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- ANNALES
DRAMATIQUES,
ou
DICTIONNAIRE GÉNÉRAL
DES THÉÂTRES.
TfrME SEPTIÈME.
N O P.
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Les Exemplaires voulus par la loi ont été déposés à la ~
.- .. Préfecture de Police.
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NOTA. Tous les Exemplaires de cet Ouvrage seront ~ signes par moi, BABAULT 'y l'un de$ Auteurs ; en NI conséquence , je déclare que je ferai saisir comme contre^
faits tous ceux qui ne seront pas revêtus de ma signature.
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ANNALES.
DRAMATIQUES,
ou ^
DICTIONNAIRE GÉNÉRAL
A
DES THÉATRES;
CONTENANT
1°. L'ANALYSE de tous les Ouvrages dramatiques; Tragédie , Comédie, Drame, Opéra, Opéra-Comique, Vaudeville, etc., représentés sur les Théâtres de Paris, depuis Jodelle jusqu'à ce jour; la date de leur représentation, le nom de leurs auteurs, a1ecdes anecdotes théâtrales; 3°. Les Règles et Observations des grands maîtres sur l'Art dramatique, extraites des œuvres d'Aristote , d'Horace , de Boileau, d'Aubignac, de Corneille, de Racine, de Molière , de Regnard, de Destouches, de Voltaire, et des meilleurs Aristarques dramatiques;
3°. Les Notices sur les Auteurs, les Compositeurs, les Acteurs, les Actrices, les Danseurs et les Danseuses ; avec des anecdotes intéressantes sur tous les Personnages dramatiques , anciens et modernes , morts et vivans , qui ont brillé dans la carrière du Théâtre.
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES.
TOME SEPTIÈME.
N 0 P.
A PARIS,
1811.
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AVERTISSEMENT.
ASSEZ de personnes ont répandu que la suite du Dictionnaire des Théâtres ne paraîtrait pas, pour qu'il me soit permis de dire au public qu'on s'est plu à lui en imposer. Sans les vols qui m'ont été faits, il toucherait à sa fin ; malgré ces vols et les cris impuissans de l'envie, je l'aurais achevé; mais j'aurais été obligé d'attendre des rentrées de fonds qui en auraient éloigné la publication, si M. Decroix (d'Ambert ) ne fût venu briser le plus puissant des obstacles, que de vils ennemis, guidés par la plus insigne mauvaise foi, se sont efforcés de m'opposer. Voilà le septième volume: je tonnerai la suite le plus tôt qu'il me sera possible ; mais certainement je la donnerai.
Je dois prévenir le.publiç qu'il m'a été volé
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une cinquantaine d'exemplaires du Dictionnaire des Théâtres, qui ont été vendus à des libraires peu scrupuleux, et que ces exemplaires ne seront jamais complétés, quelque part qu'ils se trouvent.
Je préviens encore ceux qui ont bien voulu m'honorer de leurs souscriptions, qu'ils ne doivent payer que sur la signature Babault; en conséquence, je les invite à jeter un coup d'œil sur le titre de chaque volume, où ils trouveront cette signature.
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ANNALES'
DRAMATIQUES,
OU 1
DICTIONNAIRE GÉNÉRAL
DES THÉÂTRES.
NAD'
N ADAL ( Augustin ), abbé de Doudauville, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, né à Poitiers, en 1659, mort dans la même ville, en 1741.
Les ouvrages de l'abbé Nadal ont été recueillis en plusieurs volumes, dans l'un desquels on trouve ses pièces de théâtre, savoir: Saill, Hérode, les Machabées, Mariatnne, Osarplds ou Moïse, et Arlequin an Parnasse. Les quatre premières de ces tragédies furent représentées, mais elles n'obtinrent qu'un succès éphémère. On y remar- que une versification quelquefois élégante, mais peu soutenue. Le plus grand et le mieux fondé des reproches qu'on puisse faire à cet auteur, c'est qu'il manque presque toujours de force et de précision.
NADIR, ou THAMAS KOULI-KAN, tragédie, par Dubuis- son, au Théâtre Français, 1780.
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Nadir a fourni la fable d'une tragédie, intitulée la Mort de Nadir, par P. F. D. Clavel. Cette pièce fut dédiée au baron d'Aylva.
Nadir, ou Thamas Kouli-Kan, s'est emparé du trône de Perse, s'est rendu maître du Mogol , et a emmené avec lui Axiane, fille de l'empereur. Il a fait crever les yeux à Mirza , son fils , qui est aimé de cette princesse, et que l'on accuse d'être complice d'un attentat contre sa personne.
Dans cet état de choses, il se forme contre tui nne conspiration , dont Ali, son neveu, devient le chef. Ce dernier y fait entrer Axiane^, en feignant de n'avoir d'autre projet que de venger Mirza, et de le mettre sur le trône de son père; mais les conjurés, plus soupçonneux, veulent le voir, afin d'être sûrs que c'est pour ses intérêts qu'ils vont combattre. Deux fois on amène ce jeune prince sans di fficid té. Axiane veutabsolument le faire consentir à l'assassinat de son père; mais Mirza s'y oppose, et fait promettre aux conjurés de respecter son père. La conspiration parait s'éteindre, lorsqu'un des personnages vient accuser Nadir d'avoir fatigué ses troupes dans plus de cent combats. Il n'en faut pas davantage : elles suivent aveuglément le perfide Ali. Quoique victime de la cruauté de son père, Mirza, qui voit ses jours en danger, lui révèle la conspiration. Ceci donne lieu à un combat de générosité entre le père et le fils. Ils sont toujours amans, mais ils cessent d'être rivaux, et veulent réciproquement faire le sacrifice de leur amour. Bientôt on annonce qu'Ali s'avance à la tête de l'armée. Nadir sort pour le repousser, mais il est complètement battu, et revient dans son palais , où ses ennemis le suivent pour l'assiéger. Alors il tire son sabre, et cet homme, qui avait été abandonné par ses troupes, en impose aux soldats
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envoyés pour se saisir de sa personne. Axiane, qui se trouvait dans la mêlée, a été mortellement blessée par Nadir. Elle est amenée mourante sur la scène, où elle expire. Mirza se tue, et Nadir lui-même se frappe, après s'être abandonné à toute la violence de ses remords.
Le plan de cette tragédie est défectueux, mais le style offre des beautés. On trouve (:ans cet ouvrage quelques situations très-dramatiques : toutefois il n'obtint qu'un léger succès. L'auteur, ayant reconnu la faiblesse du cinquième acte, y fit des changemens consiuérables , que le public approuva.
NAIGEON n'est connu au théâtre que par l'intermède des Chinois, qui lui fut attribué. Cette pièce fut représentée aux Italiens.
NAIS, opéra-ballet en trois actes, par Cahusac, musique de Rameau, 1749.
Le prologue intitulé l' Accord des Dieux, est relatif à la paix qui venait de calmer l'Europe. On y voit les Titans vaincus par Jupiter et par les autres dieux. Le sujet de la pièce est l'amour de Neptune pour Naïs , cette nymphe, célèbre dans la fable, qui donna le jour aux Naïades. Les jeux isthmiques, institués en l'honneur de Neptune, font la plus grande partie du spectacle de cet opéra-ballet.
NAMIR, tragédie anonyme , 1759,
Ce sujet est tiré de l'histoire des Maures, lorsqu'ils étaient maîtres de l'Espagne. On sait la haine qui divisait les deux puissantes maisons des Zégris et des Abencerrages, haine irréconciliable, et perpétuée de génération en génération. Les premiers avaient enfin accablé les seconds. L'auteur
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suppose que Namir était le dernier des Abencerrages. Zaïde, reine de Grenade, du sang des Zégris, aurait pu, et peut-être aurait dû faire mourir ce jeune prince ; mais, sous des prétextes plausibles, Zulmar, qui aspirait a u trône, avait engagé la reine à le laisser vivre, afin de le faire servir un jour à ses projets ambitieux. Zaïde, forcée de souscrire au choix des troupes qui demandent Namir pour leur général, a vu ce jeune héros; et, malgré l'ancienne inimitié des deux familles, n'a pu s'empêcher de l'aimer. Déjà Namir a défait Alphonse, roi de l'Andalousie. Ce monarque, dit-on, a péri dans le combat, et le vainqueur a fait prisonnière Léonide, sa fille. Les charmes de cette princesse ont allumé dans le cœur de Namir, la plus violente passion. Cependant, Zulmar, voulant renverser tous les obstacles qui s'opposent à ses desseins, presse la reine d'ordonner le trépas de Namir. Il emprunte de sa dernière victoire un nouveau motif pour le perdre; mais la reine ne peut consentir à cet affreux assassinat. La vertu, l'humanité, l'amour surtout, lui parlent trop en faveur du prince, et, pressée par ses sujets de faire choix d'un époux, elle se détermifie à donner sa couronne et sa main à Namir. L'amant de Léonide refuse l'une et l'autre. Le ministre Zulmar , indigné de la faiblesse dé Zaïde, ne se repose que sur lui seul de l'exécution de ses projets. Il forme donc le dessein de se défaire de la reine et de Namir : ce dernier sera sa première victime. Un envoyé d'Alphonse est venu dire que son maître n'avait point été tué dans le combat, mais qu'il avait été blessé dangereusement, et que Namir lui-même, sans le connaître , a pris soin de ses jours. Cet envoyé propose à Zaïde un traité de paix, dont la principale condition est le mariage de Namir et de Léonide. La reine, qui s'était d'abord abandonnée à son ressentiment , porte l'héroïsme de l'amour jusqu'à immoler ses feux au
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bonheur de celui qu'elle aime. Avant qu'elle eût fait ce généreux sacrifice, Zulmar avait feint de favoriser l'hymen et.l'évasion de Namir et de Léonide. Il a séduit l'Iman qui doit les marier et leur présenter la coupe sacrée. Tandis que ces deux amans crédules sont à l'autel, un confident de Namir apprend à la reine que le traître Zulmar en veut aux jours du prince. Zaïde le fait arrêter : ce perfide, qui la menace et la fait trembler en sortant r est désarmé et conduit à la tour. Elle envoie chercher Namir L il vient et prend la défense de Zulmar; mais, tandis qu'il parle pour ce scélérat, il frissonne, il chancelle, et bientôt la pâleur de la mort se répand sur son visage. Dans cet affreux moment, Zaïde ordonne qu'on fasse paraître Zulmar. Le traitre avoue, en frémissant, que Namir et Léonide sont empoisonnés; qu'il n'a pas eu le tems de frapper la reine elle-même ; enfin , qu'il saura prévenir le supplice qui lui est destiné. En effet, il se perce d'un poignard. Namir expire en admirant la générosité de la reine, et Zaïde, inconsolable, promet d'aller tous les jours baigner de ses pleurs la cendre de son amant, jusqu'à ce qu'elle expire elle-même sur son tombeau.
Cette pièce ne pouvait réussir, parce qu'elle est faible d'intérêt et vide d'action. L'amour y joue un rôle trop langoureux, trop élégiaque, et même trop magnanime. Dans le tragique, il doit être déchiré de remords, environné d'horreurs, teint de sang, suivi des Furies, sinon il est froid et insipide. Il fallait tout l'art de Racine, et tout le charme de sa versification, pour faire réussir Bérénice.
NANCEL (Pierre) est auteur- des tragédies suivantes, imprimées en un volume, sous le titre de Théâtre Sacré.. Débora, Dina, ouïes Ravissement, et Josué, ou le 8aQ
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de Jéricho. Dans la première de ces tragé Jiès, au quatrième acte, il se livre une bataille en plein théâtre.
NANETTE ET LUCAS , ou LA PAYSANNE CURIEUSE * comédie en un acte, en prose, mêlée d'ariettes, par Framery, musique du chevalier d'Herbain, au Théâtre Italien, 1764.
Lucas et Nanette veulent marier leur fille à Lubin ; inais un jeune homme, qui n'est pas indifférent à Babet , veut épouser cette fille, qu'il aime. Le père du jeune homme parle à Lucas et à .Nanette, qui refusent de donner leur fille à un autre qu'à Lubin. Nanette s'obstine à. ne pas changer de résolution. Elle est fort prévenue en sa faveur, et se flatte, surtout, de n'avoir point le défaut ordinaire de son sexe; qui est la curiosité. Le père du jeune homme lui remet une boîte, qui contient quelque chose de très-rare, et lui en donne la clef, avec défense d'ouvrir la boîte : dans ce cas , Nanette ne sera plus maîtresse de disposer de sa fille. On juge bien que Nanette ouvre la boîte, et que le mariage de Babet se fait avec te jeune homm& qu'elle aime.
NANINE, ou LE PRÉJUGÉ VAINCU, comédie en cinq actes , en vers de dix, par Voltaire, au Théâtre Français, 1749'
Cette pièce, tour à tour touchante et comique, est tirée du roman de Paméla, sujet déjà traité; mais on sait qu'un sujet dramatique appartient à qui le traite le mieux. Voici d'abord le fonds du roman.
Paméla était une jeune paysanne, qu'une femme de qualité , qui lui trouvait de la beauté et de l'esprit, avait retirée chez elle, dans une de ses terres, et qu'elle faisait élever comme une personne de condition. Cette jeune fille avait
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de la vertu, de l'intelligence, et répondait parfaitement aux soins qu'on prenait de son éducation. Elle était d'un caractère qui la faisait aimer de tout le monde ; et elle avait su principalement gagner l-e cœur de tous. les domestiques de la maison. Le fils de la dame chez qui elle était en devint amoureux; mais Paméla avait des sentimens trop modestes pour aspirer à devenir son épouse, et elle était trop vertueuse pour l'écouter dans d'autres vues que celles du mariage. Elle prit la résolution de s'eri retourner chez son père, autant pour sauver sa vertu, que pour. donner à son amant le tems de guérir sa passion. Cel ui-ci la retint chez lui., et n'était pas éloigné de l'épouser, mais il avait un terrible préjugé à combattre : un homme de qualité épouser une paysanne ! D'ailleurs , comment s'assurer qu'il posséderait le cœur de sonamante ? Il s'étaitfaussementpersuadé qu'elle avait pris de l'amour pour un homme d'un village voisin ; et, sur quelques preuves qu'il crut en avoir, il voulut la renvoyer. Déjà Paméla s'était revêtue de ses habits de paysanne, et se disposait à partir; mais l'amant ne fut pas long-tems dans l'erreur, et il reconnut bientôt qu'il était lui-même celui qui avait fait le plus d'impression sur le cœur de sa chère Paméla. Elle l'aimait en effet; mais sa vertu, son état et la bienséance de son sexe, lui faisaient renfermer en elle-même ses sentimens et sa tendresse.
Quelque soin qu'elle prît de les tenir secrets, l'amant, à la fin, s'en aperçut, et, quand il crut n'avoir plus lieu d'en douter, il lui offrit sa main, qu'elle reçut avec reconnaissance.
Telle est, en abrégé, l'histoire de Paméla, et tel est aussi le précis de la comédie de Nanine, où il n'y a qu'un personnage qui ne se trouve pas dans le roman : c'est celui de la mère du. comte d'Olban 3 qui n'est qu'un rôle ds.
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remplissage; mais l'on sait bon gré à l'auteur de l'avoh' ' ajouté à l'histoire principale. Ce rôle seul fait presque tout le comique de la pièce. Pour celui de la baronne, il est dans le roman de Paméla. Ces deux femmes sont également méchantes , également entêtées de leur noblesse, également ennemies, l'une de Paméla, l'autre de Nanine.
La baronne devait épouser le comte d'Olban, amant de Nanine. Sa jalousie contre une rivale d'un rang si inférieur au sien , est parfaitement exprimée. Le défaut général de cette comédie est de contenir trop de sentimens : il est peu de vers qui ne renferment quelques maximes -, il n'est pas jusqu'aux valets et aux paysans qui ne parlent par épigrammes, et qui ne débitent des apophthegmes; mais il faut convenir que ces éclairs multipliés qui éblouissent l'imagination, n'ôtent presque rien au sentiment qui règne dans toute la pièce : en même tems que l'esprit admire, le cœur se sent vivement touché. Le caractère violent de la baronne va presque jusqu'à la grossièreté. L'auteur, sans doute, s'est cru autorisé de l'exemple de Myladi Davers, qui se laisse emporter jusqu'à battre Paméla : ces sortes de procédés" peuvent ne pas paraître extraordinaires à Londres. Il est vrai que la baronne ne porte pas si loin la vengeance ; elle veut bien se contenter d'enfermer Nanine dans un couvent.
Celle pièce fut très-applaudie; mais Voltaire parut ne pas s'en rapporter entièrement à ces éloges : en sortant de la représentation , il demanda malicieusement a Piron,. ce qu'il en pensait. Celui-ci, qui démêla l'artifice , répondit : « Je 3) pense que vous voudriez bien que ce fût moi qui l'eusse » faite. Je vous estime assez pour cela , lui répondit Vol— M taire. » 1
Un homme en place, extrêmement touché à la représentation de Janine, rentra chez lui avec précipitation 3
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pôur ordonner à son Suisse de ne refuser sa porte à personne, pas même aux gens à sabots. Le Suisse, étonné du discours de son maître -, (fui , jusques-là , n'avait pas été fort débonnaire, dit à un valet-de-chambre qui se trouvait près 'de lui : « Si je n'avais pas aperçu mademoiselle D dans le car» rosse Je monseigneur, je croirais qu'il vient de confesse ».
Les comédiens Italiens donnèrent, au mois de juin de l'année 1771, sous le titre de Bnona Figliola, un opéra comique en trois actes , parodie française, sur la musique de Piccini, et dont le sujet, ainsi que celui de Nanine est tiré du roman de Paméla. v
Avant la première représentation, Carlin, qui avait joué
son rôle d'Arlequin dans une pièce italienne, vint annoncer suivant l'usage; puis, restant sur le théâtre, d'un air inquiet, et regardant autour de lui avec beaucoup de mystère , il fit des lazzis qui excitèrent les ris et la curiosité des spectateurs. Ensuite, s'avançant sur le bord de la scène, et. s'inclinant vers le parterre, il lui dit en grande confidence : « Messieurs, on va vous donner la Buona Figliola, ou la » Bonne Enfant... Mes camarades veulent vous persuader » que c'est une pièce nouvelle... n'en croyez rien... je ne x> veux pas qu'on vous trompe; je suis trop honnête... il y a » dix ans que la pièce est faite... bon! ... elle a couru l'Italie, » l'Allemagne, l'Angleterre... Vous vous apercevrez, sans » doute, qu'elle a un air de physionomie avec Nanine... » je sais bien pourquoi.... elles sont sœurs... elles ne sont » pas du même père, mais de la même mère... elles desM cendent en droite ligne de cette madame Paméla qui a 5) fait tant de bruit dans le monde .
NA NIN E , SOEUR DE LAIT DE LX REINE DE GOLCONDE, pastorale en trois actes,-en ariettes et en vaudevilles, par
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M. Desfontaines, musique de Rodolphe, à Fontainebleau, 1773.
Nanine, fille d'un homme dans l'indigence, est mise en nourrice dans un hameau éloigné de-Paris. Son père part pour les Indes, et y reste pendant treize à quatorze ans, sans que l'on sache ce qu'il est devenu. Les paysans auxquels il a confié sa fille, ont pris Nanine en amitié, et lui ont donné le plus d'éducation qu'il leur a été possible. A l'âge de quatorze ans, elle a connu Saint-Phal , alors cornette de dragons. Tous deux avaient conçu l'un pour l'autre l'amour le plus vif. Saint-Phal, obligé de faire son chemin, n'a plus revu Nanine; mais il ne cesse de conserver pour elle les sentimens les plus tendres. Le père de Nanine est revenu, après avoir fait une fortune immense. Son premier soin a été de chercher s'a fille, qu'il a retrouvée. Il achète des terres considérables dans le canton, et meurt quelque tems après.. j Toujours occupée de Saint-Phal, Nanine ne s'est point marlée. Saint-Phal, devenu colonel, vient rejoindre son régiment, en garnison sur les lieux. Il entend parler d'une jeune et jolie héritière qui occupe le château voisin. Il fait la partie d'aller lui rendre visite avec les officiers de son régiment. Nanine le reconnaît sans en être reconnue. Elle veut l'éprouver; le trouvant fidèle, elle lui donne sa main et sa fortune.
NANTEUIL fut d'abord comédien de la Reine, et passa ensuite au service de l'Électeur d'Hanovre. Nous avons de lui le Comte de Roquefeuille, les Brouilleries nocturnes, l'Amour Sentinelle, le Docteur extravagant, et 1 Amante invisible. Cette dernière, pièce fut représentée a Hanovre, en 1673. On lui attribue en outre le CamPagnard dupé..
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NANTEUIL (M.), auteur dramatique, 1810.
Cet auteur a donné àFeydeau, les Maris Garçons, opéra comique, en un acte; au Théâtre de S. M. l 'Impératrice., la Flottille, le Tuteur Fanfaron, oti la Vengeance d'une Femme, la Mode ancienne et la Mode nouvelle; il a donné au même théâtre, en société avec M. Etienne , le Carnaval de Beaugency, les Deux Mères , l 'Espoir de la faveur, le Pacha de Surene, la Petite École des Pères, Isabelle de Portugal, ou l' Hermitage, et le Nouveau Réveil dEpiménide. On remarque dans ces compositions de l'esprit et du goût.
NAQUET (Pierre), né à Paris en 1729, a fait jouer en province, les Eaux de Passy, ou les Coquettes à la Mode, le Peintre, comédies; l'Heureux Retour, l'Embarras du Zèle, et la Magie sans Magie, divertissemens.
NARCISSE. Voy. AMANT DE LUI-MÊME (1').
NATALIE, drame en quatre actes, en prose, par M. Mercier, 1771.
M. de Clumar, ancien capitaine de vaisseau, a pris soin d'Agathe, je une orpheline qu'il aime comme sa fille. Il est sur le point de la marier avec Frondmaire , officier retiré , pour lequel elle n'a que de l'amitié, et qui en est vivement épris. Ce Frondmaire a depuis long-tems pour maîtresse une femme qu'il est près d'abandonner, et qu'il aime encore tendrement. Cette femme , appelée Natalie, vient lui dire un éternel adieu. Le remords l'emporte ; il se décide à rompre son mariage; il va l'annoncer à M. de Clumar, et lui raconte la manière dont il a séduit la femme intéressante à laquelle la probité le ramène Clumar reconnaît l'histoire
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de sa fille; il se trouve qu'Agathe est le fruit de cet amour; et, à la grande satisfaction de toute la famille, leur réunion s'opère.
L'intrigue de cette pièce est romanesque, mais intéressante.
NAU a donné sur les théâtres de société et çn province, le Départ de V Opéra comique , Esope au Village , Iphis, et la Grande Métamorphose , ou l'Année merveilleuse. Ces pièces ont été imprimées.
NAUDET, acteur du Théâtre Français, 1810.
Naudet a débuté, en 1784, au Théâtre Français, par les rôles & Auguste dans Cinna, et de Philippe Humbert dans Nanine. Il a obtenu sa retraite et sa pension en 1806.
NAUFRAGE (le), comédie en cinq actes, tirée du Rudens de Plaute, par la demoiselle Flaminia, au Théâtre Italien, 1726.
Lélio, qui sait que Silvia est sur mer pour le venir trouver à la Martinique , est alarmé d'un orage qui vient de se dissiper. Silvia et Spinelte se sauvent après que l'Esquif, dans lequel on les avait fait descendre, a été brisé contre le rocher, mais, ne sachant où trouver un asyle, elles frappent à la porte de la maison d'Horace, père de Lélio, qui les reçoit chez lui. Arlequin en est très-content, parce que, dit-il, pour peu qu'on voie un cotillon voltiger dans une chambre, cela réjouit l'imagination. Le vieil Horace a des raisons plus sérieuses pour recueillir Silvia : il en est devenu amoureux. Tout ceci se passe sans que Lélio en sache rien; ce n'est que par son valet Trivelin qu'il apprend que sa chère Silvia est chez son père, avec lequel il a une co,nversation,
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qu'il aimerait mieux avoir avec sa maîtresse. Quoique cette conversation commence d'une manière fort tendre, elle finit cependant par une querelle assez vive, parce que Lélio veut placer les deux étrangères chez une femme de sa connaissance, et que son père veut absolument qu'elles aillent chez une autre. Lélio apprend à son ami Cinthio les desseins de son père, et les raisons qu'il a de s'y opposer. Celui-ci lui promet de cacher Silvia chez la femme du gouverneur, parente de Flaminia, sa belle-mère. De son côté, le bon homme Horace prie Fabrice, son ami, père de Cinthio, de compâtir à sa faiblesse', et de cacher chez lui sa nouvelle maîtresse. Fabrice s'en excuse d'abord, à cause de la jalousie de Flaminia, sa femme ; mais, comme elle est à la campagne; il y consent enfin, Flaminia arrive plutôt que son époux ne l'avait cru. Elle rencontre Lélio, qui, après quelques complimens sur son retour, la quitte pour entrer dans la maison de son père, dont il voit la porte ouverte, et où il se flatte de trouver sa chère Silvia. Cependant Rosette, suivante de Flaminia, qui est entrée la première dans la maison de sa maîtresse, en sort toute étonnée, et vient lui apprendre que son mari y est avec deux filles. Transportée de jalousie , Flaminia entre, et Lélio sort accablé de douleur. Son ami Cinthio lui dit qu'il a obtenu de la femme du gouverneur, la permission de lui mener Silvia ; Lélio lui répond qu'il n'est plus tems, et que son père l'a enlevée. Au désespoir de trouver un rival dans son père, Lélio veut quitter pour jamais un pays qui lui est si fatal; il ignore où est sa chère Silvia. Cinthio, fils deFabrice, vient lui en donner des nouvelles, l'ayant vue chez son père, avant l'arrivée de Flaminia. Il s'offre à conduire cet amant désespéré auprès de sa maîtresse ; mais ils ne la trouvent plus chez Fabrice, d'où Flaminia l'a fait sortir. Ce dernier coup du sort accabla
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Lélio; toutefois Cinthio lui rend quelque espérance, par le conseil qu'il lui donne de venir chez son père, de l'instruire de tout ce qui se passe; de le prendre pour son intercesseur auprès d'Horace, et de mettre Flaminia elle-même dans ses intérêts. Lélio consent à tout ce que son ami Cin thio exige de lui. Enfin Fabrice reconnait Silvia pour sa nièce, et consent à son mariage avec Lélio.
NAUFRAGE (le), opéra en un acte, en vaudevilles, par
M. Desfontaines, au Théâtre du Vaudeville, 1792.
Il ne faut pas tant d'art pour conserverscs jours ;
Et, grâce aux dons de la nature, i
La main est le plus sur et le plus prompt secours.
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Telle est la morale d'une fable de La Fontaine, intitulée : le Marchand, le Gentilhomme , le Pâtre et le Fils de Roi , qui a servi de canevas au Naufrage.
Quatre voyageurs, échappés au naufrage, abordent dans une île déserte : l'un est maître d'armes, le second maître de danse, le troisième maître de chant, et le quatrième pâtre. Les trois artistes se plaignent d'abord de la rigueur de leur sort ; mais bientôt ils se consolent, dans l'espoir qu'ils donneront des leçons, à trois louis par mois, aux habitans de l'île. Le pâtre se moque d'eux: le travail des bras, voilà ce qu'il possède, et ce qui vaut mieux, selon lui, que tous les talens. En effet, le pâtre s'enfonce dans la forêt et y fait des fagots; bientôt il est ramené en triomphe par les sauvages, qui lui destinent la plus jolie fille de l'île, tandis qu'ils s'apprêtent à manger ses trois camarades; punition qu'on inflige chez eux aux paresseux. Ceux-ci, pour conserver leurs jours, se décident à suivre l'exemple de'
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Lucas : ils travaillent aussi; et, par ce moyen , ils partagent le sortbrillant du pâtre, qu'ils n'avaient pas voulu écouter.
Cette petite pièce renferme des détails agréables et de très-jolis couplets.
NAUFRAGE AU PORT A L'ANGLAIS (le), ou LES Nouvelles DÉLARQUÉES , comédie en trois actes, en prose, avec ~ prolog ue et des divertissemens, par Autreau, musique de Mour ~aux Italiens, 1718.
C'est le premier ouvrage de l'auteur, et la première comédie française qui ait été représentée par les Italiens. Quelques scènes, en f rmede prologues, développaient les embarras et les difficultés de la nouvelle entreprise. On y implorait l'indulgence du public, et le public applaudit à la pièce, sans qu'elle eùt besoin d'indulgence.
Lélio, riche négociant arrivé de Rome, aborde avec ses deux filles, eu Port à l'Anglais, où deux amans, par une intrigue conduite avec art, l'engagent à conclure leur mariage, et à les recevoir pour ses gendres. Voilà le sujet très-simple de cette comédie. Des plaisanteries fines et agréables , des divertissemen s, et surtout des vaudevilles, qui étaient alors uné nouveauté , durent contribuer beaucoup à sa réussite. Les scènes en sont un peu décousues, et le goût de l'ancien Théâtre Italien y domine encore ; mais le poëte était obligé de se plier au génie des acteurs, et au ton du spectacle pour lequel jil travaillait.
NAUFRAGE (le), ou LA Pompe funèbre DE Crispin, comédie en 1 in acte, en vers , avec un divertissement 'par Lafont, muj ique de Gilliers, au Théâtre Français, 1710.
Eliante, jjeune française, jetée par un naufrage dansl'ile des Salamandres, est séparée de Lycandre sou amant.
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C'est l'usage, dans cette île, de marier tous les étrangers qui y abordent. Eliante, pour satisfaire à cette loi, a feintd'épouserCrispin, valet de Lycandre: mais cet époux prétendu veut bientôt le devenir en effet. Il instruit le gouverneur que son mariage n'a point été consommé. Pour se soustraire à ses poursuites, Eliante feint de s'être donné la mort. Une autre loi du pays ordonne à celui qui survit à l'autre , de se brûler sur le même bûcher. Crispai ne s'y soumet que parce qu'il ne peut s'y soustraire. Oif est près d'allumer le bûcher. Eliante, placée dessus, et couverte d'un manteau orné de fleurs, entend la voix de Lycandre, qui arrive d'une ne voisine, et qui, instruit de son sort, veut être brûlé avec elle. Toute feinte alors cesse; leur union est confirmée, et Crispin est marié lui-même. Le jeu de ce personnage contribue à égayer cette petite comédie, dont le fonds est tiré * des Mille et une Nuits.
NÉGLIGENT ( le ), comédie en trois actes, en prose, avec un divertissement, par Dufresny , au Théâtre Français, 1692.
Ce titre annonce un caractère trop froid, pour fournir même trois actes. L'auteur y supplée par l'intrigue et quelques accessoires. Deux rivaux, l'un fourbe, l'autre honnêtehomme, se proposent d'arriver à leurs fins par des voies différentes. Le premier veut mettre à profit la négligence d'Oronte, pour s'emparer de son bien. Le second, peu satisfait d'Oronte , mais épris d'Angélique, sa nièce, pare le coup qu'on doit porterà l'oncle et obtient la récompense qu'il ambitionnait. Quelques personnages épisodiques contribuent à remplir le vide de l'action, sans la rendre plus intéressante. L'auteur a saisi cette occasion pour faire passer en revue divers originaux ; ce qui rend cette comédie une pièce toute d&
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portraits plutôt que de caractère. Celui du poëte, qui, moyennant trente pistoles, feint d'être amoureux de Bélise, sœur d'Oronte, pour la faire consentir au mariage de- sa nièce avec Dorante, est une nouvelle preuve de cette extravagante manie, dont plusieurs auteurs n'ont'pu se défendre d'avilir eux-mêmes leur état aux yeux du public.
NEGRESSE (la), ou LE POUVOIR DE LA RECONNAISSANCE, opéra comique en deux actesj en vaudevilles, par MM. Radet et Barré, aux Italiens, 1787'
Dorval, jeune français, a été jeté, dans un naufrage, sur les bords d'une île habitée par des nègres. Zélia, jeune Négresse, adoucit, par les plus tendres soins, le malheur de sa. situation, et inspire à Dorval l'amour qu'elle ressent bientôt pour lui. Rien ne manquerait au bonheur de Dorval s'il n'était séparé d'un père qu'il aime, et s'il n'avait à craindre l'inimitié des Nègres contre les Français. Heureusement pour lui, il tue un tigre qui poursuivait le roi des Nègres, ce qui le réconcilie avec cette nation. Bientôt après, le hasard fait aborder son père dans l'île qu'il habite. Le père apprend tout ce que son fils doit à Zélia, et le sentiment qu'elle a fait naître dans son cœur. Il refuse d'abord de consentir à l'hymen de Dorval avec la négresse, à cause du préjugé ; mais il se rend aux instances de son fils, et le pouvoir de la reconnaissance unit les deux amans.
Tel est le fond assez léger de cette pièce, qui a des rapports frappans avec celle Azemia : on y trouve des couplets bien faits, et plusieurs scènes épisodiques très-agréables*
NEPHTE, tragédie lyrique, par M. Hoffman, musique de M. Lemoine, à l'Opéra, 1789'
Le sujet, de cette tragédie est à peu près le même que celui
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de Camma, de Th. Corneille; mais M. Hoffman l'a traité d'une manière infiniment plus heureuse, en le dégageant d'un amour qui ne pouvait être que ridicule au milieu de si tragiques intérêts. Ce trait historique a fourni à l'Arioste ie sujet d'un épisode intéressant et terrible , qui se rapproche davantage de cet opéra.
La scène est en Egypte. Le roi Séthos vient de mourir assassiné. On voit son tombeau taillé sous des rochers et éclairé d'une lampe funèbre. Des prêtres veillent autour, et déplorent sa perle. Nephté , sa veuve, arrive avec son fils, et tous deux mêlent leurs pleurs à ceux des prêtres. Phares, frère de Séthos, déjà soupçonné d'être son assassin , vient trouver la reine, et répond aux questions qu'elle lui adresse, de manière à confirmer ses soupçons, qui ne tardent pas h être tout à fait éclaircis par le grand-prêtre Amédès. Cette découverte fait trembler la reine, non pour ses jours, mais pour ceux de son fils. Amédès lui demande le secret, et promet vengeance pour le jour même. Bientôt il rassemble le peuple pour offrir un sacrifice aux mânes de Séthos ; et, sans nommer son meurtrier, il exige du peuple le serment de le punir à l'instant où il le désignera. Cependant Pharès témoigne à son confident une grande inquiétude sur le serment qu'Amédès a fait prêter au peuple; il craint d'être découvert:
Eh ! pourquoi lui laisser le pouvoir de parler ?
A notre tour, nous pourrions demander pourquoi, lorsque son confident lui propose de le délivrer de ses craintes, Pharès lui répond :
Laisse-le respirer tant qu'il saura se taire;
Mais , s'il rompt le mystère ,
Frappe, frappe; un seul mot mérite le trépas.
car, s'il rompt le mystère, il ne sera plus tçms de frapper.
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Quoi qu'il en soit, Pharès rassemble le peuple et surtout ses soldats : par une feinte modestie, il se fait nommer successeur de Séthos , jusqu'à ce que le fils de cet infortuné monarque soit en âge de régner. Vainement Nephté veut s'opposer à ce choix en nommant l'assassin de Séthos. Phares rinterrompt à propos. D'ailleurs, il a pour lui le peuple qui propose l'hyménée auquel ce monstre aspire. Il veut de pfus avoir le fils de Séthos , confié à la garde des prêtres; qui ont juré de.mourir plutôt que de le livrer. Amédès vient consoler la reine ; mais, s'apercevant qu'il est observé par le confident de Pharès, il ne peut lui rendre compte des mesures qu'il a prises pour assurer sa vengeance. Dans cemoment, un prêtre survient et lui annonce que les soldats veulent forcer l'asyle où l'enfant est renfermé; il sort pour le défendre. Alors les grands du royaume insistent pour que la reine donne sa main à Phares. Ne sachant plus comment s'en défendre, Nephté, peu tranquille sur les promesses du grand-prêtre, se dévoue à la mort. Elle consent donc a. l'hymen qu'on lui propose, mais bien résolue d'empoisonner la coupe nuptiale, et d'entraîner Pharès dans sa perte. Le peuple, qui ne peut pénétrer ses projets funestes, témoigne sa joie par ses chants. Cette résolution de la reine produit , dans le troisième acte, une scène admirable entre Amédès , qui vient d'apprendre le consentement qu'a donné la reine à ces horribles nœuds , et cette malheureuse Princesse, qui aime mieux passer pour coupable aux yeux d'un homme qu'elle révère, que d'avouer un dessein dont il pourrait empêcher l'exécution. La scène suivante contient les cérémonies de l'hyménée. Nephté y exécute son projet. Enfin la coupe est vidée entre elle et Pharès. Tout à coup le grand-prêtre , à la têle de son parti, arrive, nomme Pharès pour l'assassin de Séthos, et veut tomber sur lui : alors la reine suspend son
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zèle en déclarant qu'elle seule a consommé la vengeance, et que le poison va les faire mourir tous deux. En effet, le tyran en ressent déjà les effets, et meurt comme un forcené. La mort de la reine est plus lente et plus douce; elle a le tems de voir son fils élevé sur le trône par le peuple, et elle rend le dernier soupir en lui tendant les bras.
Cet opéra est parfaitement coupé pour la scène; il l'est aussi d'une manière très-favorable à la musique ; il a de plus le mérite d'un style élégant et naturel.
NEPHTALI, opéra en trois actes, par MM...., musique de Blangini, à l'Opéra, 1806.
Le sujet de cet Opéra est fondé sur la haine des Ammonites contre les Israélites, leurs voisins. Le roi des Ammonites , Harel, fait une descente sur le rivage des Israélites, et enlève deux jeunes amans, Nephtali et Rachel. 11 lescondamne à être brûlés enl'honneurdesonDieu Molock.
A l'instant où ils vont être précipités dans le ventre embrâsé de l'idole, Eliézer, frère de Nephtali, arrive déguisé en Ammonite. Il fait croire au Roi qu'il vient lui dénoncer une conjuration des Lévites ,pour la délivrance des captifs; et, sous prétexte de lui découvrir la retraite des conjurés, l'attire dans une embuscade. Harel est tué, ses autels renversés, les victimes délivrées, et Nephtali reconnaît son frère dans son libérateur.
NEUFCHATEAU (FRANÇOIS-NICOLAS de), auteur dramatique, membre de l'Institut, 1810.
Cet auteur n'est connu au théâtre que par la comédie de paméla, représentée au Théâtre Français, en 1793. Voy. l'analyse de cette pièce.
NEUVILLÉE ( CHICANNEAU de ) a donné au Théâtre Italien, en 1760, la Feinte supposée, comédie en un acte, en prose.
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NEUVILLE MONTADOR (JEAN -FLORENT-JOSEPH dè
BRUNEAUBOIS de ) a fait représenter aux Italiens, en
la Comédienne, comédie en un acte , en prose. Cette pièce n'a point été imprimée.
NICAISE, opéra comique en un acte et en vaudevilles, par Vadé, à la foire Saint-Germain, 1756.
Cette pièce fut remise au théâtre, avec des changemens, par Frameri.
Le sujet est tiré des contes de La Fontaine. Nicaise obtient des parens d'Angélique la permission d'enlever sa maîtresse; mais il craint que le serein ne l'incommode, et veut aller chercher de quoi la couvrir. En vain lui représente-t-elle que le tems presse, et qu'il faut garder la délicatesse pour d'autres instans. Nicaise, trop poli pour ne pas faire une sottise, sort3 et Julien, son rival, profitant de l'occasion , se fait aimer d'Angélique , et obtient le consentement de ses parens. Nicaise arrive avec son tapis , protnet de se venger en le gardant, et se console par le plaisir qu'il aura de danser à la noce.
NICOLE est auteur d'une comédie du Fantôme, qui parut en 1656.
NICOLO ISOUARD ( M. ), compositeur de musique,
1810.
M. Nicolo a fait la musique des pièces suivantes : MichelAnge, la Statue, ou la Femme avare, les Confidences, le Médecin turc, l' Intrigue aux Fenêtres , Léonce, ou le Fils adoptif, la Ruse inutile , le Déjeuner des Garçons, ldala, ou la Sultane, la Prise de Passaw , les Rendez-vous bourgeois, les Créanciers , Cimarosa,
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et Un Jour à Paris. Il a refait en outre la musique du Tonnellier d'Audinot, et a eu part à celle de Flaminius à Corinthe, opéra représenté à l'Opéra, en 1801. ,
NICOMÈDE, tragédie en cinq actes, par Pierre Corneille, i652. 11 Le sujet de cette tragédie est tiré de Justin , dans le- quel on lit que Prusias,t roi de Bithynie, marié en secondes noces, voulut faire périr Nicomède , qu'il avait eu de sa première femme, pour donner le trône à l'un des fils qu'il avait eus de la seconde , mais que Nicomède j ayant découvert ce dessein, conspira contre son père et le fit périr. Tel est le fait historique qui a donné lieu à l'une des meilleures pièces du Théâtre Français. Corneille, au lieu de donner au père et au fils aucun dessein de parricide , a fait peser sur Arsinoé tout l'odieux de la conspiration formée 4gntre Nicomède. Il suppose que Flaminius , ambassadeur des Romains , est venu demander qu'on lui livre Annibal, quoique cet événement ait eu lieu bien long-tems avant celui qui fait le sujet de l'ouvrage; il suppose encore que Nicomède est élève de ce vieil ennemi des Romains; que Laodice, reine d'Arménie, est à la cour et sous la tutelle de Prusias; que Nicomède l'aime , qu'il en est aimé, et enfin que Flaminius est chargé de traverser ce mariage, en proposant a Laodice , Attale, fils de Prusias et d'Arsinoé , élève des Romains : ce \ dernier point est conforme à l'histoire. C'est de ces suppositions et de ces faits que résulte tout l'intérêt de cette pièce , la vingtième que Corneille ait mise 'au théâtre , et qu'il a toujours considérée comme son meilleur ouvrage. " .Nicomède, après avoir ajouté par ses victoires, trois royaumes à celui dç Bithynie , arrive à la cour de son père >
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il y trouve Laodice, qui le reçoit avec d'autant plus de plaisir qu'elle l'aimait avant son départ pour l'armée.
Cette Princessè n'est pas sans inquiétude sur le sort du héros qu'elle chérit , lorsqu'elle le voit en butte aux préventions de son père , roi faible, gourverné par l'influence de Flaminius , ambassadeur de Rome , et surtout par Arsinoé, femme ambitieuse et capable de tout sacrifier aux intérêts de son fils Attale, élève du sénat romain. Ses craintes sont si vives, qu'elle le préférerait à la tête de ses troupes. Mais Nicomède, fort de son courage et de son innocence , brave les Romains, et craint d'autant moins les préventions de son père, qu'il a les moyens de lui dessiller les yeux sur le compte d'Arsinoé, par le moyen de deux hommes , que cette marâtre avait envoyés dans son camp pour le faire périr, et qu'il a fait arrêter. La poli~ tique des Romains , qui ne veulent permettre l'accroissement d'aucune puissance, exige qu'ils traversent le mariage de Nicomède et de Laodice; en conséquence, ils croient devoir présenter Attale, leur élève, à cette princesse ; mais Laodice reçoit cette proposition avec d'autant plus de répugnance, que Nicomède n'est venu à la cour que pour la soustraire au pouvoir de ses persécuteurs.. Toutefois Attale lui parle de son amour en présence de Nicomède, qu'il ne connaît pas , ce qui donne lieu à unescène extrêmement intéressante, et qui ne se dénoue qu'à l'arrivée d'Arsinoé. Cette reine paraît extrêmement surprise à la vue de Nicomède , qu'elle croit encore dans son camp. Ce prince, par un seul mot, lui fait connaître gu'il est instruit de ses complots contre lui. Dès lors elle met totit enceuvrepour le perdre, et pour presser le mariage de Laodice avec Attale. Elle est puissamment secondéedans ses desseins par Flaminius ; mais Nicomède, toujours
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calme, présente à l'orage un front inébranlable ; il répond à son père en héros soumis , sans bassesse ; à l'ambassadeur roumain , en prince digne du trône ; à sa belle-mère, en , guerrier qui, tout en respectant l'épouse de son père, sait cependant braver ses injustes accusations. Prusias , jouet fout à la fois de l'intrigue de sa femme et de la politique des Romains, presse le mariage de Laodice avec Attale ; son aveuglement le pousse jusqu'à soupçonner Nicomède de vouloir le détrôner , et à le faire arrêter. Laodice , dans cette circonstance montre le courage d'une amante et d'une reine. Nicomède, interrogé par son père, en présence d'Arsinoé , soutient toujours la grandeur de son caractère. Cette scène est sublime. Quant à Flaminius, lorsqu'il voit Nicomède arrêté et sous sa puissance, il change de politique et refuse de consentir au mariage d'Attale avec Laodice. Bientôt on apprend que le peuple soulevé réclame la liberté de Nicomède ; Prusias alors, arrivé au dernier degré de l'emportement, veut faire périr ce héros aux yeux des révoltés; mais cette mesure étant peu d'accord avec la politique de Flaminius , il demande qu'on lui livre le coupable , pour le conduire à Rome. On le lui livre en effet; et alors se passe , entre Arsinoé et Laodice, une scène où l'amour est porté, de la part de celle-ci, jusqu'à l'héroïsme. Nicomède va donc devenir l'esclave des Romains; mais l'amour fraternel se réveille dans le cœur d'Attale; et ce jeune prince , qui connaît la route que l'on doit suivre pour conduire son frère au vaisseau qui doit le transporter à Rome, l'y attend, immole les soldats chargés de le garder, et le remet en liberté. Nicomède en profile pour se montrer au peuple, reparaît à la cour, y montre une générosité et une grandeur d'ame, qui étonnent et subjuguent tout le monde s sans en excepter Arsinoé et Flaminius lui-même.
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Dans cette pièce , les passions ne sont qu accessoires ; Corneille y a montré le cœur humain dans une grandeur qu'on pourrait dire colossale. Rien de plus beau que le caractère de Nicomède; rien de plus touchant que celui d'Attale, qui oublie son amour et son intérêt pour sauver son frère; rien de plus élevé que celui de Laodice , qui ne s'écarte jamais de la grandeur d'une reine , dans une cour où elle .vit dans la plus grande dépendance. Flaminius, quelque politique qu'il soit, n'a rien de bas, parce qu 'il agit pour l'intérêt de sa patrie. Si, dans le cours de la pièce, Arsinoé paraît criminelle, si Prusias montre une faiblesse coupable, Corneille , pour ne pas laisser la plus légère tache à son tableau, a su, sans manquer à la vraisemblance, leur inspirer, au dénouement, des sentimens plus justes et plus nobles.
NIÈCE VENGÉE ( la ), ou LES PETITS COMÉDIENS , opéra comique en un acte, en prose, mêlé de vaudevilles et de divertissemens, avec un prologue et un épilogue, par Pannard , à la foire St.-Laurent, 1731
Cette pièce fut jouée par des enfans, dont le plus âgé n'avait que treize ans. Crispin , valet de Clitandre , pourfavoriser l'amour de son maître et de Lisette, nièce de madame Argante, s'est présenté à cette dernière sous le titre de domestique, et se. présente ensuite sous celui du chevalier de Plumoison. Madame Argante donne dans ce panneau, prend du goût pour le prétendu chevalier, et consent, non-seulement à l'épouser, mais encore à ne plus s'opposer au mariage de Clitandre et de Lisette. Au dénouement, Crispin se fgit connaître. La tante, au désespoir , après quelques plaintes , s'adresse au parterre , et dit : « Messieurs , si quelqu'un de .vous veut épouser une
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» petite veuve , je suis à lui, et je vous assure qu'il trou» vera mieux qu'il ne croit )).
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NIEL , maître de musique , a fait celle des opéra des Romans etdel'Ecole des Amans. .. ,
NINA ET LINDOR 3 ou LES CAPRICES DU CŒUR , inter- mède en deux actes, par Richelet , musique de Duny , à la foire St.-Laurent, 1758..
Lindor, désespéré d'être trahi par sa maîtresse, quitte Florence; déguisé , il erre à l'aventure, suivi du seul Zerbin , son valet. Des Bohémiens , qui le rencontrent, sont touchés de l'état de tristesse où ils le voient, et l'engagent à rester quelque tems avec eux. Dans le même tems, la jeune Nina , qu'on veut marier contre son gré, fuit de la maison paternelle. Le hasard la fait passer par le bois où campe la troupe des Bohémiens. Lindor voit Nina et en devient amoureux. Nina , qui se sentait, pour le mari qu'on voulait lui donner, une aversion insurmontable, prend un goût vif pour Lindor : ils deviennent époux, et la pièce est terminée par une fête de Bohémiens et de Bohémiennes. Le fond de cette pièce est fort léger, mais on y trouve d'agréables détails.
NINA, ou LA FOLLE PAR AMOUR , comédie en un acte, en prose, mêlée d'ariettes, par M. Marsollier, musique de , . Dalayrac , aux Italiens , 1786.
Nina aimait Germeutl; mais son père, qui lui destinait un autre époux, refusa de l'unir à son amant. Germeuil s'étant battu contre son rival , on fit courir le bruit de sa ï mort ; et Nina devint folle. Sa folie est d'attendre sans cesse le retour de son. bien-aimé à l'endroit où elle a reçu
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la fausse nouvelle de son trépas. Elle méconnaît tout ce qui l'approche son père même n'est plus, à ses yeux, qu'un étranger, dont elle ne craint point de déchirer l'âme ea l'entretenant de sa douleur. Enfin , Germeuil reparaît sans être reconnu par sa maîtresse ; mais ses discours , ses caresses, et surtout un baiser, rendent à Nina sa raison, et la joie rentre dans tous les cœurs.
Le sujet de cette pièce se trouve dans une anecdote connue, que d'Arnauch a recueillie dans les Délassemens de l'Homme sensible , sous le titre de la Nouvelle Clémentine. Voici l'anecdote :
cc Une jeune personne n'attendait que le retour de son » prétendu pour lui donner la main ; s'étant mise en route » pour aller à sa rencontre , elle apprit qu'il était mort. 3) A cette fatale nouvelle , sa raison s'égara. Depuis et » pendant plus de cinquante ans, elle fit tous les jours 3) deux lieues à pied pour aller au-devant de son amant. » Arrivée à l'endroit où elle espérait le rencontrer, elle » s'en retournait en disant : Il n'est pas arrivé ; allons , » je reviendrai demain. »
NINETTE A LA COUR. Voy* CApRicE AMouREux (le).
NINETTE A LA COUR, ballet pantomime, par
M. Gardel aîné , à l'Opéra , 1778.
Le sujet de ce ballet est heureux, en ce qu'il présente beaucoup de variétés et qu'il prête au spectacle. Les détails sont à peu près les mêmes que ceux de l'Opéra comique de ce nom , joué avec succès sur le Théâtre des Italiens.
' NINON CHEZ MADAME SÉVIGNÉ, opéra en un acte, en vers, par M. Dupaty, musique de Berton, à Feydeau, 1808.
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Madame de Sévigné veut empêcher son fils d'aller chez Ninon, et fait venir du fond de la Basse-Bretagne une dame d'Armentier, que le jeune marquis a promis d'épouser. Ninon, instruite du dessein de madame de Sévigné, se présente chez elle sous le nom de la dame bretonne, qui n'est point encore arrivée, et séduit sans peine toutesles personnes de la maison. Dupe de l'imposture, madame de Sévignémet autant d'empressement à conclure le mariage de cette jeune provinciale avec le marquis, qu'elle témoigne de haine et de mépris pour Ninon ; ainsi, au moyen de ce quiproquo, Sévigné se voit sur le point d'être uni à sa maîtresse , lorsque cel" "-ci, se piquant d'honneur, rend ce jeune fou à sa mère. Toujours prêt à servir de pis aller aux femmes brouillées avec leurs amans , le marquis de la Châtre se trouve là , et Ninon , qui le prend par caprice s signe eh riant son fameux billet.
Cette pièce obtint du succès.
NITÉTIS, tragédie, par madame de Villedieu, 1663. Cambyse, roi de Perse, devient amoureuxdesasœur Mandane, et, pour l'épouser, forme le projet de répudier Nitétis. Celle-ci, avant de donner sa main à Cambyse, était aimée d'un certain Phrameine, alors captif à la cour de Perse. Mandane , à son tour, aimait Prosite, et ne voulait point entendre parler de l'amour du roi. Prosite, Phrameine et Sinirris, frères de Cambyse, se réunissent tous les trois, et, encouragés par l'amour et la fureur de Nitétis et de Mandane, conspirent contre le roi, et rassemblent un parti considérable. Nitétis , voyant Cambyse en danger, n'écoute plus que son devoir, charge Phrameine de veiller sur les i- jours du roi, et le prie de sauver son époux. Ces précautions sont^inutiles, et Cambyse est tué. ^
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Phrameine revient, et se flatte, après cette mort, d obtenir la main de Nitétis , qui lui en avait donné l esperance, mais cette reine le reçoit fort mal, et le regarde comme un monstre. En vain Mandane essaye de la fléchir : à l'imitation d'Hermione, dans Andromaque, elle devient furieuse contre son amant, refuse sa main, et ne s occupe que des devoirs funèbres qu'elle doit a son mari ; mais quelle différence de l'Hermione de Racine, a la Nitétis de madame de Villedieu ! -
Nitétis, surprise, par son mari, avec son amant qui lui rappelle leur ancien amour, dit à son époux sans se troubler :
Bien que tes cruautés augmentent chaque jour,
La loi fait dans mon cœur l'office de l'amour.
Le même sentiment me force à t'avertir,
Que c'est au nom d'époux que mon amour se donne ; Qu'en t'aimant, comme tel, j'abhorre ta personne ,
Et que, si dans ta place un monstre avait ma foi ,
Il aurait dans mon cœur le même rang que toi.
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NITÉTIS , tragédie , par Danchet, 1723.
Apriès, roi d'Egypte, époux de Mérope,etpère de Nitétis, a été détrôné et mis à mort par Amasis. Mérope, chargée de fers, est détenue dans une étroite prison, et l'usurpateur veut faire passer Nitétis pour sa fille. Cambyse., roi de Perse, vient à la tête d'une armée, pour punir Amasis, venger la mort d'Apriès, et délivrer l'Egypte de sa tyrannie. Il a juré la mort de l'usurpateur et de sa famille; mais il change de résolution, quand il reconnait que Psamménite,fils d'Amasis, est le jeune héros qui lui a sauvé la vie dans le combat. Les mouvemens de vengeance et de haine cèdent tout à. coup à. ceux de la reconnaissance 5 il épargne le père en faveur du
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fils, et surtout en faveur de Nitétis, dont il adore les cli armes, et qu'il croit la fille du tyran. De son côté , le fils d'Amasis nourrit un feu secret, que les qualités de la jeune princesse ont allumé dans son cœur. Persuadé qu'il est le frère de Nitttis, il n'ose faire l'aveu de sa flamme; enfin, Psamménite apprend que la princesse n'est point sa sœur : emporté par le feu de sa passion , il révèle à Nitétis le secret de sa naissance et celui de son amour. Alors, instruite des crimes d'Amasis, dont elle cesse d'être la fille, la princesse ne res-
pire plus que la vengeance.
NITOCRIS, REINE DE BABYLONE, tragi-comédie de Duryer, 1649* La tragédie de Duryer ne roule que sur l'incertitude où se trouve cette reine, de suivre les mouvemens de son amour, qui l'attachent malgré elle à Cléodate, seigneur de sa cour , ou la gloire, qui lui défend de l'écouter. Cléodale est orné de tant de vertus qui le rendent digne d'une couronne , que Nitocris croit que son équité et sa reconnaissance, d'accord avec sa tendresse, demandent qu'elle partage la sienne avec lui.
Il est aisé de voir que la Nitocris de Duryer, ouvrage faible et languissant, n'a aucun rapport avec la tragédie ita-
lienne qui suit.
NITOCRIS, trargédie, par Apostolo Zeno, représentée à ?
Vienne, en 1722.
* ^ * Nitocris, reine d'Egypte, est célèbre dans l'histoire par ses vertus autant que par sa beauté. C'est la première femme, dit-on, qui ait porté le sceptre. Elle fit construire l'une de j ces pyramides, placées au rang des merveilles du monde, & et un vaste souterrain. Elle monta sur le trône d'Aménophis
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son frère , dont elle vengea la mort, et ce fut Mirtée qui lui succéda. On ne voit point qu'elle ait jamais voulu se marier. C'est là-dessus que le poëte italien a construit la fable de sa tragédie. Ce Mirtée, général des troupes égyptiennes , entre, les armes à la main, dans le palais de Nitocris; il vient pour sauver Emirène, sœur de cette reine, du danger qu'on lui a dit qu'elle courait. Un autre général, nommé Micerin, rassure Mirtée, et lui promet que Nitocris ignorera sa témérité. Il est fort singulier ,qu'une souveraine, dans son palais, puisse ne pas connaître un pareil attentat: voilà de ces fautes qu'on ne saurait excuser. Cependant, Ratésès, prince issu des anciens rois, veut perdre Nitocris, et attirer Mirtée à son parti ; mais celui-ci résiste à ses insinuations, et reçoit ses offres d'amitié avec le plus grand mépris. Desirant qu'il soit instruit de son amour, mais voulant le laisser maître de son cœur, Nitocris avoue sa passion à son confident Imophis ; elle sait qu'Emirène est l'objet des tendres sentimens de Mirtée; mais ce qu'il y a de plus clair pour nous, c'est qu'elle ne sait pas ce qu'elle veut. Son indécision ne marque pas une âme fortement occupée de sa passion. Enfin, elle donne Micerin pour époux à Emirène, et réduit par là Mirtée au désespoir.
Assassin d'Aménophis, Ratésès a dans ses mains un billet que lui a remis Nitocris, qui presse le supplice du meurtrier deson frère. Il dit à la reine que le eoupable est connu, mais qu'il faut, avant qu'il soit puni, qu'elle fasse un serment qui lui ôte toute liberté de pardon.
La reine fait ce serment, et, dans le moment même où elle avoue son amour à Mirtée, on vient lui annoncer que son amant est l'assassin du feu roi. Elle le croit, et Mirtée est désarmé; elle va plus loin, elle ordonne qu'on dresse l'arrêt
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de sa mort. Inutilement il demande à lui parler; mais ïmophis parle pour lui, et elle consent à l'entendre. Bientôt Ratésès apporte l'arrêt de mort de Mirtée à la reine -, il emploie tout ce que peut lui inspirer sa politique, pour empêcher Nitocris de faire grâce; mais, dans cet instant, Mirtée paraît, se justifie, et la reine déchire l'arrêt.
Ratésès, sans espoir de ce côté, excite un soulèvement: bientôt le peuple demande la tête de Mirtée, mais ce dernier, pour appaiser le tumulte, va reprendre ses fers, et écrit à la reine, qui a juré de le défendre contre ses ennemis, pour la prier de l'abandonner , si sa mort peut rendre le calme à l'Empire. Quoi qu'il en soit, Nitocris ordonne qu'on retire Mirtée de prison , et qu'on le fasse sauver par ce vaste souterrain qu'elle a fait construire. Mais Mirlée ne veut point trouver son salut dans une fuite honteuse. Cependant, il a un tendre entretien avec Emirène. Enfin, il s'arme, et va combattre Ratésès, qui se donne la mort. Dès qu'il est revenu vainqueur au palais, la reine lui sacrifie son amour, et consent à son mariage avec Emirène.
Telle est la tragédie d'Apostolo Zeno, dans laquelle on trouve de fort belles scènes, entre autres, l'apparition et là justification de Mirtée, à l'instant que Ratésès demande sa tête. La grandeur d'âme de ce général, qui consent à reprendre ses fers, et qui fait le'sacrifice de sa vie, pour rendre le calme à l'Empire, n'est pas moins belle. Mais la vertu de Nitocris est outrée, et conséquemment déplacée au théâtre. Comment une femme*, qui aimait un homme à la fureur, peut-elle tout d'un coup se vaincre, et le céder à sa rivale ?
Cette reine est trop faible et trop irrésolue.
NIVERNOIS ( le duc de ) a fait la musique du Temple
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des Chimères, divertissement en un acte, par le président Hénault, représenté en société , en 1758.
NOELES DE PROVINCE (les), comédie en cinq actes, en vers, par Hauteroche , 1678.
Le sot orgueil de ces gentilshommes campagnards, qui lie parlaient que de vieux titres et de point d'honneur, est assez bien peint dans la comédie des Nobles de Province. Madame de Fondnid a gardé son fauteuil en présence de madame de Fatancourt. Les maris prennent cette affaire à cœur, et tous les cousins arrivent en foule pour donner leur avis, et soutenir la querelle en gens d'honneur. Heureusement que la fille de M. de Fatancourt est aimée du fils de M. de Fondiiid. Un mariage raccommode les deux familles. Presque tous les caractères de cette comédie sont originaux, et font naître des situations divertissantes , qui égayent la gravité gigantesque de ces héros du point d'honneur.
NOCE DE VILLAGE ( la ), comédie en un acte, en vers, par Brécourt, au Théâtre Français , 1666.
Colin, paysan d'Aubervilliers, doit épouser Claudine ; mais sa jalousie contre Nicolas suspend quelque tems la noce. Enfin, les conviés font embrasser Colin et Nicolas: on lit le contrat de mariage, qui est d'un comique assez bas. Un repas rustique, des danses, et quelques chansons terminent la pièce.
Gomme on sait, Molière lisait ses comédies à sa servante la Forêt, et, lorsque les endroits de plaisanterie ne l'avaient point frappée, il les corrigeait, parce qu'il avait plusieurs fois éprouvé, sur son théâtre, que ces endroits ne réussissaient point. Un jour, Molière, pour éprouver le goût de cette servante, lui lut quelques scènes de la Noce de Village ,
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, disait être de lui. La servante ne prit point le change ; et, après en avoir entendu quelques mots , elle soutint que son maître n'était point l'auteur de cette pièce.
NOCE INTERROMPUE ( la ) , comédie en un acte, en prose, par Dufiësny , au Théâtre Français, 1669. "
Un gentilhomme campagnard, qui prend le titre de comte, protège un peu trop vivement la jeune Nanette, et la destine à un paysan, qu'il prétend faire son fermier. La comtesse , au contraire, jalouse de Nanette , songe à l'éloigner du comte. Elle est secondée par Dorante, qui aime la jeune fille et qui en est aimé. Il se déguise en paysan, obtient, sous cet habit, le consentement du comte, qui croit avoir trouvé en lui un fermier aussi docile et aussi sot qu'il le desire. La comtesse, informée du stratagème, ne s'oppose plus à. rien : le contrat est signé, et le gentilhomme campagnard pris pour dupe. Telle est l'intrigue de la Noce interrompue, petite pièce qui offre quelquesscènesplaisantes. Le comte et la comtesse , qui commencent tous leurs entretiens par des douceurs, et qui les terminent par des injures, ne sont peut-être pas, en fait d'époux, des originaux sans copie.
NOCE SANS MARIAGE ( la } , comédie en cinq actes, en prose , par M. Picard , au Théâtre Louvois , i8o5.
M. Duverdier , ancien et riche négociant, va marier sa demoiselle à un M. Badoulard , agent d'affaires , que lui a présenté madame dePéraudière, sa cousine. Tous les préliminaires du mariage sont faits; déjà même la dot est comptée, lorsque Blinval arrive. Ce jeune homme qui aimeCécile, et qui n'a encore osé lui déclarer son amour, aidé d'un jeune médecin neveu de M. Duverdier , cherche à empêcher la conclusion de ce mariage. L'arrivée imprévue de
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madame Girard, jeune veu-ve, amie de Cécile , décide Goberville, qui « jusques ici, avait regardé l'entreprise comme impossible. Cette secourable veuve a rentre les mains une promesse de mariage que lui a signée Badoulard quelques mois auparavant. Elle la fait valoir, et, en vertu de ce titre, met opposition au mariage ; mais ce moyen et tant d'autres, dont nous ne parlerons pas, parce qu'ils sont ou forcés ou insignifians, ne leur réussissent pas. M. Duverdier, et surtout madame de Péraudière , n'éconduisent Badoulard qu'après qu'un procureur, appelé par madame de la Péraudière , pour examiner les prétentions de la veuve Girard, leur fait voir des pièces remises entre ses mains pour poursuivre Eadoulard , qui est démasqué et reconnu pour un homme de mauvaise vie.
Tel est, en peu de mots, le fond de cette comédie, que l'on n'a intitulée , la Noce sans Mariage , que parce -que les invités, sans s'occuper de ce qui se passe, se mettent à table et mangent le repas de noce.
NOCES D'ARLEQUIN (les), comédie en trois actes, aux Italiens, 1761. 1
Arlequin vient de Bergame pour épouser la fille aînée d'une famille ; mais comme la cadette lui plaît davantage il la demande en mariage, et obtient le consentement du père et de la mère, ce qui cause beaucoup de jalousie à l'aînée. Pantalon, proche voisin de cette famille, a une fille amoureuse de Lélio , auquel il ne veut point la marier. Mais Camille , la prétendue d'Arlequin , est d'intelligence avec la fille de Pantalon, et s'engage, Il la faveur de son mariage , de surprendre Pantalon pour faire épouser cette fille par Lélio. Cependant Lélio , à l'aide de déguisemens , s'introduit, avec son valet Scapin, dans la maison de Pan-
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talon. Arlequin , qui n'est point alors dans la confidence , devient jaloux de Lélio , et conçoit le dessein de s'en retourner à Bergame sans épouser ; mais lorsqu'il sait de quoi il s'agit, il se raccommode avec Camille : aussitôt qu'on est rassemblé pour la délivrance de la dot et pour la Célébra Lion des noces 3 un rideau se lève, et laisse voir le tableau que Greuse exposa au salon la même année. Celte idée heureuse, qui appartient à Carlin , donna du succès à. celle pièce, qui se termine ainsi. Pantalon survient avec tous les habitans du village, pour célébrer la noce de Camille, qui, en lui mettant un mouchoir sur les yeux , lui fait célébrer le mariage de sa fille avec Lélio , croyant faire celui d'Arlequin avec Camille.
NOCES DE GAMACHE (les), ballet en deux actes , par M. Milon, à l'Opéra , 1801.
Le fameux roman de Don Quichotte a fourni le sujet de ce ballet, qui obtint un succès mérité. Tout le monde connaît l'épisode du roman. f.
NOCES HOUZARDES ( les ) , comédie en quatre actes, en prose , par M. d'Orvigni, aux Français , 1780.
N'ayant point reçu de nouvelles de son mari, qui depuis long-tems a quitté la France, madame Subtil se croit veuve. Le hasard lui fait rencontrer dans un bal un jeune homme déguisé en houzard, qui , sous le nom du baron de Jarnoncourt, lui a fait, en plaisantant, une déclaration d'amour qu'elle a prise à la lettre. C'est si sérieux de son coté, qu'elle quitte son nom pour prendre celui de son chimérique amant, qu'elle fait chercher depuis six ans. Cependant un fripon adroit l'entretient dans son erreur , et fait de sa folie la base de sa fortune. Quoi qu'il en soit, elle ne veut pas consentir au mariage de Léonor, sa
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pupille, avec Linclor, amant aimé de cette jeune personne. Sur ces entrefaites, M. Subtil revient de l'Amérique ; ne pouvant retrouver sa femme , à cause de son changement de nom, il se croit veuf à son tour , et veut épouser Léonor. De concert avec Lisette, femme-de-chambre de madame Subtil, et avec M. Griffard, oncle de Lindor, un valet intrigant parvient à jouer et la femme et le mari. Sous l'habit d'houzard, il apporte à la vieille folle une lettre par laquelle son prétendu baron lui demande un rendezvous nocturne à sa petite maison, afin de procéder, comme de raison, à la signature de leur contrat de mariage. M. Subtil, dans l'espoir d'y signer aussi son contrat de mariage avec Léonor, s'y rend, de son côté, au moyen d'une lanterne sourde, qui les empêche de se voir : les deux époux signent le contrat de mariage de Lindor et de Léonor. Fiat lux ! Bientôt les époux se reconnaissent, ils se réconcilient, et finissent par consentir à l'union des deux amans.
Cette pièce eut un succès équivoque à l a première représentation, mais l'auteur y fit des retranchemens qui redonnèrent du nerf à l'action, et qui la firent applaudir dans la suite. D'ailleurs il ne faut pas être si sévère sur un ouvrage que tout annonce avoir été composé à l'occasion du carnaval.
NOCES DE PROSERPINE ( les ), opéra comique en un acte, avec un divertissement, par Le Sage et d'Orneval,
à la foire St.-Germain , 1727. \
Cette pièce est une espèce de parodie de l'opéra de Proserpine , qu'on venait de reprendre au théâtre de l'Académie royale de Musique. L'action se passe dans les ChampsElysées. Pluton, qui vient d'enlever Proserpine, lui dit qu'il sait que Cérès est allée se plaindre à Jupiter ; mais il ajoute que, si l'arrêt qu'elle obtiendra est contraire à la
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tendresse qu'il ressent , il ne laissera pas de garder Prosér- s pine , et que , pour cet effet, il va disposer ses sujets à une vigoureuse défense. En attendant, Pluton envoie à. Proserpine, pour la désennuyer, les ombres nouvellement débarquées. La déesse les interroge l'une après l'autre. Pyrame, héros moderne de l'Opéra, paraît le premier. Il est vêtu en général d'armée. Alceste et Adonis viennent ensemble, se tenant pardessous le bras , comme des bourgeois. La scène suivante est celle d'une procureuse , morte d'un coup de sifflet -, ensuite vient le berger d'Amphrise, habillé en simple berger ,~ quoiqu'il y ait des tliamans sur sa jaquette de paysan et sur ses sabuts. Outre cela y il parle si grossièrement contre les dames , qu'on le connaît aisément à son impolitesse.Proserpine lui reproche sa rusticité pour le beau sexe : elle ajoute qu'il a dû être bien trompé avec son beau château doré et doublé de lampions. Les deux dernières ombres sont celles d'un poète et d'un musicien , qui se sont cassés la tête en même tems dans un café, où ils disputaient avec chaleur sur le mérite de deux actrices, l'une appelée Fanchon et l'autre Toton : le poète tient le parti de la première, et le musicien celui de la seconde. A peine sont-ils sortis, que Mercure vient annoncer que l'arrêt de Jupiter est que Proserpine demeurera six mois avec son mari et six mois avec sa mère.
NOEUD. Le nœud est un événement inopiné qui surprend , qui embarrasse agréablement l'esprit, excite l'attention , et fait naître une douce impatience d'en voir la fin. Le dénouement vient ensuite calmer l'agitation où l'on a été, et produit une certaine satisfaction de voir finir une aventure à laquelle on s'est vivement intéressé. Le nœud et le dénouement sont les deux principales parti-és du poème
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épique et du poëme dramatique. L'unité , la continuité, la durée de l'action, les mœurs, les sentimens, les épisodes et tout ce qui compose ces deux poèmes , ne touchent que les hommes habiles dans l'art poétique, dont ils connaissent les préceptes et les beautés ; mais le Nœud et le dénouement, bien ménagés , produisent leurs effets également sur tous les spectateurs et sur tous les-lecteurs. Le Nœud est composé, selon Aristote, en partie de ce qui s'est passé hors du théâtre, et en partie de ce qui s'y passe ; le reste appartient au dénouement. Le changement d'une fortune en une autre, fait la séparation de ces deux parties. Tout ce qui le précède est de la première, et ce changement, avec ce qui le suit , regarde l'autre. Le Nœud dépend entièrement du choix et de l'imagination industrieuse du poète; et l'on n'y peut donner de règle-, sinon qu'il y doit arranger toutes choses selon la vraisemblance , sans s'embarrasser, le moins du monde, des choses arrivées avant l'action qui se représente. Les narrations du passé importunent ordinairement, parce qu'elles gênent l'esprit de l'auditeur, qui est obligé de charger sa mémoire de ce qui est arrivé plusieurs années auparavant, pour comprendre ce qui s'offre il sa vue. Mais les narrations de ce qui arrive et de ce qui se passe derrière lo théâtre , depuis l'action commencée , produisent tou* jours un bon effet, parce qu'elles sont attendues avec quelque curiosité, et qu'elles font partie de l'action que l'on présente. Une des raisons qui donnent tant de suffrages à Cinna , c'est qu'il n'y existe aucune narration du passé ; celle qu'il fait de sa conspiration à Emilie étant plutôt un ' ornement qui flatte l'esprit du spectateur , qu'une instruction nécessaire de particularités qu'ils doivent savoir pour l'intelligence de la suite. Emilie fait assez connaitre
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dans les Jeux premières scènes, que Cinnâ conspirait contre Auguste en sa faveur; et, quand son amant lui dirait tout simplement que les conjurés sont prêts pour le lendemain , il avancerait autant par l'action que par les cent vers qu'il emploie à lui rendre compte , et de ce qu'il leur a dit, et de la manière dont ils l'ont reçu. Il est des intrigues qui commencent dès la naissance du héros , comme celle d'Héraclius; mais ces grands efforts d'imagination en demandent un extraordinaire à l'attention du spectateur, et l'empêchent souvent de prendre un plaisir entier aux premières représentations , à cause de la fatigue qu'elles lui causent.
L'un des grands secrets pour piquer la curiosité, c'est de rendre l'événement incertain. Il faut, pour cela, que le Nœud soit tel , qu'on ait de la peine à en prévoir le dénouement, et que le dénouement soit douteux jusqu'à la fin , et, s'il se peut, jusques à la dernière scène. Lorsque, dans Stilicon, Félix est tué , au moment qu'il va en secret donner avis de la conjuration à l'Empereur, Honorius voit clairement que Stilicon ou Euchérius , ses deux favoris, sont les chefs de la conspiration , parce qu'ils étaient les seuls qui sussent que l'Empereur devait donner une, audience secrète à Félix. Voilà un nœud qui met Honorius', Stilicon et Euchérius dans une situation très-embarrassante , et il est très-difficile d'imaginer comment ils en sortiront. Tout ce qui serre le Nœud davantage , tout ce qui le rend plus mal aisé à dénouer, ne peut manquer de produire un bel effet. Il faudrait même , s'il se pouvait , faire craindre au spectateur que le Nœud ne se put pas dénouer heureusement. La curiosité une fois excitée, n'aime pas à languirai faut lui promettre sans cesse de la satisfaire, et la conduire cependant, sans la satisfaire, jusqu'au lertue
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que l'on s'est proposé : il faut toujours approcher le spectateur de la conclusion , et la lui cacher toujours; qu'il ne sache pas où il va, s'il est possible , mais qu'il sache bien qu'il avance. Le sujet doit marcher avec vitesse ; une scène qui n'est pas un nouveau pas vers la fin, est vicieuse. Tout est action sur le théâtre, et les plus beaux discours même y seraient insupportables , s'ils n'étaient que des discours. La longue délibération d'Auguste , qui tient le second acte de Cinna, toute admirable qu'elle est, serait la plus ennuyeuse chose du monde, si, dès la fin du premier acte, on n'était pas demeuré dans l'inquiétude sur ce que veut Auguste aux chefs de la conjuration qu'il a mandés ; si ce n'était pas une extrême surprise de le voir délibérer de sa plus importante affaire avec deux hommes qui ont conjuré contre lui ; s'ils n'avaient pas tous deux des raisons cachées, que le spectateur pénètre avec plaisir, pour prendre deuxpartis tout opposés ; enfin , si cette bonté qu'Auguste leur marque n'était pas le sujet des remords et des irrésolutions de Cinna , qui font la grande beauté de sa situation. Un dénouement suspendu jusqu'au bout, et imprévu, est d'un grand prix. Gamma, pour sauver la vie à Sustrate , qu'elle aime, se résout enfin à épouser Sinorix . qu'elle hait, et qu'elle doit haïr. On voit, dans le cinquième acte, Camma et Sinorix, revenus du temple où ils ont été mariés : on sait bien que ce ne peut pas la être une fin; on n'imagine' point quels en seront les résultats, et d'autant moins, que Camma apprend a Sinorix qu'elle sait son plus grand crime, dont il ne la croyait pas instruite, et que. quoiqu elle l ait épousé, elle n'a rien relâché de sa haine pour lui. Il est obligé de sortir , et elle écoute tranquillement les plaintes de son amant, qui lui reproche ce qu'elle vient de faire pour lui prouver à quel point elle l'aime. Tout
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est suspendu avec beaucoup d'art, jusqu'au momeut où l'on apprend que Sinorix vient de mourir d'un mal dont il a été attaqué subitement : alors Camma déclare à Sostrate qu'elle a empoisonné la coupe nuptiale , où elle a bu avec Sinorix , et qu'elle va mourir. Il est rare de trouver un dénouement aussi peu attendu, et en même tems aussi naturel. >
NOGUER.ES est auteur d'une tragédie intitulée la Mort » de Manlius , jouée à Bordeaux, en 1660. '■-.*% 5
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NOMS CHANGES (les), ou l'INDIFFÉRENT CORRIGÉ, I comédie en trois actes, en vers, par Brunet, au Théâtre Français, 1758. }
Valère est amoureux d'Isabelle, jeune orpheline, noble et sans bien; mais Léandre, oncle et tuteur de Valère, arésolu de lui faire épouser Araminthe, que Léandre et Valère n'ont jamais vue, et qui, pour terminer l'affaire, doit arriver avec Oronte, son oncle, qui n'est pas plus connu. Ce Léandre , est un homme indifférent, parvenu à l'âge de trente-quatre, / ans, sans avoir jamais soupiré, et qui ne conçoit pas même qu'on puisse aimer une femme. Il veut du moins que son neveu soit dédommagé, par le bien, des désagrémens de l'union conjugale. Araminthe est une riche héritière : il s'agit de rompre ce mariage. Valère, épris des charmes d'Isabelle, ne peut consentir il recevoir la main d'une autre; mais il faut en même tems ménager Léandre, de qui il attend toute sa fortune. Il confie à son valet Pasquin ses inquiétudes et ses vues. Isabelle va peut-être arriver dans le moment; Doris, sœur de Léandre, avec lequel elle est en procès par un mal-entendu, veut bie a la recevoir dans son appartement, et favoriser la passion de son neveu. Isabelle parait; et
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Pasquin est si touché des assurances de tendresse, que les deux amans se donnent en sa présence, qu'il se détermine à les servir. On attend Oronte et Araminthe dans la soirée, ou le lendemain, au plus tard. On ne connaît que léurs noms et leurs biens. Damis , qui a négocié cette alliance , par bonheur est absent. Pasquin propose à Isabelle de s'emparer des titres d'Araminthe, de se présenter au plus vite sous ce nom, et ne doute nullement que Léandre ne l'unisse aussitôt avec Valère. Mais on a besoin d'un drôle habile qui fassel'oncle d Araminthe. Il est tout trouvé dans Crispin, . ami de Pasquin, qui l'a vu rôder autour du château. Valère est enchanté de celte invention; mais Isabelle se prête avec peine h ce stratagème. Bientôt Pasquin va trouver Crispin, et, après lui avoir fait sa leçon, vient annoncer à Léandre l'arrivée d'Araminthe et de Dorante, c'est-à-dire, d'Isabelle et de Crispin. Il le prévient sur les façons et les propos de ce dernier, en lui disant qu'il est familier et sans cérémonie. Crispin ne dément point ce caractère; il tutoye tout le monde, etblesse la gravité de Léandre par ses bouffonneries. Cependant la véritable Araminthe arrive ; sa voiture s'est brisée non loin du château; ce qui l'a forcée a faire le reste du voyage à pied avec Val en tine, sa femme-de-chambre. Son oncle Oronte est resté pour donner des ordres et pour veiller sur les paquets. La première personne qui s'offre aux regards d'Araminthe, est Isabelle, avec qui elle a une conversation; elles s'expliquent, et découvrent qu'elles sont rivales. La tendre Isabelle lui avoue même, en rougissant, qu'elle a pris son nom pour tromper l'onde de son amant. Comme Araminthe n'a jamais vu Valère, et que, d'ailleurs, elle ne pourrait se résoudre à s'unir avec un homme qui en aime une autre, elle ne s'offense point du stratagême d'Isabelle; et pour ne point déjouer, par sa présence, les mesures
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concertées, elle' promet départir sans voir ni Léandre, ni Doris, ni Valère. Cette générosité charme Isabelle, qui sort contente, mais lorsqu'Araminthe se retire, Léandre paraît. L'insensible Léandre est frappé de sa beauté, et lui dit des choses agréables. Araminthe le prend pour Valère, et le croit infidèle ; mais Léandre se fait connaître. Alors Aramin the confie, en secret, à Valentine, une idée qui lui vient; c'est de passer pour Isabelle, afin d'embarrasser Léandre. En effet, elle l ui expose pathétiquement ses prétendus malheurs; elle se dit abandonnée par un perfide. Léandre est touché de ses sentimens et de sa situation; il ne pardonne pas à son neveu d'avoir trahi tant de charmes. Ce neveu survient, et l'autre est fort étonné de le voir tranquille visà—vis de la fausse Isabelle. On vient avertir Léandre que Doris, sa sœur, veut lui parler. Alors il prie Araminthe de demeurer, et de»l'attendre un instant. Cependant Valère demande l'explication de la prétendue infidélité dont on l'accuse. Araminthe le comble de joie, en lui apprenant qui elle est, et en lui disant qu'elle travaille elle-même à son bonheur. Oronte se trouve vis-à-vis de Crispin, et lui demande où est Léandre. Crispin lui répond brutalement. Oronte insiste; et Crispin, toujours impoli, toujours grossier, ne le' satisfait pas davantage. Tous deux se disent Oronte, tous deux oncles d'Araminthe; tous deux s'accusent d'imposture; et cette scène finit par des coups de canne que Crispin reçoit très-humblement. Tout se découvre; Léandre se décide, et propose sa main à la belle Araminthe, pour la venger de son neveu. Araminthe l'accepte, et dévoile tout le mystère. Léandre pardonne aisément une feinte à laquelle il doit son bonheur, et le double mariage seconclud.
L'intrigue est fondée sur une fourberie de valet, calquée sur cent autres déjà mises au théâtre; mais il ên sort pour-
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tant quelques scènes assez comiques, qui, tout usées qu'elles sont, y répandent de la gaîté
NOMS EN BLANC (les), opéra comique en un acte, avec un divertissement et un vaudeville, par un anonyme, à la foire Saint-Germain , 1730.
Madame Argantc a résolu de marier son fils Damon, jeune libertin, avec Henriette, riche et belle héritière, dont elle est la tutrice. Valère , amant aimé d'Henriette, déguisé en danseur, trouve le moyen de gagner Frontin, valet de son rival, et porteur de son contrat de mariage, dont les noms sont restés en blanc. Frontin les fait remplir de ceux de Valère et d'Henriette. Madame Argante signe sans se douter de la fourberie, et ne la découvre que lorsqu'il n'est plus tems; ce qui augmente son désespoir, c'est qu'elle-est amoureuse du prétendu danseur, dont elle est la dupe, et qui, malgré elle, va épouser Henriette. La pièce finit par un divertissement et un vaudeville, dont le refrein est :
En passant pour ce qu'on n'est pas.,
Souvent on fait bien ses affaires.
NONANTES a fait imprimer, en 1722, Y Après-Dîner des Dames de la Juiverie, comédie en trois actes, en prose.
NONDON a composé une tragédie sous le titre de Cyrus,
1642.
NOSTRADAMUS, parodie de Zoroastre, eil un acte, en vaudevilles, par Taconnet, à la foire Saint-Germain, dans la troupe de BIENFAIT, 1755.
Cette parodie est le coup d'essai de Taconnet, qui était alors machiniste à l'Opéra. Il y avait beaucoup de monde à la représentation ^ et les couplets furent applaudis par des
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gens du métier eux-mêmes. Au dénouement, le Tems des- cendait en Polichinelle à cheval sur l'arc-en-ciel, et chantait 1 un couplet qui finissait par ces deux vers;
Lorsque vous verrez l'arc-en-cie! ,
Vous ne verrez pas l'arc en terre.
Ce calembourg excita une huée générale : Taconnet dé- concerté, et dans un transport poétique,, déchira sa pièce Î sur-le-champ, et se cacha chez Nicolet. C'est au sujet de' cette brusque retraite que l'on fit sur l'auteur de Nostra- damus le couplet suivant :
II a BIEN FAIT :
Mais BIEN FAIT n'est pas son affaire;
/ Il a bien fait,
De se sauver chez Nicolet.
Quelque jour on verra, j'espère,.
Que Taronnet y pourra plaire :
Il a BIEN FAIT.
NOUGARET ( M. Pierre-Jean-Baptiste ), né a la Rochelle en 1742, a fait jouer en province Y 'Incertain, parodie deZulica; Sancho Gouverneur; la Bergère des Alpes, la Famille en désordre, parodie du Père de Famille ; le Droit dit Seigneur , Saint- Symphorien, tragédie chrétienne; les Nouveaux Originaux, le Mari du, teins passé, ou la Jalousie au Village. Il a donné à l'Ambigu comique, le Bouquet de Louise, les Fourberies dit petit Arlequin , Il n'y a plus d'Enfans, Léandre et Isabelle, Y Assemblée des Animaux , le Mai, Arlequin, chez les Patagons, la Comète, l'Education à la mode, et Y héritage. Il a fait en outre, en (société avec Marchanda une tragédie ue Menzicoss.
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NOURRIT ( M. ), acteur de l'Opéra, 1810.
Cet acteur est élève du Conservatoire, et fait honneur à. cet utile établissement.
NOUVEAU BAIL ( le ), opéra comique en un acte, avec un divertissement et un vaudeville, par Carolet, à la foire Saint—Laurent, 1732.
L'Opéra-comique attend avec impatience la copie du bail qu'il a passé avec l'Opéra. Dans cette attente, il donne audience à un poëte grivois et satirique, dont il refuse l'ouvrage : vient ensuite une danseuse, qui se vante de posséder encore d'autres talens. L'Opéra-comique se contente de la danseuse : l'Opéra arrive enfin, et remet à l'Opéra-comique La copie de son bail, en lui disant:
Cousin, montez au trône, et commandez ici ;
Vous aurez, en payant, t'Opéra pour ami.
L'Opéra-comique le remercie, et voit entrer un musicien, qui lui présente son valet, sous le nom duquel il veut faire passer la musique qu'il composera pour la Foire, de peur, dit-il, de s'encanailler.
NOUVEAU MAGASIN DES MODERNES ( le ), comédie en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles, par MM. Ségur jeune, Deschamps et Després, au Vaudeville, 1798.
Cette comédie fait suite à un opéra comique de Pannard , intitulé : Le Magasin des Modernes. On y remarque une critique fine et spirituelle des ridicules, des travers et des vices de nos jours. Parmi les couplets, en voici un trèspiquant que les auteurs ont mis dans la bouché de Pannard,
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qui, quoique mort depuis long-tems, paraît être au fait de tout ce qui se passe.
Nous disons de maint drame triste,
Dont le style est d'horreur bouffi : Fi! fil
Nous disons aux auteurs d'Egyste,
De Marius, d'Epicharis : Bis, bis.
Nous disons, voyant l'étalage
De certains Crésus prospérans : Rends, rends.
Nous disons -de maint équipage ,
D'un grand éclat et d'un grand prix : Pris, pris.
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NOUVEAU MARIE ( le ), comédie en un acte-, en vers, par Montfleury, 1673.
M. Vilain , nom significatif, refuse de donner à sa nouvelle épouse, et à ceux que son mariage a rassemblés, le divertissement d'une comédie. Il en prend occasion de faire la critique de. ces sortes d'amusemens : les poètes n'y sont pas eux-mêmes épargnes ; et il dit, à ce sujet, des choses qui sont encore vraies de nos jours.
C'est un métier gâté ; tout le monde s'en mêle-
Quand j'y songe, morbleu ! je tombe de mon haut :
Il n'est pas aujourd'hui jusqu'au moindre courtaud,
Dans la démangeaison d'exercer son ,envie,
^ Qui ne soit le bourreau d'un vers qu'il estropie.
Enfin, le beau-père de M. Vilain amène une troupe de comédiens, et la pièce commence. Cet acte est donc plutôt un prologue qu'une pièce.
NOUVEAU MARIE ( le ) , ou LES IMPOSTURES, opéracomique en un acte, par M. Cailhava, musique de Barilli, aux Italiens, 1770.
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II est minuit ; on est encore à table : le nouveau marié représente qu'il est tems de se retirer; mais les jeunes gens de la noce veulent danser jusqu'au jour; et l'on emmène la mariée pour danser. Le mari, furieux, dit à Jeannot, son domestique, d'enfermer II s importuns; et à Toinon, sa servante, de faire venir sa femme. Cependant M. Simon, oncle du nouveau marié, sans le consentement duquel le mariage s'esl fait, survient sans être aperçu. C'est un goguenard , un railleur, qui cherche à se venger de son neveu. Il se cache; il éteint les lumières. Le mari revient dans le salon , où il entend marcher ; il croit que c'est sa femme : l'appelle, lui ditbeauconp de galanteries, saisit une main , qu'il baise avec transport; mais bientôt il reconnaît que c'est un homme. Il appelle du secours ; Jeannot revient avec de la lumière. Quelle surprise ! quel effroi pour le maître et pour le valet, quand ils voient l'oncle , dont ils craignaient le retour ! Celui-ci promet de tout pardonner, si le marié veut lui tenir compagnie jusqu'au jour. Cette condition afflige le neveu ; l'oncle exige du moins qu'il ne dira jamais , pendant toute la nuit, que ces deux mots à sa femme, ziste, zeste. Cette plaisanterie donne lieu à des lazzis qui réjouissent l'oncle, et le déterminent non—seulement à donner son consentement au mariage, mais encore à assurer tout son bien aux nouveaux mariés.
NOUVEAU MONDE ( le ), comédie en trois actes, en vers libres, avec un prologue et des intermèdes, par l'abbé Pellegrin, musique de Quinault, ballet de Dangeville, au Théâtre Français, 1722.
Cette pièce présente l'idée d'un monde, d'où'Jupiter avait banni l'Amour, et où cependant ce dieu s'introduit souverainement. Un philosophe aimable d'un esprit fin et
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délicat, rempli de connaissances et de goût, qui voyait tous les jours l'abbé Pellegrin) lui composa cette épitaphe:
Prêtre, poëte et provençal, Avec une plume féconde, '
N'avoir ni fait, ni dit de mal
Tel fut l'auteur du Nouveau Monde.
On trouve ces vers d'autant plus justes, qu'ils renferment, en quelque sorte, l'abbé Pellegrin tout entier; son caractère de prêtre, sa profession de poète , sa patrie, la fécondité ; de sa muse, la bonté de son cœur , et le meilleur ouvrage 1 que nous ayons de lui. Quelques personnes ont voulu dépouiller l'abbé Pellegrin de la gloire d'avoir fait cette comédie. La raison qu'ils en apportent, est qu'il n'est pas possible qu'un homme qui a enfanté des millions de vers détestables , soit l'auteur d'une pièce si ingénieuse, écrite d'un style si pur et si léger.
NOUVEAU PARNASSE ( le ), opéra comique en un acte, par Favart, à la foire Saint-Laurent, 1736. 1 On voit, sur le sommet d'un rocher escarpé, le temple de la Perfection , entre un café , où se rendent les poètes , et un cabaret, où se rendant les musiciens» L'imagination y transporte Pierrot, et lui apprend que c'est le Nouveau Parnasse , 'où la Mémoire préside ; qu'il n'est plus question de muse, ni même d'Apollon , dont il n'existe que le fantôme. Pour achever de mettre Pierrot au fait de ces prodi- gieux changemens, la Mémoire lui apprend que' depuis que Jupiter a traité son père de la façon que tout le monde sait, le Tems, pour se venger, a envoyé les dieux à tous les1 diables, et a détruit l'ancien Parnasse. Pierrot est absorbé
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par Pindarique, garçon de café, qui parle Phébus, et par Entonnoir, garçon cabaretier, qui le fait chanter en buvant avec lui. Vient ensuite Incognito, revêtu d'un long manteau. Ce personnage se découvre et grandit à mesure qu'il se voit applaudi, et au contraire, il se rend plus petit et se-cache sous son manteau, lorsque Pierrot prend le ton critique. La Mémoire présente enfin Pierrot au fantôme d'Apollon. Il voit paraître le dieu des fragmens, qui chante et déclame alternativement , et qui lui donne deux pièces pour le théâtre de l'Opéra-comique. L'Imagination se charge du divertissement, qu'elle mande par un coup de sa baguette.
NOUVEAU RÉVEIL D'ÉPIMÉNIDE ( le ), comédie épisodique en un acte, en prose , par MM. Etienne et Nanteuil, au Théâtre de l'Impératrice, 1806.
Épiménide était au faubourg St.-Honoré lorsque , pour N la troisième fois, il fut surpris par un sommeil léthargique. On le transporta chez un médecin de ses amis , professeur au jardin des Plantes , où il est depuis 1800. La scène se passe en 1806, conséquemment il y a six ans qu'Epiménide dort. Il se réveille enfin ; qui pourrait peindre sa surprise , en apprenant tout ce qui s'est passé ! Il a peine à en croire ses yeux. Les citoyens,tour à tour persécuteurs et persécutés, maintenant calmes et soumis, vivent heureux sous la protection des lois. No's armées, obligées de se tenir sur la défensive, aujourd'hui guidées par ua Héros, ont forcé toutes les puissances de l'Europe à reconnaître un Vainqueur. Pour tout dire, en un mot, Epiménide ne peut faire un pas sans que ses regards soient de nouveau frappés des bienfaits de l'Empereur. Valmont, son neveu , simple Lieutenant quand il s'est endormi. est devenu colonel d'un régiment
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de hussards. Ce jeune militaire , amant aimé d'Ernestine , fille du médecin , ami de son oncle , vient unir le myrte aux lauriers qu'il a cueillis dans les champs de l'honneur. Comment se refuser au bonheur d'un guerrier , lorsqu'il est aimable et fidèle ! Valmont obtient donc la main de son amante; et la paix, que l'on annonce, met le comble au bonheur de tous. 1)
NOUVEAUTÉ (la ) , comédie en un acte, en prose, avec un divertissement, par Le Grand, au Théâtre Français, 1727.
Dans des scènes épisodiques, la Nouveauté personnifiée donne ses audiences à diverses sortes de personnages. Un amant, fatigué d'un amour trop constant, lui demande une autre maîtresse. Un nouvelliste vient apprendre d'elle des nouvelles de la première. Une femme veut un visage nouveau, parce que le sien ne plaît plus à son mari. Des gens du vieux tems se plaignent du changement que la Nouveauté apporte dans les modes, etc. Ce qu'il y a de plùs remarquable , et ce qui fit peut-être le succès de cette petite pièce, c'est l'opéra de Caracalla, mis en musique sans paroles.
NOUVEAUX CALOTINS ( les ), comédie en un acte, par Harris, à la foire Saint-Laurent, 1760.
Cette pièce est faite sur un ouvrage anonyme, intitule le Régiment de la Calotte. La scène de Pantalon , reçu dans ce régiment; celle de la fille d'Opéra, amoureuse d'un musicien, sont de l'ancien Opéra-comique ; beaucoup d'autres traits en ont été conservés. L'auteur nouveau a pris les situation! actuelles et bruyantes de la république
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des lettres , pour montrer que ces querelles sont plutôt les enfans de la Folie, que de la Raison.
NOUVELLE BASTIENNE ( la ), opéra comique en un acte, en vaudevilles, parVadé , 1754.
M. Barbarin, seigneur du village qu'habite Bastienne, devient amoureux de cette fille, qui aime passionnément son cher Bastien. Ce seigneur fait prendre ce garçon par des gens qu'il a mis dans ses intérêts ? et le fait enfermer. Bastienne s'en afflige, et conjure M. Barbarin de le relâcher. Il refuse constamment, et ne veut accorder la liberté à Bastien, qu'à condition que Bastienne renoncera à son amour. Il n'est rien qu'il n'emploie pour toucher le cœurde cette villageoise. Elle persiste dans ses premiers sentimens pour Bastien. Le seigneur est enfin obligé de le rendre aux instances de tout le village et du bailli, qui , par un prompt mariage, met le comble aux désirs de ces deux amans.
NOUVELLE COLONIE (la), comédie en trois actes, en prose , par Marivaux , aux Italiens, 1729.
Des femmes qui habitent une île , ont l'ambition de vouloir être admises au gouvernement. Sil via , la première et la plus hardie, veut secouer absolument le joug que les hommes leur ont imposé. Elle se flatte que Timagène, son amant, qui vient d'être élu chef de la noblesse , se prêtera à ses. vues ambitieuses , et fera rendre justice à son sexe. Timagène n'oublie rien pour lui faire concevoir l'absurdité de ses prétentions : elle n'en veut point démordré , et le quitte. Timagène, ne pouvant vivre sans l'objet de son amour, est tout prêt à renoncer à sa nouvelle dignité ; mais SQrbin, qui vient d'être associé au gouvernement avec lui
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s'oppose a son dessein, quoique madame Sorbin, sa femme^ ait la même prétention que Silvia , et qu'elle soit prête à faire divorce. Sorbin , après quelques momens de fermeté, se résoud et abdique comme Timagène; mais, craignant qu'on ne fasse violence à Silvia et a madame Sorbin, sous un autre gouvernement, ils prennent le parti, avant que d'abdiquer, de faire une nouvelle loi, qui ordonne qu'on ne pourra procéder contre les femmes , que par la voie des prières et des remontrances. Un philosophe est associé aux deux gouverneurs pour leur servir de conseil ; ce philosophe , qui s'appelle Hermocrate , leur reproche la faiblesse qu'ils ont pour un sexe dont ils doivent être les maîtres. Dans le nouveau conseil qui s'assemble, pour recevoir l'abdication de Timagène et de Sorbin , Hermocrate seul est élu gouverneur ; il signale son avènement par l'exil du pore et de l'amant de Silvia , par celui de Sorbin et de -sa femme. Arlequin , gendre prétendu de M. Sdrbin , se trouve enveloppé dans la même punition. Cette sévérité d'Hermocrate fait rentrer les femmes dans leur devoir , et les oblige à renoncer à l'eurs prétentions. La pièce est' suivie d'un divertissement, où l'on chante l'avantage que l'amour donne aux femmes sur les hommes, pour les dédommager de la part que ces derniers leur refusent dans lé gouvernement.
NOUVELLE ÉCOLE DES FEMMES (la) , comédie en trois actes, en prose , par de Moissy, au Théâtre Italien, . 1758. 4
• Un conte, inséré dans le quatrième tome des Amusemens du Cœur et de l'Esprit, sous le titre d'Anecdote historique , a fourni à Moissy l'idée et le fond de cette comédie, l'une des plus agréables du théâtre Italien. Voici le sujet de cette anecdote.
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Un sénateur de Venise, au bout de trois ans de mariage , prend insensiblement de l'indifférence pour sa femme , et cherche , auprès d'une autre, des plaisirs qu'il ne goûte plus avec son épouse. La courtisane Nina lui paraît la plus propre à les lui procurer. Sa femme, instruite de ce nouvel engagement , se rend chez sa rivale, déguisée de façon à n'être pas reconnue, et lui dit qu'ayant un amant qu'elle adore, elle a le malheur de ne pouvoir le conserver ; que la perte de son cœur fait le tourment de sa vie ; et que , ne connaissant personne qui sache mieux qu'elle l'art de se faire aimer, elle vient la consulter sur la manière dont elle pourra regagner le cœur de son amant, cc Je n'en con» nais point d'autre . répond Nina, que de vous rendre té» moin des soins que j'apporte moi-même pour me conv» server celui qui a le plus d'empire sur mon coeur : l'heure » approche où son amour doit l'appeler chez moi ; je voua » cacherai dans mon cabinet, d'où aucune de mes caresses » ne pourra vous échapper; si ma recette vous parait bonne, » vous pourrez en faire usage ». La femme du sénateur accepte avec joie la proposition. A peine est-elle entrée dans le cabinet, qu'elle voit arriver son mari chez la courtisane. Nina saute au cou de son amant, fait éclater la joie la plus vive et la plus tendre , lui prodigue les noms les plu& passionnés , le comble de toutes les faveurs que l'imagination peut enfanter, et le voit partir, toujours plus amoureux. Témoin de cette scène, la femme du sénateur dissimule ce qu'elle a pour elle d'outrageant, ne songe plus qu'à profiter de la leçon que vient de lui donner sa rivale , et seretire chez elle, fortement occupée de l'exemple qu'elle doit imiter. En effet, dès qu'elle est avec son mari, elle commence à faire le personnage qu'elle a vu si bien jouer à. Nina, quoiqu'elle ne l'imite pas exactement en tout; et
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comme elle ne prend conseil que de sa tendresse elle s'aperçoit que ses façons ne déplaisent pas au sénateur. Il remarque avec une satisfaction singulière, dans le cœur de sa femme , une gaîté qu'il ne lui avait jamais connue. Les H attendons continuel es qu'elle a p >ur lui , l'étonnent et le charment en même tems; et d'époux indifférent qu'il était auparavant, il devient tuut d'un coup amant tendre et délicat. "
Voilà sur quel fonds est composée la Nouvelle Ecole des Femmes. Dans le premier acte, Marton, suivante de Mél te, conseille à sa maîtresse de se venger de l'indiffé— " rente et des infidélités de s.;n mari, de la manière dont les femmes s'en vengent ordinairement. Les conseils d'un chevalier des usages, viennent il l' ppui de ceux de Marton ; mais il y mêle un intérêt personnel, qui les rend suspects à Mélite. Celle— i d'ailleurs n'ignore pas les soins qu'il prend * pour lui enlever Saint-Fard , en le faisant voler de plaisirs en pla sirs, aux dépens de ce qu'il doit à sa femme. Elle lui en f.dt les plaintes les plus vives, et lui reproche,surtout, d'avoir procuré à son époux la connaissance d'une courtisane. Au second acte , le théâtre représente la salle de 4 compagnie de Laure , où l'on a dressé une toilette. On y voit un clavecin , des fauteuils, une gui tare sur un sopha, et une bibliothèque. Laure arrive, un papier de musique * à la main; elle en cherche le vrai ton sur son clavecin', en fredonne le commencement , va s'asseoir vis-à-vis du miroir, jette le papier sur la toilette, dit quelques muts à\ Marton , reprend le papier, prélude, chante, et est interrompue par l'arrivée de Mélite. La scène qui se passe entre elles, d.ffère de celle du rcman , en ce que Mélite se dit délaissée, non pas de son amant, mais de son mari, et que J Làure a plus d'esprit et de décence que Nina. Mélite sent tout le fruit qu'une femme peut retirer de ces conseils j mais
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pour en rendre l'exécution plus aisée, elle souhaite que Laure joigne l'exemple aux préceptes. L'arrivée de SaintFard lui en fournit l'occasion. Mél.te se cache dans un cabinet, et Lauremcten pratique, avec son amant, les leçons qu'elle vient de donner à la femme de Saint-Fard. Elle passe du caprice a la gaîté, de la gaîté à la raison, de la raison au sentiment; et, dans un assez petit espace de tems , elle enseigne à Mélite comment il faut s'y prendre pour amuser et intéresser les hommes. Instruite de la marche que doit suivre une femme qui desire de plaire , Mélite est sur le point de se séparer de sa rivale lorsqu'un soupir échappé décèle l'intérêt qu'elle prend à Saint-Fard. Les questions de Laurelui arrachent son secret, et, sur-le-champ, celle-ci promet à Mélite de ne plus revoir son mari. Elle lui tient parole dans le troisième acte , où Saint-Fard raconte à son valet, qu'étant allé chez elle ausortir de l'Opéra, il en avait été très-mal reçu ; que celle réception l'ayant piqué , il avait voulu s'en plaindre; que l'aigreur s'en était mêlée ; et qu'il avait fini par lui faire sa révérence, pour n'y plus retourner. Mélite qui, sur la promesse de Laure, s'attendait au prompt retour de son mari, s'était habillée galamment pour le recevoir. 11 a peine à se persuader que ce soit pour lui qu'elle ait pris ce soin extraordinaire de sa parure. Sa femme n'oublie aucun des préceptes qu'elle a reçus; et le mari, enchanté de la retrouver si aimable , lui jure un amour et une fidélité éternels.
Le défaut le plus considérable de cette pièce, est que la grande règle de l'unité n'y est pas observée. Lé premier acte se passe dans la maison de Mélite; le second, dans celle de Laure; au troisième, la comédie est de retour chez Mélite. Quelques critiques pourront encore trouver indécente la visite que rend madame de Saint-Fard à Laure. Une femme
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vertueuse ne fait point de pareilles démarches , et ne risque pas de se compromettre vis-à-vis d'une créature de cette espèce. Ils soutiendront d'ailleurs qu'il n'est pas convenable que Laure, recevant chez elle la cour et la ville, ignorer pendant deux mois, que Saint-Fard , qui est un homme de condition, fait pour vivre avec tout ce monde-là, soit marié, et qu'elle n'ait jamais entendu parler de sa femme, qui doit être connue, comme le sont toutes les femmes de son rang et de sa beauté. Ils diront de plus , qu'on ne change pas aisément de caractère, et que, si celui de Mélite est tourné au sérieux et à une mélancolie douce, comme l'auteur l'assure, il n'est pas vraisemblable que les leçons de Laure en fasse, en un instant, une personne gaie , vive , légère et pétulante. Ils ajouteront qu'il n'est pas naturel qu'une femme raisonnable se mette à danser devant son mari; qu'il faut supposer que ce mari aime prodigieusement la. danse ; qu'il y en a bien que ce talent ne ramènerait pas à leurs femmes , et que ce moyen est trop petit, trop frivole et trop puéril. Ils nes'élèveront pas moins contre le personnage de Laure, qu'ils regarderont comme une chimère , un.être de raison. Ils seront surtout blessés de l'audace de Marton, qui veut engager sa maîtresse à prendre un amant pour se venger de son mari, et qui revient plusieurs fois à la charge sur cet article. Elle doit assez connaître Mélite, pour ne lui pas donner de tels conseils; et l'on est surpris que la sévère Mélite, de son côté , ne chassé pas une chambrière si peu scrupuleuse..
A ces défauts près , dont quelques-uns sont excusables , ' parce qu'ils produisent des détails et des situations ,la pièce de Moissy est digne des applaudissemens qu'elle a reçus au théâtre. Les questions que Laure fait à MélÍte sur la maîtresse de son mari, et le mal qu'elle dit d'elle-même, '
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en croyant parler d'une autre ; la conversation de Laure et de Saint-Fard, pendant que Mélite est dans le cabinet; l'embarras de Saint-Fard, lorsque Laure le met sur le chapitre de l'hymen; celui de Mélite, quand Laure lui dit qu'elle veut épouser Saint-Fard ; tous ces traits sunt d'un l>on comique. Rien de plus ingénieux encore que l'idée du ballet, et d'en avoir fait sorlir le dénouement. Le dialogue , d'ailleurs, est vif et naturel , les pensées justes, et la diction élégante.
Les comédiens italiens, voyant avec regret que la Noiivelle Ecole des Femmes , qui est une de leurs plus agréables comédies , était perdue pour eux et pour le public , par la nouvelle forme que leur théâtre prenait depuis quelques années, essayèrent de l'y faire reparaître en 1770, avec les agrémens de la musique ; mais cette tentative n'eut point de succès, sans toutefois qu'on puisse en rien conclure contre les talens de Philidor, qui est l'auteur de cette musique. On y retrouva toutes les scènes qui avaient fait tant de plaisiç; mais chacun s'écriait avec M. Tue, dans On ne s'avise jamais de tout : cc qu'on me la rende telle qu'elle était. » .
NOUVELLE ÉCOLE DES MARIS ( la ), comédie en trois actes, en vers, par Moissy, au Théâtre Italien , 1761.
Deux hommes ont épousé, dans le même tems, deux demoiselles qui avaient été élevées dans le même couvent. Ce double mariage a formé une espèce de liaison entre ces deux maris. L'un, sombré et jaloux, sans amour, a pour „ principe qu'une femme doit dépenser chez elle tout ce qu elle veut, pourvu qu'elle garde exactement sa maison , et qu'elle ne voie que les personnes qui conviennent à son
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mari. L'autre, au contraire, prétend qu'un mari ne doit r point gêner la liberté de sa femme , pourvu qu'elle se contente d'une médiocre pension. Avec cette façon de penser si différente, ils font l'un et l'autre beaucoup de sottises. Heureusement qu'ils ont des femmes vertueuses qui les font revenir de leur erreur, par une conduite sage et régulière.
NOUVELLE ITALIE ( la ), comédie italienne et française , en trois actes, avec des ariettes , par Bibiéna, 1762.
Un gentilhomme français, nommé Lisidor, jeté, par un naufrage , dans une île , y trouve des jardins délicieux, et une princesse aimable, appelée Emilie, fille du souverain de cette île. Le traître Gernando , ayant soulevé une partie des troupes et du peuple de 1 île, s'avançait avec une armée pour soumettre le reste , et épouser sa maîtresse. Lisidor avait vu Emilie, en était devenu amoureux, et avait fait sur elle de vives impressions ; mais il ne pouvait pas s'exprimer en italien , et Emilie ne savait pas le français. Arlequin, valet de Lisidor , parlait également bien les deux langues ; son maître le choisit pour son interprète auprès de sa maîtresse; mais la suivante d'Emilie, ayant intérêt de favoriser les desseins de Gernando, engage Arlequin à dire à son maître tout le contraire de ce que dira la princesse à Lisidor. Elle lui promet, en récompense, des richesses et sa main. Arlequin se laisse séduire, et , au lieu de rendre fidèlement à Lisidor tout ce que la princesse lui adresse dè tendre, il ne dit que des choses indifférentes, qui contredisent l'air passionné avec lequel Emilie les prononce. Enfin, Gernando s'avance avec son armée : Lisidor le combat, et reste vainqueur. Une lettre de la suivante, trouvée dans les papiers de Gernando , découvre sa trahison et celle d'Arlequin, et Emilie épouse Lisidor.
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NOUVELLE MÉLANIE (la), drame en cinq actes, en prose, par ** , 1786.
On trouve dans cette pièce le même sujet, les mêmes situations et les mêmes personnages que dans la Mélanie de la Harpe. L'auteur a supposé au milieu de la famille de Faublas) un ecclésiastique dont les maximes sont plus rapprochées de celles que conserve le gros da peuple. Ses soins sont aussi plus heureux, car il empêche le père de sacrifier Mélanie à son ambition et à l'avarice de son fils.
NOUVELLE OMPHALE ( la), comédie en trois actes, en prose, mêlée d'ariettes , par madame de Beaunoir, musique de Floquet, aux Italiens, 1782.
Un conte de Sénecé, qui a pour titre : Camille, ou la Manière de filer le parfait Amour, a fourni l'idée de la Nouvelle Omphale. Dans le conte de Sénecé, la scène se passe au tems de Charlemagne. Le mari de Camille, jaloux à l'excès, s'adresse a un enchanteur qui lui fait présent d'une figure de cire blanche, dont la couleur doit se conserver pure, si Camille est sage, et devenir noire, si Camille est infidèle.
Un étourdi, qui se faisait connaître,
Par ses grands airs, pour homme écervelé,
Et qu'à la cour on nommait petit-maître ,
Vieux sobriquet qui s'est renouvelé ,
gage tous ses biens contre le mari de Camille, qu'il saura plaire à celle-ci, et la rendre volage. Il part du camp de Charlemagne, arrive, fait sa déclaration, se laisse enfermer dans une tour, sous l'espérance d'un rendez-vous, y est retenu et obligé de filer une quenouille, pour n'y pas
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mourir de faim. Après avoir été ainsi joué, bafoué, et privé de tous ses biens, le fat est promené dans le camp de Charlemagne, une quenouille au côté. Dans la comédie dont nous parlons, la scène est placée sous le règne de Henri IV. Il n'y a ni jalousie, ni figure de cire, ni enchanteur, et la punition du petit-maître n'est pas, à beaucoup près, aussi dure que dans le conte, puisqu'il revient de son erreur, fait l'aveu de ses torts, continue d'être l'ami du mari, et que Camille le nomme son chevalier. Tout ceci excepté, la marche de la comédie est à peu près celle du conte. * -5
Le sujet de cette pièce ne comporte qu'un mince intérêt. Le style est facile et naturel, mais parfois un peu négligé. La musique fait honneur au compositeur. *
NOUVELLE SAPHO (la), opéra-comique en un acte, en prose, mêlé de vaudevilles, par l'Affichard et Valois, à la foire Saint-Laurent, 1735.
Apollon, ennuyé du service des neuf Muses, a pris la résolution de créer un lieutenant du Parnasse, et choisit, pour cet emploi, le cheval Pégase, à qui il donne la voix et la figure humaine. Il a tout lieu de s'applaudir de son choix; car ce demi-Dieu, de nouvelle création, entre parfaitement dans toutes ses idées. Apollon, sur le récit de Mercure, est devenu amoureux d'une inconnue, à qui le public a donné le nom de Nouvelle Sapho. Pégase lui conseille de détruire l'ancien Parnasse, et d'en former un neuf, dont il destinera la première place à l'objet de sa passion. M. Rimeplatte, poëte et architecte, est accepté pour le dessein et la conduite de l'édifice. Apollon l'emmène, et laisse Pégase pour tenir l'audience. ' , .
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NOUVELLE TROUPE (la)", comédie en un acte, en vers, par Favart et Anseaume, au Théâtre Italien, 1760.
Un directeur de spectacles annonce plusieurs sujets qui n'ont encore paru sur aucun théâtre. Ces sujets se querellent à qui fera les premiers rôles, et font voir ce dont ils.sont capables. '
NOUVELLES MÉTAMORPHOSES D'ARLEQUIN
(les), comédie en trois actes, par Carlin , 1763.
Cette pièce est un tissu d'incidens fondés sur la magie j par lesquels Arlequin est obligé qé reprendre douze fois des formes différentes, et si "subitement, que le prestige estcomplet, et le moyen presque incroyable auxspectateurs. Carlin était lui seul, dans cette pièce, le sujet, l'auteur, l'acteur et le spectateur.
NOUVELLISTE DUPÉ (le), opéra-comique en un acte; parPannard, 1758.
M. Timbré, possédé de la manie des nouvelles, néglige tout pour s'y livrer. Il est d'une indolence outrée pour ses affaires, d'une curiosité sans bornes pour celles des autres. Il sait / tout, excepté ce qu'il devrait savoir. Il veut marier sa fille Angélique à M. Furet, dont il a fait son commissionnaire pour les nouvelles. Sa femme est une folle, à qui la passion du jeu a fait tourner la tête, et qui destine sa fille à lU. Repic, médecin, parce qu'il aime à jouer comme elle. Sa mère, madame Argante, n'est pas plus raisonnable. Comme elle sait que Léandre est l'amant d'Angélique, elle met tout ' en œuvre pour lui faire épouser sa petite-fille; et le moyen tju'elle emploie est très-malhonnête. Elle fait cacher Angélique dans la maison de M. Richard, oncle de Léandre, par l'intrigue d'un valet. Léandre l'enlève eu présence de
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M. Timbré, sans que celui-ci s'en aperçoive; et c'est par cette voie que l'amant d'Angélique est possesseur des charmes de sa maîtresse. •
NOUVELLISTES (les), comédie en trois actes, attribuée à Hauteroche, 1678.
Cette piècé n'ayant point été imprimée, nous sommes dans l'impossibilité d'en donner l'analyse. L'ambassadeur de Siam, assistant à la représentation de cette comédie $ en comprit dans le moment tout le sujet, et fit des remarques judicieuses sur ce qui manquait au dénouement. Il fut-complimenté par La Grange, à qui son Excellence dit en bon français: cc je vous remercie, monsieur le Marquis». La Grange venait d'en jouer le rôle.
NOVÈRE, maître des ballets de l'Opéra, né en 1728, mort à Saint-Germain-en-Laye, en 1810.
Avant Novère, la danse se bornait, en France, à des gambades, à des sauts, a des tours de force, à quelques figures plus ou moins élégamment dessinées, qui pouvaient plaire aux yeux, mais qui ne disaient rien à l'esprit. Chaque danseur cherchait à se distinguer à la vérité, par sa souplesse ou par sa force , par ses grâces ou par sa légèreté ; mais il ne savait rien exprimer par ses gestes. Mademoiselle Prevôt courait les passe-pieds avec élégance , mesaemoisselles Salle et Dumoulin dansaient les musettes avec autant de grâce que de volupté; mademoiselle Camargo excellait dans les tambourins, et enfin , Dupré était sans égal dans les chaconnes et les pas sac aille . Les compositeurs de ballets étaient obligés de se conformer au genre de talent de ces acteurs, genre absolument étranger au sentiment. Ainsi:, leurs compositions n'étaient que des remplissages faits
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pour amuser les spectateurs entre les actes d'un opéra, mais qui, n'ayant aucune liaison et ne présentant aucun intérêt, ne faisaient que nuire à celui de la pièce.
Novère.homme d'un génie et d'un goût supérieurs, sentit bientôt qu'il était possible que la danse devînt un spectacle aussi utile qu'il était agréable; qu'elle frappât le cœur par les yeux, comme l'éloquence le frappe par les oreilles, et qu'elle produisît les plus vives émotions. D'après ces idées, il résolut d'opérer une réforme complète dans la danse. Ce projet, dont l'exécution est aujourd'hui pour nous une source de plaisirs, lui coûta beaucoup de peines. Il eut dé grandes difficultés à vaincre : pour les applanir, il remonta. jusqu'à l'origine de l'art; il en étudia l'histoire, et finit par se convaincre que, comme il l'avait deviné, la danse pouvait être l'émule de la pantomime et de l'éloquence dramatique. En effet, chez les peuples sauvages, la danse, toute grossière qu'elle paraît, est, selon les circonstances, l'expression de la joie ou de la tristesse, du plaisir ou de la douleur, de la. confiance ou de la crainte, de l'espérance ou du désespoir, de la guerre ou de la paix, d'une victoire ou d'une défaite. Chez les peuples célèbres par l'amour et la culture des beaux-arts., elles peignit avec non moins de force , mais avec plus d'éle- gance, les mêmes sentimens, et représenta les mêmes situatiÓns. Sous le règne d'Auguste, les pantomimes romains portèrent leur art à un tel point de perfection, que, sans le secours de la parole, ils exprimèrent par les gestes plus qua la parole seule n'avait pu faire. On ne les entendait pas , mais on les lisait sur le théâtre, et ils produisaient des émotions si vives, que Pylade et Bathylle, dont l'un se distinguait par la grâce et la souplesse, l'autre par la forcer et l'énergie, finirent par occasionner parmi le peuple,'une division qui, souvent, eut des suites funestes.
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La découverte de toutes ces vérités ne fit que confirmer Novère dans le projet de réforme qu'il avait profondément médité. Pour l'opérer, il commença par composer des ballets qui avaient, comme toutes les pièces de théâtre, - une exposition, un nœud et un dénouement ; qui, conséquemment, n'étaient plus l'accessoire d'un drame, mais en formaient un forl intéressant par lui-même; il sut vaincre les usages reçus, et surtout l'opiniâtreté des musiciens et des danseurs, qui ne voulaient point se soumettre à v là réforme, et les fit représenter. Juqsues ici, l'on avait dansé sous le masque; Novère le lit tomber : ce fut son premier triomphe. Dès lors, la physionomie put avoir ses expressions variées, et l'acteur, obligé de conformer sa danse à l'expression de sa figure, fut obligé de renoncer aux tours de force, pour rechercher la grâce et la souplesse; ses gestes et ses pas, jusqu'alors monotones , devinrent variés comme les sentimens elles passions diverses qu'il était forcé de peindre, et la pantomime fut créée en France.
La musique des ballets subit la même réforme, et devint elle-même une espèce de .drame : elle ne se borna plus à des 'airs de convention, et peignit à l'oreille ce que la danse peignait aux yeux.
Le crédit que Novère s'était acquis chez les grands et chez les gens de goût, par des réformes aussi avantageuses , en amenèrent d'autres à l'Opéra, qui ne furent pas moins utiles. On vit lesdanseurs, avant presque toutcouverts d'oripeaux, prendre des costumes appropriés à leurs rôles; les paniers des danseuses disparurent, les habillemens furent faits pour les rôles, les décorations furent en harmonie avec le sujet. L'éclat des vêtemens ne nuisait plus a la vérité du fond i ils prirent des couleurs qui lui étaient analogues, et
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qui servaient à le faire ressortir : en sorte que l'opéra devint un grand tableau, sur le fond duquel les personnages en action surent exprimer, par des attitudes gracieuses , tous les sentimens du cœur humain. Les yeux, l'esprit, les oreilles, tout fut séduit, et Novère passa, à juste titre, pour le plus étonnant des Magiciens.
A quoi dut-il celte supériorité ? aux connaissances les plus vastes et les plus profondes. Dans ses Lettres sur la Danse, ouvrage justement estimé, qu'il a mis au jour en 1760, il veut qu'un maître de ballet réunisse les connaissances de l'anatomiste à celles du peintre; celles du machiniste, à celles du décorateur; celles du musicien, à celles du poëte ;• et enfin celles du géomètre, à celles de l'homme de goût. Sans doute il les possédait toutes jusqu'à certain degré , et la manière dont il en parle dans son ouvrage, le prouve. Personne n'a porté plus loin que lui la science de son art; car, dans ce même ouvrage, il entre dans des détails qui seront à jamais la règle et le guide de ceux qui voudront se distinguer dans la même carrière. C'est pour avoir suivi ses conseils, que Vestris fut un célèbre danseur; c'est parce qu'il les suit aujourd'hui, que M. Gardel est non-seulement un grand danseur, mais encore un compositeur plein de goût et de génie.
Novèrea composé un grand nombre de ballets ; en voici les titres .: les Métamorphoses chinoises, les Réjouissances flamandes, la Mariée dé village, la Fête dit Vauxhall, les Recrues prussiennes, le Bal paré, la Mort d'Ajax, le Jugement de Pâris, la Descente d'Orphée aux Enfers, Renaud et Armide, la Fontaine de Jouvence et le Ca- ' price de Galathée. Ceux dont il faisait le plus grand cas, parce qu'ils étaient entièrement de son invention , sont la Toilette de Vénus, les Jalousies, du Sérail, l'Amour
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Corsaire, et le Jaloux sans Rival. Dans toutes ses compositions, Novère a déployé non-seulement un génie supérieur, mais encore un talent qui savait se prêter à tous les genres. M. Gardel seul peut nous consoler de la mort de cet homme, aussi extraordinaire dans son art que Corneille et Molière le furent dans d'autres plus sublimes sans doute, plus difficiles peut-être, mais qui ont, avec celui que cultivait Novère, des points de contact qu'il a remarqués le premier.
NUANCES. Ce sont des traits légers et presque imperceptibles, qui différencient les caractères et les passions, selon les personnes; car les mêmes passions ont encore certaines choses qui les empêchent de se ressembler tout à fait, et ce sont ces légères différences qu'on nomme Nuances. Il n'appartient qu'au grand maître de les saisir, et aux connaisseurs de les bien apercevoir. Idamé, dans l'Orphelin de la Chine, Mérope et An.lromaque sont trois mères sensibles et tendres, toutes les trois alarmées sur le sort de leurs fils. Cependant, que de Nuances de tendresse et de douleur entr'elles !
NUÉES ( les ), comédie d'Aristophane , précédée d'un prologue.
Cette pièce fut représentée, pour la première fois, sous l'archonte Isarchus,' la neuvième année de la guerre du Péloponèse, et la première de la quatre-vingt-neuvième olympiade, aux fêtes de Bacchus. Elle fut jouée, pour la seconde fois, sous l'archonte Aminias, la deuxième année de la quatre-vingt-neuvième olympiade. Enfin l'année suivante, sous l'archonte Atès, elle fut retouchée, mais, ne fut point représentée. On pense que cette comédie, telle qu'elle nous est parvenue, contient les varia a les de l'auteur,
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et que nous les avons de la première, de la secondé et de la. troisième touches. Selon les uns, elle fut cause de la perle de Socrate, que l'auteur y attaque; selon les autres, ce phi-» losophe ne doit qu'à son obstination, ou, si l'on veut, à. son fanatisme, la mort à laquelle il fut condamné, et qu'il se donna lui-même. Au surplus, ce n'est point ici le cas d'examiner cette question, mais bien la pièce elle-même, dont voici le sujet.
Le prologue des Nuées est à peu près semblable aux couplets d'annonce de nos vaudevilles, dans lesquels les auteurs sollicitent l'indulgence du public pour la pièce nouvelle. Ici Aristophane ne parle point du tout de sa comédie ; en revanche, il parle de lui avec une présomption et une assurance dont on ne voit point d'exemple. C'est peu de se louer avec tant de complaisance et si peu dé jugement, il en prend occasion d insulter tous les poètes comiques de son tems, et les traite avec une dureté et une impertinence révoltantes.
La vraisemblance n'y est pas plus observée : en un mot, c'est un libelle diffamatoire, dont l'auteur eut été sévèrement puni chez toute nation policée.
Strepsiade, vieillard rustique, c'est ainsi qu'on le qualifie, a épousé une dame d'Athènes, issue du sang des Mégaclès; fière de sa naissance, cette dame s'est livrée à tout le faste qui pouvait en soutenir l'éclat. Au reste, ce n'est pas le premier sot que l'orgueil d'une femme a perdu. Pour surcroît d 'infortune, cette dame a donné le jour à un fils qui a dissipé le reste de la fortune de son père. Maintenant, accablé de dettes et menacé d'être poursuivi par ses créanciers , il cherche un expédient pour se soustraire à leurs poursuites. Voisin de Socrate, il s'adresse à lui, si fécond , eu subtilites, pour qu'il lui enseigne le moyen de ne pas
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payer ses dettes. Il entre dans sa maison et trouve le philosophe suspendu dans un panier pour voir ce qui se passe dans les cieux. Du milieu des nuées , Socrate interroge
Strepsiade, fait beaucoup d'efforts pour l'initier dans les mystères de sa secte, et le renvoie comme inepte, après toutefois lui avoir volé son manteau , enfin, après l'avoir entièrement dépouillé. Epris des belles choses qu'on lui a dites, mais auxquelles il n'a rien entendu, il rentre chez lui , et conjure son fils Phidippide de se faire initier à sa place. Le jeune homme se décide enfin, et profite si bien des leçons de Socrate , qu'au, sortir de sa maison , il bat le pauvre Strcpsiade, et lui prouve qu'il a raison de le battre. Furieux contre Socrate, ce vieil avare, ce vieux fourbe va trouver un charpentier de ses amis qui, probablement, a lieu de se plaindre de Socrate, et, de concert avec lui, met le feu à sa maison, " r, * u
Tel est, en peu de mots, le sujet de cette pièce, que l'on peut regarder comme une dénonciation et comme la plus atroce des dénonciations qui aient jamais été faites. Non-, seulement Aristophane accuse Socrate de vol et d'impiété, - mais il le signale comme un homme dangereux, capable de renverser la république d'Athènes, D'ailleurs, sous le rapport des règles , cette pièce ne saurait être considérée comme une véritable comédie, puisque l'unité de lieu, l'unité d'intérêt et l'unité d'action y sont violées, t . » ?
NUIT AUX AVENTURES ( la ), ou LES. DEux MORTS VÏVANS , comédie en trois actes, en prose, par M, Dumaniant, au théâtre du Palais-Royal; 1787. * '
Don Louis, officier supérieur de la marine espagnole, doit la vie à un officier français, qui a pour fils un jeune entier auquel il veut unir doua Eléo»ore# sa fille. Mail
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Fontrose, avant de se marier, veut connaître l'objet qu'on lui destine. Il arrive à Madrid incognito ; et c'est dans cette ville que la scène se passe. Eléonore, accompagnée d'une de ses cousines, va au bal à l'insçu de son père. Fontrose l'y voit, et, charmé de sa tournure, de ses grâces et de son esprit, en devient éperduement amoureux. Don Júan, amant de la cousine, est jaloux comme un espagnol, c'est dire assez qu'il se trouve à ce bal. Fontroselui porte ombrage, et bientôt pour échapper à sa fureur, Laure et Eléonore en sortent et s'enfuient. Don Juan les poursuit; il est près de les atteindre, lorsque Fontrose, qui marchait à. leurs côtés , dans la crainte qu'il ne leur arrivât quelque mésaventure, se présente. Les deux champions mettent l'épée à la main, et se pressent avec vigueur. Ils tombent l'un et l'autre sans être blessés; mais, comme l'obscurité de la nuit ne leur permettait pas de distingner les objets, Fontrose croit avoir tué son adversaire, et don Juan s'imagine que le sien est tombé sous ses coups. C'est cette méprise qui formele pivot sur lequel roule toute l'intrigue de cette pièce. Au troisième acte, les deux amans se trouvent dans une prison. C'est là que l'erreur est découverte, et que le dénoue- ment s'opère. Quant aux aventures, elles sont en trop grand nombre pour que nous puissions les faire connaître. Elles fournissent quelques situations assez piquantes, mais un peu trop forcées.
NUMITOR; tragédie en cinq actes, en vers, par Marmontel, imprimée dans ses œuvres.
Amulius, usurpateur du trône de Numitor, s'introduisit dans le temple de Vesta , et, sous la forme du dieu Mars, séduisit la fille de son roi. Ilie donna le jour à deux fils, qui, comme elle, furent condamnés à périr. Cette in lé-
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ressante prêtresse fut sauvée par Amulius, et ses deux fils, exposés sur les bords du Tibre, furent recueillis par un berger chez lequel le hasard conduisit les pas de leur mère, et où elle retrouva ces deux objets de sa tendresse. Vingt années se sont écoulées depuis ce jour fatal, et Rome, sortie de son berceau, commence à dérouler les hautes destinées qui l'attendent. Déjà l'enlèvement des Sabines a eu lieu ; déjà ces femmes ne voient plus dans leurs ravisseurs, que de tendres époux, que les pères de leurs enfans: elles sont devenues Romaines enfin. Cependant, comme nous l'avons dit plus haut, Amulius s'est emparé-du trêne de Numilor, et tout semble annoncer que ce roi est tombé .sous les coups de l'usurpateur. Tels-sont, en raccourci, les ,évènemens qui ont précédé l'action de cette tragédie. Albe et Rome sont à l'instant de contracter ensemble un traité de paix ; les Sabins eux-mêmes vont oublier leurs ressentimens, lorsque les Albains enlèvent des Romaines dans un temple élevé sur les bords du Tibre, où ces femmes rendaient grâces aux dieux protecteurs de Rome. Ilie est du nombre; elle se voit ramenée, ainsi que ses compagnes, dans un lieu témoin de ses malheurs. Vainement Agénor, grand-prêtre du dieu Mars, s'efforce de calmer ses vives inquiétudes ; Ilie, qui entrevoit les suites funestes que doit avoir cet attentat , se refuse à des conseils dictés par la bienveillance. Bientôt Amulius paraît lui-même, et rompt les fers de ces captives. Vous êtes libres, leur dit-il, tous vos noeuds sont rompus. Il croit par là rendre ces femmes au bonheur. Il n'est plus tems, leur bonheur est dans Rome. Rendez, lui répond Ilie,
Rendez à leurs époux ces femmes éplorées ,
Malheureuses dans Albe et dans Rome adorées.
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Tandis que, par ses discours, elle cherche à lui faire sentir ses torts, Amulius l'observé et la reconnaît. C'en est fait, ce que Rome n'aurait jamais dû attendre de lui, Ilie l'obtient : lui-même veut aller au-devant des Romains et leur porter des paroles de paix. Aussitôt il fait retirer les captives, et reste seul avec Ilie, qu'il s'étonne de retrouver parmi un peuple ennemi d'Albe. Il lui apprend que c'est à lui qu'elle doit la vie; mais son libérateur ne peut trouver grâce à ses yeux. Elle lui reproche la mort de son père eL son usurpation. Alors, pour se justifier, il lui retrace la scène où la fille de Numitor, près d'être ensevelie vivante dans la tombe par les ordres d'un père, a été sauvée par son désespoir, et lui prouve que c'est cette action barbare qui a soulevé les soldats contre Numitor; et si je suis coupable, ajoute-t-il, c'est d'avoir été trop bien servi.
Croyez la voir encore entr'ouverte à vos pieds,
Cette tombe, où sans moi déjà vous descendiez ;
Et là, d'un zèle atroce innocente victime,
Osez me reprocher vos malheurs et mon crime.
Ilie lui répond :
Je te dirais là même, au moment de périr,
Sers ton Roi , crains les Dieux et me laissé mourir.
Pourquoi cette maxime n'est-elle pas gravée dans le cœur de tous les hommes ! Comme on ne saurait trop la répandre , nous nous plaisons à citer les vers de la tirade qui la précède et qui y donne lieu. Dans ce moment, Pallante, ministre et confident d'Amulius, vient l'avertir que les Romains s'avancent dans la plaine. Bientôt il quitte Ilie et lui laisse son palais pour prison. Restée seule, Ilie s'abandonne à sa douleur. Elle N'a toutefois aucune certitude mais elle
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croit avoir découvert, dans la voix et dans les traits d'Amulius, le père de ses enfans. Serait-il possible qu'un fourbe eût ainsi abusé de sa faiblesse ! A son retour, Amulius fait venir Agénor, lui parle-de Numitor, qui gémit enfermé sous les voûtes du temple, et lui demande s'il croit qu'il voulut lui pardonner. Resté seul avec Pallante, ce ministre lui reproche sa faiblesse; m'ais Amulius, que les remords assiègent, veut rendre, s'il est encore possible, le calme à son âme; ce qui, opère ce changement inattendu, c'est ïlie , c'est cette femme adorée qu'il vient de retrouver. Malgré les objections de Pallante, il persiste dans son généreux dessein. Alors celui-ci, qui craint pour lui-même la vengeance de Numitor, abandonne son maître, et, pour .se sauver, va chercher à le perdre; il veut plus, il veut lui enlever son épouse, et la forcer de lui accorder sa main, en la menaçant d'assassiner son père, qu'elle vient de voir, et qui lui commande ce pénible sacrifice. Quelle que soit sa tendresse pour son père, llie n'y peut consentir. Cependant les Romains et les Albains se livrent un combat dans lequel Romulus est fait prisonnier; mais ce jeune héros, loin d'être intimidé par ce contre-tems, ne rabat rien de sa noble fierté. Dans les fers, il parle en maître et brave Amulius, qui l'a sauvé. Celui-ci, bien sûr d'enchaîner son bras quand il en sera tems, lui fait remettre ses armes. Romulus s'étonne de sa témérité et l'accable*de reproches; sa fureur s'allume par degrés, mais lorsqu'il est prêt à frapper, Arnulius lui apprend qu'il est son père. Quelle est la surprise de Romulus, qui,- jusques-là, s'était cru le fils d'un dieu ! Cependant il n'en peut plus douter, et sa mère ellemême , qui vient d'avoir une entrevue avec Amùlius, dans laquelle elle a connu ce fatal secret, le lui confirme par sa présence, et leur apprend, que Pallante, qui préten-
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dai t à sa main, irrité de ses refus, s'est dirigé, en frémissant, vers le temple de Mars, où il doit assassiner Numitor. Amulius vole au secours du roi, qui échappe à la fureur de Pallante; mais il est frappé lui-même, et revient sur la scène, où, avant d'expirer, Numitor lui pardonne.
Tel est le sujet de cette tragédie, dans laquelle on trouve de fort beaux détails, et une versification élégante et soutenue.
< NYMPHE DES TUILERIES (la ), opéra comiqueen un acte, par l'Affichard, à la foire Saint-Laurent, 1735.
Le Caprice fait d'une Nymphe sa maîtresse , et la mène aux Tuileries. Un nouvelliste vient lui raconter les nouvelles qu'il a reçues de tous les endroits du monde. Une provinciale, qui cherche fortune , lui montre ses disposé tions au chant, à la danse et à la déclamation. Un musicien lui vanle la supériorité de la musique et de ses talens; une jeune fille , qui desire un amant, lui dit qu'elle espère en faire un dans ce jardin. Un paysan lui apprend qu'il a quitté son village pour se soustraire à la milice , et une coquette fait la liste de ses galans. L'Amour, en ramenant le Caprice, l'enchaîne à sa Nymphe. On voit, par cet exposé , que toutes les scènes sont étrangères les unes aux , autres. Il y a, par ce moyen , de la variété , et quelque chose de piquant dans cette pièce. Les caractères du musicien, de la coquette et\fu nouvelliste, sont bien dessinés. Ce fut à 1! occasion de cette pièce qu'on fit courir ces deux vers:
Quand l'afficheur afficha l'Affichard ,
L'afficheur afficha le poëte sans art.
NYMPHES DE DIANE (les), opéra-comique en un acte , par Favart, à la foire Saint—Laurent, 1753.
Cette pièce avait déjà été jouée et imprimée en Flandre:
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mais elle ne parut, pour la première fois, à Paris, qu'à la fin du mois de septembre de l'année
Parmi les Nymphes consacrées au culte de Diane , il y avait une jeune novice, nommée Thémire , pour laquelle Agénor avait conçu de l'amour. Selon l'usage , lorsqu'une Nymphe était sur le point de s'engager au service de la déesse, un jeune homme se présentait à elle , et lui offrait un don qu'elle rejetait avec indignation , en cas qu'elle per" sistât dans la volonté de se consacrer au culte de Diane.
Agénor vient présenter un bouquet à Thémire: celle-ci, enchantée de la figure aimable de ce jeune homme , éprouve des sentimens qui jusqu'alors lui avaient été inconnus. Son goût pour le service de la déesse se perd à l'instant, et elle eroit qu'il n'y a de bonheur pour elle, que dans la possession du cœur de son nouvel amant. L'Amour vient couronner leur flamme mutuelle.
OBSTACLE FAVORABLE (1'), opéra-comique en un acte , par Le Sage , Fuzelier et d'Orneval, 1726.
M. Troussegalant, médecin, s'est retiré dans un château, dont le fermier lui a loué une partie, afin de n'avoir plus rien à démêler avec les chirurgiens , qu'il déleste ; et il y a amené Valère, son fils, et Argentine, sa fille, qu'il tient enfermés , de peur qu'ils ne parlent à Dorante et itSpinette, qui les aiment, et à qui il ne veut pas absolument les donner , parce qu'ils sont enfans d'un chirurgien, et que le jeune Dorante exerce lui-même cette profession. Mais ces
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deux amans se sont adressés à maître Blaise, fermier du château, qu'ils ont mis dans leurs intérêts, et qui les y a introduits, Spinette, déguisée en berger, sous le nom de Colinet , et Dorante, en espagnolette, sous celui de Jacinte. M. Troussegalant, qui est obligé de sortir, prie maître Blaise d'avoir l'œil sur Valère; mais il s'en défend, par l'occupation que lui donne la noce de sa nièce. Il veut bien cependant lui céder Colinet, qu'il a pris pour garder ses moutons, et qu'il lui prêtera pour garder son fils; il ajoute que c'est un garçon très-sage , à qui il confierait une troupé de filles comme un troupeau de moutons. Troussegalant accepte ses services, et, lorsqu'il est prêt à sortir, Arlequin, frater de Dorante, déguisé en duègne , le lui présente comme sa fille , en lui disant qu'elle a de violens maux de cœur avec de fréquens étourdissemens. Le médecin lui tâle le pouls, et prétend qu'elle est grosse. La fausses duègneentre dans une grande colère; mais sa fille la calme3 en lui rappelant qu'il n'y a que six semaines qu'elle a perdu son époux. La duègne prétend qu'elle n'entend pas raillerie sur le chapitre de l'honneur, et assure que c'est sa sévérité qui l'a fait renvoyer en Espagne d'auprès de toutes les femmes qu'elle a servies, et qui, ne pouvant s'en accommoder, faisaient entendre le contraire à leurs époux; ce qui engage le médecin à l'arrêter pour faire compagnie à sa fille ; et il retient Jacinte pour la mettre auprès de sa. filleule Nanette.
On vient avertir le docteur que le bailli, son malade, empire à vue d'œil ; il part. Les amans mettent, comme on se l'imagine bien, son absence à profit. Il revient; maître Martin, maréchal, qui a pansé et guéri son cheval, lui demande s'il en est content. Le médecin l'assure que oui, et- veut lui payer son salaire ; mais le maréchal se pique 4e
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générosité, et refuse l'argent de son confrère. La compa-' raison offense le docteur : Martin est, à son tour , piqué des hauteurs de Troussegalant : ils se disent des injures ; et le docteur, échauffé, frappe le maréchal, qui tire des morailles , de sa poche et les met sur le nez du docteur : ce n'est encore rien; tous les valets du bailli furieux, courent chercher _ le médecin qui a tué leur maître, qui vient de trépasser. Il se sauve ; mais l'un d'eux l'atteint d'un coup de bâton à la tête, et l'étend par terre. Dorante et Arlequin examinent la plaie, qu'ils trouvent considérable. Le docteur enrage d'avoir besoin du secours d'un chirurgien , et il est obligé de recevoir celui de Dorante , qui le lui refuse à son tour , et ne veut point opérer, avant que le docteur n'ait signé leur contrat de mariage. Troussegalant consent à tout, et finit par ces deux vers : -
0 ciel ! aux chirurgiens je vais devoir la vie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie !
OBSTACLE IMPRÉVU ( 1) , ou L'OBSTACLE S SANS OBSTACLE, comédie en cinq actes, en prose, par Néricault Destouches, 1717...
Un mariage est arrêté entre Valère et Angélique; mai. ce Valère est un jeune libertin, qui change chaque jour 'd'inclination, et qui se dégoûte bientôt d'Angélique, pour faire sa cour à Julie, jeune personne confiée à son père par un oncle alors absent. Deux motifs l'engagent à cette conduite ; le premier, est son inconstance naturelle, le second, le desir de contrarier Lisimon, son père, qui a formé le projet d'épouser Julie.Celle-ci, qui aime un certain Léandre; dont elle n'a pas reçu de nouvelles depuis long-lems, et qui d'ailleurs ne se soucie guère d'épouser un @vieillard, feint de
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favoriser Valère, pour gagner du tems. Léandre revient après une longue absence ; il était parti dans le dessein de faire fortune, et de se mettre par là en état de rendre son amante heureuse; il l'a faite en effet, mais en épousant une vieille femme que la mort vient, par bonheur, de lui enlever. Julie lui pardonne cette espèce d'infidélité en fayeur du motif. Ainsi, Valère se trouve d'échu de ses prétentions, et n'a plus d'autre parti a prendre que de retourner vers Angélique, qui ne veut plus de l'inconstant. Dans ces entrefaites, Léandre, oncle de Julie, arrive, et consent à donner sa nièce à Lèandre, parce qu'il est fils de son ancien ami. Voilà donc toutes les difficultés levées, mais voici l'obstacle : la vieille, que Léandre a épousé, était la mère de Julie, et les moyens de se marier à son beau-père. Heureusement cet obstacle n'est pas un obstacle, car Julie n'est point la fille de cette vieille, mais bien celle de Léandre, qui s'était marié secrètement à une comtesse de Sorrento , et qui avait confié l'éducation de Julie à sa soeur , qui la faisait passer pour sa fille. Tel est le plan de cette pièce, assez fortement intriguée , mais où l'on ne trouve ni caractères prononcés, ni situations vraiment comiques. Au reste, elle est écrite avec la pureté et l'élégance ordinaires à Destouches.
OCCASION (1'), opéra-comique en un acte, suivi d'un divertissement, par Dominique, Riccoboni fils, et Romagnesi, au Théâtre Italien, 1726.
L'Occasion, personnifiée, est poursuivie par une troupe de gens qui ont besoin de son secours, et qui chantent eu l'environnant :
Non, non, n'espérez pas nous tromper j
N'espérez pas nous échapper.
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Uri des poursûivans l'arrête enfin ; l'Occasion proteste qu'elle ne rendra service à aucun d'eux, si l'on ne la laissa en liberté : elle consent cependant qu'on la garde à vue : ensuite elle donne audience à diverses personnes, qui viennent se plaindre. de l'avoir manquée; mais elle leur fait connaître que c'est leur faute et non la sienne.
OCCASIONS PERDUES, tragi-comédie en cinq actes, en vers, par Rotrou, i63i.
La reine de Naples aime Clorimand, mais elle ne veut l'en instruire et le voir que sous le nom et parle moyen d'Isabelle, l'une de ses filles de confiance, qu'elle charge de faire l'amour pour elle. Isabelle accepte cette commission; bientôt la manière dont elle s'en acquitte, fait craindre à la reineque cette fille ne la trahisse : cette crainte n'est que trop justifiée par la suite. La reine veut rendre son amant heureux -, Isabelle imite son exemple. Les rendez-vous sont manqués par des contre-tems, des méprises, et ces occasions perdues remettent tout dans l'ordre.Clorimand perd la reine qu'il n'aime pas, et contribue même à lui faire épouser le roi de Sicile. Isabelle trouve son amant Adraste où elle cherchait Clorimand ; celui-ci est bien dédommagé en obtenant l'objet de ses vœux, la sœur du roi de Sicile, son souverain. Un triple hymen termine les déclarations, les fadeurs, les jalousies, les amours, les indécences de celle foule d'amans peu réservés.
OCHS (P. M.), auleur dramatique, né à Bâle, 1810.,
Il a fait une comédie en trois actes, en prose, intitulée l'Homme à L'heure, représentée au Théâtre Louvois, avecpeu de succès.
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ODMAR ET ZULMA, tragédie en cinq actes, par
M. de Maisonneuve, au Théâtre Français, 1788.
Odmar, Prince mexicain , détrôné par Vasquez, général espagnol, a fui dans un désert pour y cacher sa honte , et y pleurer la perte de ses enfans. Bientôt Phanor, son ami fidèle, lui envoie un fils de Vasquez , dont il s'est emparé. La mère de cet enfant, mexicaine , d nt Phanor seul connait la jnais- f sance, sait à peine que son fils est au pouvoir d'Odmar, qu'elle court le lui redemander. Mais, quoiqu'elle touche son cœur, il ne pousse pas la générosité jusqu'à se dessaisir de sa proie. Bientôt Vaslluez, sans êlre arrêté par le danger que court son fil s, vient combattre les Mexicains ; c'est en vain que Zulma, instruite du secret de sa naissance, veut réconcilier son père et son époux , pour assurer le salut de son, fils. Le farouche Vasquez est maîtrisé par sa haine contre les Mexicains, et Odmar a livré son petit-fils au pouvoir de ses guerriers. Les deux adversaires sortent p ur aller combattre. Vasquez est tué par Odmar lui-même, qui re, parait po rtant vaincu et e; chaîné, e t l'enfant est sauvé par Hermandez, g erri-er vertueux, en qui Vasquez a toujours trouvé un obstacle à ses pr jeis sanguinaires.
Il s'en fa ut de beaucoup que cette tragédie, pleine d'incidens rumanesques et même invraisemblables, soit digne du Mustapha du même auteur; mais elle est semée de traits de seus.bilité qui captivent le cœur, et entraînent l'âme avant que l'esprit ait eu le tems de juger.
OEDIPE, tragédie, de Sophocle.
L'OEdipe de Sophocle a toujours été regardé commelechef-' dœuvre du tragique ancien. En voici le sujet en peu de mots.
Thèbes, désolée par une peste cruelle, envoie consulter l'oracle d'Apollon, qui répond que ce fléau ne cessera
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d'exercer ses ravages, qu'après que l'on aura vengé la mort de Laïus sur OEdipe, son fils et son meurtrier. On vérifie cet oracle, et l'on trouve en effet qu'OEdipe est ce même fils de Laïus et de Jocaste, qui, ayant été exposé par l'ordre de ses parens, a été sauvé par des pasteurs qui le remirent à Polybe, roi de Corinthe, qui l'a élevé comme son propre fils. Après cette reconnaissance, Jocaste se pend de désespoir,' OEdipe se crève les yeux et il est chassé du royaume. Voilà tout ce'que l'histoire grecque a fourni à Sophocle;, voici maintenant ce qu'il y a mis de son propre fonds. Ce sont les épisodes, c'est-à-dire, les circonstances des tems, des lieux et des personnes, dont il s'est servi pour étendre et amplifier son action. Ces circonstances sont l'assemblée des sacrificateurs, qui , suivis d'un très—grand nombre d'enfans, vont se prosterner aux pieds d'un autel qu'on avait élevé à OEdipe dans la tour de son palais ; les sacrifices qu'on fait dans toutes les places, l'ambiguité de l'oracle, l'emportement d'OEdipe contre le prophète Tirésias, ses injustes soupçons contre Créon, la querelle de ces deux princes, la sortie de Jocaste, qui veut les appaiser, le trouble qu'elle jetle dans l'âme d'OEdipe en voulant calmer " ses inquiétudes, l'arrivée du pasteur de Corinthe, qui vient lui annoncer la mort de Polybe, et qui, croyant lui apporter une bonne nouvelle, lui apprend que le roi n'était pas son père; l'opiniatreté d'OEdipe, qui veut éclaircir sa naissance, malgré les efforts de Jocaste; la déposition du pasteur de Laïus, le même qui avait eu ordre de l'exposer; enfin, toutes les circonstances de la mort de Jocaste et de la punition d'OEdipe.
Le but du poëte est de faire voir que la curiosité, l'orgueil et la violence précipitent les hommes dans des maiheurs inévitables, lors même qu'ils sont remplis d'excellentes qualités.
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Rien n'est plus régulier que celte tragédie : l'unité de lieu y est exacte et naturelle ; l'unité d'action ne l'est pas moins ; et l'unité de tems y est si scrupuleusement observée, qu'il n'en a pas fallu plus pour exécuter la chose que pour la représenter. Le fil qui lie les scènes les unes aux autres et les moindres morceaux entr'eux, est si délicat, que, si quelque chose en était détaché, tout l'édifice s'écroulerait. Le sujet lui-même est un des plus heureux qui ait été imaginé-Quoi de plus grand et de plus intéressant que le salut d'un royaume entier, qui dépend de la révélation d'un secret et de la punition d'un crime, dont l'auteur se trouve à la fin être un grand roi qui cherche à découvrir l'un et à punir l'autre! Quoi de plus capable de piquer la curiosité que la recherche de ce secret et de ce crime ! Quoi, enfin , de plus frappant que la découverte de l'un et de l'autre par les moyens même dont on ne devait attendre qu'une plus grande obscurité ! Ce sujet, tout admirable qu'il est, a pourtant trouvé des critiques ; mais ces critiques ellesmêmes le justifient. Euripide-a fait aussi un OEdipe; mais les fragmens qui nous en restent ne suffisent pas pour le faire connaître. Passons à l'OEdipe de Sénèque.
OEDIPE, tragédie , de Sénèque.
Sénèque ne s'est point éloigné du plan de Sophocle, il y a seulement ajouté quelques détails dont la plupart, sans toucher le cœur, ajoutent aux plaisirs de l'esprit: les autres sont absolument fastidieux. La longue description ee la peste, qui remplit tout le premier acte, quelqueriche qu'elle soit en poésie, est un hors-d'œuvre qui ralentit la marche de la pièce, et suspend même l'exposition: en effet, cette exposition n'a lieu qu'au second acte, où l'on apprend la cause de cette peste et le remède qu'il convient
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d'y apporter. Depuis ce moment, l'action marche comme dans Sophocle ; il n'y a de différence que dans-le cinquième acte; elle consiste en ce que Jocaste se donne la mort sous les yeux du spectateur dans Sénèque, tandis que dans Sophocle, cette scène se passe derrière la toile. Quant au style, ' * nous trouvons celui du tragique grec de beaucoup préférable à celui du poète latin. Néanmoins nous sommes forcés d'observer que, si Sophocle est en général plus soutenu et plus naturel que Sénèque, celui-ci est souvent plus relevé et plus profond, mais le ton de la poésie épique et descriptive, qui est celui de Sénèque, ne convient guères à la tragédie , où le plus grand mérite, après celui du plan, est celui d'un dialogue, dans lequel il n'entre rien que d'utile et de raisonnable, et dont la pompe ne doit, sous aucun prétexte 5 ralentir la marche de l'action.
OEDIPE, tragédie, de Pierre Corneille, 1659. Corneille n'est pas le premier auteur français qui ait traité ce sujet; il le fut, en 16o5, par Prévost, et en 1614 » par Sainte-Marthe ; mais nous laisserons ces deux pièces dans l'oubli profond qu'elles ont mérité.
Corneille s'est également éloigné du plan de Sophocle et de celui de Sénèque; ni l'un ni l'autre de ces deux poètes n'avait introduit d'épisode amoureux, dans une pièce qui leur paraissait assez tragique par elle-même ; mais le poëte français, pour se conformer ,au goût de sa nation, fit, au contraire, de l'amour, le pivot sur lequel roulent tout l'in^ térêt et toute l'intrigue de sa pièce, dont voici l'analyse.
Thésée, roi d'Athènes, est venu à Thèbes solliciter la main de Dircé, fille de Laïus et de Jocaste; c'est dans le moment que la peste ravage cette dernière ville. Dircé souffre de voir son amant expose à ce cruel fléau. Pour s'y
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soustraire l'un et l'autre, ils résolvent entr'eux de presser leur hymen et de solliciter le consentement d'OEdipe. Celui-ci , par des raisons d'Etat , rejette la proposition de Thésée, et veut donner sa fille à OEmon, neveu de Jocaste. Dircé combat un tel projet, d'abord, parce qu'OEmon n'est pas roi, ensuite parce que son père est prévenu en faveur de Thésée. Dans cette occurrence, Dymas, qu'on avait envoyé consulter l'oracle d'Apollon, sur les moyens de faire cesser la peste, rapporte que le Dieu irrité n'a donné aucune réponse. OEdipe attribue ce silence au crime de Jocaste, qui a fait exposer son fils; Jocaste, au contraire,, l'attribue à la négligence qu'on a mise à punir le meurtrier de Laïus. OEdipe répond qu'il était impossible de punir des criminels inconnus, et que, s'il en croit ses pressenti— mens, il en a déjà immolé trois de sa propre main : il termine par exposer la nécessité de faire évoquer les ombrespar le devin Tirésias. Bientôt Dircé, pressée par OEdipe d'épouser OEmon, persiste dans son refus, qu'elle développeà son père avec autant d'éclat-que de hauteur; vient ensuite, le récit de l'oracle prononcé par l'ombre de Laïus. Cette ombre a répondu que le sang de sa race devait effacer un. crime impuni par les hommes, pour faire cesser la punition, du ciel. C'est l'ambiguilé de cette réponse qui forme le nœud de la pièce. Dircé,. qui se croit le seul rejeton deLaïus, se regarde comme la victime demandée par l'ombre de son père, et offre d'autant plus volontiers de verser son sang pour le salut de la patrie, que. les disgrâces qu'elle éprouve dans son amour lui font mépriser la vie. Mais Thésée arrive et s'oppose à ce cruel sacrifice; le peuple luimême n'y veut point consentir, et OEdipe en repousse l'idée avec horreur. Ce n'est point elle , dit-il, que les dieux ont choisie pour victime; c'est le fils.de Laïus, qu'on sait être.
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encore plein dê vie. Thésée, qui entre dans ce sentiment, et qui veut sauver Dircé, s'empresse de dire qu'il est lui-même fils de Laïus. Mais la reine regarde un tel aveu comme tïn artifice de la part d'un roi généreux, qui veut s'immoler pour sauver son amante. Dans une circonstance aussi difficile, on se résout à consulter Phorbas, qui fut témoin de l'assassinat de Laïus. OEdipe l'interroge, et se trouve lui—même convaincu de ce crime ; enfin, il apprend qu'il a\ donné la mort à son propre père. Toutes ces circonstances sont développées avec un art infini , mais il faut dire qu'il y à moins de naturel et de vérité dans la pièce de Corneille que dans celles de Sophocle et de Sénèque, et que les beautés de détails qu'il y a développées, ne servent qu'à déguiser le défaut du plan et la faiblesse des moyens.
OEDIPE, tragédie, de Voltaire, 1718.
Voltaire composa cette tragédie à l'âge de dix-huit ans. En traitant à cet âge un sujet que Corneille n'avait abordé que vers la fin de sa carrière , il donna une idée de l'audace qu'il montrerait dans la suite; et^ en le traitant d'une manière supérieure à celle du père de la tragédie française , il prouva dès lors qu'il n'était aucun obstacle qui pût arrêter les élans de son génie, aussi élevé qu'infatigable.
Voltaire, tout jeune qu'il était, sentit qu'il ne devait rien emprunter de Corneille, et qu'il ne devait puiser chez le poëte grec que ces grandes situations qui dépendent es- v sentiellement du sujet, et ces deux belles scènes entre OEdipe et Jocaste, qui font le principal mérite de la pièce de Sophocle. Encore eut-il l'art de les placer -dans le quatrième acte, où il importe surtout de frapper l'esprit du spectateur. Ainsi, dans l'âge où nous ne sommes que des enfans, Volfative montra un poè te supérieur, et nous osons dire même un
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philosophe profond, car, on trouvè dans l'OEdipe un grand nombre de ces maximes qui, à la faveur de la rime , restent gravées dans la mémoire de tous ceux qui les ont entendues, et qui, dirigées contre les abus, finissent par les détruire. Il paraît donc que dès lors Voltaire avait senti que le théâtre n'est pas seulement destiné au développement des passions humaines, mais qu'il est encore une école de morale et de philosophie. C'est un hommage que nous avons cru devoir rendre à ce génie précoce, à l'occasion de sa première pièce, dont voici l'analyse.
Corneille, dans son OEdipe, avait introduit un amour épisodique, dont le développement n'avait que ralenti la marche de l'action : Voltaire ne crut point devoir rejeter cç ressort théâtral , mais il sut le faire mouvoir de telle sorte que, quoiqu'étranger à l'action, il en presse la marche, et rend plus intéressante Jocaste, malheureuse victime d'une aveugle fatalité. Cette princesse avait aimé Philoctète avant d'épouser Laïus ; mais, fidèle au devoir conjugal, elle avait vu avec tranquillité son amant partir de sa cour, et suivre Hercule dans le cours de ses travaux : dévouée aux intérêts de ses peuples, elle avait, après la mort de son premier époux, reçu la main d'OEdipe, vainqueur du Sphinx. Philoctète , qui ignore celte dernière circonstance, arrive à la: cour de Thèbes , au moment où la peste ravage cette malheureuse ville. Il apprend la mort de Laïus, et se flatte alors de pouvoir aspirer à la main de Jocaste ; mais bientôt il apprend aussi qu'elle a épousé OEdipe, et quelles sont les cir* constances qui l'ont engagée a former cette union. Alors , loin de montrer de la jaipusie, il regarde cet hymen comme une juste récompense de celui qui avait sauvé Thèbes de-3 fureurs du Sphinx, et il invoque Hercule en faveur de cette même ville, dévorée par la peste. Bientôt le grand-prêtre
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vient annoncer que la cause de ce fléau est l'impunité du meurtre de Laïus.
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Les Thébains, de Laïus, n'ont point vrngé la cendre J
Le meurtrier du roi respire en ces états,
Et de son souffle impur infecte vos climats.
Il faut qu'on le connaisse; il faut qu'on le punisse : leuples , votre salut dépend de son supplice.
Telles sont les paroles du grand-prêtre; Jocaste et Œdipe ne les entendent pas sans rem rds ni sans effroi ; mais tous deux se justifient d'une négligent e impardonnable dans la poursuite du meurtr er, par des mot fs naturels, que Sophocle et Corneille n'avaieit pas imaginés. Ce n'èst pas un faible mérite de la part de Voltaire, d'avoir exposé ces notifs qui rendent l'intérêt plus vif, et sauvent une invraisemblance dans le fond même du sujet.
Quel est le meurtrier de Laïus.... ? Les soupçons tombent sur Philoctète; il aima t Jocaste, il était intéressé à la mort de son époux, donc il l'a assassiné. A cette accusation, Jocaste s'indigne; elle connaît les vertus du héros qu'elle a chéri; il ne peul être un vil ass £sin : c'est alors que, sans blesser la chasteté conjugale, elle rappelle son premier amour, veut voir Philociète, qu'elle avait évité jusqu'à ce nxc ment et l'engage à fuir.
Philoctète, qui connaît son innocence, refuse absolument ce honteux parti. OEdipe ex ge d'ailleurs qu'il se justifie. Jusqu'ici, Voltaire n'a employé aucun des moyens de phocle, mais il nous semble que ce que nous venons de rapporter, est très-propre à donner plus de force à ceux du poete grec.
Philoctète est accusé. OEdipe a juré la punition du
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coupable; les dieux sont consultés, et le grand-prêtre accuse OEdipe. Quel changement terrible et imprévu de situation!
OEdipe repousse avec horreur cette indigne accusation; mais enfin il veut connaître le meurtrier. Un seul homme accompagnait Laïus lors de l'assassinat, c'est Phorbas : il vit dans les fers, par e qu'on l'a cru l'assassin; il fautlefairevenir; il arr've en effet, et recon ait OEdipe peur le coupable. Mais comment cela se peut-il? Les dieux sont donc en contradiction avec eux-mêmes,puisque OE4 i pe a fui de Corinthe, où il avait été élevé comme le fils du roi Polybe, pour éviter l'effet d'un oracle qui lui avait prédit qu'il tuerait son père. Bientôt arrive Icare , envoyé de Corinthe, qui annonce la mort de Polybe. A cette n uvell«, OEdipe se sent rassuré ; enfin il apprend q: 'il a été reçu par Icare sur le mont Cythéron, où l'on l'avait exposé : voila le mystère à moitié éclairci; mais Phorbas, qui avait été chargé de l'exposer, paraît, , soulève le voile entièrement, et le malheureux OEdipe est forcé de se eoonnaître pour le meurtrier de son père et pour l'époux de sa mère. On apprend que, dévoré de remords, et poursuivi par les furies, le malheureux s'est crevé les yeux; et enfin Jocaste se perce elle-même d'un poignard.
Nous n'ajouterons aucune réflexion à cette analyse, où nous avons assez fait voir avec quel art Voltaire a ordonné son plan , ménagé l'intérêt, et tour à tour suspendu et hâté la marche de l'action. Il ne nous resterait plus qu'à montrer encore le talent qu'il a développé dans les détails; mais les bornes d'une analyse jne nous permettent pas d'étaler les richesses répandues dans toutes les parties de la pièce. -
Le su, ces de celte tragédie fut si brillant, que M. le maréchal de Villars dit à 1 auteur, en sortant d'une des repré- sentatioiis, que la nation lui avait bien de l'obligation, de ce qu'il lui consacrait ainsi ses veilles. Elle m'en aurait f
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bien davantage, monseigneur, lui répondit vivement le poëte, si je savais écrire comme vous savez parler et agir:
Au sortir d'une autre représentation, un homme de la cour, qui donnait la main à une dame tout à fait attendrie, dit à l'auteur : Voici deux beaux yeux auxquels vous avez fait répandre biens des larmes. Ils s'en vengeront sur biens d'autres, répliqua Voltaire. " '
D'abord Voltaire n'avait point mis d'amour dans cette * U pièce; mais lorsqu'il la présenta, les comédiens la refusèrent. Il consentit donc à y en mettre, et la présenta de nouveau; il éprouva encore de grandes difficultés de la part des acteurs, et ce ne fut qu'en employant tous ses amis, qu'il parvint a cbtenir que le théâtre s'en chargeât. ^ Le duc d'Orléans, régent, par ordre duquel Voltaire était à la Bastille, lorsqu'on représentait sa tragédie d'OEdipe, s'étant trouvé à l'une des représentations de cette pièce, en fut si charmé, qu'il rendit la liberté au prisonnier. Voltaire vint sur-le-champ en remercier le Prince, qui lui dit : cc Soyez sage , et j'aurai soin de vous ». Je vous suis, infiniment obligé, répondit Voltaire, mais je s supplie votre altesse de ne plus se charger de mon
logement ni de ma nourriture.
1 .......
OEDIPE, tragédie, par Lamette, 1 1726.
...
Lamotte a fait deux OEdipes , l'un en prcse , l'autre en vers ; tous deux se ressemblent à la rime près. Il prélendait que la prose pouvait s'élever aux expressions et aux images poétiques; et c'est pour le prouver qu'il fit une ode et cette tragédie en prose. L'un et l'autre sont des chefs-> d'œuvre de ridicule. Il disait un jour à Voltaire, à propos de son OEdipe : C'est le plus beau sujet du monde; il faut *
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que je le mette en prose. Faites cela , lui répondit Voltaire, je mettrai votre Inès en vers.
OEDIPE A COL ONE, tragédie, de Sophocle. L'OEdipe à Colone est la suite du premier Œdipe de Sophocle: On prétend qu'il le composa à l'âge de près de cent ans. Quoiqu'il en soit,, en voici le sujet : OEdipe, aveugle, et exilé de son pays, se trouve par hasard près d'Athènes , en un lieu nommé Colone ; il se ressouvient qu'Apollon lui a prédit qu'il y mourrait, et que son tombeau serait, pour les Athéniens, le présage qu'ils vaincraient tous leurs ennemis. C'est dans ce lieu et sous le parvis du temple des Euménides, que se passe la scène. OEdipe parait d'abord accompagné d'Antigone; il s'assied et apprend d'un passant quel est le lieu où il se trouve; il en tire un favorable augure. Un autre passant lui apprend qu'Athènes est gouvernée par Thésée ; OEdipe l'engage d'aller prier ce roi d'e se transporter vers lui ;le passant s'y refuse , et court à Colone avertir les habitans qu'un vieillard, aveugle et accablé de misère, souille l'entrée du temple des Euménides. Sur cet avis , les Anciens arrivent, et l'interrogent; il leur apprend qu'il est le fils de Laïus. A ces mots, ils semblent vouloir le chasser, ainsi que sa fille; mais enfin son éloquence et celle d'Antigone touchent le cœur des Athéniens. Sur ces entrefaites , Antigone reconnaît sa sœur Ismène, qui les cherche depuis long-lems, pour partager leurs peines. C'est alors qu'OEdipe fait sentir la différence qu'il y a entre son fils et ses filles ; c'est alors qu'il apprend à Ismène l'oracle qui prédit que son tombeau sera funeste aux Thébains, s'il est inhumé dans une terre étrangère ; oracle qui rend OEdipe plus respectable aux yeux des Athéniens. Thésée arrive enfin à Colone, et en
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roi généreux, il offre à OEdipe ses états pour retraite.' OEdipe ne lui demande qu'un tombeau, qui doit être funeste , dit-il, à sés fils qui l'ont exilé, lorsqu'il ne songeait plus à partir. OEdipe choisit Colone pour asyle. Mais Créon, instruit de l'oracle, vient le redemander au nom des Thébains. Soins inutiles ! OEdipe s'obstine à rester : Créon proteste qu'il emploiera la violence , et entraine en effet Ismène et Antigone. Heureusement Thésée se montre à l'improviste, fait fermer les issues pour couper le chemin aux ravisseurs , et retient Créon en otage. Enfin , il ramène les deux filles d'OEdipe. Cependant, Polynice , fils d'OEdipe, arrive et demande à voir son père, qui > rejette d'abord sa demande , et finit par céder à l'importunité. Polynice paraît, mais c'est en vain qu'il espère obtenir grâce d'un père justement courroucé, à la faveur de ses sœurs, dont il a sollicité l'appui. Le vieillard indigné charge ses fils de malédiction, et Polynice retourne rejoindre ses alliés, à la tête desquels il dispute à. son frère le trône de Thèbes. ; , .. s * t Soudain un coup de tonnerre se fait entendre; OEdipe, qui le regarde comme le présage de sa mort, fait rappeler Thésée. Le roi arrive : OEdipe, conduit par sa fille, marche vers le lieu où la terre doit l'engloutir, et enfin on vient raconter la mort merveilleuse du prince exilé, sous les pas duquel la terre s'est doucement entr'ouverte , pour le recevoir sans violence et sans douleur. y j -
OEDIPE A COLONE , tragédie-opéra en trois actes, par M. Guillard , musique de Sacchini , à l'Opéra , 1787. t Polynice , l'un des fils d'OEdipe , devait partager, avec son frère Etéocle, le trône de Thèbes, après en avoir banni ce prince malheureux, qui, victime de la fatalité, a tué son
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père, Laïus , et épousé Jocaste, sa mère, sans les connaître; mais Eléocle, après avoir régné une année, refuse de céder le trône à son frère, ainsi qu'ils en étaient convenus. Polynice, comme on vient de le voir dans Sophocle, se retire dans Argos, auprès d'Adraste, qui lui donne sa fille en mariage, et qui, secondé par sept héros grecs, lui promet d'aller mettre le siège devant Thèbes.
Ce que Sophocle a dit d'Adraste, M. Guillard l'attribue à Thésée, roi d'Athènes. Ce prince, qui vient d'accorder à Polynice sa fille Eryphile, exhorte ses soldats à le secourir. La scène se passe devant le temple des Euménides, déesses tutélaires de l'AtLique , mais formidables , et dont le crime n'ose approcher. Thésée propose à son nouveau gendre de les rendre favorables à ces nœuds, en leur offrant un sacrifice ; mais ce prince , tourmenté par ses remords , craint tout de leur courroux, et fait, devant Thésée, l'aveu de sa conduite criminelle envers son père , qu'il a refusé de recevoir dans ses états tandis qu'il régnait. Le roi, persuadé de son repentir, espère que les déesses en seront touchées. On offre le sacrifice; on les interroge; mais les plus fâcheux augures indiquent leur colère : leur temple , s'ouvre et les laisse voir elles-mêmes dans une attitude menaçante ; le peuple consterné s'enfuit avec les marques da. plus terrible effroi.
Plus agité que jamais par ses remords, Polynice aperçoit un vieillard aveugle, soutenu par une jeune fille, des cendre la montagne. Il reconnaît, dans l'une, sa sœur Antigone, et dans l'autre, OEdipe, qui s'était privé de la vue , pour se punir de ses crimes involontaires. Il ne peut soutenir leur présence. OEdipe s'arrête accablé de fatigue ; et là , passe ses malheurs en revue devant sa fille , qui cherche à le consoler; il veut mourir. Vous demandez la mort, lui
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* dit Antigone, avec une simplicité touchante, que deviendra * votre Antigone, si vous l'abandonnez ? Elle l'assure que le bonheur de le servir lui paraît préférable à l'empire du monde.
* OEdipe demande où il est ; la description du lieu lui rappelle de douloureux souvenirs, et lui rend toutes ses fureurs. Il croit voir le sentier où il a tué son père, l'autel où il a épousé sa mère; il prend sa fille pour Jocaste, pour Polynice ; il se calme enfin en la reconnaissant. Les habitans de Colone arrivent, et, voyant un étranger sur un terrein consacré aux Euménides, et sur lequel il n'était pas permis de s'arrêter, veulent l'en chasser; ils l'interrogent. Antigone tremblante répond pour lui ; mais on veut qu'il parle lui-même. Son trouble, son état le font recon- ' naître pour OEdipe, et la fureur du peuple s'en augmente ; enfin , Thésée arrive , appaise ces séditieux , et prend OEdipe sous sa protection. - • -
Au troisième acte, Polynice, rendu à la vertu, annonce il sa sœur, que le peuple mutiné accuse Œdipe de ses malheurs, et demande qu'il soit sacrifié aux Euménides ; que la fuite peut seule le dérober à leur fureur. Il sent en même tems que le secours de cette jeune princesse est insuffisant à son père ; iLoffre, s'il peut en obtenir son pardon , départager les soins de sa sœur, et de renoncer à sa Vengeance, à son trône, à la, main même d'Eryphile. *
Thésée ramène OEdipe , et recommande à Antigone la cause de Polynice, qu'il ne nomme point. A ce mystère, OEdipe reconnaît Polynice , qui tombe à ses pieds , im- ^ plore son assistance , et lui fait part de ses projets; le roi * demeure inflexible , il désavoue Polynice pour son fils. t
Antigone me reste, Antigone est ma fille;
Elle est tout pour mon cœur, seule elle est ma famille.
l
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Il maudit son fils, et lui souhaite tous les malheurs qui terminent en effet son sort. Polynice-les accepte tous ; il désire même que le ciel et l'enfer inventent de nouveaux tourmens, pourvu qu'ils suffisent à sa peine, et qu'il retrouve son père en ses derniers mumens. Antigone se joint à ses instances. OEdipe est ébranlé , la nature parle, l'espoir de retrouver son fils repentant achève de le fléchir; il pardonne. Le grand-prêtre vient annoncer que le ciel est fléchi, et l'hymen de Polynice n'éprouve plus d'obstacles; OEdipe le confirme, le bénit , et le peuple témoigne sa joie.
OEDIPE CHEZ ADMÈTE , tragédie en cinq actes , en vers , par Ducis, 1778.
Il règne dans cette pièce deux intérêts principaux, le premier naît de l'amour conjugal et mutuel d'Alceste pour Admète , le second , du malheur d'QEdipe et de sa recon-» naissance pour les bienfaits d'Admète; on y trouve de plus un intérêt accessoire qui sort du-repentir de Polynice, et de la générosité avec laquelle il veut s'immolerpour OEdipe, son père, lorsqu'il en a obtenu son pardon. Voilà sans doute de grands défauts. Il en est pourtant de plus grands encore dans cette pièce: c'est l'obscurité de l'exposition et I3 faiblesse du ressort principal ; toutefois on trouve dans les détails, on ne sait quelle teinte magique qui tient de l'antiquité, et qui dérobe tous ces défauts aux yeux peu clairvoyans, à peu près comme Rubens a. su déguiser le vice de ses compositions et de son dessein sous un coloris aussi naturel que magnifique. Ce n'est pas que nous veuillons dire que le style soit toujours noble, élégant, naturel et précis : mais, lorsqu'il manque de l'une de ces qualités, il a du moins toujours les Irais autres : et de son jours surtout, c'en est sans doute assez pour qu'il soit
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séducteur. Justifions notre jugement par l'analyse de la pièce.
On n'apprend dans le premier acte que des choses fort étrangères à l'action. Polynice y vient sollititer contre son frère Etéucle les secours d'Admète, qui rejette sa demande, parce qu'il ne veut pas faire couler le sang d'un peuple, dont il veut faire le bonheur, pour une cause étrangère , sentiment qu'il exprime uans ce vers :
Aux depens de son peuple on n'cet point généreux.
Cette scène n'a sans doute été imaginée que pour exposer, non pas le sujet, mais le caractère du roi des Tressai erss, vice très-grand, puisque le caractère ne doit se développer Qu'avec l'action. Polynice rappelle à Admète le caractère d'OEdipe, que sans doute il a connu autrefois sans qu'on sache où, ni comment. L'acte se termine par une longue protestation de l'amour conjugal qu'A' ces te et Admète ont l'un pour l'autre, et par le récit d'un songe affreux que cette reine fait à son époux. On apprend aussi que ce jour on doit consulter les Euménides , et c'est une confidence assez déplacée qu'Admète fait à Polynice.
Le temple s'ouvre ; les divinités infernales sont consultées; elles demandent le sang d'Admète. Ce roi généreux est prêt à se sacrifier pour son peuple; mais il veut, pour ménager le cœur de son épouse, lui dérober cet arrêt fatal : ce qui donre lieu à une seconde scène de tendresse conjugale, qui serait fort insipide, si l'auteur n'avait su lui donner une couleur plus vive qu'à la première : Al. este n"a rien découvert encore du sort qui menace son époux, lorsqu'on annonce qu'un vieillard, conduit par une jeune fille, est arrivé près du temple des Euménides. C'est OEdipe, qui
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vient chércher un asyledans la Thessalie. Admète le devine, du moins à la description que Phénix, le messager, lui a fait de sa personne , mais on ne sait pas pourquoi Alceste, qui ne soupçonne point que ce soit ce malheureux proscrit, s'alarme à celte nouvelle, lorsqu'après plusieurs instans , elle apprend que ce vieillard est OEdipe ; elle veut qu'on le chasse, mais le roi veut le recevoir, et exprime à ce sujet les sentimens de la plus grande humanité. Polynice, dont on n'avait plus entendu parler, reparaît près du temple des Euménides, où , après avoir invoqué ces divinités, il aperçoit son père et sa sœur ; il les fuit. Les deux premiers actes se sont passés dans le palais d'Admète; les trois derniers se passent près du temple des Euménides, où OEdipe parait accompagné d'Antigone, et fait avec elle une'scène touchante, mais très-épisodique, d'amour paternel et filial : les habitans l'interrogent, et veulent le chasser; Admète arrive et le protège comme dans Sophocle, de qui est aussi tirée la prédiction du grand-prêtre, qui annonce que le tombeau d'OEdipe doit être à jamais l'autel de la Victoire. Il est inconcevable que ni l'autorité du sceptre , ni celle du sacerdoce ne pu ssent adoucir l'aversion des habitans, puisqu'il paraît qu'ils continuent à demander l'exil d'OEdipe , comme on le voit, lorsqu'après une très-longue scène, où Antigone et Polynice se prodiguent tour à tour des reproches et des marques d'amour fraternel, Admète et OEdipe se. font des complimens ; c'est après cette scène seulement qu'Alceste apprend le sort qui attend son époux. Mais bientôt on apprend que ce sort est changé , et que les Euménides s'appaiseront, pourvu qu'on les abreuve du sang royal ; de là naît une scène de générosité entre Admète et son épouse , qui veulent mourir l'un pour l'autre. OEdipe fait cesser cette scène, en déclarant qu'un prince issu des
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rois sera la victime ; qu'il le connait, mais qu'il ne le nomme point.
Il est difficile de mettre de l'ordre dans l'analyse d'une pièce qui manque d'unité, et nous sommes forcés de passer d.e l'intérêt qu'inspirent lé sort d'Admète et d'Alceste, à celui que va inspirer le sort de Polynice. A la prière d'Antigone, OEdipe veut bien entendre ce fils ingrat ; il le maudit d'abord, mais dès qu'il est sûr de son repentir, il lui pardonne. Cette scène est sublime, et tout a fait à la manière antique. Parmi d'autres passages remarquables, nous citerons celui-ci :
POLYNICE.
Mais, avant de punir, avant de m'accabler,
Entendez mes sanglots, sentez mes pleurs couler ï
Dans vos bras, malgré vous, oui, je répands des larmes;
Il faut à ma douleur que vous rendiez les armes.
Mon père...
OEDIPE.
Eh bien !...
POLYNICE.
Je meurs...
OE D I P E.
Polynice, est-ce toi...
Ce dernier mot nous parait sublime ; il est bien d'un père justement courroucé, qui, après avoir repoussé, maudit , méconnu son fils, commence à le reconnaître, et à se laisser attendrir par ses remords. Polynice, dans le cœur duquel le pardon paternel a ramené la vertu, court au temple et veut périr pour Admète , mais le, grand-prêtre le repousse comme une victime in'tigne des dieux. Il s'échappe alors plus furieux et plus criminel que jamais. Enfin. OEdipe
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s'avance; le vénérable vieillard embrasse l autel ; la foudre gronde , le frappe, et les dieux sont appaisés.
QEDIPE A THÈBES, tragédie lyrique en trois actes) par MM. Latouloubre et Méreaux, à l'Opéra, 1791.
Il était difficile, après Voltaire surtout, de traiter ce Sujet. Aussi l'auteur de cet opéra n'a-t-il dû son succès qu'à l'intérêt puissant qui est inséparable de cette fable , et qui doit toujours attacher de quelque manière qu'elle soit traitée, Cet ouvrage, faible du côté du plan, plus faible encore du côté du style et des détails, avait besoin de la musique de M. Méreaux, auteur d'Alexandre aux Indes, Partout elle est dramatique et savante.
OEDIPE TRAVESTI, parodie de l'QEdipe de Voltaire, par Dominique, 1726.
C'est la première parodie qui ait été donnée aux Italiens depuis le rétablissement de leur Théâtre.
La scène est au Bourget, village près de Paris. Pierrot et sa femme Colombine y tiennent cabaret. La curiosité fut toujours la passion dominante des femmes ; celle-ci, étant près d'accoucher de son premier enfant, a envie de savoir quel sera son sort: la devineresse, qu'elle consulte, lui prédit que ce sera un garçon, et que ce garçon tuera, son père, et épousera sa mère. Colombine croit qu'en l'envoyant aux Enfans-trouvés, elle empêchera ce fils dè ~ mettre de tels forfaits; mais, malgré cette précaution, il remplit sa destinée.
Scaramouche, garçon du cabaret de Colombine, fait a sa maîtresse le récit des maux que le ciel , justement irrité de la mort du pauvre Pierrot, fait souffrir au village, et des murmu.res des habitans contre Finebrelte, son ancien
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amant, qu'ils accusent hautement d'avoir tué Pierrot. Colombine lui donne là-dessus un démenti, et le chasse. Restée seule avec Claudine, sa confidente, elle lui dit qu'elle ne peut soupçonner Finebrette d'un crime pare 1. Elle convient queFinebrette a toujours été maître de son cœur; mais que ses parens, sachant qu'il n'avait pas de bien, ne voulurent point consentir à son hymen avec lui, et la marièrent, pour ainsi dire, malgré elle, à Pierrot; et que, de iiép.t,Finebrette se fiL soldat; que, quelque tenus après, elle devint veuve. Alors un loup furieux ravageait tout le pays : un inconnu, nommé Trivelin, s'offrit de le tuer; il en vint à bout, et n'exigea , pour prix de sa victoire, que de devenir l'époux de la plus riche du village : le choix ne fut pas incertain. -
Et le vainqueur d'un loup était digne de moi.
Trivelin, reconnu pour le fils de Colombine et de Pierrot, se fait, par désespoir, aveugle des Quinze-Vingts.
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OFFICIER DE FORTUNE (1'), opéra en deux actes, en vers, de Patra, musique.de Bruni, à Feydeau, 1'792.
Robert et Duval ont été élevés ensemble par le curé de leur village, qui leur a enseigné de bonne heure les bons principes , et l'amour de la pairie. Après la mort du curé, nos héros s'engagèrent séparément, et volèrent à la défense (le leur patrie. Duval arrive le premier : il a eu le bonheur, dans les colonies, de sauver la vie a un brave grenadier : mais blessé lui-même, il a été emporté sur un vaisseau hollandais sans pouvoir rejoindre ses drapeaux. Robertine, mère de Robert et de Céleste , apprenant bientôt que son fils a fait fortune, veut marier sa fille-à M. Grugeant, vieux procureur, malgré l'amour que cette jeune personne ressent pour Duval 3 dont elle est payée de retour. Céleste va se
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voir forcée d'obéir à la mère, lorsque Robert lui-même arrive. Ce dernier est décoré de la croix de Saint-Louis : son élévation et sa fortune n'ont point changé son cœur, il n'est que plus généreux. Il a une,conversation avec M. Grugeant, qui, en lui dévoilant l'âme la plus vile, lui assure que Duval, dont Céleste est éprise, est, déserleur. Robert fait chercher Duval : tout le village arrive; chacun se rend garant de l'honneur de cet intéressant jeune homme: on le trouve bientôt dans la chambre de Céleste, caché sous un grand panier à sécher du linge. L'imputation de désertion avait enflammé le jeune milita re : Robert le fixe et le reconnaît pour son libérateur : c'est en effet à lui que Duval a sauvé la vie. Grugeant se retire confondu, et Robert donne sa sœur à son ami.
On voit qu'il n'y a rien de neuf dans l'intrigue de cette pièce, mais les détails en sont très-intéressans: elle respire l'amour le plus pur de la patrie et des lois; la versification est facile; en général, l'ouvrage est écrit avec beaucoup d'esprit et de goût.
OFFICIEUX ( 1' ), comédie en trois actes, en prose, par**, aux Italiens, 1780.
Le marquis de Florival, à l'instant d'être l'époux d'une jeune yt jolie personne , a perdu son père. Pour le distraire, Saint-Far, son ami, l'entraîne hors d'une maison qui aurait sans cesse rappelé ses chagrins : son oncle Dervieux arrive il Paris, et descend dans le même hôtel que son neveu. Mais à peine est-il installé, que la baronne du Vieux-Buis arrive à son tour. Pendant que Florival est allé remercier le mnistre, qui lui a accordé un régiment, Dervieux arrange sans f.\ç >n le mariage de la baronne avec le marquis, pour terminer,
par lîup^Mw^cçsque celle-ci vient poursuivre coutre,. 1m
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enfin, le commandeur de JBerlac, parent de la baronne et de mademoiselle Furmont, arrive dans ce même hôtel; celui-ci cherche une maison a acheter. Que fait l'oncle du marquis ? Il lui propose celle de son neveu, de manière que madame de Furmont, croyant le marquis un dissipateur , ne veut plus lui accorder la main de sa fille. A son retour , Florival est marié, sa maison est vendue, et il se trouve même retiré du service, s'il veut approuver les projets de Y Officieux. Il se refuse à tout , et donne un rendez-vous à son ami pour réparer les sottises de l'oncle. Mais celui-ci est encore là, et, s'imaginantjque le rendez-vous est pour se battre, il écrit au tribunal des maréchaux de France, qui leur fait donner des gardes. C'est là, en présence du maréchal, chef de ce tribunal, que tout s'explique. Madame de Furmont, qui a dîne chez lui, désabusée sur le compte de Florival, lui accorde sa fille : madame la baronne, pour se consoler, consent à épouser Dervieux.
OISEAU PERDU ET RETROUVÉ ( l' ), ou I,A COUPS DES FOINS, opéra comique en un acte, par MM. Piis et Barré, aux Italiens, 1782..
Alain aime Hélène, et lui fait présent d'un oiseau que le vieux Blaise lui enlève. Alain en prend de la jalousie, et veut cesser d'aimer Hélène; une explication réconcilie les deux amans. On joue à la clignemusette : Alain va se cacher dans une voiture de foin ; Hélène y monte ensuite. Biaise n'aperçoit qu'elle, et fait emmener la charette chez lui. Comme le père ,d'Hélène lui a donné son consentement, si elle accorde le sien, il rit du tour qu'il joue à sa future; mais Alain sort de la cachette, se montre ; on rit aux dépens de Blaise, et les deux amans sont unis.
Cet ouvrage est rempli d'idées fraîches , de jolis couplets et de situations agréables. y .
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OÏStFS ( les ), comédie en un acte, en prosè, par
M. Picard, il l'Odéon, 1809.
Le jeune Déricourt aspire à la main de la fille de madame Bourgueil ; mais celle-ci exige délai qu'il fasse usage de tout son crédit pour procurer, à son futur beau-père, une place d'aide-de-camp. Tandis que Déricourt rédige la pétition, une foule d'importuns viennent l'interrompre et le détournent de son occupation. Cependant l'oncle s'empare des papiers, fait les démarches nécessaires, obtient là place, et assure le bonheur du jeune homme, qui se désespérait d'avoir manqué à sa parole.
Tel est le sujet de cette petite comédie.
OLIGNY mademoiselle (d'), actrice retirée du Théâtre
Français, 1810.
Mademoiselle d'Oligny débuta, en 1763, par le rôle d'Angélique dans la Gouvernante, et par celui de Zéneide dans la comédie qui porte ce titre. Elle était alors âgée de quinze ans. Ses premiers pas furent marqués par les plus brillans succès, et, pour le dire en peu de mots, sa carrière n'offre qu'une suite non interrompue de triomphes mé-irités. Le public ne se refroidit jamais pour elle ; mais il faut dire aussi que, de son côté, l'actrice ne négligea rien pour lui plaire et pour se rendre digne de son suffrage. Fille soumise, amante ingénue, épouse tendre, femme aimable, mais partout et toujours sensible, elle savait plier son talent à toutes les nuances qu'offrent ces divers caractères, et les rendre avec une égale supériorité. Une physionomie aimable et intéressante, un œil fin et spirituel , un son de voix enchanteur, tels sont les dons que la nature s'était plu à répandre sur mademoiselle d'Oligny, et que tous ceux qui eurent l'avantage de la veir au Théâtre,
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reconnurent en elle. Ce qui caractérise particulièrement son talent, c'est la gracieuse naïveté avec laquelle elle savait peindre les divers mouvemens de l'âme. Tout paraissait en elle l'effet du sentiment et non le fruit du travail et de la réflexion. On peut ajouter à la gloire de cette actrice, que sa conduite fut toujours la copie ou plutôt le modèle de ses rôles; qu'aucun de ses camarades n'eut à se plaindre de ses ~ procédés ; que tous les gens de lettres n'eurent qu'à se louer de ses égards et de son zèle; enfin, qu'elle sut se maintenir dans une carrière semée d'écueils, conserver la dignité de son sexe, et acquérir une considération qui fait époque dans l'histoire du Théâtre. Mademoiselle d'Oligny sollicita et obtint sa retraite en 1783, avec la pension de 1500 livres.
OLIVETTE, JUGE DES ENFERS, opéra comique en un acte, avec un divertissement et un vaudeville, par Fleury, à la foire Saint-Laurent, 1726. '
Pluton, amoureux d'Olivette, suivante de Proserpine , lui fail prendre la figure de Minos, à qui il a donné celle d'Olivette, et son emploi auprès de la déesse , pour ôter à celle-ci tout sujet de jalousie. Avec la forme de Minos, Olivette est chargée en même tems de remplir son office de juge des Enfers. Elle voit entrer un gascon, tenant par la main le médecin qui l'a tué en huit jours de tems avec un torrent d'eau de poulet. Olivette ordonne que ce dernier sera le malade, et le gascon le médecin.
Monsieur Goguet, petit-collet, avoue qu'il a perdu la vie en tombant du haut d'une échelle de corde, qui lui servait à escalader la fenêlre d'une beauté cruelle dont il était épris. Il se plaint beaucoup, et prie surtout qu'on lui donne un logement tranquille et commode. Le juge le
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relègue avec la Pudeur , la Modestie et la Sobriété. M. Goguet paraît d'abord un peu surpris de son arrêt; mais il prend son parti, et chante ce couplet :
Dans ces lieux, puisqu'on me retient ,
Belles ombres, tenez-vous bien.
Jamais on ne vit chez Pluton
Arriver si beau compagnon ;
Et surtout prenez bien garde
A votre cotillon.
Olivette envoie avec les ombres heureuses, celle d'une - petite fille qui se plaint d'avoir perdu le jour sans avoir goûté les plaisirs comme sa mère. Elle condamne à un rppos éternel un coureur, mort de chagrin d'avoir manqué d'une minute le pari qu'il avait fait, de monter en trois, la butte de Montmartre, à cloche-pied.
La comtesse Folichonne, et le marquis de Bois-Fourchu, viennent ensuite étaler leurs exploits d'amour et d'ivrognerie. Olivette veut les condamner à être jetés dans la gueule de Cerbère ; mais ils en sortent, pour appeler à Pluton même, d'un juge qui respecte si peu les femmes du calibre de la comtesse , et les marquis de haute-futaie. A la suite de ces ombres paraît celle de Pierrot, mari d'Olivette ; il fait un aveu sincère et très-détailléde tous les tours qu'il lui a joués, et aj oute qu'il est charmé de l'avoir fait mourir sous les coups de bâton. A ce récit, Olivette , outrée de colère, se découvre. Pluton, accourant au bruit que font ces deux époux, leur impose silence } et fait sentir à Olivette combien il est important qu'elle se réconcilie avec son mari, pour mieux tromper Proserpine. Le dieu annonce ensuite une fête préparée, et la pièce finit par un divertissement.
OLRY DE LORIANDE , ingénieur du Roi, est auteur d'une
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tragédie intitulée : le Héros très-Chrétien } imprimée en 1669.
OLYMPIE, tragédie, de Voltaire, 1764.
Olympie était une tragédie toute neuve pour nous ; mais, comme on l'a dit très-bien : « La même légèreté qui fit » condamner Athalie pendant plus de vingt années par ce même peuple qui applaudissait à la Judith eBoyer, les » mêmes prétextes qui servaient à jeter du ridicule sur un » prêtre et sur un enfant, peuvent subsister aujourd'hui ; » il est à croire qu'on dirait : Voilà une tragédie jouée dans » un couvent. Statira est une religieuse; Cassandre a fait » une confession générale ; l'Hiérophante est un directeur ». C'est ce qui a empêché si long-tems Voltaire d'enrichir notre scène de son nouvel ouvrage. Il s'était contenté de faire imprimer sa pièce; mais enfin l'on prit le parti de la faire jouer, et la réussite justifia les personneséclairées qui avaient engagé les acteurs à la faire paraître augrandjourdu théâtre. Toutes les situations, théâtrales d' Olympie forment des tableaux animés. Le mariage, le combat singulier, le bûcher, produisent le plus grand effet.
OMASIS, ou JOSEPH EN EGTPTE, tragédie, par M. Baour
Lormian, aux Français, 1806.
Le sujet de cette pièce est l'histoire de Joseph, et cette histoire est un des plus intéressans morceaux de l'Ancien Testament. On sait que Joseph, ayant été vendu par ses frères, fut conduit en Egypie, où il devint un des esclaves de Pharaon; qu'ayant été faussement accusé par l'épouse de son maître , il fut jeté dans un cachot; mais qu'ensuite, ayant interprété, d'une manière divine, plusieurs songes du . roi, et démontré son innocence, il devint, de prisonnier
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qu'il était, premier ministre de l'État. Il montra tant de prévoyance dans son administration , qu'il sauva l'Egypte d'une famine dont la menaçaient sept années de sécheresse. Il fournit à la famille de Jacob, son père, les provisions que la disette le força de venir chercher à Memphis : voulant même engager cette famille , que la conduite de ses frères h son égard ne l'empêchait pas de chérir , à venir s'établir sur les bords du Nil, il retint Siméon et Benjamin en otage.
Les choses sont dans cet état, lorsque la pièce commence. Omasis, comblé d'honneurs, sur le point d'épouser la fille du roi, attend son père et sa famille : mais son mérite lui a attiré un ennemi puissant ; c'est Rhamsès, prince du sang royal. Celui-ci lui suscite un rival : Siméon, dont les remords ont aigri le caractère, et qui ne reconnaîtpoint, dans le brillant Omasis, le malheureux Joseph qu'il avait jadis livré à l'esclavage. Omasis s'efforce de calmer les troubles et les remords de Siméon; il sonde son cœur , et cherche à y ramener la paix ; mais ce frère, doublement perfide, n'en devient que plus furieux contre son bienfaiteur, et queplus porté à servir les projets de Rhamsès. Jacob arrive : Siméon évite sa présence : il se passe une scène touchante entre lé ministre et le vieillard, qui ne soupçonne guères qu'il est en présence d'un fils dont il regrètcdepuis si long- temsla perte. Bientôt une révolte se déclare : Siméon et Rhamsès sont à la tête des rebelles. La tranquillité publique et le pouvoir, d'Omasis sont menacés. Mais le ciel prête son secours au ministre : le tonnerre éclate, la pluie tombe des nuages , et le ciel, qui se remplit d'eau, va ramener l'abondance. Ce miracle étonne les mutins; ils se dispersent. Siméon est ar" rêté et conduit devant Omasis , qui se fait reconnaître pour Joseph , et pardonne à son frère ce double attentat commis contre sa personne. On peut se figurer la joie de Jacob, la
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honte et les regrets de Siméon, et enfin l'étonnement de toute la famille, en retrouvant, dans un prince magnifique, l'un, le fils qu'il croyait mort, et les autres, le frère qu'ils avaient vendu et trahi.
Ce sujet, quelque touchant qu'il soit, n'est point théâtral ; il fallait le style soutenu de l'auleur , pour le rendre supportable à la s;ène. il avait pourtant le mérite de la nouveauté; l'on ne voit pas ^ans attendrissement l'ingénuité de Benjamin, l'amour extrême et mutuel de Joseph et de Jac b. Il faut convenir aussi que l'auteur a su choisir les couleurs propres à la peinture des mœurs patriarchales, et, qu'à cet égard, les amateurs de la belle et noble simplicité lui doivent de la reconnaissance.
OMBRES MODERNES ( les ) , opéra comique en un ttéte, par Carolet, à la foire Saint-Germain, 1738.
Le but de l'auteur fut de critiquer les pièces qui avaient nouvellement paru sur les trois principaux théâtres de Paris. Caron passe dans sa barque l'ombre d'une femme enjouée, que l'absence des Théâtres Français et Italien à fait mourir d'ennui. Celle d'Atys, mort sans succès, se présente ensuite; et après elle, l'ombre de la Gouvernante, qui a terminé sa vie dans les règles, parce qu'elle coûtait trop au public. La dernière ombre est celle de Barnabas: il estmortdehonteet de dépit, d'avoir été obligé d'essuyer les mauvais vers et les platitudes composées sur sa béquille. Minos vient juger les différentes ombres. Il renvoie la femme enjouée avec les anciens comédiens italiens, et ordonne à Atys de ne plus paraître, qu'il n'ait passé par la fontaine de Jouvence. Il promet à Barnabas, que les chansonniers le laisseront en yepos3 ainsi que sa béquille. On entend une symphonie,
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qui annonce les ombres des acteurs forains, qui forment le divertissement.
OMBRES PARLANTES (les), comédie en un acte, en prose, par Romagnési, aux Italiens, 1 740.
Le docteur veut épouser Colombine, sa pupille, et marier sa fille Isabelle à un vieux médecin. Léandre et Octave, amans de ces jeunes filles, fjnt jouer divers stratagèmes par Arlequin et Scaramouche, pour empêcher ces mariages. Le docteur et son valet Pierrot éprouvent toutes les polissonneries qu'imaginent ces intrigans. Enfin, ces derniers se déguisent et viennent trouver le docteur, en se disant les ombres de deux malades qui sont morts entre ses mains. , La frayeur du docteur est si grande, que, non-seulement il leur donne cinquante louis pour qu'ils ne reviennent plus le tourmenter, mais encore qu'il consent qu'Octave épouse Colombine, et Léandre, sa fille Isabelle.
ONCLE ET LES DEUX TANTES ( 1' ), comédie en trois actes en vers, par M. de Lasalle, aux Français, 1785.
Un oncle, partisan de tout ce qui est étranger ; sa sœur, n'aimant que ce qui est antique, et prisant toujours le passé aux dépens du présent; enfin, une seconde tante, sacrifiant à la mode et aux plaisirs du jour, tels sont les caractères que l'auteur met en opposition dans cette pièce.
Ces trois personnages, dont les goûts sont si différens, ont une nièce qu'il s'agit de marier, et chacun d'eux veut lui donner un époux. Un jeune homme , que la nièce paye d'un tendre retour, pour réunir en sa faveur tous les suffrages, prend tour à tour leurs divers caractères et flatte leur manie: avec l'un, il est agriculteur; avec l'autre,
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sectateur des mœurs antiques, et avec la troisième, étourdi t léger, frivole même. Par ce stratagème, il parvient à se: faire choisir par tous les trois. Pour les mettre d'accord , le notaire leur fait consentir à laisser choisir la nièce, après avoir persuadé à chacun d'eux que son choix était aussi celui d'Henriette. Enfin, le quiproquo se débrouille et l'on procède au mariage.
Le fonds de cet ouvrage est à peu près celui d'une comédie ^ en deux actes et en vers, que l'auteur fit représenter à la comédie italienne, sous le titre de Chacun a sa folie, ou le Conciliateur; mais la marche de la copie est si éloignée de celle de l'original, et les personnages se trouvent placés dans des situations si différentes des premières, qu'à peine les deux productions se ressemblent-elles. En cherchant à ne point ressembler à lui-même, il aurait dû éviter aussi de ressembler à d'autres ; car son intrigue paraît calquée, sur celle des Tuteurs, de M. Palissot.
' ONCLE SUPPOSE ( 1' ), comédie en prose et en trois actes, par M. Val ville, au Théâtre de Louvois, 1794.
M. Dumont a promis sa fille Eléonore au fils de Valcour, son ami; mais celui-ci, qui aime en secret la belle Angélique, est bien loin de vouloir s'unir à celle que son père lui destine. Comment faire pour rompre ces engagemens? Eléonore elle-même est aimée de Florval, et lé projet de son père ne peut s'exécuter sans que ce couple d'amans soit réduit au désespoir. Le valet de Florval et la suivante, Finette, se chargeront des évènemens.
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Ils apprennent de madame Dumont que, piquée de ce qu'on ne l'a pas consultée sur le mariage projeté d'Eléonore et de Valcour, elle veut mettre tout en usage pour l'empêcher de réussir, et que c'est pour cela qu'elle a écrit à: ua
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gentilhomme manceau , M. la Gilotiere, de venir à Nantes, s'il veut obtenir la main d'Eléonore. Cette espèce d'imbé-, cille arrive; mais comme Champagne sait qu'un oncle, dont la Gilotière attend un héritage considérable, quoiqu'il ne le connaisse que par correspondance, ne peut pas venir, et que cependant la Gilotière compte sur son arrivée, il prend le parti de se faire passer pour cet oncle, et de mettre, par ce moyen, tous les obstacles imaginables au mariage de l'imbécille gentilhomme.
Il fait tant et si bien, en effet, qu'il y parvient, et que la Gilotière, dégoûté d'Eléonore, ne soupire plus qu'après l'instant de son départ. Un des moyens que Champagne emploie, et qui offre une situation très-comique, est celui où, voulant engager Finette à dire tout ce qu'elle sait sur le compte d'Eléonore, sa maîtresse, il feint d'avoir oublié sa bourse, qu'il a l'air de chercher pour récompenser la rusée suivante; il ne la trouve pas, comme on le pense bien , 'et la Gilotière offre la sienne, que Champagne fait accepter à Finette. Tout se découvre à la fin, et cette Angélique , aimée par Valcour, se trouve être la fille du premier lit de M. Dumont, au secours de laquelle ce généreux jeune homme était venu en la recevant dans son navire avec sa tante, et les amenant en France. Dumont les croyait mortes, parce qu'il avait appris que le vaisseau sur lequel elles étaient embarquées avait fait naufrage; mais heureusement il était échoué sur une île déserte, d'où ces infortunées fltrent retirées par l'équipage du vaisseau de Valcour. Dèslors plus d'obstacles; Valcour épouse son Angélique, à la grande satisfaction de son père, qui voulait le déshériter avant de savoir qu'elle était la fille de son ami Dumont : celui-ci consent au mariage d'Eléonore et de Florval ; le gentilhomme manceau décampe, après avoir été bien et
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duement mystiné; et Champagne, en se découvrant, punit assez madame Dumont de la démarche hasardée qu'elle a faite, en attirant chez elle, à l'insçu de son époux, un imbécille auquel elle voulait accorder la main de sa fille.
ONCLE VALET (1'), comédie en un acte, en prose, mêlée de chants, par M. Alexandre Duval, musique de Della-Maria, à l'opéra comique, 1798.
Cette bluette, d'ailleurs écrite avec grâce et originalité, _ n'est fondée que sur les stratagêmes d'un oncle fort riche, arrivant d'Amérique, et qui met ses neveux à l'épreuve, en se faisant passer pour valet. Des deux neveux l'un est un hypocrite, l'autre un étourdi; on sent que l'oncle donne la préférence à ce dernier, l'orsqu'il a connu toute la bassesse du caractère du premier. Tous deux sont épris des charmes d'une certaine Élise, mais de ce côté encore l'aimable étourdi obtient la préférence sur son fourbe de cousin. La situation la plus comique, est celle où l'oncle, qui s'est fait passer pour picard, veut s'en faire reconnaître pour ce qu'il est en effet. Ses neveux ne veulent point le croire, et l'étourdi le traite même fort rudement. Pour amener le dénouement et la reconnaissance, l'oncle se voit forcé de montrer son portrait, et ce n'est qu'à la vue d'une preuve aussi lé— 1 gère, et aussi mal-adroite, qu'ils finissent par le reconnaître. La pièce se termine par le mariage de l'étourdi ■■ Florville avec Élise, à la honte et au grand chagrin du' fourbe Dumont.
ON NE S'AVISE JAMAIS DE TOUT, opéra-comique en un acte, en prose, mêlé d'ariettes, par Sedaine, musique de Monsigny, à la foire Saint-Laurent, 1761.
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M. Tue, médecin, tuteur et amoureux de Lise, tient celleci étroitement renfermée, et donne à Margarita, sa duègne, toutes les leçons possibles pour écarter ses rivaux. Dorval, amant de Lise, qui s'était déjà déguisé la veille en domestique, paraît encore sous le même habit, et vient presser le médecin de se rendre chez un malade. M. Tue, avant que d'y aller, donne à la duègne un livre qu'il a acheté à Florence, à la succession d'un portugais : il doit servir de suite à ses leçons sur l'éducation de Lise. Mais toutes les lumières des jaloux ne valent pas celles des amans. Dorval, habillé en captif, une chaîne au bras , une longue barbe blanche, un. manteau et une guitare, écoute la conversation du docteur, lui demande la charité lorsqu'il en est aperçu ; et, apprenant que la duègne va chercher Lise, s'écrie avec transport ;
Je vais te voir, charmante Lise, etc.
Lise vient avec sa duègne; et, reconnaissant Dorval, elle la prie de s'arrêter un instant. Dorval, pour amuser la duègne, lui fait accroire qu'elle a laissé tomber un louis. La vieille avare le prend, et lui permet de raconter les supplices qu'il a soufferts à Maroc. L'amant habile saisit ce tems-là pour recommander à Lise de passer sous sa fenêtre. Cependant la clochette sonne pour aller à l'église ; la vieille et Lise s'y rendent, mais trop tard. L'amant, qui les voit revenir, vole dans sa chambre pour changer de déguisemen t. Lise, avertie par son amant, passe sous ses fenêtres. Dorval, déguisé en femme, jette sur elle une boîte de poudre. Il descend précipitamment, contrefait la vieille, leur demande pardon, et promet de réparer le dommage. La duègne, peu fine, lui confie Lise, et va chercher d'autres hardes chez le médecin. Pendant ce tems-là, Dorval fait approuver son amour, et consentir Lise à le suivre. Le docteur arrive;
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alors la prétendue vieille, prenant un ton grondeur , la fait entrer chez elle. Margarita revient avec des hardes, et apprend à M. Tue que sa pupille est renfermée dàns Sa maison. Il devient furieux -, il frappe à la porte, appelle le guet et crie au feu. Le commissaire arrive, et la garde se met en devoir d'enfoncer la porte. Dorval sort l'épée TI la main, apprend au commissaire son amour,et force M. Tue à lui céder sa maîtresse. Celui-ci se croit trahipar la duègne; mais Dorval lui découvre ses stratagèmes. •
OPÉRA. — Drame dont l'action se chante et réunit le pathétique de la tragédie au merveilleux de l'Epopée. Le pathétique, que l'op'éra imite de la tragédie, consiste dans' les sentimens, les situations touchantes, le nœud , les incidens, l'intérêt et le dénouement. Le merveilleux qu'il imite de l'Epopée, consiste à réaliser aux yeux tout ce qu'elle ne fait que peindre à l'imagination. S'il est question * d'une divinité du Ciel, de l'Enfer, d'un naufrage, des êtres même moraux et inanimés, il les représente au naturel par la magie des décorations. Le caractère de l'Epopée est de transporter la scène de la tragédie dans l'imagination du lecteur. Là, profitant de l'étendue de son théâtre, elle agrandit et varie ses tableaux, se répand dans la fiction, et manie à son gré tous les ressorts du merveilleux. Dans l'opéra, la Muse tragique, il son tour, jalouse des avantages que la Muse épique a sur elle, essaye de marcher son égale, ou plutôt de la surpasser, en réalisant, du moins pour les sens, c'e que l'autre ne peint qu'en idée. Pour bien concevoir ces deux révolutions, supposons qu'on voie sur le théâtre une Reine de Phénicie, qui, par ses grâces et sa beauté, attendrit, intéresse pour elle les chefs les plus vail— lans de l'armée de Gcdefroi; admettons qu'elle en ait attiré J
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quelques-uns dans sa cour, qu'elle offre un asyle au fier Renaud dans sa disgrâce, qu'elle l'aime, qu'elle fasse tout pour lui j et qu'elle le voie s'arracher aux plaisirs pour suivre les pas de la gloire, nous aurons le sujet d'Armide en tragédie. Mais si le poëte épique s'en empare, au lieu d'une , reine tout naturellement belle et sensible, il en fait une enchanteresse : dès lors, dans uneaction simple, tout devient magique et surnaturel. Dans Armide, le dcn de plaire est un prestige ;^dans Retiaud, l'amour est un enchantement: les plaisirs qui les environnent, les lieux mêmes qu'ils habilent:, ce qu'on y entend, la volupté qu'on y respire, tout n'est qu'illusion , et c'est le plus charmant des songes. Tellè est Armide embellie des mains de la* Muse héroïque. La Muse du théâtre la réclame et la reproduit sur la scène avec toute la pompe du merveilleux. Elle demande, pour varier et pour embellir ce brillant spectacle, les mêmes licences que la Muse épique s'est données; et, appelant à son secours la Musique, la Danse, la Peinture, elle nous fait / voir, par une magie nouvelle, les prodiges que sa rivale ne nous a fait qu'imaginer. Telle est Armide sur le théâtre lyrique, et telle est l'idée qu'on peut se former d'un spectacle qui réunit le prestige de tous les arts ;
Où les beaux vers, la danse, la musique.
L'art de tromper les yeux par les couleurs,
L'art plus heureux de séduire les cœurs,
' De cent plaisirs font un plaisir unique.
VOLTAIRE.
Dans ce composé j tout est mensonge t mais tout est d'ac- cord , et cet accord en fait la vérité. La musique y fait le charme du merveilleux, le merveilleux y fait la vraisemblance de la musique : on est dans un monde nouveau ;
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c'est la nature dans l'enchantement, et visiblement animée par une foule d'intelligences, dont les volontés sontseslois.
Une intrigue nette et facile à nouer et à dénouer, des caractères simples , des incidens qui naissent d'eux-mêmes , des tableaux sans cesse variés par le moyen du clair-obscur, des passions douces, quelquefois violentes, mais dont l'accès est passager; un intérêt vif et touchant, mais qui, par intervalles, laisse respirer l'âme, voilà les sujets (lue chérit - la poésie lyrique, et dont Quinault a fait un si beau choix. La passion qu'il a préférée est, de toutes, la plus féconde en images et en sentimens, celle où se succèdent, avec le plus de naturel, toutes les nuances de la poésie, et qui réunit le plus de tableaux rians et sombres tour à tour. Les sujets de Quinault sont simples, faciles à exposer, noués et dénoués sans peine. Voyez celui de Roland; ce héros a tout quitté pour Angélique ; Angélique le trahit et l'abandonne pour Médor. Voilà l'intrigue de son poëme : un anneau magique en fait le merveilleux, une fête de village en amène le dénouement. Il n'y a pas dix vers qui ne soient en sentimens ou en images. Le sujet d'Arniide est encore plus simple. ' j., «»
L'opéra peut embrasser odes sujets de trois genres différens; du genre tragique, du genre comique et du genre pastoral. Nous allons faire, d'après le spectacle des BeauxArts, quelques observations sur chacun de ces genres.
Le poète qui fait une tragédie lyrique, s'attache plus à faire illusion aux sens qu'à l'esprit; il cherche plutôt à produire un spectacle enchanteur qu'une action où la vraisemblance soit exactement observée. Il s'affranchit des lois
rigoureuses de la tragédie, et, s'il a quelqu'égard aux unités d'intérêt et d'action, il viole, sans scrupule, les unités dé tems et de lieu, les sacrifiant aux charmes de la variété et.
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du merveilleux. Ses Héros sont plus grands que nature ; ce sont des dieux ou des hommes en commerce avec eux , et qui participent de leur puissance. Ils franchissent les barrières de l'Olympe ; ils pénètrent les abîmes de l'Enfer. A leur voix, la nature s'ébranle, les élémens obéissent, l'univers leur est soumis.
Le poète tend à retracer des sujets vastes et sublimes; le musicien se joint à lui pour les rendre encore plus sublimes. L'un et l'autre réunissent les efforts de leur art et de leur génie pour enlever et enchanter le spectateur étonné, pour le transporter tantôt dans les palais enchantés d'Armide, tantôt dans l'Olympe, tantôt dans les Enfers, ou parmi les ombres fortunées de l'Elysée. Mais, quelqu'effet que produisent sur les sens l'appareil pompeux et la diversité des décorations, le poète doit encore plus s'attacher à produire, dans les spectateurs, l'intérêt du sentiment. ( Voyez au mot POÈME LYRIQUE tout ce que doivent observer à cet égard le poëte et le musicien
Les sujets tragiques ne sont pas les seuls qui soient du ' ressort du théâtre lyrique : il peut s'approprier aussi le genre comique, c'est—à-dire, les pièces de caractère, d'intrigue et de sentiment. Le comique de caractère peut être d'une ressource infinie pour ce théâtre. Il fournirait au poëte et au musicien un moyen de sortir de la monotonie éternelle d'expressions fades, de sentimens doucereux, qui caractérisent nos opéra lyriques. Cependant ce genre est entièrement négligé à notre grand Opéra. On l'a abandonné au théâtre des Italiens, avec les pièces d'intrigue et de sentiment. ( Voyez OPÉRA-COMIQUE ).
Le génie pastoral trouve aussi sa place au théâtre lyl'ique. Plusieurs de nos poëtes s'y sont exercés avec succès. Les sujets champêtres font plaisir par les tableaux naïfs
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qu'ils nous présentent , et sont très-susceptibles d'une mu- ^ sique gracieuse, par les images riantes dont ils sont ornés. L'amour pastoral a une candeur, une aménité, un charme ravissant. Il rappelle l'âge d'or, où le goût seul faisait le ^ chpix des amans, et le sentiment, leurs liens et leurs délices. C'est, parmi nos bergers, que l'Amour est vraiment un enfant, simple comme la Nature qui le produit; il plaît. ^ sans fard "et sans déguisement ; il blesse sans cruauté ; il j attache sans violence. De telles peintures demandent une musique naïve, des airs simples, un chant uni , une sym— j phonie douce et tendre. Mais ce genre semble épuisé parmi^ nous, et n'avoir plus rien que de fade et de monotone. Après avoir parlé du Poëme et de ce qui le constitue, nous , allons, autant que le cadre nous le permet, tracer l'his- • toire de l'Opéra français. n ■* j Ce brillant spectacle, dont les Italiens sont inventeurs, fut introduit en France, en 1645, par le cardinal Mazarin. Le succès qu'eut parmi nous la pièce italienne intitulée, Orphée f et Euridice, fit souhaiter qu'on donnât de pareils ouvrages v dans notre langue. L'abbé Perrin fut le premier qui hasarda des paroles françaises, à la vérité.fort mauvaises, mais clui réussirent pourtant assez bien, lorsqu'elles eurent été mises en musique par l'organiste Cambert. Cette pièce est la pastorale de Pomone, qu'on représenta, pour la première fois, à Issy, sans employer les danses ni lés machines. Elle ' fut si généralement applaudie, que le cardinal en fit donner plusieurs représentations devant le roi et toute la cour.
Bientôt le marquis de Sourdeac fit connaître son génie pour les machines, et s'associa avec le poète Perrin et le musicien Cambert pour donner des opéra. Ces trois fondateurs du Théâtre lyrique firent représenter, dans un jeu de - paume de la rue Mazarine., quelques pièces, dont la poésie
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sçule fut trouvée mauvaise. Quelque tems après, JeanBaptiste Lully ayant obtenu des lettres patentes en forme d'édit, portant permission de tenir académie royale de musique , fit construire un nouveau théâtre près du Luxembourg , dans lac rue de Vaugirard. Ce célèbre musicien donna au public, le i5 novembre 1672, les Fêtes de l'Amour et de Bacchus, pastorale composée de différens ballets. Après la mort de Molière, le roi donna à Lully, . la salle du Palais. Celui-ci s'associa avec Quinault, qui, comme l'on sait, en s'écartant du goût, de la forme et de là coupe ordinaire des opéra italiens, créa un nouveau genre, conforme à l'esprit et au goùt de la nation. Il imagina des actions tragiques, liées à des danses, au mouvement des machines et aux changemens de décorations. Tout
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ce que la passion de l'amour peut fournir de vivacité, de tendresse et d'expressions fortes de sentiment, tout ce que la magie et la puissance des dieux peuvent produire de merveilleux, fut mis en œuvre par ce poète, dans les différens ouvrages dont il a enrichi ce spectacle.
Lully composa la musique de tous ces opéra. Son principal mérite est d'avoir trouvé des chants tout à fait analogues à la langue française. La partie du récitatif surtout est celle où il a excellé. C'est presque toujours une déclamation naturelle, simple, remplie de grâces et d'expression; presque touj ours noble, quelquefois grande et sublime, mais souvent aussi monotone. Il s'en faut beaucoup que ses symphonies aient la même beauté; tous ses grands airs, ainsi que ses ouvertures, semblent être jetés dans le même moule; à le bien prendre, il n'a proprement fait qu'un seul de chacun de ces airs dans chaque genre. Tous les musiciens, cependant, le regardaient comme leur maître; et le public ne voyait que lui dans les opéra que l'on donuait de son tems..
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Le chant faisait disparaître les paroles ; le poète était éclipsé > par le musicien ; et ce n'est guère que depuis soixante ans qu'on s1èst aperçu, en France, que Quinault était un poète au-dessus du commun.
' Ap rès la mort de Lully, l'Opéra passa à deux de ses fils j qui n'eurent point, les talens de leur père. Depuis, regardé,, comme une espèce de ferme, il fut livré à des directeurs, avides qui s'enrichirent en l'appauvrissant. Pendant toute leur administration, ce spectacle fut mal entretenu, les acteurs mal choisis, les créanciers mal payés, et le public mal servi.
Parmi les poètes qui , depuis Quinault et Lully, ont travaille pour ce théâtre , nous n'avons que Lamotte , Danchet, Roy , Duché, Fontenelle, La font, Moncrif, l'abbé Pellegrin, Cahugac, Bernard, J.-J. Rousseau, Marmontel, Sedaine, Duroïet, Guy, Demoustier, Mo— lihe, Guillard, Morel, Hoffmann, Esmena rd- et Joiiy, qui méritent quelque considération; et Campra , Destouclies, Mouret, Rameau, Mondunville , Rebel , et Francœur, Royer, Dauvergne, Rousseau, Monsigny, Philidor, Gluck, Grétry, Sacchini, Piccinni, Mozart, Haydn, Paësiello, Chérubini, Méliul, Le Sueur, Berlon et Spontini, parmi les musiciens. Lamotte a créé deux genres nouveaux qui ont enrichi ce spectacle, le ballet et la pastorale. Son Europe galante est un ouvrage enchanteur pour les paroles et pour la musique; la pastorale d'Issé est admil'able : son succès a toujours été brillant, et elle le mérite par toutes les grâces de sentiment qui y sont répandues. Campra a fait la mpsique du ballet, et Destouches celle de la pastorale.
Campra était véritablement musicien ; il avait une portion de génie qui donnait à sa musique un caractère qui lui était
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propre. Pour les chants, il est inférieur à Lully ; mais il vaut mieux que lui pour la symphonie.
Destouches n'était point musicien ; toutefois il avait des chants et du goût, mais n'entendait ni les chœurs, ni les symphonies. C'était Campra etLalande qui faisaient celles de ses opéra. Homme d'intrigue , insinuant et adroit , il avait fait entendre à nos courtisans, qu'elles ne devaient être que la partie du simple musicien artisan ; c'est qu'en effet il n'était pas capable de les faire. ,
Roy a travaillé en concurrence avec Lamo tte et Danchet : il a donné vingt-un opéra ou ballets. Les Élémens et Callithoé sont les deux seuls ouvrages qui paraissent devoir rester au théâtre. C'est Destouches qui en a fait la musique. Roy a travaillé avec tous les différens musiciens qui ont. existé de son tems.
En 1733 , Rameau donna Hippolyte et Aricie, et peu de tems après, on représenta ses Indes galantes. Alors, il s'opéra en France une révolution dans la musique. Musicien de génie, élevé , sublime, toujours varié, toujours fécond , Rameau, par ses ouvrages, éclaira la nation. Le-s vieillards, attachés au genre qu'ils connaissent , s'élevèrent avec force contre ce nouveau phénomène : ils avaient pour eux tout ce qu'il y avait alors de musiciens ignorans, qui trouvèrent qu'il était plus aisé de déclamer contre le goût nouveau que de le suivre. Les plus habiles furent partagés, et dès lors on vit en France deux partis violens et extrêmes, acharnés les uns contre les autres : l'ancienne et la nouvelle v musique furent, pour'chacun d'eux, une espèce de religion , pour lacluelle ils prirent tous les armes.
Il manquait un poète à Rameau ; ses premiers opéra sont de différens auteurs, comme les ballets du Roy avaient été de divers musiciens. A un second Lully, il fallait un autre
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Quinàult; mais où le trouver? Cahusac se lia avec lui; et ils donnèrent ensemble plusieurs opéra. L'objet principal de ce poëte était de ramener le merveilleux sur le théâtre lyrique, et de lier les divertissemens à l'action principale, d'une manière si intime, que l'un ne puisse subsister sans l'autre.
Tel était l'Opéra, lorsque le roi, en se déclarant le protecteur de l'Académie royale de musique, le mit, pour l'administra tiorl, entre les mains de M. le prévôt des marchands , sous l'autorité de M. le comte d'Argenson, ministre et secrétaire d'Etat. Il est aujourd'hui administré par M. Picard , sous la protection de l'Empereur.
Voici maintenant les statuts de ce théâtre, publiés et affichés par Lebreton et Trial, en 1767. Comme nous n'avons rien vu de contraire à ces statuts, nous les publions de nouveau, afin qu'ils soient exécutés selon leur forme et teneur.
Nous qui régnons sur des coulisses ,
Et dans de magiques palais,
Nous, juges de l'orchestre, intendans de ballets,
Premiers inspecteurs des actrices ,
A tous nos fidèles sujets,
Vents, Fantômes, Démons, Déesses infernales,
Dieux de l'Olympe et de la mer,
Habitans des bois et de l'air,
Monarques et Bergers, Satyres et Vestales;
Salut : à notre avènement
Chargés d'un grand peuple à conduire,
De lois à réformer et d'abus à détruire ;
Ouï notre conseil sur chaque changement
Que nous desirons introduire,
Nous avons rédigé ce nouveau règlement, Conforme au bien de notre empire.
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ARTICLE PREMIER.
A tous musiciens connus ou non connus t
- Soit de France, soit d'Italie,
Passés, présens, à venir ou venus,
Permettons d'avoir du génie.
II.
Vu que pourtant la médiocrité
A besoin d'être encouragée,
Toute insipide nouveauté
Sera par nous, à grands frais, protégée.
Pour les chefs-d'oeuvre de nos jours, Réservant notre économie,
Et laissant la gloire au génie
De réussir sans nos secours..
III.
L'orchestre plus nombreux : sous une-forte peine Défendons que jamais on change cette loi;
Six flûtes au coin de la reine ,
Six flûtes au coin du roi ;
Basse ici, basse la , cors-de-chasse , trompettes ,
Violons, tambours, clarinettes;
Beaucoup de bruit, beaucoup de mouvemens j Pour la mesure un batteur frénétique;
Si nous n'avons pas de musique,
Ce n'est pas faute d'instrumens.
IV.
Sur le récitatif, même sur l'ariette,
Doit peu compter l'auteur des vers, Comme a son tour l'auteur des airs
Doit peu compter sur le poëte.
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V.
Si tous deux , tristement féconds ,
Sans feu comme sans caractère,
Ne donnent qu'un vain bruit de rimes et de sons,
En faveur des ... qui lorgnent au parterre,
On raccourcira les jupons.
VI.
Des pièces les plus mal tissues
Comme on ne sait plus s'effrayer,
Que même des fragmens ne peuyent ennuyer;
Et que les nouveautés sont toujours bien reçues,
Pourrons quelque jour essayer
Un spectacle complet en scènes décousues.
VII.
Avions résolu de concert
De régler des ballets et le nombre et la forme,
Mais l'Opéra, par leur réforme,
Serait régulier et désert.
Que nos ballets soient donc brillans et ridicules;
Qu'on vienne encor, comme jadis,
En pas de deux , en pas de six ,
Danser autour de nos Hercules ;
Que la jeune Guimard, en déployant ses bras ,
Sautille au miliea des batailles;
Qu'Allard batte des entre-chats
Pour égayer des funérailles.
VII r.
Ordre à nos bons acteurs, pour eux, pour l'Opéra, D'user modérément des reines de coulisses ; Permettons à M R et calera ,
L'usage illimité de toutes nos actrices.
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IX.
Pour soutenir l'auguste nom
De la royale Académie,
On paîra mieux Déidamie,
Pollux, Armide et Phaëton.
Mais qu'ils n'espèrent pas que leur fortune croisse Jusqu'au titre pompeux de seigneur de paroisse,
Aux donneurs d'eau bénite et de droit féodal ;
Roland, dans son humeur altière,
Doit-il se prétendre l'égal
Ou du chasseur de la Laitière, Ou du cocher du Maréchal ?
X.
Rien pour l'auteur de la musique ;
four l'auteur du poëme , rien ;
Et le poëte et le musicien
Doivent mourir de faim, selon l'usage antique,
XI.
En attendant que pour le chœur,
On puisse faire une recrue
De quinze ou vingt beautés qui parleront au cœur
Et ne blesseront point la vue,
Ordre à ces manequins de bois,
Taillés en femme, enduits de plâtre,
De se tenir toujours immobiles et froids,
Adosses en statue aux piliers du théâtre.
XII.
Tout remplis du vaste dessein
De perfectionner en France l'harmonie,
Voulions au pontife romain
Demander une colonie.
De ces chanteurs flûtés qu'admire l'Ausouie j
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Mais nous avons vu qu'un castra ,
Car c'est ainsi qu'on les appelle,
Etait honnête à la chapelle,
Mais indécent à l'Opéra.
XIII.
Pour toute jeune débutante
/ Qui veut entrer dans les ballets j
Quatre examens au moins : c'est la forme constante !
Primo, le Duc qui la présente,
Y compris l'intendant et les premiers valets : Ceux-ci, près de la nymphe ont droit de préséance;
Secundo , nous , ses Directeurs ;
Tertio , son maître de danse ;
Quarto , pas plus de trois acteurs :
Total, onze examinateurs.
XIV.
Fières de vider une caisse,
Que celles qu'entretient un fermier-général,
N'insultent pas dans leur ivresse,
Celles qui n'ont qu'un Duc; l'orgueil sied toujours mal,
Et la modestie intéresse.
XV.
.................................. ....................................... ......................................
XVI.
Le nombre des amans limité désormais :
Défense d'en avoir jamais
Plus de quatre à la fois : ils suffisent pour une. Que la reconnaissance égale les bienfaits ;
Que l'amour dure autant que la fortune.
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XVII.
Que celles qui, pour prix de leurs héureux travaux,
Vivent déjà dans l'opulence,
Ont un hôtel et des chevaux,
Se rappellent parfois leur première indigence ,
Et leur petit grenier , et leur lit sans rideaux.
Leur défendons en conséquence,
De regarder avec pitié, Celle qui s'en retourne à pié ;
Pauvre enfant dont l'innocence
N'a pas encor réussie
1 Mais qui, grâces à la danse ,
Fera son chemin aussi.
XVIII.
Item, ordre à ces demoiselles
De n'accoucher que rarement.
En deux ans une fois, qu'une fois seulement ;
Paris ne goûte point leurs couches éternelles :
Dans un embarras maudit
Ces accidens-là nous plongent ;
Plus leur taille s'arrondit, Plus nos visages s'alongent. \
XIX.
Item, très-solennellement
Prononçons une juste peine
Contre le ravisseur, qui vient insolemment,
L'or en main, dépeupler la scène.
Taxe pour chaque enlèvement :
Cette taxe, imposée à raison du talent , „ . De la beauté surtout : tant pour une danseuse ,
Tant pour une jeune chanteuse;
Rien pour celles des chœurs, nous en ferons présent.
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Et pour qu'on ne prétende à faute d'ignorance
Sera la présente ordonnance
Imprimée, affichée à tous nos corridors,
Aux murs des loges, aux coulisses,
Aux palais des Rolands, aux chambres des Médors ,
Et dans les boudoirs des actrices • •
De plus, en nos foyers sera ledit arrêt
Enregistré dans la forme ordinaire.
Pour le bien général et pour notre intérêt;
Détruisant, annullant, autant que besoin est,
Tout règlement à ce contraire.
L'an de grâce soixante-sept ; /
Fait en notre château, dit en langue vulgaire,
Le Magasin, près du Palais-Royal.
Signés LEBRETON et TRIAL,
Plus bas , JOLIVEÁU, secrétaire.
OPÉRA ITALIEN. — On trouve, en général, dans tous les opéra italiens', des germes de passions, jamais la passion amenée à sa maturité; des scènes mal filées, peu soutenues, souvent étouffées par des sens suspendus, et qui laissent il l'auditeur le soin de deviner. Si nos scènes étaient aussi hachées, occasionneraient-elles des morceaux de musique bien pathétiques, ou bien agréables, des descriptions vives et animées, des images riantes, des tableaux galans ? Notre Opéra veut des fêtes liées à l'action, et sorties de son sein; l'Opéra italien s'en dispense. Des pantomimes dans les entr'actes détournent l'atlention due au poëme, et font diversion aux idées tragiques. Quel assemblage de bouffon et de sérieux ! Nous voulons un tout dont les parties soient plus analogues. L'amour, qui ne devrait être qu'accessoire dans les autres théâtres, est le principal mobile de la scène
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lyrique, Atys est vraiment opéra, parce que tous les incidens naissent de l'amour; Armide de même : - Phaéton l'est un peu moins ; car l'ambition du fils du soleil est peu agréable.
OPÉRA-COMIQUE. — Ce spectacle était ouvert durant les Foires de Saint-Laurent et de Saint- Germain.
On peut fixer l'époque de l'Opéra-Comique en 1678 : c'est en effet cette année, que la troupe d'Alard et de Maurice représenta un divertissement comique en trois intermèdes j intitulé: Les Forces de l'Amour et 'de la Magie. C'était un composé bizarre de plaisanteries grossières, de mauvais dialogues, de sauts périlleux, de machines fet de dansés. Ce ne fut qu'en 17 i5 , que les comédiens forains , ayant tràité avec les syndics et. directeurs de l'Académie Royale de Musique , donnèrent à leur spectacle le titre d'OpéraComique. Les pièces ordinaires étaient des sujets amusans mis en vaudevilles , mêlés de prose et accompagnés de danses et de ballets : on y représentait aussi les parodies des pièces qu'on jouait sur les théâtres de la Comédie-Française et de l'Académie Royale de Musique. Le Sage est celui de tous les-auteurs qui a fourni le plus grand nombre de jolies pièces à l'Opéra- Comique ; et l'on peut dire, en ce sens, qu'il fut le fondateur de ce spectacle par le concours de monde qu'il y attira. Cependant les comédiens français , s'apercevant que le public abandonnait leur théâtre, pour courir à celui de la Foire, firent valoir leurs privilèges, et bientôt obtinrent que les comédiens forains ne pourraient faire des représentations ordinaires. Ceux-ci, ayant donc été réduits à ne pouvoir parler ,
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eurent recours à l usage des cartons , sur lesquels on imprimait en prose, ce que le jeu des acteurs ne pouvait rendre. A cet expédient on en substitua un meilleur; ce fut d'écrire des couplets sur des airs connus, que l orchestre jouait, que des gens gagés , répandus parmi les spectateurs, chantaient, et que le public accompagnait souvent en chorus; ce qui donnait au spectacle une gaîté qui en fit long-temps le mérite. Enfin l'Opéra - Comique , à la sollicitation des comédiens français, fut tout-à-fait supprimé. Les comédiens italiens qui, depuis leur retour à Paris. en 1716, faisaient une recette médiocre, imaginèrent en 17:21 , de quitter pour quelque temps leur théâtre de l'hôtel de Bourgogne , et d'en ouvrir un nouveau à la Foire : ils y jouèrent trois années consécutives , pendant la foire seulement. La fortune ne les favorisant point dans ce nouvel établissement, ils l'abandonnèrent. On vit encore reparaître l'OpéraComique en 1724; mais, en 1745, il fut entièrement aboli : l'on ne jouait plus à la Foire que des scènes muettes et des pantomimes. Enfin, en 1752, Monet obtint la permission de rétablir ce théâtre à la Foire Saint-Germain , et par ses soins ce spectacle est arrivé au degré de splendeur où nous le voyons aujourd'hui. Parlons maintenant des ouvrages que l'on y représentait :
Leur mérite consistait moins dans la régularité £t dans la conduite du plan , que dans le choix d'un sujet qui produisît des scènes saillantes, des représentations badines, et des vaudevilles d'une satire fine et délicate, avec des airs gais et amusans : tels étaient et tels devraient être encore ces petits poëmes.
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Les morceaux susceptibles de chant y sont mis en ariettes et chantés , les autres y sont ordinairement en prose , et déclamés. Ce spectacle semble s'attacher principalement à la représentation fidèle des mœurs naïves et simples des artisans et des villageois, au moyen d'une petite intrigue d'amour ou autre , comme dans les pièces du Maréchal, du Biîchcron, des Chasseurs et la Laitière, de l'Amoureux de quinze ans 1 des Amours d'Elé. Ce n'est pas toutefois qu'il ne puisse embrasser des sujets plus relevés ; car il n'en exclut aucun à la rigueur , pas même le mélodrame qui s'y est introduit, et que l'on y a vu fêté pendant quelque temps.
L'opéra comique est un drame d'un genre mixte , ' qui tient de la comédie par le fond, et qui s'approche de l'opéra parla forme. Il en existe de deux espèces; savoir: l'opéra comique en vaudevilles, production légère de la gaîté de notre nation;-et les pièces en ariettes, dont l'invention est due aux Italiens. Comme les principales règles que l'on doit observer pour la composition de ces sortes d'ouvrages sont générales , et regardent toutes les pièces de théâtre , nous ne parlerons que des règles qui sont particulières à- la seconde espèce; et nous renvoyons pour la première à l'article Vaudeville. ( Voy. ce mot. )
L'espèce d'opéra comique , appelée pièces à ariettes, consistait d'abord à parodier des airs italiens, «n y appliquant des paroles françaises. Ce travail était d'autant plus pénible qu'il fallait saisir l'esprit de la musique dans chaque ariette , dont le trait principal et caractéristique se trouve moins souvent dans le chant que dans l'accompagnement. Nous en avons
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un exemple dans la Servante Maîtresse , où le poëte' s'est tellement assujetti à la musique-, qu'on la croirait. faite pour les paroles. Mais , pour réussir parfaitement dans ce travail, il faut réunir la qualité de poète à celle de musicien , et s'être également exercé dans les deux genres. On a reproché à la Servante 'Maîtresse la fréquente répétition des mêmes mots , qui souvent ne présentent aucune idée; les Italiens, qui ne font attention qu'à la musique, ne, sont point choqués de ce retour des mêmes paroles : pour nous , qui aimons la variété, et dont l'esprit veut être occupé tandis que l'oreille est frappée agréablement, nous sommes blessés de toutes ces répétitions vides de sens. Dans les pièces qui suivirent, ces retours fréquens et désagréables furent remplacés par d'autres pensées qui rendirent la scène plus piquante. Le succès de ces sortes d'ouvrages a fait naître insensiblement l'espèce d'opéra comique qui règne aujourd'hui. On entrevit, dès-lors , que la musique pouvait en être le principal objet, et bientôt d'Auvergne , Duni , Philidor , Monsigni et Grétry fixèrent ce genre, par l'excellente musique dont ils l'enrichirent. Il s'agit ~ de fournir au musicien un poème qui lui soit convenable , qui puisse offrir à son génie l'occasion de produire des tableaux qui ne nuisent ni à la chaleurde l'action , ni à l'intrigue , qu'on ne doit jamais T perdre de vue ; et c'est là principalement le mérite de Sedaine. Le musicien doit observer de ne point refroidir le mouvement de la scène par des annonces d'ariettes ou de ritournelles; quelque brillantes qu'elles puissent être, elles sont toujours déplacées, lorsqu'elles ne * sont point nécessaires. Quoi de plus ridicule , «
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par exemple , que de voir un acteur transporté de la passion la plus violente , s'arrêter tout-à-coup pour entendre froidement une symphonie qui prépare un morceau de musique , et compter les mesures pour reprendre sa première agitation ! Il faut donc que le musicien ait encore plus d'égard à l'acteur qui écoute qu'à celui qui chante. Dans un monologue, il est permis de préparer les ariettes par la symphonie, et de les finir de même. -
Pour bien couper une ariette, il faut, autant qu'il est possible , l'assujettir à un rhythme ; en sorte que la première partie soit égale à la seconde.- Ce n'est cependant pas une règle absolue, et c'est le goût et l'oreille que l'on doit consulter les exemples inàti uiront mieux que les préceptes.
Ce qu'on doit observer encore , c'est de proportionner le dialogue aux ariettes, de manière qu'il n'occupe pas la scène plus long temps que lamusique , comme il ne faut pas non plus que la musique absorbe entièrement le dialogùe. On doit étendre l'un et l'autre , autant que le sujet et la marche de la pièce peuvent le permettre. Les vers qui forment- le dialogue étant plus, analogues aux ariettes, il semble qu'on devrait les préférer dans les ouvrages de ce genre ; mais on a senti que la prose, comme plus rapide , donne plus de mouvement et de-chaleur à l'action.
Dans les duo ; trio , quatuor, etc. , dont les paroles sont contrastées, le poëte et le musicien doivent tellement disposer les mots et la musique, que chaque personnage soit entendu distinctement, et que toutes les voix réunies ne forment ni un bruit étourdissant, ni une confusion .désagréable.
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1 OPÉRA AU VILLAGE (1, ), ou LA FATE IMPROMPTU , divertissement à l'occasion de la paix et du retour de S. M. l'Empereur et Roi, par M. Sewrin , musique de M. Solié, à Feydeau , 1807. ' M .
Pour célébrer l'arrivée de son paître , maréchal de ^ l'Empire, un intendant ' bel esprit transforme i les filles de son village en divinités de l'Olympe ; ces personnages allégoriques chantent en l'honneur du héros, des couplets de la composition de M. l'intendant. La fête est interrompue par l'arrivée d'un régiment : les soldats se mêlent aux viilageois et exécutent des danses : alors on voit arriver un char sur . lequel est placé le buste de Napoléon entre deux trophées. La pièce se termine par des couplets inspirés par la circonstance. Comme toutes celles qui furent composées sur ce sujet, elle obtint un « succès d'enthousiasme. L'auteur, en pareil cas , n'est que J'interprète du* sentiment et de la reconnaissance publique. -
OPÉRA COMIQUE (l' ) , opéra comique en, un acte , en prose , par MM. Ségur jeune et Dupaty , musique de della Maria , à Feydeau, 1798. , ^
1 Le sujet de cet opéra est bien léger ; mais l'intrigue. '
en est agréable et bien conduite.
L'oncle de Laure n'est point un de ees tuteurs ' de comédie qui enferment de jeunes et jolies pupilles à pour en faire leur profit ; c'est un homme vertueux et sensible qui veille sur la- conduite de sa nièce, et qui veut faire son bonheur. Laure partage l'amour d'un aimable poëte dont on va représenter une pièce. Celui-ci profite de l'absence de l'oncle pour parler de son amour; mais bientôt l'oncle arrive, il apprend
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à sa nièce que l'opéra d'Armand vient d'obtenir le plus grand succès : comment faire pour s'introduire chez Florimond ? Voici la ruse qu'emploie notre poëte: il porte lui-même une lettre dans laquelle il demande la permission de lui dédier son ouvrage ; il sait de Laure que son oncle travaille à un opéra comique y et dit qu'il en compose un sur le même sujet : Florimond s'aperçoit du stratagème, feint d'être sa dupe , et accepte la proposition que lui fait Armand de travailler à son opéra. Le sujet de cette pièce est un jeune homme qui s'est introduit sous le même prétexte ; c'est une jeune personne qui craint d'ouvrir son cœur à un oncle. Florimond en profite pour jouir un instant de leur embarras ; mais il n'a point la cruauté de prolonger l'inquiétude et là douleur dans lesquelles il les voit plongés, Xnfi" il pardonne leur dissimulation et les unit. : »
OPÉRA-COMIQUE ASSIÉGÉ (1'), opéra comique en un acte, par le Sage et d'Orneval, à la Voire Saint-Germain , 1780.
Cette pièce fut faite à l'occasion d'un nouveau procèsque les comédiens français intentèrent à l'Opéra^ Comique, et dans lequel ils ne réussirent pas. On y trouve des détails assez plaisans sur plusieurs pièces nouvellement représentées sur les théâtres des deux Comédies Française et Italienne.
OPÉRA DE PROVINCE (1') , parodie de l'opéra d'ARMIDE, en deux actes , en'vers, mêlée de vaudevilles, par MM. Piiset Barré, aux Italiens, 1777* Cette pièce renferme >41 ne critique aussi délicate
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qu'ingénieuse ; elle est remplie de traits de plaisanterie et d'une gaîté qui s'étend jusqu'à l'orchestre : l'ouverture est formée d'airs qui rappellent des vaudevilles pleins de folie : parmi ces airs est celui d'un noël qui produit un effet singulier. On lève la toile, et l'on voit le désordre d'un théâtre où l'on va répéter. La directrice de l'Opéra de Rheims , où se passe la scène, errante, inquiète, est soutenue par deux actrices qui lui servent de suivantes , et qui lui demandent si ellea la migraine ? qu'est-ce qui la gêne ? Hélas ! hélas ! répond-elle , ce n'esi pas cela qui me fait de la peine. Elle leur avoue que son cœur est épris d'un jeune homme, nouvellement arrivé de Paris en Champagne, pour prendre ses grades ; qu'au lieu d'étudier le droit romain , il s'amuse sur la place à chanter el à déclamer ; ' c'est là qu'elle l'a vu ; elle' le croit très-propre à figurer dans sa troupe: elle a rêvé toute la nuit de ce jeune homme, et tout éveillée, elle y rêve encore. Elle finit par remercier ses suivantes d'avoir bien voulu l'aider à filer cette scène qui est interrompue par le répétiteur, qui paroit , l'affiche d'Armide à la main. Il donne des leçons fort plaisantes et trèscritiques aux acteurs, chanteurs, choristes, danseurs et figurans, sur la manière dont ils doivent rendre leurs rôles à la représentation. Cette scène est remplie d'épigrammes contre les acteurs et la musique de l'Opéra en général. En parlant de la mesure, la diree- " trice assure le répétiteur que ce ne sera pas du moinsà coups de bâton que les Déesses y chanteront juste. Cependant le suisse de la troupe survient tout effrayé et soutenu par des valets de théâtre ; il raconte qu'il a été maltraité , et que la foule veut forcer la porte t
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pour voir la répétition qu'un seul les a mis en fuite. Un seul ! .... Le répétiteur ordonne à tout le monde de courir et de faire face aux perturbateurs ; alors tous ceux qui occupent la scène y volent à pas comptés , , comme on vole aux armes dans tous les opéras possibles. Dans l'absence des acteurs , le répétiteur appelle le machiniste, auquel il ordonne la décoration : à sori ordre le théâtre représente un vaste palais. On voit dans l'enfoncement une fontaine , d'où coule une eau limpide. L'étudiant en droit arrive dans ce séjour délicieux , destiné à la représentation ,d'Armide ; il contemple ces lieux , et va s'asseoir sur le bang de gazon préparé pour Renaud : il trouve auprès de lui un recueil d'opéras ; à peine l'a-t-il ouvert, que le sommeil s'empare de ses sens : les Amours et les Nymphes l'enchaînent de guirlandes de fleurs. La directrice survient, est frappée de la beauté du jeune homme , et n'ose lui dérober un baiser ; elle hésite et finit par le faire enlever tout endormi, et le faire emporter dans sa loge : Il est enfin en sa puissance ! L'oncle du jeune'homme et le maître en droit, qui le cherchent partout, arrivent ; ils veulent le détacher du théâtre : ils sont bientôt environnés de figurans et de chanteuses, parmi lesquelles l'oncle, qui est marchand de Paris, en réconnoît une , à qui il a fait une quantité de fournitures : il lui chante son mémoire, et chaque couplet est une épigramme :-il y a un article de satin bleu, pour un habit de vestale: Oh ■!je n'en ai jamais fait usage , dit-elle ; un autre d'une pièce de taffetas : Je ne sais, répond-elle , ce qu'était cette étoffe : je n'ai mis ma robe qu'une fois : en sortant de l'Opéra, elle était si chiffonnée que je n ai pu la
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remettre. Lorsque Fonde prononce le mot total, tout fuit, tout se disperse à ce mot funeste. La directrice revient avec le jeune homme , qui étudie son rôle de Renaud; pour abréger, elle le fait passer tout de suite au cinquième acte ; elle le quitte avec regret, et le laisse seul pour ne pas le distraire : il est en habit de héros , cuirassé , et le casque en tête , tout engoncé dans cet habillement qui le gêne ; il observe que tout parvenu est de même gêné dans ses habits. Son oncle et le maître en droit le surprennent dans cet accoutrement, et veulent le ramener ; il prend le parti des comédiens., et les défend avec tant d'éloquence , que le maître en droit lui dit que c'est bien dommage qu'il ne veuille point être avocat, puisqu'il sait si bien donner la couleur du vrai à ce qui est faux. Il tâche de le gagner par la douceur : soins inutiles ! le jeune homme résiste à tout. Enfin l'oncle tire ùn petit miroir de poche, le présente à son neveu, qui, en s'y voyant , s'indigne de lui- ' même , et chante : Comme me v'la fait ! comme me v'ia fait ! Il jette son casque. Le casque tombe et mon chapeau me reste. Il reprend son chapeau et se détermine à quitter le théâtre. La directrice le retient ; il hésite, il soupire , et s'arrache de ses bras ; elle tombe évanouie; il s'arrête un instant, paraît accablé de l'état où il la laisse ; mais enfin il fait un dernier effort, et part. La directrice revenue à elle , le maudit, se livre au désespoir , veut périr dans les flammes de son théâtre , de ses machines , de ses décorations , et de son magasin ; en effet elle met le feu aux décorations ; tout s'embrase : une troupe de pompiers, dans un ballet qui termine la-parodie r éteint cet incendie.
Tout respire l'esprit et la folie dans cette pièee.
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On y trouve des traits ingénieux et de jolis couplets ; par exemple le conseil que donne Hidraot aux acteurs de la troupe :
Acteurs en chef, sans nul remord ,
Bravez les lois de Polymnie ;
Le goût, sans doute, a toujours tort ,
Puisque le goût défend qu'on crie. _
Voici le mot ; songez-y bien :
Crier est tout, chanter n'est rien.
t
CHŒUR.
Voici le mot ; songez-y bien :
Crier est tout, chanter n'est rien.
' Au chœur.
Pour vous , vos rôles sont aisés ;
Adossez-vous à la coulisse , ,
Et répétez, les bras croisés «
Ce qu'a dit l'acteur ou l'actrice.
Qu'on chante mal , qu'on chante bien ;
Quand c'est en chœur, on n'entend rien.
CHŒUR.
Qu'on chante mal, etc.
Ajix danseuses.
Et vous , mesdames , n'allez pas
Suivre exactement Terpsichore :
Entre nous , croyez qu'un faux pas
A vos talens ajoute encore.
Quand Vénus danse, oufmal, otk bien ,
Vénus est belle, on ne dit rien
OPÉRA DE VILLAGE (1') , comédie en un acte, en prose, avec un divertissement, par D'ancourt, 1692.
Pour célébrer l'arrivée de son maître, Thibaut, fermier d'un marquis seigneur du village , fait pré-
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parer un divertissement dans lequel sa fille Louison doit jouer le principal rôle ; mais cette jeune villageoise est enlevée avant la fin de la répétition par le neveu du^ marquis. Ils sont rencontrés dans leur fuite : Louison est conduite au château, en attendant son mariage ; et le divertissement n'en est pas même retardé.
Cette pièce n'est 'qu'un vaudeville , dans lequel L'auteur a voulu désigner celui qui était alors titulaire du privilége de l'Opéra, et peindre , d'une façon maligne, Pécourt, compositeur de ballets, sous le nom de Galoche. Ces traits satiriques a-vaient pour cause les nouvelles défenses faites aux comédiens , d'avoir à leur gage aucun chanteur ni danseur , et la suppression de quelques symphonistes de leur orchestre.
Il arriva une aventure plaisante à l'une des représentations de cette comédie. Le marquis de Sablé, sortant d'un grand et long dînerai où le vin avait été versé amplement, vint voir cette nouveauté ; et comme il y a un endroit où l'on chante : Les vignes et les prés seront sablés, ce seigneur , s'imaginant qu'on le nommait, donna en plein théâtre un soufflet à Dancourt.
OPÉRATEUR BARRY ( 1' ) , comédie en un acte, en prose, avec un prologue et un divertissement, par Dancourt, musique de Gilliers, 1702.
Barry était un fameux charlatan, qui tenait son théâtre près le Pont-Neuf, vers la rue Guénégaud. Dancourt a voulu faire une farce, dans le goût de celles de cet opérateur.
Le capitan Spaçamonte, piétend épouser la fille de Gautier. Il a pour iival un jeune homme vraiment
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brave, et qui l'oblige à déguerpir. Ce canevas donne lieu à quelques scènes plaisantes. ~
OPHIS, tragédie en cinq actes et en vers, par
M. Lemercier, aux Français, 1798.
Tandis qu'en insensé, Ophis combat tous les ennemis. qu'il rencontre, Tolus, son frère puîné, profite de son absence, auprès de son épouse , et fait assassiner Créops son père. Instruit du retour d'Ophis,
à qui la naissance défère la couronne, il médite l'odieuxprojet de le faire périr à son tour, en empoisonnant la coupe qui doit lui être solennellement présentée au milieu dès honneurs qui lui seront rendus. Mais Deylos , qui n'est entré dans le' complot que pour en mieux connaître tous les fils, substitue au poison un breuvage qui ne fait qu'entretenir le légitime héritier du trône dans un état de léthargie. Bientôt le bruit de la mortd'Ophis se répand: à "cette nouvelle, Naïs s'abandonne au désespoir. Tolus survient : il accourt,
dit il, pour partager ses maux. Naïs croit un moment à sa douleur, mais l'affreuse vérité ne tarde pas à s'offrir à ses yeux; alors elle l'accuse directement d'avoir fait périr son époux. En proie à sa douleur, Naïs demande qu'on la laisse seule auprès des restes d'Ophis. Tout le monde se retire. N'est-ce point un songe ? Ophis lui parle; il la serre dans ses bras. Cependant le grandprêtre Amestris survient, et instruit Ophis du crime de son frère; il l'oblige à descendre dans le lieu de la sépulture de ses pères, et lui commande de s'y tenir caché jusqu'au moment de la vengeance.
Pendant la nuit, Ophis sort de sa retraite : bientôt il entend venir Tolus ; les remords l'agitent : il vient
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sur la tombe de Son père pleurer sa mort et celle de' son frère qu'il croit empoisonné. Au plus léger bruit j tout son corps frémit ; il s'imagine être poursuivi par les ombres de ses aïeux. Ophis apprend ainsi que Tolus a ordonné la mort de Créops. A la faveur des ténèbres; il s'avance vers le parricide, et il est près de lui plonger un poignard dansée sein ; mais le fer s'échappe de ses mains. Le criminel Tolus, qui l'aperçoit, croit qu'un songe affreux l'obsède; mais bientôt il trouve à ses pieds le sabre de son frère, et ne doute plus de sort existence; il en arrache même l'aveu à Naïs, en feignant d'avoir poignardé son époux. Dans sa rage, il veut qu'on cherche et qu'on immole son frère. Cependani Néthos a soulevé Memphis; il est vaincu par Tolus. Ubsal descend alors dans le tombeau qui recèle Ophis; celui-ci le désarme, et, à la voix du grand prêtre, les soldats le reconnaissent pour leur légitime roi. Enfia Tolus se donne là mort ; et, content de posséder Naïs, Ophis abdique le pouvoir suprême.
Tel est le sujet de cette tragédie dont la fable est entièrement d'invetition ; on y remarque des scènes du plus grand effet; mais la plupart sont vides d'action, et n'offrent que des détails fort communs.
Les deux frères n'ont point de caractère. L'un est par lui-même incapable de commettre des forfaits, et l'autre de sacrifier à la vertu. Mais le défaut le plut aensible de l'ouvrage, c'est que tout est prévu par les spectateurs, dès les premières scènes.
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OPINIATRE (l'), comédie en cinq actes, en vers., refondue ensuite en trois actes , par Brueys, 17.2a.
L'auteur, selon nous, <est loin d'avoir tiré le meilleur
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parti de ce caractère et des situations qu'il pouvait lui fournir. Les traits d'opiniâtreté qu'il a choisis , pouvaient être plus marqués, et surtout plus comiques. Il s'agit d'abord d'une bague qu'Erasle, l'opiniâtre, croit avoir perdue. Il accuse Dorise, sa maîtresse, de s'en être emparée, ou plutôt de l'avoir reprise: car elle vient d'elle. Il retrouve enfin cette bague dans sa bourse. Eraste joue, perd et parie qu'il a gagné. C'est contre Dorise qu'il joue et qu'il parie ; mais rien ne l'oblige à céder. Le père de Dorise, qu'on croyait mort en Asie, reparaît, et s'oppose au mariage de sa fille avec Eraste. Enfin celui-ci lui soutient à lui-même qu'il n'est pas le père de Dorise, et sort sans en être persuadé, ou du moins sans en convenir. Il existe dans cette cbmédie un rôle de complaisant, qui sert à faire ressortir celui de l'opiniâtre ; mais nous ignorons pourquoi il ii'est complaisant que pour Eraste.. >
OPTIMISTE ( l' ), comédie en cinq actes, etî vers, par Collin d'Harleville, aux Français, 1788.
La scène se passe en Touraine où M. de Prinville habite un château dont il porte le nom. Celui-ci , bien contraire en ce point à la plupart des hommes, trouve que tout est pour le mieux dans ce monde, et se console des revers qu'il éprouve, en pensant qu'il pouvait lui en arriver de plus grands : par exemple, quand on lui annonce que le tonnerre est tombé sur une grange, et qu'elle est entièrement consumée, loin de s'affliger, il s'applaudit de cette circonstance, parée qu'il pouvait tomber sur le château. En général, le rôle de M. de Prinville est bien dessiné; mais à travers son optimisme, on découvre quelques nuances qui partagent, et consé-
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quemment affaiblissent son caractère. IH. de Prinville est un bon homme qui croit avoir une opinion, etquin'a qu'un faux système qu'il contrarie sans cesse en faisant tout ce que le premier venu lui demande. S'il forme un projet, il le voit dans tout ce qu'il peut offrir d'agréable et de beau ; mais, par une suite nécessaire de la faiblesse de son caractère, il l'abandonnera sitôt qu'on lui en présentera un,autre. Il a promis la main de sa fille à son ami Morinval : ce dernier se plaint sans cesse, quoiqu'il n'ait jamais lieu de se plaindre ; c'est un honnête homme qui a la manie de se croire malheureux, et qui fait le bonheur de tous ceux qui l'entourent. Angélique n'aime point Morinval ; mais elle j'épousera pour obéir à ses parens, et quoiqu'elle partage la flamme du jeune Belfort, fils d'un vieux militaire qui- a perdu sa fortune au jeu. Ce jeune homme est depuis quelque tems installé chez M. de Prinville en qualité de secrétaire et de maître d'anglais d'Angélique. Dès que Morinval sait qu'il est l'amant préféré de cette jeune personne, il lui cède ses droits, et obtient pour son rival le consentement de M. et de Mad. de Prinville. Mais ce qui lève toutes les difficultés, c'est l'arrivée du père de Belfort qui a retrouvé sa fortune où il l'avait perdue, et qui, corrigé de la folle et funeste passion du jeu, vient à tems pour doter son fils. Un autre incident non moins bizarre, c'est que cet argent est celui de M. de Prinville. Ceci demande une explication. Au lieu d'en faire le dépôt. chez un notaire, ce dernier a confié cent mille écus à un quidam. Il croit son argent en sûreté; car il croit tout, M. de Prinville : pas du tout, il reçoit une lettre de Paris qui lui annonce la banqueroute de son débi-,
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teur; il s'en console parce que les choses devant être ainsi ne pouvaient être autrement. Mais admirez le sort, devinez, on vous le donne en cent, en mille... C'est trop abuser de la complaisance du lecteur. Disons-le, c'est le père de Belfort qui a gagné cet argent, lequel revient ainsi à sa destination. Malgré quelques défauts inhérens au sujet, cet ouvrage mérite les applaudissemens qu'il a reçus. Le dialogue et le style surtout sont dignes d'éloges; enfin on retrouve dans cette comédie la touche légère et gracieuse qui distingue les ouvrages de Collin d'Harleville.
OR A C LE, volonté des Dieux , manifestée par leurs prêtres. Un oracle doit produire un évènement, et servir au nœud de la pièce. Tel est l'oracle de Calchas dans l'Iphigénie de Racine, où il est le nœud de toute la pièce. Agamemnon paraît dans son appartement plus matin qu'à l'ordinaire. Arcas, son confident, en est étonné, lui en demande la cause et s'efforce de le ras-, surer. Agamemnon ne lui répond que par ce vers
, qui annonce le trouble de son ame :
Non, tu ne mourras point ; je n'y puis consentir.
ARCAS.
Seigneur.....
AGAMEMNON.
Tu vois mon trouble , apprends ce qui le cause ;
Et juge s'il est tems , ami , que je repose.
Tu te souviens du jour, qu'en Aulide assemblés ,
Nos vaisseaux, par les vents , semblaient être appelés. Nous partons; et déjà , par mille cris de joie ,
Nous menacions de loin les rivages de Troie.
Un prodige étonnant fit taire ce transport.
Le vent, qui nous flattait, nous laissa dans le port.
Il fallut s'arrêter; et la rame inutile
Fatigua vainement une mer immobile.
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Ce miracle inouï me fit tourner les y eux , Vers la Divinité qu'on adore en ces lieux :
Suivi de Ménélas , de Nestor et d'Ulysse
J'offris sur ses autels un secret sacrifice.
Quelle fut sa réponse ! et que devins-je , Arcas,
Quand j'entendis ces mots prononcés par Calchas;
« Vous armez contre Troie une puissance vaine,
» Si , dans un sacrifice auguste et solennel ,
» Une fille du sang d'Hélène ,
» De Diané, en ces lieux , n'ensanglante l'autel.
» Pour obtenir les vents que le ciel vous dénie ,
» Sacrifiez Iphigénie ! »
Voilà l'oracle fatal qui devient, dans cette pièce , la source de la crainte et des larmes des spectateurs. C'est lui qui produit les combats déchirans d'un père qui lutte entre sa gloire et l'amour paternel, le désespoir d'une mère, la fureur d'Achille, dont l'amante va être sacrifiée, la joie des Grecs , et leur ardeur de voir le sacrifice consommé; enfin tous les mouvemens dont . cette pièce est remplie.
ORACLE ( 1' }, comédie en un acte, en prose, par
Saint-Foix, aux Français, 1740.,
Jamais intrigue aussi simple ne produisit un intérêt aussi vif, aussi soutenu. C'était la première fois y sans doute, qu'on entreprenait de faire une comédie où il n'y aurait que trois personnages ; mais tous trois ont un caractère qui les distingue et qui plaît. Rien de plus agréable que le dépit de Lacinde, à qui la fée veut persuader qu'un homme est une machine. Rien surtout de plus séduisant que la scène où Alindor est obligé de paraître tel aux yeux de Lucinde, qui lui prodigue ses faveurs. En un mot, tout est
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fiant dans ce tableau ; toutes les nuances doivent en être saisies, et sont faciles à saisir. C'est partout l'expression de la nature et du sentiment.
On raconte que, dans l'une des répétitions de cette pièce, l'actrice, mademoiselle de la Motte, jouant la fée sur le ton d'une harangère, l'auteur lui arracha la baguette qu'elle tenait dans sa main , et lui dit : cc J'ai besoin d'une fée et non d'une sorcière. » L'actrice voulut insister et crier ; mais Saint-Foix lui répondit : « Vous n'avez pas de voix ici: nous sommes » au théâtre f et non pas au sabbat. »
ORACLE DE DELPHES ( l' ), comédie en trois actes, en vers, par Moncrif, 1722.
On attribue cette pièce à plusieurs auteurs dans tous les dictionnaires et almanachs des théâtres ; mais Moncrif l'a revendiquée comme étant de lui seul. On était alors dans la chaleur de la dispute sur les oracles, excitée par l'ouvrage de Fontenelle. CommeJon cessa les représentations de cette comédie, le bruit courut que cette suspension venait d'un ordre de la cour, à cause de quelques gaîtés que l'auteur s'était permises sur la religion. D'autres disent que Moncrif la retira de lui-même, pour détourner l'orage qui se formait contre lui. - .
ORACLE MUET ( l' ), comédie en un acte , en prose, par Le Sage et d'Orneval, à la Foire SaintLaurent, 1724.
.Cet oracle est un vase , dans lequel on met la main, et d'où l'on retire la réponse conforme au sujet sur lequel on l'interroge. Damis, qui veut savoir si la fille qu'il recherche en mariage est telle que sa mère le dit,
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prend une cage dont la porte est ouverte , et l'oiseau envolé. Céphise veut connaître quel est le caractère de l'amant qu'elle doit épouser: elle tire du vase une bouteille et des cartes. Un auteur, qui a composé un livre sur les sciences abstraites, tire un cornet d'épices. Une autre, qui a fait plusieurs pièces de théâtre, prend une paire de sifflets. Celui qui veut savoir ce que sa prétendue fait à Paris depuis trois mois, tire une poupée, représentant un enfant aumaillot.Un chapelier y trouve une paire de corner; et enfin une actrice de l'Opéra-Comique, qui est inquiète du succès de son spectacle, tire du vase une balance, dont le bassin qui contient la recette est en haut, et celui de la dépense en bas. Cette dernière scène avait été ajoutée par Le Sage et d'Orneval, pour se venger d'Honoré, entre- preneur de l'Opéra-Comique, dont ils avaient sujet de 'se plaindre.
.ORACLES (les), parodie d'IssÉ, en un acte, en prose, avec des vaudevilles et des intermèdes , par Romagnési, aux Italiens, 1741.
Dorimon , déguisé en berger, sous le nom de Céladon , se fait aimer d'Issé ; mais cette dernière, inquiète sur le sort qu'aura son amour, va consulter l'oracle, qui lui répond qu'elle sera unie à Dorimon , seigneur du village. Dorimon , toujours en berger, lui dit qu'elle va l'abandonner ; elle lui promet la fidélité la plus inviolable. Sûr de sa tendresse, Dorimon se découvre.
Profitez bien de vos recettes ,
Pendant que vous prenez six francs :
Lorsque vous n'aurez plus d'enfans ,
Adieu paniers , vendanges sont faites
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Ce couplet, tiré de cette parodie , fait allusion aux enfans d'un nommé Poitiers, danseur et compositeur de ballets , qui, à cette époque , attiraient tout Paris à la Comédie-Italienne, et en faveur desquels on avait permis aux comédiens de prendre six francs par place. Poitiers, nouvellement arrivé de Londres, fit exécuter par ses deux enfans un ballet-pantomime , intitulé : les Enfans Jardiniers. Le petit garçon était âgé de sept ans, et'sa sœur de cinq. Ils firent le plus grand plaisir dans ce ballet, ainsi que dans celui des Sabotiers, et plusieurs autres, qu'ils exécutèrent avec grâce. La recette d'une dernière représentation fut erffi èrement à leur profit. Cet usage, dès long-tems établi en Angleterre, fut alors introduiten France pour
* la première fois.
ORANTE, tragi-comédie , par Scudery, 16-35. Malgré les différends qui divisent .deux familles , l'amour unit enfin Isimandre à Orante, dont cette pièce porte le nom. Combien de courses , d'alarmes et de combats précèdent cette union ! Orante , obligée de se retirer à Pise , auprès d'Ormin , son parent, et gouverneur de cette ville , s'y voit persécutée par les feux importuns d'un vieux gentilhomme , dont elle veut se défaire en se donnant la mort. Isimandre , fils du gouverneur de Naples , vient venger sa maîtresse , qu'il trouve pleine de vie ; mais il rencontre un rival dans Ormin , ce qui le détermine à enlever Orante. Elle se rend à Naples sous le nom de Cléonime , y gagne les bonnes grâces du gouverneur, et l'engage à seconder les vœux d'Isimandre. Cet amant a disparu; un cartel le force d'aller disputer à Ormin la possession d'Orante. Il trouve son rival aux prises avec
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trois assassins, les met en fuite , et, par cette action généreuse, obtient l'a mitié de son ennemi ; il le conduit à Naples , où les deux familles réunies marient les amans. Cette pièce, toute dans le goût italien , peut être confondue dans la foule des tragi-comédies du vieux tems.
ORCHESTRE. On prononce orquestre : c'était chez les Grecs la partie inférieure du théâtre : elle était faite en demi-cercle, et garnie de siéges tout autour. On l'appelait orchestre, parce que c'était là que s'exécutaient les danses. Chez eux l'orchestre faisait partie du théâtre; à Rome, il en était séparé et était rempli de siéges, destinés pour les sénateurs, les magistrats , les vestales et les autres personnes de distinction. * A Paris, l'orchestre des Comédies Françaiseet Italienne, et ce qu'on appelle ailleurs le parquet, est destiné en partie à un usage semblable. Aujourd'hui ce mot 's'applique plus particulièrement à la musique, et s'entend, tantôt du lieu où se tiennent ceux qui jouent des instru/ mens, comme l'orchestre de l'Opéra, tantôt du lieu où se tiennent tous les musiciens en général, et tantôt de la collection de toùs les symphonistes : c'est dans ce dernier sens que l'on dit d'une exécution de musique , que Vorchestre était bon ou mauvais , pour dire que les instrumens étaient bien ou mal joués.
ORDRE ET DÉSORDRE, comédie en trois actes, en vers, par MM. Chazet et Sewrin , au theâtre de l'Impératrice, 1808.
Le but des deux auteurs a été de prouver par des faits la vérité de cet adage : l'excès partout est un dé-
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faut. Mais vouloir soutenir que l'ordre et le désordre sont deux excès, au milieu desquels il faut constamment s'a'rrêter , c'ést un paradoxe. Au reste, voici en peu de mois le plan que les auteurs ont adopté. Ils introduisent deux frères, l'un, homme d'ordre, qui finit par se ruiner ; l'autre , qui vit dans le désordre , et qui -finit par s'enrichir : mais le prétendu homme d'ordre n'est qu'un homme minutieux , qui n'a de l'ordre que dans ses meubles et non dans sa tête, et qui place étourdiment ses fonds chez des banquiers qui lui font banqueroute. Son frère, que l'on nous peint comme un dissipateur, est bien plus sage que son aîné, puisqu'au moins il profite de l'argent qu'il dépense. Cette pièce ne prouve donc pas plus le paradoxe cité, que ne prouverait, en faveur des paresseux, la fable de La Fontaine, où un homme trouve aux pieds de son lit la fortune , que ne peut rencontrer un voyageur, qui la cherche en tous lieux.
ORESTE 1 tragédie d'Euripide.
On voit au premier acte, Electre près d'un canapé sur lequel Oreste est couché et endormi. Cette princesse repasse la longue suite de maux qui accablent la ^maison des Pélopides. Elle remonte jusqu'à leur origine, et nomme tous les illustres infortunés de sa famille, depuis Tantale jusqu'à Oreste. Le premier est aux enfers, condamné à rouler éternellement une masse énorme du pied d'un mont jusqu'au sommet. Pelops, mis en morceaux etservi aux Dieux , eut l'épaule dévorée par Cérès. Atrée etThieste, ses enfans , par l'effet de leurs funestes divisions , firent reculer le soleil d'horreur. Agamemnon et Ménélas, tous deux fils d'Atrée ,
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semblent avoir hérité des malheurs de leur père; l'hy- men les a perdus. Le premier a été égorgé par Clytemnestre son épouse, le second est uni à Hélène, fléau des Grecs et des Troyéns. Pour venger son père , Oreste, par l'ordre d'Apollon , tue Clytemnestre. Moi-même, s'écrie Electre, je fus complice de ce crime -que Pylade partage avec nous. Cet attentat est la cause du funeste désespoir d'Oreste. Attaché sur un lit de douleur, ce prince est la proie des Furies. Ces filles de l'enfer le laissent à peine respirer ; si elles lui accordent un moment de repos, le déplorable Oreste n'en profite que pour laisser un libre cours aux pleurs amers qui dévorent .son sein. Depuis six jours que le crime est commis, rien n'a pu soulager sa douleur profonde. Ainsi l'action se passe le septième jour, après' la mort de Clytemnestre. C'est ce même jour que les Argiens doivent juger et le frère et la sœur. L'unique espoir de cette dernière réside en Ménélas, dé.retour de l'expédition de Troie. Cependant, afin de se soustraire à la vengeance des Grecs, qui, sans doute, la puniraient des maux qu'elle leur a causés devant Troie" Hélène profite de la nuit pour entrer dans Argos, où elle a bientôt une entrevue avec Electre, après laquelle on voit entrer le chœur, domposé de jeunes Argiennes qui viennent apporter des consolations à la princesse. Cette dernière , craignant que leur entrée tumultueuse je réveille son frère, leur commande de ne point faire de bruit. Toutes répètent ce commandement à voix basse ; elles s'informent de la santé d'Oreste et plaignent son sort. Electre prend part à leur conversation, mais de tems à autre elle impose silence à ces filles. Cependant Oreste s'agite ; alors.
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Electre accuse le chœur de l'avoir réveillé ; bientôt il se rendort et la conversation reprénd son cours. Ce jeu de théâtre pouvait plaire aux Grecs , mais pour nous il serait puéril et fatigant. C'est la nature elle-même , telle qu'Euripide aimait à la représenter, et telle que la voulaient les Athéniens. Enfin Oreste se réveille. Il jouit d'un moment de calme , pendant. lequel sa sœur lui annonce l'arrivée de Ménélas ; mais tout-à-coup il retombe en fureur. Voyez l'Andromaque de Racine. Ce poëte a imité, et pour ainsi dire traduit ce morceau d'Euripide : comme partout ailleurs , le français l'emporte sur le grec. Les fureurs d'Oreste , dans l'Andro. maque de Racine , sont naturelles et vraies ; elles sont froides et guindées dans la tragédie d'Euripide : c'est une amplification , dans laquelle Oreste calcule l'effet de ses fureurs. D'ailleurs, Racine se serait bien gardé de placer cette scène au premier acte d'une tragédie. Après une secousse aussi violente, s'il n'expire de douleur et de rage , Oreste doit être épuisé de fatigue , et certainement incapable de parler et d'agir. Chez Euripide, il passe avec la même facilité d'un excès à l'autre. Qui croirait qu'après s'être ainsi battu les flancs r il puisse faire à Ménélas le tableau de son affreuse situation? C'est pourtant ce qu'on voit à l'ouverture du second acte. Ce pripce qui , la minute d'avant, semblait avoir le diable au corps, maintenant calmeet plein de jugement, supplie Ménélas deprendre sa défense : loin de lui être favorable, ce dernier cherche à le perdre afin d'envahir ses Etats. Il répond enfin , mais en prince rusé et politique. Oreste en est indigné. L'arrivée de son cher Pylade le console. Bien différent de Ménélas, cet ami fidèle vient se sa-
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crifier pour Oreste; il vient le sauver ou périr avec lui. Après avoir long-téms délibéré, Pylade lui conseillé de prendre en main sa cause et d'oser la défendre dans l'assemblée du peuple, où lui-même se présentera pour le soutenir, et pour le garantir de tout danger. Ils sortent ensemble , et sont remplacés par le chœur qui vient nous faire le récit des malheurs de la maison des
Atrides, etc. Au troisième acte, Electre apprend le départ des deux amis. Quel nouveau sujet de crainte pour elle! Tout-à-coup survient un homme, qui, sans lui' donner le tems de la réflexion, lui dit brusquement que l'arrêt de mort est porté. Ce troisième acte tout entier est employé au récit de ce qui s'est passé dans rassemblée ; il est terminé par les plaintes et les gémissemens d'Electre, qui tiennent lieu d'intermède. Au quatrième acte, Oreste , dè retour, aperçoit sa sœur les yeux baignés de larmes, et lui en fait un tendre reproche. «Ne me déchirez point, lui dit-il, par l'excès de votre douleur : c'est bien assez de la mort que les Argiens nous donnent aujourd'hui. » La tristesse de ce prince est profonde, mais héroïque : celle d'Electre est plus tendre et plus vive. Oreste ne tarde pas à reprendre t^ute sa fermeté, « Mourons, s'écrie-t-il, soyons digne d'Agamemnon : suivez mon exemple, ma sœur; et vous, Pylade, soyez témoin de ce spectacle. » Celui-ci ne veut point survivre à son ami ; mais, avant de mourir, il veut se venger de Ménélas ; il veut, en un mot, immoler Hélène. Si'la victime échappe au coup qu'il se réserve l'honneur de lui porter, il sera tems alors de mettre le feu au palais, et de s'ensevelir sous ses ruines. Oreste adopte cette noble et courageuse résolution; le chœur lui-même, par la haine qu'il porte à Hélène, entre
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dans le complot. Electre, après avoir entendu Iesraisons de part et d'autre , croît que, pour l'exécution et la réussite de ce grand dessein, il serait à propos de joindre la fille à la mère, ou plutôt de garder en otage Hermione , afin d'arrêter le bras de Ménélas s'il voulait venger la mort de sa perfide épouse. Charmé de ce conseil , Oreste plaint le destin de sa soeur : « Cher Pylade, dit-il, quelle épouse vous perdez ! M Tout ceci prépare le dénouement, comme on va le voir : l'évènement justifie cette grande et périlleuse entreprise. Hélène échappe à la mort par le secours d'Apollon. Commel'avait prévu Electre , Ménélas accourt et veut forcer le palais. Oreste tient le fet suspendu sur Hermione , menace de l'en percer et d'Incendier le palais , si, loin d'employer la violence, Ménélas n'obtient du peuple, la révocation de l'arrêt de mort. L'embarras s'accroît de plus en plus ; partagé entre la crainte et la fureur , le père d'Hermione n'ose ni accorder ni -refuser ce qu'on lui demande. Oreste alors ordonne à sa sœur et à son ami de commencer l'embrasement. C'en était fait, Hermione allait périr, et le palais allait devenir la proie des flammes, si Apollon ne tombait à propos du ciel pour changer la face des choses. Il apprend à Ménélas qu'il a dérobé Hélène à la vengeance d'Oreste; et, comme s'il pouvait douter de la vérité de ce qu'il lui dit, la lui fait voir dans une gloire. Enfin, au lieu de la tuer, il ordonnne à Oreste d'épouser Hermione; mais, pour se purifier, il lui impose l'exil d'un an , suivant la coutume des Grecs. Il veut qu'au bout de ce tems il aille subir le jugement de l'Aréopage , ainsi qu'on le voit dans les Euménides d'Eschyle. En son absence, le Dieu.se cbarge de gouverner lui-même ses Etats, où -
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il reviendra régner glorieusemeat. Enfin Pylade obtient la main d'Electre , et tout ce fraca's se termine par des actions de grâces aux Dieux , et par la réconciliation des princes.
ORESTE, tragédie de Voltaire, 1750.
Cetté tragédie ne renferme ni intrigue amoureuse , ni division d"intérêt. C'est peut-être celle où Voltaire a le plus sacrifié à la vérité ; toutefois elle n'obtint pas l'approbation de tout le monde, comme on pourra le remarquer par l'épigramme suivante d'un journaliste,
qu'on voulait réconcilier avec son auteur :
Si Voltaire étouffait cette haine funeste
Dont il daigne poursuivre un petit Scaliger ;
Si , pour me donner place au royaume céleste ,
Sa main me tirait de l'enfer ,
Il me faudrait louer Oreste ;
v Mon salut coûterait trop cher.
ORESTE ET PYLADE, tragédie pat la Grange-
Chancel, 1698.
On prétend que la Grange-Chancel n'est que le versificateur de cette tragédie , et que Racine, à la prière de la princesse de Conti, première douairière, dont la Grange-Chancel était page , en avait fait le plan. La représentation en fut interrompue par la maladie et la mort de la célèbre Champmêlé qui y jouait le rôle d'Iphigénie.
Parmi quelques beautés de détails, on remarque de grands défauts dans cette pièce.Le rôle d'Iphigénie et celui d'Oreste sont assez bien soutenus.Elle offre d'ailleurs quelques situations intéressantes, et des endroits bien versifiés; mais, quoique attribuée à Racine, le plan en est foible , et la fable mal imaginée. Enfin , les deux pre-
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miers actessontlanguissans, et le cinquième absolument défectueux. Les caractères de Thoas et de Thomiris sont manqués totalement: le premier est traité de tyran à chaque page; et c'est le personnage le plus pacifique de la pièce. Thomiris, sans amour pour Thoas , sans intérêt pour Oreste, et sans un desir bien vif de régner, met tout le monde en mouvement, et forme seule toute l'intrigue.
ORGON DANS LA LUNE, opéra en un acte, par M. ***, au théâtre de Monsieur, 1789.
Cette pièce estune imitation del Mondo della Luna, opéra bouffon de Goldoni, qui fut mis en musique' par M. Paësiello, sous le titre de il Credp.lo deluso. C'est la musique de ce grand maître qu'on a parodiée.
Un vieillard, entiché de l'astrologie, a deux-sœurs qu'il refuse de marier: il s'agit de lui arracher son consentement. L'un des amans s'introduit dans sa maison comme un savant, et parvient à lui persuader qu'il peut le faire voyager dans la lune ; il est aidé dans ce projet par une gouvernante, qui s'est mise en tête d'épouser le vieillard, par l'amantde la plus jeunedes sœurs qui prête sa maison, et par plusieurs autres agens subalternes.On donne à Orgon un somnifère, et, pendant son sommeil, on le transporte dans un jardin qu'on a eu soin d'arranger d'une manière fantastique. Là il se croit dans la lune ; l'impératrice , qui n'est autre que sa servante Lisette, parvient à le séduire à force de belles promesses : alors, il consent à l'épouser, signe le contrat de sa sœur aînée avec le philosophe qui lui a procuré cette belle fortune., et celui de la jeune sœur avec le prétendu empereur. Enfin on le désabuse.
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Cet ouvrage, qui participe un peu à l'invraisemblanCê de l'original, est écrit d'ailleurs avec esprit, mais conçu et dialogué trop longuement. Il obtint un très-grand succès. •
ORGUEIL PUNI (1'), comédie en un acte, en prose, par Mad. Molé, à l'Odéon, 1809.
Colas et Guillot ont quitté leur village : Colas est riche, Guillot est pauvre ; Colas fréquente la bonne société, Guil10t est au service de Colas. Ces deux villageois changent de nom ; l'un, qui se 'fait appeler Florval, èst très-bien reçu dans la maison d'un baron dont il doit épouser la fille; l'autre , sous le nom de Labrie, fait les 'honneurs de l'antichambre, et sert fidèlement son maître qui n'a point oublié qu'ils furent élevés ensemble chez le magister du village. Jusque-là, Colas n'est pas bien coupable, et l'orgueil ne paraît point lui avoir tourné la tête ; mais, pour obtenir l'amitié du baron et plaire à Célestine , il se dit fils d'un " officier retiré. L'argent que lui prodigue son père et les discours de Labrie, servent les projets du jeune orgueilleux ; mais le bon père Colas arrive, et, par les soins officieux d'un certain cousin, va descendre à l'hôtel du baron. Peu satisfait de la réception de son fils, il s'en plaint amèrement : mais bientôt l'arrivée du baron et de Célestine lui donne le mot de l'énigme. Enfin tout le monde pardonne à Colas en faveur de son repentir.
Cette bluette est assez bien écrite; elle a obtenu quelque succès. , x
ORIET (DIDIER) n'est connu que par la tragédie de Suzanne qui parut en 1581. *
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ORIGINAL (l'), comédie en un acte, en vers, par M. Hoffmann, aux Français, 1796.
Le principal personnage de. cette pièce est plutôt ce qu'on appelle un roué, qu'un original. A dire le. vrai ,
il serait fort difficile 4e déterminer son caractère. En effet, il n'y a rien d'original dans, sa conduite. Il n'est' pas surprenant qu'un homme dont le cœur est usé, s'amuse de soupirs et de la timidité d'un jeune homme tout neuf en amour. C'est précisément ce que fait Damis. Comme il n'a point d'amour, il ne croit pas qu'on puisse en avoir pour lui ; cela doit être. Linval est aimé et ne peut croire à son bonheur malgré les protestations de Damis, qui se met en quatre pour faire expliquer Célimène en faveur du jeune homme.
A la fin pourtant, il est convaincu de la sincérité de Damis, et il obtient la main de Célimène.
Cette petite comédie est écrite avec autant de pureté que de goût. N
ORIGINAUX ( les ), comédie en un acte, en prose, par Fagan , aux Français , 1737.
Les originaux que l'auteur met en jeu sont bien saisis. Il est peu de scènes mieux faites que celle de l'ivrogne et du faux brave. Cette petite comédie doit être placée parmi nos bonnes pièces épisodiques.
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ORIGINAUX (les ), comédie en un acte, en prose f par M. Palissot, représentée à Nancy, en 1755.
L'Hôtel-de-Ville de Nancy ayant demandé à M. Palissot une comédie pour l'inauguration de la statue que le roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, venait
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de faire ériger à Louis XV son gendre, fit cette pièce, qui fut jouée en présence du roi de Pologne. Il y avait dans l'ouvrage un personnage qui représentait le citoyen de Genève. La comédie frappe sur quelques-uns de ses écrits, et nullement sur sa personne et sur ses mœurs. Quoi qu'il en soit, les amis de J. J. Rousseau firent présenter, contre M- Palissot, au roi de Pologne , un Mémoire par lequel on demandait à' Sa Majesté vengeance de cette pièce, comme d'un attentat commis en sa présence. L'orage fut. vif-, mais ne dura pas ; et, pour se venger lui-même de ses adversaires, M. Palissot publia ses Petitès Lettres sur de grands Philosophes, et composa la comédie des Philosophes, dont on peut dire que celle des Originaux ou du Il Cercle, fut l'occasion.
ORIGINE DES MARIONNETTES (l'), parodie de l'acte de Pygmalion, par Gaubier, aux Italiens, 1753.
Brioché, inventeur des marionnettes, en avait fait une pour laquelle il conçut de l'amour. Ne pouvant lui inspirer du sentiment, il veut, dumoins, lui donner du mouvement ; mais, tandis qu'il arrange de petits. cordons pour la faire mouvoir, il la voit tout d'un coup animée par une vertu inconnue. Brioché, transporté cle joie , lui fait les protestations de l'amour le plus tendre. La marionnette, sensible à l'amour de Brioché,
y répond avec les mêmes transports. La Folie paroît en ce moment, et vient lui apprendre que c'est d'elle que la marionnette tient la vie, afin que, dès ce jour, l'Amour et la Folie soient unis ensemble.
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ORION, tragédie lyrique en cinq actes,- en vers, précédée d'un prologue, par Laforit, musique de Lacoste, à l'Opéra, 1728.
Les trois premiers actes de cet opéra sont de LafonL; et les deux derniers, ainsi que lé prologue, de l'abbé Pellegrin.
L'Amour assis sur un trône reçoit les hommages de tous les Dieux : Diane seule méconnaît et brave sac puissance. L'Amour offense jure de la punir de sat témérité : Voilà le sujet du prologue. Celui de l'Opéra est la vengeance de ce Dieu, qui allume dans le coeur de la Déesse un feu qu'elle a la douleur et la honte dé voir mépriser. Oriori qu'elle a dédaigne la dédaigne à - son tour, et. lui préfère une de ses Nymphes qu'adoré Pallante, et qu'elle destiné à te roi : elle éclate contré l'ingrat, elle veut le punir en immolant son ainante à ses yeux : rien ne peut ébranler ce couple fidèle. Tout èst préparé pour la vengeance , et tout annonce aussi qu'Alphise va périr. Cette Nymphe saisit lè couteau j elle est prêté à s'en frapper ; mais soudain Pallante lui-, arrache le fer des mains , se perce le sein, et lui prouve. par cette action généreuse, qu'il était digne d'uri meilleur sort. Toùt-à-coup les idées de la Déesse charigént ; elle renonce à sa vengeance> et enfin consent à l'union des amans:
ORIZELLE (1') , du LES EXTRÊMES MOUYÈMENS D'AMOUR, tragédie en cinq actes , par Chabrol, i633;
Dorimon , chevalier français et lieutenant-général désarmées de Chérulphe, roi des Lombards, est aimé d'Oritelle, fille unique dé ce roi. Cette princesse lui assigne un rendéz-vous dans les bois de Charlieu;ilrenverse
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tous les obstacles, et s'y trouve. Dalgenor, quoiqu'il ait renoncé à la princesse, jaloux de la préférence qu'elle accorde à Dorimon, appelle ce dernier en duel, précisément à l'heure du rendez-vous.Dorimon, en brave chevalier, vole d'abord où l'honneur l'appelle, il triomphe, et court ensuite où l'amour l'attend. Les efforts d'Eléonor, premier prince dusang, à qui la main d'Orizelle est promise, sont également infructueux. D'un autre côté, un certain Datterie, roi d'Italie, mais inconnu à la cour de Lombardie, ainsi que sa sœur qui s'y trouve déguisée en homme, piqué du refus que lui a fait Chérulphe de la main de sa fille, lui déclare la guerre : elle est bientôt terminée par l'amant d'Orizelle qui ramène à la cour le frère et la sœur ses prisonniers : Orizelle apprend avec la, | satisfaction la plus vivè le triomphe de son amant. Il n'est pas plutôt de retour, qu'elle lui donne un second rendez-vous dans le bois de Charlieu, où ils sont surpris par le prince Eléonor qui, pour se venger de son rival, lui fait donner, comme de la part d'Orizelle , un bouquet enchanté. Dorimon ne l'a pas plus tôt flairé qu'il devient fou, appelle Mars en duel, prend la suivante d'Orizelle pour ce Dieu, et la blesse. Le roi, averti de la folie de son général, lui envoie son médecin qui se charge de le guérir , pourvu qu'Orizelle lui soit promise en mariage. Chérulphe n'y voulant pas consentir, le médecin engage -Dorimon à épouser la sœur de Datterie, qui jusques ici avait passé pour un homme. Déjà ce mariage est conclu. Orizelle en devient furieuse, et prend d'abord la .résolution de.mourir elle change ensuite de dessein, et projette la mort de sa rivale, ainsi que celle d' Eléonor. Elle engage ce prince à provoquer
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Ëurice, par la main de laquelle il avoit été blessé dans le combat, qui avait eu lieu entre les Italiens et les Lombards. Eléonor ne fait point difficulté de se battre tontre l'épouse de Dorimon, et la tue. Celui-ci, devenu libre, obtient enfin l'aveu de Ghérulphe, et finit par épouser Orizelle 5 ce qui fait le dénouement, de cette pièce, la plus invraisemblable et la ridicule qui ait jamais été Conçue.
Cet extravagant ouvrage est dédié à monseigneur de Bassompière, dont le nom se trouve quatre fois en acrostiche * dans les vers qui composent l'épîtrè dédicatoire.
* OROONDÂTË, ou tÈà DISCRETS, tragitomédie, par Guérin deBouscàl, 1645.
Oroondate, prince de Maroc 1 aime et n'ose décou- vrir son amour à la princesse Aleiane, reine des Iles Fortunées : cette discrétion dure jusqu'à la dernière scène de la pièce. Une glace fait voir à Oroondate .qu'il est l'objet aimé d'Alciane. Thiamis, confident d'Oroondate ) dit à ce dernier :
Ne valoit-il pas mieux prévenir tous ces maux;
Et plutôt qu'employer les secrets de l'optiquëi
Des discours ambigus , un amour chimérique ,
Des sanglots dérobés, lës soupira d'une sœur, L'adresse d'un ami, d'un frèfé la douleur,
Et tout ce qu'à produit cet embarras extrême,
-, Dire naïvement , en trois mots * je tous aime?
AL GI AN E.
Thiamis a raison.
En lisant ces vers, tIe diroit-on pas qu'un connais- eur , qui aurait senti le ridicule du sujet et d? l'intrigue de cette pièce ^ ea la critique ?
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« OROPASTE, ou LE FAUX TONAXARE, tragédie ; de l'abbé Boyer, 1662.
■ Le mage.Oropaste a usurpé la couronna de Perse, qu'il porte sous le nom de Tonaxare, fils de Cyrns , et frère de Cambyse. Les grands du royaume conçoivent quelques soupçons de cette supposition. Darie et Zopire se donnent beaucoup de môuvemens pour la découvrir; mais tous leurs soins seraient inutiles.,
si Oropaste, blessé mortellement , et près d'expirer, ne venait avouer son imposture. ^
ORPHANIS, tragédie, par Blin de Sainmore,
1772. ,
Orphanis a été conduite et élevée dans le palais de x
Sésostris, roi d'Egypte , qui avait défait, dans un combat, son père, général des Crétois. Elle est passionnément aimée d'Arcès, neveu de Sésostris , et son successeur à la couronne. Arcès vient de signaler ses premières armes par une victoire éclatante contre les Crétois. Orphanis attend avec impatience le retour de son amant, et veut profiter de l'ascendant qu'elfe a sur son coeur, pour s'élever jusqu'au rang suprême. Arcès vient en effet lui faire hommage de ses lauriers,
et ils se jurent une foi mutuelle. Une loi de l'Etat accorde au vainqueur la première grâce qu'il demandera; le jeune prince demande la main d'Orphanis;
mais le roi a donné sa parole d'unir son neveu avec l'héritière du royaume de Crète : Arcès frémit à cette nouvelle : il atteste la loi de l'Etat ; et, irrité par son amour et par la passion de l'ambitieuse Orphanis ,
il ne peut contenir ses menaces. Sésostris fait arrêter cette femme artificieuse. Arcès, furieux , excite- une*
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sédition, et délivre Orphanis. Celle-ci arme son amant d'un poignard, et l'engage à se venger du tyran ■ il est prêt à exécuter cet attentat ; mais l'horreur du crime lui fait tomber le fer de la main. Il se précipite aux pieds de son oncle. Bans cet instant, paraît Orphanis, qui, se croyant trahie, avoue son crime et se tue.
ORPHEE, opéra en trois actes , avec un prologue ^ par du Boulay, musique de Lulli fils , 1690.
On fit sur cet opéra , qui n'eut aucun succès , une épigramme , un rondeau et une chanson. Voici l'épigramme :
Je viens de l'opéra d'Orphée,
Je l'ai vu fort à l'aise , et tout me promenant ;
Le silence étoit surprenant,
Point de sifflet , point de huée ;
Le bon goût au parterre était incognito,
Et l'on se contentait d'y siffler in petto.
On ne le siffla point, parce qu'il avait été défendu, de siffler. Cette défense donna lieu au rondeau et à la chanson qui suivent :
Le sifflet défendu ! quelle horrible injustice !
Quoi donc ! impunément un poëte novice ,
Un musicien fade , un danseur éclopé, ) Attraperont l'argent de tout Paris dupé ;
Et je ne pourrai pas contenter mon caprice !
Ah ! si je siffle à tort, je veux qu'on me punisse ;
: Mais siffler à propos ne fut jamais un vice.
Non , non , je sifflerai : l'on ne m'a pas coupé
Le sifflet.
' Un garde à mes côtés planté comme un jocrisse, M'empêche-t-il de voir ces danses d'écrevisse
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D'ouïr ces sois couplets et ces airs de jubé * Dussé-je être, ma foi, sur le fait attrape , Je le ferai jouer , à la barbe du suisse ,
Le sifflet. 1..
Puisqu'on nous défend Jé stffler
L'opéra détestable,
On nous permettra de chanter
La musique du diable ,
Et sa danse où Von voit des; pas * Tels que- les faisaient les goujats,
De Jean-de-Vert, etc..
Ne ten déplaise, fier soldat,
Qui gardes le parterre ,
Orphée est l'ouvrage d'un fat ,
Malgré tÓn cimeterre ;
Les vers en sont des plus méchans; Et cette musique est du temps
De Jean-de-Vert, etc.
ORPHÉE ET EURYDICE, tragi-comédie , en italiens, attribuée à l'abbé Perrin , 1647.
- C'est le premier opéra qui fut donné en France, et pour lequel le cardinal Mazarin avait fait venir des musiciens d'Italie. Dès-lors le genre lyrique ^'introduisit parmi nous, et fut, dès sa naissance, porté à sa perfection par Quinault et Lulli. ( Voy. POMONE.)
ORPHÉE ET EURYDICE , drame héroïque , en trois actes, traduit de l'italien en français, et ajusté , par ]YJ. Molinë , à là musique de Gluck, à l'opéra , 1774.
On rend au tombeau d'Eurydice les honneurs funèbres qu'Orphée interrompt par les cris de sa douleur. L'Amour, touché des plaintes de ramant
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le plus tendre, vient à son secours : il annonce à Orphée que les Dieux consentent qu'il aille trouver Eurydice au séjour de la mort ; et que, si les doux accords de sa lyre peuvent apaiser les tyrans des enfers, il rendra son amante à la lumière : les démons , étonnés de l'audace d'Orphée , veulent l'effrayer et l'arrêter. Orphée fait sentir la pitié à ces gardiens terribles des enfers , qui lui en ouvrent l'entrée. Il pénètre jusqu'à la demeure des ombres fortunées. Eurydice lui est rendue. Orphée l'emmène, sans oser porter sur elle un regard qui lui serait funeste. Eurydice, accablée par l'indifférence de son époux, succombe à sa douleur. Orphée, ne pouvant plus résister à des épreuves si cruelles , s'empresse de porter du secours à son amante; il la regarde, et elle meurt. Ce malheureux amant se livre à tout son désespoir. Il tire son épée pour se tuer, l'Amour l'arrête. Ce Dieu rend la vie à Eurydice et couronne les feux du plus fidèle amant. On célèbre la puissance et les faveurs de l'Amour.
C'est dans cet ouvrage immortel que Gluck exécuta le plan qu'il avait conçu d'une musique vraiment dramatique. Cet opéra, d'un genre si nouveau , fut joué à Parme , aux fêtes du mariage de l'Infant, avec un succès jusque-là sans exemple sur aucun théâtre d'Italie. C'est le premier qui y ait été gravé : il fut joué depuis , avec un égal succès, sur tous les théâtres de l'Europe. Ce même ouvrage, traduit dans notre langue, fut donné quarante-neuf fois de suite au milieu de l'été de 1775. Enfin , c'est le seul dont les plus aveugles détracteurs de Gluck n'aient pas osé attaquer le mérite et la célébrité.
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ORPHELIN (1'), Gomèdie en trois actes, en prose , par M. Pigault le Brun , au théâtre de la Cité, 1793.
Julien, qui est l'orphelin, a été élevé chez M. Dericourt qui en a fait son ami, son homme de confiance , et qui, , malgré les torts de la fortune à son égard, consent à lui donner sa fille en mariage. Mais un obstacle invincible s'oppose à l'exécution de ce projet ; Julien est fils de Mad. Dericourt, et conséquemment frère d'Adèle. C'estl'embarras dans lequel se trouve cette mère que la honte empêche de confesser une faute quia précédé son mariage-; c'est l'obligation dans laquelle elle se trouve de faire cet aveu pour prévenir un hymen incestueux, que son époux s'obstine à terminer ; c'est enfin l'emportement de Dericourt lorsqu'il apprend la faute de sa femme, qui font tout l'intérêt de cette comédie, qu'il faut regarder comme un drame absolument calqué sur le plan de la Mère coupable, mais qui n'offre pas à beaucoup près le même nombre de situations dramatiques , ni un caractère aussi fortement dessiné que celui de l'hypocrite Béjard.
ORPHELIN ANGLAIS (1'), drame en trois actes, en prose, par de Longueit, 1769.
Un menuisier de Londres ,. fort honnête homme,
a reçu dans sa maison Thomas, orphelin qu'il a choisi parmi les enfans trouvés ; il lui a montré son métier, lui a fait apprendre le dessin, la sculpture; et, charmé de sa conduite et de ses heureuses dispositions, se l'est attaché en lui donnant sa fille en mariage. Lie jeune homme est heureux par le bonheur son beau-père, de sa femme et de ses enfans: il
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est leur appui, et son travail est leur richesse. Un valet intrigant, ayant découvert dans les papiers de milord Kigston que cet orphelin est l'héritier de la maison de milord Spencer, dont le mari de ladi -Lullin a envahi les biens , vient proposer au menuisier de profiter des bienfaits de sa maîtresse, qui veut l'éloigner , en le faisant voyager. Mais , content de son sort, l'orphelin refuse les propositions les plus avantageuses, qui lui feraient quitter ce qu'il a de plus cher, sa maison, sa famille et son travail. Milord Kigston , frère de ladi Lullin , seigneur généreux et bienfaisant, vient trouver cet ouvrier, le reconnaît pour le seul rejeton de la famille illustre des Spencer , et lui remet une cassette qui contient les preuves de sa noble origine ; mais sa haute fortune doit, suivant les lois de l'Etat, rendre son mariage nul. A ce prix le menuisier rejette les grandeurs. En vain sa femme veut se sacrifier , et l'invite à remplir sa destinée ; la tendresse de cette digne épouse , la vieillesse de son beau-père , l'état de ses enfans, sont des liens qui le retiennent et l'attachent de plus en plus. L'injuste ladi, ne sachant pas encore que l'orphelin èst instruit de ses droits, le fait solliciter de nouveau par son valet de s'éloigner de Londres : ne pouvant le gagner par ses promesses, elle emploie un ordre pour l'expatrier. Le menuisier reçoit cet exil comme une faveur qui lui donne un prétexte pour se dérober à sa grandeur , et ne pas quitter son beau-père, sa femme et ses enfans. Son épouse s'absente avec le plus jeune de ses fils ; on enlève alors un autre de ses enfans. L'orphelin, furieux et désespéré, arrache l'enfant des mains des - ravisseurs. : il appelle à grands cris sa femme et son
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fils ; il menace ; rien ne l'arrête : sa femme révient, et déclare qu'elle a tout révélé au roi qui lui a promis justice et protection. L'orphelin appréhende de ne pouvoir plus échapper à la rigueur que lui impose sa naissance de rompre son mariage , et proteste de renoncer à tout , plutôt qu'aux engagemens de son cœur. Heureusement que l'équitable souverain , à la recommandation de milord son protecteur, touché dés vertus et des. sentimens de l'orphelin, et des raisons qui l'attachent à une famille qui l'a adopté et secouru dans son infortune, le dispense de la loi, et confirme son mariage , en le rétablissant dans tous ses intérêts , et en lui faisant restituer ses biens et les titres de la maison Spencer.
La scène dans laquelle Molé, jouant le rôle d'un jeune père, défendait son fils àgé de cinq à six ans, et l'arrachait des bras de ses ravisseurs, fit le petit succès de ce drame.
ORPHELIN DE LA CHINE (1'), tragédie, par
Voltaire, iy55.
L'auteur a puisé le sujet de cette tragédie dans l'Orphelin de Thchao, pièce chinoise, traduite en français par le père de Prémare. Cette traduction se trouve dans la grande histoire de la Chine par le père du Halde.
Idamé, jeune épouse de Zamti, mandarin lettré, ouvre la scène par une vive peinture des malheurs • de la Chine, qu'un conquérant tartare plonge dans l'abîme. Ce Tartare est le fier Gengis-K.an, dont Idamé dédaigna les feux. Déjà la famille royale est détruite; il n'en reste que l'orphelin, que son père mou-
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rant a confié à Zamti pour le dérober à la fureur des ennemis. C'est ce que Zamti lui-même vient apprendre à la triste Idàmé. Ce fils des rois n'a plus d'asile, et les Corréens qu'on attend, arriveront trop tard pour le secourir. Leur désespoir s'accroît par l'arrivée d'Octar, lieutenant de Gengis, qui vient demander, au nom de son maître, ce dernier fils de l'Empire chinois. Il sort en déclarant qu'il faut lui obéir. Alors Zamti dévoile son important secret au seul Etan, et le charge de livrer au Tartare son propre fils , son fils unique, à la place de l'Orphelin. Etan frémit, mais exécute. Zamti plaint son fils', sa chère ldamé, il se plaint lui-même. Quelle situation pour un père et pour un époux !
Idamé, qui vient d'empêcher le sacrifice de son • fils, qu'on allait immoler, fait des reproches sanglans au malheureux Zamti, qui persiste dans sa courageuse résolution. Gengis arrive : à son approche, les deux époux se retirent. On lui rend compte de tout ce qui s'est passé. Il communique ses projets, exalte ses conquêtes , et remplit la scène durant le second acte, supérieur au premier pour la poésie , mais peutêtre inférieur pour le théâtre. Des tirades éloquentes, des peintures brillantes, ne remplacent ni l'action , ni le véritable style dramatique. La tragédie peint par des faits, non par -des sentences ; elle marche en agissant comme dans un champ de bataille, non en philosophant comme au lycée. Gengis, dans une audience où il admet Idamé sa captive, reconnaît son amante : il apprend qu'elle est mère, et que l'enfant qu'on allait égorger au lieu de l'orphelin , lui doit le jour. Pressée par la crainte de perdre son fils, cette
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' tendre mère lui révèle l'échange et tâche de justifier, la barbarie de son époux. Gengis sent alors se rallumer ses feux ; on voit avec une sorte de peine ce vainqueur, annoncé par les ravages et la destruction , démentir tout-à-'cpup son caractère, en redevenant amoureux de cette Chinoise, mariée à un autre, de plus mère, et contre laquelle le cœur du héros s'était depuis longtemps affermi. 0, 1 Au quatrième acte, Gengis veut épouser cette belle Chinoise ; mais elle s'y refuse. Il prend alors la féroce résolution de se défaire du mandarin. Asseli, confidente, d'Idamé conseille à sa maîtresse de renoncer au lettré pour le conquérant. Zamti lui-même,par une coupable complaisance ou trop d'aveuglement, propose se vie pour rendre la liberté à tdamé, et pour sauver l'orphelin. Enfin cette femme et son mari se trouvent dans un embarras qui leur est personnel., Jusqu'ici l'intérêt ayant été partagé entre l'orphelin, le fils d'Idamé et Idamé elle-même, comment fera-t-elle pour ne pas épouser Gengis? Au cinquième acte, le péril des deux époux arrive à son dernier période : ils. fuyaient secrètement avec l'orphelin ; ils ont été arrêtés et ramenés. Gengis a tout appris. Il reparaît après la défaite des Corréens. Idamé, qui lui demande à jouir encore une fois de la présence de son époux, obtient cette grâce, et revoit l'infort\iné Zamti à l'instant où jl va marcher au supplice. Plus courageuse que lui, çlle lui propose de s'immoler avec elle. Il y consent • et prend le poignard qu'elle lui présente pour la frapper. Sa main tremble, son œil s'égare, enfin sa forcç l'abandonne. Cette situation est vraiment théâtrale» Gengis survient, admire, et pardonne. n ■».
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La catastrophe de cette tragédie donne à l'ame de ces saisissemens vifs et rapides.qui plaisent tant dans la tragédie > surtout lorsqu'un heureux dénouement vient les terminer par le triomphe de la vertu persécutée. Le cinquième acte est de la plus grande beauté. Le caractère d'Idamé est un chef-d'œuvre. Enfin cette pièce est remplie de détails admirables, et de morceaux de poésie aussi forts et aussi bien écrits que l'on en puisse trouver dans Voltaire.
C'est dans cette tragédie que la célèbre Clairon paraît être arrivée au degré de perfection où pouvait atteindre son talent.
"Voltaire fit représenter son Orphelin à Ferney, avant d'en enrichir la capitale. L'acteur qui jouait le rôle de Gengis étant quelquefois traînant et monotone, on l'entendit dire en gémissant : Frère Gengis ! frère Gengis ! Le président de Montesquieu qui était au spectacle, s'étant profondément endormi, Vo lt aire qui n'était pas le maître de dissimuler les impressions que lui faisait une injure, lui jeta sa perruque à la tête, et dit : Il croit être à l'audience.
ORPHELINE LÉGUÉE ( l' ), comédie en trois actes, en vers libres, par Saurin , iy65.
Un homme, en mourant, laissa une fille unique fort jeune, et chargea son ami Eraste de la destinée de cet enfant : Sophie est élevée parles soins d'Eraste, jusqu'à l'âge oùl'on penseàlamarier. Soncœurseprendd'amourpour le jeune Damis,tandis qu'Eraste lui-même devient amoureux de sa pupille. Il emploie les procédés les plus généreux pour toucher le cœur de Sophie: la jeune personne en est reconnaissante, elle consent même à donner sa,
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tnain à Ëraste * mais celui-ci s'aperçoit que le cœur est toujours pour Damis. Il met le comble à ses procédés, en sacrifiant son amour à celui de son rival. Il consent que Damis épouse Sophie.
Cette comédie, qui ne réussit point à Paris, quoiqu'elle eût eu quelque succès à Fontainebleau, est fort bien écrite ; mais elle manquait d'action. (L'auteur la refondit et la reproduisit en un acte , sous le titre -,
de l'Anglomane.
ORPHISE, ou LA BEAUTÉ PERSÉCUTÉE , tragicomédie, par Desfontaines, 1637,
Ligdamis, fils du roi de Thèbes , près d'épouser lat princesse d'Athènes , devient éperdûment amoureux d'Orphise, jeune personne de la ville de Thèbes, qui àime Théage, favori de Ligdamis. Toute la persécu-^ tion du prince de Thèbes consiste à faire déguiser quelques-uns de ses gens en Maures, et auxquels il ordonne de faire semblant d'enlever Orphise. Cet ordres s'exécute ; Ligdamis paraît, et met en fuite les prér tendus Maures. Ensuite , sous prétexte d'éviter un second danger, il conduit Orphise dans un appartement de son palais. La persévérance d'Orphise pour Théage fait le dénouement de la tragi-êomédie, qui finit par l'union du prince de Thèbes avec la princesse d'Athènes, et par celle d'Orphise avec Théage.
OSARPHÏS, tragédie en cinq actes et en vers, par l'abbé Nadal, pièce non représentée, mais imprimée en 1728. ^ Moïse , exposé par sa tnère Jocabel, fut trouvé sur, les eaux par Thermutis, reine d'Egypte, qui, touchée
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des grâces et de la dignité qui régnaient sur la figure de cet enfant, l'adopta, le fit passer pour son fils, et le fit élever sous le nom d'Osarphis. Jocabel, quin'avoit exposé Moïse que par un ordre de Dieu, fut chargée de son éducation, et en prit un si grand soin que bientôt il se fit distinguer par les plus hautes qualités ; en sorte qu'étant encore fort jeuneilfut mis à la tête d'une expédition contre les Ethiopiens, qui avaient déclaré la guerre à l'Egypte. Il remporta plusieurs victoires sur ce peuple, et finit par le mettre hors d'état de recommencer la guerre. Thermutis mourut durant le cours de ses campagnes ; et, touchée de ses vertus, le nomma héritier du trône.
Les choses sont dans cet état lorsque la pièce commence. Osarphis triomphant revient à la tête de son armée pour recevoir la couronne; mais il a pour rival Aménophis, frère de Thermutis , appuyé par le grand-prêtre Phanèset par Tharbis, reine de Sapa, son amante. L'ignorance dans laquelle Osarphis est de sa naissance forme le nœud de la pièce, et les manœuvres d'Amenophis pours'emparerdu trône en forment toute l'intrigue, qui est fort simple et fort régulière , comme on va'le voir. L'auteur expose d'abord l'ambition d'Aménophis. Les intrigues de ce prince avec Phanès, son amour pour Tharbis, sont connus avant l'arrivée d'Osarphis. Lorsque celui-ci se présente, il est reçu par sa mère Jocabel et par son frère Aron, qui s'expliquent très-librement avec lui sur la vérité de la religion des Juifs, sans qu'il s'en offense, quoiqu'il se croie du sang des rois d'Egypte. Dans cette circonstance, le grandprêtre d'Osiris vient lui annoncer qu'un Hébreu, qui vit dans les murs de Menaphis, doit un jour y relever la glaire
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de sa nation : et que , pour donner au peuplé un gage de son amour, il faut qu'il le fasse. rechercher, et lé fasse mourir avant de monter sur le trône. Osarphis s'y refuse ; alors Phanès jure de se venger et de suscite' le peuple contre, lui. Celui-ci est d'intelligence avec Aménophis et Tharbis ; on fait arrêter Aron qu'on suppose être cet Hébreu qui doit relever la gloire de sa nation. Osarphis ne veut point souffrir que le fils de Jocabel soit aussi indignement traité, étle fait mettre en liberté. Le grand-prêtre profite de cette circonstance pour faire soulever le peuple et servir Aménophis. 'Vaines tentatives! Osarphis fait approcher son armée j triomphe des séditieux, fait arrêter son rival, ainsi que Tharbis qu'il aime lui-même, et qu'il veut épouser en montant sur le trône. La cérémonie s'apprête: Osarphis est prêt à recevoir la couronne , lorsque Jocabel lui révèle le secret de sa naissance, et lui dit qu'il, est ce Moïse que' Dieu destine à tirer les Hébreux de captivité. Malgré cette confidence, qui lé touche beaucoup , il n'est pas très-décidé à renoncer au trône ; mais enfin une révélation de l'Eternel l'y détermine. Il fait amener devant lui Aménophis, et Tharbis, qui .. s'attendent à de mauvais traitemens de sa part, et qui ' sont fort surpris de la générosilé avec laquelle il leur cède l'Empire et renonce à son. amour. Après ce traita il se fait connaître pour cet Hébreu si redouté des Egyptiens : Aménophis, qui lui doit le trône, n'ose le faire arrêter, et le laisse sortir d'Egypte pour suivre la: glorieuse carrière où l'Eternel l'attend.
On ne voulut point permettre la représentation de cette pièce, parce qu'il ne sembla pas convenable de faire paraître. sur le théâtre le Législa-
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leur des Hébreux ; c'est une délicatesse que nous sommes loin de blâmer, quoique l'exemple des Grecs, qui ne faisaient aucune difficulté démettre leurs Dieu* sur la scène, celui de Corbeille qui y met Polyeucte, celui de Racine qui y mit des prophètes , semblent justifier l'abbé Nadal d'avoir fait une tragédie sur un sujet aussi respectable. C'est d'ailleurs une perte pour le théâtre que celle de cette pièce; car elle offre de trèsbelles situations, un intérêt soutenu, une intrigue simple, et enfin un style où, parmi beaucoup de négligences et de morceaux faibles, on rencontre dé trèsgrandes beautés. Enfin on produit aujourd'hui peu d'ouvrages -qui l'égalent en mérite.
OSCAR, tragédie en cinq actes et en vers, par
M. Araault, aux Français, 1795.
La scène se passe en Ecosse, au troisième siècle,
ç'est-à-dire au temps et-au pays des Bardes.
Dermide , prisonnier du roi des Scandinaves est., depuis plusieurs années , séparé de Malvina, son épouse. Oscar, ami de Dermide, vient de délivrer sa patrie du tyran étranger qui la tenait asservie ; mais il a inutilement essayé de découvrir le sort de son ami. Malvina, qu'il aime en secret, Malvina dont il est aimé, le voit fuir presqu'aussitûl son arrivée; toutefois elle parvient à le retenir, et l'invite à goûter le repos au sein de l'amitié. Cependant un vieillard, le compagnon d'infortune de" Dermide ave,c lequel il s'est échappé, arrive, et leur apprend que l'époux de Mal- vina a péri dans un naufrage : il dit à Oscar que Dermide, au nom de l'amitié, lui a recommandé en mourant d'épouser Malvina et de venger son fils. Le
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vœu de ce héros malheureux devient celui du pays, et les Bardes pressent les amans de l'accomplir. Alors seulement ils se font l'aveu de leurs sertlimens secrets ; enfin leur union doit être célébrée le lendemain. Toutà-coup on annonce le rétour de Dermide et de son fils. Jaloux et désespéré , Oscar court à la rencontre de son ami, et le trouve arrêté dans une forêt où il voit son fils reposer sur un tombeau. L'amitié l'emporte sur l'amour : il embrasse Dermide, et lui demande la mort en lui avouant ses feux. Dermide s'en afflige; mais, à quelques mots qui rappellent sesdroits d'époux, Oscar entre en fureur, tire son épée, se bat avec son ami, et le tue. Bientôt on annonce la mort de Dermide.' Oscar égaré revient sur la scène ; il sent les remords du crime , mais le souvenir lui en est échappé. Les Bardes alors pressent de nouveau l'union d Oscar et de Malvina ; ils croient Dermide mort de sa propre main. Dans ce moment on apporte le sabre trouvé dans ses flancs ; Oscar le reconnaît pour être le sien. Cependant Malvina lui présente son fils, dont il doit être L'appui. L'enfant qui s'était réveillé au bruit du combat, s'écrie: : Fuyons, il a tué mon père ! A ces mots, la consternation et l'effroi passent dans tous les coeurs , et Oscar se punit de son crime en se donnant la mort.
Tel est le fond de cette tragédie : il est large, neuf, hardi et profondément dramatique. Il offre des situations bien combinées et des développemens aussi vrais qu'énergiques des écarts de l'aihour. Le cinquième acte a été refait, et celui que l'auteur y a substitué a obtenu le plus grand succès. Enfin cet ouvrage est remarquable par les beautés de style qu'il renferme; on y trouve des vers pleins d'harmonie et de chaleur ; mari r
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Cé qui ajoute encore à ce mérite, c'est qu'ils rappellent sans cesse et les temps et les lieux de l'action.
OSMAN, ou. LA MORT DU GRAND OSMAN, tragédie de Tristan, i656.
Osman , empereur des Turcs , ayant échoué dans son entreprise contre la Pologne, crut que les janissaires avaient contribué à ce funeste revers ; et dèslors il résolut de les casser, pour leur substituer une milice d'Arabes , et transférer le siège de l'Empire au Caire. Les janissaires, instruits de son dessein , se révoltèrent contre ce malheureux prince , qui fut étranglé par l'ordre de Mustapha son oncle, et frère de son père, que les janissaires venaient de mettre, pour la seconde fois, sur le trône. L'auteur ajoute à ce fait historique, l'épisode de la fille du Mufti, qui joue à peu près le même rôle que Roxane dans la tragédie de Bajazet. Elle emploie la ruse pour se faire aimer du Sultan. Son amour rebuté se change en fureur; elle fomente la sédition, qu'elle tâche ensuite d'apaiser, lorsqu'elle s'imagine pouvoir toucher le cœur de son amant. Ses derniers refus la déterminent à l'abandonner à son triste sort ; et enfin, apprenant sa mort, elle succombe à son désespoir.
L'auteur de cette tragédie étant mort au mois de septembre dr l'année précédente, Quinault, son élève, se chargea par reconnaissance du soin de la faire paraître. On trouve dans cette pièce des vers assez coulans, et d'une expression tendre et naturelle ; tels que ceux-ci, où la fille du Mufti parle à Osman détrôné et près d'être livré à la rage des soldats. Acte. Y, scène II :
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Nie t'imagine pas
Que ta grandeur passée eût pour moi des appas.
J'aimais Osman lui-même, et non pas l'Empereur.
Si les décrets du ciel, si l'ordre du destin ,
Avaient mis sous mes lois les climats du matin,
Et si , par des progrès où ta valeur aspire ,
Le Danube et le Rhin coulaient sous mon empire » Osman dans mes Etats serait maître aujourd'hui :
Il n'aurait qu'à m'aimer , et tout serait à lui ;
Ne fut-il qu'un soldat vêtu d'une cuirasse,
N'eût-il rien que son cœur, son esprit et sa grâce ;
Et mon ame serait encore en désespoir
De n'avoir rien de plus pour mettre en son pouvoir.
OSTORIUS, , tragédie de l'abbé de Pure, 16&9-.
Cette tragédie n'est connue, en général, que par le dialogue des Héros de Roman par Despréaux. Pour épargner la peine de recourir à ce dialogue ; voici le passage où il est parlé d'Ostorius :
PLUTON.
H Mais quel est ce grand malbâti ? peut-on savoir s son nom ?
OSTORIUS. ,
» Mon nom est Ostorius.
PLU TON. <
J> Je rie me souviens pas d'avoir jamais lu nulle
» part ce nom dans l'histoire. -
OSTORIUS.
» Il y est pourtant : l'abbé de Pure assure qu'il l'y
» a lu.
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PLUTON.
» Voilà un merveilleux garant ! Mais, dis-moi :
» appuyé de l'abbé de Pure, comme tu es, as-tu fait » quelque figure dans le monde ? T'y a-t-on jamais » vu ?
OSTORIUS.
» Oui-dà; et, à la favçur d'une pièce de théâtre » que cet abbé a faite de moi, on m'a vu à l'Hôtel de » Bourgogne.
PLUTON.
» Combien de fois ?
OSTORIUS.
» Eh ! une fois. »
La tragédie d'Ostorius fut représentée plus d'une fois. L'auteur la dédia au cardinal lVIazarin. En voici. le sujet : Ostorius, vainqueur des Silures et de leur roi Caractaçus qu'il a fait prisonnier, ainsi que Castide sa femme et Sarcide sa fille, offre à ce roi de lui rendre la liberté et ses Etats, s'il veut lui accorder en mariage la princesse Sarcide. Caractacus, qui a promis sa fille au prince des Silures , refuse la proposition d'Ostorius, et Sarcide qui aime le prince des Silures, dédaigne l'amour de son vainqueur. Celui-ci, par un trait de générosité, c'est-à-dire, pour laisser la liberté au roi, à la reine et à la princesse, consent à ce que cette dernière épouse Ostorius ; mais, pour ne point voir cet hymen, il veut se donner la mort. Ostorius ne veut point être vaincu en générosité ; il renonce à son amour, et donne la princesse au prince des Silures.
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OTHELLO, ou LE MAURE DE VENISE, tragédie en cinq actes , en vers, par M. Ducis, aux Français,
1792.
Cette tragédie est imitée du Théâtre Anglais de
Shakspeare ; elle obtint un grand succès.
L'Africain Othello, vainqueur des révoltés contre Venise , aime et est aimé d'Edelmone, fille du sénateur Odalbert; mais ce dernier désapprouve leur amour et dénonce Othello comme le séducteur de sa fille.
Othello, appelé au sénat, s'y justifie; et Edelmone, libre de suivre ou son amant ou son père, se décide pour l'amant. Furieux, Odalbert se retire et jette dans l'ame 'de l'Africain le germe de la jalousie qui fait naître les révolutions de la pièce. Cependant le fils du doge, Lorédan , brûle en secret pour Edelmone ; il la prie de demander pour lui à son époux la faveur demarcher sous ses drapeaux , et profite de cette entrevue pour lui faire part du danger auquel s'est exposé son père, dont les emportemens ont allumé la colère du sénat; il ajoute qu'Odalbert est menacé d'être condamné par le tribunal des Dix. Bientôt il quitte la scène, qu'Othello vient occuper à son tour. Étonné de voir sortir un jeune homme de chez lui, il témoigne sa surprise à son ami Pezare qui,loin de chercher à détruire ses soupçons, les augmente encore en lui parlant de la perfidie naturelle aux femmes de Venise. A peine le Maure est-il sorti, qu'Odalbert entre ; ferme dans son projet, il veut ' contraindre sa fille à signer un écrit dont élle ne connaît pas le contenu, et la menace de se poignarder à ses yeux, si elle refuse de lui obéir. Cet écrit est une renonciation à l'hymen d'Othello. Odalbert veut do nner la main de sa fille à Lorédan ; mais, indignée de ses
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refus, il la quitte transporté de fureur. Cependant, informée des périls nouveaux qui menacent son père , la sensible Edelmone remet à Lorédan l'écrit que la violence lui a fait signer, en l'engageant à s'en servir auprès du doge, pour obtenir la grâce de son malheu. reux père ; elle lui confie encore un bandeau de diamans, présent que lui a fait Othello, et le prie d'en remettre la valeur à Odalbert. Pour prix de ces services, Lorédan exige la promesse de différer son hymen d'un seul jour; mais c'est en vain qu'elle en prie le farouche Othello. Pezare, sur la fidélité duquel il se repose pour observer ce qui se passe, vient lui apporter le bandeau et l'écrit fatal, et lui dit qu'il les a trouvés sur Lorédan auquel il vient d'arracher la vie.
Ce n'estplus la jalousie qui règne dans l'ame d'Othel10 ; c'est la fureur, c'est le désespoir et la rage qui s'en sont emparés. Ce forcené, au milieu de la nuit, va trouver Edelmone que ses cris réveillent. Il l'interroge d'un ton à la glacer d'effroi ; toutefois elle répond à ses questions; mais loin de le convaincre, ses réponses ne servent qu'à l'irriter : enfin il lui fait voir le billet et le bandeau, et lui apprend comment l'un et l'autre sont tombés en sa possession. Vainement la tremblante Edelmone proteste de son innocence ; Othello lui plonge un poignard dans le sein. Dans ce moment le doge, accompagné de Lorédan , arrive , et Othello apprend, mais trop tard, que Pczare l'a trompé. En proie au plus affreux désespoir , ce malheureux expire accablé de remords.
Cette tragédie renferme de grandes beautés de détail; elle est généralement considérée comme une des meilleures de Ducis. Le dénouement est si horrible, il
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inspira une telle indignation dans le parterre , qu'un des spectateurs Décria : C' est un Maure qui a fait cela; ce n est pas un Français. C'est dans le rôle d'Othello que M. Talma déploya cette profonde énergie, ces mâles élans, ces sublimes inspirations qui l'ont placé toút-à-coup au niveau des plus grands tragédiens qui aient paru sur la scène française.
OTHON, tragédie par Corneille , 1664. L'Amour ne joue ici que le second rôle ; il cède presque toujours le pas à l'Ambition. En un mot, c'est une intrigue de cour, où l'auteur a développé les caractères de trois favoris jaloux et perfides d'un Empereur crédule et trompé.
Le maréchal de Grammont dit à l'occasion de cette pièce, que Corneille devrait être le bréviaire des rois; et Louvois , qu'il faudrait un parterre composé de ministres d'Etat, pour la bien jugen Quoi qu'il en soit, Hoileau n'en était point content, parce que tout s'y passe en raisonnemens , et que conséquemmentl'action ' y languit. Il ne se cachait point d'avoir directement attaqué la tragédie d'Othon dans ces quatre vers de l'art poétiquè :
Vos froids raisonnemens ne feront qu'attiédir
.Un spectateur toujours paresseux d'applaudir;
Et qui, des vains efforts de votre rhétorique , Justement fatigué, s'endort et vous critique.
OUVERTURE, pièce de symphonie qu'on s'efforce de rendre éclatante, imposante, harmonieuse, et qui sert de début aux opéras et autres drames lyriques d'une certaine étendue. Quelques musiciens se sont
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imaginé bien saisir ces rapports , en rassemblant d'avance dans l'ouverture tous les caractères exprimés dans la pièce, comme s'ils voulaient exprimer deux fois la même action, et que ce qui est à venir, fût déjà passé. Ce n'est pas cela : l'ouverture la mieux entendue est celle qui dispose tellement les cœursdes spectateurs, qu'ils s'ouvrent sans effort à- l'intérêt qu'on veut leur donner dès le commencement de la pièce. Voilà le véritable effet que doit produire une bonne ouverture ; voilà le plan sur lequel il la faut traiter.
Les ouvertures des opéras français sont toutes jetées sur le moule de celles de Lulli : elles sont composées du morceau grave et majestueux, qui forme le début, . et qu'on joue deux fois, et d'une reprise gaie, qui est ordinairement fuguée; plusieurs de ses reprises rentrent encore dans le grave en finissant. Il a été un temps où les ouvertures françaises donnaient le ton à toute l'Europe. Il n'y a guère que quatre-vingts ans, qu'on faisait venir en Italie des ouvertures de France pour les mettre à la tête des opéras de ce pays-là. On voit même plusieurs anciens opéras notés, avec une ouverture de Lulli à la tête. C'est de quoi les Italiens ne conviennent pas aujourd'hui ; mais le fait .ne laisse pas d'être certain. La musique instrumentale ayant fait un chemin prodigieux depuis une cinquantaine d'années , les vieilles ouvertures, faites pour des symphonistes trop bornés , ont été bientôt laissées aux Français. Les Italiens n'ont pas même tardé à secouer le joug de l'ordonnance française ; et ils distribuent aujourd'hui leurs ouvertures d'une autre manière. Ils débutent par un morceau bruyant et vif, à deux ou à quatre temps : puis ils donnent un andanlè à demi-jeu, dans
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lequel ils tâchent de déployer toutes les grâces du > beau chant; et ils finissent par un allégro très-vif, ' ordinairement à trois temps. La raison qu'ils donnent .de cette nouvelle distribution est que , dans un spectacle nombreux, où l'on fait beaucoup de bruit, il faut d'abord'fixer l'attention du spectateur par un début brillant qui frappe_et qui réveille. Ils disent que le grave de nos ouvertures n'est presque entendu ni écouté , de personne, et que notre premier coup d'archet ^ que nous vantons avec tant d'emphase, est plus propre à préparer à l'ennui qu'à l'attention. Cette vieille routine d'ouvertures a. fait naître en France une plaisante idée. Plusieurs se sont imaginé qu'il y avoit une telle convenance entre la forme des ouvertures de Lulli et un opéra quelconque, qu'on ne saurait changer sans rompre le rapport du tout ; de sorte que d'un début de symphonie qui se voit dans un autre goût, ils disent avec méprise que c'est une sonate et non pas une ouverture , comme si toute ouverture n'était pas une sonate. On convient qu'il serait fort avantageux qu'il y eût un rapport marqué entre le caractère de l'ouverture et celui de l'ouvrage entier; mais au lieu de dire que toutes les ouvertures doivent être jetées au même inouïe, cela dit précisément le contraire. D'ailleurs r si le musicien n'est pas capable de sentir ni d'exprimer les rapports les plus immédiats entre les paroles et la musique dans chaque morceau, comment pourraitil se flatter qu'il saisirait un rapport plus fin et plus éloigné entre l'ordonnance d'une ouverture et celle.du corps entier de l'ouvrage ?
OUYN (JACQUES) a donné, en 1597, une tragédie intitulée Tobie.
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PACARONI (le chevalier de ) est auteur d'une tragédie de Bajazet; il est mort vers 1747-
PACHA DE SURÊNE (le), ou L'AMITIÉ DES FEMMES , comédie en un acte, en prose , par MM. Etienne et Nanteuil, à Louvois, 1802.
Trois jeunes demoiselles, à peu près du même âge, s'étaient liées de la plus étroite amitié, dans un couvent où ,elles étaient pensionnaires. Elles s'aimaient à tel point, qu'elles résolurent de ne point se séparer de leur vie. Une réflexion affligeante vint pourtant troubler la douceur de leur union : leur séjour dans ce couvent ne devait point être éternel, et le moment où leurs parens les rappelleraient pour les marier serait celui d'une cruelle séparation. Comment parer à ce terrible inconvénient? Leur jeune cervelle s'épuise à chercher un expédient; enfin, elles imaginent que le seul moyen d'être unies à jamais , est d'épouser toutes trois le même mari ; mais la législation du pays défend la polygamie : enfin la plus avisée des trois fit songer aux autres qu'il n'y avait que le Grand-Turc qui pût faire leur affaire. En conséquence, les trois petites demoiselles écrivent aussitôt une lettre , dans laquelle elles exposent au Grand-Turc la tendre amitié qui les unit, la crainte qu'elles ont d'être séparées, et le choix qu'elles ont fait de lui pour être leur commun époux; elles ajoutent, qu'aussitôt leur première communion faite, elles se mettront en route pour ses Etats ; qu'en conséquence, il dispose tout pour les recevoir. Les trois amies , ravies d'avoir trouvé cet expédient, cachettent la lettre, et la font mettre à la poste avec cette adresse:
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« A Monsieur le Grand-Turc, dans son sérail, à » Constantinople. ». ■
Telle est l'anecdote, et, à quelques détails près, le fond de cette comédie, qui obtint un succès mérité.
PACUVIUS, auteur dramatique latin, fut contemporain d'Ennius et de Plaute. Il ne nous reste pour ainsi dire que les titres de ses tragédies. C'est une perte que les témoignages honorables qu'ont rendus de ses ouvrages Varron, Cicéron et Quintilien, doivent nous rendre sensible. Ce poëte mourut à Tarente où il s'était retiré à l'âge de près de 90 ans. Il y fut visité par Lucius Aetius, autre poëte tragique, plus jeune que lui, auquel il fit beaucoup d'accueil. Ce bon' vieillard, après plus de 5o ans de réputation et d'ex, périence, voulut entendre la lecture de l'Atrée de son compétiteur, pièce qu'il trouva sublime. En effet, v Actius surpassa tous ses contemporains ; mais il n'eut point la modestie de Pacuvius.
PADER D'ASSEZAN , naquit à Toulouse, en 1541 ; il y exerça d'abord la profession d'avocat; mais bientôtdégoûté dubarreau, il vint à Paris où il fit représenter deux tragédies, l'une intitulée Agamemnon, et l'autre Antigone., On attribue la première à l'abbé Boyer, ce qui n'ajoute guère à ses richesses littéraires.
PAGEAU-MARGARIT, auteur dramatique. On ignore le lieu ainsi que la date de sa naissance et de sa mort. Tout ce que l'on sait de lui, c'est qu'il a donné, en 1600, une tragédie sous le titre de Bisathie,
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PAGÉS , auteur dramatique, a fait représenter, en 1759, une tragédie intitulée Phalaris.
PAGE SUPPOSÉ (le), ou EDGARD, ROI D'ANGLETERRE , comédie en deux actes, en vers, aux Français, 1785.
Edgard, sous le costume d'un page, a quitté sa cour pour voyager. Il s'arrête chez la mère d'une jeune personne, qu'il sait rendre sensible à son amour. Mais Pauline est promise à un vieillard riche , qui annonce que, depuis l'absence du roi, il s'est formé différent partis, et que la rebellion est près d'éclater. Edgard balance un instant entre son devoir et son amour; et, pour éprouver sa maîtresse, il lui dit que le roi est amoureux d'elle. Pauline n'en est point éblouie : elle préfère son cher page au trône. Edgard, charmé de cette générosité, se fait connaître ; le vieillard renonce à ses prétentions, et le roi épouse Pauline.
Le fond de cette pièce est peu de chose ; le style en est facile, mais négligé : aussi n'eut-elle point de succès.
PAGES DU DUC DE VENDOME (les ) , vaudeville en un acte, par MM. Gersain et Dieulafbi, au Vaudeville, 1807.
C'est le Muletier de La Fontaine en action. Les auteurs ont substitué au lourdaud de muletier les aimables pages du duc de Vendôme ; et, en fait de finesse et de ruse, quels plus nobles héros que des pages! Leur espiéglerie est passée en proverbe : un de ces messieurs escalade un balcon pour aller voir sa maîtresse, s'esquive à l'approche du général, et se cache dans la tente au milieu de ses compagnons endormis. Il fait lui-même le dormeur, et se laisse tranquillement en-
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lever l'aiguillette de son uniforme, dont l'absence doit servir le lendemain à le faire reconnaître. Mais aussitôt que le duc est parti, il fait le même vol à ses camarades; ainsi, cette marque leur étant commune, on ne pourra le reconnaître. Ce sont bien là des fours de page, ce sont des stratagèmes aussi plaisans que vraisemblables. Mais il ne s'én tient pas là. Quand il est bien assuré que l'aiguillette qui lui a été prise n'est plus une pièce de conviction, il recourt à un mensonge pour se la faire donner, et parvient à mettre la prévoyance de son général en défaut. /
Cette pièce est fort amusante; elle plaît par la vivâr cité .du dialogue , par la tournure ingénieuse des couplets, et surtout par l'aimable originalité du spectacle qu'elle présente. Enfin, c'est un très-joli vaudeville, qui a été fort applaudi, et qui méritait de l'être.,
PAIN (M. JOSEPH), né à Paris en 1773, auteur dramatique, 1810.
Il a donné à.l'Odéon, en société avec M. Metz, Augustine, comédie en quatre actes et en prose ; le Portrait du Duc, en trois actes, en prose ; et avec M. Viellard, le Père d'Occasion. Il a fait jouer au Vaudeville les pièces suivantes : Allez voir Dominique, Amour et Mystère, la Chaumière Moscovite et Rien de Trop ; en société avec M. -Vi'ellard , Arlequin Brutal, parodie d' Uthàl ; avec M. Dumersan, la Belle Marie ; et enfin avec M. Bouilly , Berquin ou VAmi des Enfans, Fanchon la Vielleuse, Florian, etc.
PAIX ( la), comédie en cinq actes, d'Aristophane. On n'est point d'accord sur l'époque de la représentation de cette pièce ; les critiques prétendent qu'elle
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parut dans la treizième année de la guerre du Péloponèse, qui se rapporte à la première de la XCe olympiade ; mais il est plus vraisemblable qu'elle fut représentée l'année même de la mort de CJéon , la dixième année de la guerre du Peloponèse; car Aristophane y parle de cette mort comme d'un évènement tout récent. Au reste, en voici le. sujet :
Trygée, laboureur athénien du bourg d'Athmone, fait des vœux pour la paix. Jusqu'à ce jour les Dieux ont été sourds à ses prières. Comment parvenir à se faire entendre de si loin? Pour remédier à cet inconvénient, il monte sur un escarbot qui le transporte au séjour des Dieux, où il trouve Mercure qui se plaint de la mauvaise odeur de sa monture, et qui lui dit de grosses sottises. Au moyen d'un cadeau, Mercure se radoucit, et devient un peu plus complaisant. Alors il dit à Trygée qu'il a encore beaucoup de chemin à faire s'il veut absolument parler aux Dieux, parce qu'ils se sont retirés aux extrémités les-plus reculées de la voûte céleste , afin de n'être pas importunés par les prières des Grecs, pour lesquels il n'est plus de paix à espérer. Cette Déesse est renfermée dans une caverne dont l'entrée est interdite par un énorme tas de grosses pierres. Bientôt la Guerre arrive avec un mortier effroyable dans lequel elle veut broyer toutes les villes de la Grèce ; mais comme elle est nouvellement emménagée, elle envoie l'Emeute lui chercher un pilon. Celle - ci court d'abord à- Athènes ; mais le grand pilon athénien, Cléon le corroyeur, ce perturbateur de la Grèce, vient de rendre l'ame. La Guerre renvoie l'Emeute à Sparte; le pilon lacédémonien est brisé comme l'autre : Brusidas est mort ainsi que
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Cléon, devant Amphipolis, ville de Thrace, où il avait été envoyé à la lête d'une armée auxiliaire. A défaut de pilbn , les villes grecques restent entières. Trygée , au comble de la joie, fait un appel à ses compatriotes qui accourent en foule pour tirer la Paix de sa prison. Mercure les surprend dans le moment où ils se préparent à l'assiéger. Il s'adresse à Trygée et lui dit : « Téméraire ! Impie ! que projettes-tu ? — Rien de » criminel ; pas plus que Cillicon, lui répond celui-ci.» Ce Cillicon fut surpris au moment où il se disposait à livrer Milet aux ennemis. « Que fais-tu là, lui demanda» t-on?—Rien de mal , répondit-il effrontément. » Cette réponse passa en proverbe. Mercure le menace de toute la colère de Jupiter; mais, à la vue d'une corbeille remplie de volailles et de viandes de boucherie, ce Dieu glouton se laisse fléchir. Le chœur achève de le mettre dans son parti, en lui promettant de riches offrandes, et en lui donnant une bourse remplie d'or. Dès-lors, loin de s'opposer à leur entreprise, il les exhorte à redoubler d'efforts pour renverser l'échafaudage de pierres qui est devant la caverne. Ils parviennent enfin à enlever le faîte de la prison, d'où ils retirent la Paix. Trygée s'avise alors de demander à Mercure quelle fut la cause de la fuite de cette Déesse. Ce Dieu lui répond quç l'exil de Phidias en fut la cause, et que Périclès qui craignait pour lui-même une disgrâ-ce semblable, brouilla les affaires, pour prévenir sa perte; mais c'est priacipalement sur Cléon qu'il rejette l'odieux de tous ces troubles. La mort ne le met pas à l'abri de ses injures: il le traite d'homme pervers , de babillard , de délateur et de tison de discorde. Un peu plus loin il accuse Sophocle d'avarice ; il dit de Cratinus qu'il est mort
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de la douleur que lui a causée là perte d'une excellente barrique devin. Selon sa louable et constante habitude, il fait de lui l'éloge le plus juste, mais le plus déplacé : 'il fait dire au chœur, qu'il n'y ar que lui qui soit digne d'être loué ; qu'il iriérité d'autant plus d'éloges, qu'il est le premier qui ait banni de la scène le bas comique ; qu'il a ennobli l'art, et qu'il l'a enrichi d'un stylé noble ; qu'on dirait qu'Hercule lui à soufflé sa forcé 'et sbh courage, lorsqu'il à eu l'assurance d'attaquer lé ëorroyeur Cléori, cet homme qui faisait tout trémbler, dont le rire même était menaçant, dont chaque regard semblait un arrêt de mort; enfin que, grâce à ses travaux, l'art de la comédie n'est plus dans son enfance, mais qu'il est arrivé à l'âge viril. Il retombe ensuite sur le poëte- Carcirius, dont il regarde les productions comme autant d'avortons qui viennent au mondé en dépit de- la nature. Il proscrit également Morsinïe ; enfin il répand une partie de sa bile sur lUélanthius, dont il se souvient d'avoir entendu la voix rauquê et discordante , lorsque son frère et lùr faisaient reprêsenter des tragédies. Il ajoute qu'il aimerait mieux entendre chanter les Gorgones et les Harpies ; qu'il n'y a point d'animal crudivore, de bouc, de buffle et de poisson gâté, dont il n'aime mieux sentir l'odeur que celle d-e ces deux frères. Nous nous sommes étendas sur ce passage d'e cette comédie, pour donner à nos lecteurs une idée de la licence qui règne dans les pièces d'Aristophane; c'est presque toujours la satire là plus sanglante et quelquefois la plus dégoûtante. Ce sont souvent des dénonciations directes qui étaient saisies avidement par un peuplé turbulent et inquiet. Au quatrième acte, Trygée a quitté le ciel et est de retour
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dans sa maison , avec la Paix qu'il doit épouser. II s'amuse pendant ces deux actes aux dépens de quelques fournisseurs qui, comme on le présume facilement , ne sont point partisans de la Paix. Enfin, cette comédie se termine par le mariage de Trygée avec cette Déesse.
PALADINS (les), opéra , par un auteur anonyme, musique de Rameau , à l'Opéra , 1760.
Le seigneur Anselme tient sa pupille renfermée dans un vieux château, dont il confie la garde à Orcan son valet. Atis, amant de la jeune personne , apprend le lieu de sa retraite r vient avec une troupe de pèlerins, délivre sa maîtresse , et force Orcan à s'habiller en pélerin. Anselme voit sa pupille habillée de même, et est contraint de l'abandonner à son rival.
A l'une des répétitions de cet opéra , Rameau, qui ne s'est jamais piqué de chercher de bonnes paroles, disait à une actrice : « Allez plus vite , Mademoiselle , allez » plus vite. — Mais, dit l'actrice, on n'entendra plus » les paroles. — Eh l qu'importe ? reprit le musicien ; » il suffit qu'on entende ma musique. »
Après quelques représentations des Paladins, qui n'eurent aucun succès, Rameau prétendit qu'on n'avait pas eu le temps d'en goûter la musique , et se servit de cette expression : « La poire n'est pas mûre. - Mademoiselle Cartou , célèbre par plusieurs bons mots que l'on cite, répondit : « Cela ne l'a pourtant pas empêché- y » de tomber. » *
PALAIS DE LA FORTUNE (le) , ou LE SOUFFLEUR , opéra comique en un acte , par Carolet, à la Foire Saint-Laurent, 1738.
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C_hrysophile , chimiste, entêté de sa science ^ refuse de donner sa fille à Léandre , à qui il l'avait promise, dans l'espoir qu'il a d'une prochaine fortune. Cet àmant se prête à sa manie pour le tromper, et en vient à bout, en faisant déguiser son valet en Déesse de la Fortune.
PALAIS DE L'ILLUSION (le) , opéra comique en un acte, par l'Affichard et Valois, à la Foire Saint-Laurent, 1736.
Différentes personnes së trouvent transportées dans le palais de l'Illusion, par les génies folâtres, suivans de cette divinité. La première est Mad. Grondart, qui s'est imaginé que son mari s'est noyé. Cette idée est d'au" tant plus flatteuse pour elle , qu'elle espère épouser un jeune homme dont elle est éprise. L'Illusion voulant se divertit aux dépens de cette folle, contrefait la voix' de son mari. Madame Grondart fuit dans le moment et fait place à un Gascon , faux brave, qui se bat contre tout l'univers. Le troisième personnage est une vieille, qui se croit à l âge de quinze ans. Dans la scène. suivante, les auteurs ont fait usage du conte de l'Anneau d'Hanscarvel 1 qu'ils ont mis en action de cette manière : Sotinot se persuade que sa femme lui préfère un jeune, mousquetaire ; l'Illusion, qui veut le guérir de cette fantaisie , prend la forme d'un lutin , et, s'annonçant comme le démon des jaloux , donne à celui-ci un bracelet , en lui disant i « Prends ce bracelet : tant que tu '» l'auras, ta femme ne pourra te faire d'infidélité. » La dernière scène est celle d'une jeune fille qui croit être garçon, depuis qu'elle a endossé l'habit d'homme ;
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et la pièce finit par le divertissement que forment les génies de la cour d'e l'Illusion.
PALAPRAT (Jean) , né à Toulouse en i6Sô ; mort à Paris, vers 1722..
L'académie des Jeux Floraux est depuis long-tems le noble but où tendent toùs les poëtes gascons : aussi Palaprat, après y avoir remporté quelques prix, obtint-il l'honneur d'y avoir un fauteuil. Il fut capitoul de Toulouse , et siégea tour-à-tour sur le trône académique et sur le banc municipal. Malgré tant d'honneurs, ennuyé de la province , il partit pour Paris, où il devint secrétaire des commandemens de M. de Vendôme. Là il s'unit à Brueys, avec lequel il composa plusieurs comédies pleines d'esprit et de gaîté, parmi lesquelles on distingue le Grondeur, le Muet, l'Important, et l'Avocat patelin. Ces deux amis composèrent ensemble plusieurs autres pièces dont on trouvera les titres à l'article Brueys. Mais on prétend que Palaprat a fait seul le Concert ridicule,, le Ballet extravagant, le Secret révélé, les Sifflets " la Prude du tems , la parodie de Phaéton, la. Fille de bon sens, les Fourbes heureux, le Faucon, les Veuves du Lansquenet, et les Dervis. On ajoute avec quelque raison que Brueys eut plus de part que Palaprat aux ouvrages qu'ils composèrent ensemble; ce qui le prouve , c'est l'oubli dan& lequel sont tombés les ouvrages que ce dernier fit sans le secours de son ami. Palaprat se trouvait un jour dans la tente du maréchal Gâtinat ; on vint à parler des différentes qualités des généraux d'armée ; Palaprat dit en jetant un coup d'œil sur le maréchal: (c J'en » connois un si simple , qu'en sortant de gagner une * bataille, il jouerait tranquillement aux quilles. » A,
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peine eut-il fini de parler, que Catinat lui répondit froidement : « Je ne l'en estimerais pas moins si c'était » en venant de la perdre. »
PALÊNE SACRIFIÉE, tragédie, par Bois-
Robert , 1640.. \
Palène, princesse de la plus rare beauté, est recherchée en mariage par les plus puissans princes de la Grèce. Sithon son père , roi des Hodomantes , leur déclare qu'il n'accordera sa fille qu'à celui qui le vaincra à la course des chariots ; mais que le prince vaincu paiera de sa vie le malheur de sa défaite. Plusieurs princes sont victimes de leur amour. Enfin , Sithon permet à Clite et à Driante de combattre l'un contre l'autre pour obtenir Palène. Cette princesse, qui aime dite , gagne le conducteur du char de Driante ; et ce dernier est vaincu par son rival. On découvre cette trahison , et Clite est près d'être immolé sur le bûcher de Driante qu'on croit mort, lorsque ce dernier reparoît, guéri de sa blessure. Il épouse la sœur de Clite ; et Sithon consent que Palène soit unie à son amant.
PALISSOT ( M. CHARLES ), né à Nancy en 1780 ; auteur dramatique, 1810.
M. Palissot n'avait que dix-huit ans lorsqu'il composa la tragédie de Zarès, qu'il fit ensuite imprimer dans le recueil de ses OEuvres sous le titre de Ninus second. Cette pièce , dont le plan est sage , le style pur , naturel et facile , et qui offre plusieurs situa-
tions intéressantes , fut représentée en 1744* Elle obtint assez de succès pour encourager un auteur moins difficile que M. Palissot sur son propre compte : aussi
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ne se laissa-t-il peint ayeugler par des applaudissemens-accordés autant à sa jeunesse qu'à son talent. Ik se sentait d'ailleurs entraîné dans une autre carrière ? . et quitta bientôt Melpomène pour s'attacher au char de son aimable sœur. Celle-ci ne repoussa point l'in- ( constant ; sous ses auspices, il produisit la comédie dés Tuteurs , dans laquelle on remarque de la gaîté, un dialogue naturel et animé, une versification pleine r de sel, enfin le vrai style du genre , mais peu de ressort j comique et peu de variété dans l'intrigue. Le Rival par ressemblance parut quelque tems après ; c'est le sujet des Menechmes, ennobli et rendu plus vraisemblable ; cette pièce, inférieure à celle de Regnard sous le rapport du comique, lui est supérieure du côté du style. Le Cercle a le même mérite et les mêmes défauts , tandis que le Barbier de Bagdad pèche par un excès de gaîté qui peut-être approche de la folie ; celle-ci ne fut point représentée. Jusqu'ici M. Palissot n'a fait qu'essayer ses talens; nouvel Aristophane, il va les déployer dans sa comédie des Philosophes.
L'Homme dangereux ne le cède point à cette comédie. Quant aux Courtisanes, l'idée principale en est immorale; mais toutes trois décèlent un génie plus satirique que comique.
PALLIA TAE, PRÆTEXTATÆ.—Les Romains avaient des tragédies de deux espèces : ils en avaient dont les mœurs et les personnages étaient grecs, qu'ils appelaient palliatce, de pallium, manteau, parce qu'on se servait d'habits grecs pour les représenter. Les tragédies dont les mœurs et les personnages étaient romains, s'appelaient, de pretexta, robe, prœtextatœ
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ou prætextœ, du nom de l'habit que les personnes de condition portaient à Rome. Quoiqu'il ne nous soit demeuré qu'une tragédie de cette espèce, l' Ociaoie , que l'on attribue à Sénèque, nous savons néanmoins que les Romains en avaient un grand nombre; telles étaient le Brutus qui chassa les Tarquins, et le Decius d'Accius..
PALMER, acteur anglais du théâtre de CoventGarden , a joui d'une très-grande célébrité. Il jouait depuis quelque tems à Liverpool. Abattu par la perte qu'il venait de faire de son épouse et d'un fils chéri, il donna souvent des marques d'une douleur profonde qui résistait à toutes les consolations de ses amis; cependant il joua peu de tems après un de ses principaux rôles, le jeune Wilding dans le Menteur, avec beaucoup de vivacité et de comique.
En 1798, il avait à jouer le rôle difficile de VEtranger dans la pièce de Kotzebuë, intitulée Menschenhass und rene.
Dans les deux premiers actes , il ne montra aucune altération ; mais dans le troisième il parut extrêmement affligé. Lorsqu'il entra sur la scène , et lorsqu'il fallut répondre au major, dans la pièce anglaise le baron Stainfort, à la question qu'il lui fait sur la santé de ses enfans, la perte récente de son fils le saisit tellement qu'il tomba par terre, poussa un grand soupir , et expira sur-le-champ.
Le public crut d'abord que ce n'était qu'un jeu de théâtre , pour exprimer la force de ses sentimens; mais lorsqu'on le vit emporter mort, l'étonnement se changea en une frayeur générale. Tous les secours des
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médecins furent inutiles. On entendit les plaintes des femmes et de ses camarades. Enfin le directeur 1 M. Aikin, parut sur le théâtre; mais les larmes et les v sanglots l 'empéchèrent de prononcer un seul mot. Un autre acteur essaya de faire le récit de ce qui s'était passé ; mais il ne put proférer que quelques mots. Les dernières paroles que Palmer prononça ' furent : There is Jtill an another and a better world !
( Il y a encore un autre et meilleur monde ! ) ^ ^
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PALMÉZEAUX ( M. de), auteur dramatique, i8io. Voyez CUBIÈRE ( M. de ).
Quoique M. de Palmézeaux et M. de Cubière ne soient qu'une seule et même personne, il faut toutefois se garder de confondre l'un avec l'autre. M. de Cubière, pour nous servir de l'expression de M. de Piis, fut un pourfendeur de drame ; M. de Palmézeaux en est de-, venu l'apôtre. Mais, toujours d'accord avec lui-même, en changeant d'idées, ou du moins en ayant l'air d'en changer, M. de Cubière prit le nom de Palmézeaux. Loin de le blâmer, nous regrettons que quelques auteurs n'aient pas suivi cet exemple : il en est plusieurs qui auraient dû le faire. Les principales pièces de M. de Palmézeaux sont Ninon de Lenclos, ou le Prisonnier au masque de fer ; la Mort de Caton ; Nathan le Sage, ou le Juifphilos ophe ; le faux Misant thrope, ou le Sous-Lieutenant, et Clavigo, ou la Jeunesse de Beaumarchais. Voici maintenant la liste des ouvrages dramatiques qui composent le théâtre de M. de Cubière , que l'on vient de publier en quatre volumes in-I2: Le Dramaturge , ou la Manie des Drames sombres, comédie en trois actes et en ver? ,
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précédée de préfaces, d'annotations et observations critiques ou apologétiques ; la comédie de Galathée, ou Suite du Pygmalion, de J. J. Rousseau ; les deux Centenaires de Corneille ; la Jeune Epouse, la Mort dé Molière ; la Double Epreuve,' ou la Boiteuse et le Borgne ; la Bonne Mère, ou les Cousins amans ; la ' Diligence de Lyon, ou les Prétentions bourgeoises ; , et une tragédie en trois actes, intitulée la Mort d'Hip polyte. Toutes ces pièces ont été représentées avec plus ou moins de succès.
PAMÉLA, ou LA VERTU MIEUX éprouvée , comédie en trois actes, en vers, parBoissy, aux Italiens, 1743.
Paméla, qui avait soutenu avec éclat l'important personnage d'héroïne de roman, n'eut le bonheur de briller au théâtre que lorsqu'elle y parut avec les grâces dont Voltaire sut l'embellir dans N anine. Elle fut mal accueillie quand elle s'offrit à la Comédie-Française, sous les auspices de la Chaussée : on n'fut pas plus d'indulgence pour elle, lorsque Boissy la produisit sur le Théâtre-Italien.
PAMELA , comédie en cinq actes, en vers, de la Chaussée, 1743. * - Comme le sujet de cette pièce est le même que celui de la comédie de M. François de Neufchateau, nous y renvoyons le lecteur ; nous nous bornerons à rapporter une circonstance qui contribua à sa chute. Un acteur se plaint de n'avoir pas trop de tems pour faire- une commission; un autre lui répond :
Vous prendrez mon carrosse , afin d'aller plus vite. ,
Ce vers fit redoubler les huées, et la pièce tomba tout à plat.
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Au sortir de la première représentation de cettecomédie, quelqu'un qui était à la porte demanda :
Comment va Paméla ? Un mauvais plaisant répondit : Elle pâme, hélas !
PAMÉLA, ou LA VERTU RÉCOMPENSÉE, comédie en cinq actes et en vers, par M. François de Neufchateau, aux Français, 1793.
Cette pièce, quoique remplie de maximes les plus philosophiques , fut proscrite dans un tems où la liberté et l'exagération des principes que l'auteur y professe étaient à l'ordre du jour. Elle fut arrêtée dès la seconde représentation ; le théâtre lui-même fut fermé, et l'auteur obligé de fuir ou de se cacher. Nous ne pouvons découvrir dans tout l'ouvrage, d'ailleurs si conforme aux principes du tems, d'autre cause de cette proscription que ce couplet de lord Bonfil dans la dernière scène du quatrième acte ; il s'adresse au père de Paméla :
Rassurez-vous. Long-temps une aveugle puissance
Du fer de la justice égorgea l'innocence.
Quand on y réfléchit , on ne sait pas comment
Nous avons pu souffrir un tel renversement.
Aux talens , aux vertus on a livré la guerre ;
La sottise et la peur ont gouverné la terre.
Mais cet esprit féroce enfin s'est adouci , ,
Le règne des bourreaux est passé, Dieu merci ;
Le ministre des lois , tremblant de se méprendre,
Sait qu'en ôtant la vie, il ne saurait la rendre ;
Et nous ne verrons plus renaître la fureur
Qui fit de ce pays un théâtre d'horreur.
L'application des vers de ce passage étoit trop juste
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pour n'être pas sentie, et la prédiction que contiennent les derniers étoit trop effrayante aux yeux des dominateurs d'alors, pour ne pas attirer leur colère sur la tête de l'auteur.
Au reste, voici l'analyse de l'ouvrage. Paméla, par ses vertus, son esprit'et ses grâces, avoit mérité la bienveillance de myladi Bonfil sa maîtresse. Elle vient de perdre cette généreuse et tendre protectrice , et elle reste dans la dépendance de mylord Bonfil qu'elle aime et dont elle est aimée. Jusqu'alors elle n'a cru voir dans ses sentimens pour son jeune maître qu'un tendre respect et une vive reconnaissance ; mais elle y découvre bientôt de l'amour,' dès que mylord Bonfil lui déclare le sien. Cette découverte alarme sa vertu; pour la conserver il faut qu'elle abandonne la maison de son maître: elle le doit, elle le veut; mais quel parti prendre? Entrera-t-elle au service de myladi Daure, sœur de mylord ? celui-ci ne veut pas soumettre au pouvoir d'une maîtresse impérieuse sa chère Paméla. Se mariera-t-elle? un vieux domestique de mylord, qui a quelque fortune, lui offre sa main; mais Bonfil se révolte à la seule idée de livrer tant de charmes à la tendresse d'un vieillard. Ira-t-elle rejoindre son père et sa mère qui vivent dans les montagnes de l'Ecosse ? quelle sera sa situation, en comparaison du sort qu'elle éprouve! C'est cependant le parti auquel elle s'arrête ; mais mylord ne peut se décider à la laisser partir.
Cependant, ramené à la raison par les conseils et la sagesse de son ami Artur, il adopte et rejette tour-à-tour les trois partis qui semblent convenir à Paméla. Enfin il en prend un plus généreux, et consent à s'éloigner lui-même d'un objet dont il respecte la
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vertu, et que les préjugés de son rang lui défendent d'épouser. Il part avec le respectable Artur ; mais à. peinç est-il monté dans son carrosse , que la douleur d'un éloignement si cruel l'accable. Peu de tems après on le rapporte évanoui. Dans cet intervalle, Paméla fait ses préparatifs de départ; bientôt on voit arriver son père qui vient pour la chercher : le vieillard demande à parler à mylord ; celui-ci l'accueille avec dis— onction. Cette bonté encourage Andrewss à lui réveler un secret d'où dépend sa tête. Andrewss n'est point un paysan, il a suivi le parti du roi Jacques, dans les guerres civiles , sous le nom du capitaine Auspingh ; il s'est rendu célèbre par ses exploits; mais Guillaume ayant triomphé, sa tête fut mise à prix, et dès-lors il se retira dans les montagnes d'Ecosse, où il se fit cultivateur, sous le nom qu'il porte maintenant, et où il épousa une paysanne dont Paméla est la fille chérie. Cette révélation change toute la, face des choses : plus d'obstacles, mylord épousera Paméla : il le doit à l'amour, il le doit à la reconnaissance, car Auspingh a sauvé la vie à son père. Paméla ne tarde pas à recevoir cette nouvelle; elle ne peut croire à tant de bonheur, quelorsqu'illui estconfirmé par son père. Myladi Daure elle-même ne s'oppose plus à ce qu'elle devienne l'épouse de son frère, et l'intrigue se dénoue à la satisfaction de tout le monde, et même à celle de sir Ernold, neveu de mylord, jeune étourdi que l'auteur n'a introduit dans sa pièce que pour y jeter quelque gaîté, car le sujet est fort triste par lui-même. Cet étourdi avait fait quelques insultes à Paméla , dans le dessein de s'égayer; mais son oncle lui pardonne en considération et à la prière dé son épouse.
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PAMÉLÀ MARIÉE, comédie en trois actes, en prose, par MM. Cubière-Palmezeaux et PelletierVolmerange , à l'Odéon, 1810.
Cette pièce fait suite à la comédie de M. François de Neufchâteau , dont nous venons 'de donner l'analyse ; ce sont les mêmes personnages qui y figurent. Mylord Bonfil que l'on a vu très-amoureux dans la première, mais enclin à la jalousie , développe ici tout son caractère. Il est devenu l'époux de Paméla qui est accuséé d'infidélité par myladi Daure et le chevalier Ernold.
Il la croit un instant coupable , mais elle se disculpe pleinement au troisième acte ; l'innocente à la fin triomphe , et les époux se réconcilient.
PANDORE , opéra , par Voltaire, musique de Royer, non représenté , mais imprimé dans ses CEuvres.
Prométhée avait fait une statue à laquelle on avait donné le nom de Pandore ; il en devient amoureux , et il consulte les Titans sur la manière dont il pourra l'animer. Ceux-ci évoquent les Dieux infernaux r Némésis et les Parques ; mais Prométhée n'en tire aucun secours ; c'est au ciel à donner la vie , et ils ne lavent que donner la mort. L'amant de Pandore les renvoie, et va lui-même chercher dans le ciel une ame à son amante. Prométhée rapporte du ciel la flamme pure dont il anime son aimable statue ; et tout se passe ensuite en déclarations d'amour de part et d'autre. Nous n'en rapporterons qu'une ; c'est l'amant qui parle :
Vos beaux yeux ont su m' enflammer v Lorsqu'ils ne s'outraient pas encore.
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Jupiter, jajoux du sort de Prométhée, et amoureux de Pandore , la fait enlever par Mercure. Le père des Dieux se plaît à faire le malheur des amans , en leur dérobant leurs maîtresses ; il en estsouvent puni, par l'indifférence que celles-ci lui témoignent. Pandore - lui tient rigueur :
Vous êtes Dieu , l'encens doit vous suffire ;
Laissez les plaisirs aux amans.
Jupiter, peu content de ce partage, menace de faire tomber sur Prométhée l'effet de sa colère. Les Titans promettent à l'amant de Pandore de le venger, et de punir l'injustice des Dieux. Ils entassent des rochers pour s'élever jusqu'au ciel, et pour y porter la guerre. Jupiter paraît environné de toute sa cour; le combat commence des deux côtés avec un bruit affreux. Il se fait ensuite un grand silence, pour laisser parler le Destin, qui arrive sur un nuage, et prononce en faveur de Prométhée. Jupiter, pour s'en venger, en renvoyant Pandore , lui met en main une boîte qui renferme tous les maux. Elle la porte à son époux, qui lui fait promettre qu'elle ne l'ouvrira pas ? mais qui a l'indiscrétion de la quitter dans ces circonstances. Jupiter avait ordonné à Némésis de ne rien oublier pour engager Pandore à ouvrir cette boîte. La Déesse a beaucoup de peine à réussir; mais enfin elle en vient à bout. Parmi les raisons qu'elle apporte pour la persuader , elle lui dit : Si vous l'ouvrez ,
Vous règnerez sur votre époux ;
Il sera soumis et facile. "
Craignez un tyran jaloux,
Formez un sujet docile.
Pandore, pour faire de Prométhée un mari docile, ne
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fait point de difficulté d'obéir à Némésis; mais elle a bientôt lieu de s'en repentir. Tous les maux sortent de - cette boîte fatale, et se répandent sur la terre. Prométhée revient, et voit tout ce désastre : il en gémit; alors l'Amour arrive, et le console :
Tous les biens sont à vous , l'amour vous reste encore.
PANDOSTE, tragédie en prose, divisée en deux journées, de cinq actes chacune, par La5erre , 1631.
Il serait difficile de trouver quelque chose de plus extravagant que cet ouvrage ; en voici la preuve : Dans » la première journée, Agathocle, roi de Sicile, vient rendre visite au roi Pandoste qui l'accueille avec les démonstrations de la plus vive et de la plus solide amitié; mais bientôt il en devient jaloux, et forme le projet de le faire empoisonner. Averti du danger, Agathocle prend la fuite. Il est parti, et dès lors il ne sera plus question de lui. Ce départ, ou plutôt cette fuite précipitée augmente le courroux dePandoste ; il fait enfermer la reine Belair son épouse , et attend qu'elle soit accouchée , pour abandonner son enfant à la merci des flots. Tout cela s'exécute dans le cours de la première journée; mais il fait consulter l'oracle qui déclare la reine innocente. Cette reine, échappée à la vengeance du jaloux Pandoste, meurt de désespoir en apprenant la nouvelle de la mort de sa fille. Quant à la jeune princesse, elle est sauvée par un berger qui cherchait un de ses moutons égaré. Lepâtre, frappéde la richesse de ses habits, prend le plus grand soin de ses jours. Voici un échantillon de la prose de Laserre. Pandoste fait ses adieux à son épouse expirante, ou peut-être même expirée; ce morceau est curieux i
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« Adieu, beaux cheveux, où la chasteté captive impo~ sait des lois à fout le monde. Adieu, beaux yeux, dont lés regards aussi doux que pudiques ne donnaient dé l'amour que pour faire aimer la vértlï. Adieu, belle bouche, dont la langue prononçait incessamment, dans son palais d'ivoire, des arrêts contre lé vice. Adieu, beau sein de neige, où toutes les vertus ensemble se tenaient à l'abri dés flammes d'amour. Adieu, belles mains, capables d'arracher les cœurs dusein, sans effort et sans violence. Adieu, beau corps que la perfection animait. Adieu, toutes les grâces. Adieu, toutes lëà beautés. J'assiste en mourant à-vois funérailles ;; qu'on me prépare le tombeau. L'Amour, plu§ puissant que la Mort, me fait mourir de ses blessures
Il ne meurt pas toutefois ; c'est cé qu'on Va Voir dans la seconde journée qui se passe quinze ans après là catastrophe de la première. C'est cette jeune princesse échappée au naufrage, et le fils d'Agathhocle , qui à cette époque n'était pas encore marié, qui en sont les principaux personnages.
Doraste, c'est le nom du fils d'Agathocle , devient éperdûment amoureux de Fauvye qui lé paie du plus tendre retour. Quoiqu'ert apparence cette jeune princesse ne soit qu'une simple bergère, il lui promet sa foi et l'enlève. Les deux airians s'embarquent et sont forcés par la tempête d'a-border dans les Etats de Pandoste qui, frappé de la beauté -d-e Fauvye, en devient amoureux luimême. Désespéré deses mépris, il prend le parti défaire empoisonner son mari; mais bientôt des ambassadeurs d'Agathocle viennent lui redemander le fils de leur roi, et la punition dë lk jeune bergère. Dans ce moment le berger déclare que Fauvye n'est point sa fille, et,
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au moyen d'un anneau qui était suspendu à son col, celle-ci est reconnue pour la fille de Pandoste. Enfin ce monarque consent à l'union des amans , et ordonne des réjouissances pour célébrer cette bonne aventure.
PANIERS (les), comédie en un acte, en prose, par Legrand, au Théâtre-Français, 1723.
Cette pièce, qui fait partie du ballet des Vingt— quatre Heures , est une espèce de critique de la mode des jupes enflées, dites Paniers} dont la grandeur fut poussée à une dimension extraordinaire.
Voyez ballet des Vingt-quatre Heures ( le ).
. PANARD (CHARLES-FRANÇOIS ), né à Courvillg, en 1690, mort à Paris en 17 64.
Disciple d'Anacréon, s'il n'eut pas le génie du poëte grec, il en eut du moins l'esprit et les grâces ; ami de la pudeur, il sut être aimable et gai sans l'effaroucher; comique charmant, il lança dans .ses ouvrages le trait piquant de la satire, sans jamais blesser personne en particulier. Enfin il sut allier l'esprit et le sentiment, la décence et la volupté, l'énergie et la délicatesse. Dans ses chansons bachiques et galantes, dans ses pièces anacréontiques , on rétrouve encore cette morale pure qui caractérise ses ouvrages les plus sérieux.
Plus enjoué , mais aussi simple que La Fontaine , sans jalousie et sans ambition, ardent ami, convive aimable, il conserva toujours sa gaîté ; sage dans ses moeut-s , il pratiqua la philosophie sans en parler; c'est de lui que Favart a dit:
Il chansonna le vièe , et chanta la vertu.
. Voici comme il s'est peint lui-mêmeda-ns un âge avancé :
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Mon automne à sa fin , rembrunit mon humeur, r Et déjà l'aquilon , qui sur ma tête gronde , De la neige y répand la. fâcheuse couleur.
Mon corps, dont la .stature a cinq pieds de hauteur, Porte sous l'estomac une masse rotonde ,
Qui de mes pas tardifs excuse .la lenteur.
•' Peu vif dans l'entretien , craintif, distrait, rêveur ;
Aimant sans m'asservir , jamais brune ni blonde , Peut-être pour mon bien , n'a captivé mon cœur. Chansonnier sans chanter , passable coupleteur , Jamais dans mes chansons on n'a rien vu d'immonde.
Soigneux de ménager quand il faut que je fronde.
Car c'est en censurant qu'on plaît au spectateur, Sur l'homme en général tout mon fiel se débonde. Jamais contre quelqu'un ma Muse n'a vomi
Rien dont la décence ait gémi;
Et toujours dans mes vers la vérité me fonde.
D' une indolence sans seconde ,
Paresseux s'il en fut , et souvent endormi ;
Du revenu qu'il faut je n'ai pas lé demi.
Plus content, toutefois , que ceux, où l'or abonde, :
Dans une paix douce et profonde,
Par la Providence affermi ,
De la péur des besoins je n'ai jamais frémi.
D'une humeur assez douce , et d'une ame assez ronde r
Je crois n'avoir point d'ennemi ;
Et je puis assurer, qu'ami de tout le monde,
J'ai dans l'occasion trouvé plus d'un ami.
Ces vers où Panard a peint son caractère et' son physique, nous donnent aussi une idée de son esprit.
Mais, pourlebien connaître, il faut lire ses ouvrages; et surtout ses vaudevilles, genre de spectacle dont on peut à juste titre le regarder comme le fondateur. On y trouvera du mouvement sans embarras, de l'intérêt sans sentimens recherchés, de l'intrigue sans confusion, des couplets pleins d'esprit sans pointe, de grâce sans; l - <-
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affectation; en un mot, tout cfe qu'on cherche èn vain dans les vaudevilles du jour.
Le nombre de pièces qu'il a composées tant seul, qu'en société avec l'Affichard , Fagan, d'Alainval ^ Sticotti, Favart, M. Laujon , Sabine, Ponteau , et Fuzelier, sont au nombre de plus de quatre-vingts,: Il serait inutile d'en rapporter ici les titrps'. Nous avons déjà parlé de beaucoup ; nous parlerons des autres à leur rang. Nous croyons devoir dire que c'est à cet auteur que Louis XV doit le nom de bien-aimé.
PANTALON, personnage de la Comédie-Italienne. II tire son nom du caleçon qu'il portait autrefois, et qui était attaché à ses bas. Son costume est changé sous ce rapport, mais le reste de l'habillement est toujours celui qu'on portait jadis à. Venise. C'était une longue robe appelée zimara, qui recouvrait un habit rouge ou noir. Les rôles de pantalon se jouent sous le masque d'un vieillard, et le personnage doit en avoir le caractère. C'est ordinairement un bourgeois ou un marchand, toujours amoureux , toujours dupe , soit d'un rival, soit d'un fils, soit d'un valet, soit d'une servante. On en a fait aussi un bon père de famille , un homme plein d'honneur; et quelquefois au contraire un père avare ou capricieux : au reste il doit toujours avoir l'accent et le langage vénitiens.
Les meilleurs pantalons que nous ayons vus à Paris sont Alborchetti, Fabio, Carlo-Antonio Véronèse et Colalto. Depuis eux , ce masque , ainsi que tous les autres, sans en excepter celui d'arlequin, ont disparu de la Comédie-Italienne.
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PANTHEE, tragédie en cinq actes , en vers, par CI. B illard de Courgenay, imprimée en 1612.
Hardi composa une tragédie qui porte le même titre; elle parut en 1604.
Le sujet de ces deux tragédies est tîré'de l'Histoire du grand Cyrus, roi de Perse. Ce monarque, dans la guerre qu'il fit à Crésus, prince d'Assyrie, prit Panthée , jeune épouse d'Abradàte , roi de Suse , qui était venu au secours de Crésus. Cyrus respecta et fit respecter les charmes et la chasteté de son intéressante prisonnière , qui y par reconnaissance, engagea son époux à déserter le parti de Crésus pour prendre celui de son généreux vainqueur. Les choses sont dans cet état lorsque l'action commence. Panthée paraît d'abord et remplit tout le premier acte d'exclamations ét de plaintes amoureuses. Au second paraît Astiage, prince détrôné par Cyrus : il fait de sa malheureuse déstinée un tableau qui n'a d'autre mérite que celui d'allonger la pièce. Enfin il disparaît pour faire place à Cyrus , qui vient se vanter de sa continence à l'égard de Panthée celui-ci disparaît à son tour pour faire place à Abradate , qui s'entretient lui-même des charmes de son épouse. Au troisième acte, Crésus arrive accompagné de son lieutenant ; ainsi la scène se passe tour-à-tour dans les deux camps ennemis. Crésus ne se plaint point de la désertion d'Abradàte ; il le loue au contraire de sa fidélité pour son épouse. Le lieutenant n'est point de- l'a vis de son roi; qu'est-ce, dit-il, que la beauté?
Tous chats sont chats de nuit ; où manque la clarté ,
Et la belle et la laide est égale en beauté. ^
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Crésus répond à son lieutenant, que ce qui le fait
-parler de cette sorte ,
C'est que sa femme est vieille, et semble deeii-morte. * L'ombre d'un mouvement : l'ayant tel au coté,
Qu'il n'imagine rien des feux d'une beauté.
L'entrevue d'Abradate et de Panthée termine ce quatrième acte; elle se passe en. déclamations et en témoignages de tendresse. On peut juger de cette scène par les quatre vers suivans que le poëte met dans la bouche de Panthée :
Mon œil, mon cœur, mon tout, belle ame de mon ame, Si vous ne saviez trqp les bouillons de ma flamme ,
Qui me va consignant en vos chastes amours,
Je vous ferais encore un monde de discours.
Enfin Abradate armé et équipé de pied en cap , par les mains de son épouse, part pour combattre Crésus, dont il vient de quitter le parti. Au cinquième acte, Panthée apprend que son époux est mort en combattant; désolée, elle fait chercher son corps, le traîne sur les rives du Pactole , et se tue , pour avoir le plaisir d'être enterrée avec lui. Enfin Cyrus déplore la perte de deux époux si fidèles , et va s'en consoler en se livrant aux soins de son armée.
PANTHÉ^, tragédie de Durval , i636.
Le sujet de cette pièce est le même que celui des deux précédentes.
Au dénouement, l'auteur introduit trois eunuques , ou porte-sceptres jde Panthée , qui se tuent en même tems que cette reine : on pourra juger de son mérite par la note suivante :
« L'histoire, dit Durval, fait mourir debout les
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» porte-sceptres, après s'être poignardés : ce qui n'est » pas facile à comprendre, si l'on ne suppose qu'ayant » entrelacé les sceptres qu'ils portaient, ils s'embrasa )1 sèrent en mourant, et que, par une agitation de » convulsions réciproques, ils se mirent en telle pos» ture, qu'étant appuyés les uns sur les autres , ils ne » purent tomber. C'est pourquoi , pour rendre la » chose plus merveilleuse, je suis d'avis qu'ils soient, v ainsi représentés , et non appuyés tous trois de » rang contre une muraille, comme plusieurs le poure raient imaginer. »
PANTHÉE, tragédie de Tristan , 1637.
C'est encore le même sujet. Nous ne citerons que ces deux vers tirés d'un récit de cette pièce , où l'on raconte la mort d'Abradate :
Et lorsqu'il est tombé sanglant sur la poussière ,
Les mains de la Victoire ont fermé sa paupière.
PANTOMIME. — Chez les Romains on appelait p-antomime, des acteurs qui, par des mouvemens, des signes , des gestes, et sans s'aider de discours , exprimaient des passions, des caractères et des.évènemens, Le nom de pantomime, qui signifie imitateur de toute chose , fut donné à cette espèce de comédiens qui jouaient toutes sortes de pièces de théâtre sans le secours de la parole , mais qui y suppléaient par le moyen de leurs gestes, soit naturels, soit d'institution. On peut croire aisément que les pantomimes se servaient des uns et des autres , et qu'ils n'avaient pas encore trop de moyens pour se, faire entendre. En effet, plusieurs gestes d'institution étant de signification arbitraire, il fallait être habitué au
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théâtre pour ne rien perdre de ce qu'ils voulaient dire., Ceux qui n'étaient pas initiés aux mystères de çes spectacles, avaient besoin d'un maître qui leur en donnât l'explication ; l'usage apprenait aux autres a deviner insensiblement ce langage muet. Les pantomimes vinrent à bout de faire entendre par le geste , non-seulement les mots pris dans le sens propre , mais même les mots pris dans le sens figuré ; leur jeu muet rendait des poëmes en entier, à la différence des mimes, qui n'étaient que des bouffons inconséquens. Nous n'entreprendrons point de fixer l'origine des pantomimes. Zozime, Suidas, et plusieurs autres la reportent au tems d'Auguste, peut-être par la raison que les deux plus fameux pantomimes, Pylade et Bathylle, parurent sous le règne de ce prince , qui aimait passionnément ce genre de spectacle. Nous savons que la danse des Grecs avait beaucoup de mouvement ; mais les Romains furent les premiers qui pendirent, par le. geste, le sens d'une fable régulière d'une certaine étendue. Le mime ne s'était jamais fait accompagner que d'une flûte ; Pylade y ajouta plusieurs instrumens , et jusqu'à des voix et des chants ; c'est ainsi qu'il rendit les fables régulières. Au bruit d'un chœur, composé de musique vocale et instrumentale, il exprimait avec vérité le sens de toutes sortes de poëmes ; il excellait dans la danse tragique, ou, pour mieux dire, il se distingua dans tous les genres. Bathylle, son élève et son rival, ne l'emporta sur lui que dans les danses comiques. L'émulation étoit si grande entre ces deux acteurs, qu'Auguste , à qui elle donnait de l'embarras , crut devoir en parler à Pylade, et l'exhorter à bien vivre avec son concurrent que Mécènes protégeait :
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Pylade se contenta de lui répondre , « que ce qui » pouvait arriver de mieux à l'empereur , c'était que » le peuple s'occupât de Bathylle et de Pylade. » On croit' bien qu'Auguste ne trouva point à propos de répliquer a cette réponse. En effet, tel était alors le goût des plaisirs , que lui seul pouvait faire perdre aux Romains cette idée de liberté, si obère à leurs ancêtres.
Nous avons nommé, pour les deux créateurs de l'art des pantomimes, Pylade et Bathylle sous l'empire d'Auguste : ils ont rendu leurs noms aussi célèbres dans l'Histoire romaine, que le peut être dans l'Histoire moderne le nom du fondateur de quelque établissement que cesoit. Pylade, avons-nous dit, excellait dans les sujets tragiques, et Bathylle dans les sujets comiques. Ce qui paraîtra étonnant, .c'est que les comédiens qui entreprenaient de représenler des pièces sans parler, ne pouvaient pas s'aider du mouvement du visage dans leur déclamation , car ils jouaient masqués , ainsi que les autres comédiens : la seule différence était, que leurs masques n'avaient pas une bouche béante, comme les masques des comédiens ordinaires, et qu'ils étaient beaucoup plus agréables. Macrobe raconte que Pylade se fâcha, un jour qu'il jouait le rôle d'Hercule furieux, de ce que les spectateurs trouvaient à redire à son geste trop outré, suivant leurs sentimens ; il leur cria donc, après avoir ôté son masque : cc Fous que vous êtes , je représente un plus » grand fou que vous. M .. /Après la mort d'Auguste, l'art des pantomimes fit de nouveaux progrès. Sous Néron il y en eut un qui dansa, sans musique instrumentale ni vocale, les amours de Mars et de Vénus. D'abord un seul
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pantomime représentait plusieurs personnages dans une même pièce ; mais on vit bientôt comme chez nous des troupes complètes , qui exécutèrent également toutes sortes de sujets tragiques et comiques. Comme ils. n'avaient que des gestes à faire , on conçoit aisément que toutes leurs actions étaient vives et animées ; aussi Cassiodore les appelle des hommes dont les mains disertes avaient, pour ainsi dire, une langue au bout de chaque doigt. Ces sortes de comédiens faisaient des impressions prodigieuses sur les spectateurs. Sénèque le père, qui exerçait une profession des plus graves, confesse que son goût pour les représentations des pantomimes était une véritable passion. Lucien ,-'qui se déclare aussi zélé partisan de l'art-des pantomimes, dit qu'on pleurait à leur représentation comme à celle des autres comédiens.
1 On a vu en Angleterre , et sur notre théâtre de l'Opéra - Comique , quelques-uns de ces comédiens jouer des scènes muettes, que tout le monde entendait. Cependant Roger et tous ceux qui sont ve'nùs après lui ne peuvent pas entrer en comparaison avêc les pantomimes de Rome. Mais le théâtre de Londres ne posséda-t-il pas un pantomime qu'on pourrait opposer à Pylade et à Bathylle? Le' fameux Garrick fut un, acteur d'autant plus étonnant, qu'il était également supérieur dans l'un et l'autre genre. Nous savons aussi que les Chinois ont des espèces de pantomimes qu'ils jouent chez eux sans parler; les danses des Persans ne sont-elles pas des pantomimes ? Enfin il est certain que dans sa naissance leur art charma les Romains; qu'il passa bientôt dans les provinces de l'Empire les plus éloignées de la capitale, et qu'il sub-
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sista aussi long-tems que l'Empire lui-même: Dès les premières années du règne de Tibère, le sénàt fut obligé de faire, un règlement pour défendre aux sénateurs defréquenter les écoles des pantomimes, et aux chevaliers romains de leurfaire cortège en public : Ne domos pantomimorum Senator introiret, ne egredientes in publi- cum Equites Romani cingerent. Ce décret prouve assez que les professions chéries dans les pays de luxe sont bientôt honorées, et que le préjugé ne tient pas contre le plaisir. Cependant les écoles de Pylade et de Bathylte sub- sistèrent toujours, dirigées par leurs élèves, dont la succession ne fut point interrompue. Rome était pleine de professeurs qui enseignaient cet art à une foule de disciples, et qui trouvaient des théâtres dans toutes les maisons. Non-seulement les femmes les recherchaient pour leurs jeux, mais encore par des motifs d'une passion effrénée : Illis fœminœ, simulque viri, animas et corpora substituunt, dit Tertullien. ' Il est. vrai que les pantomimes furent chassés de Rome sous Tibère,sous Néron, et sous quelques autres empereurs, mais leur exil ne durait pas long-lernps : la politique qui les avait chassés , les rappelait bientôt pour plaire au peuple , ou pour apaiser des factions plus à ' craindre pour l'Empire. Domitien les ayant chassés , Néron les fit revenir, et Trajan les chassa de nouveau. Il arrivait même que le peuple, fatigué de ses propres désordres , demandait l'expulsion des pantomimes ; mais il demandait bientôt leur rappel avec plus d'ardeur. Il est aisé de juger que l'ardeur des Romains L pour les jeux des pantomimes, dut leur faire négliger la bonne comédie. En effet, on vit depuis le vrai genre dramatique déchoir insensiblement ; et bientôt il fut h
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presque absolument oublié. On négligea les expressions de l'organe de la voix, pour ne s'appliquer qu'à celles que pouvaient rendre les mouvemens et les gestes du corps. Ces expressions , qui ne pouvaient admettre toutes les nuances de celles des sens, et avec lesquelles on n'eût jamais inventé les sciences spéculatives, firent, sous les empereurs, une partie de l'éducation de la jeunesse romaine. Les personnes les plus respectables leur rendaient des visites de devoir, et les accompagnaient partout. L'empereur Antonin s'étant aperçu que les pantomimes étaient cause qu'on négligeait le commerce, l'éloquence et la philosophie , voulut réduire leurs jeux à des jours marqués ; mais le peuple murmura , et il fallut lui rendre en entier ses -amusemens, malgré toute l'indécence qui marchait à leur suite. Rome était trop riche, trop puissante et trop plongée dans la mollesse, pour redevenir vertueuse; enfin l'art des pantomimes, qui s'était introduit si brillamment sous Auguste, et qui fut une des causes de la corruption des mœurs, ne tomba que sous les ruines de l'Empire. Nous nous sommes gardés de tout dire sur cette matière , que nous n'avons fait qu'effleurer : mais ceux qui seront curieux de plus grands détails, peuvent lire Plutarque , Lucien, les Mémoires de Littéra- ture, l'abbé Dubos, et le Traité plein d'érudition de Caliacchi.
PANTOMIME se dit aussi d'un air sur lequel deux ou plusieurs danseurs exécutent une action. Les airs de pantomimes ont pour l'ordinaire un couplet principal, qui revient souvent dans le cours de la pièce , et qui doit être le plus simple : mais ce couplet est entre-mêlé d'autres airs plus saillans , qui parlent,
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pour ainsi dire, et font image dans les situations où l'acteur doit mettre une expression déterminée.
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PANURGE A MARIER, ou LA COQUETTERIE UNIVERSELLE, comédie en trois actes, réduite en un acte, avec un prologue et des divertissemens, puis enfin remise en trois actes, par Autreau, aux Italiens, 1720.
Pour trouver à Panurge une femme qui soit à son gré , on le fait voyager successivement dans l'île Haute t dans File Moyenne et dans l'île Basse; c'est-à-dire, qu'il paraît à la cour, à la ville et au village. Il voit partout le même fônd de coquetterie , et finit par renoncer au dessein de se marier. Une critique assez naturelle de nos usages et de nos moeurs ne put préserver cette comédie des dédains du public.
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PANURGE DANS L'ILE DES LANTERNES, comédie-opéra en trois actes, par M. More!, musique de Grétry, à l'Opéra, 1785.
Le sujet de cet opéra est tiré de Rabelais. L île où se passe la scène est habitée par un peuple qui, dans tous ses projets, ne fait que lanterner; l'action commence à un jour consacré à la Déesse de l'île , nommée Lignobie.
La Déesse, invoquée pour favoriser l'hymen des deux principaux habitans dej'île, répond qu'ils seront heureux, si. avant leur mariage^leurs maîtresses parviennent , à se faire aimer également d'un étranger que la tempête jettera sur le rivage. Comme il ne tonne jamais dans l'île, cet oracle, qui paraîtne devoir jamais s'accomplir, jette le désespoir dans tous les esprits. Mais bientôt le ciel s'obscurcit et l'orage commence. Ce qui est le
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plus piquant, c'est que la joie augmente dans l'île à proportion de l'accroissement de la tempête. Enfin , on aperçoit une barque isolée c'est dans cette barque qu'est Panurge : on le secourt, on -le sauve ; et les deux amans l'emmènent en le comblant de caresses. Nous dirons ici, pour ne pas couper le récit mal à propos , que Climène, épouse de Panurge qui l'aurait un peu trop vite oubliée , se trouve dans l'île où elle a été vendue par des corsaires.
Cependant les: deux amantes font tout pour plaire à Panurge ; et ce dernier, plein d'une opinion avantageuse: de son mérite , se croit aimé des deux Lanternoises , et n'éprouve que l'embarras du choix. C'est, alors que Climène , pour punir à la fois et ramener son mari , l'engage à consulter la Sibylle du lieu. Panurge s'y rend ; mais la Sibylle , au lieu' .de Lie tirer de son embarras , lui rappelle ses anciens nœuds avec Climène ; celle-ci le voyant ébranlé, se montre et se fait reconnaître. Panurge , qui ne pouvait se décider, entre ses prétendues amantes, sè trouve content de . revenir à sa légitime épouse. L'oracle étant alors accompli dans tous-ses points, ,1a déesse Lignobie paraît, dans une grande lanterne, et consent au mariage des. amaps ,. qu'on célèbre. par une fête magnifique. ^ En voyant le nom de Panurge à la tète du poëme , on dut s'attendre à voir la gaîté de Rabelais sur la scène ; mais le poëte lyrique n'a pris dans Pantagruel que le nom de Panurge, son arrivée dans l'île des Lanternes,
et l'idée du bal. Le Panurge de Rabelais est poltron et gourmand , mais spirituel et plaisant ; ce caractère eût été très-favorable à la musique , mais difficile àsoutenir. L'auteur de l'opéra a cru plus convenable
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à son plan de ne le faire que vain et crédule à l'excès; et , comme par le développement de l'intrigue il reste presque continuellement dans une situation dont l'indécision fait tout le comique , il en résulte trop def monotonie dans le. caractère. Uae des critiques lest plus générales qu'on ait faites de cet opéra , tombe sur . le genre de, l'action. L'auteur a prévenu cette, critique dans l'avertissement qu'il a mis en tête de son poème ;
il veut aussi prévenir celle qu'on pourrait lui faire d'avoir employé un style trop simple et trop négligé. Ce n'est pas seulement le style simple et négligé qu'on reproche à cet ouvrage, mais le, défaut de détails piquans. Quant à la musique, elle est agréable et, ,
spirituelle'.1 '
PAPILLON. Il est auteur d'une pièce jouée en
1 1599 , sous le titre de la Nouvelle tragi-comique. * -
PARADE ; espèce de farce originairement préparée pour amuser le peuple , et qui souvent fait rire la meilleure compagnie, Ce;spectacle tient également des anciennes comédies nommées P lataricç, composées de simples dialogues presque sans action , et de celles ! dont les personnages étaient pris dans le bas peuple, 1 dont les scènes se passaient dans les cabarets, et qui, j pour cette raison furent nommées Tabemariœ. Les ' personnages ordinaires des parades sont le bon homme Cassandre , père , tuteur ou amant suranné d'Isabelle. Le vrai caractère de la charmante Isabelle 'est d'être également faible , fausse et précieuse ; celui du beau Léandre , son amant, est d'allier le ton. grivois d'un soldat, à la fatuité d'un petit-maître: >
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un pierrot, quelquefois un arlequin et un moucheur de chandelles, achèvent de remplir tous les rôles de la parade,, dont le vrai ton est du plus bas comique. La parade est ancienne, en France ; elle est née des moralités , des mystères et des facéties que les élèves de la Bazoche, les confrères de la Passion, et -la troupe du prince des sots jouaient dans les carrefours, dans les marchés et souvent même dans les cérémonies les plus augustes , telles que les entrées et les couronnemens de nos rois. La parade subsistait encore sur le Théâtre! Français , du teins de la minorité de Louis XIV ; et" lorsque Scarron, dans son Roman cOmique, fait le por-t trait du vieux comédien la Rancune, et de mademoiselle de la Caverne, il;donne une idée du jeu ridicule des acteurs, et du ton platement bouffon de la plupart des petites pièces de ce tems. Quelques. acteurs célèbres et plusieurs personnes pleines d'esprit s'amusent encore quelquefois à composer des petites pièces dans le même goût. A force d'imagination et de gaîté, elles saisissent ce ton ridicule; c'est en philosophes qu'elles ont travaillé à connaître les mœurs et la tournure de l'esprit du peuple ; c'est avec vivacité qu'elles les peignent. Malgré le ton qu'il faut toujours affecter dans ces parades, l'invention y décèle souvent les talens de l'auteur ; une fine plaisanterie se fait sentir au milieu des équivoques et des quolibets; et les Grâces parent toujours de quelques fleurs le langage de Thalie, et le ridicule déguisement sous lequel elles s'amusent à l'envelopper. '♦ ' i On pourrait reprocher avec raison aux Italiens, et beaucoup plus encore aux Anglais, d'avoir conservé dans les meilleures comédies trop de scènes de parade;
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on y voit souvent régner la licence grossière et révoltante des anciennes comédies , nommées Tabetnarice. On petit s'étonner que le vrai caractère de la comédie n'ait été si long-temps imité que dàns ce qu'elle a de plus désagréable. Le génie perça cependant quelquefois dans, ces siècles dont il nous reste si peu d'ouvrages di- gnes d'estime : la farce de Patelin ferait honneur à Molière. Nous avons peu de comédies qui rassemblent des peintures plus-vraies, plus d'imagination et de gaîté., Quelques auteurs attribuent cette pièce à Jean de Meun ; mais Jearf de Meuri cite lui-même des passages de Patelin dans sa continuation dû roman de la Rose: et. d'ailleurs nous avons dès raisons bien fortes pour rendre cette pièce à Guillaufine de Loris.
On accorderait sans peine à Guillaume de Loris, inventeur du roman de la Rose, le titre de père de l'éloquence française que son continuateur obtint sous -
- le règne de Philippe-le-Bel. On reconnaît d'ans les premiers chants l'imagination la plus belle et la plus riante, une plus grande connaissance des anciens , un beau choix dans les traits qu'il en imite ; mais des xque Jean de Meun prend la plume, de faibles allégôries, des dissertations frivoles, appesantissent Pouvrage ; le mauvais ton de l'école qui dominait alors , reparaît : un goût juste et éclairé ne peut y reconnaître l'auteur de la farce de Patelin', et la rend à Guillaume de Loris. Quel abus ne fait-on pas tous les jours de la facilité qu'on trouve à rassembler quelques dialogues, sous le nom de comédie! Souvent sans, invention, et toujours sans intérêt, ces espèces de parades ne renferment qu'une fausse métaphysique, un jargon précieux, des caricatures, ou de petites esquisses mal
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dessinées, des mœurs et des ridicules; quelquefois même on y voit régner une licence grossière ; les jeux de Thalie n'y sont plus animés par une critique fine et judicieuse ; ils sont déshonorés par les traits les plus odieux de la satire.
PARASITE (le) , comédie en cinq actes, en vers, par Tristan, 1654.
Manille , femme d'Alcidor, a perdu depuis vingt ans son mari et Sillare son jeune fils, qui ont été enlevés par des corsaires. Elle reste avec sa fille Lucinde, qù'elle destine au capitan Matamore; mais celle-ci a donné secrètement son cœur à Lisandre. Ce jeune homme, par le moyen du parasite Fripe-Sauces, s'introduit dans la maison de Manille, sous le nom de Sillare, et goûte ainsi le plaisir d'entretenir sa maîtresse en liberté. Le capitan apprend cette intrigue par l'indiscrétion du parasite, et veut, pour donner la chasse au faux Sillare, produire un prétendu AIcidor. Il propose la chose à un inconnu qu'il rencontre ; cet inconnu n'a pas beaucoùp de peine à jouer ce personnage, puisque c'est Alcidor lui-même, qui parvient enfin à se faire reconnaître. Cette reconnaissance est fatale à Lisandre • bientôt sa fourbe est découverte : Alcidor certifie la mort de Sillare, et fait mettre cet imposteur en prison. D'un autre côté, Lucile, prévôt de la maréchaussée, et père de Lisandre, mécontent de la conduite de son fils , vient avec une bande d'archers pour l'enlever de la maison de Manille. On lui dit que ce jeune homme a voulu suborner la fille d'Alcidor, et qu'il est à la Conciergerie. Lucile, craignant pour son fils, consent à son ma-
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riage avecLucinde ; et Alcidbr, père d'e cette dernière, né s'y oppose plus , dès qu'il connaît la naissance et ié bien de Lisandre. Là pièce est terminée par c& ïriariage ; le capitan est chassé ; «t l'on promet à FripeSauces qu'il sera nourri et entretenu grassement, le reste de sa vie , aux dépens des nouveaux époux.
Le parasite , toujours affamé, dit à une suivante avec laquelle il se trouve en scène :
Que ton nez aussi-bien n'est-il un pied de veau !
Je serais fort habile à torcher ton museau.
Si tes deux yeux étaient deux pâtés de requête ,
Je ficherais bientôt mes deux yeux dans ta tète.
PARASOLS , ancien auteur du quatorzième siècle , a fàit plusieurs tragédies des Gestes de Jeanne, reinede Naples.
PAR AVENT ( le ), comédie en tin acte, envers, par M. Pla'nârd, aux français, ,1807.
Alônze à long-temps voltigé de 'belle en belle, à l'exemple du prince dont ii est le favori ; mais bientôt cet étourdi qui faisait gloire de son inconstance , conçut la passion la plus vive et la plus solide pour une jeune veuve nommée Eléonore , dont il brûle d'obtenir la main. Le père de cette tendre Espagnole ne la tui refusé pas j mais , avant dë donner son consentement, il veut qu'Alùnze obtienne de l'avancement àe son prince. Comment le demander cet avancement ? èt comment aussi faire l'aveu d'un vertueux penchant? Tel est l'embarras dans lequel se trouve Alonzé. Cependant il faut prendre un parti ; le père d'Éléonore presse, et veut-faire le bonheur d'un rival: dans cette
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extrémité , Eléonore elle-même vient trouver dort Alonze au palais du prince, et lui rend compte de ca fâcheux contre-temps. Bientôt les deux amans sont surpris par un jeune page, qui va rendre compte att prince de la bonne fortune d'Alonze. Ce dernier, qui croit les surprendre à son tour, arrive à la hâte; mais l'amoureux a eu le temps de faire cacher sa maîtresses, derrière un énorme paravent qui se trouve dans la pièces Alonze j qui connaît l'humeur entreprenante de son maître, veut dissimuler avec lui et lui proteste qu'Eléonore est loin d'être belle ; mais le prince, qui a déjà dé-r couvert son changement, et qui s'aperçoit du motif de jalousie qui le fait agir, écarte Alonze , et projette de le punir de sa dissimulation. L'occasion s'en présente bientôt , et c'est encore le malin page qui la fait naître. Cet espiègle, ayant aperçu la jolie suivante d'Eléonore , la lutine et veut absolument lui ravir un baiser : qui sait ce qui en adviendrait sans l'apparition du prince! Le page et Béatrix vont à leur tour se cacher derrière le paravent; mais qu'on juge de leur surprise en y voyant Eléonore ! Celle-ci prend le parti de sortir, se présente au prince, et lui fait part du sujet de sa démarche. Le prince ne saurait refuser un avancement que son favori mérite sans doute , surtout lorsqu'il lui est demandé par une aussi jolie bouche. il donne aussitôt à son page l'ordre d'expédier à Alonze un brevet de capitaine de sa garde, et tous entrent dans le cabinet. A peine sont-ils sortis , que l'amant jaloux accourt hors d'haleine au secours d'Eléonore. Son premier soin, comme on le juge aisément, est de regarder derrière le paravent: elle n'y est plus ! Il la croit échappée aux regards du prince, et s'applaudit
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déjà dë son bonheur. Il frappe à la porte du cabinet pour rendré compte de son (message ; c'est le prince lui -même qui se présente, et qui, après s'être assez long-temps égayé aux dépens de son favori, l'unit à celle qu'il aime.
Tel est le fond, et, à quelques incidens près, l'intrigue de cette petite comédie, qui dut son succès autant au mérite des acteurs qui en ont joué les rôles , qu'à son propre mérite.
PARESSEUX ( le ), comédie en trois actes, en vers, avec un prologue, par de Launay, au Théâtre Français, 1733.
Le fond de cette comédie est très-simple ; mais le défaut réel qui s'y trouve, c'est l'inaction attachée au caractère du principal personnage. Elle jette nécessairement de la langueur sur l'intrigue entière : à cela près , l'auteur a mis son paresseux dans des situations aussi favorables que le sujet peut le comporter. Depuis quinze mois Damon est accordé à Cidalise, jeune veuve , riche, belle, et dont il est fort épris. Le contrat est fait et passé; rien ne s'oppose au mariage : cependant il se diffère encore. Cet amour du repos suggère à Damon un expédient digne de lui, pour s'épargner certains détails : c'est de donner à son intendant ses blancs seings. Heureusement ils sont remis à , Cidalise ; mais l'intendant, à l'aide de quelques moyens à peu près sembables à*celui-là, s'est déjà fait adjuger une grande partie des biens de son maître. Cidalise lui fait rendre gorge. L'arrivée d'un certain Argante met en fuite le chevalier, qui a été laquais du frère de x cet Argante. L'intendant est chassé. Damon s'effraie
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des soins qu'il va être forcé de prendre lui-même. Cidalise se charge de tout.
Cette comédie est écrite avec un naturel qui n'exclut point l'agrément. Le dialogue en est facile, et le style très-pur. Chaque personnage y parle d'après son caractère, et l'on croit entendre jusqu'au ton que prendrait le paresseux pour débiter les vers de son rôle. Peut-être ne faudrait-il pas qu'il finît par épouser sa maîtresse ; il vaudrait mieux, sans doute, que son indolence la lui fît perdre, ou même qu'elle l'empêchât de faire une démarche capable de la lui rendre. Le dénouement serait plus théâtral; mais, à tout prendre, ce caractère, en lui-même, ne le sera jamais.
PARFAICT (FRANÇOIS ), mortà Paris, en 1753. Il a eu part à deux comédies, l'une intitulée le Dénouement imprévu, et l'autre laFausse Suivante ; mais son principal ouvrage est l'Histoire du Théâtre Français en quinze volumes. C'est une compilation faite sans plan et exécutée sans goût et sans méthode , et dont la diffusion fait disparaître l'intérêt que présentait naturellement le sujet, s'il eût été traité avec plus d'ordre , de clarté et de précision.
PARFAITS AMANS (les ), comédie en quatre actes, avec quatre intermèdes, par Saint-Foix, aux Italiens, 1748. Voyez MÉTAMORPHOSES (les).
On peut regarder cette pièce comme une agréable bagatelle que le hasard a fait naître. C'est en effet le hasard qui conduisit l'auteur dans le magasin de la Comédie-Italienne, où il vit des décorations qui lui parurent singulières. Ayant appris qu'elles avaient été
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faites pour une Comédie qu'on n'avait pu jouer, il imagina d'en composer une pour ces décorations. Il fraça donc ce canevas, où son idée a été uniquement d'amener des scènes plaisantes et des lazzis entre les acteurs comiques, avec des danses, du chant et des machines.
On trouve de l'imagination dans les Parfaits Amans, Le spectacle tient de l'opéra, de la comédie et de la tragédie. Les différens ressorts que l'auteur y met en jeu durent produire des scènes fort amusantes.
PARISEAU (NICOLAS), auteur dramatique, né à Paris en 1753, mort dans la même ville en 1794, est auteur des pièces suivantes : Julien et Colette , les deux Rubans, la Soirée d'Eté, le Roi Lu , parodie d'l Roi Léar, les Etrennes, le Prix académique, etc.
PARISIEN (le ) , comédie en cinq actes, en vers, par Champmêlé, aux Français, 168a.
Le grand succès qu'eut cette comédie dans sa nou-* véautê* est dû principalement à un rôle italien que la veuve de Molière, alors femme du comédien Guérin, remplissait avec autant de grâce que de finesse. Dépouillée de cet ornement, la pièce n'est plus qu'un : tissu de ruses et de fourberies , qu'un valet met en
œuvres pour tromper le père de son jeune maître.
PARISIENNE ( la ), comédie en un acte, en prose par d'Ancourt, 1691.
Une jeune personne, que sa mère croit d'une simplicité , excessive , trompe un vieillard soupçonneux, dpnne a la: fois un rendez-vous à deux amans, et s'en
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débarrasse avec adresse. Esaste est l'amant préféré; quoiqu'absent, il reparaît, et ses rivaux sont congédiés. Telle est l'intrigue de la Parisienne. Le rôle d'Angélique est agréablement soutenu. .
PARLEUR CONTRARIÉ (le) , comédie en un acte et en vers, par M. Delaunay, aux Français, *807- t Florville , jeune étourdi rempli de bonnes qualités y mais d'un babil insoutenable, prétend à la main de Julie ; il a pour rival G-ercourt, homme silencieux qui ne parle qu'avec peipe, par ij. est bègue; Le père de Julie, grave magistrat, préfère Gercourt 9 quoiqu'il ignore pourtant je défaut principal de florville. Celui-ci arrive, il veut parler ; mais Julie ainsi qu'une soubrette qu'il a mise dans ses intérêts s'efforcent de le faire taire en l'interrompant à chaque phrase. Florville est très-surpris de cette conduite ; il s'emporte , et l'on finit par l'enfermer dans une bibliothèque. Le futur beau-père reviept sur la scène fort méçontent du caractère intéressé de Gercourt, et non moins fatigué du babil de Florville. Lps rivaux sont enfin ep présence. Flprville parle , Gercourt bredouille ; le grave magistrat s'emporte et parle plus qu'eux tous , lorsqu'un nouveau trait d'avarice de Gercourt achève de le déterminer en faveur de Florville. Il lui accorde sa fille, persuadé que le mariage lui apprendra bientôt à, réfléchir et à se taire. / -
PARMENTIER ( JEAN ) , bourgeois de la ville de; Dieppe , né en J494, mort en i53o, fit jouer en
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1827 une pièce intitulée : Moralité très-excellente, l'honneur de la glorieuse Assomption de Notre-Dame,
PARMENTIER. Iladonnéaux Français, en 1741, le Bal de Passy ; le Faux-Lord , 1765 ; et à l'Opéra-Comique, le Plaisir et l'Innocence, 1753; Alzirette , parodie d'Alzire, en 1736; les Epoux , en 4740 ; et lq Fausse Duègne , en 1743.
PARNASSE MODERNE ( le ), opéra comique, en un acte , par Bret, à la Foire Saint-Germain, 1753.
Les beaux esprits du temps viennent rendre leurs hommages à un nouvel Apollon qui règne sur un nouveau Parnasse. Cet Apollon est une espèce de Momus, qui paraît avec tous les attributs de la Folie. Un âne , mis en place de Pégase, est la monture des courtisans du nouveau Dieu du sacré vallon. Les plus sots de nos poëtes sont ceux à qui l'on fait le plus d'accueil.
PARODIE : maxime triviale, ou proverbe populaire. Ce mot vient du grec ~OlOf, via, voie ; et de ~?rep', circum, autour, c'est-à-dire, qui est trivial, commun et populaire. Parodie, Parodus, se dit plus communément d'une plaisanterie poétique, qui consiste à appliquer certains vers d'un sujet à un autre, pour tourner ce dernier en ridicule, ou à travestir le sérieux en burlesque, en affectant de conserver, autant qu'il est possible, les mêmes rimes, les mêmes mots et les mêmes cadences. La parodie d'abord été inventée par les Grecs, de qui nous tenons ce terme, dérivé du mot ~oeT/, chant ou poésie. On regarde la Batramio- machie d'Homère comme une parodie de quelques,
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endroits de l'Iliade, et même comme une des plus anciennes pièces de ce genre. Enfin, la dernière et la principale espèce de parodie est un ouvrage en vers, composé sur une pièce entière, ou sur une partie considérable d'une pièce de poésie connue , qu'on détourne à un autre sujet et à un autre sens par le changement de quelques expressions ; c'est de cette espèce de parodie que les anciens parlent le plus ordinairement : nous avons en ce genre des pièces qui ne le cèdent point à celles des anciens. On peut réduire toutes les espèces de parodies à deux espèces générales : l'une, qu'on peut appeler parodie simple et narrative ; l'autre, parodie dramatique : toutes deux doivent avoir pour but l'agréable et l'utile. Les règles de la parodie regardent le choix du sujet et la manière de le traiter. Le sujet qu'on entreprend de parodier doit être un ouvrage connu , célèbre, estimé. Nul auteur n'a été autant parodié qu'Homère. Quant à la manière de parodier , il faut que l'imitation soit fidèle, et la plaisanterie bonne, vive et courte ; on y doit éviter l'esprit d'aigreur, la bassesse d'expression et l'obscénité. Il est aisé de voir que la parodie et le burlesque sont deux genres très-différens, et que le Virgile travesti de Scarron n'est rien moins qu'une parodie de l'Enéide. La bonne parodie est une plaisanterie fine , capable d'amuser et d'instruire les esprits les plus sensés et les plus polis ; le burlesque est une bouffonnerie misérable, qui ne peut plaire qu'à la populace. L'art de la parodie est bien' simple; il consiste à conserver l'action et la conduite de la pièce qu'on veut travestir, en changeant seulement la condition des personnages. Hérode sera un prévôt ; Marianne, une fille de sergent; Varus, un
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officier de dragons; Alphonse devient, un bailli de village ; et Inès se transforme en Agnès, servante du bailli. Cette précaution prise, on s'approprie les vers de la pièce, en les entremêlant de tems en tems de mots burlesques et de circonstances risibles , qui n,e le deviennent que davantage par le contraste du, sérieux et du touchant auxquels on les marie. Ainsi, do l'ouvrage même qu'on veut tourner en ridicule, on s'en fait un dont on se croit fièrement l'inventeur, à peu près comme si un homme qui aurait dérobé la, robe d'un magistrat, croyait l'avoir bien acquise en y cousant quelques pièces d'un habit d'arlequin, et qu'il appuyât son droit sur le rire qu'exciterait la mascarade. Mais l'inconvénient le plus sérieux de ces ouvrages, c'est dç tourner la vertu en paradoxe, et d'essayer souvent de la rendre ridicule. S'il y a dans une tragédie quelques traits d'une vertu héroïque, et capable d'élevçr l'ame aux grands sentimens , ce sont ces traits mêmes que la parodie va employer en reproche de subtilité et de chimère. Ainsi, tandis que le poète tragique s'efforce d'élever les amçs par de grands exemples au-dessus des sentimens vulgaires, le parodiste s'étudie à les faire retomber dans leur pusillanimité naturelle.
PARODIE (la,) , tragi-comédie en un acte, en prose, en vers et en vaudevilles, par Fuselier, 1723.
Une Muse de la dernière promotion, appelée Parodie, s'apprête à se faire couronner de barbeaux, et prétend enchaîner à son char de triomphe tous les ^ auteurs parodiables, c'est-à-dire tous ceux qui auraient eu le malheur de réussir : car, grâce à cette Muse caustique, on ne saurait réussir impunément. Un
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de sei plus chers confidens, apparemment c'est Mo- mus , lui apprend qu'il se forme une furieuse conjuration contre elle dans le café du Parnasse, et lui conseille de mettre le Parterre de son parti, si elle veut remporter cette nouvelle victoire. Le conseil paraît trop bon pour n'être pas accepté. Le Parterre personnifié se montre aux yeux de l'intrépide Muse : il lui promet tout ce qu'elle exige de lui. La Muse de la , tragédie vient se plaindre des insultes qu'on lui fait continuellement. Un auteur tragique, à qui l'on donne le nom de Furius, vient lui faire une description de la conjuration prête à éclore. Cette scène est parodiquement copiée sur la seconde du premier acte de Cinna ; mais il s'en faut bien que la copie réponde à l'original. On a trouvé le secret de rendre le grand Corneille ennuyeux ; le tendre et le galant Racine n'y est pas moins défiguré : Titus et Andromaqiîe ne sont plus reconnaissables. Quel nouveau triomphe pour la Parodie ! Elle fait enfin l'Hermione, et répond ironiquement à sa rivale , prosternée à ses pieds :
Lé Parterre est présent ; vous régnez sur son ame : Faites-le prononcer ; j'y souscrirai, Madame.
Pyrithoiis et Nitétis viennent tour-à-tour orner le char de triomphe; et le chanteur débite un Pont-Neuf contre Inès. On juge que les enfans de cette malheureuse épouse n'y sont pas oubliés. Ceci est une critique des tragédies de la Motte, et surtout-de son système ridicule de faire des odes et des tragédies en prose.
PARODIE DU PARNASSE (la ) ,opéra-comique en un acte, par Favart, à la Foire S. Germain, 1759, La Parodie personnifiée est enchaînée dans un vallon
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au pied du Parnasse ; plusieurs auteurs étaient endormis sur leurs ouvrages. Apollon fait briser les fers de la Parodie : les auteurs se réveillent, et prennent la fuite. Le Dieu des vers donne de l'emploi et des conseils à la Parodie. Viennent ensuite plusieurs scènes à tiroir, dans lesquelles la Parodie donne audience à différens personnages. La plus originale et la plus gaie, est celle du Juré-Pleureur du Parnasse : ce personnage est neuf et bien imaginé. C'est lui, dit-il, qui est chargé de pleurer la mort de toutes les pièces de théâtre, et d'en faire l'oraison funèbre. Il était vêtu en grande robe de deuil et avait un mouchoir à la main ; à chaque pièce dont il faisait mention, il tirait un mouchoir. La dernière scène se passait entre la Parodie et Diogène : elle fut retranchée à la représentation.
Cette pièce est une critique vive et gaie de plusieurs pièces jouées sur les trois théâtres de Paris. Voici ce qu'on y dit en général des pièces lyriques;
Quiconque voudra
Faire un opéra ,
Ne choisisse à présent
Qu'un titre imposant.
Les auteurs adroits
Placeront avec choix
Tous ces lieux communs froids <.
Qu'on a dits cent fois.
Qu'on s'escrime
Sur la rime :
Tous les opéras nouveaux
Se bâtissent,
Réussissent
Avec trente mots
Mis à tout propos.
Quiconque voudra
faire un opéra,
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Emprunte au noir Pluton
Son peuple démon ;
Qu'il j tire des cieux
Un couple de Dieux ;
Qu'il y joigne un héros
Tendre jusqu'aux os.
Lardez votre sujet ^
D'un éternel ballet;
Amenez au milieu d'une fête
La tempête,
Une bête
Que quelqu'un tuera ,
Dès qu'il la verra.
Quiconque voudra
Faire un opéra ,
Fuira de la raison
Le triste poison.
Il fera chanter ,
v Concerter et sauter ;
Et puis le reste ira
Tout comme il pourra.
PAROS , tragédie par Mailhol, 1754.
Paros, ministre d'Apriès, roi d'Egypte, abusant de la confiance de son maître, entreprend de le détrôner. Voyant sa conspiration découverte, il accuse une jeune princesse, nommée Aphise, de l'avoir formée. Aphise est mise dans les fers ; et il la retient en prison, dans l'espérance de la mettre un jour sur le trône, et d'y monter avec elle en l'épousant, lorsqu'il aura donné la mort à Apriès. Ce second projet ne réussit pas ; Paros en tente un troisième. Il fait venir une flotte ennemie pour surprendre Memphis ; mais cette flotte est défaite : et il ne reste plus d'autre parti à prendre à ce ministre, que d'assassiner le roi de sa propre main. Il est prêt, en effet, à lui donner un
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coup de poignard; maisOrosis, fils d'Apriès, et crd fils de Paros, arrive dans ce moment, et empêche que Paros n'achève le parricide. Enfin , le roi veut unir 'Aphise et Orosis qui s'aiment; la cérémonie est indiquée. L'usage est que les nouveaux mariés, et le roi lui-même, boivent dans la coupe nuptiale. Paros croit toucher au moment de régner ; il forme le projet d'empoisonner toute la famille royale ; mais les remords de son confident dévoilent son crime , et Paros se tue de désespoir.
PARTERRE; c'est l'espace qui est compris entre le théâtre et l'amphithéâtre.. Les anciens l'appe- loient orchestre. Mais il faut observer que chez les Grecs, c'et orchestre était la place des, musiciens, et chez les Romains, celle des sénateurs et des vestales. Parmi nous, c'est celle d'une partie des spectateurs. Le sol du parterre forme un plan incliné, qui s'élève insensiblement depuis l'orchestre où nous plaçons les musiciens, jusqu'à l'amphithéâtre. On appelle aussi parterre,, la collection des spectateurs qui ont leurs places dans le parterre; c'est lui qui décide ordinairement du mérite des pièces : on dit, les jugemens, les cabales, les applaudissemens, les sifflets du parterre.
Il s'y passe quelquefois des scènes fort plaisantes.
En voici la preuve.
Un particulier, qui était au parterre de l'Opéra, ayant un homme devant lui dont les cheveux longs et la turbulence l'incommodaient , le pria plusieurs fois de moins gesticuler; mais , ne pouvant rien gagner, il prit à poignée ses cheveux qui étaient une perruque, et les jeta au milieu du parterre. Le robin s'étant re-
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tourné avec précipitation , lui dit d'un air menaçant : Il y a six mois que vous n'auriez pas fait pareille t chose. — Eh ! pourquoi cela ?— C'est, r-eprit-il d'un ton radouci, qu'alors je nti portais pas perruque.
PARTERRE MERVEILLEUX (le ), prologue du Rival de lui-même, par Carolet, à la Foire SaintLaurent , 1732.
Les petits comédiens avaient commence, en 1731 , à jouer sur le théâtre de la Foire Saint-Laurent. L'année suivante ils donnèrent le Parterre merveilleux. Dans les décorations, on fit paraître des flèurs qui sortaient rie terre. Un moment après, ces pots de fleurs disparurent, et l'on vit à leur place six petits comédiens ; l'un d'eux chanta ce couplet :
Nous renaissons pour vous plaire ;
Vouloir ,inen nous applaudir 4
C'est arroser le parterre
D'où nous venons de sortir.
PARTHENAI ( CATHERINE DE ), née en 1554, morte en 1631.
Cette dame a-composé plusieurs pièces de théâtre; mais la seule qui ait été imprimée est une tragédie intitulée Holophern-e, jouée à la Rochelle en 1574- Née de l'illustre famille de Soubise, elle épousa en premières noces le baron de Kuellevé , qui fut massacré à la Saint-Barthélemi ; elle se maria ensuite avec le vicomte René de Rohan, dont elle eut deux fils et trois filles ; l'un des fils fut le duc de Soubise , et l'autre le fameuxduc de Rohan. Après la prise de la Rochelle, elle fut enfermée à Niort. Ayant ensuite recouvré sa liberté,
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elle se retira au Parc en Poitou, où elle termina lé cours d'une vie orageuse.
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PARTHÉNIE^ tragédie par Baro, 1641. Alexandre, dans le cours de ses conquêtes de Perse;' devient éperdûment amoureux de Parthénie, princesse esclave^ dont le cœur, déjà prévenu pour Hytaspe, prince Persan , est insensible à la passion du roi de Macédoine. Ephestion joue dans cette pièce le rôle d'un homme généreux, d'un sage, d'un mentor qui traite avec douceur Parthénie, qui plaint ses malheurs , et qui fait sentir à son maître Alexandre , combien il est indigne de lui de se laisser vaincre par une femme; mais ce monarque est trop épris, pour écouter des conseils. Il a toutes les fureurs de l'amour ; son caractère est d'une violence extrême : il veut, à quelque prix que ce soit, épouser Parthénie, dont la résistance l'irrite. Hytaspe, dans un combat, est fait prisonnier : il est présenté devant Alexandre qui le reçoit avec les égards dus à sa naissance et à sa valeur, et qui lui rend même la liberté- Après une longue absence, Hytaspe et Parthénie se revoient donc. Mais leur bonheur est troublé par l'amour d'Alexandre, dont Parthénie instruit son amant, ou plutôt son époux ; car c'est ainsi qu'elle l'appelle. Bientôt le roi de Macédoine découvre leur intelligence, et ordonne au capitaine de ses gardes d'e se saisir d'Hytaspe , qu'il veut faire mourir. Ephestion lui peint toute l'horreur de cette action sous des couleurs bien capables de le faire rentrer en lui-même, si sa passion ne l'aveuglait; mais, regardant son rival comme le seul obstacle à son bonheur, il veut absolument qu'il périsse, et dit à ,
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Ëphestion de l'en- défaire sur-le-champ. Indigné dii choix qu'on fait de lui pour immoler Hytaspe, mais craignait que son maître n'employât une main trop fidèle à lui obéir, il prend le parti, de se charger de cette barbare exécution, et lui fait;dire que son rival n'est plus. A cette nouvelle, Parthénie veut se donner la mort; elle accable le roi de Macédoine des reproches les plus mérités, et des plus terribles imprécations. Alexandre, furieux, égaré, évite tout le monde : il court çà et là dans son palais ; mais bientôt, reprenant ses sens, il voit toute l'horreur et toute l'infamie de son procédé. Il veut mourir de la main même de Parthénie; il la fait appeler : la douleur, la honte et le désespoir sont peints sur son visage et dans ses discours. Il verse devant elle UI1 torrent de larmes; gémit sur les malheurs dans lesquels il a plongé son amante; l'invite à se venger, et lui présente lui-même le poignard , pour l'enfoncer dans son sein coupable. Parthénie est touchée dé son repentir; et tous deux, de concert, pleurent la mort d'Hytaspe. Cependant Ephestion paraît; il vient, en tremblait, demander grâce à Alexandre, sur ce qu'il s'est vu forcé de le trahir. Il lui avoue qu'il n'a pu prendre sur lui d'exécuter l'ordre sanguinaire dont il l'avait chargé; il ajoute qu'il a cru, pour sa gloire, devoir lui désobéir ; et que, si c'est un crime, il en demande le châtiment. Alexandre, charmé d'apprendre qu'Hytaspe est vivant, ordonne qh'il vienne , qu'il paraisse. Ce prince se présente. Alexandre court au-devant de lui, l'embrasse , et le rend à Parthénie.
Comme on vient de le voir, Baro suppose qu'après la défaite de Darius , Alexandre devint amoureux de la
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princesse de Perse. Voici comment elle répond à son amour ; c'est le plus b-eau morceau de la pièce :
Sire, ce qu'aujourd'hui tu recherches de moi 1
Est digne d'un tyran, niais indigne d'un roi.
Que ces fâches beautés devant toi prostituent
Leurs infâmes appas, qui cbarmeat, mais qui tuent i Qu'elles accordent tout » de crainte de périr ,,
Elles savent flatter ; et moi je sais mourir.
Use plus sagement des faveurs de Bellone.
Naguère je portais le sceptre et la couronne ;
Et bien que désormais ces marques de grandeur
Ne soient plus dans mes mains, elles sont dans mon cœuri C'est là que, méprisant les coups de la fortune,
Et le fâcheux succès d'uije guerre importune,
Malgré ma servitude , et malgré tes projets,
Ma vertu trouve encore un sceptre et des sujets.
PARTIE DE CHASSE D'HENRI IV (la), comédie en trois actes, en prose , par Collé, 1766.
Cette comédie ingénieuse et intéressante présente un tableau si vrai, si naïf et en même tems si simple et si sublime du caractère et des mœurs du grand Henri et de Sully son ministre, que l'on ne peut assister à ce spectacle , sans une vive émotion de plaisir et de tendresse. N ,
On retrouve, dans cette pièce, cette fameuse conversation où Sully se justifie auprès de son maître. ' Après cette explication, le roi part pour la chasse, où Rosni est contraint de l'accompagner. La nuit les surprend dans la forêt de Sénart, auprès du village de Lieu-Saint. Le duc de Bellegarde et le marquis de Conchini s'entretiennent dans les ténèbres, et sont joints par le duc de Sully. Ce dernier n'est occupé que des périls de son maître. Les deux pre-
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miers , et surtout lé second , pensent différemment. Tous trois sont conduits dans le village dé Lieu-Saint par un paysàh qui les à d'abord pris pour d'efc voleurs. Bientôt le roi, à pied ét sans aucune suite, àfriVèl Les discours qu'il tient à ce sujet, répondent à sa jraîté naturelle. Deux braconniers îè prërthent potit une biche, et tirent sur lui. Un troisième paysan survient, qui le prend lui-même pour un braconnier. Cet homme est armé; il s'écrie, en saisissant le bras d& Henri : ï< Ah \ jè le tenons, je le tenons, le coquiti » qui vient dè tirer suïlés cferîs de notre bon -foi. » L'attachement des paysans dVcé canton pour Hënfrï les a presque tous transformas en gardes-chasse , qui veillent gratuittement sur le gibier de ses forêts. La Scène entré lè villageois et lfe prince est amusante et ingénieusement filée. Henri ne s'y donne que pour un des moindres officiers ; tet c'est sous té titre que; Michau ( ainsi se nomme îe vllîàgebis ) lui donne un asile chez lui. C'est dans sa maison que se passe lé troisième acté. Marthe sa femme, et Catau sa fille $ se hatent dé préparer lé souper. Catau êkf jolie , et lë galant monarque a soin de le lui dire. Il s'empresse à là seconder; il l'aide à dresser la table. apporte un banc j une chaise, et se met à côté de la bélié Catau ; il la sert avec beaucoup d'attention, trinqué avec elle et âvec toute la compagnie. Michau, toujours saris Connaître le roi, lui chante ce couplet, qui est précédé de quelques autres:
Vive Henri quatté,
Vive ce roi Vaillant !
Ce diable à ijuatte
A lë triste falérit
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De, boire et de battre, Et d'être un vert galant.
\ He^iri ne peut retenir ses larmes : il se détourne pouf tes cacher. Michau le fait boire à la, santé de ce bon roi, et lui reproche de s'en acquitter un peu froide^ jnent. Arrivent les ducs de Sully, de Bellegarde, et le marquis de Conchini.....
On sent bien que dès-lors Michau est instruit des qualités de son hôte. Il tombe à genoux, ainsi que toute,sa famille. Agathe, jeune paysanne , qui devait épouser le fils de Michau, sy reste après les autres. Cette Agathe a été enlevée pai; le marquis de Conchini , qui" cependant, n'a pu la séduire. Elle s'est même échappée de ses mains ; et son retour , les inquiétudes de Richard son amant, quelques scènes eptre Catau et un certain Lucas que celle-ci doit épouser, forment lç surplus de l'intrigue de ce draine. Le roi traite sévè" rement Conchini, et lui ordonne de se retirer. Il dote Agathe et.Catau chacune de 10,000 francs, et va se reposer dans le lit du bon Michau. Parmi les anec- dotes que , nous avons recueillies sur cette pièce , nous allons en raconter deux qui nous ont semblé mériter la préférence. r' '... ! On jouait dans la salle des spectacles de Verdun.. Ici Partie de Chasse d'Henri IV. Au troisième acte,1 pendant que Henri est à table avec le meunier et .sa famille, celui-ci chante pour réjouir son hôte. Lorsque l'acteur fut au troisième couplet, que nous avons cité plus haut, tout l'auditoire, dont la sen- sibilité avait été vivement émue dan's le cours de la représentation, entrant tout-à-coup dans l'enthousiasme, se mit à répéter en chœur et à haute
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voix : Vive Henri quatre. Cette circonstance singulière, dans laquelle les spectateurs devinrent acteurs j. est un nouve.au. trait qu'il faut ajouter à l'éloge del'immortel Henri, et à l'histoire du caractère national.
Dans une ville de garnison, un vieux grenadier qui était en faction sur le théâtre, pendant qu'on représentait cette pièce, dans le moment que lès acteurs, à table, chantent-et boivent à la santé de Henri IV, par un mouvement d'amour pour son roi, dont il s'impatientait de n'entendre point parler , s'oublia au point de s'écrier avec humeur : « Eh! morbleu, vous autres 7■. » à la santé de Louis XV, quand est-ce que vous y » boirez donc? » Ce qui fut saisi avec de tels applaudissernens, que le public, égayé par cette saillie militaire , voulut se mettre aussi de la partie, et finit par crier de même, à la santé de Louis XV, avec des acclamations réitérées, qui terminèrent le spectacle avec la plus grande gaîté.
PARTITION ; c'est la collection de toutes les parties d'une pièce par laquelle on voit l'harmonie qu'elles forment entre elles.
P-ARVI. — Il a fait en société avec Minet la Noce de village, et avec M. Laujon, la Fille, la Femme et la Veuve. La première de ces pièces fut jouée aux Italiens, en 4744..
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PASCAL (FRANÇOISE), née à Lyon , a composé trois tragédies : Agathonphile, martyr; Sésostris et Endimyon, et deux comédies, l'Amour extravagant et le Vieillard amoureux.
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^ PASQUIER (ETIENNE), est auteur d'un ouvrage intitulé Jeux poétiques , où l'on trouve une pastorale quia pour titre le Vieillard amoureux. ,
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PASSÉ, LE PRÉSENT, L'AVENIR (le), comédies, chacune en un aôte, pâ# M. Picard, 1794.
: Le Passé c'est l'ancien régime *, le, Présent, c'est Je nouveau, c'est-à-dire le régime de, 1794 ; l'Avenir," c'est le bonheur universel qu,il pmmet, Ces comédies n'ont point été représentées et n'étaient pas faites pour l'être.
PASSER AT. — On lui cl oit la tragédie de Sabinus qu'il publia en 1695; deux comédies, le Feint Campagnard, l'Heureux Accident et le ballet d'Alcide. On lui attribue en outre une pastorale intitulée Amaryllis.
' PASSIONS.' — En poésie, ce sont les senti mens , les mouvemens, les actions passionnées que le poëte donne à ses personnages. Les passions sont \ pour ainsi dire, la vie et l'esprit des poëmes un peu longs., Tout le monde en connaît la nécessité dans la tragédie et dans la comédie : l'épopée ne peut pas subsister sans. elles. Ce n'est pas assez que la narration, dans le poëme épique, soit surprenante; il faut encore quelle soit passionnée , qu'elle remue, transporte l'esprit du lecteur, et le remplisse de chagrin, de joie, de terreur, ou de quelqu'autre passion violente; et cela, pour des sujets qu'il sait n'être que fictifs.1 Quoique les passions soient toujpurs nécessaires , cependant toutes ïie sont pas également nécessaires ni convenables en toute occasion. La comédie a pour son partage la joie et les surprises agréables ; la terreur et la pitié sont
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des ressorts qui appartiennent à la tragédie, La passion la plus propre à l'épopée, comme tenant le milieu entre les deux autres poèmes, se rattache aux espèces de passions qui leur conviennent,-comme nous le voyons dans le quatrième livre de l'Enéide, et dans les jeux et divertissemens du cinquième. En effet, l'admiration participe de chacune : nous admirons avec joie les choses qui nous surprennent agréablement , et nous voyons avec une surprise mêlée de terreur, celles qui nous épouvantent et nous attristent. Outre la passion générale qui distingue le poème épique du poëme dramatique t chaque épopée a sa passion particulière qui la distingue des autres poëmes épiques. Cette passion particulière suit toujours^e caractère du héros. Ainsi la colère et la terreur dominen t dans l'Iliade, parce que Achille est le plus emporté et le plus terrible des hommes. L'Enéide renferme des passions plus douces et plus tendres, parce que tel est le caractère d'Enée. La prudence d'Ulysse ne permettant point cet excès, noue ne trou-r vons aucune de ces passions dans l'Odyssée. Quant à la conduite des passions, pour qu'elles produisent leur effet, il faut que l'auditoire soit préparé et disposé à les recevoir, et qu'on ne mêle point ensemble plusieurs passions incompatibles. La nécessité de préparer l'auditoire est fondée sur la nécessité naturelle de prendre les choses où elles sont dans le dessein de les transporter ailleurs. Il est aisé de faire l'application de cette maxime : un homme est tranquille et à l'aise, et vous voulez exciter en lui une passion par un discours fait dans ce dessein : il faut donc commencer d'une manière calme, et par ce moyen vous mettre à sa hauteur. Bientôt, marchant de pair avec lui, vous le
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voyez vous suivre dans toutes les routes par lesquelles vous le conduisez insensiblement. Si vous faites voir votre colère dès le premier abord, vous vous rendrez aussi ridicule, et vous ferez aussi peu d'effet qu'Ajax dans les Métamorphoses, où l'ingénieux Ovide donne un exemple sensible de cette faute. Il commence sa harangue par le fort de la passion, et avec les figures les plus fortes , devant ses juges , .qui sont dans la tranquillité la plus profonde. Dans le poëme dramatique, le jeu des passions est une des plus grandes ressources, des poëtes. Ce n'est pas un problème que de savoir si l'on- doit les exciter sur le théâtre. La nature du spectacle, soit comique soit tragique; sa fin, ses succès, démontrent assez que les passions font une des parties les plus essentielles du drame, et que, sans elles, tout devient froid et languissant dans un ouvrage,' où tout doit être, autant qu'il se peut, mis en action. Pour en juger, dans les ouvrages de ce genre, il suffit ( de les connaître et de savoir discerner le ton qui.con-« vient à chacune; écoutez Despréaux chaque : passion, dit-il, parle un différent langage ; '
La colère est superbe, et veut des mots altiers ; V $
^ L'abattement s'explique en des termes moins fiers.
Ce n'est pas ici le lieu d'exposer la nature de chaque * passion en particulier, les effets, les ressorts qu'il faut employer, les routes qu'on doit suivre pour les, exciter ; c'est dans ce qu'en a écrit Aristote, au second livre de sa Rhétorique, qu'il faut en puiser la théorie.; " L'homme a des passions qui influent sur ses jugemens et sur ses actions, rien n'est plus constant; mais toutes, n'ont pas le même principe ; les fins aux-
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quelles elles tendent sont aussi différentes entre elles , que les moyens qu'elles emploient pour y arriver se. ressemblent peu. Elles affectent le cœur, chacune de la manière qui lui est propre ; elles inspirent à l'esprit des pensées relatives à ces impressions ; et, comme pour l'ordinaire ces mouvemens intérieurs sont trop violens et trop impétueux pour n'éclater pas au-de— hors, ils n'y paraissent qu'avec des sons qui les caractérisent et qui les distinguent. Ainsi l'expression , qui est la peinture de la pensée, est aussi convenable et doit être proportionnée à la passion , dont la pensée , elle-même, n'est que l'interprète. Quoiqu'on général, chaque passion s'exprime différemment d'une autre passion, il est cependant bon de remarquer qu'il en est quelques-unes qui ont entre elles beaucoup d'affi- nité , et qui empruntent, pour ainsi dire, le même langage : telles sont, par exemple, la haine , la colère " -et l'indignation. Or, pour en discerner les diverses nuances, il faut avoir recours au fond des caractères, remonter au principe de la passion , et examiner les motifs et l'intérêt qui font agir les personnages introduits sur la scène. Mais la plus grande utilité qu'on, puisse retirer de cette étude , c'est de connaître le cœur humain, ses replis, les ressorts qui le font mouvoir, par quels motifs on peut l'intéresser en faveur d'un objet ou le prévenir contre ; enfin com- ment il faut mettre à profit les faiblesses même des hommes, pour les éclairer et les rendre meilleurs; car, si l'image des passions violentes ne servait qu'à en ' allumer de semblables dans le cœur des spectateurs, le poëme dramatique deviendrait aussi dangéreux qu'il peut être utile pour les mœurs.
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L'amour et la haine sont les deux grandes passions que la tragédie emploie pour exciter dans l'ama la terreur et la pitié : tout le jeu , tons les combats des autres passions ne sont mis, en usage que pour les exciter, parce que ce sont celles dont les émotions ébranlent l'ame le plus fortement et le plus longtenus. Par l'amour, on n'entend pas seulement cette inclinations, d'un sexe pour l'autre; dans ce sens, il est certainement très-tragique , mais il faut qu'il domine en tyran. Il n'est pas fait pour là seconde place. La tendresse d'une mère pour sort fils ; la voix de la nature qui se fait entendre dans des cœurs liés par lEr sang; l'attachement d'une ame romaine pour sa patrie; l'amitié héroïque, telle que celle de Pylade et d'Oreste , tous ces sentimens appartiennent à l'amour. La pitié s'excite par l'injustice et l'excès des maux qui accablent celui qui ne les a pas mérités; autant notre ame compâtit à ses malheurs, autant elle hait et déteste ceux qui en sont les auteurs.
PASTORALE, opéra champêtre, dont les personnages sont des bergers, et dont la musique doit être assortie à la simplicité du goût et des moeurs qu'on leur suppose. Une pastorale est aussi une pièce de musique faite sur des paroles relatives à l'étàt pastoral, ou un chant qui imite celui des bergers, qui en a la douceur, la tendresse et le naturel. L'air d 'une danse composée dans le même caractère, s'appelle aussi pastorale.
PASTORALE (la) , par l'abbé Perrin, musique
- de Cambert, 165S.
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Cette pastorale fat d'abord exécutée à Issy ; elle la fut ensuite à Vincennes devant ie roi. Après les opéras ^'Italie, cette pièce peut être gardée comme l'origine de nos opéras français.
PASTORALE COMIQUE (la ) , en un acte t en vers, par Molière, 1666.
Cette pastorale faisait partie du ballet des Muses, de Benserade , donné à Saint - Germain , devant Louis XIV ; elle en formait la troisième entrée.
PATHÉTIQUE. — Le pathétique est cet enthousiasme, cette véhémence naturelle, cette pein-^ ture forte, qui émeut, qui touche, qui agite le cœur de l'homme. Tout ce qui transporte l'auditeur hors de lui-même ; tout ce qui captive son entendement et subjugue sa volonté est de son ressort. Il règne éminemment dans la plus belle- et la plus touchante pièce qui ait paru sur le théâtre des Anciens ; dans l'OEdipe de Sophocle : à la peinture énergique des maux qui désolent le pays y succède un chœur deThébains. Il s'écrie :
Frappez , Dieux. tout-puissans ; vos victimes sont prêtes ! 0 Mort, écrase-nous ! Dieux , tonnez sur nos tètes !,
0 Mort, nous implorons ton funeste secours !
0 Mort, viens nous sauver, viens terminer nos jours !
C'est là du pathétique. Qui pourrait douter que l'entassement des accidens qui suivent , qui accompagnent et qui augmentent l'excès et la violence d'une passion, puisse produire le pathétique F Telle est rode de Sapho :
Heureux qui près de toi, pour toi seule soupire ! etc.
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Elle est glacée et. pourtant elle brûle ; elle est sage y elle est folle; enfin, entièrement hors d'elle-même r elle va mourir : on dirait qu'elle n'est pas éprise d'une. seule passion , mais que son aitie est le rendez-vous de toutes les passions. Voulez - vous deux autres exemples de pathétique; prenez votre Racine, vous les trouverez dans les discours d'Andromaque et d'Hermione à Pyrrhus : le premier est dans la troisième scène du troisième acte d'Andromaque : 1
Seigneur, voyez l'état où vous me réduisez! etc.
Et le second , dans la cinquième scène du quatrième acte : " "
Je ne t'ai ppint aimé, cruel ! qu'ai-je donc fait? etc.
Rien encore ne fait mieux voir combien le pathétique acquiert de sublime, que ce que Phèdre dit, acte, quatrième, scène sixième , après qu'instruite par Thésée qu'Hippolyte aime Aricie , elle est en proie à la jalousie la plus violente :
Ah! douleur non encore éprouvée !
A quel nouveau tourment je me suis réservée ! etc.
Enfin la scène entière, car il n'y a rien à en retrancher. Aussi est-ce , à notre avis , le morceau de pas-, sion le plus parfait qu'il y ait dans tout Racine ; mais c'est surtout le choix et l'entassement des circonstances d'un grand objet qui forment le plus beau pathétique. '
PATRAT ( JosEPH), auteur et acteur, né à Arles, en 1732, mort à Paris en 1801.
Il est auteur des Méprises par ressemblance, de
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l'Heureuse Erreur, du Fou raisonnable , des Deux Frères, des Déguisemcns amoureux, du Conciliateur à la mode , des Deux Morts, ou la Ressemblance, d'Adélaïde et Mirval, du Point-d' Honneur, du. Complot inutile , etc.
PATRAT ( MUe ) , fille du précédent, actrice-du
Théâtre-Français, 1810.
Cette actrice joue ce qu'on appelle les utilités; elle a du zèle etisurtout beaucoup de complaisance. " :
PATU (Claude-Pierre ) avocat en parlement, auteur'dramatique ^ né à Paris en 1729, mort'en 1757. Cet auteur a publié deùx:;volumes de pièces du théâtre anglais II a composé en société, avec PorteLanéé, les Adieux 'dri Goût. Cette pièce fait regretter que la mort ait arrêté jeune auteur dans une carrière' qu'il aurait parcourue avec di'autant plus dë succès , qu'il avait du zèle ét, des. dispositions. Son amour pour les lettres lui fit entreprendre, avec M- Palissot,' le voyage de Ferney pour y voir Voltaire : les deux voyageurs furent reçus comme des jeunes gens qui méritaient d'être encouragés. Patu passa ensuite eh; Italie, où il fut reçu à l'académie des Arcades ; mais en revenant en France, il fut obligé de' s'arrêter à Saint-Jean de Maurienne, où il mourut d'une ma- ladie de poitrine. >•
PAUL (M.), acteur du Théâtre-Feydeau , iSio. Ce jeune acteur se distingue par beaucoup de zèle : il a de l'intelligence et du naturel ; il dit bien et chante agréablement..
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PAUL (Mad. ), actrice du Théâtre - Feydeau, gpousç de l'acteur précédente 1610; ; ' y
, Fille d'un acteur long-tems et justement, chéri dii public, Mlle Michu méritait qu'on s'intéressât à sà jeunesse. Elle fut donc accueillie et encouragée 5 mais peut-être serait-il possible à ses camarades de faire plus pour elle qu'ils n'ont fait jusqu'à œ jour. '1
PAUL ET VIRGINIE » comédie en trois actes j mêlée d'ariettes, par M. Favières 4 musique dé Kreutzer, aux Italiens, 179 I. ; r * f, L'auteur p'est peu écarté dé l'histoire , 'ffiiis il en a changé le dénouement. L'action commence au moment où Paul et Virginie s'égarent dans leur promenade. Ils rencontrent un noir qui fuit son maître * parce qu'il l'a vendu sans ses ènfans. Ce malheu- reux est accablé de fatigue et de faim. Le maître arrive, est bientôt attendri par l'ingénuité des amans, et pardonne à son esclave. La lassitude dé Virginia est déjà grande.: comment retourner à sa case? Domingo $ nègre de la maison , les trouve par te moyen du petit chifen fidèle qui a suivi leurs traces l fet leur dit que leurs mères sont fort inquiètes de leur absence. Les nègres, dont le camarade a été secourii par Paul et Virginie j accourent offrir leurs services $ pour franchir le torrent ; ils font asseoir Virginie sur des branches d'arbres , et la portent ainsi chez sa ^ mère. $
$• Celles-ci, comme nous venons de le dire , sont fort inquiètes; mais ce qui les afflige le plus, c est que la mère dé Virginie vient de recevoir une lettre d'une parente riche qui demande absolument Virginie, et
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qui ne veut lui donner son bien qu'autant qu'elle se rendra près d'elle. En vain M. de là Bourdonnais s'offre d'en prendre soin comme de sa fille. Virginie est au désespoir lorsqu'elle apprend qu'il faut quitter sa mère et Paul. Enfin on la détermine à partir : Paul veut la suivre , veut se jeter à la mer ; on les arraéhe l'un à l'autre. Virginie s'embarque... Cette finale ressemble, pour lés effèts et les tableaux, à celle du premier acte d' Alexis et Justine. *
Le. troisièm-e acte est presque tout en pantomime. C'est l'esquisse du déchirant tableau de l'orage, si bien . décrit par Bernardin de S. Pierre : il se passe au départ de Virginie, et non à son rètour de France. Paul 7* qui est monté sur un rocher, aperçoit le naufrage - du vaisseau sur lequel est Virginie , se jette à la mer, la sauve et l'apporte dans ses bras. Ce n'est pae là Virginie. mourant victime de sa pudeur ; mais cette scène ne produit pas moins un grand effet.
Quelque bien écrit que puisse être l'ouvrage, il est au-dessous du style , tout à la fois simple et élevé 7 de l'original : enfin, cette comédie pouvait avoir besoin des noms imposans de Paul et Virginie, pour obtenir le succès brillant qu'elle eut" à la représentation. Quant à la musique , elle fut très-applaudie. r : -
PAULIN ( Louis ) , acteur dé la Comédie-Fran-
çaise , mort en 1770. ?
Fils d'un maître maçon , Paulin se sentant peu de ** disposition pour le métier de son père, s'engagea dans un régiment de dragons à l'âge de: dix-sept ans. Bientôt dégoûté du métier des armes, il quitta son régiment pour s'engager .i à: Lyoa, dans- une troupe
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| de comédiens où il remplissait l'emploi des utilitèsi De cet emploi subalterne , il, passa bientôt à celui des premiers amoureux et aux premiers rôles tragiques. Enhardi par ses succès en province, il osa se promettre des succès sur le théâtre de la capitale, ou il débuta, en 174 l, par le rôle de Rhadamiste. Mais, avec une physionomie propre aux rôles de tyran , il manquaitd^s autres moyens pour les faire valoir. Ilquitta donc le diadème et le sceptre pour prendre l'habit de paysan ; il fut alors parfaitement à sa place , et remplit avecsuccèscetemploi, vacant parla mort deMontmenyi Si l'on s'en rapporte aux journaux du tems, il manquait de liant dans le débit, et de mobilité dans la physionomie , ce qui ne l'empêcha pas de se soutenir dans les pièces de d'Ancourt et de Dufresny ; mais il ne soutint pas le parallèle, qu'on pouvait faire de son jeu avec celui de son prédécesseur. On trouve, dans l'Almanach des Théâtres, un quatrain que nous allons citer, et qui contient de lui un éloge trop outré : r
• ^ t Quand je te vois d'un roi faire le personnage , r Paulin , je crois être à la Cour ; Quand je te vois un autre jour
Faire le paysan , je crois être au village..
PAULIN ET VIRGINIE, drame lyrique en trois actes, par ***, musique de le Sueur , au théâtre Feydeau, 1794. u > $ j «.
Le fond de cet ouvrage est le même que celui de Paul et Virginie, représenté à l'Opéra — Comique. Ici c'est une jeune négresse, dont Paulin et Virginie vont solliciter la grâce. On trouvé un épisode d'amour entre le nègre qui sert les jeunes colons et une fille
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blanche qui est au service dé la mère de Virginie. Enfin Virginie ne s'embarque pas ; elle est arrachée des mains du capitaine par des espèces de sauvages qui font sauter le vaisseau. Cet épisode ne nous paraît point très-heureux; il interrompt l'intérêt, qui veut se porter tout entier sur les deux principaux personnages. 7 -• ..•
La musique a du nombre et de la richesse.
PAULIN ET CLAIRETTE, ou LES DEUX EsPIÈGLES , comédie en deux actes, paroles et musique de Dezède , au Théâtre-Français, 1792- V
* Puisqu'on donnait des tragédies au Palais-Royal, le Théâtre-Français pouvait bien donner des .ppéras comiques, car c'est dans cette dernière classe qu7il faut ranger la petite pièce de Paulin et Clairette.
Mad. Valentin ne veut pas que sa fille .épouse Paulin, parce qu'il s'est moqué de son protégé qui est un niais gommé Subtil. Les espiégleries de^ Paulin , qui toutes ont pour but de chercher à voir Clairette, consistent à s'échapper par une lucarne d'une chambre où on l'a renfermé ; à s'introduire dans le logis par une fenêtre , tandis que la grand'mère s'endort ; à se cacher dans une armoire , etc. Tout cela n'est pas neuf. Les scènes sont trop multipliées pour un fond aussi léger , et la gaîté estr portée un peu trop loin dans quelques détails de cette pièce T qui obtint du succès.. ^ >
PAULINE ET HENRI, comédie en un acte, en prose , mêlée d'ariettes, par M. Boutillier, musique de M. Righel, à Feydeau, 1794.
Simon, vicaire d'une paroisse, est venu habiter le
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presbytère vacant par la mort du curé. Il y a trouvé une jsomme de trente-deux mille francs, qu'il va déposer à la municipalité. Ce trait de délicatesse est d'autant plus beau, qu'il est très-pauvre, et qu'il a beaucoup 1 de peine à subvenir aux besoins de son père, de sa sœur et de ses nièces. Pauliné, qui est l'aînée de ces deux aimables nièces, est promise à Henry, et les fiançailles vont se faire, lorsque le père du jeune homme vient trouver le vicaire et lui fait des reproches de ce qu'il a remis la somme trouvée : il en est tellement fâché , qu'il ne veut plus de Pauline pour sa bru. Cependant un officier, accompagné de gardes, vient le sommer, de la part du maire, de se rendre à la municipalité. Déjà toute la famille de l'honnête vicaire est plongée dans la plus profonde tristesse; mais bientôt des cris de joie succèdent à la douleur. Le maire n'a voulu que l'éprouver, et tous, d'une voix unanime, l'ont élu curé de la commune. On fait plus, on lui rend les trente-deux mille francs, qui servent à cimenter'le bonheur de sa famille et à faire le mariage des deux amans. Le fond de cette pièce est un peu embarrassé , mais il est très-moral : le procédé du maire, quoique excellent, n'en est pas moins invraisemblable.
i '
PAULINE ET VALMONT, comédie en deux actes, en prose, par Bodard, aux Italiens , 1787.
Ce sujet était difficile à mettre au théâtre, et n'y a paru jusqu'ici que pour en disparaître presque aussitôt. La marche de cette comédie est à peu près la même que celle du conte ; mais l'auteur a su la 1 rendre plus dramatique, en y réunissant quelques
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-situations de Nanine et de Lucile. Le tout se termine comme dans le conte : le père de Pauline la retrouve, et veut la reconduire au village. Les. remords de V-almont, son amour vrai pour Pauline, sa proposition de l'épouser, ramènent le vieillard , qui consent, par honneur, à un mariage qu'il aurait toujours refusé par raison.
PAULINE , ou LA FILLE NATURELLE ; comédie en deux actes, envers, par Mad. de Fleurieu , aux Français, 1791.
Une pièce allemande , intitulée Le voilà pris , a fourni à Mad. de Fleurieu le sujet de Pauline. Nous avons trois autres pièces SUT le même sujet, parmi lesquelles on distingue celle de M. Radet, jouée au Vaudeville en 1796.
Une jeune femme , ayant découvert une fille naturelle de son mari, a des entretiens secrets avec un des amis de ce dernier , qui , loin de soupçonner le motif de ces entretiens secrets , en devient jaloux , et, sans autrre explication , lui propose un cartel. Cependant cette jeune femme a fait venir Pauline, dans le dessein de la marier : elle la renferme dans un cabinet;, le mari arrive , et voit sur la table l'acte de naissance de Pauline que sa femme y a laissé ; enfin il entre dans le cabinet, reconnaît sa fille, et s'efforce de réparer ses torts envers elle : coupable envers sa femme et son ami, il sollicite et obtient son pardon.
On trouve dans cette petite pièce des détails agréables, toutefois elle n'eut qu'un léger succès.
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PAUSANIAS, tragédie en cinq actes et en vers, par Quinault, 1666.
Après avoir remporté une victoire éclatante sur les Persans , Pausanias, roi des Lacédémoniens, rentre en Grèce. Demarate attend le héros qu'elle aime dans l'espoir de lui donner sa main ; mais Pausanias lui préfère une prisonnière, fille d'un prince qu'il a condamné au dernier supplice. C'est à l'invitation de Demarate qu'il a retiré cette princesse dans son palais , ou elle vit comblée, de ses soins, sous le nom de Cléonice. Il en devient bientôt éperdûment amoureux, et , malgré qu'il'n'ait point l'espoir de toucher le coeur d'une femme dont il a fait périr le père, il ne laisse pas de renoncer à la main de Demarate. Celle-ci, Surprise de sa froideur, soupçonne son amour, le découvre, et jure de le ramener à elle, ou de se venger d'une manière éclatante. D'un autre côté, Créon d'Athènes ? dispute Cléonice & Pausanias, qui cependant finit par la conserver à la faveur du créait d'Aristide ; , fort satisfait de lui laisser cette séduisante princesse, pour laquelle il connaît son amour , qui ne peut manquer de le rendre odieux à la Grèce entière , et conséquemment de faire passer de Sparte à Athènes l'empire de la Grèce. Pausanias n'est point arrêté par tànt de aifficultés : dès qu'il se sait le maître de Cléonice, il lui rend la liberté et lui déclare sa flamme'. La princesse, loin de rejeter les vœux du meurtrier de son père, les reçoit au contraire avec empressement. Demarate, qui se fait instruire de tout par des moyens artificieux , cherche à ramener son amant en feignant une générosité bien loin de son cœur ; c'est-à-dire, qu'elle paraît vouloir faire le bonheur de Pausanias, : en lui
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sacrifiant le sien propre. Un si noble sacrifice touche le cœur du guerrier, qui, encore incertain sur l'amour de Cléonice , se résout à la renvoyer , et à, épouser Demarate. Il va dire un dernier adieu à sa prisonnière ; mais, à l'aspect de ses charmes ,-et lorsqu'il a entendu l'aveu de sa tendresse , il est plus que jamais déterminé à la retenir et à l'épouser. C'est alors que Demarate furieuse , mais toujours dissimulée , prend le parti de se venger. Elle met dans sa confidence Aristide et Créon. Les Grecs soulevés contre Pausanias, exigent qu'il renvoie Cléonice ; mais il aime mieux renoncer à l'Empire qu'à son amante. Il se résout donc à quitter le trône , et à chercher un asile avec elle à la cour des Perses; bientôt les Grecs veulent arracher cette étrangère odieuse du palais de leur roi : dans cette extrémité Pausanias la confie à Demarate, qui, sous le prétexte de la dérober à ses persécuteurs, la fait déguiser en homme. Ainsi déguisée elle la conduit la nuit, et sans lumière, dans la chambre de Pausanias, et lui fait croire que c'est Créon. Pausanias, furieux, se lève, saisit son épée et en perce sa maîtresse , en croyant frapper son rival. Il reste long-tems dans cette incertitude ; mais enfin Demarate, pour mettre le comble à sa vengeance , vient lui révéler ce fatal secret; après quoi elle saisit cette même épée et va se donner la mort dans son appartement. Enfin on rapporte le fer sanglant ; et, pour terminer cette catastrophe , Pausanias se l'enfonce dans le sein et expire lui-même.
Tous les ressorts de cette tragédie sont du domaine de Thalie , et sont loin de pouvoir convenir à Melpomène; d'ailleurs cette intrigue est embrouillée et surchargée d'incidens inutiles, au travers desquels on n'aperçoit
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clairement aucun caractère, aucune passion bien prononcée. Enfin celte pièce n'a rien de tragique que son épouvantable dénouement.
PAUVRE FEMME ( la ) , opéra en un acte, par
M. Marsollier, 1794.
Une femme indigente a sauvé de la rage des terroristes deux infortunées qu'elle a cachées : elle leur prodigue les soins les plus tendres; mais ses ressources sont bientôt épuisées, et elle est à la veille de les laisser manquer de tout. Cependant un inconnu vient réclamer un porte-feuille qu'il a confié à cette pauvre femme et à son défunt mari ; elle le lui rend, et en reçoit une somme qu'elle veut faire accepter à ses hôtes. Au milieu des témoignages de reconnaissance de celles-ci, l'inconnu revient et retrouve sa femme dans l'une des deux victimes que cette pauvre femme a soustraites à la proscription. (
On trouve dans cet ouvrage, dont le fond est léger y de l'intérêt et des détails très-touchans. »
PAYSAN MAGISTRAT ( le ) , drame en cinq actes, en prose, par Collot d'Herbois , aux Français, 1789. - • v
Cette pièce est une imitation d'un drame de Calderon , intitulé l' Alcade de Zalamea , ou le Viol puni. '
Dans la pièce espagnole, un capitaine nommé don Alvare, enlève et viole la fille du paysan Pedro Crespo. Poursuivi par le fils de ce paysan, il est
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arrêté et conduit en prison. Dans cette conjoncture + Crespo est élevé à la dignité d'alcade, et, au lieu devenger par le sang " l'injure faite à sa famille, il propose à don Alvare de la réparer en épousant sa fille ; mais le fier Espagnol s'y refuse, et implore le secourt de sa famille qui obtient pour lui des lettres de grâce. Soins tardifs! il est déjà exécuté lorsqu'elles arrivent.
Collot d'Herbois a changé le viol en un simple rapt ; il a fait de don Alvare, qu'il nomme don Louis,, un jeune homme sensible et généreux, seulement subjugué par l'ascendant d'une passion irrésistible , et il termine sa pièce par un mariage. Cette comédie manque d'intérêt et de mouvement ; elle est d'ailleurs fort mal écrite.
PAYSANS DE QUALITÉ ( les ), comédie en un, acte, en prose, précédée d'un prologue, par Domi- nique et Romagnésy , aux Italiens, 1729.
Une jardinière , pour assurer une fortune brillante, à sa fille , l'avait substituée à la place de là fille d'Oronte.. Celle-ci a donc été élevée chez elle sous le nom de
Colette; et, en cette qualité, a pris de l'amour pour Mathurin. Ce Mathurin est aussi un enfant de condition , que le père avait confié au tabellion, et qu'on avait élevé comme un paysan. Lucinde est la vraie fille de la jardinière élevée en demoiselle, dont Eraste est amoureux, et qu'il doit épouser, comme Mathurin doit épouser Colette. Celle-ci dit à Mathurin , qu'elle est aussi impatiente que lui, mais qu'il faut aller tout doucement; que quand sa mère ne sera plus malade, ou quand elle sera tout-à-fait morte,
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Ils s'épouseront. Elle témoigne le chagrin -que lui' cause ce contre-tems ; elle ajoute que mademoiselle Lucinde était venue exprès dans le village, pour' honorer sa noce de la sienne ; qu'elles devaient toutes deux se marier de compagnie.
Eraste et Lucinde apprennent de Colette et de Mathurin la maladie de la jardinière, qui retarde leur union. Lucinde paraît sensible au chagrin de Colette, en lui disant cependant -qu'elle devrait. moins le faire éclater , et que les bienséances l'engagent du moins à cacher son empressement. Le tabellion découvre à Oronte que la jardinière vient de déclarer, par un acte authentique, qu'elle avait substitué sa fille à la place de Colette; et que cette malheureuse n'avait pas voulu ensevelir dans le tombeau un secret de cette importance. En conséquence , on défend à Colette de parler désormais à Mathurin , qui, passant pour le « fils d'un paysan, ne peut plus prétendre à elle. Mais les deux amans se promettent un amour et une constance éternels, malgré l'inégalité de leur cÓndition. Lu- * cinde , 'qui est la véritable fille de la jardinière, informée du changement qui vient de s'opérer dans sa fortune, témoigne à Colette le chagrin qu'elle ressent, d'avoir si mal occupé sa place ; cependant Eraste reçoit de son père une lettre qui lui annonce que ' Mathurin n'est pas 'un paysan ; mais le fruit d'un premier mariage. Dès-lors plus d'obstacle , Mathurin épouse Colette , et Eraste s'unit à Lucinde. * " On donna gratis , en réjouissance de la convalescence du roi, les Paysans de qualité, le Fleuve d'Oubli, et Arlequin toujours Arlequin.
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PÉCHANTRÉ (NICOLAS de), né à Toulouse en i638, mort à Paris en 1708.
Fils d'un chirurgien, Péchantré exerca d'abord la médecine - mais il ne tarda pas à l'abandonner pour la poésie, et, peu de tems après, content mais non satisfait des couronnes qu'il avait obtenues à l'académie des Jeux Floraux, il quitta Toulouse, vint à Paris, où il s'annonça par la tragédie deGéta, jouée en 1687. Cette pièce fut assez favorablement accueillie. Il donna dans la suite deux autres tragédies, Jugurtha, et la Mort de Néron. Enfin il composa pour le collége d'Harcourt la tragédie de Joseph vendu, et celle du Sacrifice dJAbraham.
PÊCHEURS (les), comédie en un acte, mêlée d'ariettes, par un anonyme, musique de Gossec, -aux Italiens, 1766.
La jeune Suzette, fille de Jacques et de Simone, est recherchée en mariage parle bailli du village, et par un prétendu pêcheur, nommé Bernard. Le bailli est vieux, et il ne saurait plaire ; son rival n'a que trente ans , il est aimé de Suzette. La bonté de son vin lui obtient la préférence du bon homme Jacques. Une seule chose arrête ce dernier, c'est que Bernard est étranger et inconnu dans le village.Celui-ci rend compte à Suzette des raisons qui lui font garder l'incognito, Cependant Ambroise, frère de Jacques, vient aussi mettre ce dernier dans le secret ; il est du village même qu'habite ordinairement Bernard, et il connaît les motifs qui l'ont éloigné : c'est pour avoir maltraité avec raison un domestique du château. L'affaire est arrangée : Bernard , dont le nom véritable est Lubin,
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peut désormais retourner chez lui; enfin Ambroise détermine Jacques à lui donner sa fille. Il n'est plus question que de gagner Simone , et ,de congédier le bailli. On ' y parvient avec le secours d'Ambroise, qui suggère à Jacques ce qu'il doit dire, et persuade enfin à Simone ce qu'elle doit faire.
PÉCOURT, danseur de l'Opéra, mort en 1729. Ce danseur célèbre obtint, après la mort de Beauchamp , la direction des ballets de l'Opéra ; il en composa lui-même un assez grand nombre qui lui méritèrent les suffrages du publie.
PÉDAGOGUE AMOUREUX ( le ), comédie en cinq actes, en vers , par Chevalier, i665.
Elise, mère de Cléante, s'oppose au mariage de son fils avec Clarice, parce qu'elle n'est pas noble; et Albert, père de cette dernière, lui défend de songer à Cléante, parce qu'il rr est pas aussi riche qu'il le desire. Pour effacer la passion de son fils, Elise prend la résolution de lui donner un précepteur. Clarice , déguisée en homme, est reçue en, cette qualité chez la mère de son amant. La première question qu'elle adresse à son écolier, est celle de savoir s'il a quelque inclination. Cléante avoue qu'il adore Clarice, et qu'il l'aimera toujours, malgré les défenses de sa mère. Le précepteur, charmé de cette découverte, fortifie le jeune homme dans cette pensée , et lui dit qu'il veut être son confident. Le dénouement est facile à deviner:
Elise et Albert., voyant que tous leurs efforts ne peuvent empêcher l'union de Cléante et de Clarice,
y donnent leur çonsentement. Cette intrigue est
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coupée par l'épisode de Clitandre et de Céliane, fille de Maurice, qu'Albert recherche en mariage; Clitandre prévient son rival en enlevant sa maîtresse, et obtient l'aveu du père. Croquet épouse Isabelle , suivante de Clarice ; et Climène , suivante de, Céliane, se marie avec Ragotin, laquais de Clitandre.'
PÉDANT JOUÉ (le ), comédie en cinq actes, en prose, par Cyrano de Bergerac, 1654-
On croit que Bergerac composa cette comédie étant encore au collége de Beauvais, et que Granger, principal de ce collège, fut le modèle de son pédant. Ce qu'il y a de certain, c*est que Molière s'appropria deut ou trois scènes de cette pièce , que l'on retrouve dans les Fourberies de Scapin. En général ce grand homme prend presque toujours pour modèle de ses Pierrots et de ses Lucas, le Mathieu Garreau de Bergerac, paysan qui fait d'une manière fort énigmatique le détail d'un procès dont il attend tout son bien. On prétend qu'un habile avocat s'étant donné la peine de deviner l'énigme, reconnut que le paysan avait raison, et que le bien, devait lui appartenir. Au reste le Pédant joué est la première pièce ou l'on ait osé hasarder un paysan avec le jargon de son village ; c'est aussi la première comédie en prose qui ait paru.
PEINES ET LES PLAISIRS DE L'AMOUR
(les), pastorale héroïque, en cinq actes, en vers ; par Gilbert, à l'Opéra, 1672.
" Le désespoir qu'inspire la mort de Célimène , son amante, qu'Astérie sa rivale a précipitée dàns la tombe} les larmes 7 les tendres regrets d'Apollon,
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telles sont les peines de l'amour. Le fils de Vénus sensible à ses chagrins, rend la vie à Célimène; c'est ce bonheur inespéré qui remplit la seconde partie du titre de cette pièce. Apollon, dans le transport de sa joie, accorde à Célimène la grâce de sa rivale, et la cède au dieu Pan.
I
PEINTRE AMOUREUX DE SON MODÈLE
(le), comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, par Anseaume, musique de Duni, àla Foire Saint-Laurent, 1757.Alberti, peintre, est amoureux de Laurette, jeune personne qui doit lui servir de modèle pour composer un tableau de Vénus ; mais Alberti est vieux, et a pour rival le jeune Zerbin , son élève. Celui-ci ignore la de-, meure et jusqu'au nom de celle qu'il aime. Il ignore qu'elle doit se rendre chez Alberti , et n'est pas moins surpris qu'enchanté de l'y voir, paroître. Un ordre d'Alberti l'oblige de s'éloigner : il en gémit, et va se mettre au guet avec Justine , vieille gouvernante du peintre. Ce dernier saisit ce moment pour déclarer sa flamme à Laurette , qui n'en est point touchée.
Alberti insiste ; il veut baiser la main de Laurette: celle-ci s'en défend. Il est surpris dans cette attitude par Zerbin et Justine ; ce qui produit un quatuor d'un très-bon effet. Le second acte offre un tableau extrêmement théâtral. Alberti veut commencer son travail ; f il place Laurette dans l'attitude convenable. Zerbin se place derrière elle, prend une main de sa maîtresse ,
et la baise. Dès que le peintre s'en aperçoit, il se fâche et fait beaucoup de bruit; mais à la fin il se décide à unir les jeunes amans, et à épouser sa vieille 'gouvernante,
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Celte pièce est agréable et bien conduite. Duni, qui était alors attaché à la Cour de Parme, témoigna le desir de composer sur des paroles françaises. Pour le satisfaire , Monnet , directeur de, l'Opéra de la Foire. Saint-Laurent , Lui adressa les paroles du Peintre amoureux de son Modèle, sans lui déguiser la crainte -qu'il avait que la musique italienne ne pût convenir à des paroles françaises. Toutefois Duni.se mit à l'ouivrage , et, sans s'arrêter aux difficultés ^ termina heureusement celui-ci, vint à Paris, le fit jouer, et fixa le goût des Français pour la musique italienne.
PÈLERINE iVMQUREUSE(la), tragi-comédie
,<en cinq actes en ver?,, .par Rotrou, 1634
, .Cette pèlerine vient chercher, de Lyon -à Florence r un amant infidèle, luixeproche sa perfi.die, la lui pare, adonne et l'épouse. Le comique de la pièce roule sur les extravagances d'une "Florentine, qui, pour tromper son père dans le choix d'un époux ,s'imagine être la
.Lune : ceci donne lieu à des plaisanteries qui pouvaient être bonnes il y a deux»cents ans.
s j
< PÈLERINS DE LA MECQUE ( les ), opéracomique ,en trois actes, par Le Sage et d'Orneval. à la Foire Saint-Laurent, 1726. '
Arlequin, -valet,d'Ali, prince de Balsora, maudit l'amour, qui, depuis deux ans, fait courir son maître de province en province , et le réduit à; la mendicité. Un Calender qu'il rencontre l'invite à quitter son maître et à embrasser sa profession. Arlequin accepte avec joie ;la proposition ;;, et, à l'instant,,il est revêtu d'une robe que le. Calender portait dans sa besace. Ainsi dé-
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guisé, Arlequin va demander l'aumône à son ancien maître , qui le reconnaît à la fin De son côté, le Calender reconnaît aussi :le prince de Balsora, dont il est né le sujet, et dont il a quitté le pays pour une mauvaise affaire. Arlequin lui apprend alors qu'Ali est amoureux de Rezia, fille unique du Sophi, et que cette princesse, qui l'aime, a ;mieuk aimé mourir que d'épouser le Grand-Mogol. Cependant un esclave: vient dire à Ali qu'il a touché le cœur d'une belle , qui l'a vu par les fenêtres du Sérail. Cette inconnue est aimée du sultan à qui elle préfère Ali; mais Ali, toujours fidèle à la mémoire de Rezia , refuse les avances d'Aminé: c'est le nom de l'inconnue. Celle-ci paroît, et déclare sa tendresse ; Ali répond avec froideur , et ne lui cache point qu'il ne peut oublier sa première maîtresse. Rezia , qu'il croyait morte, se présente à lui : après les premiers transports, elle lui apprend qu'elle a feint d'être morte, pour ne pas épouser le Mogol, et qu'avec le secours de sa nourrice elle a trouvé le moyen de s'échapper du Sérail pour le suivre ; mais qu'elle a été prise par uni Corsaire, qui l'a vendue au sultan. Ces amans remettent leur sort entre les mains du Calender, qui les trahit, et les l'ivre au sultan; mais celui-ci , apprenant leur naissance et leur amour, leur pardonne , et veut faire empaler le Calender. Ali et Rezia demandent et obtiennent sa grâce. "*
PÉLICIER ( Mad.), actrice du Théâtre-Français,
1810.
Cette actrice remplissait l'emploi des duègnes à l'Odéon ; son admission au Théâtre-Français prouve qu'elle était digne des applaudissemens que les con-
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jiaisseurs se plaisaient à lui prodiguer. En un mot, elle réunit à beaucoup d'intelligence -et d'aplomb, une physionomie expressive et une diction correcte.
PÉLISSIER ( Mad. ), actrice ;de l'Opéra de Paris , où elle avait acquis une célébrité justement méritée, le quitta pour celui de Rouen, dont elle avait épousé l'entrepreneur. Enfin elle revint à Paris, où elle n'était point encore oubliée, et où elle fut reçue avec le plus .grand plaisir. Un jour qu'elle jouait dans le ballet des Sens, elle reçut les vers suivans :
Pelis^ier, flatteuse Sirène ,
Non, jamais au théâtre on n'a mieux exprimé
Le plaisir, la douleur, la tendresse et la haine ;
En toi, jusqu'à la mort, tout parait ânimé.
Ou dirpit , ,à tje voir dans les flots de Neptune >
T'élancer, voler au trépas, .
Qu'un triton à bo,nne fortune
Va te recevoir dans ses bras.
-PELLEGRIN (SIMON-JOSEPH), né en I665, mort en
Marseille vit naître cet illustre abbé, et le vit entrer dans l'ordre des religieux servîtes ; mais la vie des cénobites pouvait-elle convenir à un esprit de sa trempa? D es murs de son cloître il s'élança sur un vaisseau, y fut reçu comme aumônier, et fit plusieurs courses. Ce ne fut qu'à son retour qu'il soupçonna son talent poétique *, il en fit l'essai dans une épître qui remporta, en 1704, le prix de l'Académie française; dans cette épître , l'auteur félicite le roi du glorieux succès de ses armes. Il avait envoyé en même tems une ode qui balança le prix pendant quelque tems, de sorte qu'il
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eut l'honneur d'être le rival de lui-même. Cette singularité, l'ayant fait connaître à la cour , lui valut la protection de madame de Maintenon.,: qui lui fit obtenir un bref de translation dans l'ordre de Cluni.
Dès-lors il vécut librement, et se fixa dans Paris, où, pour augmenter ses revenus, il ouvrit un bureau d'épigrammes, de madrigaux, d'épithalames, de cômplimens, qu'il vendit Selon le nombré et la mesure des vers. Cette.,.espèce; de. manufacture ne se soutint pas long-tems, et Pellegrin fut obligé.de recourir.à d'autres moyens. Il travailla pour les différens théâtres de Paris, et surtout pour celui de l'Opéra-Comique. Le cardinal de Noailles, qui n'entendait pas raillerie, lui proposa d'opter entre la scène et l'autel. L'abbé voulut dire la messe et faire des, comédies; mais le cardinal le priva de l'autel et lui laissa le théâtre. Pour le dédommager des revenus qu'il tirait de l'église, ses protecteurs lui procurèrent une pension sur le Mercure : ce qui le mit à même d'exister et de donner des secours à sa famille. A ce sujet, Boileau qui n'épargnait personne, fit contre lui les deux vers suivant:
Le matin catholique , et le soir Idolâtre,
; Il dîne de Pautel et soupe du théâtre.
Ces vers ne prouvent autre chose , sinon que Boileau avait beaucoup d'esprit, et qu'il était jaloux de tous ceux qui avaient des pensions
Pellegrin a fait sur les points les plus, importans de la religion et de la morale , des cantiques spirituels qui ne sont pas sans mérite. Il a. donné aussi un e traduction des OEuvres d'Horace, contre laquelle Lamonnaie lança cette^épigramme ç
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On devrait, soit dit entre nous,
À deux divinités offrir tes deux Horaces ;
Le latin à Vénus , la déesse des Grâces,
Et le français à son époux.
Les ouvrages dont nous venons de parler ne sont pas les plus beaux titres de Pellegrin à la gloire ; ils ne lui assureraient pas même une ,place dans ce Dictionnaire, s'il n'eût fait un grand nombre de pièces de théâtre, parmi lesquelles on peut citer la comédie du Nouveait - Monde, l'opéra de Jephté, la tragédie de Pélopée, et une foule d'autres, dont il serait trop long de rapporter les titres. Voici son épitaphe :
Enfin l'auteur du Noupeau-Monde
Vient de partir pour l'autre monde ;
Muse, tous vos projets sont ici superflus :
Passans , dites pour lui ce qu'il ne disait plus ;
Pater, Ape.
Au reste, l'abbé Pellegrin fut l'objet de beaucoup d'autres épigrammes , que sans doule il ne méritait pas, car c'était bien le meilleur homme du monde.
PELLETIER. — Iladonné aux Italiens, en 1763, une comédie en un acte, mêlée d'ariettes, intitulée Z éli et Zélindor, et il a fait imprimer une tragédie de Balthasar.
PÉLOPÉE, tragédie de l'abbé Pellegrin, 1733..' L'abbé Pellegrin se promenant au Luxembourg r avec un de ses amis, vit une feuille de papier qui contenait un modèle d'écriture sur lequel il n'y avait que des P ; l'ami ramassa cette feuille , et dit à l'abbé : Devinez ce que veulent dire toutes ces lettres?,
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— C'est % répondit l'abbé , la leçon qu'un maître à écrire a donnée à son élève, ét que le vent a fait voler à nos pieds. Vous vous trompez, dit son ami : voici le sens de cette longue abréviation : tous ces P signifient Pèlàpée, piêcè pitoyable, par Pellegrin , poëte,
pauvre prêtre provetiçal.
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- I PÉLOPIDES (les), ou ATRÉE ËT THYESTETJ tragédie e'n cinq 'actes, en vers, par Voltaire > 1772.
Cette pièce n'est pas indigne de son immortel auteur ; toutefois elle est bien Inférieure aux bonnes tragédies de Voltaire : c'est l'inittiitié d'Atrée et de. Thyeste, qui en a fourni le fond mais ce sujet, quelque terrible qu'il soit ici, l'est pourtant beaucoup moins que dans la tragédie de 1 Crébillon , qui l'avait
mis en scène avant Voltaire. -
Thyeste, furieux de la préférence qu'avoit accordée à son frère , Eurystée père dOErope, enleva l'épouse d'Atrée ; et , potfr diminuer l'horreur de son crime , ^ s'unit 'Secrètement avec elle il devint d'autant plus cher à QErope qu'il était aimé avant qu'un père in- # sensé'et barbare forçât cette princesse à donner sa main au frère de son amant. Quoi qu'il en .soit, Hippodamie Veut rapprocher ses fils, et OErope doit devenir le gage de la paix. Trop confiante Hippodamie, crois-tu que l'amoureux Thyeste puisse consentir à sacrifier une femme qu'il adore , et dont il est payé du plus tendre > retour, surtout lorsqu'un fils est le gage dè sa ten- ^ 'dr esse? Non : dussent les plus grands de tous les maux tomber sur sa coupable 'fête. Penses-tu, femme crédule, mère infortunée , que le sombre et féroce Atrée puisée pairdonner l'outrage qu'ont reçu ses feux ?
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tremble i cé calme apparent est précurseur de la plus affreuse tempête ! Ah ! sans doute, Thyeste chérittrop son crime pour cesser d'être criminel; 1'.ame d'Atrée est trop altière pour pardonner à son frère» Qu'arrive-t-il enfin ? que ce frère atroce et' dénaturé fait égorger le fils de Thyeste et dOErope, et remplit unecoupe de son sang. Mais la femme , qui était dépositaire de cette innocente créature , accourt éperdue , et arrive à tems pour empêcher Thyeste de s'abreuver du sang de son fils. Ne pouvant s'égorger l'un et l'autre, Thyeste se tue , et Atrée, selon les apparences , meurt enragé.
PÉNÉLOPE, tragédie, par l'abbé Genest, i684. Ce sujet a fourni l'idée de toutes les vertus qui sont l'ame de la société civile ; les devoirs d'un sujet envers son roi, d'une femme envers son mari, d'un fils envers son père : tout cela enchaîné par des évènemens et des reconnaissances qui naissent simplement et naturellement dans le cours de l'action , et qui font toujours les impressions les plus vives et les plus touchantes.
Découragé par le mauvais succès de sa tragédie, qui n'eut que six représentations, l'abbé Genest n'osa en hasarder l'impression; etpeut-être le public aurait-il été privé de cette pièce, si l'on ne l'avait dérobée à son auteur , et si l'on ne l'avait fait paraître sous le nom de La Fontaine dans une édition des œuvres de théâtre de ce dernier, imprimée en Hollande. Cet évènement et la justice qu'on rendit au véritable auteur de cette pièce engagèrent l'abbé Genest à la faire imprimer sous son nom , et à la dédier à madame la duchesse d'Orléans.
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PÉNÉLOPE, opéra en trois actes, par Marmontel. musique de Piccini, à l'Opéra, 1785.
)Le sujet de cette pièce est tiré de l'Odyssée. Tout le monde sait qu'après la prise de Troie les vaisseaux des Grecs furent dispersés, et qu'Ulysse erra long - tems avant de pouvoir rentrer dans ses Etats ; que Télémaque, son fils , s'embarqua, pour tâcher d'apprendre des nouvelles d'un héros dont le sort ne pouvait être ignoré ; que les nombreux amans de Pénélope s'étaient emparés du palais d'Ulysse , et persécutaient cette femme fidèle et vertueuse , en attendant qu'elle voulût choisir l'un d'eux pour époux , lorsque Ulysse,' échappé du naufrage, aborda les rives d'Ithaque. Enfin, on connaît la dissimulation et la vengeance de ce héros, qui forment la catastrophe de ce poëme, qui mérite des éloges tant pour la sagesse du plan , que pour la distribution des évènemens. Il offre d'ailleurs une versi- ' fication élégante, harmonieuse,.et plus soignée qu'elle ne l'est ordinairement dans les ouvrages de ce genre. La musique est digne des suffrages qu'elle obtint : elle fut vivement et justement applaudie.
PÈRE AVEUGLE (le), comédie en deux actes, en prose, par M. Charlemagne, 1794.
Verseuil séduit une jeune villageoise, et l'emmène dans la capitale. Depuis long-tems on ignore ce qu'ils sont devenus. Le père de Julienne en éprouve un si violent chagrin, il verse tant de larmes, qu'il en devient aveugle : il succomberait à ses douleurs , si deux jeunes enfans qui lui restent, ne le rappelaient à chaque instant à la vie par leurs innocentes caresses. Cependant, ce bon père ayant appris que sa fille était à Paris, part pour cette ville, guidé par ses autres enfans y
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afin del'arracherdes bras du vice. Georgette conduit son père, Alexis porte le bissac, et ces deux aimables enfans sont continuellement occupés à soulager leur père , et à le consoler de l'ingratitude de leur sœur aînée.
Ce groupe intéressant arrive à la porte de l'auberge d'un bourg situé sur la route de Moulins à Paris ; mais cette auberge est;de grande apparence, et le vieillard et ses enfans ont si peu de moyens! L'aubergiste , qui doit sa fortune à la bienfaisance d'un homme qui lui donna cent écus, s'intéresse à ces malheureux , et les force à entrer sous son toit hospitalier. Là sont logés un jeune homme avec une dame, environnés de tout ce qui annonce l'opulence. Julienne , r car c'est elle qui se trouve à pointnommé, accablée de chagrins, dévorée de remords , maudit l'instant qui l'arracha des bras de son père, et en fait les plus cruels reproches à son séducteur. C'est pour aller se jeter aux pieds de ce bon père, qu'elle s'est mise en voyage. Pendant qu'elle se livre aux réflexions les plus inquiétantes, Alexis et Georgette entrent dans la salle. Elle les voit, veut approcher pour se jeter dans leurs brns; mais la sensation que cette rencontre imprévue lui^cause est si vive, que ses genoux chancellent , et qu'elle tombe sans connaissance dans les bras de son amant.
Revenue à elle,-le nom de son père est le premier qui agite ses lèvres ; elle veut le voir , embrasser ses genoux, baigner ses pieds des larmes de son repentir ; elle veut voler dans ses bras. « Ah ! dit Georgette, notre » père est ici, mais il dort.— Qu'importe, reprend- » l'intéressant Alexis, quel est le père qui peut être J) fâché qu'on le réveille pour embrasser un de ses » enfans ? » Alexis' et Georgette emmènent Julienne.
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Un père est toujours père , et notre bon vieillard a pardonné à Julienne. Elle s'aperçoit qu'il est aveugle ; c'est elle qui en est la cause : alors elle. se livre à son désespoir ; son père la console en confondant ses larmes avec les siennes. En'faisant l'aveu de' ses fautes, Julienne apprend à son père que Verseuil l'accompagne. « Ne me parle pas de ce séducteur odieux , » s'écrie-t-il avec transport ; c'est, un serpent qui m'a » déchiré le cœur, et dont je voudrais éçraser la tête » sous mes pieds. Ah ! si je voyais encore la lumière » 'du soleil, et qu'un pareil monstre s'offrît à mes M yeux ,* je demanderais au ciel qu'il me privât sur» le-champ de la vue. » • «•*♦> - ■> • 1 f .Verseuil, répandant alors d'abondantes larmes, supplie le vieillard d'oublier ses torts, et de l'admettre au nombre de ses enfans. Doit-il le repousser ? il veut, en répousant, réparer l'honneur de Julienne. Quel est le,père qui ne céderait point à un si puissant motif? Celui-ci se laisse fléchir, et oublie tous ses chagrins en embrassant ses enfans. « >• * ••
Cette pièce respire d'un bout à l'autre les plus purs sentimens de l'humanité, et la morale la plus salutaire s'y trouve développée. Elle obtint le pins grand succès. .... -, .■ ■■
PÈRE DE FAMILLE (le), comédie en éinq actes, en prose , par Diderot, 1761.
' Saint-Albin et Cécile sont les deux enfans du père de famille qui est le principal ^personnage de cette pièce : Cécile aime en secret le fils d'un ami de son père, que ce dernier à fait élever comme son propre fils; Saint-Albih adore une jeune personne qu'il a rencontrée dans son voisinage , quoiqu'il ne. connaisse ni sa
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naissance ni sa famille. Cependant Sophie est issuq d'une bonne famille de la province. On peut être honnête quoique pauvre : la mère de Sophie est dans ce cas. Elle envoie sa fille et so.n fils à Paris, pauy y implorer les secours d'un oncle fort riche qui habita la capitale ; mais il est sourd à leurs prières , ou plutôt, i.\ ne les entend pas., puisqu'il refuse de les voir. Enfin t indigné de la duFet.é de son oncle, le frère s,'es,t engagé 5 et Sophie , pour gagner de quoi s'en retourner cheg elle., entre tout bonnement au service d'une madame Hébert r femme vertueuse , qui la regarde et qui en, prend soin comme de son enfant. Saint-Albin,, voyant qu'il lui serait impossible de la corrompre , s'est déguisé, et, à force dessins, d'égards et de complaisance, a fini par s'introduire auprès de son amante , aux yeux dg laquelle il passç pour un simple Puvrier. Mais à la fin, M. d'Orbesson son père apprepd qu'il s'absente, l'attend, pendant une nuit toute entière, et-le voit rentrer à sept heures du matin, Saint-Albin alors ne pouvant plus rien déguiser à son pèçe, lui avoue son amour, et parvient à le décider à voir Sophie; M. Dorbesson tient, sa promesse, et trouve dans cette jeune personne la douceur, la modestie, la sagesse, la beauté, en un mot, toutes les vertus et tous les charmes que son armant avait remarqués en elle ; mais il lui annonce en même tems que le jeune homme qu'elle aime sous le nom de Sergi est son fils, et qu'elle ne doit point espérer de l'épouser. Enfin il l'exhorte à retourner auprès de sa mère et à rompre une liaison qui trouble sa famille. Ensuite il s'adresse à son fils et lui parle avec une fermeté qui désespère cet amant passionné. Vainement Saipt-Albin a secours aux prières : ses larmes elles-
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mêmes ne peuvent fléchir M. Dorbesson. Enfin il s'oublie au point de manquer de respect à son père ; mais Sophie, plus douce, obéit: elle veut fuir son amant, lui ordonne de se soumettre aux désirs de sa famille, et demande qu'on l'arrache d'auprès de son cher Sergi; celui-ci, dans le fort de son désespoir, forme le dessein d'enlever sa maîtresse et de s'éloigner pour jamais de la maison paternelle. Il confie son projet à Germeuil, c'est ainsi que se nomme l'amant de sa sœur, le conjure de le servir dans cette occasion , et, sur son refus, exige du moins qu'il lui garde le secret. M. Dorbessotl a chez lui le commandeur d'Auvilé, son beau-frère , homme dur et méchant , qui avait amassé de grands biens, dans le dessein de procurer de riches établissemens à son neveu et à sa nièce. Il voit donc avec chagrin l'amour de Germeuil et de Cécile , et surtout la passion de Saint-Alb'in pour Sophie. Il sollicité et obtient une lettre de cachet pour faire en-' lever cette fille, qui, à la fin, se trouve être sa propre nièce, celle-là même qu'il n'a voulu ni voir, ni recevoir chez lui. Dès lors plus d'obstacles, elle sera l'épouse de Saint-Albin, et Cécile deviendra celle de Germeuil.
PÈRE DE PROVINCE ( le ), comédie en trois actes, en vers, au Théâtre Italien, iy83.. T Un jeune homme, secondé par une tante ridicule, ' dissipe sa fortune , pour soutenir le train fastueux qu'il ' voit à la mode. Mais son père et son amante arrivent à son secours , et rétablissent sa fortune.
Cette pièce n'a point eu de succès. On y trouve ce- 1 pendant quelques détails où les vices à la mode, les extravagances , l'amour immodéré du lùxe, l'oubli des ^
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devoirs, l'insolence des parvenus, l'orgueil et l'ignorance de la plupart des gens de lettres, Fet l'égoïsme, sont peints peut-être avec 'des couleurs trop crues, mais de manière à déceler un écrivain qui a observé les mœurs.
PÈRE D'OCCASION (le), comédie en un;, acte, en prose, par MM. Pain et Viellard, à Lou-3 vois, 1802.
Armand, comme tant d'autres jeunes gens , a lasse la patience de son père - qui non-seulement ne veut, plus payer ses dettes, mais lui refuse toute espèce de' secours. Six créanciers viennent l'assiéger tour-à-tour; chacun a son jour. C'est celui de Richard, vil usurier, qui ne prête son argent qu'à douze et demi du centpar mois. Charles, ne sachant plus comment s'y prendre pour se tirer de ce mauvais pas, jette son dévolu sur une riche veuve qui consent à lui accorder sa main , mais à la condition, sine quâ non , qu'il obtiendra le consentement de son père. Déjà plusieurs jours se sont écoulés depuis qu'il lui a écrit une lettre tendre, et pathétique, dans laquelle, après lui avoir peinte son repentir et sollicité le pardon de ses fautes passées, il lui demande son consentement à son mariage avec Mad. de Roselle. Il attend avec impatiente la réponse de son pere ; elle arrive enfin , précisément à l'instant où il allait éconduire Vendredi. 0 douleur ! elle ne contient que d'accablans reproches. Que faire P Germain , fertile en expédiens, lui fabrique un père à la minute, et c'est l'usurier qu'il choisit pour en remplir le ministère. Celui-ci fait bien quelques difficultés; mais, pour être payé, il se décide. Il est présenté à Mad. de
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Roselle; celle-ci est loin de le reconnaître dans le portrait que lui en avait fait Armand. Cependant le véritable père, qui est parti avant sa lettre, est depuis deux jours à Paris, et a pris tous les rènseignemens que la prudence lui suggérait, et sur son fils, et sur Mad. de Roselle, Il se présente à son tour chez cette dernière, qui parle assez mal de lui, sans le connaître toutefois ; ce qui amène une explication dans laquelle la fourberie 'de ces messieurs est découverte. Alors M. Dubreuil, profitant de l'exemple de son fils , devient tout-à-coup le père de Mad. de Roselle, et, en » cette qualité, s'oppose à son mariage avec Armand.
Bientôt, le père d'occasion revient avec son fils supposé, pour essayer de vaincre sa résistance : que l'on juge de la surprisé et de la confusion d'Armand', lorsqu'il reconnaît son propre père! Celui-ci, après avoir bien mystifié l'usurier, et après avoir payé les dettes de son fils, n'a point la dureté de prolonger cette pénible situation , lui pardonne et l'unit à Mad. de Roselle. Enfin Germain lui-même obtient sa grâce.
PÈRE PARTIAL (le) , comédie italienne en cinq -actes, avec des scènes françaises, par Lelio père, 1718.
Lelio , qui a fait un long séjour à Paris , est tellement épris des manières françaises, que son fils Mario devient pour lui un objet d'indifférence et de haine, parce qu'il blâme sa manière de voir. Par laTîusdn contraire, Flaminia sa fille est l'objet de toutes ses affections ; il est vrai que celle-ci y trouve son compte , car son père la laisse aller aux bals , aux promenades et aux spectacles. Tous ces plaisirs sont le prix de sa
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complaisance. Cependant, un jeune homme, nommé Silvio, qui- a long-temps servi en France , passe par Venise, voit Flaminia, l'aime et s'en fait aimer. Mario les surprend en tête à tête, et fait tant de bruit que Lelio accourt ; mais dès qu'on lui dit que Silvio est Français, il querelle son fils , le chasse de sa maison, et y introduit le prétendu Français qu'il présente et recommande lui-même à sa fille. Dans cette conjoncture, Pantalon, frère de Lèlio, à qui Mario est allé se plaindre de la dureté de son père, vient lui en faire dés reproches; mais Lelio, qui veut être maître dans sa maison , se voyant poussé à bout par son frère, donne à Silvio un logement chez lui. Les deux amans allaient donc jouir en paix du double plaisir de s'aimer et de se le dire à chaque instant du jour, lorsque le docteur, oncle. de Silvio, arrive. Ce dernier veut méconnaître-son oncle, mais il se voiit forcé d'avouer sa fourberie, ce qui indigne -Leiio. Flamtnia ne témoigne p-as moins de colère en apparrence ; mais comme elle sait que tous ceux qui sont présens n'entendent point le français, elle se sert de cette langue pour exprimer ses véritables sentirhens à Silvio, qui lui répond de même. Tous deux , pour que il'on ne puisse pas les soupçonner d'être d'intelligence, paraissent s'emporter beaucoup l'un contre l'autre, en accompagnant les expressions les plus tendres, de gestes de colère et de haine. Cette scène est assez comique ; mais, ces amans se trouvent dans le plus grand ermbarras , lorsque Lelio ordonne à sa fille'de se d1s.poser à recevoir la main du comte Octavio. Elle -demande à voir encore une fois Silvia afin, dit-elle, de lui remettre ses lettres-; et, sous çé prétexte, elle
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. lui en fait tenir'une dans laquelle elle lui indique un rendez-vous. Silvio s'y trouve et l'enlève; mais Pantalon , en allant à sa campagne, les rencontre dans. une gondole , fait arrêter le ravisseur et enfermer sa nièce dans sa maison. Il vient apprendre à Lelio l'équipée de sa fille. Alors seulement il convient de son injuste prédilection pour cette dernière, et rend sa tendresse à son fils ; ce qui termine la pièce d'une manière assez froide.
PÈRE SUPPOSÉ (le), ou LES Époux DÈS LE BERCEAU, comédie en trois actes, en vers, par M. Delrieu, à Louvois, 1799.
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable ; mais le fond de cétte comédie n'est ni vrai, ni vraisemblable ; c'est le dénouement d'une foule d'aventures qu'il serait trop long de raconter ici. Beaufort, 1 qui en est le héros, est un officier américain , âgé de trente-six ans, lequel se trouve possesseur d'une jeune .et jolie personne, dont on le croit le père ; mais bientôt un sentiment plus vif le force à se débarrasser de cette importune qualité, et Beaufort se déclare amant. C'est à son rival préféré qu'il raconte son histoire et celle de Lucile, sa fille supposée. Mais bientôt Julio reconnaît en elle son épouse Julie; ils avaient été unis dès le berceau. Bien entendu, il reprend ses droits, et Beaufort, tout ébahi de l'aventure, finit par se résigner, et les invite à rester. avec lui dans son château: ils acceptent la proposition ; ainsi finit l'histoire.
PERFIDIE D'AMAN, mignon, et favori d'As-
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suérus (la), tragédie en trois actes, par Mainfray , •
1617.
Aman , indigné de la fermeté de Mardochée , qui refuse de lui rendre hommage , s'en plaint en ces termes :
Un certain Mardochée en tous lieux me courrouce;
Il se moque de moi, et bien loin me repousse
Comme homme de néant. Je lui ferai sentir
En dedans peu de jours un triste repentir.
Le gibet est tout prêt, il faut qu'il y demeure ,
Et qu'il y soit pendu avant qu'il soit une heure.
Mardochée arrive , et Aman lui dit :
Ah, te voici, coquin! qui te fait si hardi
D'entrer en cette place? es-tu pas étourdi ?
A quoi Mardochée répond :
Que veut dire aujourd'hui cet homme épouvantable, Qui croit m'épouvanter de sa voix effroyable ?
As-tu bu trop d'un coup ? Tu es bien furieux !
Nul homme n'ose-t-il se montrer à tes yeux ?
Aman réplique :
* Oui ; mais ne sais-tu pas ce que le roi commande:
Que le peuple m'adore, autrement, qu'on le pende?
Et encore oses-tu te montrer devant moi?
Je t'apprendrai bientôt à mépriser le roi.
Mardochée répond encore :
0 le grand personnage ! Adorer un tel homme ! J'adorerais plutôt la plus petite pomme.
* Et ne fait-il pas beau qu'un petit raboteur ,
Qu'un homme roturier reçoive un tel honneur l
Tu devrais te cacher.
PERGOLÈSE (JEAN-BAPTISTE ), naquit, en
1704, à Casoria, petite ville à quelques milles de
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Naples. Ses premiers ouvrages annoncèrent un homme •• qui était né avec le génie de la musique , et il tint les espérances qu'il avait. donnée*. Les Italiens le, compa- rèrent au Donainiquin , l'un de leurs peintres les plus célèbres. Nous croyons qu'il eut plus de ressemblance avec l'immortel Raphaël, d'autant mieux qu'il mourut jeune comme ce dernier, et que, si l'on peut appeler celui-ci le dieu de la peinture,, on peut appeler l'autre le dieu de la musique. Ses principaux ouvrages sont : La Serva Padrona , il Maestro di Mu sic a, l' Olimi piàda. Il est encore auteur d'un Salve; Regina , et surtout du Stabat mater, qu'on ne se lasse point d'en- " tendre et d'admirer. Baurans, poëte toulousain, fut le premier qui adapta à des paroles françaises le Maître, de Musique et la Servante Maîtresse. Ces deux intermèdes eurent dans le temps un succès prodigieux. Pergolèse avait d'autant plus de droit de figurer dans notre Dictionnaire, que c'est lui qui inspira aux Français le goût de la musique italienne, et que son nom est, par conséquent, à la tête d'une révolution dramatique.' On prétend que ses envieux le firent empoisonner ; mais il paraît démontré que c'est une calomnie. '
. PÉRIPÉTIE. — Dans le poëme dramatique, c'est * ce qu'on appelle le dénouement ; c'est la dernière1 partie de la pièce, où le nœud se débrouille çt où l'action se termine. Ce mot est composé de deux mots grecs, dont l'un signifie tomber, et l'autre autour. La péripétie est, 'en un mot, le changement de condition , soit heureuse ou malheureuse, du principal' personnage d'un drame. Ainsi la péripétie est la même chose que la catastrophe, à moins qu'on ne dise que
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v celle-ci dépend de l'autre , comme un effet dépend de sa cause ou de son occasion. La péripétie est quelquefois fondée sur -un ressouvenir, quelquefois sur une reconnaissance, comme dans l OEdipe Roi, où un député , envoyé de Corinth'e , pour offrir la couronne à OEdipe , lui apprend qu'il n'est pas fils de Polybe et de Mérope ; par là OEdipe commence à ■découvrir, que Laïus,, qu'il avait tué , étoit son père , et qu'il a épousé Jocaste sa propre mère ; ce qui met le comble à son désespoir. Aristote appelle cette sorte de dénouement une double péripétie. Les qualités que doit avoir la péripétie sont d'être .probables et nécessaires ; pour cela elle doit être une suite nécessaire ou du moins l'effet des actions précédentes , et., encore mieux, naître du su jet même de la pièce ; et par conséquent ne pointvenir d'une cause étrangère, et , pour ainsi parler, ^ collatérale. Quelquefois , la péripétie se fait sans reconnaissance, comme <lans l'Anligotie de Sophocle, où le changement qui s'opère <lans la fortune de Gréon est produit par sa seule opiniâtreté. La péripétie peut naître encore d'un simple changement de volonté. Cette dernière sorte de dénouement, quoiqu'elle exige moins d'artj comme l'observe Dryden, pesait cependant faire éclore de grandes beautés; tel est Je dénouement du Cinna de Corneille, où Auguste signale sa clémence , malgré toutes les raisons qu'il a de punir et de se venger. Corneille avoue quel'agnition, c'est-à-dire, ce que nous nommons reconnaissance , est un grand ornement dans les tragédies, une grande ressource pour la péripétie : c'est aussi le sentiment d'Aristote ; mais elle a ses inconvéniens. Les Italiens l'emploient dans la plupart de le^irs poërnes, et lui
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sacrifient souvent l'occasion de développer des sert- timens pathétiques qui pourraient y faire éclore de plus grandes beautés. On est en droit d'adresser le
même reproche à la plupart de nos poëtes dramatiques modernes, depuis Corneille et Racine. Il est étonnant, surtout, que, dans les pièces de ce dernier, les péripéties ne soient jamais l'effet d'une reconnaissance ; mais elles n'en sont pas moins belles et moins intéressantes. -
y
PÉRIPHRASE. — La périphrase , ou circonlocution , est un assemblage de mots qui expriment, en plusieurs paroles, ce qu'on auroit pu dire en moins, et souvent en un seul mot : par exemple, le vainqueur de Darius, au lieu de dire Alexandre ; l' astre du jour, pour dire le soleil.
PÉRONNE SAUVÉE, opéra en trois actes, par M. Sauvigny, musique de Dezède, à l'Opéra , 1785.
L'intention de l'auteur, comme il en prévient luim êmele public dans un avertissement, a été de consacrer un fait dont les historiens ne font nulle mention, qui fait le plus grand honneur au sexe en général, et en particulier à l'héroïne Marie Fouré, qui se mita la tête des habitans de Péronne, tua de sa main plusieurs des ennemis, etlesrepoussa loin de la ville. llajouteque le tableau de l'amour de la patrie lui a paru suffisant, pour intéresser, sans le secours d'une intrigue amoureuse. Cependant, c'est à peu près par une intrigue amoureuse, très-épisodique à l'égard du reste de la pièce, que débute cet opéra , d'ailleurs si compliqué, que l'analyse, que nous en pourrions faire, fatiguerait
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électeur autant que nous-mêmes. Nous nous bornerons donc à louer le patriotisme de l'auteur des paroles -, et le talent de celui de la musique.
PERRIN (FRANÇOIS), chanoine d'Autun, donnà -en 1589, les Ecoliers, Jephté; et Sichem. La première de ces pièces est une comédie en cinq actes, et en vers de huit syllabes.
I^ËRRIN ( l'abbé PIERRE) , né à Lyon, est mort à
Paris, vers l'an 1680. v
Ce poëte fut introducteur des ambassadeurs auprès de Gaston de France, duc d'Orléans ; il dut cette dignité à l'amour que les grands montraient alors pour les lettres qu'il cultivait , sinon avec gloire, du moins avec zèle. C'est à lui que nous devons l'opéra d'Orphée et Eurydice. Le cardinal Mazarin, qui aimait beaucoup ce genre de spectacle , fit venir d'Italie des musiciens pour le jouer. Il donna ensuitè Ercole amante, pièce italienne que Camille traduisit en vers français. Elle fut jouée au château des Tuileries dans la salle des machines : il y en avait de si grandes et de si surprenantes, qu'elles pouvaient enlever jusqu'à cent personnes dans les entr'actes. On connaît aussi de lui l'opéra d'Ariadne. Son dernier ouvrage en ce genre est une pastorale en cinq actes, intitulée Pomone, représentée en 1671. L'abbé Perrin doit être regardé comme l'inventeur de l'opéra parmi nous. Le cardinal Mazarin en fut le protecteur, comme Richelieu l'avait été du théâtre tragique. Ainsi * c'est à ces deux cardinaux que nous devons les deux plus brillans spectacles que nous ayons.
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' PERRIN ( MI RENÉ ), autéur dramatique, 1810.
Cet apteur a donné aux théâtres du Boulevard plusieurs mélodrames > qui y ont été représentés avec succès ; entre autres, Hélenor de Portugal. - -
PERRIN ET LU CETTE, comédie en deux actes,- en prose, mêlée d'ariettes, par d'Avesne, musique de Cifollelli, aux Italiens, 1774.' 4 ^ Perrin aime Lucette; il hésite long-tems à demandersa main ; mais enfin- il se décide, et éprouve un refus. S'il devient riche , il pourra se flatter d'obtenir sa maîtresse. Les deux amans se désespèrent ; c'est assez naturel. Ils confient leurs chagrins au bailli qui se ressouvient alors que Perrin a trouvé quelques années auparavant, une bourse dont il est dépositaire ; laquelle bourse, contenant six mille francs, n'ayant pas été réclamée, malgré ses recherches pour en découvrir le propriétaire, dort lui appartenir. L'amant se félicitedéjà de cette bonne fortune; l'usage qu'il veut en faire, prouve assez qu'il en est digne. Son dessein est d'acheter une petite ferme, de la faire valoir, et de conserver ainsi ces six mille francs à la7 personne qui les a pèrdus, si elle> se fait connaître. Perrin, devenu riche, doit donc obtenir le consentement du père de Lucette ; il lui' est accordé, et déjà le mariage est arrêté. Cependant Perrin apercevant une voiture renversée dans le chemin , vole au secours d'un voyageur et lui sauve la » vie. Ce voyageur témoigne sa reconnaissance à Perrin , voit avec plaisir la charmante Lucette, et s'intéresse ait bonheur de ces deux amans. Il fait pourtant réflexion, en présence de Perrin, que cet endroit lui est funeste, y ayant perdu une bourse remplie d'or. Alors Petrira
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interroge le voyageur ; et, maigre la perte qu'il va faire de sa maîtresse, veut lui restituer le trésor qui devait àssurer son bonheur; mais le Voyageur, Gomme on le présume aisément, lui fait présent dès deux mille étus., au moyen desquels il épouse sa chère Lucette.
PERROUD ( M. ), acteur de; l'Odéon , 1810. Après avoir acquis une grande célébrité dans la province , cet acteur vint à Paris , où il soutient sa répuration. Il est aujourd'hui l'un des acteurs les plus distingués du théâtre de l'Odéon.
PERSÉE, tragédie-opéra , avec un prologue, par
Quinault, musique de Lulli i 1682.
/ Ce sujet avait .d'abord été traité par Thomas Corneille qui eu avait fait une tragédie à machines , sous le titre d'Andromède. Quinault en fit un opéra qui obtint un très-grand succès. Toutefois, à la première représentation de cet opéra t les dames désapprouvèrent les sentimens de Phinée, qui aime mieux voir àâ maîtresse dévorée par un monstre , qu'entre les br'ai de son rival. Cela fit le sujet d'Un grand nombre dé discussions, dont on remplit les journaux du tems. Voici les expressions de Phinéè :
L'amour frïéùrt dans mon c'œur, la rage lui succède ;
J'âirhè mieux voir un monstre affreux
Dévorer l'ingrate Andromède,
Que la voir dans les bras de mon rival heureux.
/'
Ce sentiment fut appuyé par les vers suivans :.
Voilà ce que Phinée a dit dans sa colère i
Et ce que tout autre aurait dit..
Qu'on ne s'y trompe pas ; un amant qu'on trahit f Est en droit de tout. dire, est en droit de tout fairë ;
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Èt , sans craindre d'en user maf, Peut voir avec plaisir périr une infidelle.
> Ce n'est pas que cela se doive à cause d'elle ;
Mais seulement pour .faire enrager son rival. -
" * Après avoir paru sur le théâtre de la ville , l'opéras de Persée fut représenté à la cour en présence de Leurs. Majestés. Le roi avait dit que quand il voudrait Voir cet opéra , il en ferait avertir quelques jours auparavant , afin qu'on eût le temps de dresser un théâtre dans le fond de la cour du château. Mais le tems s'étant mis tout-à-coup au beau, et Sa Majesté voulant que madame la Dauphine eût part à ce divertissement avant ses couches , n'avertit de se tenir prêt que vingt-quatre heures avant la représentation. Ainsi l'on. ne put travailler aii théâtre que le jour même; mais, par malheur, le lems s'étant mis à la pluie, on fut obligé de le transporter de la grande cour dans le manége. 11 fut cependant terminé pour le soir, avec une grande magnificence. On y avoit placé des orangers d'une grandeur étonnante, et tout le fond était une feuillée composée de branches coupées dans la forêt. On y voyait quantité de figures de Faunes et de Divinités , et un fort grand nombre de girandoles : enfin le théâtre était d'une richesse et d'une élégance d'autant plus étonnantes, qu'on avait eu moina. de temps pour les préparatifs. Le roi en fut très-content, et complimenta,
Lulli sur la beauté de sa musique.
PERSÉE CUISINIER, comédie; aux Italiens,
11683.
Cette pièce fut faite dans l'intention de tourner en, ridicule le fameux Dumesnil qui, de la cuisine -de
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M. Foucault, intendant de Montauban, était passé à l'académie royale de musique. On assure qu'un mauvais plaisant l'ayant vu jouer le rôle de Phaéton avec le plus grand. succès dans l'opéra d-ece nom , parodia ainsices paroles : Que n 'aimez-vous , cœurs insensibles 1
Ah, Phaéton, est-il possible Que Tous ayez fait -du bouillon !
PERSÉE ET DÉMÉTRIUS, tragédie en cinq actes, en vers, par Thomas Corneille , 1662.
Persée et Démétrius , tous deux fils de Philippé, roi de Macédoine, sent les héros de cette tragédie. Persée,' jaloux de la préférence qu'Erixène, princesse de Thrace, accorde à son frère , cherche à le perdre dans l'esprit de Philippe. Aidé de Didas , favori du roi , il, açcuse Démétrius d'avoir attenté à sa vie , et d'avoir des intelligences avec Rome; mais celui-ci ne tarde pas à se justifier : toutefois , pour s'assurer de sa personne, le roi ordonne à Démétrius d'épouser la fille de Didas. Le jeune prince feint d'être disposé à obéir aux ordres .de son père; mais ce n'est qu'afia d'avoir le tems et les moyens de s'y soustraire. Cependant Didas prévient Erix-ène de ce qui se passe, . et cette princesse, qui a lieu de croire Démétrius infidèle', pour se venger , consent à donner sa main à Persée. Son indignation est si vive, que tous les efforts desonamant pourse justifier auprès d'elle sont infructueux. Ce malheureux prince , au désespoir , ne peut parvenir à se faire entendre. Pour surcroît d'infortune, Didas, que la vengeance .anime contre lui, l'accuse de nouveau , et fait remettre dans les mains de Philippe une fausse lettre de Quintius qui assure à Démétrius l'appui des Romains. Cet
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astucieux favori parvient enfin à étouffer la tendresse paternelle , et à faire condamner Démétrius à la mort. Le prince se la donne lui-même , pour ne pas survivra à la perte de son amante. Alors , mais trop tard, Philippe reconnaît .son erreur. Tout-à-coup le peuple se soulève ; Didas devient la première victime de sa juste fureur ; et Philippe , accablé de remords , va déplorer les funestes effets des intrigues de Persée. '
PERSÉENNE ( la ) , ou LA DÉLIVRANCE D'ANProcède , tragédie de Boissin de (ralUrdon , 1618.
L'entretien de Persée et d'Andromède peut nous donner une idée du ton et de la galanterie qui régnaient flors au théâtre ;
PERSÉE.
Vous me devez baiser, .ou bien que je vous baise.
'A * ANDROMÈDE.
Que Sera voire espoir picorant un baiser.
TERSEE..
Cela me nourrira , attendant d'épousçr.
ANDROMÈDE.
L'aliment est petit qui se prend sur ma bouche..,.
Vous n'en demandez qu'un, et vous en prenez trois,
PERSIFLEUR (le) , comédie en trois actes, en vers,, par M. de Sauvigny, aux Français, 1771.
Vilsain aspire à la main d'une jeune personne fort riche ; mais celle-ci en aime un autre. Quoi qu'il en soit, il se fait présenter -à la mère de l'a jeune personne qui.se prévient en sa faveur. Pour l'écarter, on projette de lui faire connaître Je caractère persifleur de ,Vilsain. Le persiflage de ce dernier dessille enfin les yeux de cette mère prévenue j le persifleur est luimême persiflé, et la jeune personne épouse son amant,
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PERSONNAGES ALLEGORIQUES. — Ce sont des êtres inanimés, soit réels, soit de raison, que la poésie personnifié. Il en est de parfaits et d'imparfaits lës premiers sont ceux qu'elle crée entièrement, et auxquels elle donne tontes nos facultés : telles sont la Victoire, là Gloire, l'Espérance, la Sagesse, etc. Les seconds existent déjà réellement; ainsi le poët€ ne leur donne que la faculté de penser et d'agir; tels sont les fleuves, les animaux, les bois, auxquels nous prêtons notre intelligence , notre raison et notre voix. Ces derniers personnages allégoriques sont le plus bèl orné-f ment de la poésie , qui n'est jamais.si pompeuse, que lorsqu'elle anime et fait parler toute la nature. Mais ils n'e sont pas propres à jouer un rôlè dans l'action d'urt poëme, à moins que ce ne soit un apologue. Ils peuvent seulement comme spectateurs prendre part aux actions des autres personnages , comme les chœurs dans les tragédies des anciens. En général les personnages allégoriques. né doivent jamais jouer de rôles principaux, mais paraître comme les attributs des premiers personnages , et pour exprimer plus noblement, par le secours de la fiction, ce qui paraîtrait trivial, s'il était dit simplement. Voilà pourquoi Virgile personnifie la renommée dans l'Enéide.
Les personnages allégoriques parfaits sont du ressort du théâtre lyrique ; ils ne conviennent guère à la comédie , et encore moins à la tragédie , qui n'admet que des personnages propres. Horace ne veut pas que le dialogue roule entre plus de trois à la fois. Nec quarta loqui pèrsÓnna laborec ; mais cette règle n'est pas de rigueur. Au reste, dans la tragédie, jamais un personnage ne doit paraître sans une raison importante ; il est
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de règle aussi que le théâtre ne reste jamais vide danst le cours d'un acte : mais un acteur ne doit pas rester sur la scène seulement pour former une liaison dq présence ; il faut qu'il ait quelque chose à dire ou à faire, ou quelque secret à apprendre, pour n'y être point déplacé. En général, ce sont les principaux personnages qui doivent fixer l'attention des spectateurs, les personnages subalternes devant avoir les mêmes. intérêts et les mêmes motifs d'agir que ceux dont.ils dépendent. Les anciens admettaient des personnages* protatiques qui ne paraissaient que pour faire l'expo-. sition ; aujourd'hui, qu'on est dans l'usage de faire faire l'exposition par les acteurs principaux, et de la mettre en action , ce qui est le comble de l'art, un tel person, page serait avec raison rejeté du théâtre. >
PERSES (les), tragédie d'Eschyle. ^ Ce sontles désastres qu'occasionna la défaite de Xereès, petit fils d'Hystaspe , qui font le sujet de cette tragédie, qu'Eschyle' donna sous l'archonte Ménon, huit ans après la bataille de Salamine , à laquelle il avait été présent. On pourrait s'étonner de ce qu'il a osé traiter un évènement qui venait, pour ainsi dire, de se passer sous les yeux des spectateurs ; mais ce sujet était si intéressant pour les Athéniens, que la proximité du tems ne fut point remarquée ; il faut dire aussi que la différence des mœurs des Perses était si grande , qu'elle ' put justifier le poëte de s'être écarté de ce proverbe,. major è longinquo reverentia. C'est du moins l'opinion de Racine que l'éloignement des lieux et la différence des moeurs, équivalent à la distance destems. Au reste ypjci le sujet et la marche de cette tragédie. La scène est
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à Suses, devant un temple auprès duquel est le tombeau de Darius. Des vieillards choisis par Xercès pour gouverner le royaume en son absence , font l'ouverture du poëme. Inquiets sur le sort de leur roi, dont ils n'ont aucune nouvelle, on les voit assemblés pour délibérer sur le parti qu'ils ont à prendre, dans la cruelle incertitude où ils. sont sur le sort de l'armée des Perses.
L'un d'eux prend la parole ; il donne une idée de cette grande expédition et développe les projets de Xercès j enfin il passe en revue tous les détails de cette entreprise , et fait un.tableau très-alarmant de la situation des Perses, don! la plupart des villes sont vides de' guerriers. Cependant la reine arrive ; ç'est elle qui ouvre le second qcte. Elle fait part aux spectateurs d'un songe très-alarmant dans lequel elle a vu Xercès , son fils, renversé. Le vieillard , qu'on pourrait considérer -, comme l'orateur de la troupe, ne veut ni, l'intimider , pila rassurer; mais il lui conseille d'implorer les Dieux protecteurs et.de prier son époux Darius, dont l'ombre lui est apparue dans son rêve, de rendre favorables les présages qu'il lui a envoyés des enfers. Elle adresse différentes questions à ces vieillards, qui lui répondent. en chœur de manière à l'inquiéter de plus en plus. Dans ce court intervalle, un courrier arrive, et annonce la perte entière de la bataille. Son récit vif et concis, interrompu par les gémissemens du chœur, sert de dénouement aux présages des vieillards et au songe de la reine. Celle-ci, accablée par cette nouvelle désastreuse, a gardé un profond silence; elle le rompt enfin pour interroger l'envoyé sur le sort des princes. Elle n'ose prononcer le nom de son fils ; on lui apprend qu'il vit. Atossa, un peu revenue de sa première surprise,
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demande comment il s'est pu faire que les Athéniens , avec si peu de forces, soient demeurés vainqueurs. ' Le poëte prend de là occasion de faire l'éloge de ses compatriotes ; cette louange était d'autant plus flatteuse pour Athènes, qu'elle part d'une bouche ennemie. Cet acte se termine par un chant lugubre assez singulier. Les couplets qui sont de même mesure et de même nombre de vers , finissent en certains endroits par des «ris et-des expressions de douleur, qui se répondent strophe à strophe comme par échos. Cet acte est fort plein , aussi fait-il le fond principal de cette pièce. Au troisième, la reine , qui était allé chercher des libations, revient avec tous les préparatifs d'un sacrifice polif les Dieux infernaux. Elle a quitté la' pompe royale ; elle est venue sans char, sans suite, sans éclat,* jusqu'au lieu où elle va faire le sacrifice, tandis que le chœur chante des airs conformes au deuil public. La reine exhorte les vieillards à évoquer l'ombre de Darius pour l'interroger sur les calamités publiques ; enfin le sacrifice a lieu. Cette cérémonie a un air tout-à-fait magique et théâtral. Les invocations du chœur sont énergiques, toutes à la louange de Darius, remplies d'idées lugubres, et composées de strophes qui se correspondent, comme dans le chant qui a précédé. C'est là selon les apparences, toutle troisième acte, qui consiste, comme on voit, beaucoup plus en spectacle et en action qu'en paroles. Au quatrième, l'ombre de Darius sort tout-à-coup de son tombeau; il s'adresse d'abord aux Satrapes et les Interroge. Il apprend tous les malheurs des Perses, leur prédit ce qui doit arriver, et leur donne des avis salutaires. Au cinquième acte , Xercès arrive avec l'appareil et la suite qui conviennent à
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nn roi vaincu. Il se lamente et fait éclater son désespoir. Il s'étonne de conserver encore une lueur de raison, Le chœur partage sa douleur ; enfin ces vieillards, après avoir déchiré leurs vêtemens, arraché' leurs cheveux, et battu leur poitrine, se retirent avec Xercès, et le conduisent au palais.
Cette pièce offre de grandes beautés. Les traits en sont bien marqués, les scènes nettes, bien liées et bien dénouées.
PERSUIS ( M.) , compositeur de musique, 1810, M. Persui& est auteur de la .musique du Triomphe de Trajan. Il a fait celle des pièces suivantes : Léonidas ; Fanni Morna, ou t Ecossaise j le Fruit défendu; Marcel, ou l'Héritier supposé, et Phanor et An gela.
PERTH ARITE, roi des Lombards , tragédie, par
JPierre Corneille, 1653.
On voit dans cette tragédie un roi dépouillé de ses •Etats, qui, après avoir fait tout son possible pour y rentrer, se trouvant sans forces et sans amis, cède à son vainqueur des droits inutiles, afin de retirer de ses mains sa femme , qu'il tenait prisonnière.
Le: peu de succès de cette pièce dégoûta Corneille rdu théâtre ; et, dans son chagrin, il traduisit envers J'ImitatIon de Jésus-Christ, Mais ce dernier ouvragé frétait point encore achevé, que l'auteur se sentit de nouveau entraîner sur la scène, où il reparut par son OEdipe, dont le succès le consola de la chute de Pertharite.
PÉRUVIENNE ( la), opéra comique en un acte, par Rochon de Chabannes, à 1A Foire Laurent, 1754.
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Une jeune Péruvienne est jetée par'un naufrage dans l'île de la Frivolité. Tandis qu'elle déplore la perte de son amant, les habitans de cette île se présentent à elle. Un petit-maître essaie d'abord de lui en conter , mais elle le renvoie avec mépris. Celui-ci est remplacé par une joueuse ; celle-ci l'est par la bagatelle , qui l'est à son tour par un militaire, qui fait place à un abbé, etc. Tous ces différens personnages font la cri- tique de nos mœurs. La Péruvienne a pitié de tout ce qu'elle voit dans l'île de la Frivolité. L'arrivée de d'Eterville qu'elle aime, est la seule chose qui l'intéresse ; et l'hymen vient couronner les feux de ces deux amans. , *-■
- ' PÉSSELIER ( CHARLES-ETIENNE ) ,,né à Paris en 1712, mort dans la même ville , 1763. '
Cet auteur occupa dans les fermes du roi un emploi qu'il sut concilier avec l'amour des arts et de la littérature. Il se distingua dans plusieurs genres. Sans être un grand comique , il fit jouer au théâtre trois comédies: la première , intitulée la. Mascarade du Parnasse ^ est une pièce allégorique , conséquemment sans intérêt ; la seconde, l'Ecole du Temps, en un acte, en vers libres , avec un divertissement , offre un style léger, et une versification agréable ; mais on y trouve des longueurs , et le plan manque d'unité ; la troisième, Esope au Parnasse, fut représentée aux Français, et y réussit le jour même que deux autres pièces venaient de tomber. -4 Pesseliera déplus composé des fables oùl'on trouve de l'esprit, mais qui manquent de grâces et de naturel. Au reste, cet auteur avoit de grands talens ; il les aurait développés davantage, si les devoirs de sa place, et les jfoins qu'il devait à sa famille le lui eussent permis. J
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PESSIMISTE, ou L'HOMME MÉCONTENT DE TOUT'
(le), comédie en un acte, en vers, par M. Pigault le Brun , 1789. •
Le système du Pessimiste est diamétralement opposé à celui de V Optimiste de Collin d'Harleville. lU. de Prinville voit tout en blanc , M. Dupré voit tout en noir. Il ne veut pas marier sa pupille Amélie à Valcourt, parce qu'il s'imagine que ces amans devenus époux, serontbientôt malheureux. Cependant Dupont,. son intendant, est marié depuis sept à huit ans. Il n'a point osé lui faire part de son mariage , dans la crainte de perdre une place peu lucrative, et qui ne peut suffire aux besoins de sa famille ; c'est si vrai, qu'il a contracté des dettes, et qu'il est sur le point d'être arrêté. Cet incident, quifournit à M. Dupré une nouvelle occasion de déployer son faux système, est le ressort qui amène le dénouement. Le hasard offre à ses yeux une mère de famille et deux enfans presque nus, opprimés par un créancier barbare. Heureux de rencontrer cette occasion d'exercer sa bienfaisance, il la saisit avidement et paie ce qu'elle doit. Bientôt après, un de ses fermiers dont la récolte a été détruite par la foudre, veut lui payer son fermage. Il s'imagine que cet honnête 7 et malheureux fermier vient l'éprouver, lui fait de vifs reproches et le renvoie avec son argent. Plus il fait de bien, et plus sa mauvaise humeur augmente. Enfin, il apprend que Dupont est marié, que la femme et les enfans qu'il a secourus sont ceux de son intendant. Il se plaint de son silence et se fâche encore un peu , mais lui pardonne. Convaincu par l'exemple de ces époux, que l'on peut être heureux en ménage, il cesse de s'op poser au bonheur de& amans.
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PETIT- Il composa une pièce en deux actes qui fut imprimée en'1702 ; elle- est intitulée les Curieux de Province, ou l'Oncle dupé. Cette pièce offre urr double intérêt, puisque les curieux «ont le sujet du premier acre, et que l'oncle est le sujet du second,
PETIT (MARC-ANTOINE) , né à Orléans. L'étude delà médecinene l'empêcha pas de s'occupéf du théâtre ; il composa la comédie du Miroir, en vers libres, avec un divertissement. Elle fut jouée aux Italiens, en 1747, ainsi que le Bacha de Smyrne.
PETIT COURRIER, ou COMME LES FEMMES
SE VENGENT ( le ' vaudeville en deux actes, par lUM. Bouilly et Moreau, au Vaudeville, 1811.
r Un jeune colonel, ennuyé de la sagesse étde l'innocencé'de sâ femme , en cherche, en trouve ide beau":
coup plus délurées. Bientôt il vole au champ d'honneur:
Pendant les dix années qui se sont écoulées depuis son départ, Sophie a formé son esprit j elle conserve sort cœur à son époux volage. Pour le ramener, elle abandônne ses foyers, sé rend en courrier près du colonel qui vient d'être blessé, eflui sauve la vie. La paitf'àrrivéé, la blessure guérie, le' maître et le cour-t rier reviennent au château partërnel, que le colonel a Vendu, et que Sophiè a racheté. C'est à leur retour ,t c'est là que la scène se passe. Sophie attaque son infidèle de différente^ manières : elle se présente sous des habits de femme ; le colonel ne la reconnaît pas, % oublie le courrier, et ne voit plus qu'une belle et inté-' restante inconnue, nièce de M. de Morange, acquéreur supposé du château ; il ie jette aux genoux de sa femme qui se fait reconnaître, et ' te trop heureux
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colonel trouve à la place du bouton naissant qu'il dé- daignait, une rose qui mérite tous ses hommages. Ce vaudeville fut justement applaudi ; il renferme ces couplets si connus sur le premier pas : -, ' -,, ' * ' i
Le premier pas se fait sans qu'on y pense Craint-on jamais ce qu'on ne prévoit pas? Heureux celui dont la douce éloquence En bàdtnaht, fait faire 'à l'innocence " "
'■ Le premier pas. "
Au premier pas, un bonheur qu'on ignore Sait à nos cœurs présenter tant d'appas, Qu'à son déclin regrettant son aurore, Femme souvent veut qu'on la croie encore
Au premier pas.
PETITE ECOLE DES PÈRES ( la ), comédie en un acte, en prose, par MM. Etienne et Nanteuil, au Théâtre Louvois , 1802. V
Le but de cette pièce est de prouver qu'un père ne doit point compromettre son autorité avec ses enfans, et que ceux-ci ne doivent point s'écarter des devoirs que leu? imposeni la nature et la religion. M. Lormeuil est up extravagant qui court les bals, les jeux, les concerts et les bonnes fortunes avec Saint-Léger son fils aîné; il a chassé de la maison paternelle son fils cadet, garçon, fort estimable, parce qu'il déplaisait au compagnon de ses folies. Henri est de retour de la Martinique % où il a fait fortuné; mais déjà son père a dissipé la sienne. Bientôt les biens de Lormeuil deviennent la proie de ses créanciers; il s'adresse alors.à Saint-Léger, son fils aîné, propriétaire d'une terre de cent cinquante mille livres; celui-ci lui répond froidement que sa terre est vendue et dissipée. Cependant Henry paie les
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dettes de son père et rachète sa maison, dont Gripper, son banquier, était adjudicataire. C'est ainsi que ce fils généreux se venge de l'injuste prédilection de Lor* meuil pour un fils ingrat. Enfin ce bon fils a la doubla satisfaction de saliver son père en le corrigeant, et d'obtenir la main d'Angélique de Nelfort', sa cousine.
PETITE GUERRE (la), ou LEs ESPIÈGLES, comédie en un acte, en prose, par M. Bié, 1806. i.M L'auteur, dans un avertissement qu'il a cru nécessaire, dit qu'il a trouvé dans un roman de M. Pigault le Brun , une idée de comédie et des scènes entières : ceci . peut êlre vrai ; mais il aurait pu trouver ailleurs l'idée de sa Petite Guerre. ) " *
Le baron de Luceval a .un neveu qu'il aime beaucoup, et madame d'Egligny une fille qu'elle n'aime pas moins. Ce monsieur et cette dame conviennent d'unir les deùx jeunes gens ; mais ils ont grand soin de leur cacher ce projet qui comble leurs voeux : les amans, qui découvrent l'innocente ruse de leurs parens et qui sont censés ne pas se douter de l'aimable tour qu'on leur joue , feignent une indifférence qui les brouille un petit instant. Mais ils se trahissent bientôt, et bientôt aussi le baron force madame d'Egligny à convenir avec lui que : lorsque la jeunesse a l'amour en tête, elle a plus de finesse que l'âge mûr n'a-d'expérience. Tel est le fond de cette petite espiéglerie. *
' PETITE IPHIGENIE ( la ), parodie d'Iphigénie en Tau ride en un acte, en vers, par Favart, aux Italiens, 1757.
C'est la tragédie elle-même resserrée en un acte : ce sont les mêmes personnages qui paraissent sur la
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&cène. On y revoit Thoas, Iphigénie, Oreste et Pylade, Toute la différence est, que la petite remarque ce qu'il y a de plus répréhensible dans la grande, et que le style tragique est souvent changé en style familier.. Une parodie dans les formes, demandait qu'on appliquât l'intrigue à d'autres personnages. Il fallait imaginer quelqu'action de la vie commune qui ressemblât à la fable à d'Iphigénie en Tauride ; faire ressortir adroitement les fautes et les absurdités, par la manière de rendre les mêmes pensées et d'amener les coups de théâtre les plus applaudis; car c'est le contraste de voir tout ce fracas tragique réduit à une aventure ordinaire, et d'entendre des bourgeois, des artisans parler le même langage que les rois et les héros, qui surprend et qui réjouit.
Il y a beaucoup d'esprit dans cette parodie , et les défauts de la grande y sont bien censurés. Iphigénie fait bien sentir que le caractère de Thoas est mal conçu . efrmal dessiné.
Je ne sais pas d'où vient il se fait détester ;
Ce tyran est au fond une bonne personne -,
Lorsqu'il fait le méchant, c'est un air qu'il se donne.
On n'y voit point de sang de répandu, et la pièce finit gaiement par un trio comique d'Iphigénie , d'Oreste et de Thoas.
PETITE MAISON ( la ), parodie de l'acte d'Anacréon, par Chevrier et Marcouville, aux Italiens, 1751.
Dans un de ces petits réduits consacrés aux plaisirs, le financier Mondoron se trouve en partie avec des amis et des femmes. Mais madame Rebarbade, son ancienne maîtresse, vient troubler la fête, fait un tapage effroyable, et chasse Philoris, nouvelle maîtresse
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du financier. Ce dernier resté seul, s'endort et se1 réveille au bruit d'un orage. Dans ce moment Crispin se présente, lui demande un asile, et dit qu'il est le valet de Philoris. Le financier le prie de l'aller chercher ; Philoris paraît, et madame Rebarbade les surprend encore. Mais cette fois, elle trouve un défenseur dansCrispin qui se dit son frère. Il offre son cœur à Rebarbade pour la consoler de la perte de celui de Mondoron; elle accepte la proposition , la paix se rétablit, et les plaisirs renaissent.
PETITE MAISON DE THALIE (la) , comédie en un acte, envers, par M. Armand Charlemagne, au Théâtre Louvois, 1801.
Cette agréable bagatelle fut faite pour l'inauguration de la salle de la rue de Louvois. Comme dans toutes les pièces de ce genre, on y voit figurer Apollon y Momus et plusieurs autres personnages allégoriques.
PETITE NANETTE (la), opéra comique, en deux actes, paroles et musique du Cousin Jacques, à Feydeau, 1796.
Nanette est la fille d'une victime de la terreur. N'ayant plus de ressources, elle se retire dans un village ave« sa mère ; celle-ci se fait blanchisseuse, et Nanette entre au service d'un vieux fermier. On s'aperçoit bientôt qu'elles ne sont pas nées pour ce genre de travail. Alors le fermier les éprouve : charmé de la délicatesse de leurs sentimens , il marie Nannette à son fils, et assure l'existence de la mère.
Cette pièce offre des détails intéressans.
PETITE VILLE ( la ), comédie épisodique en, quatre actes, en prose, par M. Picard, à Louvois , 1802.
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Un jeune homme fuyant, avec son ami, sa maî+tresse qu'il croit infidèle, est forcé de s'arrêter, au-f près d'une petite ville pour faire raccommoder sa voiture. Il est prêt à s'enthousiasmer pour les mœurs provinciales ; mais à peine a-t-il mis le pied dans la petite ville, qu'il se trouve en butte à toutes les mésaventures comiques que lui suscite une foule d'originaux. C'est une demoiselle romanesque et surannée qui se persuade qu'il doit l'épouser, et qui lui fait intenter un procès par son frère, grand chicaneur; c'est, une coquette qui , par ses agaceries, lui attire un duel avec un de ses courtisans, gentillâtre fanfaron et ridicule ; c'est une babillarde qui veut lui faire épouser sa fille, et dont il ne peut éviter les politesses impor-r tunes qu'en se disant marié.
Heureusement, sa maîtresse, qui l'a suivi dans ses courses vagabondes, trouve le moyen, grâces aux soins de son ami, de se justifier, de se raccommoder avec lui, et de l'arracher à toutes les tracasseries de cette petite ville, qu'il abandonne sans regret.
PETIT MAITRE AMOUREUX ( le ), comédie en trois actes, en vers, par Romagnesi, aux Italiens, 1734.
Damon aime Angélique ; celle-ci le paie de retour; mais ce ne sont pas seulement les qualités de cette jeune personne qui charment Damon, ce sont les grands biens qu'elle possède. Angélique, quL croit pouvoir soupçonner le cœur de son amant, se brouille avec lui. Déjà Damon est sur le point de partir ; mais une explication remet les choses dans l'ordre. Les torts mutuels ne sont que des méprises de part et d'autre, occasion-
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nées par un valet. Damon étant redevenu bien décidé- ment amoureux , il ne peut plus y avoir de difficultés, et le mariage est fixé au lendemain.
PETIT-MAITRE CORRIGÉ (le), comédie en trois actes, en prose, par Marivaux, au Théâtre Français, 1734*
Le principal personnage de cette pièce est un fat en qui l'on ne remarque que de l'impertinence, de l'impolitesse et de la grossièreté .Hortense, dont il doit être l'époux, entreprend de le corriger; mais les moyens qu'elle emploie sont si faibles, que l'on pourrait regarder sa conversion comme un miracle.
PETIT MAITRE DE CAMPAGNE (le ), ou LE VICOMTE DE GÉNICOURT, comédie en un acte, en prose, par un anonyme, aux Français, 1701.
M. de Saint-Armel, ci-devant négociant à Venise, où il étoit connu sous le nom du seigneur Azarini, a reçu en dépôt de M. Ricotte, son associé , une somme de trois cent mille livres , qu'il a promis de rendre au fils de ce dernier, dont on n'a point reçu de nouvelles depuis plusieurs années. M. Ricotte , père , meurt ^ Saint-Armel , qui voit ses affaires dérangées, et auquel il ne reste presque plus rien que l'argent qu'il doit au. fils de feu Ricotte, prend le parti de se retirer en France, où, sous un nom emprunté, il fait une assez belle figure. Cependant la crainte qu'il a du retour du fils de son associé, le presse de profiter de l'erreur commune, pour marier avantageusement sa fille au vicomte de Génicourt, petit-maître campagnard, auquel Ma- rianne préfère Eraste, jeune capitaine fort aimable,
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mais sans fortune. Marton, suivante de Marianne, se met en tête de rompre le projet de Saint-Armel, et de favoriser l'union d'Eraste et de sa maîtresse.
Bastien, valet de Génicourt , s'offre très à propos; " et, par le conseil de Marton, il remet à son maître une lettre anonyme, par laquelle le vicomte apprend que Ricotte arrive pour se faire payer des cent mille écus que Saint-Armel a en dépôt. Le sot donne d'autant plus facilement dans le piégea que Marianne , qui jusqu'à ce moment n'avait marque pour lui que du mépris, vient de l'assurer qu'elle est prête à l'épouser. Il rompt avec Saint-Armel; et Eraste, qui se trouve être le fils de M. Ricotte, épouse Marianne.
Tel est le fond, de cette pièce.. i
PETIT-MAITRE EN PROVINCE ( le ), comédie en un acte, envers, avec des ariettes, par Harny, musique d'Alexandre j aux Italiens, 1765. Un jeune marquis s'est compromis au point de quitter la capitale pour épouser une jeune provinciale; mais celle-ci en aime un autre ; Dorval est l'objet de ses plus tendres affections. Cependant il en impose à la vieille baronne, mère de Julie , par ses airs. et ses ma4 nières, par le langage de ce qu'on appelle un agréable. Sous prétexte qu'il n'est pas du bon ton de laisser les choses comme elles sont, il lui fait changer la distribution de sa maison, de ses jardins, et enfin il veut réformer toute la province : le père de Julie, homme sensé et du vieux tems, s'oppose à toutes ces innovations. Bientôt, parses manières, ce petit-maître ridicule et impertinent trouve moyen d'indisposer la jeune provinciale et la baronne elle-même ; et bientôt aussi son rival devient l'époux de Julie.
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PETIT MATELOT (le), ou LE MARIAGE INPROMPTU, comédie en un acte, en prose, mêlée de chant, par M. Pigault le Brun , musique de M4 Gaveaux, au Théâtre Feydeau , 1795.
Le père et la mère Thomas font valoir une petite " habitation sur le bord de la mer, aidés de deux jeunes et jolies filles, dont l'aînée, âgée de seize ans, doit épouser Basile. Déjà l'on s'apprête à, célébrer les noces, lorsqu'une tempête affreuse s'élève, et les ohlige à laisser dans la tonnelle les débris, du déjeuner. Tandis que ces paisibles habitans des campagnes bra.vent, à l'abri d'un toit hospitalier, le courroux des autans, le brave capitaine Sabord lutte en vain contre les flots mutinés ; la pointe d'un' rocher entr'ouvre son corsaire, et tous ses compagnons, excepté son petit Sarpejeu qu'il jette à la mer, sont submergés. Le petit matelot , presqu'aussi bon nageur que son père , parvient à se sauver, et arrive tout mouillé auprès de l'habitation du bon homme Thomas ; sans façon il se met à table , et mange une tranche d'un jambon qu'il trouve excellent. Cependant Cécile j la plus jeune des deux filles du père Thomas, inquiète de savoir si l'orage n'a rien dérangé aux préparatifs de la fête, sort et aperçoit le petit Sarpejeu en bonnes dispositions. Elle lui trouve un petit ton décidé qui lui plaît, lui fait raconter son aventure, et conçoit aussitôt le dessein d'amariner le petit matelot, qui, de son côté, ne demande pas mieux que d:e la laisser faire. Cette pre*mière entrevue a décidé de leur sort. Mais le capitaine Sabord , qui vient d'arriver, n'est pas de cet avis ; il somme son petit matelot de le suivre : pour cette fois, la première, Sarpejeu désobéit, à son capitaine.
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Le père et le fils ont ensemble une discussion assez forte, qui n'offre aucun résultat. Sabord est sourd à toutes les prières ; mais le père Thomas, qui voit que ce moyen ne lui réussit pas, prend le parti de le prier de partir au plus vite et d'emmener avec lui son fils, dont il ne veut point pour son gendre. Il ne sera pas • dit qu'un homme tel que lé père Thomas lui aura fait la loi; et, puisqu'il veut qu'il parte, il restera ; Thomas ne veut pas de Sarpejeu pour son gendre ; Sabord veut qu'il le devienne. En le contrariant ainsi, le père Thomas parvient à le faire consentir au bonheur de sa Cécile et du petit matelot.
Ce petit opéra eut beaucoup de succès ; il offre des scènes très-piquantes.
PETIT OEDIPE (le), comédie en un acte et en vers, mêlée d'ariettes et de vaudevilles, par ***, musique de Désaugiers, aux Italiens, 1778.
L'Amour et l'Hymen, exilés des cieux, arrivent l'un et l'autre, le premier, conduit par la Folie, dans une île de la Grèce, habitée par cent jeunes filles. Un seul homme, nommé Agénor, est toléré dans cette île, parce qu'il a bien voulu leur tracer des lois, quand elles ont renoncé au culte de l'Amour pour ne plus adorer que la Félicité. Une tendre amitié unit Agénor à Zulma , la première des habitantes de l'île ; mais un oracle a menacé Agénor de l'esclavage, et Zulma lui dispute ses fers. C'est dans cette circonstance que l'Amour et l'Hymen demandent un asile : le jeune homme le leur accorde, et les engage à se cacher;' mais, malgré leurs soins , ils sont découverts. On veut les chasser de l'île ; Agénor les prend sous
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sa protection, jusqu'au moment où, se présentant au temple de la Félicité avec Zulma , qui veut toujours se soumettre à l'esclavage pour son jeune ami, l'Amour se découvre, et leur apprend que son aveuglement et son exil devant finir au moment où il naîtrait un enfant plus charmant que lui, et Mercure lui ayant annoncé la naissance de. cet enfant, il recouvre la vue et la li- , berté. Bientôt le Dieu fait rentrer sous ses lois les habitantes de l'île, et fait aborder cent jeunes Grecs , que l'Hymen leur donne pour époux.
On remarque dans ce petit ouvrage de la facilité r de la gaîté et de l'esprit.
PETITOT (M. CLAUDE-BERNARD), auteur dramatique, inspecteur de l'Université, 1811.
M. Petitot est auteur de Pison, de Laurent. de Médicis, et de Géta, tragédies. Il a fait, en société avec M. Fiévée, le Répertoire du Théâtre Français, ou Recueil des tragédies et comédies restées au théâtre depuis Rotrou, 23 volumes in-8°, avec figures. Il a traduit les OEuvres dramatiques d'Alfiéri , accompagnées de notes sur chaque pièce, 4 volumes in-fol. Enfin , il est éditeur des OEuvres de Racine, avec les variantes et les imitations des auteurs grées et latins.,
PETIT PAGE ( le ), ou LA PRISON D'ÉTAT , comédie en un acte, en prose, mêlée d'ariettes, par M. Guilbert-Pixérécourt, musique de M. Kreutzer %
à Feydeau, 1800. y
Charles est depuis huit jours' dans la forteresse de Spandaw, où Frédéric l'a fait enfermer pour avoir perdu cinquante louis au jeu. Qu'il est heureux ce
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petit page ! il retrouve , dans la fille du gouverneur, une amante qu'il a perdue de vue depuis deux mois. Agathine, qui le paie du plus tendre retour, adoucit la captivité de son cher petit page; et, malgré les ordres du roi qui l'a condamné au pain et à l'eau, lui fait faire une chère excellente. Vingt-quatre heures s'écoulent, et Charles n'a vu ni sa belle, ni le panier qui renferme ses provisions; l'une et l'autre arrivent enfin. Charles fait des reproches, Agathine s'excuse ; mais . tandis qu'ils passent le tems à se quereller, la vieille Suzanne arrive, et surprend sa jeune maîtresse , qui n'a que le tems de cacher son petit panier. Vaines précautions! les provisions de Charles sont saisies. Déjà Suzanne se dispose à sortir pour aller rendre compte de sa découverte au gouverneur, lorsque Brandt survient ; celui-ci est un vieux militaire couvert d'honorables blessures, qui a servi pendant quarante ans sous le père du jeune baron de Felsheim. Il s'est présenté au roi, et lui a demandé la liberté du page. Frédéric, qui a eu l'air d'être offensé des observations du vieux soldat, l'a chargé,d'une lettre pour le gouverneur de Spandaw, qu'il croit contenir l'ordre de sa .détention, Il est, comme on doit le présumer , d'assez mauvaise humeur lorsqu'il rencontre Suzanne; aussi la trâite-t-il un peu cavalièrement. Celle-ci, furieuse,, va trouver le gouverneur pour se plaindre de l'offense; il vient et fait lecture de la lettre du roi: alors Suzanne change de ton; elle essaie d'apprivoiser Brandi , nommé concierge en chef de la forteresse. Laissons de côté cet épisode , pour nous occuper de Charles. Il est enchanté de l'arrivée de Brandt, et croit que gon vieil ami va lui faciliter une entrevue avec sa maî- •
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tresse ; mais Brandt résiste à ses prières. Le petit page, qui était déjà en train de scier un des barreaux de sa prison , désespérant de le fléchir, se remet à l'ouvrage, et parvient à se faire un passage. Il descend avec la rapidité de l'éclair, et vole à la fenêtre d'Agathine. L'étourdi monte sur la branche d'un oranger ; pours'approcher de plus en plus dela fenêtre, ils'éloigne du tronc, et la fatigue au point de la rompre sous lui. Charles tombe ; le bruit de sa chute est entendu de la sentinelle, qui fait entendre à son tour le redoutable verdaw. Soudain un coup de fusil part, et jette l'alarme dans la forteresse. Charles rentre, mais le barreau dépose contre lui. On court çà et là ; enfin il est découvert. Après lui avoir fait une légère réprimande, le gouverneur, à qui cette alliance convient sous tous les rapports, s'apaise, et consent au mariage des deux amans.
Cette pièce obtint un succès mérité ; elle offre.des détails agréables.
PETIT-PAS (Mlle) était fille d'un serrurier de Paris; elle parut pour la première fois à l'Opéra, en 1727, dans Pyrame el Thisbè ; comme danseuse elle acquit à ce théâtre une juste célébrité; elle n'y brilla pourtant pas long-tems, car elle prit sa retraite j en 1739, et mourut peu de tems après. Voici une anecdote singulière sur son compte. Un jeune officier, qui était amoureux de Mlle Petit-Pas, se voyant dépourvu d'argent, et ne pouvant s'approcher d'une, divinité qui ne recevait point d'adorateur sans offrande, prit le parti d'entrer chez elle en qualité de laquais; le zèle avec- lequel il la servait lui mérita sa
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reconnaissance, sans toutefois l avancer beaucoup dans ses projets. Mais un jour il fut reconnu par un capitaine de son régiment, qui soupait chez la danseuse; celle-ci, charmée d'un stratagème inspiré par ses charmes, en sut si bon gré au jeune officier, qu'elle lui accorda ses faveurs les plus secrètes, et les lui prodigua jusqu'à l'époque où il fut forcé de retourner à sa garnison.
PETIT PHILOSOPHE (le), comédie en un acte, en vers, par Poinsinet, aux Italiens, 1760.
Le petit philosophe qui figure dans cette pièce est un jeune paysan qui s'est. corrompu dans la capitale. De retour dans sa famille., il trahit à la fois la nature et l'amour ; il accable ses parens d'ingratitude, et trompe une jeune personne qui lui était promise. C'est donc dans les vices les plus odieux que consiste la philosophie !•
PETIT SOUPER DE CAMPAGNE (le), comédie en deux actes et en prose, par M. ***, à Louvois, 1792.
Le fond de cette pièce est moral sans être neuf. Un officier, nouvellement marié avec une jeune et jolie personne qui sort du couvent, a été obligé de quitter sa femme, dont quelques individus sans mœurs cherchent à corrompre les principes, afin d'en faire plus facilement leur dupe. Elle est sur le bord du précipice , quand le mari revient ; il est informé par un serviteur fidèle de tout ce qui s'est passé durant son absence, de ce qui se projette; et, après avoir éconduit les pervers- qui tramaient sa ruine et sa honte j
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rend son épouse à ses devoirs, par une leçon tirée de la situation même où il la retrouve.
PETITS COMMISSIONNAIRES (les), comédie en deux actes, en prose, mêlée de musique , par M. Vial, à Louvois, 1794.
C est le même fond que Claudine, donnée au Théâtre Feydeau, mais traité différemment. La scène se passe de même à Genève : là, Belfort, après avoir N séduit, dans le cours de ses voyages , une jeune pastourelle de la vallée de Chamouni, qu'il a délaissée" ensuite, se plaît à voler de conquête en conquête. Il a du penchant pour une certaine Fanny : mais une dame Alberti, femme jalouse à l'excès, le tient dans les fers , surveille toutes ses^démarches , et se propose de le punir rigoureusement de la moindre infidélité. Sur ces entrefaites , Claudine et son fils Benjamin , tous deux déguisés en commissionnaires, frappent les regards de Belfort, et l'attendrissent. Claudine reconnaît son séducteur; elle porte toujours son portrait sur son cœur: mais Belfort a tellement oublié Claudine, que ses traits ne sont plus présens à sa mémoire. Claudine se fait passer pour le frère de Claudine : Belfort, qui sent renaître ses remords, la prend à son service , ainsi que le petit Benjamin. Cependant la dame Alberti a surpris une lettre que Belfort écrivait à Fanny. Getter femme furieuse, et secondée par un scélérat, veut faire" assassiner son infidèle. En effet, Belfort est attaqué i x Dubois, son fidèle serviteur, et Claudine l'aident à repousser ses assassins; ils y réussissent: mais Claudine est blessée dans l'action ; c'est en lui donnant des secours, qu'on trouve sur son coeur le portrait de.
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Belfort. Ce dernier reconnaît l'infortunée qu'il avait abandonnée: Claudine lui remet son fils Benjamin, et devient l'épouse de son séducteur.
Cette pièce est le premier ouvrage de son auteur. On y trouve de l'intérêt, un style soigné, des vers bien faits et du sentiment.
PETITS COMÉDIENS (les), ou ,LA TANTE DU-PÉE , opéra comique en un acte , par Panard , à la Foire Saint-Laurent , 1731.
Cette pièce fut jouée par des enfans dont le plus âgé n'avait guère que douze ans ; elle fut donnée à la cour, et les principales scènes en ont été gravées sur des écrans, avec des explications en vers , par Moraine.
PETITS-MAITRES ( les ), comédie en trois actes, en vers, par Avisse , aux Italiens, 1743.
Une comtesse et un chevalier sont d'intelligence avec l'intendant d'un marquis , pour faire interdire ce dernier comme joueur et dissipateur ; mais une marquise, qui connaît leur projet, entreprend de le renverser. Vainement elle prévient le marquis des embûches qu'on lui dresse, il veut croire le chevalier et la comtesse incapables de le trahir; et, comme il est en belle humeur, il lui apprend que ce qui le rend si joyeux , est l'espérance de la prochaine arrivée d'une forte somme que doit lui apporter son intendant. Inutilement encore la marquise veut lui inspirer de la défiance contre son intendant, en lui disant qu'il conspire avec ses ennemis; il ne peut se le persuader. Cependant l'intendant arrive , et lui présente une foule de papiers qu'il lui fait signer aveuglément, par la raison qu'il doit lui en revenir de l'argent. Que sont ces papiers qu'il
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signe si légèrement ? ce sont ceux à l'aide desquels Id chevalier et la comtesse le feront interdire. Au lieu d-e lui compter l'argent qu'il lui avait promis de lui faire prêter par un usurifeT , l'intendant le quitte et ne lui laisse que des promesses. Bientôt il apprend que le chevalier et la comtesse se sont mariés à son insu, et qu'enfin il est trop vrai qu'ils ont fait tous leur; efforts pour le ruiner et le faire interdire. C'est encore la marquise qui l'instruit de toutes ces perfidies, et, quoiqu'elle lui fasse toucher au doigt la plus noire des trahisons , il n'en est point ému , et lui répond avec sang-froid :
Un intendant me vole !
Qu'ai-je à dire à cela ? cet*homme fait son rôle. Peut-être, s'il avait beaucoup de probité ,
Je n'y trouverais pas la même utilité.
La comtesse me trompe.... Eh , quoi ! c'est ma parente ; Ce titre est suffisant pour que mon bien la tente.
Mon ami me trahit par le plus lâche tour;
Mais il fait son emploi , c'est un ami de cour.
Quoi qu'il en soit, la marquise lui parle avec tant de force, et ses reproches sont si humilians, qu'il en est enfin pénétré. La pièce se termine par leur mariage.
Ce fut pendant le cours des représentations de cette comédie que les comédiens italiens commencèrent à donner des feux d'artifice composés par les sieurs Ruggieri frères , de Bologne.
PÉTRARQUE, pastorale lyrique en un acte, par M. Moline, musique de Candeille, à l'Opéra, 1780.
L'action de cette pastorale n'a point d'intérêt et ne présente aucune situation. Pour rendre Laure sensible
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à l'amour de Pétrarque , Chloé, dame de Vaucluse, imagine de la rendre jalouse en lui chantant des couplets que le poëte a faits pour elle , et dans lesquels elle substitue le nom de Doris au sien. Ce qu'elle avait prévu arrive ; Laure reproche à Pétrarque sa perfidie ; celui-ci se disculpe en lui montrant son nom. dans là copie même que Chloé lui a remise des couplets qui ont éveillé sa jalousie ; Laure avoue sa défaite, et consent à épouser son amant. Le style de cette pastorale est aussi faible que l'intrigue ; la musique obtint un succès mérité.
PÉTRINE, parodie en un acte de l'opéra de
Proserpine .1 par Favart, aux Italiens , 1759.
Tout le plaisant de cette parodie se trouve dans les travestissemens des personnages. Au lieu de Cérès , c'est madame Pain-Frais , boulangère. Pétrine est le principal personnage de la parodie , comme Proserpine est l'héroïne de l'opéra. Le Dieu du sombre Empire , Pluton, n'est plus ici qu'un entrepreneur de forges que l'on nomme Fumeron. Aréthuse elle-même, sous le nom de mademoiselle l'Ecluse, y joue son rôle; enfin une charrette tient lieu du char de Cérès.
PEYRAUD DE BEAUSSOL , né à Lyon , est auteur d'une tragédie intitulée Stratonice, imprimée en 1756.
PEZAY ( de ) , est auteur de la Closière et de la Rosière ; la première est une comédie mêlée d'ariettes, musique de Kloault, jouée à Fontainebleau, en 1770; la seconde est un opéra comique dont la musique est de lU. Grétry , représentée sur le même théâtre, en 1773.
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PHAÉTON , tragédie-opéra , en cinq actes , avëe un prologue , par Quinault , musique de Lulli ,
i683.
La magnificence du spectacle , et les machines qu'il demande pour être exécuté , ont fait nommer cet ouvrage l'Opéra du peuple. M. de Freneuse , dans sa comparaison de la musique française et de l'italienne, dit que le duo , Ht las ! une chaîne si belle, qui a eu tant de vogue, ne passait pas pour être de Lulli, et qu'on prétendait qu'il était de l'Allouette l'aîné, son secrétaire. Ce soupçon lui paraît fortifié par la préférence que Lulli donnait à cet autre duo, Que '" mon sort serait doux ! En effet, il n'est pas sans apparence que Lulli ait voulu élever le duo qui est certainement de lui , aux dépens de l'autre qu'on croit de l'Allouette. Mais M. de Freneuse se contredit dans un autre endroit où il dit que Lulli avait congédié l'Allouette plus de quatre ans auparavant sur ce qu'il s'était vanté d'avoir fait les plus beaux morceaux de l'opéra d'Isis.
Dès que Quinault avait composé quelques scènes de ses opéras , il les montrait à Lulli qui les examinait mot à mot, et réformait sans appel ce qui ne lui convenait pas. Au sujet de Bellérophon, ce musicien mit vingt fois Thomas Corneille au désespoir, en le contraignant de composer plus de deux mille vers, pour cinq à six cents qui se trouvent dans la pièce.
Phaélon est le premier opéra qui ait été joué sur le théâtre de Lyon, en 1688 ; il y eut un succès si extraordinaire , qu'on vint le voir de quarante lieues à la ronde. Les décorations, les voix , les danses, les habits, tout répondait à la beauté de la musique. C'est, aussi le
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premier opéra que Louis XV ait honoré de sa présence en 17310
PHAÉTON, comédie en cinq actes, en vers libres, par Boursault, 1691..
Cette comédie héroïque est ûn tissu de saillies, dé pointes, d'allusions et de bouffonneries. Epaphus, fils de Jupiter et d'Isis , saisit toutes les occasions d'humilier Phaéton son rival. Il va jusqu'à lui contester sa naissance. Parle secours de Momus , Phaéton monte au ciel, obtient de son père la permission de conduire son char, met le ciel et la térre en feu, et est foudroyé par Jupiter. Cette fable très-sérieuse est égayée par les plaisanteries de Momus , et par les épigrammes de Théonoé amante de Phaéton. Ce mélange de haut et de bas comique déplut ; il déplaira toujours, surtout quand cette réunion de Jeux genres aussi opposés ne produira, comme dans cette pièce, que de la monotonie.
Comme l'auteur sortait de la comédie, dans le tems qu'on y jouait sa pièce, un inconnu lui fit remettre les vers suivâns :
Plus je vois ton ouvrage, et plus j'en suis avide;
C'est ainsi qu'au temps ancien
Ecrivait le galant Ovide ,
Et l'ingénieux Lucien.
JPHAËTÙSE, acte de ballet, par Fuzelier, musique de Iso, 1759.
Phaétuse, supposée fille du Soleil, c'est-à-dire de Phébus ou d'Apollon , qui protégea toujours les Troyens contre les Grecs, a promis d'immoler à son père tous ceux de cette nation que leur destinée con-, duira dans l'île qu'elle habite. Diomède et ses compa-
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gnons y sont jetés par un naufrage. On y lait ce héros grec arpoureux de Phaétuse; mais il se fait un crime d'aimer la fille d'un Dieu, protecteur des Troyens, prend la résolution de cacher' ses feux, de souffrir en silence et de fuir, par un prompt départ, l'objet qui l'enflamme. Phaétuse, de son côté, brûle pour Diowède; mais la froideur du fils de Tydée humilie son amour-propre, et elle se détermine à le faire périr avec tous ses Grecs. Dans ce dessein, elle appelle le grand sacrificateur du Soleil, et lui ordonne de verger le sang des coupables. Alo-rs les Grecs paraissent enchaînés, environnés par les sacrificateurs qui se disposent à les. immoler ; déjà le bras du grand-prêtre est levé. Phaétuse l'arrête, et lui ordonne de se retirer avec sa suite. Enfin, elle fait l'aveu de son amour à Diomëde, et ces deux amans, au comble da l'ivresse, chantent leur amour.
Le compositeur delà musique de Phaétuse y intenta à la Garde, musicien de la chambre du Roi, un procès qu'il perdit au Châtelet et au Parlement. Il soutenait qu'il était l'auteur de tous les ouvrages, dont la Garde s'attribuait la gloire et le profit.
PHALENTE, tragédie, par la Calprenède, 1641.
Hélène, reine de Corinthe, a conçu autant d'amour pour Phalente, prince étranger, qu'elle a d'aversion pour Philoxène, fils du prince Timandre. Tout l'intérêt de cette pièce roule sur la délicatesse de Phalente qui sacrifie son amour à l'amitié qui le lie avec Philoxène. En effet, au lieu de répondre aux tendres empressemens de la princesse, il ne lui parle que pour son ami. Mais ses soins ne servent qu'à redoubler
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l'aversion de la reine, et excitent très-injustement la jalousie de Polixène, qui, sans vouloir écouter la justification de son ami, force son rival à mettre l'épée à la. main. Polixène se précipite avec tant de fureur sur le fer de son ami qu'il se blesse mortellement. Il reconnaît enfin son erreur, et expire pénétré de son aveuglement.D'un autre côté, les froideurs affectées de Phalente jettent la reine dans un tel désespoir, qu'elle s'em^-' poisonne pour terminer une vie importune. Elle vient, en cet état, se présenter aux yeux de son cruel amant : la vue de la princesse expirante lui cause de cuisans remords ; il se reproche sa faiblesse , qui l'a engagé à entretenir l'infructueux amour de son ami, et empêché de profiler de celui d'une reine adorable; et, cédant à l'excès de sa douleur, il se frappe, et tombe aux pieds de son amante qui le suit de près.
PHARAMOND, tragédie en cinq actes, en vers, par Cahusac , 1736.
L'amour de Pharamond pour Arminie sa captive est le pivot sur lequel roule cette tragédie ; la victoire que remporte sur ses passions le fondateur de la monarchie française, en forme le dénouement. Ce monarque tient sa cour dans Reims où la scène se passe. Mais dès que Vindorix, son ministre et son favori, vient l'avertir de l'approche des Romains , il vole au combat, triomphe , fait Maxime prisonnier, pardonne aux vaincus , et renvoie ce général sur sa parole. Dans cet intervalle, Vindorix a reconnu dans Arminie sa fille, qu'il croyait victime de la cruauté des Romains , et ^ dans Maxime, son libérateur et l'amant aimé de sa fille. Malgré la juste haine qu'il porte au nom romain ,
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la reconnaissance et l'intérêt de son maître l'emportent , et il unit les deux amans, auxquels il ordonne de fuir ; mais Pharamond, désespéré de la perte d'une amante adorée, furieux de rencontrer un rival, fait courir sur ses traces, et bientôt Arminie est ramenée près de lui ; il jure alors de faire périr cet heureux rival. Il le fait chercher en vain, lorsque Maxime revient sur ses pas , se présente fièrement devant le roi des Francs, et se déclare l'époux d'Arminie. Vindorix lui-même apprend au monarque qu'il est le père de cette dernière; Pharamond conçoit enfin que c'est pour sa gloire et pour son intérêt que Vindorix éloignait sa fille : il renonce donc à la main d'Arminie en faveur de Maxime, et témoigne à Vindorix sa reconnaissance.
PHARAMOND , tragédie par La Harpe, 1765. Pharamond est déjà vieux. Il a pour fils Clodion qui doit lui succéder et qui voudrait en hâter l'instant, dans la crainte de voir reparaître un frère aîné, proscrit par sa mère dès le berceau, mais dont la mort n'est pas bien assurée. En effet, ce frère existe sous le nom de Valamir t et n'est connu que pour un guerrier devenu fameux par ses exploits. Ildegonde, princesse plutôt recherchée qu'aimée de Clodion, lui préfère •Valamir. Le premier rend suspect son rival, et le fait arrêter ; mais lui-même cesse b-ientôt de se contraindre. Il attaque son père, qui vient d'apprendre que Valamir est son fils et a pour vrai nom Mérovée ; il lui remet son épée, pour punir les attentats de Clodion qui est tué dans le combat.
PHOEDOR ET WALDAMIR, tragédie en cinq actes, en vers , par M. Ducis , aux Français, 1801.
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Unis par l'amitié la plus tendre, et relégués dans les déserts de la Sibérie, ces deux frères conçoivent pour Arzeline la passion la plus ardente. Le doux et sensible .Waldamir est préféré à l'impétueux et bouillant Phœdor. Le premier se sent capable d'immoler son amour à l'affection fraternelle; le second est susceptible de tous les transports d'une jalousie effrénée. Quoique ces deux amans s'efforcent de cacher leur tendresse, Phœdor est loin de croire à l'indifférence qu'affecte son frère.D'ailleurs Arzeline, que la rigueur du climat a conduite auxportes du trépas, a fait dans le délirel'aveu de son amour pour Waldamir. Phœdorne connaît plus de frein ; il veut immoler son rival ; mais de pieux hospitaliers chez lesquels se passe la scène , font rougir ce jeune insensé. Alors, en horreur à lui même, détestant son amour et la vie , il tourne le fer contre son propre sein, et se punit ainsi d'avoir conçu l'idée d'un fratricide.
Cette ttagédie offre de beaux détails , mais la contexture en est vicieuse.
PHÈDRE ET HIPPOLYTE, tragédie de Racine,
1677.
L'amour de Phèdre pour Hippolyte, si bien traité . par Euripide, décrit avec tant de force par Sénèque , si souvent célébré par les poëtes , est peint par Racine avec un art et une délicatesse qui font disparaître, pour ainsi dire , toute l'horreur qu'inspire la déclaration de l'épouse de Thésée. Le caractère de Phèdre est un chef-d'œuvre: les anciens n'en fournissent point de semblable; il contraste parfaitement avec celui d'Aricie, personnage épisodique, heureusement trouvé, et plus heureusement conduit. Pradon eut la témérité, ou
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plutôt la sottise de traiter ce sujet dans le même tems. Racine pouvait se passer de ce nouveau genre de triomphe.
On prétend qu'une femme jalouse de MlIe Lecouvreur, avança ses jours, pour la punir de quelques vers de Phèdre qu'elle lui avait adressés en plein théâtre, ea^ la regardant avec un mépris trop marqué.
Un comédien disait à une dame qu'elle avait l'haleine d'Aricie. La dame lui ayant demandé l'explication de cette enigme : Elt quoi, lui répondit-il, ne connaissez vous pas ce vers qu'Hippolyte adresse à son amante?
Ai-je pu résister au charme décevant.
L'ignorant faisait trois mots de ce participe , et lisait :
Ai-je pu résister au charme de ce vent.
]1 s'imaginait que le galant Hippolyte faisait un compliment à la princesse sur la douceur de son haleine.
A l'une des représentations de cette pièce, le parterre se montra si mécontent des acteurs qu'il se récria hautement contre eux. Le Grand, qui était au foyer, s'avança sur le théâtre, et lui parla en ces termes : « Messieurs, » j'ai entendu vos plaintes ; je suis fâché que mes ca» marades les excitent : mais de quelles épithètes ne les M ornerez-vous point encore, lorsque vous saurez que » moi, qui ai l'honneur de vous parles, je dois remplir » le rôle de Thésée ? » Le parterre , charmé de cette saillie, s'apaisa , le laissa jouer tranquillement, et fut très-disposé à l'écouter sans dégoût dans la suite.
PHÈDRE ET HIPPOLYTE, tragédie, par
Pradon , 1677.
Pour exprimer l'ascendant que les femmes ont sur les hommes, et la supériorité de la tragédie de Racine sur celle de Pradon ,la Motte disait : » Les femmes seraient
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» maîtresses de faire rechercher la Phèdre de Pradon, » et de faire abandonner celle de Racine. »
Long-terns avant que la Phèdre de Racine parût, on avait avisé aux moyens de la faire tomber. Mad. Deshoulières, quis'était laissé prévenir contre Racine, s'unit dans cette vue avec Mad. la duchesse de Bouillon, M. le d uc de Nevers son frère, et d'autres personnes de distinction. Elles engagèrent Pradon à composer une tragédie sur Phèdre, et à la faire représenter en même tems que celle de Racine. La Phèdre de celuici eut un succès fort équivoque, tandis que celle de Pradon fut portée aux nues. Tel fut le résultat des manœuvres des personnes attachées à Mad. la duchesse de Bouillon. Selon Boileau, elles firent retenir les loges des deux théâtres pour cette représentation et les cinq suivantes, afin d'empêcher les partisans de Racine de prévaloir contre la cabale , qui. lui était opposée ; elles laissèrent vides t'outes les premières loges du théâtre de l'hôtel de Bourgogne. Cette ruse, ajoute le poëte satirique, leur coûta plus de quinze mille livres. Mad. Deshoulières assista néanmoins à la première représentation de la pièce de Racine, et revint ensuite souper chez elle avec Pradon et quelques personnes de la cabale. Ce fut pendant ce sauper qu'elle fit ce fameux sonnet :
Dans un fauteuil doré , Phèdre, tremblante et blême, Dit des vers, où d'abord personne n'entend rien.
Sa nourrice lui fait un sermon fort chrétien ,
Contre l'affreux dessein d'attenter sur soi-même.
Hippolyte la hait presque autant qu'elle l'aime ;
Rien ne change son cœur, ni son chaste maintien :
La nourrice l'accuse, elle s'en punit bien.
Thésée a pour son fils une rigueur extrême.
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Une grosse Aride , au teint rouge , aux crins blonds, N'est là que pour montrer deux énormes tétons, Que, malgré sa froideur, Hippolyte idolâtre.
Il meurt enfin , traîné par ses coursiers ingrats ;
Et Phèdre , après avoir pris de la mort aux rats , Vient, en se confessant, mourir sur le théâtre.
Les amis de Racine tournèrent sur les mêmes rime& ce sonnet contre le duc de Nevers qu'ils en croyaient l'auteur; car ils ne firent jamais à Pradon l'honneur dé
le lui attribuer :
Dans un palais doré, Damon jaloux et blême ,
Fait des vers où jamais personne n'entend rien.
Il n'est ni courtisan , ni guerrier, ni chrétien ;
Et souvent pour rimer , il s'enferme lui-même.
La muse , par malheur , le hait autant qu'il l'aime ;
Il a d'un franc poëte et l'air et le maintien ;
Il veut juger de tout, et ne juge pas bien :
Il a pour le phébus une tendresse extrême.
Une sœur vagabonde , aux crins plus noirs que blonds, Va partout l'univers promener deux tétons,
Dont, malgré son pays, Damon est idolâtre.
5 II se tue à rimer pour des lecteurs ingrats;
; L'Enéide, à son goût , est de la mort aux rats;
Et , .selon lui, Pradon est le roi du théâtre.
Ce sonnet fut attribué à Racine et à Despréaux ; ce qui leur attira de terribles inquiétudes ; car, le duc , irrité, alla jusqu'à les menacer de les faire assassiner. Mais, le prince de Condé les ayant pris l'un et l'autre sous sa protection , le duc ne put se venger qu'en répliquant par un autre sonnet qui est aussi sur les mêmes rimes s.
Racine et Despréaux, l'air triste et le teint blême, Viennent demander grâce, et ne confessent rien.
Il faut leur pardonner, parce qu'on est chrétien ; Mais on sait ce qu'on doit au public, à soi-même. v
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Damon , pour l'intérêt de cette sœur qu'il aime,
Doit de ces scélérats châtier le maintien :
Car i I serait blâmé de tous les gens de bien,
S'il ne punissait pas leur insolence extrême.
Ce fut une Furie , aux crins plus noirs que blonds ,
Qui leur pressa du pus de ses affreux tétons ,
Ce sonnet qu'en secret leur cabale idolâtre.
Vous en serez punis , satiriques ingrats ,
Non pas en trahison , ou par la mort aux rats ,
Mais à coups de bâton donnés en plein théâtre.
Le duc de Nevers s'en tint aux menaces contenues dans son sonnet ; il n'eût point osé , sans encourir l'indignation du monarque, les réaliser contre deux écrivains choisis pour écrire l'histoire de son règne. D'ailleurs le prince de Condé fit dire au duc, qu'il vengerait, comme lui étant personnelles, les insultes faites à deux hommes d'esprit qu'il aimait et qu'il protégeait.
Quoique le public ait rendu dans la suite à la Phèdre de Racine toute la justice qu'elle mérite , les chagrins que lui causèrent ces critiques le dégoûtèrent du théâtre : il y renonça dès l'âge de trente-huit ans, malgré les efforts de Boileau pour le faire rentrer dans la carrière : ce fut la piété qui l'y ramena dans la suite.
Les comédiens français avaient ouvert leur salle de la rue deâ Fossés Saint-Germain, en 1689 , par la Phèdre de Racine. Ils ouvrirent aussi parla même pièce celle. qu'ils occupèrent aux Tuileries. 1
PHÈDRE, tragédie lyrique en trois actes, par >1. Hoffmann, musique de M. Lemoine, à l'Opéra, 1786.
Ce sujet est trop connu par la lecture et les ré-
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présentations de l'immortel ouvrage de Racine, pour qu'il soit besoin d'en donner l'analyse. L'auteur, obligé de suivre la marche du poëme lyrique , a supprimé le rôle épisodique d'Aricie ; mais ce sacrifice n'est pas malheureusement le seul; il a fait disparaître plusieurs scènes entières, ainsi qu'un grand nombre de détails qui tiennent au développement et à l'énergie de la passion de Phèdre. On doit lui savoir gré d'avoir conservé le véritable esprit du rôle principal, et de n'avoir point embarrassé sa marche par des sup,erflu ités. Enfin , il a su tirer parti de son sujet,
PHÉNIX (le), comédie en un acte, en vers libres, avec un divertissement, par Duperon dt Castera, aux Italiens, , 1731.
Isabelle, croyant que Cinthio, son mari, a péri dans un naufrage, s'est retirèe dans un château pour y passer le reste de ses jours. Après une longue absence, Cinthio revient et ramène avec lui Arlequin son valet. Blaise, son jardinier , le prend pour un revenant ; mais rassuré, et bientôt convaincu que c'est à son maître qu'il parle, il lui apprend que son épouse a fait divorce avec le monde, pour se livrer toute entière à la douleur que sa prétendue mort lui cause. Quoi qu'il en soit, Cinthio veut mettre le cœur d'Isabelle à de nouvelles épreuves : il commence par ordonner à Blaise de tenir son relour secret; ensuite il prie Mario, son ami et son compagnon de voyage, de se travestir en prince, et de mettre tout en usage, pour tenter la fidélité d;Isabelle. Rien ne peut ébranler la constance de ce phénix. Il nous semble que Cinthio devrait bien en rester là ; mais il veut voir s'il ne serait pas possible d'obtenir par
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la force, ce qu'on a refusé à l'amour et au rang dont Mario paraissait entouré. Cette dernière épreuve a le sort de la précédente ; et enfin , Cinthio satisfait, se découvre à sa femme.
PHILANDRE , tragi-comédie, par Rotrou, 1653.Philandre et C éphise s'engagent à se servir mutuellement ; l'un, en prévenant son frère Alidor en faveur de Céphise qui en est amoureuse, mais qu'il n'aime point; l'autre, en brouillant sa sœur Théane, aimée de Philandre qu'elle rebute , avec Thimante qu'elle adore. Céphise, plus rusée, trompe l'amant, la maîtresse , Thimante et Théane; mais bientôt les rapports sont éclaircis, le complot est découvert et la vérité triomphe. Cependant Thimante ne paraît point : un dépit amoureux l'a précipité dans la Seine, d'où on l'a retiré. Il revient plus aimable, et plus aimé que jamais. Les autres amans s'épousent. Philandre et Céphise, craignant de se tromper eux - mêmes après en avoir . trompé tant d'autres, remettent la partie à deux mois.
PHILANIRE , femme d'Hippolyte, tragédie en vers libres, avec des chœurs, par Claude Rouillet, i563.
Le sujet de cette pièce est tiré d'une histoire assez singulière pour mériter d'être rapportée; la voici dans les propres termes de l'auteur : Une dame de Piémont impétra du prévôt du lieu que son mari , lors prisonnier pour quelque concussion, et déjà prêt à recevoir jugement de mort, lui serait rendu , moyennant une nuit qu'elle lui prêterait. Ce fait, son mari, le jour suivant, lui est rendu, mais jà exécuté de mort.
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Elle est éplorée de l'une et de l'autre injure , a son recours au gouverneur, qui , pour lui garantir.son honneur, contraint ledit prévôt à l'épouser et puis le fait décapiter ; et la dame cependant demeure dé-. pourvue de ses deux maris.
PHILANTHROPE ( le ) , ou L'AMI DE TOUT LE MONDE , comédie en trois actes , en prose , avec un divertissement, par Legrand, musique de Quinault, aux Français , 1723. Quatre amans , de caractères symétriquement opposés , viennent demander à Philandre sa fille en mariage. Cet homme, ami de tout le monde, voudrait les avoir tous pour gendres. Il aime la belle ame du prodigue , la sage économie de l'avare , l'heureuse franchise du brutal, etc. Sa femme , au contraire, qui désapprouve tout , ne s'accommode d'aucun d'eux. Le seul qu'elle trouve à son gré, est Lisimon, amant chéri de sa fille, lequel, pour gagner la mère, feint d'être d'un caractère tout opposé à celui du mari ; unique raison pour laquelle cette femme contrariante le préfère à ses rivaux. Parmi les scènes détachées qui composent le Philanthrope , celles de l'avare et de l'homme sincère sont assez gaies.
PHILIDOR ( ANDRÉ) , naquit à Dreux en 1726, et mourut à Londres en 1795.
Philidor peut être regardé avec Duni, comme le père de notre Opéra-Comique. Harmoniste très-profond, son chant manque quelquefois d'intérêt et'de mélodie, Il passait pour avoir peu d'esprit; aussi Laborde, l'un de ses plus grands admirateurs, l'entendant un jour, dans un repas, dire beaucoup de trivialités, se tira: de
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l'embarras où il le mettait, en s'écriant i Voyez cet homme-là ! il n'a pas le sens commun, c'est tout génie.
Il fut le premier joueur d'échecs de l'Europe , et conserva jusqu'au dernier moment la justesse de son jugement. Quoique aveugle, il fit, un mois avant de mourir, deux parties d'échecs à la fois , contre des joueurs très-habiles, et les gagna. Il composa la musique du Diable à quatre , opéra comique en trois actes, deSedaine, représenté en 1756 ; celle de Biaise le Savetier , de l'Huître et les Plaideurs, du même auteur, jouées en 1759; celle du Quiproquo, pièce de Moustou , jouée en 1760, ainsi que le Soldat magicien, d'Anseaume, du Jardinier et son Seigneur, de Sedaine, du Maréchal ferrant, de Quétant, de Sancho-Pança, du Bûcheron, des Fêtes de la Paix , du Sorcier, de Tom-Jones, du Jardinier de.Sidon, du Jardinier supposé, de la Nouvelle Ecole des Femmes, du Bon Fils, de Sémire etMelide , enfin d'Ernelinde} tragédie-opéra de Poinsinet, qui fut donnée en 1767. La plupart de ces pièces font encore aujourd'hui les délices du public, peut-être autant à cause de la musique, qui est vive et gaie, qu'à cause du style qui est partoutnaturel, facile et gracieux.
PHILINTE DE MOLIÈRE , ou LA SUITE DU MISANTHROPE (le) , comédie en cinq actes, en vers, par Fabre-d'Eglantine , aux Français , 1790.
La conception qui fait la base de cette comédie est grande et heureuse. Philinte n'est autre chose qu'un égoïste *, mais le point de vue sous lequel l'auteur l'a présenté, fait mieux voir que tous les raisonnemens que ce caractère jusqu'ici avait été manqué.
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Pendant la moitié de la pièce , Philinte se refusé obstinément aux instances d'Alceste , son ancien ami, qui le presse d'employer le crédit d'un ministre, parent de sa femme , pour empêcher le succès d'une friponnerie. Il s'agit d'un faux billet de deux cent mille écus. Tout est bien dans ce monde, dit-il froidement :
Eh bien ! c'est un trésor qui changera de bourse....
L'adresses avec succès a voie l'imprudence...
Un seul a tout perdu; mais l'Etat n'y perd rien ;
Ainsi donc j'ai raison de dire : tout est bien.
Enfin , il ne veut se mêler de cette affaire en aucune façon ; il ne veut ni user son crédit, ni offenser personne , pas même les fripons. Il le déclare très-positivement , lorsqu'un incident découvre que la somme contenue au billet lui est réclamée , et que le fourbe qui l'exige est Robert, son ancien intendant. Bientôt des gens de justice viennent pour l'appréhender au corps. Alors tout ce qui a précédé retombé sur Philinte, et sert à lui montrer les conséquences de son affreux système. Il n'est guère possible de trouver une situation mieux préparée ni plus approfondie , et jamais le vice n'a été confondu d'une manière plus frappante ni plus dramatique. Cependant, Alcesté se rend sa caution ; mais , lorsqu'il se nomme , le commissaire lui déclare qu'il est chargé d'exécuter contre lui un décret de prise de corps. Le bienfaisant Alceste se l'est attiré, pour avoir pris le parti d'uti de ses voisins contre un homme puissaht qui veut s'emparer de sa métairie. On le conduit devant le magistrat. Phi-
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little soutient son caractère jusqu'au bout. En vain sa femme l'engage à faire des démarches pour un ami aussi généreux ; il ne s'occupe que de ses propres affaires, et remet au lendemain celle de son bienfaiteur. Heureusement qu'Alceste a de quoi confondre ses adversaires devant les juges qui lui rendent la liberté. On a. encore traduit devant eux le fourbe Robert. Alcesttt parvient à l'épouvanter, et à lui faire rendre le billet. Il le rapporte à PhiliRte , lé lui présente sèchement, ét renonce pour jamais à son amitié.
L'art de faire ressortir un caractère, par la force des situations , est porté très-loin dans- cette comédie ; il y a de la profondeur dans la conception de l'intrigue, de la vigueur dans le pinceau, et de la chaleur dans l'exécution. Mais, malgré des tirades énergiques et des vers heureux, on doit dire qu'en général cette pièce est mal écrite ; qu'elle est remplie d'incorrections, d'impropriétés de termes, et de constructions embarrassées.
On trouve: en tête de cette comédie une préface fort longue , que l'on peut regarder comme une diatribe contre Collin d'Harleville et son Optimiste. Pourquoi cette grande colère , et quel est le but de cette préface? L'auteur s'efforce d'y prouver qu'il est affreux de soutenir que tout est bien dans le monde, et que Collin s'est rendu coupable de ce forfait. Le reproche tombe de lui-même par une raison très-simple , c'est que Collin ne l'a pas commis. Car ce n'est point un systèm® qu'il a exposé sur la scène, mais un caractère. Cela est si vrai, que de tous les spectateurs il n'y en a pas un seul qui, en sortant de voir cette pièce, soit tenté de croire réellement que tout est biôa. Collin à observé
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un caractère peu commun, mais très-aimable, celui d'un homme porté à considérer tout du bon côté , à savourer le bien , pour ainsi dire, et à détourner ses regards de tout ce qui est mal. Mais , encore une fois, personne, en écoutant l'Optimiste, n'en conclut que sa manière de voir est juste; au contraire, on rit dans tout le cours de la représentation, de cette singulière tournure d'esprit, et l'on eh conclut seulement que celuiqui peut conserver une telle erreur, est d'un heureux caractère. Il faut pourtant convenir que la colère de Fabre a produit un bon effet, en ce qu'elle lui a inspiré le Philinte. Il en résulte que nous avons deux bons ouvrages au lieu d'un.
Voici une lettre que Fabre fit insérer dans un journal, quelques jours avant la représentation de cette comédie :
« On va jouer sur le théâtre de la Nation , le Philinte de Molière; ou la suite du Misanthrope ; quelques personnes trouveront sans doute mon entreprise téméraire; d'autres me taxeront d'imprudence, de ce qu'ayant composé cet ouvrage, je n'ai pas l'adresse de faire le modeste en le publiant sous un autre titre. Je ne m'excu_ serai auprès de qui que ce soit : j'ai fait la suite du Misanthrope , et je l'affiche.
M Je prie avec instance les spectateurs devouloir bien écouter attentivement ma comédie, et de ne la juger qu'après l'avoir entendue : je le mérite par le choix du sujet.
» Da ns la Suite du, Misanthrope, ilne s'agit, ni d'amour proprement dit, ni d'amour paternel, ou filial, ou fraternel, ou conjugal; ni d'amitié, ni de belles-lettres, ni de science, ni de religion , ni de politique, ni de
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philosophie, ni de ridicules anciens où modernes, ni \ de môdey, ni d'étiquettes, ni de persiflages : ce n'est rien moins qu'un drame ; c'est une vraie comédie de carac- tère. En ma conscience , j'en crois l'intérêt véhément.
H Ma comédie était faite, reçue et distribuée par rôle, avant la révolution ; depuis je n'y ai pas ajouté uri vers.' Cependant jamais pièce de théâtre, à mon sens r ne convint mieux aux circonstances actuelles que la Suite dù Misanthrope, par la raison que j'y présente au siècle l'homme du siècle, l'homme que doit méditer le légis-■ lateur, et que l'administrateur doit connaître.
» On va s'attendre à des sermons. Pas un vers qui en ait l'air : tout est action du premier mot jusqu'au dernier. Ce que je viens de dire est vrai à la lettre ; je ne dis pas pour cela que ma pièce soit bonne; mais, grâces à l'attention que je réclame pendant tout le cours delà représentation, et que j'espère, on verra combien mes intentions sont respectables. »
PHILIPPE ( M. ) , acteur retiré de l'Opér'a-Comique avec la pènsion , 1810.
Il remplissait l'emploi des tyrans, et réunissait à une taille avantageuse , à une figure belle et expressive, à une voix pure et sonore, une diction sage et bien nuancée, de là chaleur, delà dignité, et un geste noble et facile. Les rôles dans lesquels cet acteur était le mieux placé, sont ceux qui exigent de la majesté, et une courtoisie chevaleresque, tels que Philippe-Auguste , Richard Cœur-de-Lion et Alcindor. Il épousa la femme divorcée du poëte Desforges, actrice estimable, également retirée de l'Opéra-Comique.
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PHILIPPE ET GEORGETTE , comédie èn un aete, mêlée d'ariettes, par lU. Monvel, musique de Dalayrae, aux Italiens, 179 i.
Un jeune soldat , condamné pour cause d'insubordination, s'est réfugié chez sa maîtresse, qui l'a taché dans un cabinet ; mais elle a perdu la clef de ce cabinet , et son amant prisonnier, «'est passé de manger depuis plusieurs jours. Cependant la clef se retrouve, et Philippe sort de sa prison. Georgette veut aller chercher du pain, mais elle rencontre divers obstacles, entre autres un M. Bonnefoi qui la recherche en mariage. Bientôt la famille se rassemble pour déjeuner. Philippe se blottit sous la table , couverte d'un grand tapis vert, et déjeune ainsi, par les soins de Georgette. Alors un étranger, que Georgette suppose être un espion , arrive chez le père de Georgette. Cet étranger est le père de Philippe. t)ès que celle-ci l'apprend, elle ouvre le cabinet, et procure à ce bon père le plaisir d'embrasser son fils. Ènfin , après plusieurs incidens, on publie une amnistie. Philippe et son père se font çonnaître, et les amans s'épousent.
On trouve dans cette petite pièce plusieurs situations très-intéressantes , des scènes adroitement filées, et un dialogue agréable et soutenu. Tous les caractères en sont distincts et bien tracés. Les paroles et la musique obtinrent un succès justement mérité.
PHILIPPON-LAMADELEINE ( M. L. ), né à
Lyon en 1734, auteur dramatique , 1810.
M. Philippon-Lamadeleine a donné à Feydeau, en 1801, la Bonne Sœurt opéra en un acte. Il a fait jouer au V audeville, én société avec M. Leprévost-
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d'Iray, Chaulieu à Fontenay; Gentil Bernard, et Maître Adam, menuisier dé Nevers, vaudevilles,en un acre ? avec M. Thésigny, Catinat à S aint-Gratien ; et enfin avec M. Ség-ar jeune 4 l'Ancien Caveau. Il a enriêhi lat littérature de- plusieurs ouvrages très-utiles 11 parmi lesquels on distingue son Dictiônnmtë4 portatif des Rimes, précédé d'un nouveau traité de versification française. Il a publié la Grammaire des Gëhs du monde, ou la Langue française enseignée par l'exemple, ht-12; le Manuel, où nouveau Guide dn Promeneur aux Tuileries, Ín-18 ; le Dictionnaire portatif des poëtesl français morts depuis io5o, jusqu'à 1804 ; l'Elève d'Epicure, in-12; un Dictionnaire des Homonymes; français) ou mots qui, dans notre langue, se ressemblent par le sonnet sorit différens par le sens; uti Manuel épistolaire à l'usage de la Jeunesse • et enfin 4 un Dictionnaire portatif de la Langue française y d'après le système orthographique de l'Académie.
PHILIS (Mlle), actrice de l'Opéra-Comique > qu'elle abandonna pour passer en Russie , où elle est maintenant, 1810.
Il suffira de dire qu'elle est l'élève de M. Garat, pour être en droit d'assurer que Mllç Philis est une excellente cantatrice. Elle anticipait trop sur le domaine de Mad. Saint-Aubin, dit-on, et Mad. Saint-Aubin , que ses succès rendaient toute-puissante, la réduisit à la dure alternative de cesser de plaire au public de Paris , ou d'aller charmet celui de Saint-Pétersbourg < qui n'eut pas lieu d'être fâché de l'aventure.
PHÎLOGLÉE ET TÉLÉPHONTE, tragi-c*médie, par Gilbert, r642.
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Hermocrate, tyran de Messène et meurtrier de Cresphonte, son légitime roi, oblige Mérope, sa veuve, à l'épouser, pour s'assurer le pouvoir souverain. Il a proscrit la tête de Téléphonie, .fils de l'infortuné Cresphonte et de Mérope , que cette dernière a sauvé de sa fureur, en renvoyant secrètement en Italie. Un inconnu arrive à Messène, et se dit l'assassin de
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Téléphonte. Mérope-apprend la mort de son fils avec toute la douleur d'une tendre mère. Elle prend la résolution de la venger en immolant cet inconnu. Prête à exécuter ce dessein, Mérope reconnaît son fils dans la personne qui passe pour lui avoir ôté la vie. Cette reconnaissance, aussi terrible qu'attendrissante, est suivie de la mort d'Hermocrate, que Téléphonte tue dans le temple. Ce prince se fait connaître des Messéniens pour le fils de Cresphonte, et monte sur le trône.
PHILOCTÈTE, tragédie de Sophocle. L'Histoire, défigurée par la Fable, raconte diverse* ment l'aventure de Philoctète. Il était fils de Pœan et compagnon d'Hercule. Le fils d'Alcmène , selon quelques-uns, se sentant près de sa dernière heure , lui ordonna d'enfermer ses flèches dans sa tombe, et lui fit jurer de ne point découvrir le lieu de sa sépulture. Un oracle ayant prédit aux Grecs qu'on ne prendrait jamais Troie sans les flèches d'Hercule, Philoctète, pour n'être point parjure , frappa du pied à l'endroit du tombeau où elles étaient renfermées. Il ne violait pas moins son serment, et il en fut puni ; il se laissa tomber une de ces flèches, sur le pied dont il avait frappé la terre, et se fit une plaie qui répandit bientôt
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une odeur tellement insupportable, que les Grecs l'abandonnèrent dans l'île de Lemnos, alors inhabitée. Après la mort d'Achille, ces mêmes Grecsfurent obligés de recourir à Philoctète; mais ce ne fut qu'avec beaucoup de peine que le héros se rendit à leurs prières.
D'autres mythologues disent que Philoctète ayant suivi les Grecs dans l'expédition de Troie, fut mordu. au pied par un serpent dans l'île de Chrysa, sur la mer Egée, près de la grande île de Candie ; qu'alors l'armée, le croyant frappé de la main des Dieux, chargea Ulysse, de le conduire dans l'île de Lemnos, et de l'y aban-- donner pendant son sommeil. Après la mort d'Achille, Hélénus, fils de Priam, ce prophète si renommé, ayant été fait prisonnier par les Grecs, leur dit que la blessure " de Philoctète était un effet de la colère des Dieux,' parce qu'il s'était approché du serpent dépositaire des trésors du temple de Chrysa; qu'il n'obtiendrait sa . guérison qu'en allant à Troie, et que cette ville ne serait prise que par les flèches d'Hercule, et les efforts réunis de Philoctète, et de Pyrrhus, fils d'Achille : les Grecs envoyèrent à Lemnos Ulysse et Néoptolème, avec ordre de ramener Philoctète à quel prix que ce fût. C'est d'après cette fable que Sophocle a fait sa belle tragédie de Philoctète. 1
PHILOCTÈTE, tragédie par Châteaubrun, 1755. Châteaubrun feint que ce fut dans un combat contre les Troyens que Philoctète fut blessé d'un trait envenimé. Il adopte les mêmes circonstances que Sophocle, c'est-à-dire, que ce héros souffrait, par intervalles, d'horribles douleurs ; que , lorsque ses accès étaient passés, il retrouvait sa force première ; qu'il infectait le
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camp des Grecs, et qu'Ulysse fut chargé de le conduira à Lemons , où il alla le chercher avec Pyrrhus, neuf 3n$ après. •.
L'essentiel et le fondement des deux tragédies grecque et française, e$t l'abandon de Philoctète, sa fureuf contre les Grecs, surtout contre Ulysse qui l'a si tâchement et si cruellement trahi, et le voyage de ee demiey avec Néoptolème ou Pyrrhus,à Lemnos, pourarrachej Philoctète de son île , et l'emmener devant Troie par force ou par adresse. -
Les acteurs principaux de la tragédie de Sophocle, sont Pyrrhus, Ulysse et Philoctète. Le roi d'Ithaque arrive à Lemnos avec le fils d'Achille, met tout eii oeuvre pour engager ce dernier à tromper Philoctète , à feindre qu'il est mécontent des Grecs, et particulier rement d'Ulysse, à qui l'on a donné les armes de s.on père, qu'il s'en retourne à Scyros, etc. Néoptolème, né sincère et généreux, ne peut d'abord se résoudre k eniployer l'artifice ; il cède enfin à l'intérêt de sa patrie et de sa propre gloirè. Ces motifs et les rémords qu'il ne tarde pas à éprouver, semblent le justifier. Il s'approche de la caverne de Philoctète avec d'autres guerriers de sa suite. Le héros malheureux en sort. Quelle joie naïve il fait éclater quand il revoit des Grecs ! Quelle curiosité naturelle, quand il s'informe du siége de Troie ! Quel art enfin dans le tour simple que prend Pyrrhus pour le tromper! Philoctète, malgré toute sa défiance, donne dans le piège ; il est prêt à monter sur le vaisseau, de Néoptolème; qui lui a promis de le conduire dan$ ses JStats ; mais il est saisi d'un accès imprévu qui retarde son départ. Néoptolème rougit 4e tromper si bassement un infortuné qui se fie à lui; el -
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qui lui a remis ses Sèches., Tandis qu'il hésÍste, Ulysse survient. Ce n'est plus un politique obscur qui se cache; il se montre à découvert. Philoctète le reconnaît. On peut juger desa surprise et de son indignation. Il redemande ses armes au fils d'Achille, qui balance un instant entre l'intérêt de la patrie et celui de Philoctète. Celuiçi veut se précipiter dans la mer. Ulysse le fait saisir par des soldats. Il passe ensuite de la sévérité à douceur, et tache de le vaincre, en lui mettant sous les yeux les malheurs de la Grèce, les oracles, et la gloire qui lui est réservée devant Troie : inutiles efforts ! Philoctète est inflexible ; il ne respire que la vengeance, et s'exhale en imprécations contre Ulysse et contre les Atrides. ISféqptolème , malgré la colère et les conseils du roi d'Ithaque, rend les armes., Philoctète, possesseur de ces flèches redoutables , veut _en percer Ulysse : il en est empêché par Pyrrhus. Il persiste dans ses refus ; son ressentiment est indomptable. Enfin, Hercule paraît dans un nuage ; il ordonne à Philoctète de se rendre au siège de Troie avec le filp d'Achille. Le héros obéit:
Voici les changemens que Châteaubrun a cru devoir faire à ce fond : il suppose à Philoctète une fille unique, dont la mère est morte. Instruite de l'affreuse situation de son père, Sophie s'embarque avec sa gouvernante pour Lemnos où elle est à l'arrivée des Crecs. Pyrrhus s'enflamme pour elle. C'est un motif dç plus pour le fils d'Achille de ne point tromper Philoctète , et de le défendre même contre l,es ruses et les efforts d'Ulysse. Les sentimens de Sophie sont nobles et héroïques. Elle ne balance point à sacrifier son amour à l'honneur de,s,on père , jejt refuse la main de
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Pyrrhus, s'il s'obstine vouloir emmener son père au siége de Troie. Enfin cet amour produit de belles situations. Le Philoctète grec est conservé dans la tragédie française ; c'est le même homme, le même ennemi d'Ulysse et des Atrides. Mais le caractère de Pyrrhus, si plein de chaleur, si noble, si grand dans Sophocle, y est tout-à-fait défiguré. Ce n'est point Hercule qui ordonne à Philoctète de partir pour Troie, c'est l'éloquence d'Ulysse qui l'y détermine; c'est elle qui persuade et entraîne par degrés le 'cœur du compagnon d'Alcide.
Les flèches d'Hercule, ces flèches terribles, qui lançaient un trépas inévitable, jouent un très-grand rôle dans Sophocle ; c'est à elles qu'est attachée la chute d'ilion. Il n'en est presque pas fait mention dans la pièce, de Châteaubrun : il en parle deux ou trois fois, mais simplement pour les nommer. Il aurait pu cependant en tirer un grand parti.
Au quatrième acte, Philoctète, abattu par ses longues infortunes, arme d'un poignard le bras de sa fille, et lui ordonne <le l'enfoncer dans le sein d'un père, lorsqu'elle le verra près de tomber entre les mains des Grecs. Cette situation est révoltante ; c'est une machine usée au théâtre ; c'est, en un mot, un faux héroïsme,' une ressource froide , et contre la nature, et contre les bienséances. Est-il dans la vraisemblance et dans l'humanité qu'un père exige de sa fille qu'elle l'immole de sa propre main ? eh ! que ne se tue-t-il lui-même.
Quoi qu'il en soit, on trouve dans cette tragédie , à travers de nombreux défauts, de grandes beautés.
Philoctète est ébranlé. Ulysse dit à Pyrrhus de partir, d'emmener avec lui les Grecs qui les ont accompagnés,
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et de renvoyer des vaisseaux qui puissent transporter Philoctète où il voudra. Qu'on le laisse maître de son sort, et que, jusqu'à l'arrivée des vaisseaux, lui, Ulysse, restera en otage auprès de ce héros :
PH ILO C TÈTE.
1 Ulysse près de moi ! retire-toi , barbare,
Et qu'un rempart d'airain pour jamais nous sépare.
ULYSSE.
Si votre cœur pour moi ne peut être adouci,
c Suivez les Grecs, seigneur, et me laissez ici.
Cette réponse d'Ulysse est admirable. Ce qui distingue cette tragédie, c'est le naturel, la justesse et la liaison des pensées, et surtout le pathétique qui y règne.
PHILÚCTÈTE, tragédie, traduite de Sophocle, en trois actes , en vers , par la Harpe , aux Français , 1783.
Le suffrage et les applaudissemens du public, confirmèrent le jugement que les connaisseurs avaient porté de cet ouvrage.
PHILO-NE MESSER est auteur de deux'anciennes tragédies, imprimées sous les titres de Josias et d'Adonias. On les attribue à Desmazures.
PHILOSOPHE DUPE- DE L'AlVIOUR ( le ) , comédie en un acte, en prose, par de Saint-Foix, aux Italiens, 1726.
Le philosophe Pantalogue a été chargé de l'éducation d'une jeune fille, nommée Lucinde. Il n'a pas prétendu en faire une Agnès, mais, au contraire, une savante ; et s'il lui a laissé ignorer ce que c'est que
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l'amour, c'est qu'il est bien persuadé que rien n'est plus contraire à la philosophie, que les mouvemens tumultueux qu'il excite dans notre ame ; c'est donc pour la soustraire à cette passion, qu'il la tient renfermée dans une espèce de prison, dont l'approche est défendue au reste des hommes. Lucinde ne voit que le philosophe, et celui-ci se rend assez de justice pour se croire sans conséquence ; mais Mirlo, sa femme, pense autrement : elle croit qu'il est amoureux de son écolière, et lui adresse des reproches, dont il fait peu de cas ; mais - elle n'en demeure pas là; car elle entreprend de lui donner quelque rival, qui lui enlève une si bonne proie. C'est dans celte vue qu'elle en parle à Célio, jeune élève de son mari. Le récit qu'elle lui fait des charmes de Lucinde, pique sa curiosité ; et son coeur semble s'élancer au-devant du trait qui doit le blesser. Pantalogue, pour parer le coup, s'adresse à une magicienne appelée Urgantia, et la prie de vouloir paraître aux yeux de Célio, sous le nom de Lucinde. La laideur d'Urgantia lui répond du succès de son artifice. Cette entrevue produit des effets bien différens dans deux cœurs que l'amour n'a pas faits l'un pour l'autre. Célio ne doute point que Mirto n'ait voulu le jouer , lorsqu'elle lui a fait un portrait si flatteur de Lucinde, Urgantia, au contraire, ne trouve Célio que trop aimable, et se livre toute entière à l'amour que cette première vue lui inspire. Pour parvenir à s'en faire aimer, elle met Arlequin dans ses intérêts. La fausse , Lucinde ne l'a pas plus tôt quitté, que la véritable se présente. Arlequin l'entendant s'appeler Lucinde, et la voyant si belle, ne doute pas qu'une métamorphose si extraordinaire ne soit un effet de l'art de la sorcière
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qui vient de lui promettre un sort heureux. La véritable Lucinde, qui a déjà vu Célio, et entendu la conversation de Pantalogue avec Urgantia, loin de détromper Arlequin, le laisse dans une erreur dont elle veut profiler. Arlequin félicite son maître sur l'amour qu'il a inspiré à Lucinde, et lui apprend que cette personne, qui lui a d'abord paru si Laide, est d'une beauté ravissante. Célio croit que son valet a perdu l'esprit; mais il Qe tarde pas à s'apercevoir du tour que lui a joué Pantalogue. L'arrivée d'Urgantia achève de le convaincre, et, pour pénétrer ce mystère, il charge Arlef quin de l'assurer qu'il l'adore , et de lui dire de sa part qu'il va l'attendre au jardin des Heurs. Il fiait connaître dans un à parte, qu'il lui donne le change, pour pourvoir entretenir la véritable- Lucinde. Urgantia donne dans le piége et court au rendez-vous, tandis que Célio dirige ses pas vers l'appartement où sà chère Lurcinde est enfermée. La conversation leur offre tant de charmes, qu'ils ne s'aperçoivent pas que le jour a disparu. Mais un bruit qu'entend Lucinde la tire de cette espèce d'enchantement. C'est Pantalogue qui la cherche d'un côté, tandis qu'Urgantia vient de l'autre, cher-' cher Célio. Ils s'égarent tous quatre dans l'obscurité. Mirto vient avec un flambeau éclairer la scène et éclaircir le quiproquo. Le philosophe reconnaît qu'il est dupe de l'amour, et Célio épouse Lucinde au grand contentement de Mirto , et au-grand regret d'Urgantia.
PHILOSOPHE MARIÉ ( le ), ou LE MARI HON., TEUX DE- L'ÊTRE, comédie en cinq actes, en vers, par Destouches, aux Français, 1727..
- On peut regarder» cette pièce comme le tableau de
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la famille de Destouches. Il y a peint sa femme, dans Mélite; sa belle-sœur, dans Céliante ; l'amant de cettè dernière, dans le rôle de Damon; dans Lisimon, son père respectable, et lui-même dans Ariste. Caractères, action, style, excellent comique, la nature elle-même et la vérité ; voilà les traits qui caractérisent cette comédie , dans laquelle on ne trouve rien d'inutile. Tous les rôles y sont intéressans pour le fond, et par la manière dont ils sont rendus. Enfin , il fallait que Destouches eût une imagination bien féconde, pour tirer cinq actes d'un pareil sujet ; car le ridicule de son philosophe marié ne pouvait fournir, tout au plus , qu'une scène ou deux. Le caractère de Célfante est neuf ; il étincelle de saillies. Mélite se fait estimer ; Céliante plaît et séduit : il n'y a pas jusqu'à Finette , qui ne fasse au spectateur un plaisir singulier. La situation d'Ariste, obligé d'entendre la confidence du marquis du Lauret, amoureux de sa femme, et même de le servir auprès d'elle, en apparence, est tout-à-fait neuve. Le rôle de Lisimon est noble , honnête et touchant ; enfin celui de Géronte, oncle du philosophe marié, est d'une bonne tenue.
PHILOSOPHE PRÉTENDU ( le ) , comédie en trois actes , en vers, avec des divertissemens, par Desfontaines , aux Italiens, 1762.
Tandis que Cléon la presse de conclure leur mariage , Clarice, son amante, cherche à le différer , sans autre raison que celle de vouloir jouir encore de sa liberté. L'arrivée d'Ariste , qu'elle lui annonce , -et l'empressement qu'elle marque pour un prétendu phiIbsophe, augmentent la jalousie qui fait le fond du ca-
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ractère de Cléon. Aussitôt que Clarice est sortie pour aller recevoir son nouvel hôte , Pasquin vient et fait à Cléon son maître le portrait du sage : il lui apprend qu'il a si bien su gagner la confiance d'Ariste , qu'il veut le prendre à son service. Cléon qui, comme tous, les amans, s'est alarmé de peu de chose , se calme de même ; et, ne doutant plus que Clarice n'ait voulu le piquer , projette de se servir des mêmes armes contre, elle. Il sort, et bientôt Ariste paraît, amené par la présidente, qui le présente à Clarice. Celle-ci lui fait, un accueil gracieux, auquel le pédant répond avec. beaucoup de morgue ; ce qui d'abord établit son caractère , et justifie l'imprudence avec laquelle il traite les femmes. Clarice s'étonne de ce qu'un homme tel * que lui n'est pas recherché du beau sexe. Le sage goûte, la louange ; et, assez content des dames, il leur promet de passer deux jours avec elles , pourvu qu'il soit libre et solitaire. Dès qu'il est sorti, Clarice et la présidente se promettent de le persifler, et même de le rendre amoureux , afin de pouvoir mieux se moquer de lui. D'ailleurs Clarice y trouve l'avantage de punir Cléon, de sa jalousie. Tout le reste de la pièce se passe à bafouer, à turlupiner le prétendu philosophe, qui sort en invectivant tout le genre humain. Les deux amans se réconcilient, et terminent. cette pièce par leur mariage.
PHILOSOPHE SANS LE SAVOIR (le), comédie en cinq actes, en prose, par, Sedaine, aux Français , 1765.
Un homme de condition, ayant été obligé de s'expatrier pour quelques fautes, a changé de nom, est parti y pour l'Inde, ou il s'est enrichidans le commerce ? est
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revenu ddfts sa patrie avec uri fils et une fille , a mis son fils àù service, êt va marier sa fille. C'est là que là pièce commence. Le fils entend dans un café, un jeune homme qui parIe mal des négocions ; il prend leur défense, a une dispute très-vive, et accepte le pistolet. Malgré les occupations que donnent aù pè?e les apprêts ' de là noee de sa fille, il est instruit par sort fris luimême du duel projeté. Il lui dit à cé sujet tout Ce qu'un bon père, homme dé condition, niais Sensé, doit dire èn pareille circonstance, lie fils passe outreet sort pour se battre. Un homme de co-nfiàrrce doit avertir le père, par un signal, du succès du combat. Dans ces entrefaites, militaire d'un certain âge , vient le prier de lui escompter une lettre de change der cent louis. Ils ont ensemble un entretien dans lequel le négociant apprend que cet homme a un fils qui va se Battre, et il juge que c'est le père de l'adversaire dè son fils. Dans cé moment se donne le signal dont on Viént de parler; mais l'homme de confiance s'était trompé : l'offensé avait tiré le premier coup, et avait manqué le fils du négociant. Celui-ci , qui avait t-ort pour le fond de la querelle , tire son coup en l'air. Ce procédé généreux lès rend amis. Le mariage de là fille du négociant se fait et termine la pièce.
Cette piècé devait être donnée à Fontainebleau , avant de paraître à Paris ; mais on ne l'en trouva pas digne. Le public, qui se plaît à contrarier les jugemens rendus sans sa participation, ne fut pas de ce sentiment. On croit d'ailleurs que, si la représentation decettepièce n'eut pas lieu à la cour, ce fut à cause de l'action du duel, qui engagea la police à l'arrêter à Paris. Le censeur fit faire à Sedaine plusieurs changemens ayant dt
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signer son approbation ; et le lieutenant de police lui-même voulut assister à l'une des répétitions de la pièce avant de permettre qu'elle fût jouée.
PHILOSOPHES ( les ) J, comédie en trois actes, eh vers, pat M. Palissot , aux Français , 1760.'
Pour échapper aux importunités de trois philosophes qui aspirent à là main de sa fille , Cidalise se décide à la donner à l'un d'eux; mais cette jeune personne a un amant qui cherche à faire voir à cette femme qu'elle est la dupe des philosophes. En effet un écrit rempli d'injures contre elle tombe dans ses mains : elle le reconnaît pour l'ouvrage des philosophes, ouvre les yeux sur leurs caractères, les chasse de sa maison , et donne sa fille à Damis.
Si l'on en croit M. Palissot , voici les motifs qui l'engagèrent à composer celte comédie : « Oh fit, dit-il M dans ses mémoires , pàraître une traduction de deux t M comédies de Goldoni, en tête de laquelle on-mit une * épigraphe latine du style du Portier des Chartreux, » et deux épîtres dédicatoires insolentes , où l'on » outrageait deux dames du premier rang, qui m'ho» noraient de leur bienveillance. On y faisait une pa» rodie injurieuse pour elles de l'épître dédicatoire de » mes petites Lettres sur de grands Philosophes. La » main d'où partait cette atrocité ne demeura point » inconnue. On s'était flatté que ces deux dames, fâ» chées d'avoir été compromises à mon occasion , cesse» raient de me recevoir, et m'abandonneraient à moa » infortune. Cette noirceur philosophique eut un effet. i, tout opposé ; elle ne tourna qu'à la confusion et à Ii l'opprobre de celui qui l'avait conçue ; et, si ce fut
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» principalement pour ,venger la raison et les mœurS M que je fis la comédie des Philosophes, je ne désavouerai point que le désir de venger ces dames, ne
» fût aussi entré dans mon projet. »
Les comédiens, et particulièrement Mlle Clairon, ayant refusé de jouer la comédie des Philosophes , il fallut des ordres supérieurs pour les y déterminer. La foule s'y porta; et, depuis l'origine du théâtre, on. croit qu'elle n'avait jamais été si grande. Les ouvrages de Corneille, de Racine , de Molière , de Crébillon, de Voltaire, n'ont jamais fait autant de bruit, attiré autant de spectateurs, armé autant de cabales. Le titre de la pièce avait fait naître une fermentation générale, et ce ne fut qu'avec une peine extrême qu'on parvint à rétablir l'ordre dans la salle. Dès qu'il.put se faire entendre , Belcourt hasarda un petit compliment qui disposa favorablement les esprits. La pièce fut donc écoutée ; et, ce que les amis de l'auteur n'osaient espérer, elle fut applaudie : les cris des malveillans furent étouffés par les battemens de mains de la multitude.
Voltaire écrivit plusieurs \ lettres à M. Palissot à l'occasion de cette comédie, dont le ton, quoique poli, annonce qu'il ne pardonnait pas à l'auteur des Philosophes.
On lisait les Philosophes dans une maison particulière. Arrivé à l'endroit où Cidalise dit à sa fille qu'elle ne l'aime pas précisément en qualité de sa fille , mais en qualité d'être, un des auditeurs partit d'un éclat de rire qui ne finissait plus. Le lecteur, impatienté, lui dit : « Voilà, qui est bien ; vous avez senti le trait lancé » contre les mères dénaturées ; mais vous avez assez ri".
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b Non, parbleu , continua le rieur, ce mot est trop
j) comique, et je veux rire encore d'une mère qui prend
» sa fille pour un arbre. » Toute la société se mit à rire
à son tour, et le sot, ne se doutant point que c'était de
sa stupidité , crut avoir fait remarquer un bon mot.
Dans un opéra comique intitulé le Procès des Ariettes
et des Vaudeoilles, l'auteur s'exprime ainsi sur lé compte
de M. Palissot : .
Quoique son but lui fasse honneur j r Nous conseillons à cet auteur ,
S'il veut que son nom s'éternise ,
De prendre un pinceau moins hardi,
Et d'avoir toujours pour devise :" Sublato jure nocendi. *
PHILOSOPHES AMOUREUX les comédiè en cinq actes, en vers, par Destouches, aux Français, 1729.
Le succès brillant qu'obtint le Philosophe marié, engagea Destouches à donner une nouvelle comédie sous le titre des Philosophes amoureux. Cette copie , bien différente de l'original, mourut au berceau ; elle est aujourd'hui totalement oubliée ; on y trouve toutefois quelques beaux endroits ; mais elle est froide ,
et n'offre aucun comique. Les caractères en sont faux ,. les situations forcées , et l'intérêt presque nul.
Comme les comédiens français firent attendre longtems cette pièce , qui avait d'abord été annoncée sous le titre du Philosophe Garçon, et qu'ils ne se pressaient pas davantage de donner le Catilina de Crébillon en sept actes , on fit, dans tes Spectacles malades, le couplet suivant, qu'on fait chanter par un médecin qui s'adresse à la Comédie Française :
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Un peii de nouveau comique '
Dans l'hiver vous sera bon ;
Le Philosophe Garçon
A le fin de sa boutique.
Mais il faut, avec cela ,
Sept gros de séné tragique
Mais. il faut avec çel4
Sept gros de Catilina.
PHILOSOPHIE. — Il est impossible de faire nn bon poëme sans avoir beaucoup de philosophie. On entend ici par philosophie , non pas ces maximes générales répandues dans presque tous les poëmes, mais ces vérités intéressantes pour le genre humain, qui sortent d'une situation qui les amène / nécessairement ; on entend cette étude profonde des mceurs, des caractères, des passions, de la politique même, qu'on ne peut bien connaître sans les avoir observés avec un œil vraiment philosophique. Ce n'est que par là qu'on peut se rendre véritablement utile et instructif. Nos grands poètes, les Corneille, les Racine, les Molière , les Voltaire , sont remplis de ces vérités lumineuses et frappantes pour la société ; de ces traits qui ouvrent les yeux aux peuples, et aux rois euxmêmes , sur leurs devoirs réciproques ; qui apprennent à réfléchir, à penser sur les objets qui intéressent le plus l'humanité, et sur lesquels on osait à peine lever un regard timide. On peut dire qu'une philosophie bien entendue ferait du théâtre l'école la plus brillante et la plus amusante de la morale et de la politique.
PHOCION, tragédie, par Campistron, 1688. Phocion et Alcinous , quoique d'un âge bien différent , possèdent au même degré ces vertus et ce fond de
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probité que donne le véritable amour delà patrie; mais v deux caractères, quelque bien soutenus qu'ils soient, ne peuvent faire seuls tout le mérife d'une pièce de théâtre. On n'en connaît pourtant guère d'autre dans la triste et froide tragédie de Phocion, si l'on excepte un peu d'intérêt qui rehausse les deux derniers actes.
Péchantré, qui avait une bague du prix de cent pistoles, dont il voulait se défaire, l'offrit à Campistron : « Attendez, lui répondit celui-ci, on va jouer » ma tragédie nouvelle et je m'en accommoderai. » Péchantré ne jugea pas à propos d'attendre , pour se défaire de son bijou. Il assista néanmoins à la première représentation de cet ouvrage, qui fut fort mal reçu du public : ayant aperçu l'auteur placé , derrière un piller , aux troisièmes loges, il y monta, et lui dit : cc Veux-tu ma bague, je te l'ai gardée. »
PHOENICIENNES (les), tragédie, avec un pro- logue, par Eúripide.
Dans le prologue, Jocaste expose tout ce qui a précédé l'action. Elle fixe l'époque de ses infortunes à Cadmus , fils d'Agénor. Cadmus en effet fit un voyage àThèbes où il devint l'époux d'Harmonie, fille de Vénus, dont il eut Polydore. Laius, petit-fils de ce dernier, épousa Jocaste, sœur de Créon. C'est de ce mariage infortuné que sortirent tous les malheurs qui font la matière de cette tragédie. Euripide suppose QEdipeà Thèbes, ce que n'a point fait Sophocle, qui le suppose banni. Ce père infortuné chargea ses deux fils desa malédiction, etleur prédit qu'ils s'entr'égorgeraient: pour prévenir ce malheur, ils convinrent de se
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séparer et de régner alternativement une année; mais,. au lieu d'observer cette convention, Etéocle voulut conserver la couronne et chassa son frère. Polynice eut recours aux Argiens ; il revient à Thèbes avec Adraste son beau-père, roi d'Argos. Déjà son armée environne la ville. Dans ces extrémités, Jocaste a obtenu des deux frères une trêve, à la faveur de laquelle Polynice doit entrer dans Thèbes pour tenter un accommodement. On sait le reste. Au surplus, voyez Etéoc/e et Polynice, de M. Legouvé; les OEdipe de Sophocle, de Corneille, de Voltaire ; les sept Chefs devant Thèbes, d'Eschyle la Thèbaïde de Sénèque, celle de Racine, etc.
Le chœur, qui fait la troisième scène de l'intermède qui termine le premier acte, est composé de jeunes filles de Phoenicie- , qui déplorent le malheur qu'elles, éprouvent de se trouver au moment d'un siège , dans une ville étrangère d'où elles étoient sur le point de sortir pour aller à Delphes. Euripide n'a point voulu composer ce chœur de Thébaines, parce que leur devoir les aurait indispensablement attachées à la cause d'Etéocle, toute injuste qu'elle est. C'est par ce motif qu'il introduit des étrangères, mais alliées aux Thébains. Les descendans d'Agénor s'étaient rendus maîtres de la ville deTyr. Depuis cette époque, les Tyriens envoyaient à Thèbes l'élite de leurs filles, pour être renvoyées à Delphes comme prêtresses d'Apollon. C'était un tribut passé en coutume religieuse. Ce sont ces Tyriennes ou Phœniciennes qui donnent le titre à cette tragédie, qui, comme nous l'avons dit plus haut, nous offre l'assemblage des infortunes d'OEdipe et de sa maison.
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PHORMION (le), comédie en cinq actes, précédée d'un prologue , par Térence.
Cette pièce fut jouée aux fêtes romaines, sous les édiles curules L. Posthumius Albinus, et L. Cornelius Merula. Elle est tirée du grec d'Apollodore, où elle a pour titre Epidicazomenos.
Dans le prologue, Terence se plaint de ce qu'un vieux poêle, Lùscius Lavinius, ne cesse de décrier ses ouvrages, dans l'intention de lui enlever le seul moyen d'existence qu'il ait. Voici le sujet de la comédie, qu'il a intitulée le Phormion, parce qu'un parasite ainsi nommé y joue le principal rôle, et que c'est sur lui que roule toute l'intrigue, comme on va le voir :
Deux frères , Démiphon et Chrêmes sont allés, l'un en Cilicie, l'autre à Lemnos. Ils ont laissé leurs fils sous la surveillance de Géta , esclave de Demiphon ; mais, peu dociles aux conseils de leur mentor, Phédria' est devenu éperdùment amoureux d'une jeune et belle esclave , qu'un marchand tient étroitement renfermée, et Antiphon adore une aimable et jolie personne, nommée Phanion , qui partage bientôt son amour, mais qui ne consent à lui livrer son cœur qu'avec sa main. La violence de sa passion ne lui permet pas d'écouter la prudence; et, pendant l'absence, et sans le consentement de son père, Antiphon devient l'époux de son amante. C'est Phormion qui conduit toute cette intrigue. Il appelle Antiphon devant le juge ; et là, conformément à la loi qui veut que le plus proche parent épouse une orpheline, le jeune homme est condamné à épouser son amante; de sorte que au retour, du père , ce jugement leur sert d'excuse à tous, Dériiiphon éclate, mais en vain. Phédria lui-
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même se trouve dans le plus grand embarras ; c'est encore Phormion qui l'en tire. Il parvient à obtenir des' vieillards l'argent qui lui est nécessaire pour acheter la belle esclave , que son maître allait voir livrer à un , autre,. A la fin Phanion est reconnue pour la fille de Chrémès : il la doit à une jeune personne de Lemnos qu'il a séduite autrefois. Phormion découvre cette aventure à l'épouse de Chrémès. Nausistrata , furieuse contre son mari, prend le parti de son fils, et engage Phormion à souper, ce qu'il accepte avec joie. Tel est,' en peu de mots, le sujet de cette-comédie.
PIC (l'abbé), a composé les pièces, suivantes : l'Opéra dus Saisons qui fut représenté en i6g5, dont Lulli a fait la musique; la Naissance de Vénus, pastorale qui parut en 1696 ; et Arioie, ballet de cinq entrées, joué en 1697. ; ^ ,
PICARD ( M. Louis-Benott ) , né à Paris en 1769, acteur, auteur dramatique, membre de l'Institut, 1810.
Comme nous avohs parlé de la plupart des pièces de cet auteur, nous y renvoyons le lecteur, à l'aide de la liste suivante : L'Acte de naissance ; Andros etAlmona; l'Ami de tout le monde ; les Amis de collège; le Badin ge dangereux, son coup d'essai ; les Capitulations de conscience, dont nous rendrons compte dans le supplément ; le Collatéral, ou la Diligence de Joigny ; les Conjectures; le Conteur, ou les Deux Postes; le Cousin de tout le monde; Duhautcours, ou le Contrat d-'union ; Encore des Ménechmcs ; l'Entrée dans le Monde; les Filles à marier; l'influence des Perruques, ou le Jeune Médecin; VIntrigant et sa Dupe, ou Bertrand et Raton ; la Manie de briller; le Mariage
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des Grenadiers ; le Mari ambitieux ; les Marionnettes , ou un, Jeu de la Fortune ; Médiocre et Rampant, ou le moyen de parvenir ; la Moitié du chemin;
M. Musard, ou Comme le Tems passe ; la Noce sans Mariage ; la Petite Ville ; le Passé, le Présent, l'Avenir; Les Provinciaux à Paris; les Ricochets ; le Susceptible ; les Tracasseries , ou M. et Mad. Tatillon ; les Trois maris; le Vieux Comédien; les Voisins, et le Voyage interrompu. Il a donné à Feydeau, les Visitandines, opéra comique en trois actes; au Théâtre des Variétés, Cri-Cri dans son ménage , vaudeville en un acte, etq.
PICCINI, célèbre compositeur de musique, est l'un des grands maîtres sortis de l'école de Francesco Durante. Il fut le rival de Gluk, rival d'autant plus redoutable qu'il était soutenu de Marmontel et dés . nombreux partisans de la musique italienne, qui ne pouvaient concevoir et ne devaient pas souffrir qu'un Allemand eût des idées neuves en musique. Le choc fut rude, et les champions se donnèrent force gourmades ; en voici une que Marmontel dirigea contre l'abbé Arnault, qui lui riposta par une épigramtne :
L'abbé Fatras, De Carpcniras j
Demande un bénéfice:
Il en aura ,
Car l'Opéra
Lui tient lieu de l'office.
Monsieur d'Autùn , Qu'il en ait un ;
C'est un devoir
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De le pourvoir :
On veut le voir
"V enir le soir
Précédé de sa crosse ,
Et le matin ,
Chez sa Catin
Arriver en carrosse.
Pour Alceste il a tant trotté,
Pour Armide il s'est tant crotté
Que c'est pitié
De voir à pié
Ce grand apôtre de coulisse ,
Tout comme un sergent de milice.
L'abbé Fatras , etc.
Les ouvrages de Piccini, restérau répertoire de l'Opéra : sont l'Atis de Quinault, dont il a refait la musique ; Diane et Endymion ; Didon, de Marmontel ; Iphigénie en Tauride; Pénélope , de Marmontel, et Roland, du même auteur.
Lorsque Piccini donna Roland, le premier opéra qu'il ait fait jouer en France, ce dont on parut le plus surpris, ce fut des airs de danse dont la grâce, l'élégance, le caractère piquant et la variété réunirent tous les suffrages.
Le soir de la première répétition générale des ballets , mademoiselle Guymard se plaignit de n'avoir point, dans la fête villageoise du troisième acte , un pas où elle pût développer toute la grâce de son talent ; .Vestris père, après la répétition, arrive chez Piccini qu'il trouve fatigué, et qui frémit en le voyant. Il lui expose les motifs de sa visite, et lui déclare qu'il a promis en son nom, à mademoiselle Guymard , qu'elle Serait satisfaite. « Mon cher ami, lui dit Piccini, vous
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» voulez donc me tuer ! Allons, il faut bien m'y ré-
v soudre, et vous faire encore de la bergerie, puisque » c'est une si aimable bergère.
» Mais que fera-t-elle ? Voyons; montrez-le moi,
» pour que j'écrive ses pas avec des notes. M Alors Vestris se met à figurer une entrée : il va, vient, retourne, suspend ses pas, les précipite. Cependant Piccini, debout, immobile devant sa cheminée, suit des yeux tous les mouvemens de Vestris. Après un certain, tems, il lui fait signe de s'arrêter et de s'asseoir. Il prend du papier de musique , et, sur la cheminée même, sans toucher aucun instrument, sans chanter, sans rien dire,
il écrit de suite, et toute entière, la longue et charmante gavotte du troisième acte, le plus joli air de danse de tout l'ouvrage. Quand il eut noté la partie du chant, il se mit à son forté-piano , et fit presque perdre la tête à Vestris , en lui exécutant ce qu'il venait de composer en moins de tems, pour ainsi dire , qu'il n'en eût fallu à un copiste pour l'écrire.
PICHOU, gentilhomme dijonais, mort assassiné % en i635.
Il s'adonna aux telles-lettres et au théâtre, et composa plusieurs pièces qui sont : les Folies de Cardenio, tragi-comédie tirée du roman de Don Quichotte, jouée en j629 ; les Aventures de Rosiléon, pastorale tirée. de l'Astrée, jouée la même année ; la Phylis de Scyre, pastorale; l'Infidèle Confidente; enfin l'Aminte du Tasse , publiées toutes trois la même année.
PICOU (HUGUES), auteur dramatique. Après avoir fait retentir le barreau de sa bruyante éloquence, i1
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inonda le théâtre par un seul de ses ouvrages , qu'il intitula le Déluge Universel ; c'est en i643 qu'arriva ce terrible accident.
PIÈCE. — Dans la poésie dramatique, c'est le nom qu'on donne à la fable d'une tragédie ou d'une comédie, ou à l'action qui y est représentée. Chambers ajoute que ce mot se prend plus particulièrement pour signifier le nœud ou l'intrigue qui fait la difficulté et l'embarras d'un poëme dramatique. Cette acception du mot de pièce , peut avoir lieu en Angleterre ; mais elle n'est pas reçue parmi nous. Par pièce, nous entendons le poëme dramatique tout entier; et nous comprenons les tragédies, les comédies, les opéras, même les opéras comiques , sous le nom générique de pièces de théâtre. Depuis Corneille et Racine, nous avons peu de bonnes pièces. On appelle aussi pièces de poésie , certains ouvrages en vers d'une médiocre longueur ; telles qu'une ode , une élégie, etc. Toutes les pièces de Rousseau ne sont pas d'une égale force : les pièces fugitives qu'on insère dans des recueils , ne sont pas toujours excellentes.
PIÈCES D'INTRIGUE. — On appelle ainsi certaines comédies qui roulent presque toutes entières sur des intrigues, et qui n'ont point un caractère principal à peindre ou à ridiculiser, comme l'Avare, le Grondeur, le Joueur, etc. On exige dans ces sortes de pièces une action intéressante , et des incidens qui amènent des situations singulières et plaisantes. Dans les pièces de caractères, tout se rapporte à un personnage principal ; dans celles-ci, ce sont des amans qui, par différens stratagêmes, s'efforcent de lever des obs-
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tacles qu'on met à leur amour. L'intérêt se réunit en leur faveur. Le spectateur aime à les voir tendre des pièges, et se réjouit avec eux, lorsqu'ils ont réussi à tromper la vigilance de leurs surveillans. Plus une action fournira de ces incidens , plus elle sera comique. L'art de l'auteur est donc d'introduire des personnages à la fois méfians et crédules. On fait ici un grand usage des rôles de vieillards , qu'on appelle -rôles à manteau , attendu la crédulité et la défiance particulière et propre à cet âge. On y emploie avec succès des valets fourbes, des soubrettes adrrytes , des astrologues imposans. Les travestissement d'un même personnage, en différens autres , y font le meilleur effet pour exciter le rire théâtral, aux dépens de ceux qui. se laissent duper par ces métamorphoses. Tel est Crispin, dans le Légataire universel, où il paraît en gentilhomme campagnard , en veuve et en malade. Tel est Scapin dans ses fourberies, qui, tandis que Géronte se cache la tête dans son sac, de peur d'être reconnu par ceux qui le cherchent, contrefait lui-même ses ennemis , et feint de recevoir les coups de bâton , qu'il fait pleuvoir sur le sac, et mille autres de cette espèce,
PIÈCES DE CARACTÈRES. Ce sont ces sortes de comédies, dans lesquelles on s'attache à peindre et à ridiculiser un caractère quelconque qui fait le sujet principal de la pièce : telles sont lès comédies de l'Avare, du Tartufe, du Bourgeois - Gentilhomme , du Malade Imaginaire , etc.
Le théâtre ne nous fournit plus guère de pièces de caractères. Serait-ce parce qu'ils sont épuisés , ou parce que nous n'avons plus de Molière et de Regnard
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pour les saisir et les peindre ? On peut dire, à la vérité, que ces caractères qui marquent et qui tranchent dans la société, tels que ceux qu'on a nommés , ont presque tous été traités par les habiles maîtres ; mais un véritable génie comique en trouverait encore, dont il saurait tirer parti. ' Dans ce genre de pièces , le poëte se propose de combattre un ridicule capital ; c'est un menteur, un jaloux, un misanthrope, un joueur, un méchant, qui réunit en lui tout ce que le vice a de ridicule et d'extravagant. On peut comparer ces portraits dramatiques à ces figures pittoresques, dont les traits chargés, et néanmoins tracés d'après nature, nous offrent un tableau frappant qui nous porte à rire ou à nous indigner de nos propres défauts. Le poëte ici s'occupe moins du vrai que du vraisemblable. Il a le privilége de donner à son principal personnage un caractère plus outré qu'il ne l'est en lui-même. En effet, la scène est dans un point d'optique, où les traits doivent être agrandis pour être aperçus. Telle est la comédie du Misanthrope, qui est moins le tableau d'un misanthrope ordinaire, que celui de la misanthropie. Telles sont celles de l'Avare , du Joueur, dont les caractères ne frappent et ne plaisent que parce qu'ils sont outrés, et qu'ils ne le sont pas au-delà de la vraisemblance.
PIÈCES DE SENTIMENS: — L'Andrienne de
Térence paraît avoir été le modèle de ces sortes de pièces , dont on a voulu fixer la naissance à notre siicle, pour avoir lieu d'en critiquer les auteurs ; c'est une sorte de drame,, où le poëte se propose moins de faire rire que d'intéresser, moins de combattre nos
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ridicules que nos vices , et de présenter plutôt des modèles de vertu, que des caractères comiques. Ce sont proprement des romans mis en action, et assujettis aux règles du théâtre. On a voulu mal à propos, juger de ces pièces par les règles de la comédie ■ c'est un genre singulier, qui, par conséquent, a ses règles particulières. Dans ces sortes de drames, l'intérêt doit être pressant, les incidens bien ménagés et frappans, les mœurs et les caractères des personnages soutenus et dessinés d'après nature. On doit aussi se proposer une vertu qui forme le nœud de l'action et le principe de l'Intérêt : il faut la représenter persécutée, malheureuse, toujours agissante , toujours ferme, et enfin couronnée. Les personnages bouffons sont ici déplacés. Les pièces dont nous parlons semblent avoir quelque rapport avec la tragédie, par la pitié qu'elles excitent et les larmes qu'elles arrachent; ce qui les a fait quelquefois nommer tragédies bourgeoises. Cependant le principal ressort de la tragédie y manque, savoir , la terreur. On doit donc les regarder comme des drames .. d'un ordre séparé. On y admet rarement les rois et les héros, ils n'y paraissent que sous les dehors touchans de l'humanité. On n'y introduit pas non plus des hommes de la lie du peuple ; parce qu'il faut ici des personnages d'ufhe condition moyenne, pour apprendre au commun des citoyens, par des leçons prises parmi eux, ce qui peut les intéresser et les rendre heureux.
PIÈCE SANS TITRE (la), opéra comique en un acte, par Panard et Fàvart, 1737.
Cette bagatelle fut composée à l'occasion du bruit
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qui courait alors, qu'un fameux voleur exerçait seut et de nuit son infâme métier. Le public l'avait nommé le Prince nocturne ou le Ténébreux; mais on ne voulut pas qu'elle parût sous ce titre, elle ne passa que sous celui de la Pièce sans titre.
PIERRARD-POULET a donné deux tragédies; l'une, intitulée Charite, l'autre Clorinde; la dernière parut en i5g8.
PIERRE LE CRUEL, tragédie, par Dubelloy,
1772.
Pierre III, roi de Castille, surnommé le Cruel i épouse ou feint d'épouser par politique Blanche de Bourbon, qu'il quitte peu de jours après et fait emprisonner, pour reprendre Marie Padille, sa maîtresse. Cette conduite et ses assassinats soulèvent ses sujets, à la tête desquels se met Henri de Transtamare, son frère naturel, le seul de sa famille qui ait échappé à ses fureurs, Henri le détrône et le tue.
C'est sur ce fond que Dubelloy a composé sa tragédie. On assure que sa chute fit une telle impression sur l'auteur, qu'elle fut le principe de la matadie qui le conduisit au tombeau, au mois de mars 1775.
L'entrepreneur des spectacles de Rouen, pour venger cette tragédie du peu de succès qu'elle avait eu à Paris, la fit représenter sur son théâtre où elle réussit : à ce sujet, il fit insérer dans le Mercure une lettre où il en rend compte : « Tout le monde , dit- » il, est convaincu à Rouen , que Pierre le Cruel » n'a jusqu'ici pas été enténdu à Paris, puisqu'il n'a
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» pas réussi avec le plus grand éclat. Il ajoute que, » dans une ville quia vu naître le grand Corneille, >» et où son génie a laissé des traces profondes, les » tragédies de Dubelloy sont celles que le public » de Rouen voit le plus souvent, et avec le plus de » plaisir, ainsi que les livres de recettes en font » foi. ).>.
PIERRE-LE GRAND, tragédie, par Dorât, aux
Français, 1779.
Cette pièce fut jouée en 1760, sous le titre de Zulica : elle eut alors sept à huit représentations. Imprimée depuis, sous le titre qu'elle porte aujourd'hui, et avec de légers changemens , elle reparut en 1779 et fut reçue comme dans la nouveauté. Voici comment Dorat lui-même en a rendu compte à la tête de la seconde édition : « Une première représentation , dit- » il, ramène tout au vrai. Je vis distinctement que M je n'étais pas aussi sublime que je me l'étais ima» giné. L'indulgence du public, qui d'abord fut' » excessive, ne m'abandonna qu'aux derniers actes, » où il manqua de force pour m'applaudir, parce que » je n'avais plus celle de l'intéresser. »
Ce sujet a quelque analogie avec celui de Cinna. Amilka , prince delà famille des Czars, forme le projet de faire assassiner l'Empereur par l'ami le plus intime de ce prince, par Menzikoff qui lui doit tout. Il se sert de l'amour de ce dernier pour sa fille Amétis , et il irrite sa passion pour cette jeune princesse, tantôt en l'éloignant, tantôt en feignant de la destiner à un autre ; enfin il lui déclare que, s'il est découvert, il est déterminé à immoler sa propre fille à sa vue , et à se frapper
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iui même ensuite. Le Czar, qui a su que les rebellions étaient prêtes à renaître, remet le soin de sa personne à Menzikoff. Dans le quatrième acte, on trouve une discussion entre l'Empereur et Amilka sur les motifs de la conspiration. Le Czar ordonne qu'on lui ouvre les portes du palais, pour qu'il aille se mettre à la tête de son parti, et il déclare qu'il va l'attendre. Bientôt il se livre un combat où Menzikoff sauve la vie à l'Empereur. Il avoue ensuite qu'il est complice de la conspiration, présente le poignard dont il est armé, et demande qu'on l'en frappe. Amilka le lui arrache, et veut s'élancer sur le Czar, qui se présente au-devant de ses coups. Alors Amilka , vaincu enfin par tant de gé-. nérosité, tourne le poignard contre lui même et se tue. L'Empereur pardonne à Menzikoff. Un des plus grands défauts de cette pièce, c'est que la conspiration qui en est le sujet, n'est point motivée. Pierre-le Grand, comme l'auteur le suppose, serait un fou de s'exposer ainsi plusieurs fois à être assassiné. La situation de lUenzikoff, lorsque son souverain lui confie le soin de sa personne , au moment qu'il est prêt à conspirer contre lui, est fort belle. Le caractère d'Amilka a de la hardiesse et de la profondeur, mais il est peu soutenu; un tel homme ne devait jamais être touché de la générosité du Czar. Si l'on en croît l'histoire, il a réellement sacrifié jusqu'à son propre fils, dans la crainte qu'il ne renversât son grand ouvrage de civilisation de la Russie ; qui pourrait croire qu'il eût épargné Amilka.
PIERRE-LE-GRAND , comédie en quatre actes, en prose, mêlée de chant, par M. Bouilli, musique de M. Grétry, aux Italiens, 1790. * ^
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Tout le monde connaît l'histoire de cette fameuse
Catherine qui, sortie d'un sang obscur , élevée par charité, mariée à un soldat livonien, et esclave du prince Menzikoff, subjugua tellement Pierre Ier , qu'il la fit asseoir sur son trône. C'est cette anecdote qui a fourni le fond de la comédie de Pierre-le-Grand. L'auteur s'est permis , à l'égard des faits , quelques légers changemens que les convenances théâtrales semblaient exiger.
Cet ouvrage eut un grand succès. Le premier acte surtout est rempli de détails intéressans ; l'exposition est faite avec n'eaucoup- d'art, et le caractère de Cathe-, rine, dont la bienfaisance est la vertu favorite, est trèsbien établi. La musique offre une infinité de morceaux remplis d'effet, et qui se trouvent continuellement en opposition avec d'autres d'une expression aussi aimable que touchante. Pour donner à ses chants la tournure convenable au lieu où se passe l'action , le compositeur, a très-habilement placé dans l'ouverture et dans une ,x ariette , le principal motif de l'air du pas russe, qu'on a vu danser avec tant de grâce, à l'Opéra, par mademoiselle Guymard.
PIERROT. — Nom d'un personnage de la Comédie Italienne. Il prit naissance sur le théâtre de Paris, et servit à remplacer le rôle de l'Arlequin ignorant et balourd, dont il adopta le caractère, lorsque Dominique , pour complaire à la nation qui aime l'esprit partout, eut mis dans son personnage les pointes et f les saillies dont il fit un si heureux usage. Un nommé Jareton fut le premier qui se chargea du rôle de - Pierrot : il en composa l'habit sur celui de Polichinelle,
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e-t s'ért étant fort bien acquitté, ce caractère, qui man< quait au théâtre, y resta depuis, et passa même ensuite sur celui dé l'Opéra-Comiqne.
PIERROT RGMULLUS, ou LE RAVISSEUR POLI, parodie en un acte, par lé S'age, Fuzelier et d'Orneval, à la Foire Saint-Germain, 1722.
Ces trois auteurs , piqués de ce qu'on avait refusé le privilége de l'Opéra-Comique à leur ami Francisque, acteur forain, louèrent, en 1722, une loge dans le préau de fa Foire Saint-Germain ; et là, sous le nom de là Place, ils firent représenter par les marionnettes, des: pièces de leur composition qui attirèrent tout Paris. Ils donnèrent entre autres Pierrot Romulus, parodie de la' tragédie d'e la Motte. Le succès de cette pièce fut si grand, que le duc d'Orléans voulut la voir et la fit représenter à deux heures après minuit. Le Grand, acteur de la Comédie Française, clioqué de quelques traite répandus contre lui dans cetteparodie, fit le couplet suivant : i
Le Sage et Fuzelier, dédaignant du haut style
La beauté,
Pour le Polichinel ont abandonné Gille,
Éâ rareté ! '
Il ne leur manque plus qu'à crie par la ville,
La curiosité.
PIÉTÉ FILIALE (la ) , pièce en cinq actes, par
Courtial, 1769.
Cette pièce, car C&urtial qui a: voulu laisser au lecteur judicieux le soin d'en faire à son gré une tragédie ,, unë comédie, ùn. drame , un opéra ou tout autre chose,, ^
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ne lui a point donné d'autre qualification ; cette pièce, diso06-nous, est bâtie sur le même fond que celle de l'Honnéte' Criminel. Elle n'a point été jouée, et ne méritait pas de l'être :si nous en parlons ici, ce n'est que pour la tirer de l'oubli profond où elle était, quoiqu'elle soit imprimée avec des soins qu'on n'accorde pas toujours aux bons ouvrages.
On y voit un fils qui prend la place de son père au bagne de Marseille; on y voit une demoiselle amoureuse du jeune homme, amie du père, qui vient exprès de Nismes à Marseille pour porter secours au dernier ; on y voit un M. Pamphile, capitaine de galère, qui protège le jeune galérien ; on y voit un certain Mé. landre, hypocrite, amoureux d-e la demoiselle, qui n'a rien moins que le projet d'empoisonner son rival et, de faire emprisonner sa maîtresse. De tous ces personnages , de tous ces projets, il résulte une pièce, ou plutôt un mauvais discours ou dialogue, plein de lieux communs, qui se terminepar la découverte du projet de l'hypocrite , par le triomphe de tous les honnêtes gens de la pièce, par le mariage de l'honnête galérien avec son honnête maîtresse ; et tous ces évènemens heureux sont le résultat des soins du capitaine de galère , qui pourtant s'en donne fort peu 4ans le cours de la pièce.
PIEYRE ( M. ), auteur dramatique , 1810.
L'Ecole des Pères, comédie en cinq actes, en vers, représentée au Théâtre Français avec succès, place M. Pieyre au- premier rang parmi les auteurs qui travaillent aujourd'hui pour la scène française. Il a fait uhe autre pièce intitulée les Amis àl épreuve.
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PIGAULT LE BRUN ( M. ) / auteur dramatique , 1810. ^
M. Pigault le Brun est beaucoup plus connu comme romancier, que comme auteur dramatique. Il est vrai de dire aussi que ses romans valent mieux que ses pièces de théâtre ; cependant elles ne sont pas sans mérite. Le Petit Matelot fut accueilli au théâtre
Feydeau , et méritait de l'être.
PUS (M. le chevalier de), né en 1755, auteur dramatique, 1810.
Aimable enfant, le Vaudeville dut son éducation , sa gaîté et ses grâces à Panard, à Vadé, à Favart 7 à Piron et à son ami Collé : ils sont morts. M. de Piis, leur digne successeur, vit ; mais, malheureusement pour le public, il y a dix ans et plus que des fonctions importantes l'ont obligé d'abandonner cet ingrat , dont il avait dirigé l'adolescence , ef qu'il avait conduit à l'âge mûr. Aussi, n'est-ce plus cet aimable enfant, ce jeune ingénu , dont les grâces naïves et légères , dont l'esprit . vif et mordant faisaient le charme des gens de goût ;
c'est aujourd'hui un petit-maître suranné , qui ne rit plus que du bout des dents ; un radoteur fâcheux , qui \ n'a plus que -de vieux souvenirs, qu'il s'efforce en vain de ragaillardir; enfin, ce joyeux enfant, dont les bons mots se répétaient dans les meilleures sociétés, dont la séduisante malignité charmait et la cour et la ville , qui était admis à la table des grands, qui était fêté partout, se voit relégué dans les antichambres. Ici. je l'entends s'écrier: Vas-tu mettre un terme à tes impertinences, imprudent censeur ! Je te pardonne de me
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trouver vieux, triste et radoteur, car ceci n'est malheureusement que trop vrai ; mais dis-moi, dis-moi donc, où sont les preuves de mon ingratitude? Où elles sont ? Je pourrais t'en citer un grand nombre ; mais je veux me borner à te rappeler les services que t'a rendus M. de Piis : tu allais être infailliblement abandonné ; tu allais être en proie à la misère, pire que l'abandon , lorsque , touché de ta détresse , -ce poète aimable daigna -t'offrir un appui : il te consacra ses talens et ses veilles; et, grâces à sa muse et à celle de quelques-uns de ses joyeux amis, l'on te vit aussi brillant, aussi fêté, aussi couru qu'aux plus beaux jours de ta gloire. Bientôt, par ses soins, tu es parvenu à fixer la fortune. Cette perfide, à force de caresses, a gâté ta jolie mine ; ton cœur s'est endurci; la gaîté, qui était la base de ton caractère , a fait place à l'envie; enfin, semblable au cordonnier de la fable, tu ne chantes plus, parce que tu es riche. Quant à ton dernier soutien , justement indigné de tes procédés , il s'est vengé de toi eh te laissant le jouet d'une foule de flatteurs. Mais, en voilà trop : je te laisse à mon tour, ,pour m'occuper exclusivement des ouvrages dramatiques de M. de Piis. Ceux qu'il a composés en société avec M. Barré, sont au nombre de seize ; savoir : La Bonne Femme, ou le Phénix, parodie d'Alceste ; l' Opéra de Province , parodie d'Armide ; Cassandre Oculiste, ou V Oculistç dupe de son art, comédieparade ; Aristote amoureux , ou le Philosophe bridé, opéra comique; les Vendangeurs, ou' les deux Baillis, divertissement; Cassandre Astrologue, ou le Préjugé de la Sympathie, comédie-parade; les
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Etremies de Mercure , ou le Bonnet magique, opéracomique; la Matinée et la, Veillée villageoises, ou' le Sabot perdu, divertissement ; le Printems, divertissement pastoral ; les deux Porteurs de chaise, comédieparade ; les Amours d'Eté , divertissement ; le Gâteau à deux fevcs , divertissement \ l'Oiseau perd t et retrouvé, ou la Coupe des foins f opéra comique ; le Mariage in extremis comédie ; les Voyages de Rosine, opéra comique, et les quatre Coins, opéra comique. M. de Piis a fait seul, la Fausse Paysanne , ou l'Heureuse Inconséquence, comédie ; les trois Déesses rivales, ou le double Jiigement de Paris ., divertissement ; les Savoyardes , ou la Continence de Bayqrd, comédie; les Solitaires de Normandie., opéra-comique ; la Suite -des Solitaires de Normandie , opéra comique; les Deux Panthéons, coméçUe- .Val)deville ; les Deux Limosins, opéra-vaudeville.; l'Abbé V ei-d ; le Savetier et le Financier ; le Ma riage dit, Vaudeville et de la Morale; les Plaisirs. de l'Hospitalité et les Plaisirs de Z" Adoption s opérasvaudevilles ; Santeuil et Dominique, pièce anec- dotique ; et enfin, le Remouleur et la Meunière, divertissement. Si l'on compare ces dernières-pièces. avec les premières, il sera facile de remarquer que M. de Piis a toujours eu sa bonne part dans les. anciennes. En effet, oÓ retrouve ici cette touchenaïve et légère, cette flexibilité cette correction qui distinguent les productions de notre aimable <et joyeux chevalier. C'est avec un bien wf regret que nous nous voyons forcés de nous fire sur lés ouvrages de M. de Piis, étrangers ^au théâtre. ^Mais ceux qui aiment la bonne poésie pourront se dé-*
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dommager, en se procurant les Oeuvres choisies de l'auteur.
PINTO, ou LA JOURNÉE D'UNE CONSPIRATION , comédie en cinq actes, en prose, par M. Lemercier, aux Français * 1800.
L'auteur nous assure que cette comédie est la première qui ait été faite en ce genre ; cela peut être : ce n'est pas la dernière, tant pis. Pinto , secrétaire du duc de Bragant^, ourdit la trame d'une conspiration qui a pour objet d'affranchir le Portugal de l'oppression et de la cruelle cupidité des Espagnols. Il trouve dans le duc de Bragance, son maître , une irrésolution, une faiblesse qui ne sont pas les moindres obstacles qu'il ait à vaincre. Il triomphe et le couronne, pouf ainsi dire, malgré lui.
Tel est, en peu de mots, le fond de cette pièce bizarre, que l'on peut regarder comme un roman, ou si, l'on veut, comme une histoire dialoguée. Quelque agréables que soient le style et les incidens d'une telle pièce , elle ne saurait obtenir le suffrage des gens de goût, ennemis de toutes ces ridicules innovations.
PIPELET (Mad. Constance ) , auteur dramatique,
1810 ( voy. SALM, Mad. la comtesse de ).
PIRITHOUS, tragédie-opéra en cinq actes, avec un prologue, par la Serre, musique de Mouret, 1723.
L'auteur du Serdeau des théâtres traite ainsi l'opéra de Pirithoiis , dans le couplet suivant :
Que Pirithoiis est charmant !
Peut-il enpuyer un moment ?
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On y voit jusqu'au dénoûmçut
Quelque danse jolie,
Passe-pied , menuet galant ;
La belle tragédie !
PIRON (ALEXIS), né à Dijon en 1689.
Piron fut un des plus gais et des plus aimables poël es du dix-huitième siècle; dès sa plus tendre jeunesse, il se sentit un penchant irrésistible pour la poésie , et,
si cette passion ne le conduisit pas à la fortune , elle fut pour lui une source de triomphes *et de gloire. Né avec une vivacité d'esprit incroyable , quand Piron n'eût été qu'un homme du grand monde , il se serait distingué par ses bons mots et ses saillies ; il aurait fait le charme des sociétés qui auraient eu l'avantage de le posséder ; ses bons mots auraient passé de bouche En bouche ; mais probablement ils ne seraient point arrivés jusqu'à nous , et ne feraient point aujourd'hui le charme de nos cercles et de nos repas. Sous ce rapport seul, nous devons nous féliciter de ce que Piron fut en quelque manière créé poëte. Il eut. du goût pour la satire ; mais il montra toujours beaucoup d'éloignement pour la méchanceté ; et, si quelquefois il lui arriva de lancer des traits trop mordans, ce ne fut que pour se venger d'une injuste provocation. Dès son arrivée à Paris,,, il fut admis dans la société des hommes les plus spirituels de la capitale; comme il avait peu de fortune, et beaucoup de goût pour les plaisirs , il sentit qu'il devait tirer parti de ses talens pour se mettre à portée de le satisfaire. Il se jeta.donc dans ' la carrière dramatique , et, suivant son penchant naturel pour les pointes d'esprit , il composa tantôt seul, tantôt en société avec Le Sage, plusieurs opéras.
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comiques, et quelques parodies, pour les théâtres de la Foire. Arlequin Deucalion est son premier ouvrage ; c'est un chef-d'œuvre dans son genre , où il a déployé toutes les ressources de son esprit fécond • il fitsuivre cette pièce de vingt autres , où il fit preuve du même talent et du même esprit. Mais ce n'était point un théâtre assez vaste pour un poëte tel que Piron, que celui de la Foire ; il eut l'ambition de paraître sur la scène française, et-cette ambitionlui procura autantde gloire qu'elle fit de plaisir aux spectateurs. La nature de son esprit semblait l'éloigner de Melpomotrë 'et le<rap- \ procher de Thalie ; néanmoins il composa plusieurs tragédies , savoir : Fernand Cortès, Cailisthéne et Gustave.. cette dernière est son chef-d'œuvre en ce genre.
Il débuta dans la comédie par les Fils ingrats, qu'il intitula depuis l'Ecole des Pères: ce qu'il y a de singulier, c'est que cette pièce est un drame , quoique l'auteur eût du mépris pour ce genre bâtard, comme le prouve une épigramme qu'il composa contre Lachaussée. Il fit ensuite la Mètromanie, comédie qui le place au rang de nos premiers poëtes , et qui réunit, outre le mérite des difficultés vaincues, celui d'un style plein de force et d'élégance, et d'une marche savante et adroite.
Nous ne parlerons point des pièces fugitives de ce poète, quoiqu'elles soient en grand nombre : elles se trouvent dans les mains de tout le monde. On lui en attribue où la pudeur et les bienséances sont blessées; mais nous osons croire qu'elles ne sont pas de lui. Dans sa jeunesse , emporté par la fougue de son esprit, il avait eu le malheur de composer une ode célèbre qui faisait honneur à son talent, mais qui déshonorait ses
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moeurs; il témoigna tant de repentir de cet égarement de son imagination , qu'on doit croire que toutes les x pièces de ce genre qu'on lui prête , sont l'ouvrage de quelques libertins qui étaient bien aises de leur donner du crédit, à l'aide d'un nom célèbre. L'ouvrage dont nous venons de parler, ferma, à Piron la porte de l'Académie- qui devait lui être ouverte,à tant de titres : il se vengea de ce refus, fondé sur une erreur de sa jevnesse , par quelques traits mordans qui sont connus de tous nos lecteurs ; nous ne rapporterons que son épigramme contre l'abbé d'Olivet qui l'avait desservi :
Ci-gît le pédant Martin
Suppôt du pays latin ,
Juré peseur de diphtongue ,
Rigoureux au dernier point
Sur la virgule et le point,
La syllabe brève et longue , Sur l'accent grave et l'aigu,
L'U voyelle et l'V consonne.
Ce charme , qui l'enflamma ,
Fut sa passion mignonne :
Son huile il y consuma.
Du reste , il n'aima personne,
Et personne ne l'aima.
PIRON AVEC SES AMIS, comédie-vàudeville, par M. Deschamps , au Vaudeville , 1792.
On voit dans ce vaudeville , Piron, Collé, et leur ami Gallet, aux prises avec un commissaire de police.
Cette petite pièce obtint le plus grand succès. Il suffit ;de dire qu'elle est de M. Deschamps , traducteur du célèbre Monti, pour donner une idée de tout l'esprit
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et de l'excellent ton qui y régnent : elle rappelle ces heureux tems où l'esprit vivait avec l'esprit , où les gens de lettres, libres, indépendans, francs et enjoués, formaient entre eux des sociétés, se tiraient d'embarras avec leur nom, leur réputation , et-faisaient le charme de tout Paris, par leurs chansons , leurs épigrammes et leurs bons mots
En .général cette jolie comédie offre de la gaîté. L'auteur a su y mêler plusieurs bons mots des trois poètes qu'il mettait en scène , et même une chanson de Collé : ( Tant que l'homme desirera ) etc. ) , qui était vraiment la seule de ses œuvres qu'on pût chanter décemment devant le public.
Pl SON, tragédie en cinq actes , en vers, par
M. Petitot, à Feydeau , 1794*
Le sujet de cette tragédie est le même que celui d'JEpicluiris et Néron, de M. 'Legouvé. Les personnages sont : Néron, Octavie, Pison , 'Lucain et Sénèque. "
PITHIAS ET DAMON , ou LE TRIOMPHE DE L'AMITIÉ, comédie en ciaq acte, en vers, par Chapuseau , i656.
Damon et Pithias, seigneurs thessaliens, amis ,tr4intimes, se rencontrent à la cour de Denys , tyran -de Syracuse , et y font chacun .upe maîtresse. Pithias., surpris par un rival, le tue , et est d'abord condamné à mort par le lyran , à la sollicitation du frère du défunt. Il obtient pourtant une grâce : il lui est permis., pour des affaires importantes qui demandent sa présence, de faire un voyage en son pays, en donnant une caution suffisante . Da m on s'offre pour otage et est accepté.
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Pithias fait voile et promet de revenir à jour nommé. Le jour arrivé, on ne le voit point : son amante s'afflige de son malheur et de son absence , et appréhende d'ailleurs son retour. L'amante de Damon , dans la crainte qu'elle à de la perte de celui-ci, entre dans des scntimens contraires , et Damon , contre toutes les deux, soutient hautement la .fidélité de son ami ; et, sans souhaiter qu'il revien'ne , afin d'avoir la gloire de mourir pour lui , assure qu'elles le verront avant la nuit. Il arrive en effet, les surprend agréablement ; et, après divers stratagèmes pour favoriser -la fuite de l'un , et empêcher le retour de l'autre , le tyran révoque l'arrêt de mort prononcé contre Pithias ; et, admirant une si rare amitié , demande d'y entrer comme troisième, et leur accorde les dignes objets de leur amour.
PITIÉ ; mouvement de l'ame , qui nous porte à nous affliger du malheur d'autrui.
L'homme , dit Marmontel, est né timide et compatissant. Comme il se voit dans ses semblables, il craint pour eux et pour lui-même les périls dont ils sont menacés. Il s'attendrit sur leurs peines, et s'afflige de leurs malheurs ; et moins ces malheurs sont mérités , plus ils l'intéressent. La crainte même, et la pitié qu'il en ressent, lui deviennent chères ; car, au plaisir physique d'être ému , au plaisir moral et tacitement réfléchi d'éprouver qu'il est juste , sensible et bon , se joint celui de se comparer au malheureux dont le sort le touche :
Non quia vexari quemquam esi jucunda voluptas ,
Sed quibus ipse malis careas , quia cernere suave est.
LUCRŠCE.
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, Il était donc naturel de choisir , pour le ressort de
la tragédie, la pitié et la terreur. Nous disons la pitié et
la terreur: car, quoique ces deux sentimens paraissent un peu différens quant à leurs effets, ils partent
de la même source, et rentrent l'un dans l'autre. Ils sont produits l'un par l'autre. Nous tremblons, nous frémissons pour un malheureux , parce que nous sommes touchés de son sort, et qu'il nous inspire de
la tendresse et de la pitié ; ou bien la terreur s'empare
de nous, parce que nous craignons pour nous-mêmes
ce que nous voyons arriver aux autres.
Ce double sentiment est celui qui agite le cœur le plus fortement et le plus long-tems.
L'émotion de la haine est triste et pénible ; celle de l'horreur est insoutenable pour nous. Celle de la joie
est trop passagère , et ne nous affecte pas assez profondément. L'admiration qu'excitent en nous la vertu ,
la grandeur d'ame , l'héroïsme, ajoute à l'intérêt théâ-
tral ; mais cet enthousiasme est trop rapide. Au lieu
que les émotions de la crainte et de la pitié agitent l'ame long-tems avant de se calmer , elles y laissent
des traces profondes qui ne s'effacent qu'avec peine.
Le double intérêt de la crainte et de la pitié doit être ^ l'ame de toute tragédie : c'est là le but qu'il faut frapper. Pour y parvenir, la grande règle proposée par Aris-
tote et par tous les grands maîtres , est que le héros intéressant ne soit ni tout-à-fait bon , ni tout-à-fait méchant. S'il était tout-à-fait bon, son malheur nous indignerait ; s'il était tout-à-fait méchant, son malheur nous réjouirait. Marmontel établit pour cela deux principes incontestables : le premier est de ne donner au personnage intéressant que des crimes et
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des passions qui peuvent se concilier avec là bontê naturelle ; le second , de lui donner pour victime des maux qu'il cause , ou pour cause des maux qu'il éprouve une personne qui lui soit chère , afin que son crime lui soit plus odieux , ou son malheur plus sensible. C'est ainsi, pour en donner un exemple , que Phèdre n'est ni tout-à-fait, coupable, ni tout-à+fait. innocente ; elle est engagée , par sa destinée et par la colère des Dieux , dans une passion illégitime , dont elle a horreur toute la première ; elle fait tous ses efforts pour la surmonter; elle aime mieux se laisser mourir, que de la<déclarer à personne ; et lorsqu'elle est forcée de la découvrir, elle en parle avec une confusion quifait qu'on la plaint. Mais cette même passion devient la cause du vœu fatal que fait Thésée contre son fils* innocent., qu'il croit coupable r et dont il devient la victime. Voilà la personne chère dont Phèdre cause la mort ; et c'est ce qui met le comble à sa douleur et à: son désespoir. *
J
PITTENEC. - C'est le nom que prit un des fils de l'auteur de Turoaret, lorsqu'il se fit comédien. Il composa un opéra intitulé les Funérailles de la Foire , qui fut joué à l'Opéra-Comique , en 1718 ; et qui reparut en 1721 , à la Foire Saint-Laurent T avec quelques changemens, sous le titre de Testament de la Foire.
PIZARRE ) tragédie lyrique en cinq actes, mu- sique de Candeille, à l'Opéra, 1785.
Alzire, fille d'Atabaliba, souverain du Pérou, et promise à. Zamone, est réveillée par un songe affreux..
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Poursuivie par la crainte , elle a devancé le jour dans le temple du Soleil. Bientôt arrive son père , suivi de Zamore et de toute sa cour. On chante un hymne au Soleil ; et les deux amans sont époux. Tout-à-coup le canon se fait entendre. Le peuple effrayé veut fuir : Zamore le rassure et va combattre. Au second acte , les Espagnols vainqueurs détruisent l'autel et le temple du Soleil. Pizarre ordonne la retraite , et fait part à son confident Alonzo de l'amour subit qui l'enflamme pour Alzire, et le charge de lui déclarer sa passion.
Au; troisième acte , Pizarre offre au Cacique de lui rendre son trône , s'il veut lui donner sa fille. Le roi ordonne à Alzire de choisir entre Pizarre et Zamore. Ce dernier ose la disputer à son rival, qui veut le faire traîner au supplice ; Alzire demande sa grâce ; et Pizarre la lui accorde y pourvu qu'elle couronne ses feux : il sort, et le roi revient près de sa fille , en lui annonçant qu'il saura se. venger de Pizarre et de ses Espagnols.
Au quatrième acte , Alzire vient dans la forêt où sont les tombeaux de ses aïeux. Zamore et Atabaliba y arrivent successivement avec le peuple, et l'on jure d'exterminer les ennemis.
Enfin au cinquième acte , Pizarre, rougissant de son amour, veut renoncer à Alzire, mais bientôt Zamore et Atabaliba forcent son palais, et fondent sur lui pour le massacrer. Alors Alzire et les vierges du Soleil se jettent entre les deux partis. Alzire arrache L'épée de Zamore, et va s'en percer , quand Pizarre, vaincu par tant de grandeur d'ame, la cède à son rivait Telle est l'histoire très-romanesque. que l'auteur a
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prétendu substituer aux invraisemblables aventurés de l'étrange famille d'Agamemnon. Nous ne nous arrêterons pas à prouver que les aventures que nous venons d'exposer sont bien plus étranges et bien plus invraisemblables. Passons à la musique : le récitatif en est souvent monotone et insignifiant ; mais elle' renferme des chœurs pleins d'effet , et des airs de danse fort agréables. , /
PLACE ROYALE (la) , ou L'AMOUR EXTRAVAGANT, comédie en cinq actes, en vers, par Claveret, i635.
Cette pièce n'a point été imprimée ; mais elle fut représentée à Forges , devant le roi. Tout fier d'un honneur qu'il ne méritait pas , Claveret écrivit à Corneille pour se plaindre de ce qu'il avait osé faire paraître une pièce sous le même titre. « Vous eussiez» » aussi bien appelé votre Place Royale, la Place Dau» phine ou autrement, lui dit-il, si vous eussiez pu » perdre l'envie de me choquer; pièce que vous réso-. » lûtes de faire dès que vous sûtes que j'y travaillais,, » ou pour satisfaire votre. passion jalouse, ou pour » contenter celle des comédiens que vous serviez. Cela » n'a pas empêché que je n'en aie reçu tout le » contentementque j'en pouvais légitimement attendre, » et que les honnêtes gens, qui se rendirent en foule » à ses représentations , n'aient honoré de quelque » louange l'invention de mon esprit. J'ajouterai même » qu'elle eut la gloire et le bonheur de plaire au roi , » étant à Forges, plus qu'aucune des pièces qui pa» rurent lors sur son théâtre.» Cette lettre impertinente prouve autant la faiblesse du talent, que l'orgueil insupportable de Claveret.
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PLAGIAIRE ( le ), comédie en trois actes, elle vers , avec des divertissemens , par Boissy, aux Italiens , 174&
Un baron ridicule se flatte de se faire aimer de Lucile , en lui donnant, comme de lui , des vers qu'il pille de côté et d'autre. Lucile découvre les sources où -il a puisé, et le punit en le démasquant, et en épousant un marquis qu'elle aime, et dont elle est aimée.
PLAIDEURS ( les ) , comédie en trois actes, en vers, par Racine , 1668.
Cette pièce est imitée des Guêpes d'Aristophane : • elle est si généralement connue , que nous croirions faire injure au lecteur, en lui en donnant l'analyse. Nous la devons à un procès que perdit Racine , et dont voici la cause. Un religieux, oncle de l'auteur, lui avait résigné un prieuré de son ordre, à condition qu'il en prendrait l'habit. Le neveu s'empressa d'accepter le bénéfice de l'oncle, mais refusa d'endosser le froc. Sur ce refus, un moine bien et dûment enfrdqué, lui intenta un "procès, et le déposséda.Il paraît que c'est pour se venger de ses jugés, que Racine composa cette comédie, fort étrangère d'ailleurs à une affaire •de cette nature. C'est à l'enseigne du Mont-Rouge , place Saint-Jean , où se réunissaient la plupart des gens de mérite de la capitale, que le plan des Plaideurs fut conçu ; et c'est M. de Brilhac , conseiller au parlement , qui fournil à Racine tous les termes du métier. Les Plaideurs furent assez mal reçus à la première audience ; mais, un mois après , leur cause ayant été portée devant le roi, ils obtinrent un triomphe com- plet. Ce monarque ne put s'empêcher de rire : à
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l'exemple de leur maître , tous les courtisans rirent beaucoup aussi; c'est l'ordinaire. Molière seul,'quï était pourtant brouillé avec Racine , avait su en apprécier le mérite à la première représentation. Le rôlede l'Intimé est copié sur quelques avocats du tems. Racine avait particulièrement en vue un certain M. P. qui, dans un procès qu'un pâtissier avait intenté contre un boulanger, s'était servi de l'exorde de l'oraison de Cicéron pro Quintio. Quant à la scène de la comtesse avec Chicàneau, elle se passa en original chez Boileau le greffier, frère aîné de Despréaux. Ce fut un président qui fit le rôle de Chicaneau , et la comtesse de Crissé , celui de Mad. de Pimbesehe. Cette comtesse de Crissé avait une telle ardeur pour les procès r que le parlement se crut obligé ' de lui défendre de plaider, sans l'avis de deux avocats qui lui furent désignés. Cette espèce d'interdiction la mit en fureur. Après avoir lassé ses juges , les avocats , son procureur , elle alla renouveler ses plaintes à Boileau le greffier. Un des neveux de ce dernier, qui se trouvait là par hasard , voulut donner des conseils à la plai- " deuse , qui les écouta d'abord ^tvec plaisir ; mais, par suite d'un malentendu, s'imaginant qu'il voulait l'insulter , elle l'accabla d'injures. Enfin, c'est la femme de Tardieu , lieutenant-criminel, qui a fourni le rôle de Mad. Perrin-Dandin : " J
Elle eût du buvetier emporté les serviettes,
Plutôt que de rentrer au logis les mains nettes.
L'endroit où Dandin dit à Petit-Jean :
Et vous, venez au fait, un mot du fait,
fait allusion à une anecdote du tems : Un avocat y
. t
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chargé de défendre la cause d'un homme, sur le compte duquel on voulait mettre un enfant, se jetait à dessein dans des digressions étrangères à son sujet. Le juge ne cessait de lui dire, comme fait ici Dandin : cc Au fait, J) avocat, au fait ; un mot du fait. » Celui-ci, impatienté de la leçon , termina son plaidoyer en disant : cc Le M fait est un enfant fait. Celui qu'on dit l'avoir fait * » nie le fait, Voilà le fait. » *
PLAIRE C'EST COMMANDER , opéra en deux actes , par *** , musique de M119 Beaumesnil, aux Variétés , 1792.
M. Moline a fait imprimer une comédie en un acte, envers, mêlée d'ariettes, intitulée Les LégilSlatrices. Cet ouvrage est précédé d'un avertissement dans lequel on lit : « L'auteur ayant appris qu'il va bientôt pa' » raître une nouvelle pièce, qui porte le même titr.à » que la sienne , et dont le sujet littéralement suivi, n est la copie du sien, à la différence près que le dia- » logue est en prose , a jugé' à propos de mettre au » jour ce poëme , qui, quoique original, est peut— » être au-dessous de la copie. »
Si l'on compare la fable de la pièce de M. Moline avec celle de Plaire c'est commander, on verra que ces deux pièces sont tout-à-fait semblables pour le fond, avec la différence pourtant que, dans cette dernière, l'exposition est mieux motivée ; que le ridicule des Législatrices y est développé dans quelques scènes ; que leurs caractères sont plus prononcés et mieux opposés, et enfin que la pièce est en prose et en deux .actes.
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PLAISIR ET L'INNOCENCE (le), opéra co4 mique, par Parmentier , à la Foire Saint-Laurent , 1753.
La Vertu, gardienne de l'Innocence, exhorte sa jeune ' élève à se tenir an garde contre les charmes trompeurs de l'Amour. Ce Dieu envoie Mercure pour détruire les impressions que la Vertu a pu faire sur le cœur de l'Innocence. Mercure, pour n'être point reconnu, se présente sous les traits et sous les habits de la Vertu. Il n'a pas de peine à persuader à 'la jeune Innocence que lè Plaisir, cet amant aimable, ne doit plus éprouver de rigueur de sa part, et qu'il est tems qu'elle cède à ses empressemens et à ses poursuites. L'Innocence se rend aux leçons de Mercure, qu'elle prend pour la Vertu. Celle-ci dormait pendant son entretien; Mercure l'avait frappée de son caducée ; et ce sommeil lui donna le temps d'amener l'Innocence au point où ~ l'Amour et le Plaisir la souhaitaient.
PLAISIRS DE L'HOSPITALITÉ (les ), vaudeville en un acte, par M. Piis, au Vaudeville, 1794* Le fond de cette pièce est très-léger, mais il est moral, et pénètre l'âme de ces impressions douces que fait toujours naître le tableau de la vertu. Le bûcheron Simon aime à remplir les devoirs touchans de l'hospitalité ; il abat, aidé de son fils Simonet, un arbre qui empêche que le voyageur, égaré dans la foret, distingue de loin sa chaumière. La mère Isabeau vient d'être séparée de sa fille qui courait après son âne chargé d'une somme d 'argent. Cette bonne femme s'adresse en pleurant au bon Simon, qui, sur-le-champ, se met, avec son fils , à la recherche de la jeune Isa-
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belle et de la cassette. Simon trouve la cassette , et Simonet ramène l'enfant. Quant à l'âne, Claudin , espèce d'imbécille, s'était chargé de le chercher 7 et l'avait trouvé ; mais il l'a laissé échapper de nouveau ; on le cherchera dans un autre moment. En attendant, Simon offre sa maison à la mère Isabeau , à sa fille 2 et tous chantent le vaudeville , aux différentes croisées de la chaumière , ce qui forme un très-joli tableau.
PLAN ; c'est la distribution du sujet dramatique qu'on veut traiter , en actes et en scènes. Si l'on est bien rempli de son sujet, si on l'a médité long-tems, on n'aura pas de peine, dit Horace, à l'arranger , et à le traiter ensuite avec la clarté et la noblesse; convenables: y
Cui lecta potenter erit res ,
Nec facundia deseret hunc , nec lucidus ordo.
Il faut bien discerner le moment où l'action doit commencer, et où elle doit finir ; bien choisir le nœud qui doit l'embarrasser, et l'incident principal qui doit la dénouer ; considérer de quels personnages secondaires on aura besoin , pour mieux faire briller le principal ; bien déterminer les caractères qu'on veut leur donner. Cela fait, on divise son sujet par actes, et les actes par scènes , de manière que chaque acte $_ quelques grandes situations qu'il amène, en fasse attendre encore de plus grandes , et laisse toujours le spectateur dans l'inquiétude de ce qui doit arriver , jusqu'à l'entier dénouement. Le premier acte est toujours destiné à l'exposition du sujet ; mais, dans les autres , il est de l'art du poëte de ménager des situations intéressantes , de grands troubles de passions ,
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des évènemens qui fassent spectacle. En conséquence f il distribue les scènes de chaque acte , et introduit, dans chacune d'elles lés personnages qui leur sont nécessaire^ , en ayant bien soin d'observer qu'aucun ne si y montre sans raison, n'y parlé que conformément à sa dignité r à son caractère, et n'y dise que ce qui est convenable , èt que ce' qui tend à augmente^* l'intérêt de l'action. Les parfiès du dratne étant esquissées, ses actes bien marqués, ses incidens bien ménagés et enchaînés, les uns aux autres , ses scènes bién liées bien amenées , tous ses caractères bien dessinés , il fié' reste plus ad poëte que les vers à faire. C'est ce que le grand Corneille trouvait dé plus facile dans une tragédie. Quand l'échafaudage d'une de ses pièces était dressé, qu'il en avait le plan bien tracé : Ma pièce est faite , disait-il ; ji3 rfai plus que les vers à faire.' .Voyez VERS, VtRSIFICAt!ÔN.
Aristote donne l'idée d'un plan de drame dans sa poétique , mais tracé seulement en grand , et sans descendre jusqu'aux détails : soit que l'on travaille r dit-il, sûr un sujet connu, soit que l'on en traite un nouveau , il faut commencer par esquisser la fable i et penser ensuite aux épisodes ou circonstances qui , doivent l'étèndre. Est-ce une tragédie ? dites : Une jeûné princesse est conduite sur un autel pour y être immolée ; mais elle disparaît tout-a-coup aux yeux dés spectateürs , et ellè- est transportée dans un pays où: la coutume est de sacrifier les éttangers à la Déesse qu'on y adore ; on la fait prêtresse. Quelques annéés après, le frère de cette princesse arrive dans ce pays : il est saisi par les habitans; et, sur le point d'être sàcrifié par les mains de sa sœur, il s'écrie : Ce n'est
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donc pas assez que ma sœur ait été sacrifiée ; il faut que je le sois aussi ! A ce mot, il est reconnu et sauvé.
Mais pourquoi la princesse avait-elle été condamnée à mourir sur un autel ?
Pourquoi immole-t-on les étrangers dans la terre barbare où son frère la rencontre ?
Comment a-t-il été pris ?
Il vient pour obéir à un oracle ; et pourquoi cet oracle ?
Il est reconnu par sa soeur ; mais cette reconnaissance ne se pouvait-elle faire autrement ?
Toutes ces choses sont hors du sujet ; il faut les suppléer dans la fable.
Selon le même Aristote , il faut dresser tout le plan de son sujet, le m8ttre par écrit le plus exactement qu'on le peut, et le faire. passer tout entier sous ses yeux ; car , en voyant ainsi nous-mêmes trèsclairement toutes ses parties , comme si nous étions mêlés dans-faction , nous trouverons bien plus sûrement ce qui sied , et nous remarquerons jusqu'aux moindres défauts et jusqu'aux moindres contrariétés qui pourraient nous être échappés.
Le même veut qu'en composant, on imite les gestes et l'action de ceux qu'on fait parler ; car, de deux hommes égaux en génie , le plus passionné sera toujours plus persuasif ; en effet, celui qui est véritablement agité , agite de même ceux qui l'écoutent.
Une invention purement raisonnable, dit Corneille, peut être très-mauvaise. Une invention théâtrale que la raison condamne dans l'examen , peut produire un très-grand effet. C'est que l'imagination émanée de
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la grandeur du spectacle, se demande rarement compte de son plaisir. \
Si , dans le plan qu'on trace de son sujet, l'on commence par une situation forte, il faut que tout le reste soit de la même vigueur , ou il languira. Il est donc bien essentiel, en crayonnant son dessin , de ménager les ombres , de manière que les situations deviennent toujours plus frappantes , plus intéressantes , plus terribles. Il faut commencer par le plus faible , pour arriver par degrés au plus fort.
Le plan d'un drame peut être fait , et très -bien fait , sans que le poëte sache rien encore du caractère que doivent avoir ses personnages. Des hommes de différens caractères sont tous les jours exposés à un même événement. Celui qui sacrifie sa fille, peut être ambitieux, faible ou féroce; celui qui. a perdu son argent, peut être riche ou pauvre ; celui qui craint pour sa maîtresse , bourgeois ou héros, tendre ou jaloux , prince ou valet c'est au poëte à se décider pour l'un ou pour l'autre.
Une des meilleures règles pour bien former un plan, c'est de diviser l'action principale en cinq parties bien distinctes, qui fassent autant de tableaux différens r qui ne se confondent pas les uns dans les autres , et qui mettent une espèce d'unité dans chaque acte. Cette méthode produit nécessairement deux effets : elle fa cilite l'attention du spectateur ; parce que les choses plus liées entre elles , se lient aussi plus facilement dans son esprit ; et elle augmente d'ailleurs son émo- tion , parce qu'il est frapyé plus continûment par le même endroit.
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PLANARD ( M. EUGÈNE ) , auteur dramatique ,
1810.
Cet auteur a donné au théâtre le Curieux et le
Paravent, comédies en un acte.
PLÂNÏPÉDIE; c'était le nom que les Latins donnaient à une certaine espèce de comédie qui se jouait pieds nus, ou plutôt sur un théâtre de plainpied avec le rez-de-chaussée.
PLAUTE ( M. Accius ), de Sarsines , poète -comique latin , mort l'an de Rome DLXIX.
Lorsque Plaute donna ses comédies, les Romains étaient accoutumés' aux satires qui n'étaient qu'une ébauche du poème dramatique. Ce poëme était réglé; mais il tenait encore de la grossièreté de son origine , tant pour les plaisanteries dont il était assaisonné .que pour la composition, qui ne pouvait pas manquer d'avoir des formes désagréables, dans un siècle aussi peu poli. Plaute était obligé d'y conserver une partie de ces grosses plaisanteries qu'on trouve répandues dans ses ouvrages ; et cela était d'autant plus supportable , qu'en le faisant, il ne s'éloignait point de l'idée de la vieille comédie qu'il avait entrepris d'imiter. Au surplus, il ne faut pas, à l'exemple d'Horace, condamner toutes les pointes et toutes les plaisanteries de Plaute. Il en a sans doute de fades et de grossières ; mais il en a aussi un grand nombre qui sont fines, délicates et fort bien rendues. Ne pourrait-on pas faire à IHol-ière le même reproche qu'à Plaute ? pourtant les pièces de ce grand homme font et feront toujours l'honneur de notre théâtre et le plaisir de la
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France. Ayant connu le fort de la vieille comédie et le faible de la nouvelle, il a plus suivi Aristophane et Plaute, que Térence. C'est lui qu'on peut appeler un autre Plaute et un demi-Menandre. Alais , s'il a pris leurs beautés , il n'a pas évité leurs défauts ; et il est tombé dans ces jeux de m<ots et dans ces bouffonneries que Plutarque reproche à Aristophane, et qu'Horace ne pouvait souffrir dans Plaute. '1 .
Plaute et Térence saut les seuls poètes comiques^ latins qui nous restent. Les caractères des comédies de ce dernier sont mieux marqués et mieux soutenus que ceux que nous offrent- celles du premier;, son style est plus doux et plus châtié, il a beaucoup; plus d'art ; mais Plaute a beaucoup plus d'esprit. Térence fait plus parler qu'agir, Plaute fait plus agir que parler: c'est en quoi ce dernier se rapproche plus du véritable caractère-de la comédie, qui est beaucoup, plus dans Faction que dans le discours. Les intrigues. de Plaute sont toujours conformes à la qualité des, acteurs, et ses incidens toujours variés ont encore le, mérite de surprendre agréablement, au lieu que l'action languit souvent dans Térence. Celui-ci doit être 1 admiré pour la pureté, la douceur et la justesse dei son langage; celui-là potar la force de son comique. ^ PLAUTE, ou LA COMÉDIE LATINE, comédie en trois actes , en vers, par M. Lemercier, aux' Français.
Un jeune homme, amoureux d'une esclave nommée Pulchérine, mise en vente par des corsaires, voudrait bien l'acheter ; mais il n'a point d'argent. Dans son embarras , il s'adresse à son valet qui vient
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à bout dé persuader à Euclyon, vieil: avare, que Pulchérine est sa nièce , et qu'il doit la racheter. Mais, après avoir réussi dans cette partie , la plus difficile de son entreprise, il se fotrrvoie dans l'autrë, et confonde l'esclave avec Délie qiïé son maître aimait, et dont il nè veut plus. Le maître , furieux du quiproquo, or-' donne à son valet, sous peiné dé la vie, de lùi racheter l'esclave. Lé valet, hors d'état de remplir cette condition , se décide- à se pendre, pour empêcher que son maître ne le tue. Ici, comme dans La Fontaine, le mur auquel tient la torde, s'écroule , et il en tombe * une cassétte à double fond, renfermant à la fois dé For et des' manuscrits : l'un appartient à Euclyon, les autres à Plante. Ce dernier, témoin du vol, et jalout de ravoir ses écrits, avertit Euclyon , qui fait rendré gorge au valet. Quant à l'aventure dès deux filles,' dont la cassette n'est qu'un épisode, il se trouve à la firl que Pulchérine est vraiment la nièce d'Euclyon, et que Délié elle-même à eù la générosité de la racheter des corsaires.
Cette pièce, très-originale, est semée de traits d'esprit ; on y trouve quelques beaux vers "des pensées hardies , des intentions ingénieuses ; mais èlle formé un tout monstrueux, qui n'est ni tragédie, ni comédie, ni drame. Pleine de beautés et de défauts, elle devàit plaire aux uns et déplaire aux autres. C'esf ce qui arriva. De ce conflit d'opinions est résulté un combat. réel entré les partisans du bon goût et ceux de l'auteur. Mais, grâces à M. Talrrtà , la Comédie latine obtint quelque succès. ,
PLUS DE PEUR QUE DE MAL , comédie,
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1 mêlée de chants, par M. Faure, musique de M. le Bruni à Eeydeaur 1797.
Un mari a des torts, s'éloigne, et revient.après une longue absence. Avant de rentrer .chez lui, il'prend des informations sur le compte de sa femme. On lui fait soupçonner qu'elle ne se gêne pas dans ses moyens de vengeance. Mais l'explication qui termine la pièce lui prouve qu'il a eu plus de peur que de mal.
PLUTUS, comédie d'Aristophane. '
Le but du poëte grec est de prouver que la fortune rie s'acquiert le plus souvent que par des crimes, et
^ que cette aveugle Déesse fuit toujours les gens de bien.
Il feint que , par le secours d'Esculape, Plutus recouvre la vue, et qu'on détrône Jupiter pour mettre, à sa place le Dieu des richesses. Tel est le fond de cette comédie. La Pauvreté qui veut s'opposer au dessein qu'on a formé de rendre la vue à Plutus , la fin de la misère des bons , le renversement de la for-
tune -des méchans, le grand-prêtre de Jupiter qui veut quitter le service de ce Dieu , pour le Dieu des richesses, Mercure qui cherche condition , une vieille qui vient se plaindre de l'infidélité de son galant, sont autant d'incidens qui naissent naturellement du sujet, et qui en sont comme les suites nécessaires.*^ Quant à l'unité de lieu,' Aristophane la garde soigneusement , quoiqu'on ait voulu l'accuser de l'avoir négligée. Tout se passe devant la maison de Cremyle, qui est au fond du théâtre, un peu éloignée du temple d'Apollon , qu'on voit à côté. ,,
» Le tems qu'il donne à son action est un peu plus difficile à marquer ; car, dans toute la comédie, il
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n'existe rien qui nous apprenne à quelle heure la scène s'ouvre. Le poëte n'a eu soin que d'en marquer la fin.) En adoptant l'opinion de Mad. Dacier, il paraîtrait que cette comédie fut jouée à deux reprises ; que les deux premiers actes furent donnés le soir, un peu avant le coucher du soleil, et les trois derniers, le matin. Passons à l'analyse.
Crémyle et Carion son valet ouvrent la scène avec Plutus, qu'ils ont rencontré en sortant du temple d'Apollon, où il était entré pour consulter l'oracle.. Cet oracle est fort ingénieux, et l'explication qu'en donne le valet n'est pas moins naturelle. C'est le fondement de toute la pièce. Ce premier acte est rempli de railleries fines et piquantes contre l'avarice des Athéniens ; il n'est que d'une scène, parce que le tems nécessaire pour aller du temple d'Apollon à la maison de Crémyle ne permettait pas qu'on y fît entrer des incidens qui en retardassent la conclusion. L'intervalle de ce premier acte est rempli par Carion, qui va chercher les amis de son maître. Il les amène et commence le second acte avec eux. On pourrait s'étonner de voir des paysans plaisanter sur des sujets tirés d'Homère ou des pièces de théâtre; mais si l'on considère que c'étaient des habitans de l'Attique, ceci n'aura plus rien d'inconvenant. Dans la scène qui suit on voit sortir Crémyle, qui vient recevoir ses confrères et les prie de garder Plutus; dans le troisième, survient un de ses amis, pour s'informer s'il est vrai qu'il soit aussi riche qu'on l'assure. Bientôt paraît la Pauvreté, qui vient, comme nous l'avons déjà dit, pour • empêcher qu'on ne fasse recouvrer la vue à Plutus. Toute cette scène est fort ingénieuse, pour faire voir
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l'avantage qu'une honnête pauvreté f1 sur des richesses mal acquises. La scène cinquième n'est que la suite de çelle-ci. Dès qu'elle est partie, Crémyle et son ami se préparent à conduire Plutus au temple d'Esculape; cette cinquième scène n'offre rien de particulier.
L'intervalle du second acte est rempli par le voyage au temple du Dieu médecin. Comme il était indispensable que Plutus y passât la nuit, il est vraisemblable que les spectateurs n'attendaient pas là son retour; ce qui donne lieu de croire que la pièce fut jouée à deux reprises, comme l'a pensé Mad. Dacier; car les Athéniens étaient trop bi,en instruits de ce qui se pratiquait en ces sortes d'occasions, pour qu'il fût possible au poëte d'abréger ,çe tems., '
Carion, qui a pris le devant pour aller annoncer ces bonnes nouvelles à sa maîtresse, ouvre le troisième acte. Il rencontre d'abord une foule de paysans, et leur fait part du succès de l'entreprise. Il est inutile d'observer que ces paysans sont autres que ceux qu'on a déjà vus, puisque les premiers étaient allés avec Plutus pour lui servir,de garde. Myrrine entend le bruit qu'on fait à sa porte ; elle sort, et occupe cette seconde scène qui est fort amusante. Carion lui raconte tout ce qui s'est passé la nuit dans le temple, où il a vu le sacrificateur qui faisait la ronde,autour de la table sacrée, et qui en enlevait tout ce qu'on avait coutume d'y -consacrer avant -le sacrifice , comme gâteaux, noix, figues et autres choses. Il est assez étonnant que les :Athéniens souffrissent qu'Aristophane entreprît de les désabuser,de leur superstition , en leur signalant dans ses vers les abus et les friponneries de leurs prêtres. Le caractère ,de Myrrine est fort bien choisi ; c'est une
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bonne femme entêtée de sa religion, et que rien ne peut désabuser. Plutus arrive sur le théâtre ; ravi de revoir la lumière, il s'écrie : « Hélas, je suis confus de » voir avec quels hommes j'ai été sans le savoir ! J'ai » fui tous ceux que j'aurais dû chercher, et j'ai cher» ché ceux que j'aurais dû fuir. Malheureux que je » suis ! mais je vais réparer tout le passé, et faire voir M désormais aux hommes, que ce n'est pas de mon bon » gré que je me suis donné aux méchans. » Les riches ne devaient pas être fort contens de cette réflexion ; mais les pauvres devaient en être agréablement flattés. Il entre chez Crémyle où il trouve un repas et un sacrifice qu'on lui offre. Carion, incommodé par la fumée du sacrifice, fuit la maison de son maître et. ouvre encore le quatrième acte. Nous disons, ouvre . encore, parce que c'est lui qui a ouvert les trois précédens. Il serait dangereux d'imiter Aristophane en ce point. Il nous apprend les heureux changemens que la présence de Plutus vient d'opérer, la promesse \ que ce Dieu a faite dans la scène III du troisième acte , qu'il fuirait les méchans, et qu'il ne se donnerait qu'aux gens de bien , prépare les incidens qui terminent la pièce. On voit d'abord arriver un. honnête homme, qui vient remercier Plutus de ce qu'il a fini sa misère. A, celui-ci succède un délateur qui se plaint de ce que Plutus l'a ruiné. La vieille vient guereller Plutus de ce que son amant la quitte. Le jeune homme vient lui offrir des couronnes : les duretés que cet amant dégoûté adresse à la vieille produisent un assez bon effet. C'est ainsi que se terminent toujours ces sortes d'attachemens. Les offrandes que l'on fait à Plutus dans la maison de Crémyle, donnent
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lieu à l'intervalle du quatrième acte. Au cinquième, Mercure, résolu de quitter le service des Dieux, parce qu'on ne leur fait plus de sacrifices, vient chercher une condition chez les hommes. Cette scène est pleine de finesse et d'esprit, ainsi que la suivante, où le prêtre de Jupiter fait assez bien sentir que ce n'est que l'intérêt qui dirige les hommes et qui les oblige à s'adresser aux Dieux. Enfin on se dispose à mettre Plutus à la place de Jupiter. Les préparatifs de cette cérémonie font sortir la vieille, à qui l'on fait porter les corbeilles comme à une jeune fille , en lui promettant que son amant ira la voir le soir même.Cette plaisanterie termine la pièce.
PLUTUS, comédie en trois actes, en vers, par le Grand i 1720.
Un vieux et pauvre laboureur prie les Dieux de lui • envoyer des richesses. Ses vœux sont exaucés ; il rencontre Plutus qui le comble de biens. Ce Dieu donne audience à divers personnages, et toutes ces scènes réunies, forment comme un traité de morale sur l'amour des richesses, les moyens qu'on emploie pour s'en procurerl'usage qu'on en fait, les sentimens qu'elles inspirent, et la difficulté de conserver, dans le sein d'une opulence nouvellement acquise, la noblesse, la générosité, la grandeur d'ame et la modétatiên , qui sont les fruits de la sagessse et de la médiocrité. *
PLUTUS 1 RIVAL DE L'AMOUR, comédie en un acte, en prose, avec un divertissement, par Mme Hus, avec un vaudeville , par de Caux de Cappeval, aux Italiens, 1756.
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Jaloux de plaire aux Grâces, Plutus invite Mercure à le servir auprès d'elles ; celles-ci arrivent pour respirer le frais et cueillir des fleurs, parmi lesquelles elles aperçoivent un enfant beau comme l'Amour. C'est l'Amour lui-même, mais un peu déguise , sans flèches et sans carquois, couché sur un lit de roses. Cette vue les frappe agréablement ; elles raisonnent sur le sort de cet enfant et sur l'éducation qu'il convient de lui donner ; cependant il se réveille, et cette scène, qu'il enflamme de ses feux, a le ton le plus passionné, par les craintes, les desirs et les empressemens d'un Amour trop séduisant pour que les Grâces lui résistent. Elles ne se sauvent de ce péril qu'en prenant la fuite. Mercure et l'Amour se rencontrent par hasard, et se disent leurs vérités : cette scène a peu d'effet. Mercure veut séduire les Grâces par les offres les plus brillantes; il ne réussit pas. L'Amour se retrouve auprès des Grâces qu'il achève de vaincre en se prosternant à leurs pieds. Alors il se fait connaître. Vénus est inquiète du dieu Mars. La Folie, arrive comme la folie, c'est-à-dire sans sujet et par caprice. Elle ne veut qu'égayer la scène , et réussit ; elle amuse lès esprits par de petits riens, critique la sagesse, fait l'éloge du caprice, et raconte les anecdotes et les nouvelles du jour. Pendant ce tems on oublie la rivalité de Plutus et de l'Amour, et l'action demeure suspendue. Enfin ces deux rivaux se joignent dans la scène suivante, où l'Amour triomphe. Plutus, honteux et confus de sa défaite, se rabat sur les mortelles. Comme l'inquiétude de Vénus redouble ! Mercure, qui disparaît un instant, vient lui dire que Mars a combattu loin d'elle, et lui annonce le triomphe et le retour prochain du dieu des Ba-
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tailles. On savoit alors quel était l'objet de cette allégorie. L'Amour vainqueur demeure auprès des Grâces. Le jour de la première représentation de cette pièce, Mlle Sylvia, pour disposer le publie en, faveur da l'auteur, lui adressa les vers suivons:
On vient souvent , Messieurs, pour vous séduire,
Par un long compliment mendier un succès;
Mai4 nous n'avons que deux mots à mous dire :
L'auteur est une femme, et vous êtes Fraudais.
PODIUM ; endroit d'u cirque eu de l'amphithéâtre, séparé et élevé de douze 4 quinze pieds, et bordé d>une balustrade. C'était là que l'empereur avoit son siège, et d'où il voyait le spectacle. Avant les empereurs , lemême endroit étoit occupé par les consuls et les préteurs, environnés- des licteurs : il y avait au-devant une grille qui en défendait l'accès aux bêtes fèroces. Les empereurs étaient assis sur lie podium; Néron avait coutume de s'y coucher. Podium, en latin, signifie balustrade ou appui.
POEME LYRIQUE, opéra. - Les Italiens onz appelé le poème lyrique, ou le,spectacle erk musique % opéra ; et ce mot a, été adopté parmi nous, Tout arfc d'imitation est fondé sur un mensonge : ce mensonge est une espèce d'bypothèse établie et admise en vertu d'une convention tacite entre l'artiste et ses juges. Passezmoi ce premier mensonge, a dit l'artiste, ét je voua mentirai aveç tant de vérité, que vous y serez trompés malgré que vous en ayez, L'imitation de la nature par; le chant a dû être une des premières qui se soit offerte à l'imagination. Tout, être vivant est invité par le intiment de sQn existence > à pousser, en de cer-
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tains momens, des accens plus où moins mélodieux, suivant la nature de ses organes. Comment, au milieu tant de chanteurs, l'homme serait-il resté dans le silence ? La joie à vraisemblablement inspiré les premiers chants; on a chanté d'abord sans paroles; ensuite on a cherché à adapter au chant quelques paroles con-* formes au sentiment qu'il devait exprimer; le couplet ét la chanson ont été ainsi la première musique. Mais l'homme de génie ne se bôrna pas long-tems à ces chansons, enfahs de la' simple nature ; il conçut un projet plus noble et plus hardi, celui de faire du' chant un ittstrument d'imitation. Il s'aperçut bientôt que nous éle- tons notre voit, et que nous mettons dans nos discours plus de forcé et de mélodie, à mesute que notre ame sort de son assiette. En étudiant les hommes dans dif- fétentes situations, il les entendit chanter réellement dans toutes les occasions importantes de la vie ; il vit encore que chaque passion , chaque affection dé l'ame avait son accent, ses inflexions, sa mélodie et son chant propres. De cette découverte' naquit la musique imitai tive et l'art du chant, qui devint une' sorte de poésie , une langue, un art d'imitation, dont l'hypothèse fut d'exprimer, pat la mélodie et à l'aide de l'harmonie, toute espèce dé discours, d'accent, de passion, et d'imiter quelquefois jusqu'à des effets physiques. réunion de cet art, aussi sublime que voisin de la nature, avetë l'art dramatique , à donné naissance ail spectacle de l'Opéra , l'un des plus nobles et le plus brillant d'entre les spectacles modernes. Lar musique est une langue. Imaginezun peuple d'inspirés et d'éhthousiastes , dont la tête serait tdu jours exaltée, dont l'atoésetfait toujours dans l'ivresse et dans l'extase, qui,
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avec nos passions et nos principes, nous serait ce-" pendant supérieur par la subtilité , la pureté et la délicatesse des sens, par la mobilité, la finesse et la perfection des organes; un tel peuple chanterait au lieu de parler : sa langue naturelle serait la musique. Le poëme lyrique ne représente pas, des êtres d'une organisation différente de la nôtre, mais seulement d'une organisation plus parfaite. Ils s'expriment dans 'une langue qu'on ne saurait parler sans génie, mais qu'on ne saurait non plus entendre sans un goût délicat, sans des organes exquis et exercés. Ainsi, ceux qui ont appelé le chant le plus fabuleux de tous les langages , et qui se sont moqués d'un spectacle où les héros meurent en chantant, n'ont pas eu autant de raison qu'on le croit d'abord ; mais comme ils n'aperçoivent dans la musique tout au plus qu'un bruit harmonieux et agréable, une suite d'accords et de cadences, ils doivent la regarder comme une langue qui leur est étrangère : ce n'est point à eux d'apprécier le talent du compositeur; il faut une oreille attique pour juger de l'éloquence de Démosthènes. La langue du musicien a sur celle du poëte - l'avantage qu'une langue universelle a sur un idiome particulier : celui-ci ne parle que la langue de son siècle et de son pays; l'autre parle la langue de toutes les nations et de tous les siècles. Toute langue universelle est vague par sa nature : ainsi, en voulant embellir, par son art, la repré-i sentation théâtrale, le musicien a été obligé, d'avoir recours au poète ; non-seulement il en a besoin pour l'invention et l'ordonnance du drame lyrique, mais il ne peut se passer d'interprète dans toutes les occasions où la précision du discours,devient indispen—
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sable , où la langue musicale entraînerait le spectateur dans l'incertitude. Le musicien n'a besoin d'aucun s-ecours pour exprimer la douleur, le désespoir, le délire d'une femme menacée d'un grand malheur ; mais le poëte nous dit: Cette femme éplorée que vous voyez, est une mère qui redoute quelque catastrophe funeste pour un fils unique; cette mère est Sara , qui, ne voyant pas revenir son fils du sacrifice , se rappelle le mystère avec lequel ce sacrifice a été préparé, et let soin avec lequel elle en a été écartée, se porte à questionner les compagnons de son fils , conçoit de l'effroi de leur embarras et de leur silence, et monte ainsi par degrés des soupçons à l'inquiétude, de l'inquiétude à la terreur, jusqu'à en perdre la raison : alors, dans le trouble dont elle est agitée, ou elle se croit entourée lorsqu'elle est seule, ou elle ne reconnaît plus ceux qui sont avec elle ; tantôt elle les presse de parler, tantôt elle les conjure de se taire.
Deh , parlate : che forze tacendo,
Par pitié , parlez : peut-être qu'en vous taisant,
Men pietosi , piû barbari siete.
Vous êtes moins compatissans que barbares.
Ah ! v'intendo. Tacete , tacete ;
Ah ! je vous entends ! Taisez-vous , taisez-vous ;
Non mi dite chél figlio è morto.
Ne me dites point que mon fils est mort.
Après avoir ainsi nommé le sujet et créé la situation, après l'avoir préparée et fondée par ses discours , le poëte n'en fournit plus que les masses, qu'il abandonne au génie du compositeur; c'est à celui-ci à leur donner toute l'expression et à développer toute la finesse des détails dont elles sont susceptibles. Le drame en musique doit donc faire une impression bien autrement
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profonde que la tragédie et JU comédie ordinaire. Il 1 serait inutile d'employer l'instrument le plus puissant, pour ne produire que des effets médiocres. Si la tragédie de Mérope m'attendrit, me touche, me fait verser des larmes , il faut que dans l'opéra, les angoisses, les mortelles alarmes de cette mère infortunée passent toutes dans mon ame ; il faut que je sois effrayé de tous les fantômes dont elle est obsédée ; que sa douleur et son délire me déchirent et m'arrachent le coeur. Le musicien qui m'en tiendrait quitte, pour quelques larmes, pour un attendrissement passager, serait hien au-dessous de son art. Il en est de même de la comédie. §i la comédie dç Térençe et de Molière enchante, il faut que la comédie en musique me ravisse. L'une représente les hommes tels qu'ils sont ; l'autre leur donne un grain de verve et de génie de plus : ils sont tout près dç la folie. Rour sentir le mérite de la première , il ne faut que des oreilles et du bon sens ; mais la comédie chantée paraît être faite pour l'élite des gens d'esprit et de goût. La musique donne aux ridicules et aux mœurs un caractère d'inégalité , une finesse d'expression, qui, pour être saisis, exigent un tact prompt et délicat, et des organes très exercés. Mais la passion a ses repos et ses intervalles , et l'art du théâtre veut qu'on suive en cela la marche de la nature. On ne peut pas, au spectacle, toujours rire aux éclats , ni toujours fondre en larmes. Oreste n'est pas toujours tourmenté par les Euménid-es ; Andromaque, au milieu de ses alarmes, aperçoit quelques rayons d'espérance qui la calment : il n'y a qu'un pas de cette sécurité au moment affreux où elle verra périr SON fils; mais ces deux momens sont différens ; et le
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■dernier ne devient que plus tragique, par la tranquillité du précédent. Les personnages subalternes, quelqu'intérêt qu'ils prennent à l'action, ne peuvent avoit les accens passionnés de leurs héros : enfin la situation la plus pathétique ne devient touchante et terrible que par degrés; il faut qu'elle soit préparée; et son effet dépend, en grande partie , -de ce qui l'a précédé et amené. Voilà donc deux motnens bien distincts du drame lyrique; le moment tranquille et le moment passionné : le premier soin du compositeur à dd consister à trouver deux genres de déclamation essentiellementdifférens, et propres, l'un à rendre le discours tranquille, l'autre à exprimer -le langage des passions dans toute sa force, dans toute sa variété et dans tout son désordre. Cette dernière déclamation porte le nom de l'air; la première a été appelée le récitatif. Celui-ci est une déclamation notée, soutenue et conduite par une simple basse, qui, se faisant entendre à chaque changement de modulation, empêche l'acteur de détonner. Lorsquels les personnages raisonnent, délibèrent, s'entretiennent et dialoguent ensemble , ils ne peuvent que réciter. Rien ne serait plus faux que de les voit discuter en chantant, on dialoguer par couplets, en sorte qu'un couplet devînt la réponse- de l'autre. Le récitatif est le seul instrument propre à la scène et au dialogue ; il ne doit pas être chantant : il doit exprimer les véritables inflexions du discours par des intervalles un peu plus màrqués et plus sensibles que la déclamation ordinaire; du reste, il doit en conserver et là gravité , et la rapidité, et tous les autres caractères. Il ne doit pas être exécuté en mesure exacte ; il faut qu'il soit abandonné à l'intelligence et à la chaleur de
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l'acteur, qui doit le hâter ou le ralentir , suivant l'esprit de son rôle etde son jeu. Un récitatif qui n'aurait pas tous ces caractères ne pourrait jamais être employé sur la scène avec succès. Le récitatif est beau pour le peuple, lorsque le poëte a fait une belle scène , et que l'acteur l'a bien jouée ; il est beau pour l'homme de goût, lorsque le musicien a bien saisi, non-seulement le principal caractère de la déclamation , mais encore toutes les finesses qu'elle reçoit de l'âge et du sexe , des. mœurs, de la condition et des intérêts de ceux qui parlent et agissent dans le drame. L'air et le chant commencent avec la passion ; dès qu'elle se montre, le musicien doit s'en emparer avec toutes les ressources de son art. Arbace explique à Mandane les motifs qui l'obligent; de quitter la capitale avant le retour de l'aurore , de. s'éloigner de ce qu'il a de plus cher au monde. Cette, tendre princesse combat les raisons de son amant; mais, lorsqu'elle en a reconnu la solidité, elle consent à son éloignement, non sans un extrême regret: voilà le sujet de la scène et du récitatif. Mais elle ne quittera pa& son amant sans lui parler de toutes les peines 'de l'ab-y sence, sans lui recommander les intérêts de l'amour le plus tendre : c'est le moment de la passion et du chant.
Conserv-e-toi fidèle : >. Songe que je reste, et que je peine;
Et quelquefois du moins
Ressouviens-toi de moi.
Il eût été faux de chanter durant l'entretien de la scène; il n'y a point d'air propre à peser les raisons de la nécessité d'un départ ; mais, 'quelque simple et touchant que soit l'adieu de Mandane, quelque tendresse qu'une habile actrice mît dans la manière d%
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déclamer ces quatre vers, ils ne seraient que froids et insipides, si l'on se bornait à les réciter : c'est qu'il est évident qu'une amante pénétrée, qui se trouve dans la situation de Mandane, répétera à son' amant, au moment de la séparation , de vingt manières passionnées et différentes, les mots cités plus haut. Elle les dira , tantôt avec un attendrissement extrême, tantôt avec résignation et courage, tantôt avec l'espérance d'un meilleur sort, tantôt dans la confiance d'un heureux retour. Elle ne pourra recommander à son amant de songer quelquefois à sa solitude et à ses peines , sans être frappée elle-même de la situation où elle va se trouver dans un moment ; ainsi les accens prendront le caractère de la plainte la plus touchante, à laquelle Mandane fera peut-être succéder un effort subit de fermeté, de peur de rendre à Arbace ce moment aussi douloureux qu'il l'est pour elle. Cet effort ne sera peut-être suivi que de plus de faiblesse, et une plainte d'abord peu violente finira par des sanglots et des larmes. En un mot, tout ce que la passion la plus douce et la plus tendre pourra .inspirer dans cette position à une ame sensible, composera les élémens de l'air de Mandane ; mais quelle plume serait assez éloquente pour donner une idée de tout ce que contient un air ? Quel critique serait assez hardi pour assigner les bornes du génie ? Le duo ou le duetto est donc un air dialogué, chanté par deux personnes animées de la même passion ou de passions opposées. Au moment le plus pathétique de l'air, leurs accens peuvent se confondre ; cela est dans la nature : une exclamation, une plainte peut les réunir ; mais le reste de l'air doit être en dialogue. Il serait également faux de faire alter-
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nativement parler et chanter les personnages du drame lyrique. Non-seulement le passage du discours au chant, et le retour du chant au discours , auraient quelque chose de désagréable et de brusque , mais ce serait un mélange monstrueux de vérité et de fausseté. Dans null-e imitation, le mensonge de l'hypothèse ne doit disparaître un instant ; c'est la convention sur laquelle l'illusÎon est fondée. Si vous laissez prendre une fois à vos personnages le ton de la déclamation ordinaire, vous en faites des gens comme nous; et l'on ne voit. plus de raison pour les faire chanter, sans blesser le bon sens. Cette économie intérieure du spectacle en musique, fondée d'un côté sur la vérité de l'imitation , et de l'autre sur la nature de nos organes, doit servir de poétique élémentaire au poëte lyrique. Il faut, à la vérité, qu'il se soumette en tout au musicien : il ne peut prétendre qu'au second rôle ; mais il lui reste d'assez beaux moyens pour partager la gloire de son 'compagnon. Le choix et la disposition du sujet, l'ordonnance et la marche de tout le drame , sont l'ouvrage du poète. Le sujet doit être rempli d'intérêt, et' disposé de la manière la plus simple et la plus intéressante. Tout y doit être en action et viser aux grands effets. Jamais le poëte ne doit craindre de donner à son musicien une tâche trop forte. Comme la rapidité est un caractère inséparable de la musique , et une dea principales causes de ses prodigieuk effets, la marche du poëme lyrique doit être toujours rapide. Les discours longs et oisifs ne seraient nulle part plus déplacés. Il doit se hâter vers son dénouement en se développant de ses propres forces, sans embarras et sans intermittence. Cette simplicité et cette rapidité, née es-
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saires à la marche et au développement du poëme lyrique, sont aussi indispensables au style du poëte. Rien ne serait plus opposé au langage musical que ces longues tirades de nos pièces modernes, et cette abondance de paroles que l'usage et la nécessité de la rime ont introduites sur nos théâtres. Le sentiment et la passion sont précis dans le choix des termes. Ils emploient toujours l'expression propre, comme la plus énergique. Dans les instans passionnés, ils la répéteraient vingt fois, plutôt que de chercher à la varier par de froides périphrases. Le style lyrique doit donc être énergique, naturel et facile, il doit avoir de la grâce; mais il abhorre l'élégance étudiée. Tout ce qui sentirait la peine, la facture ou la recherche ; une épigramme, un trait d'esprit, d'ingénieux madrigaux, des sentimens alambiqués, des tournures compassées, feraient le supplice et le désespoir du compositeur: car, quel chant, quelle expression donner à cela ? Il y a même cette différence essentielle entre le poëte lyrique et le poëte tragique, qu'à mesure que celui-ci devient éloquent et verbeux, l'autre doit devenir précis et avare de paroles, parce que l'éloquence des momens passionnés appartient toute entière ail musicien. Rien ne serait moins susceptible de chant que toute cette sublime et harmonieuse éloquence par laquelle la Clytemnestre de Racine cherche à soustraire sa fille au couteau fatal. Le poëte lyrique, en plaçant une mère dans une situation pareille, ne pourra lui faire dire que quatre vers :
Rends mon fils.....
Ah ! mon cœur se fend :
Je ne suis plus. mère , ô ciel!
Je n'ai plus de fils.
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Mais, avec ces quatre petits vers, la musique fera en un instant plus d'effet que le divin Racine n'en pourra jamais produire avec toute la magie de la poésie.
POËTE ANO NYME (le), comédie en deux actes, envers, 1785.
Mondor veut donner pour époux à Rosalie, sa nièce, un certain Dorante, qui a la réputation de faire des vers, et d'en insérer chaque mois dans le Mercure. Ces petits ouvrages sont réellement de Damis , qui est aimé de Rosalie ; mais il cache avec soin qu'il en est l'auteur, pour ne pas déplaire à Cette jeune personne qui a montçé de l'aversion pour la poésie et pour les poëtes, de peur d'épouser Dorante , quoique dans le fait elle. n'en ait aucune. Sa soubrette emploie un double stratagème pour la servir. Elle détermine Damis à déclarer qu'il est l'auteur des vers que Dorante dit avoir faits, et lui persuade qu'il pourra obtenir par cet aveu la main de sa maîtresse. D'un autre côté, elle engage Dorante à convenir que la pièce insérée au Mercure n'est pas de lui, pour faire sa cour à Rosalie, qu'il croit ne pas aimer les vers. Le faux bel-esprit est pris dans ce piége; et son rival, après avoir prouvé qu'il a réellement composé la pièce en question, obtient le consentement de l'oncle pour épouser la nièce.
POËTE BASQUE ( le ), comédie en un acte , en vers, par Raimond Poisson , 1668.
La petite pièce de la Mégère amoureuse est encadrée dans cette comédie. Ces deux pièces ainsi réunies forment un ensemble, où, sous l'air d'un ridicule emprunté,
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Poisson joue à la fois les auteurs , les acteurs , les pièces et les spectateurs. Le rôle de ce poëte basque est la copie de cent originaux. Ce personnage s'annonce aux comédiens avec cette suffisance et ces prétentions qu'on retrouve encore chez nos auteurs modernes ; il ne leur offre que treize pièces de théâtre, prêtes à être représentées; il'ne voit qu'avec admiration la carrière brillante dans laquelle il est prêt à disparaître ; mais tout ce grand étalage se borne à une espèce de farce burlesque intitulée la Mégère amoureuse j pièce en trois actes, que les comédiens jugent à propos d'interrompre, tant ils la trouvent détestable. Ce qui n'est ici qu'un jeu ne se réalise que trop souvent au théâtre.
POËTE SUPPOSÉ (le), ou LES PRÉPARATIFS DE LA FÊTE, comédie en trois actes, mêlée d'ariettes et de vaudevilles , par Laujon , musique de M. Champein, aux Italiens, 1782.
Babet et Perrin sont amans. Les parens du jeune homme désaprouvent cet amour, parce qu'ils veulent donner pour femme à leur fils une certaine Georgette qui leur convient mieux. Dans le même temps la dame du lieu donne un fils à son époux. Pour célébrer cet heureux événement , Perrin compose une fête dont il prie le bailli de se donner pour auteur. Celui-ci l'accepte d'autant plus volontiers qu'il est le rival de Perrin, et que, profitant de ses droits prétendus d'auteur, il prend dans le divertissement le rôle de l'amant qui doit épouser Babet. La pièce se répète, et le seigneur, qu'on a instruit de tout, déclare que la main de Babet doit appartenir à celui qui a composé la fête. Perrin se fait alors connaître, et 1 le bailli, perdant tout à la fois
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sa gloire et ses; espérances, est témoin du bonheur des amans.
Cette comédie eut beaucoup de succès. Les tableaux en sont agréables ; le ton en est doux et frais ; le dialogue a infiniment de vérité, de simplicité et de grâces.
La musique est facile et agréable. *
♦ POÉTIQUE. — L'art poétique peut être défini un recueil de préceptes pour imiter la nature d'une manière qui plaise à ceux pour qui l'on fait cette Imitation. Or, pour plaire dans les ouvrages d'imitation , il faut, 1°. faire un certain choix des objets qu'on veut imiter; 2°. les imiter parfaitement ; 3°. donner à l'expression. par laquelle on fait l'imitation, toute la perfection qu'elle peut recevoir. Cette expression se fait par les mots dans la poésie ; donc les mots doivent y avoir toute la perfection possible. C'est à ces- trois objets que se rapportent toutes les règles de l'art poétique d'Horace. De ces trois points, les deux premiers sont communs à tous les arts imitateurs; par conséquent1 tout ce qu'Horace en dira peut convenir exactement à' la musique, à la danse, à la peinture; et même, comme l'éloquence et l'architecture empruntent quelque chose des beaux-arts , il peut aussi leur convenir jusqu'à un certain degré. Quant à ce troisième article , si l'on considère les règles détaillées , elles conviennent à la poésie seule, de même que les règles du coloris ne conviennent qu'à la peinture ; celles de l'intonation à' la musique ; celles du geste à la danse. Cependant les règles générales, les principes fbridametïtaux' dé l'expression sont efteore les- mêmes. Il faut que tous les;
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arts, quelque moyen qu'ils emploient pour l'exprimer , l'expriment avec justesse , clarté , facilité et décence. Ainsi, les préceptes généra-ux de l'élocution poétique sont les mêmes pour la musique, pour la peinture et pour la danse. Il n'y a- de différence que dans ce qui tient essentiellement aux mots , aux tons, aux gestes, aux couleurs. Voilà quelle est l'étendue de l'art poétique , et surtout de celui d'Horace, parce que l'auteur s'élève souvent jusqu'aux principes, pour donner à ses lecteurs une lumière plus vive et plus sûre, et leur montrer plus de choses à la fois, s'ils ont assez d'esprit pour les bien comprendre. Les poétiques les plus célèbres que nous ayons sont celles d'Aristote , d'Horace, de Vidas, de Boileau, de Voltaire et de Marmontel. On trouve encore d'excellens traités sur tous lesdifférens genres de poésie, soit chez les anciens , sait chez les modernes.
POINSINET DE StVRY ( Louis ) , auteur dramatique, né à Versailles en 1732 , mort à Paris en 1803.
Poinsinet fit ses études à l'Université, où il se distingua par son amour pour les langues anciennes et pour la poésie. Sorti du collège, il publia plusieurs pièces fugitives, qui lui firent beaucoup d'honneur à la cour , où sa famille jouissait d une assez grande considération. te roi de Pologne ayant témoigné le desir de le voir, il partit pour Nancy, y fut accueilli, fêté et reçu membre de l'académie. La mort de son protecteur et celle de son père le réduisirent bientôt à la nécessité d'employer ses taiens pour se procurer des moyens d'existence. Il aurait pu solliciter La survivance de la
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place qu'avait occupée son père ; mais, comme cet emploi ne s'accordait point avec son goût pour les lettres, il préféra se mettre aux gages d'un libraire , et traduisit, tant en vers qu'en prose, le théâtre d'Aristophane. Sans blâmer entièrement cette traduction , on peut dire qu'il travailla plus pour son besoin que pour sa gloire. C'est dans les mêmes vues qu'il entreprit et qu'il exécuta la traduction de Pline le naturaliste. Pour se délasser d'un travail aussi long qu'ennuyeux, il traduisit en vers Anacréon, le plus aimable des lyriques de l'antiquité. Nous ne dirons pas qu'il a égalé son modèle : queUe est la traduction qui mérite cet éloge? mais nous osons assurer qu'il s'en rapproche quelquefois. C'en est assez pour prouver qu'il avait et de l'esprit, et des connaissances, et du goût. De son tems, comme aujourd'hui, la carrière du théâtre était aussi honorable que lucrative ; elle flatta son ambition , et il y débuta en 1789 par sa tragédie de Briséis, pièce dans le genre admiratif, où il a mis Homère à contribution. Cette pièce eut un grand succès, et lui valut une réputation qui l'enivra et dont il ne sut pas profiter. Il donna en 1762 la tragédie d'Ajax. Celle-ci fut impitoyablement sifflée. Pour se venger du public , ou de ce qu'il appelait la cabale , Poinsinet publia une brochure intitulée: l'Appel au petit Nombre , ou le Procès de la Multitude ; avec cette épigraphe : Ajax, ayant été mal jugé, entra en fureur, et prit lin fouet pour châtier ses juges. Cet écrit, où il sort des bornes de la modération, lui fit beaucoup d'ennemis, et l'on peut dire qu'il se porta un coup dont il ne put jamais se relever. S'il n'eût attaqué que le public, le mal n'eût pas été sans remède ; mais il eut la sottise d'insulter les comédiens qui ne par-
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donnent jamais. Sa tragédie de la Mort de Caion fut* refusée par suite de son insolence. On a encore de lui une comédie en un acte, en prose, intitulée Pygmalion, qui fut représentée aux Français en 1760. Pour se consoler des refus de Melpomène, Poinsinet brigua les faveurs de Bacchus, et devint l'un de ses plus fidèles adorateurs. Il avait une si grandeaversion pour l'eau qu'il ne pouvaitla voir sans frémir d'horreur ; c'était au point qu'il ne se lavait jamais les mains qu'avec une serviette mouillée. Il était devenu tellement superstitieux , qu'il refusait les cartes que les empiriques font distribuée au public , de peur , disait-il, qu'ils n'y attachassent quelques talismans, capables de donner la maladie dont ' ils prétendent nous guérir. Quoiqu'ilensoit, Poinsinet avait de grands talens et des connaissances rares aujour-^ d'hui. Il est permis de croire que, si la fortune lui eût été plus favorable, il aurait pu s'élever au rang de nos premiers tragiques; mais, tourmenté par le besoin ,, pressé de travailler, il ne put jamais attendre les ins- » pirations de son génie, ni prendre le tems de revoir. ses ouvrages. » -<
POINSINET ( ANTOINE - ALEXANDRE-HENRI ), auteur dramatique, né a Fontainebleau en iyâS, mort en 1769. -
Ce Poinsinet est beaucoup plus fameux, parles mys- tifications dont il fut l'objet, que par ses ouvrages ; car $ • si l'on en excepte le Cercle, jolie comédie en un acte, où il a peint les travers et les ridicules du grand monde, ; ses autres pièces sont dignes de l'oubli où elles sont à ensevelies. Sa crédulité était telle qu'on put aisément. lui persuader que le roi , ayant entendu vanter son
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mérite, avait Créé pour lui une charge d'écran ; mais, * qu'il fallait, pour l'exercer, qu'il s'habituât à supporter la éhaleur d'un feu très-ardent. Poinsinet ne se le fait
- point répéter, et le voilà qui se place devant la .cheminée où il reste jusqu'à ce qu'il ait les jambes et les cuisses couvertes d'ampoules douloureuses. ; ^ « Félicitéz-moi, disait-il un jour à ses amis, enfin » l'on va jouer ma pièce; j'ai la parole des comédiens, » et demain j'ai rendez-vous à leur assemblée à onze » heures précises. » L'un de ces messieurs, qui avait intérêt de le devancer, lui offrit à souper. Dans la joie, que lui inspirent les magnifiques espérances qu'il fonde sur sa comédie, il accepte. Alors on le conduit, dans un endroit fort éloigné, où il trouve une table bien servie. Vers la fin du souper, on tourne la con-4 versation sur les accidens auxquels on est exposé la{ nuit dans Paris; on raconte.des histoires effrayantes, d'assassinats et de vols ; on parle d'une aventure tra7 gique qui a eu lieu dans le quartier, etc. Poinsinet, dont l'im'agination s'enflamme aisément, témoigne ses craintes ; on lui offre un lit qu'il s'empresse d'accepter c'était là qu'on l'attendait. A peine est-il endormi qu'on s'empare de ses culottes et qu'on en coupe toutes les coutures. Comme il avait donné la veille ample carrière à son appétit, il ne s'éveille qu'à dix heures « Comment, Messieurs, s'écrie-t-il, en s'élançant hors. » du lit, il me paraît que je n'avais qu'à compter sur M, vous. M Il s'approche d'une pendule , et voit en, frémissant que dix heures vont sonner. « Eh ! vite un » perruquier, je n'ai pas un instant à perdre. » Celui-, ci arrive; et, comme il faisait assez chaud, il reste en chemise tout le tems qu'on met à l'accommoder. Il vole
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à sa culotte, et voulant y passer une jambe, elle sé sépare en deux. C'était la perfidie la plus propre à fairè perdre à ce poëte infortuné le peu de raison qui lui restait. « Morbleu! Messieurs , le tour est abominable ; M je ne vous le pardonnerai de ma vie. Il s'agit de ma » pièce, de ma gloire, de l'affaire la plus essèntielle » pour moi ; et c'est ainsi que vous me traitez ! Mais « vous en aurez le démenti; je me rendrai mort ou vif » à l'assemblée. » Après cette sortie, il court à la cuisinière , et la supplie à genoux , de vouloir bien reprendre , à longs points, les quatre fatales coutures de sa culotté. La cuisinière entreprend l'ouvrage, mais qu'elle est lente ! Il va, vient de la cuisine à la pendule, de la pendule à la cuisine, et chaque fois renouvelle ses imprécations. Onze heures sonnent. La culotte arrive. Poinsinet ne peut y passer la jambe ; il expédie un second courriér chez lui avec un billet ; il est? intercepté. Enfin le pauvre Poinsinet n'a plus d'autré parti à prendre que d'assujettir les basques de son habita avec des épingles, et de s'en retourner chez lui, ce qu'il fait. Sa pièce ne fut point jouée à son rang ; elle tomba six mois après cette aventure. e* s
Poinsinet mourut > dit-on , dans un voyage qu'il fitf en Espagne en 1769 , et se noyà dans le Guadalquivitr D'autres prétendent que ce fut en allant en Italie.
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POINSINET, ou QUE LES GENS D'ESPRIT SON'" BÊTES ! comédie-vaudeville en un acte, en prose par M. Deschamps , au Vaudeville , 1793. " "
Réfugié à la campagne, à cause d'une mystification qu'on lui a faite à la ville , le malheureux Poinsinet trouve encore des mystificateurs dans sa retraite. Le-
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neveu de Mad. d'Eçmance, sa voisine, et caché chez elle, déguisé'en femme, pour éviter les poursuites de la * justice , à cause d'un duel dont il est resté vainqueur, est du nombre de ces derniers. Il peut d'autant plus facilement se moquer de Poinsinet, que ce pauvre diable est devenu amoureux de cet officier de dragons , connu dans le village sous le nom de Mlle AdèléS Pendant que l'homme de lettres file le parfait amour,Versac son ami, qui ne connaît d'autre plaisir que le persiflage, veut aussi le mystifier , et c'est pour cela qu'il lui inspire la plus vive crainte , en lui assurant que le bailli du village , avec lequel il est d'intelligence, $ a des. ordres pour s'assurer de sa personne, à cause d'une lettre qu'il 9 écrite à l'impératrice de Russie , pour la remercier de ce .qu'elle a daigné le faire cevoir de l'académie de Pétershourg. ' - : '****■'^
Poinsinet veut en venir à des explications avec le bailli ; celui-ci prétend que le ministre a trouvé Poin sinet suspeçt, parce que sa lettre ayant été interceptée, n'a été comprise de personne. L'auteur proteste qu'elle ne contient; qup les expressions .de la plus vive reconnaissance, et que ceux qui se sont mêlés de la traduire sont des ignora ns. Pour le prouver , il montre une copie de cette lettre; le magister la prend, reconnaît le jargon 4e Quimpercorentin , et déclare que cette lettre est écrite en bas-breton.
Poinsinet est désolé d'avoir perdu quatre mois àl'étude de cette langue , tandis qu'il croyait apprendre le russe ; mais l'amour lui fera oublier ce désagrément, et la charmante Adèle le consolera bientôt , en lui donnant sa main. Alors Dorval^Adèle paraît en habit militaire , et conseille au poëte de ne pas épouser un
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capitaine de dragons, quand il voudra se marier. Heureusement , pour mettre fin à tant de mystifications, Mad. d'Ermance arrive de Paris, et apprend à Poin- sinet que sa comédie du Cercle vient d'obtenir le plus grand succès.
* On trouve dans ce petit ouvrage des détails agréables et des couplets bien tournés. i, ,
1 •' ... X
POIRIER ( le ), opéra comique en un acte , par
Vadé , à la Foire Saint-Laurent , 1762.
Lubin ^ riche fermier , est entré , sous le nom de Pierrot , au service de M. Thomas , afin de pouvoir être à portée de déclarer son amour à Claudine, pupille de ce vieillard ; mais ce vieux tuteur qui a des prétentions sur Claudine , l'obsède sans cesse , et ne lui a pas encore permis de se découvrir ; il est reconnu par Biaise , pêcheur, qui apporte du poisson pour la noce du vieux Thomas avec sa pupille. Biaise conseille à Pierrot d'enlever Claudine , et de la conduire chez M. Bonsecours , seigneur de son village, qui, se trouvant en procès avec M. Thomas, ne manquera pas de le protéger. Lucette, sœur de Claudine, est une petite espiègle qui se plaît à désoler les deux amans. Sa malignité produit une scène très-vive et très-agréable. Cependant le même Thomas arrive. Claudine, affligée par la crainte d'être séparée de Pierrot, lui avoue son penchant; il la rassure, et lui dit de feindre seulement de desirer dans un instant du fruit d'un poirier qui se jtrouve près d'eux. Pierrot va chercher une échelle qu'il apporte, et monte sur l'arbre. Lorsqu'il y est monté, il feint de voir Thomas caressant Claudine. Celui-ci, après s'être bien fait répéter cette vision , à laquelle
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il ne peut croire , pense enfin que c'est l'effet de quelque enchantement. Il y monte à son tour pour s'en éclaircir. Il a bientôt lieu d'être convainçu de ce que lui a dit Pierrot, parce que celui-ci exécute avec Claudine , ce qu'il a feint de la part de Thomas , qui redescend enchanté de cette découverte , dans l'espérance de tirer beaucoup d'argent de son arbre. Il en est si content, qu'il y remonte encore ; mais, pour cette fois , Claudine , que Pierrot a enfin persuadée , se décide à suivre son amant qui se sauve avec elle , eprès avoir tiré l'échelle. Thomas s'applaudit de plus en plus ; mais la petite Lucette vient lui découvrir tout ce qui se passe , et se moque de lui. Blaise achève de le désespérer par ses plaisanteries. Claudine et Pierrot reviennent bientôt , conduits par M. Bonsecours , qui menace de ruiner M. Thomas, s'il ne consent au mariage de sa pupille avec Pierrot. Il accorde à la crainte ce qu'il refusait à la raison ; et les deux amans sont unis.
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POISSON ( RAYMOND ) , acteur du Théâtre Fran-
çais et auteur dramatique, né à Paris. >
Ce chef d'une famille si féconde en grands acteurs , était fils d'un mathématicien savant, mais peu riche , ce qui n'offre rien (lue de très-ordinaire. Il quitta d'abord l'état de la chirurgie, pour s'attacher au duc de Créqui ; mais il ne tarda pas à quitter ce duc luimême pour le théâtre où il paraît être entré de i65o à 1653. Il y a déployé un talent supérieur dans les rôles comiques, et particulièrement dans celui de Crispin, dont il est l'inventeur. Il est auteur de plusieurs pièces, faibles d'invention à la vérité , mais dessinées avec
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intelligence, et écrites avec autant de naturel que de simplicité ; en voici les titres : Lubin, ou le Sot vengé ; le Baron de la Crasse ; le Fou de qualité ; l'AprèsSouper des Auberges ; les Faux Mo comités ; le Poëte Basque; les Femmes coquettes; la Hollande malade ; et les Fous divertissons. Toutes ces comédies sont en un acte , et parurent successivement depuis 1664 jusqu'en 1680. On lui attribue en outre , VAcadémie burlesque, et le Cocu battu et content.
POISSON ( Mad. Viètoire Guerin , femme de Raymond ) , actrice de l'hôtel de Bourgogne, y remplissait les rôles de confidente, et ceux de seconde amoureuse.
POISSON ( PAUL) , acteur du Théâtre Français, né à Paris en 1658, mort à Saint - Germain - enLaye en 1735.
Paul Poisson débuta dans l'emploi de son père en 1686 , et comme lui, obtint jdes succès aussi éçlâtans que durables. Il resta pendant trente-quatre ans au théâtre , d'où il se retira en 1724.
POISSON ( Mad. Marie-Angélique Gassand-duCroissy ), femme de Paul, actrice du théâtre de Guénégaud, née en i658, morte en 1756, à l'âge de quatre-vingt-dix-huit ans. 1
On ne sait rien de positif sur le talent de cette actrice ; mais ce qui paraît certain, et ce qui ne prouve pas qu'elle en eût beaucoup, c'est que le parterre ne voulut point l'admettre à la place de Mlle Debrie.
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~ POISSON ( Philippe ) , acteur du Théâtre Français et auteur dramatique, né en 1682, mort à SaintGermain-en-Laye en 1743.
Philippe Poisson débuta sut la scène française en 1700, mais n'y fut admis qu'en 1704, pour les seconds tôles dans les deux genres. En 1711 , époque de la retraite de Paul Poisson, il s'éloigna lui-même du théâtre, et y teparut quatre ans après, ainsi que son père , à la faveur duquel il fut accueilli. En 1722, il sollicita son congé définilif, et l'obtint avec la pension de mille livres.
Comme auteur, Philippe Poisson joignait au naturel que son aïeul mettait dans ses comédies, plus d'exactitude dans la conduite et plus de décence et de pureté dans l'expression. Il dialogue et versifie avec facilité , entend l'art des contrastes , et sait égayer les sujets qu'il traite ; en un mot, il figure avec honneur dans la classe de ces écrivains qui, sans avoir atteint au sublime de l'art, l'ont enrichi de productions utiles et agréables.
Ses comédies, réuniesen deux vol. in-I2, sont au nombre de sept : le Procureur arbitre, la Boîte de Pandore ; Alcibiade, l'Impromptu de campagne ; le Réveil d'Epimènide , le Mariage'par lettre de change, et les Ruses d'amour. Il a composé en outre une comédie intitulée, l'Actrice nouvelle, et deux autres petites pièces , l'Amour secret et l'Amour musicien.
POISSON (François-Arnould ), acteur du Théâtre
Français, né en-I696, mort en, 1743.
Son père, qui ne lui croyait aucune disposition pour le théâtre, en fit un officier d'infanterie; mais bientôt
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ennuyé du service, et entraîné par le goût dominant de sa famille , François - Arnould Poisson quitta son régiment et s'engagea dans une troupe de comédiens de province. Après's'être exercé quelque tems dans les rôles de s&n père et de son frère , .il vint incognito à Paris en 1722, et sollicita un ordre de début. Craignant que son fils ne déshonorât, par son peu de talent un nom si célèbre au théâtre, le père, qui fut instruit de ses démarches, pria le duc d'Aumont de le refuser. Quel parti prendre ? Poisson ne se rebute point; il va trouver un ami de son père, et le prie de s olliciter pour lui la grâce d'être entendu. Le père ne put se refuser à cette proposition, et fit choix du rôle de Sosie dans l'Amphytrion de Molière. Il fut si content de la manière dont il le rendit, qu'il sollicita lui-même le début et la réception de cet acteur, digne de son père et de son iïeul.
POISSON ( Mad. N. ) femme de François-Arnould, débuta aux Français en,1730, par le rôle d'Hermione , dans Y Andromaque de Racine, fut admise à l'essai en 1731, etfutcongédiée ouse congédia elle-même en 1736. Elle reparut quatre ans après , en 1740, et fut admise. Enfin elle quitta le théâtre en 17411 avec l la pension de 1000 liv.
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POLICHINELLE. — C'est le nom d'un personnage de l'ancienne Comédie Italienne. Le Polichinelle est tiré des anciens mimes latins : les Napolitains en ont deux , l'un fourbe, et l'autre stupide. Ce sont eux qui font les rôles du Scapin et de l'Arlequin , quoiqu'ils portent le même masque et le même habit. L'anec-
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dote suivante renferme l'histoire tragi-comique d'un,.. Polichinelle célèbre. V -
Geulette avait une maison de campagne à Choisy-i le-Roi, où il s'amusait avec- une société de gens de son état, à jouer des comédies, surtout dès farces, des parades et des pièces de marionnettes : cet homme avoit un talent supérieur pour faire le Polichinelle. Quoique les plaisirs de cette société fussent très-innocens, il s'y lâchait parfois des plaisanteries assez fortes. Le curé de Choisy s'avisa d'y trouver à redire ;
il en dit même quelques mots à son prône, ce qui n'eut d'autre effet que d'empêcher Geulette et sa compagnie d'assister à la grand'messe; mais il ne fut pas long-tems sans être obligé d'avoir recours à son pasteur. L'on: sait, ou l'on ne sait pas , que, pour bien faire le Polichinelle, il faut mettre dans sa bouche un'petit instrument que l'on appelle pratique, qui fait paraître la voix enrouée. Geulette , quoique très-accoutumé à s'en servir, eut le malheur d'avaler cet instrument, qui s'arrêta dans son gosier et pensa l'étrangler. Il appelle à son secours : d'abord on croit qu'il ptaisante; mais le voyant devenir cramoisi, on comprend qu'il ne hadinait point. Le chirurgien du village , consulté , trouve' le cas si grave, qu'il conseille les secours spirituels. On va chercher le curé, il arrive, et voit le mourantentouré de ses amis Gilles, Cassandre et de Mad. Gigogne tous en pleurs. Le pauvre Polichinelle veut témoigner à son curé les bonnes dispositions dans lesquelles il va expirer : mais, comme la pratique l'oblige à s'énoncer d'une façon tout-à-fait comique, loin d'édifier, il scandalise , au point que le curé se met en fureur. On ne se moque point ainsi d'un homme de mon carac-
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tère ^ dit-il. Il s'en fallut peu que Geulette ne fût forcé de se faire enterrer, pour prouver à l'irascible pasteur qu'il était de bonne foi. Enfin tout s'éclaircit; le curé revint de son erreur, et Geulette de sa maladie ; mais il cessa de faire usage de la pratique.
I
POLICRATE, comédie héroïque, en cinq actes, en vers , par Boyer, 1670. 1 , • Policrate, qu'on représente à l'âge de vingt ans, élevé sur le trône de Samos, par son bonheur et les soins de Doronte, croit, on ne sait pourquoi, qu'il ne lui convient pas d'épouser Elise, fille de son protecteur, qu'il aime et dont il est aimé. Policrate est roi ; mais il peut se souvenir que, n'étant pas né sur le trône, et ayant été sujet ainsi que Doronte, à qui il est redevable d'une partie de sa grandeur, aucun scrupule ne doit s'opposer à une alliance que l'amour qu'il ressent pour la fille, .et la reconnaissance qu'il doit au père semblent même exiger de lui. C'est cependant un entêtement aussi ridicule qui forme le nœud de la pièce. D'ailleurs , Policrate se persuade encore, sans qu'on en sache la raison, qu'Elise n'aime en lui que la seule grandeur ; et il croit qu'Olympie, princesse de Thrace, lui convient mieux. La facilité avec laquelle elle reçoit son hommage sert à l'en dégoûter. Il ne sait plus ce qu'il veut, tant de bonheur l'ennuie ; il croit s'y soustraire en laissant l'Etat maître de se choisir une reine. La princesse de Thrace obtient cette préférence . par les brigues de Doronte, qui conserve, jusqu'à la dernière scène , son caractère désintéressé, au préjudice de sa fille. C'est en cette occasion que Policrate gémit et se désespère; il est tenté de se dédire, lorsqu'on
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apprend que le tyran, usurpateur des Etats d'Olympie, est mort subitement. Cette heureuse nouvelle tranche toutes les difficultés. Olympie , qui n'avait consenti à l'hymen de Policrate, que pour porter une couronne, y renonce aisément, et consent à partager cellë qui lui appartient, avec Tiridale, frère de Policrate, qui soupire depuis long-tems sans espérance, et à qui elle a obligation de la liberté; mais Policrate est obligé de se servir de l'autorité souveraine pour obtenir le consentement de Doronte à son mariage avec Elise.
POLIDORE, tragédie , par l'abbé Péllegrin, 1703. Priam eut un fils d'Hécube, appelé Polidore, qu'il envoya auprès de sa fille Ilione, mariée à Polymnestor, roi de Thrace. Ilione le fit passer pour son fils, et donna le nom de Polidore à un fils nommé Deïphile, qu'elle avait eu de Polymnestor. Cependant les Grecs, après l'embrasement de Troie , ayant résolu d'extirper toute la race de Priam, précipitèrent du haut du rempart Astianax, fils d'Hector, après quoi ils envoyèrent des ambassadeurs à Polymnestor, chargés de lui offrir Electre, fille d'Agamemnon, en mariage, et beaucoup de richesses, pourvu qu'il donnât la mort à Polidore. Cette proposition fut accueillie de Polymnestor ; mais, aullieu de Polidore, il immola son propre fils Deïphile. Voilà tout le fond de cette tragédie.
POLIEUCTE, tragédie en cinq actes, en vers, par Corneille, 1640.
Il fallait tout le génie de Corneille, pour faire applaudir sur la scène un sujet tiré de la Légende.
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Polieucte avait déplu aux beaux esprits de l'hôtel de Rambouillet, à qui Corneille l'avait lu avant de le donner au théâtre. Ils n'aperçurent, sans doute, que le chrétien qui brise les idoles, et qui vole au martyre. Sévère et Pauline échappèrent'à leurs regards; ces deux caractères , les plus beaux qui aient jamais été placés sur la scène, valent eux seuls toute une tragédie, et mettent Polieucte au rang des meilleurs ouvrages de Corneille.
V On prétend que les comédiens refusèrent d'abord de jouer cette tragédie ; que Corneille donna son manuscrit à l'un d'eux, qui le jeta sur le ciel d'un lit. où il fut oublié pendant dix-huit mois ; et qu'un valet, ayant nettoyé par hasard le baldaquin, sauva le Polieucte. Lorsque Corneille fit cette pièce , sa réputation était trop grande et trop bien établie, pour qu'on puisse croire à ce conte.
Madame la Dauphine admirait Pauline, et disait: « Ne voilà-t-il pas la plus honnête femme du monde , » qui n'aime point son mari. »
afDans le quatrième acte de Polieucte, on trouve une scène où Sévère, frappé de l'unité de Dieu, découvre à Fabian ses doutes sur la religion païenne , qui admet plusieurs divinités à la fois. Baron , qui remplissait le rôle de Sévère, près de réciter ce dernier vers : ' '
Nous en avons beaucoup pour être de vrais Dieux ; s'approchait de Fa,bian, lui mettait la main sur l'épaule , et le lui disait comme une personne qui craint d'être ehtendue. On regarda d'abord ce geste comme trop familier ; mais, dans la suite , cette familiarité qui, pour être naturelle , ne manque pas de noblesse, lui
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acquit une réputation supérieure à celle de ses prédécesseurs.
Lorsque Sévère , après la mort de Polieucte , dit à
Félix et à Pauline :
Servez bien votre Dieu ; servez votre monarque.
Baron , habile à deviner ce que les auteurs ne disaient pas , mais ce qu'ils voulaient dire, prononçait le dernier hémistiche d'une manière fort différente de celle dont il prononçait le premier : il passait légèrement sur l'un et appuyait fortement sur l'autre, et annonçait, par une inflexion adroite , combien le devoir d'un sujet lui paraissait plus grand que celui d'un chrétien.
On trouve dans Polieucte une stance dont les idées et les expressions sont dans une strophe d'une ode que Godeau adressait à Louis XIII, long-tems avant que Corneille eût fait sa pièce.
Polieucte dit :
Toute votre félicité,
Sujette à l'instabilité,
En moins de rien tombe par terre ;
Et, comme elle a l'éclat du verre,
Elle en a la fragilité.
Godeau dit :
Tel on voit le destin funeste
Des ministres ambitieux,
Que souvent le courroux céleste
Donne aux monarques vicieux.
Leurs paroles sont des oracles,
Tandis que par de faux miracles
Ils tiennent leur siècle enchanté.'
Mais leur gloire tombe par terre ;
Et, comme elle a l'éclat du verre ,
Elle en a la fragilité.
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On dit que Corneille s'est repenti plusieurs fois d'avoir fait imprimer les quatre vers suivans, qu'il met dans la bouche de Sévère, et qui se trouvent dans la dernière scène du quatrième acte : e
Peut-être qu'après tout , ces croyances publiques
Ne sont qu'invention de sages politiques, ,
Pour contenir Je peuple ou bien pour l'émouvoir,
r Et dessus sa foiblesse affermir leur pouvoir. - -
" Cela prouve que Corneille, dont la conscience était fort délicate, se reprochait tout ce qui pouvait de sa part montrer l'intention de blesser la foi.
La représentation de cette pièce fit le plus grand bien aux comédiens; jusqu'alors ils avaient été dans un état d'abjection. Mais Louis XIII rendit, le 16 avril 164.1, un arrêt où il dit expressément: « En cas que lesdits comédiens règlent bellement les actions du théâtre, qu'elles soient de tout exemptes d'impureté , nous voulons que leur exercice3 qui peut innocentment divertir nos peuples des diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public.»
POL1&ÈNE , tragédie en cinq actes, en vers, par
Claude Billard, sieur de Courgenay, 1612.
C'est l'ombre d'Achille qui ouvre la scène par des imprécations contre Paris , et celte même ombre , -qui n'a point perdu avec ses 'dépouilles mortelles, son amour pour Polixène,veut absolument qu'on l'immole, afin de pouvoir la posséder dans l'Elysée. Tous les Grecs sont de cet avis, excepté Nestor ; mais Polixène elle-même, qui ne demande pas mieux que de mourir, s'arrache des bras de sa famille, et va s'offrir au glaive
A
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de Pyrrhus. Rien n'es): plus ridicule que cette tragédie 1 si ce n'est peut-être la préface que l'auteur adresse à son compagnon , et dont voici un passage :
« Quant aux sujets de mes tragédies, tel les voudra » dire peu tragiques, au moins quelques-uns, auquel » je. saurai bien clore la bouche, lui apprenant, s'il J) ne sait, qu'où il y a effusion de sang, mort, et » marque de grandeur, c'est vraie matière tragique. » Si l'on ne desirait, pour l'avoir plus sanglante, ex» terminer toute une nation, comme fit cet insolent J> Alexandre, etc. »
En voici un autre qui prouve que les écrivains n'ont jamais manqué d'amour-propre ni d'irascibilité, et qu'ils ont toujours été ennemis de la critique :
cc Sortez-moi, s'écrie Billard, ces petits cajoleurs » de cour à simple, tonsure de Minerve, qui font les » savans et les aristarques. Sortez-moi ces preneurs de » taupe à la pipée... Sortez-moi, dis-je" ces colosses » inanimés, ces ballons enflés de vent, hors de leurs » petits lieux communs, pour les faire voguer sur un » grand océan de dix mille vers. Mais, que dis-je? » dix mille, mais bien de cent ou deux cents seulement, JI qui leur seraient un siége de Troie. »
POLIXÈNE, tragédie de Molière , surnommé le
Tragique , 1620.
On jouait souvent cette pièce devant le roi, et c est ce qui engagea Jlacan à adresser ces vers à l'héroïne de la tragédie, sur le desir qu'elle avait de quitter la cour :
Belle princesse , tu te trompes,
De quitter la cour et ses pompes ,
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Pour rendre ton. désir content.
Celui qui t'a si bien chantée,
Fait qu'on ne t'y vit jamais tant,
Que depuis que tu l'as quittée.
POLIXENE , tragédie , par Lafosse , 1696.
Rien de plus simple en apparence, et rien de plus compliqué en effet que le sujet de cette tragédie de Palixène. Pyrrhus aime la princesse ; il en est aimé, et Veut la sauver malgré l'opposition des princes grecs qui ont juré sa mort. Voilà tout le fond de cette pièce; mais quel embarras dans les détails l' quelle multiplicité d'incidens ! Le choix que Pyrrhus a fait de Po-i lixène , comme la seule part qu'il veuille prendre dans les dépouilles de Troie, est un attentat contre l'autorité d'Agamemnon. On lui oppose l'artifice d'Ulysse \ les menaces et la violence. Pyrrhus défend ses droits les armes à la main. Ses troupes, rangées en bataille , sont prêtes à fondre sur l'armée des Grecs. Le tombeau d'Achille s'ouvre avec l'appareil le plus effrayant. L'ombre de ce héros paraît et ordonne à Pyrrhus d'immoler Polixène. Lè prince consterné , dissimule devant les Grecs, et feint de vouloir obéir aux ordres de son père. Télèphe , roi de Mysie .et amant de Polixène, que l'on avait cru mort, reparaît pour sauver les jours de la princesse. Pyrrhus, abandonné des siens, épié par le roi de Mysie, investi de toutes parts, ne trouve -plus d'autre ressourcé que de confier Polixène à son rival et de faciliter leur fuite en Mysie. Polixène découvre ce dessein à Ulysse, et se rend au tombeau d'Achille, pour y périr d'e la main des Grecs. Pyrrhus la suit, et, voulant frapper Agamemnon , perce le sein de Polixène.
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On blâme cette catastrophe, et le desir que témoigne la princesse de mourir de la main de ses ennemis. Mais n'était-il pas naturel qu'elle préférât la mort à la honte de leur servir de trophée dans toutè la Grèce? Pouvait-elle aimer Pyrrhus qu'elle regardait commeTle bourreau de sg famille ? Et ce prince pouvaitil oublier que Polixène avait causé la mort d'Achille ? Pour peu qu'on se soit familiarisé avec Homère et Virgile, on goûte la satisfaction de retrouver ici tous les traits qui caractérisent les vainqueurs de Troie : l'orgueil impérieux d'Agamemnon, l'éloquence et la. souplesse d'Ulysse, etc. ,
POLIXÈNE, tragédie-opéra en cinq actes, par
Joliveau , musique de d'Auvergne , à l'Opéra , 1763. •
Pyrrhus veut épouser Polixène; mais il rencontre des, obstacles : 1°. la haine de Junon contre le sang troyen. Cette Déesse est offensée d'un amour qui. réunirait la fille d'Hécube avec le fils d'Achille ; -2°. la haine d'Hécube elle-même contre Pyrrhus, le destructeur de toute sa famille; 3o. l'amitié du fils d'Achille pour Télèphe son rival. Hécube approuve les feux de ce dernier et veut l'engager à immoler Pyrrhus à son amour ; mais toutes ces difficultés disparaissent insensiblement. Thétis apaise Junon ; pour se venger de Télèphe, qui refuse de se prêter à sa fureur % Hé"cu.be le fait assassiner. Cette cruelle, témoin des pro- diges que font les Dieux pour Pyrrhus,, s'adoucit
et donne son consentement à l'hymen du filsd'
avec sa fille Polixène, qui aime ce héros.
POMMIERS ET LE MOULIN (les),comédie
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lyrique en un acte , par Forgeot , musique de Lé Moine, à l'Opéra , 1790. t
Deux paysans ont au même endroit, l'un un moulin, l'autre des pommiers; leurs vœux diffèrent comme leurs possessions. Le meunier desire le vent parce qu'il fait tourner son moulin ; le jardinier le craint parce qu'il fait tomber ses pommes. Ils se contrarient l'un l'autre , tantôt par plaisanterie, tantôt sérieusement.
- L'un des deux voisins a un fUs, l'autre une fille qui s'aiment, mais dont le mariage est retardé par les brouilleries des deux pères. Mathurin, le père de la fille , à dit à l'autre :
Non, plus de mariage au point où nous en sommes , Tu t'es moqué de moi, je veux t'en rendre autant,
Et ne les unirai , morbleu , que quand le vent
Né t'aura plus laissé de pommes.
Une étourdie de sœur, qui vient d'entendre ce propos, saisit une gaule, et se met à abattre les pommes. L'amoureux Lucas veut la gronder, mais elle lui répond par ce joli vers :
Paix! je travaille à votre mariage.
Enfin, cotnmè le tems, l'humeur des deux pères doit être sujette à changer ; ils se trouvent un moment d'ac-- cord , et le mariage se fait.
On trouve dans cet ouvrage des situations et des tableaux agréables ; lès paroles et la musique furent favorablement accueillies.
POMONË , pastorale-opéra , en cinq actes, avec un prologue , par l'abbé Pérrin, musique de Cambert" 167 r.
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Il n'y avait pas encore eu en France de théâtre pour l'opéra , définitivement établi, lorsque cette pièce parut. Voici comment Voltaire , avec sa singulière et ordinaire sagacité, raconte cet établissement : « C'est' » à deux cardinaux que la tragédie et l'opéra doivent » leur établissement dans ce royaume; car ce fut sous » Richelieu que Corneille fit son apprentissage, parmi » les cinq auteurs que ce ministre faisait travailler, » comme des commis , aux drames dont il formait » le plan, et où il glissait souvent nombre de très» mauvais vers de sa façon. Ce fut lui encore qui, » ayant persécuté le Cid , eut le bonheur d'inspirer r » à Corneille ce noble dépit et cette généreuse opi» niâtreté qui lui firent composer les admirables scènes » des Horaces et de Cinna.
» Le cardinal Mazarin fit connaître aux Français, » l'opéra qui ne fut. d'abord que ridicule , quoique » le ministre n'y travaillât point. Ce fut en 1647 , qu'il » fit venir, pour la première fois, une troupe entière » de musiciens italiens, des décorateurs et un or» chestre. On représenta au Louvre la tragi-comédie » d'Orphée en vers italiens et en musique. Ce spec- » tacle ennuya tout Paris. Très-peu de gens enten» dai'ent l'italien ; presque personne ne savait la -<■ » musique, et tout le monde haïssait le cardinal.
» Cette fête , qui coûta beaucoup d'argent, fut sifflée; » et bientôt après les, plaisans de ce tems-là firent le » grand ballet et le branle de la fuite de Mazarin, » dansé sur le théâtre de la France par lui-même et » par ses adhérens. Voilà toute la récompense qu'il » eut d'avoir voulu plaire à la n'ation'.
» Avant lui, on avait eu des ballets en France dès
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1t le commencement du seizième siècle ; et, dans ces
» ballets, il y avait toujours eu quelque musique » d'une ou de deux voix, quelquefois accompagnée » de chœurs, qui n'étaient' guère autre chose qu'un » plain-chant grégorien. Les filles d'Acheloys , les M sirènes, avaient chanté en I582, aux noces du duc » de Joyeuse, mais c'étaient d'étranges sirènes.
M Le cardinal Mazarin ne se rebuta pas du mauvais » succès de son opéra italien ; et, lorsqu'il fut tout» puissant, il fit revenir les musiciens de son pays, qui M chantèrent le Nozze di Peleo et di'Thetide, en trois » -actes. Louis XIV y dansa. La nation fut charmée » de voir son roi, jeune , d'une taille majestueuse, et » d'une figure aussi aimable que noble , danser dans » la capitale , après en avoir été chassé. Mais l'opéra » du cardinal n'ennuya pas moins Paris pour la se» conde fois. Mazarin persista : il fit venir le signor Jt Cavalli qui donna, dans la grande galerie du Louvre, » l'opéra de Xercès, en cinq actes. Les Français bâil» lèrent plus que jamais, et se crurent délivrés de l'o» péra italien par la mort de Mazarin, qui donna lieu ' M à mille épitaphes ridicules, et à presqu'autant de » chansons qu'on en avait fait contre lui pendant » sa vie.
» Cependant les Français voulaient, dès ce temps» là même, avoir un opéra dans leur langue, quoiqu'il » n'y eût pas un seul homme dans le pays,, qui sût » faire un trio , ou jouer passablement du violon ; et, » dès l'année. 1639 , un abbé Perrin qui croyait faire » des vers , et un Cambert, intendant des douze vioM Ions de la reine , qu'on appelait la Musique de » France , firent chanter , dans le village d'Issy , une
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« pastorale qui, en fait d'ennui, l'emportait sur VEr-« y cale, amante, et sur le. Noz.ze di Peleo. En 1669,, )1 l'abbé Perrin et le même Cambert s'associèrent avec marquis de Sourdéac, grand machiniste, qui ^n'était pas, absolument fou , mais dont la raison était très-particulière , et qui se ruina dans cette enM treprise. Les commencemens en parurent heureux. » On joua d'abord Pomone, dans laquelle il était beau- J> coup parlé de pommes et d'artichaux. On représenta 5» ensuite les Peines et les Plaisirs de l'amour ; et enfin » Lulli, surintenuant de la musique du roi, s'em.para » du jeu de paume , qui avait ruin.é le marquis, de », S.ourdéac. L'abbé Perrin, inruinable, se consola dans M Paris à faire des élégies et des sonnets, et même à » traduire l'Enéide de Virgile, en vers., qu'il disait » héroïques. Pour Cambert, il quitta la France de M dépit , et alla faire exécuter sa détestable musique » chez les Anglais, qui la trouvèrent excellente. Lulli, a qu'on appela bientôt M. de Lulli , s'associa très» habilement avec Quinault, dont il sentait tout le » mérite, et qu'on n'appela jamais Monsieur de Qui» nault. Il donna, dans. son jeu de paume de Belair, » les Fêtes de l'Amour et de Bacchus, composées, par » ce poëte aimable ; mais ni les vers , ni la musique, « ne furent dignes de la réputation qu'ils acquirent » depuis. Les connaisseurs seulement estimèrent' « beaucoup une traduction de l'ode charmante d'Ho» race , Donec gratus eram tibi, etc. Cette ode , env » effet , est très-gracieusement rendue en français js » mais la musique en est un peu languissante. Il y eut » des bouffonneries dans cet opéra , ainsi que dans » Cadmus et dans Alceste . Ce mauvais goût régnais
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» alors à la cour dans les ballets ; et les opéras italiens » étaient remplis d'arlequinades. Quinault ne dédaigna » pas de s'abaisser jusqu'à ces platitudes ; mais , dans » ces deux opéras même, ce poëte sut insérer des mor» ceaux admirables de poésie. Lulli sut un peu les » rendre , en accommodant son génie à celui de la » langue française ; et, comme il était d'ailleurs très» plaisant, très-débauché , adroit intéressé , bort » courtisan, et par conséquent aimé des grands , et » que Quinault n'était que doux et modeste , ii tira » toute la gloire à lui ; il fit accroire que Quinault était » son garçon poëte qu'il dirigeait , et qui , sans lui , » ne serait connu que par les satires de Boileau. Qui» riault, avec tout son mérite , resta donc en proie aux » injures de Despréaux , et à la protection de Lulli. » La charmante tragédie d'Atis, les beautés ou nobles, » ou délicates , ou naïves , répandues dans les pièces » suivantes , auraient dû mettre le comble à la gloire » de Quinault, et ne firent qu'augmenter celle de » Lulli, qui fut regardé comme le dieu de la musique. »
POMPÉIA , tragédie de Campistron.
Un des parens de l'auteur voulut faire jouer cette tragédie ; mais la mort de Mlle Lecouvreur fit évanouit" ce projet.
PONCE DE LÉON, opéra-bouffën en trois actes , paroles et musique de' M. Berton, aux ItaMens , 1797.
- Ponce de Léon, chevalier espagnol, avait le consentement du père de Mélanie; il allait devenir l'époux de cette jeune personne , lorsqu'une guerre impréyué
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le força de quitter, Madrid. Pendant son absence , le . père meurt, et Mélanie passe au pouvoir d'une vieille dévote qui la tient étroitement enfermée. Dame Dalmanchinaros , sa tante , docile aux avis du moine Caffardo son directeur , veut en faire une religieuse; elle va partir pour le couvent, quand Ponce de Léon, accompagné de son valet Padille , arrive sous les murs du château de la tante de sa maîtresse , situé près de Saint-Jacques de Compostelle. Après avoir fait une reconnaissance dans la place , ces messieurs prennent le parti de s'y introduire , à la faveur de l'habit de pèlerin dont ils se sont affublés. Ils ont pour eux Laurettç, suivante de Mélanie , qui les seconde puissamment. Dame Dalmançhinaros prend le plus vif Intérêt ài ces pauvres pèlerins échappés au fer des assassins. L'un d'eux, Padille, dit-on, a été grièvement blessé. Elle lui impose une diète rigoureuse, en attendant que la faculté s'empare de sa personne, ce qui n'est pas trèsrassurant pour lui qui meurt de faim. Deux médecins, un chirurgien et un apothicaire paraissent en èffet. Bientôt le mé/lecin se dispute avec son confrère , le chirurgien avec L'apothicaire ; tous quatre sont prêts à en venir aux mains et sortent furieux : heureusement pour Padille qui tremblait, de toutes ses forces, et qui, grâces à l'irascibilité de ces messieurs, en est quitte pour la peur. A peine est-il sorti de ce danger , qu'il s'en présente un plus grand. La mèche est découverte ; l'alarme est, dans le ch.âteau ; une troupe d'alguasils. est à leurs trousses. Heureusement encore Caffardo qui aime Laurette, donne dans le piège que lui a tendu cette fine soubrette. Le moine est démasqué, et Ponce de Léon obtient la main de celle qu'il aime..
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Tel est le fond de cette pièce tirée d'un conte qui porte le même titre.
PONCY DE NEUVILLE ( l'abbé JEAN-BAPTISTE ), ex-jésuite , né à Paris, où il mourut en i 737 , est auteur de deux tragédies intitulées , l'une Judith, , et l'autre Damocles.
PONT-ALAIS, auteur, acteur et entrepreneur de représentations de mystères , fut contemporain et camaradede Gringoire.
C'était un singulier et bien plaisant personnage que ce Pont-Alais. Il était bossu, et un jour qu'il aborda un cardinal qui l'était aussi , il mit sa bosse contre la sienne, et lui dit : « Monseigneur, en dépit du pro» verbe, nous voici en état de prouver que deux mon» tagnes peuvent se rencontrer. » Dans son tems , on était dans l'usage de faire battre la caisse pour annoncer les pièces. Pont-Alais, qui se trouvait dans le voisinage d'une église , fit battre la sienne pendant que le curé prêchait. Le prédicateur, furieux de voir son auditoire déserter l'église pour courir au spectacle , vint trouver le comédien , et lui dit : « Qui vous a fait assez hardi » pour tambouriner pendant que je prêche ? — Et qui » vous a fait assez hardi , répliqua Pont-Alais, pour » prêcher pendant que je tambourine?» Cette réplique spirituelle, mais déplacée, valut à son auteur cinq à six mois de prison, après lesquels il obtint sa liberté , et reprit ses jeux. Quoiqu'il fût un trèsmauvais plaisant , Pont-Alais était reçu chez les personnes les plus qualifiées de la cour ; il eut même l'honneur d'approcher -souvent de Louis XII et de François Ier,
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PONTAU ( CLAUDE-FLORIMOND-BOIZARD ) , né à Rouen , auteur dramatique , et compositeur de ballets.
Entrepreneur de l'Opéra - Comique , il composa pour son théâtre plusieurs ballets-pantomimes dont les principaux sont : l'Estaminette flamande; l'Ecole de Mars, ou le Triomphe de Vénus; le Hasard, et F OEit du Maître. Il intéressa à son entreprise plusieurs beaux esprits de son tems, tels que Fuzelier , Panard , Ma- rignier , Favart, Fagan , Piron , Carolet , Gallet et FAfnchard , et fit, en société avec le premier et le second , la Méprise d'amour, le Malade par complaisance ; avec le second et le troisième ,Argénie ; avec le second seulement., les Deux Suivantes, le Bouquet du Roi, la; Comédie sans hommes , les Fêtes gal an t? s-, le Rien ; a veff Panard et Favart, le Qu'en dira-t-on ; a-vec Fagan , le Badinage ; avec Piron , la Ramée et Dondon ; avec Parmentier et Panard , Alzirette ; et Marotte- avec Panard , Gallet et l'Affichard. Mais jamais il ne composa sans le secours de ses amis que des ballets : c'était par leurs talens qu'il soutenait son théâtre ; et enfin , c'était du tribut de leur esprit qu'il enrichessait le sien .
PONT-DE-YEYLE (Antoine DE FERRIOL, comte de ), né en-1697 , mort à Paris- en 1774- N
Son père était président à mortier du parlement de Metz; sa mère était la sœur du cardinal de Tencin ; il occupa lui-même plusieurs emplois honorables. Son éducation fut faite par les jésuites, et, dès sa première jeunesse , il se distingua par un talent particulier pour les chansons : au collége, il en fit contre ses livres de
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classe, et , dès son entrée dans le monde , il s'amusa à parodier les airs les plus difficiles. Il avait pour ce genre de poésie une facilité extraordinaire. Mais, portant plus loin ses prétentions , il entra dans la carrière dramatique , où il se montra avec succès. On a de lui la comédie du Complaisant, pièce de caractère qui est restée au théâtre , le Fat puni , qui réunit au mérite de la difficulté vaincue , celui d'une intrigue bien conduite , dont le style est vif, naturel , plein de traits et sans affectation ; il eut aussi une grande part à la jolie comédie du Somnambule.
B estiné par sa famille à la robe, il ne se sentait aucun goût pour cet état ; néanmoins, pour ne pas désobliger des parens qu'il chérissait , il consentit à ce qu'on lui achetât une charge de conseiller au parlement , et à faire les démarches nécessaires pour sa réception. Il se rendit donc un jour chez le procureur-général pour lui demander des conclusions ; ce magistrat le fit attendre très-long-tems dans une chambre attenante à ' son cabinet. Le jeune candidat, pour charmer l'ennui de l'attente , se mit à répéter la danse du Chinois de l'opéra d'Issié, avec les grimaces propres à cette danse.
Il était dans la chaleur de l'action , lorsque l'e procureur-général ouvrit sop cabinet. Quel fut son étonnement à la vue d'un conseiller dans l'attitude d'un danseur de l'Opéra ! Comme il était homme de bonne compagnie, il ne put s'empêcher d'en rire , et la couver. sation se passa en plaisanteries. Ce trait de caractère servit à convaincre Pont-de-Veyle qu'il n'était point propre à la dignité à laquelle on le destinait ; il y renonça donc pour jamais , et acheta la charge de lecteur du roi , emploi purement honorifique , et qui
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ne l'empêchait pas de se livrer à son goût dominant. Thémis y a peu perdu, mais Tbalie y a gagné quelque chose. Malgré son amour pour l'indépendance, il accepta dans la suite , par amitié pour M. de Maurepas, la place d'intendant-général. des classes de la marine, qu'il remplit pendant quelque tems avec intelligence et exactitude , mais qu'il quitta pour s'abandonner entièrement à son amour pour les lettres, à son goût pour les chansons qui faisaient le charme des sociétés où il vivait.
PONTEUIL (NICOLAS-ETIENNE LEFRANC ), né à Paris en 1674, mort à Dreux en 1718 , acteur des Français.
Si l'on en croit les faiseurs d'ana, il était comédien, avant que de naître, parce que sa mère, qui logeait sur le quai de la Mégisserie, étant enceinte de lui, passait les journées aux fenêtres à regarder les farces des charlatans. L'imagination de la mère influa tellement, dit-on, sur celle de l'enfant, que, dès ses premières années il ne s'occupait que de marionnettes. Quoi qu'il en soit de ces contes ridicules, le jeune Lefranc, qui était le fils d'un notaire très-riche, se livra de, bonne heure au théâtre. Il alla d'abord jouer en Pologne, revint bientôt en France, débuta aux Français en 1701, par le rôle dJ OEdipe , et fut reçu en 1703. Il joignait au mérite d'une expression juste et animée, une taille élevée, une belle physionomie, et une déclamation naturelle. Quoique les premiers rôles tragiques fussent son principal emploi vil réussissait aussi dans ceux de paysans.
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PORÉ (CHARLES), né en 1675, mort à Paris en 1741, auteur dramatique.
Ce jésuite a composé plusieurs tragédies latines; il fut l'un des plus célèbres professeurs du collége de Louis-le-Grand. Son plus grand titre à la gloire est d'avoir formé la jeunesse de Voltaire, et d'avoir mérité de la part de ce grand homme, des témoignages de reconnaissance.
PORT-A-L'ANGLAIS ( le ), ou LES NOUVELLES DÉBARQUÉES , comédie en trois actes, en prose, avec un prologue et des divertissemens , par Autreau, musique de Mouret, aux Italiens , 1718.
Cette pièce est le premier ouvrage de l'auteur, et la première comédie française représentée par les Italiens.
Lélio, riche négociant, arrive de Rome, aborde avec ses deux filles au Port-à-1'Anglais , où deux amans , ^ par une intrigue conduite avec art, l'engagent à conclure leur mariage et à les recevoir pour ses gendres. * Voilà le sujet très-simple de cette comédie. Des plaisanteries ,fines et agréables , des divertissemens et surtout des vaudevilles, qui étaient alors une nouveauté, durent contribuer beaucoup à la réussite. Les scènes en sont un peu décousues, et le goût de l'ancien théâtre italien y domine encore ; mais le poëte était obligé de se plier au génie des acteurs, et au ton du spectacle pour lequel il travaillait.
PORT DE MER (le), comédie en un acte, en prose , par Boindin et la Motte , aux Français, 1704.
L'intrigue de cette pièce a pour but le mariage de Léandre et de Benjamine, fille d'un marchand juif
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qui la destine à certain corsaire. Le valet de Léadre et un galérien se réunissent pour tromper le juif. Léandre , déguisé en More est introduit auprès de sa maîtresse en qualité d'esclave. Le galérien, déguisé en femme $ suppose avoir été épousée et vendue par le corsaire * à qui Benjamine est réservée. Dès lors le juif renonce à la lui donner pour femme ; mais l'arrivée du corsaire détruit tout ce manége. Heureusement ce pirate est l'oncle de Léandre, en faveur duquel il renonce à la main de Benjamine. Cette comédie n'est point une école de probité , màis c'est un tableau qui , malheureusement $ pourrait avoir été copié d'après nature. D'ailleurs, Benjamine et Léàndre conservent toute la droiture que doivent avoir des personnages intéressans. Les autres, moins scrupuleux 1 serpe blent, pour ainsi dire, y être atitorisés par état.
PORTE-LANCE, né à Paris, auteur dramatique.' Il fit jouer en 1751 une tragédie d'Antipater. Jamais ouvrage ne fut prôné avec tant de zèle et d'en-* tfaousiasme ; c'était une merveille supérieure aux merveilles des anciens et des modernes. Malheureusement le public ne fut pas de l'avis des coteries, et ce phénomène si brillant disparût dès qu'il se fit voir au grand jour, comme ces feux follets qui ne brillent que dans la nuit. Un sort aussi funeste , annoncé par d'aussi beaux présages , dégoûta Porte-Lance de la tragédie; mais, toujours passionné pour le genre dramatique y il composa, avec Poinsinet un opéra comique, intitulé Totinet, parodie de Po-péra de Titons et l'Aurore , qui fut joué à la Fente Saint-Germain; en 1753.
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Il travailla aux Adieux du Goût, avec Patu, ( Voyez PATU). Enfin il fit seul une comédie intitulée, à Trompeur, Trompeuses et demie , qui n'eut pas un grand succès.
PORTRAIT (le), comédie, par Beauchamps, aux
Italiens, 1727.
Silvia paraît incertaine sur ce qu'elle doit faire pour passer le jour le moins désagréablement qu'elle pourra, Son agitation continuelle fait prévoir à Colombine qu'il va arriver quelque chose d'extraordinaire dans le cœur de sa maîtresse, et que ce cœur irrésolu est prêt à se fixer à quelque objet. Elle en dit son sentiment à Silvia , et lui fait entendre que tous ces troubles naissans sont des avant-coureurs de l'amour. Silvia se met en colère au seul nom d'amour, et jure qu'elle saura se mettre à l'abri des traits d'un dieu qui fait tant de malheureux. A peine a-t-elle assuré bien, affirmativement à Colombine, qu'elle veut garder sa liberté , qu'Oronte, son père, lut vient présenter des chaînes, en lui disant qu'il l'a mariée en Flandres. Silvia ne répond pas un mot à s.on père, au grand étonnement de Colombine, qui s!attendait à la voir éclater au seul nom d'hymen, comme elle a fait à celui d'amour. Oronte dit à sa fille que son futur époux doit être arrivé, et qu'il y a apparence qu'il est allé chez le baigneur, pour paraître à ses yeux dans un état plus avantageux. Il ajoute que Valère n'a pas besoin d'agrémens empruntés. Pour la convaincre r il lui montre son portrait et le laisse entre ses mains. Oronte sort pour aller chercher Valère, dont Silvia regarde le poFtrait avec une indifférence affectée.; ...
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- Dès que son père est sorti , elle a recours à cette ruse si souvent employée, de faire passer sa femme de chambre pour elle, afin de' dégoûter Valère ; mais celui-ci, qui a reçu le portrait de Silvia de la main de son père , la reconnaît malgré son travestissement, et prend sur-le-champ la résolution de lui rendre ruse pour ruse. Il l'écoute froidement et lui parle de même. Silvia , piquée d'une indifférence à laquelle elle ne s'était pas attendue , prend de l'amour peur un homme qu'elle croit insensible. Valère, se voyant aimé , invente une dernière ruse, pour finir un déguisement trop long-tems soutenu de part et d'autre. Il avoue à la fausse Colombine qu'il a un engagement que rien ne peut surmonter, et qu'elle n'a, pour 1 excuser auprès de sa maîtresse, qu'à jeter un moment les yeux sur un portrait qu'il lui présente. Silvia en détourne la. vue avec dépit ; mais elle ne peut résister à la curiosité de voir si sa rivale est plus jolie qu'elle. Elle voit avec une surprise agréable, que c'est son propre portrait que Valère lui présente. Elle ne croit pas pouvoir mieux l'en récompenser, qu'en lui rendant artifice pour artifice, et en lui montrant le portrait de son vainqueur. Valère ne le regarde à son tour qu'en tremblant, maisil a bientôt le. plaisir de s'y reconnaître.
PORTRAIT (le), comédie en un acte, en vers, par Desfaucherets, aux Français, 1786.
Une jeune femme , pour surprendre son mari d'une manière aussi tendre qu'agréable, va secrètement chez un peintre pour lui faire faire son portrait; mais un d<e ces malencontreux personnages, dont l'unique soin est de nuire, découvre cet innocent manège ; et, loin
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d'en soupçonner le motif, s'empresse de prévenir le mari, qui, s'imaginant que sa femme entretient une intrigue, devient furieux. Cependant la femme ar-rive avec le portrait, qu'elle place sur un canapé, caché par un rideau. Le mari la suit de près et croit confondre l'infidèle. Il s'empresse donc de tirer le rideau; mais quel est son étonnement ! il voit son propre portrait dans les mains de son jeune enfant, qui s'était glissé derrière.
Tel est le fond de cette pièce, dont le dénouement nous semble forcé. Il n'est pas naturel que l'enfant reste là , pendant une fort longue scène, pour se retrouver en situation.
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PORTRAIT DE FIELDING ( le ), comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, par MM. Ségur jeune, Després et-Desfaucherets, au Vaudeville, 1800.
M.Vatson confia Sophie, sa pupille , aux soins d'Hogarth , peintre fameux , dans l'atelier duquel la scène se passe. L'élève et le maître ont long-temps méconnu leurs mutuels et tendres sentimens, lorsqu'une circonstance imprévue vient les aider à les démêler. Sophie reçoit une lettre dans laquelle on lui annonce que M. Vatson , à son retour des eaux de Bath, doit la prendre pour la conduire auprès de sa mère. Elle remet cette lettre à Hogarth ; elle tremble : tous deux sont au désespoir. Quelques jours plus tôt, et Sophie manquait à l'hommage annuel que Hogarth rend à la cendre de Fielding. Trois années n'ont point diminué les regrets qu'une perte aussi cruelle a fait naître. C'est pour assister à cette fête , que Gaxrick vient aujourd'hui chez Hogarth. Ce grand, cet immortel acteur
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voit bientôt ce qui se passe dans le cœur de son
mais celui-ci détourne l'entretien pour le reporter sur Fielding. Ce nom lui rappelle une obligation sacrée qui rend criminel son amour pour Sophie. Il apprend à Garrick que Fielding lui légua sa fille, dont il promit de devenir l'époux, s'il avait le bonheur de lui plaire ; mais que son ami ferma les yeux avant dè pouvoir lui apprendre et le nom de cet enfant, et le lieu qu'elle habitait ; qu'enfin, toutes les recherches qu'il a faites pour découvrir cette intéressante orpheline ont été infructueuses jusqu'à ce jour; qu'il s'est fait un devoir de la chercher de nouveau, afin d'unir son sort au sien. Si cependant le cœur de celleci se refusait... cette idée lui sourit ; alors miss Sophie.., Mais c'est trop prononcer ce nom adoré : il ne veut plus qu'il sorte de sa bouche, et pourtant il y revient sans cesse. Hogarth fait compliment à Garrick de la supériorité avec laquelle il a joué la veille ; il était au' théâtre avec Sophie ; Sophie le méconnut dans son second rôle, lui seul ne s'y est pas mépris. Si tu n'étais pàa sûr d'avance que c'est Garrick, lui dit l'acteur, tu t'y mé* prendrais comme un autre. Impossible ! un peintre ne peut être la dupe de la plus adroite illusion. Garrick veut lui prouver le contraire ; mais , dans le cas où il parvi-endrait à se faire méconnaître, il demande un buste de Shakespear qu'il desire depuis long-tems. Hogarth le lui promet. Dans ce moment, ce dernier sort pour aller voir un prétendu portrait de Fielding, et laisse Garrick seul avec madame Miller. Occupé de son projet, il lui demande lés clefs d'un cabinet propre à en faciliter l'exécution. Précisément, c'est la pièce qu'occupait Fielding. Cependant M* Vatson, dont la
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Vehue est annoncée, arrive. Il renaplit avec Sophie et madame Miller l'intervalle de celte dernière scène à celles qui suivent. Hogarth a fait des pas inutiles. Après un tête-à-tête très-sentimental où les amans se font l'aveu de leur tendresse, celui-ci, resté seul, évoque l'ombre de son ami, et lui demande pardon, d'avoir eu le malheur d'en aimer une autre que sa fille. Dans ce moment d'exaltation , les traits de Fielding s'offrent à sa mémoire: il va saisir cette impression et se met à dessiner. Tout-à-coup il s'entend nommer. Hogarth! quel prestige! c'est la voix de Fielding. Il se remet à l'ouvrage; la voix se fait entendre de nouveau: Hogarth! alors. Garrick paraît àla porte du cabinet, où on l'a vu se renfermer, et lui dit : Hogarth, viens me peindre, tu n'as qu'un moment. C'est lui-même, s'écrie Hogarth , qui veutr s'avancer. N'approche pas, ou tu me perds, lui répond Garrick. Soudain Hogarth saisit un crayon et dessine ses traits. Son œil pétillant, l'esprit, la bonté, la malice, jusqu'à ses habits; voilà le Portrait de Fielding. Sophie accourt et le surprend dans cet epthousiasme. Effrayée, mais, émue à la vue de Garrick qui s'éloigne, elle tire un médaillon de. son sein, et le compare avec le dessin d'Hogarth. Les traits sont les mêmes. Hogarth saisit Je médaillon, c'est le Portrait de Fielding ! .c'est le portrait du père de Sophie. Dès-lors, plus d'obstacles au mariage de ces amans ; enfin Garrick, avec son premier habit, revient réclame® le buste de Sihakesp«ar, que son ami, dans l'étonnement et l'admiration , lui cède avec le plus grand plaisir.
L'anecdote qui fait lefo-od de cette pièce est vraie.
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Les auteurs ont su l'encadrer d'une manière digne des
plus grands éloges.
PORTRAIT DE MICHEL CERVANTES (le), J comédie en trois actes , en prose, par M. Dieulafoi y au Théâtre Louvois, 1799-
Un de ces jeunes seigneurs qui se faisaient un jeu de jeter le trouble et la désolation dans les familles, don Fernand, a voulu enlever Elise, fille du peintre Morillos. Pour'se mettre à l'abri des entreprises de Fernand , le peintre envoie sa fille à Salamanque , où elle passe six mois. Là elle est vue par un jeune homme nommé Léon, fils de l'alcade don Gaspard, ami de Morillos. Elle part: l'amoureux Léon quitte l'université , et la suit à Madrid , où la scène se passe dans la maison du peintre. Don Fernand, qui apprend le retour d'Elise, et qui n'a point renoncé à ses projets, s'y trouve de son côté. Léon est aimé, don Fernand est craint et haï. Le premier est secondé par un valet peureux et maladroit ; le second est servi par un valet effronté et plein d'audace. A l'aide de ce dernier, don Fernand suscite de nombreux embarras à son rival ; mais enfin ce dernier triomphe , et obtient la main de sa maîtresse. Le portrait de Michel Cervantes, qui donne le titré à la pièce, n'y paraît qu'à la fin. C'était dans l'intention de se le procurer que le peintre Morillos devait être introduit dans le grand couvent attenant à la maison, où l'immortel auteur de Don Quichotte est gisant sur son lit de mort. Don Fernand, qui entend la conversation de Morillos et d'Anselme, personv nage très-secondaire, profite de la circonstance, donne deux cents ducats à ce dernier, et le portrait de
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Michel Cervantes, à la condition qu'il consentira à laisser entrer son valet à lâ place du mort. Léon , qui a entendu la conversation, y introduit Padille; et c'est pendant que le peintre sera occupé à faire le portrait de son valet, qu'il entretiendra Elise, et se justifiera des torts qui lui sont imputés par une fausse lettre de Fabio. Don Fernand arrive à l'heure convenue avec Anselme. La place est prise. Il paie d'effronterie, et veut s'en emparer; mais Anselme a substitué une autre lettre à celle qu'il lui avait fait lire , et prévient Morilles du tour qu'on veut lui jouer. Sous prétexte d'aller chercher des couleurs, il sort et va trouver l'alcade son ami. Dans cet intervalle , don Fernand parvient à s'introduire près d'E— lise et l'enlève : elle est tirée de ses mains par Léon, celui-ci obtient la grâce de' don Gaspard qui consent à son mariage avec la fille de Morilles.
Cette pièce est fortement intriguée ; elle offre des scènes assez gaies et des détails que nous avons été obligés de mettre de côté, parce qu'ils auraient occupé trop d'espace.
PORTRAIT DU DUC (le), comédie en trois actes r en prose, par MM. Pain et Metz, à Louvois, 1805.
« Une scène de la Petite Ville Allemande de Kotz» buë, nous disent les auteurs , a donné l'idée de cette» pièce , qui était faite , long-tems avant que l'on » entendît parler de l'opéra comique intitul é Délia » et Verdikan. »
Ces messieurs pouvaient se dispenser de nous prévenir que leur pièce était tirée de l'allemand. Il eût été facile de s'en convaincre en lisant les noms de leurs
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personnages. La pièce elle-même offre une couleur germanique, à laquelle il serait difficile de se méprendre. Au reste, le fond et les ressorts que les auteurs ont mis en jeu pour faire ressortir ce portrait sont aussi pauvres l'un que l'autre.
C'est tout bonnement un quiproquo, causé par le portrait d'un amant, qu'une jeune personne remet à sa tante, au lieu du portrait du jeune duc de Rhei- neau. L'amant arrive; on le prend pour le souverain, et on lui rend tous les honneurs qu'on doit à une altesse. Lindorf profite de la méprise, fait éconduire son rival, et épouse.
C'est sur ce fond stérile que les auteurs ont bâti les trois actes de cette pièce.
PORTRAIT DU PEINTRE (le), comédie en un acte , ,en vers, par Boursault, i663.
Cette pièce, agréablement écrite, offre une critique très-douce et très-délicate de l'École des Femmes de
Molière. Si l'on en croit Boursault, il fut, pour ainsi dire, forcé de la composer. Au reste, nous n'y voyons rien qui puisse justifier les injures que Molière lui adresse dans son impromptu : en supposant qu'elles soient fondées, c'est une vengeance indigne de l'auteur du Misanthrope.
PORTRAIT (le), ou LA DIVINITÉ SAUVAGE, comédie lyrique en deux actes, par ***, musique de M. Champein, à l'Opéra, 1790.
Dorval, appelé en Amérique par la voix de l'hoirneur, a laissé au Havre-qe-Grace, Julie son amante,
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qui n'a point reçu de ses nouvelles, et qui le soupçonne d'inconstance. Un vaisseau entre dans le port, c'est celui qui porte Dorval. Un sauvage que ce dernier amène avec lui, voit Julie, la nomme, lui parle, et lui tient un langage qui ressemble à l'amour. Julie ne sait que penser de cette aventure; elle s'en effraie même. Mais Dorval, qui revient plus tendre et plus fidèle que jamais, la rassure, en lui apprenant que, pendantson absence, il' se consolait avec son portrait, du chagrin d'être séparé d'elle ; que son sauvage le voyant toujours dans cette occupation, a cru qu'il adorait sa Divinité en contemplant ce portrait, en lui parlant, en l'adorant, et qu'il n'est pas étonnant qu'il l'adore en effet, quand il revoit en elle la personne qu'il a toujours prise pour une divinité. Dorval épouse Julie, et le sauvage épouse Finette, suivante de Julie.
PORTUGAIS INFORTUNÉS (les), tragédie avec des chœurs et un prologue, par Chrétien, 1608.
Le sujet de celte pièce est tiré de l'histoire tragique d'Emmanuel Sosa et d'Eléonore son épouse, qui pé- ^ rirent avec six cents personnes, en revenant d'un pays éloigné, dans leur patrie.
PORUS , roi des Mèdes , tragédie , par Royer,
1647.
Boyer suppose qu'Argie, femme de Porus , Oraxène et Clairance, ses Tilles, sont prisonnières d'Alexandre. Perdicas , favori de ce dernier, aime Clairance , et Arsacide , prince indien, est l'amant d'Oraxènc. Porus, qui s'imagine qu'Alexandre est amoureux d'Argie, vievit, sous le nom de son ambas-
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sadeur, offrir une rançon pour cette reine. Le prétendu ambassadeur est reconnu pour Porus ; mais Alexandre, loin de profiter de cet avantage, fait conduire Porus dans son camp. La bataille se livre. Porus est défait, blessé lui-même et fait prisonnier. Son vainqueur lui rend sa femme , ses filles et ses Etats. Perdicas épouse Clairance , et Arsacide est uni à Oraxène.
POST - SCENIUM , en français, arrière-scène.. C'était chez les anciens le derrière du théâtre, où les acteurs s'habillaient.
POTTIER, de Morais, auteur dramatique.
Il était capitaine des chasses du roi ; et, pour ne point s'écarter de ses fonctions , tout en s'occupant de poésie dramatique, il composa, en 1700, une comédie sous le titre de Don Castagne, Chasseur errant Le manuscrit de cette pièce, qui ne fut jamais imprimée, se trouvait dans la bibliothèque du duc de la Valière.
POUJADE (la), auteur dramatique.
Il a tiré du roman de son oncle, la Calprenède, le sujet d'une tragédie intitulée Pharamond, ou le Triomphe des Héros, qui fut imprimée en 1672.
POUJADE, delà Roche-Cusson.
Il est auteur d'une tragédie , intitulée Alphonse, ou le Triomphe de la Foi, qui parut en 1687.
POURCEAUGNAC, comédie en trois actes, en prose, mêlée de danses et de chants, par Molière , musique de Lulli, 16.63.
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Pourceaugnac fut fait pour la cour , et n'y réussit pas moins qu'à Paris. On y trouve des scènes dignes de la haute comédie; mais en général, ce n'est qu'une farce.
POUVOIR DE LA SYMPATHIE (le), comédie en trois actes, en vers, par Boissy, aux Français, 1788. y
Ce.sujet était heureux et fournissait des scènes intéressantes ; mais Boissy n'a point profité des richesses qu'il avait sous sa main. Le second et le troisième actes ne sont fondés que sur un petit moyen. L'auteur pouvait faire couler des larmes ; il n'excita aucun sentiment.
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PRADES ( JEAN LE ROYER sieur de ) , auteuF dramatique , né en 1624.
On connoît de lui trois pièces de théâtre : 1°. La Victime de t Etat, ou la Mort de Plautius Silanus , tragédie qu'on attribue à Pradon , et qui fut jouée en 1649; 2". Annibal, tragédie qui parut la même année ; 3°. Arsace, roi des Parthes , tragédie repré- * sentée en 1Ç66.
PRADON (NICOLAS), né à Rouen, mort à
Paris en 1698.
Voici un auteur dont le nom, comme . celui de *
Zoïle, passera à la dernière postérité. Il eut la malheureuse ambition de se mesurer avec le plus élégant et le plus habile de nos poëtes tragiques. Il est résulté de cette lutte imprudente, qu'on ne le juge plus que par comparaison, et que son mérite étant entièrement éclipsé par celui de son adversaire, il est tombé dans le plus
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grand mépris ; mépris d'autant plus injuste , qu'un auteur tragique, avec ses talens, serait assuré de l'estime générale. En effet, il avait de l'esprit, de>l'imagination et de la facilité ; il connaissait très—bien la scène, et se montrait scrupuleux observateur des règles du théâtre. Que d'écrivains , aujourd'hui, avec beaucoup moins de talens et de lumières, obtiennent cependant de grands succès, parce qu'ils n'ont point des Racine pour rivaux, ni des Boileau pour ennemis !
Il est certain que Pradon savait conduire régulièrement une .tragédie, en ménager les incidens, y placer des peintures vives, des traits heureux, des situations fortes , et que si son style est généralement vicieux, on ne doit pourtant pas le condamner sans restriction. En écartant tout préjugé, on applaudirait sans doute aujourd'hui à plusieurs vers de ses tragédies. Son plus grand tort fut donc d'avoir manqué de modestie et de s'être fait un ennemi de Boileau , en se déclarant le rival de Racine.
Ses tragédies sont : Pyramv et Thisbér qui fut jo,uée en 1674 ; Tamerlan, qui parut deux ans après ; Phédre et Hippolyte, qui fut cause de ses disgrâces, parce qu'il fit représenter cette pièce en 1677, époque à laquelle fut représentée celle de Racine qui porte le même nom ; parce qu'il fut mis en avant par une cabale de courtisans , qui l'abandonnèrent dès qu'ils virent qu'on ne pouvait le soutenir avec honneur; la Troade et Sta- tira, qu'il donna en 1679 ; Scipion l'Africain, qui parut dix-huit ans après ; enfin Régulus, qui précéda Scipion de onze années. C'est sans doute la meilleure de ses tragédies ; aussi le mépris dans lequeL ,il
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était tombé, depuis sa lutte avec Racine, ne l'empêcha-t-elle pas d'être reçue favorablement.
Au milieu de ses disgrâces, Pradon ne laissa pas que d'être amoureux, et sa passion fut pour lui uhe nouvelle infortune, car il reçut pour toute faveur quelques lettres assez froides. Il répondit un jour à sa belle par les vers suivans :
Vous n'écrivez que pour écrire,
C'est pour vous un amusement ;
Moi qui vous aime tendrement,
Je n'écris que pour vous le dire.
Voici l'épitaphe que l'on fit à ce malheureux poëte :
Ci-gît le poëte Pradon ,
Qui , durant quarante ans, d'une ardeur sans pareille,
Fit, à la barbe d'Apollon ,
Le même métier que Corneille. \
PRALARD (RÉNÉ), né à Paris, mort dans la même ville en 1731.
Cet auteur fit avec Seguineau une tragédie d'Egiste, qui fut représentée en 1721. On en donna une parodie aux marionnettes , sous le titre de Braillard et Sagouineau.
PRAXITÈLE, ou LA CEINTURE , opéra en un acte, par IH. Milcent, musique de Mad. Devismes, à l'Opéra , 1800.
Les juges séduits couronnent Scopas. Le Satyre Marsyas, œuvre de ce dernier, l'emporte sur la Vénus de Praxitèle, dite depuis la Vénus de Mé- dicis. Eh bien, fiez-vous donc au jugement des hommes ! Praxitèle, au désespoir, tombe aux pieds
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de sa statue , chef-d'oeuvre du ciseau grec. Il est tiré de son accablement par une symphonie mélodieuse qui se fait entendre dans l'éloignement. Tout-à-coup on voit descendre, sur un char traîné par des colombes, Vénus elle - même et l'Amour suivis des Grâces, des Jeux, des Ris et des Amours. La déesse veut juger si son œuvre est fidèle. Après l'avoir examinée en silence, elle lui exprime sa satisfaction, et, pour prix de ses travaux, lui dit de choisir sa récompense. Son choix est bientôt fait. Il lui demande la main d'Aglaé, l'une des Grâces. La déesse la lui accorde ; mais comme un mortel ne peut posséder toute entière une beauté divine, il faut qu'il choisisse sans différer, et qu'il ose fixer l'heureuse ceinture , dont les nœuds discrets partagent mille attraits. Praxitèle ne trouve pas que ce soit trop de tous les charmes de sa divine amante. En perdre un, s'écrie-t-il, c'est, hélas, la perdre toute entière ! Son œil s'égare parmi les charmes que sépare le tissu brillant de la ceinture d'Aglaé. Il dit à cette belle déité : « Un moment, que la ceinture se délie. » L'Amour se fâche , on ne sait trop pourquoi , si ce n'est parce qu'il ose choisir. Alors le fils de Vénus détache lui-même la ceinture d'Aglaé , qui veut la retenir , mais en vain ; elle tombe à ses pieds. Praxitèle s'en empare avec transport ; l'Amour le couronne, et l'unit à cette beauté divine.
PRÉCAUTION INUTILE (la), comédie en trois actes , en prose, par Fatouville, au Théâtre Italien, 169a.
On trouve dans cette pièce une scène italienne, faite pour être jouée à l'impromptu, entre la quatrième et
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la cinquième du second acte. Elle fut remise sur le nouveau théâtre en 1720. Véronèse en composa un \ canevas en cinq actes, qu'il fit représenter en 1751. La pièce originale est imprimée dans le théâtre de Gherardi.
PRÉCAUTION RIDICULE ( la ), opéra comique en un acte, par Galet, à la Foire S.-Laurent, 1735.
Pour éviter les chagrins qu'il a éprouvés avec sa première femme , qui était jolie mais coquette , le sexagé-j naire Chrysante veut faire choix d'une fille excessivement laide. Fourbin , valet de Valère, neveu d,u bon homme, se déguise en femme, et, sous ce travestissement, s'e présente à Chrysante. Sa figure comique prévient d'abord, et convient parfaitement au projet du vieillard. Chrysante , content, souscrit une donation en- faveur de son neveu, en croyant signer son contrat de mariage. Fourbin revient ensuite sous son habit ordinaire, et découvre la supercherie. Chrysante se console, ratifie la donation et consent au mariage de Valère et d'Angélique, qui s'aiment depuis long-tems.
PRÉCAUTIONS INUTILES (les), opéra comique , par Achard et Anseaume, musique de Chrétien, à la Foire Saint-Laurent, 1760.
Pasquin , valet de Valère, sait qu'un paysan qui passe pour le père de Colette, amante de son maître , a dans sa poche un papier de conséquence. Il mène le manant au cabaret, le fait boire , l'enivre , prend son habit, lui donne le sien, sans que le paysan s'aperçoive de ce troc , qui produit deux ou trois scènes
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fort plaisantes. Celle entre autres où la femme du paysan croyant voir son mari dans Pasquin , veut de gré otf. de force le conduire dans son lit. D'un autre côté , Valère rencontrant son beau-père futur, lui donne une volée de coups de bâton, parce qu'il le prend pour son valet ivre.
PRÉCEPTEURS (les) , comédie en cinq actes; en vers, par Fabre-d'Eglantines, aux Français, 1799.
Cette comédie est un ouvrage. posthume de Fabred'Eglantines; elle offre des caractères fortement dessinés : ceux des deux précepteurs surtout le sont de main de maître, et celui de Lucrèce ne leur cède en rien. C'est une femme qui joint à beaucoup d'esprit une expérience consommée. Elle est fine, adroite, corrompue ; c'est, en un mot, ce qu'on appelle une femme de tête. Timante, l'un des précepteurs, est un homme pervers, méchant, mais plein d'esprit, mais connaissant à fond les travers du siècle. Ariste, l'autre précep-, teur, est un homme sensible, et plein de génie ; c'est un philosophe profond , un vrai sage. Admirateur de tout ce qui est bon et beau , il est sans ménagement pour tout ce qui porte le caractère de la fausseté et de la corruption. Alexis, son élève, est un enfant charmant. Plein des grâces que donne la nature, il est privé de celles de l'art. Araminte sa mère, est une femme qui est pourvue d'un bon naturel, mais qui est esclave de tout ce qui promet des jouissances superficielles. Elle est sentimentale par tempérament, et passionnéer par manie du sentiment; bonne, mais crédule à Fexcès. Tels sont les principaux personnages que l'on voit figurer dans cette comédie qui fait honneur au talent»
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de Fabre-d'Eglantines, mais que déparent quelques négligences de style.
Lucrèce et Timante ont le projet de s'emparer d'une partie de la fortune d'Araminte. Pour y parvenir, ils veulent faire renvoyer Ariste, mettre à sa place le frère de Timante , et forcer Araminte à lui donner sa main. En conséquence, Timante écrit à ce frère une lettredans laquelle il lui donne toutes les instructions nécessaires. Cette lettre , que le hasard fait tomber dans les mains des amis et des protecteurs d'Ariste, sert à démasquer les deux intrigans, et opère le dénouement de la pièce.
PRÉCIEUSES RIDICULES (les) ,comédie en un acte, en prose, par Molière, 1659.
Quoique cette pièce ne soit pas une des meilleures du côté de l'intrigue, elle doit occuper un rang considérable parmi les chefs-d'œuvre de Molière ; il osa , dès lors, abandonner la route battue des intrigues compliquées , pour nous ouvrir une carrière ignorée jusqu'à lui. Une critique fine et délicate des mœurs et des ridicules de son siècle lui parut être l'objet de la bonne comédie.
La passion du bel-esprit, ou plutôt l'abus qu'on en fait, espèce de maladie contagieuse, était alors à la mode ; le style ampoulé et guindé des romans , que les femmes admiraient, par les mêmes côtés qui depuis ont discrédité ces ouvrages, avait passé dans les conversations ; enfin cette affectation répandue dans le langage et même dans la pensée s'étendait jusque dans la parure et le commerce de la vie ordinaire. Ce fut dans ces conjonctures que parut la comédie des Précieuses Ridicules. Jamais succès ne fut plus marqué \
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et, dès la seconde représentation, l'affluence des spectàâ leurs obligea les comédiens à doubler le prix des places. On rit ^ on se reconnut, on applaudit en se corrigeant. Ménage, qui assistait à la première représentation , dit à Chapelain : « Nous approuvions, vous et moi, toutes » les sottises qui viennent d'être critiquées si finement » et avec tant de bon sens ; croyez-moi, il nous faudra » brûler ce que nous avons adoré , et adorer ce que » nous avons brûlé. » Cet aveu n'est autre chose que le sentiment réfléchi d'un savant détrompé; mais le mot du vieillard qui, du milieu du parterre, s'écria par instinct, « Courage, Molière, voilà la bonne comédie ! » est l'expression de la nature qui montre l'empire de la vérité sur l'esprit humain.
PRÉJUGÉ A LA MODE C le ), comédie en cinq actes, en vers, par Lachaussée , iy35.
Cette pièce est, sans contredit, le chef-d'œuvre de Lachaussée : il s'élève au-dessus de lui-même en y peignant des ridicules et des mœurs. Un mari qui rougit d'aimer sa femme passera sans doute chez nos voisins pour un être de raison ; parmi nous, c'est un personnage très-réel. Il est assez ordinaire d'en rencontrer de semblables, et d'Urval prouve combien il est propre à figurer sur la scène. Le caractère de Constance est vertueux, touchant et très-bien soutenu. Celui d'Argant, très-commun dans la société, était alors neuf au théâtre. C'est un petit-maître suranné qui conserve encore le langage, les prétentions et les travers de cette ridicule espèce. Il continue à augmenter l'embarras de d'Urval, qui doit craindre jusqu'aux railleries de son beau-père , si son retour de tendresse pour
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s-a femme lui est connu ; le paquet de lettres que Constance laisse tomber fait naître , selon nous , un incident peu vraisemblable. Ces lettres sont toutes renfermées sous une même enveloppe. Est-ce l'usage d'envoyer à une femme que l'on aime un si grand nombre de lettres en une seule fois ? La frivolité de Clitandre, celle de Damis, sont un peu plus excusables. Elles contrastent d'ailleurs avec le sérieux de Damon. Quant aux amours de ce dernier et de Sophie , l'intrigue qui en ré": sulte n'est que subalterne ; on s'en passerait même aisément, si l'on osait se' passer de mariage dans une comédie. A ces légers défauts près , cette pièce est un' grand tableau, aussi bien peint que bien dessiné.
PRÉJUGÉ DE LA SYMPATHIE ( le ) , ou CASSANDRE ASTROLOGUE , comédie-parade en un acte, en vaudevilles, par MM. de Piis et Barré, aux Italiens , 1780. |
On retrouve dans cette pièce la manière vive et enjouée de ces deux auteurs, si justement célèbres en ce genre.
Un extravagant astrologue s'imagine que son destin est attaché à celui d'un homme borgne et bossu; l'amant de sa pppille se présente à lui sous cette figure , et le jette dans des inquiétudes continuelles : en le voyant manger avidement, il craint sa mort, et plus encore l'effet de la sympathie. Le bossu sort en disant qu'il va se battre : Cassandre craint de mourir de la blessure que le bossu feint d'avoir reçue. Bientôt Colombine, travestie en médecin, persuade à l'astrologue que le blessé ne peut guérir, qu'en épousant Isabelle. Enfin, pour ne pas mourir, il lui accorde la main de sa pupille. v ' v ^
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On ne peut assurément trouver rien de plus plaisant et de plus agréable que cette folie ; ce sont surtout les détails et les jolis couplets dont cette pièce,.est remplie qui en ont fait le succès.
PRÉJUGÉ VAINCU (lç), comédie en un acte , en prose, par Marivaux, aux Français, 1746. *
Cette petite comédie présente un combat entre l'orgueil et l'amour. Il nous semble que la fière Angélique ne fait pas une assez forte résistance. Dès le premier acte , elle rend les armes. Cette fille, si entêtée de sa noblesse, se détermine, de la meilleure grâce du monde, à recevoir la main d'un simple bourgeois.
PRÉMARE ( le père de ) , jésuite. X
Ce révérend père nous a donné une traduction d'une tragédie chinoise, intitulée LJ Orphelin 4e la Maison CIe Tchao. C'est dans cette traduction que Voltaire a puisé l'idée de l'Orphelin, de la Chine.
PREMIER NAVIGATEUR (le), ballet-pantomime en trois actes , par M. Garde!, à l'Opéra , 17 85.
Mélite, jeune bergère, est recherchée par un grand nombre de bergers ; mais Sémire, sa mère , la destine à celui qui sera vainqueur à la lutte et à la daese». Daphnis , amant aimé de Mélite , remporte le prix, et obtient la main de sa maîtresse..
Déjà le village assemblé pour célébrer l'union des deux amans a fait ses offrandes aux statues de l'Hymen et de l'Amour ; les époux eux-mêmes ont fait leurs
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sermens. Mais à peine la cérémonie est-elle achevée, qu'on entend gronder le tonnerre ; la mer s'agite , mugit et se soulève ; enfin , une partie du continent, sur lequel Mélite s'est réfugiée, se détache, et disparaît emporté par la mer. En vain Daphnis et Sémire veulent porter des secours à la malheureuse Mélite ; la mer les repousse , et bientôt ils la perdent de vue. *
Cependant Daphnis au désespoir s'attache au rivage : vainement les bergers voudraient l'en écarter; il tombe accablé sous le poids de sa douleur. Morphée descend dans un nuage , et procure à-cet infortuné un sommeil paisible. L'Amour lui-même, touché de ses maux , vient lui offrir en songe une barque remplie de petits Amours ; il lui fait voir sur un rocher, Mélite qui implore son secours. Soudain il se réveille, tourne ses premiers regards vers la mer, aperçoit une barque, qu'il reconnaît pour être celle qu'il a vue en songe, se jette dedans sans hésiter, et vogue aux yeux étonnés de Sémire.
De son côté, Mélite, séparée de tout ce qu'elle aime, se livre au plus affreux désespoir : le plus léger bruit la glace d'épouvante et la fait fuir çà et là. Daphnis , aborde l'île et y débarque ; inquiet, agité, il appelle son amante ; Mélite lui 'répond. Eperdus, ils courent l'un et l'autre au son de leurs voix ; enfin ils se réunissent. A l'instant même Mélite veut se rembarquer pourrevoir sa mère ; l'île disparaît et fait place au temple de Vénus. L'Amour et sa suite , Sémire et tous les habitans du village y arrivent dans des barques. Vénus alors descend dans un char , et consacre les deux amans à desservir son temple. Ce ballet se termine par une fête générale.
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L'auteur a puisé son sujet dans le poëme de Gessner; mais il a su motiver l'entreprise de son héros , que te poëte allemand fait partir sur la foi d'un songe.' Daphnis n'a jamais vu Sémire ; comment s'exposet-il à tant de dangers pour une femme qu'il ne connaît pas ? M. Gardel a profité de toute la richesse de son sujet, et son ouvrage a obtenu le plus grand succès.
PREMIER VENU ( le ) , ou LES SIX LIEUES DE CHEMIN, comédie en trois actes et en'prose, par M. Vial, à Louvois , 1801.
Cette pièce obtint du succès. Le titre en fait deviner le sujet ; mais il faudrait au moins douze pages pour rendre un compte exact des mille et un imbroglios lui composent l'intrigue ; encore pouvons-nous certifier que ce compte , nécessairement minutieux , paraîtrait énigmatique , et satisferait moins la curiosité du lecteur, qu'une simple exposition de l'action principale. .Voici donc cette exposition :
Deux jeunes officiers, Dorval et Derville, servent dans le même régiment, et ont d'égales prétentions à la main d'Emilie, fille de M. Dorimont. Ce Dorimont, homme bizarre , croit à la fatalité, et a promis la main de sa fille à celui des deux militaires qui se présenterait le premier à son château , situé à six lieues de Lyon. Les prétendans, déjà arrivés dans cette ville , brûlent d'en repartir , et de se supplanter réciproquement; chacun d'eux a recours à ce que la fourberie a de plus subtil pour retarder la course de son rival. Un jockei fripon , à qui ils prodiguent également l'or , et qui reçoit volontiers des deux mains, promet ses services
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à l'un et à l'autre, et les trompe alternativement. Là , il retient l'un en le faisant assiéger par des créanciers et des recors ; ici, c'est.une vieille folle qui, dans un accès d'amour , arrête l'autre par le collet : à peine levé , un obstacle est remplacé par dix autres ; et ainsi de suite , progressivement, jusqu'à la dernière scène. Enfin Dorval, qui est le plus estimable des deux concurrens , et pour qui le jockei se sent une certaine prédilection, arrive le premier.au château de Donmont, et reçoit le prix qu'il a eu tant de peine à mériter. Son succès est d'autant plus heureux pour lui, qu'Emilie était, depuis un an, disposée à l'aimer, et le préférait à Derville.
La trame de cette intrigue est une des plus serrées et des plus fortes qui soient au théâtre. Non-seulement les imbroglios s'y succèdent avec une étonnante rapidité , mais encore ils ont presque tous le mérite d'être neufs, imprévus et plaisans. Le dialogue n'a pas la sécheresse qu'offre ordinairement le style des pièces de ce genre ; il est brillant, rapide Pt semé de rnots heureux ; en un mot, on peut considérer cet ouvrage ' comme le pendant de la Folle Journée.
PRÉSOMPTUEUX ( le ) , ou L'HEUREUX IMAGINAIRE, comédie en cinq actes, en vers, par Fabred'Eglantines , aux Français, 178g.
Ce personnage est un homme à visions qui présume toujours en faveur de sa bonne étoile, qui voit partout, pour lui, des succès, de la gloire , de l'illustration, de la fortune , du crédit et du bonheur, et qui finit, sans renoncer à ses visions , par être remis aux mains de sa famille, qui le cherche depuis long-tems.
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On peut reprocher à l'action une marche quelquefois vague ; au style , de la négligence , et quelque chose de trop bouffon.
PRÉTENDU ( le ), comédie en trois actes, en vers ; mêlée d'ariettes, par Riccoboni, musique de Gaviniés, aux Italiens, 1760.
Un bourgeois de Paris a promis sa fille en mariage â un homme de province ; mais cette fille a une inclination dans la capitale. L'amant, la fille et la soubrette, cherchent quelques moyens d'éviter le mariage que le père a projeté : voici celui qu'ils imaginent. Pour dégoûter le provincial , la fille ne paraîtra devant lui que sous l'air et les habits de la soubrette; et celle-ci, sous le nom et les vêtemens de sa maîtresse. Ce stratagème réussit. Le manant fait sa cour à la soubrette, et dédaigne la fille de la maison, qu'il prend pour la suivante.
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PRÉTENDUS ( les ) opéra en trois actes, par Rochon de Chabannes , musique de Lemoine , à l'Opéra, 1789.
Julie, fille de M. et de Mme Orgon, aime Valère ; mais Son père lui destine an gentilhomme campagnard fort entiché de sa noblesse, de sa province et de sa terre. Mme Orgon, au contraire, veut la donner à un financier qui ne connaît que l'argent, ses commis et ses bureaux. Il s'agit de forcer ces deux Prétendus à renoncer à sa main. Pour y parvenir, Julie prend avec le campagnard le ton décidé d'une coquette , d'une étouçdie et d'une impudente. Elle ne lui parle que des plaisirs de la capitale. L
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Il me faut,de l'argent pour mille bagatelles ,
Bonnets, chapeaux, modes nouvelles ,
Jeu , 'loges à l'année... , ..
Loge à la Comédie, et loge à l'Opéra,
Et quinze mille francs couvriront tout cela.
Le campagnàrd observe que c'est le produit net de sa terre. Julie lui répond qu'on la vendra pour avoir loge à l'Opéra. De pareilles extravagances dégoûtent le campagnard , qui s'applaudit d'avoir connu le caractère de sa future, et se retire, bien résolu de ne jamais l'épouser. On annonce le financier : Julie, pour s'en débarrasser, feint un nouveau caprice. Elle prend une harpe, prélude, compose, chante, a l'air de ne rien entendre, et ^contrefait la folle et l'inspirée. Enfin, après avoir bien lassé la patience du financier, elle lui parle et lui dit :
Vous êtes financier; eh bien! laissant-là baux,
Tristes calculs , projets nouveaux,
En salons de concert changez-moi vos bureaux ,
Et vos commis en virtuoses.
Il faut, pensez-y bien , pour attendrir mon cœur,
Etre artiste, poëte , ou du moins prosateur.
Le financier sent qu'il ferait une folie d'épouser J*ulie ; mais , moins brusque que le camp agnard , il consent à devenir son ami. Le campagnard ayant été dégagé de sa parole, Orgon craint que sa fille n'ait un époux des mains de sa mère. Il aperçoit Valère , et, pour contrarier sa femme, il lui promet Julie. Mme Orgon à qui le financier vient également de retirer la sienne, veut aussi contrarier son mari, et ne trouve pas de meilleur moyen que de donner la main de sa fille à Valère. Alors les dèux amans chantent victoire ,
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et les Prétendus, qui s'aperçoivent qu'on les a joués, se retirent. Tel est le fond de cette pièce qui se termine par un divertissement analogue.
PRÉVENTION VAINCUE ( la ) , comédie en trois actes, en prose , par Faure , aux Italiens, 1786. -Un homme de qualité , ayant été dépouillé de ses biens dans son enfance, a conçu la haine la plus forte contre les nobles, parce que c'est dans cette classe d'hommes que se trouve son usurpateur. Il s'est retiré dans un village où il vit en roturier. Un jeune marquis, amoureux de sa fille, connaissant la prévention du père de Cécile contre les gens de qualité, se présente à lui sous l'habit et le nom d'un simple particulier, et parvient à plaire et à se faire aimer de la jeune personne. Il réussit à tel point, que le père lui a secrètement destiné sa fille ; mais, aussitôt qu'il apprend la qualité du jeune homme, furieux d'avoir été trompé, et persistant ,toujours dans son aversion contre les grands, il lui déclare qu'il ne sera jamais son gendre. Cependant la fille fait l'aveu de son amour pour le marquis , et it se laisse vaincre. - ~
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PREVILLE( PIERRE-LOUIS DUBUS ), acteur du Théâtre Français,, membre de l'Institut, né à Paris en 1721. ;
Tout ce que la nature et l'art offrent de plus parfait se ,trouvait réuni en Préville ; il fut le conjédien le plus .vrai et le plus varié.qu'on eût encore vu sur la scène. Poisson, le célèbre Poisson, qui venait de terminer sa carrière , fut oublié en un instant. Préville. débute
^le 20 septembre 1753 ; le 20 octobre , il est reçu par
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Louis XV. Etonné des talens qu'il vient de déployer dans le rôle de Sosie de l'Amphitrion de Molière, ce monarque dit au maréchal de Richelieu, premier gentilhomme de la chambre en exercice : Je reçois Préville au nombre de mes comédiens ; vous pouvez le lui annoncer.
A compter de ce jour, jusqu'à celui de sa retraite , c'est-à-dire, pendant l'espace de trente-trois ans, Préville n'a jamais cessé de mériter la faveur du public, etles applaudissemens des vrais connaisseurs. Crispins, manteaux, financiers, amans, valets, enfm tous les caractères furent rendus par lui avec une égale supériorité. Il jouait surtout le rôle de Larissole du Mercure galant avec tant de vérité, qu'un factionnaire, le voyant en uniforme, dans l'attitude d'un homme ivre, et la pipe à la bouche, s'obstinait à l'empêcher d'entrer sur le théâtre. « Camarade, lui disait-il., vous me ferez mettre au cachot. » L'acteur s'échappe, arrive sur la scène, et y est couvert d'applaudissemens. Qu'on juge de la stupéfaction du factionnaire ! Ces traits, qui caractérisent le grand peintre, le peintre de la nature, sont très-communs dans la vie de Préville. Parvenu à sa soixante-cinquième année, en 1786, il se retira dans la petite ville de Senlis avec 2,475 liv. de pension de là comédie et 2,5oo de Louis XVI. Onr croyait, ou du moins on devait croire l'avoir perdu sans retour; mais, touché de la détresse de ses camarades, il reparut sur la scène en 1791. La foule se porta au théâtre pour y revoir Préville ; à son aspect, des applaudissemens se firent entendre dans toutes les parties de la salle. Préville n'avait rien perdu ; c'était le même esprit, la même ame, le même masque ; c'était la même diction.
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On retrouvait encore en lui ces nuances de dialogue T fugitives pour l'acteur superficiel, et au moyen desquelles le grand comédien prouve à chaque instant qu'il a pris la nature sur le fait. Dans le peu de tems que le public eut le bonheur de le posséder, il repassa presque tous les rôles dans lesquels on l'avait vu briller, et rétablit les affaires de son théâtre. Il se retira définitivement en 1792, chez sa fille à Beauvais , où il est mort en 1800, et" où M. le préfet de l'Oise a fait élever un monument à sa gloire.
PRÉ VILLE ( Mad. MAGDELEINE - ANGÉLIQUE MICHELLE DROUIN, épouse de ) , actrice du Théâtre français, débuta en 1753, parle rôle d'Inès de Castro avec peu ou point de succès ; mais, en 1766, elle fut admise à l'essai. Elle remplit pendant quelques années l'emploi de Mlle Gaussin , en y joignant celui, des confidentes tragiques. Certaine alors que ce genre ne convenait point à son genre de talent, elle s'exerça dans le haut comique , et s'y acquit une réputation méritée ; en voici la preuve. Dans le discours de la comédie, lors de sa retraite en 1786, l'orateur après avoir déploré la perte du mari, s'écfria : « Il fallait donc » perdre encore, dans une épouse digne de lui, et » qui a mérité d?être associée à sa gloire, un modèle » de décence , de dignité , de noblesse , d'esprit et » d'intelligence ! » Mad. Préville est morte en 1798.
PRÉVOST (JEAN ), auteur dramatique.
11 a composé plusieurs tragédies qui sont OEdipe et Hercule ,jouées en i6o5 ; Turne , jouée en 1614 » et Sainte-Clotilde, qui ne fut point représentée.
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PRIMEROSE, opéra en trois actes , par MM. Fa- vières et Marsollier, musique de Dalayrac, à Feydeau,
1"798. .
Primerose, fille de Raoul, comte de Beaucaire, doit s'unir à Florestan , fils de Gérard, duc de Tarascon. Raoul en fait faire la proposition à Gérard par son sénéchal qui revient sans réponse. Raoul Se croit outragé ; il déclare la guerre à Gérard. Les amans sont au désespoir de cette rupture subite, leur amour s'en accroît. Ils/se jurent fidélité dans une chapelle antique du comte de Beaucaire ; celui-ci surprend sa fille, et la fait renfermer dans une tour. Roger, page de Raoul, et tendre ami de Florestan, parvient à s'y introduire ; il apporte à Primerose une lettre et le portrait de son amant, et la décide à changer d'habit avec lui. Prii merose, à la faveur de ce déguisement, s'est échappée de la tour. Raoul arrive ; il croit parler à sa fille , voit le portrait de son amant dans ses mains. Indigné de sâ désobéissance et du refus qu'elle a fait d'un autre époux, il veut qu'on la conduise dans une retraite éloignée qu'il lui a choisie. Roger est entre les mains des gardes du comte de Beaucaire ; il est assez adroit pour tromper leur surveillance. Il court instruire Gérard de tout cé qui se passe ; ce dernier se déguise en hermite , et donne un rendez-vous à Raoul et à Primerose. Raoul
ne reconnaît point Gérard , mais il est ému par ses discours ; il est enchanté surtout de ce qu'il est chargé de lui parler du mariage de Florestan avec sa fille. La colère de Raoul est apaisée ; Gérard a reparu sous les habits d'un chevalier français, le passé est oublié, et les deux amans sont unis,
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PRINCE DÉGUISÉ ( le ), tragi-comédie, avec des chœurs , par Scudery , i635. •-
Une scène de trois cents vers , dans laquelle, on trouve une tirade de cent cinquante , apprend d'abordi qu'Altomire , roi de Naples , ayant demandé en mariage pour son fils Cléarque , la princesse Argénie i fille unique du roi de Sicile , avait vengé , à. la tête; d'une armée nombreuse ,la honte d'un refus , et que le roi de Sicile avait péri dans le combat. Cléarque ^ toujours également passionné pour la princesse dont il est aimé ,' quitte la cour de son père , et arrive à Palerme, au moment que la reine renouvelle le serment qu'elle fait chaque année , de ne donner Argéni^ qu'à celui qui lur apportera la tête de Cléarque. Le prince soutient ce spectacle avec une intrépidité mer- veilleuse , et va trouver le jardinier de la reine auquel il fait entendre , qu'étant magicien , il lui découvrira un riche trésor caché dans le parc. Quelques présens en pierreries et en vases précieux confirment la pro-3* messe, et procurent à Cléarque la liberté d'entrer dansf le jardin , et de faire , pendant la nuit, ses opérations' magiques. Bientôt il y voit la princesse , lui offre des fleurs, entre en conversation aveç elle, et en obtient un rendez-vous. L'heure est choisie ; mais la femme du jardinier qui n'a pu tenir contre les charmes du jeune magicien, lui fait une déclaration d'amour, à laquelle Cléarque ne répond que par des froideurs Dès lors, elle soupçonne quelqu'intrigue, la découvre . et en fait son rapport à la reine. Les deux amans sont: arrêtés au moment que la princesse allait apprendre le nom d6 son vainqueur. On les enferme , et leur vie dépend du sort d'un combat. Argénie ^ne peut çrôire
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que son amant trouve un chevalier qui se batte pour lui; on dit à Cléarque que le crime de la princesse la rend indigne d'un défenseur. L 'un l autre trompent leurs gardes , se déguisent, et obtiennent la permission de combattre. Argénie est vaincue; Cléarque la recon, naît ; et, pour assurer, encore plus que par sa victoire; les jours de son amante , se découvre lui-même à la, reine et aux assistans. TÕbt s'intéresse en Jeur faveur^, et la pièce finit par leur mariage. w. r
PRINCE DE NOISY (le) , opéra-ballet en trois actes, par la Bruère, musique de Rebel et Francœur ^ 1760. - 1 Le sujet de cet opéra est tiré du conte du Bélier d'Hamilton. Voici une légère idée de ce conte. Un Druïde enchanteur avait une fille d'une rare beauté , pour laquelle une foule d'amans soupiraient, entre autres le géant MÓulineau ; mais Allé, c'est le nom de cette belle, sans être insensible, passait pour l'être. Le prince de Noisy , fils de Merlin l'enchanteur, l'aimait et en était-secrètement aimé. Un accident merveilleux rompit cette intelligence. Le prince se vit toutà-coup métamorphosé en bélier, et soumis à son rival. Il parut même le servir dans la guerre qu'il avait déclarée au Druide : celui-ci ne doutait pas que ce bélier, ne fût Merlin son ennemi, caché sous cette forme ; et la princesse le croyait l'auteur de la mort da prince de Noisy. Le père et la fille crurent avoir trouvé l'ocGasion de se venger. Le bélier demanda et obtint la faveur de se faire dorer les pieds et les cornes; c'était Alie qui devait le décorer ainsi, et profiter de cette occasion pour l'égorger. Le Druide lui avait recom-
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mandé de couper d'abord au bélier une partie de la laine qu'il avait sur la tête , ce qui lui aurait fait reprendre sa forme naturelle ; mais Alie croit devoir commencer par le plus sûr, et lui plonge dans le sein un couteau magique dont elle est armée. Aussitôt elle voit son amant étendu à ses pieds et perdant tout son sang, par la blessure qu'elle vient de lui faire. Il meurt et n'est ressuscité qu'au bout de quelque tems , par le secours d'une certaine magicienne. Il accepte alors un défi proposé par Moulineau , tue le géant, et épouse Alie. Un petit Gnome, que l'auteur nomme Poinçon , joue aussi un rôle assez long dans le conte. Sa demeure ordinaire est dans l'intérieur d'une statue c'est à lui qu'est confiée là garde d'Alie et du couteau magique. Il faut encore ajouter, que presque toute la puissance du Druide est attachée à la conservation d'un livre mystérieux qui se trouve égaré dès le commencement du conte, et qui ne reparaît que vers la fin.
La Bruère n'a imité d'Hamilton que ce qui pouvait entrer dans le plan d'un ballet héroïque. Le prince de Noisy, inconnu à lui-même jusqu'à la fin du dernier acte, n'est connu des autres, excepté du Druïde, que sous le nom de Poinçon. La guerre est allumée entre le géant Moulineau et le Druide; mais la puissance de ce dernier n'est point attachée, comme dans le conte , à la conservation d'un livre mystérieux; elle depend de l'indifférence qu'Alie et Poinçon conserveront l'un pour l'autre. Ils s'aiment, et le Druide est vaincu et mis aux fers. Poinçon , qui essaie de le venger, est pris à son tour; mais c'est pour frapper des coups plus sûrs qu'il s'est laissé prendre : il combat et tue le géant avec un glaive magique. Poinçon vfiut
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être éclairci, dans le temple de la Vérité, des secrets du cœur d'Alie. Il a appris par la bouche du géant qu'elle aime le prince de Noisy. Alie proteste contre une telle imposture. Elle interroge elle-même l'oracle, dont la réponse est qu'elle aime effectivement ce prince; mais elle est tirée de son erreur, ainsi que Poinçon , en ap- priant que cftdernier lui-même est le prince de Noisy.
PRINCE FUGITIF ( le tragi-comédie , par
Balthasar Baro, 1648.
Apollonie, roi de Tyr , détrôné par Seleuque , roi d'Antioche, s'embarque avec un petit nombre de fidèles sujets , pour aller chercher un asile à la couf de quelque autre roi. La tempête pousse ses vaisseaux au port de-Cyreine , où il trouve une flotte qui assiége cette ville. Il attaque les assiégeans, les défait, et délivre le roi de Cyreine d'un redoutable ennemi. Un seigneur tyrien vient apprendre à.Apollonie la mort de Seleuque, et lui faire part du desir qu'ont les Tyriens de le voir remonter sur le trône. Apollonie épouse la fille du roi de Cyreine, dont il est devenu amoureux^ et se prépaye k retourner dans ses Etats.
PRINCE MALADE (le), ou LES JEUX OLYMPIQUES, comédie en trois actes, en vers , avec un prok logue, par Lagrange-Chancel, aux Italiens, 1729.
C'est l'aventure d'Antiochus, amoureux de Strato-* nice, sa belle-mère. Ce sujet est très-différent dans l'histoire ; Lagrange-Chancel l'a défiguré, en voulant y jetet du plaisant. On y voit une Almire, espèce de folle, qui ne se retrouve nulle part. Arlequin fait le rôle de N médecin ; démentant la balourdise attachée à l'esprit
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de son rôle, il est assez ingénieux pour tirer le secret du prince , dont il fait part au roi. La pièce finit selon l'histoire. Le roi cède à son fils sa femme, dit du moins celle qu'il devait épouser. Ce drame offre de l'agrément, de la gaîté et de l'intelligence; mais, nous le répétons, c'est un sujet noble dégradé. La partie du sentiment qui devait y dominer est sacrifiée à de froides plaisanteries.
PRINCE RÉTABLI ( le ), tragi-comédie , par
Guérin du Bouscal, 1647.
Isaac Comnène, empereur de Constantinople, détrôné par son frère Alexis, et -rétabli par Baudoin, comte de Flandres, est le sujet de cette pièce, où l'on trouve des endroits assez beaux et quelque intérêt. L'adieu d'Alexis, fils du malheureux Isaac Comnène, qui va implorer le secours de Baudoin, et qui est forcé de quitter Hélène , princesse grecque , qu'il aime , est touchant ; cette princesse lui peint toute l'inquiétude qu'elle va éprouver pendant son absence.
PRINCE TRAVESTI (le ), ou L'ILLUSTRE AVENTURIER, comédie en trois actes, en prose, par Marivaux, aux Italiens, 17.24.
Une princesse passionnée pour un inconnu qu'elle entreprend de placer sur le trône, s'aperçoit qu'elle a une rivale., et veut se porter à tous les excès dont est capable une femme jalouse; puis tout-àcoup, et sans la moindre préparation , elle laisse son amant, le cède à sa rivale, et se détermine à épouser un prince qu'elle voit pour la première fois. Cette femme, sortie du sang des souverains de Barcelone,
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s'exprime quelquefois comme une soubrette. En un mot, le fond de la pièce est tiré d'un mauvais roman dont il n'était pas possible de'faire une comédie. Pour se soustraire aux coups de la cabale , dont il était menacé, Marivaux la fit jouer sans la faire annoncer. Cet exemple a été imité depuis.
PRINCESSE DE CARISME (la ), opéra-comique en -trois actes, en prose, mêlé de vaudevilles, par Le Sage et Lafont, à la Foire Saint-Laurent, 1718. "
Le prince de Perse, qui voyage incognito pour s'instruire , se trouve aux portes de Carisme , avec ' Arlequin son valet. Le geôlier des tours auprès desquelles ils se sont arrêtés, leur apprend qu'elles renfer-, ment des malheureux qui sont devenus fous pour avoir' vu la princesse Zélica, dont la beauté est si accomplie qu'on ne peut lavoir sans en perdre la raison. Un garde amène un vieillard qui vient de ressentir l'effet de cette beauté redoutable ; mais sa folie est tellement gaie, qu'il veut faire danser Arlequin, le prince, et le geôlier lui-même. Cependant un héraut vient annoncer que la princesse cessera de paroître'dans la ville, parce que le roi son père ne régnerait bientôt plus que sur des fous. Le prince de Perse, qui jusqu'alors n'a senti qu'une profonde indifférence pour toutes les femmes, éprouve une extrême curiosité de voir. celle-ci, qu'il espère braver comme les autres. Arlequin veut inutilement s'opposer à ce projet dangereux ; son maître sort, résolu de s'introduire dans le sérail à quelque prix que ce soit.
Le prince , au moyen d'un diamant et d'une bourse de sequins, parvient à séduire le bostangi, qui l'intro-
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duit ainsi qu'Arlequin dans le sérail, déguisés en femmes, et les fait passer pour des actrices de l'Opéra de Congo. Arlequin, qui se trouve le premier déguisé, arrive dang les jardins du sérail, dù il est rencontré par le grandvisir, qui veut lui en conter. Le prince le suit de près, > et refuse d'écouter les remontrances qu'on lui adresse, lorsqu'il en est tems encore. bientôt la princessey arrive elle -même : à son aspect le prince, qui a bravé ses char- ^ mes, se trouble peu à peu et perd totalement la raison. La princesse, s'apercevant de son délire, se doute de son sexe et s'enfuit : le prince continue de se passionner pour Arlequin, et lui adresse les discours les plus tendres ; enfin, il tombe épuisé de fatigue , et on le transporte dans la maison du bostangi. Le sultan, devant qui les coupables sont conduits , les condamne à la mort. Arlequin , voyant que rien ne saurait le fléchir, plaint le sort du fils unique du roi de Perse. A ce nom , le sultan étonné, suspend ses ordres, et, après s'être suffisamment enquis de la vérité, envoie chercher un savant brahmin indien pour travailler à la guérison du prince. Le docteur arrive, et dit que pour le guérir radicalement de sa folie d'amour, il n'y a d'autre moyen que de le marier avec la princesse, que l'on amène voilée, dans la crainte, dit Arlequin, qu'elle n'enflamme le grand-prêtre et sa suite, qui sont d'une matière trèscombustible. Tout-à-coup on dresse un autel où sont conduits le prince de Perse et la princesse de Carisme. Le grand-prêtre prend la main du prince et la met dans celle de Zélica. Le brahmin , à terre devant l'autel, fait des contorsions de magicien qui donnent du jeu à Arlequin. L'hymen, qui est l'ellébore de l'amour , produit un effèt subit sur le prince , qui
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recouvre à l'instant sa raison. La pièce est terminée par des réjouissances.
A l'une des représentations de cette pièce, l'un des pages du roi étant tombé de sa loge , emporta dans sa chute la perruque d'un grave personnage, qui lui dit:
« Morbleu, mon petit homme, prenez donc garde à » ce que vous faites quand vous tombez. — Je vous » demande pardon, monsieur, lui répondit, lé pageiv » je ne l'ai pas fait exprès. »
PRINCESSE DE CLÈVES (la), pièce en cinq actes , en vers , par Boursault, 1678.
« Je ne vois rien de plus agréable dans notre langue,
» écrivait Boursault à une dame, que le petit roman de la » Princesse de Clèçes. Les noms des personnages qui » le composent sont doux à l'oreille, et faciles à mettre^ » en vers. L'intrigue intéresse le lecteur depuis les » commencement jusqu'à la fin , et le cœur prend part » aux évènemens qui se succèdent l'un à l'autre. J'en » fis une pièce de théâtre, dont j^espérais un si grand » succès, que c'était le fonds le plus liquide que j'eusse » pour le paiement de mes créanciers, qui tombèrent » de leur haut, quand ils apprirent la chute de mon » ouvrage. Faites-moi la grâce, madame, de ne point , x trembler pour eux ; je les satisfis l'année suivante ; et,
» comme la Princesse de Clèves n'avait paru que » deux ou trois fois, l'on s'en souvint si peu, un an après,
» que, sotis le nom de Germanicus , elle eut un succès » considérable.» Voyez Germanicus.
PRINCESSE D'ÉLIDE (la), comédie en cinq actes, dont le premier est en vers, et les autres en prose , par Molière, 1664.
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Ce fut à l'occasion de la superbe fête que Louis XIV donna en 1664 , que Molière composa la Princesse d'Elide. Cet ouvrage , fait avec précipitation , fut reçu à la cour avec indulgence. On tint compte à l'auteur d'avoir su développer avec tant de finesse quelques sentimens du cœur, et peindre avec des couleurs si vraies l'amour-propre et la vanité des femmes. Orf. crut surtout découvrir quelques allusions fines, délicates, et relatives à l'objet caché de ces fêtes. Le succès de plus d'un ouvrage a été le fruit de pareilles découvertes. L'abbé PeUegrin fit représenter, en 1728, un opéra qui porte le même titre.
Un petit-maître, qui s'attribuait des couplets fort jolis que Autreau avait faits sur un air de cet opéra , les chantait sur un des bancs qui environnent le grand bassin des Tuileries, et en recevait des complimens. Autreau passa dans ce moment. Un de ses amis, témoin de l'imposture, l'arrêta et lui dit: « Voilà mon, » sieur qui s'attribua les paroles qui courent sur tel
» air. » Le poëte répondit avec un sang-froid qui fit rire tous les assistans : « Pourquoi monsieur ne les Il aurait-il pas faites? je les ai bien faites, moi. »
PRINCESSE DE GOLCONDE (la), ou L'HEUREUSE RESSEMBLANCE, opéra comique en un acte, par Carolet, à la Foire Saint-Laurent, 1737. V <1 Lè prince du Japon et son valet Pierrot, jetés, par une tempête au pied des murs des jardins du sérail du roi de Golconde, ont le bonheur d'y entrer et de s'y endormir, après s'y être promenés quelque tems. La princesse de Golconde et sa suivante les voient et en deviennentsubitement amoureuses. Elle les éveillent, et la conversation s'engage entre ces quatre personnes. Le
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roi lui-même arrive, et fait remarquer à sa fille que * Pierrot ressemble beaucoup au prince qui lui est destiné en mariage. Pierrot, entendant ce discours, conçoit le dessein de se faire passer pour prince , afin d'obtenir la main- de la princesse et de la remettre à son maître. Pour y parvenir , il sort et reparaît un moment après, travesti en fille indienne. Le roi lui propose'l'inspection du -sérail, ce qu'il s'empresse d'apcepter, en assurant le roi qu'il fera plus de besogne à lui seul que dix eunuques ensemble. %
Sous ce nouveau travestissement, Pierrot se fait voir au prince, et c'est alors qu'il sollicite avec empressement son mariage avec la princesse. Le roi semble y consentir : ce qui cause son erreur, c'est que le courrier chargé du portrait du prince du Japon, l'ayant perdu, lui a remis celui de Pierrot à la place. D ans le moment que cet hymen est prêt à se conclure, arrive un nouveau courrier du roi du Japon. Pierrot se découvre alors, et avoue que c'est lui qui a passé pour fille indienne. Le roi lui pardonne sa fourberie , et l'on ne songe plus qu'aux noces du prince et de la princesse.
PRINCESSE DE NAVARRE (la), comédie en trois actes , en vers , avec un prologue, par Voltaire ?
à Versailles, 1745.
Voltaire a fixé l'époque de cette pièce sous le roi de France, Charles V, prince juste, sage et heureux. Constance, princesse de Navarre, quitte sa patrie, et se met à courir le monde avec Léonore, l'une de ses femmes, pour éviter la tyrannie du roi don Pèdre , son tuteur, et la violence du duc de Foix, qui avait voulu l'enlever. Elle arrive chez don Morillo , seigneur
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de campagne, dont le château est situé sur les contins de la Navarre : c'est dans les jardins de ce seigneur que se passe la scène. La princesse n'avait jamais vu le duc de Foix ; elle le détestait y parce que leurs parens s'étaient toujours haïs, et qu'elle avait juré, sur le tombeau de son père, de ne jamais unir le sang de Navarre au sang de Foix. Le duc de Foix, qui sait que sa maîtressse est chez Morillo, y arrive déguisé en jeune officier , et se donne pour Alamir, parent de Morille, que ce dernier n'avait jamais vu non plus. Constance ne prétend pas rester chez Morillo, qu'elle ne connaît pas, et chez qui elle n'est entrée que faute d'hôtellerie. Elle veut partir , dès le soir même , pour s'aller mettre da-ns un couvent. Morillo, qui la trouve for! à son gré, voudrait la retenir ; il en parle à son faux parent qui promet de l'aider. Morillo est un personnage ridicule. La franchise et la rusticité villageoises forment son caractère. Il s'explique donc assez grossièrement à Constance. Le duc de Foix est ingénieux et galant ; malgré tout son art, la belle princesse veut toujours partir. Elle fait ses adieux ; mais, voulant passer par une porte, -cette porte s'ouvre et laisse voir une foule de guerriers. Constance s'imagine que don Pèdre a envoyé ces guerriers pour se saisir de sa personne ; c'est une galanterie du duc de- Foix. Ces guerriers ne sont là que pour donner une fêle; ils dansent et chantent, ce qui divertit fort la princesse et toute la compagnie. Malgré cela cependant. , elle veut encore s'en aller ; mais le chœur l'arrête en chantant. Elle prend alors le parti d'aller à une autre porte. Il en sort une troupe de danseurs et de danseuses, avec des tambours de basque et des tambourins. Au milieu de -,
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tous ces jeux , arrive Guillot avec un garçon jardinier, qui interrompt la danse et fait cesser la musique. Il annonce l'arrivée d'un alcade , qui vient pour arrêter la princesse de la part du roi de Navarre. La suivante Léonore est d'avis qu'on aille se cacher chez Guillot. Morilio veut qu'on obéisse à l'alcade , et le duc de Foix veut sacrifier sa vie pour sauver la princesse. Nous avons oublié de parler d'une certaine Sanchette, fille de Morille: c'est une petite folle, une étourdie, qui s'avise d'être amoureuse du duc de Foix, et qui est tentée de croire que c'est pour elle que s'est donnée la , fête; car elle est un peu jalouse de Constance. Cependant l'alcade et sa suite viennent pour se saisir de la princesse: ils ne trouvent que Sanchette, qu'ils prennent pour Constance. Sanchette ne demande pas mieux que de se laisser enlever, quand elle apprend que c'est de la part du roi qu'on l'enlève, et que c'est pour aller à la cour. Elle en est enchantée ; mais son père vient détromper les gens du roi de Navarre, ce qui fâche beaucoup cette petite fille. Cependant Alamir s'est battu contre les ravisseurs, et les a vaincus. Cons.tance est touchée de cet important service. Bientôt un envoyé du duc de Foix vient offrir à la princesse son appui contre don Pèdre. Il lui parle avec respect, et l'appelle du nom d'altesse. Le baron campagnard et sa fille sont émerveillés ; ils ne soupçonnaient pas que celte aventurière fût la princesse de Navarre. lis lui font des excuses de ne l'avoir pas reconnue. L'envoyé du duc de Foix dit à Constance, qu'il lui ramène ses premiers officiers et ses dames du palais. Ces dames sont les trois Grâces, et les premiers officiers sont les Amours et les Plaisir», qui forment un divertissement.
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Cette- pièce fut faite à l'occasion du mariage du Dauphin avec l'Infante d'Espagne., M. de la Popelinière, fermier-général, mais lettré, y mêla quelques ariettes. Elle valut à V oltaire le don gratuit d'une charge de gentilhomme ordinaire de la chambre. C'était un présent-d'environ soixante mille livres que lui fit faire Mad. d'Etioie , devenue depuis marquise de Pompadour. Ce présent était,d'autant plus agréable que, peu de tems après, il obtint la grâce singulière de vendre cette charge, et d'en conserver le titre, les privilèges et les fonctions. Il fit à ce sujet l'impromptu qu'on va lire :
Mon Henri quatre et m a Zaïre,
Et mon Américaine A lzire ,
Ne m'ont valu jamais un seul regard du Roi.
J'avais mille enneinis, avec très-peu de gloire ;
Les honneurs et les biens pleuvent enfin sur moi,
Pour une farce de la .Foire.
PR,INTEMS (le), divertissement pastoral, e'n un acte et en vaudevilles, par MM.de Piis et Barré, aux Italiens, 1781.
Deux jeunes villageoises veulent persuader à leurs amans que d'autres soupirent pour elles. L'une cherche à dénicher un nid, l'autre à cueillir- une rose, dans le dessein de leur faire accroire que ce sont des cadeaux de leurs prétendus amoureux. Mais les amans entendent le complot, présentent le nid et la rose, et obtiennent l'aveu d'un sentiment qu'elles ne peuvent plus cacher.
Cette petite pièce offre une réunion de tableaux
'agréables. Elle obtint du succès.
PRISE DE PASSAW, fait historique en deux
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actes, suivi d'un divertissement, par M. Dupaty, musique de lU. Nicolo, à Feydeau, 1806. v
Un chirurgien français , chargé par son général de marcher toujours en avant pour préparer des logemens aux blessés , se présente devant Passaw, et demande à parler au commandant de la place. Admis dans la salle du conseil, il explique l'objet de sa mission, en annonçant l'arrivée de l'armée française. Le commandant s'imagine que le chirurgien est fou, et s'amuse à le faire jaser. Mais les Français arrivent en effet, et la garnison autrichienne reçoit l'ordre de se retirer. A peine est-elle sortie que le bourguemestre apporte les clefs de la ville au chirurgien , qui s'empare à' lui seul d'une place forte, sans tirer seulement sa lancette.
< Tel est le fond historique de cet opéra, auquel on a ajouté un épisode romanesque , des évolutions , des chants et de la danse, qui terminent la pièce.
PRISON MILITAIRE ( la ) , ou LES TROIS PRISONNIERS, comédie en cinq actes, en prose, par M. Dupaty, à Louvois, i8o3. ~ '
Pour écarter un rival aimé, le gouverneur de la ville de Boston fait mettre son neveu Edmond aux arrêts, et se propose de lui donner une mission pour la France. Voilà le premier prisonnier. Le second est attendu; c'est un jeune officier français, qui n'a point rejoint le vaisseau sur lequel son régiment est parti. La maîtresse d'Edmond, Sophie, apprenant qu'il ne doit arriver que le soir, se présente et est reçue à sa place. Le véritable prisonnier arrive ; le concierge refuse de le recevoir. Ce jeune officier, nommé Florville, est le fils du gouverneur, qui n'est connu jusque-là que
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sous le nom de Valcour. Ecartons à notre tour les moyens que le gouverneur emploie pour supplanter son neveu. N'ayant pu obtenir la grâce de Valcour , ainsi qu'il s'en était flatté, celui-ci est ramené en pri'son, où le gouverneur reconnaît en lui son fils. Déjà il a perdu l'espçir de le sauver , lorsque Sophie, qui est parente du général, vient apporter sa grâce. Pour l'en récompenser, le gouverneur lui accorde celle de son amant, et la pièce finit par leur mariage.
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PRISONNIER (le), ou LA RESSEMBLANCE, opéra comique en un acte, par M. Duval, musique de della Maria, à Feydcau , 1798.
Un jeune officier découvre dans sa prison une issue, qui le conduit chez une veuve, jeune encore, mais pourtant mère d'une fille de dix-sept ans; et là, il apprend que cette veuve doit épouser un de ses camarades, nommé Murville. Il imagine de passer pour ce dernier, afin de se procurer l'occasion d'entretenir la jeune personne, qu'il a eu le secret d'intéresser en sa faveur. Ce stratagème lui réussit. Mais le gouverneur arrive chez la veuve , et, trompé comme elle, ne reconnaît pas son prisonnier, qu'il veut conduire dans la prison pour voir son camarade. Il est tiré de cette situation très embarrassante par l'arrivée de Murville, qui lui apporte sa grâce, et la pièce se termine par un double mariage.
Les paroles et la musique de cette pièce obtinrent le plus grand succès. ~
PRISONNIÈRE ( la ) , comédie en un acte , en prose, mêlée d'ariettes , par MM. de Jouy, de Long-
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champs et Saint-Just , musique de MM. Chérubini et Boieldieu , au théâtre Montansier, 1799.
Le major Christiern pour déterminer son neveu à épouser sa fille , fait arrêter une jeune veuve que Gustave adore , et la fait conduire au fort d'Eklimbourg où commande Ennerick , officier vétéran qui doit cette place au major , et qui, dans là crainte de déplaire à ^ son protecteur, consent à l'y recevoir. Emma paraît; et, presque aussitôt qu'elle, Gustave. Celui-ci , apprenant d'une espèce d'imbécille qui fait l'important, qu'on attend un ouvrier pour remettre un barreau à la fenêtre de la chambre de sa maîtresse, s'éloigne et revient bientôt déguisé en serrurier. Cependant Emma s'avise de visiter un porte-feuille qu'un oncle qui vient de mourir lui a laissé ; elle y cherche des billets de, banque , elle en trouve en effet • de plus elle trouve une lettre du ministre qui annonçait à cet oncle que le roi l'avait nommé gouverneur de la forteresse d'Eklimbourg, où elle est, et qu'elle ne connaît pas. A la faveur d'un habit d'officier f la prisonnière s'amuse aux dépens du pauvre Nigolo , qui court plusieurs foisprévenir le gouverneur qu'un amant s'est introduit auprès d'elle. Comment? il n'en sait rien. A l'arrivée d'Ennerick, Emma se présente sous les habits de son sexe. Elle met ainsi Nigolo :en défaut. Cet habit, comme on vient de le voir , lui a servi pour s'égayer; il lui sert maintenant pour sortir de sa prison. Gustave est découvert. Emma remet au gouverneur les papiers de son oncle , et s6 fait passer pour un officier au corps du génie , chargé de diriger les travaux de la forteresse. Par ce stratagème , elle force Ennerick à lui avouer qu'il n'avait aucun ordre pour la retenir.
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Elle lui représente le danger auquel sa complaisance pour le major Christiern l'exposait, change de costume , et lui explique comment le brevet qu'il vient de se faire lire , se trouve en sa possession. Enfin elle recouvre sa liberté, et retourne dans sa famille, où probablement elle s'unit à son cher Gustave.
Cette comédie offre une intrigue fort simple , mais conduite avec esprit.
PRIX ( le ), ou L'EMBARRAS DU CHOIX , comédie en un acte, mêlée de vaudevilles , par M. Radet, au Vaudeville , 1792.
Cette petite pièce obtint un succès mérité. On y trouve des couplets agréables , et un dialogue trèsspirituel.
PRIX DE CYTHÈRE (le), opéra comique en un acte , par le marquis de P. et Favart , à la Foire Saint-Germain, 1742. f
Hébé , s'adressant à l'Amour , fait l'exposition de la pièce dans le couplet suivant :
On sait déjà dans tout Cythère,
Que, pour l'amant le plus épris,
Vénus , votre très-digne mère ,
Riéserve trois baisers pour prix;
Et que la plus parfaite amante,
Dont vous approuvez les ardeurs ,
Obtiendra la faveur charmante
De triompher de tous les cœurs.
Un Hollandais se présénte, le premier avec sa femme, qu'il a épousée par lettre de change : un Asiatique et une Géorgienne les remplacent ; ce dernier prétend avoir le prix, parce que toutes les beautés qui sont
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renfermées dans son sérail se disputent l'avantage de lui plaire. La Géorgienne, qui ne l'aime que par obéissance , et non par sentiment, n'est pas jugée digne du prix de Cythère , et tous deux sont congédiés. Un Espagnol vient prendre leur place ; à celui-ci succèdent un Français et une Française ; mais aucun d'eux n'obtient le prix. Il est accordé à un Sauvage et à une Sauvagesse qui le méritent par leur innocence et leur simplicité.
PRIX DE LA BEAUTÉ , ou LE JUGEMENT DE PARIS, comédie-ballet en un acte, en vers , par Mailhol, aux Italiens , 1765.
Le sujet de cette pièce est connu de tout le monde.
Jupiter ayant choisi le berger Pâris pour adjuger la " pomme jetée par la Discorde à la plus belle des trois Déesses qui se la disputaient, on sait que le berger l'accorda à Vénus , parce que celle-ci lui promit des plaisirs, et que les autres ne lui promettaient que des biens, des honneurs, de la puissance , etc. C'est ce sujet que Mailhol a mis avec esprit sur la scène, et qu'il a traité , en suivant la fable dans- la distribution de ses personnages.
PRIX DE L'ARQUEBUSE (le), comédie en un acte, en prose, avec un divertissement, par Dancourt, aux Français, 1717.
Un prix d'arquebuse , fondé par le prévôt d'une petite ville, y attire beaucoup de monde. Ce prix est de dix mille francs, avec cette condition que celui qui le remportera choisira parmi les filles du lieu. C'est un chevalier gascon qui gagne le prix. Il est de moitié
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avec Dorante qui aime éperdûment la fille du prévôt, Le Gascon la lui cède , et garde les dix mille franco. Quelques personnages singuliers contribuent à égayer ce sujet. Telle est, entre autres , Mlle de Bracassac, qui veut obliger le prévôt à l'épouser , sous prétexte que le frère dont il vient d'hériter a été son amant. 4
PRIX DE LA VALEUR ( le ), opéra-ballet en un acte , par Joliveau , musique de d'Auvergne , 1771.
Vénus donne une fête à Mars triomphant, et accorde r sa Nymphe favorite au guerrier qui mérite le prix de la valeur. Amyntor obtient ce prix dans la personne d'Elise, dont il était amoureux. Elise avoue l'intérêt qu'elle prend à ce guerrier; mais elle veut déguiser son amour, qui, cependant, ne tarde pas à se manifester aux yeux de son amant. t-
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PRIX DES TALENS ( le ) , parodie en un acte, de la dernière entrée des Fêtes de l'Hymen et de l'Amour, par de Valois , Sabine et Harny , aux Italiens , 1754* ' '' " .•> 4 Le seigneur d'un village propose quatre prix le jour de la fête du lieu. La peinture, le chant, les armes et la danse sont les arts qu'il veut récompenser. Si c'est un garçon qui soit vainqueur , il épousera la fille du' village qui lui plaira le plus ; si, au contraire , c'est une fille , et qu'elle remporte deux prix, le seigneur lui-même la prendra pour sa femme. Lison, maîtresse du seigneur, dispute le prix de la peinture, et le remporte. Elle remporte aussi ceux du chant et de la danse; enfin, elle remporte celui des armes. En réunissant ainsi tous les talens , elle est digne d'épouser le seigneur du village.
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PRIX DU SILENCE ( le ), comédie en trdis actes , en vers , par Boissy , aux Italiens , 1751.
La marquise et Lisidor sont les deux, principaux personnages de cette pièce. La première, jeune encore, est une veuve à laquelle son mari a laissé de grands biens , mais qu'il avait dégoûtée du mariage par ses mauvais procédés. Quoi qu'il en soit, une foule d'aman? lui fait la cour ; mais elle s'en amuse. Le seul Lisidor estaimé. Léandre, frère de la marquise, parle en faveur de ce dernier , son ami. Cependant ses autres amans la pressent de se déclarer pour celui d'entre eux dont elle veut faire son époux. Elle leur adresse une réponse circulaire, dans laquelle elle leur recommande d'être discrets ; elle ajoute que ce n'est qu'à ce prix qu'elle accordera sa main. Tous se communiquèrent sa lettre, et virent, à n'en pouvoir douter , que la marquise les jouait. Lisidor n'avait fait part à aucun d'eux de la lettre de la marquise ; mais il avait eu l'indiscrétion de la communiquer à son valet, qui lui-même l'avait redit à d'autres ; de sorte qu'il méritait la même punition que ses rivaux. Aussi sa maîtresse lui en fait-elle de très-vifs reproches. Pour réparer sa faute, Lisidor propose à la marquise de garder l'un et l'autre le silence. Le premier qui parlera sera le sujet de l'autre , et recevra ses lois. La marquise parle la première, et devient l'épouse de son vainqueur , qui est justifié de son inconstance.
Madame la marquise de Pompadour agréa la dédicace de cet ouvrage, et devint la protectrice de Boissy, à qui elle fit obtenir le Mercure de France , et une place à l'académie.
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PROCÈS ( le ) , ou LA PLAIDEUSE , comédie en trois actes , mêlée d'ariettes , par Favart , musique de Duny , aux Italiens , 1762.
Une dame de Bretagne , arrivée à Paris pour suivre un procès , fait choix d'un avocat excellent, mais avide de plaisirs , et plus léger que ne le sont ordinairement les hommes de cette profession.Quoi qu'il en soit, il gagne sa cause ; et, comme il est aussi bon ami que bon avocat, il n'e demande pour ses honoraires que la promesse de la plaideuse , de donner sa fille à son ami, amant aimé de cette jeune personne qui avait pour soupirans le père et l'oncle de celui qu'elle aime.
PROCÈS DES ARIETTES ET DES VAU-
DEVILLES (le), opéra comique, par Favart et Anseaume, à la Foire Saint-Laurent, 1760.
Le but de cette pièce est d'examiner la variété des goûts du public , dont une partie desire des opéras comiques entièrement en vaudevilles , et l'autfe en ariettes ; mais, avant d'en venir à la cause principale, le président en fait appeler quelques autres qui avaient alors le mérite de l'à-propos.
PROCÈS DES SENS ( le ) , comédie en un acte , envers, par Fuzelier, aux Français, 1732.'
Cette comédie est une espèce de parodie de l'opéra des Sens. On doit s'étonner que les comédiens français aient daigné admettre un pareil genre sur leur théâtre ; aussi un acteur a-t-il dit, dans le prologue des Désespérés :
On dit que leur Procès des Sens
Est applaudi de bien des gens.
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y Arlequin lui répond :
Voilà ce qui me mortifie.
Alors l'autre ajoute :
Cela doit nous alarmer tous ,
• Et peut bien leur donner envie De polissonner comme nous.
PROCÈS DES THÉÂTRES (le) , comédie en un acte et en vaudevilles, par Dominique et Riccoboni, aux Italiens, 1718.
On suppose ici que la Muse de la Comédie Française et celle de la Comédie Italienne, justement irritées contre ' la Foire, vont se plaind-re au Dieu du Pinde des outrages que leur a faits cette Muse prétendue , et du dommage que sa licence apporte aux deux principaux théâtres de son empire. Elles le prient de considérer qu'elles vont tomber dans l'oubli, si, par son équité, il ne punit cette insolente, en la réduisant à un état à ne pouvoir nuire au bon goût. Apollon leur promet / justice, et elles se retirent. Alors il ordonne à Momus d'aller chercher la Foire, et se fait instruire, en l'attendant, des raisons qui ont fait naître ce procès. Arlequin les lui déduit d'une manière fort embrouillée, et lui dit qu'il peut décider quand il lui plaira , puisque l'on juge tous les jours des affaires dans lesquelles les juges ne sont pas mieux instruits. Cependant Momus revient avec l'accusée. Apollon ouvre la séance et ordonne à Momus qui, comme on le voit, remplit ici les fonctions d'huissier audiencler, de faire rentrer les deux Comédies. Celles-ci paraissent, suivies, l'unet d'un Sganarelle et d'un Crisnin; et l'autre, d'un Arlequin et d'un Scaramrtuche. Apollon )fait mettre la Foire sur
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la sellette , lui dit de répondre aux chefs d'accusation que l'on va porter contre elle, et ordonne à la Muse française de plaider. Celle-ci, entre autres raisons , dit que son théâtre est le centre de la majesté , de la grandeur, du sublime et du pathétique, et que c'est à elle seule qu'il appartient de remuer les passions. Pour preuve, elle déclame des vers de Racine, en joignant à sa déclamation le mérite de la charge ou de l'imitation. La Foire répond qu'elle émeut les passions aussi bien qu'elle; que, par exemple , lorsqu'il faut inspirer de la compassion, un : Or, écoutez pëlils et grands, est infaillible ; et que , pour exciter la joie, il n'est rien tel qu'un Flon,flon ,flan. A ces mots , la Comédie Française s'évanouit, en assurant Apollon, que protéger la Foire , c'est lui donner la mort.
Ici la Comédie Italienne prend la parole, et soutient qu'on doit l'interdire à l'accusée, puisqu'elle ne s'en sert que pour lancer des traits grossiers et satiriques ; qu'elle seule est en possession de chasser le chagrin et l'ennui, et qu'elle ne veut, pour le prouver, que le proverbe ordinaire qui dit que : Quand on voit un homme au parterre de la Comédie Italienne, on peut dire qu'il a laissé son chagrin chez lui, pourvu qu'il y ait laissé sa femme ; que d'ailleurs la Foire n'est qu'une nouveauté sortie des ruines de l'ancienne Comédie Italienne, etc. etc. Elle conclut enfin qu'elle soit réduite à sa première institution, et condamnée aux sauts et à la corde. N
Apollon, suffisamment instruit des raisons des parties , et considérant l'équité qu'il y a de supprimer un spectacle , dont les meilleures productions ne peuvent être que comme les bons intervalles d'un insensé r
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condamne la Foire au silence, sans qu'il lui soit permis d'appeler de ce jugement. Les deux Comédies triomphantes remercient Apollon , et sortent avec lui.
Jusqu'ici la Foire s'était imaginé qu'elle pourrait éblouir son juge avec quelques faux brillans ; mais , se voyant désabusée , elle reste confuse et désolée ; et, passant bientôt du chagrin au dépit, et du dépit à la fureur, elle s'exhale en reproches et en injures contre l'ingratitude de son cousin l'Opéra , qui, malgré tout le bien qu'elle lui a fait, l'abandonne dans le moment où son secours lui serait si nécessaire pour défendre ses droits, en conservant les siens. Son désespoir ne lui permet pas d'y tenir plus long-tems; elle sort pour chercher son perfide cousin, et jure de le bien étriller,' si elle le rencontre.
L'Opéra , qui avait appris le triste sort de sa cousine , vient pour la chercher. et, ne la trouvant point, il la demande, selon sa coutume , aux bois et aux échos d'alentour ; ses vœux sont exaucés : elle revient, et lui fait tous les reproches que lui dicte sa colère. Son désespoir la jette dans une frénésie qui effraie d'abord l'Opéra ; puis , revenant à elle, et sentant à sa faiblesse qu'elle est près de sa fin , elle pardonne à son cousin , et le prie de se souvenir d'elle. Les forces lui manquent, toutefois, pour mourir sur le grand ton ; elle récite plusieurs vers ampoulés , et finit par celui-ci, en se jetant dans les bras de l'Opéra
Reçois, mon cher cousin, l'ame de ta cousine.
Elle lui rend l'esprit , et l'Opéra , par reconnaissance, l'emporte avec lui. Les deux Comédies arrivent avec leurs, suites , apprennent la nouvelle de la mort
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de leur ennemie, s 'en réjouissent, en dignes enfans de Thalie, et terminent la pièce par des chants et des danses. > _ j- ; /
PROCOPE - COUTEAUX ( MICHEL )" mort à
Paris en 1753.
Il était docteur en médecine; mais la gravité de sa profession nel l'empêcha pas d avoir beaucoup d'enjouement dans l 'esprit, ni de composer plusieurs comédies , telles que Arlequin balourd, et l'Assemblée des Comédiens ; il eut part à la Gageure, à la Comédie des Fées, et à celle du Roman.
PROCRIS, ou LA JALOUSIE INFORTUNÉE, tragicomédie, par Alex. Hardi, i6o5.
Cette tragi-comédie est une de celles qu'on ne peut lire qu'avec dégoût, et pourtant qu'il faut lire, si l'on veuf connaître à fond l'histoire du théâtre. On y trouve des tableaux capables d'étonner les plus intrépides. ,En voici la preuve.
L'Aurore lasse d'être mal servie par Titon, jette les yeux sur Céphale pour remplir les fonctions de son 4 vieil époux.
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C'est lui, c'est ce Céphale à qui dorennavant De ma couche je vais les faveurs reservant. * Lui qui de mon vieillard suppléra la faiblesse ; C'est de son trait vaincceur que Cupidon me'blesse ; La loy de l'équité me permet de l'aymer ,
Et l'on ne m'en doit pas moins pudique estimer; Attendu qu'un époux à l'âge décrépite
Vers ce forcènement mon ame précipite, etc. 1
Elle va le trouver dans la forêt où son ardeur pour la chasse le conduit tous les matins ; et, sans pLujs de
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façon , l'invite d'accepter une place- en son lit ; mais Céphale , quelque belle que soit l'Aurore , ne saurait lui sacrifier sa chaste Procris qu'il aime, et dont il est tendrement aimé. Pour vaincre sa résistance, la Déesse lui persuade que Procris n'est point aussi chaste qu'il semble le croire , et qu'il est possible de la séduire. Elle lui conseille de se déguiser en marchand, et de lui offrir beaucoup d'or, certaine qu'elle ne tiendra pas contre l'appât de ces dangereux présens. S'il est vrai qu'elle succombe , Céphale est à elle.
A l'heure dispensé de tenir favory
'' La place en mon endroit d'un impuissant mary ,
Ne le consens-tu pas ? Répon , mon espérance % Répon , et un baiser me donne d'assurance. ,
Il donn e ce baiser, puis un second pour lui dire adieu; mais, avant de se séparer, ils conviennent de se retrouver le lendemain au même lieu. Au second acte, Titon vient se plaindre des infidélités de l'Aurore qui lui refuse
Reste de mon soulas, un baiser de sa bouche.
Voilà ce que c'est que d'être vieux. Pritanne essaie de l'apaiser, mais n'y parvient qu'en lui faisant voir l'impossibilité de se venger : il va plus loin , et lui dit que quand il la trouverait sur le fait, il serait encore prudent de se taire. Pourquoi ? lui demande Titon : pourquoi? parce que
Les cornes sont jointes à l'hymenée.
Enfin l'officieux Pritanne se charge d'épier l'Aurore, et promet de rendre compte de ce qu'il verra ou entendra. A la seconde scène de ce deuxième acte , Céphale
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vient trouver Procris, comine il en est convenu , et met sa fidélité en défaut. Il la quitte , après l'avoir accablée de reproches , et va se consoler dans les bras de l'Aurore. Celle-ci, dans son ivresse , s'écrie :
Jamais couple ne fust approchant de notre aise.
Ça , preste-moy ta bouche , afin que je la baise ; Afin que j'enhardisse à plus de privauté
Le respect qui te tient surpris de nouveauté;
Que t'en semble ? Y a-t-il aux baisers des in ortell es
Des pointes d'appétit, des douceurs qui soient telles ?
, i CEPHALE.
Ha , je pasme, je meurs ! Déesse, je ne puis
Plus soustenir ce corps en l'estat où je suis ; 1 Mourir , non ce baiser tout confit d'ambroisie
Une immortalité grave en ma fantaisie. ^
Après ceî* 7 l'Aurore lui demande le détail de ce qui vient de se passer avec Procris. Il lui conte l'aventure, et finit son récit par ce vers : '
C'est trop tenir, Déesse , un discours ennuyeux.
. L'AURORE.
Tu dis la vérité, lumière de mes yeux.
Laissons tout autre soin que celui qui contente
D'uue jeune amitié la langoureuse attente. ' Nouveaux soldats d'amour , encommençons hardis Un duel de baisers à toute peine ourdis. ^
La robuste droiteur qui moule ce corsage , -
D'un bon commencement me promet l'avantage; ^ j
M'augure combattant qui proche de la mort ^ Contre son ennemy se redresse plus fort.
CÉPHALE.
. * M L'épreuve en fera foi qui ne trompe personne r , Puisque votre faveur la licence me donne. ■ v ■
V
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L' AURORE. <
O licence agréable ! Allons , m-a vie , allons . Sous le frais écarté de ces ombreux vallons ,
Sous ces ormes ombreux , entourés de fleurettes ,
Les prémices cueillir de nos flammes secrettes.
Ils partent : gardons-nous de les suivre. Polydame qui s'est levé plus matin qu'à l'ordinaire , pour chercher des bœufs égarés, tourne ses pas du côté du vallon , et aperçoit ceux de nos champions.
" J'entends aussi du bruit ébranler le feuillage;
Approchons de plus près. Dieux ! qu'ay-je découverte D eux amans enlassez dessur le gazon vert ,
« Serréz flanc contre flanc, et bouche contre bouche.
Il reconnaît Céphale , et se retire aussitôt pour aller raconter le cas à Procris. Alors Céphale et l'Aurore reparaissent. Elle félicite son amant, et lui dit entre autres choses :
Contente de l'essay , je te donne le pris
Des meilleurs champions que couronne Cypris. L'heureuse élection faite de ton service ,
Qui ne sent rien de lourd , rien d'un simple novice, Augmente à l'infini mon aise et mon amour.
Elle est contente et nous aussi. En voilà bien assez.
Voyons maintenant comment Hardi va s'y prendre pour terminer ce lourd et grossier tissu du plus odieux libertinage. Polydame , comme l'on doit s'y attendre, va trouver Procris, et lui apprend l'infidélité de Céphale. Celui-ci revient coucher chez lui. C'est là que l'attendait Procris. Elle ne peut plus douter de son malheur. Cependant il la quitte pour aller de nouveau , se jeter dans les bras de l'Aurore qu'il devance au
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rendez-vous. En l'attendant, il se dispose à 'tuer quelques pièces de gibier , sans doute pour en faire hommage à sa maîtresse. D'un autre côté , Procris, conduite par Polydame , vient pour le surpréndre. Céphale voit remuer le feuillage : croyant que c'est') un cerf qui broute, il décoche une flèche , et tue sa chère Procris. Ainsi finit cette pièce scandaleuse. -
PROCUREUR ARBITRE ( le ) , comédie en un acte , en vers , par Philippe Poisson, 1728.
Ariste, dans l'espoir d'épouser la veuve d'un procureur qu'il aime , a fait l'acquisition de l'étude du défunt ; mais cette veuve a conçu une telle aversion
1 pour la robe, que le seul mot de procureur la fait sauter aux nues. Cette robe , quoique d'essence très-corruptible , n'a pu ébranler la probité d'Ariste ; toutefois , dit-il c p
D'abord elle a voulu me tourner à son gré,
Et dans mes bras, Lisette, à peine je l'eus mise ,
Que de l'ardeur du gain mon ame fut éprise. '' La chicane m'offrit tous ses détours affreux ; .
Je me sentis atteint de desirs ruineux ; » Mais ma vertu .pour lors ,en moi fit un prodige , etc.
Au lieu d'exciter les plaideurs , il dévient l'arbitre de k tous les différends.;Sa maison est véritablement lésanttuaire non des lois , mais de la justice. On y voit arriver . tQur-à-tour un père, qui veut faire enfermer son fils, t parce qu'il aime une femme dont les appas savent tout r charmer ; un Gascon qui ne sait s'il doit ou s'il ne & doit pas mille francs à lU. de Verdac autre Gascon. A ceux-ci succèdent le vendeur et l'acquéreur d'un château. Il s'agit de savoir à qui doivent appartenir cent mille francs que l'on a trouvés en démolissant une i
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partie des bâtimens de ce château. L'acquéreur prétend qu'ils doivent être adjugés au vendeur; celui-ci, que l'acquéreur doit les garder. Ariste leur demande un instant pour résoudre cette difficulté. Ils sortent. Ces derniers sont remplacés par une baronne , femme acariâtre , emportée, qui veut divorcer. Ariste en est quitte pour des injures ; elle s'en va. Arrivent ensuite deux amans qui viennent le consulter suj les moyens qu'il y aurait à prendre pour décider leurs parens à les unir. Agënoj est fils de l'acquéreur, Isabelle est fille du vendeur. Ils sont bien jeunes ; mais ils sont sages. Les pères arrivent : Ariste adjuge les cent mille fr. à leurs enfans, et les fait consentir à leur union. La veuve, témoin de tout ce qui vient de se passer, et charmée de la conduite d'Ariste , lui accorde sa maip,
PROJET DE FORTUNE (le), opéra bouffon en un acte, par M. Dumaniant , musique de M. Foignet, au théâtre de la Cité-Variétés, 1794*
Le jeune Fanfan s'est oublié jusqu'au point de voler dix mille livres dans la caisse de M. Bonsens, son oncle, et de les venir manger à Paris, avec Rosette, filleule de la femme de ce marchand d'Amiens.
Après que Rosette a mangé tout ce qui lui était revenu d'un petit héritage, et Fanfan ses dix mille francs, les deux amans , qui ont lu dans les romans qu'on pouvait s'enrichir en-épousant des vieillards, se propos sent de se marier, Fanfan à une vieille comtesse, et Rosette au premierquise présentera. BientôtFanfan etRosette devenus libres et riches, couronneront leur amour en se mariant ensemble. Cependant M. Bonsens arrive à Paris, y découvre son neveu, et descend dans la même
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auberge où il est logé. Mais, au lieu de s'assurer de sa personne, il s'amuse à capituler avec Frontin , l'aubergiste , pour pénétrer dans la chambre, où il oublie d'entrer, lorsque l'hôte rusé lui propose quelques bouteilles de bon vin. On enivre le bon homme ; alors il voit Rosette dont il devient subitement amoureux, et veut l'épouser pour punir son fripon de neveu. Pour sortir d'embarras , la belle feint de s'évanouir; le vieillard appelle du secours : alors se présentent l'hôte, Fanfan et la comtesse, que M. Bonsens reconnaît pour sa femme, quoiqu'il n'en ait pas eu de nouvelles depuis dix ans. Enfin , l'aubergiste Frontin conseille aux deux époux de pardonner , et l'on procède au mariage des deux amans. Cette pièce fut assez bien reçue du public.
PROJET EXTRAVAGANT ( le ), comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, par***, musique de M. Fay, à Louvois, 1792.
Ne pouvant parvenir à se faire aimer d'une jeune veuve nommée Lucile, Géronte forme le projet extravagant de l'épouser sous le nom d'un autre. Pour y parvenir, il engagè son neveu, qui revient d'Amérique, à faire une cour assidue à la jeune veuve , afin de se faire agréer pour époux , et à ne signer le contrat que comme témoin. Le vieillard est pris pour dupe , c'est dans l'ordre , et signe le contrat de son neveu avec Lucile. ^
Tel est le fond du Projet Extravagant. Cette pièce est écrite avec facilité, mais elle offre peu d'intérêt.
PROJET SINGULIER ( le ), comédie en un
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acte, envers, par M. Justin Gensoul, à Louvois-, i8o5.
Le sujet de cette comédie se trouve , à quelquesin-? cidens près, dans le roman de Louvet. Un jeune et joli garçon , vif,' léger, étourdi, passionné, un second Fau- blas enfin, destiné par son père à la profession d'avocat , déserte l'antre de la chicane pour s'enrôler sous les étendards de l'amour : aimer , voilà ses lois; plaire est son unique étude. Chaque jour nouvelle adoration , chaque jour, nouvelle conquête. Les obstacles s'aplanissent devant lui; s'il s'en présente, il les surmonte. Un jaloux le provoque ; il se bat et le tue. Ceci devient sérieux. Réduit à se cacher, tantôt il revêt l'habit militaire,, et tantôt, sous l'élégant attirail des Grâces, il captive et énchaîne tous les cœurs. Epîtres, madrigaux sont adressés à la belle Clarence ; son porte-feuille est- plein de ces jolies bàgatelles. Comme on le voit, Losan passe assez bien son tems. Toutefois il ne laisse pas que d'avoir de l'inquiétude : quelle sera l'issue de celte aventure ? Logé dans un hôtel garni où la scène se passe, il parvient à plaire à la jeune et innocente Amélie ; il l'aime tout de bon; mais madame Fontange, qui redoute les suites des tête-à-tête, l'invite à quitter la maison. Il promet de s'éloigner, et n'en fait rien. Cette bonne dame Fontange ne peut pourtant s'empêcher de temoigner le regret qu'elle éprouve d'être obligée à prendre ce parti rigoureux, Losan lui plaît aussi; il l'iniéresse. A cet intérêt se mêle bientôt le desir de le connaître. La curiosité la retient dans l'appartement de Losan ; elle aperçoit un portrait sur la table, elle le prend, l'examine : c'est celui de Losan, babillé en femme. Plus de doute, Losan est une femme.
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Quel inconvénient y a-t-il à le laisser auprès d'Amélie? TJne lettre qu'on apporte à la belle inconnue la confirme dans cette idée. Elle interroge Lafleur , valet du jeune homme. Le malin et rusé valet, qui croit pouvoir en tirer parti pour les feux de son maître, la laisse dans son erreur. Cependant M, Lisimon est arrivé à Paris pour solliciter la grâce de son fils. Il l'a obtenue ^ mais il veut se venger des inquiétudes et des tourmens que lui ont causés ses folies. Pour cela faire , il va se marier; il fera un enfant à sa femme, et lui donnera tout son bien. Lisimon communique ce projet à Mme Fon-
- tange, et lui demande sa fille; mais, outre qu'Amélie est trop jeune , elle connaît une demoiselle qui lui convient beaucoup mieux. Cette demoiselle est Losan, à qui Lisimon est présenté par Mrae de Fontange. Le père , après avoir balbutié le petit compliment d'usage à celte belle, reconnaît son fils en elle, l'accable .de reproches, lui pardonne, et le marie à l'aimable Amélie., 1
Si l'auteur n'a pas le mérite de l'invention, il a du' moins çelui d'avoir présenté ce sujet sous un jour favorable. Sa pièce, à quelques négligences près, est assez bien écrite. *
PROJETS DE DIVORCE les) , comédie en un acte, en vers, par M. Dubois , à Louvois, 180g. * Après un an de mariage, deux jeunes époux s'enfuient. Pour se distraire, la femme se jette a corps perdu dans le beau monde et ses plaisirs, et prend un fat pour l'y conduire. L'époux s'enfonce dans la secte méprisable des philosophes égoïstes et insoucians; monsieur ne voit plus madame, et madame ne voit plus*
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monsieur. Dans cet état de choses, le père du miri, oncle de l'épouse, arrive; il voit tout ce désordre , et entreprend de le faire cesser Pour arriver à son but, il se sert d'une jolie cousine qui excite la jalousie dansf l'ame de la femme, et qui fait sortir le mari de son insouciance philosophique. C'est alors que le papa propose le divorce. Pour éviter d'ennuyeux délais, it veut que Pacte de séparation soit signé dans la journée; mais, avant d'en venir là, les époux veulent avoir ensemble une conférence. On se querelle, on se fâche, on s'explique, et enfin l'on se raccommode ; ils se réur nissent, et le Sigisbé est éconduit.
Tel est le fond de cette pièce, dans laquelle on re": marque des scènes agréables et quelques vers heureux-
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PROJETS D'ENLÈVEMENT (les), comédie en un acte, en vers, par M. Th. Pain, aux Français, 1807?
M. de Lusson a promis la main de sa fille à Valbelle ;* mais, obligé de partir pour l'Italie, il laisse à sa sœur Araminte des pouvoirs pour remplir les engagemens qu'il a contractés envers l'amant de Lucile. Moi s désintéressée que son frère , Araminte veut marier sa nièce à un homme âgé, mais riche de soixante mille livres de rente , nommé Dorval. L'amant, fatigué des délais d'Araminte , pour la déconcerter , forme non pas le projet d'enlever sa maîtresse, mais son rival. Une soubrette curieuse lui entend prononcer le mot d'enlèvement, et conclut de là qu'il est question de Lucile: cependant Lafleur, que son maître a oublié de mettre dans sa confidence, persuade à la soubrette qu'il est question de, l'enlèvement de Dorval. Celle-ci court en
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instruire Araminte, qui avertit Dorval. D'un autre .. côté, Lucile est sur le point de quitter Paris pour aller rejoindre son père, et lui demander l'exécution de ses - promesses. Dorval la rencontre au moment du départ, et l'arrête ; non-seulement il renonce à sa main, mais il va chercher son notaire, et fait tant et si bien, qu'enfin Araminte cessé de s'opposer au bonheur des amans.
Cette comédie , fondée sur une invraisemblance, est d'un style froid , mais assez pur. On y rencontre quelques vers heureux.
PROJETS DE M ARIAGE ( les ), comédie en un acte, en prose, par M. Duval, aux Français, 1797C'est un assez joliimbroglio comique qui rappellé un peu celui du Prisonnier, mais qui présente des scènes plus fortes de situation. Le fond roule sur des personnages qui changent de nom. Un colonel imagine de se faire passer pour un officier de son régiment, qu'il a écarté à dessein; l'officier trouve le moyen d'arriver presqu'en même tems que son colonel, ce qui produit des incidens comiques. Un valet rusé, à la faveur de ces mystères dont il est au fait, et du besoin qu'on a de lui, parvient à tirer de l'argent de tout le monde, comme le Frontin des Trois, Frères rivaux, de' Lafont.
Cette petite pièce fut favorablement accueillie du public.
PROLOGUE, dans la poésie dramatique, estun discours qui précède la pièce, et dans lequel on introduit, tantôt un seul acteur, et tantôt plusieurs Interlocuteurs. Son objet, chez les anciens et dans l'origine, était d'ap-
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prendre aux spectateurs le sujet de la pièce qu'on allait représenter ; quelquefois aussi, comme ceux d Aristo- phane et de Térence , il contenait l'apologie du poëte, et une réponse aux critiques que l'on avait faites deses pièces précédentes. Les prologues des pièces anglaises roulent presque tous sur l'apologie de l'auteur, dont on va jouer la pièce. En France, on a presqu'entièrement banni le prologue des pièces de théâtre, à l'exception des opéras. Il existe cependant quelques^ comédies avec des prologues , telles que les Caractères de Thalie, Basile et Quiterie) Esope au Parnasse , et quelques pièces du Théâtre Italien. Le prologue de nos opéras est presque toujours détaché de la pièce ; le plus souvent il n'a pas de liaison avec elle. On regarde comme les meilleurs prologues , ceux qui ont rapport à la pièce qu'ils précèdent , quoiqu'ils n'aient pas le même sujet. Tel est celui d'Amadis de Gaule. Il y a pourtant des prologues qui, sans avoir de rapport à la pièce , ont un mérite particulier pour la convenance qu'ils ont avec le temps où elle a'été représentée. Tel est le prologue d'Hésione, opéra qui fut-joué en 1700 , et dont le sujet est la célébration des jeux séculaires. Chez les anciens on appelait prologue , l'acteur qui récitait le prologue : cet acteur était regardé comme l'un des personnages de la pièce , où il ne paraissait pourtant qu'avec ce caractère. Ainsi, dans f Amphitrion de Plaute, Mercure fait le prologue; mais, comme ilremplit aussi dans la comédie l'un des principaux rôles, les critiques ont pensé que c'était une exception à la règle générale. Chez eux la pièce commençaitdès le prologue; chez les Anglais, au contraire , elle ne commence que lorsqu'il est fini. Ce n'est point un personnage de l'a "
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pièce , c'est l'auteur lui-même qui est censé adresser la parole aux spectateurs, au lieu que celui que les anciens appelaient prologue , était censé parler à des personnes présentes à l'action même, et avait, au moins pour le prologue , un caractère dramatique.
PROMESSES DE MARIAGE ( les ) , opéra bouffon en deux actes , par Desforges, musique de Leberton, aux Italiens , 17P7.
Cette pièce fait suite à l'Épreuve - villageoise. M. 'de la France reparaît sur la scène ; il apporte à Denise une lettre de son André, dont elle est séparée depuis un an. Le bon André arrive aussitôt que sa lettre. Après une si longue attente, le mariage de ces deux amans va donc enfin avoir lieu : toutefois, avant de les unir, il faut qu'ils subissent encore une dernière mais difficile épreuve. M. de la France , qui est le parrain de Nicole, oblige cette fille à le seconder. Malgré la répugnance qu'elle éprouve à faire de la peine à Denise, elle.s'y décide. L'intérêt de son amour l'emporte. Le parrain menace de s'opposer à son mariage avec Jacquot. Voici le fait. En lui apprenant' à écrire, M. de la France a surpris la signature d'André; il en a fait une promesse de mariage à Nicole , qui semble vouloir en faire usage. Denise se fâche ; Jacquot est furieux ; André est au désespoir. Pour se venger de son infidèle, Denise va trouver M. de la France, qu'elle dédaignait, et lui souscrit une promesse de mariage. Sur ces entrefaites André survient, et demande une explication qu'on ne lui accorde qu avec peine. Il ne tarde point à se justifier. Cependant M. de la France, muni de la promesse de Denise, est
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allé chez le tabellion, qu'il amène accompagné de tous les habitans du village ; on lit le contrat de,mariage. 0 bonheur inespéré ! c'est celui des amans. Cette ba.. gatelle, fut favorablement accueillie.
PRONEURS (les), ou LE TARTUFE LITTÉRAIRE, comédie en trois actes , en vers, par Dorat, 1776.
Ces prôueurs , espèce d'intrigans littéraires malheureusement trop communs, dont raffole Mme de Norville, veulent qu'elle donne la main de sa fille à Pun d'eux. Ils triomphent ; mais bientôt un certainforlis les démasque dansune pièce nouvelle qui obtient le plus grand succès. Mme de Norville partage leur confusion, et finit par disposer de la main de sa fille en faveur d'un jeune homme, fort étranger à cette sectè de prôneurs.
. Tel est, en peu de mots , le fond de cette pièce qui offre des détails très-piquans. On y trouve une scène très-remarquable ; c'est celle où le chef du parti endoctrine un nouveau candidat.
PROSCENIUM, lieu élevé, sur lequel les acteurs jouaient, et qui était ce que nous appelons au théâtre échafaud. Le proscenium avait deux parties dans le théâtre des, Grecs; l'une était le proscenium, simplement dit, où les acteurs jouaient ; l'autre s'appelait le logcion , où les chœurs venaient réciter, et où les pantomimes faisaient leurs représentations. Chez les Romains, le proscenium et le pulpitum étaient une même chose. V
PROSERPINE, tragédie en cinq actes, précédée d'un prologue , par Quinault, musique de Lulli, 1680.
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Cette pièce fut remise au théâtre par M. Guillard en i8o3 ; le célèbre Paesiello en fit la musique. Le fond est l'enlèvement de Proserpine par Pluton. Au dénouement, on voit paraître Jupiter entouré des divinités célestes , terrestres et infernales. Pour satisfaire à la fois Cérès qui lui redemande sa fille, et Pluton qui veut la garder, le maître des Dieux ordonne qu'elle passera six mois aux enfers, et six mois sur la terre.
Les applaudissemens renouvelés aux reprises de l'opéra de Proserpine, confirmèrent ceux qu'il avait reçus lors de sa première apparition sur la scène.
PROSOPOPÉE. — C'est une figure de rhétorique qui consisté à faire parler les morts , les rochers , etc., comme s'ils étaient animés. C'est ordinairement l'effet de quelque passion violente, qui nous entraîne au-delà des bornes du discours ordinaire. Nous l'employons rarement en français, et ce n'est qu'avec la plus grande discrétion que l'on doit s'en servir. Cette figure s'appelle ainsi, parce qu'on fait une personne de ce qui n'en est pas une; comme dans l'exemple suivant, où un étranger fut accusé d'homicide, parce qu'on le trouva seul, enterrant un homme mort ; ce que la charité lui avait fait faire : « Juste Dieu, s'écria-t-il, pro» tecteur des innocens, permettez que l'ordre de la » nature soit troublé pour un moment, et que ce » cadavre, déliant sa langue , prenne l'usage de la » parole. Il me semble que Dieu accorde ce miracle à » mes prières. Ne l'entendez vous pas, messieurs M comme il publie mon innocence et déclare les auteurs » de sa mort?»— « Si c'est un juste ressentiment y » ajoute-t-il, contre celui qui m'a mis au tombeau ,
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» qui vous anime, tournez votre colère contre ce can lomniateur qui triomphe maintenant dans une entière » assurance, après avoir chargé cet innocent du poids » de son crime. »
PROTASE. — Dans l'ancienne poésie dramatique, c'était la première partie d'une pièce de théâtre, qui servait à faire connaître le caractère des principaux personnages, et à exposer le sujet sur lequel roulait toute la pièce. Ce mot est formé d'un mot grec, qui signifie, tenir le premier lieu. C'était en effet par là que s'ouvrait le drame. Selon quelques-uns, la protase des anciens revient à nos deux premiers actes ; mais ceci a besoin. d'être éclairci. Scaliger définit la protase, In quâ proponitur et narratur summa reit sine déclara— tione ; c'est-à-dire, l'exposition du sujet, sans en laisser pénétrer le dénouement: mais si cette exposition se fait en une scène, on n'a donc besoin ni d'un ni de deux actes; c'est la longueur du récit, sa nature et sa nécessité, qui déterminaient l'étendue de la protase à plus ou moins de scènes, la renfermaient quelquefois dans le premier acte , et la poussaient quelquefois jusqu'au second. Aussi Vossius remarque-t-il que cette définition, que Donat ou Evanthe ont donnée de la protase, Protasis est primus actus, initiumque dramatis, n'est rien moins qu'exacte ; et il cite en preuve , le Miles gloriosus de Plaute, où la protase, ce que Scaliger appelle Rei summa, ne se fait que dans la première scène du second acte, après lequel l'action commence. La protase ne revient donc à nos deux premiers actes, qu'à raison de la première place qu'elle occupait dans une tragédie ou dans une comédie, et
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nullement à cause de son étendue. Ce que les anciens entendaient par protase} nous l'appelons préparation ou exposition du sujet : deux choses qu'il ne faut pas confondre. L'une consiste à donner une idée générale de ce qui va se passer dans le cours de la pièce, par le récit de quelques évènemens, que l'action suppose nécessairement. C'est d'elle que Despréaui a dit
Que, dès le premier vers, l'action préparée ,
Sans peine, du sujet, aplanisse l'entrée.
L'autre développe, d'une manière un peu plus précise et plus circonstanciée , le véritable sujet de la pièce. Sans cette exposition , qui consiste quelquefois dans un récit, et qui quelquefois se développe peu à peu dans le dialogue des premières scènes , il serait souvent impossible aux spectateurs d'entendre une tragédie, dans laquelle les divers intérêts et les principales actions des personnage's ont un rapport essentiel à quel— qu'autre grand événement, qui influe sur l'action théâtrale, qui détermine les incidens , et qui prépare, ou comme cause, ou comme occasion, les choses qui doivent arriver dans la suite. C'est de cette partie que le même poëte a dit :
Le sujet n'est jamais assez tôt expliqué.
Toutefois, cette exposition du sujet ne doit point être si claire qu'elle instruise absolument le spectateur de tout ce qui doit arriver dans la suite ; mais elle doit le lui laisser entrevoir comme une perspective, pour le rapprocher par degrés , et le développer successivement, afin de ménager toujours un nouveau" plaisir,, partant du même principe , quoique varié par de nou-
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veaux incidens, qui piquent et réveillent la curiosité. Car , si l'on suppose une fois l'esprit suffisamment instruit, on le prive du plaisir de la surprise auquel il s'attendait. C'est précisément ce que dit Donat, lorsqu'il définit la protase. Primus aciits fabules, quo pars argumenti explicatur, pars relicetur, ad populi exrpectationem tenendam. Les anciens connaissaient peu cet art ; au moins les Latins s'embarrassaient-ils peu de tenir ainsi l'esprit des spectateurs en suspens. Dès le prologue d'une pièce, ils en annonçaient toute l'ordonnancera conduite et lè dénouement ; témoin l'Amphytrion de Plaute ; mais les modernes entendent mieux leurs intérêts et ceux du public.
PROVERBE. — On donne ce nom à des vérités générales, familières au peuple, qui aime à en faire des applications. Telles sont celles-ci : Tant va la cruche à l'eau qu'enfin elle y demeure. Il fait bon battre les glorieux. Les battus paient l'amende. Petite pluie abat grand vent. Après la pluie , le beau tems, etc.
On appelle encore proverbe, une sorte de drame , qui consiste à lier une dixaine de scènes à faire rouler le dialogue des personnages sur différens objets; mais qui tendent à prouver la vérité d'un proverbe, que l'auteur laisse quelquefois à deviner, ou qu'il explique , et qui fait, pour ainsi dire, le dénouement de sa pièce. Ces sortes de drames s'écrivent en prose, et n'ont qu'un acte. Les personnages sont tous épisodiques. Le principal intérêt est de savoir quel proverbe amènera leur conversation. Telle est, par exemple, la Franchise indiscrète. On y voit un jeune homme qui dit trop sincèrement sa façon de penser à tout le monde, et en particu-
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lier aux parens de son amante, dont le père est un antiquaire fou, et dont la mère est entichée de la manie contraire ; et qui, choqués de sa trop grande franchise, sont sur le poini de lui refuser leur fille , et de la donner à un autre, qui sait mieux flatter leurs goûts et leurs faiblesses. Mais une grâce importante qu'il leur obtient du ministre, les réconcilie avec lui. Ils lui donnent leur fille, à condition qu'il ne dira pas si librement aux gens leurs défauts. Vous dites fort souvent des vérités, lui dit Dorimon, en finissant; mais l'expérience et certain proverbe ont dû vous apprendre, que toute vérité n'est pas bonne à dire.
PROVINCIAL A PARIS (le), ou LE POUVOIR DE L'AMOUR ET DE LA RAISON, comédie en trois actes, en vers, par de Moissy, aux Italiens, 1750.
Un homme de loi de province envoie son neveu à Paris, et l'adresse à un ancien ami, fort gai, très-honnête homme, et assez philosophe, qui a lui-même deux,nièces, dont l'une , Cidalise, est jeune, coquette , légère, badine, semblable à nos jolies femmes; et dont l'autre, Lucile, est aimable, timide, et telle en un mot que les femmes estimables doivent être. Le jeûne provincial trouve Cidalise charmante, prend ses goûts, son ton, ses airs, et ne s'aperçoit pas seulement de Lucile. Celle-ci a une inclination pour lui, qu'elle combat en vain ; elle est plus forte que sa raison ; et, tout ce qu'elle peut faire, c'est de cacher sa faiblesse. Les choses sont en cet état, lorsque Lisimon, l'oncle du provincial, arrive, et vient juger par lui-même des progrès de son neveu ; il l'examine et ne trouve en lui
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qu'un fat. Cependant Oronte, qui est enchanté du jeune homme, a conclu,son mariage avec Cidalise, qui, aux yeux de l'oncle de province , ne vaut pas mieux que son étourdi de neveu. Peu content de son voyage, Lisimon veut absolument s'en retourner. Heureusement, Cidalise se met dans la tête de se moquer de la triste et timide Lucile : elle imagine, pour cônnaître mieux son caractère, et comme une chose fort plaisante, de lui faire faire la cour par le jeune provincial. Son projet tourne contre elle - même. Ce dernier trouve dans Lucile un caractère qui l'enchante. La raison lui ouvre les yeux sur les ridicules de Cidalise et sur ses propres travers ; il estime, il adore Lucile ; il se corrige : et enfin d'un jeune fat, l'amour fait un amant tendre et un galant homme.
PROVINCIAUX A PARIS (les), comédie en quatre actes , en prose, par M. Picard , à Louvois , 1802.
Cette comédie fait suite à la Petite Ville. (Voyez cette pièce.) Ce sont des provinciaux que M. Picard fait venir à Paris, et qu'il fait remonter en diligence aussitôt que la farce est jouée. Ces bonnes gens, très-curieux, trèscrédules , trop confians et trop faciles à tromper, sont assiégés par une foule d'intrigans , qui finissent par être démasqués. Les provinciaux, voyant qu'il y a péril en la grande ville, en partent aussitôt, et le spectateur leur souhaite un bon voyage. Dieu les garde d'y revenir à pareil prix.
PRUDE (la), comédie en cinq actes, en vers, par M. Lemercier, à Feydeau, 1797,
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Floricoun, jeùne libertin sans principes et sans mœurs, entre dans un appartement, y trouve une jeune fille de quinze ans qu'il voit pour la première fois, et lui fait un enfant. Dix-rsept années se sont écoulées , lorsque Floricourt, qui avait été forcé de s'expatrier , revient en France. Il y apprend que. sa cousine Dorville, chargée en secret de l'éducation d'un jeune homme , qui est précisément le fruit de son crime , a une belle-sœur très-prude. Aussitôt il forme le projet de la séduire. Il s'introduit chez elle , affecte ses manières, copie ses discours, parvient à l'intéresser, et obtient d'elle enfin l'aveu du tendre sentiment qu'il lui a inspiré. Mad. Dorville le surprend aux genoux de la prude. Celle-ci, dont l'honneur est compromis , veut se venger de sa belle-sœur. Auguste, c'est le nom de l'enfant naturel, lui en fournit les moyens. La prude, (lui connaît tous les soins que Mad. Dorville a prodigués à cet enfant , ne doute point que ce ne soit le fruit d'un amour illégitime ; elle éclate en reproches contre sa belle-sœur. Son emportement est tel, que Dorville est accouru au bruit. Il veut une explication. Auguste est amené : il avoue qu'il est le fils de Floricourt. , mais il ignore quelle est sa mère. Dorville cependant prononce le nom d'Angeline , et tout-à-coup le jeune homme s'élance dans ses bras , en lui criant que c'est à elle qu'il doit le jour. Cette prude n'est autre chose que la jeune personne qui a été victime de la violence de Floricourt. Cette reconnaissance une fois opérée , Dorville veut faire épouser sa sœur à Floricourt, qui, d'abord fidèle à son caractère, oppose la plaisanterie aux menaces , et finit ensuite par s'unir à la mère de son fils,
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Le plus grand défaut de cette comédie est de n'offrir qu'un fond vicieux. On n'y voit pas un seul personnage qui excite l'intérêt. L'auteur d'Agamemnon a donné le droit d'être difficile ou sévère envers lui; mais, malgré ses imperfections , on ne peut s'empêcher d'applaudir à beaucoup de vers heureux, et aux détails brillans qui se trouvent répandus dans cet ouvrage.
PSYCHE, tragi-comédie-ballet, en cinq actes, en vers libres, avec un prologue , par Molière, Quinault et Pierre Corneille, musique de Lulli, 1670.
Molière ne put faire que le premier acte, la première scène du second , la première du troisième , et les vers qui se récitent dans le prologue. Le tems pressait : Corneille se chargea du reste de la pièce ; il voulut bien s'assujettir au plan d'un autre ; et ce génie mâle, que l'âge rendait sec et sévère , s'amollit pour plaire à Louis XIV. L'auteur de Cinna fit , à soixante cinq ans, cette déclaration de Psyché à l'Amour, qui passe encore pour l'un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au théâtre. Toutes les paroles qui se chantent, sont de Quinault.
PSYCHÉ, tragédie - opéra , attribuée d'abord à Thomas Corneille , mais revendiquée par Fontenelle , musique de Lulli , 1678.
Lorsque Quinault cessa de travailler pour l'Opéra , on fut obligé de chercher un poëte qui pût fournir des paroles à Lulli. La réputation de ce dernier était si bien établie, que ses plus fiers rivaux n'osaient entrer en lice. D'ailleurs Lulli, accoutumé au lyrique incomparable de ce premier poëte, ne pouvait écouter sans chagrin les vers des autres. Enfin , l'extrême envie de con-
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tribuer aux plaisirs du roi, jointe aux vives instances des ennemis deQuinault, déterminèrent Thomas Corneille à donner un poëme lyrique , qui fut celui de Psyché. Lulli eut aussi beaucoup de pene à se résoudre à le mettre en musique ; mais, devant sa fortune au roi, il n osa pas le désobliger, et fit son possible pour en tirer parti. La cour, néanmoins, ne se souciant pas d'avoir les prémices de cette pièce , Lulli la fit d'abord exécuter à Paris.
PSYCHE, ballet-anacréontique , en trois actes, par M. Gardel, à l'Opéra, 1790.
Ce sujet avait déjà été traité par Noverre et d'Auberval. Ces artistes ne s'étaient point imités : M. Gardel n'a imité ni l'un ni l'autre.
Jusqu'ici l'on avaitadmiré la fécondité de M. Gardei, dont la danse noble et savante avait été tant de fois applaudie. On ne croyait pas que le talent pût aller plus loin. Ne pouvant plus être vaincu par personne, dans son art, M. Gardel essaia de se surpasser lui-même : il y réussit eq. composant le ballet de Psyché.
PUDEUR A LA FOIRE ( la ) , prologue, par Le Sage et d'Orneval, à la Foire Saint-Laurent, 1727.
C'est une critique des pièces de l'Opéra-Comique. Le Sage et d'Orneval , qui en étaient les auteurs , s'étant brouillés l'entrepreneur de ce théâtre , avec se vengèrent par cette satire.
PUJOULX ( M. J. B. ) , né à Saint-Macaire en
1762, auteur dramatique, 1811.
Cet auteur a fait pour le théâtre , le Souper de Fa-
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mille j ou les Dangors de l'absence, comédie en deux actes j les Caprices de Proserpine , comédie en un acte j les Modernes Enrichis , comédie en trois actes ; VAnti-Célibataire , comédie en trois actes ; la Rencontre en Voyage, comédie en un acte , etc. Il est auteur de beaucoup d'autres ouvrages étrangers à l'art dramatique.
PULCHÉRIE, tragi-comédie, par Pierre Corneille, 1672.
Le caractère de Martian dut paraître neuf. C'est la première fois qu'on ait placé sur la scène un vieillard amoureux qui se rend justice. Pulchérie n'est pas moins remarquable : c'est une jeune princesse adorée d'un jeune homme qu'elle aime, et à qui elle préfère un vieillard. Il est vrai que le mariage ne doit pas être consommé. Cette convention qui, dans toute autre main, pouvait faire tomber la pièce, en fit tout le succès.
PULPITUM. — Chez les Romains , c'était la partie du théâtre qu'ils nommaient autrement Proscenium, et que nous appelons la scène , c'est-à-dire, lieu ou s'avancent et se placent les acteurs , pour déclamer leurs rôles. C'est ce qu'Horace a entendu lorsqu'il a dit qu'Eschyle fut le premier qui fit paraître ses acteurs sur un theâtre exhaussé et stable.
Modicis instrarit pulpita tignis.
ART. POET.
Quelques auteurs prétendent que par ce mot on doit entendre une espèce d'élévation ou d'estrade pratiquée sur le théâtre , sur laquelle on plaçait la musique et où se faisaient les déclamations; mais ceux qui ont fait les
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plus curieuses recherches sur le théâtre des anciens, et surtout Boindin, ne disent pas un mot de cette estrade. Aujourd'hui , nous traduisons le mot Pulpilum, par pupitre, c 'est-à-dire , une mach~de bois ou de quélqu'autre matière solide, qui sert à soutenir un livre: ils sont surtout en usage dans les églises, où les plus grands s'appellent lutrins.
PUPILLE ( la ) , comédie en un acte, en prose, avec un divertissement , par Fagan , musique de M ouret, aux Français, 1734.
Le sujet de cette pièce est heureux, sans être neuf. L'auteur a pu en puiser l'idée dans L'Ecole des Maris. L'Ariste de cette comédie a beaucoup de rapports avec celui de la Pupille, et Isabelle n'en a guère moins avec Julie ; en un mot, si Ariste était plus vieux et Julie plus dissipée, la ressemblance serait entière. Il est rare de voir un tuteur de quarante-cinq ans, si tendrement aimé d'une jeune personne confiée à ses soins. Un tel amour n'est pas trop dans la nature ; et il fallait de l'art pour le rendre vraisemblable et intéressant; c'est à quoi l auteur est parvenu. La fatuité du marquis, les ridicules prétentions du vieil Orgon, servent à faire valoir la modestie d'Ariste ; et chaque circonstance augmente le tendre embarras de Julie. Il est bien peu de scènes aussi ingénieuses que celle où le tuteur s'écrit à lui-même, sous la dictée de sa pupille; c'est une déclaration aussi neuve que touchante; c'est le triomphe du sentiment et de l'ingénuité; en un mot, cette pièce est-le chef-d'œuvre de l'auteur. Elle lui valut, dit-on, ce qui caractérise les grands succès, beaucoup d'applaudisscmens et d'ennemis.
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Parmi les vers qui furent adressés à MUe Gaussin y qui joua le rôle de la pupille , on cite ceux-ci :
En ce jour, pupille adorable,
Que ne suis se votre tuteur !
Un seul mot, un soupir , un regard enchanteur,
Ce silence éloquent, cet embarras aimable,
Tout m'instruirait de mon bonheur ;
M'embraserait d'une flamme innocente :
Une pupille aussi charmante
Mérite bien le droit de toucher son tuteur.
PURE (l'abbé MICHEL DE) , né à Lyon , en 1640'La sainteté de son ministère ne l'empêcha pas de faire deux pièces de théâtre Ostorius, et les Préoieuses. Il avait de l'esprit et de l'amabilité ; mais sa figure était difforme. Ce fut pour faire allusion à ce défaut que Boileau a fait les deux vers suivans :
Quand je veux d'un galant dépeindre la figure ,
Ma plume, pour rimer, trouve l'abbé de Pure.
PUVIGNÉ ( Mlle ) , danseuse de l'Opéra.
Elle eut de la célébrité ; mais elle quitta de bonne heure le théâtre, se retira avec la pension, et se maria en province. Comme elle était fort jolie, et remplie de grâces, on fit en son honneur ces quatre vers :
Que de grâce, que de justesse ,
Et d ans vos pieds et dans vos bras !
Jeune Puvigné, la Jeunesse
Et Terpsichore ont moins d'appas.
PYGMALION, acte d'opéra, par la Motte, musique de la -Barre , 1700.
Cet apte faisait partie du ballet du Triomphe des
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Arts, que la mauvaise musique de la Barre empêcha de réussir. Plusieurs années après, Balot de Sovot fit quelques changemens et quelques augmentations dans le poëme, et Rameau y mit de laI nouvelle musique ; c'est un des bons ouvrages de ce grand musicien.
PYGMALION, comédie en trois actes, en proe, avec un divertissement, par Baurans, Romagnésy et Procope , aux Italiens, 1741.
Timandre combat le dessein qu'a formé Pygmalion de vivre dans un célibat perpétuel. Ce dernier répond à son ami, que Vénus ne s'est que trop bien vengée de ses mépris. Timandre lui demande quelle est cette vengeance? Alors Pygmalion ordonne à Sosie, son esclave, de se retirer, afin qu'il ne soit pas témoin d'un aveu aussi extravagant. Sosie, docile aux ordres de son maître, feint de se retirer, mais se place de manière à tout entendre sans être vu. Tout-à-coup Pygmalion tire un rideau qui couvre la statue d'Agalmeris. Timandre ne peut refuser son admiration à cette belle image; mais il ne comprend rien à ce que vient de dire Pygmalion de la vengeance de Vénus. Il n'est que trop éclairci quand le sculpteur lui fait l'aveu de sa passion pour ce chef-d'œuvre de son ciseau, et lui dit que c'est pour cette même Agalmeris qu'il refuse la main de (Jléonide, dont il est tendrement aimé. Timandre , indigné du refus de son ami, veut briser la statue ; mais Pymaglion l'en empêche, et consent d'aller avec lui dans le temple de Vénus, pour prier cette Déesse de calmer sa colère. Ils- sortent tous deux ,dans cette intention.
Sosie, qui, du lieu où il se tenait caché, a tout en-
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tendu sans rien voir, reparaît aux yeux des spectateurs; il ne peut s'empêcher de rire de la folie de son maître. Nisis, suivante de Cléonide, vient s'informer chez Pygmalion du refus qu'il a fait de la main de sa maîtresse. Elle tire adroitement le secret de la bouche de Sosie, et se propose de le divulguer pour exposer Pygmalion à la risée publique. Sosie, pour satisfaire sa curiosité, tire le rideau qui lui dérobe cet objet si fatal au repos de son maître. Il en est frappé à son tour, peut-être même en devient-il amoureux. Il ne cesse de parcourir toutes les beautés qu'il découvre dans cette charmante statue ; mais quel est son étonnement quand il la voit s'animer et se détaéher de son piédestal. Agalmeris, animée par un miracle qu'on suppose être l'effet de la prière que Pygmalion vient d'adresser à Vénus, s'avance sur le bord du théâtre , et fait un monologue très-convenable à sa situation. Elle parle ensuite à Sosie, et lui demande où elle est, et ce qu'elle est. Sosie, revenu de sa frayeur, a bien de la peine à satisfaire sa curiosité sur toutes les demandes qu'elle lui fait. Ses réponses sont autant d'énigmes pour elle. Il veut essayer de lui plaire et lui parle d'amour : ce mot est encore une énigme, et cette énigme est d'autant plus obscure qu'elle ne trouve rien en lui qui puisse expliquer ce penchant réciproque dont il lui parle , et qui ne se fait entendre que lorsqu'il se fait sentir.
Pygmalion, de retour du temple de Vénus, apprend avec la joie la plus vive, que la Déesse a exaucé sa prière ; mais il trouve dans la statue animée une coquette , une ingrate, une orgueilleuse , en un mot, tous les défauts du sexe, sans aucune de ses aimables
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qualités. Il persiste pourtant à vouloir l'épouser ; maïs elle ne veut ni de son cœur, ni de sa main. Ce n'est qu'à la fin de la pièce que l'instant de son bonheur arrive. Enfin Agalmeris , touchée de sa persévérance, .lui rend la justice qui lui est due.
PYGMALION , scène lyrique en un acte , paF
J. J. Rousseau, aux Français , 1775.
Cette pièce offre le même fond que les précédentes; mais elle en diffère par les détails. C'est un nouveau genre de drame , où la musique, au lieu d'être sous les paroles , remplit les intervalles de la déclamation. Au reste cet essai obtint le plus brillant succès.
PYRAME ET THISBÉ, tragédie, par Théophile,
1617.
Scudery, l'ami de Théophile, et l'éditeur de ses œuvres, dit, dans une de ses préfaces, que la tragédie de Pyrame est un poëme, « qui n'est mauvais qu'en ce » qu'il est trop bon ; car, excepté ceux qui n'ont point de mémoire, il ne se trouve personne qui ne le » sache par cœur ; de sorte que ses raretés empêchent » qu'il ne soit rare. » Du tems même de Boileau on citait ces deux vers :
Ah ! voici le poignard qui du sang de son maître
S'est souillé lâchement : il en rougit, le traitre.
On trouve dans le même acte , et un peu avant les deux vers que nous venons de citer, une image encore plus ridicule. Pyrame , croyant que le lion a dévoré son amante , adresse ces vers à cet animal qui n'est point sur la scène :
Toi, son vivant cercueil, reviens me dévorer,
Cruel lion, reviens, je te veux adorer :
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S'il faut que ma déesse en ton sang se confonde ,
Je te tiens pour l'autel le plus sacré du monde
les deux vers suivans
Thisbé, je jure ici , la grâce de tes yeux,
Serment qui m'est plus cher que de jurer les Dieuje.
ont donné l'idée de cette chanson si connue et si agréable :
J'en jure par tes yeux, ( bis. )
Serment qui m'est plus cher que de jurer les Dieux;
Que si tu m'aimes bien, je t'aime encore mieux
L'abbé d'Aubignac nous a conservé une anecdote arrivée à l'une des représentations de cette pièce. Une jeune fille, qui n'avait jamais été à la comédie j, voyant Pyrame qui se voulait tuer, parce qu'il croyait sa maîtresse morte , dit à sa mère qu'il fallait l'avertir que Thisbé était, vivante.
PYRAME ET THISBÉ, tragédie, par Pradon,
1674.
Ce sujet, traité avec succès par plus d'un auteur, le fut assez heureusement par Pradon. L'indulgence ordinaire du public pour les premières productions , la brigue des ennemis de Racine qui voulaient lui trouver des antagonistes , quelques situalions touchantes , jointes à l'intérêt qu'on prend aux deux principaux personnages , firent la fortune de celte première tragédie de Pradon. Amestris, reine de Babylone, aime Pyrame, dont elle connaît l'amour pour Thisbé. La scène où ce jeune homme, ne sachant pas encore qu'il est aimé de la reine, la conjure de favoriser son - hymen , fut fort applaudie. Arsace, son père, est contraire à ses feux : il a découvert l'amour d'Amestris
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pour son fils , et bientôt l'ambition vient seconder la haine qu'il porte au sang de Thisbé. Bélus, fils d'Amestris , devient le rival de Pyrame , et apprend à Thisbé que la reine aime son amant : celuiCi, effrayé des menaces de son père, feint de se rendre aux desirs d'Amestris, ce qui paraît, et ce qui est effectivement indigne d'un grand cœur. L'embarras de Thisbé qui ne peut sauver les jours de Pyrame qu'en épousant Bélus, la proposition que lui fait Pyrame de prendre la fuite, leur incertitude , leur séparation , leurs adieux , leur départ , forment les endroits pathétiques de la tragédie. La catastrophe ne serait pas moins touchante, si l'auteur eût chargé tout autre qu'Arsace d'en faire le récit. Est-il vraisemblable d'ailleurs qu'un père, qu'un héros tel qu'on suppose cet Arsace, ne puisse empêcher son fils et une jeune princesse de se tuer en sa présence ? en trouve encore dans cette pièce quelques autres défauts de détails ; mais le principal est cette faiblesse d'expressions , souvent et si justement reprochée à Pradon. On l'accuse aussi d'avoir trop imité Théophile, et de s'être servi de quelques-uns de ses vers , qu'il n'a fait, pour ainsi dire , que copier. Quoiqu'il vante beaucoup la conduite de sa pièce, c'est encore un point sur lequel il a trouvé des contradicteurs. Mais on convient généralement qu'il a mieux saisi le caractère de ses personnages.
PYRAME ET THISBÉ, tragédie en cinq actes t en prose , par Puget de la Serre , 1680.
On voit que la Motte n'est point l'inventeur 4e l'idée de faire des tragédies en prose, et qu'il l'a
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prise du plus grand faiseur de galimatias qu'il y ait eu dans le dix-septième siècle. Pour faire connaître par quelle espèce d'éloquence la Serre comptait soutenir un drame en prose, nous allons rapporter l'endroit de cet ouvrage qu'il regardait avec le plus de. complaisance. Dans la première scène du quatrième acte , Pyrame avoue à Thisbé qu'il se sent tourmenter par les soupçqns de la jalousie. Thisbé lui répond : .
« Te laisses-tu déjà maîtriser à cette passion, dont » la tyrannie est insupportable ? De qui peux-tu être » jaloux ?
PYRAME.
» Du soleil qui te regarde , de l'air qui t'environne, » de la terre qui te porte, et du zéphyr même qui se » cache dans tes cheveux. Je suis encore jaloux de m toi-même ; car il me semble que ma bouche devrait » faire l'office de tes mains, n'étant pas dignes de » toucher ton beau visage. Tes regards me mettent en » peine, ne pouvant être toujours leur objet; tes sou» pirs muets , tes pensées trop secrètes, et enfin toutes » tes actions me tiennent continuellement en action, » ou pour l'envie, ou pour la crainte. » C'est ainsi que les pensées les plus gracieuses deviennent ridicules sous une plume extravagante. C'est cette même pensée que Corneille a rendue si agréablement dans Psycïiè :
PSYCHÉ.
Des tendresses du sang peut-on être jaloux?
L'AMOUR.
Je le suis, ma Psyché, de foule la nature :
Les rayons du soleil vous baisent trop souvent ;
Vos cheveux souffrent trop les caresses du vent ; ^
D ès qu'il les flatte j'en murmure.
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L'air même que vous respirèz ,
Avec trop de plaisir passe par votre bouche ';
Voire habit de trop près vous touche,
Et , sitôt que vous soupirez,
Je né sais quoi , qui m'effarouche ,
Craint parnji vos soupirs , des soupirs égares.
PYRAME ET THISBÉ , opéra1, précédé d"urt prologue ,'pâr la Serre ^ musique dé Rebeï et Francœur , à l'Opéra , 1726.
La musique en est belle , les paroles n'y répon- dent pas. L'actrice qui faisait le rôle de Thisbé avait bien le talent d'exprimer toute l'énergie de la musique ; mais elle n'articulait pas. La Serre s'én plaignit, et demanda Mlle Lemaure, dont la belle voix rendait également les sons et les mots. « Vous n'y pensez » pas:, lui dit-on; ce serait bien là le plus mauvais » service que l'on pût vous rendre. »
PYRAME ET THISBÉ, parodie en un actfe, en prose et en vaudevilles, de l'opéra de ce nom, par Dominique, Lélio fils et Romagnesy, aux Italiens , 1726. Ninus , chef des flibustiers , devient amoureux de Thisbé, malgré son premier ^engagement avec ÎJoraïde > fille du sorcier Zoroastre. Il donne sanouvelle maîtresse une fête que Zoraïde vient troubler, et elle apprend à Ninus que Pyrame est son rival. Ninûs fait m,ettre Pyrame en prison ; mais Zoroastre vient l'en délivrer. On lit sur le char dans lequel il descend : La lanterne magique. Pyrame paraît au travers d'une grille , et prie Zoroastre de prendre garde , en détruisant la tour , de l'écraser sous ses ruines. Il le supplie aussi
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de ne point faire danser les sorciers et les sorcières de sa suite, qui ne finiraient point. Zoroastre, après avoir délivré Pyrame, lui conseille de fuir avec Thisbé. Ils ne manquent pas de suivre cet avis. Thisbé arrive la première au rendez-vous, avec une lanterne qui s'est éteinte. On entend crier derrière le théâtre : et, au lieu du lion qui est dans l'opéra , c'est un cerf qui paraît. Thisbé se sauve ; Pyrame arrive et dit :
Quel monstre vient ici me couper le chemin ?
C'est un cerf échappé du faubourg Saint-Germain.
Cette plaisanterie porte sur la Chasse du Cerf, que Legrand venait de donner sans succès à la Comédie Française. Pyrame combat le cerf et le tue. Après avoir long-tems cherché Thisbé , et l'avoir demandée , selon l'usage, aux échos d'alentour, il aperçoit sa cornette, conclut spirituellement qu'elle est morte, et se donne un coup d'épée. Thisbé revient, et, le, voyant près d'expirer lui demande ce qui l'a mis dans cet état.« C'est, répond Pyrame, le désespoir ; mais je n'ai pas voulu mourir sur-le-champ ,' me doutant bien qu'il fallait raconter mon histoire. M Zoroastre le touche de sa baguette, le ressuscite et les marie.
PYRRHUS, tragédie , par Thomas Corneille,
1661.
Pyrrhus , fils d'OEacides , roi d'Epire , est élevé à la cour de Néoptolème, sous le nom d'Hyppias , fils d'Androclide , tandis que le véritable Hyppias passe pour Pyrrhus. Cet Androclide ne veut pas découvrir le secret de la naissance de ce prince, pour conserver à son fils Hyppias la couronne d'Epire. Voilà sur quel
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fondement est bâtie l'intrigue de cette tragédie qui n'est pas la meilleure de Thomas Corneille. 'Enfin, malgré la perfidie d'Androclide , Pyrrhus est reconnu par Gelon , à qui la reine a remis un billet semblable à celui d'Androclide.
PYRRHUS, tragédie, par Crébillon , 1726. Voici une tragédie où la seule grandeur d'ame intéresse et triomphe. Crébillon a sans doute voulu prouver qu'il pouvait, comme un autre, régner sur la scène sans l'ensanglanter. Glaucias , roi d'Illyrie , à qui l'enfance et les jours de Pyrrhus ont été confiés, regarde ce dépôt comme sacré. Il est prêt à voir périr son fils, plutôt que de livrer Néoptolème usurpateur du trône de ce prince, et meurtrier de son père ; Pyrrhus, qui d'abord se croit fils d'e Glaucias, ayant découvert le contraire , se livre lui-même. Sa fermeté étonne le tyran : il demande grâce à celui qu'il voulait et pouvait fairé périr. Sa fille, que Pyrrhus aime , est le gage de cette réconciliation. Voici comment Pyrrhus la motive :
Puisqu'un seul repentir peut désarmer les Dieux ,
Un mortel ne doit pas en exiger plus qu'eux.
- Il y a un grand art dans la conduite de cette tragédie, et beaucoup de noblesse dans les caractères de Glaucias, de Pyrrhus, et même d'Illyrus. Cette pièce, en un mot, est le triomphe de la vertu. Il semble que l'auteur ait voulu , par elle , se disculper d'avoir fait Atrée.'
Elle commence par un monologue, où Glaucias çeul semble s'entretenir avec les murs du palais, de es intérêts et de ceux de son fils. Legrand , qui jouait
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Je rôle de Néoptolème, en fit une critique très-piquanté dans ces deux vers :
Il est tems que j'apprenne aux murs de ce logis
Ce que c'est que Pierrot, qui passe pour mon fils.
Mais Crébillon, qui venait d'entrer au foyer lorsque le comédien s'égayait ainsi à ses dépens, le saisit a u collet, et lui dit d'impromptu :
Mauvais acteur de parodie ,
Legrand , laisse mes vers en paix ;
C'est bien assez masquer mes tragédies
Que d'y jouer comme tu fais.
.PYRRHUS , ou LES ÆACIDES , tragédie en cinq actes , par Lehoc , aux Français , 1807.
AEacides a été délrôné par Alcétas ; et Pyrrhus, son fils, élevé sous le nom d'Agenor, ne doit son salut qu'à la pitié d'Amestris , femme de l'usurpateur. Alcétas apprend ce secret; mais les prières de la reine , et l'horreur que lui inspire un crime inutile , sauvent une seconde fois les jours de Pyrrhus. Ce prince , par son courage et ses hautes vertus , mérite bientôt l'admiration des soldats et l'amour d'Iphise, fille unique d'Alcétas. Sur ces entrefaites, un général redouté , nommé Phanès , descend des monts de l'Illyrie à la tête d'une armée formidable , et se présente sous les murs de la ville. Alcétas, se voyant près de sa perte , et n'ayant d'autre ressource que celle que lui offre le courage d'Agénor, lui propose la main d'Iphise, et le déclare son héritier. Bientôt, à la faveur d'une trève, Phanès paraît lui-même ; il a une entrevue avec Pyrrhus, dans laquelle il se fait connaître pour son père, pour ce même
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AEacides qui, depuis sa chute , erre dans les déserts t en nourrissant l'espoir delà vengeance. Il lui ordonne de le suivre ; Pyrrhus hésite, partagé entre son père, son amante et la reine, ÃEacides sort furieux, et laisse son fils en proie aux plus violentes agitations. Cepen-, dant,les soldats de Phanès, excités par Alcétas, se révoltent et menacent la vie de leur général. Dans l'espoir qu'il y trouvera la mort) l'usurpateur envoie Pyrrhus au secours de son père ; il n'est déjà plus tems. AEacides est tombé sous le fer des traîtres ; mais le jeune prince est proclame Rroi par les soldats d'Alcétas qui se pré' cipite alors parmi les ennemis, et perd la vie en combattant. Pyrrhus, vainqueur, déplore la mort de son père et celle d'Alcétas , et promet à sa bienfaitrice de partager le trône d'Epire avec elle et sa chère Iphise.
Cette pièce offre de belles scènes et de beaux vers, plus de verve et plus de chaleur qu'ôn ne devait en at\endre d'un poëte à qui l'on appliquait ces vers;
Dans ma tête un beau jour cédaient se trouva,
Et j'avais soixante ans quand cela m'arriva.
FIN DU SEPTIÈME Y®S^iq|