne peut obtenir d'emplacemer pour ses Ecoles, & va rester absolument far asyle dans quelques mois. Elle a cependant e la complaisance , pour son ennemi , de ne pc faire imprimer sa Requête au Roi, dont il cra: gnoit la publicité. Par cette Requête elle form opposition à l'obtention des Lettres - patente que follicitoit la Compagnie moderne qui vou droit s'élever sur ses débris; Compagnie don elle respecte & loue l'institution, mais qu'ell ne veut point laisser exister hors de son fein qui d.oit former une partie du Corps de la Fa cul té & non un Corps séparé. Les Docteur.
esperent avoir, par leur démarche, arrêté le: fuites funestes pour eux de l'établissement er question , qui de la forte restera sans consistance , jusqu'à ce qu'il naisse une occasion plu: favorable de le renverser tout-à-fait , ou de le faire rentrer fous la suprématie de la Facultémere.
24 Mai. M. de Voltaire , enchanté de la bonne fan é du Maréchal Duc de Richelieu., qui monte encore à cheval comme un jeune militaire qui fait ses exercices, lui a demandé Comment il faisoit pour dormir , le Maréchal iui a parlé d'un calmant excellent qu'il avoit, & lui a promis de lui en faire part : il lui en a envoyé une certaine quantité pour plusieurs fois. Le vieux Philosophe, qui a grande envie de vivre, en a pris une dose si forte qu'il en a
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été trés-mal. Il paroît qu'il y a beaucoup d'opium dans cet élixir, & depuis ce tems il appelle le Maréchal de Richelieu son irere Caïn. Cet accident grâve qui lui est survenu , lui a fait reprendre le projet de s'en retourner à Ferney, pour trouver , dit-il, son tombeau & en être plus près ; mais l'adulation qu'on va lui prodiguer de nouveau à forte dose le guérira, sans doute , une fécondé fois de cette envie.
2S Mai 1778. On commence à crier beaucoup contre la Direétion de M. de Vismes , qui ne produit rien & d'ailleurs est fort gêné par les subalternes , cherchant de leur mieux à le contrarier. Les coryphées du chant & de la danfc se font ligués pour que tout aille mal , & il est difficile de dé couvrir ce complot, ou du moins d'y remédier.
I M. de Vismes se plaint en outre qu'il y a deux génies invisibles qui le dirigent & l'empêchent de donner l'essor à ses projets autant qu'il voudroit. Ces deux génies font Meilleurs Vougny & de la Borde ; le premier a l'oreille 'de M. de Maurepas & du Ministre de Paris , dont il est coufin - germain ; en conféquencc il veut s'immiscer de tout , quoiqu'il ne s'entende à rien : il se mêle surtout de protéger les sujets femelles , ayant toujours beaucoup aimé ce diftriét, & a plus d'égard à ceux propres à ses plaisirs qu'à ceux qui pourroient en faire au public. Le fecond est un amateur qui a des prétentions au génie lyrique, & décide des musiciens compositeurs suivant l'analogie qu'ils ont avec lui ; il défireroit surtout qu'on jouât de ses œuvres préférablement à toutes autres.
On conçoit quel desordre il doit résulter,
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dans l'Académie Royale de musique de tant de chefs & d'intérêts divers. 2 ç Mai 1778. L'orateur de la Cour des Aides, après avoir défini les deux genres de clandestinité introduits dans l'adminitfration, en fait l'application aux trois impositions directes , la TaiHe , la Capitation & le vingtième. 11 entre à ce sujet dans des détails extrêmement curieux sur la nature de ces impositions , sur la forme dont elles se perçoivent, -& fait frémir en même tems , en revélànt tous les vices qui l'accompagnent. On y voit avec quel art le génie Fiscal a su étendre & varier à l'infini les accessoires de ces imputations simples, pouc se soustraîre à l'examen & à l'enrégistrement.
Il appuie surtout sur le Vingtième , cet impôt qui est aujourd'hui l'objet -des plus fortes « ré clamations du peuple , parce qu'il avoit été regardé comme une ressource extraordinaire réservée pour les tems malheureux, jusqu'au moment où l'on a profité de l'absence de la Magistrature pour en faire un impôt perpétuel.
Dans 1 énumeration des vexations auxquelles donne lieu le Vingtième par la maniere dont il se leve aujourd'hui , il se trouve encore une lacune. On croit qu'elle contcnoit les portraits direfts de plusieurs Minières & préposés des finances.
Enfin, dans-la peroraison de. ce beau traité des Droits de la Nation & des infradions incroyables qu'ils ont éprouvées , l'on termine par demander au Roi, non la réforme de quelques abus particuliers', mais celle de PAdminiftration entiere ; l'on indique comme le meilleur moyen pour y parvenir le rétablissement des Etats Généraux ; on défireroit au moins,
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ci leur défaut, chaque Province eût des D.
Ih és en Cour pour défendre (es intérêts-, <, nme il y a des Députés du Commerce : & jour où les @ sujets auront recouvré cette cieufe liberté , on pourra dire qu'il a été du un traité entre le Roi & la Nation conles Ministres & les Magistrats. ,
ç filai 1778. Le Courier de E Europe a encore ris Ion cours, il faut voir si cela durera.
z6 Mai. M. le Moine , Sculpteur , vient mourir : c'étoit un artiste d'un talent rare d'une modestie plus rare encore.
z6 Mai. La Reine a fait la semaine derrre à Marly une - dérogation à l'Etiquette , .:;ore plus grande que celle de manger avec 1 hommes : elle a reçu à souper Madame la mtesse de Maurepas , Madame de Sartine , :Madame Amelot, trois femmes des Ministres, d, en cette qualité, avoient été jusques alors cclues de cet honneur. Madame de Maurepas ! a été si enchantée, que n'osant rien refuser ! ce que S. M. lui offrait, & se forçant de nnger tout , elle en a eu une indigestion viohte. On connoît l'excellive vanité de cette itme, & d'ailleurs l'aversion que la Reine -pour son mari & pour elle ; on ne peut garder cette faveur que comme un trait de litique, suggéré à la Reine pour plaire au )Í, qu'on fait avoir beaucoup d'amitié pour Comtesse.
27 Mai. Le nouvel entrepreneur de l'Opéra ant en vain cherché à capter les suffrages du iblic par toutes ses innovations , par son rologue des trois Ages de l'Opéra , par le but des Demoiselles Cecile & Dorival , de mfeufes transformées en actrices , & de
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femmes tour à tour transformées en homme dans le Devin du Village , par celui de 1 Demoiselle Audinot faisant le rôle de Polirnni dans l'Ade ci-dessus cité , a eu recours à un féconde nouveauté : c'est la Fête dit Village paroles de M. Desfontaines , musique de M Gossec. Cet intermede , mêlé de chants & di danses, n'est autre chose qu'un Ballet Panto mime , où l'on a joint quelques couplets qu'oi a cru gais, parce qu'ils font quelquefois ordu riers, mais qui ne font réellement que grossier & plats. La musique ne portant sur aucui fond , vague & sans objet , ne peut produin une grande sensation ; on y a trouvé quelque jolis airs.
28 Mai 1778. Avant de laisser ouvrir le Co lysée,M. le Lieutenant-Général de Police, inf truit que ce bâtiment périclitoit , l'a fait visi ter , & sur le rapport qu'en effet il n'y avoi pas fureté pour le public, a exigé qu'on en si les réparations nécessaires. Les créanciers s', opposent, & c'est une nouvelle contestation ; joindre aux anciennes, qui ne peuvent que tourner au détriment des uns & des autres, & retarder le plaisir des amateurs.
28 Mai. Les Comédiens François qui, il y a quinze ans , eurent l'indignité de refuser d'accorder ses entrées à un arriéré-petit-fils de Racine , quoique personne de la famille n'en jouît, & que cette famille même eût des répétitions à former contr'eux pour les représentations d'Athalie, dont le fils, peu avant sa mort, avoit vainement réclamé sa part [anecdotes qui se trouvent détaillées au Volume premier des Mémoires secretz, &c. de Badiaumont fous les dates des 19 & 27 Septembre
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:52 & 21 Mars 176?] viennent aujourd'hui ( les accorder proprio motu à un autre arrierenit-fils de ce grand homme aulli par les nmes , qui ne les demandoit pas : c'est M.
t Morembert , Direéteur des Fermes. Le mer1 idi 20 de ce mois la troupe , après avoir été de lui faire cette faveur , a député vers pour la lui annoncer, & le lundi 2 s, jour de ssemblée des Comédiens , il est allé les en mercier.
x 28 filai 1778. M. de Voltaire, loin d'être tout fait quitte de l'accident que lui a occasionné <;: fatal présent de son frere Caïn, le Maréchal :LJC de Richelieu , est retombé plus graveent ; & quoiqu'on ne puisse savoir au juste 11 état par le silence que gardent les domesti..ies , ses parens & ses amis , quoiqu'on ait , Fecté de rassurer le public dans le Journal de v aris , on a tout lieu de craindre qu'il ne : jccombe cette fois.
li Il paroît que la crainte de voir arriver des étres autour de lui une féconde fois , & le déterminer à quelque démarche confirmative [ e la premiere , est la cause du mystere qu'on j. bferve. Cependant le Clergé fulmine & menace '1 e ne point enterrer le moribond en terre fainte, il persiste dans son scandale & ne satisfait pas u moins à l'extérieur.
s 29 Mai, On se rappelle que M. Marmonel dans sa lettre à M. de Vismes fait valoir an industrie pour remettre à neuf les opéra de Luinault : sur cet aveu on lui a fait adresser un v vertillement par le Receveur de la Capitation , le trouver bon qu'en vertu de cette découverte 1 le mette sur son rôle des contribuables erv ;e genre d'imposition , & le taxe d'autant plus
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fortement) qu'il convient la porter à un po qu'on ne conpoiffoit pas encore.
30 "Jlai 1778.'Rien de plus propre à avilii Croix de St. Louis, que la maniéré dont on prodigue aujourd'hui indistinctement aux gt.
les moins faits pour la porter., foit par leur etc foit par leur personne , foit par leur condui On voit avec indignation des Exempts de Poi.
en être décorés , de jeunes gens de famill enfermés par leur inconduite & obliges quitter le service, sortir de leur retraite av cette décoration , dont on connoit la dev Virtutis bcllicœ lyrteiiiiiini ; enfin aujourd'l vient de naitre dans le monde un nouve Chevalier de cet Ordre , M. le Chevalier -Sauvigny. Il y a vingt ans qu'il a porté la ba douliere de garde du corps du Roi de Polog Stanislas ; depuis, ce poete médiocre n'a f; d'autre campagne que dans les marais de rH lieon, n'a terrasse d'autre ennemi que M. de Harpe qu'il a traîn é dans le ruisseau ; mais t vorifé de la cour pour laquelle il a fait d, Divertissemens , & surtout du Comte d'Arlois, a ambitionné cet honneur & l'a obtenu.
30 Jilai. Il y a six mois que le Gouve nement n'a point voulu tolérer l'annonce d'un Coëffure allégorique aux Insurgens ; aujou d'hui il ne trouve plus mauvais qu'on les celcbt par un dessin politique, où l'on caraélci ife iei triomphe : il est intitulé l'Amérique huirper.
dante. Il a été exécuté par M. Borel; & >1. 1 VaHeur, Graveur du Roi (S: de leurs Majesté Impériales & Royale , doit le graver. En voie la composition.
On voit M. Franklin qui affranchit l'Ameri que : elle embrasse la statue de la Liberté, Ó
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Minerve couvre le fage Législateur de Ton Egide; la Prudence & le Courage renversent leur enneni, c'est-à-dire l'Angleterre qui dans-sa chûte entraîne un Neptune -, dont le Trident est ■ :«mpu." A la droite de la Liberté, l'Agriculture y .e Commerce & les Arts applaudissent à cette icureufe révolution. L'estampe ne paroitra qu'à A fin de l'année, & il n'y a encore que les amis de l'auteur qui aient la facilité de voir le dessin.
00 Mai 1778. Le succès de l'établissement qu'on : fient de faire à Bicêtre pour le poli des glaces, i encouragé d'en former un autre; il s'agit au- lourd'hui dy faire aller des moulins à bras. De :;ette maniere outre qu'on évite les fuites fuaeftes de l'oisiveté, de l'ennui & de la corrupJon; qui augmentoit par le mélange des [ujcts les plus vicieux avec d'autres qui ne l'étoient pas encore au même degré, on rendra par le produit des travaux cette prison moins onéreuse au gouvernement, & l'humanité n'aura plus à réclamer contre l'abus de ces institutions politiques, où des hommes, après avoir troublé l'ordre de la société, finirent par lui être à charge le reste de leur vie, ou ne recouvrent leur liberté que pour devenir plus scélérats.
31 Mai. M. de Voltaire est mort hier sur les onze heures du foir ; comme les Prêtres refusent de l'enterrer, & qu'on n'ose envoyer Ion cadavre à Ferney, où cependant son tombeau l'attend, on est à chercher quelque tournure pour y suppléer.
31 Mai. On parl e beaucoup de trois Banqueroutes remarquables, moins par leur importan.ce" ou leur influence dans le Commerce , que par les personnages. Le premier est le Principal du Çollege Duplessis ? qui a remis son Bilan en
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sassant voir qu'il n'est arriéré que parce qu plusieurs grandes maisons dont les enfans, le peres & les grands-peres ont été élevés dans f maison , ne payent point.
Le Bourreau est le fécond : il justifie que foi pallif n'est que de i ço,ooo livres, & que foi aétif sur le Roi est de plus de 180,000 livres.
Enfin Madame Gourdan, femme si essentiell aux plaisirs de la Capitale, est la derniere, qu prouve qu'on ne doit attribuer cet événement qu'à sa grande facilité à se prêter aux agiufe mens de beaucoup de gens de la cour, qui l'on constituée en fraix dont ils ne la rembourfen point ; ce qu'elle démontre également par se: livres de recette & de dépense. On espere qu< la Police , sentant de quel secours lui est h petite Comtesse [c'est son surnom] , ne foufrrin pas que ses créanciers la tracassent trop, & l'obligent d'interrompre son service.
3 1 Mai 177 8. Ce n'est point précisément à l'en.
droit où les fondemens de la nouvelle Salle de Comédie Francoise étoient déjà jettés par le Sr.
Moreau, architeéte de la ville, qu'on va la con.
tinuer. Le Sr. Wailly, qui entreprend le projet adopté aujourd'hui, la place plus haut, plus près du Palais de Luxembourg , afin de faciliter à Monjieur la liberté de s'y rendre par une galerie souterraine. C'est ce Prince qui se charge des fraix de la construction, pour lesquels le Roi lui adandonne tout le tcrrein de l'hôtel de Condé qu'il a retiré de la ville. Il n'est pas encore bien sûr, malgré tout cela, que l'Edifice vienne à se perfectionner, les obstacles du local ne devenant que plus considérables , où il est choift aujourd'hui.
Fin du Onzicmc Volume.