MÉMOIRES SECRETS ?OUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA LÉPUBLIQ.UE DES LETTRES EN FRANCE, DEPUIS MDCCLXII JUSQU'A NOS JOURS; OU JOURNAL D'UN OBSERVATEUR ,
ONTENANT les Analyses des Pieces de Théâtre qui ■ : ont paru durant cet intervalle ; les Relations des •. Ajfetnblées Littéraires ; les notices des Livres mu.
veaux , clandestins) prohibés ; les Pieces fugitives, ■1 rares ou manuscrites) en prefe ou en vers ; les VauI devilles sur la Cour ; les Anecdotes & Bons Alots ; , : les Eloges des Savants , des Artifles, des Hommes de Lettres morts , &c. &c. &c.
TOME TRENTIEME.
huc propius me , vos ordme adite , Hor. L. II. Sat. 3. f. 81 & 81.
A LONDRES, CH E Z JOHN ADAMSON.
M. DCC. LXXXVI.
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MÉMOIRES SECRETS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN FRANCE , DEPUIS MDCCLXII, JUSQU'A NOS JOURS.
ANNÉE M. DCC. LXXXV.
7 Octobre 1785. LES égards que M. le contrôleur-général a montrés au corps des banquiers en venant au secours des plus embarrassés , & en écoutant enfin leurs représentations & mémoires sur l'arrêt du conseil du mois d'août concernant l'agiotage , qui a porté le trouble & le discrédit parmi eux, n'ont pas suffi, Les papiers royaux ont bien remonté un peu & la fiagnation a discontinué ; mais l'emprunt des cent vingt-cinq millions est toujours en défayeux & en perte. Ce qui a provoqué un arrêt
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du conseil du i oaobre) où l'on voit que M. de Calonne a d'aussi bons faiseurs de préambules" que MM. Turgot & Necker. On y lit ce paragraphe remarquable : 6C Sa majesté ne voulant »> pas borner ses vues bienfaisantes à ce que « l'ordre public a exigé d'elle pour faire cesser >» l'agiotage effréné qui s'étoit introduit , & « désirant faire disparoître le plutôt possible » des embarras dont la prolongation feroit .J nuisible au commerce , elle a jugé convenable »> d'accélérer l'effet de la disposition de son arrêt du 7 août dernier, qui a eu pour but de dif95 tinguer les contractants en état de remplir » leurs engagements, d'avec ceux à qui la Ii..
»» vraifon de ce qu'ils ont vendu feroit dans 22 tous les cas impossible ; & elle a pensé qu'il Je étoit de sa bonté autant que de sa justice » n de mettre les vendeurs & les acheteurs égaM lement à portée de liquider sans délai leurs « intérêts refpettifs par une conciliation équiN table, à défaut de laquelle , elle s'est réservée -, d'y statuer elle - même en connoissance de cause , afin que bientôt il ne reste plus aucune »» trace de ce vertige de spéculation désordonnée, 8) qui, n'ayant pas encore eu d'exemple dans le - *5 royaume , néceflitoit un remede extraordiM naire. u 7 Oaobre. Un nouvel agréé, reçu après l'ouverture du salon, a exposé quelques morceaux de genre depuis le fécond arrangement. Il se nomme jgilcocq : il travaille dans le goût des Flamands. Son pinceau fcmble trop brillant pour ses sujets. Sa Diseuse de bonne aventure lui feroiç beaucoup d'honneur, si ce n'étoit pas une copte.
S Ofîobre. M. le cardinâl de Rohan se promenoit
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les apres-dînées sur la plate-forme des tours de la Bastille , avec un officier qui l'efcortoit. Il étoit en redingote brune, en chapeau rond & rabattu : cela faisoit spectacle pour le public qui se rendoit à l'extrémité des boulevards & le contemploit. Pour éviter ce concours on a supprimé ce genre de promenade , ou peut - être n'en a-t-on que changé l'heure.
8 Otiobre. Par une lettre datée de Francfort le 17 septembre, M. Blanchard se plaignoit auprès des journalistes de Paris de l'acharnement avec lequel M. Mallet du Pan, le rédadeur de la partie politique du Mercure , affectoit de décrier & de tourner en ridicule ses voyages aériens.
Cette lettre qui n'étoit point sans sel, a été imprimée dans la feuille du premier octobre.
M. Mallet du Tan a trouvé mauvais que les joumaliftes aient donné cours à cette diatribe ; il y a répliqué & adresse sa réponse aux rédacteurs, qui vraisemblablement auront refusé de s'en charger ; en conséquence il l'a inférée dans son Mercure d'aujourd'hui 8.
Cette réponse amere , pédanteique, digne des savants en us du quinzième siecle, ne fait point honneur à l'écrivain politique, & les rieurs reftest absolument du côté de l'aréonaure.
8 Octobre. Le projet de M. de la Rocque annonce il y a quelque temps, a causé une grande sensation j la cupidité des manouvriers s'est évertuée, & beaucoup cherchent à se ménager des rentes pour leur vieillesse , suivant la méthode économique qu'il leur preferit. Mais cette fpécuIation n'étoit point à son point de clarté & de maturité nécessaire ; en conséquence il a reçu beaucoup de lettres & de demandes. Il est obligé
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ce donner un développement de fort plan, qw n'elt pas encore trop à la portée de tout le monde ,, & lai fie beaucoup de ciiofes à délirer. Quoi qu'il en Toit, on le trouve aussi dans- le Mercured'aujourd'hui 8.
9 Octobre. L'abbé Riballier qui vient d'être remplacé dans sa dignité de syndic, est more aux eaux il y a quelques mois, sans que personne même de son parti lui ait décerné le moindre honneur funebre dans aucun journal.
C etoit cependant un homme de mérite dans Ton genre , & sur-tout un zélé défenseur de la religion, un dénonciateur intrépide de tous les ouvrages tant foit peu suspects.
9 OBobre. On voit dans l'arrêt du conseil duc i de ce mois, que les gagistes du miniftereuaItent jusques aux nues , combien il a été agitédu mécontentement général des banquiers & dc l'inaction absolue à laquelle ils s'éroient condamnés depuis l'arrêt du 7 août dernier, qu'ils <]ualifioient d'aéte d'un despotisme terrible, dont il n'y avoit point d'exemple dans leurs négociations, & qui attaquoit, suivant eux , les.
propriétés jusques dans les conventions les plussacrées. Quoi qu'il en foit, sans en discuter le fond, il elt- certain que le préambule de cet arrêt tft aux yeux des connoisseurs un chef d'œuvre par la clarté, la nobietle, l'énergie & la justesse d'expression avec lesquelles lesparties les plusdifficiles à traiter y font présentées ; mais furtout par les tournures artifîcieuses avec lefqueiles on déouife les frayeurs du gouvernement, & l'on travestit ce coup d'autorité en un aéte de législation salutaire & conservateur.
« Sa maiesté , y dit-on., elt informée que
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* l'obligation de déposer les effets ( à Ilvrtff) * dans le terme qu'elle a prescrit, a déjà fait i* liquider une partie des compromis, qu'elle n'a » embarrassé que ceux qui s'étoient engagés au71 delà de leurs moyens , & que cet embarras » même n'a pu paroître aux yeux des gens inf*> truits qu'une leçon pour l'imprudence & une » crise salutaire qui, loin de porter la moindre » atteinte au crédit du trésor royal , a servi à e démontrer qu'il est assis sur des bases inébran» lables & indépendantes de toute espece de M négociation particulière ; que néanmoins il en *> est résulté une inquiétude vague parmi les la capitalistes, qui, effrayés de cette foule exort) bitante d'engagements d'un genre insolite f J) & ne Cachant pas jusqu'à quel point celles *> des maisons de commerce & de banque qui » s'y trouvoient compromises, pourroient influer m par contre-coup sur la situation rie cellesN mêmes qui n'y avoient aucune part, ont sur..
w pendu à l'egard de toutes leur confiance, » ont resserré leurs fonds & différé leurs p!aN cements ; ce qui a produit au milieu de la 1:1 plus grande abondance du numéraire, toutes » les caisses publiques étant garnies , tous les » paiements se faisant avec la plus grande exac» titude, & plusieurs même étant anticipés, » un moment de langueur dans la circulation » » une forte de stagnation sur la place, & la M dépression instantanée de quelques effets. n On continue, après avoir précédemment établi que la i:'iT des effets à livrer n'est pas aussi effrayante en 1. qu'elle l'est en a p parence, que les reventes du même Ol>I' Ollt monter la somme totale des marchés beaucoup au-_!I'ui
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de celle desdits effets) on rend compte des moyens que la sagesse de sa majesté lui a (ug- gérés pour remédier à ce désordre , ainsi qu'on l'a vu s elle termine par répondre aux murmures des mécontents.
cc Sa majesté a prévu que ceux qui ont in» téret à soutenir les compromis , prétendroient M qu'empêcher leur exécution ou y mettre des M conditions , c'étoit porter atteinte à la pro* priété, & détruire par l'intervention de l'au35 torité des engagements volontaires. Jamais » les droits de la propriété & de la liberté fo» ciale ne furent plus en fureté que fous le regne »» de sa majesté ; mais autant elle est résolue de i- les maintenir religieufcmenr, autant elle est - s' éloignée d'admettre pour conséquence de ce M principe inviolable, qu'il foit permis de tendre » des pieges à la foi publique en vendant ce »» qu'on n'a pas, ce qu'on ne peut pas livrer, :)) ce qui même n'existe pas ; il est évident que :), il pareilles ventes font nulles par elles-mêmes, » elles font sur-tout intolérables, lor(qu'e!!ei M portent sur les effets publics, lorsqu'elles t,. violent toutes les regles prescrites pour leurs M négociations, lorsque sur leurs bases fictives s'accumule successivement une foule d'engaM gements & de billets illusoires qui grossissent excessivement le volume apparent des papiers » commercables, alterent leur circulation par 33 un mélange suspect, & tendent à détruire 33 toute confiance. Faire envisager ces marchés >3 comme n'étant en dernier réfutât que des paris sur le cours ;¡_('i de la place, ce n'est 95 pas les !::¡,.i'rÍmer : quand il si-roit permis de Vsupposer que la vigilance du souverain, qui
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7J s'étend jusques sur la conservation des for* tunes de ses sujets, dût fermer les yeux sur :n toute efpecc de jeux & de paris , pourroit elle » souffrir que leur licence, se déguisant fous un >3 faux titre , prît le caractère des contrats de sa vente, en dénaturât les conditions, & portât sj le trouble & la confusion dans la négociation M des eftets royaux ? Sa majesté a donc acquis M de nouveaux droits à la reconnoiflancc de ses 33 peuples par le foin qu'elle a pris de les prén ferver d'un tel défoldre , &c. «
io OBobre. Ce n'est que depuis peu qu'on connoît dans ce pays ci la Vie privée d'un prince, célebre, ou Détails des loisirs du prince HENRI de Prusse dans sa retraite de Reinsberg. C'est le pendant de Frédéric le Grand, excepté que celui-là est tout à la louange du héros. C'efi peu de choses au surplus ; il n'y a que trois ou quatre anecdotes vraiment curieuses. Du reste on y apprend que le prince est poète, ainsi que son frere ; qu'il fait des comédies, & en joue avec succès. Le style est sans chaleur & fade comme l'ouvrage.
10 Octobre. Les colporteurs annoncent les tomes VIII, IX & X de fEfpion Anglais J qui ont eu beaucoup de peine à paffer , dont il y a eu plusieurs ballots saisis, & qui percent difficilement. Ces volumes embrassent les faits de l'année 1778 , & empiètent sur les commencements de 1779 ; conséquemment la guerre allumée à cette époque est la matiere qui y foit traitée le plus abondamment.
11 Octobre. On a éclairci ce que c'étoit que les prétendus mémoires de Bohmer & Bassanges.
Ils consistent en trois pieces ; 1. En un projet de
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rente du collier, de la lomme principale, dès?
termes de-& paiements, intérêts , &c. z. En unelettre fort courte de& joailliers à la Reine , lorsqu'ils apprirent que le marché étoit conclu pour, la majesté, où ils finissent par lui dire qu'ils-voient avec là plus vive fatisfaftion qu'une aussi.
riche, aussi belle parure foit destinée à la plus.
grande souveraine du monde. 3. En un mémoire.
vraiment détaillé 81 curieux sur la maniere dont: la négociation s'est engrainée; mémoire que la: Reine leur a vraisemblablement demandé dans.
son premier moment de surprise & d'indignation, de l'escroquerie abominable pratiquée fous son nom.
11 Octobre. Lettres à M. le comte de Mirabeau, sur la banque Saint Charles & sur la caisse d'escompte. Tel est le titre de l'ouvrage attribué à; M. d'Auberteuil. On ne peut affurer s'il a raison au fond; mais ce qu'on peut certifier, c'est que, quoique ces lettres soient très- - courtes , elles, font fort ennuyeuses. L'auteur efk sur-tout détestable quand il veut plaisanter & persiffler ; ce?
qu'on remarque dans sa septieme & dernierelettre far le mérite littéraire de son rival.
11 Octobre. Le mesmérisme qui depuis quelque, temps ne faisoit plus le même bruit, occupe de nouveau les conversations depuis les divisions élevées dans son fein. On apprend à cette occasion que le docteur Varnier, qui s'étoit dévoué si courageusement pour cette cause, a succombé au parlement, & que le décret de sa compagnieprononcé contre lui reste dans toute sa force) attendu qu'il professe une doctrine secrete , contraire aux statuts de la faculté de médecine.
il OéIqbre. Suivant le répertoire des fpe £ taele$<,
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cfe Fontainebleau , ils commenceront dès le marda M octobre, & ne finiront que le vendredi 18 novembre.
Les opéra nouveaux font Thémifiocle, en trois attes de M. Morel, musique de M. Philidor: Pénélope, de M. Marmontel, inufique de M. Piccint. Le premier fera représenté le jeudi 13 octo- bre , & le fécond le jeudi io novembre.
En outre M. sacchini s'étant plaint que le' défaut de succès de Ton Dardanus provenoit du peu de foin avec lequel il avoit été mis au théâtre, cet opéra doit reparoître à Fontainebleau le jeudi 10 octobre ; on fait que c'est M. Guillard qui en a retouché le poëme anciennement) & dont on annonce d'autres changements.
La comédie françoise jouera pour nouveautés , le 11 ottobre, le Portrait » comédie en un ade 8c en vers de M. Desfaucherais ; le 21 , le Page supposé, comédie en deux ades & en. vers de M. le chevalier de Chmitr ; le samedi 19, Virginie, tragédie en cinq ades & en vers de' M)f-*; & le Mariage Secret, comédie en trois ades & en vers de M. Desfaucherais ; le jeudi 17 novembre) Athalie, avec les choeurs de M. Gossec ; & le vendred i 18 , l'Oncle & les deux Tantes) comédie en trois attes & en vers de M. le marquis de la Salle.
La comédie italienne doit aussi exécuter plusieurs nouveautés : 1 0. mardi 18 odobre , l'Ami tié au Village, opéra comique en quatre ades, paroles de M. i'^sf fges, musique de M. Philidor; 2°. le mardi 8 novembre, la Dot, opéra comique en trois aétes de M. Desfontaines, musique du chevalier d'Aleyrac; 19. le mardi i\ , Coradin 3
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comédie en trois actes, en proie, mélee d'ariettes, paroles de M. de Maynaylot,m\iC\q\iz de M. Bruny.
il Octobre. Par lettre circulaire du 10 octobre, les souscripteurs du murée de feu Pilœtre l'ont prévenus que Monsieur & M. le comte d? Artois veulent bien que leurs noms l'oient inscrits à la tête des nouveaux fondateurs ; ils font en outre.
avertis que le sieur Bontems) ci-devant secretaire, vient d'être nommé directeur du musée j que les exercices recommenceront au mois de décembre, & s'étendront par le secours de professeurs nouveaux ; enfin que la foufeription de trois louis est portée à quatre.
13 Octobre. On renouvelle le bruit du mariage de lia fille unique de M. Necker avec l'ambalTadeur de Suede adluel Quoi qu'il en foit, on s'entretient à ce sujet de la jeune personne, & l'on cite d'elle, pour échantillon de Ton esprit) une réponse trèsjolie. Quelqu'un lui avouoit qu'il trouvoit la rnaifon de son pere fort ennuyeu'e, qu'ils avoient tous l'air distrait & rêvant à la Suisse. « V ou m avez raison , répliqua-t-elle : mon pere s'ocM cupe du pa lTé) ma mere du présent, & moi M de l'avenir. )
14 octobre. Madame la comtesse de Turpin ( 1.0 wendal en Ton nom ) vient de mourir.
C'étoit une superbe femme , une virtuose qui faisoit des vers , qui jouoit la comédie. & joignoit la galanterie à ces divers talents. Elle étoit liée avec plulîeurs auteurs ; elle l'avoir sur-tour été avec l'abbé de Voifenony qui lui avoir même légué ou confié ses manuferits en mourant.
x 4 Octobre, Outre M. l'abbé de Bourbon, bâtard de Louis XV, il s'éleve un nouvel aspirant aux dignités ecclésiastiques en la même qualité,
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qni, sans porter le nom de Bourbon , est aaffï reconnu , sinon de droit, au moins de fait, & va à la cour , est très-bien auprès de Mesdames, & sur-tout de madame Louise : c'est M. l'abbé J, Duc, le fils de Mlle. Tiercelin, dont on a dans le temps annoncé la mort. On affure qu'il y a plus de trente enfanrs de cette espece , auxquels le feu roi par son testament a assigné des fondg, C'est un M. de Lage de Chad/on, ancien notaire , aujourd'hui adminiftraieur général des portes , qui est chargé des pensions, entretien & éducation de cette nombreuse famille. Il étoit autrefois fous l'inspection de M. Bertin le fllinifire j on ne fait si c'est encore celui ci ou un autre qui fuit l'accomplissement des volontés du testateur.
15 OEfobre. Depuis environ dix-huit mois que M. Allemand, conservateur général de la Garonne, lutte contre les difficultés qu'il rencontre pour l'exécution de son plan d'amélioration de la navigation intérieure du royaume , on juge qu'il n'a pu triompher des obstacles dont il se plaignoit alors. Il a beau donner mémoire sur mémoire, l'intérêt particulier l'emporte encore sur le public. Il est toujours révolté de voir sur le fleuve dont il a l'infpedion , deux moulins terriers de Toulouse , cef-d'œuvre de barbarie, qui le barrent entièrement, & interceptent toute navigation entre la haute & baffe Garonne. Ces digues font la Merveille des Toulousins, & les moulins excitent leur cnthoufiafme au point que lorsque les actionnaires de celui de Bazacle contractent pour ouelque objet relatif à leur traita d'union, ils s'obligent sur l'honneur du moulin.
IA, Allemand détruit sur - tout la prétention
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des maîtres des eaux & forêts, & des ingénieur" des ponts & chauffées, qui ne doivent se mêler en rien de ttavaux dont ils ne font point au." feu ; il demande aujourd'hui la création d'un intendant général de la navigation , à qui ce département général feroit confié e Du reste , les dépenses feroient peu coûteuses & l'emploi fait avec économie des huit cents mille livres que M. Turgot avoit destinées par an à cet objet, jointes à quelques autres lecours, porteroit bientôt la navigation intérieure du royaume au plus.
haut point de perfection.
Au reste, c'est toujours fous le privilege de l'académie des sciences que M Allemand fait.
imprimer ses mémoires.
i 5 Octobre. La lettre annoncée de M. Bergasse est fous le titre d'Observations sur urt écrit dudocteur Mesmer, &c. Elle est très-volumineuse, très-bien écrite , très-spécieuse ; mais cependant n'est pas sans réplique , sur - tout relativement aux faits que chacun dénature & adapte à son avantage. Ce qui en résulte évidemment > c'est un schisme établi dans la société de l'harmonie.
Ce schisme, suivant M. Bergasse, est le fruit, d'un complot de quelques personnages qu'il nenomme point, mais qu'il peint lèus les couleurs les plus noires , qui se font emparé de Hefprir du docteur, & le dirigent à leur gré. Il finitpar les menacer, s'ils continuent la diffamation qu'ils ont commencée contre lui , de les nomrnfr, de les démasquer , de les traîner aux pieds des tribunaux, de les y poursuivre avec le plus grand éclat & la persévérance la plus opiniâtre.
A la fuite de ces observations, M. Bergasse a flacé des pieces justificatives, entr'autres uns
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lettre au docteur Mesmer, quelque temps avant' le déport de celui-ci pour l*Angleterre , où il leprévient de l'explolion qu'il va faire à regret contre son maure. On y voit en outre qu'il ne se donne pas pour un simple éleve du docteur, qu'il prétend jouter contre lui, avoir Tes idées propres furie magnétisme animal, idées neuves,-, originales, qui ne se trouvent ni développées >, ini en germe dans les aphorismes du doreur.
Dans un dernier post scriptum , M. Bergasse ditqu'il apprend dans le moment que le dodeur Mesmer, toujours occupé de diffamer ses biensasseurs, vient de faire rédiger contre eux à Londres) par une plume très connue , un nouveau libelle écrit avtc plus d'¡ur que le premier..
H en attend la publication, & n'usera plus des.
ménagements qu'il a gardés jufou'à présent.
16 Octobre. Paris est regardé depuis longtemps comme la source & le modele du goun dans les arts d'agrément & d'utilité , ainsi que dans les productions de l'esprit. Les autres nations d'un pôle à l'autre s'empressent de payer un tribut journalier à nos inventions & à notre: industrie. De-là la naissance d'un nouveau journal intitulé : Le Cabinet des Modes, ou les Modes- nouvelles, décrites d'une maniere claire & pré.
cise, représentées par des planches en tailled douce enluminées.
On se propose dans cet ouvrage de donner une connoissance exaéle & prompte, tant des habillements & parures nouvelles des personnes du sexe, que des nouveaux meubles de toute espece 1 des nouvelles décorations , embellissements d'appartements, nouvelles formes de voitures, bijoux, ouvrages d'orfévrerie, & généralement
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de tout ce que la mode offre de singulier, d'agréable ou d'intéressant dans les divers genres.
On voit que ceci est un empiétement sur le journal de Paris, qui , s'il étoit bien fait, auroit empêché la naissance de celui-ci. Il commencera le i s novembre, & fournira un cahier par quinzaine.
16 Octobre. Les Amours & Aventures du lord Fox, traduites de l'Anglois , forment une petite brochure qui peut être piquante dans l'original pour ceux qui en connoissent le héros ; mais froide & insipide à Tégard des étrangers qui n'y rencontrent que des aventures communes, sans exciter aucun intérêt de cette curiosité qui fait le charme du roman. Du reste, l'ouvrage n'est point mal écrit.
16 Octobre. Une anecdote à-peu-près femblabl'e à celle de l'homme au marque de fer , mais infiniment plus touchante, parce qu'elle concerne une jeune perfontle du sexe dont l'infortune , sans qu'elle l'ait méritée , semble pouffée à [on.
comble, ell la matiere d'un petit ouvrage nouveau, fous le titre de l'Inconnue, histoire véritable.
On la doit croire authentique suivant un pofiscriptum, où l'on annonce que toute la narration est l'extrait fidele des vingt-quatre interrogatoires que , d'après l'ordre de l'impératrice - reine , a subi l'héroïne à Bruxelles par M. le comte de Cobenzel , ministre de sa majesté, & M. de Neny , chef-ptélident. C'est M. Coroniny , neveu de M. de Cobenmel, à qui son oncle avoir permis d'assister aux séances, qui depuis la mort de celui-ci a remis les matériaux à l'éditeur.
Oa ne peut guere douter à la ledure desdits
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interrogatoires que l'inconnue ne fût une nlîe naturelle du feu empereur. Cependant, l'impératrice - reine n'étant pas satisfaite des preuves que l'inconnue adminiftroit, elle fut tirée des prisons f & conduite par la maréchaussée audelà des frontières, avec cinquante louis qu'on lui donna.
L'éditeur voudroit lier les aventures de l'inconnue avec celles d'une dont il avoit été fait imention plusieurs années auparavant dans les papiers anglois, & en effet il se trouve beaucoup de rapport entre les deux : ce qui doit s'éclaircir aujourd'hui par la publicité de cette histoire.
17 octobre. Apologie de la Bastille , pour servir de réponse aux Mémoires de M. Linguet sur la Bastille. Ce pamphlet qui n'a que quarante pages & dans le même format que l'ouvrage à réfuter, est au contraire un perffflage très - adroit des apologistes de ce monument du despotisme. Il est aisé de le juger par les trois divisions : la Bastille est de droit divin; elle est de droit positif; elle est de droit politique. Il regne dans toute cette plaisanterie une tournure originale & piquante , qui re fert qu'à rendre plus aimable la raison solide & lumineuse de l'écrivain.
Cette raison brille encore plus dans les notes politiques, philosophiques & littéraires qu'on trouve à la fuite, & que l'auteur , badinant sur le même ton , allure n'avoir avec le texte que le moindre rapport possible. Elles font beaucoup plus étendues que le texte , & forment comme une digression sur les diverses branches de notre législation. Il falloit sans doute un grand fond de gaieté pour soutenir pendant un aussi long-temps ce perfifflage aussi profond qu'ingénieux.
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On lit au Frontilpice du livre par M. de +**, ei-devant prisonnier; mais on veut que ce ne lait qu'une fiétion pour dépayser le lecteur. Orr attribue cet excellent traité anti-despotique à M. servant , ancien avocat-général au parlement de Grenoble, & il n'elt guere qu'un homraff très au fait des loix, qui ait pu le composer.
Le style est charmant; l'auteur se fert souvent de métaphores, de comparaisons, de descriptions énigmatiques) & ce n'est pas sans dessein en parlant d'une matiere aussi dangereuse a trai-ter. On y remarque entr'autres un morceau concernant M. de sartines, où cet ex-ministre est masqué & démasqué avec beaucoup de finesse & de vérité. - * 17 Oftobre. M. de Butigny qui, depuis qud.
ques années, étoit le doyen de la littérature, s'cft éteint le 8 de ce mois à l'âge de quatrevingt-treize ans ; il étotr né en i&ji. Son genre principal étoit l'hifioire savante & ancienne: foir premier ouvrage qui est le traité de l'autorité des papes, parut dès 1710. Cependant il n'étoit membre de l'académie des belles-lettres que depuis 1756, c'est-à- dire, qu'il avoit dé).
soixante - quatre ans, & que c'eût été presque pour un autre l'âge de la retraite. Il étoit trèslaborieux & a laissé beaucoup d'ouvrages, mais la plupart ensevelis dans, les mémoires dé ia eon*pagnie.
18 octobre. M. l'abbé de Lille revient enfin' de Constantinople ; il est à faire sa quarantaine; ce qu'on apprend par une lettre qu'il 4ate du lazaret de Marseille le 10 septembre. Cette lettre est adredée à M, le bailli de Frejlon, pour se justifîes de celle qui a couru fous son nom dans;
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t monde contre l'ordre de Malte; il s'en tirer en homme d'esprit , mais en coupable.
18 Oftcbre, On vient de graver nouvellement le portrait de M. Retif de la Bretonne, :et inépuisable auteur dont les volumineux )uvrages ne peuvent plus se calculer. Un M. de Marandon y a mis cette infeription , qu'il faut i iiftinguer de la foule des autres.
Son esprit libre & fier, sans guide & sans modele, Même alors qu'il s'égare , étonne ses rivaux ; Amant de la nature , il lui duc ses pinceaux , Et fut simple ,. inégal & sublime comme elle.
19 OEtobre. Malgré les voyages fréquents ide Fontainebleatt, les comédiens italiens ont donné hier une nouveauté, Germance ou 'l'excès de la Délicatesse , drame en trois ades en prose. Quoique l'intrigue en foit bizarre ôc pleine d'invraisemblances, le parterre qui ce jouri là étoit disposé à l'attendrissement & l'indulgence, a fort goûté cet ouvrage, production d'un jeune homme & qui se relient de son inexpérience. Il a demandé l'auteur, & l'on est venu annoncer qu'il se nommoit M. Misse : & habent fuel fata libelli. On en pourroit dire autant des Ipieces de théâtre celle-ci dâtis un autre mûttien~ ifcot peut-être été sifflée avec non moins de justice.
19 octobre. On continue à exécuter le plan I projeté pour l'embelissement de Paris & la plus libre circulation du commerce & des denrées.
On travaille à force à la nouvelle halle deftinéeà la marée en gros. On doit acquérir pour le
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Roi Tingt-neuf maifoas ou terrains, afin de percef de nouvelles rues, d'en élargir d'autres , deconstruire des fontaines; le tout tendant au dégagement des halles, à y ouvrir des places de communication & à les nettoyer, laver & purifier jour.
nellement.
Tel est l'objet d'un Arrêt du ConfeiJ du 16 septembre.
19 Octobre. Extrait d'une l'ettre de Francfort, du 13 odtobre 178y Le sieur Blanchard a pris sa revanche : le trois de ce mois il s'est élevé dans un Ballon de 40 pieds de haut sur 14 de large , avec fou parachûte, son chien, &c. Il a pris terre trente-neuf minutes après à Weilbourg , à quatorze lieues de notre ville, où il est revenu , & le lendemain il a été extraornaitement féré.
io Otfobre. M. Taravat -, peintre du roi, professeur de Ton académie de peinture & sculpture & surinspecteur de la manufacture royale des Gobelins vient de mourir. Le chagrin qu'il x éprouvé , de toutes les critiques de Ton dernier tableau) a pu y contribuer jil devoit cependant y être accoutumé. Son Sacrifice de Noé , en 1783 , est le fïul de Ces ouvrages qui lui ait mérité de justes applaudiirements.
10 oBobre. Extrait d"une lettre de Philadelphie, du 17 septembre. M, Franklin est arrivé ici avast-hier 1 y, mieux portant qu'à Ton départ de Paris. Il a été reçu comme un Dieu tutélaire ; ç'a été un jour de fête générale ; les vaisseaux du port se font pavoisés , même les Anglois. Il a mis quarante - huit jours dans sa traversée.
JM. Houdon est arrivé avec lui.
M. Franklin a remis à sa fille (on fils déjà formé ,
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qui étoit encore enfant lorfqa'il l'emmena en 1774 i Paris.
10 octobre. Depuis long-temps on n'avoic parlé d'un duel aussi mémorable que celui qui vient de se passer entre deux officiers du régiment de Soiffonnois & un autre. Les deux premiers font messieurs de Saint-Mesme, parent iu colonel de ce nom, & M. Barras, parent de l'officier-général de la marine du même nom.
Le dernier est M. Dumesnil Durand. On ne fait si c'est celui conntl par un systême de tactique particulier. Ce dernier faisoit la chouette au trictrac aux deux autres ; il s'éleve entre eux une dispute , elle devient si grave qu'ils se battent d'abord à l'épée, & sur ce (jue le régiment des deux premiers ne trouve point la rixe suûs.
famment vuidée , ils conviennent d'en venir à un combat plus régulier, au pistolet : les conventions faites , ils prennent des témoins & se rendent à Luxembourg. M. Dumejnil Durand "continue à leur faire la chouette en ce duel , ::comme au jeu. Il tue d'abord M. de Saint-Mesme i le fécond se présente , il le blesse à l'épaule; '!M. de Barras n'en devient que plus ardent, il tire son coup de pistolet & casse la cuisse de M. Dumesnil Durand) qui tombe sans défense.
Ces féroces combattants , comme les juges du ipoint d'honneur avoient décidé que la mort feule Ipouvoit laver ou éteindre la querelle, étoient (convenus que l'on acheveroit à terre celui que lie malheureux fort des armes y jetteroit ; M.
de Barras s'approche de M. Dumesnil, lui dit qu'il est maître de sa vie, mais la lui laisse ; les témoins décident la querelle vuidée abfoluxnent par ce beau trait, qui met M. Dumefoil
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Durand dans l'impossibilité de le battre de nouveau contre un vainqueur aussi généreux. On les fait s'embrasser, & ils font rentrés sur les terrei de France.
On dit que le Roi est très-mécontent de ce duel.
21 Octobre. Un échantillon des plaisanteries de M. Hilliard d'Auberteuil contre M. le comte de Mirabeau, suffira pour en donner une idée j c'est une épigramme foi-disant qu'on trouve ea J1 note dans sa lettre VII de Ton pamphlet inti- 1 tulé : Sur son mérite littéraire & sur 14 cRifc * d'escompte. | Mirabeau, grand patriote , Fait la guerre à notre argent, Contre la banque il complote.
Des banquiers il est l'agent.
Tandis qu'un autre agiote, < On l'inspire, il parle , écrit, Et met au rabais l'esprit.
11 Octobre. On est fort surpris que la gazette de France qui ne laisse passer fous Glence rien i de ce qui inréreffe la marche de la cour & rend Si ordinairement dans le pius grand détail les circonstances de ces événements publics , n'ait.
fait aucune mention d'une espece de fête pour H les Parisiens qui a eu lieu le dix de ce mois, jour du départ de leurs majestés pour Fontai» 'nebleau.
La Heine qui , à cause de sa (Jrolfeife, en 1783, s'étoit rendue à Fontainebleau par eau * dans la gondole de M. le duc d'Orléans, a >
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été si satisfaite de ce genre de voiture & sans doute du beau coup-d'œil de la route, que, sans une pareille nécessité, elle s'est fait un plaisir de voyager de même cette année. On lui a construit un yacht extrêmement galant, riche & commode 5 on assure qu'on y a ménagé à sa majesté un appartement composé de neuf pieces. Oa ! en évalue la dépense à soixante mille livres.
On fut que sa majesté, pour éviter les ponts, i s'embarquoit à la Rapée , ce qui attira la foule sur la rive & donna lieu à beaucoup de parties de plaisir.
Le Roi qui avoit chassé du côté de Choisy, voulut se trouver au château , ou plutôt dans ! les jardins pour voir passer la Reine , & toute la route fut bordée de monde , forti des villages & maisons de campagnes des environs, curieux du même spectacle: sans doute beaucoup de vive la Reine ! répétés de temps en temps , ont flatté agréablement les oreilles de sa majesté.
tz Octobre. Depuis qu'on fait que l'inltruction à faire par le rapporteur dans l'affaire du cardinal de Rohan est terminée , l'on raisonne différemment sur ce qui en transpire. Les uns prétendent tenir du greffier Fremin qu'il n'y a nulle charge contre son éminence : les autres concluent qu'il faut au contraire qu'on le juge dans le cas de la sévérité des loir. Ils disent que ce prélat n'étant encore frappé d'aucun décret, étant simplement fous la main du Roi, on n'auroit pas manqué de l'élargir provisoirement jufqua ce que son innocence éclatât en justice » d'autant que dans la circonstance de l'état de mau"faiCe fanté où il se trouve, ce feroit une forte 4e cruauté de le laisser en prifoQ.
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14 Octobre. Le peuple & beaucoup d honnêtes gens qui le font , tirent parti de tout pour leur amusement ; c'est ainsî qu'une procession religieuse qui n'avoit pas eu lieu depuis plus de vingt ans, a attiré la foule non-seulement des Paritiens, mais de beaucoup d'habitants des environs. Il s'agit de trois cents treize esclaves françois , rachetés à Alger en 1785, par les deux ordres de la Rédemption ; (avoir, celui des chanoines réguliers de la Sainte-Trinité , dits Mathurins) & celui de la Mercy.
L'usage est de promener & de faire voit einsî ces esclaves pour exciter d'abord la curiosité & ensuite la charité du public. La procession a eu lieu pendant trois jours de la maniere suivante : Le lun,ii dix-sept octobre 178), ea l'église de l'abbaye royale Saint-Antoine; le mardi dix-huit en celle de l'ordre royal & militaire de Notre-Dame de la Mercy, & le mercredi dix-neuf en celle des Chanoines réguliers de la Sainte-Trinité.
On ne fait pourquoi le premier jour il a été fait un com pliment à madame l'abbesse de SaintAntoine au nom des deux ordres par Thomas le Bœuf, âgé de quinze ans, qui n'est point nommé parmi les esclaves ; pourquoi ledit jour le même jeune homme a présenté au général de l'ordre des Mathurins les captifs rachetés par eux , sans qu'il foit fait mention d'aucune harangue de cette espece à l'égard du chef des Mercitains. Quoi qu'il en foit, par la distribution de la marche , de la réunion , de la séparation & des évolutions de chacun de ces ordres & de leurs captifs refpe&ifs, ils ont parcouru àpeu-près toute l'étendue déjà ville Àe Paris & il a'cft
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n'est en quelque forte aucun coeur dont ils n aient ~Hicité la jûtié.
La procession se faisoit en grande pompe, 5c T«n y avoir joint tout l'a-ppareil qui peut en imposer du guet, les gardes de la ville, des instruments militaires & religieuxj des croix, des bannières , des chéiubins soutenant avec des cordsns les étendards de la rédemption des deux ordres ; un grand cortege d'ecclésiastiques, de musiciens , de suisses : en outre chaque captif portoit l'écusson de celui des 4eux ordres auquel il appartenoit, & étoit fous la garde de deux Anges les enlaçant avec des rubans rougrs & bleus; ces anges tenoient des banderoles aux armes respectives desdits ordres : enfin les commissaires députés pour la rédemption formoienî ia marche avec des palmes à la main.
Une promenade aussi longue exigeoit nécessairement des pauses , conséquemment des raffraîchissements, où le vin couloir en abondance t tellement qu'on a vu nombre de captifs & quelques religieux dans un état peu décent, & faisans dégénérer en farce cette cérémonie pieuse & charitable , qui se terminoit chaque après- dînée par des antiennes ôc des bénédictions. Tel est 1e fort des inflitutions humaines, où la profanation -& le scandale se trouvent ptefque toujours mêlés avec la charité & la dévotion.
il Octobre. Depuis la mort M. Thomas beaucoup de concurrents s'étaienc mis sur les rangs pour la place vacante à l'académie françoise, le sieur sedaine, pour ne point manquer Ton coup cette fois , avoit commencé par adresser une supplique touchante à la compagnie entiere.
& il se flattoit de réussir par cette tournure
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dont aucun candidat ne s ctoit encore avisé; mais on affure qu'aujourd'hui tous se font retirés en apprenant que Ivi. de Guibert étoit sûr d'avance des suffrages.
13 Octobre. Chaque jour il éclate des anecdotes concertant le cardinal & son aventure.
En voici une nouvelle , débitée par des. gens qui ftmben[ faits pour être bien inflruits. Ils disent que madame de la Mott", quelques mois avant sa catastrophe, vint trouver un fleur Régnier, bijoutier - orfevre sur le pont SaintMichel , avec une boîte garnie de diamans & un portrait : c'étoit celui de la Reine, mais dans un état fort indécent & décolleté jusques au nombril. Elle proposa à l'artille d'enchifler cette miniature avec un secret , de façon à la produire ou à la Cacher comme l'on voudroit.
Le (leur Reg-ver témoigna sa surprise & son indignation de ce qu'on le choiiît pour une pareille (:t'llvrf.. Madame de la Motte le rassure en lui ajoutant que c'étoit la Reine même qui l'a voit chargée de cette commission. Alors l'artiste se reniit à ces instances, & la boîte enrichie du portrait , cette dame l'offrit au cardinat comme une preuve de la fatisfaélion de sa rnajefté.
q Gclobre. M. Basset de la Marelle, l'un des présidents du grand-confei!, a été conduit pour dettes î l'hôtel de la Force & est menacé d'y refttr îong-remps. Son tribunal a cherché à tenir le cas secret le plus qu'il a pu ; mais enfin la chose est puLIique , & l'on se doute combien de sarcasmes & de quolibets pleuvent sur ces messieurs.
S3 Octobre. On parle d'une facétie imprimée
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su rouleau, qui court nouvellement sur le cardinal. C'est une espece d'apologue oriental, dans - lequel fous des noms allégoriques toute fbn hiftoirc cft e ne biffée.
24 Octobre. Les inquiétudes pour se pourvoie -de bois, qui depuis deux ou trois ans avoienc commencé à se faire sentir , mais sur la fin de l'hiver feulement, ont lieu cette année même avant qu'il foit commencé : quoique la rivière très-marchande en foit couverte, quoique les chantiers en soient garnis, Tempreffement des .demandeurs est si excessif qu'on n'en délivre que !>ar ordre de numéro & que voie à voie ; précaution qui ne fait qu'augmenter les craintes & exciter la cupidité des vendeurs & des accapareurs. Il en est qui n'en font point mystere, qui fc tiennent au coin des rues adjacentes des <Hamiers avec des voitures remplies & offrent de vous épargner la peine d'y aller moyennant un bénéfice. De leur côté, les marchands se picvalent du concours des acheteurs pour éluder le nouvel arrêt du conseil qui, en faisant cesser dopais le 15 de ce mois la permififon de faire venir, fous prétexte des eaux basses, par train de flottage le bois neuf dessiné à l'approvifioncement de cette capitale, leur ôte la liberté de faire payer l'un aussi cher que l'autre; ils gliffenc toujours comme denrée de première qualité, en ce genre une denrée inférieure : on en a déjà porté pîufieurs plaintes & à la ville & au parlement, faus qu'en n'en ait encore vu résulter 4cs effets (alutaires.
2.4 Octobre. Extrait d'une lettre de la Déli.
vrance en baffe Normandie, le 1 5 octobre 1785.
Nous avons aussi une Kofiere dans nos cantons J
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car quelle province n'a pas la sienne ? Dans une patoifle voisine d'ici , nommée Luc , de moins de cinq cents arpents, & dont la population monte à près de deux mille quatre cents ; personnes ; le seigneur, M. le Marchand de Caligry, pour mieux soutenir une manufacture de dentelles, servant en même temps d'école, y a voulu perpétuer l'émulation par une récompense à la fois honorifique & lucrative , pour la fille qui chaque année fera jugée la plus vertueuse & la meilleure ouvriere. C'dt une médaille d'argent avec la devise Scientia & Virtutis prœ- mium. J'ai été témoin de la fête qui a eu lieu le z de ce mois avec le cérémonial usité dans toutes ces fortes de fondations. Après que la Rosiere a porté la médaille pendant un an, elle reçoit une Comme de cent vingt livres.
Le bien qu'a produit cette institution , à laquelle le curé actuel, M. Bonvoisin , a sa part auili, est considérable ; il se remarque sur-tout , en ce que dans le nombre d'habitants cité cidessus, dont aucun n'a presque de propriété, on ne voit point de mendiant ; en ce que le travail y est en vigueur ; que l'union est telle qu'ils s'allient rarement hors de la paroisse ; que tous leurs procès très-rares font bientôt terminés par conciliation , & qu'on n'a connoissance d'aucun crime méritant la rigueur des loix qui s'y foit commis depuis long-temps.
25 Octobre. Un libraire, ces jours derniers ayant reçu & payé comme bois neuf une voie de bois mélangé, a fait venir un commissaire pour en dreller procès verbal & recevoir sa plainte en conséquence, à telle fin que de raison.
J,orÍC) II 'il a voulu en faire usage, il n'a pu
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obtenir de l'officier de police la remise de# papiers dont il avoit besoin : celui-ci a éludé pendant plusieurs jours , enfin lui a déclaré qu'il avoit déposé le tout entre les mains du procureur du roi de la ville. Le libraire a eu recours au magistrat , dont il n'a pu obtenir raiCon. Ce fait a été dénoncé par un de meilleurs à la chambre des vacations, qui a ordorné que le procès-verbal & la plainte feroient déposés au greffe du parlement pour en être rendu compte aux chambres assemblées, à la rentrée.
25 Octobre. Suivant les lettres de Fontainebleau, les nouveautés qui y ont été jouées jusques à présent, n'y ont point eu de succès en aucun genre. La cour est devenue très-difficile & même Richard Cœur de Lion , qui a eu 8c a encore un succès soutenu aux italiens , a éie mal reçu, non-seulement quant aux innovations que le fleur Sedaine a jugé à propos d'y faire , mais quant aux deux premiers adtes qui produisent tant d'effet à Paris.
26 Octobre. Le changement de lieutenant de police a été favorable au sieur Audinol, & le bruit général est qu'il reprend demain son service auprès du public dans la salle de l'Ambigu sur les boulevards , ce qui s'accorde avec j'annonce d'une nouveauté ayant pour titre l'Impromptu du moment, prologue ; & de la pantomime les Bons & les Méchants, piece de son répertoire qui a eu tant de vogue que l'opéra en avoit été jaloux & en avoit sollicité la suppression.
On assure que c'est M. le comte d'Artois qui le couvre de sa protection & a menacé , si l'on refusoit de rendre justice à ce directeur en le
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rétablissant, de faire bâtir pour lui une toge dan le Temple.
16 Octobre. Oo voit ici des lettres- patentes concernant la démolition du château Trompette à Bordeaux, & l'exécution du plan du lieur Louis annoncé depuis long-temps. Elles n'y ont été enrégistrées que le 9 de ce mois , encoreavec ce retentum : fauf le droit drun chacun; cequi est. relatif aux prétentions de la ville sur ce terrain , prétentions reconnues indirectement du gouvernement , qui remet en conséquence 1Jn droit de huitain, c'est-à-dire du huitième dar prix de tout le poisson qui se vendoit dans Bordeaux.
Comme ce terrain est très - étendu , puisque la superficie mesurée est de foixantt-dix-neuf mille cent soixante & quelques toises carrées, & que la population de Bordeaux ne sauroit suffire à l'habiter ; par un article de ces Ltrres-patentes sa majesté, afin d'exciter les étrangers à venir s'y jier, déclare que tout propriétaire , de quelque pays qu'il foit, qui achetera trente toiles o; ce terrain, fera sur le champ par cette acqui- sition même réputé regnicole & jouira des di vers privilèges qui en font !a fuite.
Quant au plan , i! est le mrme dont on a fait la description, & il est ceitain que s'il s'exécute dans toute son étendue & dans toute sa perfection , Bordeaux deviendra la plus belle & la plus florissante ville du monde.
i6 Octobre. Le matin du départ de la Reine pour Fontainebleau, M. le duc d'Orléans reçut a Sainte-Assise une caisse, sans savoir de qui.
La curiosité l'excita à la faire ouvrir en sa.
présence i il s*y trouva un filet tiilu. avec.-
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beaucoup d'élégance & très-riche ; il étoit d'or le d'argent & d'une étendue immense, car il avoit, a ce qu'on rapporte , cent quatre-vingts aunes. Le prince ne Tachant ce que cela vouloir dire , ordonna de renfermer la caisse & la fit remettre de sa part à M. de Crofnc , en le priant d'en rechercher l'auteur & de la lui rendre.
Cette anecdote qui s'est racontée dans le temps sembloit assez apocryphe en ce qu'on n'en voyoit pas trop le but, qu'on ne découvroit dans cet envoi allégorique ni finesse , ni méchanceté j on fait aujourd'hui qu'elle est certaine, on en conçoit l'auteur & l'objet M. le duc d'Orléans & madame de Yeoeiteflôn, instruits du projet de la Reine de se rendre par eau à Fontainebleau & conséquemmert de paffrr fous les fenêtres de leur chât.'-au, avou'nt fait tous leurs efforts pour engager sa m '\¡fl:é à s'y reposes. Elle s'y étoit refusée & ion en conçoit aisément la raison. Monsieur, qui aime ces fortes de plaifameries ingénieuses & g/liantes, avoit imaginé ce filet dont le spectacle auroit frappé la Reine : tournure d'ailleurs adroite pour l'arrêter respectueusement, & lui fournir un prétexte de dercendre. Par malheur M. le duc d'Orléans, madame de Montesson & personne de leur cour n'a senti l'épigramme. n'a conçu qu'un cadeau semblable ne pouvoir partir que d'une main auguste; & Monsieur piqué en l'apprenant, n'a pu s'empêcher de s'écrier dans son premier mouvement involontaire : Avec tout leur esprit qu'ils font bêtes à Sainte-Assise l 27 octobre Le faloa ayant donné lieu de parlée beaucoup de peinture, l'attention du public s'est fixées sur un artiste qu'on ne connoissoit pas, &
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travaillant dans un genre prefqu abandonne en v: France. Il s'agit d'un M. Gibelin & de la pein. n ture 1 fresque. 11 est auteur de morceaux consi- .i dérables de cette espece, exécutés aux nouvelles 2 écoles de chirurgie & à l'école royale militaire..
Son dernier ouvrage , & tout frais , se voit aux J capucins de la Chaudée-d'Antin. Un amateur a 1 réveillé l'attention générale far cette peinture à fresque, & la nouvelle capuciniere en est très- fréquentée. Quand on aura vu ce chef- d'œuvre, on en dira Ton avis. 1 17 Octobre. Dimanche dernier le sieur Euslen; a donné au public le fpeétacle de deux bodruches lancées en liberté dans le jardin du sieur Rug- : zieri. La première étoit une nymphe de huit: pieds de proportion & ne pesant aue dix onces J
elle étoit coëffée d'un ballon & portoit une robe transparente, couleur de feu. La seconde, le cheval ailé & transparent, monté par un guerrier richement armé, qu'on voit depuis longtemps au Palais-Royal.
Ces deux machines se font élevées avec beau- coup de graces & de célérité ; elles ont monté > très haut ; on ne se flattoit p!us de les revoir; ; cependant l'une a été trouvée à Genevilliers, & ] l'autre près d.* Montmorency. Par les procès- j verbaux du même jour , elles n'ont guere été ;1 qu'une heure en l'air chacune, & sans être en- ¡ dommagées ; elles ont été remises de même au i propriétaire. ;
iS Octobre. Deux débuts très-intéressants ra- î menent aujourd'hui vers la feene francoise le public qui s'en étoit éloien & sur-tout le pu-
blic galant ; car ce (ont deux jeunes aârices.
L'une est Mlle. Candeille , fille du musicien àe
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ce nom, auteur de l'opéra Alexandre, & protégée par M. de Breteuil. Elle est trcs-jolie , elle avoir paru d'abord sur le théâtre lyrique, où quelque petite incongruité qui lui échappa en Íeene, foit par timidité foit par incommodité réelle , ne lui a jamais permis de remonter. Eleve du sieur Molé, elle s'est retournée du côté du théâtre français, & s'est appliquée aux rôles forts des jeunes prince/Tes , tels que ceux d' Hermione, de Roxelane , d'Aménaïde, à'Alz.ire & d'Ariane; on lui a trouvé souvent de l'énergie.
de la sensibilité, des moments d'abandon intéressants, des intentions justes, mais des incorrections & des inégalités ; ce qui est la fuite du jeu d'une débutante qui n'est pas encore fûre d'elle-même , qui se tare Se le parterre : comme elle pasle pour avoir beaucoup d'esprit, elle est plus en état qu'une autre de faire valoir les heureuses dispositions qu'elle a reçues de la nature.
L'autre est Mlle. Vanhtrve , fille & éleve du comédien de ce nom , ayant à peine quatorze ans. Elle a paru pour la premiere fois dans le rôle d'lphigénie vis-à-vis de son pere représentant Agamemnon ; elle a obtenu de nombreux & de vifs applaudissements ce jour-là 10 octobre : un son de voix intéressant, de l'intelligence, de la sensibilité , la candeur la plus ingénue ; telles font les qualités qu'on lui a reconnues à cet essai. Elle a joué depuis dans le comique les rôles d'Amoureuses tendres, & semble réunir déjà les plus heureuses dispositions pour les deux genres. Son succès se soutient & s'accroît , tour Paris se porte en feule pour l'admirer.' 2.9 Octobre. L'un des deux cotés intérieurs de l'église de Sainte - Genevieve est entiérement
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terminé; il est debarrassé aujourd'hui de fOUSles échafauds) & l'on y entre. L'exécution dece bel édifice, Ton ordonnance niiijcPcueufe , l'élégance de ses colonnes , 12. richeïle des fcu'ptures attirent le concours des amateurs ) & ks applaudissements des fpe&ateurs le; plue groiîic-is.
08 travaille actuellement au doTie ; vuiiu lu moment intéressant de la solition du problème élevé par le f\cuzy'Patte. Comme il y a des fonds affectés chaque année pour cet objet, on espere toujours que dans fepr ou h-uir ans ce monument fera terminé.
30 OEtobre. M. le marquis de Courtivron Jnefhe-decamp) chevalier de l'ordre royal & militaire de St. Louis, commissaire perpétuel pour l'imposition de la province de Bourgogne, & membre de l'académie ccs sciences, est mort le 5 de ce mois dans (on château. Il étoit perifionnaire vétéran. On ne fait trop ce qu'il io fait, & il faut attendre l'éloge qu'eu fera \L le marquis de Ccndorcet.
30 OEtobre. Comme tout ce qui concerne la" marche de M. de la Pé',roufe,est intéi-effa-,)t , vdici des particularités extraites d'une lettre de SainteCroix de Ténériffe, datée le 17 août.
Les navires la Bon]foie 8c l'Ajîralabe. ayant -fait voile le premier août, arriverent le 13 suivant à l'isle de Madere.
Les personnes embarquées sur la Boussole font le comte de. la pérouse, capitaine de vaisseau , chef de l'expédition; les chevaliers deClônard & de l'Escars, lieutenants de vaisseau ; M. Botin & le chevalier dç Pierreverd, enseignes ; M. CaImet, lieutenant de frégate ) MM. Ceran dû.
Montarnel & d'Arbaut, gardes de. la marine 1
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PI Brouduc , volontaire ; MM. de Moneron, capitaines au corps de génie ; Bernicet, ingénieurgéographe ; d'Ageles , de l'académie d5 sciences de Paris, comme astronome j. le chevalier de Linsanon, de l'académie de Turin, & correspondant de celle de Paris, comme phyficiennaturaliste ; l'abbé Mongès, un des auteurs du journal de physique, comme chymiste & aumônier; Roulin , chirurgien-major ; le Cor en qualité d'adjudant; Duché de Venoy, comme peintre; Trevot, peintre d'histoire naturelle; Colimon , jardinier-botaniste, & quatre-vingt-neuf hommes d'équipages.
Sur l'Astrolabe se trouvent le vicomte de l'Angle , capitaine de vaisseau f M. de Monty , lieutenant; MM. de la Bords, Marchainville de Vaugtois & d'siigremont, en seignes ; Blondelau, lieutenant de frégate; de la Borde de Bsutercrllen , de Flasson & de Lauriston, gardas de la mariner Monge, astronome ; de la Martiniere, botaniftenaturaliste ; l'abbé Receveur, aumônier & naturaIiffe; Dufrefw naturaliste; 1 peintrev Lesseps, viceconsul de France à Cronffad-t, comme interprete; DlvaR chirurgien & quatre-vingt- quatorze hommes d'équipage.. v 31 Octobre. C'est le sieur le Doux, architecte y sur les plans & fous l'hfpeétioll duquel se construit & s'éleve la grande muraille qui doit en.
ceindre Paris.: A toutes les ouvertures qui dorénavant feront les feules portes & les feules barlitres de la capitale, on bâtit des logements pour les commis des fermes ; ils ressemblent à des citadelles par leur solidité, & en outre comme le sieur le Doux aime beaucoup les colonneset en mec par - tout, il n'a pa-s minnué 00'
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les y prodiguer ; ce qui ajoute un air de luxe & de magnificence à ces repaires de maltôtiers.
Les Parisiens, qui devroient s'indigner de fc voir ainsi constitués insensiblement priXonniers » & renverser cette muraille extravagante , ne font qu'en rire; elle leur fert de spectacle, & ils s'amusent à voir croître par degrés ce monument d'eclavage & de despotisme.
3 t Octobre. Un sieur de Rudder annonce que le dimanche, 6 novembre à midi, il fera sur la Seine, en face du quai des Théatins , l'expérience d'une nouvelle machine appliquée à des sabots de son invention , au moyen desquels il prétend trav-erfer la Seine à pied fcc., 3 1 oaobrt. Si l'on en croit une lettre particu!iere du sieur Blanchard, son quinzième voyage aérien lui a procuré encore plus d'honneurs qu'il n'en avoit reçus & de très-extraordinaires.
Son butte a été couronné à la salle du fpe&ack de Francfort sur le Mein : le comte de Roman%.o W, l'ambassadeur de Russie, chez lequel il ioupoir, ne pouvant résister aux acclamations du public, le conduisit sur son balcon) deux bougies à la main , & le présenta de la forte au peuple : des hommes s'attelerent à son carrosse, & voulurent lui servir de chevaux pour le conduire à la comédie , où on se le passoit de loge en loge : enfin l'avant - veille de son départ x comme il étoit au fpetl:ade , le théâtre se changea en un superbe palais; son buste s'éleva sur un trône magnifique dans le temple de mémoire , dont Apollon & les neuf soeurs gardoient l'entrée , & les trois graces avec de petits amours , lui chanterent des couplets, & vinrent le couton ner en personne dans sa loge. Les récompenses
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lucratives ne lui ont pas manque ; 11 a reçu dS, boîtes d'or , des montres, des médailles & de l'argent, sans doute qu'il appelle un très-honnête Illdeau.
Du reste, tous les princes & princesses de l'Allemagne qui étoient alors à Francfort au
nombre de cent vingt-deux , ont souscrit pour une machine aérostatique capable d'enlever cinquante personnes. Le sieur Blanchard est choisi.
pour le constructeur & le pilote , & elle doit être prête pour le couronnement du roi des Romains, : s'il a lieu : on fait que la cérémonie s'en fait dans cette ville.
En attendant , M. Blanchard va tenter des moyens de diredtion dans les Pays-Bas où il est à présent, à Hambourg, à Vienne, à Varsovie , à Saint-Pétersbourg, à Rome" à Milan , à Naples, en Espagne & dans plusieurs autres royaumes , où il est demandé.
i Novembre 1785. u J. Philippe Fyot de la » Marche, seigneur de Neuilly en Bourgogne, M à l'imitation de la rose de Salency par Saint » Médard en j3o» accorda chaque année un 93 prix d'une médaille d'argent, au garçon jugé M par les peres de famille le plus fage &. le plus 93 laborieux du village. Un jeune homme 93 estimé dans le pays, eut. le malheur de se 93 noyer dans l'Ouche en 1763 , en conduisant 93 un chariot de foin , quelque temps avant la » distribution de la médaiile. Celui qui l'obtint, » jugeant le défunt plus digne de la recevoir, 93 l'attacha à un rameau orné de rubans , qu'il 93 alla placer (ur la tombe de son ami , au grand M éronnement des assistants , en disant : Je te la » rends, mon Ô" ifmi; tu U nUrita ¡1iÙ;IX que » mai, »
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Tel est le trait historique, consigné dans l'Encyclopédie, sur lequel M. Desforges s'est échauffé, &. a bâti sa piece de l'Amitié au village , opéra comique très mal reçu à Fontainebleau , & qui, malgré les changements , ne mé- ritoit pas d'trre mieux accueilli à Paris , où il a été joué hier. Ce sujet est triste, froid, ennuyeux & sacs; il a été soutenu par la musique de M. philidor, savante, riche & brillante r sur-tout dans les accompagnements , mais peu analogue au sujet qui erigeoit plas de naturel & de chant. Quoi qu'il en foit, au moyen des billets, répandus en grand nombre dans le parterre , la piece a été jufqu*au bout , a même reu des applaudissements , & l'aureur a été demandé à la fin. Quoi Mu'on ne s'expliquât pas su: celui qu'on désiroit, le fleur Pkiiidar seul s'est Uifictraîner sur le rhéârre. Malgré ce succès apparent, il semble impoilible que l'ouvrage aille bien loin, i Novembre. La nuit du 31 odtobre il s'efb trouvé beaucoup de monde dans les galeries formant le pourtour du jardin du Palais-Royal, qui est aujourd'hui la promenade des fiiles du plus mauvais ton de ce quartier , des crocs & des fouttneurs dont il abonde. Au moment d'un engorgement y un officier de dragons donnant le bras à sa maÎtrdIe) est porté par la foule sur le pied de M. l'abbé de Luberzac ; celui-ci crie , jure; il en survient une querelle entre les deux personnages ; la courtisane dit à fan amant : Après tout , ce n'est qu'un abbé qui ne vaut pas la peine qu'on s'arrête, & elle l'èmmene en même temps. L'homme d'église piqué les fuit & donne un coup de pied dans le cul de la courtisane ; le militaire prend tait & cause four elle, & n'ayant
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oint d'armes , saisit l'abbé au collet : celui-ci ,.uve des am is & des partisans qui le défen,cnt ;. l'autre a les siens aussi : il en fument ne bagarre si considérable que tous les Suiflesccoutent , mais en trop petit nombre pour pouair en imposer & arrêter le tumulte. M. le duc t Chartres, qui, pendant que son palais est sans ieÏÏus dessous,. a pris un appartement fous les Aleriea , étoit- chez lui en ce moment , mais :'ose se montrer de peur de se compromettre j îulement il donne ordre qu'on aille chercher nain-force : il arrive cinq escouades de guet qui aiment enfin les mutins , mais non sans coup érir : on parle de plufiems blessés, d'un chevalier se St. Louis évenrré, de murins arrêtés : quantl'abbé de Luberzac, on le dit mandé à la police, comme le mnreur du désordre. Il faut se appeller que c'est l'auteur de plusieurs projets de blaces & de monuments; du reste de mœurs peu: ccléfiafiigues & de. trcs-mauvaise réputQtion. Depuis ce temps , ont dit que les SuiiTes ontardre d'empêcher d'entrer le ftfJir. da-ns le jardin tes filles feules ; ce qui désole les amateurs.
x Novembre. Extrait d'une lettre de Perpignan, du 10 odlobre.,..,,Notre intendant qui voudroisque tous les travaux de ta campagne se sissent par une louable émulation , après avoir encouragé l'agriculture en célébrant Tannée derniere june sêze 1 dont M. d'Arnaud a grossi son Recueil Ides Délassements de l'Homme fmfible.) vient d'en i donnèr une autre le i octobre dernier en l'hon"Ecut des. vignerons de Ri-vezalres , canton dont ;le vin est renommé ; il a même accordé un prix !& des gratifications aux meilleurs vendangeurs.
III espere que le vin de la récolte prochaine cep ; kia. aieijieafi.
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3 novembre. Il ne paroît que depuis peu un arrêt du conseil daté de Saint-Cioud le 13 septembre , ou sa majesté, sur l'avis de M. le gardedes-sceaux , ordonne la suppression d'un ouvrage en trois volumes , ayant pour titre : Aventures & piaifante éducation du courtois chevalier Charles le Bon, sir d'Armagnac. Il est qualifié de contraire à la religion, aux moeurs, à l'honnêteté publique & au refpeét dû aux souverains ; & dans le préambule il est dit qu'il contient des leçons & des exemples également dangereux pour la jeunesse, qu'on y parle d'une maniere peu convenable des pratiques pieuses , de l'autorité & des chefs de nations i enfin que le style & les situations en font tout-à-fait licencieux.
On conçoit que cela ne peut qu'exciter la eu.
riofité à l'égard d'un livre peu connu 'tifcju'à présent, & dont on ne parloit point.
3 Novembre. Outte le filet , Qn prétend qu'il y avoit dans la caisse le madrigal suivant : '4
A vous , savante enchanteresse , „.j 0 Montesson, l'envoi s'adresse ! U Docile à mon avis follet , ;1 Avec confiance osez tendre Sur le champ ce galant filer, :' Et quelque grace va s'y prendre. H 4 Novembre. Au défaut de grandes nouvelles politiques , on s'occupe des tracasseries intérieu- res de la comédie françoise, occasionnées par le début de Mlle. vanhove ; on en jugera mieux par la lecture de la lettre suivante, qui coure les sociétés, qu'on crou faaice > mais (l\ài n'ta
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ert pas moins piquante, & fondée d'ailleurs sur des faits connus.
Lettre de Aille. Contât à Mde. Vanhove, datée de Paris le 25 Octobre 1785..
COMMENT , Madame , si j'en crois ce qu'on me rapporte, vous m'accusez d'être jalouse des fucccs de Mlle. Vxrho-je , de chercher à les rroifer , de descendre jusqu'à la manœuvre vile 1: odieuse d'avoir dans le parquet des suppôts gagés pour l'intimider par des fimets & la décourager ? On ne soupçonne guere de pareils procédés qu'on ne foit capable d'en user ; mais sans fouiller dans vos intentions, j'ai des reproches plus réels à vous faire : expliquonsr nous & répondez, Pouviez-vous ignorer, Madame , le début antérieur de ma soeur , quoique sans annonce, sans prétentions , sans tout l'appareil & le fracas : de celui de Mlle. votre fille ? Pouviez- vous ignorer que sa junefre, ses grâces, ses talents naitTànts lui avoient valu l'indulgence du public?
Pouviez-vous ignorer que , dessinée dès-lors à remplir les emplois de jeunes amoureuses dans le comique, elle n'étoit rentrée dans la retraite que pour se rendre , par de nouvelles études , ¡plus dignes d'éloges & d'encouragement ? Non , sans doute, & c'est prefqu'au même instant jque peu satisfaite de voir triompher votre fille Idans le tragique , vous l'incitez à marcher sur îles brifées de ma sœur, & à lui ravir ses emplois dans l'autre genre. Je veux que vous ne dussiez aucun égard à ma fœur, à moi qui de-
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puis quelques années soutiens tout le poids des jôles comiques, qui ai fait réussir les feules !r comédies nouvelles restées au théâtre , qui ramène sans celse vers la scene françoise la foule lu qui s'en écarte dès que je disparois; je ne mem compte pour rien. Mais dépouiller un enfant ne sans défense & l'écraser, c'est une cruauté, une,, barbarie. Tout ce qui me révolte sur-tout, c'est b l'hypocrisie que vous y avez mise. Vous paroissiez ne songer qu'à faire par quelque bon mariage^te de Mlle. Vanhove une bourgoife bien cof!uen|s bien étoffée de la rue Saint-Denis ou de la rue Saint-Honoré; & pendant que vous vous ex primiez ainsi , vous lui faisiez naître le goût du théâtre; vous allumiez dans son cœur la soif de la gloire ; à l'insu de tout le monde & même de ion pere, vous lui faisiz répéter des rô:c!> Y, vous la formiez, vous sollicitiez son début. Voila ce que je n: vous pardonnerai jamais. Oui, Madame, incapable de rrc,,{fe.ries sourdes Sc: basses, je vous décUre une guerre ouverte j (i votre fille persiste à devenir rivale de ma sœur "l' je l'attaquerai non- seulement dans nos comités, je souleverai contre elle les gens honpetes de notre société : mais je la poursuivrai jusqu'au tribunal de nos supérieurs ; j'irai, s'il le faut ,'" me jeter aux pieds de notre auguste souveraine, encore plus la poctectrice des opprimés que des talents ; & vous pouvez regarder d'avance cette lettre comme un manifeste : afin qu'elle ne refle point fecrere dans votre porte- feuiIle, & que tout le monde foie instruit de votre conduite perfide , j'en fais délivrer des copies à tous mes amis : dans la crainte de ne pouvoir la faire imprimer ici, je l'envoie à tous les journaux
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rangers, & j'espere que lf public infhuk forte, nons jugera & détestera cette abomina- : trahison. Paris, ce 2.5 oftobre 1785.
5 Novembre. L'avocat Marchand) auteur facé.
ux, connu par pluficurs bagatelles littéraires, ceint de vieillesse; le Curé de Saint-Nicolass-Cham ps, (ur la paroisse duquel il cft* le site souvent & ne se rebute point de la porte rmée ; comme le malade tombe dans une :; ,ece d'enfance, le zele du Pasteur espere enfin VII venir à bout & le faire mourir très- cli réi tnnement.
-6 Novembre.. On ne voit encore d'autre réinse à la lettre vraie ou fiaive de Mlle. Contât madame vanhove que le madrigal suivant, que -j :nt courir !es partifkns de la nouvelle actrice , à laquelle il est adresse : Que Contar, nouvelle Eriphile , Contre toi de l'envie épuise tous les traits Paris répond avec Achille , Vous m'envoyez encor plus épris que jamais.
Ce vers tiré de l'Iphigénie de Racine est d'au: int plus heureusement appliqua ici, qu'en effet doutes les fois qu'Achille je disoit durant les 1 ébuts de Mlle. Vanhove qui faisoit, comme l'on 1 it, le rôle de la fille d' A ; .it, le roie.1 la siUe gamemnm, le parterre saisissoit l'allusion & applaudissoit à tout rompre.
:'e madrigal , attribué à un jeune homme de J. zaucoup d'efprir, nommé M. Salior, a été nit par impromptu dans un souper où ils se : ncontroit pour la premiere fois avec la famille es Vanhove.
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6 Novembre. L'apologue oriental 011 1 on raconté dans le plus grand détail toute l'ffair du collier est inféré dans une lettre de la C. a 14. à l'abbé G. C'cft une réponse fictive de 1 comtesse de Marfan à la lettre de l'abbé Georgel qu'on a rapportée dans le temps. On a affcétl de faire tomber dans les mains du roi ce panv ph/et imprimé au rouleau. La Reine y est défi gnée fous le nom de Myria, & comme il efl tout entier à la gloire de la (ouveraine, for auguste époux l'a goûté , a même adopté ce nom & depuis ce temps-là a appelle plusieurs fois la Reine, sa chere Myria : outre l'anecdote du jour , ce conte allégorique rappelle d'autres faits Se gestes qui ne font pas plus d'honneur au héros. Ce font sa vie & [es mœurs, présentées fous le point de vue le plus honteux.
7 Novembre. Depuis plusieurs jours on parle d'une ceilion de tous, ses biens, faite par Monsieur au duc de Normandie. On tient la chose pour fûre aujourd'hui. Elle ett d'autant plus extraordinaire qu'elle sembleroit annoncer quelque inimitié secrete entre ce pri nce & le comte d'Artois , Ion frere , dont il truftre ainsi cruellement les enfants ; cependant comme on ne fâche rien qui puisse autoriser ce soupçon, on regarde cette conduite simplement comme un coup de politique , & l'on croit que c'est le fruit des conseils de M. Cromo. En effet suivant cette combinaison , de cet événement il résulteroit une coalition entre la Reine & Monsieur, qui, pour condition secrete , entreroit au conseil.
De son côté sa majesté tiendroit à une distance convenable ceux qui ont aujourd'hui sa confiance & la donneroit toute entiere à cette altcife
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oyaIe. Ils aideroient ainsi le Roi à soutenir le poids des affaires, Se les choses n'en iroient que nieux , avec le secours d'un prince instruit , age , appliqué, économe , peu livré au plaisir , k intéressé personnellement à la conservation k à la prospérité du royaume. Le temps feu!
lévoilera tous ces mysteres.
7 Novembre. Un nouveau supplément au 'ournai de Paris , en date du iL oétobre , paroît ncore imprimé au rouleau. Il est toujours irincipalement dirigé contre M. de Calonne Se évele plusieurs anecdotes qui ne lui feroienc joint honneur , si elles étoient vraies. Ce qui iécrédite fort l'écrivain , c'elt d'impliguer dans out cela le comte de Vergennes, dont les mœurs, e caractere & la réputation ne paroissent guere : rompatir avec une pareille association.
8 Novembre. M. le contrôleur-général voulant r ans doute donner un dernier coup de collier :0 faveur de son emprunt » avoir chargé le omte de Mirabeau d'écrire contre les Avions les eaux, montées comme certains effets particuliers ou étrangers à un prix fou. L'auteur dans sa brochure pleine de logique & écrite avec e feu & l'éloquence qu'il répand jusques dans c es matières les plus abstraites , découvre d'une *. façon bien sensible l'extravagance de cet agiotage.
.» Messieurs Perrier en ont été furieux : ils ont senti e danger de laisser s'accréditer une pareil b.diatribe : en conséquence ils ont eu recours au l leur de Beaumarchais ; ils lui ont remis kurs papiers & l'ont chargé de répondre.
8 Novembre. Extrait d'une lettre de Fontainebleau, du 7 novembre. Il y a une rivalité : de goût absolument ourerte entre la cour &
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1* rïlle. Themistocle est tout-à-fait tombe ici & Penelope, dont les répétitions avoient tant en
chanté les Parisiens, n'a guere mieux réussis Dardanus, au contraire, dont ils étoient dégoûtés a joui d'un plein succès. M. Sacchini dans l'excè: de sa joie s'est écrié qu'il avoit fait cet opéra pour la cour, que son suffrage lui suffisoit & qu'il se f. de ceux de la ville. Quant au sieur Morel, ayant refusé de mettre en mufiquc un de Tes ouvrages, il lui avoit juré une haine immortelle, l'avoit menacé par ses manœuvres & par son crédit dans la troupe lyrique de faire tomber tous ses opéra. M. Sacchini n'avoit pas manqué d'en instruire la Reine, & sa majesté s'est fait un plaisir de venger son protégé. r t Du reste Dardanus, dans le principe en quatre actes , n'et f plus qu'en trois. * 9 Novembre. On assure que la Reine s'et f si bien trouvée dans son yacht, qu'elle a résolu de s'en fc-rvir pour revenir de Fontainebleau." Comme il y a une cheminée dans son appartement, la rig,!:ur de la faison n'y fait point obstacle ; il y a une autre cheminée dans la cuisine, en cas que sa majesté veuille manger un poulet.
y Novembre. Autre Supplément au journal dt Paris du 17 octobre 1785. C'est un acharnement affreux contre M. de Calonne. Dans ce!ui-ci on tient note jour par jour de tout ce qu'il a fait depuis le. commencement du voyage," ou plutôt de ce qu'il n'a pas fait; car, à en croire ce journal. il n'auroit vaqué qu'à ses plaisirs, & n'auroît trouvé aucun moment pour le travail.
En outre , on trouve dans ce pamphlet une lettre fictive de ce m iniftre, où l'on lui fait de-
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mander à M. à." A ut un pour ion frere , l'évchê 4e Saint-Malo, vacanr. Cette lettre est plaisante relativement à l'abbé de Calonne , qui passe pouc un allez mauvais sujet comme ecclésiastique.
10 Novembre. M. Pierre Rousseau de Toulouse.
conseiller aulique de l'électeur Palatin , vient de succomber enfin à de longues & cruelles souffrances. On ne fait encore à qui le journal 1 encyclopédique fera confié. Outre la manufacture qui lui appartenoit en propriété , cet homme r de lettres travailloit depuis long temps avec <■ beaucoup de succès à cet ouvrage périodique ne : fous sa plume. Il paroît qu'il a très-bien fouteI, 'DU Ton rôle d'encyclopédiste, & qu'il est mort philosophiquement. M. le curé de Saint-Roch Ï ttoit venu le voir une fois & il avoit été admis depuis cette premiere visite , le malade reposoit :, toujours , lorsque le pasteur se présentoir.
10 Novembre. Ces fnppléments au journal de : :P:"ris) qui prennent le train de se succéder périodi: quement & fréquemment, ne laissent pas que .r id'inrriguer la police ; on les attribue à la société d'un ex-minifire, qui se venge ainsi du tour a- qu'on lui a joué en l'cxpulfant peu après Ton exultation. Quoi qu'il foit doux & honnête , on !e soupçonne rancunier. En tout cas ces pamphlets ne peuvent s'attribuer qu'à des gens bien instruits des opérations & des marches de f 'M. de Calonne : en outre, il faut qu'ils aient de certains entours & des facilités peu communes pour l'impression de ces feuilles & pour le soustraire pendant un si long espace de temps à la vigilance des espions & aux recherches des ; préparés à cette inquisition ; il faut encore qu'ils soient en état de faire des sacrifices pécuniaires
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cenfidérables , d'autant que la ditlribution s'en fait par amis & gratuitement; enfin ce ne peut être qu'animé de quelque passîon violente , qu'on se livre aux embarras, aux inquiétudes qu'entraîne ce genre de manœuvres clandestines & multipliées.
10 Novembre. La Reine est si contente de fou yacht qu'elle veut faire avoir un bon de fermier.
général au sieur Leleu, l'un des entrepreneurs de.
là construction.
11 Novembre. On a annoncé que le sieur Audinot avoit repri s la direction de Con spectacle.
à la grande satisfaction du public; il s'est associé Un sieur Arnould, & tous deux cherchent à foute.
nir leur entreprise en rassemblant les circonstances les plus propres à piquer la curiosité. Depuis long-temps le premier avoit donné une pantomime, où est représentée l'aventure du sieur Gilet y qu'on a vu récemment exposée au salon dans un tableau de M. ville. A cette occasion on a découvert que ce brave maréchal-des-logis ctoit à l'hôtel des Invalides. Le sieur Audinot a imaginé de l'inviter d'assister à une repiéfcntation de la pantomime k lundi quatorze de, ce mois, avec un grouppe de Ces camarades, auxquels on réservera la première banquette. 11 s'est flatté avec raison que chacun s'empresseroi cM de voir ce personnage vénérable qui a [oixante seize ans aujourd'hui & en avoit déjà soixante, treize lors de son combat énéreux. ■
II Novembre. Il paroît des exemplaires d'un mémoire de vingt paes d'impression , in (luarro,
servant de réponse a la derniere déclaration de p: la cour de Berlin. Il a pour titre : Examen dufY motifs d'une association pour la conservation de lâ
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ta tvnflitution de l'empire, exposés par (a majest" ie roi de Truffe , & adressés de sa parc à Tes ciétats de l'empire & à d'autres cours de l'Europe.
11 Novembre. Mlle. ramer a peine a revenir du coup que lui a porté la mort de M. de Larboulerie, son ancien ami , arrivée fubitemenc chez elle en touanr. Ce capitaine aux gardes vivoit depuis vingt ans chez cette a £ fcrice& lui étoit si fort attaché , qu'en se mariant il avoir mis pour condition que sa femme rcfteroit dans ses terres en Auvergne, autant par économie qu'afin qui iTien .ne pût troubler Ion union avec la couritifane en question. Il y tenait bureau d'esprit avec le président d'Héricourt 5z d'aurres commensaux de Mlle. Fanier. & s'étoit ainsi formé un -peu à la littérature. Il y a environ quinze jours qu'elle est dans le deuil & !a douleui de cette perte irréparable. D'un autre côté , la famille se plaint du désordre énorme qui a rélulté de ce commerce dans la fortune de M. de Larboulerie , qui se trouve , sans aùcune dépsnfe ap.patente, endetté de cinquante niille écus.
il Novembre. On a distribué depuis peu anonymement chez les banquiers & dans le public, sans favoirni-commentni pourquoi,trois tableaux -concernantles forces & les finances du royaume.
C'est un'beau jeune homme qui vient les offrir moyennant finance, mais sans vous taxer. Ces tableaux font de la plus grande beauté , mais exagérés dans leurs calculs; on présume avec rai'on 'que Tauteur eït auterisé par le ministere à se nrcsenter ainsi dans les ra-asso-ns, autrement il il¡;i¡)¡C "été déjà arrête.
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si Novembre. Relation de la fiance publique de F académie royale des faïences pour sa rentrée 1 d'après la St. Mrtin.
Les prix font aujourd'hui si multipliés, qu'il est à craindre qu'ils ne deviennent trops communs, &que le vrai mérite ne les dédaigne. Les annon-
ces feules ont tenu un temps considérabe; c'est, suivant l'usage, le secretaire de la compagnie qui les a promulguées, 1°. Conformément aux intentions du roi , l'académie avoit proposé pour 1783 , un prix de deux mille quatre cents livres , dont le sujet étoit de trouver le procédé le plus simple & le plus économique pour décomposer en grand le sel de la mer, en extraire Valkali qui lui fert de bafe dans [on état de pureté, dégagé de toute combinaison acide eu autre , sans que la valeur de cet alkali minéral excede le prix de celui que l'on tire des meilleures soudes étrangeres.
Les mémoires envoyés n'ayant pas ,au jugement de l'académie, suffisamment rempli le but du gouvernement en 1785 , elle a remis le prix pour 1785 ; elle n'a pas été encore entièrement satisfaite à ce concours, & propose pour la troisieme fois la même quefiion. L'académie s'expliquera définitivement dans l'assemblée publique de Pâques 1788.
2°. L'académie se trouvant à portée de disposer d'un fonds propre à donner un prix tous Jes deux ans, depuis 1777 a joint un prix de physique au prix de mathématiques , qu'elle est dans l'usage de proposer annuellement. Le sujet pour la prochaine proclamation est la queftioa
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1111 vante : Expojer les principes de la meilleurs méthode, d'après laquelle'les observateurs devroient étudier & décrire l'histoire m in é ra logiqu ed'un canton au d'une province ; l'académie exige que l'auteur faffe V application de sa méthode à un canton , même d'une petite étendue.
Le prix de quinze cents livres fera décerné dans l'assemblée publique de Pâques 1787.
3°. Un amateur éclairé des sciences a proposé à l'académie de se charger du jugement d'un prix sur la question suivante : On suppose 1 qu'un vaisseau connu de poids, de forme, de poftion , Je meuve sur la surface de la mer, supposée plane :& horizontale , avec une- vîtesse donnée & parallélement 4 sa quille : iq. Qu'une cause quelconque fajfe naître, sur la surface de la mer, une onde ou lame circulaire unique, dont le centre foit placé sur le prolongement de la quille , & dont on ',connoijfc la ferme, ou a l'origine, ou dans un xertain infiant de sa durée: 3 Q. Qve cette lame, sn vertu de sa vîtesse, atteigne le vaisseau ; cela vofé y on demande les changements que la lame i fera naître dans les mouvements du vaisseau, fait ! par le choc, foit par la différence des pressions. Cette <: proportion a été acceptée par l'académie, & elle ,: décernera le prix dans son assemblée publique r, l'après Pâques 1787. Malheureusement ce prix 'j '[l'ell que de deux cents quarante livres & plufieuts auditeurs ont observé que c'étoit bien peu d'argent pour tant de choses.
4°. Un citoyen anonyme a fondé un prix de mille quatre-vingts l ivres , en faveur d'un mémoire ■■ routenu d'expériences, qui tendra à simplifier les Procédés de quelque art méchunique. L'académie ttrant dans les vues du fondateur, avoit pre-
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posé pour le premier prix en ce genre le fujet^t iuivant : de perfectionner la construction dts moulins éù à eau, sur-tout de leurs parties imérieures, &C.):Í.
Il devoit être adjugé à Pâques 1784, & ili avoît été remis pour cette séance actuelle. C'est le un M. Dranfy , ingénieur du Roi , qui l'a obtenu, un Quelques observateurs dans ia séance ont pré." tendu qu'il étoit absolument incapable d'avoir cumpofé Ion mémoire, que c'étoir un homme r; des plus ineptes..
Cependant le secretaire a ajouté, que l'académie en couronnant M. DranJy, l'invitoit à con. p tinuer ses recherches sur un art dont il s'est beaucoup occupé, & si digne par son objet de touta-b l'application d'un homme instruit.
5 p. Le fujerdu prix à décerner à Pâques 1787" est : la meilleure maniere de distribuer, suivant t des rapports donnés, un volume déterminé d'eau tntrt les différents quartiers d'une ville , en ayant-w égard aux divers accidents du terrain, c'est-à-dire aux inégalités des hauteurs des lieux, où les eaux doivent être envoyées , aux pentes & aux finuêfi files (tu terram. t 6Q. L'académie avoir proposé encore pour un prix qu'elle devoit adjuger en 1784, & du également au zele du même citoyen anonyme , legji fujtt suivant : Déterminer la nature & les caufesnt des maladies des ouvriers employés dans la fabrique des chapeaux, particulièrement ceux qui fecrettent , f/y la meilleure maniéré de les préserver déë ces maladies : n'ayant pas été pleinement [atis faite des mémoires envoyés à cette époque , ell remit le prix pour cette séance-ci , & c'est M. Henri-Albert Gosse de Geneve qui l'a mérité ; il avoit déjà rem porté le prix de 1783, sur un fLlje s du même o-pnre.
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Le secretaire en conséquence en nommant le Lauréat, y a joint le compliment suivant : L'académie, en couronnant deux fois les travaux de M. Gosse, voit avec beaucoup d'intérêt, que la classe des hommes qui, par leur état , font exposés à des accidents graves, attire con ftamment l'attention de ce chymiste efiimable ; que les regards se portent naturellement sur cette multitude d'ouvriers si dignes qu'on veille pour eux, & qu'il trouve une véritable gloire à leur Youer ses talents.
7°. M. de Condorcet a ajouté : Le public voit avec reconnoissance combien le fondateur de ces prix délire de contribuer au progrès des arts par de tels encouragements : lin sentiment bien capable de remuer les hommes a déjà porté , comme on a vu , ce vertueux citoyen à exciter l'émulation parmi les savants , pour qu'ils s'occupent en particulier de la conservation d'un très-grand nombre d'artisans, dont la fanté est souvent altérée par la nature même du travail qui les fait subsister.
L'académie, toujours empressée d'entrer dans des vues qui vont directement au bien de l'hu manité , propose , pour le sujet d'un fécond prix : La recherche des moyens par lesquels on pourrait garantir les broyeurs de couleurs des maladies qui les attaquent fréquemment) & qui font la fuite de leur travail. Quoique le métier qu'ils exercent foie simple en lui - même , n'exigeant de leur part qu'un peu d'habitude , & sur-tout de la propreté , cependant l'académie invite les auteurs qui travailleront sur ce Cujet , à donner une description exade de ce métier : elle attend d'eux encore qu'ils entreront dans un détail circonf-
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tancié" des eiirerentes matieres qu emploient 10 broyeurs de couleurs, des mélanges qu'ils fonz, obligés de faire , & des effets dangereux qui en résultent assez (ouvent. L'académie désire principalement que les auteurs. tournent toute leur application du côté des moyens par lesquels il fera possible de mettre ces ouvriers à l'abri detout accident , sans nuire à l'exaftitude de leur travail, & au broiement complet des couleurs lui en est le véritable but.
On remarque avec peine que les atteliers de ces artisans font, pour l'ordinaire, très-resserrés ; qu'en général ils fervent de dépôt pour lesmatieres, nuisibles par elles mêmes, dont on y; fait usage, & qu'ils font privés de courants d'air qui en diminueroient le danger.
L'académie ne doute point que les auteurs, qui lui présenteront des mémoires sur ce fuice intérenant, ne soient frappés de ce dernier inconvénient que l'artisan , ou néglige par un défaut de réflexion) ou n'évite point par uo- défautd'aisance qu'ils n'insistent sur lesvavantages,
d'un atrelier un peu vaste, séparé du dépôt des, !
matieres dont les couleurs font composées , & j dans l'étendue duquel l'air foit sans ccfT: renou-.
vdIé. Trois éloges Se six mémoires ont partagé le- 3 reste de la léance. [
M. le marquis de Condorcet a payé d'abord k tribut aux mânes de M. Wargentin , agronome célebre , & secretaire de l'académie de Stockholm., Cet éloge a été très-court. Le défunt n'étoit que
depuis peu associé étranger; il a été sur-tout, question de la maniere dont il remplissoit ses fonctions dans sa dignité. Il a. vraisemblablement
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écrit en suedois les mémoires de sa compagnie , car c'est sur parole feulement que le panégyriste a vanté Ton style simple, clair, méthodique & très-adapté au genre : l'académie des sciences de Suede lui a fait frapper une médaille, honneur qu'elle ne rend qu'à ses membres les plus distingués , 8t qu'il méritoit d'autant mieux , que la gloire feule l'animoir : ainsi que différents ! de nos lavants les plus renommés , il ne s'étoit r nullement occupé de sa fortune i il auroit péri h dans la détresse, si sa compagnie ne lui eût i accordé au lit de la mort en quelque forte, une î gratification sur les fonds dont elle dispose , 8c 1 n'eût obtenu du gouvernement pour ses enfants t une pension j nouvelle qui rassura sa tendresse & l le fit expirer tranquillement.
Le premier mémoire lu éroit de M. d'Aubenton, l sur l'amélioration des laines en France. Comme il rentre dans ce qu'on a dit déjà sur cette maI tiere, il feroit superflu de s'y étendre davantage, Le fécond de M. Gentil, rouloit sur l'origine, du zodiaque; mémoire trop scientifique poIX être susceptible d'analyse : le galant académicien a trouvé cependant le secret d'y faire venir l'éloge de la femme à l'occasion du signe de la vierge, fous l'emblême duquel il a prétendu qu'on vouloit déllgner la fécondité de la terre ; idée aussi bizarre qu'absurde.
Pour dédommager de l'aridité de ces deur Jeaures, M. de Condorcet leur a fait fuccédec l'éloge du comte de Milly ; après avoir vanté l'ancienneté de sa naissance , rendu compte de ses services militaires, il est convenu que (on héros n'avoit commencé à- se livrer aux sciences qu'à
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la paix de 1761 , c'est-à-dire, trop tard pour avoir acquis des connoissances profondes. Il s'est étendu sur l'attrait du comte de Milly pour les.
secrets dont il étoit le protecteur, & est devenu la viétime; car, quoiqu'il fût d'une constitution très-robuste , à force de vouloir tâter de tous, il en a rencontré un qui l'a fait périr encore à ja fleur de l'âge. Par ce goût pour les choses mystérieuses , le comte de Milly avoit donné avec enthousiasme dans la franc-maçonnerie, où il possedoit des dignités éminentes. Le secretaire a profité de cette circonstance pour se li vrer à une digression intéressante sur cet ordre innocent , qu'il a vengé des calomnies du fanatisme & des persécutions de l'autorité alarmée mal.àpropos.
Troitieme mémoire de M. de Fougeroux, sur l'utilité des étwves à dessécher les grains. On peut les conserver un siecle avec un pareil secours.
M. Buféjour a lu ensuite la préface d'un grand ':t"urage qu'il se propose de publier sur l'astronomie.
li y annonce Ils vues d'un homme de génie qui embrasse les choses en grand , & se fera un nom immortelparmi les confreres, si l'exécution répond à l'ensemble de Ton plan. Il s'agit d'une méthode générale, dircth & rigoureuse , pour résoudre les problèmes de cette sciénce , principalement concernant les éclipses , résolus jusqu'à présent seulement par des méthodes indiredles & particuiieres , souvent imparfaites.
Troilieme & dernier éloge : c'étoit celui de M. de Cassini de Thury. Il est fâcheux que cet académicien, très-vain de son naturel, n'ait pas pu avoir eu de son vivant un avant-goût de ce difeours i son amour-propre en auroit été infi-
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niment flatté. M. de Condorcet a parlé fort an long, entr'iutres choses , du plus bel ouvrage de ce défunt, du plan topographique de Ja France, dont il lui attribue & l'idée & l'exécution. Il avoit d'abord été entrepris avec l'approbation particulière de Louis X V & aux frais da gouvernement, qui lui retira ses secours, & c'est depuis devenu la spéculation mercantille d'une compagnie.
Cependant le Roi continua de fournir des encouragements de sa cassette , mais sans contrarier les miniltres pour le surplus.
M. le comte de Cassini, fils de M. de Thury est le quatrième académicien en ligne directe de cette famille) qui depuis 166? a constamment & sans interruption fourni des astronomes à cette savante compagnie.
Le cinquième mémoire de M. de Fourcvoy ) rouloit sur la maniere de separer le gaz hépatique {y le Jonfrc des eaux minérales.
M. Broujfmnet a terminé la séance par Je Cxieme mémoire sur les dents de l'homme , comparées a celles des e/pcces carnivores & frugivores.
Après avoir établi que la dentition parfaite est composée de trente-deux dents , dont vingt propres à Pefpece frugivores, & douze à l'espece carnivore , il en a déduit un précepte d'hygiène qui paroîtra tiré de bien loin ; c'est que la nature nous indique par-là à mélanger dans la même proportion les aliments extraits du regne végétal & ceux du regne animal.
13 Novembre. On exalte beaucoup en ce moment un petit tableau d'une nouvelle artiste qui se nomme Mlle. Beaulieu , éleve de M. Greuzer Cette ieune personne a repréfcnté sur une fu-
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perficie d-è trente-quatre pouces de hauteur furvingt-sept de largeur , la mufe de la poésie livrés aux regrets que lui cctufe la. mort de Voltaire. A en croire tous ses enthousiastes , la composition ,, imaginée avec sagesse & exécutée avec intelligence, est. entièrement relative au fuiet & dans.
le ton poétique qu'il exige. Le dessin en est correct, la lurniere bien composée , l'artifice du clair obscur bien entendu., les objets exactement placés (ur le plan , la draperie jetce avec grace & avec cette modestie qui pare la nature ; le coloris en est vrai, les teintes parfaitement bien fondues. Mlle. de Baulieu n'a pas encore le faire assuré & la touche mâle qui caractérise les grands maîtres; mais elle s'attache tellement à l'imitation de la nature , elle en a tellement saisi le ton & les effets, qu'elle s'approchera, si elle continue, de la maniere du Cerrege. On trouve encore dans ses têtes le style de Vandyck. Il faut voir ses ouvrages pour juger si) comme c'est à présumer, il n'y a pas beaucoup d'exagération dans ces louanges.
15 Novembre. Extrait d'une lettre de Troies ) du 6 novembre. Nous venons de perdre un de nos concitoyens qui mérite d'être regretté » c'est M. Grosley, érudit , membre de l'académiq royale des inscriptions & belles - lettres , de la, société royale de Londres, &c. C'étoit en outre un observateur judicieux , de qui l'on a beaucoup d'ouvrages instructifs : celai intitulé Lendres a, fait le plus de bruit. Il est mort le 4 de ce mois, âgé de soixante sept ans.
14 Novembre. L'ouvrage supprimé par l'arrêt du conseil dont on a parlé, est de M. Mayer, <8{. avoit été imprimé, avec toutes les ..formalités-:
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exigées ; c'est le nouveau chef de la librairie, M. Vidaud de lut Tour , qui, plus fcrupuieux que fts prédécesseurs , en a requis la fuppttinon.
Le fond en est légèrement historique , & du reste ce n'est qu'un roman écrit en styte un peu gaulois, pour le rapprocher mieux du temps du héros ; le coitume y est parfaitement observé j l'auteur pour rendre son ouvrage plus piquant , y-a peint des personnages modernes très-connus, tels que le duc d* Cboifeul : en tout beaucouy d'imagination, de galanterie, de licence, de philosophie, de force & de hardiesse cara&érifent cette production, la rendent très-digne du fort' qu'elle a éprouvé & des anathêmes des deux puissances.
14 Novembre. Extrait d'une lettre de Moulins ,.' du 8 novembre. En passant par cette ville j'apprends une anecdote que vous ne ferez pas: fâché de savoir , d'autant que je ne l'ai vu con-- signée nulle part. M. Necker, revenant des pays méridionaux, il y a quelques mois , changeoit de chevaux à la porte : dans l'intervalle il étoit allé visiter aux urselines le mausolée du duc de 1 Montmorency , que Pigal regardoit comme supélieur à celui du cardinal de Richelieu : le bruir: cependant se répandoit de l'arrivée de M. Necker, & il s'amalfoit beaucoup de monde dans l'église.
Un jeune homme présènt s'enthousiasme à Pinftant; il écrit avec un crayon le quatrain suivants A M. Necker, ancien directeur-général des finances.
D'un héros malheureux tu pleures sur la rombe : Tu nous fais, ô Necker, couler aussi des pleurs ; Toujours donc un grand homme a des persecuturs, Et tôt ou tard , hélas ! fous leurs coups il succombe.
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Ce quatrain tranimis de main en main, parvient bientôt à l'ex-minifire & à sa femme, qui veulent en connoître l'auteur ; mais il avoir disparu.
L'anecdote est d'autant plus précieuse, que M. Guéau de Réverseaux , alors intendant deMoulins, a été un des agents principaux de la disgrace de M. Necker, qu'il n'en étoit devenu que plus odieux au peuple de cette ville » qui l'auroit éche.rpé, si l'on n'eût retiré d'ici ce commissaire départi pour l'envoyer à la Rochelle.
15 Novembre. Les craintes augmentent pour le bois , à cacfe des précautions extrêmes du gouvernement, qui , fui vant les derniers ordres r ne laisse distribuer cette denrée sur le champ que par demi-voie; pour en avoir une, il faut une journée entiere. Les vexations des marchands s'accroissent en proportion, & les légeres amendes qu'on prononce contre eux ne les corrigent pas, n'étant nullement proportionnées aux bénéfices énormes de leurs friponneries.
Le 14 du mois d'octobre le bureau de la ville 1 provoqué par la chambre des vacations à ta veille de le séparer , a rendu une ordonnance nouvelle pour arrêter un abus criant , par lequel ces marchand s mêîoient- du btis "blanc, c'est-àdire le plus mauvais bois, & le faisoient passe-r pour bois de gravier ou bois de compte : il leur est ordonné de le mettre absolument à part pour ne le distribuer qu'aux boulangers, auxquels il est nécessaire , & l'on prend même des précautions , afin d'empêcher que d'autres , fous ce prétexte, de la fauflfe qualité de boulangers.
Ile l'enlevent avant que les chantiers en soient garnis dans la quantité suffisance ; ce qui fejji*
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Bleroit en annoncer une disette, & ne contribuera pas à dissiper les frayeurs.
15 Novembre. Relation de la séance publique du l'academie royale des inferiptions & belles lettre:;) peur sa rentrée d'après la saint Martin.
Les foins du nouveau secretaire, afin de garnir d'auditeurs les assemblées publiques de sa compagnie , se soutiennent & ont quelque succès.
On a commencé par décerner le prix dont le sujet étoit , l'état de l'architecture chez les Egyptiens, & ce que les Grecs paioijfent en avoir emprunté. Il a été remporté par un M. Quatremer de 6h/i>icy.
On a annoncé que le sujet proposé pour le
prix que l'académie devoit décerner à Pâques 1783 , remis à Pâques 1785 , l'étoit de nouveau à Pâques 1787 : il consiste à déterminer quelle étoit l'étendue des domaines de la couronne , lan ie l'avènement de Hugues Capet au trône ; quelles possessions ce prince y ajouta; comment & par quel moyen ces domaines s'accrurent ¡u/qu"ate regne dt Philippe-Auguste exclusivement ?
L'académie observe qu'elle n'entend par domai ne , 1. Que les domaines proprement dits, ott p9fJe(fîons territoriales ; 1. les droits féodaux utiles t representant les domaines aliénés 5 les droits atta- ches à la souveraineté , tels que les droits de monnoie, de gne , de rivière , de voirie , &c.
On a dlftribué ensuite le programme d'un prix extraordinaire, en faveur du meilleur tlogt historique de M. l'abbé de Mably. On en a déj* parlé, La médaille d'oc de la valeur de douze
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cents livres fera donnée dans l'assemblée publique
d'après la Saint-Martin 1786.
M. Dacier, après ces préliminaires , a ouvert:
la séance par l'éloge de M. séguier : c'étoit un grand antiquaire , il aimoit sur-tout les me-" dailles > ion goût ou plutôt sa passion pour ce genre de monuments le manifesta dès l'âge de' dix ans à l'occasion d'une médaille qu'il gagna au jeu à l'un de ses camarades r depuis ayant' appris que des ouvriers avoient trouvé des mé-
dailles dans un puits, il s'y sir descendre dans la nuit de complot avec des écoliers de Ton âge, qui ne purent t'en retirer; de forte qu'il fut.
ob!ié d'y relier qu'au jour. Une autre fois, n'ayant pu acquérir <^s rn'édaii.es qui étoient trop cheres pour ses médiocres revenus, il en' tomba sérieusement malade) & pensa en mourir: tout cela contrarioit fort les volontés de fesparents qui auroient désiré le destiner à la magistrature , mais inutilement r entraîné par IOn.
penchant il voyagea en Italie , où il se lia de" l'amitié la plus étroite avec le marquis de MajJei), amitié qui a duré jU[<Ju'à la mort.
M. Séguier avoir une sagacité merveilleufe- pour deviner les inscriptions effacées ; il en donna une preuve à l'occasion d'une de Nîmes, sa'patrie, qui depuis long-temps étoit le désespoir : de tous les antiquitaires.
Tels font les faits les plus frappants de cet, éloge bien digéré , rempli de vues fines & de A choses ingénieuses , mais qui tenant à l'à-propos , perdroient tout leur mérite à être isolées.
M. Séguier, résidant en province, n'avoit pu' avoir qu'une place d'associé-libre-regnicole ; if, tft nae^t très-âgé , membre d'une foiSe d'acade»,
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mies,, & protecteur de celle de Nîmes ; titrefailurux que sa modefiie auioit voulu refuser.
A cet éloge ont succédé quatre mémoires, i. Un sur le fange du vergier, par M. Ce. ma s., Ce vieux manuscrit est un des plus utiles à ceux qui veulent défendre les libertés de l'église gallicane. On n'en connoît point l'auteur ; l'academicicn ne fait que hasarder des conjectures à cet égard. Il fut composé fous le xegne de Charles V ; il en donne l'analyre qui est une fiction : les détails dans lesquels il entre, font très. propres à exciter l'envie de le lire ; il en cite des morceaux satiriques qui doivent le rendre tout-à-fait piquant ; enfin le savant académicien indique où l'on peut chercher les copies les plus exaétes & les plus completes d'un ouvrage aussi capital., défiguré dans l'impression, & sur toue dans les especes de traductions plus françoises qu'on en a voulu faire.
Cette notice n'est qu'une partie du travail général de M. Camus, sur les monuments relatifs aux libertés du royaume & de l'église Gallicanedepuis la fin du huitième siecle jusqu'à la fin du leizieme.
Ce début de M. Camus, un des nouveaux associés, lui fait infiniment d'honnewr; il règne dans son mémoire, la clarté, la méthode, la précision , l'esprit de jugement & d'analyse de l'académicien le plus consommé.
x. Dom Clément , bénédictin , autre nouvel associé de l'académie, en vertu du changement survenu dans la compagnie, n'a pas été aujlî heureux que son confrere dom Poirier , dans la précédente séance. Çelui-là s'est donné pour tâche «WHgtiet l'éfùqttejujte dç ja mort du roi Refars <f
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,vcmie," & de l'avènement de son fils Henri preinite au trône.
11 prouve par des monuments de toute espece que ce double événement appartient à l'an 1031, & non pas à l'année 1033, comme le prétend' le célébré auteur de la cométoraphie, fondé sur une éclipse arrivée le vingt-neuf juin 1053 , & donnée par Helgaud dans la vie de Robert pour une annonce de la mort de ce Prince. Il est entré là-dessus dans des détails très-savants sur la manière de fixer la chronologie ; il a même prouvé assez invincib!ement l'infulfifance de l'application de l'astronomie à cette science : maison ne peut difeonvenir que ce sujet ne fût tropingrat pour une séance publique.
3". Le mémoire de M. de Sainte-Croix, sur les révolutions & la légijlation des anciennes républiques de la Sicile, au contraire plus historique que savant, a obtenu l'attention des auditeurs » quoiqu'ils ne vilfenr aucune découverte nouvelle, aucune méthode particutiere, aucun fyftêmc capa.ble de fixer les regards des érudits.
Au surplus, c'est le quatrième de l'auteur furles loix & le gouvernement des colonies grecques, Il y offre Je tableau des calamités que firent éprouver l'anarchie , la licence & la tyrannie..
Il ren ferme des détails concernant la légiflatioti que Dioclès donna aux Syracusains , & sur les règlements auxquels Rome fournit tous les Siciliens.
4g. M. l'abbé Brothier a parfaitement soutenu sa réputation dans sa dissertation furies Labyrin- thes : il s'est attaché spécialement à ceux d'Egypte. ;
Il a parlé de trois principaux. L'objet de cesgrands monuments dclUncs à [exvu de tçmbeau*'
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aux Rois, d'une étendue immense, & enrichis avec une profusion de magnificence incroyable, étoit très-moral. Les Egyptiens, le peuple le p!u9 fage de l'antiquité , avoient pour maxime que l'homme ne commençoit à vivre qu'apres sa mort ;, & en conséquence ils lui fabriquoient des habitations proportionnées à sa durée. On voit que cette allégorie tient fort à nos i..tée re ligieufes.
15 Novembre. Les comédiens françois ont joué hier pour la premiere fois le Roi Edgard y Roi d'Angleterre, ou le Page fuppcfé : cette comédie nouvelle étoit sur le répertoire de Fontainebleau & devoit y être représentée ; mais le séjour abrégé de la cour en ce lieu a yant forcé de retirer certaines nouveautés , celle-ci a été du nombre. C'est l'ouvrage d'un écolier , où il : ne se trouve ni invention , ni dialogue, ni bienféince, Le poëte est M. le chevalier de Chenier , jeune militaire , qui auroit besoin de laisser mûrir ses ouvrages. On assure que les : comédiens en ont reçu pJUfilHs autres, vrai semblablement de la même force.
Ce qui fait désespérer du débutant, c'est qu'il est très prcfomptueux & parle avec dédain non-seulement de ses contemporains , mais des meiî-* leurs auteurs classiques. Il a fait présent de son ouvrage au pere Vanhove, qui l'avoit abandonné à sa fille ; mais les huées du public feront malheureufemcnt la feule recette qu'ils laisseront à l'auteur.
16 Novembre. Il y a long-temps que les amateurs des beaux édifices voyoient avec peine l'état de dégradation du palais du Luxembourg, donc ils s'étoicnt flattés vainement que Monsieur le
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retireroit depuis qu'il ea a la possession. Ce prince s'est contenté de faire réparer le petit palais où il loge , ainsi que Madame , lorsqu'ils viennent à Paris. Quant au jardin qui étoit assez biea tenu , on a gémi du bouleversement qu'il a éprouvé par des spéculations mal vues que des artistes cupides avoient imprudemment suggérées à son altesse royale.
Depuis peu l'on a été bien surpris de voir fortif du milieu de ces ruines un pavillon qu'on arrang e avec autant de goût que de richesse : c'est celui, de la gauche en entrant, attenant à un jardin dont on a abattu le mer & auquel on substituera une grilIe; ce qui fera décoration en cette partie. On elpere que c'cft le prélude d'une régénération générale de ce superbe monument.
Quoi qu'il en foit, on assure que ce pavillon est destiné à madame la comtesse de Balby « dame d'arours de Madame, & que la princesse & le prince affectionnent également.
16 Novembre. Le début du sieur Polange à la comédie italienne si bruyant, si tumultueux en 1779 , n'étoit rien auprès de l'arri vée du sieur Gillet avant-hier à Yambigu comique. Crest que' non-seulement les amateurs s'empreissoient d'avoir des billets pour entrer à ce spectacle; mais une foule plus nombreuse encore s'étoit rendue afin de voir passer le personnage qu'il s'agissoit de célébrer : on eût cru que le Roi ou la Reine alloit venir sur les boulevards : enfin il est arrivé précédé d'une trentaine d'invalides , ses camarades. Tout l'état- major d" l'hôtel s'étoit fait un devoir de s'y rendre , & M. Gilibert le major avoit amené le sieur Gillet dans carrosse. Il a été œ£u. aux acclamations de toute l'assemblée <S&
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fin que personne ne p6t le méconnoltre, on etois onvenu qu'il resteroit durant tout le spectacle, : chapeau (jir la tête avec une cocarde blanche.
r la fin de la pantomime intitulée le Maréchales- Logis, qui n'est que la repréfentarion de sa lorieuse aventure , on l'a fait monter & asseoit -ir le théâtre pour entendre deux couplets à sa juange. C'est Mlle. Julie, actrice faisant le rôle '.e la jeune fille qui, après l'avoir embrassé les jia chantés. Voici ceux d'un anonyme bien pré« érables aux autres : Vcilà ce maréchal illustre, Qui, dans son quinzième lustre ) Des bras d'infâmes ravisseurs A tiré par son seul courage Une beauté sans défenseurs : C'est que les héros n'ont point d'âge.
Goûtant aujourd'hui sa viéloire , Qu'il jouisse enfin de sa gloire , Au milieu de tous ces guerriers : A sa valeur rendons hommage : Couronnons son front de lauriers : Chantons les héros n'ont point d'âge.
16 Novembre. M. le duc de. Praslin vient de j nourir. M.le. Dangeville est inconsolable de cette ■; ette. Ils vi voient ensemble depuis près d'un iÍ terni - siecle. Il étoit honoraire de l'académie des i ciences. On ne fait s'il laisse des monuments;: ie son savoir ; mais on lui a trouvé un million : ent mille livres en oi ; du moins c'est le bruit tub.lic.
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ïy Novembre. M. de Crosne vient d'ordonner quelque chose de très-utile & que sembloit exiger la fureté publique. On ne trouvoit p facilement dans la nuit la maison des commissaires au Chà- telet : afin que l'on n'éprouve aucun retard , lorsqu'on en aura besoin, leur demeure qui étoit déjà désignée par une lanterne particulière , mais pas assez reconnoissable pour tout le monde & en tout temps, doit l'être déformais par une lanterne faillanre de ttois pieds sur la rue, de forme carrée & marquée de trois fleurs de Iit: rn rouge sur le panneau de face. Ces lanternes feront éclairées pendant toute l'année , & les nuirs entieres du jour au jour , sans aucune cessation.
17 Novembre. On fait aujourd'hui cyc les Folies philosophiques dont on a parlé déjà , font de M. le marquis de Luchet.
18 Novembre. Le sieur de Veitherange, qui figure depuis quelque temps dans les pamphlets contre M. de Calonne , comme un de ceux qui participent le plus à la confiance & aux opérations secretes du contrôle - général , vient d'en obtenir !a récompense , par la place d'intendant des posses aux chevaux , rrlais & rneflâgeries de France, créée pour travailler fous le duc de Polignac.
Ce Veimerange étoit un commissaire des guerres, gros joueur & si gros qu'on en porta des plaintes au duc de Choiseul, encore ministre de la guerre.
M. de Choiseul lui ôta son département ; depuis il s'étoit raccroché , car il avoit été nommé en 1779 intendant de l'armée qui devoir paffer enAngleterre.
iLs Novembre. Le Journal de Paris a fait
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imention, il y a quelque temps, de-l'enterrement d'une demoiselle vérité, fillt majeure, rue des Martyrs : un plaisant, en jouant sur Je mot a donné une Relation véritable & remarquable de la 'Vie <& mort de cette- vieille fille, :îont tout le monde parle & que peu de gens lont vue.
Cette bagatelle morale, courte & vive, est remplie de naturel, de gaieté & desinesse ; comme il y a des sarcasmes contre des personnages connus & dé.signés assez clairement, elle ne laisse Ipas que de faire bruit dans les sociétés. Il est laisé d'en dévoiler l'auteur à certains pattages qui ne peuvent concerner que celui du livre échappé iau Déluge , & cette affectation de ramener à lui l'aventuriere qu'il auroit dû géncralifer davantage, est.. peut-être la feule tache qu'on puisse : reprocher à son ingénieuse & piquante allégorie.
18 Novembre. Depuis quelques jours on parloit de M. le duc d'Orléans, comma tombé dangeireufement malade à Sainte-Assise : on s'étoit flatté un moment que cela n'auroit pas de fuites; mais elles font devenues si graves qu'on vient d'apprendre sa mort.
Ce prince est fort regretté des Parisiens à cause de sa bonté , de sa popularité ; il leur étoit devenu plus cher depuis que le duc de Chartres , par sa conduite & ses propos avoit annoncé se peu soucier de leur affection.
Le Roi aimoit beaucoup aussi le duc d'Orléansi il envoyait de quatre heures en quatre heures savoir de ses nouvelles.
M. le duc de Bjurbn, à cause de sa femme, étoit brouillé avec son beaupere; il n'alloit point à Sq.inte'; Aaife: s'éta.nt ptéfecté devant
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Je Roi , pendant la maladie du duc d'Orléans, * tfamajefté lui a fait des reproches de cette indif-ii sérence, & lui a dit que c'étoit par lui qu'elle il aurait dû en apprendre des nouvelles; ce qui 1 a forcé ce prince à se rendre à Sainte-Assise , & à donner au mourant une consolation à laquelle Î il ne s'attendoit plus.
L'on attribue la mort du duc d'Orléans , au t doéteur .garthes, son premier médecin, quia mal I vu la maladie. Au reste) ce prince avoir l'estomac usé ; il étoit gros mangeur,, comme tous ; les Bourbons ; il faisoit des tours de force fil ce genre, & l'on compte vingt - sept ailes de perdreaux qu'il avoit expédiées en un repas.
19 Novembre. Ceux qui se flattaient que l'ef- prit de bigotterie & de superstition alloit s'éteindre insensiblement depuis le regne de la philosophie , depuis qu'elle commence à inspirer le souverain & les ministres en France, font fort désorientés par le rélultat de la comparaison des prosessions religieuses des années 1783 & 1784, dans quinze généralités du royaume : suivant lequel malgré l'âge recu lé pour l'émissîon des vœux , le nombre , loin de diminuer , est augmenté presque d'un cinquième : en 1783 , il ne se montoit qu'à quatre cents soixante-deux votants >& en 1784 il est porté jusqu a cinq cents trente-un.
19 Novembre. Les petits fpeâacles de l'intérieur du Palais-Royal ont vaqué depuis la nouvelle de la mort de M. le duc d'Orléans.
10 Novembre. Quoique depuis son incendie, l'hôtel-Dieu semble consolidé plus que jamais dans son ancien emplacement, & par sa reftauratian, & par les augmentations qu'on y a jointes
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Sc par celles auxquelles on travaille en ce moment sur le terrain du petit Châtelet démoli ; un société de patriotes qu'on croit être la Philantropique, fait un nouvel effort pour l'exécution du projet de le transférer à Pisse des Cignes. A ce projet du sieur Poyet , architecte & contrôleur des bâtiments de la ville, qui a donné les plans du nouvel hôtel-Dieu, ils ont joint un mémoire où l'on s'efforce de démontrer que dans le local actuel l'hôtel-Dieu ne fera jamais ni salubre , ni suffisant, ni commode; mais qu'il s'oppolera encore à tous les projets généraux d'embellissement, de commodité, de salubrité même que le gouvernement voudroit former pour la capitale.
Cette société profite de la circonstance de la démolition des maisons sur les ponts , pour faire voir que ce simple projet de magnificence ne peut bien s'exécuter qu'en y joignant 1 exécution de celui - ci de réceflité premiere impétieuse.
Suivant le devis du sieur Poyet, la dépense se monteroit à douze millions, qu'on pourroit obtenir, dans ce moment de générosité, de bienfaisance , de patriotisme, où toutes les bourses s'ouvrent au seul mot d'humanité , par une foufeription volontaire, dont la société d'environ trois cents membres veut donner l'exemple en offrant cent mille écus. M. le baron de Breteuil, avide d'illustrer son ministere par des monuments patriotiques, a ce projet fort à cœur.
10 Novembre. On évalue à près de treize millions le procès gagné par le prince de Guimenc au sujet du port de l'Orient , qu'on fait acheter
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au Roi onemiUions, quoiqu'il n'en raille guere que quatre eu cinq. Indépendamment rie cette somme à payer en vingt-deux ans, à raison de cinq cents mille livres par an , le Roi donne encore pour une autre partie environ un million cinq cents mille livres.
Au moyen de cet arrangement, le prince de Guimené est forti de sa retraire, & paroit ici tout fier. 11 est allé voir sa femme au Bordeauxde Vigny près de Pontoise , où, comme on l'a dit dar.s le temps , el'e a fait construire un théâtre & jouer la comédie dont elle régale sans doute Ton mari ; ce qui est encore plus indécent ou plus affreux dans ce moment de l'affaire du cardinal de Rohan , son frere.
10 Novembre. Un des pamphlets contre l'archevêque de Bordeaux adtuel a été envoyé ici par un membre du parlement. Il est sanglant non-seulement contre le prélat, mais encore contre ses commensaux, ses grands-vicaires , & autres collaborateurs dans le saint ministere.
11 Novembre. Quoique dans la nouvelle édition des Œuvres de Voltaire Cortant des presles de l'imprimerie de la société littéraire typographique, on ait affecté de laisser des lacunes dans la férie des volumes livrés au public, sans doute pour dérouter les contrefacteurs , le théâtre est complet en neuf volumes.
Comme on l'avoit prévu , il n'y a rien de nouveau que trois pieces inférées dans le neuvieme, & qu'on auroit pu supprimer sans rien dérober à la gloire de l'auteur ; savoir, le Baron d'Otrante, les deux Tonneaux, & Tanis & Zélide, ou les Rois Passeurs.
JLa premiere est un opéra bouffon ; ce qui confirme bien
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Mhrrn la manie de Voltaire d'essayer de tous fco genres, même de ceux qu'il décrioit : on ne le réconnoît absolumerent pas dans cette bouffonnelie grossiere & place sans gaieté.
La fécondé est une elquilTe d'opéra comique, présentant une idée plus ingénieuse & plus morale, mais très médiocre dans l'exécution.
Quant à la troisieme , c'est une tragédie pour être mise en mofigue, c'est-à-dire , un opéra de ;grande maniéré à prétention, & l'on fait que Voltaire n'y a jamais réussi.
Les éditeurs , très - circonfttnciés sur les ouvrages connus, & qui n'ont pas besoin de pluç de détails, n'en donnent aucun sur ceux-ci. Ils ne disent pas st ces morceaux lyriques ont jamais été mis en musique, & joués quelque part. Cela seul prouve le peu de foin qu'ils ont apporté dans ce genre de recherches Se d'anecdotes, qui .n nécessitoit le plus, & la premiere chose que le public avoit droit d'exiger d'eux.
it Novembre. La Dot, comédie nouvelle ea trois astes &: en prose , mêlée d'ariettes , qui n'avoit pas eu de succès à la cour, a été mieux reçue hier à la ville au moyen de nombreux batroirs que les auteurs avoient répandus en profusion de tous les côtés ; car dans le fond le poëme n'est qu'une niaiserie, une farce, & la mutigue, très-agréable dans le premier aéte, dégénéré infiniment dans les deux autres. At,!
surplus, une anecdote de la vie du roi de Prusse, racontée dans quelques papiers publics , a vraisemblablement fait naître l'idée du sujet ; trait infinirnent plus comique dans l'histoire que dans la piece.
xx Novembre. Dans foa nouveau profpellu,
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intitulé : Hommage à l'œuvre de la Rédemption des Captifs, M. Bastide, très-fade de son naturel , en parlant de la lettre par laquelle M. le contrôleur-général lui annonce que le Roi a daigné fouferire pour cinquante exemplaires, qualifie ce ministre de Vertueux interprete de sa majesté. Le paragraphe a été dans le temps copié mot pour mot par la gazette de France, & l'on en a bien ri, & sans doute M. de Calonne luiJnême, qui ne se pique pas d'une austérité de mœurs à laquelle l'épithete puisse convenir, qui se pique au contraire d'être très-aimable , trèsgalant , d'accumuler conquêtes sur conquêtes, Se d'être plutôt ce qu'on appelle Roué de cour dans l'acception gaie & agréable qu'on donne aujourd'hui à cette expression. Aussi transpire-t-il que Louis XVI , Jorfqu'il a lu cette phrase, a souligné d'un crayon rouge le mot vertueux, <jui a plutôt l'air d'un perfifflage que d'un éioge décent & mérité.
22 Novembre. Il paroît constaté qu'on impute au dodleur Barthes la mort du duc d'orléans ; que ce prince ayant la plus grande confiance en lui, s'est enfin apperçu qu'il étoit la vidtime de sa méprise & de son entêtement , le lui a fait connoître, en ajoutant qu'il lui pardonnoit.
M. le curé de Saint - Eustache, dont le doc d'Orléans étoit paroissien , s'est transporté à Sainte-Assise le jeudi comme pour s'informer par lui-même de son état & lui rendre ses devoirs.
Le prince a senti ce que cela vouloit dire, a fait écarter tout le monde, sert: confessé à son pasteur, & a reçu les sacrements avec une édification générale.
:Les abbés de Saint Far Se de Saint-Albin, ses
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enfants-naturels , n'ont petS quitt-é le prince, & lui teudoie-nt tous les offices d'une garde, ainli que madame de. leur soeur.
Quand le prince a été pasle, madame la duchetTe de Chartres & madame la duchesse de Bourbon ont pris avec elles madame de Monte/,-- son J & l'ont ramenée à Paris.
Le cœur de M. le duc d'Orléans, suivant ses dernieres volontés , doit rester à Sainte-Assise , & son corps être transféré ici au Vat-de-Grace, sépulture de sa maison, C'est aujourd'hui que la cérémonie aura lieu.
Z3 Novembre. On ne voit point dans le public de réponse directe de madame vanhove à la lettre de Mlle. Contat qu'on a rapportée. Il sembleroit même que la premiere se feioit mise à la raison par la déclaration qu'elle a faite à les camarades de ne plus réserver la fccur pour les rôles de soubrettes. Ceux qui vivent dans ce tripot savent cependant que Pinimitié subsiste entre les deux familles. M. de Murville s'est rendu le défenceur des Vanbove , & ceux-i répandent une fable de lui qu'on peut regarder comme une vengeance de la lettre. La rose orgueilleuse & le bouton font Mlle. Contat & sa petite soeur ; la rose nouvelle & moddre efl: Mlle. Vanhove ; (ans cette explication on ne fentiroit pas trop le sel de l'allégorie.
Dans un jardin où l'art & la nature , L'un de l'autre jaloux brilloient de toutes parrs., Une rose orgueilleuse étaiant sa parure Sembloit sur elle feule attirer les regards ; .I\iai£ ce qui la rendoit plus superbe & plus fiere
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Citoit un jeune & foible rejeton ; Elle avoit mis sur lui son espérance entiere : ( Rose toujours se plaît dans son bouton. )
Un fol espoir trop souvent nous égare !
te destin autrement en avoit ordonné, Et de ses dons pour lui nature trop avare Sembloit l'avoir abandonné.
Pour son malheur , une rose nouvelle , Non loin de là , s'elevoit chaque jour ; jamais rose aux regards n'avoit paru plus belle Elle croissoit fous les yeux de l'amour.
Les zéphyrs empressés à lui faire la cour Devenoient plus confiants, & se fixoient près d'elle: Les graces , la beauté font toujours des jaloux ; La jeune rose en fut la preuve ; Tout ce que peut un injuste courroux Contre elle fut mis à l'épreuve ; Mais l'envie à la fin vit ses traits épuisés ; Elle ne perdit rien de tous ses avantages, La rose & son bouton furent humiliés : L'autre emporta tous les suffrages.
N'envions pas les dons qui ne font pas chez nous j Se taire alors est un parti fort fage : .on triumphe toujours des efforts du jaloux.
Et le jaloux souvent n'emporte que la rage.
A cette fable allégorique , M. de MuwilU avoit joint un envoi à Mlle. Vanbove , qui en développe encore mieux l'objet : J'jà dit le bien tout haut, je dis le mal tout bas ; iOn ne gagne rien à médire.
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On a beau chercher à leur nuire , Les méchants ne se rendent pas.
Sous le voile de cette fable Je n'ai jamais voulu les blesser aujourd'hui; Ce n'est point aux dépens d'aurrui Qu'un éloge à vos yeux peut paroître agréable.
Sur celui-ci j'ai gardé le secret , S'il s'éventoit pourtant, & si quelqu'indifcrer Venoit me reprocher une juste satire , Je répondrois encore au censeur irrité, Ce vers que j'aime tant à vous entendre dire : H Ne faut-il pas toujours dire la vérité ! „
14 Novembre, Depuis la mort de M. le dus" a Orléans, on agitoit dans les sociétés si madame" de Mcntejfon draperait. Le Roi a décidé la qudlion; il a déclaré qu'elle pourroit porter dans Ton intérieur le deuil, comme bon lui" fembleroir, mais nullement en public. En conséquence elle va demeurer en couvent durantl'année de son veuvage. On croit que ce Iqui.
s'est palTé à la mort de Louis XIV a réglé cette étiquette. Madame de Maintenon ne drapa point ; elle habilla ses gens couleur de feuilles mortes*& se retira à Saint-Cyr.
i4 Novembre. Le fameux musæum recule as lieu d'avancer ; on comptoit en jouir l'année prochaine, ou du moins en 1787, & l'on n'a rieti fait celle-ci. Une nouvelle difficulté-s'est élevée , ou plutôt s'est reuouvellée; c'est sur la manière d'éclairer : quoique toutes les croisées fuflert: prêtes , on a senti que le jour venant par la voûte conviendroit infiniment mieux. La de-
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pen se avoit effrayé les autres contrôleurs- généraux : M. de Calonne a déclaré qu'il ne falloic, rien épargner pour ce monument national. En conséquence la décision est remise à l'académie royale d'architetture.
*4 Novembre. Réponse à l'ouvrage qui a pour titre : Sur les Actions de la Compagnie des Eaux de Paris) par M. le comte de Mirabeau , par les administrateurs de la compagnie des eaux de Paris. Tel est le titre du nouvel ouvrage du sieur de Beaumarchais, de deux cents seize pages d'impressîon m-8®. On die que son adverfâirelui a déjà répliqué.
~Vû~fM~ On assure avoir vu mardi dernier à l'opéra M. le prince de conti, pendant que l'on enterroit au Val-de- Grace M. le duc d'Orléans , & que tous les autres princes afîîftoient à cette cérémonie. On veut même qu'il ait affetté de Ce montrer en grande loge. Tout le monde en général s'est récrié contre l'indécence; cependant les partisans du pri nce le défendent , en disant que c'est une revanche qu'il prend des autres qui l'ont laissé seul en 1771 lors du lit de justice, aliénés par l'exemple du défunt, ils louent sa fermeté, & disent que c'est avoir du car?itéré.
25 Novembre. Les comédiens de M. le comte de Beaujolois ont repris le mercredi, le lendemain de l'enterrement du duc d'Orléans , & lès variétés n'ont recommencé qu'un jour plus tard.
On donne pour raison de- cette différence que Jes premiers ne font pas censés dans l'enceinte du Palais, ainsi que les féconds.
16 Novembre. Mlle. vanhove doit jouer demain dans Eugénie le rôle de l' héroïne. Le sieur.
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de Beaumarchais a promis d'y assister. Ce fer* la premiere fois qu'il reparoîcra à la comédie, depuis sa retraite à Saint-Lazare.
16 Novembre. On prétend qu'on a éventé la mine d'où sortoient les bulletins en forme de Supplément ait Journal de Paris, dirigés principalement contre M. de Calonme , & l'on compte que le cours est arrêté. Ainsi pour en compléter les notices , il suffira de revenir sur deux qui nous avoient échappé.
L'un intitulé Ng. iiii, pag. 657 , ce qui se rapporte au 7 juin dernier , où , après avoir plaisanté sur le Journal de Paris & sa suppression , l'on rend compte de la manière dont le ministre des finances a fait ses fonds pour deux ans d'avance , où l'on entre dans le détail des ornements de luxe & d'agrément dont il a enrichi l'hôtel du contrôle général, d'une fête qu'il y doit donner au clergé, de ses spéculations sur son projet de se débarrasser d'une partie du fardeau de sa place en faveur de M. le Noir, qui plus exercé que lui au travail, ne lui Jaiffera aucune inquiétude sur les événements.
L'autre daté du n juillet, roule sur les brochures de M. le comte de Mirabeau, en faveur du contrôle contre la caisse d'efeom pte, la banque de Saint-Charles. &c. où l'on parle d'une chanson prétendue , dans laquelle M. de Calonne se feroit égayé sur M. de Cipieres, qu'on désignoit alors pour en faire un lieutenant de police ; d'une autre chanson au contraire où l'on persiffle le remboursement des referiptions , où l'on annonce une brochure intitulée : Vie & Meeun de M. de Calonne. &c.
Ces deux pamphlets dans le même genre de*
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autres , vrais sans doute sur qndques- pointa de faits timples, font infiniment brodés dans.
kurs circonfiances quelquefois avec gaieté,., plus souvent avec beaucoup d'amertume , de dénigrement & de méchanceté.
16 Novembre. Extrait d'une lettre de Limoges Il, du 1J novembre. Tout ce qu'on vous a dit & écrit des travaux faits dans cette ville parM. d'Aifrie , l'intendant prédéceflear de celui ; aétuel, pour son utilité & embellissement, eft-.fort exagéré. Ce comraiflaire départi aimait-, beaucoup à se vanter, à se faire prôner dans les.
papiers publics : en général les monuments qu'il; a éltvés font de mauvais goÛt, sans noblesse, & ne répondent point aux dépenses qu'ils ont caufces.
xi Novembre. La comédie de l'Oncle & les.* deux Tantes, du marquis de la Salle, qui devoir être jouée à Fontainebleau, n'y a point eu liett.
à causse des changements survenus dans le répertoire; en forte qu'elle a paru toute neuve hier à Paris , où elle a été représentée pour la., premiere fois par les comédiens françois. Quoiqu'elle ressemble à plusieurs autres du même genre, & ne foit qu'un réchauffé d'une du même auteur ( chacun a sa folie) jouée en 1781 sur le théâtre italien sans succès ; le public n'a faitattention qu'à la gaieté assez continue qui y/ regne, & a beaucoup ri ; elle a eu un succès complet , qu'elle n'auroit pas obtenu peut-être à Fontainebleau à raison des caricatures outréesqui ne font pas faites pour plaire aux gens d'un goût fin & délicat.
17 Novembre. M. François de Neuf-Château , procuteur-général au confcil .du Cap , y .eit tombé:
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dangÉreusement malade,& a pensé y mourir. Voici ce qu'il a écrit à un de ses amis de Bordeaux.
« Que font devenus tous nos amis ? Je fuis M réduit pour entendre parler de ce qui m'in,j téreile dans Bordeaux , à lire les lambeaux du » Journal de Guienne. Je fuis très-content *>' de ce Journal Je fors d'une longue & »v cruelle maladie qui m'a duré sept à huit mois.
» Il y a très-peu de temps que je puis écrire j 39' on me gronde même de me remettre si-tôt aux.: M' aftàires. Le travail du cabinet est peu afforà- »* au climat de Saint-Domingue. )J Mais on me gronde vainement, De bon gré je me sacrifie A mon unique amuièment, Le travail est mon élément, Et le bien public est ma vie.
Je fais que le Dieu du repoî Jadis aux Chauheux , aux Chapelles < Fit vanter ses trisses pavots.
J'aime leurs rimes immortelles ; Mais, en dépit de leurs accents ,.
Leur indolente léthargie N'obtiendra jamais mon encenSi Cest dans le travail que je sens ■ L'existence & son énergie ; Et ce n'cft que par sa magie Que je retreuve encore mes fensr L'ame oi" ve elt un fumée Dont la vapeur noircit les airs ; M'ai t l'ame active efi enflammée
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D'un tissu de brûlants éclairs.
Qui font briller dans l'universL'echarpe de la renommée.
Heureux trop heureux le morreH Qui peut sans cessè à fcn autel Porter l'offrande accoutumée ; Quand même plus rapidement, Ma lampe en feroit consumée , Du moins jusqu'au dernier moment Je veux qu'ell refle allumée.
On observera peut-être à travers les fentimenrapatriotiques dont ces vers font remplis, des; métaphores qui se ressentent de la chaleur du climat, & de la fievre ardente dont l'auteur étoic: dévoré.
17 Novembre. M. l'avocat Marchand est mort., enfin il y a quelques jours ; il étoit tombé dans-; une enfance ablolue , & M., le curé de SaintNicolas a eu beau jeu, 2.8 Novembre. M. de Calanne s'est rendu mercredi à l'hôtel des monnoies ; il y est resté fort..
long-temps relativement à la nouvelle opération.
Il a voulu voir des échantillons des quarante j mille nouveaux louis fabriqués pour commencer, c & en a été très-mécontent. Il a trouvé le typervilain. Eo. con!ec)uence il a demandé M. Duvinjier, le graveur général des monnoies & des médailles du Roi , & lui a fait des reproches..
Cet artiste lui a d'abord répondu qu'il n'étoit: point attaché à la monnoie, & n'en avoit pro- -<■ prement que l'infpeélion ; cependant il est convenu s'être mêlé des desseins en cette occasion >.
& a montré sen esquisse au mimftre qui l'a trouvés^
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sharmante ; la faute en est reliée aux ouvriers, & sur-tout aux balanciers très-défedeux. En conséquence M. de Calorifie ayant besoin de douzo mille louis pour la cour qu'il devoit y porter le dimanche , il est convenu qu'on les fabriqueroit aux médailles , & que M. Duvivier piéftderoit- au travail.
18 Novembre. Depuis quelque temps on partait de mémoires qui devoienr se publier dans l'af- faire du cardinal ; depuis deux jours on en voit un de madame de la Motte. Il est de Me. Dcillot, son avocat. Tous les exemplaires , au nombre de deux mille, ont été enlevés avec une rapidité incroyable. On le dit très-mai rait, mais inculpant fortement ion éminence, 2,8 Novembre, Extrait d'une lettre de Strasbourg, du 2.0 novembre. Il est certain que M. le cardinal de lioban étoit détesté ici. Au lieu d'être le bienfaiteur du pays , comme il auroic dA < il en étoit le tyran. Au lieu de dépenser ses revenus en digne prélat, à faire des charités y il mangeoit en quatre mois de temps qu'il résidoit, leur montant de 800,000 livres en repas , en fêtes , en galanteries.
Le chapitre trouvoit très-mauvais qu'il détournât aual les fonds affettés à la reconftruétion du palais de Saverne , pour faire des jardins à l'angloise, pour bâtir des kioskes , pour entoures de murs une enceinte immentè, y mettre toutes fortes de gibier, & s'en faire un parc uniquement propre à ses chanes.
Depuis sa détention on a repris les travaux du bâtiment, & le chapitre a fait celler ceux de luxe 8c de frivolité feulement.
%9 Novembre. Il est question d'une dénon-
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ciarion de nouveaux faits concernant l'hôpitatl des Quinz-vingts ) qui doit avoir lieu inceflanw ment aux chambres alTemUées. Afin d'y mieux,., préparer les efpnts , on a imprimé, fous. le titre de pieces importantes, un petit pamphlet contenant la réponse du Roi faite par M. le gardedes-sceaux au nom de sa majesté en feptembre- - 1784, aux fecondes remontrances du parlement, de Paris, du mois de mai 1784, au sujet desdésordres de la nouvelle administration des
Quinze-vingts, & trcifïctne & itératives remontrances de la comr du parlement de Paris sur cette réponse. El:es ont été présentées au mois de mars
17S 5 j & l'un observe que M. le garde-des-fceaus •; n'a point ercore procuré- de réponse.
19 Novembre. Extrait d'une lettre de Traies, du 10 novembre 1785. ,'" Une disposîtion du tefiarnent olographe de Mo. Grosley mérite d'être; connue par sa fingularué ; il legue une somme
de six cents livrés pour conti ibllticn de sa partau monument à ériger au célébré Antoine jimaud,..
l'oit à Paris , foit à Bruxelles ; il continue en cts termes : « L'étyde suivie que j'ai faite de res, 3» écrits m'a offert un homme , au milieu d'une ss persécution continue , supérieur aux deux grands mobiles des déterminations humaines y M la crainte & I'L Cf.é,-ance i un homme détaché,..
a» comme le plus parfait anachorete de toutes a* vues d'intérêt & d'ambition, de bien-être &..
ac de sensualité , qui , dans tous les temps, ont 35 formé les recrues de tous les partis. Ses écrite 33 font l'expreffiùn de l'éloquence du coeur , qui n n'appartient qu'aux ames fortes & libres. IL s; n'a pas joui de son triomphe. Clément XI ab lui en tû. p:ocuté -le honneuisuen .fajfa&iïi;
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»,>pfporer sur son tombeau les clefs du Grand* *r jsfus, comme celles de Château - Neuf de »' Randans furent dépcfées sur le cercueil de » Dùgmfclin: »Il est à observer que cette tournure est destinée sans doute à suggérer l'idée du prétenciu, monument dont personne n'a encore parlé. II ne faut qu'une folie comme celle-là pour faire renaître le jansénisme presque éteint : elle ne manquera pas d'être prônée avec enthoufiafnie dans la gazette ecclésiastique.
30 Novembre. Ce n'est que depuis peu qu'il a. paru ici une brochure inîituiée : Remarques < hifimques sur la BaJUle. On voir par une lettre adressee à l'auteur , datée de Londres du premier juillet 1783 , que l'ouvrage a du s'imprimer dans le courant de cette année-là. On peut ; le regarder comme un supplément aux mémoires, de Me. Linguet sur la même matiere; il est plus circonstancié dans les d'étails, dans les descriptions du château & contient plus d.
faits. Malheureusement la partialité a fait outres les choses , & les fauffeiés qui font jointes aux affreuses vérités que l'hiftotien s'est permises , décrcditent cclie-ci. Quoi qu'il en foie - on ne sauroit trop s'élever contre unpareif; genre de derpoticme & l'heureux 'fFet qu'ont produit plusieurs déclamations récentes du même fenre doit encourager les patriotes zélés qui auroient des matériaux nouveaux & fûrs à les mettre en œuvre avec plus de confiance que jamais.
30 Novembre. Voici- d'abord la réponse lit* térale du Roi aux fécondés remontrances d.
parlement; au bout de quatre ou cinq mois*
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it J ai examineavec attention les remontrancés,' M de mon parlement au sujet des Quinze-vingts.
» Je fuis assuré de la pureté de Ton zele, & je ■n prendrai toujours ses rtpréfentations en bonne 35 part.
sa Mais j'ai reconnu qu'on l'a trompé sur les » faits contenus dans ses remontrances. Mon M grand-aumônier n'a rien fait que par mes M ordres ; au surplus je m'occupe de rendre mon a hôpital des Quinze - vingts de plus en plus 51 Ut':!". >3 C'tfl de là que le parlement e-st parti pour faire voir à quel point on a compromis sa majesté en lui faisant donner une pareille réponse.
Après une énumération de plus de trente griefs tous très-dilfinds & très repréhensibles , il en conclut que l'intrigue feule a surpris cette réponse i puisque l'intention du souverain n'a pu être qu'on- couvrît de son nom & de son autorité tous ces faits , toutes ces manœuvres , toutes, ces entreprises contre sa propre puissance, ces-malversations & abus d'autorité , ces scandales publics.
Si ce font des calomnies , il faut venger le grand-aumônier 8c ses adhérents du crime combiné de six personnes assez téméraires pour 1er attester & déposer des pieces falsifiées ou fabriquées à leur appui.
Tel est le résumé de ces remontrances courtes j vives &- dont la logique est si pressante qu'elle a jusqu'à préfentmis en défaut l'interpjete de sa majesté resté dans le silence.
i Décembre 1785. Depuis l'enlevement de madame de Chamois fat le marquis de Termctngley en n'en, avoit pas entendu parler. Voici la luirt
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îi-son hifloire. Il paroît que le bruit que" oé galant avoit fait courir sur le départ de cette dame pour jouer la comédie en Russie étoit faux & répandu à dessein de dépayser le mari.
Elle avoit pris J'état d'adrice, mais s'éroit tenu sans doute dans les royaumes voisins de France Elle, y étoit rentrée cette année & venoit de débuter à Toulon avec un grand succès, lorsqu'un exempt l'a. arrêtée dans la nuit par ordre du Roi, fou3 prétexte de la ramener dans la maison de ion pere, mais en effet pour la conduire aux Magdelonettes, où elle a été rasée.
revêtue d'un habit de bure & réduite à la vie dure & humiliante des filles renfermées en ce lieu. Elle eJf refiée ainsi pendant quelques mois.
Enfin on a représenté à le M. lieutenant de police qu'il étoit bien cruel de la part du mari ou du pere de traiter ainsi une femme dont tout le crime étoit d'avoir luivi les mauvais exem ples de son mari, d'avoir cherché à se procurer une existence qu'il lui otoit, enfin d'avoir joué la comédie que jouoient encore son pere & sa mere. L'humanité de M. le Noir , a été touchée de ces représentations ; mais ne pouvant par lui-même rien changer à l'ordre du Roi , il a pris le pere Préville du côté de l'intérêt, & lui a fait concevoir que sa fille lui coûteroit moins cher dans un couvent plus honnête , ci elle a été transférée peu de temps avant la retraite d.u magistrat.
:. i Décembre. On se, rappelle que madame BGllanger Desboulais. dont le procès a fait tant - de bruit avant les vacances , étoit admise à la preuve; on assure qu'elle en avoit raAèmblé de.
£ fortes que le, mari, lui-même en a été effrayé st:'
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e de- l'avis de ses conseils a passé arrêt de séparation. Il a voulu depuis constater ses regret par un monument pittoresque, où il a repré, fenté la femme s'éloignant , & un tombeau , avec cette légende autour : Je la regretterai toutr- rva vie.
Son frere qui est suffi séparé de sa femme à l'amiable, a pris l'inverle de cette allégorie : c'est" sa femme qui s'enfuit ; l'amour brife son arc, éteint son flambeau, & la légende est : Je ne la regrettt t'cint, 1 Décembre. Le mémoire pour dame Jeanne dtSaint Remy de ya Ion , épouse du comte de la Moite) de quarante - six pages d'imprdllon 1 bien loin' d'éclaircir la matiere, ne fert .qu'à l'embrouiller: davantage, & tellement que les juges mêmesqui, après p!ufieurs délais, devoient s'anemb'ec le mardi vingt-neuf, ne savent plus quand ilscommenceront leurs séances, parce que de ce FaRum, il réfuhe la nécellité d'une nouvelle plainte du procureur-général, de nouvelles inwcr- matinns , &c.
Beaucoup de ces gens prétendent que l'in; broglip jeté dans le mémoire qu'on impute d'abord au peu de sagacité & au médiocre talent de l'avocat, est d'une arire/Te merveilleuse, en ce" que dans les affaires de cette espece les coupables rie peuvent avoir de meilleure refîburcc que de gagner du temps.
Quoi qu'il en foi:, le mémoire roule sur l'extraction de la cornretTe de la Motte , sur fa^ personne , sur ses liaisons avec M-, de Robana.
sur la négociation du fatal collier , enfin sur un projet combiné de Cagliostro, dans ses com- meuccments,, ses progrès & là coofommasisaf-
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Telle est la marche du défenseur , qui ne coîtcerne encore que les faits & réserve pour i Jes temps de l'inftru&ion , la difcufllîo» des moyens.
t Décembre. A travers le désordre qui regne dans le mémoire de madame de la Motte, encore augmenté par Pobfcurité du flyle, on y démêle des faits curieux & qui en font ioutenir la lecture dégoûtante.
1 Q. On y établit assez clairement la defcen dance de madame de Ifr Mette de Henri IL, roi en 1547 , par un bâtard de ce prince, nommé Henri de Saint-Kemy j elle est au (eptieme degré, suivant le mémoire généalogique dressé en 1776, par M. d'Hozier de serigny. juge d'armes de la noblesse de France. Cette branche d'abord illustre & riche, étoit tombée dans la misere au point que le pere de madame de la Motte, est mort à l'hôtel-Dieu & qu'elle a été élevée It ainsi qu'on l'a rapporté ailleurs, par les soins de madame de Boulainvillers, & mariée en 1780 au comte de la Motte, gendarme & depuis garde tl'ArtDÚ.
19. Son attachement à sa bienfaitrice l'obliged'aller trouver madame de Boulainvillers , malade à Strasbourg entre les mains du comte Cagliostro , en 1870. De-là sa connoissance avec le cardinal, à qui elle est recommandée au lit de la mort par cette dame.
30. Le cardinal de Rchan lui donne des- fecours* considérables & s'intéresse chaudement à elle pour la faire rentrer dans des terres de sa maiforc mal al:énée.
4°. C'efi dans ces entrefaites que Me. de la, Emt. avocat, & le: sieur Achet son bcau-pçrc k,
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se présentent chez elle , conjointement avec le lieur Bassanges, joaillier de la couronne , pour la prier de procurer à celui-ci la négociation d'un collier magnifique de diamants , collier dont depuis sept ans il étoit occupé avec le sieur Bohmer son associé ; collier porté en pays étrangers sans pouvoir le vendre ; collier présenté quatre ans auparavant au Roi & à la Reine qui, sur l'estimation d'un million six cents mille livres, s'étoient écriés : Nous avons plus besoin de vaisseaux que de colliers ; elle a refusé de s'en mêler.
:, 5°. Elle en parle cependant au cardinal dit R~ohan f qui lui demande l'adresse des joailliers.
6". C'est le cardinal qui va chez les sieurs Bohmer & Bassanges, qui leur offre des proportions écrites , qui les fait venir chez lui » qui leur montre les acceptées & la prétendue Signature de la Reine , qui reçoit le collier, qui leur confirme par écrit que c'est pour sa majesté.
7°. M. le cardinal Ce plaint d'avoir été trompé par madame de la Motte , ce qui l'implique dans une affaire qui jusques - là lui étoit étrangère comme s'il avoit cru & pu croire que le collier ftit réellement pour la Reine.
go. M. le cardinal ne l'a pu croire , puifqu'à plusieurs reprises différentes il lui a donné des diamants à vendre dépecés de ce collier.
9°. Ici paroît sur la scene le comte de Cagliostro, dont étoit enthousiasmé le cardinal , au point de le regarder comme un Dieu; après des mystifications cabalistiques dignes des petites-maisons, ii: engage le mari de madame de la Motte à passer
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en Angleterre pour y vendre des diamants 8t en faire monter.
IOQ. De toutes ces négociations il réfulre une somme de 307,000 livres payée au cardinal.
IÏ9. Au commencement d'août le cardinal témoigne ses inquiétudes à madame de la Motte Se à son mari sur les démarches des joailliers auprès de la Reine ; il craint qu'ils ne jasent ; il fait venir & coucher dans son palais les deux époux : il leur propose de sortir du royaume : ils ne veulent pas » ils s'évadent de l'hôtel !& partent pour Bar-le-Duc , où il ont une maison.
ii*. C'est le 18 août où des infpeéleurs de police viennent chez elle visiter & prendre leurs papiers & emmenent à Paris madame de 1 lâ Motte feule , fous prétexte de parler au i: minifire.
On voit par cet exposé que madame de la Motte ne doit pas être inculpée par les deux pieces que le procureur-général a administrées comme la bafe du procès ; qu'elle ne s'est mêlée en rien de la négociation du collier; que par conséquent le cardinal ne peut l'avoir accusée avec quelque fondement de l'avoir trompé , de lui avoir fait- accroire que le collier étoit pour la Reine; que si le collier a été dépecé , c~a.
été par lai ou par ses adhérents, & que si.
elle a concouru à la vente d'une portion de diamants , ç'a été sans savoir même d'où ils provenoient. Elle convient au surplus ne pouvoiradministrer les preuves qu'élle avoir de son innocence, parce que M. le cardinal, quelques jours avant qu'elle partît pour Bar- sur-Aube, lui avoit redemandé ses lettres & billets depuis quatre ans.
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Il paroît d'abord révoltant que madame de l Motte, en convenant des obligations infinie qu'elle a au cardinal, l'inculpe si gravement mais sa défense naturelle l'exigeoit : elle cher che au surplus à atténuer le crime de son mieu: en l'imputant au sieur de Cagliostro, qui avoi un pouvoir absolu & incroyable sur l'efpri f du cardinal, & à un certain baron de Plante, l'un des éleves de celui-ci, écuyer du cardinal & le trompant de concert avec le docteur.
1 Décembre. Les quatre volumes de la nouvelle éditiun de Voltaire, contenant son Ejf",-\: sur les moeurs & Pefprit des nations, & sur le;.
principaux faits de l'histoire depuis charlemagne jusqu'à Louis Xlll, n offrent rien de véritable- ment neuf, fauf de petites notes de l'auteur & des éditeurs. Ces dernieres sur-tout font très— philosophiques, c'est-à dire très-violentes contre le clergé & par fuite contre la religion. On les attribue au marquis de condorcet & en foas dignes.
3 Décembre. Extrait d'une lettre de Bordeaux ?
du 16 novembre. Voici un logogryphe com* poré dans cette ville par un M. a'Orvigny, qui mérite d'être excepté des autres pour ion originalité ; il est sur Mlle. Théodore ,- aujourd'hui madame d'Auberva/, qui nous enchante & fait avec son mari les délices de notre théâtre :
0 combien l'on doit croire à la métamorphole Jadis vierge & martyre on a connu mon tout p Par le secours heureux de la métempsycose, Des amateurs charmant & les yeux & le goût,.
Je fuis nymphe aujourd'hui captivant les fuffragefc-
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Jugez si je dois être excellente en total , : Puifqu'une part de moi fait le meilleur métat., Je puis encore fournir un nombre de sauvages , i En vers un peu hardis un ouvrage excellent , ! .Mais chef-d'œuvre proscrit d'un homme à grani talent ; Après cela cherchez une note , une plante , ÎJn roi de la Judée, & le mot est nomme.
Or,quoique dans huit pieds mon nom foit renfermé.
4e n'est qu'avec deux que j'enchante.
Sans doute il faudroit un commentaire pour expliquer tout cela, c'ell: au lecteur instruit à y suppléer; il suffira d'indiquer les mots principaux, thé, or y horJe ode) &, herode , ré, Scc.
En outre, M. d'Orvigny a fait un envoi par le quatrain suivant, adresse à l'héroïne : Du logogryphe en désignant l'objet , Au public , par ce mot je ne crois rien apprendre , Lorsqu'il en applaudit tous les jours le sujet, 11 ne pouvoir sur le nom se méprendre.
4 Décembre. Extrait d'une lettre de Saintes , du 28 novembre. Presque toutes les provinces de France ont chacune aujourd'hui leur feuille périodique; notre ville doit avoir aussi la (iennej elle commencera le 5 janvier 1786 , & se publiera une fois par semaine ; c'est M. F. Marie Bourignon, connu par un grand nombre de pieces fugitives d'un goût agréable) dont la plupart ont été inférées dans l'almanach des Mufes & dans quelques autres journaux, qui en fera le réibdeUtA
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11 compte la calquer sur le journal de Bordeaux Be l'annonce comme devant être très- sévere sur les objets de littérature , & principalement à l'égard des morceaux de poésie.
4 Décembre. Extrait d'une lettre de Lille, du 18 novembre. M. Blanchard , citoyen de Calais , pensionnaire du Roi , vient de faire encore un voyage aérien dans la Flandre Autrichienne ; c'est le samedi 19 qu'il l'a entrepris, il prétend s'être élevé à 32.000 pieds de la terre , & avoir 1J résillé au moins trois minutes à la température 5 de cet air ; il convient avoir couru de grands 2 dangers, il a été obligé de crever ion aérostat, & même de couper les cordes de sa nacelle ; il s'est attaché aux premieres, & son balion lui servant de parachute , il est ainsi tombé aux environs de Dels sans se faire aucun mal , mais en brifant des arbres & un toit de chaumiere.
Il s'est rendu à Gand , où il a été très-Fêté. Il ne se décourage pas, & fait construire ici un nouveau ballon.
4. Décembre. Le comte de Cagliojlro, depuis le mémoire de madame la comteile de la Motte , devient plus intéressant que jamais , parce qu'elle constate les choses merveilleuses qu'on en débitoir. Deux nouveaux écrits sur son compte font courus avec fureur ; l'un qui contient une espece d'histoire de sa vie & mœurs » & certains No. du Courier du Bas-Rhin , où il est peint de main de maître.
4 Décembre. On parle de deux intrigantes arrêtées & mises à la Bastille depuis peu de jours , une prétendue comtesse de la Palun & madame .de Courville : la premiere est une servante nommée Bouvier, arrivée de Lyon il y a quelques
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amnees, & qui, par ton génie d astuce, de fourberie & de féduétion, s'est poussée, & est devenue une femme importante , une protarice donnant des audiences , promettant (a faveur , & vendant son crédit. L'autre est une femme séparée de son mari, fille d'un procureur nommé : Gillet. fameuse par ses aventures galantes, par ses méchancetés , qui est depuis qutlque temps maitresse du prince de Montharey. I! paroît qu'elles s'étaient réunies pour mystifier le contrôleurgénéral , fous prétexre d'un emprunt favorabl-e qu'elles vouloient lui procurer, & que n'ayant pu le faire donner dans leurs pieges, elles cherchoient à décréditer son ministere & ses opérations. Voilà ce qu'on en raconte en gros ; ii faut espérer qu'on en apprendra plus de détails.
5 Décembre. Le sieur Rudder, mécanicien, dont l'experience de marcher sur l'eau , annoncée depuis long temps , avoit été retardée , l'a enfin tentée hier. Il s'est présenté à la rive du Ponttournant ; il étoit environné de plusieurs batelets destinés à lui rompre le fil de l'eau , & à le secourir sans doute en cas d'accident. On a jugé qu'il lui auroit été impossible de traverser la riviere sans dériver considérablement , il n'a pu regagner l'autre bord qu'à la hauteur du gros Caillou , où il est descendu.
Son appareil est embarrassant & volumineux ; il cherchoit à le dérober au moyen d'une redin.
gote dont il éroit enveloppé ; on croit qu'il consiste en deux cônes creux , ovales & assez larges à leur bafe , dont la pointe vient aboutir à chaque aisselle ; ces deux cônes font attachés par deux bases transversales, sur lesquelles eit
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rapporté le voyageur ; quoiqu'il ait fuiri le fil de l'eau, sa marche a été très-fatiganie.
5 Décembre. M. le prélident Basset de la Ma- ,.?telle, ayant payé provisoirement, est foiti de l'hôtel de la Force : il prétend que c'est un tour de ses ennemis, mais qu'il triomphera. Quoi qu'il en foit, il ne peut siéger d'ici,H; il paroît même difficile qu'il rentre jamais dans ses fonct ions. Au reste , messieurs du grand-conseil, loin d'être humiliés de voir un de leurs chefs recevoir cet affront , s'en prévalent comme d'une preuve de leur amour de l'ordre & de la justice rigouTeuse ; ils disent qu'on n'auroit pas traité ainsi un présîdent du parlement, non qu'il n'y en ait quelques-uns dans le cas, mais parce que pat une tyrannie effroyable aucun huissier n'oseroit feulement lui lâcher un exploit.
6 Décembre. Le jour de la mort de M. le duc .J'Orléans, M. le duc de Chartres est al!é , suivant l'étiquette 1 annoncer lui-même cette nouvelle au Roi, & sa ma jessé lui yant répondu suivant le même protocole : Monsieur le duc d'Orléans , je fuis très fâché de la mort du prince votre pere; ce prince en a pris tout de fuite le nom , & celui du duc de Chartres est passé à Ton fils aîné , M. le duc de Valois.
La qualité de premier prince du fang lui appartient encore , puisque le fils aîné de M. le duc -d'Angoulême est le premier de la famille royale dans qui ce titre puisse commencer.
En cette qualité de premier prince du fang., M. le duc d'Orléans actuel jouit de tous les honneurs & prérogatives de son pere ; ses officiers font commensaux de la maison du Ra: J & l'état de sa maison reste le même, En
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* En ccnféquence M. le duc d'Orléans a nomme pour chancelier garde-des-sceaux, chef du conseil, & surintendant des maisons , finances & bâtiments , M. le marquis du Cray , le frere de madame la comtesse de Genlis.
M. l'abbé Baudeau , qui afpiroit à cet honneur, & par ses talents , & par la confiance dont l'honoroit Ton maître depuis quelque temps, a prétendu que sa qualité d'cccléfiaftique étoit un nouveau titre pour lui J & qu'il ne pouvoit avoir le fécond rang.
M. le duc d'Orléans lui a déclaré qu'il falloit cependant que Ion choix tînt ; sur quoi l'abbé se retire avec 2,400 livres de pension.
6 Décembre. Depuis la rentrée du parlement, un mémoire très-volumineux sur la discipline des avocats fait fermenter le palais. On J'attribue à Me. Falconnet, quoiqu'il ne foit pas ligné de lui ; on dit même qu'il l'avoue & le donne.
II s'y venge avec amertume de tous ses dégoûts que l'ordre lui a fait essuyer. En conséquenoe les colonnes se font assemblées, & plusieurs jeunes oratetus, entr'autres Me. de Bonnieres, ont péroré pour qu'on prît un parti violent tontre ce libelle diffamatoire & son auteur ; mais les sénieurs , les fages de Paflemblée ont calmé cette effervescence, ils ont été d'avis qus l'ordre remît sa vengeance aux magistrats, & s'en rapportât à la prudence du parlement, Se le grand nombre s'y est con formé.
7 Décembre. La réplique de M. le comte de Mirabeau à la réponse du sieur de Beaumarchais n'a pas plu aux chefs de la compagnie des eaux ; ils se font assemblés hier pour délibérer sur cette cette nouvelle Mirabelle ; c'cft aiuli que d'a £ :i->'
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leur bur'esque orateur , ils qualifient les diatribes de l'adversaire. Ces messieurs voudroient bien , afin de mieux fermer la bouche au comte , obtenir une lettre de cachet contre lui, & le faire rentrer dans les châteaux-forts qu'il a si longtemps habités : malheureurement il est foutena par le contrôleur-général , & la chose ne feroic pas si aisée. La délibération a été définitivement suspendue jusqu'à l'arrivée du grand Perrier, qui peut-être leur fournira de meilleures raisons.
7 Décembre. Le wauxhall qu'on conftruifoit rue de Chartres est enfin terminé , & hier l'on a fait un essai de l'illumination en présence des minières, des grands seigneurs, des artistes fameux, 'des amateurs distingués : on l'a baptisé Panthéon , comme devant renfermer toutes les divinités de Paris Il est destiné à servir de fuccurfrle 3 l'opéra pour les bals , qui depuis son établiliement à ia porte Saint Martin font abfoJument tombés , à cause de l'incommodité du local dans cette faison rigoureuse.
En conférence il y a deux rangs de loges au panthéon & trois fortes de places ; quarante fous pour le parterre, six li vres les premieres loges, 8z trois livres les secondes.
On critique déjà l'enceinte trop petite ; on prétend qu'il n'y peut tenir que deux mille cinq cents personnes : on en jugera mieux demain que doit s'en faire l'ouverture véritable.
7 Décembre. M. le président de Meinieres, avant sa mort, avoit vendu sa bibliothèque & tous ses manuferits à M. de Flandre de Banville , procureur du Roi au Châceler, moyennant la somme de cent mille livres ; mais il s'en étoit réservé la jouissance durant sa vie, & l'acquéreur lui
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faisoit cinq mille livres de rentes jusqu'au paie! tcenr, fauf l'estimation ; car il étoit convenu que S la bibliothèque étoit prisée feulement cinq cents livres de moins., M. de Brunville feroit autorisé à déduire cette somme) ou telle autre plus forte en proportion sur le capital ; on est aétuellement à procéder à cette estimation, & l'on calcule qu'elle pourra bien coûter io,coo I.de frais.
Quoi qu'il en foit, la privation de cette bibliothèque fera très-sensible à madame la présidence de Memieres, qui aime les lettres & les cultive ; comme elle s'est piquée de beaux sentiments lorsque le président l'a épousée, elle n'a voulu accepter aucun avantage considérable, & elle reftc -dans une médiocrité de for.tune qui fait honneur à son désintéressement, ou à sa délicatetTe.
8 Décembre. La fermentation qu'on croyoit rassise à la comédie françoise au iujet de Mlle.
Vanhove par la déclaration de Mlle. Contat, s'est réveillée plus fortement que jamais à l'occafioa du succès prodigieux qu'a eu la débutante dans le rôle ci' Eugéni-e : il a été tel que le public n'avoit cessé de l'applaudir pendant toute la piece le farnedi x6 novembre , l'a redemandée encore a près ; & quétant venue sur le théâtre accorn.
pagnée de son pereles brouhaha , les bravo, - les Jjmvijftmo se font fait entendre de toutes parts & trcs-lou g-tem ps.
Mlle contat furieuse a tellement intrigué au près du maréchal duc de Duras , que ce supérieur a décidé que Mlle. vanhove n'auroit ran g qu'après Mlle. Laurent & Mlle. Mimi, la cadette de Mlle. contat. La mere Vanhove étoit désolée.
elle ne pouvoit souffrir cet affront , elle étoie décidée à ne point laisser jouer sa fille merciaii
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y décembre , où elle devoit reparoître pour la troisieme fois dans Eugénie, & à courir les troupes de provinces avec elle : heureusement faréopage comique a senti le tort qu'allait lui causer une semblable injustice , si contraire au vœu du public; ils ont député vers le supérieur, & Tordre a été réformé. Mlle. Vanhove prendra rang, non-seulement au-dessus de Mlle. Mimi, même au- dessus de Mlle. Laurent: voilà où en est la querelle.
8 Décembre. M. le Maître, secrétaire des finances, avant-hier en revenant de Belleville avoit un paquet fous sa redingote, dont les commis se font apperçus , Se qu'ils ont voulu visiter : on foupçonnne que c'étoit une planche d'imprimerie toute préparée ; mais adroitement M. le Maître en se rendatt au bureau , a laissé couler les cara&eres , en forte que la planche s'est trouvée rompue. Il a également jeté dans le poële du bureau des papiers qui ont été bientôt consumés , & l'on a jugé que c'étoient les imprimés qu'il venoit de faire , & dont personne ne pouvoit l'empêcher en ce moment. Cependant les commis ont fait avertir un exempt de la librairie , & après des formalités , qui ont duré toute la nuit, le détenu a été conduit à la Bastille le lendemain matin.
Pendant qu'on alioit chercher l'exempt, M. le Maître a écrit à une cuitiniere affidée nommée Gothon, pour lui apprendre sa catastrophe , en lui recommandant d'avoir foin de ses enfants & de ses affaires ; d'apprendre cette nouvelle avec ménagement à sa mere.
Quand on est venu le lendemain matin chez M. le Maître pour fouiller chez lui, on a lu ce billet qui a paru fufpeél ; en conséquence ou a arrêté aussi cette Gothm.
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9 Décembre. On ilfture que par les recherche1 & les découvertes faites chez M. le MaÙre) if avoit à Belleville une petite imprimerie , où il imprimoit au rouleau différents pamphlets, fois de sa composition , foit de celle de Ces arnis ; on ajoute que tous ceux qui ont paru récemment contre M. de Calonne sortoient de ton arsenal.
On dit qu'il a tout avoue , & beaucoup plus qu'on ne lui demandoit ; que dans le premier moment il a été question de le mettre entre les mains de la justice , & de faire porter plainte de ces libelles par le procureur du roi au Châtelet i mais qu'on préférera cependant d'assoupir l'affaire.
9 Décembre. Me. Marigot, avocat au parlement, ayant voulu plaider lui-même sa cause en cette qualité , au Châtelet, Tannée derniere, Tes autres avocats de la jurisdiction ont prétendu que n'étant point inferit sur le tableau, il n'avait pas le droit de se mettre au banc des avocats, ni d'avoir le bonnet carré sur la tête ou à la main, & le 10 décembre par sentence du Châtelet il ne lui fût permis de plaider qu'à la barre de l'audience , comme un profane. Appel de la sentence aujourd'hui pendante au parlement: tell est la cause dans laquelle à été publié le mémoire dont on a déjà parlé, sur les privilèges des avocats y ou l'on traite du tableau & de la discipline de l'ordre.
Dans ce factum , très-volumineux, tres- érudir son auteur , Me. Falconnet, qui lui-même a lieu d'être mécontent de l'ordre, va jufgn'à lui contester ton bâtonnier , sa discipline , & les divers privilèges qu'il lui reproche d'avoir usurpés ; il renvoie adroitement aux magiflrats la censure que les avocats exercent contre leurs propres membres, & Ce prévaut sur-tout de l'exemple
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récent du parlement de Besançon , qui a rendu nm.
arrêt, confirmé au conseil, par lequel toutes les proscriptions de confreres font sagement prohibées pour l'avenir, & justement annullées pour je passé.
On juge par cet exposé que le fond du mémoire est intéressant : malheureusement il n'est pas assez, digéré, il n'y regne pas tout l'ordre, toute la clarté qu'exigeoit la matiere; le style en est souvent peu noble , il y a de mauvaises plaifanterics , & en général une trop grande amertume.
Un sieur Gutniot y joue un grand rôle, comme partie adverse du sieur Marizot , relativement au procès d'intérêt ; il est fortement tourné en ridicule à rai'on d'une ode sur l'abolition de la servitude , comoaMe à /'immaculée conception d, BDUt1, & d'un sUnde finances.
9 Décembre. Il est très certain que M. le contrôleur général a besoin d'un nouvel emprunt porté à quatre-vingts millions. L'édit en a été porté au parlement ; mais comme il en affignoit l'hypothèque sur 1er vingtièmes, on lui a dmandé une explication là-dessus. On craint que ce ne foit une surprise pour perpétuer d'avance indirectement le troisieme, qui doit finir au premier janvier 1787 j on lui a demandé un,!
explication cathégorique & l'édit est retiré pour le réformer.
10 Décembre. Thémistocle, le premier opéra joué à Fontainebleau ne pouvant être exécuté en ce moment à cause de la maladie de deux des princi paux adeurs ( les sieurs Cheron & Lais ) , on a reprélénté Iiier qui a été mieux accueilliequ'à la cour. Le succès complet du premier aéte- ne s'est pourtant pas étendu aux deux autres qui
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ont été moins généralement applaudis , mais de manière encore à contenter les auteurs. Du reste, les ballets ni les airs de danse n'en valent rien ; il y a de grands défauts dans le poëme, & la musique n'effc pas sans reproche : avant cependant d'entrer dans cette discussion , il faut attendre l'effet de quelques représentations.
Madame saint-Huberti , dans le rôle de Pénélope, développe encore plus de talent, s'il est possible , que dans celui de Didon, & c'est le plus parfait éloge qu'on en puisse faire.
10 Décembre. C'est décidément mercredi que commence le rapport concernant le cardinal de Rohan : il est depuis quelques jours plus resserré ; il ne peut plus voir que ses avocats, son frere l'archevêque de Cambray , son autre frere, madame la comtesse de Marsan , & le prince de Soubise.
11 Décembre. M. Dombey, médecin-boranifte du Roi , dont il a été question dans le temps , est arrivé le 9 octobre du Pérou & du Chili, où il étoit allé il y a près de dix ans ; il a rapporté - une quantité d'objets précieux d'histoire naturelle dans les trois règnes, dont il a rendu compte à l'académie royale des sciences en qualité de son correspondant, & il va les déposee au cabinet du Roi.
11 Décembre. Extrait d'une lettre de Brest, du 6 décembre. M. de Chastenay. depuis son retour en septembre , bien-loin d'avoir eu permission de se rendre à Paris , a été mis aux arrêts pour avoir embarqué avec lui la femme , sans en avoir eu l'agrément de la cour ; ce qui est une prévarication grave , contraire à toutes les ordonnances. En outre il magnétisoit beaucoup sur son bâtiment ce qui a déplu aussi à la cour,.
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il. Déambre. M. le president de Rosset, auteur du poëme sur l'agriculture , s'est aussi évertué &, a composé l'inscription suivante pour le palats.
de justice restauré :
Hic fcelerum ultrices pofuere palatia pœnce : --Hic fraus vidajacet, datuf unicuique suum jus.
j i Décembre. On peut se ressouvenir du marquis de Letoriere, officier aux gardes, la coqueluche des femmes , & réputé le plus joli homme de Paris. Ayant gagné la petite-véro'e du feu.
roi, il en est mort. Un auteur vient de réveiller ses manes dans un roman intirulé: L'Année ga- lunte, ou les Intrigues secretes dn. marquis de L.
On se doute bien qu'à un petit- fond de vérité., il y a beaucoup de fables mêlées dans ce frivole ouvrage, 9Ù après avoir décrit la brillante à, pénible carriere du héros, son historien termine cependant très-philosophiquement & même trèsr chrétiennement ; il ajoute : cc On l'enterra comme » un homme qui n'avoit plus rien ; on l'oublia.
» comme un ruban dont la mode est passée » la-; w gazette en dit un mot, & on lui fît l'épitaph.
M suivante, relative à son genre de mort: ».
Ci-gît du beau sexe l'idole, Un adonis formé pour les plaisirs ,
Dont la dépense & les désirs Auroient tari la source du Paélole.
Les parques n'osoient le ravir De peur d'outrager la nature ; Mais les Dieux fous ses traits contemplant leur figure, Le trouvèrent trop beau pour le voir s'enlaidic..
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12 Décembre. Le principal objet de la con-r truction du panthéon a été de remplacer le wauxhall d'hiver de la foire Saint-Germain r qu'on a démoli cet été, & dont on a transporté tous les ornements propres à s'employer dans le monument actuel, exécuté sur les dessns & fous sa conduite du sieur le Noir , architecte aussi du premier.
Les avis jusqu'à présent font fort partagés ; les gens délicats blâment le luxe des ornements de tous genres dont le grand salon est surchargé i d'autres prétendent qu'il falloit éblouir les personnes qui fréquenteront assidument ce panthéon; ils disent qu'une certaine ievérité de goût n'en pas ce qu'on exige dans ces fortes d'endroits , que la profusion y devient richesse, comme la foule y fait décoration : enfin qu'on ne peut trouver un local plus propre à donner de charmantes fêtes ; que M. le Noir est un homme admirable pour créer , comme par enchantement , des lieux d'assemblée riches , élégants & commodes.
11 Décembre. Le directeur de la monnoie areprésenté au ministre des finances que l'opération de la conversion des louis avoit été mai vue & peu réfléchie , & qu'avant de l'ordonner il auroit fallu garnir l'hôtel des monnoies de, fonds suffisants pour faire face au public.
De son côté la caisse d'e/compte a représenté que le grand nombre de billets qu'on fournis- foit' à l'hôtel des Monnoies pour les louis , affluant sans cesse vers elle de la part des porteurs , elle feroit bientôt dans le cas de fermer & de nepouvoir suffire aux demandeurs, en un mot de répandre les mêmes alarmes qu'en 1783.
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Ces repréfentatiors ont dû déterminer des lettres -«a patentes rendues hier à Versailles très-précipitamment & portées aujourd 'hui en la cour des » Monnoies pour y être enrégistirées.
12. Decembre. Madame la ZD comtesse Dybarry, cft venue mercredi au Palais en déposition dans. !
l'affaire, ou plutôt à l'occasion de l'affaire du t Cardinal : on a fit que madame de la Motte lui i avoit écrit étant fille, pour lui demander à être sa fille de compagnie-, on étoit curieux de voir- rj cette lettre pour en connoître & examiner la 5 signature , où l'on prétend qu'elle avoit joint le 3 titre de France.
Madame Dubarry a déclaré que le fait étoit 5 vrai; qu'elle avoit répondu à Mlle. de Valois quelle ne pouvoir accepter les services d'une personne de la maison de France ; qu'au fur- plus elle lui avoit envoyé quatre louis & brué-à nu égaré cette lettre inutile & dont elle ne POU-_ol voit prévoir qu'on auroit besoin un jour.
13 Décembre. Dam Berjon, bénédictin dUéJ couvent de Saint-Denis-de-la-Charte, vient d'être i exilé à Kiom pour une cause singuliere. Ce reli- i gieux, homme de mérite, mais ne se mêlant en rien des affaires, des divisions de l'ordre , a la passion du jeu de trictrac. Il y a quelques mois qu'il perdit deux cents louis contre un chevalier de Saint-Louis. PrelTé de s'acquitter & ne le pouvant, il a offert de résigner un bénéfice qu'il avoit en faveur du gagnant, qui est abbé; comme ce bénéfice vaut quinze cents livres de rentes, il a demandé une somme en indemnité qui lui a été accordée; on ignore de quel prix. Telle est la honteuse simonie qui.
a Provoque la punition, plus grave [ans dou^
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ri elle edt été prouve. En outre, l'ordre lui ét.
su mauvais gré d'avoir fait passer à un féculiec un bénéfice qu'il auroit pu réserver pour un.
confrere.
14 Décembre. Cest mal-à-propos qu'on a mêlé tnadame de Couwille (Gillec) dans l'affaire de madame La palun; elle affecte de se montrer par-tout & a réclamé contre cette confusion de noms ; ce qui sembleroit en indiquer une autre arrêtée.
Quoi qu'il en foit, il paroît plus confiant que le baron d'Entrechaux (Ailhaud en ton nom, fils du célebre inventeur des poudres ) est aussi; - à la Bastille & au-roit trempé dans la même intrigue. *
14 Décembre. Hier les chambres ont été assemblées pour entendre la Lefture de lédit d'emprunt réformé ,- on ne l'hypotheque plus sur les vingtièmes , mais sur les aides- & gabelles. Toutes les voix ont été pour supplier le Roi de le retirer, comme également onéreux & dans le fond & dans la forme. Le rapporteur de la cour,.
ts premier président même ont été de cet avis,.
qui doit être motivé dans des représentations, pour lesquelles-on a nommé des commissaires. ,
Oa observe sur-tout que par certaine tournure de l'édit, le contrôleur-général se ménage insidieusement la faculté d'emprunter pendant dis ans toutes les sommes viagères qu'il voudra, sans avoir besoin d'aucun enregistrement &- en les faisant comprendre dans, le même précédent.
ï4 Décembre. L'àveoture fâcheuse de M. le Maître donne lieu des'entretenir de lui. On ne fait s'il est Normand ; mais il étoit a-voespç
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à; Rouen lots de la révolution de îa magistrature. Il étoit chaud patriote, zélé parlementaire; il servit la province de. sa plume & composa plusieurs des pamphlets alors usités danscette querelle. Il dressa fur- tout la fameuse requête de la noblesse, qui lui attira la disgrace de la.
cour, il fut conduit à la Bastille, il y resta
quinze mois & fut ensuite exilé à Soissons.
M. de Miromesnil qui l'avoit conna étant premier présidens, lui fut bon gré de son zele & n'a
pas peu contribué à le faire fixer à Paris, Se à lui procurer une charge qui lui donnoit des relations au conseil. Il paroït cependant que !e' chef de la magistrature n'a pas fait pour M. le ; Maure tout ce qu'il lui avoit promis ; ce qui a donné de l'humeur à ce dernier & l'a disposé à servir le parti qui voudroit supplanter M. le, gard e-des-sceaux.
Quant à son imprimerie, on veut qu'il la tint de M. le Camus de Ne-ville , qui dans le temps de la révolution en avoit fait usage aufll pour servir la cause commune.
t 14 Décembre. Hier enfin a été entamée la.
grande affaire du cardinal de Rohan ; la fouleil-:s juges s'est trouvée considérable , car outre la grand'chambre assemblée , les confeillersd'honneur & beaucoup d'honoraires s'y font rendus, ainsi que les maîtres des requêtes suivant Je droit qu'iis en ont, au nombre de quatre feulement.
La séance a duré tout le matin & de relevée l'après-midi jusques à neuf heures du foir : elle s'est passée à lire les dépolirions , au nombre.
de trente-cinq , & demain l'on opinera sur les.
«j'-iULQueftions
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ï?. Si l'on admettra la plainte du procureurgénéral.
i9. De quelle nature on lancera des décrets.
15 Décembre. Toujours des gens officieux cherchent à servir le public & à lui procurer plus de commodités pour ton argent. On voie aujourd'hui : Avis au public sur le transport des .paqttets., meublu, ballots & marchandises dans l'intérieur de la ville de Paris. La fureté des effets, la célérité de leur transport, la modicité du prix font les principaux avantages que la compagnie , auteur de l'enrreprife, fait valoir s du reste , ton privilege n'est point exclusif ; bien plus, elle se prétend utile aux porteurs & cornmissionnaires même, qu'elle semble dépoiléderj errants ou isolés au coin des rues , ne tfJant- à rien , obligés, même dans les heures de repos de rester exposés à l'injure du tmps, pour y solliciter le travail & la confiance, leur état deviendra préférable lorsqu'ils feront attachés à cet écablilTement par des gages fixes, indépendants des événements, lorsqu'ils feront vêtus & habillés à ses dépens, & certains de trouver une pension de retraite dans leur vieillesse, ou des secours dans le cas d'accident & de maladie auxquels ils font exposés.
Cet établiilement reçoit des abonnements des corps , communautés , maisons de commerce, &c.
Il s'ouvrira le 10 décembre 1785.
15 Décembre. M. Haüy, inrerprete du Roi & l'un des vingt-quatre membres du bureau académique. d'écriture , qui s'est chargé depuis longtemps de l'éducation du jeune étranger trouvé rn Normandie, avoit invité tous les voyageurs
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IfU-Í ont été aux Indes , dans la mer du fud S: autres piys plus éloignés , s'il est possible, de se trouver à une séance publique de sa communauté , devant se tenir jeudi 8 décembre & continuée au dimanche 11 : il promettoit de procurer quelques renseignements satisfaisants sur cet inconnu qui est encore un problême , mais il ne paroît pas qu'il ait satisfait l'assemblée, & l'éducation même en est très-lente, puifqu'avec toute l'intelligence dont on le dit pourvu, ion instituteur n'a pu encore parvenir qo'à.
lui faire lire quelques phrases françoises.
Au reste, le mémoire où M. Haüy traite de cet objet, traite encore plus essentiellement sur les progrès dans l'éducation des aveugles-nés depuis les elsass communiqués dans la séance publique de l'année 1784 : fous ce point de vue , il a été très app'audi. Il doit êtie imprimé par les aveugles & à leur profit ; le roi à qui il a été rendu compte par le baron de Breteuil t de la possibilité de rendre utiles à la société des infortunés qui en étoient séparés, a fouferit pour l'ouvrage qui fortiroit de leur prdlè & en a accepté la dédicace.
16 Décembre. Extrait d'une lettre de Bordeaux, du 4 décembre L'aftàire de M. Dudon le fils, adjoint à la place de procureur- général de son pere , s'est réveillée plus fortement que jamais depuis la rentrée. Las de lutter inutilement contre sa compagnie, il a enfin obtenu la liberté de se rendre à Paris & d'y plaider sa cause.
M. le garde-des-sceaux & M. le comte de Vergennes ayant le département de la province , ont senti ie danger de laisser croître le despotisme 4u paîlsnwnt de Bordeaui, tout fier d'avoir fait
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renvoyer un intendant, déserter un président a mortier & mis en déroute un procureur- générals Il a été dressé des lettres-patentes en date du 8 novembre , des plus vigoureuses, enrégistrées dans une séance extraordinaira du commandant de la province, où le greffier en chef avoit ordre de porter les registres, à quoi contraint par corps ; cette clauCe insolite a révolté la compagnie , qui depuis la séance a pris un •arrêté non moins vio'enr, & a ordonné qu'il en feroit envoyé expédition à tous les parlements.
On attend ce que le gouvernement fera là-deŒus¡.
on craint la foiblesse du chef de la magistrature, dont le principe est de ne frapper Ces coups de vigueur qu'aux approches des vacances ; mais M. de Vergennes a plus de nerf: tous deux d'ailleurs font le plus grands cas de M. Du don le pere.
16 Décembre. On est allé aux opinions hier sur les quefiions agitées à la grand'chambre assemblée; il y avoit cinquante-huit opinants t la premiere n'a pas rouffert de difficulté; quant 9 aux décrets, il y a eu cinquante voix contre JL huit feulement pour décréter de prire de corps le
cardinal : en outre M. & madame de la Motte, le comte de Cagliofiro & la fille Oliva, ont été ! frappés du même décret. - Cette fille Oliva, dont on parle aujourd'hui pour i la premiere fois, parce qu'on l'a regardée jusques i ici comme un perfoonage fictif, est une fille t. publique, ressemblante à la Reine. On veut qu'en - accordant (es faveurs au cardinal, elle lui aie fait accroire qu'elle étoit sa majesté elle-même 5 de-là les grandes idées d'ambition du prélat qui.
se flattoit d'être premier minière. Tout cela sans , doute est dénué de vraisemblance ). cft moni*
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aux; mais il y a tant de choses incroyables dan" cette aventure, qu'on ne doit s'étonner de rien.16 Décembre. 1 académie francoise assemblée hier pour l'éleétion du successur de M. Thomas, au nombre de vingt-neuf opinants, s'est réunie' pfefllue unanimement , comme on l'annonçoitdepuis long-temps, en faveur de M. le comte de Guibert.
I! y a eu une ou deux voix pour Iefieur Garat;.:' quoiqu'il déclare n'avoir pas eu la fatuité, comme le chevalier de Florian , de Ce mettre sur les rangs. •
17 Décembre. Avant de publier sa réponse à,' l'écrivain des admmiftrateurs de la compagnie deseaux de Paris, le comte de Mirabeau avait adressé une lettre circulaire , en date du 6 décembre , à chacun des associés gérants cette compagnie; savoir, MM. de Sainte James , de serilly, Taillepied de Bendy , Papillon de la Ferté, le Clerc , Aubert, Carott de Beaumarchais , dans laquelle iileur dédaroit le trouver insulté par les plus graves imputations , & désirer savoir s'il adhéroit à l'écrit de M, de Beaumarchais.
C'est vraisemblablement sur cette lettre qu'ils ont formé l'assemblée dont on a parlé, où a été rédigée une réponse uniforme pour chacun en date du 7 décembre, sans celle de M. le Clerc , déférente dans la formule, en date du 9 ; réponse qui décele leur embarras, sans les en tirer.
M. d", Mirabeau, instruit que ces messieurs lépandoient dans le public le bruit qu'ils lui intenteroient une aétion personnelle, a saie paraître sa réplique, où il les prend tous à partie , & leur déclare que résolu depuis long.
temps à commencer un voyage dans le nord , il ne sa suspendu que par la nécessité de confondre
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les arguments de leur libflle, & qu'il restera, quelque temps encore à Paris, afin de leur laiiTcr celui de le traduire devant les tribunaux , s'ils en ont envie.
Du reste , cette réplique est très-sévere, comme il la qualifie, pleine de logique, de bon Cens , de netteté , & la péroraison est atterrante pour le sieus de Beaumarchais ; c'est un coup de mailue dont il ne peut se relever.
17 Décembre. Il paroît confiant que le chef ftiprême de la justice se trouvant attaqué per-fonnellement dans les pamphlets de M. le Maître, a cru devoir faire mettre le procès en justice réglée, & qu'en conséquence les pieces servant à conviction font remises aux mains du procureur du Roi du Châtelet pour dresser son réquisitoire.
17 Décembre. Mémoire sur l'éducation de lu difeipline militaire : à ce titre on ne croiroit pal J'opuscule assez dangereux pour être sévérement prohibé. En le lisant, on en conçoit aisément 11 raison.
Il est précédé d'un avis de l'éditeur anonyme , qui annonce ce mémoire comme un fimpfe extrait d'un ouvrage plus étendu , mais qui ne paroîtra pas. Quoiqu'il y combatte le fyftcme Se les idées actuelles du comité militaire , il en a été envoyé un exemplaire à chacun des membres.
L'éditeur traite lestement & ce comité , 8c les maréchaux de France adtuels , du grand nombre desquels il semble faire peu de cas : ses héros font le comte de Vergennes, M. Necker-, le maréchal de Broglio , le comte d'Estaing. Il en veut sur-tout aux ministres de la guerre & de la matine ; il prétend que le Roi en parlant au dernier;
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lui a dit, qu'après son coufin le maréchal de Segur9 il ne connoissoit personne de plus sot que lui, Castries, Par cet échantillon on peut juger du tondurefte.
Suit la préface de l'auteur du mémoire, qui s'éleve contre le grand nombre d'ouvrages écrits de notre siecle sur l'art de la gruerre ; il veut qu'en commençant feulement à FoUrd i, on en compte plus que dans tous les temps de la monarchie qui ont précédé.C'est à cette multitude même d'écrivains qu'il attribue la décadence de l'art ,, du moins dans la pratique : les exemples ne font jamais plus rares , suivant lui , que lorsque les préceptes deviennent plus communs.
Si nous avons moins que jamais de géaéraux, d'exceilents officiers, de braves soldats , c'est par le défaut d'éducation militaire; c'est que nous ne sommes plus qu'un peuple imitateur, qu'on veut tout faire à l'allemande ; c'est que le gouvernement s'obstine à méconuoître ou à combattre i'esprit françois ; c'et f que l'autorité est en opposition avec le caractère , & les loix avec les i moeurs.
Après ces préliminaires vient le mémoire, qui consiste dans le développement de ces deux pro- portions : Nécessité de réformer l'éducation de fil jeunesse destinée au parti des armes, & [on instruction dans les corps : Nécessité de réformer abfolutnent la discipline militaire. L'auteur p'us fort de choses que de style , les prouve très-bien : il répare la sécheresse de la maiiere par des notes, où il rapporte des anecdotes intéressantes , & qui le devien iroienr davantage, si les personnages croient nommés. En général , c'et f un écrivain hardi, caustique, ami de ta vérité, & n'épargnant pas les personnages les plus constitués ea
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Jignité. I! parott concoure beaucoup le corpi des officiers de la marine , & ne les en méprise que mieux. Il se donne pour un officier ex-major occupé de ton métier, instruit à fond da carac- tere du soldat françois qu'il a beaucoup étudié; instruit en outre de la constitution particulière des états militaires de l'Europe , & il affirme qu'il n'en est point d'auai monftrucufe que la nôtre, & d'autri vicieuse qu'elle va l'être, si l'on persiste à nous soumettre au régime germanique. Enfin , c'est un profond admirateur des la Fayette , des Guibert, des d'Aguesseau.
18 Décembre. Le musée de Paris a vu enfin rentrer cette année dans son fein les membres schismatiques , ainsi que M. Cailhava, leur chef; c'est M. Selis qui efl le président actuel : en outre pour subvenir aux frais d'un établiirement aussi considérable , le musée a adopté une fecor.de classe fous le tirre de philarmonique. C'est elle qui donne les concerts ; elie a cru ne pouvoir mieux témoigner sa reconnoissance d'une femblab!e union qu'en rendant ses hommages aux mancs du feu préfidcrt Gebelin. Elle a convoqué une assemblée générale de tous ses membres pour hier, & a exprimé sa douleur par une musique analogue à des stances lyriques fous le titre suivant : La solitude de Francoville, lieu où ce savant etl: enterré dans les jardins de M. le comte d'Albon. Voici les paroles) dont l'auteur est anonyme : Tout se tait, tout est calme, & dans l'air & dans l'ondi » L'on n'entend que le bruit des ailes du zéphir ; Tout dort autour de nous dans une paix profonde * Nous nous veillons pour gémir.
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Deja vers l'Orient, sur un char de lumier-é L'aurore à l'univers annonce un jour nouveav.
Si ce jour est un bien pour la nature entiere , Pour nous seuls il est un fardeau.
Sous le poids du chagrin le malheureux succombe : Tu n'es plus , cher objet d'amour & de douleurs ; Gebelin 1 Gebelin la pierre d'une tombe Renferme ton corps & nos cœurs ,
L'auteur de la musique est M. Toméoni, nOl"" veau maître italien , qui a débuté le 8 de ce mois au concert spirituel : le quatuor de cet hymne françois a été exécuté par Mlles. Audinot ôt de Saint-James , de l'académie royale de musqué, & MM. Aubert & Nis, amateurs.
Il a produit un grand effet.
18 Décembre. Le bruit court que le chevalier Gluck est mort à Vienne ; événement auquel on s'attendoit d'après son triste état.18 Décembre. Les libraires étrangers , & furtout ceux de SuilTe, ayant représenté qu'ils faisoient un grand commerce en Espagne de livres latins & autres, & qu'ils ne pouvoient plus faire": palier par la France, vu la gêne & les fra ;i: qu'entraînoit l'obligation de les faire viser à la chambre syndicale de Paris, le gouvernement a senti le tort que faisoit au royaume cette cessation , en conséquence par arrêt du coafeil du 2..
novembre , le transit libre est accordé pour Ces, livres ; en même temps l'on prend des précauttions, afin d'éyicer les abus & la vente de livrei étrangers dans le royaume, qui n'auroient pas subi les formalités exigées.
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-Y9 Décembre. M. de Lalande prétend qu'il y a erreur dans la relation du seizieme voyage aérien d-e M. Blanchard, suivant laquelle il se feroit élevé à trente-deux mille pieds ; ce qui produiroit cinq mille trois cents trente-trois toises ; .tandis que la plus grande hauteur où l'on ait été jusqu'ici, n'est que de deux mille quatre cents trente-quatre toises , & qu'il est phyfiquemenc Idémontré qu'on ne pourroit exister en un pareil milieu.
19 Décembre. Extrait d'une lettre de Grenoble, du 10 décembre. Il est très-vrai que nous avons eu le bonheur de jouir de la présence du docteur Mesmer, il n'y a pas un mois ; mais il n'a fait que paroître & coucher une nuit dans cette ville. Comme on étoit- prévenu de Ton arrivée, notre société de l'harmonie s'étoit assemblée extraordinairement pour le recevoir, le haranguer & lui donner un superbe festin. Il ne sauroit vous rendre routes les folies dont il a été le sujet. Du reste , il a exhorté ses disciples à la patience & au courage nécessaires , pour soutenir les diverses persécutions auxquelles tout novateur est en bute.
19 Décembre. Le sieur Francastel, qui a ua talent singulier pour les salles des petits spectacles & l'auteur de presque toutes celles des boulevards, a été chargé d'en construire une portative pour la Reine : elle se monte & se démonte avec la plus gfande facilité & suivra sa majesté d-ans ses différenrs voyages ; en forte qu'on pourra toujours jouir du spectacle & en amuser sa cour.
io Décembre. M. le comte de Mirabeau , dans k réponse au lieur de Beaumarchais & c-ena-
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«pagnie» avoue enfin que le ministre des finances l'avait appelle , invité , eacouragé pour - détruire l'agiotage ; il se flatte de l'avoir fait avec succès contre la banque de Saint-Charles , & la caisse d'escompte ; il ne lui restoit plus qu'à travailler aufn efficacement contre la compagnie des eaux de Paris ; d'ailleurs un pere de famille l'avait consulté sur l'acquisition qu'il désiroit faire de ces actions , & M. de Ckampfort avoit prié l'auteur d'éclairer ce pere de famille : & pour troisîeme motif M. Clavier*, fcn ami, auteur d'un mémoire sur la banque de Saint-Charles, qui a.
servi de bafe à son ouvrage sur cet important objet , invoquoit son secours, Cet agioteur avoit promis de livrer cent actions des eaux de Paris , à seize cents livres pour le mois de mars 1787 , lorsque les joueurs à la hausse avoient fait monter leur valeur jusques au prix de quatre mille livres.
Il s'agissoit de les faire baisser. Ainsi M. de Mirabeatt remplit à la fois un devoir envers le gouvernement, celui de bon citoyen & celui de l'amitié. Tel est l'aveu qu'il fait, aveu que tout le monde pourrait ne ;pas envisager fous le point de Y,H favorable qu'il se presente , mais clont il faut au moins louer la franchise. Quoi qu'il en fait , il a merveilleufemtnt rempli les intentions de ceux qui l'ont mis en couvre : il a détruit l'illusion dans son premier pamphlet) & dans le fécond il fait voir que son adversaire n'a rien prouvé contre son mémoire: & laisse subsister au contraire ses arguments dans toute leur force.
10 Décembre. M. Augeard, fermier - général & secretaire des commandements de la Reine, fort ami de M. le Maître, se troave impliqué
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dans cette affaire; il a su que sur les déclarations du prisonnier, il y avoit eu une lettre de cachet décernée contre lui : cependant, grâces aux mou, vements que ses amis & les parents avertis à temps se font donnés en la faveur, elle n'a point eu lieu. Il.s'est même montré à Versailles le dimanche fuivatu; il a fait son service auprès de la Reine, & sa majesté instruite de Ces inquiétudes , a eu la bonté de lui promettre sa plus éclatante protection, s'il. n'y avoit rien dans Taccufation intentée contre lui qui eût trait aux crimes d'état. On ne fait pourquoi il a disparu , depuis qu'il est décidé de mettre M. le Maître en justice réglée : sa famille déclare hautement que sur de bons avis il s'est rendu dans une de ses terres voisines de la trontiere , d'où au befein il passera en pays étranger. Î
2.0 Décembre. Les mémoires d'un prisonnier d'état, ou correspondance de M. le vicomte de B. avec.
li-la marquise de Saint-L. & plusieurs antres personnes de dijîinitie, ne font qu'un roman femblable à beaucoup d'autres : ce qu'on y trouve de particulier, font des détails (ur le local de Charenton & sur le régime de cette maison de I force, où, si l'on n'éprouve pas l'affrcufe foUitude de la Bastille ou de Vincennes , on gémit fous un régime monacal plus dur & plus honteux. L'ouvrage du reste n'a rien de merveilJeux quant au t) style; il y a quelques morceaux de sensibilité qui en font le mérite au fond.
Cea- un jeune homme qui ne voulant pas répondre aux vues de ses parents pour un mariage de fortune considérable , parce qu'il a le coeut pris d'ailleurs, est viaime de ton amour & de sa constance, jusqu'à ce que les circonstances 1,
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deviennent plus favorables ; mais fort! de sa prilon , i! finie par perdre Ton amante. Il promet de donner ia fuite de sa vie 8c de se nommer alors. Il y a, du reste , quelques anecdotes sur certains prisonniers de Charenton d'alors, c'est à dire, en 1776, neuves, curieuses & intéressantes.
21 Décembre. Les comédiens italiens ont donne hier une piece de caraftere en cinq aas & en vers, qui manque à la comédie françoise & restoit encore à traiter. C'est le Méfiant, sujet regardé comme très-difficile par tous les faiseurs de poétique. M. Borel , l'auteur de celui-ci, n'en a point été eflrayé & son principal personnage dl allez bien soutenu : malheureusement foa intrigue est petite & pénible; la marche en est lente & embarrassée ; le ridicule qui est le reflorc des grands maîtres en pareil genre, n'y est pas assez employé , & le peu qui y regne n'a rieai de comique & de Taillant. : le style est quelquefois trivial & en général peu noble & point cor- reét : malgré tous ces défauts & beaucoup d'autres, la piece a du mérite & a joui d'un léger succès.
21 Décembre. M. Bailli étoit garde des tableaux du Roi ; cette place étoit depuis cent ans dans {a famille : aujourd'hui que le Mufœum pren d couleur & qu'il a fallu en confier la garde à deux peintres , les fondions de M. Bailli s'anéantifsoient. En conséquence M. d'Angiviller, avec toutes les graces possibles , lui a annoncé que sa place étoit (upprimée, & que sa majesté pour l'en dédommager lui donnoit une pension de deux mille quatre cents livres. C'est ce qui a donné lieu à un quiproqug du mercure GI avoit
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avoir l'air d'un persifflage, & que l'académicien a été obligé de relever. On ctoic qu'on lui a aussi confervé ton logement au Louvre.
xi Décembre. Les représentations du parlement à l'oecafion de l'emprunt ont été portées au Roi dimanche , -& sa majesté y a fait une réponse impérative qui ordonne l'enrégifirement pour le lendemain , avec une phrase à la Maupeoti sur les limites de la résistance du parlement, dont les fonctions font d'éclairer l'autorité, & non de la refireindre ou la gêner.
Le parlement n'a point obtempéré, ce dont il a été rendu compte au Roi, qui a bien voulu recevoir d'itératives représentations, qui ont hé fixées t rédigées & lues dans la matinée du mardi, & portées au Roi l'après-dînée. Sa majessé ayant persisté à vouloir être obéi , le parlement a enrégistré de l'exprès commandement du Roi, & a joint à son enrégistrement des modifications si fortes qu'elles ne pourroient que décréditer l'emprunt ; ce qui a alarmé le contrôleur-général , qui , dit-on , a obtenu un ordre pour faire arrêter l'impression , 8c rompre la planche chez l'imprimeur du parlement.
it Décembre. A la bourse d'hitr. sur la r< £ silla.nce du parlement , un agent de change qui avoit des récépilTés du nouvel emprunt, car il est à observer qu'on l'avait toujours ouvert au trésor royal depuis quelques jours , a offert de vendre Ces récépillés à demi pour cent de perte : il en a réfuké la plus grande sensation; le commissaire de la bourse est venu dresser procèsverbal de cette offre illégale, alarmante) & l'on a craint pour la liberté de cet agent de chang es on allure pourtant nue cela s'est civilisé.
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1.1. Décembre. Les négociants de Paris font fQn mécontents de la création de la nouvelle compagnie des Indes , & de tout ce qui s'en est ensuivi. En conséquence l'un d'eux a fait un
mémoire fous le titre d'Observations sur l'arrêt du 10 juillet 1785 , portant défenses d'introduire dans le royaume aucune toile de coton & mouJJèline menant de l'étranger, & qui interdit le débit des toiles peintes, gazes <fep linons de fabrique étran- gere. Cet imprimé timbré de Nantes , sans nom d'imprimeur & sans aucune approbation , n'est fouferit que du sieur Guillaume : ses confreres n'ont osé suivre son exemple. Le réclamant n'en a pas moins eu le courage de le remettre au gouvernement. Le premier cri étoit de le faire arrêter comme séditieux ; cependant récrit efl: si modéré, il montre si évidemment l'injustice ou l'ineptie de plusieurs articles de l'arrêt, qu'on n'a osé sévir , & qu'on travaille actuellement à un arrêt du conseil interprétatif du premier, qui a déjà été fait & refait plusieurs fois. Cet écrit est fort rare.
13 Décembre. Les colporteurs ont redemandé de nouveaux envois des volumes VIII , IX & X de l'Espion Anglois saisis, & ils se répandent enfin avec plus de facilité. Ils font très-curieux , nonseulement par l'importance des matieres, mais par leur variété. D'abord tout ce qui concerne la guerre maritime allumée à cette époque entre la France & l'Angleterre , y est traité dans le grand détail, & avec non moins de clarté que de vérité ; chose d'autant p!us étonnante , qu'à commencer par les mémoires de Dugué-Trouin si intéressants pour le fond , nous n'avons aucun euvrage en ce genre dont la lecture se puisse
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supporter. Les opérations de M. merke y font encore difeutées avec beaucoup d'intelligence.
Tout ce qui concerne la mort de Voltaire & celle de Roufeau arrivées alors, n'y est point oubliét plusieurs autres lettres sur les arts, sur des procès fameux, font instructives Se agréables; on y trouve aussi les anecdotes galantes du jour : mais les lettres sur les tribades modernes font piquantes sur-tout & d'un genre absolument neuf.
Ces nouveaux volumes ont réveillé l'ardeur ds public pour ce livre , & il est à souhaiter que la fuite ne tarde pas à paroitre.
13 Décembre. M. de Galonne, non content d'avoir fait arrêter l'imprdlion des modifications opposées par le parlement à l'enrégistrement de son édit, a voulu les faire fupprimec par l'autorité. En conséquence tout le parlement est mandé à Versailles pour aujourd'hui iix heures du foir , avec ses registres.
Comme tout ce qui concerne cet événement est précieux à recueillir , il faut ajouter à ce qu'on a dit , que malgré la seconde réponse dit Roi infiniment plus douce , il y avoit encore vingt-une voix contre Pédit , soixante pour l'enrégifirement avec des modifications, & pas une pour l'enrégistrement pur & simple.
14 Décembre. Depuis la mort du sieur Pilâtres foit par le dégoût naturel aux François pour tout établissement trop long , soit par l'augmentation de l'abonnement porté à un quart de plus, foit parce que les augustes protedteurs qui font à la tête y font disparoître l'égalité, bafe de toute association semblable, son musée est abandonné, du moins on a beaucoup de peine à recruter des fuiets : afin de ranimer le zele des tiedes, oa z
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imagine d'en changer le nom en celui de lycée, plus analogue par la réunion de tous les genres d'intruction qu'on y doit trouver , & de travailler un prospectus très-ample & très-bien fait des avantages que l'un & l'autre sexe doivent y trouver. Il a pour titre : Programme du lycée établi fous la protection immédiate de Monsieur & de monseigneur le comte d'Artois , & on le répand en profusion.
X4 Décembre. Le mieux est l'ennemi du bien.
C'est ce que vient d'éprouver M. Sedaine : quoique Ton opéra Richard cœur de lum ait eu trentecinq représentations, le public a toujours été mécontent du dénouement : pour en faire un autre, l'auteur a imaginé de joindre à son poëme un quatrième acte qui ne l'a rendu que plus long & plus froid , avant-hier, qu'il a été joué dans cet état. 24 Décembre. Quoique le projet du nouvel hôtel-Dieu foit très prôné, & que le ministre de Paris désire le voir effectué , il y a grande appalence qu'il ne produira aucun effet, sur - tout aujourd'hui qu'on fait que ce projet, du moins pour l'idée principale , se trouve dans un mémoire de M. A. Petit, médecin, sur la meilleure maniere de construire un hôpital de malades , publié en 1774 9 c'est-à-dire , dans le temps où
l'hôtel. Dieu venoit d'être incendié, temps je
plus favorable pour agiter cette importante question.
14 Décembre, On a publié aujourd'hui l'édit donné à Versailles su mois de décembre 1785 , portant création de rentes héréditaires , remtourfables en dix ans, dont l'enrégifirement a été réformé dans l'efpecc de lit de justice tenu
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impromptu à Versailles hier au foir. Il porté feulement du très-exprès commandement de Seigneur Roi, porté par ta réponse du 18 du présent mois aux très - humbles & très-respectueuses représentations du 16 du même mois, & réitéré par sa réponse du jour d'hier aux très- humbles & très-respectueuses itératives représentations de son parlement, pour être exécuté félon la forme & teneur.
Comme tout cela est très-illégal, messieurs ont remis à délibérer fuç cette séance de Verfailles au mercredi 18 de ce mois.
if Décembre. Au moment où par le retour de M. Augeard en cette capitale on se flattoit que l'affaire de M. le Maître se civilisoit, on a appris tout-à-coup que ce prisonnier avoit été transféré hier de la Bastille au Châtelet à huit heures du matin , & avec le plus grand mystere; qu'il avoit été interrogé sur le champ par le lieutenantcriminel, & que son interrogatoire, très-pénible, avoit duré douze heures ; qu'ensuite il avoit été mis au fecrer. On alfurt: même qu'il n'aura point de conseil, & qu'on lui en a refusé un.
iç Décembre. Le ciel du lit de M. de Calonne a comme il étoit endormi profondément, s'est détaché & lui est tombé sur le corps. Sa premiere.
idée en se réveillant a été de croire qu'on venoit l'assassiner : heureusement il n'a point eu de mal, & en a été quitte pour la peur ; on l'a faigné deux fois. Il en a résulté des calembours à l'infini ; on a dit que le ciel étoit jufle , que c'étoit un coup du Giel, que c'était un ciel vengeur, que c'étoit un lit de justice , & mille autres quolibets du même genre que peuvent enfanter le bavar-
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dage, la méchanceté ou la gaieté des Parisiens & dts couttisans persissleurs.
16 Décembre. Il pasle pour confiant que M. le prince de Soubise a eu ordre de s'abfienir d'entrer au conseil, que madame la comtesse de Brionne est aussi dans une espece de disgrace , enfin que toute la famille des Rohan est mal vue à la cour y fauf madame de Marfan.
Quant au prince de Condé, on a remarqueque depuis long-temps il ne se mêloit plus de Paffaire du cardinal; il ne s'est point présenté chez les juges avant les assemblées du parlement) & l'on ajoute qu'il a dit que le cardinal J'avoit trompé, qu'il ne lui avoit pas avoué lesfaits comme ils étoient.
16 Décembre. Le préambule du nouvel emprunt est très - séduisant : à en croire le rédacteur , malgré le surcroît de dépenses occasionnées par m mesures prises pour écarter ce qui auroit pu troubler la tranquillité de l'Europe ; malgré J'augmentarion des charges ordinaires du gouvernement pour le soulagement dû aux sujets souffrants de l'intempérie des faisons & des calamités (lut ont affligé plusïeurs provinces ; malgré la diminution des revenus & le retard des recouvrements qui en ont résulté, les paiementsrelatifs aux différents services n'ont pas été un seul instant moins exaéls : tous les engagements ont été ponctuellement acquittés à leurs époques, les termes de plusieurs remboursements ont été même anticipés , les arrérages des rentes ont été payés plus promptemenr qu'ils ne l'aYoient jamais été ; jamais autant de fonds n'ont été employés en amortissement ; jamais il n'en a été accordé d'aussi considérables pour les travaux
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d'utilité publique , pour les ports, pour les canaux , pour les chemins , pour les deiléchements ; jamais le commerce n'a reçu plus d'encouragements ; jamais des secours plus abondants n'ont été répandus dans le royaume.
Tels font déjà les fruits , telles devroient être les premieres bases du plan adopté : les ressources trouvées pour satisfaire à autant de besoins, malgré tant d'obstacles ont de plus en plus convaincu M. de Calonne que les dépenses d'amélioration font des ressources de richesses, & que le crédit se fortifie par les paiements. Il est au moment d'achever ceux de toutes les dettes de la derniere guerre , & même de toutes celles arrivées dans les différents départements. Cest pour y parvenir dans le courant de 1786 , qu'il fait faire au Roi un emprunt de quatre-vingts millions.
Cet emprunt, loin de déranger ou de retarder en aucune forte la marche de la libération successive réglée par l'édit du mois d'aoûr 1784, est combiné pour s'accorder & en accélérer les dispositions.
Du reste , M. de Calonne annonce qu'il compte sur une augmentation de revenus par le renouvellement du bail prochain.
Enfin , comme il avoir fait promettre au Roi de ne plus emprunter de si-tôt en rentes viageres , il se retourne le mieux qu'il peut pour déguiser celui-ci & le faire passer.
z6 Dicembre. On accuse beaucoup dans l'affaire de M. le Maître , un sieur Cadet de Senneville de manœuvrer insidieusement pour perdre ce galant homme, dont il s'avoue l'ennemi, mais en faisant semblant d'être l'ami de la femme.
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C'est lui qui a empêché madame le Maître df, jeter au feu le billet écrit par ton mari à Gothon 3 fous prétexte qu'il falloit le garder afin de le montrer à M. de Crosne , & le tourner à la juni.
fication du prisonnier , & au lieu de le mettre en poche, l'a laissé sur la cheminée ; en forte qu'il est tombé le lendemain aux mains des inquisiteurs ; qu'il leur a donné des soupons sur cette cuisiniere; qu'ils l'ont arrêtée, ont fouillé dans sa chambre , & y ont trouvé beaucoup de choses qu'on appelle pieces de conviction , qui ont été mises fous les scellés en présence de l'accusé qu'on a ramené chez lui avant de le conduire à la Bastille. C'est le commissaire de la Porte qui a fait toute l'expédition, mais extrajudiciairement.
17 Décembre. Depuis long-temps on parle de transporter ailleurs la bibliothèque du Roi , comme ne pouvant être placée dans le local actuel. On compte près de trente mille volumes qui restent épars & sans ordre. Il avoit été question autrefois de la transférer au Louvre , & même un arrêt du conseil rendu à cet effet, il y a peut être vingt ans, est resté sans exécution.
M. le Noir qui , depuis qu'il a l'adminiftratioa de cette partie, s'en occupe avec le plus grand zele , a vraisemblablement excité le génie des architedles de sa majesté sur cet objet. L'un d'eux M. Boullée, a conçu une idée grande , neuve , ingénieuse & simple. C'est tout uniment de couvrir la cour qui est immense , d'en disposer la décoration intérieure de maniere qu'elle préfente un superbe amphithéâtre de livres, & de réserver les bâtiments actuels comme dépôts des
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manuscrits, des estampes, des médailles, de la géographie & autres.
Ce qui rend ce projet plus recommandable, c'efi que l'artiste effdt.1c avec un million Se demi au plus, ce qui sur un autre emplacement coûteroit quinze à dix-huit millions.
17 Décembre. On appren d de Semur en AUIOi, que M. Guenau de Montbeillard y est mort le 18 novembre dernier , âgé d'environ foixantecinq ans. Il avoit d'abord entrepris un collection académique, qu'il fut obligé d'abandonner , faute de coopérateur. Ce qui le rend recommandable sur-tout, c'est d'avoir Travaillé à la description des oiseaux de l'hifloire naturelle de M. de Buffon , & d'avoir si bien imité les tournures & le style de ce grand homme, que les connoisseurs ne s'appercurent du changement que par un avertissement de M. de Buffon, empresse de rendre justice à son éleve.
M. Queneau est aulIi auteur d'autres ouvrages de physique ou de métaphysîque peu répandus.
18 Décembre. Extrait d'une lettre de Londres, du 18 novembre. Voici une anccdote concernant Voltaire , que je recueille chez l'étranger , & qui mérite d'être connue. Ce grand poète étoit chez un lord où se trouvoient le célèbre docteur Young & quelques gens de lettres : jaloux de tous les poëtes épiques , il avoit l'audace de rabaisser même Milton dans sa patrie; il frondoit sur-tout dans le Paradis perdu, la mort, le péché & le diable personnifiés. Young indigré lui adresse sur le champ l'épi gramme fuivanre :
Thou art fo Witt, pricltei and fo thin , 1 That are at once the deyil, death and fin.
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On peut la traduire ainh : Ton esprit, ta laideur & ton corps desséché y, Font voir en toi la mort, le diable & le péchés Voltaire déconcerté resta court, & s'en fut.
28 Décembre. Le comte de Cagliofiro étant un des héros du jour, on n'a pas manqué de recueillir tout ce qui en a été raconté dans les gazettes, les journaux, les pamphlets, & de fondre ces prétendues anecdotes dans une brochure fous le titre de Mémoires authentiques pour fllrvir à l'hifloire du comte de cltglioftro) c'estdire d'en composer un roman , où à un petit nombre de faits vrais, le compilateur a réuni les fables les plus merveilleuses que son imagination ait pu lui suggérer. En outre il l'a enrichi de quelques portraits satiriques, tels que celui da duc d'Orléans attuel, & on se l'arrache. Au fond il n'est pas du tout satisfaisant sur l'hifioire du collier dent il ne parle que vaguement , & Jans détails intéressants. L'épifodc de Mlle. alivlIi qui joue un rôle si extraordinaire dans l'aventure , n'y est pas même indiqué. Le style est foible , incorrect & bigarré des différents styles des premiers compositeurs.
2.9 Décembre.. Hier les chambres se font assemblées au parlement , afin de délibérer sur ce qui, s'est passé à Versailles vendredi 23 : la séance a encore été renvoyée au vendredi 30.
19 Décembre.. Jusqu'à présent l'affaire de M. le Maître s'est instruite secrétement au Châtelec entre le lieutenant-criminel & le procureur du toi 5 la chambre criminelle n'en a point encore.
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tu de connoissance légale. Gothon a été tranlsérée durant les fêtes de la Bastille au Châtelet, & interrogée. Hier il a été lancé divers décrets , un de prise-de-corps contre M. Augeard, qu'on est venu lui signifier le foir même. Il n'y étoit pas ; on a voulu fouiller dans ton secretaire, & n'en trouvant pas la clef , on l'a enfoncé , Se l'on a enlevé quelques papiers.
Mesdames le Maitre mere & bru font décrétées d'ajournemenr personnel, On nomme différentes autres petfonnes & de grande considération comme décrétées d'assigné pour être ouï, mais mal-à propos. On foupsonne que M. le garde-des-sceaux s'imaginant que ces pamphlets étoient dirigés par la cabale ennemie , ses espions répandus dans les sociétés affeétent de femer ces faux bruits pour exciter à parler, pour intimider les coupables , & chercher à découvrir quelque chose. On cite parmi les inculpés M. Albert, maître des requêtes, ancien lieutenant de police ; M. de Montholon, ancien premier ptéliient du parlement de Rouen & aspirant aux sceaux ; M. le président de LaÍÍJoignon, chez lequel il se tient journellement des comités d'ambitieux & d'intrigants ; M. de Brctigneres , confeiiler au parlement ; Me. Elie de eeaumont , grand intrigant, &c.
2,9 Décembre. Le duc de Pemhievre , depuis le gain de son procès contre le comte d'Arcq , aujourd'hui M. de Saintefoix, instruit qu'il vouloit encore remuer & se pourvoir au conseil , avoit obtenu un ordre du Roi qui l'obligeoit de sortir de Paris ; comme il n'y a point obtempéré , il en est venu un plus sévere qui l'exile à Tulle, où il a dû se rendre.
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19 Décembre. Veneves in gemmis antiquis. Tef ?
est le titre d'un relevé qu'on a fait de toutes les 1 gravures des anciens, conservées jurqu'à nos jours, & roulant sur leurs fêtes, leurs jeux &: leurs plaisirs obscenes. Elles font au nombre de foixanre-douze environ, & forment un cours complet de luxure. Elles viennent à l'appui du systême de l'auteur de l'Erotika biblion, dont on a parlé darrs le tem ps.
30 Décembre. On a présenté requête au parlement pour M; Augeard contre le décret de prife- de-corps lancé contre lui ; on y a exposé les irrégularités & les vexations dont il a été accompagné. M. Dionts Duféjour, rapporteur de la requête , lui a été favorable , & d'après son avis, la tournelle a rendu arrêt qui, sans rien décider sur le décret, ordonne que le greffier du Châtelet fera tenu de remettre à la chambre une expédition des charges & informations pour jr être fiatué définitivement.
30 Décembre, Depuis quelque temps on parloir d'une nouvelle tragédie de M. le Mierre , intitulée Céramis. Il avoit été quefcion de la jouer devant la cour à Fontainebleau. Ce projet ne s'est pas effectué, & la piece toute neuve a paru hier pour la premiere fois sur le théâtre franois. L'auteur sentant le danger de traiter dessujets historiques trop récents, ce qu'il éprouve.
depuis nombre d'années à l'occafion- de son Bar- nevelt qu'on ne veut pas laisser jouer , s'eflr perdu cette fois dans l'antiquité. La scene est à Memphis & le sujet d'imagination, ressemblant cependant à plusieurs tragédies connues. Les troiS" premiers actes ont été fort bien reçus , & le troisième a enlevé par une feene superbe; mais le
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quatrième & le cinquième ont absolument d'la généré. Il faut voir si le poëte trouvera dans sa tête des ressources pour améliorer ces deux aétes-, & les rendre aussi bons que les précédents aux yeux du public difficile.
30 Décembre. M. Sédaine a de nouveau refondu les deux aétcs ajoutées à son Richard cœur de lien & l'a remis en trois. Ne pouvant plus y intéreirer le coelir , il a cherché à séduire les yeux. Le nouveau dénouement consiste dans le siege de la forteresse où le Roi est détenu. Le public a très- fort goûté cette leçon. On allure que le siege est de la composition de M. veftrÚ. Il na làisse rien àdéfirer; après la toile baissée, on a demandé pendant très-long-rem ps l'auteur; à la fin le mufien M. Gretri s'est monrrt. Il paroîc que la piece se trouve ainsi dans Técat de perfec.
tion désiré.
30 Décembre. Le célebre Dagoty pere vient de mourir. C'étoit lui qui avoit imaginé le journal de physique, dont l'abbé Rozier l'avoir ensuite dépouillé. Il s'étoit retourné cependant & commençait à publier Observations périodiques sur l'histoire naturelle , la physique & les arts, pas une société de gens de lettres, avec des planches en couleurs naturelles ; secret où excelloie cet artiste.
50 Décembre. Malgré tous les efforts du, parlement de Rennes pour obvier à la distribution du tabac pernicieux , dont la Bretagne est infectée depuis plus de quinze mois, les fermiersgénéraux se font obstinés à n'y peint envoyer une meilleure denrée, & le controleur-généraltrompé sans doure par leur exposé, les a loutenus su- point que cette cour n'obtenant aucune juftics
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s'est portée a des arrêtés & a des coups d autorité
plus violents ; le commandant de la province a été envoyé à Rennes pour y tenir une séance ) militaire, biffer les arrêts & arrêtés du parlement, & y faire enrégistrer de force les volontés du Roi. Toute cette conduite illégale a donné lieu à des remontrances très-graves , & une députation du parlement doit arriver incessamment à Versailles.
31 Décembre. L'espece de lit de justice tenu 1 à Versailles le 23 de ce mois étant un c des événements les plus mémorables qu'il y > ait eu depuis long-tem ps pour la magiftra- ■ ture, on ne sauroit trop en constater tous les !
détails.
D'abord, quoique le Roi eût demandé son : parlement , on a lu que sa majesté ne vouloir pas !e voir ; elle comptoit feulement se faire offrir les registres par le greffier en présence du premier président & des gens du Roi, pour y biffer ce qui déplaifoit & y faire inferire ses volontés. M. le garde- des-sceaux a représenté à sa majesté que ce feroit contre toute regle 8c & sans exemple ; qu'ayant mandé fan parlement en corps de cour, elle ne pouvoit se dispenser d'en admettre tous les membres en sa présence : à quoi elle a enfin consenti , en ordonnant qu'on n'ouvrît qu'un battant de son cabinet.
Le premier président a observé à t'huimer 9 quand il s'agit d'entrer, que l'usage étoit qu'on ouvrît les deux battants : l'huissier lui a répondu que tels étoient ses ordres; il en a été cependant référé au gentilhomme de la chambre de service, qui a confirmé cette mortifiante cti-
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flett. On a passé par-dessus) l'on cft entré & ; a dit : Ni,-. parlement, qui connoît les regles & » les formt. n'auroit pas dû inférer dans ton m arrêt d cnre§a~ornent destiné à être publie 5c M affiche, des choses qui doivent rester dans *> le secret des relations iOt"l_'es qUe je lui permets » d'avoir avec moi. Je retracerai de cet XI arrêt tout ce qui ett étranger à ion objet ; XI je trouve bon que mon parlement m'avertilïe M par de respectueuses représentations de ce qui M peut intéresser le bien de mon service St le » bonheur de mes peuples ; mais je ne prétends M pas qu'il abule de ma bonté & de ma con*> fiance jusqu'au point de se rendre en tout » temps & en tout lieu le censeur de mon adjni» nistration. Je dois anéantir un arrêt aussi peu n réfléchi. n Ici le Roi a fait lui-même la radiation d'une partie de l'arrêt & de tout l'arrêté; il a ensuite ajouté : « Je compte que mon parlement réglera ):> les effets de ton zele d'après les principes « de sagesse, de respect & de soumission qui » font dans le coeur de chacun de Tes membres , XI & dont il ne peut être excusable de s'écarter, M Au surplus , je veux qu'on fâche que je fuis » content de mon contrôleur-général, & je ne » souffrirai pas qu'on trouble par des inquié» tudes mal fondées l'exécution de plans qui x. tendent au bien de mon état &au soulagement M de mes sujets.» Ensuite le Roi a fait lire par le greffier en chef l'arrêt, tel qu'il se trouve depuis la radiation faits par sa majesté, & a ajouté
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v' m C'eff ainfx que l'arrêt doit fubfitler.
7» voilà comme je veux qu'il foit irnpr'wC
» affiché. » i Alors le Roi a donne à M. ~J, aron de Bre teuil un papier qu'il a tiré ¡J. .,a Poc"e > 'ul a dit de faire inscrire fr le registre par le greffier en chef tout ce il venoit de dire. M. le baron de Breto-il l'a di<aé tout haut au greffier, à qui Ca majesté a ordonné d'en faire ledurej puis elle a dit à M. le premier président de le signer.
S'adressant ensuite à M. Seguier, sa majesté lur a dit : cc Vous avez bien entendu que l'arrêt » doit être imprimé tel qu'il est à présent ?
A cette occafton M. Seguier n'ofanr en faire la difficulté au Roi lui-même, a demandé à Mrle baron de Breteuil de quand on dateroit l'arrêt ?
Il lui a observé que si l'on conservoit l'ancienne date , avec ces changements , ce n'étoit plus le même arrêt & c'étoit un faux : que si on le datoit du jour de la présente séance, il falloit faire mention de l'espece de lit de justice que sa majesté venoit de tenir & y joindre les formules usitées en pareil cas. M. le baron de Breteuil n'étoir point préparé a ces difficultés; il a dit qu'il falloir s'en tenir à sùivre littéralement les ordres du souverain, & M. le premier avocat-général n'a pas insisté d'avantage.
Comme le parlement se retiroit, le Roi a appelle le premier président & lui a dit: « Je M ne veux plus que M. d'Amecourt foit rappor» teur de mes affaires; vous en indiquerez un' N autre à mon garde-des-sceaux, qui m'en rendra si compte. » ,f Pour mieux entendre ceci, il faut sa voir que
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précédemment il y avoit eu une conteftatiaor vive à Versailles entre M. le contrôleur-général Se M. d'Amecourt, le rapporteur de la cour ; que le premier avoir reproché au fécond d'être l'auteur de cette querelle pour n'avoir pas communiqué à sa compagnie le mémoire que le ministre lui avoit remis tendant à l'éclairer sur l'emploi des fonds empruntés depuis ton administration : à quoi M. d'Amecourt lui avoit répondu qu'il avoit cru lui rendre service en ne produisant pas ce mémoire rempli de faulftés; de - la de gros mots de part & d'autre.
Il est confiant cependant que le mémoire en question a été mis sur le bureau ; que M. d'Amecourt en a fait verbalement un extrait ; qu'il a offert de le lire en entier, ou de le communiquer 1 quiconque voudroit, & que messieurs l'ont regardé comme inutile.
31 Décembre. C'est par un arrêté du 10 décembre, que le parlement de Rennes effrayé des conséquences dangereuses de l'expédition militaire de M. le comte de Montmorin, a déterminé de faire de nouvelles remontrances, moins sur le fond déjà trop bien instruit, que sur la forme plus révoltante & plus insolite que jamars, & de demander au Roi la permission de venir les lui porter par une députation solemnelle j ce qu'on affure qu'il n'a pas obtenu encore.
31 Décembre, On apprend que la salle du fpeda.
cle de Montpellier a été con fumée prefqu'en entier. Heureusement on ne parle point de malheurs arrivés à personne. On attend les détails de ce triste événement.
31 Décembre. Effectivement ces jours-ci, les
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chambres anemblées du parlement , on a la l'arrêté du parlement de Bordeaux annoncé j on est convenu que le greffier en chef seroit chargé d'écrire une lettre très-honnéte & trèsafFeétueufe à la compagnie gémissante , & que sur le surplus la délibération feroit renvoyée au premier jour ; ce qui veut dire qu'on ne se [oucie pas, ou qu'on craint de s'en occuper : que la cour juge avoir assez de ses propres affaires.
Il s'agit de grandes & longues remontrances ordonnées dans l'assemblée d'hier 30 fut toutes les difagraces & humiliations qu'elle vient d'éprouver.
3 1 Décembre, L'accident de M. de calonne est des plus extraordinaires, & il est bien heureux d'en avoir été quitte à si bon marché. Ilpouvoit être assommé très-facilement : du reste, il s'est trouvé tellement empêtré qu'il n'a pu ni crier ni sonner, & qu'il n'a reçu de secours qu'au moment où son valet de chambre est entré pour allumer son feu.
Le Roi , informé de l'accident deux heures après, a écrit une lettre affectueuse à ce ministre.
Du reste, les calembours continuent. On dit que ce ministre ayant ordonné à ses gens de chercher , de voir s'il n'y avoit pas quelque voleur de caché , qu'il y en avoit surement dans la chambre ; ils lui ont répondu, après leur perquisition : Mais nous ne voyons que vous ici, Monseigneur.
Décembre. Extrait d'une lettre de Mortagne. Dans cette ville, capitale du Perche, il vient d'être élevé un monument d'un genre unique & méritant par cette raison d'être connu.
Cette ville ayant obtenu par une déclaration
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lu 13 septembre 1784, la décharge de droits si..
igieux & susceptibles de recherches ruineuses, 1 voulu en con/acrer la mémoire.
M. Bouchu, architecte, éleve de l'académie, a ité chargé de l'exécution, Il a ccmpofé un dellîn "im pIe & clair, d'une grande correction , où il 1 représenté la mufe de l'hifioire, achevant de graver sur une pyramide de marbre le titre de la oi bienfaisante. Ce dessin approuvé produit ua rès-bel effet en relief. L'ouvrage fini, on en a fait Pinauguration le 15 novembre dernier.
u bas on lit ces quatre vers, adressés aux iéputés : Vertueux citoyens, qui du peuple & du prince Avez concilié les intérêts divers , Mortagne accomplissant le vœu de sa province, A la postérité consacre vos bienfaits.
Plus bas font gravés les noms de ces députés) M. Bertereau, lieutenant-général ; M. de Fonts* nay , chevalier de Saint-Louis.
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PREMIERE LETTRE Sur les peintures, sculptures & gravures expofies au Jalon du Louvre le 25 aoûfr 1785..1
LES artistes, Monsieur, font comme certains malades qui, ne pouvant vaincre leur répugnance à la vue d'un remede, préferent les souffrances & quelquefois même la mort à un dégoût momentané. Heureux de rencontrer des parents,?
ou plutôt un ami qui s'intéresse assez à leur conservation , pour user d'une contrainte sahs-i taire) & les sauver, en quelque forte , malgré eux. La critique est à l'égard des premiers ce : remede souverain; mais en horreur à l'amour-1 propre de tous, & cependant quels biens infinis elle l leur a procurés ! En effet, n'est-ce pas elle qui y à force de s'élever contre l'indignité du local > si long-temps théâtre de leur rivalité 7 fous le' titre ridicule de Sallon , est venu à bout de le faire convertir en un séjour plus décent, plus noble & plus analogue à cette dénomination fastueuse ? N'est-ce pas elle qui, sans relâche, gémissant sur le grand nombre de portraits obscurs, de bambochades puériles, de tableaux de genre estimable , mais où le génie ne peut prendre son essor, a réveillé le zele du gouvernement, a provoqué sa munificence & fait naître cette foule de peintres d'histoire, dont s'enorgueillit aujourd'hui l'école françoise? N'est-
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te pas elle qui, poursuivant impitoyablement le mauvais goût, le goût faux, la maniere brillante, mais (ol\v?'lr déplacée & toujours trop prodiguée , dont Bâcher a voit engoué les éleves, a rappelle les jeunes athletes aux vrais principes du grand genre, aux beautés mâles de l'antique ! Enfin) pour tout comprendre en un mot, n'est - ce pas e:le qui a produit le salon actuel, le plus magnifi jue, &, de l'aveu généra!, le plus imposant qu'on cite depuis son établissement ! Nulles futilités , nuls colifichets , point de grotesques, point de caricatures , point de :ces (cènes molles Se efféminées dont l'effet ordinaire est d'énerver le talent en corrompant le cœur. Il y regne un ton sévere qui le rend moins agréable aux gens frivoles & superficiels, mais qui plaît aux vrais amis des art<, & aux partisans des mœurs j qui éleve & agrandit l'ame; qui fournit aux méditations du génie & le perfectionne en l'exerçant. C'est à quoi 1 sans doute, font dellinés sur-tout plus de trente tableaux d'histoire , dont la plupart de vastes machines, & dont quatorze commandés pour le Roi. On défireroit seulement que, suivant le plan arrêté, les sujets eurent été choisis dans nos annales, 8c l'on regrette de n'y en trouver qu'un ,de cette espece(*) : toutefois il feroit bien temps que les Romains, les Grecs, les Egyptiens, les Hébreux , qui depuis quatre mille ans occupent la scene , cédassent la place à des perfon-
(*) Saint Louis rendant la juflice dans le bois de Vincennes ; tableau de M. Brenet, deftiué pour la chapelle du w[eu de Compiegne.
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sages plus rapprochés de nous, plus dans RI mœurs & plus intcreflants pour des Françoi Quoi qu'il en (oit, j'envisage du moins f toutes parts des traits d'héroïtme , des ~action patriotiques, des vertus douces, fociaies c religieuses.
Ici M. Vien , après avoir offert il y a deu ans Priam allant supplier Achille de lui rendr.
le corps de son fils Hector, nous le montre qc revient dans sa capitale avec ces précieuses reli ques : l'on fort au-devant de lui ; le char eL bientôt entouré de son auguste famille qui l'arrêtei Hecube embraie le héros inanimé. Andromaqu lui prend la main & semble se plaindre encoro aux Dieux de la mort de son époux. Astianax conduit par sa nourrice, tend les bras à sa mere qu'il voit éplorée : Paris & Helene , craignant les reproches, se tiennent à l'écart derrierc.
Andromaque; Se Cassandre, qui a prédit toui - ces malheurs , se précipite fous une des roues Mêmes beautés & mêmes défauts abfolumeot que dans le tableau précédent. On reproche en-- outre à M. Vien, quoiqu'il fâche bien l'histoire & connoisse parfaitement l'antiquité , d'avoir employé dans son architecture l'ordre dorique alors ignoré & mis sur la téte d'Hecube la couronne' à rayons, feulement en usage fous les empereurs Romains.
Là , - M. la Grenée l'aîné, nous retrace la générosité compatissante d'Alexandre. Ce monarque averti par un eunuque de la mort de la femme de son ancien rival, quitte le cours de ses expéditions militaires, vient au pavillon de Sisigambis, qu'il trouve couchée par terre, au milieu des princesses éplorées & près du jeune
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fils de Darius, encore enfant; il prend part a leur douleur & les conCole. L'artiste du moins annonce cette intention ; mais elle n'est pas remplie. On a peine à distinguer le roi Macéodonien de son confident Ephestion. Sa tête n'est point rendue d'après l'antique, & quoique ce morceau foit riche de détails & d'un beau faire, r l'on fait mauvais gré à M. la Grenée, d'avoir 'j..ré lutter contre le Brun, dans un sujet traité ,;. par ce grand' maître. & de rester si fort an dess-o us.
Des connoisseurs préferent son Ubalde & le ,':Chevalier Danois aux prises avec les nymphes iqui cherchent à les séduire, comme plus dans son genre aimable ; cependant l'action principale y est mal exprimée, & il y regne un ton triste îpeu convenable au sujet où le Tasse a répandu tant de charmes.
En levant les yeux on voit Enée qui, au milieu de là ruine de Troye , n'ayant pu déterminer Anchise , son pere , à quitter sa patrie & son palais, veut, dans son désespoir, retourner au .:combat, Creuse sa femme , l'arrête , en lui : présentant. son jeune fils Ascagne. Dire que ce morceau est de M. suvée, c'est annoncer en même temps une compofuion nette & facile) :des plans bien distincts , une feene simple, mais îtrop vu ide. D'ailleurs il ne s'est pas assez pénétré r du premier livre de son Enéide, en traitant ua sujet qui de sa nature exigeoit nécdfairement plus de chaleur & de mouvement, même de tumulte & de désordre. Sa Creuze presque aussi jeune, aussi fine que le petit Ascagne, est 'dans I la forme françoise, plutôt que dans celle des
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Troyennes de M. Vien, tout ami que Toit celui.
ci des femmes fweltes & légeres.
Et les couleuvres étouffées Seront le jeu de son berceau.
Ces deux vers d'une Ode de Rousseau font le principal sujet du tableau voisin dont le but est d'exprimer comment Amphytrion, voulant s'asfurer de la difiinttion qu'il devoit faire des deux enfants CJu' Alcmmt avoit mis au jour , fit: lâcher deux serpents entre leurs berceaux. Le courage du petit Hercule détermina son choix, il reçut son fils Eurysthée , qui se jeta tout effrayé dans ses bras en présence de la mere , .de la nourrice & des femmes, témoins de cette ; épreuve. On est d'abord tenté de rire en voyant cet Amphytrion depuis tant de siecles dévoué à la plaisanterie ; & pour peu qu'il eût eu dégoût, M. Taraval auroit senti que ce personnage : îidicule ne pouvoit figurer dans un poëme héroïque comme le sien ; il y auroit conséquemment : tenoncé. Quoi qu'il en foit, quant à la com- ^ofition, il ne s'en est pas mal tiré ; mais l'Alc- - ment est détestable, & tout le coloris de ce tableau est du plus mauvais ton.
M. Brenet nous exprime euluite la piété & la générosité des dames Romaines qui, à la prise de Veies , apportèrent aux tribuns militaires leurs bijoux d'or pour les fondre & exécuter une coupe de ce métal que la république avoit fait voeu d'offrir à Apolúm j vœu que sa pauvreté fie permettoit pas de remplir. On auroit désiré que ce peintre, toujours fage , savant & froid, eux
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-eût. rendu plus nombreux le concours des dames & montré plus d'admiration de la part de?
tribuns, à moins qu'on ne dite que les belles aéIions étoient déjà si familières à ce peuple que rien en ce genre ne les étonnoit ; observation bien détournée pour M. Brenet, dont le défaut n'est pas de pécher dans ses ouvrages par trop d'esprit. Le Moyse fauve des eaux par la fille de Pharaon , est le tableau qui vient après, & je vois avec peine que M. la Grsnee le jeune mette le spectateur dans le cas de se rappeller le Moyse sauvé det eaux , du foujJin) qu'on com pte parmi ses ouvrages les plus remarquables. Le premier est fort gracieux ; mais ce qui feroit beauté ailleurs, est ici défaut ; la finesse des têtes de profil, l'élégance des formes donne plus d'idée des Grecs que des Hébreux ou des Egyptiens. D'ailleurs le lieu de ia feene n'est point indiqué ; rien ne caractérise le Nil, Enfin la princesse trop éloignée du grouppe de l'enfaot & sa fœur, amenant sa mere pour lui (ervir de nouirices trop dégradée dans l'ombre , rendent l'avion sans ensemble & absolument décousue.
Indépendamment de ce tableau pour le Roi , l'arrifie laborieux , toujours fécond , a exposé plusieurs petits morceaux qui ne manquent pas de partisans & dont quelques-uns font même plus estimés que là grande machine , tels que Roland abandonnant Armide, malgré le défaut de costume d'avoir, au temps des croisades, habillé les Preux chevaliers à la romaine. Sa Prise représentant Moyse, chassant les bergers de Madian qui empêchoient les filles de Jethro ,de faire boire leurs troupeaux , eit pleine de
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mouvement & d'une exécution hardie 8c originale. Les amateurs du goût fain , y retrouvent avec plaisir le genre antique.
La maniere large & grande de M. Ménageot, dont le tableau est à côté du Moyse , lui fait un vrait tort. Celui-ci nous montre Cléopâtre rendant Ion dernier hommage au tombeau d'Antoine.
« Après la défaite d'Actium & la mort d'An)) toine, cette Reine fachant que l'intention « d'oéfave étoit de la conduire à Rome pour n orner son triomphe, résolut de ne lui pas » survivre ; mais avant elle fit demander au M vainqueur la permission de visiter pour la derniere fois le tombeau d'Antoine. Là s'ima» ginant qu'il la voyoit & l'entendoit encore, *> Cléopâtre lui air qu'elle alloit lui donner la »3 plus grande preuve de son amour , lui fit ses )) adieux, & après avoir femé sa tombe de « fleurs , elle se retira avec ses femmes & rem» plit sa promesse. »
Cet exposé de l'artiste offrait, comme l'on voit, deux traits, l'aéte religieux & l'acte héroïque, sujets de deux tableaux , à moins d'un génie bien inventif pour les rendre en un. M. MÍnageot a choisi le premier , sans doute comme plus fécond en accessoires, comme plus susceptible du développement des différentes parties de fan art. Peutêtre même a-t-il cru avoir exprimé l'autre par le désespoir dont est empreinte la figure de Cléopâtre, par une carnation plombée & livide , d'une maniere si outrée qu'elle annonce déjà non-lèulement la mort t mais la putréfaction. Peut-être aussi cette mauvaise plaisanterie tft-elle trop exagérée ; du moins est-il vrai que
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la douleur de la reine d'Egypte , profonde & con.
centrée, ne devoit point être celle d'une Fernmelette de Paris, dont la moindre attaque de nerfs dérange toute l'économie animale , en altérant ses traits, ne devoit point s'étendre sur toutes les autres parties de son corps, comme Î1 elle iortoit d'une maladie longue & cruelle, ou même comme si elle avoit déjà un pied dans la tombe.
Vous voyez , Monsieur , que je m'arrête principalement à l'expression , partie la plus essentielle, dont le plus ignorant peut juger. D'autres critiques observent que les figures de M. Mena- geot n'ont pas le caractere égyptien, que ce petit page portant le manteau de la Reine n'est point du temps ; que son sarcophage est la copie de celui d'Agrippa à Saint-Jean-de-Latran ; enfîa que ce tableau manque d'harmonie , que la cou- leur en est dure.
Bien des gens préferent encore le tableau de -chevalet de cet artiste, où l'on voit Alcejle rendue à son mari par Hercule , quoique celui-ci foit un peu jeune, point assez mâle & ne ref.
semble en rien à l'Hercule Farneft.
Je vous parlerois, Monsieur, de l'esquisse de M. Mrnageot, d'un tableau pour la ville au fujec de la paix de 1783 , sujet intéressant plus que tous les autres, si je ne preférois d'attendre le tableau qui doit vraisemblablement figurer au premier salon, A ce morceau d'histoire profane succede urt morceau d'histoire sainte, dont la moralité est le danger des vœux indiferets, ou plutôt doit être d'inspirer de l'horreur contre des vœut -auoees. En effet, le ciel euyoyant à Jephté sa
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propre fille, lorsqu il vient de lui faire le voeu, s'il remporte la vidoire sur les Ammonites, d'immoler la premiere créature que ses yeux ,rencontreront en rentrant dans son palais, est une terrible leçon. En la voyant , le pere détourne promptement ses regards, déchire ses vêtements, tombe dans les bras de son écuyer, & sa fille se précipite à ses pieds pour apprendre la cause de sa douleur. Elle étoit suivie de ses femmes jouant des instruments, & à ces concerts d'alégresse succede un silence morne & effrayanr.
Vous jugez, Monsieur, par cette defeription , que le tableau est heureusement comporé , furtout pour son espace, ne comportant que huit pieds de large sur dix de haut. En cela M. Panlo, est bien supérieur à son ouvrage du salon dernier: mais le costume n'en est point exact au gré des antiquaires; ses personnages font habillés comme des Grecs, & toujours point de coloris ou plutôt un ton blafard , qui donne l'air d'une croûte à celui-ci, & répugne au spectateur, n'y revenant que par réflexion. En général, cet artiste ne semble pas fait pour l'hifioire; il veut soutenir l'honneur de son nom & sa dignité de professeur. & cependant il vaudroit mieux être le premier des peintres de genre, que le dernier des peintres dshiftoire.
Ce n'et f pas un petit plaisir, Monsieur, pour le public, que le contraste de tous ces sujets & de toutes ces manieres. C'est maintenant la fougue d'un débutant plein de verve , dont le récit seul à coup sûr vous enflammera l'imagination ; quel effet ne doit pas produire le fpectacte de l'action même ? Il s'agit du sac de Troye, au moment épouvantable où Tyrrhus
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bieffé paf Polite, le dernier des fils de ~Prixm , le poursuit jusques dans le palais de ce monarque, le massacre à (es yeux , & le pere ensuite „ voulant venger la mort du jeune héros. Tout se fent ici de l'inexpérience du cempofiteur. On lui reprochoit l'an paffé d'avoir choisi la nuit pour le temps de l'éducation du centaure Chiron; aujourd'hui , dérogeant à la vérité de l'histoire, il oublie cette naît désastreuse que nous peignent si chaudement & Virgile 8c Racine , où se pasTa la cruelle feene qu'il veut rendre , & il la transporte dans le jour : il oublie que le pathétique n'y doit être que secondaire, que l'aétion principale est la cruauté de Pyrrhus , & il met dans l'ombre ce vainqueur barbare , & il attire les premiers regards sur le grouppe d'Hécube , d'Andromaque & de Cassandre éplorées. Toutefois l'on fonde de justes espérances sur cet artisse , lorsque l'âge & la raison lui auront mûri la tête.
Il faut que l'académie pense de même , puifqu'i peine reçu , elle l'a employé aux tableaux destinés pour le Roi. Qu'il consulte encore long-temps son maître , M. Bardin, sur le dessin & la composition ; car, quoiqu'il l'ait laisse derriere lui , il peut sans s'humilier continuer d'en prendre des leçons.
Toujours agréé , lorsqu'il voit son éleve académicien , M. Bardin, dont c'est ici le cas de faire mention , prouve bien que dans ce siecle frivole on va beaucoup plus loin avec un mérite brillant qu'avec un mérite réel. Son tableau représentant l'Extrême-Onction, d'une grand e & belle ordonnance (*) , mais gris & sans effet de
(*) Il est de quinze pieds deux pouces de long,
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couleur, ne frappe point, & Ion pane sans 1\1: regarder, lorsque l'autre plein d écarcs & (re" travagances, saisît, & attire la multitude.
Comme dans Tes esquisses dessinées, dont l'une représente l'adoration des Mages & l'autre uneVierge , il n'ert plus question de couleur, on convient qu'il fait infiniment mieux, & qu'on.
Jes confidere même avec plaisir.
Le fang-froid dont Manlius Torquatus -condamne à la mort ton fils, quoique vainqueur, pour avoir combattu , malgré la défense des consuls (*), est le principal objet du tableau de M. Bertellemy, qui occupe le milieu entre M. Rrnaud & un ath lete entrant dans la carriere. Cet artiste a toujours l'expression juste & c'est point maniéré iu(]u'â présent; depuis trois, salons qu'il figure avec éclat, fcs sujets ont ététous variés. D'abord noble & gracieux , il s'efb ensuite montré terrible, & aujourd'hui il fit: grand , fier & pathétique ; car la vertu romaine' pouffée dans !e principal perfonrage à son plus haut degré, ne l'empêch e point d'être pere, & cette double conception est très-bien sentie. Le style est ferme & sévere, comme la com pod- tion.
M. Peyron est !e nom du débutant indiqué & son fujer rUroifme de l'amour conjugal. C'cfë E"uripide qu'il a pris pour guide dans la distribution du poëme.
Alceste s'étant dévouée volontairement à la
sur six pieds huit pouces de haut. Il est destiné peut la chartreuse de Valbonne , près le Pont Saint-Esprit
en Languedoc. - - -- - -
(*) Ce trait dhiftoire est de l'an de Rome 41}*,
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mort, pour sauver les jours de son époux , fait ses adieux à son mari , que le désespoir accable , &, après lui avoir fait promettre de rester fidele à sa mémoire , elle lui confie Tes enfants , dont elle est entourée , & qui, baignés de larmes) participant à la douleur d'une si cruelle séparation , à proportion de leur âge. Les femmes plongées dans la tristesse remplirent le palais de deuil, & la statue de l'hymen est voilée à jamais , comme ne devant plus éclairer d'autres embrasements. Le pathétique de l'aélion y semble bien rendu, les convenances morales parfaitement senties. Le soud en est trop noir ; ce qui, au gré des connoisseurs , provient en partie de la mauvaise exposition du tableau , & d'ailleurs ne meilied pas à la tristesse de la feene. Les gens de l'art, examinant tout avec l'équerre & le compas, y critiquent trois plans abrolument parallèles, défaut capital contre les premieres regles de la composition matérielle, & les dissertateurs de l'académie des belles-lettres font choqués d'y trouver encore sur la tête d'Admette cette couronne à rayons usitée feulement dans les temps très - poitérieurs. Malgré ces reproches, fondés, M. Peyron s'annonce comme devant être un jour un des soutiens de l'académie, & elle en a jugé ainsi en l'admettant, quoique agréé, à travailler pour le Roi; honneur rare, s'il n'est pas sans exemp!e.
Le morceau de réception de M. Taillasson, dont je ne vous ai dit qu'un mot il y a deux ans, comme açréé, est au-dessus du tableau de M. Peyron ; c'est Philoctete à qui Ulysse & Néoptolème enlevent les fleches d'Hercule. On ne trouve point au premier les formes d'un héros Gicc j
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on prétend que sa pose lui donne plutôt l'air terrassé que menaçant ; quant aux deux autres personnages, ils (ont un peu roides & pas assez variés ; toute l'exécution est peinée. Malgré cela, l'intérêt du sujet, de la pensée , un bon style <Sc de l'éclat dans le coloris, lui ont valu les suffrages des maîtres.
La foule des autres ouvrages que cet artiste a exposés, atteste d'ailleurs sa confiance au travail & sa facilité. Sa Sainte Thérese (*) en extase est généralement applaudie. Elle électrise le spectateur & le ravit à son tour, malhureurc.
ment d'une maniere toute profane , sans lui faire quitter la rerre, & en s'attachant plus que jamais à la créature.
Je vous ai, Monsieur, observé autrefois que les peintres manquoient presque toujours la figure de jefus- Christ , - il en est de même de Jupiter. Ce souverain des dieux, endormi sur le mont Ida, sujet du tableau de M. Barbier l'aîné ', devant lequel je me trouve en ce moment, est bien loin de la majesté qu'il devroit avoir : la Junon est beaucoup mieux pour la figure ; c'tft une jolie femme , mais non encore celle qui dit dans Virgile : Ast ego quæ dinjum incedo Regina.
Le Morpbée dans les airs qui répand les pavots sur ce couple auguste , est bien suspendu & d'une grande légéreté ; & quant au méchanisme de l'art, le tableau n'est point sans mérite.
Vous vous impatientez peut-être, Monsieur,
(*) Ce tableau est pour les dames carmélites de Limoges, ainsi qu'un Saint Jean de la Croix ,.,tees..
goûté aussi.
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fie ne point m'entendre vous parler de M. v'¡n-.
cint ; m'y voilà. Il a composé deux tableaux faisant une fuite historique. Par le premier, sans doute il a voul u s'essayer , se pénétrer de son principal objet , afin de le mieux rendre ; daIls' le second, deHiné pour le Roi & de plus grande maniere, Cacinna P£tus, s'étant attaché à Scribonius, qui avoit soulevé l'Illitie contre l'empereur Chu/de, fut pris & mené à Rome. Arrie, sa femme, trop instruite qu'il n'y avoit aucuneeipérance de le sauver , l'exhorte à se donner la mort.
Cette héroïne , voyant que Pætus n'avoit pas le courage de se tuer, prit un poignard , se l'enfonça dans le fein, & le prélenta à son mari, en lui disant : Tiens, Pætus, il ne m'a point fait de mal : exemple qui détermina son époux incertain , à ne pas lui survivre.
Quels beaux sujets & que l'ame doit s'élever en les traitant ! Vous voyez , Monsieur , que l'un n'est , à proprement parler, qu'une préparation à l'autre. Aussi M. Vincent n'en a fait qu'un tableau de chevalet; mais bien loin d'avoir suivi la gradation qu'il se propofoir, il semble s'être épuisé , pour ainsi dire, à composer fotv esquisse, & son grand morceau est fort inférieus au petit C*) : dans celui-ci son Arrie fièrement fofée, comme l'exige la circonstance, le bras droit bien tendu , embrassant de la même main le poignard tourné vers son fein, les doigts ramassés en pointe & portés contre son front,
(*) De trois pieds six pouces de haur, for quatrf pieds trois pouces de large feulement.
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indique a Ton mari que rien ne peut arrêter une: résolution courageuse bien prise , & qu'elle va lui en offrir la preuve. Pttus, au contraire , porte dans toute sa contenance, l'humiliation , la.
foiblesse & le découragement. Il est afils , penché: en avant, les yeux fixés vers la terre ; ses vêtements font ternes comme sa figure) tandis que la robe éclatante de l'héroïne forme un contraste piquant pour les effets pittoresques , & ingénieufemtnt allégorique aux sentiments & à la sïtuation des deux personnages.
Arrie s'éft poignardée dans celui-là ; on le suppose du moins , car la bleffare n'est pas a{fà visible. Mais au lieu de présenter le fer à son mari, avec ce calme héroïque , rendant autant qu'il est possible le sublime de ce mot , P£te, n ondoZet, elle le tient toujours dirigé vers elle , & sa tête renversée en arriere annonce sa défaillance : d'un autre côté , P£/tu par son attitude exprime plutôt la surprise & l'effroi , que sa.
dirpoGtion à l'imiter ; ce que le peintre auroir dû faire sentir, & ce qui auroit été le comble de l'art. Le coloris n'en est pas non plus aufit fier.
La peste de Milan de M. le Monnter, est un tableau qui piroît bien froid après ce'ui dont je viens de parler, & Saint Charles Bcrromée) malgré l'auréole qui ceint sa tête , est un pauvre personnage mis en regard d'Arrie. Quoi qu'il en foit , ce début de l'auteur mérite des encouragements ; il y a de l'ordonnance, de be'les maires, un bon style ; mais on observe qu'un fléau dévasteur comme la peste n'est point rendu par une feule femme expirante & tenant son enfant mou dans ses bras; .& l'on exhorte cet,
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agréé à être plus correct dans Ton dessin , partie si essentielle de l'art , & dans laquelle a toujours excellé l'école francoise.
Je ne fais, Monsïeur , si c'est par coquetterie )" mais voili pour la feconde fois de fuite que M. Callet se fait attendre , désirer & prôner d'avance ; on vient enfin de placer l'on ouvrage qui nous ramene encore à cette histoire grecque,, dont nous ne pouvons sortir. Le sujet est celui qui précede les tableaux de M. Vien, & qu'il a eu foin de passer comme peu analogue à (on génie trop fage pour l'enthousiasme & la fougue qu'il exigeoit. Je veux parler d'Achille traînant le corps d'Hector devant les murs de Troye & fous les yeux de Priam & d'Hécube , qui implorent le vainqueur.
Ce tableau , comme celui de M. Peyron, qui est à l'opposite , est placé trop haut, & reçoic le jour d'une façon trop ingrate pour n'en pas perdre beaucoup de détails ; d'autant mieux qu'il est aulIi très-ombré, pour ne pas dire noir. La figure la pius apparente est le cadavre du héros vaincu ; spectacle qui répugneroit, si l'auteur n'avoit eu l'attention de flOUS l'offrir en cet écat de conservation du aux ioins de Vénus & d'Apol- lon, comme en prévient M. Vien dans son explication , mais ridicule & incompatible ici, où il est cense couvert de la fange & de la poufnere dont il est fouillé successivement. L'artiste a faerifié la vérité & même la vraisemblance aux belies formes, à la savante anatomie qu'il vouloir développer. Il en a fait la partie principale de sa composition, lorsqu'elle ne devoit être qu'accessoire, Son héros vainqueur ne s'offre aux yeux & ne frappe qu'en fccuad. La pofitioa-
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hardie avec laquelle il fort le pied droit de fos char pour foukr Ton rival , est plutôt un tout de force ressemblant à ceux du sieur Aftley C*) ') que l'attitude noble & fiere d'un prince faisant parade en ce moment de sa férocité, mais nca luttant d'adresse avec les Automedon de l'armée grecque. Ces défauts & plusieurs autres , tels que Ja jambe d'Achille, qui n'est point musclée vigoureusement comme devoit être celle de l'éieve du centaure Chiron-y n'empêchent pas que
ce morceau ne foit très-estimable pour la chaleur & le mouvement qui y regnent : on croit voit .rouler le char, que fuit involontairement l'œil du spectateur. Cependant si, comme on l'en accure , M., Callet n'avoit fait que copier servilement un peintre Anglois nommé Hllmilton .J.
tout son mérite se réduiroit à rien.
J'allois, Monsieur , finir & fermer cette lettre concernant les tableaux d'histoire, lorsque , re., tourné au salon pour le visiter de nouveau, & confiiérer fcrupuleufcment si je n'ai rien oublié en ce genre qui puisse vous intéresser, je vois la foule des spectateurs, jurques-Ià si flottante & si agitée, ne faire, pour ainsi dire , qu'une masse stupéfaite d'admiration en présence d'un, chef-d'œuvre qu'on venoit de placer. Vous n'en.
ferez pas étonné quand je vous dirai qu'il vient d'Italie ; mais né vous y trompez pas , il ne s'agit ni d'un Raphaël, ni d'un Guide, ni d'un.
Titien, ni d'un Correge , mais d'un David. Ce
(*) Fameux écuyer Anglois, qui tient depuis., plusieurs années à Paris un fpeétacle de chevaux, sur lesquels il exerce des tours de force & d'adresse ;;.:.; :"eiltu x:,
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Jf'(yne peintre se trouve à Rome, 8e y a composé pour le Roi sa tâche, qui étoit le Serment des Horaces entre les mains de leur pere. Revenu à foi, chacun se répand en louanges, & te récrie sur le genre de beautés (lui lui plaît davantage. Quelle composition simple & sublime) dit l'homme de lettres ! quelle ordonnance noble ! quelles hautes conceptions dans la tête du pere ! quelle fermeté patriotique dans le premier des jeunes gens.!
Quel dessin ! répond l'artiste ; comme ces muscles font prononcés savamment, & variés avec intelligence dans la jambe du pere & dans celle du fils ! quelle vigueur ! quel accord ! quel coloris ! Ce tableau écrase tous les autres. J'en aime sur-tout l'architecture , continue un de nos Vitruves ; elle remplit bien le fond du tableau, elle est d'un grand goût, sans ornements, comme J'exigeait le costume du temps, & tirant toute sa beauté de ses proportions bien entendues.
L'aimable personne que la fœur ! ajoute un jeune homme , quelle douceur, qu'elle est touchante dans sa tristesse ! Les beaux yeux, quoique baignés de larmes ! Si dolci nel piami che saras nel riso ! La pauvre mere, repart en [anglottant une bonne femme ! Quelle douleur de voir partir ses fils pour le combat où ils vont peut-être périr ! Oui , mais c'est la douleur d'une Romains, répond à côté d'elle l'homme d'esprit philosop-be) accoutumé à disséquer & à nuancer les passions. Enfin , le savant s'extasie (ur les dnuperies , sur les vêtements , où rien n'elt omis de ce qui peut le satisfaire. Ce concert d'éloges cent fois répétés ayant pris fin, j'entends l'envie qui fait siffler (es serpents & glisse fourdemens fcs murmures. Le tableau est un peu jaune ck
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couleur, les grouppes font décousues; le p!uy i apparent des Horetces pour ptéter le ferment écarte i les jambes , comme s'il alloit tirer une botte. Il: y a quelque chose d'embarrassé dans les brastendus des trois freies , & sur tout la main du dernier est d'un profil mal dessiné. Oui , je le répete, il y a de la confusion en général dans ces bras , & l'on a de la peine à démêler à quel corps chacun appartient. Le pere Horace, au lieu de présenter !es fabies a Ces fils, les retient ferrés dans sa main , & semble craindre de les leur confier. Les sabres ne font pas trop bien rendus
il y a sur l'un d'eux une ombre trop forte : Ja jambe gauche du pere qui , quoique reculée) devroit étie sur le premier plan , semble sur le fécond ; ce qui fait perdre l'à-piomb au vieillari & le rend chancelant : le tableau en généra! est trop éclairé ; il n'y a point allez d'oppondon dans les ombres. M. David forme le jour comme il lui convient pour faire briller son talent, Se non comme il est dans la nature. L'architecture est trop bien entendue pour le temps des Horaces, la scene trop nue ; l'attion se feroit mieux sentie, si l'on eût vu dans un lointain les deux armées , du moi^s l'armée romaine. Il pourroit te faire qu'il y eût quelque chose de vrai dans toutes ces critiques, & ie tableau de M. Davidn'en feroit pas moins , je le ré pete , un chefd'œuvre , ce qui ne signifie pas un ouvrage sans défauts, mais un ouvrage qui enchante, transporte , ravit tellement, que le fpedateur n'a pas le temps de s'en appercevoir d'abord, ne les observe enfuire qu'à la discussion.
En voilà , Monsieur, assez pour vous faire connoître les progrès rapides que notre écol*
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t fait- dans le genre de l'hiftaire : dlx-Kaier concurrents .dont je viens de vous entretenir & dont aucun n'ait beaucoup de mérite , formenr un corps d'artistes bien précieux & bien propres.
i i illustrer les arts fous le regne de Louis XVI, dont ils. doivent aulIi faire en partie la gloire..
J'ai l'honneur. d'être , &c.
Paris, ce 13 septembre 1785.
SECONDE LETTRE.
Au fuiet d'une exposition de tableaux qui, suivant l'usage , a ea lieu certe année à la place Dauphine, le. jour de la petite Fête-Dieu, de la.
part des jeunes gens des deux sexes se livrant ■_ a la peinture & en défirent faire voir leur talent, il s'est élevé, Monsieur, une contestation grave..
Comme dans- le nombre des concurrents , oncitoit beaucoup de demoiselles dont on prônoi dans les feuilles publiques les heureuses difposissons." un rigoriste a prérendu que c'était. ua' meurtre de les encourager ainsi; qu'un tel art: étoit pernicieux pourJes personnes du sexe 9, qu'il leur faisoit perdre cette pudeur précieuse leur plus bel ornement , & les entraînoit prefquetoujours dans le libertinage. Je n'entre point- dans la discussion de cette question morale ; mais il feroit. fort à regretter pour la peinture d'être' privé de nos Minerves modernes : il est des parties auxquelles les femmes femblenr plus- appellées que les hommes , & dans les arts comme dans les lettres tout ce qui tient JUX, grâces &.à. l'enjouement.est par e tfçn ce , d-
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lèur domaine. Depuis plusieurs expositions leurs ouvrages brillent au salon entre ceux du second, ordre. c Elles disputent la palme aux hommes ; elles l'emportent & s'en glorifient tour-à-tour, Je vous ai parlé dans le temps & à plusieurs reprises des succès de Mlle. Fallayer, devenue madame coster ; je me fuis enthousiasmé en 1783 , sur les chef-d'œuvres brillants & vigoureux de madame le Brun. C'est aujourd'hui madame Guyard, dès- lors la ferrant de près, qui triomphe & fait entourer ses productions avec ces cris de surprise & de ravissement involontaires qui ne s'arrachent que par un mérite réel & éclatanr.
Son tableau qui frappe le plus & le fnjet de l'admiration générale, est un tableau historié 3 crû elle s'est figurée elle-même en pied , occupée a peindre, avec deux de ses éleves derriere elle, considérant l'ouvrage de leur maîtresse & épiant, pour ainsi dire, le moment de surprendre le secret d'un si rare talent. Unité d'attion , plart net , intention bien sentie, beau choix de nature, attitudes variées, vraies & naturelles, grande intelligence du clair obscur , tous fÛTs, coloris harmonieux , accord de la grace & de la vigueur , tout ce qu'on peut désirer se trouve réuni dans cette composition savante & digne des plus habiles maîtres.
Les autres portraits faits par cette académicienne caractérisent un pinceau sévere , plus propre à rendre les têtes pesantes & profondément occupées que les affections frivoles des gens du monde. Elle nous offre un Amedés Panloo, un Vernet, un Cochin, trois artistes gai ne prêtent rien moins qu'aux graees &.. à la
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gentillesse du faire, mais exigeant une touche réfléchie & vigoureuse. Entre les femmes elle semble ne choisir aussi que celles qui font de son genre; on le remarque dans une comteffs avec son fils âgé de trois mois , fraîche comme Flore, belle comme Vénus, mais chaste comme Penelope, & dont toute l'habitude du corps annonce la vertu conjugale dans toute sa pureté la plus parfaite, comtesse si modeste, qu'elle a voulu rester anonyme , quoique sa figure ne puisse qu'exciter la curiofitc des amateurs ( * ).
Il n'en est pas de même de madame le Bruni se vouant aux plus jolies femmes de la cour.
aux plus galantes & les servant de tous les agré« ments de ion pinceau. L'une est en sultane boudant de n'avoir pas été choisie par son maître pour cette nuit-là; l'autre, en jardiniere qui, fous ce déguisement simple & attrayant, cherche les aventures; celle-là minaude, celle-ci agace; la derniere séduit par les charmes de sa voix (f) : du fein de toutes ces beautés s'éleve- M. le contrôleur-général, & comme il n'est point ennemi du sexe , les bonnes gens croient le Toir an milieu de son sérail. Ce portrait historié est bien plus savant que ceux dont je viens de parler..
11 elt riche de composition, vrai.dans ses détails.
(*) On dit que c'éfl madame la comtessè de Flaf, belle-fœur de M. d'Angiviller.
(t) Ces cinq dames font madame la comtesse de Clermont- Tonnerre, madame la comtesse de GrammontCaderousse, madame la comtesse de Ségur , madame h comtesse de Charercis, &: madame la baronne ât Grujfcl.
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Les étoffes en font précieuses, les ombres, ses reflets ménagés avec foin ; il est monté sur le haut ton de couleur qui lui convient. La refTem- blance du personnage est telle que chacun le romme au premier coup d'ccil; c'est son air l.
ouvert, son oeil plein de feu, sa figure fpiri- i tueUe, riante & affable ; c'est l' homme en un- ; mot , c'elt M. de Calonne exactement : mais cen'est pas le contrôleur- général, il a l'air plus distrait qu'occupé ; une letrre au Roi, un mémoire 1 déployé à côté de lui font excellents pour fairei briller le talent de l'artiste , mais ne font que des en feignes & ne désignent nullement ce) ministre enchanteur, qui fait avec tant d'art: attirer au fise pub'ic , non-seulement l'argentin de la nation, mais celui des étrangers, pourb le reverser ensuite avec tant de profusion & del munificence.
Je pasTe à la Bacchante assise, de grandeurs naturelle & vue jusques aux genoux; ouvraget de la même académicienne , fort admiré d'abords & plus fort critiqué ensuite. Il est certain que lad tête en est charmante au possible, pleine de finer- se, de malice & de gaieté. Le corps largementn peint, d'une carnation admirable & féiuifanti par la nudité lubrique : mais à la peau du tigrei près, parfaitement imitée, on la prendroit plutôtl pour une beauté de sérail que pour une pré- j tresse de Bacchus. On trouve encore la tête troppetite pour le corps & les chairs de celui-ci point assez lacqueufes, mot scientifique , voulant dire pas assez rougeâtres, assez fouettées de fang ; ce qu'exigeoit l'état de la nymphe fréquent &î habituel. Enfin d'autres vont jusqu'à dire que cette figuré est d'une exécution molle & peusavante.
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Quant a madame Coster, on est nché cie- lui voir abandonner presque entièrement le genre de la nature morte où elle étoit supérieure , pour se livrer au portrait & au portrait historié , dans lequel elle est bien inférieure à Ces rivales. A.
cette occasion, il est très-plaisant de voir un évêque la choisir pour sa minerve, aussi le :prélat n'a-t- il osé se nommer & en paroît-il tout honteux dans son coin. Le portrait en pied Jde mademoiselle de Coigny cueillant des fleurs:dans son jardin , est une preuve de mon assertion ; il n'y a de bon dans ce morceau que les.
fleurs; la figure principale est manquée, mat dessinée & , pour ainiî parler, écorchée. Mais forv ouvrage, d'autaot plus blâmable qu'il est à grande ptérention , c'est le portrait de madame de Sainte..,Huberti) fous l'abit de Didon. L'adhice ne manque pas de ressemblance : à travers sa laideur, son air- spirituel brille & est bien saisi ; il y a, :du caradere dans sa tête : mais ce n'est que imadame de Sainte-Huberti, & au costume près l'on y cherche vainement la reine de Carthage, rôle cependant où elle jouoit avec une chaleur bien propre à enthousiasmer l'artiste, où elle faisoit oublier sa figure ignob!e & paroiiToit belle& couchante, comme l'aimable & tendre souveraine d'Afrique.
Les faiseurs de portraits semblent avoir tous voulu cette fois prendre un vol plus haut & se rapprocher autant qu'ils pouvoient de l'histoire.
C'est ainsi que M. Rostin nous offre une dame.
debout, en fana blanc, devant une glace , pour y achever sa toilette : quelques autres perron..
nages étendent & remplirent la scene ; la femme ide chambre qui en est partie intégrante & tient:
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se chapeau de la dame ; un petit garçon qui joue en un coin ; enfin un chevalier de Saint- [ Louis assis est occupé à lire. Par cette notice, exceptée la premiere liée à l'aftion , on voit que le reste n'y tient en rien. L'auteur a cru sans doute pouvoir s'autoriser en cela des Hollandois, qui s'embarrassoient peu d'être décousus dans ces fortes de sujets; mais comme la regle de l'unité est prise dans la nature & le bon sens, je ne crois point qu'un pareil exemple dispensede s'y asservir, & ce n'en est pas moins un défaut capital. Quant à l'exécution , elle est charmante. Il y a même beaucoup de gentillesse & d'esprit dans le jeune enfant : tous les détails font soignés avec une perfection exquise. On fait que M. Rojlin excelle principalement dans le rendu des étoffes, sur-tout des satins , où, suivant pluûeurs connoisseurs, il l'emporte fut les flamands; il s'est piqué cette fois d'une perfpettive savante & de faire ressortir de 11 glace ju(<]u'à la figure de la dame. En un mot, on ne reproche à l'artiste qu'un précieux trop fini, de maniere que les accessoires attachent autant que le fond ; léger défaut dans ua sujet vague comme celui-ci & ne portant aucua imérêt.
M. Duplessis n'essuie pas le même reproche; en dit au contraire qu'il copie avec une grande vérité & n'embellit jamais. Ce qui feroit ua éloge, à prendre le terme, dans le sens physique ; mais la critique l'entend au moral. Elle veut dire qu'il rend les traits & non l'esprit de ses personnages ; que dans M. de Chabanon, par exemple, on ne trouve point le membre ds l'académie des belles-lettres & de l'académie
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<• françoise, ou du moins l'homme aimable, doue des talents enchanteurs de la fbciéfé, dans M. de Lassonne, le médecin, le savant, le chymiae Je fondateur de la société royale; dans M. vient le peintre d'histoire , le directeur de l'académie.
..Quant à la petite obrervation de ne l'avoir point décoré du cordon de Saint-Michel, qu'on découvre feulement suspendu auprès de lui , elle porte à !. faux, en ce qu'il est représenté en robe de chambre & que ç'auroit été lui prêter une vanité ridicule que de le barder de ce cordon dans son u déshabillé.
Je finis, Monsieur, cette énumération des c portraits , par où j'aurois dû commencer. En effet la Reine méritoit sans doute d'attirer la roremiere mes hommages; mais je répugnois à f venir, comme le public à la confidércr. Est-il : possible, qu'un aussi habile homme que M. Wertt muller , destiné à remplacer le premier peintre p iu roi de Suede, se connoisse si peu en grâces & en majesté : on allure que la Reine , lor £ qu'elle est entrée au salon , s'e st méconnue ellemême & s'est écriée : cc Quoi ! c'est moi-là.» D'ailleurs quel moment a-t-il choisi ? Elle se promene, dit-il, avec monseigneur le Dauphin , tfe Madame, fille du Roi, dans le jardin Anglois L du petit Trianon ; aftion froide & particutiere, -r excitant qu'un intérêt de curiosité ; il falloir, f comme l'a observé un critique judicieux ()f-) J représenter la Reine, montrant ses enfans à la i nation, appellant ainsi tous les regards & tous les
{*) M. l'abbé Saulavie dans ses Réflexions impartiales sur Us progrès de l'art en France,
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coeurs, & resserrant plus fortement que jamais, Vj par ces gages précieux, l'union entre la France Se 2 l' Autriche.
Ce grouppe de la famille royale en font les a seuls personnages qu'on rencontre peints au t salon. Je me trompe , Monsieur : après bien t des choses je découvre le Roi s'éclipsant , il 1 est vrai, à l'éclat du trône ; en conférence servi i suivant ses vues & confondu dans un des bou- doirs f*) de ce lieu. En effet, ce n'est point un jr aéle de louveraineté qu'ii exerce, mais un aéte a d'humanité, dont M. de Bucourt s'est propoféde 8 rendre compte. Ce fut durant l'hiver rigoureux de s 1783 , qu'il se passa. Sa majesté se faisoit un plai- sir de se déguiser , de parcourir le matin les 2 chaumieres de Versailles & des environs, & d'y 1 répandre lui mente ses bienfaits.
Louis X VI est représenté enveloppé d'un man.., teau d'écarlate, costume autorisé par la faison 1 & fous lequel il cache sans affectation toutes 2 les décorations qui le pourroient trahir ; il a la r tête enfoncée dans un chapeau profond & rabattu v qui dérobe une partie de sa figure; il vient de s donner sa bourse à un petit garçon , le plus ?
près de lui à l'entrée de la chambre : il est reconnu par le grand-pere qui se jette à (es.
genoux, & toute la famille en fait autant : la mere malade dans son lit, se souleve presque nue & > ramasse Ces forces pour rendre ses hommages & exprimer sa reconnoissance à son auguste bien-
(*) On appelle les boudoirs du salon, les embrasures des fenêtres & les coins adjacents , qui forment au moyen des tréteaux sur lesquels font établies les sculptures, comme autant de cabinets particuliers,
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iteur. Certe scene touchante est compose de x acteurs, non compris le Roi , variés chacun : figure, d'âge, d'attitude , d'accoutrement.
tais plus le sujet est intéressant, plus on jroit désiré que l'auteur en eût fait ressortit )ut le pathétique. D'abord la rigueur de l'hiver est point assez exprimée ; on voit bien une mme à l'àtre, ranimant un charbon , ce qui nnonce un feu maigre, une disette de bois : :u reste ces pauvres gens , fauf celle qui est litée , font vêtus de façon à ne pas souffrir eaucoup de froid : on ne remarque pas d'ailleurs 'ils ont d'autres besoins & tout cela se présume lutôt qu'il ne se fent, par l'aétion généreuse :e l'étranger, dans lequel il eût fallu sur-tout jue Louis XVI eût été plus reconnoissable : & iourquoi ne pas conter l'anecdote dans le Kvre , irconftancier tous les détails, faire en quelque orte violence à la modestie du monarque ? De pareilles leçons qui s'exercent & se donnent fous nos yeux par des personnages connus, font d'une noralité bien plus frappante, bien plus direéte, Dien plus utile que les plus beaux traits de l'hifc loire grecque, romaine & même sacrée , qui, vu l'éloignement , la différence des temps & des mœurs , font peu d'impression ou rencon.
trent beaucoup d'incrédules , auprès desquels ils n'obtiennent guere plus de confiance qu'un roman.
Du reste, quant à l'exécution , ce petit morceau est encore charmant & de beaucoup préféré par les artistes i un autre sujet du même, plus gai, ou le peintre amoureux de son modele, en reçoit un billet & lui baire la main, tandis que de l'autre la femme prodigue de
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teintes catesses à son mari qui sourit à la vue du portrait commencé & en est enchanté.
Ils trouvent que ce tableau-ci grisaille furieusement.
M. Wille n'ayant point les mêmes considérations de refpeft , les mêmes craintes de dé-, plaire t fait beaucoup plus de sensation par un!!
sujet de ce genre, autour duquel les flots de fpec-: tateurs fefuccedent sans interruption.Voici commet il s'explique.
« Le sieur Louis Gillet , maréchal-des-logis Da au régiment d'Artois , cavalerie , retournant 1 M de Nevers à Autun Ca patrie , & s'étant égaré) ss dans sa route, est attiré dans une forêt pari.
M les cris lamentables d'une jeune fille que deux [ H assassins avoient dépouillée & attachée à uni M arbre; le brave militaire vole au secours de fin- -1 M fortunée, blesse, désarme & met en fuite l'un des !' M deux scélérats , court au fecond qui lui lâche J Il un coup de pistolet, le manque , & reçoit 1 » lui-même un coup de fabre , qui lui abat le : M poignet. »
Ainsi quatre atteurs dans cette scene : l'artiste s a saisi l'instant le plus chaud & le plus drama-
tique , où , débarrassé de l'un des brigands que s l'en voit terrassé dans un coin du tableau, l in- trépide défenseur de la villageoise brave & : combat le fécond, à la vue de celle-ci encore 3 suspendue & attendant son fort de l'issue de 5 cette attaque. Pour ajouter plus d'intérêt à son r sujet, il a fait de la viétime une très- bellej créature, mais dans l'espece des paysannes, forte, charnue, rubiconde. Le scélérat agresseur a bien l'air d'un vrai garnement ; à travers la rage qui le transporte & lui tient lieu décourage , on entrevoit
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'trJ"voÍt ra poltronnerie, & par Ton attitude il femb.e déjà disposé à fuir, s'ii maulue Ion ad verfaire.
Des critiques ont observé que les quatre personnages ont la bouche ouverte, & il le falloir.
La jeune fille doit crier & appeller du secours ; le scélérat, hors de combat, à qui l'on voit une vaste entaille dans le bras , ne peut résister aux douleurs de sa blessure; l'on camarade forcené jure & biafpbcme, & le maréchal - des-logis avec l'ascendant que lui donne son rôle , menace & foudroie le brigand qui lui reste. Tel est le dialogue de la scene parfaitement exprimé par la figure & la pantomime de chaque interlocuteur.
M. Wille, en habile compotiteur, n'a rien négligé des petits détails qui pouvaient concourir au développement de son action & enrichir le fond de son tableau. On voit par le col de la fille macéré, écorché, par les oreilles de ses souliers rabattues, qu'on lui a volé sa jeannette & ses boucles : elles se trouvent sur le devant , avec un poignard appartenant sans doute au déiarmé. L'autre , outre le piftolec qu'il tient en attion de la main droite , conserve un fer dans la gauche. Sa ceinture est garnie d'instruments meurtriers. Spectacle effrayant., si l'on n'étoit rassuré par la présence du héros, Le reste de son costume dt d'une grande vérité Se plein d'effets pittoresques. Peut-être la feene se passant dans un bois & , vu sa nature, est-elle trop éclairée; peut-être aussi le peintre s'est- il persuadé ne pouvoir donner trop d'éclat à cette action rare & héroïque. La beauté de son coloris y répond)& son pinceau mol ordinairement
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s'est renrorce & s'est monte à la vigueur des con.
ceptions de la tête.
Je m'applaudis, Monsieur, d'avoir réservé, pour la dernieie de cette espece, la description du tableau de M. Wille, d'un intérêt vraiment tragique , après laquelle toute autre paroîtroit froide , fut-ce celle de la marine de M. Vernet.
avec une tempête & naufrage d'un vaisseau. Ce morceau, de quatorze pieds de long ssir huit de haut , est pour son altesse impériale le grand duc de Russie, & je n'ai qu'un mot à y joindre pour en faire l'éloge. C'est que, quoique l'artiste ait soixante-dix ans , sa touche est encore ferme , fiere & terrible. Ses autres ouvrages , d'un genre plus doux, ne dégénèrent point de ceux de sa jeunesse, en grâces, en fraîcheur, en brillants. Le feu! reproche qu'on lui fasse d'être toujours le même, confirme mon assertion, & prouve qu'il n'a rien perdu.
La vaste machine de M. Vernet se trouve entre deux de M. Robert, destinées au même prince étranger , & non moins imposantes par le volume (*) , dont l'une représente un incendie dans la ville de Rome, apperçu à travers la colonnade d'une galerie, & l'autre la réunion des plus célebres monuments antiques de la France.
On reproche peu de vérité à la premiere, quoique d'un grand effet, & à la fécondé un assemblage idéal d'édifices disparates qui n'ont jamais existé ensemble ; bizarrerie révoltante pour le spectateur, chez lequel c'est supposer trop d'ignorance. M. Robert inventif, rempli de ressources
(*) Ces tableaux ont chacun onze pieds de large sur huit de haut.
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<5ans Ton art, pour vouloir être original, peche louvent contre le bon goût & le bon sens. Le tableau dont je viens de parler , est un exemple du premier défaut , & les ruines d*une longue galerie éclairée par un trou de sa voûte , tableau appartenant à M. le comte d' Adhemar, ne peuvent être défendues du fécond. Il a imaginé de produire plus d'effet pittoresque en plaçant l'oui verture au centre, c'est-à-dire, dans la clef de ! la voûte. Ce qui est impossible , pui(qu'à l'instant 1 toute la voûte s'écrouleroit. Ce peintre est d'au1 tant plus blâmable , nue c'est très-sciemment qu'il : peche, & , quand il veut, est très-capable de la 1 plus scrupuleuse exactitude. La preuveen exiftedans I ses deux pendants de la fontaine de vaucluse & des 1 roches d'oliou en Provence (*). Ils font l'étonnei ment du naturaliste , qui reconnoît le caraBere de ! la pierre calcaire de VacltIe, les coupes parÚw1 lieres à ces fortes de pierres, & dans les roches i d' Oliou, l'ensemble des pierres vitrefcihles <&> pri| mitives (t). Voilà de ces nuances érudites donc I ne feroit point capable le vulgaire des artistes.
M. de Machy , en possessîon de conserver à la postérité le souvenir de tous les événements publics de son ressort & de les fixer sur la toile, : n'a pas manqué de nous exposer cette année les
(*) Ces deux tableaux appartiennent à M. l'arche1 vêque de Narbonne.
(t) Ce font les propres expressions de M. l'abbé j Soulavie dans son ouvrage déjà cité sur les tableaux.
Ce philosophe si profond dans l'étude de l'histoire :: naturelle en cette contrée, admire comment M. Robert v a pu voir & marquer des choses qui échappent a* , plus grand nombre, & ne frappent que les naturalistes les plus exercés.
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départs de ditterents ballons ; mais plus en artiste qu'en historien , plus à dessein de faire briller fou pinceau, que frappé d'un véritable enthousiasme pour cette importante découverte. Aussi a t-il sacrifié l'action au local qui ne devoit être qu'accessoire 3 en forte qu'on peut regarder ce sujet comme à refaire : du reste , en s'accordant sur la richesse de fts plans , sur l'exactitude de la perspective , certains critiques lui reprochent de dégénérer pour la couleur, de n'avoir plus cette teinte qu'il tenoit de servandoni & de Panini.
Entre les paysagistes, l'homme étonnant, MonCeur, c'est M. Nivard, qui n'en est qu'à la féconde exposition, encore simple agréé & furpassant déjà Ces- maîtres, même M. Hue qui se Soutient, mais ne fait pas les progrès rapides de son concurrent. Sa vue du château de la baronnie de Mello (*), est un chef-d'œuvre; il est vrai qu'on ne peut être mieux servi par la richesse & les dispositions du site ; mais aufll l'on ne pouvoit le mieux rendre. En homme de génie dans son genre , il a choisi pour son jour un temps variable ; ce qui lui donnoit le moyen de se ménager à volonté les di vers accidents de lumières les plus propres à faire reffonir chaque beauté de ce lieu charmant. Son ciel éclipse sans ; contredit tous ceux du faion. La verdure de ses : arbres est variée & dégradée à l'infini ; les grandes 2 tnafles n'empêchent point qu'on n'en distingue 5 les especes, qu'on ne les com pte , si c'étoit né- • ceflaire. Ses fabriques nobles , bien assises , rares,
(*) Appartenant à M. Duclos Dufrenoy , notaire,
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placées à propos & sans confusion , produisent des effets piquants : Ces animaux d'un bon choix de nature ; les villageois naïfs & correctement dessinés , jettent de la vie & du mouvement dans toute la scene : en un mot, elle est si vraie, que tous ceux qui ont vu Mello , le reconnoissent, Se si enchanté qu'il n'est aucun ami de la nature qui ne désirât y fixer son séjour. On juge que l'auteur pour chaque partie en a profondément étudié les différents maîtres , le Lorrain, le Salvator, le Gouespe & le Berchem.
Je voudrois finir, Monsieur , de peur d'être trop long; mais le moyen de passer fous silence M. de Marne, MM. César Vanloo & Veflier. Vous connoissez le premier qui a débuté , il y a deux ans, avec M. Nivard : quoique l'académie l'ait traité plus rigoureusement que celui-ci , & ne l'ait pas encore jugé digne d'être admis parmi ses membres, il n'en est pas moins précieux aux amateurs pour sa finesse , son brillant & sa facilité; mais il ne s'est point corrigé des défauts qu'on lui trouvoit du côté du dessin & de la vérité des fîtes : cependant les critiques exceptent Ces vues d'un lac Suisse & des ruines du châ.
teau de Bermont, deux petits morceaux , les meilleurs de dix qu'il a exposés, & qu'ils jugent d'un pinceau charmant.
On voit avec peine en citant le second, que le fils du fameux Carle ne marche pas dans la carriere brillante de (on pere : apparemment qu'il ne s'est pas senti les forces suffisantes pour Soutenir dans le genre de l'histoire un nom mal- heureusement trop fameux pour lui ; il a préféré d'être au premier rang entre les peintres de la féconde classe. Il n'avoit point encore paru sur
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la scene , & débute comme académicien ; faveur accordée sans doute au descendant d'un grand artiste, premier peintre du roi, & dont on trouve très-dignes ses morceaux de réception. Il parok se vouer au paysage du genre héroïque. Ses (ites font d'un choix Doble, - Ces fabriques font riches & magnifiques ; mais son pinceau est sec & sa maniere noire: on l'invite à rechercher des compositions susceptibles d'effets plus piquants, ou, pour mieux dire, à les saisir & à les rendre.
L'anecdote de l'admission du troisieme au rang des agréés suffit feule pour donner une idée de [es ressources & de sa facilité. Son genre est la miniature : il en avoit présenté à l'académie : cette compagnie ordonna des exécutions en grand & des preuves d'un autre talent. C'est à cette rigueur que l'on doit un des plus beaux morceaux du salon, le portrait en pied de Mlle - vestier sa fille , peignant le portrait de [on pere. Les artistes l'estiment très-hab lement fait, compefé avec goiu pour les accessoires bien mis à leurplace ; les étoffes font au/Ti rendues avec une grande vérité; mais ce prestige est devenu Íi commun, que ce n'est plus qu'un petit mérite.
Quant à (es miniatures , rival de M. Hall, il Juir une route différente. Celui-ci a la légéreté de la touche , la vigueur du coloris , la hardiesse du pointillé, l'efpri: adapté à Ces différents caracteres de tête, & sur-tout la variété & la grace des ajustements : celui-là , plus monotOne, excelle pour la douceur du faire , l'a grément de l'exécution, le fini précieux; ses couleurs se noient tendrement & rien n'y tranche trop.
Je pourrois vous entretenir encore de MM. van: spaendonck , sauvage, Martin, Robin, Huet, &c.
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mais n ayant rien de particulier à en dire, il faut s'arrêter, & la sculpture m'appelle.
J'ai l'honneur d'être, &c.
Paris, ce n septembre 178J.
TROISIEME LETTRE.
DEPUIS quelque temps, Monsieur , un nouveau systême introduit dans notre école de fcuip.
ture tendroit à lui faire perdre , s'il s'accréditoit à un certain point, la haute considération donc elle jouit, il y a plus d'un siecle, dans toute l'Europe. Ce systéme est d'autant plus dangereux qu'il fort d'un grand homme, & a été foutena de son exemple durant ses dernieres années. Je veux parler de Ptgal, que les arts pleurent aujourd'hui. Il étoit un scrutateur si rigoureux de la nature, qu'il n'en vouloit rien omettre , même dans son état de dégradation & d'abjection. C'est ce qu'attefient sa statue de voltaire , celle du comte d'uarcourt à Notre-Dame , & jusques son superbe mausolée du maréchal de Saxe, où il a osé introduire le squelette de la mort, non sans beaucoup d'art, il est vrai, & avec les ressources du génie.
4-1 premiere statue qui s'offre aux regards dans la cour du salon, est de ce genre. C'est Philopœmen, général des Achéens. Il est représenté au moment où Dimocrate & les magistrats Messéniens lui font boire de la ciguë. On reproche à M. de joux , son auteur , d'avoir choili le corps de ce héros grec d'une nature pauvre : l'hifioire nous apprend bien qu'il avoit alors
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soixante-dix ans; mais ce n'étoît pas une raison pour le modeler sur quelque malheureux échappé des cachots de Bicetre. Cet ouvrage au surplus n'est pa, sans mérite-, & la grande ame du vainqueur de Lacédémone se retrouve sur ion visages à l'air de tranquillité avec laquelle il reçoit ie poison. 1 Le Mercure de M. Boizot po,urroit bien, aux yeux des critiques séveres, paffer pour tenir quelque chose de la même- école , & cependant c'est un Dieu du premier ordre qui doit jouir d'une jeunesse éternelle. A la bonne heure qu'il ne Toit pas muselé comme un Jupiter, comme un Neptune » comme un Pluton, ou comme un Mars; qu'il ait la légéreté-du messager de l'Olympe : mais point de ces méplats , de ces: rides ou de ces plis qui annoncent dans l'homme les progrès de -l'âge & le dépérittemezktLe modele en- plâtre par-- le même du Racmr à exécuter en marbre pour le Roi, est d'un goût plus satisfaisant ; mais, il s'est mépris sur la nature du génie de ce poëte, représenté la plume à la main , les yeux levés au ciel 9. & semblant en attendre l'inspiration. Ce n'est pas là- qu'iï alloit chercher les conceptions, comme CoYrneille; c'elb daris !e cœur humain- qu'il fouilloit; & il ne se mettoit jamais au -dessous de notre portée : il falloit- donc lui donner un regard plus terre à terre. C'est ce que , d'un autre côté , a bien senti & ingénieusement exprimé l'artiste, en mêlant aux attributs de la mufe tragique ce myrte, emblème du genre des pieces d-e l'auteue de Britannicus & d'Andromaque.
Ce qui diftingae M. Boizot cette année, c'est son buTte de Louis XV-loù, s'élsyant. au dtiîus
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l, de lui-même & à la hauteur de ion sujet, il a représenté non-seulement l'homme , mais le Roi, il a anobli la figure de ce prince , en général * plus populaire que majestueuse. La draperie en est ajustée avec élégance, & tous les attributs en font traités d'un ciseau aussi savant que précis.
A cette occasion je vous observerai, Monsieur, que nos artistes qui regardoient le coflume françois comme ingrat, & ont agité plusieurs fois s'ils s'y asserviroient, y excellent maintenants & ont vaincu toutes les difficultés du Rendu qui en avoit de très-grandes. Rien ne les effraie plus, Les souliers) les bottes, les vestes, les soubrevestes, les haut-de-chausses, les cravattes, les manchettes- à dentelles , tout est de leur reiior ; & quoique ces détails ne soient qu'accessoires, ils en tirent souvent parti & quelquefois en gens de génie. Ce n'est pourtant pas M. Gois qui en a déployé en tant d'occasions , & nous reproduit aujourd'hui d'une façon très-commune ce Matthieu Molé, qui , en 1779 , avoit si fore enthousiasmé M. Vincent. Afin de mieux l'enfe- velir dans sa vaste simarre, il l'a figuré assis » & s'est cru de la forte dispensé d'expîiquer le corps. Son attitude est de tenir le mortier de la main droite, & d'appuyer la gauche sur les sceaux ; ce qui désigne la double dignité de premier président & de garde-des-sceaux. Du reste 3 le personnage a un air renversé , comme Ci on lui faisoit quelque proposition révoltante, & la sévérité de son vitàge soutient cette idée, mais trop vague. On pourroit également prendre la position du magistrat pour de la roideur & de l'a pédanterie. En un rnot, ç'est Je buste àtMele
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tres-ressemblant ; mais rien n'y caractérise & probité J ses talents , son zele pour le bien public & pour la gloire de l'état. L'artiste s'est appliqué spécialement à développer toute la richesse de la draperie , à donner de la souplesse aux contours, à faire jouer jusqu'aux poils du manteau herminé.
On en peut dire autant du buste de M. de Calonne, par le même. C'est bien lui, mais ce n'est ni le contrôleur- général, ni le ministre.
Si M. Monot, chargé de la troisieme statue pour le roi , n'a pas tout-à-fait rempli son sujet », il s'en est au moins donné un, & s'en est échauffé.
Il avoit à représenter Abraham Duquesne. Le bombardement d'Alger étant un des principaux traits de la vie de cet amiral, il l'a choisi; ce qu'il exprime par des mortiers, des bombes, & autres instruments destructeurs dont il a entouré son héros. Son attitude est celle d'un général, l'attitude du commandement. Des demi-connoisseurs qui croient se donner plus de relief & en imposer avec un ton tranchant, décident que le personnage est manqué, & que c'est un morceau à refaire. Je crois que le défaut vient de l'arrifle, qui n'a pas assez consulté ses forces, Se dont le ciseau a généralement plus de grace que d'énergie. Mais dans l'état même où il Ce trouve l'ouvrage est très-louable, & ce ne fera certainement pas la plus médiocre statue de la collection royale.
Ce qui prouve, Monsieur, la mauvaise humeur des critiques dont je viens de parler, c'est qu'ils étendent leur proscription jusqu'à la flacue du grand Condé, la derniere ordonnée pour cette exposotion, & la premiexe dont M. Rolland, agréé
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ait été charge. Ce coup d'essai qui n'est pas fsns défauts dans l'exécution, est peut-être pour les conceptions le plus parfait des morceaux de cette espece ; j'ose dire même qu'il est lublime.
L'artiste a pris dans la vie de ion héros l'ins- tant où le prince attaquant le camp de Merci fous les murs de Fribourg, apiès un combat qui avoit recommencé trois fois , à trois jours différents , jeta son bâton de commandement dans les retranchements de l'ennemi, & marcha pour le reconquérir l'épée à la main, à la tête du régiment de Conti. 11 est dans l'attitude décisive de l'adion ; il a paiTé son épée suspendue à la main gauche, & de la droite levée , il tient ce bâton à lancer, le signal d'un nouvel assaut. Sa figure est très-animée, le feu fort de ses yeux, il est indigné que le vainqueur de Rocroy trouve tant de résistance. Assurément du côté de la composition, on ne pouvoit choisir un moment plus heureux , & le mieux caractérisé suivant moi.
Voyons maintenant les obje&ions des faiseurs de pamphlets.
Ils disent que l'aélion de la main droite n'est point décidée ; que le bâton est tenu trop mollement. Mais il ne s'agit pas ici de faire lutter le héros de force ou d'adresse ; peu lui importe que ce signal aille quelques toises plus loin ou plus près; c'est un premier mouvement que lui fuggere ion imagination enflammée, & qu'il fuit i comme sa situation le permet.
Ils ajoutent qu'un héros ne doit point avoir l'air colere ni menaçant , & sur-tout celui qui dormoit si profondément la veille de sa premiers bataille gagnée. Cette maxime est vraie, ptife généralement, mais mal appliquée & fausse dans.
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la circonstance.Voudroient- ils qu'un jeune princeQei ardent , bouillant, opiniâtre comme Achille , eût: le fang froid d'un Catinat ou d'un Turenne?
Quant à la douceur de Ton sommeil, elle provenoit du caimc d'un général habile , qui a tout ordonné , tout prévu , & n'a plus rien à faire ca ce moment qu'à prendre du repos pour se mieux disposer au combat.; mais ç'auroit été un contresens, & de caractere & d'action , d'avoir donnéla même tranquillité au duc d'Enghien. contrariée dans sa fougue héroïque, & voyant reCUler deux.
fois son armée.
Ils vont plus loin ces impitoyables aristarques, & prononcent que cette figure n'a ni dignité ni grandeur. Vous avez vu, Monsieur , p.u la détail de toute la composition, qu'il feroit difsicile , pour ne pas dire impossible, qu'une fiatue.
ainsi posée & ordonnée manquât de dignité, &, quant à la grandeur, si elle confiée dans les proportions surhumaines de l'antique, je paffe condamnation ; mais représentant un héros François , & devant être placée à la iimple portée des.
spectateurs, il feroit ridicule sans doute de l'avoir.' fait colossal ï & aru-dessus de la ftarure ordinaire" Enfin, le duc d'Enghien, de la main à laquelle, il a son épée supendue, a deux doigts enlacés.
dans son écharpe ; ce qui est trop mesquin &.
trop recherché. Pour accorder , quelque chose à-, ces messieurs, & ( quoiqu'on pût encore chicaner là-dessus, en répondant qu'un général ne doit pas avoir toujours son épée ep l'air comme un-, soldat, qu'il suffit qu'il la tienne prête au besoin) je leur accorde ce défaut très-facile à ré-.
parer, & que je regrette'cependant, parce que, ii l'attitude n'est pas h-étoi\]ue, elle cIl pittorcfcjuc
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& très-propre à faire briller le talent du ~t~ tuaire, qui n'a pas moins soigné tous les accompagnements du corps.
Je. therchois en vain , Monsieur, une statue que j'avoîs vu exposee dans la cour le piemier jour de l'ouverture du salon , une pjÙhé abandonnée , de M. Pajou, lorsque j'appris que le cure de la paroifîc du Louvre l'avoir dénoncée à l'archevêque , & que le prélat, avoit obtenu un ordre de la retirer. Curieux de (avoir quel pouvoit être le motif de proscription , je me rendis à l'attelier du sculpteur, où elle se montre publiquement 8c forme une fecor.de assemblée. Je fus bien surpris.
de trouver une figure qui, quoique parfaitement Due, étoit très-pudique. Je gémis sur l'idiotisme: des dévots, & fadmirai la belle simplicité de l'ouvrage. La nymphe , plongée dans la douleur" en indique lar source par la main droite qu'dlc.
tient sur Ton cceur : le. poignard, la lampe fatale renversés à ses. pieds achèvent de la défi gner. Le grand art de l'auteur est d'imprimer sur le visage de sa figure les spasmes de son.ame , sans là faire.
grimacer., sans en altérer en rien la beauté. Le défaut que fy critiquerois '-.. ainsi que nombre d'amateurs ce font de trop fortes. proportions pour une jeune fille telle qu'on imagine Pfichéo.
Le pied est. aussi certainement trop petit pour foû corps,; mais cette statue n'est. encore qu'en plâtre ; il est aisé d'y, substituer les corrections qu'on délire, & que le goût & le jugement de M. Pajou lui feront sans doute adopter.
Revenu au salon, Monsieur & m'attachant.
à détailler les sculptures que je n'avois presque pas observées. jufcu'à ce moment, il en faute, ,¡Ite à mes yeux Qn faiie délicieux, mais cent.
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fois plus dangereuse que la Psiché. C'est le Cttnimede de M. Julien, versant le nectar * Jupittï changé en aigle. Le nom féal de ce beau jeune homme rappelle déjà une fable très-obscene, & l'artiste a déployé tout Ton talent pour faire mieux travai ller l'imagination sur cette anecdote (candaleufe du plus grand & du plus libertin des dieux : l'aigle de Ces yeux de feu semble dévorer.
le séduisant échanron qui est nu ; il le ferre de près , & de son aile lui caresse amoureusement ks fesses. Je ne fais , mais il me semble que c'étoit bien là le cas où le ze!e du pasteur auroir pu s'échaufter, à moins qu'on ne prétende que le péché philosophique étant plus familier aux gens d'église , les effraie moins. Je m'arrête & reprends mes fondions de critique amateur ou plutôt admirateur: On ne peut mieux travailler le marbre , ce morceau remporte tous les suffra g es.
On est fâché de ne voir cette année que de* bustes de messieurs Cassiers & Houdon ; mais les grands artistes se retrouvent dans les moindres choses. Le Thomas Corneille du premier en marbre pour la ccmédie françoise, est d'une ■vérité de nature unique : le Boileau est d'uncaraftere décidé , qui le Feroit nommer presque sur sa figure. Le fécond nous a confervé le fouvenir des princes étrangers qu'on a vus avec intérêt , & qu'on revoit avec plaisir , le roi de Suede & le prince Henri. Quant à M. le Noir, c'est sa physîonomie pleine de finesse & de grâces.
La tête inclinée en avant qu'on lui reproche , est, suivant moi, un trait caractèristique; il désigne les fondions de ce lieutenant de police; il exprime la manitre facile & pleine d'aménité de ses audiences.
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Si M. Bridan n'attire pas beaucoup plus Par..
tention par son maréchal de Vauban en marbre qu'il ne l'attiroit par le maréchal de vauban en plâtre; de jolis morceaux de sa composition & en grand nombre dédommagent les amateurs, entr'auties une jtune fille jouant aux osselets; une autre jouant aux billes, qui font d'une naïveté charmante.
Messieurs Mouchy & Berruer ne nous offrent ; guere que des Maquettes, c'est à-dire, d1 esquis1 ses trop imparfaites pour en juger ; M. Mouchy annonce beaucoup d'invention, il faut voir si l'exécution y répondra.
On admire dans M. stouff un débutant pourvu d'excellentes études & rempli de bons principes: ses deux têtes du Bélisaire & d'une jeune fille affligée en font foi; Ion petit g'ouppe d'Hercule combattant les Centaures éroit d'une composition difficile, dont il s'est tiré en habile homme : mais son Abel expirant fous les coups de Caïn, morceau d'une plus grande maniere & abfoluiment fini en rnatbre, attire sur-tout l'attention, en lisant que c'est sur ce chef- d'oeuvre qu'il a été reçu académicien. L'artiste en est très-satisfait ; il n'en est pas de même du spectateur qui ne reconnoit pas plus Abel dans ce personnage expirant que tout autre individu: au lieu d'une figure historique, ce n'est à ses yeux qu'une figure académique. Sans doute la mâchoire d'âne , instrument dont Cain Ce servit contre son frere , étoit un accessoire peu noble à placer , & cependant le texte !acré ne l'oublie pas ; il failoit trouver quelque moyen de bien rendre & de ne point altérer l'anecdote de ce livre divin.
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Le morcau de réception de M. FOUCDU, le dernier des académiciens, est plus caractérisé ; t til un fleuve désigné avec Ton attribut ; il est appuyé !ùr une urne d'où il épand ses flots j mais c'est encore une idée vague : quel fleuve r On cherche en vain son buste de M. le bailli de Suffren qui, annoncé de deux mains différentes , par une fatalité qu'on ne peut concevoir, ce se rencontre d'aucune.
M. Moite > agréé qui commence & semble se • vouer aux busses, montre une grande facilité pour : saisir les caraéteres les plus opposés : il rend.
également bien la bonhommie de M. Dufault, * sur la figure de cet académicien, & la mé- » chanceté noire de l'abbé Anbert, sur celle de : ce Zoïle. Son combat d'Ulysse & d'Ajax à i la lutte , bas - relief esquisse feulement en terre : cuite , montre qu'il fera capable des grandes compositions.
On diroit que messieurs Milot, de Seine & de •.
Laistre, Ces confreres , disputent ensemble dans é le genre de cette nature pauvre , dont ils ont' ; revêtu tour-à-tour Sacrate, Diogene, & Pbiloctete: : if faut espérer qu'ils ne persisteront point dans i ce mauvais goût. M. de Seine sur-tout par ses têtes t d'étude faites à Rome & dans le .genre du plus bel 1.
antique, a trop de talent pour le dégrader par i un faux esprit de systéme.
Je ne ferai mention, Monsieur, des graveurs 2 que pour leur rappeller le réglement de l'infti-
tution du salon , auquel on ne tient pas assez la main : suivant les statuts , ils devroient réserver
(*) L'autre artiste est M, Jlcnoj
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pour cette joûte académique leurs morceaux neufs Se même en composer exprès. Ils se négligent étrangement là-dessus & semblent dédaigner une lice où le dernier rang est encore susceptible d'honneur & de renom.
Je terminerai , Monsieur, par M. de Waill) font je vous ai déjà entretenu plusieurs fois, Se ]ui nous offre un nouveau tour de force dans son genre. C'est le modele d'un escalier à trois rampes , qu'il décrit ainsi lui-même en vantant son utilité : « La première rampe est soutenue avec la plus » grande solidité par la feule coupe des marches, » sans le secours d'aucun mur , ni d'aucune » voûte. Sous cette premiere rampe est pratiquée 93 une defeente de cave. Les deux autres font M de même soutenues par leur coupe & par » le mur de cage, qui n'a que six pouces d'épaisseur. Ce nouveau moyen réunità l'avan- » rate de la plus grande solidité, l'étonomie » de la pierre, de la main- d'œuvre, & peut » réussir dans une plus petite cage , en la faisant » paroure p!us grande. L'auteur en a déjà « fait exécuter deux de ce genre l'une au » château des Ormes en Touraine , & l'autre » dans la maison de voltaire, rue de Riche20 lieu..
En général, Monsieur, la peinture, la sculpture & l'architecture, font trois arts dont les destins font communs. L'un ne peut guere faire de progrès que l'autre n'y participe-, & vous pouvez juger par cet échantillon que le dernier devient aussi très-florissant. Malheureusement il vous prouve encore que l'elprit d'innovation, de singularité, n'y aLtere pas moins les bons
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principes & y fait substituer à la noble simplicité, aux riches proportions , à l'élégante sym- métrie des Grecs, des idées pauvres , bizarres & incohérentes. Puissent les erprits solides y résister, comme dans les autres, & marcher loin de ces, écarts, droit à la perfection!
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris, ce 18 septembre 1785.
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ADDITIONS.
ANNÉE MDCCLXXV.
Mars 1775. PEU avant la mort du feu Roi, a majesté, ainsi qu'on l'a rapporté dans le temps , avoit fixé le jour de l'entrée de M. le comte d'Artois dans Paris : le fatal événement ijui est survenu, Ta retardé & il n'a eu lieu qu'avant- hier.
:' Le prince est venu seul à cause de la grossesse e madame la comtesse d'Artois Le cérémonial !. été le même que celui pour Monsieur, alors romte de Provence ; c'est-à-dire que Ton altesse royale est entrée comme fils & non comme frere ie Roi.
: Le comte d'Artois est d'abord allé à Notre.'t)ame, ensuite à Sainte-Genevieve, puis aux Tuieties le foir à l'opéra. Il étoit dans la loge du toi, tout feu! dans un fauteuil, ses officiers lerriere lui.
On n'a point trouvé à son altesse royale l'air le satisfaction qu'on espéroit lui voir, d'après e désir extrême qu'elle avoit témoigné autrefois de se montrer aux Parisiens dans cet appareil Ltiugufte, La Reine ayant pris goût à la course de chevaux qu'elle a vue , sa majesté , après l'avoir plaisantée sur cette passion & en avoir ri avec elle, a cependant envoyé ordre à la ville de faire construire dans la plaine des Sablons un édifice-
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propre à recevoir la Reine & sa fuite, & à lui pro.
curer le plaisir de ce spectacle.
13 Mars, M. le comte de Mercy-Argenteau ambassadeur de l'Empereur dans les fêtes qu'il a données en cette qualité à l'archiduc Maximilien: n'a pas apporté l'intelligence nécessaire pom l'assortiment des convives. A certain jour entr'au tres , il a prié M. le duc & madame la duchesse de Choiseul, avec M. le duc & madame h duchesse d'Aiguillon. Madame de Brionne qu; étoit aussi du repas , a fait là-dessus des obferi vations au comte & même des reproches ; en lui faifanc sentir sa balourdise, bien oppo fée à l'elprit de finesse, de conciliation & do politique que devroit avoir uu membre du corp l diplomatique.
i ; Mars. Dans sa Théorie du libelle, Me. Linguet accuse un Me. Cadet de Senueville, avocat & eenfeur royal, non-seulement de lui avoir refusa son approbation pour un écrit coptre les éconot misses, mais d'avoir fait part de son écrit à cet messieurs ; Se r par une trahison plus noire S par une infidélité vraiment punissable, d'avoic soustrait ce manuscrit, sans qu'il y ait pu t
revoir : ce qui fâche d'autant plus Me. Linguet 5 qu'il n'en a pas d'autre copie. On s'imaginoit qu'f Me. Cadet se feroit plaint dans la derniere a ssem blée des avocats du 9 mars , d'une accusation.
sans doute aussi calomnieuse ; mais il n'y a pa] paru Se l'on ne voit pas encore qu'il faut: aucunu démarche pour se juûifier.
16 Mars. Les fourriers de la maison du Fo1font déjà partis pour Rheims & vont y séjourne ; d'ici au sacre , afin de marquer les logements. L cérémonie reste jusques ici fixée pour le milieu cb 1 juin tnviroD.
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io Mars. M. le chevalier de la Tour-da-Pia Charce épeufe une demoiselle Pajor , fort che. C'éroie d'autant plus nécessaire qqe par n quolibet peu décent 1 mais vrai , on l'appelait le chevalier de la Tour ron du Pin , mais tns pain: il est frere de madame de Saintulien , la femme du receveur général du clagé, O iin a eu la manie d'époufer une fille de qualité :ont il n'a pas lieu d'être content. Quoi qu'il en oit, par un procédé noble & généreux , il vient au tcours de son beau-frere qui, sans lui, n'auroit pas ;u sur quoi assigner le douaire de la future. M. de (aine- J ulien l'assure.
2.6 Mars. La fainte Ampoule est une relique Ci irécieufe qu'il faut des otages pour la déplacer : fs font au nombre de quatre; savoir , M. le ;omte de la Roche-Aymon, M. le marquis de lochechouart, M. le comte de Tailleytand , M. le vicomte de la Rochefoucault. On assure lue la fuite de cet honneur est d'être nommé cordon-bleu.
26 Mars. Sans les divers projets sur le gouvernement, la réforme des finances , le paiement des dettes de l'état, &c. dont on est mondé au commencement de ce regne , on distingue deux plans qu'on voudroit bien voir réalisés: l'un, de vendre les biens du clergé pour subvenir
aùjc befoinsdu royaume, ce qui ne feroit point en dénaturer la destination, puisque c'est le parrin'laine des pauvres j d'assurer à cet ordre des.
revenus fixes proportionnés à la dignité des membres., mais bornés.
L'autre, qu'on regarde comme plus réfléchi 8f dont les vues s'accordent assez avec celles de tous les gens instruits, indique des états pour
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chaque province , en les dépouillant des inconvénients bien reconnus de ceux qui fubfiftenc aujourd'hui. Par l'apperçu qu'on en donne, ono croit y trouver le bien de l'état & celui de tous les membres.
18 Mars. L'affaire du sieur de Beaumarchais, contre le comte de la Blache est décidément ren-3 voyée au parlement d'Aix ; en vain le premien s'est donne beaucoup de mouvements pour Fern-t pêcher. j 18 Mars. Entre les sept nouveaux maréchau.
de France, les bons patriotes ont vu avec dou-l.
leur le duc de Fitz-James , dont tojs les exploits } consistent à avoir porté le trouble & la terreur dans les provinces de Languedoc & de Bretagne il a eu successivement le commandement de ces provinces & il a fallu le lui ôter. M. le comte !
du Muy, ministre de la guerre, indigné que pour dédommage: ce petit despote de cettet double mortification on lui donnât je bâton aui préjudice de ses anciens qui avoienr mieux servil que lui, l'avoit fait retirer de la liste; mais lei comte de Maurepas n'en a pas voulu avoir le dé-i menti: quoi qu'il en foit, comme lecomtedu Muy 1 a été élevé à la même dignité , on a dit qu'il avoit eu raison de brifer le bâton du duc de Fitz-James, puifqu'il en avoir confervé quelque éclat pour lui.
zS Mars. Après avoir beaucoup varié sur l'emplacement qu'on choifiroit pour placer les plans en relief des places de guerre, on s'tft déterminé pour les invalides, ou ils ne feront pas aussi utiles qu'à l'école militaire , mais où le local a paru sans doute plus convenable , & pour éviter la dépense que cette translation entraîneroit à l'hôtel de l'école militaire.
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ji Mars. M. le comte du Muy, fait maréchal : France , s'excuse d'avoir paffé sur le corps : Ton frere en disant que sa majesté l'a exigé.
'n ne sauroit rendre compte de tous les brocards l'on lance contre lui & les autres promus nouellement, dont aucun n'a fait d'action à mériter :t honneur. Les deux Noailles sur tout font )bjet de ladérifion générale: on n'a point d'exem:e d'une telle faveur, accordée en même-temps 'r deux freres.
! 31 Mars. Extrait d'une lettre de Bordeaux , du -j mars 1775. Entre tout ce qui se passe au tjet de la réintégration de notre parlement , ne faut pas oublier de vous raconter une nite anecdote très-plailante. Un confe iller , ommé M. Dominge , l'un des restants , en etournant du palais chez lui dans sa chaise , utendoit des huées qui le faisoient trembler.
d s'imaginoit que toute la populace éroit après ii ; il crioit sans celse à son laquais qui l'efcor)it à pied , de faire presser sa marche par ses orteurs : enfin il arrive à la maison & tout ranfi , ne voyant, n'entendant rien, il se féline devant ion laquais de l'avoir échappé elle , & sur la surprise de celui-ci qui n'avoit bfervé aucun tumulte , il lui répond : « N'asIl tu pas entendu ces huées continuelles qui me pourfuivoient ?. Bon ! Monsieur, ce n'étoient que vos porteurs qui vous huoieat. »
1 Avril 1775. On est si mécontent de la gazette '.e France depuis qu'elle est entre les mains de abbé Aubert, qu'on parle d'en confier la rédacion au sieur Bret, autre homme de lettres, mais ui n'est pas plus exercé dans le genre de ce travail ublic.
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2 Avril. Le 17 mars l'académie des Jeux Flo.
raux a pris la délibération fui vante. « L'acaM demie pénétrée des sentiments que la France M & la ville de Toulouse en particulier ont fait M éclater à l'occalion du rétabliirement du parleM ment, a cru ne pouvoir participer à la joie N publique d'une maniere plus convenable à Ton.
,- institution & à Tes anciens usages, qu'en pro-o
,) posant un prix extraordinaire destiné à unesi ode qui aura pour sujet le rétablissement du M parlement , Sic.
i Avril. Madame de Champbonas est admise àla preuve des [évices & mauvais traitements dé son mari. Cette affaire est si orduriere qu'elle fd plaide à huit clos..
4 Avril. On ne fait à quoi attribuer la celfal: tion des violons ordonnée par la police dans les guinguettes, long-temps avant celle des spec-r racles : les uns ont dit que c'étoit à cause de lal cherté du pain , d'autres par ordre de M. le duc de la Vrilliere pour favoriser la foire & Id Wauxhall, auxquels madame de Langeac est fanso
doute intéressée. v I 5 Avril. Les deux Regnes font un détestable poème, ou plutôt ne font qu'uae histoire ens mauvais vers. Il y a cependant des images, des, fictions, des épisodes, mais qui, faute d'être!
mis en oeuvre par un auteur de génie & de goût Ili: produisent aucun effet , ne répandent aucun mouvement dans l'ouvrage. Au surplus » on jugeg que l'auteur est un très-chaud parlementaire.» Quelques anecdotes scandaleuses ont sans doute fait arrêter ce pamphlet. Celle concernant les calomnies prétendues inventées par le chancelier contre la Reine n'a pas peu contribué à le faire proferire. i
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proscrire. Quant à l'hiftorigue , il est assez exact. Il commence à la mort de Louis XV, & finit par le rétablissement des parlements.Dans ce poëme d'environ 6,000 vers, on auroit peine à en choilir quelques-uns à retenir pour leur excellence.
8 Avril. L'affaire du comte de Guines contre le sieur Tort, Ion fecreraire, continue à s'instruire ou à s'embrouiller par de volumineux mémoires qui se multiplient journellement. Cependant il ne faut pas confondre parmi ces écrits d'avocats , la correspondance secrete de M. le duc d'Aiguilhn au sujet de l'affaire de M. le comte de Guines & du sieur Tort, & autres intéressés, fendant les armées 1771, 1772, 1773, 1774 Se 1775. En Jifant avec attention cette brochure, on devient très au fait de la comeaation) de toutes ses circonstances Be des progrès qu'elle a fait, malgré les obftacks, les contradictions, les lenteurs qu'on a cherché à y apporter. On ne peut se dissimuler que cette publication doit tourner au défavantagede M. de Guides, eu ce qu'elle produit au jour une conduite très-oblique de sa part. On voit qu'il ne s'est fournis à la décision des tribunaux ordinaires, qu'après avoir épuisé les divers moyens qu'il a imaginés de mettre en œuvre pour s'y soustraire, qu'après avoir provoqué la détention du sieur Tort & l'avoir prolongée autant qu'il a pu : il a d'abord cherché à écarter ce griefdu plaignant contre lui , fous prétexté que l'etnprifonnement ayant été fait par ordre du Roi, sa majesté n'est comptable de ses motifs qu'à elle-même ; qu'elle s'en réserve la connoissance exclusivement, & que dans aucun cas , un de les sujets ne peut en demeurer responsable. Ce principe trop favorable au despotisme
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pour ne pas érre adopté du ministere , se trouve consigné en plusieurs endroits de cette correfpandance, notamment dans une lettre du duc d'Ai-' guillon du 10 novembre 177t.
On voit encore que la prétendue décision du ronfeil du roi en sa faveur , n'et f qu'un rapport fait par MM. d'Aguesseau , Joly de Fleury, confeillers d'état, & M. de Tolozan , mître des requêtes , qui , suivant leurs lettres des 9 & 11 décembre 1773 , prononcent que l'autorité du Roi, l'honneur de sa couronne, & la dignité de ses ambassadeurs dans les cours étrangères ne pouvoient être compromis par une instruction judiciaire, & que sa majesté ne devoit point arrêter le cours de la justice ordinaire.
Mais ce qui décele la mauvaise foi du comte de Guines , c'est qu'après s'être prévalu d'abord de sa crainte que la révélation des dépêches ministériel es ne compromît les secrets de l'état, & s'en être fait un moyen pour demander que l'affaire ne fût pas portée devant les juges ordiIHires) il déclare ensuite que les dépêches dont ; il doit faire usage, n'intéieffent en rien les né-
gociations du ministere, & requiert lui-même en conséquence la liberté d'en donner commu- n ication aux magistrats & au public., 8 Avril. La décision derniere des comédiens S sur la comédie des Courtisanes a été précédée 1 d'un discours du sieur PaliÍfot, prononcé le 10 du mois dernier, dont le résultat est de déclarer !
aux hiftricns qu'il n'abandonnera pas légére- ment les avantages qu'il avoit dioit de se pro.
mettre de son ouvrage ; que la police au surplus t y ayant mis son attache , l'objection faite par.
quelques-uns la première fois devoit tomberi i'
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qu'ayant joué les Philosophes, ils dévoient encore moins être retenus par les considératiors qu'ils apportaient en cette occasion - ci : qu'enfin sa piece étoit non - feulement très-admissible au théâtre , mais même nécessaire pour concourir à la réforme des mœurs ; objet sur lequel le jeune monarque, dès son avènement au trône, avoir annoncé vouloir porter son attention. Ce discours n'a produit aucun effet, comme on a vu, & les comédiens n'ont été que plus opiniâtres à rejeter la comédie , fauf le sieur le Kain, dont l'auteur fait beaucoup valoir l'opinion en sa faveur.
9 Avril. Les nouveaux maréchaux de France ont pris séance le 4 au tribunal, où a été jugée l'affaire d'honneur élevée entre M. le marquis de Montalembert, fous-lieutenant des chevauxlégtrs , & M. de Roussignac, capitaine de cavalerie. CeJui-ci avoit, il a plusieurs années, écrit une lettre au premier en forme de carrel, à raison.
de procédés de sa part dont il n'avoir pas été content, relatifs à une discussion d'intérêt : son adversaire s'en étant prévalu contre lui , l'accusé avoit été condamné à six ans de prison. Sorti depuis peu , il a trouvé M. de Montalembert chez le ministre de la guerre, & ne respirant que la vengeance , il l'a apostrophé de la façon la plus injurieuse & la plus méprisante. Il a été de nouveau condamné à un an & un jour de prison.
ta Avril. M. le duc de Chartres s'est forte1 ment intéresse auprès du tribunal pour M. de Roussignac, qui d'ailleurs s'est conduit avec beaucoup de fermeté.
? Son adversaire a été obligé de donner la dé-
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mission de son emploi dans les chevaux-légers.
Il étoit fort connu pour des comédies qu'il jdonnoit chez lui , où sa femme jouait, & si renommées que les gens de la cour les plus diC.
lingues vouloient y assister. On se doute bien qu'un pareil événement a fait fermer le théâtre.
Par une cruelle plaisanterie on a mis sur la porte du maître , relâche, allusion à la double circonstance.
i i Avril.Il court une lettre manuferite adressée à M. le comte de Maurepas. C'est une critique aroere de son administration : on la croit de quelque membre du grand-conseil : les connoisseurs t'ac' tribuent à M. Gin ; elle est encore tr.rare & : mérite une difeuffion.
14 Avril. On a parlé d'un bâtiment ordonné : à la ville, & qu'elle avoit fait ériger dans la t plaine des Sablons à l'usage de la Reine, pour 3 que sa majesté pût y voir plus l'aise les courses 2 de chevaux & autres spectacles de ce genre : il I est venu depuis peu un ordre du Roi pour le = détruire.
14 Avril. Dans la Lettre à M. le comte de 1 Maurepas, ce ministre est fort maltraité :. il i paroît qu'on lui en veut sur-tout pour le réta- £ blillcment du parlement, qu'on lui reproche comme une surprise faite à la religion du Roi;il est aisé d'en conclure que l'auteur est un par- 1 tifan très-attaché à M. le chancelier & à foa systéme.
Ce pamphlet manuferit est plus rempli d'anec- ) dotes que de raisonnements. On y rappelle d'abord en bref celle qui a ramené à la cour 1 M. de Maurepas, après vingt-cinq ans de dif- grâce; on a la noirceur de faire rejaillir sur lui
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l'imputation atroce attribuée a M. de Maupeou concernant les calomnies sur la Reine ; calomnies trop criminellement audacieuses pour qu'aucun des deux s'en fût rendu l'auteur, & qu'il ne faut envisager que comme une imagination' infernale produite par les ennemis de tous deux.
La maniere dont on veut que le mentor du Roi ait écarté de sa majesté les anciens minières » & même les nouveaux qu'il ne sentoit devoir pas être favorables à ses vues , est plus vraisemblable, & n'est qu'un coup de politique innocente suivant la légitimité de ses projets. Son concert avec le duc d'Orléans pour lui faire rompre le premier la glace sur un projet délicat , dont l'annonce feule devoir révolter un jeune monarque jaloux de toute son autoritén'est encore qu'une manœuvre fage, usitée par tout homme prudent qui médite un grand dessein auquel. il prévoit des obstacles proportionnés. L'inconséquence dans l'exécution & dans les fuites, la mollesse de son administration & de celle du chef suprême de la justice, l'espece d'anarchie qui en résulte, font des reproches plus fondés & plus vrais.
Cet écrit simple , modéré en apparence , est une satire amere & punissable par l'injustice & la noirceur des imputations dont on charge M. de Maurepas, qui, à certains égards calomnié , n'est pas mal peint à d'autres , & qui certainement se feroit fait beaucoup plus d'honneur, s'il eût quitté la cour & fût retourné dans sa retraite après le rétablissement du parlement de Paris.
14 Avril. Il paroît un arrêt du conseil du avril, qui supprime la théorie du libelle 1 comme
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contenant des injures, des déclamations & d!." caiomnies contre des personnes dignes de l'estime Se de la confiance publique. On ne doute pas que ce ne foit M. Turgot qui ait provoquécette vindicte en faveur des économises contre: Me. Linguet: comme ce ministre d'ailleurs n'aime pas le lieutenant-général de police actuel, il aura., été bien aise de saisir ainsi l'occasion de mortifier ÍnJirtélemenc ce magistrat, dont l'auteur de l'ouvrage avoir surpris la confiance , Se qui avoir ole le produire fous les auspices, 14 Avril, On voit avec peine dans la gazetts de France d'aujourd'hui , que dans i'énumération des personnages augustes de la famille royale qui ont fait teur:, dévotions,M. l e comte d'Ar***^foit le seul non compris j ce qui confirmeroit Its bruits publics sur les affections criminelles dans l'tfprir de la religion qu'on lui suppose , <$ £
qui ont occasionné Ces fréquents vcya^es incognito à Paris de son alteffc royale , qui txcito enr ia curiolué des courtisans , & ont été divulgués.
par eux.
ij Avril. M. le duc d'Aiguillon débite un supplément à sa correfpondtuue : ce font de nouvelles lettres retrouvées au bureau des affaires étrangères , ou à la police, qui ne font pas p'US.
favorables que les précédentes à M. de Guines.
16 Avril. La demoiselle du Thé e(t une cour.
lisane très-renommée. On a prétendu depuis peu que M. le comte d'ArJtJf-* avoit pris du gcûc pour elle. On disoit par plaisanterie que ce prince ayant eu une indigestion de biscuit de Savoie , venoit prendre du thé à Par is ; mais ce quolibet fondé feulement sur une rumeur génémle, n'a nul motif. Cependant c'en est allez pour avoi
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indifpofc le public contre elle ; & jeudi dernier s'étant montrée à Longchamp dans un carrosse à six chevaux avec l'appareil d'une femme de la plus haute qualité, elle a été tellement entourée & huées, qu'elle n'a pu entrer en file, & que [on carrelle a été forcé de rétrograder; il a fallu qu'elle s'en allât.
17 Avril. Il paroît un mémoire à confnlter eonfultation pour le sieur Palissot de Montenoy, contre la troupe de la comédie françoise. Voici le fait comme il le raconte.
Le samedi 11 mars il avoit lu à l'affemblie des comédiens une piece nouvelle intitulée les Courtisanes, ou l'Ecole des moeurs. Il y eut sept voix pour l'acceptation pure & fimpie; huit, en louant la piece, l'ont rejetée avec le plus grand regret comme peu compatible , par son extrême indécence, avec la dignité du théâtre frrinçois.
L'auteur, pour lever ces scrupules , a obtenu f .-i i s difficulté) le 18 mars, l'approbation de la police, & le lundi 10 il l'a notifiée lui-même aux comédiens en I prononçant le discours dont on a parlé. La troupe , cri délibérant de nouveau , a chargé le sieur Desessarts d'annoncer à l'auteur qu'elle avoir jugé sa première décision légale. On fent combien tout cela prête aux sarcasmes de l'avocat, Me. François de Neufchâteau. Suit une cenfultation datée du 8 avril , où les jurifconfuites font d'avis que la question proposée intéresse visiblement la grande police, & doit conféqutmment être soumise à la décision des magillrats.
17 Avril. M. de Montalembert a 4G09 liv, de retraite, & son neveu l'agrément de la cornette vacante par sa sortie. Cette double faveur
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indispose la compagnie des chevaux - légers contre le commandant, qui manifeste sa partialltê pour cet officier. Cela renouvelle l'anecdote de l'intimité de ce seigneur avec Mlle. de Comarieu, ci-devant sa maîtresse connue, aujourd'hui femme de l'expulsé. La vilaine affaire du mari avec M. de Roussignac donne lieu à s'entretenir de cette anecdote scandaleuse, dont madame de Montalembert semble aulli provoquer la révélation en se montrant en CpeélacJe sur for. théâtre ;.
en admirant les talents , on s'entretient de la personne) & ces détails répandus encouragent merveilleusement les aspirants, 17 Avril. La salle de comédie de Traies a été brûlée & quelques maisons qui en étoient voisines : aussi ce dommage auroit dû être plus grand , toute la ville étant presque bâtie en bois..
Le goût scénique propagé dans toutes les provinces , qui excite à bâtir jusques dans les moins suscriptibles de cette dépense des faites de comédie, deviendra non moins funeste au phylique qu'au moral, si l'on ne prend pas plus de précautions pour prévenir ou arrêter ces incendits., 1.9 4ril. M. le comte d'Ar**** dont les courtisans continuent d'épier les démarches , veulent que son altesse royale ait été feulement remise à huitaine à confffe, suspension. qui l'a empêchée de faire ses pâques avec. la famille royale; il a rempli ce devoir mardi dernier avec beaucoup d'appajreil pour l'édification publique.
10 Avril. Un refus de sacrements fait avec éclat sur la paroisse de St. Severin à un abbé malade, a pensé ranimer la fermentation assoupie depuis quelques années entre les deux partis qui diviftnt actuellement les dévots. Sa mort a
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terminé la querelle. On a affecté de le faire enterrer avec beaucoup de pompe.Tous les prêtres jansénistes du quartier se font rendus à Tes obseques , & même plusieurs conseillers au parlement entachés de ce ridicule , tels que MM. Clément, &c.
zi Avril. M. le contrôleur-général persistant toujours dans ton systême sur la liberté du commerce des grains, dar.s lequel l'entretiennent les économistes, ne s'émeut point de la cherté qui s'éleve de toutes parts : il allure qu'elle ne fera pas plus forte qu'elle ne l'était du temps du monopole ; mais que cette calamité n'aura qu'un temps, & que les accapareurs, punis de leur cupidité, perdront pour toujours le désir de garder leurs bleds.
21 Avril, Il paroît une petite brochure intitulée la Censure, lettre à ****. Elle roule sur la longue querelle entre Me. Linguet & son ordre. On l'attribue à Me. Target.
2.3 Avril. Outre les sept péchés capitaux dont on a fait la plaisanterie sur les nouveaux maréchaux de France , on dit un quolibet qui n'est pas sans sel, on prétend qu'ayant cherché à les" comparer aux sept plaactes, on n'a pas trouvé de Mars.
14 Avril. M. de Rulhieres a eu l'honneur de lire derniérement devant le Roi son hifioirc: manuscrite de la révolution de RuJlie : on ne doute pas que ce ne foit MClljieur, auquel il a l'honneur d'être attaché , qui ait excité la curiosîté de sa majefié. Bien des politiques font fàchés de la publicité de cette anecdete : ils craignent qu'elle ne parvienne aux oreilles de l'impératrice des Russies. : ils-savent combien, vraifemblabk»
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menr, par ordre de cette souveraine, on a intrigué * pour anéantir, s'il eût été polIible, jusqu'au manuferit de cet ouvrage. Elle ne pourra qu'être très - fâchée du cas qu'on en fait à la cour de France, & cela doit éloigner cette princesse d'une réunion avec elle qu'on sembloit avoir fort à cœur.
iç Avril. Extrait d'une lettre de Dijon, du 10 avril 1775. Il vient d'arriver dans cette ville une émeute considérable par rapport à la cherté des grains. Grand nombre de gens de la campagne ont abattu un moulin appartenant à un monopoleur. Os font venus à la ville , .& , après différents désordres ont été chez M. de SainteColombe, conseiller au parlement, un des restants, & txpulfé pour rai ion de cette imputa..
lion de monopole. Les mutins font entrés chez lui; ils ont déclaré ne vouloir rien enlever) mais ils ont tout caffé, tout brifé , & tout jeté par les fenêtres. M. de la Tour - du. Pin qui commande en cette ville , n'a pas peu contribué à les irriter par la réponse dure dont il n'a pas senti vrai I"ernblab,ernent l'inhumanité. Sur ce qu'ils lui exposoient leur besoin, le manque de pain où ils étoient, ou du moins l'impossibilité pour eux d'atteiudre au prix de cette déniée , il leur a répondu : Mes amis, l'htrbe commence hpouffer. allez, la brouter. Sans l'evèllue qui est forti de son palais épiscopal pour haranguer ces malheureux & les ramener à la douceur, il eût été à craindre que le désordre ne fût devenu plus grand. Un frere de l'évêque, militaire x inquiet de ce prélat étant forti pour aller à sa.
rencontre, a été pris pour M. de la Tour-duPui. Déjà un homsne derriere lui avoit te coàj;
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ttaa levé pour le frapper , Iorfqu un autre lui a retenu le bras , en lui dilant qu'il le trompoir.
11 A-vril. Il paroît un arrêt du conseil du 14 de ce mois, qui excite une grande fermentation dans cette capitale : il est relatif aux grains.
On tèmble chercher à y rassurer le public sur les alarmes que lui donne la cherté du bled augmentant de jour en jour, même à Paris, malgré toutes les précautions prises pour que cette ville foit abondamment fournie. On ne trouve pas que le préambule foit adroit : il y est dit que la médiocrité de la récolte de l'année derniere n'avoit fourni à la France que la subsistance nécelTaire pour la totalité de ses habitants ; en forte que pour peu que les propriétaires , par précaution ou par cupidité, ne voulussent pas mettre dans le commerce toute la portion de leur récolte , il feroit à craindre qu'il n'y eût disette ; que , d'un autre côté, la rareté de cette même denrée chez l'étranger ne l'avoit poinc rendue moins chere chez eux , & nue cela pouvoit avoir empéché les commerçants de faire des spéculations utiles sur ce négoce : que dans ces circunttances sa majesté croyoit devoir leur fcurcir un encouragement. En conséquence des faci'ités, dts exemptions , des gratifications, des primes, &c. dont le dérail est inunie.
Ce qu'il est tflenriel d'observer , c'est que , par le premier article de cet arrêc, routes les ciirpulirions du (yftècne actuel sur cette adminirtratiorv font confiiniées : liberté entine & générale de transporter d'une province à l'autre , d'etnma.- gafiner, de .trjer chez foi , sans que les officiers- de police puissent se mcJer en rien de 'eU
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partie. Enfin, il réfuite de cet arrêt que le gond..
vernement veut bien empêcher qu'on ne manquede bled en France , mais non qu'il y foit cher :: il le déclare même assez positivement, en annonçant que la deurée qu'on va chercher fera pour Je: moins aussi cherc que celle de France.
17 Avril. C'éfl: aujourd'hui que M. le cheva., Jier de Cbâtellux, élu par l'académie françoife- pour remplacer M. de Châreaubrun, vient prendre ieance dans cette compagnie. Pour éviter le tumulteoccaûonné à la derniere réception , M. d'Alembert, le secretaire perpétuel, a proposé à ses con-- fferes des dispositions nouvelles. On est convenude renforcer la garde, & d'élever de fortesbarrieres qui pussent en im poser au public. Cet: appareil , au lieu de présenter la simple & modesse entrée du paisible fanétuaire des mufes fernbloit annoncer le temple escarpé de la gloire: qu'il failoit gagner par escalade. Au resse, la foule des curieux augmentée encore cette fois a: justifié cette formidable précaution. Ces aifem- blécs font devenues des fêtes à'la mode, aux(luelles il est du bon ton de ne pas manquer », même de la part des femmes les p!us qualifiées de la cour. On fent qu'en conséquence toutes lesregles doivent être interverties , 8c que l'heure : dè la séance , trop scholastique, (à trois heures
& demie) a dû être reculée. On a commencé fort tard, pour donner le temps au beau sexe d'arriver & de s'arranger..
x8 Avril. Hier M. le chevaiier de Ckâtellux , ciès ton entrée dans la salle de l'académie françoise, a été accueilli du public presque avec autant d'enthousiasme que M. de Malesherbes l'avoit étc ic jour où' il parut pour la premiere-
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fais dans cette assemblée. Malheureufenrent ces: applaudissements n'oDt pas été soutenus , & du.
rant le débit de Ton discours , le récipiendaire en a peu obrenu; on l'a trouvé long , abondanti en paradoxes , & dénué de ce goût tjui a fait lepnncipal objet de la dissertation de M. le chevalier de Châtellux. Il a sagement évité de la.
définir : il a prétendu la faire mieux connoître historiquement, c'est-à-dire, en rendant compte.
des diverses époques où le goûr paroissoit avoir véritablement dominé. 11 a avancé comme un atiome très-certain que le goût ne pouvoit pointexister au milieu de l'esclavage , & cependant il; x contredit sur le champ lui-même Ton astertion en aCIlgnanr, ainsi que tous les gçns de lettres r les siecles d'Alexandre,d' Augulte & de Lvuis XI V, comme les trois siecles brillants de la littérature, Eh ! qui ne fut que c'est dans ces trois siecles ou les ames ont commencé à fc façonner à l'esclavage ? Son principe se trouve donc faut, 80 peut-être qu'on prouveroit plus ailément la proposition contraire ; c'est que le récipiendaire a.
confondu mal-à-propos le goût & le génie.
M, de Châtellux a avancé uoe autre proposition non moins hétérodoxe ; savoir, que le gaue t'était point , comme les choses physiques, atfu..
:tti nécessairement à l'altération & au dépérit ëment; On a conçu ailément que c'étoit par dulation pour ce siecle qu'il avoit hasardé cette frang e opinion, trop dementie par les faits.
Il a donné des définitions plus justes de ce qui voit constitué ptincipalement le goût dans les':rois époques mémorables dont on vient de parler: Chez les Grecs, dont la vanité & la eu- tfo/ité étoient InpatIioQs dominantes ,il lQu
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iktter le puple par un luxe fastueux dé paroles & l'amuler par des contes. C'est en esset ce qui caradérile Homere , le modele de tous les auteurs de cette nation. Le Romain, plus austere & plus farouche, avoit beioin qu'on parlât- moins à ion oreille qu'à ton ame ; & voilà pourquoiles écrivains de cette nation font plus précis ,.
plus ferrés de pensées. Enfin , la raison est l'apanage dominant des auteurs Franois, parce que la philosophie ayant marché chez nous presque de front avec les arts & les lettres, a fait les mêmes progrès qu'eux , & a dû prendre bientôt l'empire qui lui convient par tout.
Après une digression très-éteadue sur tous ces objets, le récipiendaire en est enfin venu au vé- rirable point de l'infiitution de ce diseours, c'est-à-dire, qu'il a fait l'éloge de son prédécesseur , M. de. Cbâteaubrun j mais il l'a trailé succinctement, & a prétendu que le directeur rempliroit plus dignement cette fonétion.
Ce d irecteur étoit M. de Buffon, pour le compte duquel étoit venu une grande partie des fpethteurs empressés de l'entendre. Il a le talent de débiter de mémoire * d'un ton ferme & noble , pro portionné à son ftyie.
Il a commencé par fronder la malheureuse habitude où l'on étoit depuis plus d'un siecle à l'académie , de faire.à ces fortes d'assemblées ua échange réciproque de losanges fades & viles.
Ce coup d'œil philosophique sur l'abus de ces assemblées a merveiileuiement excité l'attention du public j mais on a bientôt reconnu que ce n'étoit qu'un tour oratoire pour amener les louanges de M. le chevalier de Châtellux, sur lelquelies il s'est reposé avec complaisance. Outre le .¡iv'u;
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de h* Félicité publique, le seul de cet auteur quer l'on connût, il a fait mention de l'Accord de la pDéfie & de la musique, 31 des Vies de quelques grands capitaines; autres productions du même candidat qu'on ne connoiflbit point. Il a hafardd une légere critique sur le premier ouvrage , qu'il a bientôt compensée par l'éloge du fécond, modèle de goût, suivant M. de Busson. Il ne s'est ;pas appesanti beaucoup plus que le nouvel académicien sur M. de Chateaubrun , & , par une affectation encore plus remarquable dans l'auteur de l'histoire naturelle , il a moins exalté lestalents que les vertus chrétiennes du défunt. La circonstance de son pere mort , comme M. de Châteaubrun tout récemment dans un âge trèsavancé, lui a fourni une rranfition pour (ortir de son discours, en disant que les fangiots étoufsoient sa voix.
A travers les excellentes choses qu'a dites le directeur, on a critiqué quelques puérilités, telles qu'une comparaison trop soutenue de ces compliments avec un bouquet, dont J'auteur a; retourné toutes les faces applicables à l'objet comparé.
19 A vril. L'éloge de la MOUI, lu par M. d'Alem- bert à la dernière féarice publique de l'académie françoise, n'étant point imprimé encore, ceux ttui n'y ont point alïirté font obligés de s'ea rapporer aux autres, mais comme les oplaicns" font très - opposées , voici le jugement qui nous a paru le mieux motivé & le plus impartial.
La longue vie de la Motte , lès systêmes hardis , ses ouvrages multipliés en tout genre, ne'.
pouvoient que fournir une ample matiere à l'hif.
îoiien, L'amout-propre de cet auteur, étoit li
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chatouilleux, h susceptible d'être désesperé, qu'ayant éprouvé une chute aux Italiens, il n: pet ioutenir ce revers & s'enfuit à la Trappe.
Mais ce même amour-propre le fit sortir bientôt de sa retraite & courir une feconde fois à la.' célébrité. Son premier ouvrage fut un opéra qu'il composa avec Campra, transfuge aufit de l'état, ecclésiastique. Le théâtre lyrique doit trois genresà la Motte, le ballet héroïque , la pastorale & la.
comédie-ballet. Il eut aussi des succès à la comédiç françoise. En parlant de sa premiere tragédie desMaccabées, M, d'Alembert cite une singuliere.
anecdote, c'est que le sameux Baron, quoique déjà vieux, faisoit le rôle du plus jeune des freres,
& que la vérité de son jeu faisoit difparoîrre la.
diûance de l'age. S'étendant ensuite, on ne fait j trop pourquoi, sur cet acteur, il ajoute que jouant 1 dans le même temps le rôle du Menteur; lorsd'un certain vers où ce personnage dtmande s'il « n?a pas encore l'air d'un écolier , le parterre , „ toujours tenté de rire , se contenoit par respect pour l'acteur. Ce mot de respect a semblé fort 1 extraordinaire dans la bouche de M. d'Alembert , du secretaire de l'académie françoise, & devant l'assemblée la p!us respectable de la l littérature. L Dans ce long détail que donne le panégyriste des écrits & des systêmes du défunt confrere, on ne trouve aucune anecdote nouvelle. On est même surpris qu'il ait oublié de sa-ire la plus L légere mention de celle des fameux couplets. 8 attribués à Rousseau & qui ont occafionué son H exil , quoiqu'il paroisse bien confiant aujour •* d'hui qu'ils n'étoient pas de lui, & que bien,..
des gens les attribuent à la Motte. La,réticence d :
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s. d'Alembert seroit très propre à justifier ce derier soupçon.
1 Le trait le plus touchant de cet éloge de l'acaémicien est celui d'un jeune homm fougueux : mal élevé, qui donna un soufflet à la Motte, irce que dans une foule celui ci lui avoit mar-, hé sur le piad : Vous allez être bien fâché, Monsieur , lui dit-il tranquillement, en se retournant vers lui; car je fuis aveugle. » En ffet il avoit éprouvé ce malheur, sans être dans n âge fort avancé, & c'est un autre pbint ntérestant de la vie de la Motte, dont on est fâché.e ne pas trdnver les particularités dans cet loge.
M. d'Alembert termine par un parallèle de i Mottè & de FontenlIe, où il y a des choses inement vues & ingénieusement rapprochées.
/article du parallèle sur lequel le fecrotarre insiste t plus, c'est la maniere dont ces deux hommes :élebres, fort répandu" fort fêtés, se comportent, foit avec les grands, foit avec les fotre.
1 en résuite que Fontenelle entendoit mieux l'art le se ménager avec les premiers, & la Motte celui de se faire aimer des derniers. Ainsi sa îhilofophie étoit encore mieux entendue que celle le l'autre, car on peut éviter le commerce des grands ; mais on ne peut se soustraire à la multitude trop nombreuse des sots.
Un autre point du para llele que M. d'Alemoert a omis & qui n'étoir pas moins instructif i toucher, c'est la maniere dont tous deux se coniuifoient envers les critiques. Dans le courant de a vie de son héros , M. d'AIembert observe un rait bien propre à caradérifer la modération de Kt auteur. Un mauvais poëce- satirique, nommé
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Gaçon , le harceloit continuellement par ses critiques & Ces épigrammes , sans qu'il daignât y répondre. Gaçon outré., publia une nouvette satire intitulée Répcnfs au silence de M. de lak Motte.
Cet éloge de petite maniere, écrit en fiye haché , a le défaut ordinaire de toutes les pro., ductions académiques de M. d Alembert, c'estis-dire, beaucoup de prétention. C'est sans douta par cette raison qu'en parlant des éloges qua Fontenelle prononçait devant l'académie des sciences des différents membres de cette com-f.
pagrie morts, iorfqu it en étoit secretaire, il fait.
le plus grand cas de ce livre , il le regarde commer un monument de génie t comme le trophée Id plus immortel que l'historien ait élevé à la gloirer de (es confreres & à la sienne. M. d'A!embert >: par un retour d'amour-propre sur lui-même songeoit alors qu'il faisoit amli des éloges, 8cS J'on pounoit lui dire, omme dans la comédie :f l'eus étts orfèvre , M. Josse.
i Mai 1775. Il paroît un arrêt du conseil; d'état, du 7 avril, qui cafre les ordonnanceti des officiers de 'la sénéchaussée & lieucenant, généraux de police de la Rochelle, des 9 & i ai mars 1775: la premiere, en ce qu'elle ordonne" la vifice dans les greniers, de grains venant de chez l étranger ; & la féconde , en ce qu'elle eaa suspend la vente fous le prétexte qu'ils font avariés.: Cet arrêt fort long , fort bavard , fort scien-i tifique , comme tout ce qui fort aujourd'hui des bureaux de M. le contrôleur-général, est remar- ; quable par les propositions fui vantes : te des
grains gardés dans des ma^uftns ne peuvent jamais î nuire au public, - que c'est au commerçant dont LUcl
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grains ont foufftrt dans le trajet quelque dommages à déterminer s'il doit ou s'il veut faire les dépenses nécessaires pour le réparer, à la manière & le temps quil emploiera pour y parvenir , sans qt^aucun juge de police puisse ni faire v.si ter ces grains, ni lui fixer un délai pour les remettre dnns un 'meilleur état, ni confiater par Uni procédure qu'il 'ne les y a pas rétablis ; que l'intérêt du commerçant itft ■> à cet égard, la (eult réglé qu'il do. t suivre ; qu'il peut user de sa chose comme il lui plaît, & qu'aucun juge ne peut violer ce droit de la propriété, que la • vente même de ces grains ne peut pas être interdite ; qu'ellem est jouvent nécessaire , qu elle est utile, qu'elle ne pftJt être nttl}/b!e; c¡.t't.:fÙl ce n'est pas la vente des grains qui ptvt nuire an peupLe, que c'est la fabrication & la vente du t pain j que ce n cft donc que sur la vmte & l qualité du pain que dv. t ve/dtr la totic<\
06 i Mai. Grt a nouvelle d'une t-meute arrivée à Pontoise à l'occafioli des bled» dont le peuple s'ell: emparé & qu'il a payés le prix- qu'il a i voulu: comme l'Isle - Adam t-st voillne de cette vilie , on piétend que le prince deConti, qui ne peut souffrir ni M. Turgot, ni les économises , ni leur fyfiême, fomente sourdement l'émeute j ce qui fait craindre qu'elle n'ait des fuites, & que la fermentatfbn ne s'étende jusques aux environs de la capitale & dans la capitale même.
i Mai. On doit commencer incessamment au Châtelet le rapport du procès de M. le comte de Guines, & le public attend avec impatience le jugement d'une affaire qui excite depuis si lone.
temps la curiosité.
i AJoi. Le ministere cft fort occiipé.des moyens
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de- remédier aux désordres qui, se manifestent par-tout, à l'occasion de la cherté des grains, que bien des gens attribuent à la liberté entiere' 5 & illimitée lailîéc à l'égard de ce commerce..
Comme c"elt en Bourgogne où la fermentation L- été la plus vive & la plus funeste , il paroît i un arrêt du conseil en date du u, avril, qui fue.
pend à Dijon , Beaune , Sainr.Jean-de-Looe & Montbard la perception des droits sur les grains & farines, tant à l'entrée desdites villes-que sur f les marchés.
Le motif de cette suspension est, que les droits 1 établis sur les grains les rendant plus rares Se i plus chers, sa majesté espere qu'il en résultera } une diminution de la denrée. Elle'persiste au fur- plus dans sa volonté pour la liberté de ce com- merce ; elle n'entend pas non plus nuire aux : propriétaires des droits en qurfiion, & se pto-r ?
pose de leur en assurer une indemnité. î
1 Mai. Ce qu'on craignoit est arrivé; la fer- « mentation a gagné Saint-Germain - en-Laye, I Poissy & autres lieux adjacents : ce font de nou- « venes émeutes & le tumulte a été tel. dans la premiere ville, que M. le maréchal duc de Noail.
les a invité tous les militaires qui y réfidoient de se rendre auprès de sa personne. La licence 1 de ces bandits n'a point encore été arrêtée malgré les précautions qu'on a prises, & ils ont annoncé qu'ils iroient k lendemain à Ver,.
failles.
3 Mai. Extrait d'une lettre de Versailles, da 2. mai. Les faétieux ont tenu parole & l'émeute s'cft manifestée aujourd'hui dans Versailles j jusques lous les yeux du Roi. Sa majesté su a été si affligée qu'elle n'a pu dîner. Elle sl
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lionne sur le champ ordre que le pain fut mis à deux fous; mais, peu de temps après, elle a écrit à M. Turgot qui étoit à Paris , qu'il eût à se rendre sans délai près de sa personne ; que, cédant à la premitre impulsion de son cœur, elle avoit eu égard aux acclimations d'une populace alarmée; mais qu'elle s'en repentoit déjà, qu'elle craignoit d'avoir commis une faute en .politique , & qu'elle vouloit la réparer. En effet, ile ministre ayant volé ici, a représenté au Roi le danger d'une pitié imprudente; & peu après il y a eu ordre aux boulangers de ne livrer le pain qu'au prix courant.
3 Mai. On a vu que malgré les arrêts du conseil [publiés coup sur coup pour tranquilliser les esprits sur la cherté du bled toujours croissante & pouvant faire craindre enfin une difetre, le peuple s'est alarmé dans plusieurs provinces 5 la terreur a gagné les environts de la capitale : il y a eu des émeutes à Pontoifes , à PoitTy, à SaintGermain.en-Laye, Be même à Versailles. Enfin aujourd'hui il y en a eu une à Paris très-considérable. On en étoit prévenu dès la veille; l'on a mis sur pied le guet à pied, le guet à cheval, les gardes - françoises, les gardes-suisses, & l'on a fait marcher jusques aux moufquetaiTes. Ces troupes ont préservé la halle aux bleds -des ravages des mutins, mais n'ont pu empêcher qu'on ne pillât les boulangers.
M. le contrôleur-général n'a poiot été ému -de..cet orage passager, il s'étoit transporté hier chez le premier-président & l'a prévenu du défit du Roi que son parlement ne se mêlât en riea de cette police. En effet, les chambres afleniblées <e matin, M. d'Aligrc a fait part d'une lettre
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du Roi qu'il venoit de recevoir , ou sa majefré disoit qu'inftruict des diverses émeutes arrivées ces jours-ci , & de celle qui avoit lieu dans ce moment même à Paris , elle alloit s'occuper des moyens d'en arrêter les fuites ; qu'eile avoit: déjà découvert en partie d'où provenoit la fermentation occasionnée par des gens mal-intentionnés ; qu'elle comptoit être incetfammentr instruite de toute cette machination , & qu'elle, vouloir que son parlement ne traversât pointre ses vues par une adivité dangereuse & mal éclairée.
Sur quoi M. le premier préss,ient a été chargé.
de se retirer pardevers le Roi , pour témoignées à sa majesté le zele & la soumission de la com-ii pagnie , qui s'en rapportoit entièrement à sa:, sollicitude paternelle sur un objet qui causoit des alarmes si vives & si générales. r + MI';. La prem iere piece que les coméd iens fran-p.
sois doivent donner est le siegede Paris du sieur Sé-è daine, tragédie en prose ; mais comme il y est quef-1 tion d'émeute & de révolte, la cireonftancf semble fort critique, & l'on doute que la police permette] de si - tôt la représentation, annoncée comme i prochaine.
4 Mai. On se loue beaucoup de la maniéré*pénéreufe dont les mourguetaires se font conduitt, hier pendant l'émeute: non- seulement ils n'ont levi contre percorine, mais ils ont tiré de l'argent de leur poche , ils l'ont donné à ceux de la populace attroupée qu'ils ont jugé être dans ua besoin réel.
4 Mai. Le minitfere ne s'est occupé depuis hier que des moyens d'arrêter le désordre dont on a rendu compte, & qui n'a été si grand , qu'à -
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.use de la cérémonie de la bénédiélion des drx:aux indiquée à ce jour-là, qu'on n'a point Julu remettre , dans la crainte que cette fufension ne répandît plus de terreur , mais dont effet a été d'enlever pour ce temps-là une partie es troupes qui auroit été nécessaire pour la lûreté énérale.
Dès l'après-midi on a commencé par rassurer 's boulangers , en leur donnant des sactionaires pour la garde de leurs boutiques ; on a rnjoint à ceux qui, dans leur terreur, ne vouoient pas cuire , de le faire , & l'on a pris outes les précautions pour que la subsistance de )aris ne pût manquer.
D'un autre côté , pour contenir le peuple , 1ue la fermentation auroit pu gagner, on a affiché l'ordonnance de police fuivanie, en date du 5 mai, qui a été proclamée* d'abord à son de trompe : « Nous ordonnons , ce requérant le procureur « du Roi, que les boulangers auront la faculté « de vendre le pain au prix courant. Faisons tresM expresses inhibitions & défenses à toutes perM sonnes de les forcer de le vendre à moin d re m prix. Enjoignons aux officiers du guet & de la sa garde de Paris de saisir & arrêter ceux qui n contreviendront à la présente ordonnance, pour n être punis suivant la rigueur des loix; requé« rons tous officiers commandants de prêter m main-forte à son exécution j défendons à toutes M personnes de s'introduire de force chez les » boulangers, même fous prétexte d'y acheter » du pain, qui ne leur fera fourni qu'à la charge » de le payer au prix ordinaire. Mandons aux »» commissaires du Châtelet de tenir la main
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m à l'exécution de notre présente ordonnance * qui fera imprimée, publiée, affichée dan; u cette ville, fauxbourgs & banlieue" & par-toui « oiir besoin fera , à ce que personne n'ea » ignore. t » Ce fut fait & ordonné par nous Jean-Charles: s) Pierre le Noir , chevalier, conseiller dii Roi, &c.
5 Mai. M. le Noir, lreutenant - général de police , a reçu hier une lettre du Roi, qui le remercie de ses services.& lui demande la démifi lion de sa place. Sa majesté ne lui marque aucur.
mécontentement personnel; elle lui dit même qu'elle n'a rien à lui reprocher, mais que lt fachant dans des principes opposées à ceux dé son contrÔleur - général, & au genre d'admi-i nistration qu'il veut introduire , elle ne le croit, plus propre à remplir la place qu'il lui avoit con-1 fiée : que du reste elle n'oubliera point lesfervices qu'elle fait qu'il a rendus à son aieul en diverses circonstances.
C'est M. d'Albert, ancien con(eiller au parIe-3 ment, chargé de Padminiftration des bleds comme intendant du commerce, qui succedes à M. le Noir. M. Turgot , lors de sa dif-l cuffion avec ce lieutenant-général de police,; à l'occasion de la nouvelle loi concernant les grains, lui avoit fait ôter l'approvisionnement de Paris , qu'il avoit déjà confié à M. d'Albert.
5 Mai. Malgré la lettre du Roi , le parler .ment a cru devoir s'alfmbler encore hier suc; l'objet intéressant qui alarme tout Paris. Plusieurs i de messieurs ont fait récit de ce qu'ils ave,ient,' vu
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vu, entendu ou appris de leurs terres. Il eu a résulté que tout étort en commotion , nonseulement dans la capitale, mais dans les environs, à une grandediftance, & dans les provinces circonvoisines : à l'égard de Paris, que le peuple étoit resté encore tranquille & simple fpeébreur: du pillage exécuté feulement par les gens venus de la campagne ; mais que pluûeurs circonstances indiquoient que ces étrangers vagabonds étoient moins excirés par la milere que par d'autres motifs essentiels à approfondir.
i Un fait dont un conseiller des enquêtes a 4 rapporté avoir été témoin , a confirmé celte opinion.
M. de PomeuCe a raconté que s'étant trouvé dans la bagarre du mercredi, il avoir vu une femme plus animée que les autres ; qu'il étoit allé à elle, qu'il l'avoit sollicitée de se retirer de la mHée, en lui offrant un écu de six francs pour aller acheter du pain ; mais que cette femme, rejetant son écu, lui avoit répondu avec un sourire ironique : Va, va e nous n'avons - pas besoin de ton argent, nous en avons plus que toi; & qu'en même temps elle avoit fait sonner sa poche, dont le bruit fembbit indiquer en d effet la vérité de ce qu'elle disoit D'après les divers récits de messieurs, & les conlidérations que chacun a proposées, on est convenu de la nécessité de rendre arrêt sur le champ , soit pour empêc.her le peuple de prendre part au tumulte, en renouvellant les ordonnances contre les attroupements , émeutes, &c. évitant cependant de l'aigrir par des menaces de peines articulées & trop séveres , foit pour le consoler en lui fàisant voir que le parlement s'occupoit.
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êe ses roins) & fengeoit à réclamer la vigilance paternelle du monarque.
En conséquence l'arrêt a été rédigé par un dispositif très-court, & il a été mis au bas l'arrété suivant : cc Ordonne en outre que le Roi fera tres>5 humblement supplié de vouloir bien faire :n prendre de plus en plus les mesures que lui :n inspireront sa prudence & son amour pour » ses sujets, poui faire baillet le prix des grains n & du pain à un taux proportionné aux beas foins du peuple, & pour ôter aussi aux gens a? mal intentionnés le prétexte & l'occasion dont n ils abusent pour émouvoir les esprits. »
Cet arrêt a été envoyé sur le champ à l'impression ; mais la cour ne le trouvant pas conforme à ses principes, a donné des ordres à l'imprimeur de ne le point diftribaer , d'en rompre la planche.
5 Mai. M. le Laboureur) qui exerçoit par intérim la place de commandant du guet, en attendant que M. de Roquemont, le vrai titulaire , fût en âge d'eu faire les focaious, a été destitué en même temps que M. le Noir ; & c'est un lieur de la Galeroe , sergent aux gardes , chevalier de Sai nt-Louis, qui lui succede.
5 Mai. Il a été affiché à Vcrfailles une ordonnance du Roi très sévere contre les attroupements : elle a été aussi envoyée à Paris, & placardée, sur tout aux endroits où l'arrêt du parlement d'hier avoit été affiché. Voici le texte de cette ordonnance, qui n'a point de date & n'ell signée de personne : « Il est défendu, fous peine de la vie : à toutes ) personnes , de quelque qualité qu'elles soient,
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» d-e Former aucun attroupement, si entrer de M force dans la maison ou la boutique d'auenu SI buulanger, ni dans aucun dépôt de grains , ta graines, farines & pain.
» On ne pourra acheter aucune des denrées ,M susdites, que dans les rues ou places.
M Il est défendu de même, fous peine dr !i »» vie, d'exiger que le pain ou la farine [oieM "> donnés dans aucun marché au - dessous du » prix courant.
J) Toutes les troupes ont reçu du Roi l'ordre '1 formel de faire observer les défenses avec la grande rigueur , & de faire feu en cas de et violence.
» Les contrevenants feront arrêtés & juges » prévôtalement sur le champ.) 5 Mai. Le ministere , non content de garantir la capitale, a cru devoir veiller à la fureté dem campagnes, ou du moins empêcher une plus grande dévaluation ; il a donné ordre à différents régiments d'infanterie, de cavalerie, aux carabiniers, &c. de se rapprocher à des distances convenues, & de s'y cantonner. 11 a été arrêté préalablement un plan de campagne.
Les dispositions pour Paris font que les mousquetaires noirs s'étendront sur les rives de la Marne ; les mousquetaires gris sur celles de la passe Seine; les gendarmes & chevaux-légers ur les rives de la haute Seine : les gardes-fran- oifes, les gardes-suisses & les invalides continueront à garder les marchés, les carrefours , ,'es lieux publics, les fauxbourgs & les boutiques les boulangers.
M. le maréchal duc de Biron a le comminlement général des troupes , tant du dedans que
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tu dehors ; & le commandant du guet , par extraordinaire , va prendre l'ordre chez lui.
5 Mai. L'assemblée des pairs qui devoit avoir lieu aujourd'hui pour l'affaire du maréchal duc de Richelieu, a été remise.
Ce matin, le grand - maître des cérémonies est venu apporter au parlement une lettre de cachet, par laquelle sa majesté lui ordonnoit de se rendre à Versailles, dans la matinée, en robes noires.
Le parlement s'est assemblé pour délibérer sur !
cet ordre : de nouveaux faits, survenus la veille !
& dans la nuit, ocr donné matiere à de nou-
veaux récits, entr'autres à celui de M. l'abbé i le Noir, conseiller de grand'chambre , qui a dit : ; Que son chapelain, arrivé ce matin de son i prieuré de Gournay , lui avoit appris que les: bandits s'y étoient répandus; mais mettant dej l'ordre dans leur désordre, n'avoient enlevé > chez les ferm iers que du bled & du bled battu, propre à faire de la farine ; qu'ils l'avoient même, payé il livres le setier , en disant que le Roi( avoit mis le pain à 2. fous la livre à Versailles,; 8t ne vouloir pas qu'il fût payé plus cher.
6 Mai. Aujourd'hui, jour de marché, pourra prévenir encore mieux tout prétexe de désordre, l'on a affiché l'ordonnance suivante sans signature ni date , comme la premiere; mais portant feulement au bas de l'imprimerie royale 1775.
« Il est défendu à ceux qui veulent acherei » des denrées dans les rues ou marchés , de s'y t3 présenter avec des bâtons , ni aucune espece t) d'armes & d'outils propres à nuire, pour ne M pas être confondus avec les -voleurs qui 001 &;1 détruit & pillé des provilions destinées aui
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» habitants de Paris, ou qui ont voulu se Îe3 » faire donner à un prix au-dessous du cou.
» rant. »
6 Mai. Le parlement s'est rendu hier à Vçrfailles , en robes noires feulement : sa majesté leur a d'abord fait donner à dîner dans une salle de cérémonie, où s'ailemblent les divers corps qui doivent être introduits auprès du Roi. La séance a commencé à trois heures & demie pat un discours du Roi , par un de M. le gardedes sceaux; &, après avoir été aux voix pour la forme , on a enrégistré une déclaration portant attribution aux prévôts généraux des marécbanffées , de la connoissance b du jugement en dermev ressort des crimes & excès y mentionnés.
11 faut savoir que la connoissance de ces crimes & excès avoir été attribuée d'abord à la tournelle par des lettres-patentes présentées la veille au parlement j mais que ces lettres-patentes y avoient été trouvées irrégulieres , & dans le fond & dans la forme : dans le fond, en ce qu'elles le rendoient commission à l'égard d'une portion d'autorité qu'il avoit par essence, puifqu'une de ses principales fondions est de connoîti C, en première instance , de tout ce qui inréreflfe l'ordre public & la grande police : dans la forme, etree qu'elle devoit être adreflfée à la grand'chambre, & non à la tournelle. Par ces diverses confédérations , l'avis dominant avoir été de laisser de côté ces lettres-patentes , & de rendre, du propre mouvement de la compagnie, l'arrêt ci-delîus du 4 mai.
On ne doute pas que ce ne soient ces difficultés du parlement qui aient déterminé la coue à retirer lesdites lettres - patentes & à changes
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1 attribution : mais, par une înconfécjuence ton- lioguliere) la cour , en s'opposant de fait & par violence à la publication de l'arrêt, n'a point tmployé la voie judiciaire pour l'anéantir en le raflant par un arrêt du conseil ; en forte que le parlement regarde le fien comme toujours subsistant. Quoi qu'il en foit., les chambres assemblées hier pour délibérer sur ce qui s'étoit paffé la veille, le bruit est que messieurs, consternés du coup mortel porté à leur autorité, mais n'osant faire de réclamation ouverte , se font contentéscle protestations ordinaires 8c d'un arrêté vague, i.
dans lequel ils ont dit que , pour donner au Roi- des marques de leur entiere foumitLon, ils- ; s'abftiendroient Ae s'occuper en rien des trou-
bles actuels, sans toutefois ce (Ter de saisir toutes , les occasions favorables de repréfemtr au monarque les befeins & la misere de son peuple.
On a remarqué au lit de justice que, lorsque M. le garde-des-sceaux est allé aux voix pour la forme, il n'y a eu cjue M. le prince de Conti parmi les grands , & M. Freteau parmi les membres du parlement, qui aient parlé & discuté leul' avis. On a remarqué encore iiue M. le garde-, des sceaux, en retournant au Roi pour lui rendrs compte du vœu de l'alTemblée , étoit resté un quart d'heure aux genoux de sa mieffé; ce qui lembleroit annoncer qu'il l'auroit informée de ces avis particuliers.
7 Mai. Paris est comme une place de guerre inondée de troupes, & où le service se remplit avec la régularité la plus grande. M. le maréchal duc de Biron ne cesse de parcourir tous les posse).
escorté d'officiers de chaque corps , qui lui fervent comme d'aides - de - camp pour porter sess
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ordres par-tout où ils font nécessaires. Il n'effc pas jU!:ju'aIJx gens de la robe-courte & aux gardes de la ville qui ne soient fous ion inspection, & remplillent en ce moment des fondions militaires.
7 Mai. Les nouvelles reçues de Normaodie font très-facheuses. On apprend que les principaux marchés publics de cette province ont été pillés successivement, & qu'il y a eu encore plus de gaspillage que d'enlevements réels. On voyovt les brigands fouler aux pieds le bled qu'ils ne pouvoient emporter, comme pour le rendre inutile à tout le monde.
7 Mai. On a publié & affiché aujourd'hui lai déclaration donnée à Versailles le 5 mai , & , par une singularité remarquable, partant, registre en parlement le 5 mi 1'75, quoique le parlement ne se foit pas rassemblé ce jour-là, en revenant de Versailles , & n'ait pu ainsi , par uA enrégistrement subséquent, rendre légal un enlégifiremenr vicieux dans le t-)r.,nclpe, & d'ailleurs contre les formes d'afag'.?, Par une autre singularité , cette déclaration porte qu'elle a été imprimée chez le sieur Simon, imprimeur du parlement : en voici le préambuie , qui ne donne pas moins de matiere aux nflexions.
et Nous sommes informés que , depuis plu93 rieurs jours , des brigands attroupés Ce réM pandent dans les campagnes pour piller les M moulins & les rnaifons des laboureurs ; que :n ces brigands se font introduits, les jours de M marché , dans les villes , même dans celle de » Versailles & dans notre bonne ville de Paris ; » qu'ils y ont pillé les halles, forcé les maifonè
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» des boulangers, & volé les bleds, les farines 33 & le pain destinés à la subsistance des habiM tants desdites villes & de notre bonne ville M de Paris ; qu'ils insultent même sur les grandes :r.I routes ceux qui portent des bleds & farines ; » qu'ils crevent les sacs, maltraitent les con9'' du&eurs des voitures, pillent les bateaux sur M les rivieres , tiennent des discours séditieux, ™ afin de soulever les habitants des lieux où ils » exercent leurs brigandages, & de les engager la3 à se joindre à eux : que ces brigandages ai commis dans une grande étendue de pays aux M environs de notre bonne ville de Paris , & t,, dans notredite bonne ville même le 3 de ce t» mois & jours suivants, dcivent être repriM mes, arrêtés & punis, afin d'en imposer à M ceux qui échapperont à la punition , ou qui M feroient capables d'augmenter le désordre. Les » peines ne doivent être impoices que dans les » formes prescrites par nos ordonnances; mais ;n il est nécessaire que les exemples soient faits 33 avec célérité. C'est dans cette vue que les Rois 33 nos prédécesseurs ont établi la jurifdittion » prévôtale, laquelle est principalement destinée 33 à établir la fureté des grand es routes , à ré33 primer les émotions populaires, & à connoître » des excès & violences commis à force ou<M verte, &c. n L'enrégistrement a d'autres caracteres de nouveauté, il porte : Lue & publiée. le Roi séant en son lit de justice, & registree au greffe de la cour, ce requérant le procureur général du Roi , pour être exécutée félon sa forme & teneur) & copies collationnées d'icelle envoyées aux bailliages, (énéchaufJées & autres sîeges du ressort, pour y être pareil-
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terrient lue, publiée & regi si re" e; enjoint aux lubftin" futs du procureur-gértiral du roi d'y tenir la main & d'en certifier la cour au mois. Fait à Verjailles y le Roi séant en son lit de juftic, le 5 mai 177 5.
7 Mai. Il palle pour confiant qu on a conduit à la Bastille ces jours-ci deux personnages très-' Connus, & que le gouvernement recherchoit depuis quelques mois. Ce font les sieurs Saurin & Daumer. On fait qu'ils étoient chargés de' faire le commerce des b.leds fous le minmere de l'abbé Terrai, pour le compte du feu Roi : quant au sieur Mirlavaud , qui avoit eu l'impudence de se faire inscrire dans l'almanach royal de 1774 , tréfotier des grains au compte du Roi, on le nommait aussi parmi les détenus , mais on a vérifié que non'.
La détention de ces mefliears qui se regar* doient déjà comme innocentés, faite dans un temps.aussi critique, fcmbleroit indiquer qu'on les foupçonneroit d'avoir quelque part auX troubles aétuets.
8 Mai. Le parlement de Metz, le dernier qui reste à rétablir, devoit l'être ces jours-ci ; de nouvelles difficultés reculent encore cet événement si désiré pour compléter le grand œuvre du regne à l'égard de la magistrature. Ce rétablissement devient même problématique, graces aux foins de ceux qui s'y opposent , & sur-tous de vingt membres de cette compagnie qui ont passé à Nancy. L'évêque de la premiere ville qui y étoit retourné , ayant appris les obstacles que faisoit renaître la cabale, est revenu à Paris recommencer ses sollicitations. M. Je comte àe Broglio qui commande à Metz fous le maréchal fou frer, dour on connoît le génie adis
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ardent , n'est pas le moins emprene à tourmenter, le ministere sur cet objet. Malheureusement la' décision est renvoyée au conseil des dépêches *, & ne dépend plus du garde des-sceaux feulement, 8 Mai. Un détachement de cinquante mour quetaires fous les ordres de M. de Jason , offici et à hauile-coi, est parti là nuit du samedi au.
dimanche à deux heures du matin pour Corbeil ; ce qui annonce que les brigands ne font point encore épouvantés dans les campagnes, &menacent de commettre de nouveaux défor- dres.
9 Mai. Quoique M. Tlirgot croie ne pas devoir en apparence se relâcher de son systême de liberté, il pasle pour confiant que ce minière a : fait donner fous main des ordres aux fermiers de garnir de bled les marchés , & de ne pas abuser de la circonstance pour mettre cette..
denrée à un prix trop excessif. Il paroît en t'ffet.
que c'est la inaniere la plus prudente d'éteindre insensiblement une fermentation qui n'a fait quede trop grands ravages, & qui en ciuferoit de plus funestes infailliblement. Les désastres arrivés dcià favotifent les spéculations de nos négociants j &• beaucoup s'empressent à faire venir de rétrariotr des b!eds avant les délais preferits,
pour, indépendamment du gain accru par 1esoc circonfiances , profiter du bénéfice que sa majestépromet comme encouragement & récompense.
10 Mai. Sans qu'on connoisse encore au juste.
les instigateurs des émeutes dtrnieres, on fe* confirme de plus en plus dans l'opinion qu'il f en a eu. Des placards infâmes affiché journellement dans Paris, & jurques dans le jardin des Tuileries) annoncent d'abord des gens ma1
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îêtentionnés ; ensuite il paffe pour coinlant que presque tous les gens arrêtés avoient rie l'argent sur eux , & n'étoient point dans un état de misere capable de porter au déferpoir. On rapporte en outre que des inconnus , à cheval, ont porté chez des fermiers des billets anonymes, qui leur disoient de garder leur bled , de ne le point vendre, parce qu'il deviendroit plus cher. D'un autre côté, l'on annonçoit dans les villages que le Roi vouloir que le bled fût fixé à 12. livres.
La remarque que tous ces délordres font arrivés dans le temps de pâques ou après, excitede violents soupçons contre le clergé, & fait présumer qu'il aura échauffé les esprits dans la confession. On a en effet arrêté plulieurs curés i on en fait qui ont fourni de l'argent à leurs paysans pour aller chercher du bled à u livres.
D'autres ont monté en chaire, & , en faisant l'éloge du Roi, ont déclamé contre ses ministres ; c'est ce qui est particulièrement arrivé au curé de Gournay..
- Un valet de chambre de M. le comte d'Artois, nommé Carré , a été condamné à Vet failles à être pendu pour des propos fédirieux , pour avoir dit le jour de l'émeute aux mutins, que c'étoit au château qu'ils devoient aller, où ils trouve3 roienc des gens qui avoient grandpeur ; mais •j on aflute que M. le comte d'Artois a demandé sa grâce, & qu'il est condamné à être renfermé le reste de ses jours.
t 10 Mai. Les troupes continuent d'arriver à Paris & dans les environs, & le cordon qu'on veut établir fera incessamment formé ; mais tous ces mouvements, faits à grands frais, coûtent beaucoup d'argent, Indépendamment de ccs
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depenses extraordinaires , les indemnités sans nombre dont le gouvernement fera chargé , la difficulté de percevoir les tailles ; tout cela dé* range le systême deM. Turgot, & contrarie beau..
coup les projets.
10 Mai. Le gouvernement, pour faciliter à presque tous les habitants des campagnes qui ont eu part aux émeutes, les moyens de se mettre à l'abri des poursuites rigoureuses de la justice leur a fait déclarer par différents seigneurs, qu'ils eussent à reporter aux divers propriétaires le bled qu'ils avoient pillé , ou à payer le surplus de la valeur pour ceux qui l'avoient payé, sur le pied de six écus le setier.
lIMai. Malgré la tranquillité générale de Pàris qui n'à été troublée en rien depuis le jour Je l'émeute, il est toujours gardé avec la plus grande précaution, & comme si l'on étoit dans un danger éminent. Les lanternes font allumées long-temps avant là nuit 8c refrent allu mées long-temps après le jour commencé. On les a baissées , ainsi qu'il arrive dans les séditions, ou lorsqu'on craint quelque surprise.
On ne sauroit croire l'importance que M. le maréchal duc de Biron met à. tout cela. Il a fous lui quatre lieutenants-généraux, un état-major, des ades-d-camp de tous les corps ; il a établ.i ion quartier général à son hôtel, & son armée est d'environ vingt à vingt-cinq mille hommes: les appointements des officiers-généraux & autres font payés par extraordinaire , comme à l'armée. M. le maréchal a 2.0,000 livres par mois, outre 40,000» 1. par an pour sa tab!e , & payées d'avance : en un mot, au mal apparent du gafpilage momentané qu'a occasionné l'émeute, OB
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a substitué le mal réel & plus durable de frais de troupes considérables, tels qu'en occafionneroit une guerre fangiante.
ii Mai. Depuis les troubles tous les intendants ont eu ordre de se rendre à leur département respectif, & font partis il y a quelques jours.
n Mai. La cour ne semblant pas disposée à publier le lit de justice, ainsi qu'on l'avoit fait elpérer dans la gazette de France , on va en donner ici les détails les plus intéressants, Il a commencé par un difeours du Roi, que sa majesté a prononcé de mémoire , ainsi qu'elle l'a fait au lit de justice du 1x. novembre quoiqu'elle n'ait pas l'organe agréable & sonore , elle y a mis un ton de noblesse & de. fermeté qui a réparé ce défaut. Elle n'avoit point l'air fâchée contre son parlement , mais affligée des.
nouvelles accablantes qu'elle apprenoit. Elle a dit : et Metit~urs—— Les circonflances où ie me 35 trouve & qui font fort extraordinaires ik sans M exemple, me forcent de sortir de l'ordre com>3 mun & de donner une extension extraordinaire M à la juridiction prévotale. Je dois & je veux sa arrêter des brigandages dangereux qui dégénére.
« roient bientôt en rebellion. Je veux pourvoir à » la subsistance de ma bonne ville de Paris & de 33 mon royaume. C'est pour cela que ie vous ai » assemblés & pour vous faire connoîrre mes in» tentions, que mon garde des-sceaux va vous 93 expliquer. 33 Le discours de M. le garde-des- (ceaux n'a tien -de remarquable ; il annonce la déclaration donc
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&rt a pàss, & les vues de bienfaisance & de ;uflIc,:'!Á' qui l'ont dictée. Après la ledture faite par legrefo.
fcr en chef, M. le premier président, peu éloquent de son naturel, qui n'étoit point préparé,
& qui d'ailleurs- étoit fort embarrassé sur le role qu'il devoit jouer dans cette circonstance , a préféré de ne rien dire du tout. M. l'avocat-général Séguier n'a pas osé s'étendre davantage , il a
conclu purement & simplement. Enfin le Roi a terminé la séance par le fécond discours suivant : cc Messieurs — Vous venez d'entendre mes M intentions; je vous défends de faire aucunes as remontrances qui puissent s'oppdfer à l'exécQ-
» tion de mes volontés. Je compte sur votre.
v> soumission, sur votre fidélité, Se que vous ja ne mettrez point d'obstacle ni dé retardement w aux mesures que j'ai prises , afin qu'il n'arrive M pas de pareil événement pendant le temps de» mon regne. »
Arrêté du parlement fait le lendemain 6 mai 3 ■ à la fuite du lit de jufttce.
« La cour délibérant sur Ir récit fait par un M de messieurs, ensemble sur le récit fait par » M. le premier président , a chargé le premier » président de faire connoître audit seigneur » Roi combien il est essentiel dans les circonf» tances qu'il veuille bien continuer, relative.
» ment aux grains , les foins que (on amour » pour ses peuples lui a déjà djas; & que » c'est pour entter dans les vues de sa sagesse, s» & pour ne rien déranger des précautions que » les circonftaûces présentes lui ont suggérrés,
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que Ton parlement a pris la voie H moiiJc ;n éclatante, mais également fûre, vis-à-vis ledie-1 *> seigneur Roi pour lui témoigner son inquiétude' 1. & son zele. »
et Ordonne en outre , &c. (comme à l'arrêté de 4 mai) rapporté précédemment).
1 12 Mai. On écrit de Beauvais que les officiers de police de cette ville , qui jusques ici avoient présidé au marché des grains, depuis les émeutes dernieres avoient reçu ordre du commandant des gardes-du-corps en quartier dans cette ville, de s'abstenir de ces fonctions, & que ce font cesmêmes militaires qui , suivant le réglement de la cour, ont dû s'en emparer & y présider.
u Mai. On ne peut que rire du tour qu'on a: joué à M. de Biron, & de l'alarme puérileque ce général a prise, au sujet d'un avis faux !'& absurde que les mutins vouloient s'emparer de la Bastille & de l'Arsenal. En conséquence il a donné l'alerte à M. de jumilhac comman! dant du château. Dans la nuit du 8 au 9 on a..
mis les mousquetaires sur pied, on leur a fait faire des rondes & des patrouilles autour de ces .deux endroits; on a pointé les canons, & l'on ; a fait des dirpofitions formidables, comme si..
une armée ennemie de voit former le siege de ces tbrterenes. Ces précautions extraordinaires ont effrayé le peuple, mais ont amusé les gens sensés !& peu crédules.
- ti Mai. Il s'est tenu à Versailles conseils sur conseils pour décider quel parti sa majesté prendroit, afin d'éteindre les troubles survenus dans île royaume & sur-tout ceux de la capitale & des environs, Comme il a été reconnu que le gros du peuple avoit été induit en erreur par des ruses inser6!
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n'aies, telles que des billets anonymes, des imprimés affichés , & même des arrêts du confess simulés , revêtus de toutes les formes apparentes, où l'on faisoit dire à sa majesté qu'elle vouloir & ordonnoit que le prix des grains fût mis à 12, livtes le setier ; il paroît que l'avis dominant a été pour la clémence, d'autant mieux que l'on a rapporté que grand nombre de paysans effrayés des peines annoncées , n'avoient osé reparoître & s'étoient retirés dans les bois. En conséquence on assure que sa majesté a figné hier une amnistie générale , en en exceptant cependant les instigateurs , auteurs & fauteursdes émeutes. On veut même que cette ordonnance ait été affichée aujourd'hui , retirée tout de fuite.
Quoiqu'il en foit, sa majesté avoit préalablement témoigné (on mécontentement de ce que le sieur Papillon, chef de la commission prévôtale, tardoit à mettre la justice en activité &a faire exemple sur les plus coupables de plus de deux cents mal heureux arrêtés & détenus dans les prisons. On ajoute que le duc de la Vrilliere j lui avoit écrit dans cet erprit, & lavoit menacé de perdre la confiance du Roi, s'il n'y répondait j pas mieux. I Le sieur Papillon n'a pu résister à des ordres si pressants & le onze de ce mois, assîsté de onze de MM. du châtelet, du siege présidial,1 il a rendu en la chambre criminelle un juge-is ment prévôtal, qui condamne un gazier & utliî perruquier chambrelan à être pendus en la places de Greve, pour avoir eu part à la sédition && émotion populaire, arrivée à Paris Je J. de cea mois, ,.'t V
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Le même jour il a été élevé deux potences aa dix-huit pieds de haut : plus de vingt milla .hommes de troupes & même les mousquetaires ont été mis sur pied , & l'exécution s'est faite avec un appareil comme s'il eût été question de celle de quelque grand coupable. On voit cependant par le développement de la fenrence, que ce font deux victimes immolées à la fureté publique. On assure que les juges du Chatelet répunoient à prononcer la peine de mort dans un cas aussi peu grave & qu'ils ont pleuré en signant le jugement.
Quant aux suppliciés, ils imploroient le secours du peuple 8t s'écrioient qu'ils mouroient pour lui.
14 Mai. Le parlement de Dauphinc a été rétabli le de ce mois par M. le comte de Clermont - Tonnerre, assisté de M. Pajot de Marchevai. On en a reçu le procès verbal, par lequel il confie que l'assemblée étoit composée de sept président, le premier compris, deux chevaliers d'honneur, & vingt-neuf conseillers feulement, deux avocats-généraux & un greffier en chef ; ce qui annonce une grande diminution dans cette compagnie , qui doit être composée de neuf présidents, le premier compris, & de cinquante-deux cùnfeillers. Il paroîtroit en outre qu'il n'y auroit point de procureurgénéral. On ne fait à quoi attribuer un pareil délabrement.
C'est M. de Berulle qui a repris ses fondions de premier président.
Le discours de M. de Clermont-Tonnerre n'est rempli que de lieux communs , ainsi que celui de M. de Marcheval. Le principal objet
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de celui-ci est d'accorder la contradiction de sa conduite, en venant refaire aujourd'hui ce qu'il avoit défait en 1771. Il s'excule sur l'obélirance passive qu'il devoir à la cour. En effet, on fait qu'on a comparé depuis long-temps un maître; des requêtes à la matiere premiere, que la cour j paîtrit comme elle veut.
Le discours de M. de Bérulle, le premier !
préfidenr, n'a rien qui mérite d'être rapporté 1l mais, par celui de M. de la Salcette , avocat.
général, en remarque son embarras d'avoir patte dans la nouvelle magistrature, & la , honte qu'ilta éprouve aujourd'hui.
L'édit de ié;ab!iîTement ne différé de ceux des autres parlements, qu'en ce qu'il établit dans* i celui-ci une distribution de chambres qui n'y, étoit pas, & qui lui donne le même régime: j qu'aux autres. - 14 Mai. Enfin, la clémence a prévain abfolu-' • ment, & l'ordonnance portant amnistie est 1 affichée par-tout. Celle ci porte plus de caraâercs. 1 d'authenticité que les précédentes : elle est signées Louis , & plus bas, Pbelipeau : elle est datée dcVersailles le r 1 mai; en voici la teneur.
DE PAR L E ROI;
« II est ordonné que toutes personnes, de M quelque qualité qu'elles soient, qui, étant » entrées dans les; artroupements par féduaion 23 ou par l'exemple des principaux séditieux ,, H s'en sépareront d'abord après !a publication*, as du présent ban & ordonnance de sa majesté, M ne pourront être arrêtées , poursuivies ni prises s* 'pour raison des attroupements, pourvu qu'elles,
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sr rentrent sur le champ dans leurs paroinés, tt » qu'elles restituent en nature ou en argent) » suivant la véritable valeur, les grains, farines M ou pains qu'elles ont pillés , ou qu'elles se font » fait donner au- dessous du prix courant.
« Les seuls chefs & inftigatcurs de la (édition « font exceptés de la grace portée dans la préM fente ordonnance.
;1) Ceux qui, après la publication du présent * ban & ordonnance de sa majesté , continueront :t, de s'attrouper , encourront la peine de mort , 110 & feront les contrevenants arrêtés & jugés ;»> prévôtalement sur le champ.
»» Tous ceur qui dorénavant quitteront leur » paroisse sans être munis d'une atttftaîion de » bonne vie & mœurs, signée de leur curé Be » du syndic de leur communauté, feront pourJO fUÍ"ÍI & jugés prévôtalement tomœt vaga» bonds, suivant la rigueur des ordonnances.
M Donné à , &C, >3 14 Mai. A l'occasion de l'armement formi- dsbie actuel de l'Espagne contre les puissances barbaresques,, & des dépenses énormes qu'il entraîne , on observe que les finances de sa majesté i catholique font en très-bon état; qu'elle ne dé..
.: pente rien pour sa personne en fait d'objets de luxe , & qu'elle n'a encore pour habits de gala JI que ceux qu'elle portoit étant ror de Naples , Ifaits peut-être il y a vingt-cinq ou trente ans 15 Mai. Le parlement de Metz a été créé en 11635 Par Louis XIII sur le pied de cinquantedeux offices seulement , pour servir par semestre.
iLouis XIV se trouvant avoir besoin d'argent en :a augmenté le nombre jusq.u'à cent & plus; & pour augmenter en même temps le ressort dt.
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cette cour, il y joignoit les différentes conquêtes
qu'il faisoit de ce côté-là. Depuis en ayant rendu 1 une partie , & le conseil souverain d'Alsace ayans 1 été établi, ce parlement s'est trouvé resserré dans i un très-petit territoire. Il s'est plaint de la mul" tiplicité de Tes offices & de la diminution des 1 affaires. Pour l'indemniser le Roi a fait un fond a i de 10,000 1. par an , mais qui n'ont pas été payées < long-temps exactement; cette rente s'est même : bientôt trouvée réduite à moitié i cependant les 1 impôts sur ces offices ayant augmenté, cette : cour a obtenu qu'on feroit compensation des i arrérages de rentes qui lui étoient dus : du reste 1 j elle a continué lès plaintes & doléances sur sa 1 nullité ; elle a demandé à la mort du roi Sta-.
niflas, que la Lorraine fut réunie à son ressort : le conseil souverain de Nancy s'y est oppoCé, Se 1 cela formoit une contestation entre les deux il tribunaux , lorsque M. de Maupeou a opéré sa ï révolution. Le nom de parlement que portoit i celui de Metz, odieux au chancelier, suffisoit pour le faire succomber. Un arrêté violent qu'il avoit pris contre le sieur de Calonne, intendant de cette ville , & le sieur de Flesselles, a servi de 1 prétexte à sa destruction , & ion ressort a été) réuni à celui de Nancy ; savoir , comme parlement , au conseil souverain, & comme chambre des comptes , à celle de cette ville. Quinze membres ont demandé à être incorporés au premier ti ibunal pour remplir le nombre des offices dont il a éré augmenté, & cinq au fécond, dont il a été augmenté d'autant. Ce font ces mêmes transfuges qui s'oppofenc aujourd'hui le plus au rétablissement du parlement. Ils donnent pour raison qu'il ne faut point.
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ranger cette opération de M. de Maupeou dans la elafle des autres : qu'il étoit question de détruire l'un des deux tribunaux en contestation, !&-que le parlement de Metz, en se soumettant :faJ: ce grand procès à la décision du Roi, s'étoit : en même temps fournis à sa propre destruction, d Be l'avoit rendue légale, si sa majesté la jugeoit nécessaire. Ils font valoir beaucoup d'autres motifs de convenance, jU soutie-nnent leur cause avec tant de chaleur, qu'ils ont mis des miniftteS dans leur parti, & qu'on ignore qui l'emportera.
16 Mai. Un officier aux gardes, en faisant la patrouille , rencontre un grouppe d'hommes assemblés : il veut les arrêter; quelques - uns prennent la fuite , on en joint d'autres. On les interroge , & , par leurs réponses , ils se déclarent être marchands forains qui s'éroient réunis pour arranger leur départ en commun. L'officier ne trouvant point ces gens dans le cas d'être retenus, pour plus grande précaution les fait conduite chez le commissaire Rolland : celui-ci ne les jugent pas plus cpupables, les relâche, & ne voit rien à redire à leur conduite. Le lertdemain l'officier rend- compte du fait au maréchal de Biron , le général en fait dé même à M. Turgot : le ministre s'indigne , décide la conduite du commissaire très-repréhensible , veut que ces quidams fussent précisément dans le cas de la détention , Les regarde comme ces instigateurs étrangers envoyés pour ameuter le peuple , & fait expédier une lettre de cachet au commissaire , de se défaire de sa charge. L'officier de de police .étourdi obéit & perd ton état. Ses confreres, qui craignent un pareil exemple, blâmeat fort sa pufillanimké.
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106 Mai. Hier 15 mai a été tenu la feence publique de l'académie françoise pour la réceptioa
de M. le maréchal duc de Duras.
Si toutes les especes de lauriers accumulées à la fois sur la tête d'un grand pouvoieot feules la rendre plus illustre , celle de M. le maréchal duc de Duras devroit rayonner d'une gloire immortelle. Mars & Apollon semblent avoir concouru à l'envi pour le décorer A peine a-t-il : .obtenu le grade suprême du mérite militaire) .les portes du sanctuaire de la littérature s'ouvrent, & il est invité à y prendre place. Ce n'est point ici le lieu de difeuter ses .droits au premier honneur ; nous observerons quant au fecond que son nom est le rlix.(eptieme sur la lifte de l'académi e françoise, à côté duquel nous ne trouvions aucun titre littéraire. Il en convient lui-même dans sots difeours, & il attribue le choix de ses confreres à la feule amitié. Ce corps a-t-il donc été institué pour être transformé en une coterie de gens qui se conviennent par des rapports de société ?
Les éleaeurs ne doivent-ils plus peser scrupuleusement aujourd'hui leurs suffrages, & le nom dans la balance peut-il l'emporter sur les sublimes chef-d'ceuvres du génie, ou les aimables productions de l'esprit! De cet abus principal il en a résulté un fécond , c'est que ces réceptions publiques, où n'alfiftoient guere autrefois que des gens de lettres, les seuls en état d'apprécier, de louer, ou de critiquer les ouvrages qu'on j Ht) font dégénérées en des cohues de cour ; les seigneurs , les petites-maîtresses se font emparé des assemblées ; le bon goût a déserté avec les connoisseurs, &le mauvais a obsédé messieurs de toutes parts.
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On juge ailement que le concours n a pas été moins grand cette fois que les deux précédentes.
Le secretaire, fort empressé de voir augmenter a foule, s'y est prêté de son mieux par des irrangements intérieurs plus commodes pour le îublic.
On a déjà dit qu'on avoit transformé les antiauteuils auxquels l'académie étoit si fort attachée , en fauteuils moins volumineux : par une îouvelle métamorphose , on les a changés en cabriolets) petits sieges de boudoir qu'on trouve d'ordinaire dans les appartements de filles : les membres graves de la compagnie, & sur-tout les vieillards, en ont gémi. On a aussi substitué à ia table immense autour de laquelle fiégeoient messieurs, une table plus étroite & vraiment mesquine. On a gagné ainsi un rang de places ie chaque côté. Du reste , on ne peut que rire .le la puérile importance que le secretaire mec i tout cela; il s'en occupe essentiellement ; il ivoit redoublé de précautions cette fois en faisant poster des sentinelles à tous les endroits par où ïa curiosité industrieuse des amateurs auroit pu pénétrer en fraude; il a encore fait changer la :ouleur & !a forme des billets pour prévenir l'adrelTe des faulTaires.
Oo a été agréablement surpris au débit du discours du récipiendaire. Outre le mérite de la briéveté, il a celui d'une simplicité noble; l'auteur n'y dit que ce qu'il faut, & passant légèrement sur lès points qu'il est obligé de traiter , il s'arrête sur le seul curieux pour les spectateurs, & susceptible ce détails couveaux & intéressants j c'est-à dire , sur l'éloge de M. de Belloy, (OR prédécesseur, qu'il enrichit d'anecdotes.
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Le- récipiendaire n'a cependant oie parler de cel!e par laquelle il est constaté que M. de Belloy a été comédien en Runie; ce qui l'auroit exclu de l'académie, si l'enthoufiafine n'avoit forcé les fuftrages de messieurs, & ce trait sans doute devenoit un des plus glorieux pour le défunt. On ne croit pas que M. le maréchal se foit donné la peine de composer lui-même cet écrit ; mais il a choisi du moins un bon faiseur, & l'on ne peut qu'applaudir à son discernement.
Par une bizarrerie qui n'a point échappé aux.
spectateurs , la réponse du comte de Buffon , le > directeur, éroit fort inférieure au difeours du récipiendaire, & le grand seigneur, pour l'élo-
quence académique l'a emporté sur l'homme deil lettres. De petites idées , une morgue déplacée, un ton précieux ont déparé le commencement du) fien ; il s'est trop appesanti sur l'ambassade de M. de il Duras en Elpagne, qui ne fera jamais une époque mémorable dans sa vie : sa digreilion sur la il itécemié de la concorde parmi les gens de lettres : éwit infiniment mieux placée ; elle lui a (e.rvi l' de transition pour célébrer l'ame pacifique de >1 l'académicien désunt ; il a reconnu judicieufe-5 ment que son vrai mérite étoit d'avoir choisi les sujets de ses tragédies parmi les héros de notre nation, mérite dont M. de Voltaire lui avoit i donné l'exemple dans la' Henriade ; il observe Ji même que c'était M. de Duras , son successeur actuel , qui avoit fourni à M. de Belloy l'idée du Siege de Calais ; ce que le poëte avoit avoué ài ses amis : obligation dont l'académie a cru ne pouvoir mieux acquitter la dette , qu'en priant a M. le Maréchal de prendre la place vacante.
16 Mai. M. de Miromesnil ayant déclaré à , M.
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M. Cœur de Roi, premier président du conseil souverain de Nancy , & à M. de Riaucour, premier président de la chambre des comptes de la même ville , que les circonstances ne lui permettaient pas de s'occuper en ce moment du procès élevé entre ces deux cours, d'une part, & les officiers du .parlemènt de Metz , de l'autre , pour savoir s'il étoit expédient de rétablir cette compagnie ; ces messieurs s'en font retournés chez eux, & tous ceux qui étoient à Paris pour le même objet en ont fait autant. Ce qui défoie là ville de Metz & ceux qui tiavailloient à lui faire rendre son parlement.
17 Mai. Ce qui a faix croire que M. Turgot anoit le département de Paris , c'est que depuis qu'on a établi une armée de la haute & balle Seine fous le commandement du maréchal duc de Biron , c'est de ce ministre que le général reçoit l'ordre qu'il va prendre tous les jours ; c'est a lui qu'il rend compte , & c'est lui qui est même ministre de la guerre <en cette partie; du reste, Je service se fait toujours avec la plus grande régularité : M. de Poyanne a fous M. de Biron 1 le département de la haute Seine, & M. le comte < de Vaux celui de la baise. Les officiers font obligés d'être confiamment en uniforme.
17 Mai. La nouvelle ordonnance concernant l'infanterie fiançoife fait un bruit du diable - parmi les militaires, en ce qu'elle réforme cette quantité de colonels à la fuite des régiments , dont le nombre s'était accru jusqu'à mille ou douze cents. C'étoit une invention du duc de Choiseul, qui, pour se faire plus de créatures, avoir ainsi multipliés les grâces. Ces messieurs s'étoient flattés que par leur multitude , leur
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îiaidànce & leurs entours , ils échapperoient à la réforme. Et ce coup en a été plus rude pour eux. Il est dit que leur service, pour monter au grade supérieur & même pour celui de colonel, ne courra qu'autant qu'ils feront en activité, à xaifon de six ans en temps de paix , & de trois ans en temps de guerre.
M. de Choiseul avoit introduit un autre abus à l'égard des majors, qu'il prenoit indistinctement parmi les officiers les moins expérimentés, .& même qui , dans ton systême , dévoient être choisis parmi les plus jeunes. On ne pourra plus monter à ce grade qu'après vingt ans de fer vice.
En un mot, un esprit de justice & de sévérité paroît avoir été le principe de cette ordonnance, bien essentielle pour rétablir la discipline parmi notre noblesse énervée. M. le comte du Muy n'ayant de long-temps à répandre des grâces, toutes épuisées par ses prédécesseurs , veut se distinguer par l'austérité de Ton ministere.
19 Mai. Il y a grande apparence que les sieurs Sauria & Daumer n'ont été mis à la Bastille que pour la forme, & faire voir au peup!e qu'on s'occupoit à découvrir les auteurs des calamités publiques. On ne doute pas qu'ils ne soient relâchés incessamment.
Le sieur Daumer, peu connu, est l'intendant & le prête-nom du sieur le Rtz de Chaumont, intendant des Invalides , grand économiste , 8c cependant grand monopoleur.
19 Mai. Dans la séance publique de l'acadé-' mie françoise du 15 de ce mois, M. l'abbé de Ville a lu la traduction en vers du quatrième ïivre de l'Enéide. On connoît déjà celle qu'il a
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faite des Georgiques du même auteur , & les enthousiastes de ton ouvrage attendoient avec impatience la nouvelle esquisse annoncée depuis long-temps avec les éloges que prodiguent à outrance toutes les coteries modernes. A juger du ton de cette traduction par celui de l'académicien dans Ton récit, il n'a pas pris le ton de ion modele. On fait que le chant en queftiom ,ef} sur-tout en lentiment, qu'il en est la partie essentielle, & que le poëte fernble s'y être oublié pour ne laisser dominer que le langage touchant de la passion tendre de l'infortuné Didon : pourquoi donc M. l'abbé de Lille , les yeux étincelants & précipitant sa voix rauque, a-t-il débité les vers avec tout l'emportement d'un poete forcené, au point que ne pouvant soutenir ces élans d'énergumene, il a été obligé de se reposer ? Cette déclamation trop emphatique a empêché de suivre la lecture & d'apprécier la production. On fait qu'en général il a beaucoup d'harmonie, qu'il entend à merveille le méchanisme du vers ; que dans ses Georgiques la partie technique, la plus difficile à rendre , est la mieux traitée ; & qu'au contraire , dans les morceaux d'ondtion , de sensibilité , il échoue, & ne sauroit lutter contre son original : autant qu'on en a pu juger, il n'ell: pas plus heureux dans l'Enéide.
On ignore s'il Ce propose de la traduire toute entiere , mais on peut lui prédire d'avance qu'il ne fera pas lu , s'il veut avoir ainli toujours à la bouche les éclats bruyants de la trompette. La Henriade est peut-être le seul poëme épique françois qui fera confiamment admiré de nous, parce qu'il est le moins long des poëmes de cette espece, -qu'il est très - intéressant pour les François.
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e que son auteur a une magie de style dont on ne doit pas compter qu'il laisse le secret à perionne.
19 Mai. Suivant ce qu'on écrit de Nancy 7 l'événement du coup d'éclat fait par l'enlevement subit des membres de l'association mystérieuse sur laquelle on faisoit des conjeaures à perte de vue , s'est réduit à rien ; c'étoit tout bonnement Une loge de franc-maçons, & la chose n'a tourné qu'à la confusion des chefs qui auroient du prendre avant de meilleures informations.
zo Mai. Il y a quelque temps qu'on a enrégistré au parlement un édit portant création d'une tournelle civile, c'est-à-dire , d'une nouvelle chambre composée des membres de la tournelle criminelle présidés par le premier président, pour se tenir à des heures extraordinaires , & expédier les affaires sommaires de la grand'chambre. L'objet de cette institution est d'accélérer la justice , & est fort approuvé. Elle ne doit duret que jusqu'au temps où l'on fera au courant.
to Mai. Il y a certainement deux curés arrêtés; ravoir, celui de Férol, & celui de Chévri , dans le pays de Brie. Leur grief est d'avoir donné de l'argent à leurs ouailles pour aller chercher du bled à n livres le setier, & de l'avoir recelé enfuire chez eux. L'un d'eux a près de quatrevingts ans. Le curé de Noisy-le-Grand , coupable du même délit, n'a point été arrêté ; il a prévenu l'orage , & en a été quitte pour une forte semonce.
Le substitut du procureur-fiscal de la dame Michel, à Villiers dans le même canton , accusé
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d'avoir contribué a romenter les émeutes es disant qu'il avoit des ordres du Roi dans sa poche pour faire donner le bled à 12. livres, est en fuite, & recherché avec foin. Le garde-chaire du fleur Bouret de Valroche) fermier- général 9 est arrêté pour le même délit ; celui ci est de Croissy, toujours dans le même canton.
i i Mai. L'éloge de Bossuet lu aussi par M. ci' Alem--: bert le jour de la réception de M. le maréchal duc de Duras, est plus généralement goûté qu3 le précédent. Le panégyriste a paru s'élever avec son héros, & se dégager de tous les défauts qu'on lui reproche dans les autres productions du même genre. Il y a apporté une grande févésité , foit dans le choix des matériaux, foit dans la manière de les enchâsser & de les rendre, II a même épuré son (tye, moins haché, moins trivial, moins disparate que de coutume. Eh ï qui en issant ce modele des orateurs, en se pénétrant de son éloquence , n'acquéreroit pas ea effet plus de noblesse & d'énergie : si des auteur.
ont perfectionné notre langue avant l'évêque de Meaux , celui-ci y a porté une empreinte de grandeur inconnue. C'est sur-tout dans la chaire qu'il a déployé son génie, & quel éloge n'est-ce pas en faire en disànt qu'il a formé Bourdaloue !
L'historien fait grand cas des oraisons funebreg de Bossuet ; mais il donne la préférence au dtp cours sur l'histoire univefelle. Il disculpe ce grand homme du reproche d'avoir tout ramené à la petite horde des jtiifs; ce qui au contraire rend ce chef-d'œuvre plus admirable , par l'art avec lequel il lie les événements à la religion , le priti- cipal objet de son travail.
Les querelles élevées entre Bossut & FénéloB.;,'
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devoient a coup sur entrer pour beaucoup dans l'hrftoire de chacun. On a preilenti dans l'éloge du dernier que M. d'Alembert avoit pour lui une partialité secrete, & n'aimait pas l'évêque de JMeaux. Aujourd'hui il a fait valoir tout ce qui pouvoit disculper le persécuteur de l'archevêque de Cambray. Bossuet chérissoit personnellement son rival ; mais l'austérité de Ton caractere ne lui permcttoit pas de ménager un homme dont les qualités séduisantes n'en rendoient les erreurs 19-ue plus dangereuses. Il cite une anecdote qui peint mieux que tous les discours l'ame inflexible de ce prélat. Comme il sembloit exiger encore davantage de Louis XIV : cc Mais f lui dit le moln narqae , qu'auriez-vous donc fait si j'eusse » décidé en faveur de FénJorj -$ULi j'aurois M crié cent fois plus haHt 0 Entre les obligations de la France envers Bossuet, il ne faut pas compter pour peu ceïït d'avoir présidé à Tafleirblée du clergé, où furent ignées en T 681 les fameuses propositions deftructives du pouvoir usurpé des papes. M, d'Alembert prétend qu"lnnocent XI fit offrir au prélat Je chapeau de cardinal , à condition de rester fermement attaché aux prétentions de Téglife maine, 8t il observe que le monarque le p!u&.
magnifique, le plus grand prince du monde, ne fut pas le récompenser aussi généreusement de son zele pour l'autorité royale.
Le beau contraste que présente l'historien en peignant ce fubiime orateur qui , après avoir étonné la cour & la ville par son éloquence , se faisoit un devoir d'aller caréchifer ses ouailles dans les villages de son diocese , de se mettre à la portée des plus simples , & apportoit autant.
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de zele k leur inftruétion qu'il en avoit mis à celle de ton auguste pupille (*).
On le défend de l'imputatiob du mariage secret dont certains critiques l'ont accusé avec Mlle.
Defvieux : on fait voir l'absurdité d'un pareil bruit , l'incompatibilité de cet état avec la vie laborieuse du prélat. On rapporte à cette occasion une naïveté de Ton jardinier; elle caractérise.
mieux que tous les discours Ton application Se le genre de ses études. Un jour que Bossuet lui- (teipandoic des nouvelles'de son potager : Pardi, 'Vous vous en embarrassez, bien , lui réplique le rustre : ce ferait bon si je plantions des saint Jérôme & des saint Augustin. Ces deux pcres de l'église étoient en effet ceux que Bossuet goûtoit le plus il défendoit sur-tout la doétrine du dernier, c'est ce qui le rendoit ennemi des jésuites : n'osant l'attaquer ouvertement, ils l'ont toujours décrié-' - sourdement, autant qu'ils ont pu. Ce qui donne lieu à M. d'Alcmberc de faire une digression sur Maimbourg qu'il dénigre trop.
En voila suffisamment pour donner une légere idée de cet éloge qu'il faut lire en entier : il est rempli de détails sur Louis- XIV , sur ses ministres, sur sa cour & sur l'histoire littéraire de ce temps-là. Nous finirons par une anecdote à laquelle il a donné lieu. Le secretaire en parlant du zele apostolique de Bossuet, a saisi cette occasion de louer celui -de M. l'archevêque de TouJoure d'aujourd'hui, au sujet des charités abondante! de M. de Brienne dans son diocese , dont
(*j Il faut se rappeller que Bossuet avoit été précepteur de Monseigneur.
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les papiers publics ont fait mention relativement à la maladie épizootique qui a dévasté cette province. Tous les spectateurs ont regardé le prélat académicien, & l'ont applaudi avec tranlport. Une noble confusion a couvert Ton virage, des larmes douces ont coulé de ses yeux , 8c les applaudissements de recommencer & de redoubler.
2.2, Mai. On a déjà élargi beaucoup de prisonniers , détenus pour raison des émeutes : on présume qu'on ne pouffera pas plus loin les recherches. Il est cependant des gens obstinés à croire .qu'il y a un plan de machination ourdi par des mains exercées à de pareilles manoeuvteq , & qui les attribuent aux jésuites ; parce que MsMamc* & Monsieur favorisent cet ordre, ils veulent que ces boute-feux se prévalent de leurs augustes Coobtiens pour échapper aux recherches Se aux pu* nitions qu'ils mériteroient : calomnies si abfucdes, qu'elles ne méritent pas qu'on les réfute, & se détruisent d'elles-mêmes.
n Mai. Quoique M. le maréchal duc de Biron soit assez disposé à garder fin commandement de l'armée de la haute & baffe Seine pendant un an, on espere qu'ap:ès le sacre on licenciera les troupes dont ladépenfe est. énorme. On l'évalue à près d'un million par mois. Cependant comme le bled renchérit , & le pain conséquemment, on fera peut-être envisager au Roi la nécessïté d'épouvanter les peuples, & d'empêcher les malheureux d'occasionner de nouvelles émeutes 13 Mai. M. le prince de Marfan & M. le comte de Montbarrey avoient depuis long-temps un', procès au conseil : il a été jugé le n. Le premier a gagné, Il auroit été ruiné s'il l'eût perdu
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Éfeft un objet pour lui de deux millions de le, perte au gain.
zi Mai, Messieurs du grand-cdnfeil ont enrégistré l'édit qui les concerne, fixant la finance de leurs charges dont sa majesté leur a fait présent, & les gages y attachés.
15 Mai. M. le garde-des-sceaux, sur les re" présentations des députés des états de Bretagne & du parlement, a déclaré en plein conseil qu'ilavoir surpris la religion du Roi, en faisant donner par sa majesté des lettres-patentes qui attribuoient au grand-conseil la connoissance des affaires de certains membres du parlement intermédiaire de cette province ; en conféquence- il a supplié sa majesté de les retirer ; ce qui a été fait. On loue beaucoup le courage de ce chef dela magiftratute, fachant ainsi revenir sur ses pas » ce qu'ignoroient les ministres de Louis XV.
18 Mai. Madame Saurin est allée voir tous les ministres depuis la détention de fan mari à la; Bastille, & a été mal reçue de tous, sans qu'aucunlui ait articulé des griefs contre le prisonnier.
Elle assure que les comptes de cet accusé font en, bonne regle, entre les mains de M. Albert, qui a-uroir pu le justifier pleinement en les produisant y mais elle le regarde comme l'ennemi 1g plus capital du sieur Saurin. Quant au fiellr: Daumer, son fort dépend de celui du premier, dont il étoit l'associé. Il se confirme que ce Daumer avoit été précédemment attach é au ifeuc" le Rez de Chaumont, & l'on ne feroit pas surpris que celui-ci, d'une réputation fort éguiv,,' que, se troudt compromis.
2.9'Mai. L'édit concernant les charges du Cha < îêl&t paroît enfin, & acte enrégisté au parUr^eîsr,
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1 Juin 1775. Sur les représentations du Ch..
telet à M. le garde-des-sceaux concernant fo tiédit plein d'irrégularités, d'inconséquences & d'inepties ,.il a fait travailler à les réparer. En conséquence, après de longs délais, il a envoyé au parlement une déclaration donnée à Verfailies le 8 avril. Elle a été enrégistrée le 11 mai.
Les principaux vices de cet édit consistoient en ce qu'on avoit compris dans l'état y annexé des officiers décédés depuis 1771 ; d'autres revêtus d'otfices incompatibles ; qu'on_ en avoir omis d'existants , & qu'on avoir oeblié de faire faire partie des soixante-quatre offices de cette compagnie aux offices vacants.
En conséquence on a dresse un nouvel état des noms des conseillers existants au Châtelet.
pour constater ceux qui font aujourd'hui revêtus d'offices du nombre des cinquante- six anciens , donner aux pourvus d'offices de la création de mai 1771 , qui y font dénommés en remplacement de leurs susdits offices, tant les cinq offices du nombre des cinquante six anciens remboursés , cjue les huit de la création de l'édit de décembre 1774, & assurer aux propriétaires des offices actuellement vacants du nombre des cinquantesix anciens la disposition d'iceux ; & comme par l'édit de décembre on a révoqué celui de mai1771, contenant création de différents offices dans le Châtelet, & que les treize derniers dénommés audit état , ont levé aux parties casuelles les offices susdits, dont les quittances de 6nance ne doivent pas subsister au moyen de la révocation d'icelui , on a cru du bon ordre, & con forme aux piincipes d'adminiitracion des finances de changer cette forme, en éteignant lesdites
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quittances , & en en faisant expédier dé nouvelles CD remplacement , &c.
Cette déclaration, comme on en peut juger par le résumé qu'on vient d'en donner, est encore très-obscure, très-embrouillée & très-suscep, tible conféquemnrent de difficultés. Les faits les plus clairs qui en résultent, font qu'il y a actuel- lement six offices vacants , que sur les treize de la création de 1771 , les cinq premiers titulaires sur offices d'ancienne création-, ont été reconnus légitimes membres de la compagnie j que les huit autres font obligés de lever les huit nouvelles charges, n'ayant été jusques-là regardés que comme intrus.
Il en résulte encore qu'un nommé Deflers , l'un des pourvus d'offices en 1771-, se trouve aussi.
vacant , mais désigné pour remplacer le premier desdits huit offices de la nouvelle-création qui' viendra à vaquer.
Les officiers du Châtelet supprimés jouiront de leurs gages pour tout le temps de leur destitution, jufques- au moment de leur réintégra- tion, comme s'ils avoient exercé pendant cet' intervalle.
Déformais les gages de ces offices feront de: 400 livres. Les pensions accordées par les lettrespatentes du 11 novembre 1771 , aux doyens de chacune. des quatre colonnes , subsisteront &', feront', ainsi que les gages , assignées sur la recette.
générale des finances de Paris.
3 Juin..Le sieùr Bourboulon, ci - devant l'un des aides-de-camp du fleur le Clerc au trésor royal pour la parrie des fonds dont ce commis en chef avoit le département, vient derre renyoyé ; dès le commencement du ministere det.
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M. Turgot, il en avoit reçu une injondtion de réprimer son luxe insolent ; depuis y ayant eu des motifs de plaintes plus graves sans doute , il n'a pu prévenir l'orage. Il est remplacé par M. Drouais de Santerre, payeur des rentes réformé, placé au trésor royal en dédommagement, & dont les qualités eflenticlles ont prévenu le ministre au point qu'il lui a conféré cette place, non-seulement sans qu'il la sollicitat, mais à son iDfu.
3 Juin. M. le prévôt de Paris, qui a beaucoup de morgue , s'est imaginé qu'on ne pouvoit examiner le procès de M. le comte de Guines sans lui, & qu'il lui convenoit de présider an jugement d'un ambassadeur. En conséquence , il n'a pas manqué de se trouver à toutes les féanecs depuis qu'il est question du rapport, & il ne fait qu'embrouiller la matiere par son ineptie, airlieu de l'accélérer; ce qui est cause du retard. Il a fallu prolonger la colonne qui change tous les mois, par des lettres - patentes ; on espere pourtant que cela finira aujourd'hui. On fait que le prévôt de Paris, quoique chef du cliâtclet, ne prononce jamais ; c'est son lieutenant qur pir le. Il n'a que sa voix comme les autres. La formule est feulement, M. le prévôt de Paris dit, &c.
Tort vient de faire paroître un dernier mémoire, dont le sieur G oui uni des Audrais est le principal objets il y est traité avec un mépris biett humiliant pour ce capitaine d'infanterie, cidevant chargé des affaires du Roi, résidant el: Berlin.
4 Juin. L'opéra de Céphale & Procris se trouvant absolument abandonné, les directeurs d £
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l'académie royale de musique ont été obligâ de donner Orphée & Euricide. MalheureufemenÊ il a fal u faire remplir le rôle d'Orphée par le lieur TITof; ce qui a produit un très - mauvais esser.
4 juin. L'édit du Roi qui fixe la finance des offices du grand-conseil , penlions & indemnités attachées auxdits offices, a été donné à Versailles au mois de mai dernier & enrégistré audit tribunal, iessemestres assemblés le 24 dudît mois.
Le Roi fixe toujours le nombre des offices à y 43 en conséquence supprime deux charges des 56 actuellement exilantes , lorsqu'elles viendront à vaquer par mOI [ seulement, dont la finance fera remboursée aux propriétaires desdits offices ou à leurs representants.
Le premier président a 12,000 livres de gages chacun des huit préfidentsa 3,0:0 livres, chacun des conseillers 450 livres , chacun des avocatsgénéraux 3,800 livres , dont 2,000 livres pour gages, & 1,800 livres pour pension ; le procureur-général 5,315 livres, chacun des huit substituts 150 livies, le greffier en chef 900 livres, chacun des deux doyens de semestre aura $,000 livres de pension, chacun des deux fous-doyens 1,500 livres , deux conseillers de chaque semestre au choix du Roi auront chacun 2,000 livres.
En outre sa majesté accorde annuellement aux' dits officiers pour leur tenir lieu d'épices & dé vacations les 7 5,000 li vres d'indemnité, portées par les lettres - patentes du 2.8 janvier 1768, dont 6,800 livres à prélever pour les substituts du procureur-général, celle de 1,000 livres au profit de celui commis pour en faire la, recette
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& distribution , & enhn les gages du garde des archives, titres &. de la bibiiotheque du grand-conseil.
La finance des offices de présidents est fixée à 60,000 livres, celie des conseillers à 15,000 livres) celle des avocats-généraux à 50,000 livres , celle de greffier en chef à 50,000 livres, celle des substituts à 10) JO:) livres , 3c sa maiesté fait don à chacun de cette finance pour en jouir, & vendre ensuite à volonté.
5 Juin. Il paroît un arrêt du conseil qui fixe la durée du temps pendant lequel la ville de Rheims aura ses entrées libres & exemptes de tous droits suivant le privilege dont elle jouit au sacre des Rois. Cet eipace est d'environ trois semaines, & il doit être accordé une indemnité aux fermiers-généraux , suivant le relevé qu'on sa a du montant ordinaire des droits à pareil espace de temps.
5 juin. M. le contrôleur-général ne fuit point le Roi à Compiegne. il reste à Paris pour veiller à l'approvisionnement de cette capitale. Ce qui indique combien il exige d'assiduité, de vigilance & de foin.
6 Juin. Or. écrit de Brest que M. de Querguelin en est parti à cinq heures du matin le jo mai t accompagné de deux sourriers des troupes de la marine , & d'un exempt de la maréchaussée de la marine , pour se rendre au chàteau de Saumur.
7 Jttin. On a enfin une copie exacte de l'importante réponse du Roi à la cour des aides le 30 mai, au premier président assisté de deux présidents.
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R' É- F Q. Nr S E : D U R O î;
« Je me fuis fait rendre- compte de vos différentes remontrances.
sa Sur les premieres, mon intention en rétablis- iant ma cour des. ads ) a été de maintenir le Ifeon ordre, dans les délibérations, sans gêner les
suffrages , & mon ordonnance du mois de novem!bre 1774., ne contient dans sa plus grande partie IGne le renouvellement des anciens règlements i flue. je veux remettre en vIgueur.
33. Pour ce qui concerne spécialement l'article 28 , Monsieur ira demain vous faire connowre mes intentions.
fJ..Par les secondes remontrances, dans lesquelles vous trairez <ie tous les impôts & même.de pref'q:pe toutes les parties de l'administration , vous
n'attendez pas que je vous fatfe ma réponse déi taillée, sur chaque article. Je m'occuperai successivement à faire les réformes nécessaires sur tous les 1 objets .qui en. feront ftiCceptibles; niais ce ne fera
ppint l'ouvrag e d'un moment, ce .fera le travail, de. tout mon regne.
n Cependant, comme il y a quelques objets sur Ilefquels vous avez, désiré de savoir promptement ines intentions, mon garde-des-sceaux va vous les .! faire connoître.
M. le garde-des-sceaux,:a dit : et Messieurs, le Roi fait toujours gré à ses cours.
du zele qu'elles lui témoignent. en lui donnant, des avis fide'es sur l'administration de son royaum-e & sur tous. les objets de leur compétence. 1 M Sa majesté n'ignore pas quel'excès des impôts
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est le plus grand-malheur de ses sujets, & elle regar- dera comme un premier de Tes devoirs , celui de soulager son peuple , foit par des diminutions d'impositions , foit en corrigeant leS abus qui peuvent se trouver dans la répartition & dans la perception.
» Mais le Roi sait aussi que s'il existe réellement des abus , il ne faudroit les faire connoître au peuple que dans les moments où l'on peut y remédier, & qu'il est dangereux d'augmenter l'animofiré des contribuables contre ceux dont le ministere est nécelïaire pour la levée des impôts.
Sa majesté ne doute pas que vous n'ayez fait' les mêmes réflexions, & votre intention en faisant vos remontrances n'a certainement pas été de les rendre publiques , mais feulement d'instruire la religion de sa majesté.
n Vous ne ferez donc pas étonné des mesures extraordinaires que le Roi a prises pour en empêcher la publicité. Ce que vous désirez est, que le Roi sWçupe de venir au secours du peuple, & à cet égard vous pouvez être certains que vos vœux feront remplis; mais vous ne délirez pas (]u'il reste dans vos registres un monumentpropre à perpétuer le souvenir de ces malheursque le Roi voudroit pouvoir faire oublier.
» Vous avez supplié le Roi de s'expliquer furles- défenses faites à la cour des aides en 1768 & 1770, de Cuivre différentes procédures, & sur les arrêts du conseil portant évocation. Ces astes n'ont eu pour objet que des affaires particulières que le feu Roi a voulu terminer, & ne doivent apporter aucun changement à l'ordre judiciaire.
Vous deyez donc continuer de veiller au maistr
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tien des loix dont l'exécution vous est confiée.
» Tous les autres objets de vos remonttanceg méritent la plus longue & la plus parfaits discussion. «
7 Juin. Les dernieres séances des pairs au palais avoient été précédées de plulieurs mémoires pour les éclairer, entr'autres d'une vue générale sur la procédure du Châtelet déclarée nulle & incom.
pétcnte parles arrêts des 2.3 & 14 mai, de la part de M. Vedel, pour faire sentir la nécessité de faire écrouler le sur plus de cette procédure , & d'un précis de l'affaire du maréchal duc dit Tkichdicu , contre madame de s aint* fin cent t pour qu'on ue lui accorde pas Ton éiargifllmenc.
8 Juin. Vendredi dernier 1 juin , (a majesté a nommé toutes les personnes qui doivent être auprès du futur enfant de madame la comteflfc d'Artois, 8 Juin. M. le comte de Guines est parti pour son am bailade à Londres, La cour l'a regardé comme justifié suffisamement, quoique le jugement ne soit pas complet en sa faveur, & que l'opinion publique foit encore contre lui ; on ne croit pas qu'il foit bien reçu en Angleterre. Mais on ne peut assez être surpris comment la chance a tourné en sa faveur.
8 Juin. Quoique M. Turgot eût arrêté de rester à Paris pendant l'absence de sa majeaé) comme elle ne peut Ce passer de ce ministre, elle l'a déterminé à venir avec elle , d'autant que son sejour ici pourroir faire renaître des alarmes qu'il étoit bon de dissiper. Mais le maréchal duc de Biron demeure toujours pourvu du généralat de l'armée de la haute & balTe Seine; il a pris les ordres de sa majesté avant qu'elle partît, & lui
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a demandé la permission de ne point se trouver à Ton sacre , pour remplir les fondions plus importantes dont elle le chargeoit dans la '; capitale. 1.
9 juin. Me. Bonichon, procureur de Lyon, qui n'a reçu que 189 livres pour les frais de feiz?
procès suivis de seize sentences, & cependant condamné comme concussionnaire au conseil supérieur de Lyon à la requête du sieur Puligneux r.
ci-devant procureur du Roi dudit conseil, qui le fit arrêter, a trouvé accès au pied du trônej il a démontré son innocence : il a été, par un arrêt du premier avril, déchargé de l'accusation & autorisé à- se pourvoir en prise à partie au Roi contre son accusateur : sa majesté a nommé quatre confeiliers d'état pour commissaires & un' maître des reqyérss pour rapporteur, Une Lyon- noise vient aussi d'obtenir un airét du même mon, qui l'autorité à se pourvoir au Roi en prise à partie pour avoir été mise au cachot , flérrie, déshonorée, sans procédure légale, par Jes manœuvres & vexations dudit Puligneux..
Cet inique magistrat avoir trairé de la charge de premier préudënt de la cour des aides de Montauban ; mais on ne veut pas l'y recevoir.
10 juin. Ce feroit une loi illusoire que celle qui permet le commerce de grains de province à province dans tout l'intérieur du royaume , si ] l'on ne rendoit ce reversement praticable ou Ë moins frayeux par des communications, par des-t chemins & sur-tout par des canaux ; maniere la moins dispendieuse de transporter : le gouvernement , très - attentif à cet objet ,* s'en occupe essentiellement, & le canal de Bourgogne dont il M est quvftioa depuis long-temps, va enfin avoir lieu., : ..1
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to Juin. La ville de Lyon , pour le rendre l'abbé Terrai, alors contrôleur - généra!, pius- propice à l'égard de certains droits d'octrois &autres importions dont il la chargeoit injuftcment, avoit fait présent au sieur Destouches , son ame damnée, d'une somme de 14,000 liv.
& de 9,000 de bijoux à sa femme. Les lettrespatentes n'en furent pas plus favorables , & il fallut payer. Depuis peu cette capirale a réclamé It a fait entendre ses plaintes à M. Turgot, qui , instruit de cette vilenie , a fait écrire au sieur Destouches qu'il eût à restituer les 3 3,coo livres en question, 00 qu'il les feroit prendre sur lesfonds qu'il avoit dans plusieurs affaires.
Le sieur Barberie , premier commii de M. Ber- tÍn, secretaire d'état chargé du département de
cette provi nce , ay ânt t(),OO liv. pour le même objets n'a pas été moÍOi forcé de les regorger.
11 Juin) On peut se rappeller la discussion itrie à Versailles de la part du sieur Berthier, directeur de l'imprimerie de la cour, qui répandit des mémoires, où il compromettoit fort l'honneur du sieur Dupejron, direaeur de l'imprimerie royale à Paris, en démontrant que celle-ci coûtoit infiniment plus cher : apparemment que le der* nier s'est justifié, car il reste vainqueur. On a décidé que l'autre imprimerie feroit supprimée , & que le sieur Duperron rentreroit en possession du tout, dont il auroit la direction excluúve.
1 11 juin. On vient de publier le procès-verbal de ce qui s'est pr iTé à la séance tenue en la cour des aides de Paris, en présence de Monsieur, frere du Roi, le mercredi 31 mai 1775.
Il est: constaté par-li que Monsieur étoit assisté
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de M. le maréchal de Clermont-Tonnerre & de MM. d'AguelTeau , doyen des conseillers d'état , & Chaumont de la Galaisiere, auili conseiller d'état; que dans le rang des conseillers fiégeoient trois des jeunes conseillers au Chitelet de la promotion de Maupeou, que cette cour a bien voulu admettre parmi ses membres.
La déclaration datée de Versailles le 18 mai , & enrégistrée ce jour-là sans délibération libre, porte que le Roi a reconnu la légitimité du droit réclamé par les oiffciers de la cour des aides , d'être jugés en matiere criminelle par ceux ql1,i ont séance en cette cour, & notamment par les princes du fang & les pairs de France , membres essentiels de toutes les cours supérieures ; & que dans le cas où les officiers de la cour des aides fufpendroient l'administration de la justice , eu donneroient leurs démissions par une délibération combinée, & refuferoient de reprendre leurs fonctions, au préjudice des ordres de sa majesté, la forfaiture fera jugée par le Roi tenant sa cour des aides, à laquelle il appellera les princes de son fang, le chancelier , le garde-des-sceaux de France , les pairs de France, les gens du conseil, & autres personnes qui ont entrée & séance en ladite cour des aides.
Le di fcours de M. de Malesherbes est ad roit, en ce qu'il parle des remontrances dont sa majessé s'est fait remettre la minure, & qu'en r'" traçant cet aéle de despotisme, il rappelle le tableau desdites remontrances , & donne à entendre combien il dévoiioit d'iniquités & d'horreurs : ce magistrat gémit encore sur l'illégalité deTenrégiftrement qui va se faire , ainsi que sur la connoissance qui a été enlevée à la cour d~
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presque toutes les opérations de l'administration.
Celui de l'avocat-général Belianger voudrait ê.tre fore, mais ne l'eftpas, en ce que gémissant sur les coups d'autorité multipliés fous le feu Roi, il semble applaudir à ceux suggérés au jeune monarque , qui, plus fages dans leurs fins, n'en font pas moins des interversions , des infractions de l'ordre judiciaire.
12. juin. M. de Brunoy a mis opposition à l'arrêt du premier de ce mois dont on a parlé.
13 Juin. Autrefois la cavalerie & les dragons étoient cantonnés dans l'intérieur du royaume ; ils étoient répartis par divisions dans les villes , bourgs & bourgades, & l'on n'a point d'exemple d'aucunes émeutes arrivées dans lieux où ils étoient. Depuis quelques temps ces troupes font répandues avec l'infanterie dans les villes de guerre, fous prétexte de leur approvisionnement dont le Roi est chargé , & qu'il confie à des munitionnaires intéressés à cet arrangement. Un militaire zélé ( le baron de Houdan) a envoyé iUn mémoire à M. le comte du Muy pour lui rappeller cet ancien usage, l'utilité dont il étoit & dont il feroit dans le moment présent : il lui fait voir qu'en donnant aux officiers le même iprix de la ration pour hommes & chevaux J suivant celui des denrées où ces troupes feroient distribuées , sa majesté n'y perdroit rien , & l'on :préviendroit les désastres affreux arrivés depuis quelque temps dans diverses provinces , & tout récemment aux environs de la capital e & d.ns la capitale même.
13 Juin. On regarde le voyage de M. le comte de Guines à Londres , comme purement de palitade, & pour y manifester son triomphe : on
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affure même qu'il n'y fera que trors semaines , mais on craint que dans cet intervalle de temps il n'essuie quelque avanie du peuple Anglois.
peu favorablement disposé pour lui.
15 Juin. M. de Voltaire , toujours empressé à 'saisir l'à-propos, n'a pas manqué de dire Ton -avis sur ce qui intéresse & partage aujourd'hui la France entiere ; il vient de publier un petit écrit sur l'arrêt du conseil du mois de septembre dernier concernant le commerce des grains , & il est pour l'afifrmative , comme on le présume.
15 juin. Il y avoit une contestation sur la capitalité entre la ville de Châlons & celle de Troies. Elle n'avoit pas été décidée en 1722, au dernier sacre ; elle s'est renouvellée à l'occasion de celui-ci, à raison du pas & de la préséance, foit pour haranguer sa majesté , foit pour la.
cérémonie, &c. Elle a été jugée en faveur de la ville de Troies.
15 Juin. On répare une fontaine au coin de la rue de l'Arbre-sec, & au lieu de profiter de cette occasion pour faire quelque monument digne de la capitale, il paroît que Tartifte ne: fera qu'un bâtiment médiocre & mesquin.
18 Jnin. Messieurs du parlement ayant para: scandalisés de la prétention de la cour des aides: de vouloir être jugée pour le crime de forfaiture) en cour pléniere, & assimilée à cette premiers compagnie, elle a cru devoir prévenir la scission que c?tte demande pourroit faire naître & s'expliquer par un arrêté du 1 juin que voici.
« La Cour,toutes les chambres assemblées, déli:béran.t (ur la séance tenue le 31 mai par Monsieur, irere du Roi, & sur la déclaration qui a été enté-
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;iatéc", a protesté contre ledit enrégistrement, ec e qu'il a été fait sans prendre les voix & sans iéiibération libre.
» Et comme il est nécessaire de fixer & constater quels font ceux qui ont séance en la cour Se X quel est l'effet de cette ieance , la cour a arrêté lue, suivant les intentions du Roi consignées lans ladite déclaration & dans les anciennes lois lont elle est explicati ve & conformément à la constitution des cours supérieures & à l'essence ie la pairie , les princes du fang & les pairs de France jouiront du droit qu'ils ont toujours eu de siéger en la cour, avec voix délibérative.
comme dans toutes les cours supérieures , sans qu'on en puisse inférer que la cour veuille ou puisse procéder à la réception des pairs de France, juger la personne des princes du fang , & des pairs de France en matiere criminelle) ni concoure des affaires civiles qui intérefleroient leur état & leur dignité , ou l'honneur, ies droits !& les prérogatives de la pairie , & en général sans que la cour entende s'attribuer la connois.
sance d'aucunes autres affaires que de celles qui ont toujours été de sa compétence.
"Et quant aux gens du conseil, la cour a pareillement arrêté que les maîtres de requêtes reçus au parlement feront les seuls qui puissent en aucun cas siéger en la cour avec voix délibérative, & qu'ils ne pourront y prendre séance en plus grand nombre que celui de quatre & en la même forme que le parlement. M On ne croit pas que cet arrêté de la cour des aides foit fort agréable au parlement & le farisfaffe.
18 Juin. Des mouvements arrivés hier, jour
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de marché, à différents endroits où les boulan.
gers vendent leur pain , ont fait craindre quel<]ue nouveau complot. Heureusement ils n'ont pas eu de fuite, & ont été arrêtés à temps. Mais il est à craindre que cet esprit de fermenration qu'ils annoncent subsister encore , n'oblige de tenir sur pied l'armée de la. haute & balle Seine, qu'on se propoloit de licencier. Une augmentation que les forains exigeoient sur leur denrée, a été cause des murmures du peuple. On assure qu'ils ont eu ordre de s'en tenir au prix de treize fous & demi les quatre livres , taux auquel le pain est resté depuis l'émeute. En outre de mauvaises farines, que les boulangers font obligés d'acheter & d'employer par conséquent avec la bonne en certaine quanriré, alarment quelques citoyens prévoyants : cette contrainte atteste du moins que le gouvernement craint que la denrée ne manque, pour avoir recours à une substance auiïï pernicieuse.
19 Juin. L'édit concernant le Châtelet) publié en dernier lieu, n'a pas produit l'effet faiutaire que s'en promettoit M. le garde - des - sceaux : tout cet amalgamé n'engendre que des divisions, & les aociens restés avec le lieutenant civil en petit nombre , & réduits aujourd'hui à cinq , ne pouvant résister aux avanies qu'ils essuient journellement, font forcés de chercher acquéreur.
10 Juin. La reprise d'Orphée & Euridice dans cette faison n'a pas le même succès que l'été dernier. Sans doute que le sieur Tirot, faisant Je rôle du sieur le Gros, a beaucoup de part à cet rchec ; du moins c'est: à quoi les partisans du chevalier Gluck l'attribuent. Quoi qu'il en foit, il cft question de remettre le ballet de 1 "Union de
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de l'Amour & des Arts du sieur Floquet : ce qui fera d'autant plus d'honneur à ce musicien qu'il n'eil pas ici. Il voyage actuellement en Italie pour se perfectionner.
10 juin. L'infanterie françoise ne voit pas avec plaisir M. le chevalier de la Motte, lieutenant-colonel du régiment Royal-Comtois , élevé à la place de lieutenant de roi à Saint-Omer, que beaucoup d'officiers plus anciens sollicitoient, & même des officiers-généraux. On fait d'autant plus mauvais gré au comte du Muy de cette préférence, qu'elle ne semble accordée par ce ministre que par opiniâtreté & pour soutenir son ouvrage & son protégé. C'est M. de la Motte qui est l'auteur du désastre de son régiment dont on peut se rappeller l'histoire & le conseil de guerre qui l'a suivie à l'occasion de la scission survenue entre le corps des officiers, dont le plus grand nombre a été cassé, & c : ce qui a mis le corps en discrédit, au point que beaucoup ne- font remplacés que par des fergenty.
C'est M. le comte du Muy qui présidoit à ce conseil de guerre , pour lequel M. de la Motte est devenu la bête noire de l'infanterie ; en forte qu'il ne pourra qu'essuyer beaucoup de désagréments dans sa nouvelle place.
11 Juin. Louis XVI, étant dauphin , affectionnoic beaucoup un de ses valets de garderobe, nommé Grau : ce qui réjouissoit le jeune prince, c'est que ce monstrueux personnage pour le volume étoit en même temps très-chatouilleux & susceptible conséquemment de toutes les contorsions qu'excite ce genre de titillation. Cette aptitude à l'amusement du dauphin enfant avoit valu à te subalterne une pension de 1,500 livres ,
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CIlu'il lui a conservée depuis qu'il est monté sur le trône. Sans doute sa majesté , toujours bonne dans Ton intérieur pour ses domestiques, ne se livre plus à une telle familiarité, & goûte des amufernents plus proportionnés à Ton âge. Cependant, par une adulation de counitan, le fils du sieur Grau ayant été présenté au Roi en survivance du pere, le maréchal duc de Duras , •gentilhomme de la chambre en exercice , a fait sur lui l'expérience du chatouillement & a rendu compte à là majesté qu'il n'y paroilToit pas snsible , mais que cela viendroit.
zi juin. M. le comte du Muy , toujours fort occupé de ce qui concerne son département de la guerre, vient de faire publier une ordonnance très-volumineuse sur l'exercice de l'infanterie françoise , datée du 3c mai. On y a joint des cartes en grande quantité pour figurer les diverses évolutions des troupes dans toutes les circonttances. On ne peut encore asseoir aucun jugement sur les innovations qu'elle présente : on ne pourra prononcer pertinemment à cet égard qu'après qu'elle aura été méditée, digérée & mile en pratique par les militaires. Mais il s'enfuit très-évidemment que le ministre compte sur une profonde pnix pour avoir le temps de persectionner ces changements.
il Juin. Les sieurs Saurin & Doumer font fortis de la Bastille; on n'a pu trouver aucune charge contre eux. Ce qui prouve que le gouvernement, en les faisant arrêter, a voulu feulement faire ade de bonne volonté , pour découvrir, s'il étoit poflihle, la cause & les auteurs de l'émeute; mais qu'il D'étoit pvs mieux inftiuit que les WUCS.
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i? Juin. M. le comte de Guines écrit fie Londres qu'il a été visité & complimenté, k son arrivée par tout le corps diplomatique, & par les ministres de sa majesté Britannique : il ajoute que le Roi '& la Reine lui ont fait l'accueil le plus distingué & Pont comblé de bontés. Mais il ne dit pas comment il a été reçu du peuple, qu'on fait être quelque chose & même tout dans ce pays-là.
2.3 Juin, On peut se rappeller le propos séditieux tenu en chaire par un curé de Gournay sur Marne. Il est parvenu aux oreilles du ministere, qui a ordonné au commissaire départi, c'est-à dire , à l'intendant, de faire une information , & d'après le rapport qui en a vraitèm- •btab'eirienr évé fait au conseil , ledit curé a été enlevé mardi dernier 10 du mois en plein jour, sans qu'on fâche encore ce qu'il est devenu. Le clergé &• la magistrature s'accorderont sans doute pour crier contre cet alte illégal, d'après une p:occ i;m> extrajudiciaire ; acte qui paroitra d'autant plus defporique, que le propos ten.
pir cet étourdi , insultant les minières principalement , ils se trouvent aujourd'hui juges Se parties.
13 Juin. On a été feandalifé de voir au far.
parmi les douze maîtres de requêtes tiommés par le garie-des-sceaux pour y afIifier. le fleur de Maupeou, fils du chancelier, & parmi les six secretaires du Roi députés à cet effet, le fleur Mmgot de Danzay , un des membres du tripot" auioud hui du grand conseil. Ce peu de délicatesse dans la nomination des sujets annonça que ces personnages ne font pas dans l'exécration où ils devroient être. Il fembleroii que le
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représentants à une célémonie aussi auguste auroient dû être choisis avec plus de foin ; qu'il auroit fallu les prendre entre les membres les plus distingués par des sentiments & par des actes de patriotisme.
2.4 juin. L'affaire du parlement de Pau est toujours en suspens. Ce quia retardé cette opération & ce qui l'a contrariée, c'est que les états de Béarn se font absolument refusés à toutes sollicitations pour le rétablissement de cette Compagnie sur l'ancien pied, quelque effort que l'on ait tenté pour les exciter à cette démarche; bien
plus , lorsqu'on a voulu ouvrir cet avis dans l'assemblée, un des gentilshommes a opiné pour qu'on ensevelît fous terre (ce font ses expressions) avec autant de foin , tout membre qui agiteroic cette affaire, comme toute bête pestiférée , morte de la maladie qui a dévasté le pays des bêtes à cornes. La hauteur insupportable des magistrats est cause de cette aversion. On fait qu'ils avoient autrefois sérieusement agité de convenir entr'eux du temps qu'ils feroient attendre dans leur antichambre tout gentilhomme qui feroit dans le cas de venir solliciter un procès.
Malgré cela , M. de Miromesnil, qui est natuTellement disposé à réparer toutes les calamités de la magistrature, qui fent d'ailleurs que cette contradiction de laisser le parlement de Pau dans fan état d'abâtardissement résisteroit à ses principes & à ceux établis par sa majesté sur l'inamo.
vibilité des offices, ne se refuse point à la réintégration. Son projet feroit de rétablir les choses ainsi qu'en Bretagne , c'est-à-dire, comme elles étoient en mai 1765 , lors de la démission du grand nombre des officiers du parlement de Béarn,
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Mais ceux actuels, & le premier président, ¡'au.l teur de tous les troubles , bataillent beaucoup pour empêcher la réunion. Ce dernier sur-tout est à Paris à cet effet, & rcpréfente que les Supprimés étant à-peu-près en même nombre que less membres actuels, de cet amalgamé il résulteroit dans le fein de la compagnie un (cbirme très-funeste à toutes les affaires & qui ne s'étein- droit de long-temps. M. le garde-des- sceaux qui, de son naturel, est très-tâtonneur, a peine à fè décider & voudroit bien qu'on lui forçât la main d'une ou d'autre maniere, en forte que le mal ne roulât pas sur lui.
15 Juin. La chambre des comptes depuis qu'elle est délivrée des inquiétudes que lui ont causées si long-temps, fut Ion exigence & sur son état, le chancelier & le controlcur-général successivement & ensemble , est en proie à des querelles intestines assoupies pour 1 intérêt commun & qui le réveillent aujourd'hui. On fait que les présidents & maîtres des comptes voudroient se regarder comme les feules parties intégrantes de cette cour, & dégrader les correcteurs & auditeurs au point de ne les confidércr que comme membres accessoires. C'est pourquoi il ne vont que par députés) en petit nombre, aux assemblées des semestres sur les matieres d'enrégistrement ou intéressant la compagnie. Ces deux derniers bureaux voudroient revenir sur leurs prétentions, & attaquent celles du bureau des maîtres. Jusqu'ici cette querelle renouvellée n'a pas encore beaucoup transpiré au-dehors. Les gens fages de la compagnie défireroient en arrêter les fuites » & empêcher du moins le public, peu porté pour la cour, de s'en amuses & d'en rire. Il y a eu
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à cet effet une assemblée des semestres le lundi 19de ce mois, dont , suivant l'usage , il n'est rien léfuité de decilîf.
17 Juin. Dans le mémoire de M. Varenne cIe Beost le fils , on trouve un historique & des; anecdotes qui rendent ce personnage intéressant, ainsi que Ion pere, & méritent d'être recueillis.
On y apprend d'abord que le pere étoit un avocat distingué par les taleats de sa profession à Dijon ;.
puisqu'en 1719, n'ayant pas encore trente ans, il fut nommé conseiller des états de Bourgogne, Se en 17Ç1 on créa pour lui la charge de secretaire en chef des mêmes états , avec la survivance pour son fils aîné.
L'envie de le signaler dans sa nouvelle charge,, excita M. de Beost pere à former un projet de.réforme générale) en faisant agiter par les états des questions traitées pour la première fois. IL pouffa l'audace julqu'à employer sa plume foudroyante contre le parlement, aux décilions >, arrêts & arrêtés) duquel il avoit juré, comme avocat, de rester fournis inviolableinent. La distribution de ses mémoires faite à Paris, fous le Jiom d'un avocataux conseils, ne remplit pas fou projet de faire adopter son systême :., :¡if!' - entière: il tut fait en conséquence entre le libraire Defventes & lui un traité pour une nouvelle édition in-89. à la tête de laquelle fut mis une préface au-dessus de toute expression.
Le parlement de Dijon qui vit ses droits, son .honneur & ses prérogatives attaqués, fut le premier qui sévit contre cet ouvrage,qu'il fit lacérer & brûler au pied du grand escalier le 7 juin.
1762, au milieu d'une populace attroupée ; t, moignage de l'indi&nation publique coottç 1 eciiî-
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vain, & de l'attachement général au corps ifî* fuite.
Un arrêté solemnel interd'it aux membres (te cette cour outragée , toute liaison avec aucun de ceux qui portoient le nom de Beost : le grand nombre des habitants distingués de la capitale & de la province suivit cet exemple , & pendant un an que durèrent les troubles , la populace continua de faire éclater son ressentiment par des vers , des placards , des chants de triomphé & des orgies. Le pere & le fils furent donc obligés de s'expatrier.
, La cour des aides de Paris prit aussi connoissance du mémoire, & décréta M. de Beost pere de prise-de-corps; il se réfugia à Versailles , & sa majesté déclara par des lettres- patentes, du 15 juin 1763, qu'eile entendoit que tout ce qui s'étoit passé à l'occasion de cet écrit fût oublié , & le zg août, les portes ouvertes de l'ordonnance de la cour, il fallut, le genou en terre, que le sieur de Beost entendît la lecture de ces lettres qualifiées d'abolition. Avant la fin de l'année * il fut obligé de se démettre de sa charge de secretaire en chef des états de Bourgogne, qui fut supprimée. La cour qui le soutenoit, lui assigna pour dédommagement, en attendant mieux, une somme annuelle de i i.oua livres sur le trésor royal. Enfin, le sieur de Varenne obtint en 17 66 l'agrément de la charge de receveur-général des finances de Bretagne.
Le sieur de Beost, son fils , pensoit différemment : il avoit un attrait décidé pour les arts le les sciences : il défepprouva la conduite de son pere & ses écrits contre le parlement de Bourgogne, mais il suivit le fort de l'auteur de sofi
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jours ; il ctra avec lui, lorsqu'il fat obligé ~e disparoître de la province; il évita de déposer contre lui , foie à Dijon, foit à Paris : il fut décrété d'ajournement personnel à la cour des aides, & il y accompagna, sans nécessité, ce même pere, à cette cour, pour y entendre la Jeéture des lettres d'abolition. C'est à ion attachement au parlement que le sieur de Beost attribue l'aversion que son pere a conçue pour lui, & la préférence qu'il a donnée à son cadet, imbu des mêmes préjugés , des mêmes principes, du même dévouement au despotisme : inde irtt.
28 juin. Loin qu'on fonge à licencier l'armée de la haute & baffe Seine , on prend des précau- lions qui fembleroient annoncer qu'on craint de nouveaux troubles. L'on a vu des officiers de ma.
réchaussée , avec des dragons, visiter & fouiller dans les maisons des paysans, & en enlever tous les fusils, pistolets, épées, sabres & autres armes qu'ils ont pu y rencontrer.
19 Juin. Le parlement, très-mécontent des prétentions de la cour des aides & des démarches qu'elle a faites, ainsi que de la déclaration y enrégistrée dernièrement, a profité de la circonsiance des pairs réunis mardi au palais, pour en référer à cette auguste assemblée : il y a été formé en conséquence un grand & long arrêté pour y confirmer l'assertion de cette compagnie qu'elle elt feule & unique cour des pairs; qu'elle en est la cour essentielle, la cour permanente , la cour métropolitaine : elle est entrée dans tous les détails des qualifications qui lui appartiennent, - & l'on asTure que la cour des aides, effrayée de voir un schisme s'élever entre elle & le parlement
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s'est hâtée de prendre hier un fécond arrêté, ou , eu adhérant à celui de cette cour, elle lui rend tout l'hommage qui lui est dû.
30 Juin- L'arrêté du parlement mérite d'être rapporté en entier, & le voici : « Extrait des registres du parlement du 17 juin 1775) du matin.
53 La cour, toutes les chambres assemblées, les 1 princes & les pairs y séants, délibérant sur 1er 1 récit fait le jeudi premier juin , à Toccafion de la déclaration du Roi, du 18 mai dernier, eni Semble sur ce qui s'est pasTé à la cour des aides le 31 dudit mois.
» Considérant 1 9. que si l'ancienneté & l'universalité primitive de jurisdiction de la cour de 1 France sur tous les objets de justice & sur tous i les territoires du royaume, ont pu assurer à les membres essentiels & primordiaux, la faculté de ! siéger & de donner leur suffrage dans les cours 1 supérieures, dont les objets & les ressorts ont été ou peuvent être regardés comme avoir été distraits, à quelques égaras, de l'étendue de la jurifdiftion de la cour de France ; il n'en peut résulter que les matierés dont la connoissance appartient de tout temps à ladite cour de France , cour capitale & cour métropolitaine de nos Rois y & dont les affaires, concernant la personne des pairs ou leur dignité, font partie, aient jamai s pu ou puissent jamais être distraites de la cour à laquel'e > de toute ancienneté , elles ont dû être légitimement portées, ni que les princes du fang & les pairs de France, membres ellentiels du parlement, depuis l'origine de la monarchie, aient jamais pu être ou puissent jamais être foumis à la difeipline & aux jugements d'ai.mn
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autre corps que de la cour de France, cous
des pairs.
» l -. Considérant aussi que les séances qu'aucuns princes ou pairs auroient prises par le p.^Té.
en aucunes autres cours , &; qu'aucuns ades émanés d'eux ou desdites cours, n'ont pu porter atteinte aux droits respectifs des pairs & de la cours des pairs.
» 3 9. Considérant encore que cette dénomination de membres essentiels de toutes les cours fu- d perieures, attribuée aux princes du fang royal & aux pairs de France dans la déclaration du Roi du 18 mai dernier, est une dénomination nouvelle qui pourroit) fous prétexte du droit de difcipltne, police & jugement que plafieuis corps prétendent sur leurs membres, donner lieu à.
voujoir établir dans la fuite que les membres des autres cours pourroient en certains cas assister & voter dans lesaffaires concernant la personne 4es pairs & autres membres de la cour des pairs, les pairies ou autres matieres-, causes & affaires majeures appartenantes au parlement.
w ladite cour , après s'être fait représenter ses arrêts des 30 décembre 1763 , 10 mai 1764 il -16 avril 1770, 30 décembre 1774) xo janvier Se 14 mars 1775, dont il est de son devoir de maintenir sans altération les principes , les dif.
poutions & l'exécution , a arrêté qu'elle tiendra toujours pour principe inhérent aux principes Se maximes de la monarchie & à la constitution de l'état, que les princes du fang qui, par leur snaiflance, Stles pairs de France par leur dignités & après leur réception en ladite cour, en font de îout temps reconnus pour membres essentiels » JLS peuvent fous prétexte qu'ils auroient usé <~
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useroient de ladite faculté de liéger, & donnet leurs suffrages en d'autres cours, être néanmoins réputés membres d'aucune autre cour, que de la cour de parlement, cour de France & cour des pairs , en laquelle feule ils peuvent être convenus & jugés pour ce qui concerne leur état , leur dignité , leur honneur & leur persorne ; les pairs duement & suffisamment appelles en icelle, laus qu'aucuns membres de ladite cour puissent jamais, hors ladite cour, ou associés avec des personnes qui, de droit ancien & légal, n'y auroient pas léance & voix délibérative, être censés juges compétents, légaux, ni légirimes, ès susdites matières de pairie, ou es causes Se autres matieres majeures appartenantes uniquement au parlement ; ne pouvant ces séances d'honneur , dont les membres de la cour useroient dans d'autres cours , donner caradtcre pour y délibérer sur d'autres matieres que sur celles légalement propres à ces cours, ni l'usage des séances dans les susdites cours, rendre jamais, les princes & pairs dépendants de leur difeipline ,.
fournis à leur jugement, ni en aucun cas, obligés , comme ils le font par les convocations régulières & préalables à l'instruction criminelle d'ua pair, d'user de ces séances, ce à quoi ils ne peuvent être obligatoirement tenus <Ju'tn: parlement feulement ès susdites affaires de pairià ou autres affaires majeures, felon les formesrequises 8c que lesdites, matieres peuvent comporter.
» Et attendu que les dispositions de la déclaration du z8 mai dernier, & ce qui s'est paffé le 31 du même mois à la cour des aides pourroient , d'une part, donner lieu à des systêmes
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tJotlveaux- Si deftruétifs des droits de la pairie y & sembleroient tendre, d'autre part, à renouveller & à étendre l'établissement d'un tribunal extraordinaire pour juger les cours elles-mêmes y établissement au sujet duquel la cour s'est réservé , par son arrêté du 2.0 janvier dernier , de réclamer en toute occasion auprès du Roi contre toutes les innovations & disposîtions contraires aux loix , maximes & usages de la monarchie.
Ladite cour a arrêté de faire au Roi de trèshumbles & très- refpeâueufes remontrances , à J'effet d'éclairer sa religion sur les deux derniers objets , & lui faire connoître combien les principes que son parlement ne peut cesser d'invoquer , font justes , fondés & inhérents essentiellement à la constitution de l'état, & combien les fyftêines qui font pré fentés audit feigneus Roi, comme utiles au maintien de son autorité) y font au contraire opposés, puifqu'ils tendent à ébranler les principes & les maximes de la monarchie qui font les plus solides appuis des droits de la couronne , de ceux de toute la race royale ,, & des droits dudit seigneur Roi lui-même ; lesquels objets desdites remontrances feront fixés par les mêmes commissaires nommés pour fixer les objets de celles arrêtées le 14 mars 1775- T.) 2. Juillet 1775. Le sieur de Bougainville e un intrigant , un audacieux, qui, né dans un ctat obscur , a voulu percer & se fignaJer. Il n'est point sans, mérite , mais il lui a fallu le persuader aux autres , & user de charlatanerie pour le grossir & l'exagérer. Il a servi en Canada ; il s'est présenté ensuite au ministre de la marine pour faire des découvertes, & a pris des grades dans cet autre service :, on fait le réfukai
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de ses ex péditions. Il s'est fait donner depuis une mission secrete en Espagne , & est parti comme s'il devoir s'embarquer iur l'escadre que sa majesté catholique faisoit armer depuis ce printemps.
3 Juillet. M. le comte d'Artois qui étoit allé voyager en Flandre par curiosité, & pour s'instruire en même temps, en est revenu depuis quelques jours. Il s'éroir proposé de faire la route à cheval & de courir à francs étriers; mais, malgré sa jeunesse, sa vigueur, son adresse dans l'art de l'équitation, il n'a pu soutenir long temps cette fatigue , & au bout de dix lieues a été obligé de se mettre en- voiture.
6 Juillet. On a parlé des fêtes données i Ferney en réjouissance de la convalescence de madame Denis. Voici les compliments enfantés à cette occasion , plus précieux par leur objet que par leur mérite intrinseque : on les croit de M. de Fiorian, neveu de M. de Voltaire, & qui se mêle un peu de littérature.
A M. de Poltaire.,
m La joie que votre colonie témoigne en ce jou, est l'effet de la plus vive reconnoissance de diverses nations que la liberté & la renommée de vos bienfaits ont réunies pour fonder, fous votre protection , une fabrique que plulieurs Rois ont inutilement entrepris d'établir dans leurs états.
Le présent que vous en faites à la France est la preuve de cette vérité, que pour commander aux hommes il faut parler aux cœurs. L'auteur de la nature qui s'est plu à façonner votre esprit d'iuie maniere aulli éclatante pour le, booheut
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d-i l'humanité, se refuferoit-il aux VŒUÏ qac nous formons pour votre fanté & la conservation de vos précieux jours !
A madame Dénis.
« Pendant que vous étiez malade, tous les cœurs l'étoient avec vous ; on ne voyoit par-tout que nifielfe, alarmes & désolation, comme dans l'approche du plus affreux malheur.
Enfin, le ciel favorable à nos vœux a éloigné vos maux & nos dangers, en vou-s reniant à la vie : il fait renaître par-tout la nature, les plaisirs, & la joie, & nos cœurs lui ont rendu de for" lemnelles avions de grâces.
L'alégresse nous a transformé en militaires : cette décoration nouvelle convient à des hommes charmés de sacrifier leurs jours pour con ferver les vôtres. Le bruit des canons relevera celui de nos acclamations les feux que nous ferons éclater, vous peindront l'ardeur de nos senti ments & la vivacité de nos transports.
Daignez , Madame , honorer toujours de vos bontés cette colonie naissante, fondée sur l'immortel Voltaire : nous tâcherons de nous en rendre toujours plus dignes par nos travaux & notre industrie.
Puissiez-vous, Madame, puissiez-vous vivre aussi long-temps que durera la gloire de notre fondateur, & que votre nom brillera dans les saLles de la bienfaisance. »
6 Juillet.Le bruit a couru que M. de Malesherbesalloit entrer dans le ministere : il se renouvelle aujourd'hui, & comme le duc de la Vrilliere semble arriver à son terme, qu'il ne peut plus
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long-temps échapper au désir général dé sa. rtf» traite , on donne le département jde Paris à M. de Malesherbes : ce n'est pas assurément la place la plus convenable pour ce grand magistrat.
7 juillet. Depuis que M. Turgot est contrôleur-général , ses partisans annoncent les plus belles choies du monde. L'événement des émeutes l'a forcé de s'occuper de remédier aux-désordres les plu&urgents : on affure que, plus libre aujourd'hui) il médite & digere une multitude d'édits consolants pour @ le peuple, tendants à améliorer son état, à prévenir ses besoins , & à les soulager par des diminutions considérables sur les matieres de premiere nécessité , par l'abolition des corvées-, par la suppression de la mendicité , par l'encouragement de ia population , par la liberté du commerce dégagé de ies entraves, &c..
8 juillet. Quand il a été question d'aller complimenter le Roi à Versailles sur son sacre , les six corps des marchands de. Paris ont réclamé leur privilege d'avoir cet honneur. Il a d'abord, été fait refus de la part du ministere ; ce qui les a effrayés & leur a fait craindre que les projets de M. Turgot contre eux ne fussent sur le point de s'effectuer : mais depuis ils ont reçu cette permission , ce qui les a rassurés. Ils ont complimenté sa majesté à genoux , accompagnés du lieutenantgénéral de police, & présentés par le duc de Cossé, gouverneur de Paris.
8 Juillet. M. de Sartines, secretaire d'état ayant le département de la marine, est entré hier au conseil d'ét-at, & par cette introduction, est fait ministre. On dit que c'est la fiche de confbUûoA pour le dédommagée dj4 département dr
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Paris confié à M. de Malesherbes; car il parole sûr que ce dernier succede au duc de la Vrilliere j mais que celui - ci fera encore la semaine prochaine la demande du don gratuit au clergé , pour en retirer les 24,000 livres que vaut cette miilion, en qualité de commissaire du Roi.
8 Juillet. A la fuite du nouveau conte de M. de Voltaire fous le nom de M. de la Vifclede, est une lettre prétendue de ce secretaire de l'académie de Marseille, à M. le secretaire de l'académie de Pau : celle-ci est en prose i & l'on conçoit aisement, en la lisant , pourquoi le philosophe de Ferney y emprunte un masque étranger. On voit que son but est de prétendre faire des contes mieux que la Fontaine , & de le dénigrer, ainsi que son genre qu'il appelle petit. Il y ressasse ses reproches cent fois répétés contre le fabultfte, qu'il n'exalte que pour mieux le rabaiiler. Corneille n'est pas plus épargné dans cette digression , où la critique, juste à bien des égards, ne déplaît que parce qu'on voit l'envie qui la produit & la guide. L'auteur termine par une sortie vigoureuse contre l'éditeur des contes en 1743 & (a préface, fous le nom de Londres.
Il ne peut lui pardonner d'avoir dit qu'un poëte qui fait des tragédies, ne doit jamais écrire sur l'histoire & la physique, & le traite en conséquence comme tous les cuistres qu'il injurie depuis long, - temps. Malgré le radotage de cette épure, on la lit avec intérêt, à raison des anecdotes qu'on y trouve , de la manirre dont elles font présentées, & de la malignité secrete que l'on ressent à gémir à son tour sur les écarts & le délire d'un grand homme gémissant sur ceux d'autres. grands hommes, & pour tout
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dire en un mot, parce que c'etr du Voltaire.
9 Juillet. Les curés & vicaires du royaume à portion congrue, viennent de présenter un mémoire au Roi pour supplier sa majesté de l'augmenter; ils démontrent qu'il n'est aucune proportion entre 500 liv. qu'ont les premiers & 100 les féconds annuellement, & la cherté des vivres, depuis l'édit de 1768 qui les a fixés à ce revenu.Cette classe si essentielle au clergé, & si mal partagée du côté de la fortune, met fous les yeux du Roi ses besoins & sa misere ; elle entre dans des détails bien propres à mériter l'attention d'un Roi, pere de ses sujets, & sur-tout d'un Roi très-c hrétien qui favorise avec tant de zele la religion & ses ministres. Ils ont envoyé une copie de ce mémoire à tous les princes du fang, avec une lettre touchante pour implorer leur protection auprès du monarque. Il paroît qu'ils ont exprès choisi 1; temps de l'assemblée du clergé, pour forcer celle-ci à s'en occuper & à terminer plus promptement cette opération.
9 Juillet. Il passe pour confiant que c'est M. de Barentin, le fecond avocat - général du Parlement, qui a traité avec M. de Malesherbes de la charge de premier président de la cour des aides , dont il a cependant fait encore hier les fonctions, en présence de plusieurs pairs venus pour siéger dans cette cour, suivant le droit que sa majesté leur en a reconnu dans sa derniere déclaration.
Un des magistrats ( M. le Duc , conseiller ) en rapportant une affaire, a fait venir l'éloge du chef de la compagnie , & a témoigné les regrets de celle-ci de le perdre : sur quoi la modeftic de M. de Malesherbes a voulu l'arrêter
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& le faire passer outte, sans nier le fait ; ce qui a confirmé la nouvelle répandue depuis plusieurs jours à cet égard.
10 Juillet. Le Roi, suivant l'usage , a accordé plusieurs graces à la ville de Rheims pour son embellissement Se pour Ton utilité. Il est fâcheux f!ue la diminution du prix du pain ne foir @ par un bienfait généralement ressenti : tenu à un taux modéré durant le temps du sacre, il est devenu très-cher à Rheims depuis que sa majesté en eft1 sortie.
ro Juillet. Les grenadiers à cheval font depuis trcs-long-temps mécontents de M. le marquis de lugeac, leur commandant. Ils lui reprochent' non- seulement de la hauteur , de la dureté, de la férocité même; mais encore de retenir injustement sur leur paye onze fous par jour. lis onc enfin éclaté & présenté un mémoire à M. le comte du Mu y , en lui déclarant que s'il ne leur rendoit pas justice , ils iroient au Roi : on attend la décision de cette importante démarche.
Ce commandant ayant fait metre en prison ua grenadier foupç-onné l'auteur ou le rédacteur du mémoire , ils se font rassemblés & ont été en corps chez lui demander l'élargissement de leur camarade, disant que le mémoire étoit l'ouvrage de tous..
11 Juillet. Le lieur de Mufley, membre du grand-conseil, & ci-devant du tripot Maupeou , vient de mourir en Lorraine , sa patrie. C'est la remiere place vacante à ce tribunal, & l'on attend a voir s'il se trouvera quelqu'un d'honnête pour l'occuper.
LI Jlfillet. Il paroît un arrêt da conseil d'état ,,
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en date du 14. juin, qui donne un libre exercice à l'art de polir l'acier. C'est un petit essai de M. le contrôleur - général , cependant il ne motive cet affranchilTement que sur les contestations qu'occaifonnoient entre différents corps l'exercice de cet art, qu'ils vouloient s'attribuer exclusivement, & sur les gênes que cela lui don..
noit ; ce qui l'empêchoit de se perfedionner comme chez nos voisins les Anglois. L'on juge » que c'est le seul point sur l'affranchissement des 1 maîtrises que M. Turgot ait jusques ici gagné au conseil.
12 Juillet. L'enlevement du sieur Langlois, ci-devant lieutenant - général d'Andely , & élevé., par M. le chancelier au grade de second pldi.i;lt' au conseil supérieur de Rouen , ainsi que du ; maître de poste, qu'on assure avoir été amené avec lui à la Baftilie , est la nouvelle du jour.
Ha, dit-on, été intercepté vers Mantes des lettres anonymes en grand nombre , dont le résultat sembloit être un complot de dévaster les campagnes & la récolte prochaine : on veut que les prisonniers dont il est parlé ci-dessus, en fussent les instigateurs; &, comme le sieur Lezf iok toît fort attaché à M. de Maupeou , qu'il vivoit familiérement chez lui & étoit tous les jours au Thuy , on n'a pas manqué de faire remonter le complot jusqu'à lui. Tout ceci n'est pas encore très-clair.
IL Juillet. Il y avoir dans les (îx pairs qui ont été samedi à la cour des aides, un pair ecclésiastique. Ces pairs étoient : l'evêque, duc deLangres, le duc d'Aumont, le duc de Nivernois, le maréchal duc de Duras, le duc de la Vauguyon, &. le duc de la Rochefoucauld Ils
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ont pris rang après le premier préfidentà sa gauche, & avant les autres présidents , & ils ont opiné les derniers dans une cause de rapport importante, concernant les fermiers de M. le prince de Condé dans certaines parties de son apanage, où on les accusoit d'avoir introduit la fiscalité : ils ont perdu.
Le rapporteur, M. le Duc, avant de commencer , a fait un discours relatif à la présence des pairs qu'il a complimentés indirectement ; car il adressoit la parole feulement à sa compagnie.
C'est après son rapport & avant qu'on allât aux voix , que ce même magistrat a gémi sur la perte que la compagnie alloit faire de son chef.
La cour des aides qui n'avoit peut - être jamais vu de pairs siéger chez elle qu'en lit de justice, auroit bien dénré que le public dh été témoin de son triomphe : malheureusement c'étoit un procès de rapport, conséquemment jugé à huis clos.
13 Juillet. On parle d'une commission nommée pour examiner les comptes des sieurs Saurin & Doumef, forcis depuis peu de la Bastille. Ces comptes étoient depuis long-temps entre les mains de M. Albert) aujourd'hui lieutenant-général de police, alors intendant du commerce , chargé de la partie des bleds : ils se plaignent que M. Albert n'ait jamais voulu les arrêter , quoiqu'ils sunent très en regle ; c'est ce qu'on va voir. Cette commission est composée de conseillers d'état, à la tête de laquelle fera M. de la Michaudiere, prévôt des marchands.
14 Juillet. MM. du grand-conseil, fatigués des lenteurs de M. le garde-des-sceaux qui ne termine
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rien à leur égard, étoient disposés à Ce fâcher: ils avoient en conséquence député les membres d'usage pour la derniere fois à ce chef suprême de la justice, & mercredi ils s'étoient rassemblés pour entendre leur rapport , pour faire un arrêté & se plaindre dans le cas où il n'auroit pas été favorable. Mais M. le premier président a rendu compte que l'édit concernant le grand conseil étoit revêtu de toutes les formalités, qu'il feroit incessamment expédié & adressé à la compagnie.
14 juillet. Voici le discours de M. le Duc , conseiller à la cour des aides, rapporteur du procès jugé , comme il est énoncé dans l'arrêt , les pairs de France y séants : « MESSIEURS,
ec Il feroit à souhaiter qu'une audience impor » tante pût solemniser la séance de MM. les M pairs de France en cette cour. L'éloquence du « barreau couvriroit de fleurs la féclierefie des »? affaires auxquelles vous conracrez tous vos mo« ments; & les pairs venant quelquefois partager « nos travaux > deviendroient les dérenfeurs de JJ nos arrêts.
)J Le Roi, toujours occupé du bonheur de M ses peuples , feroit instruit de la sagesse de »? vos décisions, par ceux qui y auroient partira cipé , & sa majeftéferoit intimement persuadée » que l'honneur est le fcul guide des magistrats 93 de la cour des aides. ,
On a également confervé le fécond discours de M. le Duc sur la perte que la compagnie alloit faire de M. de Malesherbes, & sur l'élevation prochaine de ce chef au ministere.
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le Nous touchons au moment de perdre un man giftrat respectable, dont la mémoire fera gravée M dans les fades de cette cour.
» Le cœur de notre illustre chef vous est connu : Il il fera plus sensible à notre douleur qu'aux s* palmes qu'il a remportées aux yeux de l'Europe w entiere. Permettez - moi , Messieurs, d'être » ici l'interprete de vos sentiments. Il est m g lorieux pour le chef & les membres d'avoir » les pairs de France pour témoins de notre Û3 sensibilité.
» Ils applaudiront, Messieurs, au tendre atta« chement pour notre premier président; & le M Roi bienfaisant croira ne pouvoir mieux placer *> sa confiance que dans un magistrat qui em« porte à si juste titre les regrets de sa comM pagnie. M 15 juillet. Ce qui a fait dire qu'on songeoit à poulser au ministere M. l'archevêque de Toulouse , ainsi qu'en a couru le bruit, c'est qu'effectivement ce prélat travaille à beaucoup de projets relatifs au bien de l'état, qu'il est fort lié avec le comte de Maurepas & avec M. Turgot, & que celui-ci s'aide de ses conseils & de ses plans. Il f paroît décidé aujourd'hui par le dernier de terminer irrévocablement le fort des mendiants & de faire à cet égard une loi générale , uniforme.
où tous les cas possibles soient prévus , toutes les rcflources imaginées , tous les expédients assurés , & far-tout qui s'exécute. Le prélat a donné à cet égard un mémoire très- profond, très-étendu, plein d'ordre & de clarté, qui a été extrêmement goûté. Il s'occupe aussi des hôpitaux & sur ce point il peut donner des avis d'autant meilleurs, qu'ils font appuyés sur des expériences
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u'i1 a imaginées en petit dans Ton diocese , & qui prouvent la sagesse) la fureté & l'économie de ses vues. Il est à espérer qu'il réuŒra t malgré les jaloux de l'ascendant qu'il prend ; ils font en grand nombre & sur-tout dans fou corps.
16 Juillet. On célébré au commencement de juillet, sur la paroisse de Saint-Roch , une fête particulière, instituée en l'honneur du sacré-cœur de jesus. Cette invention très-moderne est due -aux jésuites, a été adoptée par leurs dévotes & leurs partisans, conséquemment est réprouvée des jansénistes. Dans ce temps-là un ecclésiastique étant entré dans l'église comme on prêchoit sur cette institution , n'a pas paru content du prédicateur & de ce qu'il disoit, il a fait des gestes qui en ont été remarqués, & s'est en aliépeu après, & long-remps avant la fin d'une maniere méprisante. Le lendemain cet abbé s'étant péfenré peur communier à la fainte table des mains du cé.'c'hrant , le même qui étoit en chaire la veille , celui-ci l'a reconnu) & foit sentiment de vengeance, soit zele de moliniste, l'a paffé scandaleusement : on ajoute qu'il lui a même fait des interpellations sur sa créance. Il en a résulté un grand tumulte. Le curé a blâmé le prêtre, & pour le fou ftraire aux châtiments qu'il méritoit, l'a renvoyé. Conduite que défapprouvefort M. l'archevêque , toujours très-entêré dans ses décifioas lchi[maci'-Jues.
16 Juillet, On n'est pas mieux instruit aujourd'hui sur les causes de la détention du président Langlois & conforts ; mais on a mis sur pied.
des troupes dans le canton de Mantes pour veiller aux moissons, sur-tout pendant la nuit, 8c faire
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avorter les desseins sinistres des gens mal inten- tionnés. Cet éveil a excité l'attention du gouvernement, qui a donné les mêmes ordres par-tout. :
En forte que les campagnes font inondées de patrouilles. comme si l'on étoit en temps de guerre & dans un pays ennemi. Des seigneurs écrivent de leurs terres, que ces soins ne fuffi- fent pas & qu'il faudroit fonder sérieusement 3 à soulager la misere , qui est très-grande dans : les villages.
17 Juillet. On ne croit pas que M. Bertin, le der- nier secretaire d'état du feu Roi, reste long-temps k en place. il convoitoit fort la dépouille de M. le 1 duc de la Vrilliere pour s'arrondir dans son f prtit département, créé par extraordinaire & 1 formé de diverses minuties écornées aux autres..
On assure qu'il avoit menacé de quitter, si son r délir à cet égard ne s'effctuoit pas. D'ailleurs i on est fort mécontent de ses bureaux , où L l'on n'expédie rien & où il reg ne beaucoup 1 d'ineptie.
18 Juillet. L'arrêté pris en la cour des aides 2 le 18 juin porte : .:t La cour délibérant à l'occasion r 33 de l'arrêté du parlemeut du 17 du présent mois, ( » à elle connu par la copie collationnée apportée s M :en icelle par le premier président, a reconnu, c » ladite cour,que les précautions prises par l'arrêté s >, du parlement dudit jour 17 juin , contre les è n inductions qu'on pourroit tirer des dénomina- » tions données aux princes du fang royal & aux ] « pairs de France, dans la déclaration du zg » mai dernier, font conformes à ce qui a toujours ; M été le vœu unanime de la cour : tous les, » principes contenus dans ledit arrêté font égaleas ment conformes 3 çeux dont ladite cour a M toujours
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> » toujours été pénétrée, ri 0 tl C rir » n'a jamais entendu ni n'entend pouvoir participer au titre & autorité de cour des pairs, cu sans néanmoins qu'il puisse y avoir aucun m doute sur le droit de discipline , police & » jugement que la cour a feulement sur les offiM ciers reçus & ayant ferment en icelle, droit u fondé sur les loix précises & enrégistrées au » parlement ; & comme il est important de » conserver cette uniformité qui doit toujours :» se trouver entre les principes de toutes les » cours, a arrêté ladite cour qu'à cet effet copie » collationnée de l'arrêté du parlement du 17 du M présent mois, fera annexe au procès-verbal de *> la présente déclaration. »
18 juillet. On s'attend enfin au rétablissement d'une chambre des requêtes, & l'on assure que l'édit est au palais : il y a apparence que les magistrats qui composoient avant les deux supprimées , feront incorporés dans celle-ci.
18 Juillet. Il paroît qu'un des foyers des séditieux & auteurs des émeutes est à Mantes.
Cest de ce roté-Jà qu'il a été pillé des bateaux, brûlé des granges , & que les deux intendants de Paris & de Rouen onr été à la veille d'être jetés à la riviere : enfin c'est tout récemment la qu'on a intercepté des lettres anonymes annon" çant un projet de dévaftauon combiné. Depuis M. le comte de Flamarens, colonel du régiment de la Reine dragons t qui est en quartier daM ces cantons avec sa troupe & commandant plusieurs autres régiments répandus autour de luill a reçu des lettres anonymes encore, où on lui xîit qu'on se moque de lui & de ses dragons, 4
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On ajoute qu'on y a trouvé des pieces entieres de bled étccées, c'est-à-dire dont on avoir coupé les épis.
19 Juillet. Des exempts de police ont été cette nuit chez tous les boulangers de Paris pour leur dire qu'ils eufleni à ne pas mettre le pain au-dessus de 13 fous & demi les quatre livres.
La communauté de ces artisans s'est assemblée en conséquence , & ils font convenus malgtc ccs défenses de le lassEr à quatorze fous, tant que le bled ne diminueroic pas au. marché, ou du moins jusqu'à ce que cette défense leur fut notifiée légalement par une ordonnance de police.
On les avoit déjà fondés à cet égard & on leur avoit fait entendre qu'i!s pouvoient donner tous le pain à meilleur marché, en prenant de ces mauvaises farines, dont on a parlé & en en employant davantage ; mais ils ont répondu qu'ils ne vouloient point en faire usage , & qu'ils craindroient de perdre leurs pratiques. Tout cela n'est point consolant & annonce des craintes de la part du gouvernement. On a remarqué qu'aussi les patrouilles étoient renforcées aujourd'hui.
19 juillet. Le parlement, toutes les chambres assemblées, a enrégistré le 30 juin un édit donné à Versailles audit mois, portant fuppreflioo des offices réunis de commissaires , contrôleurs , payeurs, commis & greffiers des faisies réelles.
Sa majesté a reconnu que la multiplicité de ces offices par leur réunion a formé une finance totale , qui excede considérablement la juste proportion qui doit exister entr'elle & les émoluments desdits offices réunis. Cet inconvénient a
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paru mériter de sa part une attention d'autant plus particuliere) que presque tous les Titulaires de ces différents offices ne trouvant dans leurs exercices que des émolutions très-modiques , ont pris sur les fonds des failles réelles des sommes considérables, dont eux ou leurs héritiers n'ont pu faire le remplacement, & qui, si l'on ne s'em.
pressoit d'y remédier, parviendroient en alIèz peu de temps à affoiblir le gage des créanciers de la caisse, au point de mettre la rentrée de ce , qui leur est légitimement du dans le plus grand péril.
Le même jour, grand'chambre & tournelle assemblées feulement, il a été enrégiltré des lettres- patentes données à Versailles le 8 mai, gui révoquent l'édit du mois de mars 1771, Se ordonnent qu'en conséquence les sieges royaux y dénommés, ensemble les justices y énoncées, continueront de refforrir à l'avenir où ils ressortissoient au premier janvier 1771.
On voit par-là que bientôt on aura renversé tout l'édifice ruineux du chancelier.
10 Juillet. Le marquis de Bethune a provoque au châtelet l'interdiction de son neveu le marquis de Brunoy , & a fait assigner les parents, tanc paternels que maternels, pour y procéder. Les moyens qu'il emploie aujourd'hui font les mémes que ceux qu'on faisoit valoir il y a deux ans, lorsque des intérêts différents le portoient à combattre le vœu des parents paternels qui les avoient adminifttés : chose à remarquer. »
zi Juillet. On s'attend à voir incessamment rétablir la juridiction de la table de marbre , ainsi que celle des eaux & forêts. &c. supprimées par le chancelier Maupeou.
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AI Juillet, Le président Langlois, le maître .de portes d'Andely, & autres arrêtés avec eux , ont été relâchés après leur premier interrogatoire ; ils font forcis de la Bastille, ce qui les juftirie pleinement.
ii juillet. Mercredi dernier il est venu beaucoup de/mauvaifes farines au marché, dont les boulangers n'ont pas voulu pour la plupart ; le peuple y répugne d'autant plus qu'on répand des histoires sinistres qui fembleroitnt annoncer les mauvais effets de cette nourriture; en (ote que non-seulement il a refusé de s'en fournir, mais menaçoit de les jeter à la riviere ; ce qui a donné l'alarme & obligé de mettre sur pied plus de groupes que de coutume.
De son côté, M. le tieufenant-gérprat de police, quoique très-grand partisan de la liberté, remarquant de l'humeur parmi les boulangers, qui préféroient de quitter & de ne point cuire, s'est trouvé forcé de menacer de faire pendre le premier qui effectueroit ce projet trop funeste dans les circonstances actuelles.
23 Juillet. M. de Malesherbes a prêté ferment vendredi entre les mains du Roi, pour la charge de secretaire d'état : il a contresigné en conséquence , & est entré en fondions : il a pris place hier au conseil des dépêches : on dit même qu'il a dû être fait ministre par son admission au conseil d'état. En tout cas, il ne tardera pas à jouir de cet honneur , qui devient nécessaire pour le dédommager de la place qu'il quitte , regardée par la haute magirtrarure comme supérieure à celle de simple secretaire d'état.
13 Juillet. Dans les divers projets que roule H. jurgot, il en est un conccraant les voitures,
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publiques' & les messageries : il a imàgîné derendre ces entreprises libres, & il a proposé sess idées au conseil ; mais M. Bertin , dans le département duquel est cette partie , s'et f élevé, dit - on , avec force contre l'empiétement du contrôleur-général , ce qui fait une contestation $■ on croit cependant que M. Turgot l'emportera.
z3 Juillet. On étoit surpris des voyages que M. le comte d'Àt**** faisoit & fait presque toutes les nuits de Verfaiiles au, Paiats-Royat.
au point que fou-vent, après être venu à l'opéra, être reparti pour souper avec le Roi, il revient encore. On a d'abord cru que, dans cet âge heureux où tout est amusement & jouissance, il se plaisoit aux concerts & petites fêtes que donnent alternativement chez eux des particuliers demeurant sur le jardin , et qui attire beaucoup de monde du voiiinagè , sur-tout dessilles & des jeures gens , & rend cette promenade tres-séconde en aventures galantes & même libertines ; mais on fait aujourd'hui que ion altesse royale est vivement éprise d'une très-jolie dame attachée à-madame la duclrefïe de Chan[fS ,.&..
qu'on affure avoir eu les bonnes grâces du mari.
On ne fait point encore où en est le comte' d'Ar****, mais il y a peu de doute que pat son rang & par ses qualités aimables il ne téuffiffe.
13 juillet. Mlle. Arnoux, malgré ses talents, étant presque inutiLe aux-directeurs de l'opéa.
ces rnelfieurs, pour exciter son zele, lui OÎIÊ"
proposé de ne plus l'appointer, & de ne lui payer qu'une somme convenue chaque jour où elle paroîtroit : elle s'est fâchée & menace dé donner h. démïjjwn ; c'est le terme devenu à ta mode -Banni. ces grands personnages de théâtre.
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ty Juillet. On a vu précédemment dans tt relation de ce qui s'elt paslé à Bordeaux à la réintégration du parlement , que des cinquantedeux membres du parlement intermédiaire , le président Picliard & trois conseillers feulement, après avoir refusé de se réunir aux exilés rentrés, s'ils n'avoient satisfadion des huées & injures qu'ils avoient éprouvées le jour de la réunion, avoient pris le parti de le détacher des mécontents & de se rendre au palais) dans la crainte d'être accusés du crime de forfaiture , encourue, suivant l'ordonnance de difeipline , pour cessation de fondions, ou démissions combinées. On n'a pas su si c'étoit de concert avec leurs confreres & dans le dessein d'épier les démarches, de connoître les délibérations des anciens, & de leur en rendre compte. Quoi qu'il en foit, les membres hués avoient perfide dans leur scission au nombre de quarante-huit, jusqu'à ce qu'ils eussent satisfaction de la cour , à laquelle ris avoient envoyé des mémoires.
Depuis le sieur Dominge , l'un d'eux, ayant eu des remords, & craignant les fuites de la scission , avoit pris le parti de se détacher encore , & de rentrer purement & Amplement, ce qui avoit très-fort aigri ses confrères , & l'avoit fait regarder comme un apostat & un traître.
Les choies étoient restées dans cet état, jurqu'au moment d'un Te Deum chanté à Bordeaux, comme ailleurs, en l'honneur du sacre & couronnement du Roi. Les cours, comme l'on fait, doivent assister à ces cérémonies publiques; les dissidents reçurent une invitation de se rendre à celle-ci avec le rerte de la compagnie : ils ont refusé » 8c n'ont point paru.
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La cour , instruite de cette résistance foutenuey sans leur donner aucune fatisfaélion sur leurs griefs, a voulu terminer ce schisme. Le gardedes-sceaux leur a écrit, au nom du Roi, qu'ils eussent à s'expliquer féiieufement sur leur intention de reprendre le service, ou de vendre leurs charges. Ces messieurs, pressés par cet ordre de sa majesté , se font aflfemblés, & sans se départir de la poursuite de la justice & de la satisfaction qu'ils réclamoient, ont arrêté provifoirenvent d'obtempérer aux ordres du Roi, Se de se rendre au palais.
Quatre ont été députés vers le premier président pour lui faire part de leur résignation aux volontés du monarque. Ce chef leur a répondu avec douleur, qu'ils lui auroient causé le plus grand plaisir de lui annoncer cette nouvelle huit jours feulement plutôt ; mais qu'il étoit forcé de leur déclarer au nom de la compagnie , qu'elle avoir pris un arrêté de ne plus communiquer avec eux, & de ne jamais les reconnoître pour canfreres, Sur quoi, les députés retirés, & ayanc tendu compte de la réponse aux schismatiques, ceux-ci font convenus de n'y avoir aucun ép:ard & de se présenter au palais , dont il a résulté trois aéles de réprobation & de mépris. plus ou moins graves.
À la grand'chambre, quand, après une plaidoirie , il a été question de rendre arrêt, le premier président les a passés, & n'a pris les voix que des magistrats non schismatiques.
Aux enquêtes, lorsqu'il a fallu en venir aux voix, le président à remis à un autre jour, par l'a raison qu'on n'étoit pas en nombre compétent pour rendre arrêt; ce qui étoit vrai,en ne comptant
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que les membres non schismatiques , & ne pauvoir • l'être , en comprenant tous lesmagiftrats présents.
Enfin, aux requêtes, le président chargé de r leur communiquer l'arrêté pris contre eux , au lieu de le lire, ayant voulu prendre des tournants ; pour adoucir une expulsion aussi humiliante, un f des vrais magistrats s'est levé , a sommé M. le 1 président de ne point tergiverser, & de lire aux schismatiques l'arrêté dans toute sa teneur.
Un des schismatiques alors prenant la parole a apostrophé cet orateur, a fait entendre qu'il n'avoit pas plus de droit de parler en ce mometu qu'un autre, lui a dit qu'il eût à laisser s'ex pliquer le chef de la chambre : le conseiller a riposté, & il en a réfuhé une querelle si vive entre ces deux messieurs , qu'on croit qu'iis auront tous deux quitté leur robe ponr se butre.
Tel étoit l'état des choses, lorsqu'il- a été question d'envoyer à Bordeaux le maréchal de Mouchi pour rétablir une paix fort difficile à arranger, après les excès où l'on s'est porté des deux côtés..
x6 juillet. Quoique M. de Sartines arrête de dire qu'il se trouve bien au département de la marine, & qu'il compte fort le garder, on fait f aujourd'hui parfaitement que , sentant son impuissance dans un genre auquel il n'a jamais travaillé, a fait J'impossible pour obtenir le département de Paris ; qu'il a même redoublé d'assiduités auprès de la Reine, dans l'espoir de gagner Je suffrage de la souveraine , intéressee à avoir sur-tout dans ce ministere un homme à elle ; mais que malheureusement M. le comte de Maurepas & M. Turgot avoient joué au fin, & obtenu le.
bon du monarque avant que le renvoi du Petit-
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Saint fut décidé : que la Reine , instruite de cet événement prochain , effectivement portée pour M. de Sartines , avoir cherché à le feconder , & même parlé en sa faveur au comte de Maurepas; mais que ce vieux renard s'étoit excusé sur ce que le choix du Roi étoit fait , & qu'alors pour dédommagement on étoit convenu de faire entrer au conseil le secretaire d'état de la marine ; chose à laquelle le parti adverse s'éroit d'autant mieux déterminé , qu'on vouloit y introduire d'emblée M. de Malesherbes , & qu'il étoit difficile , M. de Sartines étant son ancien
depuis près d'un an , n'étant pas ministre, de le fàire passer sur le corps de ce dernier , qui en effet a été admis dimanche au conseil d'état.
Telles font, au défaut de plus grandes , les petites intrigues de cour dont s'occupent aujourd'hui les courtisans.
18 juillet. Le grand-conseil a reçu enfin un édit qui fixe sa compétence. Il est du mois de îoiilet , & a été enrégistré par ce tribunal le 19 ,■ les femstres assèmblés. « Sans préjudice de l'exém cutien des édin & déclarations du Roi conv cernant les présidiaux , des lettres - patentes >5 du Havril 1750, enrégistrées au conseil le M 6 mai de la même année, & de l'édit d'ampliarion du pouvoir des présidiaux , du mois novembre 1774 > pour le maintien def-, » quels le proeareur-général du Roi continuerai ; » de requérir, & le conseil d'ordonner ce qu'il m appartiendra ; & fera le seigneur Roi très>3 humblement fupplré „en tout temps & en toute » occasion , de rétablir la jurifdiélion de son i u grand-conseil dans toute ion intégrité , telle I » qu'elle a été établie par les Rois les prédéces- : n feurs. ,. N l s
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31 Juillet. Des députés de la chambre des comptes de Dôie font ii depuis plusïeurs mois à solliciter le rétablissement de cette cour supprimée , & remplacée par un simple bureau des finances : le parlement les appuie & fait la même demande ;. cependant rien ne si-nit pat les lenteurs de M. le garde-des- sceaux, qui donne toujours des espérances & ne réalise rien.
3 i Juillet. On ne conçoit pas graiid'chose à l'édit concernant le grand-conseil. Les dispositions les plus claires font qu'il connoîtra des requêtes.
civiles présentées en cassation d'arrêts rendus » lorsque ce tribunal tenoit le parlement sur des, matieres de sa compétence dans le cas où il aurait continué d'être grand-conseil ; que , lorsque le nombre des ofifciers de cette cour aura été réduit à ci nquante-quatre, chacun des pourvus fera autorisé à traiter de son office , après néanmoins en avoir obtenu l'agrément du Roi, fous.
telles conditions qu'il jugera à propos ; que les 'huit premiers offices de conseillers-clers vacantsne pourront être remplis que par des laïques, &c2, Adt 1775. M. le comte du Muy a faitenjoindre à tous les brigadiers, colonels, lieutenants-colonels & autres qui, sans être retirés.
n'ont point de service, de se conformer à la nouvelle ordonnance, suivant laquelle ceux quir prétendent aux grades doivent reprendre leurs premieres fonctions , & rester en activité durant quelques années pour mériter les gracfs qu'on leur a accordées. Lille,, Strasbourg & Metz font les trois places où ils doivent se rendre. Le ministre de la guerre espere par-là se débarrasser de beaucoup de ces officiers qui, ne se conformant pas au règlement, renonceront ainG. d'cgx- i mêmes à leurs avantages.
memes a eurs a b
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i Août. Le college des agents de change est fort étonné d'un arrêt du conseil dont il a ea connoiilaace, suivant lequel M. le contrôleur.
général leur fait ériger par le Roi dix nouveaux confreres ; en forte qu'au lieu de quarante , ils vont être cinquante. Cet arrangement est d'autant plus extraordinaire , que n'y ayant presque plus d'effets au porteur , il y a infiniment moins de négociations, & il sembleroit qu'au contraire au lieu de les augmenter, il faudroit les réduire, sur-tout fous un ministre des finances dont le systême est bien opposé à celui de l'agio.
4 Août. La première des pieces du recueil antl-voltairien qu'on n'a fait qu'annoncer, est une épître à M. l'abbé Sabathier de Castres. Elle est en vers , qui ne feroient pas méchants, venant d'une plume françoise, & font encore meilleurs par un étranger. Cette réflexion tombe sur le rithme & la fabrique ; car cette épître ou plutôt cette satire, n'est pas neuve quant au fond. On y a joint des notes fort étendues , où la critique se développe plus à l'aise & avec plus d'amertume. Elle frappe principalement contre les auteurs dévoués au parti encyclopédique. & sur tout au chef, M. de Voltaire.
La seconde est en prose ; elle est intitulée: A l'auteur de la lettre d'un théologien, adressée à M. Vabbé Sabathier de Castres. On fait que celleci est attribuée au marquis de Condorcét : Con principal objet est de défendre les Pompignan, & sur-tout le paëte qu'on appelle le maremis de Pompignan , critiqué dans ses écrits , & plairalté dans sa personne par le prétendu théologien.
Cette justification est décente & assez bien faite ; mais l'écrivain termine par une explosion forte
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contre les impiétés d'un ouvrage qui mériteroit d'être dénoncé au ministere public t & qui se vend, dit-il , publiquement chez un libraire deParis. Il releve une note contre le parlement de Paris, dispersé lors de la composition de ce pamphlet, & où le président de Saint-Fargeata ; & M. Pasquier, conseillers, fout nommés Se caraéterifés comme deux fanatiques.
La troisieme est une anecdote littéraire & philosophique, où l'on fait intervenir chez un libraire : J'abbé Sabathier de Castres , avec l'auteur d'un ouvrage intitulé: Le Secretaire d'Apollou, grand champion de M. de Voltaire & de toute la [eae encyclopédique , & l'on se doute bien que ce dernier est terraiîé & chasse: par le libraire.
On ignore de qui font ces productions. La pioie paroît être de la même main qui a composé les trois siecles de la Littnature, c'efi-à-dire
d'un certain abbé Manin, vicaire de Saint Andrédes Arts, qui, après avoir laissé l'abbé Sabathier recevoir toutes les huées, toutes les injures Se ÎOJS les coups de bâton qu'il redoutoit pour fou compte durant la premiere fermentation qu'a causé son livre , n'a pu résister au chatouillement de son amour-propre ensuite , & s'en est déclaré l'auteur , mais qui aujourd'hui le rend à son prête-nom, afiu de pouvoir impudemment le parfumer de l'encens le plus puant qu'il se prodigue.
i Août. Depuis la nouvelle discipline introduite par M. le comte du Muy dans les troupes, les colonels qui s'abfentoient fort aisément de leur régiment, font obligés d'y résider fn mois de fuite , & l'exemple de M. de Montausier leur a £ àu(e une frayeur salutaire, qui tes erapeçije.
d'enfreindre ce règlement.
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Ce seigneur, colonel du régiment de Char- ues) avoit écrit au ministre de la guerre pour lui demander un congé, & étoit arrivé prefqu'aussitôt que Ja lettre de M, le comte du Muyv Itiftruit de ta venue , il est allé trouver le Roi, lui porter des plaintes contre cet officier. Sa majesté a sur le champ écrit de sa main à M. le duc de Chartres pour qu'il eût à nommer un colonel à ion régiment > parce qu'elle venoit de demander à M. de Montauiier la démission de cette place.
5 Août. M. Turgot avoit succombé dans sa contestation avec M. Bertin mais, depuis l'arrivée de M. de Malesherbes au conseil, se [entant.
plus fort , il a remis de nouveau sur le tapis ta projet de mettre les coches, diiigences, messageries, roulicrs , &c. en régie, & l'a enfin emporté sur son rival , quoique ce foit une partie du département de celui-ci. En conséquence, i2 a été rendu arrêt du conseil qui ordonne aux entrepreneurs actuels de remettre, fous un délai fixé , au secretaire d'état ayant ce département , un état fidele de leur administration , & toutes les inftruétions nécessaires à leur comptabilité.
Par une lettre particulière, le ministre les iaftruic que là majesté a décidé de retirer Ces droits domaniaux engagés, & de les mettre en régie ; leur enjoignant en même temps, sans !eur fixer aucun délai, de continuer leur sèrvice ùns interruption avec le même zele, la même îxaditudï, jufqu*a ce qu'il en foit autrement ordonné.
.11 parent qae ce service se fera par les posses : en cunféquence M. Turgot est fait furiruendant-général des postes, pour que rien :!le. ruiffe le contrarier ni le gêner dans l'exé-
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Cution de Ton plan; mais il a génereusement refusé les gros émoluments attachés à cette place.
Les six chefs nommés pour la régie en question font déjà connus ; les sieurs Bernard , Querenai , Faur de Beaufort , Fremont , de Morambert & Raguenai. Malheureusement ce font presque tous gens tarés. Le premier furtout a été pendu en effigie en Truffe, & longtemps proclamé dans les gazettes comme un fugitif.
On prétend que le Roi doit gagner deux millions à ce changement, que le public fera mieux servi & à meilleur compte.
5 Août. Dans la derniere séance des pairs au palais , tenue le 2. de ce mois , il a été enrégistré deux édits : le premier donné à Verfailles au mois de juillet , portant rétablissement des eaux & forêts à la table de marbre. Sa majesté dit dans le préambule qu'elle a jugé à propos, pour le bien de lajuftice & celui de ses (ujets, de rendre aux tribunaux le même état & la même consistance dont ils jouilïoient avant 1771 ; qu'elle s'est déterminée d'autant plus volontiers au rétablissement de celui-ci, destiné à veiller au maintien des loix & des règlements émanés de la sagesse des Rois , ses prédécesseurs , pour la conservation des eaux & forêts, qu'elle a reconnu que fà suppression n'a produit que des inconvénients & des embarras dans l'administration qui lui étoit confiée.
Le fécond portant rétablissement du siege des requêtes du palais, donné à Versailles au mois de juillet, porte dans l'enrégitfrement du 1 août, toutes les chambres assemblées, les princes &
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; pairs y séant : « Pour être exécutée selon sa » forme & teneur, sans préjudice des repréfeni 33 tations faites par la cour audit seigneur roi, « & des remontrances qu'elle a arrêté de lui M faire en toutes occasions , ainsi que des » arrêtés faits j?fqu'à présent par ladite cour, » relativement à ce qui a été porté & s'est m passé au lit de justice du xi novembre 1774, » Du reste, le parlement est fort mécontent i qu'en rétablissant une feule chambre des requêtes , on n'ait rétabli aucun des quarante-quatre ofifces supprimés ; ce qui rendra le service trèsdifficile & très-gênant, & l'on espere que M. le garde-des - sceaux fera de nouveau obligé de revenir sur ses pas & de créer de nouveaux offices, 6 Août. On se peut rappeller que , suivant l'amnistie , les paysans qui ont été piller du bled , pour y participer , doivent rendre la denrée en nature ou en argent; que beaucoup effrayés des peines qu'ils craignoient d'encourir, s'étoient réfugiés dans les bois: ils y ressent, ne pouvant restituer le bled qu'ils ont mangé, & faute d'argent pour y fupptéer ; au moyen de quoi ils ne peuvent gagnet leur subsistance. On craint fort que ces malheureux ne deviennent enfin des ! brigands déterminés & n'infenent les campagnes cet hiver , pressés par le besoin & par le désespoir, si la sagesse du minifiere n'y pourvoit pas, en accordant une nouvelle amnistie non conditionnelle, & en se chargeant d'indemniser pour eux les propriétaires plaignants.
6 Août. La confiance publique , malgré les plaintes des frondeurs du gouvernement, devient telle que l'argent, resserré depuis très-longtemps,
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Se sur-tôut fous le mmiftere de M. I abbé Terrai, fort & circule en abondance, au point que les financiers en bonne réputation trouvent aisément des emprunts à quatre pour cent, qu'on va même au-devant & qu'on leur en offre. On ne doute pas, si cela continue & qu'il ne furvienne point de guerre, que l'intérêt ne se réduise incessamment de lui-même à ce taux-là , Be- sans aucune contrainte ou aucun effort du ministere.
7 Août. On mande de Bretagne que le chevalier de Foucault, major de Nantes, a gagné foa procès contre le comte de Menou , lieutenant de roi de la même ville i que celui-ci est condamné à tous les dépens, dommages-intérêts & frais, même à ceux de l'impression de 303 exemplairesde l'arrêt du parlement de Bretagne. On a rendu dans le temps compte des mémoires qui contenoient le détail de cette singuliere affaire, intéressant (ur-tout l'honneur du premier, puif- qu'il s'agissoit au fond d'un vol de 40,000 livresfait au iecond.
On veut aujourd'hui par les faits éclaircir que cette accusation ne foit qu'une vengeance du comte ie Menou contre le chevalier de Foucault, qui s'introduifoit en effet chez lui durant la nuit, mais pour aventure galante.
7 Août. Un sieur Chantier de Brainv ille, prési- dent en la cour des monnoies, qui devrois donner l'exemple de la modération) sert livré à une diffamation outrageante dans un mémoire contre des laboureurs & principalement contre son avocat adverse. Il est si violent que plusieurs de messieurs on ont parlé à l'assemblée des chamkes du 2. de es mois, & qu'il est queftioq ag-,
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parlement de faire un règlement pour arrêter la licence de ces écrits dégénérant en vrais libelles.
8 Août. M. Joii de Fleury, appellé de Brionne, qui paffe à la place d'avocat général, a eu l'humiliation de voir sa réception très-contestée i l'assemblée des chambres tenue à ce fujer. Les jeunes gens des enquêtes , toujours plus zélés, plus jaloux de la pureté & de l'honneur de la compagnie, que les vieillards corrompus , ont repréfemé qu'outre le malheur qu'avoit le récipiendaire d'être frere d'un homme aussi diffamé que son aine (le Fleary Maubeuge, ci-devant procureur- général du parlement- MaupeouJ, il n'avoit pas trnu une conduite b en nette durant l'exil ; qu'il aroit eu ia roibielle ut le separer du parlement dans une occasion aussi critique , de passer au conseil, & que par une lâcheté d'autant moins cxcufable qu'elle n'étoit pas néceiTaire, il s'étois fait recevoir maître des requêtes au tripota & avoit eu l'infamie d'y liéger en cette qualité.
Malgré ces reproches graves, la grand'chambre <]ui tu pas une façon de penser aussi délicate 3 a entraîné les suffrages, & le Brionne a été Ieu.
9 Août. L'arrêt du conseil dont on a parlé concernant l'exercice des privileges & concessions.
des raejfagerics, diligences, carrosses & autres voitures publiques, paroît enfin ; il est du 4 juin.
Sans s'expliquer davantage , sa majesté dans le préambule donne 'P()Uf motif de cet arrêt, l'importance de remédier à différents inconvénients qui se font introduits dans cette partie du service public, tant à l'égard de la manutention desdits établissements. qu'au sujet des.
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contestations qui y font relatives : pour y pourvoir plus efficacemenr, sa majesté a réfoiu di prendre une connoissance particulière & approfondie de tout ce qui a rapport auxdits privilèges & à leur exercice. En conséquence elle ordonne que tous les pourvus des concessions, ou privilèges , propriétaires, aliénataires ou entrepreneurs de carrosses , de voitures , diligences, messageries, & autres voitures publiques, leurs fermies, fous - fermiers , ou préposés , feront tenus d'envoyer dans le délai de fil mois , à compter de la date du présent, copie de leurs titres, baux, tarifs, pancartes & réglements particuliers, au secretaire d'état ayant dans son département la police des carrosses , diligences & meirageries, pour , sur le compte qui en fera rendu aj Roi en l'on coris't'il y étreftatué ce que sa majesté jugera convenable.
sa majesté ordonne en outre, par provision, que toutes les contestations qui surviendront entre lesdits fermiers ou entrepreneurs, leurs procureurs, commis ou préparés, concernant l'exercice des droits résultants de leurs baux, circonftaaccs & dépendances, & les marchands , voituriers , voyageurs & tous autres , feront portés pardevant le lieutenant général de police de Paris t ou pardevant les intendants , commissaires départis, &c.
10 Août. On a dit qu'il avoit été défendu aux boulangers furti vement de mettre le pain à plus de treize fous & demi les quatre livres, ce dont ils n'ont pas tenu compte & en conséquence ils ont été mis à l'amende , c'eft- à-dire, ceux qui ont contrevenu auxdits ordres. mais ils ont refusé de la payer : ils ont été en corps
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chez le maréchal duc de Biron , comme ayanrte commandement des troupes, & lui ont représenté l'extrême injustice de les obliger à vendre le * pain moins cher qu'ils n'achetent la farine : i!s l'ont supplié de prendre fait & cause pour eux ; & , quoique cette démarche foit irréguliere de toute façon , on a craint qu'il n'en résultàt plus d'éclat, & l'amende n'a pas eu lieu.
L'objet de cette injonftion étoit de forcer indirectement les boulangers à prendre tous de ces mauvaises farines dont on a parlé , qui , se vendant à meilleur compte , auroient pu leur donner le facilité de diminuer le pain. Mais les bons n'ont pas voulu s'assujettir à ce mélange détestable, & ont craint de perdre leurs pratiques, Il est à présumer que t'appréhension de la disette de la denrée obligeant vraisemblablement à se ménager cette refl'ource , on n'en usera plus, aujourd'hui qu'une récolte abondante met la France dans le cas de ne plus redouter la famine.
On fait cependant que la cherté des grains, malgré cette excellente récolte, a occasionné à Tours une fermentation qui auroit dégénéré en sédition, si l'on n'avoir fait baisser le taux du bled au marché ; car M. Turgot ne voulant déroger en aucune maniéré par écrit à ses dispositions de liberté, est obligé de donner fous main des ordres qui les contrarient tous les jours. Mais il espere que ce n'efi que pour le moment) & jusqu'à ce qua la bonté de son fyftêni: bien reconnue l'ait mis en pleine vigueur.
11 Août. Meilleurs des requêtes de l'hôtel
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ayant peine a desemparer de la secondé chatîîfcte des requêtes , où ils tenoient leurs seances depuis * la suppressionde cette chambre, le président Hocquart leur a fait enjoindre très-expressement de déguerpir, sinon qu'on les délogeroit de force. En conféqueuce ils ont enfin cédé les lieux , Se avant-hier cette juridiction rétablie a ouvert son tribunal.
1t Août. On commence à parler d'une nouvelle brochure intitulée lettre de l'hermit Jean.
12 Août. On avoir proposé de former en Languedoc un cordon de troupes pour empêcher la communication des bêtts à cornes des provinces voisines où a régné la maladie épizooti.
que. On a néglige de remplir cette précaution qu'exiger 11 prudence on n'a point envoyé aussi pro.Tipttment qu'il le falloit les troupes demandées) & la contagion commence à gagner les bestiaux de cecte proyince; ce qui alarme le miuistere.
13 Août. Un lieur le Blanc, fils d'un petit joaillier , ci-devant avocat , & qui, durant les troubles survenus dans l'ordre de la magillrature, avoit profité de la confusion pour er au châtelet & fè faire conseiller à cette jurifdiûion abâtardie par M. de Maupeou) qui , au moyen de l'amalgamé fait des divers membres du charelet, anciens , nouveaux , exilés, restés , intrus, &c. avoit confervé Ion état, est à la veille de le perdre pour une cause très- grave : il s'agit d'un extrait infidele dans un procès , ou même d'une fouftradlion de pieces dont on l'accuse, Se qu'il voudroit rejeter sur (on secretaire : mais, dans t'un ou l'autre cas, il est coupable , & l'on prc'
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tera sans doute de cette circonstance majeure jur l'expuiier.
13 Août. Les curés de Chevri & de Ferol font clichés Se fortis de la Bastille ; mais celui de ournay y reste. On prétend que dans son interrogatoire il a répondu qu'il n'avoit de compte a endre de sa conduite à l'égard de ce qu'il disoit a chaire f qu'à Dieu , ou à ses supérieurs dans hiérarchie ecclésiastique.
D'ailleurs on fait aujourd'hui que ce curé a té dénoncé au ministere par son propre seigneur, par l'abbé le Noir, homme de la même robe k en outre conseiller de grand'chambre. Sans loute il est bien singulier de voir un magistrat provoquer lui-même une lettre de cachet, contre aqueile les magistrats réclament tous les jours.
abbé le Noir , qui ne s'en cache pas & a ,ui-même conté Ton espiéglerie, prétend qu'il a îrofité de cette occasion pour mûrir la tête de on curé encore trop verte ; que c'est un service ]u'il a voulu lui rendre; &, dans le fait, l'abbé :e Noir est incapable de perfidie ou de mé;hanceté.
Le curé de la Queue en Brie, aussî arrêté depuis beaucoup moins de temps que ses autres confreres, a lutté avec opiniâtreté contre le gouvernement. Son grief est d'avoir été acheter ildu bled lui-même, pour son propre compte :& de l'avoir taxé, de son chef , à 1 livres. Il s'est débattu sur cette conduite , il l'a prétendu honnête & raisonnable, le fermier pouvant se retirer à pareil prix, & , par cette apologie , il a irrité le ministere au point de s'être fait arr..
ter, il n'y a pas un mois, & l'on assure qu'il est gu cachot.
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14 Août. La Lettre de Ibertnite Jean est une brochure médiocre , roulant lur des matiere r-ebattues & dont le public commence à êtreS dégoûté. Ce qui la rend plus rar, c'est qu'elle attaque l'opération du n novembre dernier, enj y rendant justice au foni. Le point que l'au-t teur en critique, c'est d'avoir restitué au parle ment tout son ressort Il voudroit qu'on établît deux conseils supérieurs, l'un à Lyon, & l'autre à Poitiers , pour la commodité & la fatisfadtion des plaideurs. Il réfute en conséquence les pitoyables raisonnements de l'auteur du maire du palais j pour répondre aux reproches faits depuis long -!
temps au gouvernement de forcer la moitia.
du royaume avenir chercher la justice à Paris. 14 Août. M. de Miromesnil cherchant à pallie le mieux qu'il peut l'inconséquence de fupptimcfl le ii novembre deux chambres des requêtes Sa toute cette jurisdiction, & de la rétablir enfuit à moitié le 2. août, prend dans le préambul une tournure qui n'est pas satisfaisante pour toud ie monde. •' cc Cette disposition ( la suppression des deux « chambres des requêtes du palais ) a été diétéc M par le désir que nous avons eu, dès les pre93 miers moments de notre règne , de renfermer » les privilèges dans de justes bornes, & de M conserver le plus qu'il est possible les diffé« rentes jurifdiétions de notre royaume dans n l'ordre qui leur est naturel. C'étoit entrer d M notre part dans les vues du feu Roi, notre a très-honoré seigneur & aïeul , qui a voulu M supprimer les abus considérables qui s'étoienti M glissés dans l'exercice de committimus. Les!
SJ supplications qui nous ont été faites par notre
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M parlement de Paris, nous ont déterminé à » approfondir & peser de nouveau dans notre n conteil les différents motifs de ses reprélenS) tarions ; & , par 1 examen que nous en aurions » fait, nous aurions reconnu que le hege des )ô) gens tenant les requêtes du palais à Paris , a M de toute ancienneté fait partie de notredite cour, & qu'il étoit juste de conserver à ceux lU de nos sujets que leur service appelle près de u notre personne ou dans nos cours, la facilité » d'obrenir justice dans les lieux mêmes où leurs « fonctions les attachent, &c. »
15 Août. Le bled est heureusement diminué dans quelques marchés, mais pas autant sans doute qu'il le fera & qu'il le faudroit pour appaiser les murmures des gens de la campagne. On ne fait quel esprit de vertige s'est répandu sur ces malheureux; mais on en entend qui femblenc délirer une révolution, qui parlent de guerre civile & n'attendent que par-là un changement de fort. Il feroit bien à souhaiter qu'on pût découvrir quel démon souflle ainsi la discorde , & qu'il fût puni d'une maniere éclatante pour en arrêter les progrès.
Fin du trentieme Volume.