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HISTOIRE v>\
DE LA
LITÏÊfÏTURE GRECQUE
PROFANE.
II
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On trouve chez le même Libraire: HISTOIRE ABRÉGÉE DE LA "LITTÉRATUUE" ROMAINE, par M. Schcell. 4 vol. in-8°.
HISTOIRE ABRÉGÉE DES TRAITÉS DÇ PAIX «depuis I648, .- 15 vol. in-8°.
TABLEAU DES RÉVOLUTIONS DE LEuRoPE, par Koch; nouv. édition de 1823, avec un Supplément. 3 vol. in-Bc.
Ces ouvrages se trouvent aussi : à Francfort-sur-le-Mein, chez F. Boselli ; à Berlin, chez Duncker et Humblot ; à Vienne, chez Scliaumbourg et Cie..
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HISTOIRE
DE LA
LITTÉRATURE GRECQUE
PROFANE,
DEPUIS SON ORIGINE JUSQU'A LA I^iË DE CONSTANTINOPLE PAR LES TURC^
SUIVIE D'UN FRÉCIS DE L'HISTOIRE DE LA TRANSPLANTATION DE LA LITTÉRATURE GRECQUE EN OCCIDENT.
SECONDE ÉDITION, Entièrement refondue sur un nouveau plan, et enrichie de la partie bibliographique.
PAR M. SCHOELL.
TOME SECOND.
PARIS, LIBRAIRIE DE GIDE FILS,.
rue Saint-Marc-Feydeau, n° 20.
1824.
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Ikvis.
1
L'ÉtoWnEMEJ*te 11 r du lieu de l'impression est cause qu'il est rest^\|iietq*es fautes dans le premier volume; quoi-
que la plupart soient telles, qu'un lecteur un peu attentif puisse s'en apercevoir sur-le-champ, nous avons cependant Cru devoir en indiquer ici les plus essentielles, et nous avons pris des précautions pour une révision plus exacte des volumes suivans. Nous y ajouterons quelques corrections et augmentations.
INTRODUCTION.
Pag. XVII, 1. 1. ~IletpaTTSov, IÏEipatTsov.
xxi, note, 1. 5. Au lieu de M. Spon, lisez: Jacq. Sport.
XXXIII, l. 1. Qui étoient devenus rares, lisez: dissertations qui étoient devenues rares.
xxxv, note, 2e colonne, dans l'indication des volumes, dernière ligne, au lieu de vol. 111, lisez vol. IV.
XLIV. J'observe que dans les titres de livres rapportés dans cette notice, il se trouve quelques fautes que j'ai conservées sans ajouter chaque fois le correctif sic.
X.LV, 1. 10. PnORYLIDIS, lisez PIIOCYLIDES. -- 1. 19. Thesaurus, Cornucopia , lisez Thesaurus Cornucopiae.
-- 1. 21, ajoutez: l'ouvrage intitulé : Ex commentariis Eustathii, etc. electa, est de Favorinus Camers ou Guarino de Favera.
XLVi j 1. 10. MonosLichi, ajoutez: (sic). *
XLVII, §. 3, 1. 3. èURNUTUS, ajoutez : (sic).
XLVIII, l. 5. APSINI , ajoutez : (sic).
XLIX, 1. 5. DEMOCRATE, lisez DpmoCRITE.
1.23. è pfuvc t'a; , lisez êppjmaç.
-- 1. 26. ArHRODISASI, lisez APHUODISUS.
L, 1. 4. ASPASIAS, lisez AsrAsius.
LI, 1. 1. Linairo , lisez Linacro.
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Page LU, 1. 8. BASILIACÆ, lisez BASILACÆ.
1.13. GÉOMETRI, lisez GEOMETRÆ; et PHILA , lisez PHILÆ.
LUI, 1. 11. TZETZŒ, lisez TZEl'ZÆ.
LIV, 1. 13. Il a paru deux nouveaux volumes de la collection de M. Boissonade, savoir, les deux premiers d'HoatÈRE.
iivi, 1. 5. Cambefts., lisez Combefis.
--J. dern. ASTRAMPSYLUS , lisez ASTRAMPSYCHUS.
Pag, LVI, 1. dern. ASTRAMPSYLUS , lisez ASTKAMTSYCIIUS.
LVII, 1. 2. oh, lisez oiov.
LIX, 1. 6. Zpzyme, lisez Zosime.
-- 1. il. Rayez cette ligne.
-- 1. 20. ONOSANDRE, lisez ONÉSANDRE.
LX , entre les articles de Dasypodius et Doctrina recle vivendi, ajoutez : Dindorf( Guillaume). Sa collection grammaticale.
Graumatici graeci, 'vol. I. HERODIANUS,~ nEp;, btovipouq As~Mc Varietas lectionis ad Arcadium. Favorini Eglogse. Lips., 1823, in-8°.
Pag, LXII', 1. 4. Alterae, lisez saltim.
-,- 1. 8. Quidem, lisez quidam.
LXIV, 1. dern. NONUS, lisez NONNUS.
LXV, 1. 7. Emendatiores, lisez emendationes, LXVI, 1. 8 d'en-bas. Pindare, lisez Théocrite.
LXXIII, 1. 7 d'en-bas. HELLENICUS, lisez HELLANICUS.
-- 1. 5 d'en-bas. Labbé, lisez Labbe.
LXXIX, 1. 7. Après Avopéou, ajoutez MOY(7RO £ VC5OU ZAI.
-- 1. 5 d'en-bas. A la place du mot que le compositeur a estropié, lisez PHOCYLIDE.
-- 1. dern. JUSTII, lisez JUSTINI.
LXXXI, 1. 6. Irorarpovç , lisez imnzzpovç.
Lxxxv, 1. 21. D'Acarna, lisez d'Acarnauie.
LXXXVIII, 1. 7 d'en-bas. Emendala, lisez emendatio-
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TEXTE.
Pag. 8, 1. dern. AGATHARCIIIDAS , lisez ACATHARCIIIDÈS.
————— CCLI, lisez CCL.
01, 1. 2. OCOtOOç, lisez ~ocotOOç. v 46, 1. iv3. Au lieu de J. A. Baifous, lisez : par Fred. Morel, avec la traduction de J. A. Baif. « - 1. 21. Hermesionax, lisez Hermesianax.
5j, 1. 21. M. Ang. Maio. C'est ainsi que j'ai entendu nommer ce savant, même en Italie; cependant, sur le titre d'une de ses dernières compositions, il s'est nommé Mai.
5g, 1. 8. Sto&yxou, lisez Sta £ rvpux.i.
:64, 1. 5 d'en-bas. Æginuse, lisez Ægiruse.
82,1. 5 d'en-bas. Chamois, lisez chameau.
il3, 1. antépén. Réparer, lisez séparer.
115, 1. 11. L'étendue de l'Odyssée, lisez l'Iliade et l'Odyssée.
129, 1. 4 d'en-bas. jSu^Xtvoç ottXoç , lisez |3v(3Aivov g-¡rÀoll.
153, 1. 6. Ajoutez : L'édition de Clarke et Ernesti vient d'être réimprimée à Londres, 1823, 5 vol. in-8°.
154, 1. 12. Il n'est pas sûr que l'édition de Dion Chrysostôme, Milan, i4/6, existe.
161. On m'avertit que l'ouvrage de M. Lamberti a paru sous le titre de Osservazioni sopra alcune lezioni della Iliade di Omero. Milano, 1813, in-8.
368,1.6 d'en-bas. CINETHON, lisez CYNETHON.
175, note 1, 1. pénult. Gregoriades, lisez Georgiades.
176, 1. 16. rj oM, lisez YJ otrj.
181, 1. 6 d'en-bas. Loener, lisez Lœsner.
181 , 1. 2. Heindius , lisez Heinsius.
-:.- 1. 7 d'en-bas. JLpsafio), lisez Xpr/Cfxot.
187, 1. dern. Callinum , lises Callinoum.
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Pag. 191,1. dern. aer/xa, lisez Çcjxa.
197,1. 1. Timocrate, lisez Timocreon.
2QB, L 2. Parcos, lisez Paries.
2og, 1. 6 d'en-bas. Et Gaisford, lisez Gaisford et BOÍN;onaù.
240, 1. 10. Bentley, Usez Thom. Bentley.
254, l. 7. Effaeer ces mots : en 1487 ou, .'après une autre notice.
263 1. 5. vpzvoLioi, lisez ~vphatiot.
273, 1. 1 des notes: <îs coq tq Xfêloq 3. Peur ces mots estropiés , lisez : Si sou ià x~~ '5' 298,1. 7 d'en-bas. 15eg, lisez 1599.
- 1. 4 4'ep-bas. Après 1593, iJi-fol., ajoutas : Il y a une édition grecque-latine de Fréd. Morel, Pvis, i595, in-40.
—— 1. 3 d'en-bas. Thom. Gale, lisez Servaes C.lle.
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HISTOIRE
m
DE LA
LH΃RATURE GRECQUE.
SUITE
T$ÊP$ÈtfvRE TROISIÈME,
Ou de l'histoire de la littérature grecque, depuis Solon jusqu'à Alexandre-le-Grand, 594.-336 ans avant J.-C.
CHAPITRE XI.
De la Poésie dramatique1 en général, et de-la Tragédie attique en particulier. L'ORIGINE de la poésie dramatique tient à la religion des Grecs. Des chœurs composés d'acteurs qui, en dansant et chantant au son de la musique, représentaient quelque fable relative à la divinité
1 Voy. Brumoy , Théâtre des Grecs ; nouv. éd. soignée par M. RaoulRochette. Paris, 1820 et suiv., in 80. — G. F. Kanngiesser die alte komische Bühne von Atheu. Breslau , 1817, in-8oJ)ans ce livre, plein d'érution et de paradoxes, il est aussi question ae la tragédie grecque.Guill. Schneider de originibus trag. gr. Vratisl., 1817, in-8°.
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dont on célébroit la fête, faisoient une partie essentielle du culte public. C'çst ainsi qu'Hérodote nous raconte 1 que les habitans de Sicyone représentoient par des chœurs les aventures d'Adraste, un de leurs anciens rois qu'ils révéroient comme une divinité. Quoique ce culte fût antérieur à l'époque où la poésie dramatique prit naissance et où elle se partagea en deux branches, l'une tragique et l'autre comique, Hérodote, par une espèce d'anachronisme , appelle tragiques les chœurs des Sicyoniens, parce qu'ils représentoient les malheurs d'Adraste , TOC IRDC2rea, et Suidas 2, ainsi qu' Apostolius et Photius 5 nomment le Sicyonien EPIGÈNE comme l'auteur clé la tragédie. Thémistius dit expressément : La tragédie a été inventée par les Sicyoniens, et perfectionnée par les Athéniens 4.
D'un autre côté, le père de l'histoire raconte que , les Eginètes ayant enlevé aux Epidauriens dçux antiques statues sculptées en bois d'olivier, et représentant Damas et Anxesias, divinités indigènes des derniers, ils les placèrent dans un endroit situé au milieu de leur île, et, à l'imitation des Epidauriens, instituèrent en leur honneur des chœurs de femmes dirigés par des chefs du sexe masculin, pour représenter ce que , par un autre anachronisme, on pourroit appeler des drames comiques 5.
1 Lib. V , ch. 67. 1
- 2 In v. ©ÉŒJTIÇ.
3 L'un et l'autre dans l'explication du proverbe : Ouen." TOO; Acovvao».
4 Orat. XIX, p. 487. "IIIf'
s Herod. V , 83.
f
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Des chœurs semblables à la fois à ceux de Sicyone et à ceux d'Egine , existoient à Athènes et faisoient partie des fêtes de Bacchus. Imitant tantôt par leurs gestes, leurs danses et leurs chants, les expéditions de Bacchus et les autres événemens de sa vie toute miraculeuse ; s'abandonnant tantôt à l'ivresse qu'inspiroient les plaisirs de la vendange auxquels ces représentations appartenoient 1 , ils vantoient tour à tour les bienfaits de la divinité à laquelle ils devoient la vigne , et immoloient à la; risée publique soit des particuliers qui n'osoient s'offenser de cette licence, soit des magistrats qui, en la supportant, rendoient hommage à l'égalité, qui constituoit la base du gouvernement. Sautant autour des images obscènes que dans les processions sacrées on portoit en triomphe, les Faunes composant le cortège de Bacchus, nemettoieritpas de frein au délire qui s'emparoit d'eux, ni à l'indécence des propos qu'ils lançoient autour d'eux.
Il paroît que dans l'origine les chants de ces chœurs n'étoient accompagnés d'aucune action dans le sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot, ou d'aucune fable, comme on s'exprime aussi ; car nous trouvons des poésies lyriques du genre tragique aussi bien que du genre comique, à une époque antérieure à l'invention du drame : telles étoient sans doute les poésies que chantoient les chœurs de Sicyone et de l'ile d'Egine dont nous avons
1 C'étoit proprement lorsqu'on meltoit le vin en perce que ces fêtes avoient lieu, plutôt qu'à la vendange. 1
, a
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parlé.- Plus tard quelques directeurs des solennités dionysiaques ou quelque chef de chœur s'avisa d'interrompre de temps en temps le chant des chœurs par la représentation grotesque d'une scène ou action qu'on appeloit êpScpoi, drame, ou ~iTrecaoScov , épisodion, c'est-à-dire , entracte ou ce qui interrompait le chant, ou bien tragédie 1. Il est probable que le meurtre de Bacchus ou d'Osyris par Typhon étoit un des sujets les plus ordinaires de ces drames.
Les acteurs qui les exécutoient, et par la suite les auteurs qui les çomposoient, étoient censés appartenir à-Bacchus , et être placés sous sa protection immédiate , comme ministres des fêtes qu'on célé broit en son honneur. Insensiblement, et par des causes dont la tradition ne nous à conservé qu'un souvenir imparfait, il se forma trois genres distincts de représentations qui firent naître trois branches de littérature, savoir : la tragédie proprement ainsi nommée, la comédie et le drame satyrique.
Dans les fêtes qui se célébroient annuellement à Athènes en l'honneur de Bacchus ( fêtes sur lesquelles nous allons revenir) , on ouvroit des concours poétiques ( ayœvzç ~pouaixoi) dont la représentation de pièces de théâtre faisoit partie. Le poëte qui prétendoit disputer le prix , devoit produire quatre ou au moins trois drames faisant ensemble
cieunement le mot de tragédie étoit un mot commun qui comprenoit aussi la comédie; plus tard, le nom commun resta à la tragédie, et la comédie eut son nom propre. »
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, une fable complète, et dont chacune en particulier pourrait être comparée à une, statue isolée appartenant à un groupe. Dans ces quatre pièces devoient se trouver trois tragédies et une pièce satyrique.
Une suite de quatre pièces étoit appelée tétralogie ; les- trois tragédies seules Formoient la trilogie.
Les Athéniens n'avoient pas, comme les peuples modernes, un théâtre stable et permanent , journellement ouvert aux plaisirs du public. Nous l'avons dit, les représentations dramatiques appartenoient aux fêtes religieuses, et n'avoient lieu qu'à l'occasion de ces fêtes. Sous le nom de Bacchus ou - de Dionysos, les Athéniens comprenoient trois espèces de divinités dont le culte leur av-oit été apporté à diverses époques. Le plus ancien leur étoit venu de l'Orient par la Thrçice : le Dionysos qui en étoit l'ob jet, portoit le surnom de ^vseïos, parce qu'il étoit né sur le mont Nysa; c'est le même que le Bacchus Indien. Son temple étoit-placé dans le quartier appelé Limnse, lui-même en étoit nommé Limnéen. Ce templen'étoit ouvert qu'une foispar an, au mois d' Anthesterion, répondant à nos mois.de février etmars. Un sacrifice solennel y étoit porté par l'épouse du Basileus ou roi, un des Archontes, accompagné.e de quatorze dames choisiespar ce magistrat. Elles y.célébraient pendant trois nuits les mystères du Dieu, et la reine étoit regardée comme sa fiancée. Les trois jours qui les sui voient étoient consacrés aux plaisirs de la table : le premier étoit nommé Pithœgie, perce-tonneau, parce qu'on per-
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coit avec certaines cérémonies le vin nouveau. le second jour, les Choes, on s'en régaloit, et on traitoit ses amis. Le troisième jour étoit la fête des pots, les C/zytres; ce jour étoit consacré aux morts; on offroit à Mercure des légumes cuits dans des pots et l'on chantoit des dithyrambes. En général les Anthestères ou la fête du Bacchus Nyséen avoi.ent un caractère sérieux et grave en comparaison des autres Dionysiaques. —»
La seconde fête, ou les Dionysiaques de la ville, roc iv açei, étoit célébrée en l'honneur de Bacchus Eleuthérien, ainsi nommé parce que son culte étoit venu aux Athéniens d'Eleuthères, ville de la Béotie.
Cette fête.tomboit au mois d'Elaphebolion (mars).
La statue du Dieu étoit portée en procession de son temple dans une chapelle située hors de la ville, à l'Académie. Le service se faisoit par des vierges qui portoient dans des corbeilles d'or les prémices des champs. La fête étoit bruyante et licencieuse ; en suivant la procession on portoit des phallus et l'on chantoit des chants obscènes. Après avoir placé la statue dans son sanctuaire , le peuple s'assevoit sur des sièges préparés au Céramique, et s'abandonnoitàla gaité la plus bruyante. Bacchus Lenéen, le fils de Sémélé, chassé de la Béotie par Penthée , fut reçu dans l'Attique ou réapoit Pandion. Icarius et sa fille Erigone qui habitaient le bourg d'lcaria, lui accordèrent l'hospitalité, et il leur montra la culture de la vigne. Par la suite on lui construisit à la campagne, en un endroit
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inconnu , mais qui probablement étoit situe dans le voisinage d'lcartà, un temple qui fut nommé - le Lennon. C'est là qu'au mois de Posidéon ( décembre), oncélébroitles Lenéennes ou les Diony siaq ues de la campagne. Le Basileus y présidoit, et, dans les mystères de cette fête, le dieu étoit appelé sous le nom d'Iacchos. Des étrangers .pouvoient prendre part aux réjouissances auxquelles on S'abandonnoit pendant trois jours : le premier étoit nommé Théœnie : les familles y sacrifioient à Bacchus; au second jour, nommé Ascolies y des- farceurs sautoient sur des outres huilées ; le troisième jour, ou aux Lenéennes proprement dites, avoient lieu toutes sortes de jeux et d'amusemens.
Ce n'étoit' qu'aux grandes Dionysiaques de la ville, et aux Dionysiaques de la Campagne, qu'on donnoit des représentations théâtrales, les Anthestères étant une fête trop grave pour ce genre de réjouissances; mais il n'y avoit de concours dramatiques qu'aux Dionysiaques de la ville J. Il paroît
1 Ruhnlcen ( Auctar. ad Hesych. v. ~Aiovvtaa ) et Barthélémy (Vol.
XXXIX, p. 172 des Mém. de l'Acad. des Juscript. et Belles-Lettres), admettent aussi trois sortes de fêtes , savoir : les Dionysiaques de la campagne du mois de décembre , les Lenéenues au mois d' Anthstérion, et les Dionysiaques de la ville au mois d.'Elaphébolion. Us disent qu'ou représentoit des drames le troisième jour des Lenéennes qu'ils appellent Chytres , et aux deux autres fêtes. Nous avons suivi M. P. P. Kangiriesser ( Alte kom. Bîîhne in Athen , Breslau, 1817, in-Bo), qui nous paroît avoir réfuté Ruhnken. Voy. aussi l'article de M. Bœcich daus AbhandJ. der Berliner Acad. der Wissensch. 1816—1817. Hist. philol. Classe, p. 47, qui croit également que les Chytres appartiennent aux Anlheslères, et que cellesci sont différentes des Lenéennes.
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qu'aux jours de spectacle, le théâtre s'ouvroit au lever du soleil, et que le public pouvoit, sans désemparer, assister à toutes les pièces produites par les divers concurrens, ainsi quelquefois à neuf tragédies et à trois pièces satyriques. Cinq juges proclamoient ensuite le vainqueur, et adjugeoient les prix.
Les théâtres des Grecs n'avoient pas ce que nous appelons un répertoire; les pièces qui avoient une fois concouru n'étoient pas représentées une seconde fois, à moins que des changemens faits par les auteurs, ou des circonstances particulières, n'engageassent les poëtes à les offrir encore une fois au public, et à courir de nouveau la chance d'un jugement, toutefois après avoir laissé écouler un certain espace de temps après le premier. Cette circonstance explique la richesse de la littérature grecque en pièces de théâtre. Les anciens citent au moins deux cents tragédies du premier ordre, et cinq cents du second. Le nombre de celles d'un mérite inférieur est bien plus considérable encore.
On compte environ autant de comédies Qu'il nous reste peu de ces trésors!
Les pièces destinées au concours étoient pré-
1 Ce calcul est de M. Wolf. Ce savant observe aussi que les grands auteurs dramatiques étoient extrêmement féconds ; que peu d'entre eux ont laissé' moins de soixante pièces, que quelques-uns eu ont fourni jusqu'à cent vingt. Et ces auteurs n'étoient pas des hommes de cabinet ; c'étoient des citoyens chargés de l'administration publique el du commandement des armées. Voy. Wolf und Buttmann Muséum der Alterthumskunde , .vol. I, p. 62.
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sentées au premier archonte. Lorsqu'après un examen préliminaire, ce magistrat les jugeoit dignes de paroître, il assignoit au poëte un chœur : sans cet ornement nécessaire et essentiel, aucune pièce ne pouvoit paroître sur le théâtre. Les tragédies devoient être exécutées avec tout l'appareil de musique et de danse qui pouvoit en relever l'éclat et rendre ces spectacles dignes de paroître sous les auspices d'une divinité. Les frais de cette pompe étoient fournis par des citoyens aisés, auxquels les tribus d'Athènes décernoient cet honneur. Ceux qui avoient obtenu une preuve si marquante de la faveur populaire, s'efforçoient de répondre par la plus grande magnificence à l'opinion qu'on avoit de leur générosité; ils rivalisoient entre eux p'our amuser une multitude qui exercoit le pouvoir suprême dans ses assemblées, et devoit naturellement juger dignes. des premières places du gouvernement, ceux qui avoient réussi à la divertir.
Les fonctions du poëte ne se bornoient pas, comme chez nous, à fournir les paroles à des artistes exercés dans l'art de la déclamation. S'il vouloit que sa pièce réussît, il devoit lui-même former sa troupe, lui distribuer les rôles, les faire étudier et répéter. Il ne suffisoit pas d'avoir exercé les acteurs dans la déclamation et le jeu ; il falloit encore instruire le chœur dans l'art d'accorder ses mouvemens à la voix du coryphée. Souvent les poëtes eux-mêmes se mêloient parmi les acteurs, et se chargeoient d'un des rôles les pfus difficiles.
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Leur tâche pénible étoit exprimée par ces mots : ScSdaxetv Spapa, enseigner un drame, répondant à ceux de- donner une pièce au théâtre, dont nous nous servons. Les poëtes, sous ce rapport, étoient nommés mattres" ScSœjxodoc ; on appeloit enseignement , SiSoujxaXùx, l'instruction qu'ils donnoierit aux acteurs. Néanmoins la signification de ce dernier mot changea par la suite : on l'employa pour désigner un petit ouvrage , ou , s'il nous est permis de nous servir d'une expression très-moderne, la notice littéraire qui faisoit connoître le titre .et le sujet d'une pièce, l'année où elle avoit été jouée, le succès qu'elle avoit obtenu, le nom du poëte et des acteurs. Aristote et les grammairiens d'Alexandrie ont composé de pareilles didascalies, qui, sans doute, étoient accompagnées d'observations critiques et de goût. La perte de ces notices doit être infiniment regrettée : elle nous laisse dans l'ignorance sur. une foule de détails relatifs au théâtre grec.
Après ces observations générales sur l'art dramatique des Grecs, nous allons nous occuper de leur tragédie.
L'étymologie du mot de tragédie est incertaine.
Peut-être ce drame étoit-il ainsi nommé, parce qu'un -bouc étoit le prix du vainqueur, de ~rpdyoç, bouc. La tragédie fut un perfectionnement du chœur bacchique des fêtes religieuses, et pendant long-temps elle conserva des traces de cette origine. Le choeur en étoit une partie principale et
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fondamentale. Cette partie du poëme étoit lyrique, et, comme les autres poëmes lyriques, le chœur se composoit de trois stropkes 1. Dans la tragédie grecque, il est chargé de l'exposition de la fable ; il se place comme une espèce de médiateur entre les dieux et l'homme qu'il tâche de réconcilier avec l'inflexible Destin ; il saisit toutes les occasions qui se présentent pour inspirer des sentimens religieux; il loue les dieux et les justifie contre les reproches injustes des malheureux ; il rappelle des faits analogues à ceux qui se passent sous ses yeux, et en tire des présages pour l'issue de ceux auxquels il s'intéresse ; il calme les passions des mortels; il les console et les soutient dans l'infortune; il leur fait entendre le langage de la sagesse et de la modération y lorsque l'orgueil ou la douleur va les emporter; quelquefois il soulève le voile qui cache l'avenir, et jette un regard prophétique sur les maux qu'il prépare. Il avertit de l'instabilité de la fortune ; il réunit ses gémissemens à ceux des malheureux pour qui il n'existe plus de motif de con- solation; il participe à la joie de ceux qui obtiennent des succès. Souvent les réflexions auxquelles il se livre l'entraînent loin du sujet; mais il y revient toujours promptement. Il ne quitte jamais la scène; il accompagne toujours les acteurs, mais sans prendre à l'action une part qui pourroit compromettre son caractère. Sa présence , mdispen*sable dans des pièces qui n' étoient pas, comme les
1 Ycy. Vol. I, 280.
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nôtres, divisées en actes, est aussi très-utile pour maintenir l'unité de l'action, parce qu'il empêche les interlocuteurs de s'écarter trop loin du sujet, ou les y ramène, si cela devient nécessaire.
Le chœur se compose ordinairement de vieillards dont les passions ont été émoussées par l'âge et par l'expérience , ou de jeunes vierges dont l'âme n'est pas encore flétrie par le vice : ces vieillards et ces filles sont également doués du calme qui est nécessaire au rôle qu'ils sont appelés à jouer.
Dans les premiers temps, les chœurs étoient trèsnombreux; Eschyle- avoit fait entrer cinquante personnes dans le chœur terrible des Euménides ; mais après la représentation de cette pièce, il fut cjéfendu de composer un chœur de plus de quinze acteurs.
Le chœur se partageoit en deux moitiés, dont chacune avoit son chef de file ou orateur, nommé Coryphée, ~xopucpcxTo; ( de xopvytrj, tête ). Les deux sections réunies étoient dirigées par un chef commun nommé Chorège, ~xoprriàç ou p.EaÓxopoç. Lorsque le chœur prenoit part au dialogue, cela se faisoit parl'intermédiaire du chorège ou des coryphées. Lapartie proprement lyrique du chœur étoit chantéepar l'ensemble de-tous les individus dont il se composoit, et accompagnée de la flûte. Lorsque le chœur étoit en mouvement, il remplissoit l'orchestre., op7 X.,)ç-pcx. Se tenoit-il tranquille, il occupoit la thynzelfi, SvpeXri j espèce d'autel placé dans l'orchestre :
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'de cette station élevée il 4toit spectateur de l'action qui se passoit sur la scène.
Nous avons dit que les tragédies grecques n'étoient pas divisées en actes; en effet elles ne forment qu'une seule action continue et non interrompue ; toutefois cette action est coupée en parties, parce qu'il arrive que plusieurs fois les acteurs quittent la scène qui est alors occupée par le chœur seul. C'est de ces coupures que les modernes qui n'avoient pas de chœur, ont fait des actes, laissant le théâtre vide, et c'est d'après cet arrangement moderne que quelques éditeurs ont partagé les tragédies grecques en actes.
Une observation qu'il ne faut pas perdre de vue, en jugeant le théâtre grec, c'est que l'importance et pour ainsi dire la grandeur de l'action, ainsi que la force des passions mises en jeu , étoient regardées par les anciens comme les qualités les plus essentielles de la tragédie, tandis que la vérité des caractères n'étoit à leurs yeux qu'un mérite secondaire.
Les sujets des tragédies étoient puisés dans la mythologie et dans l'histoire ; mais les caractères étoient donnés, si nous pouvons nous exprimer ainsi; on laissoit aux poëtes plus de liberté pour changer la fable ou altérer l'histoire , afin de produire des situations intéressantes.
L'épopée et l'élégie s'étoient formées en lonie ; la poésie tragique naquit sur le sol de l'Attique.
Telle est au moins l'opinion commune, qui a prévalu parce qu'il ne nous est pas resté de trace d'une
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tragédie plus ancienne, et que les notions qu'Hérodote et Théraistius nous ont données de la tragédie dorienne ou sicyonienne 1 * antérieure à celle d'Athènes, se rapportent à la représentation de chœurs sans action qui étoit usitée dans le Péloponnèse. Ainsi Suidas a confondu deux genres.de poésies qui n'avoient de commun que le nom, lorsqu'il dit que Thespis d'Icare ne fut que le seizième auteur de tragédies après Epigène de Sicyone. Avec autant de raison on pourvoit donner la qualité de tragédies doriennes aux odes de Pindare qui étoient plutôt jouées que chantées.
THESPIS d'Icare, bourg de l'Attique, contemporain de Solonet de Pisistrate, est regardé comme l'inventeur de la tragédie, dans le sens que dès lors on attacha à ce mot, ou de la tragédie attique. Il règne beaucoup d'obscurité sur les changemens introduits par ce poëte, parce que malheureusement l'ouvrage du péripatéticien Chamœléon d'Héraclée, qui en traitoit, s'est perdu. Sa première innovation paroît avoir eu le chœur pour objet : avant Jui, les acteurs dont il se composoit, masqués en Satyrs et s'abandonnant à toute la licence que ce costume autorisoit, amusoient les auditeurs par leurs chants bacchiques et dithyrambiques et par leurs gambades; et celui d'entre eux qui réunissoit les suffrages de la multitude, obtenoit .pour prix un bouc. Thespis paroît avoir assigné au chœur un rôle plus décent et plus grave. Pour lui
1 Voy. p. 2.
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laisser le temps de se reposer par intervalles, il lui adjoignit un acteur qui débitoit un récit ou représentait une action qui se rapportait aux chants du choeur, et qui étoit de nature à exciter la commisération ou à inspirer la terreur Dès lprs Ba.c- chus et ses exploits n'étoient plus l'unique sujet de v ce divertissement populaire, et c'est probablement à l'occasion de cette innovation hasardée par Thespis, qu'on entendit cette exclamation des spectateurs devenue proverbe : ~Ou<5èv Trpbç rov Acovvaov, cela n'a rien de commun avec Baccchus. Vers la 54e Olympiade , le sévère Solon interdit à Thespis de jouer ses tragédiesqu'il appela d'inutiles mensonges la.
Cette défense subsista pendant vingt-cinq ans. Lorsque Pisistrate la leva, Thespis reparut avec un nou-
vel éclat ; il avoit eu le temps de perfectionner son invention, et il s'étoit formé des poètes qui pouvoient concourir avec lui : ce fut alors que, d'après le marbre de Paros3, Thespis vainquit pour la
1 Ce motif est attiibué à Thespis par DIOGÈNE DE LAERTE , Ill, n° 56. On dit communément que cet acteur montoit sur un char. Cette opinion se fonde sur ces vers d'Horace :
Ignotum tragicse genus iuvenisse camœnas Dicitur, et plaustris vexisse poemata Thespis.
Mais aucuu auteur antérieur à Horace ne parle du chariot de Thespis, et il paroît que le poëte romain a confondu" la comédie et la tragédie la première, dans son origine, étoit ambulante; mais la tragédie, née dans la ville d'Athènes, éloit représentée auprès de l'autel de Bacchus. Yo-yez G. Schneider, de orig. corn. gr. p. 5o.
2 Voy. DIOG. LAERT. I, n. 5g.
3 L'an 5^7 avant J.-C.
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première fois dans un combat tragique. Suidas nous a conservé les titres de quatre tragédies de ce poëte, savoir les Prix ~( aôÀoc), Pelias ou Phorbas, ,les PrJtres, les A do lescens et Penthée. Il n'en reste que deux fragmens d'une authenticité douteuse que rapportent St. Clément d'Alexandrie 1 et Plutarque 3- un troisième, composé d'un seul vers, se lit dans Pollux 3.
PHRYNICHUS d'Athènes , disciple de Thespis 4, , choisit l'espèce de vers qui convient préférablement au drame, savoir, les ïambes tétramètres ou à huit syllabes, et introduisit quelques autres changemens, sans pouvoir faire sortir la tragédie- de son enfance , gloire qui étoit réservée à Eschyle dont il vit encore les succès. Ainsi que Thespis, il n'employoit qu'un seul acteur qui, sans doute, changeoit de costume pour représenter successivement divers personnages ; mais Phrynichus Introduisit les rôles de femmes qu'il faisoit représenter par le moyen de masques. Dans quelques-unes de ses pièces, le chœur aussi étoit probablement composé de femmes. Les tragédies de ce poëte se distinguoient par la fréquence des danses qui .y étoient entremêlées; il aimoit lui-même ce genre d'exercice et le professoit. Phrynichus composa cette tragédie dont Thémistocle fit les frais avec une ma-
1 Stiom. V.
a De aud. poelis.
5 Lib. VII, i3.
4 5i2 ans avant J.-C.
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gnificence qui lui fit décerner un prix ; victoire dont ce capitaine voulut. perpétuer le souvenir par le moyen d'une inscription gravée sur une table. Plutarque, qui nous apprend cette particularité ', ne nomme pas cette pièce : c'étoitprobablement celle qu'il avoit intitulée les Phénisses ou les Perses. Sa Prise de Milet fit un si grand effet sur les spectateurs, que les Athéniens condamnèrent le poëte à une amende pour le punir d'avoir rouvert une plaie si sensible à la nation et si peu ,honorable aux généraux grecs. Il est vrai-que Suidas attribue cette pièce à un des autres Phrynichus, car il a existé quatre poëtes de ce nom ; mais Bentley a prouvé le premier qu'un seul d'entre eux a composé des tragédies 3. Outre les deux que nous venons de nommer, on cite encore ses Egyptiens, son Actéon, son Alceste, Andromède, Antée ou les Libyens, les Danaides, Erigone, etc. �
CHOERILUS d'Athènes, contemporain d'Eschyle, est le premier dont les tragédies sont citées comme ayant été écrites3 ; c'est lui qui, dit-on, donna un
1 In vita Themist. , p. 208. ( Ed. de Reiske, vol. I ,"p. 449. )
S Voy. Dissert. Phalar. p. 235, et Burette dans les Mém. de l'Acad.
des Inscr. et Belles-Lettres, vol. XIII , p. 275.
5 Dans un passage emprunté du Linus d'Alexis, où l'institutenr d'Hercule dit à celui-ci de choisir un livre dans sa bibliothèque, et lui nomme Choerilus, Il est vrai qu'il nomme aussi Homère et Hésiode , dont les poésies, d'après l'hypothèse modnlle, n'étoient pas écrites à l'époque de Linus et d'Hercule; mais Alexis, qui pouvoit commettre un anachronisme à l'égard de ces deux. poëtes, devoit savoir si les drames de Choerilus existoient par écrit. Le passage dont il s'agit se trouve dans ATHÉ.
Nt-F,, lib. IV, p. 164. (Vol. II, p. 138 de l'éd. dc Schweigh.).
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costume aux acteurs. Les Athéniens construisirent en sa faveur le premier théâtre. Les anciens lui attribuent cent cinquante pièces qui, peut-être, n'étoientque des canevas. Elles sont entièrement perdues. Il est probable que ce poëte a été l'inventeur du mètre que les grammairiens latins appelèrent Chœrilium. Il ne faut pas confondre Chœrilus le poëte tragique avec Chœrilus de Samos, ni avec un autre Clioerilus, esclave, qui, au dire d'Hésychius ', eut part aux comédies de son maître Ecphantides; ni enfin avec le contemporain d'Alexandre-le-Grand.
Ce que l'art dramatique doit à Thespis, Phrynichus et Chœrilus, est peu de chose en comparaison des progrès qu'Eschyle, Sophocle et Euripide lui ont fait faire. Ce n'est que de ces trois grands portes qu'il nous reste des tragédies entières ; c'est .par leurs pièces que nous pouvons juger du degré de perfection où les Grecs ont porté ce genre de poésie. Il est permis de douter cependant que les productions de ces poëtes nous soient parvenues telles qu'elles sont -sorties de leur imagination. Indépendamment des corrections que les auteurs de pièces de théâtre eux-mêmes y faisoient après la représentation, les tragiques ont eu, comme les poëtes épiques, leurs diascevastes qui ont fait à ces pièces des corrections et des additions. On dit que celles d'Eschyle ont été retouchées par BlON et Eu-
1 V. ÉXXT^OTPIXUPCVTI.
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PHORION, ses fils, ainsi que par PHTLOCLÈS et AsTYDAMAS. Le même service, si c'en fut un, a été rendu à Sophocle par ses fils IOPHoN et ARISTON, et par le fils du dernier qui portoit le nom que son aïeul a illustré. GÉPHISOPHORE a, dit-on, aidé Euripide dans la rédaction ou correction des siennes.
Le véritable père de la tragédie , celui qui , le premier, lui donna une forme régulière, fut ESCHYLE d'Eleusis1, fils d'Euphorion. Il combattit pour l'indépendance de sa patrie aux batailles glorieuses de Marathon, de Salamine et de Platée, et passa la dernière partie de sa vie à la cour de Hiéron de Syracuse, qui avoit fixé auprès de sa personne Epicharme , Simonide et Pindare. Il mourut en Sicile, écrasé, dit-on, par la chute d'une tortue qu'un uigle laissa tomber sur sa tête.
Avant Eschyle, la fable n'avoit été que la partie secondaire, l'épisode de la tragédie; il en fit la partie principale et lui donna une liaison intime avec les chœurs, de manière que l'une ne pût se passer de l'autre. Pour produire cet effet, il ne suffisoit plus qu'un seul acteur vînt s'entretenir avec le chœur.. Eschyle lui adjoignit un interlocuteur et introduisit ainsi sur la scène un dialogue auquel le choeur no prenoit pas nécessairement part, ou ne prenoil P_!s continuellement part. Telle fut la grande révolution qu'Eschyle opéra par ses premières pièces. Dans la suite, à l'exemple de
« Né 01. LXIII, 3.-525 avant J.-C. Mort 01. LXXXI, 1 — 436.
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Sophocle qui venoit d'entrer dans la carrière du théâtre, il établit un troisième acteur et quelquefois même un quatrième. Le nombre des personnages étant ainsi multiplié, ils ne pouvoient plus être tous de la même importance : un seul d'entre eux devenoit l'objet principal de l'intérêt Dès lors le rôle du chœur fut abrégé 1.Eschyle donna à ses acteurs des masques ; il les revêtit d'un costume décent et analogue à la fable qu'ils exécutoient. Ses pièces sont pleines d'idées hardies.; il y règne une certaine grandeur qui n'est pas sans quelque rudesse. Le Destin que rien ne sauroit fléohir.,_plane toujours, et dans toute sa rigueur, sur la tête des-mortels. Ce poëte aime mieux produire sur la scène des dieux ou des demi-dieux que d'y faire paroître de simples humains. Il se plaît dans les tableaux de guerre et de violence.
Sa diction est passiomiée, sublime, souvent lyrique et obscure. Il inspire la terreur et rarement la pitié.'Ses plans sont d'une extrême simplicité ; il ne connoît pas l'art de nouer ou de dénouer une action. Il en résulte que, dans ses pièces, l'action s'arrête quelquefois, et ce défaut devient plus sensible encore par l'artifice qu'il emploie pour le cacher, savoir, par les discours du choeur qui remplissent les intervalles. Sévère observateur de l'unité de l'action qui ne sauroit être négligée sans
1 Àoyoç 'jtpwrayuviçyiî. Voy. ARISTOT. de aite poet. c. 5. Bcettiger Prolus. de actor. primor. sec. et tert. part. in fab. gr.
* Voy. Heeren de chori gr. trag. nat. et indoJe. Golt. J704, m 4°.
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faire tort à l'intérêt, il s'affranchit quelquefois des entraves que la nécessité de conserver: l'union de temps et de lieu, impQSoit à son génie.- Quoiqu'il aime à produire la terreur y son tact naturel et ce sentiment des convenances qui étoit inné aux anciens, ne lui permettent pas de produire sur la scène des catastrophes dont J'aspect pût révolter les spectateurs. Quintilien dit de lui :~ Tragœdiam primus in lucem Æschylus protulit, sublimis et gravis, et grandiloquus, saepeusque ad vitiumy sed rudis in plerisque et incompositus »
Des soixante-dix ou quatre-vingts tragédies qu'il- - avoit écrites, il ne nous en reste que sept que nousallons faire connoître.
ia. IIpofxeÔÊijç ^ÊO-fjKOTyjç, Prométhée dans les liens.
Tous les personnages de cette, tragédie sont des divinités; malgré cela, elle est d'un intérêt général, car il s'agit du bien-être du genre humain. Le sujet de la pièce est Prométhée puni pour avoir été lebienfaiteur des hommes, en dérobanwur eux le feu céleste, ou, pour exprimer la même chose sous le point de vue moral, la force de caractère luttant contre l'injustice et l'adversité. Dans cette composition à laquelle ne ressemble aucune autre, on reconnoît encore , au milieu de sentiment grands et sublimes, la rudesse antique de la tragédie et l'enfance de l'art. Le Prométhée dans les liens étoit la seconde pièce d'une tétralogie dont la première
1 Inst. Or. X, 1, 66.
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étoit intitulée : Prométhée portant le feu aux hommes, ~Ilpopôebç xuo oq, et la troisième, Prométhée délivré, IIpQfAeôeijç Auo^svoç.
Cette tragédie, et peui-être toute la triologie,..
avoient été traduites en latin par sîltius, et Cicé! on nous a conservé un fragment de la traduction du Prométhée délivré 1. Quant à la quatrième pièce d'Eschyle. "qui complétoit la tétralogie, elle étoit nécessairement un drame satyrique ; mais les critiques fie sont pas d'accord sur son titre, puisqu'on en trouve deux qui peuvent lui avoir appartenu,
savoir, Promethee allumant le feu, ~IIpopeOebs nrupxexpevq, et Glautius suppliant, ~rAovjco? '7^orvrei><^ Le pre-
- mier pourroit aussi être synonyme de Prométhée portant le feu; dans ce eas, Glaucus suppliant auroit été le titre du drame satyrique. Néanmoins le s.o.mmaire grec des Perses d'Eschyle indique que ce po~te avoit vraiment composé un drame satyrique sous le titre de Prométhée; et on voit par un passage d^utarqiie 3 que ce demi-dieu étoit l'un des personnages d'un drame satyrique d'Eschyle.
2°. ETITIx itzi Svfêouç, les Sept contre Thèbes, ou la Thébaide. Cette tragédie est également la seule qui nous reste d'une tétralogie composée de Laïus> d'Œdipe et de la Thébaide, et d'un drame satyrique intitulé le Sphinx. Le sujet est le même qu'Euripide a traité ensuite dans les Phéniciennes, c'està-dire, le siège de Thèbes par les sept princes con-
1 Tusc. Quaest. II, 10.
! De capienda e* host. util. (Ed. Rciske. Vol. VI, p 322 )
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fédérés. Ce siège est le plus ancien dont Phistoireprofane fasse mention, tout comme cette tragédie est la plus ancienne pièce du théâtre grec que nouspossédions. Sa représentation précéda la bataille de Salamine; car elle eut lieu entre- les années 4g5 et 483 avant J.-C., peut-être Olympiade LXXII 4. (489 avant J.-C. ), année où Aristide fut archonte. Plutarque, dans la Vie d'Aristide, dit que lorsque l'acteur prononça les vers dans lesquels est tracé le tableau d'un sage, tout le public se tourna.
vers Aristide, comme pour lui en faire l'application. S'il étoit bien avéré que la Thébaïde a été jouée l'année après la bataille de Marathon, les.
plaintes des jeunes Thébains qui, dans les deux, premiers actes (pour nous servir d'une expression plus usitée qu'exacte ), déplorent les maux de la guerre, auroient eu pour but jde rappeler aux Athéniens les allarmes qu'ils avoient éprouvées, lorsqu'ils virent l'armée de Darius descendre dans les plaines de Marathon.
5°. ~Uépaoa , les Perses. La pièce est ainsi nommée, parce que le choeur est composé de femmes perses.
Le sujet est purement historique : c'est la défaite de l'armée navale de Xerxès. Les Perses ont été jouées huit ans après la bataille de Salamine. On peut s" é tonner qu'un év é nement si ré cent ait été porté sur le théâtre; mais, comme l'observe Racine dans sa préface de Bajazet, l'éloignement des lieux équivaut à la distance des temps; l'un et l'autre concilient également la vénération. La scène
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des Perses est à Suze, dans le palais du roi. Darius sort de sa tombe pour ordonner à son fils de ne plus faire la guerre à un peuple que les dieux protègent. Cette pièce a de grandes beautés. Le trouble des Perses croît d'un instant à l'autre, et l'intérêt augmente. Ce grand effet edt produit par un artifice bien simple, car les Perses manquent prèsqu'entièrement d'action.
4°. Ayocpepcov, Agamemnon. Ce prince, revenant du siège de Troie avec Cassandre, sa captive, est assassiné par Clytemnestre et Egisthe. Le rôle de Cassandre prophétisant les malheurs qui vont fondre sur la maison d'Agamemnon, forme le principal intérêt de cette pièce ; c'est un des plus beaux rôles qui ait été jamais conçu. La pièce est pleine de mouvement et de passion, surtout vers la fin; car le commencement languit un peu.
5°. Xonfopoc, les Choéphores, ainsi intitulés, parce que le choeur, composé de captives troyennes; esclaves de Clytemnestre, est chargé de verser sur la tombe d'Agamemnon le sacrifice expiatoire ( de yor) y sacrifice des morts, yepeiv, porter ). Le sujet est Oreste vengeant la mort de son père sur Clytemnestre; lorsque cet horrible devoir a été accompli, le parricide est livré aux Furies qui troublent sa raison.
6.° Eujx/vtSeç, les Euménides. Cette pièce est nommée d'après le chœur composé de Furies qui persécutent Oreste. Celui-ci plaide sa cause devant l'Aréopage et est acquitté par la voix de Minerve,
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La terreur qu'inspira la représentation de cette tragédie , qui a eu lieu avant le départ d'Eschyle pourla Sicile ( probablement Glymp. LXXY11, 4, ou 468 ans avant J. C. ), fut cause qu'on défendit aux poëtes de composer le chœur de plus de quinze personnes. Les Euménides tombèrent j mais le poëte y ayant fait des changemens pendant son séjour en Sicile, la pièce fut reproduite Olymp. LXXX, 2 ( 45g avant J.-C. ),- et remporta alors le prix. Il paroit qu'un des objets qu'Eschyle se proposoit en l'écrivant, étoit de relever aux yeux des Athéniens le mérite de l'Aréopage, tribunal que, pour plaire à Périclès, le démagogue Ephialtès avoit voulu dégrader. Au reste, l'unité des lieux, si scrupuleusement observée par Sophocle et Euripide, est rompue dans les Euménides.
Agamemnon, les Choéphores, les Euménides', et un drame satyrique intitulé Protée, qui est perdu, constituoient une tétralogie sous le titre d'Orestie.
7°. IxenSeç, les Suppliantes ou les Danaïdes. Danaiis et ses filles réclament et obtiennent la protection des Argiens contre TEgyptus, frère de Danaüs, et ses fils. Les Suppliantes sont une des productions les plus foibles d'Eschyle : elles ont ceci de particulier, que le choeur y joue le principal rôle. Cette pièce étoit peut-être la seconde d'une triologie dans laquelle se suivoient trois tragédies intitulées les égyptiens, les Suppliantes et les Danaïdes. La fuite des Danaïdes, leur réception à Argos et le meurtre de leurs époux en faisoient le triple sujet.
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Outre ces sept tragédies, nous possédons des fragmens de quelques autres que les citations des grammairiens nous ont conserves.
Il existe dans l'Anthologie deux Epigrammes attribuées à Eschyle.
Nous avons d'anciennes Scholies sur Eschyle, dont on ne connoît pas les auteurs.
Les manuscrits qui renferment toutes les pièces d'Eschyle sont fort rares ; en général, le texte de ce poëte nous est parvenu dans un état fort corrompu.
Dans le manuscrit qui a servi pour la première édition, les vers 319 à 1076 de l'Agamemnon, et la fin de cette pièce, depuis le 1168e vers, manquent, aussi bien que le commencement des Choéphores. François d'Asola soigna cette édition, que son père André imprima en i5i8, avec les presses d'Aide. Il ne s'aperçut pas de ces lacunes; la pièce tronquée des Choéphores lui parut la dernière partie de l'Agamemnon.
Aussi le titre de son édition porte-t-il : Æschyli tragœdiae sex.
Cette erreur passa dans la réimpression d'Adrien Tournebœuf, Paris, i552, in-80. Toutefois cet éditeur corrigea, d'après un.
manuscrit, le texte des trois premières pièces.
Une seconde classe d'éditions commence avec celle de François Robertelli, Venise, chez Scottus, 1552, in-8°. Ce savant sépara les deux pièces tronquées et mal à propos réunies, et distingua mieux les personnes et les vers. Deux hommes de mérite, Lodovico Castelvetro et un Grec, Michel Sofiano, l'assistèrent dans ce travail critique. Robertelli recueillit aussi les scholies d'Eschyle et les publia chez Valgrisius, la même année. Ces deux volumes sont rares et ret cherchés.
Pierre Vettori, ou Kictorius, possédoit un manuscrit où
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l'Agamemnon étoit en entier; il le remit, avec des corrections des autres pièces, à Henri Etienne , qui les réunit dans l'édition des sept tragédies d'Eschyle, qu'il donna il Paris en 1557, in-40. Cette édition très-estimable, et la première complète, renferme aussi les scholies.
De nouvelles corrections, principalement sous le rapport du mètre, furent faites par Guill. Canter, Anvers, chez Plantin, i58o, in-12; mais les scholies manquent dans cette édition.
Thomas Stanley ouvre la troisième série d'éditions (l'Eschyle Ce savant adopta le texte de Canter ; mais il y ajouta toutes les scholies, les fragmens, une version et tin savant commentaire. Son édition, très,estimgble, fut imprimée avec luxe en 1663, il. Londres, chez Corn. Bee, in-fol. Quelques exemplaires portent la date de 1664 1. Elle servit de base aux éditions de Glasgow de 1746, petit iu-4°, et en 2 vol. in-12 , dont Ja première est plus correcte. Jean-Corn, de Pauw fit aussi réimprimer le travail de Stanley, à La Haye, 1745, en 2 vol. in-4% avec de nouvelles observations prolixes et peu estimées. C'est encore l'édition de Stanley qui a servi de base à celle de feu Laporte du Theil, qui est accompagnée d'une traduction françoise, et parut à Paris en 1795, en 2 vol. in-12.
Ce savant modeste et estimable est mort sans avoir publié le commentaire qu'il avoit promis. Un autre François s'occupa .avec succès d'Eschyle ; ce fut Rich.-Fr.-Ph. Brunch : ce savant publia, en 1779, à Strasbourg, in-4° et in-Bo, le texte des trois premières tragédies d'Eschyle, avec l'Antigone de Sophocle et la Médée d'Euripide, le tout accompagné de petites notes critiques.
La quatrième série des éditions d'Eschyle commence par celle de Glasgow, 1795, in-fol. Cette magnifique édition des tragédies sans les fragmens a été soignée par le célèbre Rich.
1 Cette édition fait partie de la collection que les amateurs appellent Poètes grecs im primés par les Anglois. Lrs trois autres sont l'Euripide de Bariièti, le Pinilaie de West et WelslaU et le Lycopliroo de Pouer.
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Porson. Les libraires Elmsley et Payne, qui étoient convenus avec ce savant qu'il donneroit une édition critique d'Eschyle, en 3 vol. in-Bo, chargèrent, en 1792, de l'exécution de cette entreprise l'imprimeur Foulis, à Glasgow. L'impression étoit à moitié finie, lorsqu'on découvrit que Foulis faisoit tirer le même texte, in-folio, pour son propre compte, au nombre de 63 exemplaires. Les libraires, indignés d'un procédé si peu délicat, suspendirent dès ce moment l'impression de l'édition qu'ils avoient entreprise, et Foulis fit paroître la sienne en 1795. Elle est sans préface, sans notes et sans les fragmens, Porson n'en ayant pas fourni les matériaux : aussi l'imprimeur n'osa-t-il pas mettre le nom de ce savant sur le frontispice. L'édition in-8° en resta là jusqu'en 1806, que Payne la fit achever et lui donna un frontispice portant la date de Londres et Oxford, 1794. Elle ne renferme rien de plus que celle de Foulis, excepté la traduction latine de Stanley; aussi ne forme-t-elle que 2 volumes. On fit, au reste, la faute de ne pas changer cette traduction, quoique le texte eût éprouvé de nombreuses corrections. Ce qui distingue cette édition de celle in-folio, ce sont les divers signes critiques, tels qu'astérisques, croix et doubles croix, que Porson avoit ajoutés à son texte, et qui se rapportent au commentaire qui n'a pas paru, tandis que Foulis n'avoit conservé que les croix simples qui indiquent que le texte s'écarte de celui de Stanley 1.
Dans l'intervalle, M. Chr.-Godef. Schiltz avoit publié son édition en 5 vol. in-Sa. Le premier parut en 1782, et fut réimprimé en 1799 et 1809, le second en 1783,180a et 1811, et le troisième en 1788 et 1808. Les réimpressions portent sur le frontispice ces mots : Nova editio. Le quatrième volume, renfermant les scholies, n'a paru qu'en 1821, et le cinquième , qui sera consacré aux fragmens et à des sllpplémens, est encore attendu.
En 1800, le même savant publia une petite édition d'Es-
1 Voy. Fr. A. Wolf Anal. lit. Vol. II, p. 284.
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chyle, en 2 vol. in-811, qui a un triple avantage sur la grande : elle renferme une traduction, et M. Schiitz y a fait usage du système métrique de M. Hermann. Nous dirons tout à l'heure quel est le troisième point qui la distingue.
Ces éditions parurent à une époque où l'on sentoit, en Allemagne, la privation d'une édition critique et portative d'Eschyle. La sagacité, le jugement et le goût dont M. Sclziitz y fit preuve, assurèrent à son travail un succès brillant ; néanmoins les savans pensent qu'il reste encore un champ ouvert à la critique pour ramener le texte du poëte à sa pureté originale. En attendant, M. Schütz a rassemblé des variantes, dont un futur éditeur pourra tirer parti].
Le troisième avantage de la petite édition sur la grande, a diminué successivement depuis la réimpression des volumes de celle-ci; lorsqu'elle parut, elle étoit le résultat d'un nouveau travail critique complet et indépendant de la grande édition; travail pour lequel M. Schiitz avoit profité nonseulement des corrections faites par Porson, dont l'édition avoit paru dans l'intervalle, mais aussi de plusieurs travaux inédits de Kulenkamp et de Spanheim.
Les éditions de M. Schütz commenceront une cinquième série, si tant est qu'elles soient adoptées pour base par de futurs éditeurs.
M. God. Hermann avoit annoncé le projet d'une édition complète d'Eschyle, et il publia, en 1799, à titre de Specimen, le texte des Euménides, Leipzig, in-8°. S'il exécutoit ce projet, on seroit fondé d'espérer qu'après lui il neresteroit plus grand' chose à faire pour la critique.
Celle-ci a plutôt perdu que gagné par l'édition que M. Frecl.Henri Bothe a donnée à Leipzig, i8o5, in-8°. Si l'on peut reprocher aux devanciers de ce savant d'avoir été trop timides
1 Les rédacleuis du Classical Journal, 1810, vol. I, p. 22, prétendent que dans ce travail M. Schiilz a commis des négligences qu'ils qualifient « an ungermanical want of industry. »
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à rejeter des leçons évidemment mauvaises, il a montré, de son coté, une hardiesse qui va jusqu'à la témérité. Il a négligé un principe qu'aucun éditeur ne devroit jamais perdre de vue : c'est que lorsqu'une correction n'est pas évidente ou fondée soit sur des manuscrits, soit sur l'analogie, il vaut mieux laisser subsister un passage corrompu, en le signalant comme tel à des éditeurs futurs, plutôt que d'introduire dans le texte des conjectures prises en l'air, qui fort souvent ne font que dérouter la critique.
L'édition de Stanley a été réimprimée à Cambridge, en 1809, en 2 vol. in-4° et en 2 vol. in-8°. Le commentaire que M. Sam. Butler a ajouté est plus ample que celui de Stanley: il place l'édition de Cambridge dans la catégorie des Variol'um et des Diversorum, car on y trouve des extraits de tous les commentaires précédens. La même année 1809, Bliss, à Oxford; a réimprimé en 2 vol. in-32 , et l'année suivante en u vol. in-8°, le texte de M'. Schiilz. Les éditions de Sophocle et d'Euripide in-32 font suite à l'Eschyle du même imprimeur.
M. God.-H. Sckœfer a fait copier le texte de Porson pour la collection de Tauchnitz.
Un savant Anglois, M. Charles Burney, a publié, en 1812, un ouvrage sur la métrique d'Eschyle, sous le titre deTentamen de metris ab iEschylo in choricis canlibus adhibitis.
Lond. 1812, in-8°. Ce Jivre a fondé la grande réputation ce M. Burney, que les Anglois regardent comme le législateur dans cette partie. Les Allemands lui opposent M. Hermann.
SOPHOCLE d'Athènes, ou plutôt du bourg de CoIona, fils de Sophile, naquit1 lorsqu'Eschyle avoit vingt-sept ans; il en avoit lui-même quarante-deux lorsque ce poëte mourut. Ces deux grands génies concoururent plusieurs fois pour le prix de la tra-
1 01. LXX, = 49B am av..J.-C. il mourut Ol. XCII1 , 3. = 406 ans av. J.-C.
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gédie. La première fois qu'Eschyle fut vaincu par son rival, celui-ci étoit âgé de vingt-neuf ans. Les juges ne pouvant s'accorder à qui des deux poëtes le prix étoit dû, l'archonte Apséphion déféra la décision à Cimon et à ses neuf collègues qui venoient de battre les Perses sur l'Eurymédon : les généraux adjugèrent le prix à Sophocle. La tragédie couronnée portoit le titre de Triptolème. Quoique plus âgé qu'Euripide de dix-sept ans, Sophocle lui survécut de quelques mois. La représentation de son Antigone lui valut un commandement militaire contre les Samiens.
Sophocle introduisit plusieurs changemens dans la tragédie. Il fit paroître sur la scène un troisième acteur, et, regardant l'action comme la principale partie du drame, il abrégea encore davantage les chants du chœur, et lui assigna le rôle d'un simple 'spectateur, s'intéressant toujours à l'événement qui se passe sous ses yeux, mais y prenant rarement part dans ses discours 1. Les chœurs de Sophocle se distinguent aussi de ceux d'Eschyle par le genre de leurs réflexions : tout est grandiose et guerrier dans Eschyle; tout est gracieux et agréable dans Sophocle. En abrégeant le rôle du chœur, il augmenta le nombre des épisodes, ou ce qu'on nomme improprement actes. Tant que le chœur avoit été la principale partie de la tragédie, les acteurs ne faisoient qu'interrompre de temps en temps son
1 Voy. Golth. Ephr. Lessing Leben des SophokJes. Berlin, 1790, in-80.
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monologue pour y placer l'action qu'il s'aglssoit de représenter. L'amélioration imaginée par Sophocle intervertit les rôles. L'action étant dès lors devenue la partie la plus importante de la pièce, c'étoit elle qu'interrompoit à son tour le chœur pour raisonner sur la marche de l'événement ou de la fable.
Sophocle est regardé comme le potte tragique le plus parfait de l'antiquité : c'est ce qu'on a voulu exprimer en l'appelant l'Homère de la tragédie, ou en donnant au chantre de l'Iliade l'épithète de Sophocle de l'épopée. Dans ses pièces, l'action est toujours nouée avec art, et la catastrophe préparée de loin. Ses caractères sont grands et héroïques; mais ils ne s'élèvent pas, comme ceux d'Eschyle, au-dessus de l'humanité. Sophocle est un gra,nd peintre des passions, et il avoit swuté le cœur humain dans ses replis les plus cachés. Le langage qu'il met dans la bouche de ses personnages est tou-
jours parfaitement convenable à leur caractère, aux lieux et aux circonstances où ils se trouvent. Son style qît noble, sans que ses expressions soient gigantesques : sa versification est riche et harmonieuse.
Les anciens nous apprennent que l'aménité et la douceur qui caractérisent Sophocle, lui ont fait donner le surnom d'Abeille attique.
ÎNous allons placer ici le portrait qu'a tracé de Sophocle un littérateur allemand qui occupe aussi une place distinguée parmi les écrivains françois
1 Par son ouvrage sur la langue et la liiléralure provençale. Paris, 1818, iD-So. (Chez Gide.)
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« On diroit (c'est ainsi que s'exprime M.Schlegel1 ), poyr parler dans le sens des religions anciennes, qu'une providence bienfaisante voulut faire connoî-, tre au genre humain la dignité etlafélicité auxquelles il est quelquefois réservé, lorsqu'elle réunit dans cet homme unique tous les dons divins capables à la fois d'orner l'esprit et d'élever l'âme ,.à tous les biens terrestres qu'on peut désirer., Le premier avantage de Sophocle fut dé devoir le jour à des parens riches et considérés, et de -naître citoyen de l'état le plus civilisé de la Grèce libre* La beauté du corps et celle de l'âme ; l'usage non interrompu de ses forces et de ses facultés intellectuelles jusqu'à la fin de sa longue carrière; une éducation soignée où la gymnastique et la musique concoururent, par ce qu'elles ont de plus recherché et de plus parfait, a donner, l'une une énergie nouvelle aux précieuses dispositions de la nature, l'autre à les mettre toutes en harmonie entre elles; l'agrément et les charmes de la jeunesse; la maturité et les fruits de l'âge mûr ; le talent de la poésie, développé avec un art infini dans toute son étendue ; la pratique de la plus haute sagesse ; l'estime et l'amour de ses concitoyens ; la célébrité la plus grande parmi les étrangers; la bienveillance et la faveur des dieux : tels sont les traits principaux de la vie de-.ce poëte pieux et vraiment sacré. Les dieux, parmi lesquels il choisit de préférence le dieu qui
1 Uber dramalischc Kunst uud Liueralur) vol. 1, p. IGg.
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dispense la gaîté et qui forma à là civilisation les hommes auparavant grossiers, Bacchus, à qui il se - consacra de bonne heure , en pre-nantpart auk-jeux de ses fêtes, origine de la tragédie. ; ne'croiroit-on pas que ces dieux aûroient souhaité de le 'rendre immortel, tarît ils retardèrent la fin de ses jours ?
- Mais ne pouvant changér l'ordre du destin, ils le firent sortir de la vie de la manière la plus douce, afin que, sans s'en apercevoir, il échangeât une immortalité pour une autre, et que la éèssation de sa longue existence stfr terre fût le commencement d'une gloire qui île devoit jamais s'éteindre. A l'âge de seize ans, sa beauté le fit choisir poùr conduire en dansant au son des instrumens, le chœur des peuries gens qui 'formoient le psean ; c'étoit, on le ïâit, 1k d-anse sacrée qu'on exécutoit autour dés trophées élevés après cette bataille de Salhmine, où Eschyle avoit combattu, et qu'il a dépeinte aveq tant d'énergie. Ainsi la-jeunesse de Sophocle brilla tleson plus bel éclat à l'époque la plus glorieuse de l'histoire de sa patrie. Aux approches de la vieillesse , il remplit 'les fonctions de général, concurremment avec FériClès et Thucydide, et celles de prêtre d'un héros d'Athènes. A l'âge de vingt-cinq ans il commença à donner des tragédies; vingt fois il obtint la paline : souvent il occupa la seconde < place, jamais il ne descendit à la troisième. Des succès toujours croissans signalèrent ses pas dans cette -carrière qu'il poursuivit au-delà de sa quatre-vingtième année; peut-être même quelques-uns de ses
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chefs-d'œuvre datent-ils de ses derniers temps. On rapporte qu'un de ses enfans, ou que ses enfans d'un premier lit l'accusèrent d'être tombé en enfance , et de n'être plus en état d'administrer son bien, parce qu'il leur préféroit un fils d'une seconde femme. Pour toute réponse , il lut à ses juges son OEdipe à Colone, qu'il venoit d'achever, ou seulement, suivant d'autres auteurs, le chœur magnifique de cette pièce ou il célèbre Colone, sa patrie. Le tribunal se sépara, frappé d'admiration, et Sophocle fut reconduit chez lui en triomphe.
S'il est certain qu'il a écrit ce second OEdipe dans un âge très-avancé ( et en effet on reconnoît des traces de vieillesse dans cette composition dénuée de l'impétuosité de la jeunesse, et recommandable par la douceur de la maturité ) , n'y trouvons-nous pas l'image de la vieillesse la plus aimable à la fois et la plus respectable ? Les récits de sa mort, qui tous semblent fabuleux, diffèrent entre eux, et cependant s'accordent sur un point qui, sans doute, fait allusion à la vérité : c'est qu'occupé de son art ou de quelque chose qui y avoit rapport, il a fini sans éprouver de maladie ; et, comme l'oiseau consacré à Apollon , quand il est au terme de son existence, il a exhalé sa vie au milieu des chants poétiques. C'est encore ainsi que j'ajoute foi à ce que l'on raconte de ce général lacédémonien qui, ayant entouré le tombeau de son père d'un mur de défense , fut deux-fois averti, en songe, par Bacchus, d'y placer la sépulture de Sophocle, et envoya à ce
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sujet un héraut à Athènes; et je crois de même à tout ce qui sert à mettre dans son jour la vénération dont jouissoit ce grand homme. Je l'ai appelé pieux et vraiment sacré, dans le sens même qu'il eût adopté. Si ses ouvrages respirent la grandeur, l'aménité et la simplicité antique, il n'est pas moins de tous les poètes grecs celui dont. les sentimens ont le pius d'analogie avec l'esprit de notre religion. La nature lui avoit refusé un seul don, un bel organe pour le chant; il ne pouvoit qtW guider les voix-étrangères, lorsqu'elles répétoient les accens harmonieux dont il avoit donné le sujet. Voilà pourquoi il s'affranchit personnellement de l'usage où étoient les poëtes de jouer dans leurs pièces; une seule fois, dit-on, il parut, jouant de la lyre, dans 4e rôle de l'aveugle Thamiris. »
-On dit que Sophocle composa au-delà de cent tragédies : ce nombre se réduiroit probablement -à soixante-dix, si l'on en séparoit celles de ses disciples. 11 ne nous en reste que sept; elles ont été toutes écrites après la cinquante-troisième année de l'âge du. poète.
10. Atocç y.oio'TiyocpdpoÇj Jljcix arme du fouet, c'est-àdire Ajaxfurieux. La fureur d'Ajax, sa mort, et la dispute qui s'éleva au sujet de ses funérailles ; tel est le sujet de cette tragédie. Plusieurs critiques l'ont trouvé défectueux parce que l'action ne se termine pas à la mort du héros, mais qu'après cette catastrophe, il s'élève un incident qui forme une seconde action - d'autres ont répondu qu'il n'y a u
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pas double action, parce que la première n'est pas terminée par la mort du héros auquel on refuse une sépulture; la privation de cet honneur-étant regardée par les anciens comme le plus grand malheur, les spectateurs ne pouvoiènt;s'en-allersatisfaits. tant qu'il n'étoit pas décidé qu'il seroitaccordé à celui dont ils avoient pleuré là. mort.
Le P. Brumoy fait. à ce sujet une réflexion trèssage 1 : « Si le progrès de l'action, dit-il, n'étoit pas ralenti; si, après les grandes émotions qu'on a éprouvées, Fintérêt ne s'affôiblissoit pas, Sophocle auroit eu raison : mais les longs discours, les plaidoyers de Teucer, de Ménélas et d'Agamemnon, quelque beaux" qu'ils soient en eux-mêmes, laissent l'aGtion absolument éteintej et voilà ce qu'on ne peut excuser. Mais comme les grands maîtres ont toujours de grands moyens de se faire pardonner leurs fautes, la manière dont Ulysse se rend le protecteur de son ennemi, réconcilie les spectateurs, surtout quand on a vu, dès le commencement de cette tragédie , Ulysse, éclairé par Minerve et par ses réflexions, plaindre l'infortuné Ajax et le regarder comme une leçon utile pour tous les hommes. »
2°.~ HÀécrpa, Electre. La vengeance que, poussé par un oracle et pour obéir aux décrets du ciel, un fils exerce contre les meurtriers. de son père, en faisant mourir sa propre mère , est le sujet de cette
1 Thl-âLre des Grecs, édition de M. Raoul-Rochette. Paris, 1820, Mil, III, p. i45.
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tragédie admirable. Le caractère de la fille d'Agamemnon, qui y joue le premier rôle, est parfaitement tracé et soutenu d'un bout à l'autre : il fait frissonner. La scène de la reconnoissance du frère et de la sœur est ménagée avec infiniment d'art : c'est une des plus touchantes de la tragédie grecque.
5°. Oclacliroug ~rupavvoç, (Bdipe-roi. Il seroit difficile d'imaginer un sujet plus tragique que celui de cette pièce. Un grand crime a été commis et est resté sans punition, parce qu'on n'en connoît pas l'auteur. Un prince emploie son autorité pour le faire découvrir : à force de recherches il apprend que lui-même est le coupable; il a tué son père et épousé sa mère. Il est vrai qu'il ignoroit que celui avec lequel il se prit de dispute sur un grand chemin fût un roi et son père ; c'est un crime auquel il a été poussé par l'inflexible destin. Néanmoins il n'est pas innocent, car en vengeant par la mort une insulte qu'il reçoit d'un inconnu, du rang duquel il ne s'informe pas seulement, il a mérité la punition qu'après coup il s'inflige. Ainsi la tragédie montre aux spectateurs l'abîme de malheurs où la curiosité, l'orgueil, l'emportement et la violence précipitent des hommes d'ailleurs doués de qualités estimables. L'OEdipe-roi est regardé non-seulement comme le chef-d'oeuvre de Sophocle, mais aussi, sous le rapport du choix et de la disposition de la fable, comme la plus belle tragédie de l'antiquité 1 ; et
1 Voy. Boiuin dans les Mém. île l'Acad. des Inscr. et Belles-Letlies , vol. VI, p. 372, et l'abbé Batteux , ,o\. XLII, p. 4y5.
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cependant nous savons qu'elle n'obtint pas le prix.
pour lequel elle avoit concouru. Senèque, Pierre Corneille et Voltaire l'ont imitée.
4°. Àvrfyovvj, Antigone. Créon, roi de Thèbes, ayant défendu de donner la sépulture à Polynice, pour le punir d'avoir porté la guerre dans sa patrie, Antigone, soeur de ce prince, écoutant les conseils de la pitié plutôt que ceux de la crainte, ose contrevenir à la loi et tombe victime de sa piété. Cette pièce fut jouée la 5e. année de la LXXXIV6 Olympiade , ou 442 ans avant J. C. Elle eut un trèsgrand succès, et valut à l'auteur le commandement de la flotte que les Athéniens envoyèrent contre l'île de Samos.
5°. ~Tpa^cWt, les Trachinieruies, ou la mort d'Hercule. Le lieu de la scène est à Trachine, ville de la Thessalie, et le choeur est composé de jeunes filles du pays. Senèque a imité cette pièce dans son Hercules furens, et Rotrou dans son Hercule mourant.
6°. <f>!ÀOXT")T"fiÇ, Philoctète. Le destin ayant attaché la prise de Troie à la présence de Philoctète que les Grecs avoient lâchement abandonné dans l'ile de Lemnos, Ulysse et Pyrrhus se sont rendus auprès de lui pour l'engager à retourner au camp; entreprise difficile dans laquelle les deux délégués 11e réussissent qu'avec peine. Cette tragédie, quoiqu'elle ne renferme qu'une action très-simple, est d'un intérêt toujours croissant; les caractères sont bien soutenus. Elle a été représentée la 5e. année
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de la XCIle Olympiade, l'an 4og avant J. C., trois ans avant la mort de Sophocle. De La Harpe l'a imitée avec un succès brillant.
7°. OïSfcovç ITU KoÀwvw, Œdipe à Colone, ou la mort d'OEdipe, près du temple des Euménides, à , Colone. C'est OEdipe qui, chassé de ses états, cherche, conduit par sa fille, un tombeau dans un pays étranger on la renommée de ses malheurs l'a devancé et fait redouter sa présence. Il faut qu'il donne des preuves évidentes de la protection des dieux pour qu'on lui accorde un âsile et qu'on lui permette d'y choisir son tombeau. « Qu'y a-t-il de plus intéressant, demande le P. Brumoy qu'un homme dont la position est tellement affreuse qu'il est obligé d'employer les dieux mêmes comme médiateurs, pour trouver grâce auprès des foibles mortels, pour les rendre sensibles à ses malheurs, pour en obtenir enfin, quoi? Un tombeau ! » Dans cette tragédie y OEdipe est toujours en scène , et il se passe devant lui une suite d'incidens qui amènent le dénouement.
Sophocle a fait jouer cette pièce à l'âge de quatre-vingt-dix ans : c'étoit la réponse à ses fils qui prétendoient qu'il étoit tombé en enfance. Peut-être faut-il attribuer au sentiment dont il étoit plein en l'écrivant, les plaintes réitérées contre ses fils, qu'il met dans la bouche d'OEdipe'. L'OEdipe chez Admète, de Ducis, est une imitation de cette tragédie.
4 L. c, Vol. IV, p. 161.
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Dans le grand nombre de tragédies perdues de Sophocle se trou voit sa Glytemnestre. Il existe, dans un manuscrit d'Augsbourg, trois cents vers d'une Clytemnestre qu'on a cru un moment appartenir à celle de Sophocle; mais on a reconnu depuis.qu'elle étoit le fruit de quelque exercice scolastique des temps suivans 1.
Ce poëte avoit aussi écrit en prose un traite sur les Chœurs , contre Thespis et Chœrilius, ce qui veut dire, sans doute , contre la tentative de Chœrilus de ramener sur la scène les chœurs de Thespis. *
DIDYMUS, HORAPOLLON, ARISTOPHANE de Byzance , ANDROTION et un certain PRAXIPHANE ont écrit des Commentaires sur Sophocle : nous n'en avons que des extraits que Jean Lascciris a
recueillis
Aide Vancien publia la première édition des tragédies de Sophocle, Venise, 1602, in-8° ,sur d'excellens manuscrits.
Le titre annonce aussi les scholies, probablement parce que l'éditeur espéroit s'en procurer une copie assez à temps pour la joindre à son texte. Son espoir ayant été déçu, il publia le texte seul, et ce ne fut qu'en 1518 que Jean Lascaris fit paroitre les scholies, in-4°. L'édition d'Aide fut copiée par Antonius Francinus, à Florence, chez Giunta , 1522 et 1 547, in-4-0, et par Simon Colinœus, à Paris, 1528, in-80; par foach.
i C'esL M. Ch. F. Matthœi qui a-publié ce fragment qu'il croyoit aut hentiqlle, à Moscou, 1805, in-4o. M. C. L. Struve l'a fait réimprimer ft Riga, 1807, iii-80, et a prouvé qu'il est supposé.
5 II les publia à Rome en 1518.
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Çameraçius, Haguenau, 1534, in-So; et par pierre Brubach, Francfort, 1544,154g, i^51, 1555, 15.67, in-Bo.
Ces éditions a voient un assez bon texte; mais malheureusement Adrien Tournebœuf ( Turnebus ) s'avisa de lui substituer-une récension faite par Demetvius Triclinius, grammairien de Constat!tinople , du commencement du quinzième siècle, et qui ne méritoit, à aucun égard, d'être préférée au texte vulgaire. Tournebœuf publia, son édition, a Paris, 1553, in-4°, avçc les sçb.olies fournies »ar le même-Triclinius, et qui diffèrent -des extraits faits par Lascaris. Séduits par la réputation dont Détnétriçs jouissoit, Henri Etienne et Guill.
Canter adoptèrent son texte, toutefois avec quelques corrections que leur bon jugement leur indiqua. L'édition très-' estimée d'Etienne parut en 1568, in-4°; ses excellentes obser.
yations foraient un yolumç particulier, in-8". Le petikneteu de ijepri; Paul Etienne, réimprima cette édition à Genève, 16o3, in-4°.
L'éditicra estimable de Guill. Canter parut à Anvers en 1579, in-i2 ; elle fut copiée à Heidelberg, 1597, in-8° ; à Cambridge, 1665, 1669 et 1673, in-8°. En un mot, tous les éditeurs subséquens, jusqu'à Brunck, adoptèrent le texte de Canter ou celui de Henri Etienne, nommément les suivans: Thomas Johnson, Oxford, 1705, 4 vol. in-Bo, et six fois depuis, particulièrement 1745, 3 (Glasgow, chez R. Foulis; J. Tweedie, EtPu, 1-775, 2 vol. in-8°; Jean Capperonnier et JeanFranç, Kquvilliers, Paris, 1781,2 vol. in-4°; et Harwood Londres, 1786, in-4°.
Ce fut, vers'cette époque qu'on Gommença à s'apercevoirque le texte de Sophocle dont on se servoit ordinairement, étoit falsifié. Deux excellens critiques du dix-huitième siècle, Yalekenœr. et Brunch, en firent la remarque. Ce dernier, doué d'un esprit très-vif, se servit peut-être de termes exagérés en annonçant à tous les amateurs des lettres grecques que ceux d'entre eux qui se servoient d'éditions cle Sophocle postérieures à celle de Tournebœuf, se trompoient s'ils croyoienl
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lire Sophocle r puisqu'ils n'avoient- qu'un texte arrangé dans le quinzième siècle. Valckenær se preposoU de donner luimême une édition de ce poëte dans laquelle le texte seroit rétabli tel qu'il avoit été avant Triclinius.- A sa place, Brunck se chargea ensuite de cette besogne. Il faut convenir qu'il s'en est admirablement acquitté. Après avoir préludé, en 1779, par la publication de quelques pièces détachées de Sophocle, il donna, en 1786, une petite édition, en 2 vol. in-Bo, de toutes les sept tragédies et des fragmens 1, accompagnée d'une version et de notes. Elle fut suivie, quelques mois après, de la grande édition en s vol. in-4°, ou en 4 vol in»S0.
Brunck crut nécessaire, avant tout, de recourir au texte
d'Aide, qu'il prit pour base de son travail, en faisant abstraction de toutes les. éditions postérieures à i553. 11 n'adopta pourtant pas ce texte sans réserve; huit manuscrits de Paris et d'Augsbourg le mirent en état de le corriger. Le sien est imprimé avec une grande purelé. La version latine est entièrement neuve, et peut remplacer un commentaire. Brunck donna les scholies de Jean Lascaris et celles de Démétrius Triclinius, à l'exception de celles qui s'occupent du mètre et des figures, et qq'il jugea toutes mauvaises. Il donna de plus les fragmens de Sophocle et un lexique auquel Ruhnken avoit eu part. En 1789, il ajouta à sa première édition in-8° un troisième volume renfermant ce que la grande édition avoit de plus. ,
L'édition de Brunck sert de base à toutes les éditions de Sophocle qui oui paru depuis , de manière cependant que les savans qui s'en sont occupés y ont fait les corrections que les progrès de la critique ont conseillées. Nous nous contentons de les indiquer ici.
Oxford, 1 800,3 vol. in-8°, réimpression du texte de Brunck, avec des notes de Sam. Miisgrave qui étoient inédites.
1 On croit que Brunck n'a pas recueilli lui-même les fragmens, mais qu'il s'est servi d'une collection faite par Valckenaer : ce savant s'étoit fait t)()t; occupation pariicnlière de rassembler des fragmens de poëtes allcitns.
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Leipzig, 1802 et suiv., par C. G. A. Erfurdt, - une grande édition in-8°, avec variantes, scholies et commentaires, mais sans version, qui est à son 6e volupae.
Copenhague, 1802,2 vol. in-8°, par L. Sahl, sans version.
Leipzig, 1806, 4. vol. in-8°, par F. H. Bothe, avec la traduction latine.
Oxford, 1808, 2 vol. in-8°, chez Bliss, réimpression de l'édition de Brunck, texte, traduction, scholies et notes.
4 Oxford, 1809, a vol. in-32, chez Elias, texte defîrunck, sans version.Leipzig, 1810 et suiv., petite édition commencée par C. G. A. Erfurdt, texte et courtes notes, petit in-8°. H en avoit paru 4 vol. à la mort de ce savant. M. G. Hermann continue cette édition, et en-a donné en 1822 le 5e volume. Leipzig, 1810, 2 vol. in-18, édition soignée par M. Scltoefer, pour la collection de Tauchnitz.
Londres, 1819, 3 vol. in-8°. Réimpression de la grande édition d'Erfurdt.
Le troisième poëte tragique grec, EURIPIDE de Salamine 1, fils de Mnesarque et d'une femme de basse condition 2, fut l'élève d'Anaxagoras et de Prodicus, les deux plus habiles maîtres qu'Athènes possédât à cette époque en philosophie et en éloquence, et l'ami de Socrate qui étoit son cadet de quelques années. Dans sa première jeunesse, il tétoit beaucoup exercé aux arts gymnastiques, par lesquels on plaisoit alors à la multitude. Il quitta bientôt cette carrière , qui lui inspiroit du mépris.
1 On le croit né 01. LXXII, -1. = 48o ans av. J.-C., le jour de la hataille dé Salamine, et mort 01. XCIII, 5. = 4o6 ans av. J.-C., quelques mois avant Socrate.
2 Aristophane appelle sa mère une marchande de )egumpF, /a^cevoTo^trcpca.
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L'éloquence lui en offrit une autre qui conduisoit aux honneurs, mais sa candeur y répugnoit. La philosophie eut pour lui des charmes irrésistibles ; cependant, quand il vit à quel danger son maître s'étoit exposé en rendant hommage à la vérité, il
résolut d'éviter son sort en s'adonnant à la tragédie, et en mettant dans la bouche de ses acteurs des maximes qu'il n'osoit professer publiquement.
En effet, ne pouvant plus rien ajouter à la perfection à laquelle la tragédie s'étoit élevée sous Sophocle, Euripide imagina de' transporter sur la scène le langage de la philosophie, et d'y développer tout le jeu des passions. C'est dans leur peinture qu'il n'a pas été surpassé, et la vérité de ses tableaux l'a fait nommer le plus tragique des tragiques.
Regardant comme le vrai but de la tragédie d'inspirer la pitié et d'émouvoir les coeurs, il y sacrifia souvent l'unité du sujet et la clarté de l'exposition.
Pour corriger au moins ce dernier défaut (car rien ne peut faire pardonner l'absence de l'unité), il fit une innovation dans les usages du théâtre, en faisant précéder ses pièces par des prologues, dans lesquels un des personnages de la tragédie ou quelque divinité expose le sujet et raconte ce qui a précédé le commencement de l'action; misérable palliatif qui change le drame en une histoire et le rapproche de l'épopée ! Les tragédies d'Euripide ont encore un autre rapport avec la jpoésie épique par les longs récits qu'elles renferment.
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Le chœur embarrassoit beaucoup Euripide : si l'usage ne l'autorisa pas à le bannir entièrement de la scène, au moins ne lui permet-il qu'un rôle subordonné, et ne l'emploie-t-il que pour la pompe du spectacle. Il en arrive que les chants du chœur ne sont pas toujours bien analogues au sujet ou aux caractères.
Le style d'Euripide est clair et-élégant, harmonieux et coulant. On peut dire que ce poëte a fixé la langue de la tragédie 1. Quelquefois la prétention de donner de la grâce à sa diction n'est pas assez masquée, et son élégance dégénéré en une vaine abondance de paroles : ce sont ces deux défauts qui ont fourni aux poètes comiques de si fréquentes occasions de le parodier. m Deux choses dégoûtèrent Euripide du séjour d'Athènes : d'ahord les chagrins que lui causoit l'infidélité de deux femmes qu'il avoit épousées à la fois ( car les lois d'Athènes permettaient la bigamie sous certaines restrictions), et ensuite les sarcasmes que les poëtes comiques ne cessoient de lancer contre lui. Deux ans avant sa mort il se rendit à la cour d'Archelaüs, roi de Macédoine, qui en faisoit grand cas. 11 mourut dans ce pays, et
1 Nempe is ( Euripides ) et vi et sermone ( quotl ipsum reprehendunt rjuibus gravitas et coihurnus et sonus Sophoclis videtnr esse stiblimior ) magis accedit oratorio generi, et sententiis densus et Jebus ipsis : et in his quæ a sapientibus tradita simt, psene ij sis par, et iu dicendo ac respondendo cuilibet eorum qui fuerunt in foro diserti , comparandus. Jn aflèctibus ,ero luni omnibus mirue, tum in iis qui miseratione coustant, facile piaecÎllulIs. QUINTIL. Insl. or. X, 1. 67.
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Archelaùs lui -fit ériger un mausolée près de ■Pella.
Ses malheurs domestiques furent.p'eut-être la cause de la haine qu'il ipowtoit au.sime : il la manifesta par des tirades trop fréquentes, 'souvent outrées et presque toujours déplacées.
« Quand "Ofri considère Euripide, dit M. Schlegel 1, sans-le comparer à ses dévanciers; quand on examine plusieurs de ses meilleures pièces ,iet quelques passages isolés des autres ,on*ne peut que lui donner les-plus grands éloges. -Quand on le place, au contraire, suivant le rang qu'il occupe'dans l'histoire de l'art; quand, dans ses pièces qui sont parvenues jusqu'à nous, on porte l'examen sur l'ensemble , et notamment sur le travail qui s'y fait généralement sentir, on ne peut, à beaucoup d'égard y (jué le blâmer très-sévèrement. Il est peu d'écrivains dont on puisse, a-vec vérité, dire butant de bien et autant de mal. Euripide, doué d'un esprit infini, possédoit une grande habileté dans toutes les parties de l'art; mais son talent, riche, aimable, brillant, n'étoit pas'réglé par cette gravité sublime du génie; ni par cette sagesse sévère et ingénieuse que nous vénérons chez Eschyle et chez Sophocle. Tje but constant et unique d^Euripide est de plaire, n'importe par quel moyen : voilà ce qui'le - rend si inégal à lui-même. Souvent il a des passages d'une beauté ravissante; quelquefois il tombe dans de véritables trivialités. Malgré tous
1 Uber dramatische Kunst und Litteratur, Bd. I, S. 198.
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ses défauts , il unit une merveilleuse facilité à un charme de séduction presque irrésistible. »
cc Euripide ne nous offre plus l'essence de la tragédie ancienne dans sa pureté et sa simplicité. Les traits caractéristiques, telles que l'idée du destin qui y domine, la peinture idéale des hommes, l'importance du choeur, sont chez lui en partie effacés.
Quoique j, à l'exemple de ses devanciers, il parle du destin j quoiqu'il inculque fortement, suivant l'usage de la tragédie, la croyance à son pouvoir, le destin n'est cependant, chez Euripide, que bien rarement l'âme inTisible de la fable, la pensée fondamentale de l'acteur tragique. On sait que l'action du destin peut être conçue d'une inaiiière plus ou moins austène; que cette idée sombre et terrible s'éclaircit dans le cours de trois tragédies dont se forme la trilogie, jusqu'à faire entrevoir une providence toujours sage et toujours bienfaisante ; mais Euripide a tiré son idée du destin de la Tégion je l'infini, et l'inflexible nécessité dégénère souvent chez lur en un hasard capricieux : aussi ne peut-il plus diriger l'idée du destin vellii ,son but véritable, c'est à-dire élever en opposition la liberté morale de l'homme. Un bien petit nombre de sesTiompositions a pour base une lutte opiniâtre contre les arrêts du destin, ou une soumission héroïque à ses décrets. La plupart de ses personnages souffrent, parce qu'ils doivent, et non parce qu'ils veulent souffrir. » cc La grandeur idéale, le caractère et la passion,
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sont chez Sophocle dans une subordination réciproque ; chez Euripide, au contraire, la passion est la chose principale. Après elle, iLs'occupe des caractères ; et si, après ces conceptions, il lui reste encore de la place, il cherche à peindre la grandeur et la dignité, mais plus souvent des caractères agréables. » - « Il est convenu que les personnages tragiques ne peuvent pas être tous également exempts de fautes: car autrement il n'existeroit pas d'opposition entre eux, et par conséquent point de nœud dramatique.
Mais Euripide a, suivant le témoignage d'Aristote , donné fréquemment, et sans nécessité , des caractères vicieux à ses personnages ; par exemple, à Ménélas, dans Oreste. La tradition, consacrée par la croyance des peuples, attribuoit de grands crimes à plusieurs héros dqp temps anciens 3 Euripide, de sa propre autorité, leur imputa des actions méchantes et d'un genre vil. Il ne s'occupe point de représenter simplement la race des héros dans leur grandeur imposante; il s'efforce plutôt de combler que de couvrir l'abîme qui sépare ses contemporains de ces hommes extraordinaires de l'ancien monde, et d'épier les momens - où -lçs dieux et les héros déposent leur dignité ; mode d'observation dont, ainsi qu'on l'a remarqué , nulle grandeur ne soutiendra l'épreuve. »
« Le chœur n'est plus, dans ses tragédies, qu'un ornement superflu; les chants de ce chœur ne sont souvent que des épisodes qui n'ont aucun rapport
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à l'action, et qui ont plus de brillant que de mouvement et d'enthousiasme réel. » a Euripide ayant fréquenté les écoles des philosophes , met de la yanité à faire sang cesse .des allusions à leurs principes. Il juge qu'il est au-dessous de lui de crpire aux dieux avec la simplicité du peuple; il saisit toutes les occasions de diyulguer la signification allégorique des traditions religieuses, et de fài-re bien entendre que 4? piété est très-équivoquè. On do4 distinguer, chez iuij le poëte dont les productions étoient consacrées à orner des solemnités religieuses, et qui, protégé par la religion, devoit l'honorer; et le sophiste rempli ,de pfétentious philosophiques, qui, au milieu des prodiges fabuleux liés à la religion où il puisoit les sujets de ses pièces, çhprchoit à énoncer sps doptes et sep opinions hardies. D'un cô\,p, il ébranle les fondemens de la religion, cle l'autre il joue le morali-ste. Pour être bienvenu du peuple, jl prête aux hommes des temps héroïques une conduite et des moeurg qui ne pourroient exister que dans la société de ses contemporains. il sème. dans ses pièces un grand nombre de mqximes; mais ces maximes qu'il répète souvent, et qui là plupart sont usées, ne soutiennent pas un examen sévère. »
Tel est le jugement de M. Schlegel. Nous y ajouterons qu'il paroît que, de tous les poètes tragiques, Euripide est celui qui plut davantage au grand nombre. Ce quç Plutarque rapporte de l'enthousiasme avec lequel les Syracusai.ns entendoient réciter ses
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vers, est trop caractéristique pour ne pas être répété ici. Après avoir parlé des malheureux. qui, par suite de la défaite de INicias, tombèrent entre les mains des vainqueurs : c< Quelques-uns , dit-il, durent leur salut à Euripide : car de tous les Grecs qui habitent l'intérieur de la Grèce, il n'en est point qw aiment autant que les Siciliens les ouvrages de ce poëte; et quand les étrangers qui abordoient dans leur île, leur en apportaient des fragmens, et leur en faisoient, pour ainsi dire, goûter quelques essais, ils les âpprenoient par eoeur, et se les communiquoient les uns aux autres ; aussi dit-on que dans cette occasion plusieurs de ceux qui retournèrent dans leur patrie allèrent voir Euripide , et le remercièrent avec beaucoup d'affec* tion, les uns parce qu'ils avoient été mis en liberté pour avoir appris à leurs maîtres ce qu'ils avoient retenu de ses pièces, les autres parce qu'errant dans la campagne après le combat, ils recevoient de la nourriture de ceux à qui ils chantoient ses vers.
Il ne faut pas s'en étonner, après ce qu'on raconte d'un vaisseau de la ville de Caunus qui, poursuivi par des corsaires, s'étoit réfugié dans un port dé Sicile; les habitans refusèrent d'abord de le recevoir, et voulurent le chasser; mais ensuite ayant demandé aux passagers s'ils savoient des vers d'Euripide, sur leur réponse affirmative, ils laissèrent entrer le vaisseau » l.
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PLUT in Nir. c. 29. TiaJ. DU Dom. RPcard.
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Des cent vingt drames de ce poëte, il ne nous reste, indépendamment d'un drame satyaque dont nous- parlerons plus bas, que dix-huit tragédies dont l'authenticité n'est pas même universellement reconnue, ainsi que nous le verrons. Voici les titres et les sujets de ces pièces.
1°. Èx&e-r¡, Hécube. Le sacrifice dePolyxène que les Grecs immolent aux mânes d'Achille, et la vengeance qu'Hécube, doublement malheureuse pour être devenue captive et pour avoir été privée de ses enfans, obtient de Polymnestor, assassin de Polydore, le plus jeune des fils de Priam, sont le sujet de cette tragédie, dont la scène se passe au camp des Grecs dans la-Chersonnèse de Thrace. L'ombre de Polydore, dont le corps est resté sans sépulture, fait les fonctions du prologue. Erinius et L. Accius, et plus tard Erasme de Rotterdam, ont traduit en vers - latins cette tragédie. Lodovico Doice l'a mise en vers italiens ; La Harpe en a traduit des passages; Racine lui doit quelques.beaux vers de son Andromaque et de son Iphigénie, et Voltaire en a imité quelques-uns dans sa Mérope.
2°. ~OpeçTjç, reste. La scène se passe à Argos, le septième jour après le meurtre de Clytemnestre.
C'est en ce jour que l'assemblée du peuple doit juger Oreste et Electre. Ils n'ont d'autre espoir qu'en Ménélas qui vient d'arriver; mais ce prince qui convoite en secret la succession d'Agamemnon, excite sourdement le peuple à condamner les parricides. La sentence est effectivement pronon-
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cée, mais on laisse aux coupables le soin de l'exécuter eux-mêmes. Ilfrprojettent de se venger en tuant Hélène ; mais cette princesse est sauvée par l'apparition d'Apollon, qui conclut un double mariage , d'Oreste avec Hermione, fille d'Hélène, et d'Electre avec Pylade. Ce dénouement a quelque chose de romanesque, qui est indigne de la tragédie. La pièce est d'ailleurs farcie de traits comiques et satiriques. Quelques commentateurs ont cru reconnoître le portrait de Socrate dans la personne de ce citoyen simple et vertueux qui, dans l'assemblée du peuple, se charge de la défense d'Oreste. D'autres ont attribué la pièce à EURIPIDE lejeune, petit-fils du premier.
3°. < £ otvibt7at, les Phéniciennes, ou la mort d'Etéocle et de Polynice. C'est le sujet de la Thébaïde de Sënèque et de celle de Racine: Stace l'a souvent imitée dans son poëme épique, ainsi qu'a fait Rotrou dans les deux premiers actes' de son. Antigone. Le chœur de la pièce d'Euripide est composé de jeunes filles phéniciennes, envoyées, selon l'usage établi par Agénor, à Thèbes, pour être vouées au service du temple de Delphes. Jocaste remplit le rôle de prologue. Hugo Grotius a regardé les Phéniciennes comme le chef-ci'oeuvre d'Euripide; le ton qui y règne est plus élevé et plus héroïque que dans aucune autre de ses pièces.
08. Mr$eta, Médée. La vengeance que tire Médée de l'ingratitude de Jason, auquel elle a tout sacrifié, et qui, arrivé à Corinthe, l'abandonije
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pour épouser la fille du roi, est le sujet de cette tragédie. Médée ne fait pas mourir Jason ; «elle veut lui déchirer le coeur de tant de morsures douloureuses qu'elle lui fasse regretter la mort : la dernière et la plus cruelle dans les opinions anciennes, est de refuser ses fils à ses embrasscmens, de lui ôter le droit de les ensevelir » f. Ce qui fait le charme de cette tragédie, c'est la clarté de l'action, sa simplicité, sa grandeur; c'est la force et la vérité des caractères. L'exposition se fait par un monologue de ta nourrice : le choeur est composé de Corinthiennes, ce qui ne taisse pas que d'offrir une forte invraisemblance.
On assure qu'Euripide a donné deux éditions de cette tragédie, et que dans la première les enfans de Médée étoient tués par tes Corinthiens, tandis que, dans la seconde qui nous est restée, c'est leur mère elle-même qui les tue. Dans cette hypothèse, les vers i58i etsuivans où Médée dit qu'elle imposera à Corinthe, que par mépris eUe appelle la terre de Sisyphe, une fête pour expier ce crime, sont restés par mégarde dans la révision d'où ils devoient disparotJre, puisque Médée n'a aucune.expiation à demander aux Corinthiens, s'ils ne sont pas coupables du meurtre de ses fils a. Elien rapporte 3 que les Corin-
1 Brumoy.
* Voy. Bœttiger,de Medea Euripidea, etc., datis. Mattltl"oe Mise, vol. I, p. 1. A. Batckh grrecae tragœdiæ principum num ea quoe supersunt gCllllina, etc. p. i65.
S- Var. Hist. V, 21.
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thiens obtinrent d'Euripide que, sur ce point, il changeât la tradition; il ne parfe pas d'un changement de la pièce : d'autres rapportent qu'ils achetèrent cette complaisance pat un présent cfe cinq talens.
Le sujet de Médée a été souvent traité par les poëtes dramatiques : parmi les Grecs, par Néophron de Sicyone, à moins que ce poëte se soit contenté de refondre l'a pièce d'Euripide; par Ennius, Pacuvius, Accius, Ovide et Sénèque parmi les Romains ; chez les Italiens par Lodovico Dolce • en Angleterre par Glower. La plus ancienne Médée françoise est celle de Jean de la Péruse, représentée en i553. Elle est en cinq actes, en vers, avec des chœurs à. fa manière des anciens ; c'est une traduction de Sénèque. La Médée de P. Corneille fut représentée en 1639; la tragédie-opéra de 2%. Corneille, en 1693; la Médée de Longepierre, en 1694; Médée et Jason, tragédie-opéra- de l'abbé Pelle g fin, en 1773; la Médée de Clèràefttj en 1779 1
5°. ïirftfÀOTQç ~irecpavtxpopoç, Hippolyte portant une couronne. Le sujet de cette tragédie est celui dont Racine s'est emparé pour en faire sa Phèdre, sujet éminemment tragique. Il offre une femme, créature foible, victime de la colère de Vénus, qui lui inspire une passion criminelle. Objet d'horreur à ses propres yeux, ainsi qu'aux yeux de celui qu'elle aime , ne pouvant survivre à sa honte, .ni par-
1 Voy. NoLice de M. Raoul-Rochelle dans l'édition de Brumoy, de 1821 , vol. YI , p. 353.
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donner le mépris dont elle a été accablée, elle meurt-, après avoir, par une calomnie, engagé Thésée à devenir le meurtrier de son fils. L'épithète donnée à cette tragédie vient probablement de la couronne que, dans la première scène après l'exposition dont Vénus est chargée, Hippolyte offre à Diane. Euripide l'avoit d'abord donnéesous le titre drHippolyie voilé ou caché, Í ttttoÀutoç xocXwxTopevoç. Il la retoucha ensuite, en changea la catastrophe et le titre, et la reproduisit ainsi l'année de la mort de Périclès.. Elle remporta le prix suites pièces d'Iophon et d'Ion qui avoient concouru avec Euripide, On la cite aussi quelquefois sous le titre de Phèdre, et le célèbre chef-d'œuvre de Racine en est une imitation 1, ainsi que la pièce de Sénèque, qui toutefois mériter oit plutôt la qualification d'une parodie, 6°. AXxriçiç, Alceste. Le sujet de cette tragédie est moral et touchant. C'est une épouse qui meurt pour prolonger la vie de son époux. Elle tend à prouver que la tendresse conjugale et l'hospitalité ne restent pas sans récompense. Hercule, que le roi Admète avoit bien accueilli quand il étoit dans le malheur, averti qu'Alceste a consommé son sacri-
1 Voy. Comparaison de l'Hippolyte d'Euripide avec la Phèdre de Racine, par Louis Racine, dans les Mémoires de l'Académie des Inscr.
et Belles-Lettres, vol. VIII, p. 3ooj et par l'abbé Batteux dans la même collection, vol. XLII, p. 453, ejiËD, Comparaison entre la Phèdre de Racine et celle d'Euripide, par Aug. Guill. Schlegel. Paris, 1805, in-80. Dans cette dernière brochure , on soutient avec beaucoup d'esprit un paradoxe yue le goût françois réprouvc.
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fice, la cherche aux enfers et la ramène dans les bras de son époux. On critique dans cette pièce y comme dans quelques autres d'Euripide, le mélange du sujet tragique avec des traits comiques.
Quoique le caractère d'Hercule soit intéressant et bien prononcé, et qu'en général cette pièce offre beaucoup de beautés de détail, on la regarde néanmoins comme une des plus foibles productions de l'auteur.
7°. ~AvSpopdxYj, Andromaque. La mort du fils d'Achille, qq'Oreste tue, après lui avoir enlevé Hermione, est le sujet de cette tragédie dont la scène est à Thétidée, ville de la Phthiotide. On a prétendu qu'Euripide-avoit pour but de rendre odieuse la loi d'Athènes qui permettoit la bigamie Racine a signalé lui-même; dans la préface de son Andromaque, la différence des deux sujets. cc Andromaque, dit-il, dans Euripide , craint pour la vie de Molossus, qui est un fils qu'elle a eu de Pyrrhus, et qu'Hermione veut faire mourir avec sa mère.
Mais ici il ne s'agit point de Molossus. Ândromaque ne connoit pas d'autre mari qu'Hector, ni d'autre fils"qu'Astyanax. J'ai cru en cela me .conformer à l'idée que nous avons maintenant de cette princesse. La plupart de ceux qui ont entendu parler
1 Voy. Réflexions sur lJAndromaque d'Euripide et sur l'Andromaque de Racine, par Louis Racine, dans les Mém. de l'Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, vol. X, p. 311. Ce n'est pourtant pas tout-à-fait la bigamie qu'autorisoit la loi d'Athènes, puisqu'un mari ne pouvoit avoir qu'une seule femme légitime; seulement la loi accordoil le droit de cite aux enfans de la seconde femme. Voy. DIOG. LAERT. II, 26.
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d'Andromaque ne la connoissent que potfr la veuve d'Hector, et pour la mère d'Astyanax. On ne croit pas qu'elle cfeoive aimer un adtre mari ni un autre fils; et je doute que les larmes d'Afidromaque eussent fait sur l'esprit été mes spectateurs l'impression qu'elles ont faite, si elles avoient courlé pour un attire fife que celui qu'elle avoit d'Hector.» Ont ne di-sc{)iJ'lf'¡endra pas que, par ce changement, le poëte francois a ennobli le caractère de son héroïne.
8°". î XETI&Ç , les Suppliantes. La-scène de cette tragédie est devant le temple de Cérès à Eleusis, où les femmes d'Argos dont les maris ont péri devant Thèbes, ont suivi Adrasre, leur roi, dans l'espoir d'engager Thésée à prendre l'es armes pour les venger et pour faire accorder aux morts la sépufture- qu'on leur refusoit. Thésée cède à- leur prière et promet son assistance. En faisant jouer cette tragédie, la 5V année de la XCe. Olympiade y quatorzième de la guerre du Péloponnèse, Euripide vouloit, dit'-on, détourner les Argiens de la cause des Lacédëmoniens. Son but fut manqué, et le traité par lequel Mantinée fut sacrifié à l'ambition des Spartiates, fut signé. L'exposition de cette pièce n'a pas le défaut des autres ; elle est magnifique, et se fait sans l'intervention d'un véritable prologue; car le monologue par lequel Etlira, mère de Thésée ,.BOUS fait connoître le sujet de la fable, est une prière adressée à la divinité, dans laquelle le récit se place naturellement.
9°. i cpjyevsîoc v) ev AuAi3e, lphigénie en Aulide. Le su-
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jet de cette tragédie est bien connu par NU des chefs-d'œuvre de Baeine 1 ; c'est le sacrifice d'Iphigénië que Diane enlève pou* tffi substituer une autre victime. C'est la seule tragédie d'Euripide qui n'ait.
aucun prologue, car on sait que Rhésus., qui en manque, en aveit un autrefois. Aussi Musgrave a-t-il conjecturé que Fïphigénie en avoit égaltement un dans lequel Diane faisoit Fexposition de ta pièce, et Elien 2 cite un passage de l'Iphigénie que nous n'y trouTons pas, et qui, d?"après son eontenu, ne pouvoit être prononcé que par Diane : elle y annonce ce qu'elle fera p©ur sauver Iphigénie. Cependant M/5.
Eiclistoedt" et Boeckh 4 soutiennent que l'ïphigénie que nous avons ne peut pas avoir eu cle prologue, parce que, si elle en avoit eu un, il aiaroit nécessairement dû renfermer le récit qiui- est mis dans la bouche d'Agamemnon aux vers 4^-n»4, d'où.
M. Boeckh conclut qu'il y a eu deux tragédies d'tphigénie, l'une d- E -uripid-e avec prol'ogue, Vautre, laite pay son petit-fils, qui seroitcelfe qui nouS est parvenue. Le sujet de cette pièee a été traité aussi par Lodovico Dolce et par Rotrou.
]-oQ. ] yiyéveia. ri Èv Tœjpocç, Iphigênie en Tauride.
1 Voy. Comparaison de l'Iphigénie d'Eupipide avec l'Iplligéoie de Itacine, "par Louis Racine, dans les Hem. de l'Acad. des Inscr. et BellesLettres , vol. VIII, p. 288.
- Hist. Aman. VII, 3g.
5 De dram. Graeoorum comico-satryrico , p. qq.
4 L. c. p. 2x6. B-remi dans les Philolog. Beytraege aus der Scliweiz, p. i43, et M. Jacobs in Zubxtze zu Sulzer, vol. V, part, i, p. 4oi, partagent cette opinion.
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La fille d'Agamemnon, soustraite par Diane au glaive des sacrificateurs et transportée en Tauride, y sert la déesse comme prêtresse de son temple.
Oresté a été jeté sur les côtes inhospitalières de ce pays : les lois de la Tauride ordonnent qu'il soit sacrifié à Diane. Reconnu par sa sœur à l'instant fatal, il- la reconduit dans leur patrie commune. Un monologue d'Iphigénie tient lieu de prologue et d'exposition. Les scènes qui amènent la reconnoissance entre Iphigénie et Oreste, sont touchantes et d'un haut intérêt ; cependant Guimond delà Touche a, sous ce rapport, surpassé son modèle.
11°. Tpwxxèeç, les Troyennes. L'action de cette tragédie précède celle de l'Hécube du même auteur.
Elle se passe dans le camp des Grecs, sous les murs de Troie, qui est tombée en leur pouvoir.
Le sort a partagé entre les vainqueurs une troupe de Troyennes captives. Agamemnon s'est réservé Cassandre ; Polyxène a été immolée aux mânes d'Achille 5 Andromaque est échue à Néoptolème, qui part avec elle; Hécube à Ulysse. Le but du poète est de nous montrer dans cette reine une mère au comble de l'infortune. Les Grecs font mourir Astyanax dont le corps brisé lui est apporté; ensuite ils mettent le feu aux restes d'Ilion. Cette suite de malheurs fait passer devant les yeux du spectateur un tableau terrible, mais il n'y a pas une action unique qui fasse le sujet de la pièce ; aussi n'y a-t-il pas de dénoûment. Neptune débite le prologue. Sénéque et M, de Châleaubrun ont imité la tragédie d'Euripide.
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12°. ~Baxyoti , les Bacchantes. L'arrivée de Bacchus à Thèbes et la mort de Penthée mis en pièces par sa mère et sa sœur; tel est le sujet de cette pièce, où Bacchus ouvré la scène en se faisant connoître aux spectateurs : Je viens, Bacchus, fils de Jupiter, dans cette terre de Thèbes, etc. Le P. Brumoy la regarde comme un drame satyrique ; il s'est trompé, les chœurs de Satyrs ne sauroient manquer dans ce genre de composition. « L'action des Bacchantes est très-défectueuse c'est une suite de riches tableaux et de beaux mouvemens, de situations tragiques , de vers brillans de poésie, liés par un trop foible intérêt. Le spectacle qu'offroit cette tragédie , étoit à la fois imposant et propre à* piquer la curiosité » 1. Il y a quelque probabilité que nous l'avons dans une seconde édition.
i3°. Hpaxùeîiïou , les Héraclides. Les enfans d'Hercule, persécutés par Eurysthée, se sauvent à Athènes et implorent la protection de cette ville. Les Athéniens la leur accordent, et Eurysthée est la victime de la vengeance qu'il se préparoit à faire tomber sur eux. lolas, ancien compagnon d'Herculej expose le sujet aux spectateurs. Le poète y a répandu un grand intérêt.
i4°. ÉAevrj , Hèlene. La scène est en Egypte où Ménélas, après la destruction de Troie, trouve Hélène qui y avoit été retenue par Protée, lorsque Pâris vouloit la conduire à llion. Euripide suit ici
1 Voy. Examen de la tragédie des Bacchantes , par Prévost, dans le Théâtre des Grecs , édition de AI. Raoul-Rochette, vol. IX, p. 376.
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le récit d'Hérodote auquel il ajoute quelques événemens qui tiennent du roman. L'action se passe dans l'île de Phar-os, où Théoclymène, son fils, retient Hélène, parce qu'il veut l'épouser. Elle em- r ploie une ruse pour se soustraire à son pouvoir.
Ce dénoûment ressemble à celui de l'Iphigénie en Tauride, i5°. lffl, Ion. Ion, fils d'Apollon et de Creuse, qui étoit fille d'Erechtée, roi d'Athènes, a été élevé parmi les prêtres à Delphes. Le dessein d'Apollon est de faire passer ce jeune homme pour le fils de Xuthusqui aépousé'Créuse. L'intérêt de la pièce, qui est un peu compliquée et a besoin d'une longue exposition dont se charge Mercure, consiste dans le double danger que courent Creuse d'être tuée par Ion, et celui-ci de périr par le poison que lui a préparé une mère qui ne le connoît pas. Le lieu de la scène est à l'entrée du temple d'Apollon à Delphes, lieu choisi exprès pour donner au spectacle un air de pompe et de solemnité; il règne dans toute la pièce un ton religieux plein de gravité et de douceur. Elle a beaucoup de rapport avec l'Athalie de Racine.
i6°. ~HpaxÀyjç fjLajvopevoç , tHercule furieux, Aprèsavoir dans sa fureur tué sa femme et ses enfans, Hercule va se soumettre aux cérémonies expiatoires et chercher le repos à Athènes. Amphitryon est chargé du rôle de prologue ; la scène est àThèbes.
17°. HAexrpa, Electre. Le sujet de cette pièce est le même qu'ont aussi traité Eschyle et Sophocle, cha-
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cun d'une manière particulière. Euripide a î^aasporté la scène loin du palais d'Egisthe, à la campagne près d'Argos : l'exposition est faite par un-cultivateur auquel Electre a été obligée de donner sa main, mais qui a respecté en elle la fille des rois. E* comparant Euripide à Sophocle, on le trouvera inférieur à celui-ci dans la manière dont il a traité Je sujet5 mais il a su l'embellir par d'iniéressans épisodes.
18. Pîp-oç, Rhésus, sujet tiré du dixième livre de l'Iliade. D'excellens critiques ont prouvé que cette pièce n'est pas d'Euripide
Il existe environ quatre-vingts vers du <l>aL9'c.w , Phaéthon, de ce poëte. Glymène, mère de Phaéthon, est l'épouse de Mérops, roi des Ethiopiens, et Phaé thon passe pour le fils de ce prince. Le jeune homme ayant conçu des doutes sur sa naissance, s'adresse au Soleil. On connoît la çatastrophe qui lui coûte la vie. Dans la tragédie d'Euripide on apportoit à Clymène le corps brûlé de son fils, au moment où Mérops s'occupoit du soin de lui donner une épouse.
Il ne nous reste que le commencement de la Danaé d'Euripide, si toutefois les soixante-cinq vers qui passent pour une partie du prologue ne sont pas plutôt d'un imitateur qui n'a pas poussé plus loin sa tentative de singer le style d'Euripide 2.
1 Voy. Dissertation sur la tragédie de Rhésus , par Hardion, dans les Mém. de l'Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, -vol. X, p. 323. - Valckenarii diatribe Euripidea, c. 9 et 10. — Ch. Dan. Beck, dans une dissertation insérée au troisième vol. de son édition d'Euiipidc, p. 444. Aug. Boeckh , 1. c.
2 Hypothèse de 1\1. F. A. TVolj. Voy. Litler. Anal., vol. II, p. 3g4.
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Les anciens citent un autre poëme, d'Euripide : c'est un Chantfunèbre, Eirix-vêeiov, sur la mort de Nicias et de Démosthène, ainsi que des autres Athéniens qui avoient péri dans la malheureuse expédition de Sicile.
Nous possédons aussi deux Epigrammes d'Euripide , chacune de quatre vers ; l'une nous à été conservée par l'Anthologie , l'autre par Athénée.
Il sera question plus bas1 du Cyclope, drame satyrique d'Euripide.
SOTÉRIDE, DIDYMUS, ARISTOPHANE de Byzance, CALLISTRA TE, DENYS de Thrace, et d'autres grammairiens , ont commenté Euripide. Arsenius, archevêque de Monembasie , dans le quinzième siècle, a recueilli leurs scholies sur sept tragédies.
Il existe deux fies d'Euripide, par .MANUEL MOSCHOPULUS et THOMAS MAGISTER.
On ne connoît pas un seul manuscrit où l'on trouve toutes les pièces d'Euripide : aussi la première édition que Janus Lascaris fit paroître, vers la fin du I5e siècle, à Florence, in-40, ne contenoit-elle que quatre tragédies , savoir : la Médée, l'Hippolyte, l'Alceste et FAndromaque. Cette édition, très-rare, est nu des cinq ouvrages que Laur.-Franc.
de Alupa a imprimés en lettres capitales 2. Aide l'ancien
1 Page 82 Je ce volume.
2 Voy. sur cette édition F. A. Ebert allgem. bibliogr. Lexicon, vol. I, p. 55g. A l'article de Menandre, le poëte comique, (au chap. XXVII ) f nous indiquerons les cinq ouvrages qui forment cette collection l'arc et précieuse d'editiones principes.
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donna à Venise, i5o3, en 2 vol. in-80, dix-sept tragédies et leCyclope, Le titre dit: Tragœdiae septemdecim, et les nomme : il y comprend le Cyclope, mais ni l'Electre, ni l'Hercule furieux : la première manque effectivement; mais l'Hercule a été ajouté à la finftlu second volume. Ainsi -on peut regarder ces deux volumes comme la première édition complète, à peu de chose près; mais' elle est très-fautive. Luc.-.Ant. Giunta impriraaJes scholies d'Arsenius, Venise, i534, in-8°. Jean Hervag, à Bâle, réimprima trois fois l'édition Aldine, d'aharù en 1537, sous le thre de Tragœdiae xviii, parce que le Cyclope étoit compté pour une tragédie ; la seconde fois en i544, où
Jean Oporin fit quelques corrections arbitraires dans le texte.
Dans un volume particulier, Hervag réimprima les scfholies d'Ararnius, avec corrections. L'année suivante, Pierre Vettori (Victorius) publia pour la première fois, à Rome, in-8°, l'Electre qu'on venoit de trouver.-Hervag la joignit à sa troisième réimpression de l'édition Aldine., également soignée par Oporin, qui parut en i55i , et est la premièiv édition entièrement complète, quoique le titre n'annonce que dix-huit pièces. Une autre réimpression, mais avec de bonnes corrections, fut soignée par Brubach, à Francfort : elle ue )prie pas de date. - ».
Oporintis donna à Bâle, 1562, in-fol., une édition (FEuripide , accompagnée des notes de Jean Brodeau et de la traduction latine de Gasp. Stiblin, qui eut la malheureuse idée, de couper les tragédies par actes. C'est la première édition grecque-latine; mais elle ne renferme "pas la première traduction. Il en existoit deux autres, l'une de TLodolphe Qollinus, ou , comme il se nomme sur 1q titre, Dorotheus CamiLlus, imprimée par Apiarius à Berne, i55o, in-8°, et l'autre de Phil. Melanchthon, imprimée à Bâle, It;58, in-8°.
La première édition critique parut à Anvers, chez Plan lin , 1571 , in-i6; elle fut soignée par Guill. Ganter. Le fragment de la Danaé se trouve pour la première fois dans la réimpression de cette édition, qui parut en 1597) en 2 vol. in-8°,
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chez Commelin, àHeidelberg: c'est la seconde édition grecquelatine. Le fragment de la Danaé avoit été trouvé à Heidelberg. Xa traduction est celle de Camillus, corrigée par Æm.
Powtus. Commelin y ajouta, en îâgg, les notes tiMmilîus Portas, moins critiques que grammaticales.
Tout ce que ces. éditions renferment fut réuni, par Paul Etienne, dans celle qu'il publia à Genève eft 1602, in-4°.
Les scholies sont corrigées.; la vèrsion est celle de Camillus et iEmilius Portus. Il se passa ensuite près d'un siècle sans' qulEuripide fût réimprimé. Josué Barnès, homme savant, maie sans critique et sans goût, dont Bentley disoit plaisamment qu'il savort le grec aùssi Lien qu'aucun savetier d'Athènes, donna à Cambridge, en 1694, in-fol., une édition d'Euripide qui, n'ayant pas de mérite critique, est chère et recherchée, parce qu'elle est plus complète qu'aucune autre 1. en fait peu de cas d'une édition accompagnée n'une traduction italienne et de notes très-insigniifantes que le P. Michel-Ange Càrmeli publia à iladoue, de 1743 à 1754, en 20 parties in-8°, ou en 21, si l'on y joint sa Disserlatio pro Euripide et noyo ejus italico interprete* qui est de 1750. Ainsi Euripide ne gagna pas beaucoup, ni par ce franciscain, ni par Barnès; et l'on peut dire que , depuis 1751 jusqu'en 1778, il ne fut rien fait pour cet auteur, , si nous exceptons. l'édition queJeqn King donna à Cambridge, 1726, in-8-Q, de l'Hécube, de l'Oreste et des Phéniciennes,.
avec les scholies, et que Thomas Morell fit réimprimer à Londres, 1748, en 2 vol. in-8°, en y joignant l'Alceste ; ainsi que les éditions savantes que Louis-Gaspard Valckenœrdonna
1 Il y a deux motifs pour lesquels un livre peut être recherché ; quand ii J'est par le savant, c'est son contenu qui lui mérite cet houneurj mais aux J'eux des bibliophiles, il suflit qu'un livre soit rare pour qu'ils le paient fort cher. Ainsi, on recherche les exemplaires sur grand papier de l'Euripide de Barnès, et M. Renouard jious apprend qu'il la venie de M. Mac-Carthy un amateur étrnnger paya 1800 fr. le seul exemplaire de ce genre qui existoit en Franc?.
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des Phéniciennes, à. Franecker, i^55,'in-4°, deJ'Hippblyte, à Leyde, 1768, et des fira gmens, 1767, in-4°; et celle-des Suppliantes par Jér.Markland, Lond. 1775, in-8°j et des deux Iphigénies par le même, juondres, 177 Dans cette disette d'éditiona, un libraire de Leipzig résolut, en 1778, de faire réimprimer celle de Bamès, coMine étant la plus complète. Il chargea Sam.-Fréd.-Nath. MOTUS de la direction de cette entieprise. Le "volume in-folio fut partagé en 2 vol. in 4°) dont le premier parut en 1778. Peu-.
dant qu'on- l'imprinioit, il fut publié à Oxford une édition - qui dut faire oublier celle de 1694. Sam. Musgrave la soigna -, elle parut en 4 vol. in-4°, et renferme un tMtxte corrigé , un peu trop à la hâte, il est vrai-, mais à l'aide de manuscrits, et accompagné de notes ayant pour. ohjet la critique aussi bien que l'interprétation. Cette publication engagea M. Chr.-Dan.
Beck3 qui avoit pris la place de Morus dfearifi 'la direction de la réimpression de Barnès, de changer le.^ilbn de cette entreprise; tteonlinua bien de fii'fe copier le.te&te-de Barnès, et fit paraître le secood volume en 1779; mais dan§ un tijpisièmè vol ume, qui ne vit le jour qu'en 1788, il réunit nonseulement tout ce que l'édition de Musgrarg avoit de nouveau, mais aussi les travaux des autres savais qui, dans l'intervalle, s'étoient occupés d'Euripide on de quelques-unes de ses tragédies; enfin il y ajouta une table complète. L'édition de Musgrawe a été réimprimée à Glasgow en 17-97, en 10 vol. in-8°.
Parmi les travaux qui avaient paru depuis Musgrave, il faut distinguer ceux de Brunch. Ce savant donna à Strasbourg, in-8°, en 17 7 9, une nouvelle récension de l' Andromaque (avec l'Electrc de Sophocle) , et de l'Opesle (avec l'Œdipe-rrai), et en 1780, de l'Hécube, des Phéniciennes, de HHippolyte et des Bacchantes. M. Bech lui-même, prenant pour, base le travail de Brunck, donua à Kœnigsberg, ea J.792, in-8°J l'Hécube, l'Oreste , les Phéniciennes et la Médée : ce volume porte le titre de premier, parce que M. Beck se proposoit de
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donner-ainsi 'tout le théâtre d'Euripide ; mais, par une fatalité attachée à- beaucoup d'entreprises de ce savant distingué, celle-ci n'eut pas de suite.. 4 Après Brunck, Riek. Porson s'occupa d'une nouvelle récensiou du ipite d'Euripide. Il publia à Cambridge, in-8°, d'abord l'Bécube en J.797, ensuite. l'Oreste en 1798, les Phéniciennes en 1799; la. Médée en 1801, et une seconde fois l'Hécube en i-8aa. Ce travail critique fut réimprimé à Leipzig, en un seul volume in 8"fporlantle titre de premier volume, et encore une fois ea 1807. Ces deux réimpressions sont préférables aux éditions. originales, parce que MM. Schœfer et Erfurdt y ont ajouté des notes pour lesquelles ces éditions sont même recherchées en Angleterre Nous passons suis silence-les autres publications de pièces détachées d'Euripide.
Dans le dix-neuvième siècle, le théâtre d'Euripide a été imprimé quatre fois en Allemagne, et deux fois en Angleterre.
Parlons d'abord des éditions d'Allemagne.
, I° Francfort, 1808,4 vol. in-8°, soignée parM. E. Zimmermann, avec la traduction. Cette édition n'a pas entièrement satisfait les critiques, quoiqu'ils aient rendu justice à l'érudition de M. Zimmermann ; mais ce savant, fort jeune alors, ne s'étoit pas occupé assez long-temps de son auteur.
20. Leipzig, 1813 et suiv., par M. Aug.Matthiœ. Les 6 vol.
io-Bo, qui ont paru de cette édition, donnent le texte , les scholies et le commencement du commentai. critique. Avec le suite paroîtra aussi la traduction corrigée. M. Matthiœ a en !excel-len"s secours pour ce travail, telles qu'une collation de quatortie manuscrits de .Florence, faite par M. de Furia, et une autre de mahutecrits de Turin , soignée par M. Amédée ~Peyron. Lui- même a conféré deux manuscrits de Wolfenbuttel. J^'a pi ofité des recherches des modernes sur la mé- j t-riqne gtecque, et rétahJi, sous ce point de vue, la pajitie lyrique, qui av-oit beaucoup souffert par la négligence des oopislcs.
3°. Leipzig, 1811, 4 vol. in-18, texte de Musgrave, avec
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quelques corrections tle M. Schæfir. Ces volumes-font partie de la collection de Taucbnitz.
4°. Leipzig, 1812 et suiv., petit in-8°, par M*. A-. Seidler, Il , ea a paru successivement 3 volumes : on y tr,&-tive-l-ù -texte corrigé, non sur des manuscrits que l'éditeur n'avoit pas à sa disposition, mais sur les meilleurs apparatus, existans. On compte M. Seidler parmi les bons-critiques d'Alîemagnç-; il possède aussi parfaitement la métrique. Peut-être est-on fondé à lui reprocher qu'en faveur. du nouveau systèdle, il a fait des changemens arbitrair.,. Ses notes sont courtes et bonnes. Les trois volumes renferment les. Troyennes, Electre, Jphigénie eu Tauride.
Nous allons indiquer maintenant les éditions, puhliées en: Angleterre.
i". Oxford, 1811, C vo4. in-32. texte de Barnè's, pour faire suite aux éditions de Bliss. 2°. Glasgow et Londres, aux frais de Rick Priestley, 1821; 9 vai. in-80. Charles Bzirney soigna d'abord celle édition; après sa mort, MM. Robert H. Evans , Elmsley, Maltby et Blomjield s'en occupèrent. On a pris pour .chaque tragédie le texte regardé comme le meilleur; ainsi celui de R.Porson pour les quatre premières; pour l'Hippolyte celui de J.-H. Monk (qui avoit paru à Cambridge, i à 13, in-8°.); pour l'Alceste , le texte du même (Cambridge,18, in-8°) j on a donné l'Andromaque, l'Electre, la Danaé et les fragmens, d'après Musgrave; les Suppliantes et les deux Iphisénies, d'après Jérémie Mark-* land; le Hhésus, les Troyennes, le Cyclope, l'Hélène et l'Ion, d'après M. d. Mattlziæ j les Bacchantes) d'après Rriuicb; les Héraclides* d'après P t. Elmsley (Oxford, 1810, in-8") ; l'Hercule furieux, d'après M. God. Hermami (Leipz. 1810, in-8° ).
Le texte est accompagné de la version de Musgrave. Les.
soholies sont prises, pour les quatre premières tragédies, de l'édition de Musgrave; pour les autres,-dc celle de M. Mattlziæ. Le Rhésus et les Troyennes sont accompagnés de schoKes inédites d'un manuscrit du Vatican,
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Le fragment du PhaëthoTi a été trouvé à Paris par M. ImityBehker. Une copie très-fautive de ce morceauétoit tombée entre les mains de M. G. Burgess; ce savant le-Ct insérer dans le Glassical journal, n° XLIII, sept. 1820, p. 160; mais M. God. Herrfiann en«oigna une réimpression pin, correcte dans JW -G. Seebode et Fr.-fr. Friedeman, Miscdlanea critioa (Hildes, 1822), vol. I, p. 1.
t Tels sont les trois grands tragiques grecs. Leurs productions étoient regardées par les Athéniens commeiles monumens de la gloire nationale. Entre !a X'CIlle et la CXIlIe Olympiade (4o4 à 520 ans av.
J.-C. ) l'orateur Lycurgue fit passer une loi, ordonnant qu'une copie exacte et authentique des
tragédies d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide serait déposée aux archives de l'état, et qu'un des premiers magistrats de la république, le greffier de la ville, ypajtfjLocrèbç TVjç ttoÀswç, veilleroit à la conservation de ce dépôt. Ce fait nous est rapporté par l'auteur de la Vie des dhç. orateurs attiques, attribuée à Plutarqup. Par la suite Ptolémée III Evergètes 1, roi d'Egypte, obtint contre un cautionnement de quinze talens , que cet exemplaire lui fût confié pour servir à faire corriger les copies qui existoient à Alexandrie. Ce qui fait peu «^'honneur à la probité du roi, mais prouve au moins son amour pour les lettres, c'est qu'il aima mieux perdre la somme.àéposée que de rendre ce trésor : il envoya aux Athéniens une copie de leur original.
Outre les trois grands poètes tragiques, fes gram-
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maiiiens d'Alexandrie ont placé dans leur canon Ion, Achœus et Agathon. ■
ION rie Chios, fils d'Orch»mène, et surnommé XUTHUS., vécut danS les derniers temps d'Eschyle 1.
Ses tragédies y parmi lesquelles oti nomme Agamemnon , les Eurytides, Laertès , Omphale, Phénix, les Gardiens (<lJpoupo)) sont perdues, à quelques fragmens près. Il composa aussi des odes, des dithyrambes, des cofaiédies, des élégies et. des épigrammes. Il écrivit en dialecte ionien plusieurs ouvrages historiques, sur ¥ Origine de Chios, Xtou xrfmç, et un livre intitulé Epidémies, qui traitoit des voyages d'hommes célèbres danS l'île de Chios, ainsi que des voyages entrepris par des habitansde cette île , ouvrage où Pluiarque paroît avoir emprunté plusieurs traits qu'il a placés dans la Vie de Cimon , et pour lesquels il se réfère au poète Ion.
Suidas dit qu'il a aussi écrit sur les Météores, mais Rich. Bentley et Kûster 2 accusent le lexicographe d'une bévue grossière; ils prétendent qu'il a mal compris le scholiaste d'Aristophane qui dit qu'Ion mêle souvent les météores dans ses dithyrambes. Ces. savans peuvent avoir raison ; toutefois Stobée cite Ion pour une opinion sur la nature de la lune s.
Les fragmens d'Ion ont été recueillis par Rich. Bentley, dans saLettrç à John Mill qui est jointe à l'édition delà Chro-
1 Illleurit vers 45c ans av. J.-C.
1 A l'ait. Icov de Suidas.
5 Eclog. 1, 27.
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nique de Jean Malala. Les restes de ses Elégies se trouvent dans les-Analecta de Brunck.
Il a existé deux poëtes du nom d'Acmsus ; l'un, - fils de Pythodore d'Erètrie ,étoit contemporain d'Euripide , et même un peu plus ancien, puisqu'Athénée. cite un vers 'qu'Euripide a pris dans une de ses pièces 1 ; l'autre , d'une époque postérieure , étoit de Syracuse. L'un et l'autre ont fait des tragédies dont il nous reste quelques fragmens , sans qu'on puisse distinguer s'ils sont de l'un ou de l'autre. Celui d'Erétrie a aussi fait des drames satyciques : Athénée en cite une demi-douzaine.
- AGATHON dY Athènes fut l'ami intime d'Euripide.
C'est chez lui que Platon a placé la scène de son Banquet. Les anciens ffHSoient grand cas de ses tragédies ; cependant Aristote lui reproche a une innovation qui contribua à la décadence du théâtre ; c'est qu'il introduisit l'usage de ne plus composer des chœurs expaès pour ses pièces, mais de prendre au hasard dans divers ouvrages des morceaux de poésie, et de les placer dans les entr'actes,. comme des intermèdes 5 JjUL&ffo À tapa-roc. On blâme aussi un peu trop de recherche dans sa diction ; c'est un grand défaut, puisque la simplicité qui caractérise l'ancienne tragédie, étoit l'ennemie de toute affectation. Les tragédies d'Agathon, parmi lesquelles il y avoit un Thyeste ej un Tëlèphe, sont perdues à peu de fragmens près.
1 VI, p. 270. ( Ed. Schweigh. II, 53b ).
* Poet. c. 17. (Ed. Harles. c. 18 J.
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Les fragmens d'Achæus, d'Agathon, et en général du théâtre tragique des G., se trouvent dans le recueil de Grotius.
La tragédie grecque ne fit que décliner après la mort d'Euripide : elle cessa même presqu'entièrement vers la fin de cette période. Nous lui verrons encore dans la suivante jeter une foible lumière avant de s'éteindre entièrement.
Nous avons fait connoître l'origine de la tragédie sous' Thespis, Phrynichus et Choerilus, son perfectionnement par Eschyle , Sophocle et Euripide, et le commencement, imperceptible encore, de sa décadence sous Ion, Achæus, et Agathon. Pour achever ce précis, nous allons ajouter la nomenclature par ordre chronologique de quelques autres poètes tragiques , antérieurs à l'époque d'Alexandrie , soit parce qu'il nous en reste quelques fragmens , soit parce qu'il en est question dans les écrivains anciens , et surtout dans l'ouvrage d'Athénée et dans le lexique de Suidas.
MELANIPPIDE de Melos, le poète dithyrambique 1,
a aussi composé des tragédies. Il nous reste un fragment de sa Proserpinc.
PRATINAS de Phlionte concourut avec Choerilus et Eschyle à la LXXe Olympiade \U est-plus célèbre comme auteur de drames satyriques que comme poëte tragique.
PHILOCLÈS d'Athènes, neveu d'Eschyle 3, retna
1 Voy. vol. I, p. 288.
2 I/au 5oo avant J.-C.
Õ C'est-à-d ire fils de sa soeui.
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porta le prix sur l'OEdipe de Sophocle 1. Il composa une tétralogie, la Pandionide. ArisTOphane dans les Oiseaux se moque de son Tiree qui faisoit partie de cette suite. Suidas dit qu'à cause de sa moriacité il fut surnommé la Bile, yokn. Ses fils MELANTHUS et MORSIMUS composèrent aussi des tragédies qui n'échappèrent pas à la satire d'Aristophane.
Mélanthus a fait une Mêdée.
EUTHORION et DION, les fils d'Eschyle suivirent les traces de leur père, ou plutôt, s'il faut enjemil-e Suidas, Euphorion le précéda dans une carrière où Eschyle s'illustra : car le lexicographe dit que lorsque celui-ci s'y lança, son fils avoit déja remporté quatre prix. 11 ne faut pas le confondre avec Euphorion de Chalcis.
ARISTARQUE de Tdgffe parvint à un âge de plus de cent ansde manière qu'après avoir été dans le nombre des créateurs, du théâtre grec où il introduisit , dit-on , le cotlzurne, il vit cette institution dans tpute sa splendeur sous Eschyle , Sophocle et Euripide. Aristarque a fait soixante-dix pièces : il est peut-être-l'auteur du Rhésus qui se trouve parmi celles d'Euripide. Plaute cite une de ses tragédies, VAchille 3.
MoRyclius, poëte renommé pour sa gourmandise 4, dont se moquent Aristophane et Platon, le
1 478 ans avant J.-C.
a Vers 436 avant J.-C.
3 Dans le prologue du Poenulus.
4 Vers 456 avant J.-C.
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poète, a obtenir une triste célébrité par l'adage qui * transmis son nom à la postérité: plus bête que Mo- rychus.
MOSCHION avoit fait un Thémistocle, un Télèphe et un Phélée. Il en reste quelques fragment.
APHARÉUS, gendre et fils adoptif de l'orateur Isocrate, a fait trente-sept tragédies XÉNOCLÉS concourut avec Euripide à lagI C olympiade * et remporta le prix par sa tétralogie composée des trois tragédies d'Oldipe, de Lycaon et des Bacchantes, et d'un drame satyrique intitulé Athamas. Euripide y avoit opposé Alexandre, Palamède, les Troyennes, tragédies y et Sisyphe, drame satyrique.
CRITIAS et THÉOGNIS 3 dont les noms se trouvent parmi ceux des trente tyrans d'Athènes , étoient des poëtes distingués 4. -Le premier sortoit de l'écolC de Socrate. On cite son étalante et son Pirithous. Cette pièce doit avoir eu beaucoup de mérite, puisque les anciens doutoient s'il ne falloit pas l'attribuer à Euripide. Théognis obtint le surnom de Neige, Xicov, qui devoit caractériser le genre de sa composition.
1 Fabricius, Bibl. gr., vol. II, p. 3og ( de )'éd. de Harless), place Isocrate lui-même parmi les poëtes tragiques; mais Plutarque, qu'il cite à l'appui, parle d'Apbareus. Cette bévue a échappé à Harless. Elle avoit été relever par l'abbé Vatry) dans le vol. Xlll des Mém. de l'Acad. des luscr. et Belles-Lettres) p. 1G8.
54 4i6 ans avant J.-C.
3 Qu'il ne faut pas confondre avec celui de Mégare. Voy. vol. I, p. 239'
4 4oo ans avant J.-C. Voyez aussi ce que nous dirons de Critias. aux chap. XIX et XXI.
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DiogènesOEjsomaus d'Athènes fitreprésenter ses tragédies, après que sa patrie eut secoué le joug de la tyrannie On" cite son Achille, son Hècube, un Thyeste, un Œdipe, un Chrysippe, une Hélène et une Sdmélé.
Suidas dit que THEODECTES de Phaselis, disciple d'Isocrate 2, a composé cinquante tragédies. Ofr nomme dans le nombre , Œdipe , Ajax, Alcméone, Bellérophon, Hélène, Oreste, Philoclète et Tydée.
Il en existe quelques fragmens.
La même quantité de pièces est attribuée à IoPHON, ce fils de Sophocle , qui demanda des curateurs pour son père qu'il prétendoit être tombé en enfance.
DENYS l'aîné, prince de Syracuse, composoit (les tragédies et recherchoit avidement les acclamations. Il reste quelques vers de ce poète.
Polyides Õ, dont Aristote cite 4 une Iphigènh en Tauride qu'il préfère à celle d'Euripide sous le rapport de la manière simple et ingénieuse avec laquelle Polyide amenoit la reconnoissance d'Oreste; c'étoit par le moyen d'une réflexion très-naturelle qu'au moment d'être sacrifié à Diane, Oreste fnisoit sur la ressemblance de son sort avec celui de sa soeur.
Carcinus d Athènes, fils du poète Xénoclès, et GARCINUS d'Agrigente ont vécu à la même épo-
i Cert-à-dire après l'an 4o3 avant J.-C.
2 Vers 400. v
» Il fletit-it395 ans avant J.- C.
4 Poet. c. 16 et 17.
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que 1 ou à une distance de trente ans 5. IAm et l'autre ont fait des tragédies ; le premier en a composé cent soixante.
Lepoëte AINTIPHON qu'on a quelquefois confondu avec l'oratenr de ce nom, vivoit à la cour de Denys l'aîné qui le fit mourir. Aristote cite son frléléngre, son Andromaque et son Jason.
ASTTDÂMAS d'Athènes, fils de Morsimuset petitfils de Philoclès, fit deux cent quarante tragédies et remporta quinze prix 3. C'est d'après lui que les Grecs disoient proverbialement : se louer soi-même comme Asty damas. Son fils-, du même nom, a aussi fait des pièces de théâtre.
CHÉRÉMON, dont on cite un Ulysse , un Ac", une Io et d'autres pièces, a été contemporain datydamasle père.
Enfin nous nommons NÉOPHRON de Sicyone , l'ami de Callistkène, avec lequel Alexandre-le-Grand le fit mourir. Il avoit fait cenJ; vingt tragédies parmi lesquelles étoit une Mèclèe; ce qui fut cause que la pièce d'Euripide du même titre lui a été attribuée 4.
Nous terminons ce catalogue par les noms de quelques poëtes tragiques dont il existe des fragmens, mais dont on ne peut pas déterminer l'époque
1 38o ans avant J. C.
2 C'esl-à-llire que selon quelques écrivains , celui d'Agrigenle a flniri 35o ans ?-vaut J.-G.
- 5 338 ans avant. J.-C.
4 -M. Bœcjch (Græc. Lrag. princ. t etc., p 165), pense que la Médée de Néophron ne fut. autre chose qu'une édition retondue de celle d'Euçipide. 1
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précisa Tels sont ApOLLONIDE, DICJEOGENE, HÉLIIODORE &Athenesy et l'Arcadien LYSIPPE.
Quoiqu'il ne nous reste rien de CEPHISOPHORE," il suffit que Fantiquité. l'ait jugé digne d'avoir été le collaborateur d'Euripide, pour que nous devions lui assigner une place distinguée parmi les poètes attiques.
1
«
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CHAPITRE XII. *
Du Drame satyrique 1 et de la Comédie Sicilienne.
LA première fois qu'un auteur tragique s'avisa de mettre en scène une fable qui ne se rapportoit pas à Bacchus, le parterre ( pour nous servir d'une expression moderne ), s'écria : Cela n'a rien de commun avec Bacchus! ~Q'jcîev Trpoç rov ~AIOVVGOV , exclamation qui devint proverbiale et l'origine d'un nouveau mot de la langue grecque 2. Néanmoins la hardiesse de ce poëte trouva des imitateurs, et bientôt Bacchus partagea l'empire de la scène avec, toutes les divinités de lOlympe et tous les héros de la mythologie. ]1 paroît que ce fut pour expier ce manque de respect montré à l'inventeur du vin , et pour revenir, pour ainsi dire, à la constitution primitive de la tragédie , qu'on imagina le drame satyrique , genre de poésie aussi étranger à nos mœurs
1 Voy. Casaubonus, de satyrica Græcorum poesi, Hflae, 1779, in-8°.
— H.- C.-A. Eichstœdt, de Dramat. Grircorum comico-satyrico. Lips.
1793, in-S0. Il ne faut pas confondre le drame satyrique dt's Grecs, ainsi nommé d'après les Satyrs qui y jouoient le principal rôle, avec la Satire des Romains, dont le nom vient de Satura, et qui étoit un poëmo didactique. La comédie Atellane des Romains avoit du rapport avec le drame satyrique des Grecs. Voy. mon Histoire de la Littérature romaine, vol. 1 , p. 144.
2 ÂTrpoa<îiovD<7ov j mal à propos.
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qu'à nos littératures. C'est Zenobius, auteur d'un recueil de proverbes, qui nous a conservé ce fait1.
Sou&certains rapports, le drame satyrique tenoit à la fois et de la tragédie et de la comédie, de ma-
nière cependant qu'il se rapprochoit davantage de la première; sous quelques autres, il différoit essentiellement de l'une et de l'autre. Il ressembloit à la tragédie, parce que, comme 'elle, il puisoit ses sujets dans la mythologie et dans l'histoire héroïque de la-Grèce ; cc il en étoit distingué par l'espèce de personnages qu'il admettoit, par les catastrophes qui n'étoient jamais funestes, par les traits, les bons mots et les bouffonneries qui en faisoient le principal mérite » 2. Ces-traits étoient placés dans la bouche des-Satyrs qui formoient le chœur et qui en étoient une partie obligée. Or, comme observe très-bien un critique anglois3, cc le double caractère - de ces êtres amphibies les rendoit propres à amuser à laftis, d'une manière raisonnable, le spectateur instruit et éclairé, et à égayer la populace. Tandis que celle-ci rioit des lazzi de ces êtres grotesques, l'homme sensé voyoit en eux des demi-dieux doués de lumières surnaturelles et d'une sagesse au-delà de celfe des mortels : il est probable que des principes de morale et de politique étoient ainsi prêchés sous le masque d'une simplicité rustique. »
Cette remarque explique le passage d-'Horace où il
2 Voynge du jeune Anacbarsis.
5 IJurd ail TIoiv.i. E[iist. l. I, p. 178.
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dit que les poètes satyriques des Grecs ont su égayer leur public sans faire tort à la gravité du sujet : Mox etiam agrestes Satyros nudavit, et asper Incolumi gravitate jocum tentavit1.
Nous avons dit en quoi la satyrique 2 se distinguoit de La tragédie ; elle se distinguoit de la tragédie aussi bien que de la comédie par des rliyth-* mes qui lui étoient propres, par la simplicité de la fable, et par les bornes prescrites à la durée de l'action; car la satyrique étoit une petite pièce qu'on donnoit après les tragédies, pour délasser et égayer les spectateurs Õ. Comme dans ces pièces le chœur des Satyrs et des Silènes exécutoit certaines danses qu'on appeloit Sicinnes ~(Stxivvr) ou GIXIWIÇ), et prenoit aussi part à l'action, le choix de la scène où le poëte placoit sa fable n'étoit pas indifférent : il falloit des endroits où ce chœur rustique se trouvât à son aise et pût se développer ; ce n'était pas les palais des rois ni les places des villes ; il lui falloit une forêt, une montagne, une vallée retirée ou bien les bords de la mer.
CHOERILUS df Athènes, ESCHYLE et PRATINAS de Phlionte , trois poëtes dont nous avons rarI" et ÀRISTIAS de Phlionte, fils de Pratinas, donnèrent à ces farces une forme plus régulière. Eschyle en.
1 Art. poet. v. 22 i.
a Qu'il nous soit permis de nous servir quelquefois de cc mot à la pTare de ceux de drame satyrique, qui sont plus usités.
5 Voynge du jouue Anacliaisis.
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composa quinze, el, d'après le jugement de Pausanias1, lui et Aristiaa furent les deux poëtes qui excellèrent davantage dans ce genre, que SopHOCLE y ACHVEUS d'Erétrie, XÉNOCLÈS, PHILOCLÈS etEuRIPIDE perfectionnèrent encore. Sophocle ne composa cependant que peu de satyriques, parce qu'après avoir produit à plusieurs concours des tétralogies, il obtint le privilége de faire jouer ses tragédies sans y ajouter une petite pièce qu'il répugnoit d'écrire.
Parmi les auteurs de drames satyriques de cette époque, il faut encore nommer HÉGÉMON de Tha-
sos, qu'Alcibiade, son ami, trouva moyen de soustraire à une accusation qu'on lui avoit intentée. On donnoit la Gigantomachie de ce poète, lorsque l'ar- rivée de la nouvelle que l'armée de Nicias avoit été défaite en Sicile, vint interrompre le spectacle *. Cet Hégémon porte le sobriquet de Phacè, <ï>axy},Lentille.
PHILOXÈNE de Cythérèe. Ce poète lyrique, que Denys de Syracuse fit enfermer dans les carrières 5, persiffia le tyran dans une satyrique à laquelle il donna le titre de Cyclope. C'étoit s'écarter du genre ; aussi nous croyons-nous autorisés à regarder cette pièce de Philoxène comme le premier exemple d'une satyrique comique, variété dont nous parlerons au chap. XXVIII.
EURIPIDE aussi fit un drame satyrique intitulé
1 Lih. II, c. 13.
a 413 ans avant J.-C.
5 Voy. vol. J, p. 291.
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le Cyclope, et c'est la seule pièce de ce genre qui nous soit parvenue. C'est par conséquent dans ce drame seul que nous puisons toutes nos connoissances sur le caractère de ces compositions. La fable du Cyclope d'Euripide est prise dans Homère : c'est Ulysse privant Polyphême de son œil, après l'avoir enivré. Pour lier ce sujet à un choeur de Satvrs, voici l'artifice dont le poëte s'est servi. Silène et ses fils, les Satyrs, cherchant par toutes les mers Bacchus que des pirates ont enlevé-, ont échoué sur les côtes de la Sicile où ils sont tombés entre
les mains de Polyphême. Le Cyclope en a fait ses esclaves et s'en sert pour garder ses brebis. Ulysse ayant été jeté sur la même côte, ils se liguent avec lui contre leur maître ; mais leur poltronnerie le seconde mal dans l'exécution de son entreprise. Ils profitent de sa victoire et s'embarquent avec lui.
La Sicile avoit à cette époque un drame d'une espèce particulière, intermédiairé entre la satyrique et la comédie attique. EPICHARME de Cos, qui fut élevé dans cette île, et professa la philosophie de Pythagore à la cour de Hiéron 11, en est regardé comme le créateur. Le sol de la Sicile a produit plusieurs genres de littérature que ne connut pas le reste de la Grèce : cette île est la patrie de la poésie bucolique qui y prit toutes les formes, et entra peut-être pour quelque chose dans ce qu'on a appelé la comédie sicilienne. Les fragmens qui nous restent d'Epicharme sont trop insignifians pour
1 Ruvirou 470 ans avant J.- C.
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nous donner une idée de ce genre. Ses pièces étoient assujéties aux règles de la tragédie, et ses sujets étoient empruntés de la mythologie, cc Au lieu d'un recueil de scènes sans liaison et sans suite, dit l'auteur du Voyage du jeune Anacharsis, Epicharme établit une action, en lia toutes les parties, la traita dans une juste étendue, et la conduisit sans écart jusque la fin. » Le même écrivain fait entendre que les pièces d'Epicharme, portées et imitées à Athènes, y.firent naître la comédie. Cela se peut; néanmoins les anciens distinguent toujours ; le genre de ce poëte sicilien de la comédie d'Athè-
nés de cette.période. Si, comme l'assure Horace ', Plaute se forma sur Epicharme, la comédie sicilienne auroit plutôt ressemblé à ce qu'on appelle comédie attique nouvelle, qui est postérieure à la première de cent cinquante,ans.
Les fragmens d'Epicharme se trouvent dans les collections ùe Henri Etienne et de Hertel.
PHORMIS de Syracuse, contem porain d'Epicharme, et précepteur des enfans de Gélon, est compté parmi les poëtes comiques. Les titres de ses pièces indiquent qu'elles étoient du même genre que celles d'Epicharme.
-1 Ep. II7 ep. 1. 1 Dicitur
flauLus ad exemplar Siculi properasse Epicharnik
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CHAPITRE XIII.
De la Comédie attique ancienne et moderne..
LA tragédie et la comédie des littératures modernes ont entre elles une si grande analogie, qu'on les regarde avec raison comme deux espèces du même genre. On est tenté en conséquence de leur supposer aussi une même origine chez les anciens. Il n'en est pourtant pas ainsi. La tragédie doit sa naissance aux chœurs dithyrambiques par lesquels les villes de la Grèce célébroientlafête de Bacchus. La comédie, au contraire, est une production de la campagne : plusieurs villages ou bourgs de l'Attique se réunissoient pour chanter les chœurs phalliques dans lesquels régnoit la licence la plus effrénée. Les acteurs, traînés sur des chariots, se rendoient d'un village à l'autre; à chaque station leur nombre s'accroissoit, et ils parcouroient la campagne jusqu'à ce que l'excès de la joie les forçât à chercher le repos. Le nom de la comédie indique cette origine;
il vient de xcopj, canton 1. Les deux genres de dra-
1 On trouve aussi chez les anciens le mot de trygédie , Tpvywcîia, que quelques auteurs regardent comme synonyme de tingcdie ; d'autres, au contraire, pensent que cc mot signifioit une comédie, et que ce genre de drame fuL ainsi nommé, parce que le prix, de la victoire consisloit dans un outre de vin, Tpv?.
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mes suivirent, dans leurs progrès, une marche différente. Ils se restèrent long-temps étrangers, et ce ne fut que tard que la comédie adopta quelques-uns des perfectionnemens que sa sœur aînée avoit subis depuis long-temps. Par une révolution semblable à celle qu'éprouva la tragédie, le chœur, qui d'abord a voit joué le principal rôle, perdit successivement de son importance primitive, et il arriva à la fin qu'on s'en passa tout-à-fait, et que la comédie parut sur la scène sans cet accompagnement ; mais ce changement n'eut lieu que vers la fi,n de cette période.
SUSARION de Mégare, ou, comme Thespis, du bourg d'Icarie, est celui qui, entre la cinquantième et la cinquante-quatrième Olympiade 1, accompagné d'un certain DOLON , parcourut les campagnes de l'Attique , et, monté sur un chariot qui lui tenoit lieu de théâtre , amusoit une population grossière de ses parades burlesques. Il nous reste quatre vers de Susarion que Suidas et Stobée nous ont conservés.
Avec Susarion, le grammairien Diomède nomme MIJLIIUS et MAGNÈS les plus anciens poëtes comiques, « qui veterîs disciplinée joculatoria quoedam minus scite et venuste pronuntiabant*. » Magnès a fait neuf comédies et remporté deux prix.
Un certain CRATÈS, qui vécut au commencement du cinquième siècle avant J. C. , perfectionna
l Entre 576 et 561 avant J.-C.
» Lib. III, p. 48b.
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ce genre, comme fit à la même époque , mais en prenant une autre route, Epicharme en Sicile. Dès lors la tragédie ne fut plus la seule représentation théâtrale donnée aux fêtes de Bacchus; on lui associa le nouveau spectacle, la comédie.
La mythologie ne fournit que peu de sujets à cette espèce de drame. Les événemens qui se passoient sous les yeiix du poëte, les. affaires publiques et la politique de sa patrie,, les chefs des partis qui divisoient la république, les généraux chargés du commandement de ses armées, les officiers qui en administroient les finances, les écrivains qui se distinguoient par leur ambition, leur vénalité, leur lâcheté ou leur bassesse, voilà les objets qui lui fournissent une source intarissable de plaisanteries, une riche galerie de portraits, une ample moisson de ridicules.
Ce n'étoit pas, comme de nos jours, un choix de ce qu'il y avoit dans la nation de plus instruit et de plus spirituel qui venoit se délasser aux repré.sentations théâtrales ; la masse entière du peuple venoit y chercher un amusement analogue à ses 1 goûts. Telle fut la gaîté naturelle des Athéniens, tel fut leur bon sens, qu'en garde contre la susceptibilité des modernes, ils supportoient sans humeur les plaisanteries que les poëtes comiques se permettoient contre le corps du peuple exerçant la souveraineté ; et cette disposition des esprits donna aux représentations théâtrales une tendance politique. On permit même que les auteurs attaquas-
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sent sans ménagement de simples particuliers; ils introduisoient sur la scène les vices et les ridicules, par le moyen de cesparabases où le chœur, oubliant l'action qui se passoit sur la scène et le rôle qu'il devoit y jouer, s'adressoit aux spectateurs pour les entretenir du poète, de ses ri vaux et ennemis, des individus enfin qu'il vouloit rendre odieux au peuple 1.
1 Le chceur se composoit de six parties, appelées Commation, Parabase, Strophe, Epirrhema, Antistrophe, Antepirrhema ( KO/AU«TIOV, napaSacrtç y STpotpyj , ETrtppvjfjia j Avnçpotpos , Avzcnlppyju/x ).Elles étoient entremêlées dans l'ordre où elles viennent d'être nommées. De ces six parties, trois étoient en vers lyriques, le Commation, la Strophe et l'Antistrophe ; les trois autres étoient en vers anapestiques. Le Commation étoit composé de huit vers qui renfermoient, soit une apostrophe adressée à quelque personnage , ou une réflexion sur ce qui venoit de se passer ou se préparoit. La Strophe et l'Antistrophe étoient chacune de douze vers, et se répondoient mutuellement : elles exprimoient tantôt la louange des dieux et l'éloge des héros et des bons citoyens, tantôt des traits satyriques.
Comme nos vaudevilles qui sont composés sur des airs connus et souvent populaires, ces vers étoient écrits dans des rhylhmes faciles et s'imprimoient sans peine dans la mémoire': aussi quiconque avoit le malheur d'être une fois chanté sur le théâtre, devoit l'être long-temps dans toute la ville. La Parabase suivoit immédiatement le Commation; elle étoit ainsi nommée du verbe irapa&x'veiv, changer de place. Ordinairement le chœur étoit partagé en deux troupes qui se plaçoient à la droite et à la gauche de l'orcheçtre ; dans la Parabase , elles se réunissoient et se tournoient vers les spectateurs : çela arrivoit lorsque les acteurs quittoient le théâtre pour la première fois , ou, comme nous dirions, à la fin du premier acte. Ne pouvant plus alors s'entretenir avec les personnages de la pièce, le chœur adressoit la parole au peuple. Les poëtes saisissoient cette occasion, soit pour s'expliquer sur ce qui les regardoit personnellement, soit pour raisonner sur les affaires publiques, L'Epirrhême et l'Antepirrhême pe différoient de la Parabase que parce qu'ils devoient se renfermer dans un nombre de vers déterminé, qui alloit ordinairement à seize. Ces deux parties se répondoient comme la Strophe et l'Antistrophe. Voy. Mémoire gur le Plutus d'Aristophane, et sur les caractères assignés par les Grecs *
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Cette tolérance fit dégénérer la satire en une licence effrénée, que l'on regardoit comme l'apanage de la liberté politique. «Bientôt espions dans la société, délateurs sur le théâtre, ces poètes livrèrent les réputations éclatantes à la malignité de la multitude, les fortunes bien ou mal acquises à sa jalousie. Point de citoyen assez élevé, point d'assez méprisable, qui fût à l'abri de leurs coups.
Quelquefois désigné par des allusions, il le fut plus souvent par son nom et par les traits de son visage empreints sur le masque de l'acteur » Cette époque de licence est désignée sous la dénomination de comédie ancienne. Son caractère distinctif consiste, pour le fond, dans une hardiesse excessive, et, pour la forme, dans l'enjploi des chœurs et des parabases s.
Les grammairiens d'Alexandrie n'ont jugé dignes d'une place dans leur canon que six poëtes de l'ancienne comédie, Epicharme, Cratinus, Eupolis, Aristophane, Phérécrate et Platon. , Nous avons • parlé d'Epich arme, nous allons dire quelques mots des autres ; toutefois, comme Aristophane est le seul dont nous ayons des pièces entières, nous le placerons à la suite des autres.
CRATINUS a fleuri vers la 8 IF Olympiade 3.11 étoit la comédie moyenne, par Le Beau, dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. XXX, p. 58.
1 Voyage du jeune Auacharsis.
2 P. F. Kanngiesser, Die aile komische Bühne iu Atlien. Bieslau, ¡817, iu-Ua.
5 456 ans avant J. -C.
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fils de Callimède d'Athènes. Auteur dè vingt-et-une comédies, il a remporté neuf prix. Cléobuline, fille de Cléobule, un des sept sages, étoit l'héroïne d'une des pièces de Cratinus, Archiloque celui d'une autre. EUPOLIS, son compétiteur et son imitateur, a donné dix-sept comédies et remporté dix prix '-.
Suidas raconte qu'Eupolis ayant péri par naufrage dans la guerre du Péloponnèse, il fut rendu une loi pour dispenser les poëtes de l'obligation de faire la guerre. Eupolis est un des modèles que Lucien a étudiés pour donner de la vie et du mouvement à ses dialogues * Ce que nous savons de PHÉRÉCRATE d'Athènes se borne à peu de chose. Il fleurit vers la g4e Olympiade , 4o4 ans avant J. C., et composa une vingtaine de comédies, dont il reste des fragmens. Voici les titres de quelques-unes de ces pièces : les Gens de bien ~(oryaôol), les Transfuges, Clzirun, les Agrians3, les Vieilles Femmes, les Peintres, les Distraits, les Hommes-fourmis, le faux Hercule. Telle étoit la licence quirégnoit alors sur le théâtre grec, qu'on fait un mérite particulier à Phérécrate de la résolution qu'il prit de ne diffamer personne. Il fut l'auteur d'une sorte de vers ou de mètre qu'on appel oit
1 Il a fleuri 445 ans avant J.-C.
Luc. Ín bis accusato, 33.
3 Ces deux pièces, les Agriens et le Chiron , sont devenues l'objet d'une discussion littéraire entre MM. C. F. Heinrich ( Demonstiatio loci Plalonici e Protagora. Kilon. i8i3,in-8°) et Aug. Meineke ( Commentât, miscellan. fasc. I. Halaej 1822, in-4° ).
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PhErécratien. Ce vers se composoit de trois pieds, savoir, un spondée, un dactyle et un spondée ou trochée.
PLATON, surnommé le Comique, pour le distinguer du philosophe, a fleuri à l'époque de la mort de Socrate, Il composa vingt comédies. Suidas, Plutarque et Athénée en citent un bien plus grand nombre; mais une partie de ces pièces est d'un autre Platon, qui appartient à la comédie moyenne, et a vécu UIl siècle après celui dont il est question ici, Voici quelques titres de pièces du premier Platon : Adonis , le Meurtrier, les Gryphes, la longue Nuit, le Poëte, V Imposteur.
Les fragmens de ces poëtes comiques sont réunis dans le recueil de Qrotius.
ARISTOPHANE, fils de Philippe ou de Philippidas, est le plus célèbre poëte de la comédie ancienne. Sa patrie et l'année de sa naissance sont inconnues; il étoit citoyen d'Athènes, et y passa sa vie, qu'il prolongea au-delà de la 97e Olympiade1.
Les pièces d'Aristophane nous offrent le tableau le plus fidèle des mœurs de cette ville, mêlé de satires amères contre le peuple et contre les cl toyens qui jouèrent un rôle à l'époque de la guerre du Péloponnèse. cc Dans des sujets allégoriques, Aristophane traita les intérêts les plus importans de la république. Tantôt il y montroit la nécessité de terminer une guerre longue et ruineuse; tantôt
1 C'est-à-dire 586 ans avant J.-C.
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il s'élevoit contre la corruption des chefs, contre les dissensions du sénat, contre l'ineptie du peuple dans ses choix et dans ses délibérations. 1 » Les comédies d'Aristophane sont du genre de celles qu'on appelle pièces à caractère. L'invention et la conduite de la fable y sont négligées; mais le dialogue est vif, pressé et, rempli d'ironie ; quelquefois même le sel attique y est répandu avec profusion. Comme la plupart des événemens politiques de la guerre du Péloponnèse sont mentionnés dans les pièces d'Aristophane, elles ont aussi un véritable intérêt pour l'histoire ; mais un grand nombre des allusions qu'elles renferment est perdu pour nous.
S'il existe un écrivain qui ait droit ve demander qu'on ne le juge que d'après les mœurs de son temps et de sa nation, c'est le poëte comique, obligé de travailler pour le peuple et de choisir ses sujets au milieu du monde qui l'entoure.
Pour juger Aristophane avec équité il faut se rappeler combien à Athènes les règles de la convenance et de la décence et les rapports entre les deux sexes différoient de nos usages modernes. Une chose qui fait honneur à ce poète , c'est que quelque mordant qu'il soit toutes les fois qu'il rencontre l'hypocrisie, la charlatanerie et les vices, il se déclare toujours pour le parti des honnêtes gens , et qu'il loue constamment la loyauté et le patriotisme.
1 Voyage du jeune Anacharsis.
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Le langage d'Aristophane est souvent celui de la parodie et de la bouffonnerie. Il mêle tous les dialectes , selon qu'une expression lui paroît plus plaisante dans l'un que dans les autres ; il emploie des jeux de mots, des mots bizarrement composés, des consonnances et jusqu'à des rimes; mais au milieu de ces jeux de son esprit, son style est toujours le modèle de la pureté attique, comme les mètres.
qu'il emploie dans ses vers sont réguliers.au milieu de leur variété.
Onze seulement des cinquante-quatre pièces d'Aristophane nous ont été conservées ; encore ne les possédons-nous pas dans leur forme originaire.
Quelques-unes ont été retouchées par l'auteur même, d'autres par ses fils, ARARUS, PHILÉTÈRE et NICOSTRATE.
Voici les titres des comédie^ d'Aristophane dans leur ordre chronologique.
1°. Àxap"JEîÇ, les Acharfléens, représentée , 01.
LXXXVIII, 3 , l'an 426 av. J.-C. Le but que le poëte s'y est proposé , est d'engager Athènes à se réconcilier avec Lacédémone, en faisant voir par le moyen d'une allégorie combien la paix est préférable à la guerre. Il feint qu'un individu d'Acharné qu'il appelle Dicœpolis, la cité juste, trouva le secret de séparer sa cause de celle de ses concitoyens , en faisant pour sa personne, la paix avec l'ennemi , tandis que les Acharnéens égarés par les instigations des chefs et les généraux de la république, souffrent de toutes les calamités de la guerre.
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2°. iirTrECÇ, les Ch eva liers, pièce représentée un
an après les Acharnéens. C'étoit l'époque où le peuple d'Athènes, mécontent de la prolongation du siège de Sphactérie, remit par dérision le commandement de l'armée à Cléon. Ce démagogue ignorant, inepte et turbulent, est l'obj et de la satire d'Aristophane. Celui-ci joua lui-même le rôle « de Cléon dont aucun comédien n'avoit osé se charger ; tant étoit grand le pouvoir que ce forcené avoit acquis sur le peuple souverain d'Athènes. Le rôle d'Agoracrite, imbécille auquel oç parvient à faire croire que la nature l'a doué de tous les talens nécessaires pour gouverner l'état, a fourni à Molière l'idée du Médecin malgré lui.
3°. Necp/Aaf, les Nuées. Cette comédie fut représentée deux fois, d'abordol. LXXXIX, i, l'an 4ï4 av. J.-C. où elle tomba, puis l'année d'après. C'est un des chefs-d'oeuvre d'Aristophane ; c'est en même temps la comédie que la postérité a reprochée au poète comme ayant été la cause de la mort .de Socrate , qui y est exposé à la risée publique.
Il faut remarquer qu'il y a anachronisme dans cette accusation, puisque la mort de Socrate eut lieu vingt-quatre années après la représentation des Nuées. Ainsi s'évanouit en même temps un autre reproche, plus grave encore, qu'on a adressé à Aristophane, celui d'avoir vendu sa plume à Anytus et Mélitus, ces deux ennemis de Socrate dont les noms ont été voués à l'infamie. On n'avoit pas fait attention, d'ailleurs, que dans l'Euthyphron de
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Platon, écrit long-temps après la représentation des Nuées, Mélitus est nommé un, jeune homme.
Qu'est-ce qui a donc pu engager Aristophane à s'acharner contre un sage, un homme vertueux, un excellent citoyen, tel que fut Socrate ? C'est cet esprit de parti et de coterie que, dans des temps modernes, on a vu quelquefois remplacer la .saine critique, qui a aussi trompé Aristophane. Deux par- tis littéraires rivalisoient à Athènes : l'un étoit composé des philosophes qu'on appeloit alors sophistes, et des poëtes tragiques; les poètes comiques formoient l'autre. Dans les Acharnéens, Aristophane avoit attaqué Euripide, le premier poëte tragique de son temps et l'objet de sa haine personnelle ; le tour des sophistes étant venu, les Nuées furent dirigées contre eux. Socrate , qui déjà jouissoit d'une certaine réputation, et qui ne s'étoit pas encore prononcé contre les sophistes, fut choisi par Aristophane comme représentant de cette classe de littérateurs. Il étoit d'ailleurs l'ami d'Euripide, et il s'étoit expliqué d'une manière peu avantageuse sur la licence du théâtre : cette double circonstance avoit inspiré à Aristophane des préventions.
L'erreur du poète ne pouvoit faire aucun tort au philosophe dans l'esprit de ceux qui le connoissoient. Le Socrate qui paroissoit sur la scène n'étoit pas le fils de Sophronisque : celui-ci pouvoit se montrer aux spectateurs qui assistoient à la représentation des Nuées, sans qu'on reconnût en lui aucun des traits du pédant charlatan qu'Aristophane
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se plaisoit à faire paroître. Ce fantôme, enfanté par l'imagination du poëte, portoit le nom de Socrate; mais les mœurs qu'il montroit, et la doctrine qu'il enseignoit, n'étoient pas celles du philosophe Au reste, le rôle de Strepsiades prenant des leçons de Socrate, est l'original du Bourgeois gentilhomme de Molière.
4°. HcpÇjXEç, les Guêpes, jouée 01. LXXXIX, 2, l'an 425 avant J.-G. C'est une satire contre la corruption des juges et la manie des procès. Racine l'a imitéei dans ses Plaideurs. Le héros de la pièce est un magistrat auquel les procès ont tourné la tête. Son fils imagine de le guérir en flattant sa manie. Les collègues du juge paroissent travestis en guêpes, ce qui est cause du titre de la pièce.
6°. Eîprptri, la Paix, représentée 01. XC, 1; l'an 420 avant J.-C., à l'époque où les Athéniens et les Lacédémoniens, après avoir conclu la paix dite de Wicias, s'étoient alliés dans la vue de forcer les autres états de la Grèce à açcéder à la pacification.
Cette pièce a le même but que les Acharnéens; mais elle est encore plus remplie d'allusions difficiles à exjJiquer.
6°. Qpwtleç, les Oiseaux, représentée 01. XCI; 2, l'an 4i5 avant J.-C., la première année de la guerre de Sicile. Deux Athéniens, dégoûtés de la division.
qui règne à.,Athènes, se transportent au pays des oiseaux, qui leur bâtissent une ville. Le dessein
1 Yoy. enlr'autre Tychsen über den Process des Sacrales; dans Bibliolh.
der alteu Litt. uiid Kunst ; Gœtting. 1786, in-8°, hcft l et 2.
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du poëte paroît avoir été d'empêcher ses compatriotes de fortifier Décélie, dans la crainte que cette ville ne devînt une place d'armes pour les Lacédémoniens, et de les engager à rappeler leurs troupes de Sicile, pour les opposeraux entreprises des Lacédémoniens.
70. QsanofoptocÇovGoci, les Femmes célébrant la fête de Cdrès, jouée 01. XCII, 1, l'an 412 avant J.- C.
Les Athéniennes prennent occasion de cette fête pour délibérer sur les moyens de perdre Euripide, l'ennemi de leur sexe. Pour se sauver, Euripide emploie mille ruses, et finit par obtenir son pardon.
8°. AvactrpdiTY), by sistrate, représentée la même année que la précédente pièce. Elle a pour objet de disposer le peuple à la paix avec les Lacédémoniens. Lysistrate, épouse d'un des premiers magistrats d'Athènes, engage toutes les femmes des villes ennemies à se séparer de leurs maris jusqu'à ce que la paix soit faite.
90. 'Bc;h-pexxoc, les Grenouilles, représentée 01.
XCIIi, 5, Fan 4o6 avant J.-C. Cette pièce fit remporter à Aristophane le prix sur Phrynichus et Platon, qui avoient concouru avec lui. Le peuple demanda à la voir une seconde fois, ce qui étoit une distinction extraordinaire. Le poëte s'y moque des auteurs de tragédies, principalement d'Euripide, qui venoit de mourir. Le chœur est composé de grenouilles du Styx, fleuve que Bacchus passe pour aller chercher Eschyle, afin de le ramener sur la terre, préférablement à Euripide.;
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icT. Exxka-cdcÇoueoci 7 le Conciliabule des Fe/lunes, ou le Club féminin, jouée 01. XCVI, 4, l'an 5g3 avantElle est dirigée contre les mauvaises
têtes dont les. intrigues démagogiques tendoient sans cesse à troubler la république l. Elle ren^rme aussi des traits contre la République de Platon, et surtout contre la communauté de biens, de femmes et d'.eufrallS, qui étoit la base-du système de Platon3
La femme d'un des chefs. de la république trame avec ses compagnes un complot pour foncer le peuple à leur remettre'le gouvernement. Elles y réussissent par une ruse, et rendent des lois absurdes qui sont Ja parodie de celles d'alors. Cette pièce est très-licencieuse.
aip. IïAam-oç, Plutus. Aristophane avoit donné cette pièce 01. XCII, 4, l'an 409 avant J.-C.; luimême, ou peut-être son fils Ararus, la reproduisit vingt ans après, 01. XCVII, 41 3go ans avant J.-C. Il paroît que le texte que nous avons est un composé des deux éditions. Elle est sans parabase, et appartient à la comédie moyenne; c'est même l'unique pièce de cette espèce-qui ait passé jusqu'à nous. Un citoyen d'Athènes rencontre un aveugle qu'il recueille chez lui : c'est Plutus, dieu de la richesse.
1 La femme qui, au v. 86, apporte de la laine à carder pendant l'assemhl, e,. parce que ses enfanB ÆWlt I1U6, l'appelle les tricoteuses des clubs' 1)K e, parce que ses eu fan s .sant nus, rappelle les tricoteuses des clubs 1 de 1793. «
» Yoy. Mémoire sur le vrai dessein d'Aristophane dans la comédie intitulée Èxx}e<TiaÇov<7ai, par Le Beau, dans le* M cm. de l'Acad. des IIJscr.
et Belles-Lettres, vol. XXX, p. 29.
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Ayant recouvré ladite, après avoir dormi dans le temple d'Esculape, il est mis à la place du maître de l'Olympe; ce qui fournit au pôëte l'occasion de se moquer de l'avidité et de la corruption de ses compatriotes..
11 existe trois recueils de scholies d'anciens grammairiens sur Aristophane. Le prepiier a été rédigé par THOMAS MAGISTER, JEAN TZETZÈS et DÉMÉTRIVS TRICLINIUS , qui ont extrait tout ce qu'ils ont jugé de plus intéressant dans les commentaires-dès anciens grammairiens, et surtout-dans celui d'Aristophane de Byzance. L'archevêque ARSENIUS a compilé le second recueil : Galien, Athénée, Suidas et Eustathe en ont fait les frais. Bizet- de Charlay ( Odocirtus Bisetus), en glanant dans les lexiques et dans Eustathe, a fait le troisième recueil.
Le principal manuscrit d'Aristophane est à Ravenne : Qn le croit du dixième siècle. Il renferme toutes les onze pièces ; peu de manuscrits en contiemueni autanj. 011 ne connoît ce précieux monument que depuis vingt-cinq ans.
Les trois premières éditions d'Aristophane ont été la source de toutes les suivantes, jusqu'en 1781. Ces éditions sont: LO. Celle d'Aide l'ancien, Venise, i4g8, in-fol. Elle ne renferme que neuf pièces, les Thesmophoriazousçii et la Lysistrate y manquant. Marc Musurus, qui la soigna , v ajouta ce que nous avons appelé le premier recueil de scholies.. C'est une édition bellè 1 correcte et rare.
2°. Réimpression des mêmes neuf comédies par Bernard et Philippe Giunla (Jltnta), Florence, 1515, in-8°. Ges im-
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primeurs publièrent la même année, dans un volume séparé, les deux pièces qui étoient encore inédites. Leur texte, quoique copié d'après celui de 1498, renferme des variantes fournies par les manuscrits.
3°. Edition de Florence, 1^25, in-4°, imprimée par les héritiers de PhiL Giunta, soignée par Ant. Fracinim, qui y ajouta les scholies d'Arsenius. Elle renferme de nouvelles Variantes, surtout dans les Guêpes et la Paix. Elle ne contient que neuf pièces.
Nous allons indiquer brièvement les principales éditions qui ont été publiées ensuite jusqu'à l'année 1781.
Paris, par J. Cheradam} 1528, in-40; neuf pièces sans scholies.
Baie, 1532, in-4°, soignée par Simon Grynœusimprimée par Cratander. C'est la première qui renferme en un seul volume les onze comédies. Edition correcte.
Venise., 1538,in-8°, chez Barth. Zanetti. Moins correcte que la précédente.
Paris, i54o, in-4°, chez Christ: Wechel. De neuf pièces.
Florence, 1540) in-8°, chez Benoit Giunta. Edition plus rare qu'estimée.
Venise, 1542, in^0, chez J. Farreus. Copie de celle de 1515.
Francfort, 1544, in-8°, chez P. Burbaeh., Bâle, 1547, in-fol., publiée par Sigismond Galenius, chez Froben. Edition peu correcte.
Lyon, i548, in-8°, publiée par Aug. Caninius. Edition très-correcte.
Francfort, 1586, in-8°, publiée par Nicodème Fritsclzlin.
Première édition grecque-latine; mais elle ne donne que cinq pièces.
Genève, 1607, in-fol. Edition d'Æmilius Portus, incorrecte.
Leide, 1624, in-12, grecque-latine, avec des notes inédites de JoY Scaliger. Dans une réimpression de cette édition, faite
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à Amsterdam, 1670, in-12, on a ajouté les notes de Tanaq.
Fabre sur les Ecclqgiazousâi1.
Amsterdam, 1710, in-fol. Edition savante de Ludolplie Kuster, renfermant les variantes de manuscrite, et les commentaires de Casaubon j Spanheim, Bentley.
Leide, 1760, 2 vol. in-40. Edition de Pierre Burmaii II, avec les notes de Ch.-André Duker et Et. Bergler; elle pèche sous le rapport de la critique.
Enfin parut B.-Fr.-Ph. Brunch qui donna une nouvelle récension du texte. Son édition fut publiée à Strasbourg, de 1781 à 1783 2 , en 4 vol. in-4°, ou 6 in-8° (ou en 3, lorsqu'on joint la traduction au texte). C'est peut-être ce que cet excellent critique a fait de mieux. Son texte, corrigé sur des manuscrits: et d'après des conjectures infiniment heureuses, diffère entièrement de celui des éditions précédentes. Sa traduction latine est nouvelle ; mais on regrette qu'il n'y ait pas joint les scholies.
Oh doit regretter encore plus qu'un homme doué de tant de sagacité n'ait pas eu à sa disposition les matériaux précieux qui, quelques années plus tard , échurent à un savant moins capable d'en tirer parti; nous voulons parler du manuscrit de Ravenne. C'est un jurisconsulte, romain, Phil. Invernizzi, qui l'exploita pour son édition d'Aristophane qui parut à.
Leipzig, en 1794* en 2 voL in-8". Cet éditeur, qui n'étoit pas assez fort pour entrepren^P un travail critique sur Aristophane, se contenta de copier son manuscrit, tel qu'il l'avoit trouyé, en corrigeant seulement les fautes de plume du co..::
1 Circonstance qui a fait tomber dans l'erreur M. Dibd(n. Ce bibliographe, dans son Introduction to the knowledge of rare and valuable éditions of the gr. and Jat. Classiez relate une édition d'Aristophane par Fabre: légère. inadvertance qui lui a été sévcremeuL reprochée daus Je CtaMieal Journ., vol. IX, p. 36.
s 11 y a des exemplaires dont tous les volumes portent le miUssinu: de 1783.
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piste L. Le grand mérite du manuscrit de Ravenne est d'être très-complet; il contient non-seulement beaucoup de vers qui manquent dans les éditions anférieurèé à 1781, et que Brcrzifck avait déjà rétàblis dans le texte, les ayant trouvés dans les manuscrits d'Aligsbourg et de Paris, mais auasi plusiears autres que te critique ne connoissoit pas. Beaucoup de conjectures ingénieuses de Brunck, qu'on avoit jugées trop 1 hardies, se trouvent confirmées par cë manuscrit, non-seulement les passages qu'il avoit jugés corrompus y ont des leçons plus Satisfaisantes, mais aussi ceux qu'il avoit jugés profetflr de notes marginales, maladt-oitetnent reçues dans le texte, y manquent. Enfin, le manuscrit est aussi d'accord avec les corrections que Brunck avoit faites dans le mètre.
• ]p. Invernizzi avoit promis de fournir aussi un Thésaurus Aristophanicus ,qui devoit contenir la quintessence des commentaires existant sur Aristophane. Heureusement il ne tint pas parole. Il en arriva que l'éditeur de Leipzig confia ce travail à M. Chy.-Dan. Beck. Dans la vue de mettre les acquéreurs de son commentaire eh état de se passer des notes de toutes les éditions antérieures, il y plaça celles de Kilster, Spanheim} Bentley , Dúeker, BergZer, Brunck, Hemsterhuis ( qui avoit donné un Plutus à Harderwick, 1744, in-8°) , sans en rien retrancher, si ce n'est les répétitions, mais en les rangeant dans un ordre chronologique. Ces Savans n'avoient pas tous donné des éditions du théâtre d'Aristophane, mais ils s'en étoient occupés, soit pour des éditions de comédies détachées, soit dans d'autres ouvrages de critique et de littérature.
Ce commentaire se compose, jusqu'à présent, de six volumes in-8°. Les deux derniers ne sont toutefois pas de M. Beck; il s'est déchargé de ce travail sur M. Guill. Dindorf, L'imprimeur Bliss, à Oxford, réimprima, en 1811, en 4 vol. r-
1 M. Imm. Bekker, de Berlin, a depuis coHationné de nouveau ce manuscrit , et confié son travail sur la Paix à M. Gu. Dindorf, qui, en 1820, a donné une nouvelle édition de cette pièce. M. Dindorf reproche à Iuvernizzi autant d'ignorance que de ne'glige-nce. „
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in-8°, l'édition de Brunek, et y joignit, dans un volume particulier, le Lexicon Aristophane uni de Jaq. Sçinxay.
Cependant il falldB qu'un critique, profitant des travaux de Brunck et d'invernizzi, s'occupât de nous fournir un boit texte d'Aristophane. M. Chr.-God. Schütz a entrepris cette tâche; mais il y a joint enmême temps un commentaire, une traduction, et lesscholies. Le commencement de cette édition a paru à Leipzig; mais comme la préface manqueencore, on.
ne peut se. faire une idée, claire du plan que l'éditeur s'est tracé. Il paroit que l'édition doit former 4 volumes, chacun composé de trois parties, dont la première est destinée au texte, la seconde au commentaire, et la troisième aux scholies.
En 1821,. il a paru les deux premières parties du premier volume, renfermant le texte$t le commentaire des Acharnéens, des Chevaliers et des Nuées. Rien n'a-été publié depuis.
M. God. Schoeferasoigné l'impression de l'Aristophane en 3 vol. in-i8, qui fait partie de la Collection de Tauchnitz.
Quoique nous n'ayons pas indiqué les éditions des tragédies détachées d'Eschyle, de Sophocle et.d'Euripide, nous ne croyons pas pouvoir passer sous silence quelques éditions modernes 5e comédies d'Aristophane ; nous nous bornerons toutefois à une simple indication.
Le Plutus avec notes de Tibère Hemsterhuis, Harderwick , 1744, in-81; réimprimé à Leipzig, 1811 , in- 8°, par les soins de M. G.-H. Schœfer. - Rich. Porson avoit préparé une édition de cetLe pijce : après sa mort, on prouva la copie du texte qu'il vx)uloit faire imprimer, mais jusqu'au vers 826 seulement. Son étêve, M. Pierre-Paul Dobree ,s'en servit pour l'édition de Plutus qu'il plaça dans la Collection publiée sous le titre de Rie. Porsoni Notae in Aristophanem, etc. Lond.
t820,in-8°..
Les Nuées, par M. God. Herniann, Leipz. 1799, in-S., et avec une traduction métrique allemande, d'une fidélité remarquable, par M. Fred.-Aug. pVolf, Berlin, 1811, in-4°.
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Les Acharnéens, avec une traduction allemande métrique du même mérite, par M.Fred.-Aug. Wolf,Berlin, 1812, in-4°.
La Paix, par M. Gu. Dindorf, Leipz 1820, in-8°. 1 Tels sont les six poëtes de la comédie ancienne que les grammairiens d'Alexandrie ont jugés classiques ; mais comme il nous reste des fragmens d'un plus grana nombre de poëtes de cette époque, nous allons en donner la nomenclature, en observant l'ordre alphabétique, et ajoutant, lorsque nous les connoîtrons, les titres de quelques-unes de leurs pièces.
ALCÉE de Mitylène. lits Sœurs vivant en .adultère, Ganymède, les Noces sacrées, Callisto, la Palestre, Endymion, Pasiphaé ; cette dernière pièce concourut avec. le Plutus. d'Aristophane.
AMPHIS d'Athènes, fils d'Amphicrate. Athamas, le Bain, l'Empire des Femmes (yuvaixpaTioc), la Gynécomanie, le Dithyrambe, les Sept devant Thèbes, les Ouvriers en laine (ÊpcOot) - Ialémus, le Rasoir ou la Coiffeuse, (car d'après les commentateurs le mot ~xovpcç a les deux significations) ; Leucade,Ulysse, le Ciel, Pan, l'Imposteur (TTAOVOÇ), les Philadelphes ou frères amis, Pliilétère ou le bon ami.
ARCHIPPUS d'Athènes. Amphitryon, le Mariage d'Hercule, les Poissons, le Bien avisé, ou celui qui a le nez fin ( pjvc&v)* CALLIAS d Athènes, surnommé Schœnion, parce que son père étoit faiseur de paniers de jonc (axoeiloc;).
1 Voy. p. 1021 note.
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La Grammaire-tragédie, ou la théorie de la grammaire, les Cyclopes, les Enchaînés.
CHIONIDÈS d'Athènes. Les Mendians.
DIOCLÈS d'Athènes ou de Phlionte. La courtisane Thalatta, les Abeilles, les Cyclopes.
ECPHANTIDÈS, et son esclave CHOERILTJS1. Les Satyrs.
EPILYCUS, frère de Cratès. Le Jeune homme (Kcopaâ/axoç).
HÉGÉMON de Thasus, surnommé P hace. La Lentille, dont nous avons déjà parlé 2.
HERMIPPUS, auteur de quarante pièces de théâtre. Les Boulangères, les Compatriotes, les Dieux les Cercopes, les Parques, les Soldats, les Portefaix.
HIPPARCHUS. L'Iliade égyptienne, les Sauvés, Thaïs, la Veillée.
NICOCHARÈS, fils de Philonidès. Àmymoné, Hercule conduisant le choeur, les Lemniennes, les Artisans.
NICOMACHUS. Ilithyie, la Naumachie. Eratosthène, cité par Harpocration, lui attribue aussi le Chiron qui est communément regardé comme appartenant à Phérécrate.
NICOPHON , que Suidas appelle faussement Nicopliron. Pandore, les Sirènes, pièce qui n'a jamais été représentée 3, les Artisans. PHILONIDÈS, père de Nicocharès. Les Cothurnes.
1 Voy. p. 18 de ce volume.
3 Voy. p. 82 de ce volume.
5 Voy. ATHEN. VI, c. 20. ( Ed. Schwegih. vol. II, p. 534. )
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PHILYLLIUS OU PHYLLIDIUS. Antea, Auge, Hercule , les Villes.
PHRYNICHUS, différent du poëte tragique, mais antérieur à Aristophane. Les Afftanchis, le Cauchemar, Saturne, les Débauchés; le Bourrù j les Feninies qui sarclent, les SatJrs; les Tragédiens.
SANNYRION d'Athènes. Le Rire.
STRATTIS d'Athenes, antérieur à Aristophane.
Les Bonnes gens, le Corrupteur des hommes, Atalante , Callipide, Cinésias, les Macédoniens, Médée, Lemnomède, Troïlus, Philoctète jles Phéniciennes, Chrysippus, les Amateurs de la fraîcheur, etc. Ces titrés paroissent indiquer des parodies.
TELÉCLIDÈS d'Athènes. Les Amphictyons, les Hésiodes, les Prytanes, les Forts.
THÉOPHILE. La Béotie, Epidaure; le Médecin, Néoptolème, le Paneratiaste, Prœtidès , Philaulus.
THÉOPOMPE d'Athènes. Admète, Althée, V énus-,.
la Paix, Hédycharis, Thésée, Calleschrus, le Mède, Nemée, Ulysse, Pamphile, Pénélope, les Sirènes, les Femmes soldats, Phihée.
XENARQUE, fils de Sophron, l'auteur de mimes.
Boutalion, les Jumeaux, le Pentathle, le Pourpre, Priape i les Scythes, le Sommeil.
Parmi les poëtes de la comédie ancienne, nous en nommerons encore un dont il né nous reste rieh; au moins du genre qui nous occupe dans ce moment 1 : c'est TIMOCRÉON de Rhodes, auteur
1 C'esl le même poële donl il nous a été cnnEprvc un scolie : nous en avons parlé au livre précédent, vol. 1, p. 196.
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d'une Comédie contré Thémistocle dont. il est question dans les auteurs. * La plus saine partie des Athéniens, depuis longtemps indignée des écarts que se permettoient les poëtes comiques, essaya plusieurs fols, mais en vain, d'y mettre des bornes. Cette licence n'expira qu'avec la liberté publique. Lamachus, un des membres dè ce gouvernement que les historiens ont flétri pàr la dénomination de trente tyrans, défendit, 4o4 ans avant J.-C., de traduire sur la scène les événemens du temps, d'y nommer des personnes vivantes, et de faire usage des parabasesl.
Une nouvelle époque commença alors pour le théâtre grec : c'est celle qu'on appelle la comédie moyenne, et qui dura jusqu'à Méandre. Tout ce que nous savons de cette comédie se borne aux observations courtes et mal digérées d'un. ancien grammairien , nommé Platon lus. Cet écrivain d'une époque incertaine a laissé un petit ouvrage intitulé : De la différence des comédies grecques, 7rept a!cxcpopâç 'Tt'a.p' EAAyjctj .xobpco&cov !J. Quoique cette notice soit peu satisfaisante, néanmoins en exarminant le Plutus d'Aristophane, et en combinant avec les données fournies par Platonius les différentes circonstances répandues dans les écrits des anciens, on peut établir les caractères suivans, comme propres à la moyenne comédie.
Ce qui constitue la principale différence entre les
1 Voy. p. 88, noie.
s On le Iroine daus Ilerlilii CoIIcclio sentent, comic. Basil. i5Go.
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comédies ancienne- et moyenne, c'est que toute personnalité est bannie de la dernière. Il s'en faut cependant que la satire en soit exclue. N'osant plus nommer les individus, les poëtes désignoient par des allusions, et par un persiffiage plus fin, les caractères qu'ils vouloient immoler à la risée publique. Au lieu de faire paroître sur la scène des citoyens connus, le Plutus d'Aristophane nous présente, pour la première fois, des noms supposés, soit allégoriques, soit exprimant la patrie des personnages.
La seconde différence se trouve dans les chœurs.
Comme depuis le changement de la constitution poliliqiie, le motif qui anciennement avoit porté les riches citoyens à se charger de la dépense qu'occasionnoient la musique et tout l'attirail des choeurs, n'existoit plus, toute la pompe du spectacle cessa ; les fonctions du chœur se bornèrent dès-lors à s'entretenir avec les acteurs de la pièce.
La comédie moyenne diffère encore de celle qui la précéda et de celle qui la suivit, par le choix des sujets. Dans la vieille comédie, ils étoient réels ; dans la nouvelle, que nous verrons naître dans la quatrième période, les poëtes s'attachèrent aux vices et aux ridicules de la société. Platonius dit que ceux de la moyenne .ne connurent d'autre moyen d'amuser et de faire rire, que de parodier des ouvrages qui étoient entre les mains du public.
11 dut sans doute se passer quelque temps avant que des écrivains accoutumés à toute la licence de la
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satire personnelle, apprissent à saisir les nuances des caractères, et à composer des comédies morales, comme fit ensuite Ménandre. Dans cet intervalle qui forme l'époque de la comédie moyenne, la satire s'attacha à des personnes qui n'existoient plus. Ainsi prit naissance un genre mitoyen, trop insipide pour pouvoir se soutenir long-temps.
Le quatrième changement qu'éprouva la comédie, concerne les masques. Ce que Platonius dit à ce sujet n'est pas bien clair; aussi quelques savans ont-ils pensé que, ne pouvant plus nommer les individus, les poëtes donnèrent à leurs comédiens des masques ressemblant aux originaux qu'ils vouloient porter sur la scène. Il est plus probable qu'il fut défendu aux poëtes de se servir de masques qui portassent les traits de personnes vivantes. Dès ce moment on commença à donner aux masques des traits bizarres, sans cependant en faire des charges, comme dans la comédie nouvelle l.
Les grammairiens d'Alexandrie n'ont regardé comme classiques, et placé comme tels dans leur canon, que deux poëtes de la comédie moyenne : ce sont Antiphane et Alexis.
Antiphane de Rhodes a fleuri à l'époque du gouvernement des trente tyrans. Il y a douc eu deux poëtes comiques de ce nom, puisque Athénée
1 Voy. Mémoire sur le Plulus d' Aristophane, et sur les caractères assignés par les Grecs à la comédie moyenne , par Le Beau, dans les Mém.
de l'Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, vol. XXX, p. 5l.
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raconte qu'Antiphane ayant lu une de ses pièces à Alexandre-le-Grand, et ce prince en ayant témoigné peu de satisfaction, le poète s'écria : « Il n'y a pas de quoi s'étonner; car pour goûter ma comédie, il faut avoir fréquenté la mauvaise société »
On prétend qu'Antiphane l'aîné a composé deux cent quatre-vingts ou même trois cent soixantecinq comédies. Athénée en cite à peu près cent ; ce qu'il nous en a conservé est à peu près tout ce que nous en savons E. Dans cette longue liste de pièces, nous rapporterons seulement quelques-uns des titres les plus piquaps : la Femme enlevée, le Flûteur, la Fluteuse ou les Jumelles, la Naissance de Vénus, la Noce, l'Amant passionné, rAmour-propre, le Jardinier, la Lampe, l'Ennemi des Méchans, les Jeunes gens, les Frères germains, le Parasite, les Proverbes, les Riches, le Sommeil, le Physiognomoniste. '; Il ne nous reste aussi que quelques fragmens insignifians d'ALEXIS de Thurii, qui, d'après Suidas, a composé deux cent quarante-cinq comédies. Athénée lui donne l'épithète de gracieux, yocpieti;, et les morceaux que cet auteur et Stobée nous ont con- servés la justifient. S'il n'a pas inventé le caractère du parasite, il en a au moins, fait un usage plus fréquent, ou l'a mieux tracé que quelqu'un avant
1 XIII, i. (Ed. Schweigh. V, 1.) Mot à mot : Il faut avoir souvent payé son écot, et avoir donné et reçu maints coups par des filles.
1 Voy. Ph. Koppiers, Observationes philologicæ ill loca quaedam AntiphalJis. Lugd. Bat. 1771 , io-Ijo.
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lui. Voici les titres de ses pièces qu'on cjte; les Frères Esope, le Fardé , le Maîtrç en luxure, Galatée, le Tableau, l'Empire des Fendes, la Bague, Hélène, la Grecque, la riche Héritière, le Tuteur, le Rasoir ou la Coiffepse ', le Goyveriieur, les Joueurs, le Petit Pot, les Prétendans, la Qanseusfc, les Poëtes, le Soldat, les Camarades , la jNourrice, l'Usurier, le Soupçon, l'Amante., l'pxijé.
Wous le répétons, la seule pièce existante d'après laquelle nous puissions nous faire une Wée (le la comédie moyenne, est le Plutus, dernière production d'ARISTOPHANE ; elle ne fut représentée qu'après, le décret de Lamachus. Les autres poètes de la moyens comédie, dont il ne reste que des fragmens, sônt les sui vans, que nous plaçons. dans l'ordre alphabétique
ANAXAUDRIDE de Camira, dans l'île de Rhodes, ou, selon d'autres, do Colophon, fleurit du temps de Philippe de Macédoine 3. Il a écrit soixante-cinq comédies, et remporté dix prix. On cite entre autres les pièces suivantes : les Paysans, la F.emme laide, la Mapie des Vieillards, le Trésor, les Chasseurs.
Il fut le premier qui porta l'amour sur la scène comique. On dit qu'il avoit coutume de vendre aux marchands de parfum les manuscrits de celles de ses pièces qui étoient tombées.
1 VOLY. P. lo4.
1 Comme il n'est pas toujours facile de préciser l'époguede cee jjoëlcs, il se pourroit que dans la liste suivante, il en fût compris quelques-uns qui appartiennent à la comédie nouvelle.
3 5^8 ans a\¡.nt J.-C.
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ANAXILAS OU ANAXILAUS. Le Flûteur, le Facteur de lyres, les Cuisiniers, les Riches, les Grâces, l'Orfèvre, etc.
ARISTAGORÃS. Le Mammacythe ou le Niais.
ARISTOMÈNE d'Athènes appartenoit, comme Aristophane, à l'ancienne, et à la moyenne comédie. Son Admète concourut avec le Plutus de -ce dernier.
AroSTOPHON, contemporain d'Alexandre. Le Médecin, le Pythagoricien, Platon, etc.
ATHÉNION. Les Samothraces.
AXIONlCUS. Le Tyrrhénien, l'Ami d'Euripide, Philinna, etc.
BATO ou BATTUS. Le Meurtrier, les Bienfaiteurs, le Trompeur.
CRATINUS le jeune. Les Géans ,-Omphale, les Titans, Théramène.
DENYS de Sinope l. Le Blessé, le Thesmophore, les Homonymes ou individus portant le même nom, la Conservatrice.
DIODORE de Sinope. La Flûteuse, l'Héritière.
DIOXJPPE d'Athènes. L'Historiographe, l'Avare, l'Anti-Proxénète ~( AvrcTropi/o^oaxoç ).
EPHIPPUS. Diane, Busiris, Geryon, la Négociatipn, le Jeune homme, Circé, le Naufragé, les Semblables, Sapphon, etc.
EPICRATÈS d Ambracie. Les Amazones, AntiLaïs, le Marchand, etc.
* 58o ans avant J.-C.
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EUBULUS 1, auteur de plus de cinquante comédies. Ancylion, les Sauvés, Antiope, Ganymède, Europe ,1 Bac chus , Dolon , Elerope , Echo , les Joueurs, 'Médée, la Jeune Fille, la Veillée, les Marchands de couronnes, les Nourrices, les. Titanes, Phénix, la Joueuse de harpe ( YaArptç ), Bacchus ou Sémélé, etc.
EUPHRON. Les Frères, la Femme laide, les Théores (députés pour une cérémonie religieuse), les Muses, la Femme livrée, les jeunes Camarades, etc.
HEGESIPPTJS de Tarente, surnommé, d'après sa manière de porter ses cheveux, CROBYLUS, le Tou- pet, sobriquet sous lequel il est souvent cité, comme si c'étoit son nom. Peut-être est-il le même individu avec l'orateur Hégésippus, auquel on attribue le Discours sur Halonèse, qui se trouve parmi les œuvres de Démosthène. L'Anthologie de Céphalas nous a conservé, comme étant d'Hégésippe, sans autre désignation, huit épigrammes dont la simplicité porte le cachet d'une haute antiquité, et qui, par conséquent, pourroient bien être du poëte qui nous occupe. Voici les titres de quelques-unes de ses comédies : le Pendu, la Femme déserteur, le Supposé, les Frères, les bons Camarades.
HÉNIOCJIUS CVAthènes. Les Gorgones, Pollux le Curieux, la Poulie.
LAON. Le Testament.
LYSIPPUS d'Arcadie. Les Bacchantes.
MÉTAGÈNES d'Athènes. L'Air ou le Majnmacythe
1 37G ans avant J.-C.
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( le Niais), les Destructeurs de Thurii, ©ouptorapaoci ', pièce non reprësentée2 ; l'Amateur dé sacrifices.
MNÉBIMACHUS. Busiris, le Bourru, l'Amateur de chevaux.
JNAUSICRATÈS. Les Bateliers, la PerSe.
NICON. Le Joueur de cithare.
NICOSTRATUS, fils d'Aristophane, et poëte distingué. La jeune Esclave, les Rois, le Calomniateur, Hésiode, le Lit, le Cuisinier, l'Usurier, les Compatriotes , etc.
PHILETÆRUS, autre fils d'Aristophane. Antyllus, Aslépius, Atalante, la Chasseresse, le Buveur de vin ? etc.
PHOENICIDES. L'Odieuse, Pliylarque.
PLATON le jeune3. Il est difficile ou impossible de distinguer les comédies de ce poëte de celles de Platon l'ancien.
SOPATER de Paphos, ou SOSIP^TER. Bacchis, les Prétendans de Bacchis, la Noce de Bacchis, les Gaulois , Enbulotheombrotus, l'Evocation des Morts, la Tigne, la Lentille, le Physiologue.
SOPHILUS de Sicyone ou de Thèbes. Androclès, le Poignard, le Dépôt, etc.
SOSICRATES. Les Philadelphes 4.
1 Voyez, sur la signification de ce mot, l'observation de M. Schweig~bœuser ad Athen. VI, 98. (Vol. VIII, p. 591.)
2 Voy. ATHÏN. VI, c. 20. (Ed. Schtveigh. II, 534. )
3 Vers 5oo avant J.-C.
4 Hemsterhuis pril cet ouvrage pour une histoire. M. Schweighœuser, dans son édition d'Athénée, vol. XIV, p. 196, a fait voir que c'étoit une comédie. •»
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Sotajdés d'Athènes, qu'il ne faut pas confondre avec le poëte de Maronée que Ptolémée-Philadelphe fit jeter dans la mer. Les Enfermées, le Racheté mal à propos.
THÉOGNETUS de la Thessalie. Le Spectre ou l' Avare, FEsclave aimant son maître.
Timoclès d'Athènes. Suidas dit qu'il a existé deux poëtes comiques de ce nom, et il a recours au témoignage d'Athénée ; mais cet écrivain ne fait pas cette distinction. Les Egyptiens, la Bague, Delus, les Démosatyres, les Femmes célébrant les Dionysiaques, Bacchus, les Lettres, le Centaure, les Marathoniennes, l'Affairé, les Faux voleurs.
Les fragmens des poëtes comiques grecs se trouvent dans les collections de Grotius/Hertel et Boissonade.
La troisième époque de la comédie, ou la cOlnédie nouvelle, tombe dans la période suivante.
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CHAPITRE XIV.
De la Poésie mimique.
A CÔTÉ des trois sortes de drames réguliers, les Grecs possédoient-un grand nombre de farces de différentes espèces.
Dans les banquets, on faisoit entrer des bouffons qui représentoient des pantomimes, souvent accompagnées d'un dialogue improvisé (Aùroxa^dcAoi).
D'autres farces obscènes ou satiriques étoient représentées sur le théâtre par des acteurs qu'on nommoit mimes. Les auteurs anciens parlent de ces pièces, tantôt sous la dénomination de Asixr,X'oày tantôt sous celle de AvaicoSoi ou de Moryco&xc': mais comme le temps ne nous a conservé aucune de ces pièces, nous ne pouvons nous faire une idée ni du genre, ni des variétés que désignoient les noms que nous venons de rapporter. Peut-être quelques-unes ressembloient-elles à nos parades des boulevards, et d'autres à nos proverbes dramatiques.
Le nom de Mimes a été donné ensuite à de petits poëmes destinés à mettre sous les yeux des lecteurs ou des spectateurs une aventure ou une fable qui n'étoit pas, comme celle de la tragédie,
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puisée dans la mythologie ou l'histoire héroïque, ni, comme dans la comédie, prise de la vie politique ou civile, mais que foumissoient les rapports sociaux et domestiques. En un mot ,-ces pièces peignoient des mœurs et des caractères, mais sans contenir une fable complète dans toutes ses parties.
SOPHRON de Syracuse , fils d'Agathocle 1, est nommé auteur de mimes. Ses pièces, écrites dans le dialecte dorien, et non en vers proprement dits , mais xcxrocloyoidriv, c'est-à-dire dans une espèce de prose cadencée", faisoient les délices de Platon,, qui apprit à les connoître par Dion de Syracuse, et répandit à Athènes le goût de ce genre de composition5 né sur le sol de la Sicile. Il ne nous reste des mimes de Sophron que quelques titres et des fragmens qui ne sont pas suffisans pour que nous puissions établir les caractères généraux de ces pièces, quoique nous sachions que la quinzième idylle de Théocrite est une imitation d'un mime de Sophron. L'auteur du Voyage du jeune Ana- charsis pensoit que ces poésies étoient dans le goût des Contes de La Fontaine.Athénée cite deux sortes de mimes de Sophron : il appelle les uns mimes des hommes, MîjUof acv^peTo!, et les autres, mimes des femmes, M'ip.oc yvvtxixsiou Parmi les premiers il cite nommément ceux qui étoient intitulés : la Pêche du thon, le jeune Favori ( Ilaj&xà ), le Paysan; parmi les autres, les Femmes
1 420 ans avant J.-C.
a Voy. ATHEN. eJ. Schweigh. vol. XI, p. 315.
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montrant la Déesse, c'est-à-dire Hécate ; la Femme 1 parant une fiancée, et la Belle-mère. l Apollodore d'Athènes avoit écrit un commen- !
taire sur les Mimes de Sophron. j Les fragmens de Sophron ont été rassemblés par un ano- j nyme dans le Classical Journal, 1811, vol. IV, p. 38o, et avec augmentations et corrections, dans le Museum crilicum de Cambridge, n° VII, novemb. 1821, p. 640.
PHILISTION de Nicée, auteur de mimes, et le modèle des acteurs mimiques, a fleuri dans les derniers temps de Socrate Il nous reste quelques sentences tirées de ses mimes, que Suidas appelle des comédies biologiques, c'est-à-dire imitant la vie des hommes. Un autre Philistion, natif d81agnésie, a vécu du temps d'Auguste; il étoit acteur de mimes, et étouffa un jour sur le théâtre à force de rire 2.
Les sentences de Philistion et de Ménandre ont été publiées par Nie. higoulet, Paris, 1613, in-8°.
1 Ou peuL-être d'Isocrate, comme dit Eudoric.
2 Une épigramme de l'Anthologie ( Brunek, Anal. 14; 263) confond les deux PhilistioD.
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* CHAPITRE XV.
Des derniers Poètes cycliques, et de l'Epopée historique.
PENDANT que la poésie lyrique et le drame étoient cultivés avec succès, l'épopée seule perdit de l'éclat dont elle avoit brillé dans l'enfance de la littéra- ture grecque.
Les poëtes cycliques, dont nous avons parlé à la période précédente1, continuèrent, dans celle-ci, à parcourir le cycle des sujets épiques qu'offroient les siècles héroïques de la Grèce. On peut regarder ces poëtes comme les précui-seurs de l'histoire; ils étoient, en effet, historiens plutôt que poètes; les anciens recourent à leur autorité comme à celle de témoins dignes de foi, et les nomment souvent des poëtes historiques. Les cycliques rapportent des.
suites d'événemens entre lesquels il n'existoit d'autre liaison que celle de l'ordre chronologique ; ils en racontoient tous les détails qu'ils avoient su se procurer, sans mettre leur imagination en frais pour les orner de fictions poétiques ; en un mot, ils les racontoient comme auroit fait un écrivain en prose vivant à une époque où la critique n'auroit pas encore été connue.
i Voy. vol. 1, p. 166.
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Si tel fut le caractère dominant de l'épopée dans cette période, il ne fut pourtant pas général : quelques poëtes cycliques se rapprochèrent beaucoup plus de l'épos homérique que de l'histoire. Environ 56o ans avant J.-C., ARISTÉAS de Proconèse composa une Théogonie et un poëme sur la Guerre des Arimaspes avec les Griphons, gardiens de l'or, poëme dont Longin et Tzetzès nous ont conservé quelques vers, et qui est cité par Hérodote, Pline et Aulugelle 1.
Le Scythe ABARrs, fils de Seuthès et prêtre d'Apollon du temps de Crésus, publia des Oracles, yjzrppoi j il chanta les Amours du fleuve Hebrus et l'Arrivée cVApollon chez les Hyperboréens. Nous reviendrons sur cet individu un peu fabuleux.
Les poètes suivans se rapprochèrent de l'histoire, ou plutôt ils furent de véritables logographes en vers.
EUGAMMON de Cyrène, contemporain d'Esope, donna une Télégonie ou la Vie et la Mort de Télégone, fils d'Ulysse et de Circé, en deux livres. D'après St. Clément d'Alexandrie 2, Eugammon publia comme étant son ouvrage, le poëme de Musée sur la Thesprotie.
CHERSIAS d'Orchomène, recueillit en vers épiques les traditions des villes de la Béotie.
1 Aristée est un des hpmmes sur le compte desquels on a invente le plus de fables. Après sa mort, qui arriva à Proconèse., on doit l'avoir vii 8 Cyzique et en Sicile.
9 Strom. VI, p. 751.
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STÉSICHORE dHimère, le poëte lyrique1 chanta la destruction de Troie, I \(q-j Tveptriç, poème auquel se rapporte la Table Iliaque'.
PANYASIS de Sarnos ou d'Halicarnasse (car sa patrie est douteuse; on sait seulement qu'il étoit oncle d'Hérodote) s'est élevé au-dessus de la foule des poëtes cycliques. Il florissoit pendant la première guerre de Perse.' On le regarde comme un excellent poëte épique, et les critiques d'Alexandrie lui ont assigné la quatrième place. 11 fut l'auteur d'une Héraclèide en quatorze livres, à laquelle, selon l'opinion de quelques savans, appartiennent deux morceaux qui se trouvent dans la collection des œuvres de Théocrite ; morceaux que d'autres attribuent à Pisandre. Les uns et les autres s'àccordent à les juger dignes d'un écrivain du premier mérite, et au-dessus des forces de Théocrite. Tel étoit l'avis de Yalckenœr. M. God. Hermann ne le partage pas : il reconnaît, à la vérité, dans ces morceaux une imitation d'Homère; mais il a remarqué dans la prosodie des licences qui, inconnues aux poëtes épiques, ont été introduites par les bucoliques 4. Il existe quelques autres fragmens de Panyasis.
1 Voy. vol. I, p. 171.
s Peut-être le poëme de Stésichore étoit-il lyrique , comme le mètre paroît l'indiquer. Vov. QUINTIL. JnsL. or. X 1.
5 4go ans avant J.-C.
4 Voy. Orphica, cd. Hermann, p. 691, et vol. 1, p. 170 du présent ouvrage, à l'article de Pisandre.
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On trouve ces fragmens dans les collections de Wintertoru, Gaisford et Boissonade.
PIGRÈS de Carie étoit frère de la reine Artémise, et par conséquent, contemporain de Xerxès. Suidas dit qu'il est non-seulement l'auteur de la Batrachomvomachie, mais aussi du Margitès, communément attribué à Homère. Ce même lexicographe raconte encore que Pigrès donna à l'Iliade une forme élégiaque , en intercalant après chaque hexamètre un pentamètre de sa façon ; et il cite le premier de ces pentamètres1.
CHOERILUS de Samos étoit né dans l'état d'esclavage, et trouva moyen de s'y soustraire par la fuite.
Suidas, de qui nous tenons ce fait, nous apprend encore qu'il étoit l'élève et le favori (^roccâcxac) d'Hérodote; mais si ce lexicographe ajoute que Chœrilus étoit jeune (veavtcrxoç) lorsque Xerxès envahit la Grèce, il y a contradiction entre les deux assertions , puisqu'à cette époque Hérodote étoit à peine au monde. Plutarque rapporte que Lysandre, roi de Sparte, aimoit la société de ce poète ; il s'ensuit qu'il faut fixer l'époque où il florissoit, entre la paix de Cimon et le commencement de la guerre du Péloponnèse, ou entre 46o et 431 ans avant J.-C.
Ainsi il peut être posé une quinzaine d'années après Hérodote, et une dixaine après l'invasion de Xerxès. Dans sa vieillesse, Choerilus fut appelé en Macédoine par le roi Archelaùs qui fui assigna, dit-
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on, quatre mines par jour1. Il mourut à la cour de - ce prince, comme Euripide3.
Chœrilus sentit que le temps n'existoit plus où un poëte pût espérer de plaire en marchant sur les traces d'Homère. En effet, un peuple parvenu au point de civilisation où les Grecs se trouvoient alors, n'itoit plus capable de goûter, dans un ouvrage moderne, cette simplicité qui charmoit dans des poésies antiques. D'ailleurs tous les sujets que pouvoient fournir soit la mythologie, soit les temps héroïques qui occupent l'intervalle entre la fable et l'histoire, étoient épuisés, et les héros de cette époque n'intéressoient plus des hommes jetés dans le tourbillon des affaires publiques. Ces con- sidérations déterminèrent Chœrilus en faveur d'un sujet historique : son choix tomba sur l'événement le plus glorieux à sa nation. Mais si le triomphe que le patriotisme et la valeur des Grecs avoient remporté sur la puissance colossale du roi des rois, étoit susceptible d'être orné par toutes les fleurs du style oratoire, cet événement étoit trop récent pour supporter cet échafaudage de fictions dont le poëme épique ne sauroit se passer. Choerilus commit donc une erreur en chantant dans la forme -épique la Victoire des Athéniens sur Xei'xès, ÀO-nvatojv v6cr, XOLTO. D'après Stobée il intitula son
1 Euviron 56o fr. Voy. ATHEN. Deipu. VIII , p. 545. ( Ed. Schweigh.
vol. III, p. ijb. )
* Archelaiïs a régné de n3 à 4oo avant J.-C. Ainsi Chœrilus peut êlle mort un peu plus tjue septuagénaire.
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poëme la Perséide, nepO'.,j{ç. Nous en avons si peu de fragmens que nous ne voyons pas si Chœrilus termina son poëme par la bataille de Salamine, ou s'il le poussa jusqu'à la fin de la guerre de Xerxès : nous ignorons même de combien de chants il se composoit et si en général il étoit divisé en chants.
La nouveauté que Chœrilus se permit, le força x de s'écarter souvent de l'antique simplicité du style d'Homère ; elle lui imposa aussi la nécessité de se servir de certaines expressions consacrées au style historique et qui pourroient paroître peu dignes de la majesté de la poésie épique. Pour relever ce que sa composition avoit de trop prosaïque, il tenta de l'ennoblir par des images recherchées et tirées de choses qui ne tombent pas sous les sens.
Le poëme de Chœrilus étoit un monument érigé à la gloire des Athéniens. Aussi faisant revivre en son honneur une loi de Solon relative à Homère, ils décrétèrent que la Perséide fut régulièrement récitée devant le peuple assemblé aux fêtes panathénées1 Suidas ajoute que l'auteur reçut une pièce d'or pour chaque vers; récompense peu conforme à l'esprit d'une république, et moins probable encore, quand il s'agit d'un poëme de longue haleine; Il paroît, en effet, que le lexicographe s'est trompé en rapportant à Chœrilus de Samos , ce qui arriva à
1 Suidas dit seulement. : a Il fut ordonné que le poëme seroit lu avec ceux d'Homère. » Mais cet ordre ne peut être provenu que des Athéniens, et doit se rapporter à la grande fête qui réuuissuit périodiquement toutes les tribus de l'Attique.
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un autre Choerilus, auteur d'un poëme en l'honneur d'Alexandre-le-Grand.
Quelle que fût la réputation de Choerilus, les critiques d'Alexandrie l'ont exclu de leur canon où ils ont assigné la cinquième et dernière place à Anti-i maque son rival. Un certain défaut d'élégance qu'on reprochoit au style de Choerilus, et qui tenoit probablement au genre bâtard qu'il avoit choisi, peutêtre aussi la prédilection connue de Platon pour Antimaque, ont valu cette disgrâce au poëte athénien.
Parmi les fragmens de la Perséide qui nous res- tent , il se trouve cinq vers qui ont donné lieu à une discussion que nous ne pouvons passer sous silence.
C'est l'historien Josephe qui nous a conservé ce fragment comme le plus ancien document profane où il soit question des Juifs. Dans le dénombrement des peuples dont se composoit l'armée de Xerxès, Choerilus nomme les habitans des montagnes de Solymes, situés près d'un grand lac 2. Josephe ne doute pas que le poëte entende parler ici de Jérusalem ; mais quelques savans poussant, ce nous semble, la critique jusqu'à la subtilité, ont prétendu que ce passage devoit s'entendre de Solymes en Lycie, parce que Chœrilus disant que les troupes dont il fait le dénombrement portoient les cheveux coupés en forme de tonsure ~(rpoxoxovpocScç), il ne pouvoit être question de Juifs, auxquels la loi de
1 Contra Apion. 1 , p. 454, vol. If. Haverkamp.
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Moïse défendoit cet usage 1, précisément pour les distinguer des peuples voisins. Mais ce qui ne laisse aucun doute sur la position de Solymes, c'est que le poëte ajoute que les troupes dont il est question, parloient la langue phénicienne 2 dont l'hébreu est un dialecte. N'est-il pas naturel d'après cela de supposer que Chœrilus savoit que les peuples de ces contrées avoient en général l'habitude de se raser la tête, mais que ses connoissances géographiques ou statistiques n'alloient pas jusqu'à connoître l'exception -qu'un petit peuple de la Syrie faisoit de cette mode.
Suidas attribue à Chœrilus un autre poëme intitulé les Lamiaques, AcxfL/cxxa. Si ce mot veut dire la Guerre de Lamie, il est évident que le lexicographe s'est trompé, et qu'il a encore une fois confondu notre poëte avec celui qui a vécu sous Alexandre-le-Grand. Eudoxie commit une erreur semblable en le confondant avec Choerilus, le poëte comique.
Les fragmens de Cbœrilus de Samos ont été recueillis avec soin et commentés par M. Aug.-Ferd. Noeke, sous le titre de Choerili Samii quae supersunt. Lips. 1817, in.8°.
ANTIMAQUE de Colophon, disciple de Panyasis, fut contemporain de Chœrilus. Avec lui commenceroit une nouvelle époque de l'histoire de la poésie épique, si ce genre avoit pu reprendre son
1 Levit. XIX, v. 27.
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lustre. Comme Chœrilus il sentit que le temps de l'épos homérique étoit irrévocablement passé; mais au lieu de lui substituer l'époque historique, comme faisoit celui-là, il retourna aux sujets mythologiques; seulement il les travailla dans un goût plus moderne. Le succès qu'il obtint et l'admiration que lui voua par la suite l'école d'Alexandrie, prouve qu'il ne s'étoit pas trompé dans son jugement sur l'esprit du siècle, et qu'il augura bien de l'opinion de la postérité. Les critiques égyptiens citent sa Thebaïde, comme un ouvrage digne d'être comparé à ceux d'Homère, et de terminer la liste des poëtes épiques du premier rang. Ils vantent la grandeur des idées et l'énergie du style d'Antimaque, mais ils conviennent qu'il manque d'élégance et de grâce. cc In Antimacho, dit Quintilien', vis et gravitas, et minime vulgaris eloquendi genus habet laudem. Sed quamvis ei secundas fere grammaticorum consensus déférât, etaffectibus et ucunditate et dispositione, et omnino arte deficitur, ut plane manifesto appareat quanto sit aliud proximum esse, aliud secundum. »
Nous avons parlé 2 ailleurs de l'élégie d'Antimaque , intitulée Lyde. L'Anthologie nous en a conservé une épigramme.
Les fragmcns d'Antimaque ont été recueillis et publiés sous le titre suivant : C.-A.-G. Schellenberg A-ntimachi Colophonii fragmenta, nunc primum conquisita, etc. Halae. 1786, iii-8,.
1 Iust. or. X, 1.
a Voy. vol. I, p. 245.
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CHAPITRE XVI.
De l'Epigramme 1.
——— ( L'ÉPIGRAMME, dans le sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot, n'est qu'une des diverses espèces de poésie que les anciens nommoient ainsi.
Epi gramme veut dire inscription, et tel étoit en effet dans l'origine l'emploi de çe genre de poésie, d'où dérivoit son caractère. Elle n'exprimoit qu'une idée simple, ou un sentiment, une réflexion, un regret, un voeu, inspirés soit par l'aspect fortuit d'un monument, d'un site, d'un arbre ou d'un autre Qbjet, soit par le souvenir doux, agréable, douloureux ou terrible que cette rencontre avoit laissé dans l'âme; sentiment qui s'épanchoit par le moyen de quelques vers qu'on gravoit le plus souvent sur une pierre ou sur la base d'une statue.
Les épigrammes, en prenant le mot dans le sens que nous venons d'établir, étoient et sont encore
1 Guill. Colletet, IJllich. de Marolles, Ant. Bauderon de Senecé, André Le Brun, Bruzen de la Martinière, Remorid de St.-Mard et Ch. Batteux ont écrit en françois sur les Epigrammes ; mais les premieu qui en ont clairement établi la nature ont été G.-E. Lessing, dans ses Vermisclite Schriften , vol. I, et. J.-G. Herder, Zersireute Blætler, vol. J t:t 11. Il faut y ajouter : Dell' Epigramma greco saggio. Sicna, 1796, iu-So, par le comte de Vargas.
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une source précieuse de l'histoire, Hérodote,Thucydide et les écrivains des temps suivans y provoquent souvent. Il en a été formé plusieurs recueils dont nous parlerons aux périodes suivantes; ici nous dirons que c'est à ces collections que nous devons la conservation de quelques morceaux de ce genre qui remontent à la période dont nous nous occupons.
Indépendamment de ces recueils, l'auteur de la Vie d'Homère qui porte le nom d'Hérodote, nous a aussi conservé seize épigrammes attribuées à HOMÈRE qui seroient les plus anciennes, si elles étoient vraiment authentiques1.
Après elles viendroit un petit poème en six vers sur les misères de la vie humaine, qui porte le nom d'EsopE : il est digne, en tous les cas, de la belle antiquité , et ressemble aux sentences de Théognis et de Solon.
Une centaine d'épigrammes d'une belle simplicité sont attribuées à SIMONIDES de Crios 2. Elles ne renfermentrien qui ne trahisse une origine antique ou qui doive en faire contester l'authenticité. Plusieurs de ces petits morceaux expriment une sentence morale ou respirent une douce mélancolie.
Quelques-unes ont probablement pour auteur SIMOSIDE de Céos lè jeune, petit-fils de l'aîné, par sa fille; le même qui avoit écrit une Généalogie.
1 Voy. vol. I, P. 149.
2 Voy. ibid., p. 242.
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NQUS avons parlé, des épigrammes d'ÀNACRison, et de celles d'EItINNE, d'EscHYLE, dE URIPIDE d'HÉGÉSIPPE, et d'ANTIMAQUE de Colophon : il nous reste un très-petit nombre de poésies de ce genre d'ARTEMO, contemporain d'Aristophane, qui le nomme dans ses Acharnéens 1; une seule qui est attribuée à SOCRATE : c'est un problème arithmétique ; une épigramme de chacun des trois écrivains suivans : THUCYDIDE, TIMOCRÉoN de Rhodes, son ennemi, et PHILISCUS de Milet, contemporain de Lysias.
Une trentaine d'épigrammes sont attribuées à PLATON , mais sans foooement; une seule l'est à SPEUSIPPE son successeur dans la direction de l'Académie.
Athénée nous a conservé trois épigrammes de PARRHASIUS a que les auteurs des Anthologies n'ont pas reçues dans leurs recueils. Ce sont des inscriptions que ce peintre avoit placées sur quelques-unes de ses productions : elles prouvent un amour-propre -excessif. Athénée rapporte que Parrhasius affectoit dans son costume un luxe royal : il portoit un habit de pourpre; sa tête étoit ceinte d'un bandeau blanc ; les agraffes de ses sandales étoient d'or.
Dans l'Anthologie il se trouve une épigramme d'AGIS d'Argos, un des flatteurs d'Alexandre-leCrand, qui, d'après Quinte-Curce, auroit été le plus
i 548 ans avant J.-C.
s XII, 11. ( Ed. Schweigh. IV, 5iS. )
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mauvais faiseur de vers s'il n'y avoit eu un Chœrilus 1. Il s'agit de Chœrilus d'lasus.
Il nous reste un petit nombre d'épigrammes d'Aigus de Macédoine qui florissoit à l'époque où mourut Alexandre-le-Grand, de DURIS d'Elée en Eolide , son contemporain , et d'ASTYDAMAS , le poëte tragique qui étoit disciple d'Isocrate.
1 VIII, 5, 8. « Pessimorum caiminura post thœiilum coudiior. »
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CHAPITRE XVII, De l'Histoire. - Des Logographes et des premiers Historiens de la Grèce l.
Nous parlerons des auteurs en prose de la troisième époque, en rangeant-leurs productions en -sept classes différentes, qui sont l'Histoire, la Géographie, l'Eloquence, les Epîtres, la Philosophie, les Mathématiques et la Médecine. L'Histoire sera le sujet de ce chapitre.
Les liaisons plus étroites que les divers états de la Grèce formèrent dans cette période ; les guerres qui les mirent en rapport avec les peuples de l'Asie et même avec ceux de l'Afrique; le commerce qui prit un accroissement considérable; les voyages ■■que la curiosité ou l'envie du gain fit entreprendre; toutes ces circonstances augmentèrent la masse des connoissances historiques et géographiques chez un peuple vif et avide d'instruction. On rechercha d'abord avec soin toutes les traditions populaires xjui avoient perpétué d'âge en âge le souvenir des révolutions, des généalogies des princes et des mai-
1 J.-G. Vossii de Historicis gr. libri IV, Lugd.-Bat. i65i, in-4°. —
, (;.;Fr. Creuzer Hislorische Kunst der Gi-iechen, Leipzig} i8o3, in- 8°.
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sons illustres, de l'origine et de l'émigration des peuples ; on sentit l'importance de préserver de l'oubli ces diverses traditions si glorieuses pour lesvilles et pour les familles. Les colonies de FAsieMineure, de la Grande-Grèce et de la Sicile, séparées par les mers de leurs métropoles, et voisines de peuples barbares, mais réunies entre elles par des relations de politique et de commerce multipliées, éprouvèrent surtout et avant les autres, la nécessité de conserver tous les documens relatifs à leur histoire, et de renoncer à la forme de la poésie cyclique dont le cadre se trouva trop resserré pour cette foule d'événemens dont il fallut dès-lors transmettre la mémoire. Dans le sixième siècle avant J.-C. l'art de l'écriture avoit fait assez de progrès pour qu'on pût l'employer à cet usage. C'est en effet vers cette époque que les colonies grecques de FAsie-Mineure eurent les premières logographies, ou traditions historiques mises par écrit en prose (de Àvyoç, parole , tradition, et ~-ypacpejv, écrire). Indépendamment de la tradition et des ouvrages des poètes, les auteurs de ces sortes de compositions consultèrent tous les monumens de l'antiquité, les inscriptions, les autels, les statues, les édifices consacrés à l'occasion de certains événemens et les, épigrammes qui y étoient gravées; ils alloient recueillir sur les lieux mêmes tous les faits dont ces monumens avoient perpétué le souvenir. En un mot les Logographies étoient le premier fruit de l'esprit d'observation qui venoit de s'éveiller. Souvent,^
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il est vrai, cette louable curiosité se laissa égarer par la crédulité, "par un patriotisme exagéré et par la vanité nationale; sentimens qui étoient d'autant plus vifs qu'à cette époque on ne s'occupoitfencore que d'événemens dont le souvenir se perdoit dans la nuit du temps. Au surplus on avoit trop peu étudié les lois de la nature pour pouvoir rejeter comme faux ou expliquer une foule de phénomènes, et les voyages dans les contrées éloignées étoient trop rares pour qu'on n'écoutât pas avidement et qu'on ne crût pas sans examen les récits fabuleux de ceux qui avoient entrepris des courses si dangereuses.
Aucune Logographie ne nous est parvenue en entier; parmi les écrivains de ce genre qui est le passage de la poésie épique à la véritable histoire, il en est plusieurs dont nous avons des fragmens.
Ce sont ceux que nous allons nommer. Nous devons ces débris aux citations qui se trouvent dans les ouvrages des historiens et des mythographes postérieurs , ainsi que dans les commentaires des scholiastes, et même dans les Pères de l'Eglise.
CADMUS de Mïlet1 nommé par Pline le plus ancien des logographesa. D'après une observation d'Isocrate 3, cet écrivain fut le premier qui porta le titre dV sophiste, par lequel on indiquoit alors un homme
1 520 ans avant J.-C.
s Hist. Nat. VJ1, 56. Dans un autre passage, V, 29, il le nomme l'innnteur de la prose. Ailleurs il attribue cette invention a Phérecyde.
à Dans le discours Hept ocvri&écrieût;.
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éloquent. Cadinus écrivit .sur les antiquités de sa ville natale ; son ouvrage fut abrégé par BlON dé Proconese, qui étoit son contemporain.
e DEJSYS de Milet ou de Samos fut le premier1, diton, qui entreprit la composition d'une histoire générale de la Grèce; ce qui est, sans doute, la cause de ce que les anciens citent son ouvrage sous le titre de Cycle ou de Cycle hïstorique. Il a peut-être été la source des cinq premiers livres de la Bibliothèque de Diodore de Sicilea. ÁCUSILAUS cVArgos rédigea les généalogies des anciennes familles royales, en remontant jusqu'à Phoronée. D'après une notice conservée par St.
Clément d'Alexandrie3, il traduisit en prose les poëmes d'Hésiode.
DENYS de Chalcis fit des recherches sur les fondateurs des villes : ce genre de composition à la fois historique et-géographique porte chez les Grecs le nom de K't"taecc;, c'est-à-dire Constructions ou FonJ dations.
HÉCATÉE de Milet, fils d'Hégésandre, appartenoift à une de ces familles grecques qui faisoient remonter leurs généalogies jusqu'aux dieux 4. Il assista au conseil des Ioniens où fut résolue l'insurrection contre Darius5. Il tâcha d'en dissuader ses
1 510 ans avant J.-C.
s Voy. Heyne, de font, histor. Diodori.
5 5oo ans avant J.-C.
4 HÉRODOTE, 11, 143, raconte comment les prêtres de Thèbesen Egypte ~abattirent la vauilë d'Hécatéc.
5 5o5 ans avant J.-C.
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concitoyens en leur représentant la disproportion entre leurs forces et la puissance de l'empire qu'ils: alloient attaquer. Son avis ayant été rejeté, il exhorta les Ioniens d'équiper une flotte, par le moyen dfe laquelle ils pourroient faire beaucoup de mal aux Perses1. Ce conseil sage ne fut pas mieux goûté que le premier. Comme écrivain" Hécatée ne se contenta pas d'éclaircir les antiquités de sa nation, en publiant des collections de ces généalogies que les grandes familles avoient conservées par tradition ; mais il étendit les bornes de l'histoire qui jusqu'à lui ne s'étoit encore occupée que de la Grèce. Dans sa Pèriègese ou son Tour du monde, ntpirfyrpiç yrç, il décrivit tous les pays connus alors : aussi Agathémère, dans un fragment qui nous a été conservé, l'appelle-t-il un homme qui a bien voy-agé (ocvrip TToAu7rAavyjç). Des parties de la Périégèse sont citées -' sous les titres de Tour de l'Asie, Tour de la Libye, Tour de l'Egypte, Tour de l'Europe, de l'Hellespont, etc. Hécatée s'étoit surtout attaché à décrire la Haute-Egypte et à approfondir l'histoire de Thèbes : c'est probablement le motif pour lequel Hérodote, auquel d'ailleurs ses ouvrages ont beaucoup servi, s'est moins étendu sur cette partie a.
Denys d'Halicarnasse loue la simplicité et la
1 Voy. Recherches sur Hécatée de Milet, par J'abbé Sévin, dnus les Mém. de l'Acad. des Inscr. et Belles - Lettres, vol. VI, p. 472. Ukert über die Geographie des HecatSus und DamasLes, Weimar , 1814, in-Ba.
2 Voy. Creuzer, Symbolik und Mythologie dei alten Vôlcker. Zweyte Ausgabe. Vol. I, p. 2,4o.
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clarté du style d'Hécatée, dont les figures et tout ornement superflu étoient bannis. En donnant un extrait du 40C livre de Diodore de Sicile où il est question des Juifs, Photius cite Hécatée de Milet; mais il est probable que le patriarche aura écrit Milet, par distraction, au lieu d'Abdère, car c'est sans doute Hécatée d'Abdère dont Diodore aura parlé.
Les fragmens d'Hécatée ont été recueillis par M. Creuzer, et publiés sous le titre de Hisloricorum antiquor. graec. fragmenta. Heidelbergae, i8o6, in-8°.
MENECRATÈS d'Elée ( en Eolie) fut contemporain d'Hécatée : Strabon cite ses Origines de villes, Ilepl et sa Description de d'Hellespont, ~ÈAÀrjo--
CHARON de Lampsaque, fils de Pythoclès, florissoit une trentaine d'ânnées après Hécatée. Il composa un assez grand nombre d'ouvrages, des Persiques ou une Histoire de la Perse, ~IlepoUca, en deux livres ; les Antiquités de Lampsaque, Xlepl Aocp.o/Xxou, en autant de livres ; une Histoire de la fondation des villes, KTJCTSJÇ TTOASCOV, en deux livres; des Helléniques, ÈAArjvtxà, en quatre; une Description des cantons appartenant d' la république de Lampsaque, Opoi Aa^ax^vwv, aussi en quatre; des Crétiques ou une Histoire de la Crète, Kpyj-raà, en autant de livres. La perte du dernier ouvrage est d'autant plus à regretter que.Charon y donnoit un précis des lois de Minos. Enfin, Suidas à qui nous
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devons ces renseignemens, cite encore plusieurs autres ouvrages de ce logographe; mSs comme il dit qu'outre Charon de Lampsaque il a existé deux autres écrivains de ce nom, l'un natif de Carthage, et l'autre de Naucratis, il est à craindre qu'il n'ait attribué à l'un des ouvrages appartenant à l'autre.
Le petit nombre de fragmens qui nous reste de Choron a été publié par l'abbé Sévin, dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles - Lettres, vol. XX V, p. 56, et plus complet par M. Creuzer, dans son recueil.
XANTHUS de Sardes, fils de Candaulès, a fleuri du temps de la destruction de sa ville natale par les Ioniens1. Il a écrit des Lydiaques, AvSiatxa, c'està-dire r Histoire de la Lydie, en quatre livres.
St. Clément d'Alexandrie cite aussia un ouvrage de Xanthus sur les Mages, Moc/,exd:. Mais il est probable qu'il étoit d'un autre Xanthus, peut-être de ce musicien d'Athènes qui a vécu du temps da Théojahraste, et qui a écrit les Vies des hommes illustres3.
Les fragmens de Xanthus se trouvent dans le recueil de M. Creuzer.
HIPPYS de Rhëgium a écrit 4 une Histoire de la Sicile en cinq livres, dont MYES a ensuite fait un abrégé, et un ouvrage sur l'origine de l'Italie.
1 500 QI; avant J.-C.
2 Strom. lib. III, p.5i5 , ed. Potter.
3 Voy. DIOG. LAERT. IV, 29.
4g5 ans avant J.-C.
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Après eux1 fleurit HELLANICUS de Mtiylène*. XI composa une description de plusieurs pays grecs et étrangers; et l'on cite ses Egypiiaques, ses E otiques, ses Argotiques, son ouvrage sur YArcadie, son Asopide, qui s'occupoit probablement de la partie de la Béotie arrosée par l'Asopus son Atthide, son Atlantide, ses Béotiaques, ses Thegsaliques, ses Gypriaques, Lesbiqites, Persiques, Troïques, Phéniciques, etc. Athénée cite aussi ses Carnéoniques, poëme en l'honneur des vainqueurs aux Carnéa, c'gst-à-dire aux jeux célébrés en l'honneur d'Apollon Carneus. Pour classer "ses récits dans un ordre chronologique, il se servit du catalogue des prêtresses dé Junon à Argos, déposé au temple de Sicyone; et c'est ici la première trace que nous trouvons de l'emploi de la chronologie dans l'histoire.
Les fragmens d'Hellanicus ont été rassemblés par M, Fréd.
Guill. SturZj et publiés à Leipzig, 1787, iu-8°.
M DAMASTÈS de Sigée, disciple de Hellanicus, a écrit un Catalogue des peuples et des villes, Éôvtov xaraXoyoc, xac ~iroÀecov, et une Histoire de la Grèce, rUp) rcov b ÈÀÀocâj yevopevoov. Eratosthène s'est beau-
1 46o ans avant J.-C.
2 On dérive ordinairement le nom d'Hellanicus de ÉXXàç et 'I(x'f), et eu conséquence on regarde la troisième syllabe comme longue; mais pour que cette dérivation lût admise, il faudroit que notre historien se fut ap-
pelé Helladonicus. Comme cet écrivain étoit Eolien, il est probable que son nom n'est que la forme éolique de ~EAXvivcxoç. Nous empruntons cette observation à M. Sturz. -
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coup servi de ces ouvrages/et Strabon l'en blâme, parce qu'il regarde Damastès comme un auteur fabuleux. Il a parlé de la formation de Rome et est cité par Denys d'Halicarnasse.
PHÉKÉCYDES de Leros, une des Sporades, qu'il ne faut pas confondre avec l'inventeur de la prose qui étoit de Scyros, recueillit les traditions relatives à l'ancienne histoire d'Athènes, et fut ainsi avec Hellanicus le précurseur des auteurs d'Atthides. Avec lui se termine la classe des logographes, car Phérécydes étoit contemporain d'I¥.
rodote. 1 Les fragmens de Phérécydes de Leros ont été recueilKs par M. P.-G. Sturzo Géra, 1789, io-Bo.
Ce n'est qu'improprement qu'on peut appeler historiens ces rédacteurs de traditions souvent mensongères que les Grecs désignoient par le titre de Logographes. L'Histoire qui est le récit suivi d'événemens vrais et mémorables dont la connoissance est utile et agréable, ne commença que lorsque les écrivains, sans se perdre dans le labyrinthe - de la fable, se bornèrent aux événemens dont ils avoientété les témoins^ ou sur lesquels ils pouvoient prendre des informations auprès des hommes sous les yeux desquels ils s' étoient passés, et sur les lieux mêmes qui en avoient été le théâtre.
JEÏÉRODOTE d'Halicarnasse 1 connut le premier
* 1 Né, selon Larcher, Oljmp. LXXIV, i , 484 ans avaut J.-C. , qualre ans avant l'invasion de la Grèce par Xerxès.
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l'art de lier entre eux des événemens qui intéres soienMes divers peuples de la terre, et de faire un tout régulier de tant de parties incohérentes ; il est le père de Vhistoire. Né d'une famille illustre, il quitta, jeune encore y sa ville natale qui avoit perdu sa liberté, et s'établit à Samos où sans doute il s'appropria le dialecte ionien à la place du dorien qu'on parloit à Halicarnasse. Depuis l'âge de vingt-cinq ans il parcourut les principaux pays connus, la Grèce, la Macédoine, la Thrace et les pays situés sur l'embouchure de l'Ister et du Borysthène, de même qu'une grande partie de l'Asie. Il poussa peut-être ses voyages jusqu'à Babylone ; mais ce qui est certain, c'est qu'il fit un long séjour en Egypte et en Afrique. Partout il s'occupa à rassembler les matériaux d'une histoire de la guerre des Grecs contre les Perses, qu'il se proposoit d'écrire. De retour à Samos, il les mit en ordre, et rédigea son ouvrage, suite attrayante de tableaux historiques et géographiques qui sont rattachés, comme autant d'épisodes, à une action unique, grande et importante , dont la défaite de Xerxès est le dénouement.
Cet ouvrage, lu en partie dans l'assemblée des JeuxOlympiques1 et ensuite lors de la célébration de la fête Panathénéenne, fut accueilli à Pise et à Athènes avec des applaudissemens unanimes et un entliou siasme général.
Dégoûté du séjour de sa ville natale qui, depuis
4 A l'Olymp. LXXXI , 45G ans nvant J.-C.
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l'expulsion de son tyran, Lygdamis, étoit déchiréa par des factions, Hérodote se joignit-à t^^loni J que les Athéniens; envoyèrent-à Tburium dans 1 Grande-Grèce ?. M y vécut jusqu'au temps de ta guerre du Péloponnèse. L'anrrée de sa mort estl inconnue. ,
Ce fut dans cette retraite qu'il retoucha son his- toirea. Divisée en neuf livres, à chacun desquels) l'admiration des contemporains attacha le nomd'une Muse, cette histoire embrasse une période de deux cent vingt ans, depuis Gygès, roi de Lydie, jusqu'à Ja fuite de Xerxès. Aux beautés de l'ordonnance,, Hérodote réunit au suprême degré les charmes de la diction; son style tient pour ainsi dire, le milieui entre la poésie épique et la prose. Cette histoire est écrite en dialecte ionique; on y trouve des formes) épiques.Peut-être n'est-ce pas sous le rapport du style seulement, que l'histoire d'Hérodote tient le milieu] entre la poésie et la prose. Un écrivain français aj cru remarquer que toute l'ordonnance de cet ouvrage est poétique et qu'Homère est le modèle; qu'Hérodote a suivi en l'écrivant. « Son projet, dit1 l'abbé Geinoz, étoit de montrer ce qui s'étoit passée de remarquable parmi les hommes, et particulièrement les démêlés et les grandes actions des Grecs et des Barbares. Cette proposition a deux parties j
1 444 ans avant J.-C.
1 Des traces de cette retouche se trouvenl dans le livre VII, ch. 137 cti 253, où Hérodote fait allusion à des evénemens postérieurs.
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la première compose les origines et les antiquités des nations, les usages et les moeurs de tous les peuples connus, la description géographique, et souvent l'histoire des pays qu'ils habitoient, en un mot l'histoire générale du genre humain ; la seconde a pour objet une guerre particulière entre deux nations ennemie5 de tout temps : c'est une histoire des démêlés des Grecs avec les Perses, qui commence au règne de Cyrus et finit par le récit des batailles de Platée et de Mycale où les armées de Xerxès furent défaites; ce qui comprend l'espace d'à peu près quatre-vingt-dix années. »
« Que fait Hérodote pour remplir ces deux objets? Il ne commence pas ,"comme Diodore de Sicile et tous les compilateurs de l'histoire universelle, par le débrouillement du chaos, l'origine -des hommes, le règne des dieux sur la terre, ni partout ce qui, s'est passé dans le premier âge du monde : il débute par une courte .exposition des injures réciproques q8 mirent la dissension entre les Grecs et les Barbares, et qui furent, pour aimsi dire, les semences des grandes guerres dont il entreprend la narration. Il transporte ensuite tout d'un coup le lecteur au règne de Crésus, roi de Lydie; il raconte la malheureuse entreprise de ce prince contre"Cyrus, fpndateur de la monarchie des Perses; delà il suit Cyrus et les rois, ses successeurs, dans leurs différentes expéditions. Comme ces conquérans ont porté successivement leurs armes contre toutes les nations connues tant de l'Asie que de l'Europe et
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de l'Afrique, le fil de la narration offre à l'historien des occasions naturelles de décrire les lois, la religion , les jnoeurs et les antiquités de ces nations, et de faire connoître les divers monumens et les productions de la nature, propres à chaque pays. Ainsi l'histoire générale des nations et la description géographique de l'univers sont insérées par manière d'épisodes dans l'histoire particulière des rois de Perse; elle y est distribuée par morceaux, en différens endroits. Ces morceaux, placés à de justes distances les uns des autres, sont comme autant de lieux de repos où l'esprit des lecteurs s'amusant agréablement à contempler tant d'objets diyers, prévient la lassitude et le dégoût que n'auroient pas manqué de leur causer un long récit historique et une attention continuelle aux mêmes objets. De ces digressions enfin naît la variété qui est l'âme et la vie de l'histoire aussi bien que de la poésie. »
a Tel est l'art avec lequel Hérodote a su imiter le plan de l'Iliade dans l'arrangement deffiifférentes parties de son histoire. Le récit des conquêtes et des différentes entreprises des rois de Perse sert au même usage dans l'histoire d'Hérodote que le récit des effets de la colère d'Achille dans le poëme de l'Iliade; c'est une chaîne aux anneaux de laquelle l'historien attache les descriptions les plus intéressantes, les instructions les plus utiles, les observations les plus curieuses, en un mot tout ce que la vie de l'homme et le spectacle de l'univers ont de plus agréable et de plus frappant. »
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« L'imitation n'est pas moins frappante, lorsqu'on compare l'histoire d'Hérodote à l'Odyssée. Elle ne ressemble pas seulement à ce poëme par le plan et l'arrangement des matières ; elle lui ressemble par la nature même du sujet, par le contexte de la narration et par une imitation suivie du début, de la conduite et de la catastrophe du poème. Ainsi qu'Homère commence l'Odyssée par l'exposition de l'état malheureux où la maison d'Ulysse étoit réduite, Hérodote semble ne commencer son histoire au règne de Crésus que pour avoir occasion de montrer l'état de foiblesse et d'obscurité où étoient alors les principales républiques de la Grèce. L'alliance que Crésus voulut faire avec Athènes et Lacédémone , donne lieu à cette description. En suivant des routes différentes, Homère et Hérodote excitent les mêmes mouvemens dans l'esprit du lecteur, et y produisent le même intérêt. Nous ne poursuivrons pas plus loin cette comparaison : on sent bien que la ressemblance ne peut être parfaite entre deux écrivains dont l'un a un sujet donné, tandis que l'autre a la faculté de s'abandonner à son imagination'. »
Peut-être cette comparaison est-elle déjà pous-
1 Troisième Mémoire de Geinoz sur Hérodote, dans les Mém. de l'Acad.
des luscr. et Belles-Lelles,, vol. XXIII, p. 101. Il existe, sur la même matière, deux dissertations de M. Ch.--Aug. Boettiger, que nous n'avous pu nous procurer. Elles sont intitulées : Prolnsiones 1 et Il de Herodoti Iiist. ad canninis epici indolem propius accedente. Vimariae, 1792 et 1793, in-40.
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see trop loin : le rapport qui existe entre l'ouvrage historique d'Hérodote et les poèmes épiques d'Homère , provient sans doute moins d'une imitation qu'il tient à la nature des chûses, et à ce passage d'un genre à ltn autre dont les limites n'étoient pas encore bien tracées. A l'exemple des poètes, Hérodote lut sa composition dans l'assemblée des Grecs : mais un récit méthodique et suivi, tel que l'exige l'histoire qui ne permet les digressions que lorsqu'elles sont nécessaires pour l'intelligence des événement qui sont rapportés, n'auroit sans doute que médiocrement amusé un peuple doué d'une imagination aussi mobile que les Grecs.
Si Hérodote est poëte sous le rapport de l'ordonnance de son ouvrage et sous celui du style, il est historien par son amour pour la vérité. Il ra conte toujours avec simplicité et exactitude, nonseulement les faits dont il a pu, par lui-même, reconnoître la vérité, mais aussi ceux qui lui ont -été communiqués dans ses voyages, souvent sans émettre son opinion ; quelquefois seulement il exprime ses doutes. C'est donc à tort qu'à une époque où la critique philosophique, les sciences naturelles et la géographie étoient encore au berceau, on a voulu rendre suspecte la véracité de cet écrivain et qu'on lui a donné l'épithète d'historien fabuleux qu'il ne mérite nullement. Parmi les anciens , Harpocration avoit écrit des mensonges qui se trouvent dans l'histoire d'Hérodote y on ignore quels sont les reproches que ce rhéteur a adressés
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au père de l'histoire , car sa diatribe citée par Suidas , est perdue. Plutarque, dans un traité qui nous reste, et qui est plus subtil que persuasif, l'a même accusé d'avoir malicieusement trahi la vérité. "Un académicien françois 1 a défendu Hérodoté contre ces reproches qui, aujourd'hui , sont généralement reconnus mal fondés. Des voyages modernes ont confirmé un grand nombre de récits qui, anciennement , passoient pour mensongers, ou ont fait conncfitre les causes qui ont pu induirdcet écrivain en erreur, et c'est ainsi que les fables mêmes que son histoire renferme, sont un témoignage de son amour pour la vérité. cc Tel est, dit Volney s, la destinée singulière d'Hérodote, qu'après avoir été mal apprécié des anciens, le mérite de son ouvrage s'est élevé, chez nous autres modernes, à mesure que nous avons acquis plus de connoissances sur les pays dont il a traité. Tous les voyageurs en Egypte s'accordent à dire que l'on ne peut rien ajouter à la justesse, à la correction, à la graveur du tableau qu'il en a tracé ; ensorte que c'est pour avoir été en général trop au-dessus des notions vulgaires, qu'il a eu chez les anciens moins de crédit que des écrivains d'un ordre-inférieur. »
Ce n'est pas que nous voulions absoudre entièrement Hérodote du reproche de crédulité qui lui
1 L'abbé Geinoz, dans le vol. XIX des Mem. de l'Acad. des Inscjip. f p. 115. Nous ne parlons pas de la fameuse Apologie d'Hérodote par llenri Etienne.
a Recherches critiques sur l'hist. ancieuue, tome II, p. 98.
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est adresse j il le mérite quelquefois, mais alors ce défaut même trouve son excuse dans la -cause qui Pa fait naître. Hérodote étoit un homme vraiment pieux : ce sentiment dont son âme est pleine, le porte à croire tout ce qui tenoit à la religion, ou ce que les prêtres, ces interprètes des dieux, lui donnoient comme véritable. Il est probable aussi que son patriotisme et l'enthousiasme que lui inspiroient les victoires de ses compatriotes sur les Perses, Font quelquefois porté à ajouter trop de foi à des rapports exagérés 1.
Jetons un coup d'oeil rapide isu-r le contenu des neuf livres qui forment l'histoire d'Hérodote. -
1 Hérodote a trouvé-, de nos jours, deux nouveaux antagonistes dans MM. Chahan de Cirbied et F. Martin, auteurs des Recherches curieuses sur l'histoire ancienne de l'Asie , puisées dans les manuscrits orientaux de la Bibliothèque du Roi; Paris, 1806, iD-Ho. Us lui opposent le témoignage de Mar-lbas-Cadina , Syrien et secrétaire de Valarsices, roi d'Arménie depuis l'an 151 jusqu'à l'an 130 avant J.-C., qui composa une Histoire -d'Arménie. Cet écrivain prétend avoir trouvé dans les archives de Ninive la traduction grecque, faite par ordre d'Alexandre-le-Grand, d'un ouvrage chaldéen de la plus haute antiquité. L'histoire de Mar-lbas-Cadina, n'existe plus , mais elle a été la source où ont puisé les autre toi-ieils arméniens, Moïse de Chorène, du 5e siècle, et Jean Catholicos, qui a vécu au lOe siècle. Ce sont les récits de ces historiens que les auteurs opposent à Hérodote ; mais ces récits par eux-mêmes sont tellement dénués de critique, que nous ne pensons pas que l'opinion de MM. Chahan de Cirbied et Martin puisse trouver beaucoup d'adhérens. Ils ne l'espèrent sûrement pas , puisque., p. 505, ils avouent que Mar-lbas-Cadina ne fait que des récits fabuleux dans les chap. 5, 25, 26, 32, et quelques autres endroits du premier livre de Moïse de Chorène , qui contient toute l'histoire ancienne d'Arménie, jusqu'au temps des Parthes. Ils l'en excusent en disant qu'il avoue lui-même qu'il ne rapporte ces traditions que comme des fables, et non pas comme de véritables histoires. Ondiroit, après un aveu si naïf, que les 5o4 premières pages des Recherches curieuses ne sont qu'une mystification.
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Dans le premier livre, l'auteur recherchant la cause de l'inimitié entre les Grecs et les Barbares, en prend occasion pour parler des Lydiens. Remontant à la fondation de leur empire par Lydus, fils d'Atys, il nous fait connoître les trois dynasties qui y ont successivement régné, savoir : les Atyides, les Héraclides et les- Mermnades. Il donne des détails sur le règne des cinq rois de la troisième race, dont le dernier fut Crésus. Le conseil que ce prince reçut de l'oracle de Delphes, de rechercher l'amitié des Grecs, lui fait prendre des renseignemens sur ce peuple, et fournit à l'écri vain une transition pour nous parler de l'état où se trouvoient Athènes et Sparte. Les démêlés de Crésus avec Cyrus conduisent naturellement Hérodote à nous parler des Mèdes, de l'origine de leur domination et de la destruction de leur empire par les Perses.
L'histoire de Cyrus amène des digressions par lesquelles nous apprenons l'histoire des colonies grecques en Asie-Mineure, ainsi que celle de la destruction de l'empire des Assyriens. L'ambition ayant fait tourner à Cyrus ses armes contre les Massagètes, il périt dans une bataille que lui livra Tomyris, leur reine.
Le second livre n'est qu'un épisode par lequel Hérodote nous raconte non-séulement ce qu'il a vu en Egypte, mais aussi tout ce que les prêtres de Memphis, d'Héliopolis et de Thèbes lui ont appris sur la nature de ce pays. Après l'avoir décl'it, Hérodote entre dans des détails curieux sur
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les lois et les usages des Egyptiens et sur leur religion ; enfin il nous donne l'histoire des princes qui ont régné sur eux, à commencer par les dieuj et à finir par Psamniénite, sous lequel Cambyse, fils de Cyrus;, soumit l'Egypte. L'histoire de Cambyse, celle du mage Smepdis et une partie de celle de Darius, fils d'Hystaspe, remplissent le troisième livre.
L'expédition de Dari us en Scythie, la descri ption de pe pays, le tableau des mœurs de ses abitans, font Je sujet du quatrième livre.
Le cinquième est plein de préparatifs pour la grande lutte qui va s"entamer entre le§ Grecs et les Perses. Il y est question de la soumission de la Thrace et de la Macédoine par Mégabaze, général de Darius, qe la révolte des Ioniens, excitée par Aristagoras, qui fournit à l'auteur une occasion de parler d'Athènes et des Pisistratides; la destruction de Sardes termine l'insurrection ioniennç et permet â Darius de tourner ses armes contre la Grèce.
L'état intérieur de ce pays, l'expédition de Patis et Ar^pherne, la bataille de Marathon, sont racontés dans le sixième livre.
L'expédition de Xerxès en Grèce et sa retraite , sont le sujet des septième et huitième livres.
La suite de la guerre de Perse jusqu'à la bataille de Mycale, remplit le neuvième. Cette victoire brillante termine, le magnifique tableau qu'Héroçlpte a déroulé devant nous.
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Plaçons ici le jugement que Sainte-Croix porte d'Hérodote. « Cet historien, dit-il, est le premier des narrateurs, et ne l'est devenu qu'en imitant Homère, par lequel il faut toujours commencer lorsqu'on parle de génie et de talent en tous les genres de littérature, la poésie en étant la base.
Quel écrivain a su mieux que ce poëte animer ses récits et mettre en scène ses héros? C'est en cela que consiste surtout le grand art d'écrire l'histoire, et Hérodote le possède supérieurement. Soit qu'il raconte la chute de Crésus et son entretien avec Solon, l'avénement de Darius au trône, son entrevue avec Polycrate, soit qu'il représente Aristagoras dans le conseil de Sparte, Xerxès s'entretenant sur le sort de son armée avec Artabase, la mort de Biton et de Cléobis ou d'autres événemens , tout est chez lui dramatique. Il combat avec les Grecs, et fuit avec les Perses. Mais il ne semble prendre part à l'action que pour la placer sous les yeux mêmes de ses lecteurs, et les y intéresser davantage. 11 fait parler et agir ses personnages de manière qu'on croit être à la fois juge et témoin des événemens auxquels ils ont coopéré. Il ne disserte pas sur la politique; il ne dogmatise pas sur la morale; ses leçons sont dans le récit, et ses maximes dans le résultat. Faut-il discuter des intérêts, établir des principes? c'est l'objet des discours qui préparent l'action ou qui en 4épendent et en indiquent les causes. Prononcés par des acteurs qui ne quittent pas la scène, ils instruisent
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encore des desseins et des motifs particuliers de ceux qui agissent. Décrit-il une contrée, on y voyage avec lui, on vit avec les habitans, et on apprend d'eux leurs usages. Parle-t-il d'une religion , on entre dans ses temples, on assiste à ses cérémonies, et on confère avec ses ministres. En un mot, rien ne languit, l'attention est sans cesse réveillée, et l'auteur cherche toujours à la fixer, non sur lui-même, mais sur les objets qu'il peint avec des couleurs aussi variées que naturelles. Le sentiment qui vivifie tout, est encore un des attraits de la narration d'Hérodote 1. »
Indépendamment de cette grande composition, nous avons, sous le nom d'Hérodote, une Vie d'Homere, ÉÇR/YYJAFÇ IREPT RYJÇ Opinpov Piorîiç. C'est probablement l'ouvrage d'un grammairien modèrne qui peut-être s'appeloit Hérodote.
D'après Suidas, le philosophe SALLUSTE et le rhéteur HERON d'Athènes, avoient écrit des Commentaires sur Hérodote. Etoient-ils historiques ou purement grammaticaux? c'est ce qu'on ignore.
L'Etvmologicum Magnum cite un glossaire d'Hérodote par APOLLONIUS. De tous les travaux critiqués des anciens sur cet historien, nous n'avons qu'un Glossaire très-maigre, et composé de quelques pages seulement, qui s'est conservé entre d'autres dans un manuscrit de la bibliothèque du roi de Frqpce.
1 Examen des Historiens d'Alexandre-Ie-Grand, 2e édition, p. 8.
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Le meilleur commentaire historique sur Hérodote est celui que le savant Larcher a joint à 4e traduction francoise de cet écrivain Parmi les manuscrits d'Hérodote, il y en a qui remontent au 10e. et au 12e. siècle : les deux plus célèbres se trouvent à la bibliothèque de Médicis, à Florence, et à celle de Passionei à Rome.
La traduction latine de Laurent Valla, plus élégante que fidèle, et qui, dans l'origine, étoit pleine de lacunes, fut imprimée pour la première fois à Venise, en 1474. Ce ne fut que près de trente ans plus tard qu'Alde l'ancien publia le texte grec, à Venise, 1602, in-fol. Le manuscrit dont il se servit étoit beaucoup moins défectueux que celui sur lequel Valla avoit travaillé.
Son édition fut réimprimée à Baie, 1541 et 1557, in-fol., par ffervag, et sous la direction de Joachim Camerarius.
Henri Etienne publia deux différentes éditions d'Hérodote, l'une en 1570, sans traduction ; l'autre en 1592, avec la version de Laurent Valla, corrigée en un très-grand nombre de passages. Il fit beaucoup de changemens dans le texte ; et quoiqu'il eut annoncé qu'ils étoient tirés de manuscrits, quelques savans ont prétendu qu'ils doivent tous leur origine soit à des conjectures, soit à des observations qu'Etienne avoit trouvées écrites en marge d'un exemplaire de l'édition d'Aide ou de celle de Camerarius, et qu'il suppose fournies par des manuscrits, tandis que, d'après ces mêmes personnes, elles devoient peut-être leur naissance aux conjectures d'un savant auquel cet exemplaire avoit appartenu. On convenoit cependant que plusieurs de ces changemens sont de véritables corrections, et la mémoire de Henri Etienne a été vengée de l'accusation d'une fraude littéraire par feu Larcher, qui, dans
1 Deuxième édition, Paris, 1811, 9 vol. in- 8".
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la préface de sa traduction d'Hérodote, dit avoir retrouvé toutes ces leçons dans les manuscrits de la Bihliqthèque royale de Paris.
Godefroi Jungermann fiL copier la seconde édition de Henri Etienne, à Francfort, 16o8, in-fol. Il divisa le texte en chapitres, et arrangea la table en conséquence. Il y ajouta aussi le Glossaire dont nous avons parlé- Jungermann le crajoit inédit ; mais il avoit déjà été publié par Henri Etienne en 1564, à. la suite des Dictionnaires d'Erotien et de Galien.
L'éditio.n de Jungermann fut copiée à son tour, d'abprd par un inconnu qui la fit réimprimer à Genève, en 1618, avec quelques bonnes corrections qui sont, ep. partie, dues à Æmilius Portus, et ensuite par un libraire de Londres, qui se garda de placer sur le titre le nom de Jungermann. L'impres- sion de cette édition étoit achevée, lorsque le célèbre Th.. Gale se laissa persuader de fournir quelques notes qui pussent donner du prix à cette contrefaçon. Il fit diverses additions à l'anciep Glossaire publié par Jungermann , ajouta des variantes du texte d'Hérodote, tirées de deux manuscrits, et quelques observations asse? superficielles. Tout cela fut joint au volume titre d'appendice. Enfin, une épître dédicatoire de Gale rem plaça celle de Jungermann. Il en est arrivé que le public trompé a pris cette édition pour un travail de Gale, et qu'elle est ordinairement citée comme tel.
Une nouvelle édition fut publiée par Jacques Gronove,.
Leyde, 1715, in-fol. Cette édition, qui a été l'objet d'une querelle littéraire très-violente, est oubliée aqjourd'hui, et elle mérite ce sort. Quarante ans avant de 1^ faire imprimer, Gronove se trouvant à Florence, avoit conféré cet excellent manuscrit d'Hérodote que possède la bibliothèque de Médicis ; mais au lieu d'en tirer parti en homme sensé, pour corriger des lpçons fautives des anciennes éditions, le savant hollandois se laissa tellement préoccuper du mérite de son manuscrit,,que, renonçant à toute critique, il rejeta sans examen tout ce qu'il ne trouvoit pas dans ce manuscrit, et admit les
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leçons de celui-ci, quand m £ rpe elles étoient évidemment vicieuses. Pour surcroît de malheur, la collatiqn du manuscrit avoit été faite à la hâte, de manière qu'il arriva plus d'une fois à Gronove de ne pas prendre note de leçons vraiment bonnes du manuscrit.
Le texte de Gronove fut réimprimé en 1761, sans note, à Glasgow, en 9 vol. in-12. On peut louer l'exécution typographique de cette édition; c'est tout le bien qu'on peut entlire1.
Enfin Pierre Wes$eling donna une édition critique et savante d'Hérodote, qui parut à Amsterdam en 1763, in-fol.
Des collations de plusieurs manuscrits , et nommément de celui du cardinal Passionei, lui fournirent beaucoup d'excellentes leçons, que toutefois son respect pour la mémoire de Gronove, son maîtrp, l'empêcha quelquefois de placer dans le texte. Des notes fournies par Louis-Gasp. Valckenœr font un des principaux ornemens de cette édition. Il faut y joindre la Dissertatio Herodotea que Wesseling avoit publiée à Utrecht en 1758.
Après Wesseling, Fred. - Wolfgang Reiz et M. Godefr.Henri Schœfer3 sans avoir des manuscrits à leur disposition, mais s'abandonnant à leur tact, cultivé par une longue étude des auteurs grecs, firent quelques nouvelles corrections dans le texte d'Hérodote. L'édition de Reiz devoit renfermer une nouvelle traduction latine, et un commentaire avec un lexique. Ayant fait imprimer d'abord à Leipzig, en 1778, in-8°, les quatre premiers livres du texte seulement, Reiz mouryt sans donner la suite. Ces quatrelivres furent réimprimés en 1807 et en 1810. M. Schaefer y ajouta les cinq autres livres.
L'excellente traduction d'Hérodote par Larcher, accom-
1 This édition of Herodotus is beautifully printed und reflects distiugnisbed lionour on tlie university of Glasgow, dit Harwood dans son ouvrage intitulé : View of tbe various ediftious of the greck and roman classas. Tbe 5 th. édition. Londoa , 1782, p. 25. Il est difficile de comprendre comment cet(,e réimpression d'une mauvaise édition fait honneyr à l'université de Glasgow.
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pagnée de notes critiques et historiques, dont la première édition parut en 1786, avoit fourni à M. Schœfer des matériaux pour une nouvelle révision du texte; il en publia les huit premiers livres à Leipzig en i8o3, en 3 vol. in-8°, imprimés avec élégance, sans traduction. Le quatrième volume, qui doit renfermer le neuvième livre et le Lexicon Herodoteum, n'a pas paru. 11 faut observer que les livres V à VIII de cette édition ont absolument le même texte que le volume par lequel M. Schaefer a complété, en 1810, l'édition de Reiz.
Cette dernière servit de base à celle de M. Aug.-Christ.
Borlzec.ui parut en 1781, et fut réimprimée à Lemgo en i8o3, en 3 vol. in-8°. Il faut y joindre l'Apparatus ad Herodotum interpretandum et intelligendum, que le même savant publia à Lemgo en 1795, en 5 vol. in-8°. Dans sa première édition d'Hérodote, il a copié d'abord le texte de Reiz, ensuite celui de Wesseling. Les notes sont extraites de l'édition hollandoise et du commentaire de Larcher. Dans la réimpression il a choisi ses leçons tantôt dans Reiz et Schaefer, tantôt-dans Wesseling et les notes de Valckenaer.
M. Schœfer voua de nouveau ses soins à Hérodote, en faisant imprimer, en 1816, une édition de cet historien en 3 voL in-16, qui fait partie de la" collection de Tauchnitz.
La dernière édition d'Hérodote est celle que M. Jean Schweighœuser publia à Strasbourg en 1816, en 6 vol. in-8°.
C'est une édition savante et critique, comme le sont toutes celles qui portent le nom de ce célèbre philologue. La base du texte est l'édition de Wesseling; mais M. Schweighasuser a corrigé ce texte, principalement d'après plusieurs bons manuscrits dont il s'est procuré les collations : cinq de ces manuscrits sont à la bibliothèque du roi de France; un sixième qui est du dixième siècle, et n'avoit pas encore été collationné, appartient au baron de Schellersheim. Comme d'après les corrections que le texte avoit essuyées, la traduction latine de Laurent Valla n'y répondoit plus, M. Schweighaeuser en a fait une nouvelle : elle est imprimée au-dessous du texte, 1
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avec lequel elle forme la première partie de chacun des quatre premiers volumes. Le commentaire critique et les variantes forment la seconde partie de chacun de ces volumes. A la fin du quatrième se trouve la table de Jungermann. Les cinquième et sixième volumes sont consacrés au commentaire interprétatif; à la fin du dernier se trouve le Glossaire dont nous avons parlé. M. Schweigbaeuser fait espérer qu'il fournira pour Hérodote un lexique particulier, comme il a fait pour Polybe.
Il faut joindre à cette édition l'ouvrage intitulé : Commentationes Herodoteae. Scribebat Frid. Creuzer. jEgyptiaca et Hellenica. Pars I. Subjiciuntur ad calcem summaria scholia variseque lectiones codicis Palatini. Lips. 1819, in-8°.
Le plus parfait des historiens grers est THUCYDIDE, fils d'Olorus, qui descendoit du vainqueur de Marathon, et d'Hégésipyle, fille d'Olorus, roi des Thraces. Il naquit treize ans après Hérodote, et quarante ans avant le commencement de la guerre du Péloponnèse 1 : cette date nous a été conservée par Pamphile, femme auteur du temps de Néron , et par Aulugelle, qui l'a puisée dans ses Mélanges 2. Thucydide a été quelquefois confondu avec un des antagonistes de Périclès, qui portoit le même nom, mais étoit fils de Milésias 3. On dit qu'ayant assisté dans sa jeunesse à la lecture qu'Hérodote fit de son Histoire aux jeux Olympiques, il en fut tellement touché qu'il fondit en larmes ; mais cette historiette paroît apocryphe, et aucun
1 Par conséquent 01. LXXVII, 2, ou 471 ans avant J.-C.
* Noct. Att. XV, 23.
1 3 Nommément par l'auteur anonyme de sa Vie.
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écrivain des temps antérieurs ne la rapporte. Au surplus sa manière d'écrire l'histoire est si différente d'Hérodote qu'on a de la peine à croire qu'il en ait été grand admirateur. On sait que l'orateur Antiphon fut son maître, et on soupçonne qu'il fréquénta, comme Périclès, récole du philosophe I Anaxagùras; car On remarqué dans tout son ouvrage une grande imitation de ce chef du gouvernement d'Athènes. cc Ita se ad Periclis imitationem composuisse videtur, dit un grand critique de nos temps', ut cura scriptum viri nuflum exstet, ejus eloquentia formam effigiemque per totum historiœ opus expressam posteritati servaret. » Thucydide épousa une riche héritière originaire de Scaptesula, ville de la Thrace, près de laquelle elle possédoit des mines d'or. Dans la huitième année de la guerre du Péloponnèse, il commandoit une flotte athénienne dans la mer Egée; Brasidas, général des Lacédémoniens, ayant attaqué à l'improviste la "Ville d'Amphipolis, les habitans appelèrent à leur secours l'amiral des Athéniens; Thucydide ne put pas arriver à temps, mais il sauva Elione dont les Péloponnésiens alloient également s'emparer. Il n'en fut pas moins exilé d'Athènes, et se fixa à Scaptesula8, où il resta vingt ans. Il retourna à Athènes, soit après la prise de cette ville par Lysandre, époque où les exilés eurent permission de
1 Wyttenbach: Prsef. ad An. gr.
3 Ses biographes, qui le font aller à Egine, le confondent avec le fils de Milésias.
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rentrera soit l'année suivante où une amnistie générale fut publiée. PausaniaS dit que dans ce voyage il fut assassiné; mais cet auteur se trompe de date, car on voit, par l'histoire de Thucydide, qu'il a survécu à la guerre du Péloponnèse. Telles sont toutes les circonstances de sa vie qui nous soient connues.
a Pendant son exil, Thucydide rassembla des matériaux pour J'histoire de la guerre du Péloponnèse, et n'épargna ni soins ni dépenses pour connaître non-seulement les causes qui la produisirent, mais encore les intérêts particuliers qui la prolongèrent. Il se rendit chez les différentes nations ennemies, consulta partout les chefs de l'administration, les généraux, les soldats, et fut luimême témoin de la plupart des événemens qu'il avoit à décrire. Son histoire qui comprend les vingt et une premières années de cette guerre, se ressent de son amour extrême pour la vérité, et de son caractère qui le portoit à la réflexion. Il étoit plus jaloux d'instruire que de plaire, d'arriver à son but que de s'en éloigner par des digressions; aussi son ouvrage n'est point, comme celui d'Hérodote, une espèce de poëme où l'on trouve les traditions des peuples sur leur origine, l'analyse de leurs usages et de leurs mœurs, la description des pays qtPils habitent1. » Renonçant à la forme épique qu'Hérodote 'avoit adoptée, il suivit l'ordre chronologique , et s'y attacha quelquefois aux dépens de la
1 Voyage ila jeune Anacliarsis.
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clarté. On peut,dire de ses pages avec un jllustre écrivain1 que « ce sont les mémoires d'un militaire 1 qui, tout à la fois homme d'état et philosophe, a mêlé dans ses récits et dans ses harangues les principes de philosophie qu'il avoit reçus d'Anaxagore, et les leçons d'éloquence qu'il tenoit de l'orateur , Antiphon. Ses réflexions sont souvent profondes, toujours justes; son style énergique, concis et par j là même quelquefois obscur, offense l'oreille par intervalles. y> Le titre de l'ouvrage de Thucydide est : Ivyypoccpri
toire de la guerre des Pèloponnèsiens et des Athéniens., en huit livres. Il n'est pourtant pas sûr que cette division par livres soit de l'auteur. Celui-ci fut arrêté dans son travail par la mort; on a remarqué que la partie qui forme le huitième livre n'est pas aussi achevée que çe qui précède; il paroît que l'auteur n'y a pas mis la dernière main. > On a quelquefois reproché à Thucydide d'avoir introduit dans la composition historique un usage dont les écrivains qui sont venus après lui n'ont que trop souvent abusé ; on a même voulu s'en prévaloir pour diminuer aux yeux de la critique la confiance que mérite sa véracité ; c'est d'avoir inséré daps ses récits des harangues qu'il met dans la bouche des auteurs. Nous disons que Thucydide a i donné l'exemple de cet usage, quoiqu'on le trouve déjà dans Hérodote ; mais les discours que celui-ci
1 Voyage du jeune Anacharsis.,
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a reçus, sont de peu d'étendue et sans ornement - oratoire, tandis que les harangues qu'on lit dans Thucydide, sont des morceaux d'éloquence travaillés avec soin dans le cabinet. 11 n'a, sans doute-, jamais été dans les intentions d £ cet écrivain de nous faire croire que ces discours ont été réellement prononcés ; ils de voient lui servir de véhicule pour faire connoître ses idées sur les faits qu'il raconte, pour raisonner sur les événemens, peindre les caractères des personnes qu'il met en scène, rapporter des circonstances qu'il avoit été obligé de supprimer dans son texte , ou qu'il n'avoit pas trouvé l'occasion d'y placer. Les harangues de Thucydide donnent à son récit une forme dramatique et c<^>ent agréablement la monotonie que sa division par saisons et la multiplicité des opérations militaires y jetteroient sans cela. On rapporte que Démosthène en fut un tel admirateur, que pour s'approprier le style de ce grand écrivain, il en fit de sa main jusqu'à une dixaine de copies. La plus fameuse harangue de Thucydide est celle qu'il fait prononcer à Périclès en l'honneur des Athéniens morts pour la patrie : elle est remplie de sensibilité et vraiment pathétique.
Un autre reproche qu'on a fait à Thucydide est la division de son ouvrage en années, et même en saisons, car il divise chaque année en deux saisons, l'été et l'hiver. Nous avons déjà reconnu que c'ette méthode, que parmi les anciens Denys d'Halicarnasse a hautement blâmée, répand sur l'ouvrage une
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certainp monotonie : il faut convenir cependant que si elle est défectueuse sous quelques rapports, elle l'est moins pour l'histoire d'une seule guerre qui se divise naturellement en campagnes, qu'elle ne le seroit pour un ouvrage destiné à embrasSer l'histoire d'un peuple ou celle d'une période plus étendue. Au reste quoique Thucydide nomme quelquefois les Olympiades, il ne date pas d'après cette ère : ce fut Timée qui le premier introduisit cette chronologie. Après avoir nommé la prêtresse d'Argos ? l'éphore de Sparte et l'archonte d'Athènes qui étoient en fonctions au commencement de la guerre du Péloponnèse, il se contente de nombrer les années de cette guerre. La distribution de l'ouvrage entier en huit livres est utile etf>ien faite ; quoique Thucydide n'en soit pas l'auteur, néanmoins elle est ancienne, car Denys d'Halicarnasse la connoissoit déjà.
Thucydide a écrit en dialecte attique; après lui laucun historien n'auroit osé en employer un autre, et son ouvrage est regardé comme le canon ou la perfection de l'atticisme. Son style n'est pas sans défaut. En le comparant à celui d'Hérodote, Quintilien dit1 : cc Densus et brevis et semper instans sibi Thucydides; dulciset candidus et fusus Herodotus; ille concitatis, hic remissis affectibus melior ; ille concionibus, hic sernionibus; ille vi, hic votuptaten » Deny d'Halicarnasse qui juge cet écrivain avec une sévérité extrême, et avec une véritable in-
1 Inst. or, X~ -
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$ justice, trouve son style tantôt embarrassé (~Arjpoç), tantôt affecté (~nrspcep-yoç), tantôt dur ~(^xp^ç) et même puéril (peipaxrw&jç),- froid, obscur et énigmatique.
Le savant Reiske 1, mauvais juge en matière de goût y renchérit sur ces reproches; « la concision de Thucydide, dit-il, consiste dans des périodes morcelées et coupées d'après une certaine mesure trèscourte, en antithèses dégoûtantes, en inversions horribles, en constructions forcées qui sont de véritables rotécismes. » Ces reprochés exagérés peuvent se réduis à ce que nous avons dit ci-dessus - dans les termes d'un des premiers écrivains du dixhuitième siècle : « Son style énergique, concis, et par là" même quelquefois obscur, offense l'oreille par intervalles. » Une justification complète du style de Thucydide a été entreprise avec succès par le dernier éditeur de son histoire, M. Ern, Fred. Poppo2. Parmi les écrivains de la belle latinité, Salluste et Tacite ont pris Thucydide pour modèle; toutefois ils l'ont imité d'une. manière différente. Tacite s'est approprié la icouleur de l'historien grec, sa concision, sa profondeur; Salluste s'est conformé à sa manière jusque dans les sentences et les phrases3.
1 Dans la prtface de 6a traduction allemande , fort raboteiise, des Harangues de Thucydide , Leipzig, 1761, iu-Sn.
* Tout le premier volume de son édition y est consacré.
5 Nous allons placer ici, d'après M. Pojjpo, quelques-unes de ces irnitalions du Sallusle. Plein mililia volenti putabatur. - Alils omuibus, quac iia fini amal. — Loca nuda giMnenlium. — Supplicia in post futuros composuit. — Scd anlea ilem conjuravere pauci contra jempubHt&m, in
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Le morceau le plus célèbre de Thucydide est celui du seconc] livre où il décrit la peste qui affligea Athènes dans l'été de la quatrième année de l'Olympiade LXXXVII (42g ans avant J.-C. ) et qui enleva Périclès. Hippocrate qui a observé ce fléau, en parle dans ses ouvrages. Le tableau terrible que Thucydide en trace, a été imité par Lucrèce et Virgile dans des morceaux fameux : il a inspiré ce
- peintre-poète, le Poussin. Outre les notices sur Thucydide qu'nn lit dans Suidas et dans Eudocie, il existe deux Vies de Thu-
quibus Catilina : DE QUA quam veriss t me potero dicam. ( Le ~M<t se ra p quibus Catilina : DE iQuA quam verissime potero dicam. ( Le qum se rapporte à conjuratione) qui ne se trouve pas dans la phrase précécfente. )— Proditionem, quam vitare posse celeritate putabat. — Bocchus cum pedilibus invadunt. — Vobis eadem mihi bona malaque intellexi. — Magis id ]ahorare ut ILLI (au lieu de ipsi) quam plurimi deberent. — Fugam lacere. - Bellum sumeré. - In incerto habere. - In majus celebrare. Multus instare. — La répétition fréquente d'une phrase à deux membres dont le premier commence par posteaquam, post, si, et le second par tum demum, tum vero, comme Thucydide die : tore Sri, !vrow0a cNî, ov"t'CJ) Sri. — Confecto praelio , tum vero cernere. — Ex summa la:titia atque lascivia, QUlB diuturna quies pepererat. — Inopia rei familiaris et conscientia scelerum , QUÆ UTRAQUE his artibus auxerat. — Abundantia earum rerum QUÆ prima mortales ducunt. — Nox atque praeda hostes 'R.EMORATA sunt. — Servilia répudiât, cujus initio ad eum magnae copiæ concurrehant. - Romanos ùMxius LicENTiusque futuros. - Uti prospectus nisusqiie per saxa FACILIUS foret.- Humi aridum.- Voici quelques exemples de sentences que Salluste à empruntées de Thucydide. Nam -et priusquam incipias, consulto, et ubi consulueris, mature facto opus est.
( Voy. Thuc. 1, 70 : Movot yàp x. t. A,, et II, 4o : Ko:! aÙTot -rfroi xpïvoftsv x. t. A. ) In primis arduum vîdetur. pro falsis ducit; Cat. 3. ( Voy. Thuc.
II, 55 : XcxÀt-nbll tb fuvpitaç t!w6~ à-mçovaiv. ) Magis dandis quam accipiendis beneficiis amicitias parabant. ( Voy. Thuc. II, 10. ) Vera rerum Nocabula amisimus, quia malarum rerum audacia fortitudo vocatur.
(Thucjl!, 82.)
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cydide en grec, dont l'une est d'un inconnu, et l'autre porte le nom de MARCELLIN. On pense que c'est le même Ammien Marcellin d'Antioche qui servit dans les armées roçiaines en Gaule sous Julien et écrivit en latin l'histoire. des empereurs romains depuis Dioclétien. Il paroît qu'il composa, dans sa langue maternelle, un ouvrage sur les historiens et les orateurs grecs. Le fragment intitulé :
talion de Marcellin sur la vie et le genre de Thucydide , ou texte de son ouvrage entier., pourroit avoir appartenu à cette histoire, si l'ori*n'avoit pas reconnu que c'est plutôt une réunion de morceaux pris dans trois ou quatre différentes biographies.
La Biographie attribuée à Marcellin a été publiée pour la première fois par Alde, dans son édition de Thucydide; elle se trouve dans toutes ou presque toutes les éditions subséquentes de cet historien, et nommément avec des notes critiques dans celle de M. Pcppo.
Un grammairien, nommé EVAGORAS de Liridos, ajvoit composé un Lexique de Thucydid.e, Ilspt rtov
de 1 hucydide. Ces ouvrages et d autres du même genre sont perdus ; tout ce qui nous reste consiste en deux traités de DENYS dJ Halicarnasse. intitu-
et des autres particularités de sa composition
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ticularités de Thucydide.
Les deux ouvrages de Denys d'Halicarnasse relatifs à Thucydide se trouvent dans les éditions de ses œuvres.
Le texte de cet historien n'est pas aussi corrompu que celui de quelques autres écrivains de l'antiquite" 1 parce'qu'il n'a pas été très-fréquemment copié ; mais il rete beaucoup à faire pour l'interprétation de cet auteur un peu difficile, dont nous n'avons, pas encore d'édition entièrement satisfaisante'.
* La première édition de Thucydide a été donnée par Alde l'ancien, Venise, i5o2, in-fol. Bernard Giunta en publia la seconde à Florence en i5o6, in-fol. ( Réimprimée en 1526.) L'un et l'autrè y avoient joint les Vies de Thucydide et les Scholies. Joachim Camérarius corrigea leur texteet le fit réimprimer à Baie en 1540, in-fol. On doit à Henri Etienne deux éditions de Thucydide : la première parut en 1564, in-fol., et la même année, Etienne fit imprimer dans le-même format la traduction latine de 'Laurent Yalta. Sa seconde édition est de 1588; mais son travail sur Thucydide n'est pas regardé comme ce qu'il a fait de mieux ; cependant son texte a été adopté, avec peu de changemens, par les éditeurs suivans. JEmilius Portus le fit réimprimer en 1594, in-fol., à Francfort, avec une nouvelle traduction, et Jean Hudson à Oxford, en 15g6, in-fol.
L'édition de Jos. Wasse et de Charles Duker fait époque.
Elle parut à Amsterdam, 1731, in-fol. On y a réuni tout ce qu'on trouve sur Thucydide dans les anciens commentateurs.
Le travail critique de Wasse est fort bon; ce que Duker a ajouté du sien est peu de chose. Cette édition a été réimpri-
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mée avec beaucoup de soin à Glasgow, en 1768., en 8 vol.
iu-i2, et à Deux-Ponts en 1788, en 6 vol. in-8°. Le texte seul a été réimprimé à Yienne en 1785, en 2 vol, in-8°. Fr.-Charles Alter; qui a soigné cette publication, y a ajouté les variantes- 4 des manuscrits qui sont dans la capitale de l'Autriche.
Un savant Allemand , Jean-Christ Gottlçber prépatoit une nouvelle édition; il mourut en 178J, avant d'avoir achevé sou travail.. Charles-Louis Bauer se chargea de le publier, et donna, en 1790, à Leipzig, un premier volume in-40, con- tenant les cinq premiers livres, avec les scholies, les observations de Gottleber qui sont bonnes, et les siennes qui sont de .peu de mérite. La mort surprit Bauer après la publication de ce premier volume. La suite de l'édition fut alors confiée à un helléniste célèbre, M. J.-Dan. Beck, qui donna, en 1802, le second volume. Il y réunit tout ce qu'il y a de bon dans les éditions antérieures, ainsi que les travaux isolés qu' Abresch et Jean-Henri Kistemaker avoient publiés. Enfin, ce volume renferme six tables. Cette édition a été réimprimée à Londres en 181g, en 4 vol. in-Bo, avec quelques légères additions.
En 1808, M. J.-B. Gail, savant laborieux, publia, en 10 vol. in-4°, le commencement d'une édition de Thucydide, ayant un titre françois, et renfermant, outre le texte, la-version latine, les variantes de treize manuscrits de -la Bibliothèque de Paris, des mémoires historiques, critiques, littéraires, etc. Dans ce travail, qui fait honneur au zèle de M. Gail, il règne une grande confusion. Des observations savantes s'y trouvent placées à côté de notes triviales. Cependant cette édition a un plus grand défaut encore. Les détails sur l'antiquité et le mérite des treize manuscrits que le professeur a fait collatiouner par ses élèves, détails tellement essentiels à connoîlre, que sans eux tout le travail devient inutile, sont renvoyés à uu onzième volume qui, au bout de quinzeftis, n'a pas paru. Ainsi on ne peut fixer le degré de confiance que méritent les manuscrits consultés. Un autre inconvénient, dont néanmoins l'éditeur est en partie innocent, vient de ce
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que sous le texte des quatre premiers livres /on trouve seulement les variantes de neuf de ces manuscrits; celles des quatre autres, qui n'ont été trouvés que lorsque la moitié du texte étoit imprimée, doivent être fournies avec un supplément qui n'a pas paru. ,
Après ces grandes éditions, il nous reste à en faire connoître quelques-unes qui sont plus portatives. - M. Bredenkamp fit réimprimer, en 1791, à Brème, eu 2 vol.
in-8°, 'le texte de Gottlebersans version ni notes : des exemplaires de cette édition portent la date de Leipzig, 1799* Les frères Zdsime firent les frais d'une édition du texte et des scholies, qui fut imprimée à Venise, 1802, en 2 vol. in-8°.
En i8o4, M. Pierre Elmsley donna une fort jolie édition de Thucydide à Edimbourg, en 6 vol. in-i2.
Un Grec, M. Néophytus Ducas, a publié, en 1806, à Vienne, en 10 vol. in-8°, le texte de Thucydide, avec une version eu grec vulgaire qui tient lieu de commentaire, et avec des notes grammaticales et historiques dans le même idiome.
L'édition donnée par M. Seebode, Leipzig, 181-4, 2 vol.
in-go, renferme le texte avec les variantes de M. Gail et un glossaire.
Celle de M. Schœfer, Leipzig, 1815, 2 @ vol. in-16, fait partie de la collection de M. Tauchnitz. M. Chr;stoplze-F,. Ferd.
UaacTce a publié à Leipzig, en 1820, une édition de Thucydide en 2 vol. in-8°, renfermant le texte le plus critique que nous ayons jusqu'à présent. C'est une nouvelle récension, pour laquelle M. Haacke a tiré parti des variantes qu'offrent les manuscrits. Cette édition a des notes, point de version, mais une excellente table qui peut la remplacer, En 1821 , il a paru à Londres, en 4 vol. in-8°, une édition de Thucydide dont le texte a été corrigé par M. Imm. Bekher, à l'aide de la collation de plusieurs manuscrits. On y trouve des notes choisies parmi celles de Wasse et Duker, et la traduction latine.
Pour nous résumer, nous dirons qu'il n'existe pas encore
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une édition de Thucydide qui réunisse tout ce qu'on peut désirer sous le rapport de la critique et de l'interprétation; mais on a l'espoir d'en posséder une bientôt; nous la devrons à M.Ern.-Fred. Poppo. Ce savant a montré dans ses Observationes criticœ in Thucydidem, Lips. 1815, in-Bo, ce qui reste à faire à la critique; il a donné, à l'égard nies quatre premiers livres de Thucydide, un échantillon de la manière dont il sp propose de le traiter. Enfin, en 1821 et 1823, il a publié à Leipzig le premier volume de son édition; mais ce volume ne renferme encore qu'une partie des Prolegomena, les Vies deThucydide, et des dissertations historiques.
XÉNOPHON d'Athènes, fils de Gryllus 1 et surnommé l'Abeille attique, est le troisième historien grec dans l'ordre chronologique. Célèbre comme philosophe, .comme militaire et comme homfne d'état, il fut exilé de *sa patrie sous prétexte de son dévouement au parti dorien. Les Lacédémoniens lui donnèrent des terres en Elide. Il passa le reste de ses jours dans sa maison de campagne de Scillonte , près d'Olympie; il y composa divers ouvrages philosophiques , politiques et historiques. Dans ces derniers qui seuls nous occupent dans ce moment, Xénophon ne se montre ni poëte comme Hérodote, ni homme d'état comme Thucydide ; il y est tout entier le disciple de Socrate. On aperçoit à chaque page les sentimens religieux dont son âme étoit pénétrée, les principes de justice et de morale qu'il avoit puisés dans l'école de son maitre , et toutes
1 .Né 01. LXXXIII, 5. = ±45 ans avant J.-C. Mort 01. CVI, 1. = 556 ans avant J.-C.
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les vertus dont il étoit orné. Son style est simple , !
noble , élégant., et plein de grâce, sans être vigou- j reux ni sublime. Ses ouvrages historiques sont au ■ nombre de quatre.,
1°. Histoire grecque, ~EÀÀrjvaa, Helléniques, en sept livres. Xénophon continua l'ouvrage de Thu-. cydide jusqu'à la bataille de Mantinée; c'est un travail entrepris à-un âge très-avancé. On y trouve plusieurs lacunes et des passages falsifiés. Le récit de la bataille de Leuctres n'est pas suffisamment développé ; on voit que ce n'est qu'à regret que le véridique auteur rapporte la victoire d'Epaminondas sur sa patrie adoptive. D'après une tradition ce fut le fils de Xénophon, Gryllus, qui à la bataille de Mantinée porta au héros de Thèbes le coup mortelXénophon n'imite pas la manière de Thucydide,- celle d'Hérodote convenoit mieux à son caractère., et avoit plus d'analogie avec le genre d'éloquence d'Isocrate dont il avoit fréquenté l'école. *
3°. Expédition de Cyrus le jeune contre son frère Artaxerce , et Retraite des dix mWf Grecs, Avaôao-rç, Anabctsis. Xénophon eut une grande part à cet événement glorieux , qu'il raconte d'une manière très-intéressante et avec la plus grande modestie. Cet ouvrage est un des plus précieux et le plus ancien monument de l'art militaire.
5° Cyropédle, Kupou 'TrOCCOE!OC, C est-a- d ire , Vinstitution oit Véducation de Cyrus, en huit livres.
C'est moins une histoire qu'un roman politique »
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dans lequel, sous la personne de Cyrus, l'auteur propose le modèle d'une éducation vraiment Spartiate, et trace le tableau d'un prince juste. Cyrus ille, dit Cicéron 1, non ad historiæ fidem scriptus, sed ad effigiem justi imperii. Aussi ni Diodore de Sicile, ni Trogue Pompée, ni Justin, n'oqf-ils suivi le récit de Xénophon dans les circonstances où il diffère d'Hérodote et de Ctésias , tel que l'avénement de Cyrus au trône où Xénophon le fait monter, par les droits de sa naissance , à la mort de Cyaxare , tandis que d'après les autres il a immédi^taraent suivi Astyages. De ce genre sont encore ~lelmils sur la mort de Cyrus qui, d'après Xénophon, expira ! de maladie dans le sein de sa famille, tandis que Hérodote et Ctésias le font mourir de mort violente. Il faut convenir cependant que l'histoire de la naissance de Cyrus, telle qu'Hérodote la rapporte, est peu vraisemblable, pour ne pas dire fabuleuse, tandis que le récit de Xénopho-n est simple et
naturel.
Des savans modernes ont pensé que ce que Xénophon nous rapporte dans ce livre de l'éducation des Perses pourroit n'être -pas aussi romanesque qu'on le croit communément ; d'après eux cet auteur n'aurait pas entendu parler de l'éducation que recevoient les Perses en général ou le gros de la nation ; mais il auroit voulu tracer le tableau de cette instruction soignée qu'on donnoit aux jeunes
1 Epi A. ad Quinlum fraliem, I, i.
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4 gens d'une caste privilégiée y celle des guerriers. Ce qui est certain c'est que rien y dans la Cyropédie, n'indique l'intention de l'auteur de produire uarouvrage d'imagination. Il y a eu des savans qui se sont persuadés qu'en le composant Xénophon a eu le dessein de faire.. la critique des deux premiers livres du traité de Platon de la République, et que c'est pour se venger de la critique que dans le troisième livre de ses Lois ce philosophe a tracé' un portrait de Cyrus entièrement différent de celui sous lit traits duquel Xénophon avoit présenté ce conquerant 1.
Quoiqu'au reste la Cyropédie soit certainement l'ouvrage de Xénophon, il s'est cependant élevé des doutes sur Pauthenticité de la dernière partie de cette histoire , que Falckenoei-, Schneider, Fr.
Aug. Wolf et plusieurs autres savans regardent comme un hors-d'oeuvre, ajouté par quelque Grec qui aura voulu alfoiblir l'impression favorable pour les Perses que la lecture de la Cyropédie laisse dans l'âme. Toutefois on est obligé de convenir que ce morceau a été ajouté avant l'expédition J'Alexandre-le-Grand 2.
1 Voy. Dissertation sur la Cyropédie de Xeuophon, par l'abbé Fraguier, dausjes Mém. de l'iicad. des Inscr, et Beiles- Leltres, vol. II, p. 45.
Observations sur la Cyropédie de Xénophon, par le baron de SainteCroix, ibid. vol. XLVI , p. 399. Ce savant regarde la Cyropédie comme un roman. Jac. Badent Opusc. laLina. Havn. 1763, in-8°, lJo 2. Damm, savant allemand , a, oit pensé que ces jnols : KJpo'U nctiSila., ne « pas dire l'éducation que Cyrus a reçue, mais qu'ils signifient les institutions qu'il a établies. Voy. Berliuer Monathschrift, 1790, vol. I, p. 6g.
2 Voy. Dall. Schulz, de Cyropædiæ cpilngu Xenopbonti nbjuùicando,
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4°. Eloge d'Agésilas , Ao-yoç elç AysaiXaov. Xénophon avoit suivi ce prince dans son expédition d'A- , sie 1 et avoit été témoin de ses victoires dont le résultat alloit être une attaque vigoureuse du grand empire dans la Haute-Asie , lorsque l'alliance de Thèbes, Corinthe, Argos et Athènes contre Sparte et la défaite des Lacédémoniens àHaliarthus, forcèrent ceux-ci à le rappeler. Xénophon fut présent à la bataille de Coronée où son ami défit les confédérés 2. Cette conduite fut cause de son bannissement. En parlant de l'Eloge d'Agésilas par Xénophon , Cicéron dit3 qu'il a surpassé toutes les statues qui ont été érigées à ce prince. Cependant des critiques modernes, ayant Valckenœr à leur tête, ont jugé cet ouvrage au-dessous des talens de cet écrivain et composé par quelque sophiste ou rhéteur des temps suivans.
Tels sont les écrits historiques de Xénophon.
Nous parlerons de leurs éditions, lorsque nous-aurons fait connoître ses ouvrages philosophiques..
Les autres historiens grecs de cette époque 11e nous sont connus que par des fragmens ou par les jugemens qu'en portent les écrivains qui ont vécu Halls, 1806, iu-8o. — Fr.-Aug. Bornemann., Epilog dèr Cyropœdie von Xénophon, durcli philosophische, liistorische und .philologische Anmeriungen erlseulert, gegen SchuJz, Schneider, Heindorf und anderer Zweifei gerechtfertigt. Leipzig, 1819, in-So.
1 396 à 394 ans avant J.-C.
s 593 am avant J.-C.
3 Epist. ad Fam. V, 12.
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après eux, dans des temps où leurs ouvrages exis- i toient encore. Une des compositions historiques que nous devons regretter davantage, est l'Histoire ; de Assyrie et de la Perse, ou les Persiques, Ifepcraoc, €n 23 livres, écrits en dialecte ionien, parOrÉsrAS de Cnide-, fils de Ctésiochus, de-cette famille des 1 Asclépiades qui possédoit l'art de guérir comme Tin patrimoine transmissible par héritage. Ce médecin assista à la bataille de Cunaxa, qui décida 1 entre deux compétiteurs -au trône de Perse ; mais on ne sait pas précisément s'il se trouvojtà l'armée de Cyrus ou à celle du roi Artaxerxe. Ce qu'il dit lui-même, c'est qu'il pansa ce dernier de la blessure qu'il reçut dans ce combat entre deux frères.
Il passa ensuite dix-sept ans à lacour de Suse. En parlant de la mort de Cléarque , général des Grecs, qui eut lieu très-peu de temps après la bataille, il dit qu'il étoit. alors médecin de Parysatis, mère d'Artaxerxès.* Il composa son ouvrage à l'aide des renseignemens qu'il eut l'occasion de recueillir de la bouche des hommes les plus instruits, ou de puiser dans les archives de l'empire , où étoient déposés ces journaux rédigés par les historiographes des grands rois, que Diodore de Sicile appelle des documens rgyaux fixaihxdi Sccp^epai. Ces annales contenoient plutôt l'histoire de la cour et des mo- narques, que celle de l'état. Ce que nous possédons de l'histoire de Ctésias nous fait croire que c'étoit précisément dans ce cercle d'événemens qu'il s'étoit
1 L'an 4oi avant J.-C.
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renfermé. C'est par les citations d'Athénée et surtout de Plutarque, que nous connoissons quelques 1 fragmens seulement des six premiers livres, qui roid oient uniquement sur l'histoire de l'Assyrie.
Nous avons un extrait un peu plus complet des dix-sept livres suivans : Photius l'a placé dans sa Bibliothèque.
Ctésias avoit aussi écrit une Histoire de F Inde, Iv&xà, en un seul livre, dont Photius a également fait un extrait.
Ctésias est, sur plusieurs points, en contradiction avec Hérodote, qu'il accuse d'être fabuleux, et avec Xénophon. A son tour, il n'a pas échappé au reproche d'être peu véridiquë; Plutarque le lui adresse, peut-être seulement parce qu'il paroît favoriser le parti des Lacédémoniens, aux dépens de celui des Béotiens. Ce qui a fait plus de tort à la réputation de cet historien, c'est que sa chronologie s'accorde plus difficilement que celle d'Hérodote avec les Ecritures saintes. Il faut cependant observer que parmi les anciens, Plutarque est le seul qui montre si peu de considération pour Cté- , sias. Denys d'Halicarnasse , Diodore de Sicile, Strabon, Pline, Athénée, Xénophon même, son contemporain, le citent avec éloge, ou au moins sans le contredire. On peut demander aussi lequel doit être censé mieùx instruit, d'Hérodote ou de Ctésias; d'Hérodote qui ne parle des affaires de Perse que sur la foi d'autrui, et qui a écrira une époque où les Grecs avoient peu de communica-
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tions avec la Perse, et ne la connoissoient que par le mal qu'ils lui avoient fait; ou de Ctésias qui avoit passe une grande partie de sa vie à la cour de Suse, où il joiiissoit d'une si grande réputation, qu'on le chargea de quelques négociations importantes 1.
Ce que nous venons de dire ne se rapporte toutefois qu'à l'ouvrage historique de Ctésias ; car sa description de l'Inde" est farcie de toutes les fables que des voyageurs mensongers lui ont rapportées.
C'est là qu'on trouve cet animal à face humaine, ayant une triple rangée de dents, et lançant de sa queue des traits qui vont au loin ; cette source où l'on puise de l'eau liquide qui durcit dans les vases; ces gryphons gardant les métaux précieux ; ce fleuve de miel; cette eau qui se coagule comme un fromage et qui a la propriété de forcer ceux qui en ont avalé lajmoindre partie, à confesser leurs péchés; et d'autres fables absurdes de la vérité desquelles Ctésias ne paroh pas avoir douté ; ce qui ne donne pas une haute opinion de son esprit de critique. Il assure n'avoir raconté que ce qu'il avoiL vu lui -même, ou appris par des hommes dignes de foi.* L'extrait fait par Photius des Persiques et des Indiques de Ctésias, a été publié séparément par Henri Etienne, Paris, 1557, in-8°, et avec une traduction latine, 1594, in-8°. Il les plaça aussi à la suite de son Hérodote, qui parut en i5y&:
1 Ces ~flexions sont empruntées de l'abbé Gédoyn. Voy. Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. XIV, p. 247.
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cet exemple a été suivi par la plupart des éditeurs suhtéquens de-cet historien. M. Alb. Léon en a publié une édition particulière; Gœttingue., 1823 in-8°..
STÉSIMBROTE de Thasos, contemporain de kridès et de Thucydide, mais qui leur a survécu, a écrit un ouvrage sur ThémistocieThucy dide et Pèriclès, que nous ne connoissons que par les citations de Plutarque et d'Athénée.
PHILISTE de Syracuse1 employa ses richesses pour procurer à Denys Fancien les moyens de,s'emparer.
de lq. souveraineté de Syracuse. Il fut ensuite le confident, le ministre et le général du tYICn; mais il perdit ses bonnes grâces, lorsque celui-ci appritqu'il avoit secrètement épousé une de ses nièces.
Philistè, puni jpar l'exil, se retira à Adria, où il écrivit les Antiquités de la. Sicile, en sept livres qui alloient jusqu'à 01. LXXX11I, 5, et renfermoienC l'histoire de huit siècles; et une Vie de Denys3 en quatre livres. Rappelé à Syracuse par Denys le jeune, il fut l'antagoniste de Dion et de Platon, qui av oient pris de l'ascendant sur l'âme de ce prince.
Il commanda la flotte de son maître dans le combat naval que Dion et les Syracusains lui livrèrent, et dont l'issue malheureuse lui coûta le trône. Le
1 Sellm, dans ses Recherches sur la vie et les écrits de Philistus ( Mena, de l'Acad. des Inscr., voL XIII, p. 1), a pensé que Philistè a été disciple d' Isocratc ;"mais M. Fr. Gœller,, dans son ouvrage De situ et origine Syracusarum , Lips. 1818 , in-8°, p. 112 et suiv., fait voir que Sevin a été induit en erreur par un passage corrcmpu de Cicéron ( de Oral. -Il, 23) où, au lieu de Philistus, il faut lire Philiscus. En eKet, l'orateur Philiscgs de Milet, qui a aussi fait des épigvammes, a été disciple d'Isocrate. Yoy. cidessus, p. 130 et 269.
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vaisseau de Philiste étant venu à échouer sur le rivage, les Syracusains se saisirent de sa personne et le firent mourir d'une mort ignominieuse.
Outre les deux. ouvrages cités, Philiste écrivit encore la Vie de Denys le Jeune, en deux livres. Ces trois ouvrages réunis portoient le titre deSicéliques, - ~Eixehxd. Cicéroii fait plusieurs fois l'éloge de cet historien, qu'il appelle un petit Thucydide1 ; mais Plutarque et Pausanias lui reprochent d'avoir sam crifié la vérité au désir de rentrer dans les bonnes grâces de son maître irrité. Denys d'Halicarnasse dit que, s'il a atteint son modèle, Thucydide, ce « n'est que sous deux rapports, d'abord en laissant, comme cèlui-Jà, des ouvrages imparfaits, et ensuite par le désordre qui règne dans sesicompositions. Il ne lui est pas comparable sous le rapport des senti mens; l'un avoit l'âme ijoble, l'autre servit des tyrans et leur sacrifia la vérité. Ce critique loue cependant en général le style de Philiste, qui étoit c l air et plein de ron d eur (ç-pôyyuAov xat TTUXVOV xat ~s frrovov xoà ivaywvcov) , mais sans figure et sans orne~EU't"O"IJO"IJ XOCt « n1al S sans 19ure t sans orl1enient. Philiste ignoroit l'art de varier ses récits par des descriptions soit de lieux, soit de marches et de batailles ; il ne savoit pas faire parler convenablement ses acteurs. Ce jugement de Denys d'Halicarnasse se trouve en deux endroits de ses ouvrages2 ;
-1 1 Capitalis , creber, acuLuS, brevis, paene pusillus Thucydidas. iip. ad Quintum lrair. II, Ï3. Voy. aussi De Divin. 1, 20.
3 De vett. Script, cens. ( éd. Reisle, vol. V, p. 427.) Epist. ad Cu..
T omp. de præc. lii&t. ( vol. VJ, p. 780. )
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les deux fois il àjoute une phrase dont, après tout ce qui précède, il est difficile de saisir le sens : néanmoins, dit-il, Philiste est plus propre que Thucydide pour faire connoître de véritables débats :
raconte qu'Alexandre-le-Grand faisoit grand cas des ouvrages de Philiste : ils entroient dans la bibliothèque qu'il choisit pour l'accompagner dans son expédition. w m - Les fragmens de Philiste ont été recueillis par M. Gœller, dans l'ouvrage cité p. 177, note.
ANTIOCHUS de Sy racuse, 1 desceii d oit d'un a n -.
Antiochus de Syracuse, qui descendoit d'un ancien roi des Sicaniens, écrivit une Histoire de la Sicile qui alloit jusqu'à la 98e Olympiade, et que Diodore de Sicile cite parmi les sources où il a puisé.
Un autre Syracusain., nommé Athaîjas, écrivit Y Histoire de Dion depuis l'an 502 jusqu'à 554 avant J.-C. Il a été une des sources de Diodore pour son "seizième livre. Plutarque s'en est également servi.
La Fie de Dion étoit aussi le sujet des Mémoires historiques de TIMONIDES, l'ami et le compagnon d'armes de ce prince philosophe. Son ouvrage, où Plutarque a puisé, étoit adressé à Speusippe, disciple de Platon.
ThéopoSTpe de Cltios naquit vers l'an 36o avant J.-C. Damasistrate, son père, devint l'objet de la liaioe de ses concitoyens, par son attachement pour la ville de Sparte : l'esprit de parti le fit exiler lui et
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son fils. Celui-ci fut élevé à Athènes, et eut Isocrate • pourWmaitre. A, l'âge de quarante-cinq ans, Théopompe retourna dans sa. ville natale, à iâ recommandation d'Alexandre ; mais à la mort de ce prince, il en fut chassé de nouveau. Il se rendit alors en Egypte; mais il y fut mal accueilli par Ptolémée 1, qui le regardoit comme un. intrigant et un brouillon 9 et voulut même le faire mettre à mort.
Ce fut pour se conformer à un conseil quTsocrate lui avoit donné, que Théopompeentreprit la
continuation de Thucydide. Il ajouta d'abord, difon, un húitième livre à l'ouvrage que ce grand historien avoit laissé incomplet. Ensuite il composa une Histoire de la Grèce, ou des Helléniques, en onze livres, et un Abrège d'Hérodote, en deux.
Il décrivit encore une Histoire de Philippe, père d' Alexandre-leGrand,$tÀMT7nxà, en cinquantehuit livres : du temps de Photius il en existoit encore cinquante - trois. Ce patriarche ne nous a fait connoître que le contenu du douzième, qui renfermoit l'histoire de Pacorus, roi d'Egypte. Il rapporte que les Philippiques renfermoient une foule de digressions, et que Philippe, celui qui fut défait par les Romains, ayant fait retrancher de cette immense compilation tout ce qui étoit étran, ger au héros de l'histoire, il n'en resta que la valeur de seize livres. - 1 Les anciens reprochent à-cet historien une certaine aigreur dans ses jugemens; mais un passage de Denys d'Halicarnasse peut servir à nous faire con- „
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noître la source de cette inculpation 1. Cet écrivain fait d'abord l'éloge des ouvrages de Théopompe, sous le rapport de l'ordre et de la netteté; il loue aussi le travail préparatoire auquel il s'étoit livré avant de mettre la main à l'ouvrage, les recherches multipliées qu'il avoit faites, les liaisons qu'il avoit formées pour cela, et les rapports qu'il avoit entretenus avec les hommes les plus distingués de tous les pays qui pouvoient lui fournir quelques documens relativement aux événemens dont il n'avoit pas été témoin oculaire. Parlant ensuite de sesPhilippiques, le rhéteur ajoute : cc Non content de rapporter ce qui s'est passé aux yeux de tout le monde, l'auteur pénètre dans le fond de l'âme des principaux acteurs, scrute leurs intentions les plus secrètes, les démasque, et produit au grand :jour les vices que leur hypocrisie avoit espéré, cacher.
Aussi quelques-uns l'ont-ils traité de médisant, parce qu'il a blâmé hardiment ce qui méritoit le blâme, et diminué la gloire qui entouroit quelques personnages illustres. Mais,, à mon avis, il a fait comme les médecins, qui appliquent le fer et le feu à des parties vicieuses et gangrenées, pour sauver celles qui sont saines et entières. Quant à sa diction,, elle est toute semblable à celle d'Isocrate, pure, simple, nullement recherchée, claire, noble, élevée, pompeuse, coulante, pleine de douceur et d'harmonie. »
, 1 Epiit. ad Cn. Pomp. ( ed. Reisk. vol. VI J p. 783,1
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On auroif tort d'opposer à la dernière partie de cet éloge la critique que Longin fait1 d'un passage de Théopompe ; car il y n loin de blâmer une phrase isolée d'un bon écrivain, et cle réprouver son style en général. Le reproche de Longin s'accorde même avec celui que lui fait le rhéteur d'Halicarnasse, de trop aimer les digressions, et de rapporter quelquefois de véritables niaiseries 2. Cornélius Népos s'est beaucoup servi de Théopompe, quoiqu'il l'appelle le plus médisant des hommes 3 : on -peut ajouter, d'après Photius, qu'il fut le plus vaniteux des écrivains.
van i teux des écr i va i ns.
En i8o3, M. F. Kocfa annonça une édition critique des fsagmens de Théopompe, par une dissertation intitulée : Prolegomeoa ad Theopompum Cliium. Stettini, in-4°. Elle n'a pas earu. M. G. Frommel a réuni les fragmens de l'Abrégé d'Hérodote dans une dissertation portant le titre : De Theopompi Cbii epitome Merodotea. Elle se trouve dans Creuzeri Meletemata. Part. III, p. i55.' EPHORE de Cames, qui fut, en même temps que Théopompe, disciple d'Isocrate, a été, dit Polybe 4, le premier et le seul qui ait imaginé d'écrire une Histoire universelle": il la distribua en trente libres, dont chacun paroît avoir eu un titre particulier.
Cette grande composition comprenoit une période de sept cent cinquante-ans ; car elle commençoit à
i De Subi. Sect. 42.
2 De vett. Script. censura. Ed. de Reisie, vol. V, p. 42g.
3 Alcib. VII, 1
4 Hist. V, 33.
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l'invasion des Héraclides dans le Péloponnèse, 1190 ans avant J. r- C. , et se terminoit au siège de Perinthe, 54o ans avant la même ère .- Le dernier livre n'étoitpas d'Ephore même, mais de son fils DÉMOrHiLE y qui l'ajouta après la mort du père. L'Histoire cUEphore fut une des principales sources de la Bibliothèque de Diodore de Sicile. Elle fut continuée jusqu'à m mort de Philippe de Macédoine, par DIYLLUS d'Athènes, et, dans la période suivante, jusqu'à l'an 3i2 avant J.-C. environ, par PSAON de Platée.
Ephore avoit aussi écrit un ouvrage en deux livres, sur les Inventions, nept sup^parcov, lin autre en vingt- quatre livres, du Bien et du JYIal-, Ilept ~à-yaôôw ~xac xaxwv , et un Traité IIep: ~~M<;.
Les fragmens d'Ephore ont été recueillis et publiés par M. Meier Marx, Carlsruhe, 1815, in-8,,,.
Un autre disciple d'Isocrate, nommé DIOSCORIDE, a écrit de la République de Lacédémone , YloXirefa Aaxeâatfxovîcov, des Commentaires ou Mémoires historiques, Yirop^ucxTa, et un Traité sur les Mœurs ans Homère, oc irap Q|xrçpa> vojuioc. Athénée, qui cite les deux premiers ouvrages, nous a conservé un assez long fragment du dernier. Il traite de la manière de se nourrir des héros d'Homère, et est fort curieux1.
Agathocles, qui régna depuis 5i6 jusque 280
«
2 ~Deipnos. Ep. I, p. 0. ( Ed. Schwcigh. vol. 1 , p, ùi. )
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avant J.-C. , eut deux historiens, que nous connaissons par Diodore de Sicile : CALLIAS ck SJracuse, auquel cet écrivain-reproche un penchant pour la flatterie, et ANTANDRE, propre frêne du prince.
Il faut encore plàcer dans l'école d'Isocrate, NEANTHÊS de Cyzique, disciple de Philiscus de Milet. Il avoitJcrit des Helléniques, que Plutarque cite dans la Vie de Thémistocle.
DION, qui doit avoir vécu à la fin de cette période, parce qu'il fut le père de Clitarque, un des compagnons d' Alexandre-le-Grand, publia, sous le titre de-Persiques, un ouvrage.de longue haleine, cité par Plutarque.
■ NYMPHODORE de Syracuse, dont l'époque est tout-à-fait incertaine, a écrit de la Navigation autour de l'Asie, ainsi que des Merveilles de la Sicile et de la Sardaigne. ■
Enfin, nous plaçons ici deux historiens d'une époque incertaine, mais qui doivent avoir été antérieurs à Alexandre-le-Grand, puisque Denys d'Hal icarnasse, qui s'y réfère, leur donne la qualité d'écrivains anciens, et à l'un d'eux même celle de très-ancien 1. Celui-ci est CEPHALON de Gergithe, qu'il ne faut pas confondre avec Cephaléon qui a vécu sous l'empereur Adrien. Gergithes (~ou TépytQeq) étoit une ville de la Grande-Grèce, située près de Cumes. Cephalon avoit écrit des Troïques, Tpw'cxd:, dontle quatrième livre est cité. Denys d'Halicainasse ne l'appelle pas seulement un écrivain très-ancien,
1 ant. rom. I, c. 49 et 72.
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mais il ajoute que lui et HEGESIPPE méritent toute foi. Cet historien avoit écrit les antiquités de Ballène, péninsule de la Thrace, où Enée'se réfugia après la prise de Troie. Lui et Cephalon disent qu'il y termina ses jours; le derniçr ajoute que Rémus, quatrième fils d'Enée, conduisit une colonie en Italie, et hâtit Rome, deux ans après la destruction d'Ilium. Malala s'est servi de Cephalon dans sa Chronique.
, Après les premiers historiens de la Grèce, nous avons encore à parler d'une classe d'écrivains qui se sont particulièrement occupés des antiquités d'Athènes. Leurs ouvrages sont cités sous la dénomination cimmune d'Atthides, ÂTQiSeç, et c'est le titre qu'au moins quelques-uns d'entre eux ont effectivement porté: Il rappelle le nom d'une prin-, cesse du sang des rois d'Athènes, Atthis, fille de Cranaüs; il signifioit en général une habitante de l'Attique, et, dans le sens où il ftft donné à ces ouvrages , un Traité sur l'Attique. Les historiens du canton'le plus célèbre de la Grèce ont puisé leurs renseignemens dans les traditions populaires, dans les livres sacrés dont le dépôt étoit confié aux prêtres desservant les temples, dans ces listes de pontifes qu'on avoit coutume, de dresser, et dont nous trouvons plusieurs exempl es, enfin, dans les inscriptions publiques par lesquelles le. souvenir des événemens mémorables étoit transmis à la postérité.
Sans doute ces recueils, à la rédaction desquels ne
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président pas toujours une critique très-sévère, renjprmoient bien des fables; mais le fond de ces fables mêmes a presque toujours quelque chose de vrai, et l'histoire de la Grèce renferme tant de lacunes et tant d'obscurités, que, malgré l'imperfection qui peut avoir été attachée aux Âtthides, leur perte est bien à regretter.
'- Un des plus anciens auteurs de ce genre, d'histoires, étoit l'Athénien AMELESAGORAS OU MELESAGORAS. Denys d'Halicarna.sse parle d'un trèsancien écrivain de ce nom, mais il le dit Chalccttonien Il est question dans Maxime de Tyr d'un Melesagoras d'Eleusis qui, sans avoir reçu aucune instruction, devint savant et prophète. par la volonté d'Apollon, les Muses ayant reçu ear ce dieu l'ordre de l'inspirer. On ne sait si cet Eleusinienest une même personne avec l'Athénien qui a écrit lesantiquités de son pays. Il ne reste que peu de fragmens de cet ouvrage : ce sont Antigone de Caryster Hesychius-et Apollodore qui les ont conseils.
Après lui vint GLITODÈME , qui composa une Histoire ou .Description de P Attique, T-OC AOrvat'COV £ 7ttp(c6pta, citée par Pausanias V On croit qu'il est celui dont Athénée, Plutarque, Harpocration, Photius et Constantin Porphyrogénète parlent sous le nom de Clidème. Pausanias dit qu'il a vécu du temps de l'expéditiqn des Athéniens en Sicile, et après
1 De Thucyd. liistor. judic. ( Ed. Rcisk. vol. VI, p. 8i8. )
» X, 15.
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cette expédition 1. Pliotius dit2 que Clidème, dans le troisième livre de son oavrage, a parlé des vingt classes des citoyens d'Athènes, appelées symmôries, aup.p.op(at. Or, on sait, par un' fragment de Philochore, que cette division a été établie la troisième année delà centième Olympiade3. Clitodème alaissé une Atthis, composée au moins de douze livres, puisque le douzième est cité, une Protogonie, IIpwT°"l°V(a., qui traitoit probablement de l'origine des cités de l'Attique, un Exégèticon, E £ y/yyrrfxov, qui expliquoit les moeurs et les institutions des anciens peuples; enfin, il a composé un poëme du genre que les anciens appeloient Retours, -N oq-oc. De tous ces ouvrages il ne reste que de légers fragmens.
Une 'autre Atthis a été laissée par un certain PHANODÈME qui étoit probablement Athénien, ou, selon d'autres, de l'île d'Icus. On ignore absolument l'époque où il a vécu. Outre son Atthis, dont il reste quelques fragmens, Etienne de Byzance cite ses Iciaques , ~Ixtaxa, c'est -à--dire. ses Antiquités d'Icus. C'étoit peut-être une partie seulement de son Atthide.
Les fragmens de Phanodème et de "Clitodème ont été recueillis par Ch.-Gctth. Lenz et Gharl.-Godef. SibelisLeipz.
1812, in-8°.
Quatre autres atthidogrâphes appartiennent à la période suivante : ce sont Demo, Androtio, Philochorus et Ister.
1 413 ansavant J.-C.
2 Giossar. v. ~iuu.u.opi ,
:; 378 ans avant .J.-C.
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& CHAPITRE XVIII.
Des plus anciens Géographes de la Grèce" 1
,,"
AïAjfT de parler des géographes grecs, disons un mot des: collections connues sous le nom de Petits Géographes grecs~ Ces collections renferment ou doivent renfermer tous les écrivains grecs qui se sont occupés de la géographie, à J'exception de Strab.on, de Pausanias, de Ptolémée et d'Etienne de Byzancë, qui sont les quatre grands géographes.
Après l'édition des Périples d'Hannon et d'Arrien, soignéepar. Sigismond Gelénius, qui parut en 1533, et celle de Di-
1 On peut voir, sur l'histoire de la géographie chez les Grecs, D'Anville, Géographie ancienne, Paris, 1782,3 \'0I:1.n-12 .-John Blair' s History of the rise and progress of Geography. London, 1784, in-8°.—Caroli TraugottGottlib. Schôenemann Commentatio de Geographia Hoineri. Gœtting.
1787, in-4o. — Ejusd. de Geograpbia Argonautarum, ibid. 1788, in-4°.
— Herrm. Schlichthorst, Geographia. Homeri. GoeLt. 1787, in-4°.— Ejusd.
Geographia Afriere Herodotea. Gœtt. 1788, in-8°. - Aug.-Guill. Schlegel, de Geographia Homerica. Hannov. 1788, in-8°. — Gosselin, Géographie des Grecs, et Recherches sur la Géographie systématique et positive des anciens. Paris, 1790,"3 vol. in-4o. — Gàbr.-Gottfr. Bredow, Unlersuchungen ûber Gegenstœnde 8er alten Geschichte , Geographie uud Chronologie. Altona, 1800, in-So. — Conr. MànneTt, Geographie der Griechen und Rœmer. Nüremb. 1799, 9 vol. in-8°. — Arn.-Herrm.Ludw. Heeren Ideen ûber die Politik, den Verkehr) und den Handel der vornehmsten Yœlker der alten Welt. Neue Ausgahe. Goetting. 1815, 3 vol. in-81. - Malte-Brun, Précis de Géographie. Pari-s, 1811 et suiv. ,
iu- go ; le premier volume. — P.-A. Ukert, Haudbuch der Geographie der Griechen und Rômer, vou den ~früliesten Zeiten an. Weimar, îOiô sqq.
5 vol. io-8",
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céarque donnée par Etienne, en 1589, in-80, David Hoeschel publia à Augsbourg, en 1600, in-8°, Marcianus d'Héraclée, Scylax, Artémidore, Isidore de Charax, qui tous étoient inédits, avec Dicéarque. C'est là ce qu'on appelle la première édition des Petits Géographes.
Lucas Hqlstenius s'occupa ensuite, pendant plusieurs années de sa vie, du projet de publier un nouveau recueil de péographes qui fût à la fois et plus correct et plus complet.
Il copia ou conféra les manuscrits qui sont à Londres, Oxford, Paris et Rome. Dès l'année 1628, il avoit achevé son travail, auquel il donna ce titre : Syntagma Geographorum graecorum, Suabus partibus distinctum. Ce manuscrit, dont il est souvent question dans les lettres de ce savant, dont M. Boissonade a publié une collection bien intéressante,,- alloit être livré à l'impression, lorsque Holstenius mourut.
Il se passa ensuite plus d'un siècle et demi sans qu'on entendît parler de ce manuscrit, qui paroissoit perdu.
Après la mort d'Holstenius, Jacques Gronovius reprit le projet de ce grand savant. En 16.97, il publia, à Leide, un volume in-4°, intitulé : Geographica antiqua , renfermant Scylax, Agathemère, les Périples d'un anonyme. C'est la secoude édition dqs Petits Géographes. En. 1700, Granove y ajouta un appendice de 62 pages ; on réimprima alors le frontispice pour lui donner le même millésime.
Jean Hudson -fit une nouvelle collection plus complète. Il commença à la publier en 1698, sous te titre de Geographiae veteres scriptores graeci minores , in-4°. Son deuxième volume parut en 17'03; les troisième et quatrième furent imprimés en 1712*. Quoique Hudson ait réuni dans cette col-
1 Lucœ Holstenii Epistolae ad diversos. Collegit J.-P.. Boissonudc.
Paris. 1817, in-8°.
3 Quelques amateurs ajoutent, comme cinquième volume, l'édition peu estimable de Denys le Périégèle, donnée en 1704 et 1726, par Ed.
Wells. -
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lection les travaux de ses devanciers, son recueil n'est pourtant pas complet; en a aussi beaucoup de peine à se le procurer, parce qu'un incendie a consumé.une grande partie des -exemplaires des deux derniers volumes, La rareté de cçtte collection, et les progrès que la critique aussi bien que la géographie ont faits. dans le flix-buitième siècle, ont fait sentir depuis long-temps le besoin d'un nouveau travail sur les Petits Géographes. Dans les dernières années (ïudit siècle, trois savans annoncèrent, presqu'à la fois, qu'ils s'en occupojent. Ce furent Abr.-Jacq. Penzel, connu par une traduction - allemande deStrabon-, M, Friedemann à Wittenberg, et le baron de Sainte-Croix à Paris.
Celui-ci étant mort, et les deux premiers ayant tardé d'année en année leurs publications, feu Bredow, alors professeur à "Helmstaedt, résolut de se charger de cette entreprise. Dans ce dessein, il fit, en 1807, un voyage littéraire à Paris, où il trouva de riches matériaux dans le dépôt de la Bibliothèque du Roi-, et de grands secours dans la bienveillance des savans françois, toujours disposés à aider de leurs lumières ceux qui s'occupent de travaux utiles, quel que soit le pays qui les a vu naître. 11 rendit compte au public des progrès de son travail, dans les Epislolœ Parisienses qui, erf 1812, parurent à Leipzig, in-80. Bredow se proposoit de faire encore un voyage à Vienne et en Italie, pour consulter les manuscrits qui se trouvent dans diverses bibliothèques; mais il mourut avant d'avoir exécuté ce projet. Son Apparatus passa entre les mains de MM. Fred-Aug.-Guill. Spofm} professeur à Leipzig, et Fred.-Traugott Friedemann à Wittenherg. Ces deux savant s'occupent sans relâche, dit-on, de cette belle entreprise, à laquelle ils donneront une telle étendue, que leur édition comprendra tout ce qui reste dans la littérature ancienne sur la géographie, à l'exception des quatre grands géographes. Ils y feront entrer aussi tous les travaux des modernes sur cette branche des connoissances humaines.
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Dans l'intervalle de tous ces préparatifs, un Grec, M. Démétrius Alexandrides, fit réimprimer en 1808, à Vienne', en 2 vol. iii-80, le texte seulement de La collectionne Hudson.
Enfin le manuscrit de Lucas Holstenius fut aussi retrouvé, il y a peu d'années, par M. Guill. Manzi, conservateur de la bibliothèque Barberini. On reconnut alors que le travail du Savant Allemand n'avoit pas été aussi avancé qu'on le croyait: il n'avait mis en état (rêtre livre à l'impression que Dicéarque et Hamnon. Les notes ajoutées en marge de son exemplaire des Géographes de Hoeschel sont insignifiantes ; mais son travail sur Dicéarque et Hannon a été mis au jour, ainsi que nous le diront par la suite..
L'histoire et la géographie sont deux compagnes inséparables; sans l'une, l'autre risque de s'égarer dans aes routes couvertes de ténèbres. Les découvertes que fait l'une tendent toujours à l'avantage de l'autre. Si la géographie est le flambeau de l'histoire, on ^ieut dire que l'histoire est l'oeil de la géographie. Nous avons parlé de l'ouvrage histo.
rico-géographique d'llicAT.BE ; M ML Creuzer 1 et Ukert2 ont prouvé l'authenticité des fragmens qui nous restent de cet écrivain ; mais ces fragmens ne suffisent pas pour nous mettre en état d'apprécier ce que la géographie lui doit. Nous devons reconnoître au contraire qu'HÉRODOTE a rendu les plus grands services à la partie historique de cette science ; car il manquoit de connoissances mathé-
1 Dans sa collection (les il-agiiiens.
1 Untersuchungeu uber die Géographie des Hecatscus. Weimar, l8i4, Ili-80.
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, matiques et astronomiques1. Les détails qu'il donne sur les pays qu'il a parcourus annoncent un esprit observateur et une grande véracité ; les renseignemens qui lui ont été fournis, sont quelquefois inexacts; mais nous avons déjà remarqué que des voyageurs modernes ont souvent fait retrouver dansées famés-des vérités défigurées par l'ignorance de ceux qui les avoient transmises à Hérodcftê.
- Le souvenir de quelques voyages de découvertes faits dans cette période, nous a été conservé dans des espèces de notices succinctes qu'on appelle Périples, IleptTrAoTjç-, (circum-navigationes ). Rien de si fameux dans ce genre que l'expédition de HANNON, amiral carthaginois, qui a vécu entre les années ooo.et 5oo avant J. -C. Il fut envoyé, avec une flotte, pour visiter les côtes occidentales de l'Afrique et pour y fonder des colonies propres à deavenir des entrepôts de commerce. Il exécuta heureusement cette commission et parvint jusqu'à l'île de Cerné, probablement une des îles Canaries ou de celles du Cap-Vert, où il bâtit une ville ou un fort. De retour dans sa patrie, il déposa aux archives un rapport officiel de son voyage-, -dont le sénat fit faire un extrait en forme d'inscription qui fut placée dans le teniple de Saturne. Il nous en a
1 On peut voir, sur les connoissances d'Hérodote en géographie, outre les disseï lations de Bredoy et. de Schlichthorst, un mémoire de M. Niebuhr.&n langue allemande, inséré dans Ahhandluugen der kÕn. Aead. der Wissenscli. Berlin, 1812-1813. Hist. pliilol. Klassc, p. 209.
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été conservé une traduction en langue grecque,
dJHannon, roi des Carthaginois, des parties de la Libye qui sont situées au-delà des colonnes dHercule, qu/il a suspendu dans le temple de Saturne.
L'authenticité de ce monument précieux, attaquée par Dodwell J, a été défendue par Bougainville2, Falconer5, et par d'autres.
La première édition du Périple d'Hannon est celle de Sigism, Galenius 3 qui Pa fait imprimer à la suite de celui d'Arrien Baie, 1533, in-/j,o. Il parut ensuite avec la traduction latine de J.-J. Müller, à Strasbourg , 1661, in-4°.. Abr. Berkel le.
publia avec la traduction de Conrad Gesner, Leide, 1674 , in-12. Hudson le plaça, avec la même version, dans s'en recueil. Thom. Falconer le donna avec une traduction angloise, Oxford, 1797, in-8°. M. Jean-Léon Hug en donna une édition critique, Fribourg, 1808, in-4°. Enfin M. Guil. Manzi le publia avec le travail de Lucas Holstenius, trouvé à la bibliothèque Barbérini, à la suite de sonidition de Dicéarque.
1
Pendant qu'Hannon visitoit les côtes d'Afrique, un autre Carthaginois, HIMILCON, fut envoyé pour reconnoître celles de l'occident et du nord de l'Europe. Pline et Avienus citent la relation qu'il fit de son expédition.
SCYLAX de Caryande rassembla, soit du - temps
1 Dans les Petils Géographes d'Hudson.
1 Mém. de l'Acad. des Jnscrip. et Belles-Lettres, vol. XXVI et XXVIII.
« 5 Dans son édition du Fériplc.
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-du roi Darius Hystaspes, soit à l'époque de la guerre du Péloponnèse l, les itinéraires des voyageurs de son temps. Il donne des notions intéressantes sur les côtes de la Méditerranée, sur les établissemens des Carthaginois, etc. C'est dans son Périple, îlept«ÀQtiÇ T7jç/ofxouj^v7?ç, que se trouve pour la première fois le nom de Rome.
-Le Périple de Scylax se trouve dans les collections des
1 11 règne, parmi les savans, diverses opinions sur l'époque où Scylax a vécu, ou plutôt sur celle où a été rédigé le Périple portant son nom. Hérodote raconte ( IV, 44) que Darius Hystaspes, voulant savoir en quel endroit de la mer se jetoit l'Indus, envoya sur des vaisseaux des hommes sûrs, et entre autres Scylax de Caryande, qui descendirent le fleuve, jusqu'à la mer, -naviguèrent vers l'occident, et arrivèrent, le trentième mois après leur départ, à un port du golfe Arabique. Fabricius ( Bibl. gr., vol. IV, p. 606 de l'éd. de Harles; ou III, p. 32 de l'ancienne ), Hciger ( Geogr.
Buchersaal, Chemnitz, 1765 , in-8°, p. 56o ), et Sainte-Croix ( Mém. de l'Acad. des Inscr., vol. XLII, p. 35o ), croient que le Périple qui nous reste est de ce-même Scylax, qui par conséquent auroit vécu environ 5oo ans avant J.-C. Boiigainville ( Mém. de l' Acad. des Inscr. et Belles-lettres, vol. XXVIII, p. 266), et M. Niebuhr ( Abhandl. der hist. philol. Classe -der Preuss. Akad. der Wissenschaft. v. d. J. i8o4—1811, p. 80), le placent vers 370 ans avant J.-C. M. F.-A. Ukert ( Geogr. der Gr. u. Hoorner, vol. I, p. 285) partage cette opinion. Dodwell, dans une dissertation qu'on trouve dans Hudsoni Geogr. min., T. I, au contraire, veut prouver que l'auteur du Périple a été contemporain de Polybe, et par conséquentdu deuxième siècle avant J.-C. M. Mannert ( Geogr. der Gr. und Boomer, vol. 1, p. 67) fait voir que le Scylax , auteur du Périple, a été antérieur à Alexandre, parce qu'il décrit Tyr dans l'état oùetoit cette ville avant le conquérant macédonien, et qu'il désigne la place où Alexandrie fut bâtie, sans faire mention de cette ville; qu'il a écrit avant la fin de la guerre du Péloponnèse, parce qu'en décrivant l'île de Rhodes, il ne partepas de la ville de Rhodes, qui ne prit son origine que 01. XCIII, 1 (4o8 ans avant J.-C. ); mais qu'il n'a pas été de beaucoup antérieur à cette époque, puisqu'il fait mention des longues murailles d'Alliènes, commencées par Thémistocle, et achevées sous Cimon et Pe'riclès.
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Petits Géographes. Il a été publié séparément, atec nne traduction latine par Is, Vossius, Amst. 1639, in-4°.
Parmi les ouvrages géographiques de cette période , nous ne devons pas omettre celui de XIÛNOPHON sur la Retraite des Dix mille, qui renferme des renseignemens exacts et précieux sur quelques parties de la Haute-Asie PYTHÉAS de Marseille fit, vers la fin de cette période 2 des découvertes importantes dans un voyage par mer qu'il entreprit pour visiter le nord de l'Europe. Il fut le premier géographe muni de connoissances astronomiques. Sorti du port de Marseille et voguant de cap en cap., il côtoya toute la partie orientale de l'Espagne, passa par le détroit de Gibraltar, longea les cfces de la Lusitanie, de l'Aquitaine et del'Armorique, entra dans la Manche, suivit les côtes orientales de Pile Britannique , et lorsqu'il fut parvenu à sa partie la plus septentrionale, poussant toujours vers le Nord, il s'avança en six journées de navigation jusqu'à un pays que. les habitans appeloient Thulé , et où la durée du jour solsticial est de 21 heures ce qui m
1 Voy. James RenneVs clnefly geographical illustrations of the history of the expédition of Cyrus from Sardes lo Babylonia and the Retreal of the Te* tbousand Grecks fi-om tbence to Trebibonde and Lydia. Londoii, iSi4, in-40. Ouvrage de la plus haute importance.
2 L'époque de Pythéns ett incertaine : quelques auteurs le placent dans la période suivante, sous Ptolemée-Plnladelphe ; mais Bougainvîlle, dans MS Eclaircisseniens sur la vie et sur les écrits de Pythéas de Maiseil (Mém. de l'Acad. des Inscr., vol. XIX, p. 148), a fait voir qu'il étoit amérieur à ArisLote.
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suppose 66° 5ol lat. Nord, position qui correspond à celle de l'Islande l.
Dans un second voyage il entra par le canal de la Manche dans la mer du Nord, et de celle-ci, par le Sund, dans la Baltique où il navigua jusqu'à.
l'embouchure d'un fleuve qu'il appelle Tanaïs fl, pays où l'on trouve l'ambre jaune dont les anciens feiisoient un si grand cas.
Pythéas composa en grec, sa langue maternelle, deux ouvrages intitulés Fun, Description de tOcéan et le second, Période ou Périple. Les notices que nous lui devons nous ont été conservées par Strabon et par Pline; mais ces deux écrivains qui ne Fentendoient pas, les ont tellement défigurées, qu'ils les onferendues méconnoissables. La mémoire de ce voyageur, ordinairement accusé de mensonge, a été vengée d'abord par Bougainvillez, et ensuite par quelques écrivains plus modernes 4.
1 Le célèbre d'Anvilk, dans-un Mémoire qui se trouve au vol. XXXVII, p. 436 de ceux de l'Acad. des Inscrip., soutient que Pythéas n'a été que jusqu'aux îles Shetland. D'après l'opinion de Schoening, cité plus bas, le Thulé de Pythéas est une contrée de la Norwège qui porte encore le nom de Thile ou Thilemark.
a La Vistule ou la Radàune. -
5 Daus le Mémoire cité.
4 Tels que Gerk. Schœning , dans vorlseufige Abhandl. von der Unwissenheit der alten Griechen u..Rœmer in der Erd-und Geschichtskundc des iNordens. (Allg. Weltgesch. in 40. Halle, vol. XXXI. ) — Joh. Chph.
Adelung, œlteste Geschichte der Peutsclien. Leipz., 1806, in-8°.— Conr.
Mannert, Geogr. der Griechen u. Rœmer, vol. I.
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CHAPITRE XIX.
De l'origine de l'Eloquence grecque, et de l'Eloquence altique au particulier
LA théorie de l'art de parler fut inventée en Si- cile, mais l'éloquence naquit dans les murs d'Athènes. « Ce ne furent pas les Grecs, dit Cicéron* qui s'appliquèrent à l'éloquence ; ce talent fut propre aux seuls Athéniens. Car qui, a jamais entendu parler d'un orateur d'Argos,. de Corinthe ou de Thèbes? Et parmi les Lacédémoniens il ne s'en est pas trouvé jusqu'à nos jours. » Une loi de Solon avôit ordonné qu'aussitôt que le peuple ~roit assemblé pour quelque affaire importante, un héraut crieroit à haute voix : Est-il quelque citoyen au-dessus de cinquante ans qui veuille prendre la parole? Cette loi autorisoit à discuter les intérêts de la patrie ceux qui avoient passé la plus grande partie de leur vie à en étudier la constitution et les lois et à en connoître les besoins 3. Riches de leur expérience, ces orateurs n'avoient pas besoin
1 Ruhrikenii Hist. crit. Orat. gr., dans son édition de Rutiliiis Lupue.
1 Brut. i3.
5 La loi sage de Solon tomba promptement en désuétude.
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de se préparer dans le silence du cabinet aux questions qui alloient être proposées; maîtres de leurs passions que l'âge avoit amorties, ils pouvoient, sans danger, s'abandonner à l'impression que la proposition faisoÏt sur leur âme. Alors l'éloquence n'étoit pas un art; c'étoit l'épanchement naturel des sentimens qu'on éprouvoit. Telle étoit l'éloquence des Thémistocle, des Cimon, des Alcibiade, des Thucydide et des Périclès. Ce dernier possédoit au suprême degré le talent de persuader et d'entraîner les suffrages de la multitude1.
Lorsque les historiens commencèrent à insérer dans leurs compositions les harangues prononcées par les hommes d'état, ceux qui parloient en public sentirent la nécessité de mettre à leurs discours un soin qu'ils avoient négligé jusqu'alors, et, au lieu de s'abandonner à l'inspiration du moment, ils commencèrent à préparer leurs discours et même ~tes rédiger par écrit. Ainsi se forma à Athènes un art nouveau dont la Sicile avoit déjà produit des maîtres, et dont les lois étoient tracées daais des ouvrages qu'on ne connoissoit pas encore dans la Grèce orientale. Environ quatre siècles et demi avant J.-C., un certain CORAX donna en Sicile les premières leçons de rhétorique. Corax
1 Cicèran parle en deux eudroiis ( Brut. c. 7, et de Orat. II, 23 ), d'ouvrages exislans de Périclès, ou qui, au moins, lui étoient atlribue's. Plutarque dit expressément que cet orateur n'a rien mis par écrit, et Quiritilien ( Inst. Or. X, 1) rapporLc qu'on regardoit comme supposé tout ce qui portoit sou nom.
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avoit été Pami d'Hiéron : après la mort de ce prince ', il trouva moyen de perpétuer l'influence dont il avoit joui, en gagnant l'assemblée du peuple par son éloquence insinuante. Il consigna les principes d'un art qu'il avoit inventé, dans un ouvrage regardé généralement comme perdu, mais qui peutêtre nous reste sous le titre de Rhétorique adressée à Alexandre par Aristote. Une lettre de ce philosophe nous,apprend qu'il envoya àson élève trois rhétoriques à -la fois, savoir celle de Corax, et deux qu'il avoit composées lui-même : l'une des dernières étoit divisée en deux livres et adressée à Théodecte; l'autre, en trois livres, avoit été rédigée pour être présentée à Alexandre. Cette dernière nous reste; celle en deux livres est probablement perdue. Il est vrai qu'on la trouve dans les éditions d'Aristote ; mais l'ouvrage qu'on nous donne pour cela, ne ressemble guère aux écrits sortis de la plume du Stagirite. On y remarque même diverses traces qui paroissent indiquer que son auteur ne connoissoit pas la forme de gouvernement établie en Macédoine. Enfin, les chap. 5o et 59 renferment des exemples qui trahissent un auteur Syraeusain. 11 paroît donc que l'ouvrage en question n'est pas une des deux rhétoriques d'Aristote, et qu'elle est plutôt celle de Corax également envoyée à Alexandre par son ancien précepteur. Il faut cependant convenir que si elle est de
1 Ol. LXXVIII , 2, = 467 ans avant J.-C.
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dorax, elle a été interpQlée, et qu'on y a ajouté des exemples qui ne sauroient provenir de ce maître. C'est ainsi qu'au chap. g, il est question de
l'expédition de Dion contre Denys qui n'eut lieu que 557 ans avant J.-C.
Corax eut deux disciples, TISIAS et EMPÉDOCLE de Tarente. Un disciple de ce dernier porta l'art oratoire à Athènes : ce fut GORGIAS de LéontÍum.
« Il y vint pendant la guerre du Péloponnèse, et étonna la Grèce par son talent brillant et fécond.
Les babitans de Léontium l'avoient député pour implorer l'assistance des Athéniens; il parut à la tribune et récita une harangue dans laquelle il a voit entassé les figures les plus hardies et les expressions les plus pompeuses. Ces frivoles ornemens étoient "distribués dans des périodes tantôt assujetties à la même mesure , tantôt distinguées par la même chute; et quand ils furent déployés devant la multitude,. ils répandirent un si grand éclat que les Athéniens éblouis secoururent les Léontins, forcèrent l'orateur à s'établir parmi eux et s'empressèrent de prendre chez lui des lecons de rhétorique 2. »
Gorgiasavoit imaginé, à l'exemple des poètes, différentes manières de figurer ses périodes, soit en donnant à chaque membre un nombre égal de
1 Voy. Mémoire sur l'Art oratoire de Corax} par Garnier, dans les Mémoires de l'Institut de France, classe d'histoire et de littérature ancienne, vol. II, p. 44.
2 Voyage du jeune Anacharsis.
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syllabes ( ~taoxcoAoc ), et les mêmes intervalles pour l'élévation et l'abaissement de la voix, soit en opposant les membres l'un à l'autre ( et ces antithèses étoient ou dans les choses, ou dans les mots, ou dans les unes et les autres); soit en plaçant à la tête de chaque membre les mêmes mots, en entier ou avec quelques changemens (irapfoa-), soit enfin en donnant aux dernières syllabes les mêmes chutes et les mêmes terminaisons (Ófl°tO'n:À{uToc). On lui attribue l'invention de la figure que les rhétoriciens ont nommé apostase, et qui consiste à détacher les pensées et les phrases, sans leur laisser entre elles aucune liaison 1.
Malgré l'enthousiasme que Gorgias excita en Grèce, si nous pouvons en juger d'après les deux discours ou déclamations qui nous en restent, il ne fut qu'un écrivain froid dans lequel la magniifcence des expressions cachoit souvent la stérilité des idées.
Ces deux discours sont un Elog; drélène et une Apologie de Palamède; la dernière remplie de subtilités sophistiques n'est peut-être pas de lui. Pollux cite un Onomasticum de Gorgias : si cet ouvrage étoit vraiment du sophiste de Léontium, son antiquité seule devoit empêcher ce compilateur d'en parler avec dédain, comme il fait2.
Le nouvel art prospéra à Athènes; mais on y en
1 Voy. Onzième Dissertation sur l'origine et les progrès de la rhétorique dans la Grèce, par Hardion, dans les Mém. de l'Acad. des Ioscr. etBelles-Lettres, vol. XIX, p. 204.
1 Onom. Prsef. ad liln. IX.
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fit un plus noble usage que Gorgias. « On y distingua deux espèces d'orateurs,. ceux qui consacroient l'éloquence à éclairer le peuple dans ses assemblées ou à défendre les intérêts des particuliers, et ceux qui, en cultivant la rhétorique par un sordide intérêt, ou par une vaine ostentation, déclamoient en public sur la nature du gouvernement ou des lois, sur les mœurs, les sciences et les arts, des discours superbes dans lesquels les pensées étoient offusquées par le langage1. »
POLUS d'Agrigente, disciple de Gorgias, écrivit une rhétorique qui lui fit une grande réputation.
Le seul disciple de Gorgias à Athènes qui acquit une certaine réputation, fut ALCIDAMAS d'Elée en Eolide (en Asie-mineure). Il nous en reste deux morceaux, savoir un Discours dulysse contre Palamède, et un Discours contre les sophistes.
Si ces deux écrits sont authentiques, ils méritent quelque intérêt, comme appartenant aux plus anciennes productions de l'art oratoire. Avec Alcidamas finit l'école sicilienne.
Lorsque dans l'époque suivànte les grammairiens d'Alexandrie rédigèrent le canon des auteurs classiques , ils y comprirent dix Orateurs attiques. Pour nous conformer à l'usage; nous allons en parler dans l'ordre accoutumé.
ANTIPHON de Rhamnus en Attique, né au commencement de la LxXVe Olympiade fils de l'o-
1 Voyase du jeune Anacharsis.
a 479 ans avant J.-C. Yoy. Spaan, de Antiphont. Lugd.-Bat. 1766,
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rateur Sophilus qui fut lui-même son maître, Antiphon suivit aussi les leçons de Gorgias. Lès anciens disent que c'est lui qui a inventé la rhétorique. Voici -comment on doit eniendre cette proposition. Avant lui l'école sicilienne avoit enseigné et pratiqué l'art de parler; mais Antiphon fut le premier qui sut appliquer les principes à l'éloquence judiciaire et aux affaires qui se traitoient devant l'assemblée du peuple ; aussi Hermogène l'appelle-t-il l'inventeur du genre politique'. Antiphon exerça cet art avec succès, et il l'enseigna dans une école de rhétorique qu'il ouvrit2 et où Thucydide se forma. Si l'on peut ajouter foi à un récit de Photius, il avoit placé au-dessus de la porte de sa maison cette inscription : Ici l'on console les malheureux. Antiphon composoit, à prix d'argent, des discours pour des accusés, que ceux-ci apprenaient par coeur, ou pour des démagogues qui les débitoient comme leurs ouvrages : cet usage qu'il pratiqua le premier l'exposa à la satire des poètes. Il ne parla lui-même qu'une seule fois en public; ce fut pour se défendre contre une accusation de trahison.
.Antiphon commanda plusieurs fois , dans la guerre du Péloponnèse, des corps de troupes athé-
in-4° , et Rulznken, Dissert, de AUliph. ( Orat. gr. Reisk., vol. VU , p. 795- )
1 OXoç svp £ T*IÇ xaî ètPXYJ)'oç toy TUTIOU •TroXtTixow. HERMOG. de Form. Or. ,
Il J p. 498.
2 PLUT. Belloae an pace clarior. Ailien., p. 35o. (Ed. Reisk. vol. VU, IJ. 381. )
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niennes ; il équipa à ses frais soixante trirèmes. Il eut la principale part à la révolution qui établit à Athènes le gouvernement des Quatre-Cents dont il - fut membre. Pendant la courte durée de cette oligarchie , Antiphon fut envoyé à Sparte pour y négocier la paix : le mauvais succès de cette ambassade renversa le gouvernement. Antiphon fut accusé de trahison et condamné à mort1.
Les anciens citent une Rhétorique; JYXWJ pvjTopsxri, d'Antiphon, et ils ajoutent qu'elle étoit la plus ancienne ; ce qui veut dire qu'elle fut la première qui enseigna l'application de l'art de parler aux affaires du barreau. Ils citent encore trente-cinq ou même soixante de ses discours, savoir, des discours tenus devant l'assemblée du peuple, a-nliMo"pCXOt; des discours judiciaires, ~Sixtxvtxoi, et des morceaux de parade, imSesxrcxoc. Il nous reste en tout quinze harangues de cet orateur, toutes du genre de celles qu'Hermogène appelle Xoyot ~cpovsxot, c'està-dire se rapportant à des procès criminels. Trois de ces discours ont été effectivement prononcés ou destinés à l'être dans des procès qui ont été jugés de son temps. Ils sont intitulés : Accusation d'empoisonnement contre une belle-mère, ~KcxtriyopCcx.
d fi' 1 , l 'd rode, Ilepl tou Hpco<5oo cpovou- c'est un plaidoyer en
1 D'après une autre version rapportée par Photius, mais certainement fausse, il fut mis à mort par Denys de Syracuse, soit pour avoir critiqué les tragédies de ce prince, soit pour uu mot hardi qu'il avoit dit en sa présence. Quelqu'uu ayant demandé quel étoit le meilleur airain : Celui, répondit Antiphon, dont on a fait les statues d'Harinodius et Aristogiton.
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faveur d'un prévenu ; on le regarde comme le meilleur morceau d'Antiphon; Sur le meurtm du Choriste, Hept TO\J ~XOPEtnoU. Il s'agit dans ce discours de la mort d'un jeune homme qu'on attribuoit à son maître. Ce morceau est tronqué.
Les douze autres discours d'Antiphon sont des espèces d'études plutôt que des discours prononcés ou achevés. Ils sont distribués en trois tetralogies dont chacune se compose de quatre discours roulant sur le même sujet. Il y règne beaucoup d'obscurité dont une bonne partie provient de l'état corrompu dans lequel le texte nous est parvenu.
Hermogène porte ce jugement d'Antiphon : cc Il estclair dans l'exposition, vrai dans la peinture des sentimens, fidèle à la nature, et par suite persuasif; mais il ne possède pas ces talens au point où les portèrent les orateurs subséquens. Quoique sa diction soit souvent grandiose, elle est pourtant polie : en général il manque de vivacité et d'énergie » Nous observerons encore que les trois discours achevés méritent l'attention des antiquaires, parce qu'ils font connoître la forme de la procédure criminelle à Athènes.
ANDOCIDE, fils de Léogoras, d'une famille noble d'Athènes5 commanda la flotte athénienne dans la guerre entre les Corinthiens et les Corcyréens. Par
1 L. c. p. 497.
- a Ne 01. LXXVIII, 1, = 468 avant J.-C. j mort 01, XCV, 1 , = 4oo.
f Sa famille prelendoit descendre de Mercure par Ulysse.
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la suite il fut accusé d'avoir eu part à l'outrage, commis contre les hermès ou statues de Mercure, crime dont. Alcibiade étoit regardé comme un des auteurs. Andocide ayant été arrêté pour ce sacrilége, échappa à la punition en dénonçant ses complices vrais ou prétendus. Photius ajoute que parmi eux étoit Léogoras , mais qu'Andocide trouva moyen d'obtenir la grâce de son père. Le même auteur rapporte divers autres traits de la vie de l'orateur qui le forcèrent de quitter Athènes. Il y rentra sous le gouvernement des Quatre-Cents, et fut mis en prison; néanmoins il réussit à s'évader.
Il retourna une seconde fois dans sa patrie après la chute des trente tyrans. Ayant échoué dans une ambassade à Sparte qui lui avoit été confiée, il n'osa plus se montrer à Athènes et mourut dans l'exil.
Andocide n'employa son talent oratoire que pour ses propres affaires. Les- quatre discours qui nous en restent sont plus importans pour l'histoire de la Grèce qu'ils ne prouvent de talent. Le premier se rapporte aux mystères d3Eleusis, qu'on l'accusoit d'avoir profanes, Ilepï [xixmp&w. Le second, Ilept xaôoèou, traite de sa (seconde) rentrée à Athènesy le troisième, Ilepi zlprmç, de la Paixy fut prononcé 01. XCV, 4, à l'occasion de la paix avec Sparte; le quatrième est dirigé contre Alcibiade, Kocrà ÀÀXtŒcaSov. Induit en erreur par un passage de Plutarque', Taylor a cru que ce discours étoit de PHÆAX,
1 In Alcib., p. 196. ( Ed. Reisk. , vol. II , p. 21.)
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un des antagonistes diAlcibiade; mais Ruhnken a prouvé que c'est une erreur 1.
LTSIAS d'Athènes2, fils d'un Syracusain nommé Csephalus, fut, à l'âge de quinze ans, un des fondateurs de la colonie de Thurium. Après avoir pris à Syracuse des leçons d'éloquence de Tisias, il prit part au gouvernement de Thurium jusqu'à l'âge de plus de cinquante ans. Exilé alors comme partisan d'Athènes, il se rendit dans sa ville natale d'où il fut encore obligé de se sauver lors de la tyrannie des Trente; il se retira à Mégare. 11 s'associa à Thrasybule pour la délivrance de sa patrie et termina ses jours à Athènes. Photius parle de deux cent trente-trois harangues de Lysias que luimême ou l'auteur de la Vie de cet orateur qu'il avoit sous les yeux, reconnoît comme authentiques.
Il n'en reste que trente-quatre qui sont toutes du genre judiciaire et se distinguent par la méthode qui y règne.
La pureté, la clarté ? la grâce, le sentiment des convenances, sont les qualités qui distinguent Lysias ril auroit été un orateur accompli, s'il avoit eu la force de Démosthène. Son style est élégant, sans être surchargé d'ornemens, et toujours soutenu.
Les anciens louent surtout son talent de parler convenablement et avec art sur des sujets peu impor-
1 Hist. ciit. orat. gr., p. LIV de l'édition de Rutilius Lupus.
- Né 01. LXXX, 2, = 459 avant J.-C. Mort 01. C, ou environ 38o ans avant J. C.
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tans. Le texte de ses discours, tel que nous l'avons, est très-corrompu.
Le chef-d'œuvre de Lysias est son Oraison f unèbre des Athéniens qui, envoyés au secours des Corinthiens sous le commandement d'Iphicrate , avoient péri dans la bataille livrée par ce général 01. XCVI, 5.
ISOCRATE d'Athènes1, fils de Théodore et disciple de Gorgias, Prodicus et Tisias. La natpre ne lui ayant donné ni assez de hardiesse ni l'organe nécessaire pour paroître devant les assemblées populaires , il fonda une école de rhétorique et enseigna son art avec un brillant succès. Les plus grands orateurs de la Grèce, Isée, Lycurgue, Hypéride,
Démosthène, se formèrent à son école. Sans jamais remplir aucune fonction publique, il se rendit utile à la patrie par les discours qu'il publia sur divers sujets de politique. Après la bataille de Chéronée, ne voulant pas survivre à l'indépendance de son pays, il se laissa mofTrir d'inanition, âgé de cent ans. « Pour se faire une juste idée de la grande considération que s'étoit acquise Isocrate, il ne faut que, se rappeler en quel crédit et de quelle usage étoit alors l'éloquence, et quel étoit en ce genre la réputation d'Isocrate. Il avoit vu successivement passer dans son école tous ceux que leurs talens ou leur naissance distinguoient dans la Grèce, et il avoit vécu assez long-temps pour les
1 Né 01. LXXXVI, i, = 436 ans avant J.-C. Mort 01. CX; 3, -338.
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voir parvenir aux premières charges de leurs républiques et à la plus grande réputation. Ces grands hommes n'avoient pas cessé d'entretenir une liaison étroite avec leur ancien maître; il n'étoit pas moins connu et révéré dans toutes les cours des princes voisins. Regardé partout comme un grand philosophe et comme un homme d'état, autant que comme un excellent maître d'éloquence, on le consultoit de toutes parts ; et il n'y avoit personne qui ne se crût honoré d'être en commerce avec lui, de sorte qu'on ne peut pas douter qu'il n'ait écrit une infinité de lettres sur des sujets trcs-importans, et qui nous appreijdroient aujourd'hui mille choses curieuses, si nous les avions1. »
Si les ouvrages de cet orateur ne sont pas toujours écrits avec force et chaleur, ils se distinguent au moins par l'importance des sujets qui y sont traités. Son style est pur et gracieux; il a quelque chose d'affectueux et d'insinuant. Simple quand il faut instruire l'auditeur, il prodigue les ornemens quand il veut donner aux choses du relief et de la grandeur. Il entasse même alors les figures que son maître, Gorgias, avoit mises à la mode, les antithèses et les consonnances. Toujours attentif au nombre et à la cadence, il ne donne pas assez de concision à sa période : elle devient alors diffus@.
aux dépens du mouvement et de la force.
1 Recherches sur les ouvrages d'Isocrale que nous n'avons plus, par l'abbé ratry, daus les Mém. de l'Acad. des Inscrip. et Belles-Lettres, vol. XIII, p. 171.
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,On a dit qu'on s'aperçojt trop, en lisant les discours d'Isocrate, xhi travail qu'ils ont coûté à leur auteur et du temps qu'il a employé à les polir. Le plus achevé de ses ouvrages est celui qui est intitulé Ilavr/yupaoç, Panégyrique , c'est-à- dire discours prononcé devant le peuple assemblé. Le Panégyrique d'isocrate fut prononcé à la solennité des Jeux Olympiques ; il s'adresse à tous les Grecs; mais il a pour objet d'exalter le mérite des Athéniens, de faire voir que le premier rang parmi les états confédérés, l'hégémonie, rI)'Ep.o1Jda, leur étoit due préférablement aux Spartiates, et à engager tous les Grecs à se réunir pour faire la guerre aux Perses. On prétend qu'isocrate a poli et retouché ce discours pendant dix ou quinze ans, c'est un chef-d'oeuvre de composition.
Nous avons vingt autres discours d'isocrate.
Dans ce nombre il y en a trois du genre parénétique ou moral, savoir ; 1°. IIpoç AyjfjLovixov, Discours adressé à Demonicus, fils d'Hipponicus, qui, avec frère Callias, appartenoit aux citoyens les plus considérés d'Athènes. Plusieurs critiques ont pensé que ce morceau pleki d'une excellente morale, mais qui est plutôt une épître qu'un discours, n'est pas d'isocrate d'Athènes, mais d'un des deux autres orateurs de ce nom, dont il est question, dit-on, dans i les ouvrages des anciens, savoir ISOCRATEd'ApolIonie (du Pont) ou d'Héraclée, qui fut disciple de celui d'Athènes; et ISOCRATE qui fut, dit-on, l'ami
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de Denys d'Halicarnasse.ll est certain qu'Harpocration cite un discours de l'Apolloniate sous le titre de Parénèse à Démonicus, et il n'est pas probable que le maître et le disciple aient écrit des exhortations adressées à ce citoyen. Quant au troisième Isocrate, nous doutons qu'il ait existé : car de ce que Denys d'Halicarnasse 1 appelle l'Isocrate qui a écrit la Parénèse au fils d'Hipponicus, son ami et celui d'Echécrate auquel il a adressé sa Rhétorique ( o aÓç iraTpoç xàà ~epoç), il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il ait voulu parler d'un contemporain.
2°. IIpoç NfxoxÀea, Discours adressé à Nicoclès II, fils d'Evagoras et prince de Salamine, sur l'art de régner, ou comme l'a intitulé un ancien traducteur français, Institution du jeune Prince.
3°. NixoxAyîç , Nicoclès, discours mis dans la bouche de ce prince, ou composé pour ctre récité par1 lui, et traitant des devoirs des sujets envers leur souverain. Nicoclès récompensa ? dit-on, l'auteur par un présent de vingt talens. Ce morceau est quelquefois cité sous le titre de Discours cyprique, Ku7rproç x oyoç.
Cinq autres harangues d'Isocrate sont du genre symbouleutique ou délibératif ; savoir, IoLe Panégyrique dont nous avons parlé.
2°. $1X117T7oç ou IIpoç$& £ ip7tov , Discours adressé à Philippe de Macédoine, pour l'engager à se porter médiateur entre les villes grecques et à faire la
1 Art. Rhet. c. 5. Ed. Reisk. vol. V, p. 250.
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guerre au roi de Perse. C'est sans doute de ce discours qu'a voulu parler Elien en racontant que c'est le Panégyrique d'Isocrate qui a excité Philippe et son fils à envahir l'empire de Perse*.
3°V Ap%$apaç., Archidamas. Sous le nom de ce prince qui monta ensuite sur le trône de Sparte, l'orateur engage les Lacédémoniens, après la bataille de Mantinée, à ne pas rétablir Messène.
4°. ÂpeiOTZQcyirixbq Aréopagitique 3 un des meilleurs discours de notre orateur. Il y conseille aux Athéniens -de rétablir la constitution de Solon, modifiée par Clisthène.
■ liés. Dans ce discours prononcé 01. CV, 4, après le commencement de la guerre sociale, Isocrate conseille aux Athéniens de faire la paix avec leshabitans de Chios, de Rhodes et de Byzance, et à renoncer à la suprématie.
Quatre discours sont du genre des éloges, iyxoiprécç-txof, savoir: 10. ~Èua-yopaç, Evagoras, ou oraison funèbre d'Evagoras, roi de Chypre et père de Nicoclès, qui avoit été assassiné 01. CI, 5.
2°. ÊvUvyjç ryxwfjuûv, Éloge d'Hélène, morceau rem- pli de digressions agréables.
5°. Boi5a<p:ç, Busiris. La mythologie grecque nous parle de ce fils de Neptune et de Lysianassa qui régnoit en Egypte et y introduisit les sacrifices hu-
1 Var. bist. XIII, 11.
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mains. Hercule délivra la terre de ce monstre. Le sophiste Polycrate avoit écrit sur Busiris ; Isocrate qui le haïssoit, parce qu'il avoit aussi publié une accusation de Socrate, voulut, en traitant le même sujet, mortifier le sophiste et faire tomber son ouvrage.
-4°. -, le Panathénaïque, ou éloge des Athéniens; un des meilleurs morceaux d'Isocrate, mais qui nous est parvenu dans un état défectueux.
- Il existe huit actions judiciaires, ou X oc atzcxvtxoc, d'Isocrate.
1°. n).('('t'a',xoç, plainte des habitons de Platée contre les Thébains.
2°. Ilept'T^çàvTt5o(7ea>ç, De Véchange de la fortune.' Ce morceau qu'on ne possédoit que tronqué, a été complété de nos jours par M. Moustoxydès. D'après la législation athénienne les trois cents plus riches citoyens étoieni obligés d'armer à leurs dépens des trirèmes. Si quelqu'un de ceux qu'on avoit portés sur la liste, se prétendoit moins riche qu'un autre dont le nom ne s'y trouvoit pas, il pouvoit l'appeler en jugement et le forcer soit à prendre sa place, soit à faire un troc de leurs fortunes respectives.
Isocrate ayant acquis de grandes richesses, cette action judiciaire lui fut intentée deux fois rla première fois Alpharéus, son fils adoptif, plaida sa cause et gagna le procès; la seconde fois, attaqué par un certain Lysimaque, il succomba et fut obligé d'équiper une trirème. C'est le discours qu'il proe nonça pour sa défense, dont il s'agit.
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5°. ïïepxt ro\) < £ g&yaoç, de la paire de fhevaux, plaidoyer prononcé pour le fils d'Alcibiade.
4°. ~TpaenzÇiTixlç, plainte contre le banquier Pasien, relative à un dépôt.
5°. ~Ilapocypacptxoç TTpoç KaU(¡.c.aX°"ll, Action translative contre un certain Callimaque
6°. ~Atyivrrrcxbç, plaidoyer prononcé à Egine, dans une affaire .{le succession.
7°. ~Karà TOO Ao^/rou, plainte pour violence contre un certain Lochitus.
doyer pour Nicias contre Euthynus, dépositaire infidèle qui comptoit sur l'impossibilité de prouver le dépôt faute de témoins.
, Enfin, il existe un discours d'Isocrate contre les sophistes, xarà rcov <rocptç-wv> qu'on ne peut placer dans aucune de ces catégories.
Isocrate avoit aussi composé une Rhétorique, ou, comme on disoit,une T{xm, une théorie. Cicéron dît * qu'il n'a pu se procurer cet ouvrage : il est cependant cité par Quintilien3.
Outre la Vie des dix orateurs, il existe une Biographie d'Isocrate par un auteur anonyme trèsmoderne : elle renferme diverses choses qu'on ne trouve pas ailleurs.
Cette Vie d'Isocrate a été publiée, pour la première fois, d'après .deux manuscrits de Florence, dans la collection de
i Nous parlerons des paragraphes à l'article de Demosthène.
2 De Iuvent. II, 2.
3 Inst. Or. III, a et 14.
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M. André Moustoxydès et Défnétrius Schina. (Voy. Introd., p. Ixxix. ) M. Conr. Orelli l'a fait réimprimer dans le second volume de ses Opuscula Graecorum veterum sententiosa et moralia.
ISÉE de Chalcis ou d'Athènes, disciple de Lysiaset d'Isocrate, fleurit 55o ans avant J.-C. Il fut un des maitres de Démosthène. Son style ressemble beaucoup à celui de Lysias; il est élégant et vigoureux, mais Denys d'Halicarnasse ne lui trouve pas la simplicité de Lysias. Il connoît mieux que celuici, l'art de disposer un discours et toutes ses parties, mais il est moins naturel. Quand on lit l'exposition d'un discours de Lysias, rien n'y paroît artificiel; tout est étudié dans les expositions d'Isée.
Dans les démonstrations il n'est pas serré comme Lysias, mais il s'efforce plutôt à exciter les passions, et il a frayé ainsi la route que Démosthène a poursuivie avec tant de succès 1. Les onze discours d'Isée3 qui nous restent, sont tous des actions judiciaires, et relatifs à des affaires de succession; ce qui est cause qu'on les cite sous la dénomination de Xoyoi xkripixoi, discours concernant des héritages.
ESCHINE d'Athènes, fils d'Atrômatus , et surnommé le Rhéteur pour le distinguer du philosophe du même nom3 fut le plus illustre des orateurs grecs après Démosthène. Né dans une condition
1 DION. HALIC. de Isseo judicium. (Ed. Reisk, vol. Y, p. 613 el suiv.)
5 Avant 1785 on n'en connoissoif que dix.
5 Voy. cliap. XXII.
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obscure, il aida, jeune encore , son père dans l'exercice de sa place de maître d'école, se loua ensuite comme acteur tragique ', et fut greffier d'un juge de village , emploi ressemblant à celui de nos huissiers et regardé comme peu honorable.
Quelques auteurs veulent en faire un disciple d'Isocrate et de Platond'autres, avec plus de vraisemblance, pensent qu'il n'a eu de maître que la nature : ils ajoutent que le barreau et les planches du théâtre ont été les seules écoles où il s'instruisit ; que dans l'emploi de greffier il acquit quelque connoissance des lois et la pratique des affaires, et qu'en jouant la tragédie , il forma sa voix et prit la hardiesse nécessaire pour parler en public. Ce qui est sûr, c'est qu'Eschine fut très-long-temps à se faire connoître, et qu'il étoit assez avancé en âge, lorsqu'il commença à se mêler des affaires de la'république*. L'éminence - de son talent lui procura alors promptement une grande influence. Il fut envoyé comme ambassadeur dans le Péloponnèse , auprès de Philippe de Macédoine et au conseil des Amphictyons. Ce fut à la cour de Philippe qu'il se brouilla avec Démosthène, son collègue, dont il fut dès ce moment l'antagoniste irréconciliable. Il -ne put pas se laver du soupçon d'avoir été gagné par l'or de ce prince.
1 JETPTTUYWVTÇÎC y il joua les troisièmes rôles, dit PHOTIUS, Uibl. cod, LXr.
1 -..a
s' Voy. Recherches sur la vie et sur les ouvrages d Eschme, par J'abbé Vatry, dans lell Mém. de l'Académie des Inscriptious et Belles-Lettres, vbl. XIV, p. 87. -
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Ayant'Succombé dans son procès contre Ctésiplion, dont nous parlerons lorsqu'il sera question de Démosthène , et ne pouvant payer l'amende que la loi imposoit à ceux qui, dans des actions de ce genre, ne réunissoientpasla cinquième partie au moins des suffrages, il fut obligé de s'expatrier.
Son projet étoit de se rendre en Asie auprès d'Alexandre; mais ayant appris en route la mort de ce prince,.il s'arrêta à Rhodes, où il ouvrit une école de rhétorique : il la transféra ensuite à Samos, où il mourut à l'âge de 75 ans. -
« L'éloquence d'Eschine se distingue par l'heureux choix des mots, par l'abondance et la clarté des idées , par une grande facilité qu'il devoit moins à l'art qu'à la nature. Il ne manque pas de-clarté, quoiqu'il n'en ait pas autant que Démosthène 1. »
Nous ne possédons que trois harangues d'Eschine, et il paroît que très-anciennement déjà il n'en existoit pas davantage; car Photius dita qu'on avoit coutume de désigner ces discours sous la dénomination des Grâces d'Eschine. La plus célèbre de ces harangues est le plaidoyer contre Ctèsiphon, xcr-rà KTTjo-jcpcav-roç, proprement dirigé contre Démosthène , auquel cet orateur vouloit faire décerner une couronne d'or. Nous aurons une autre occasion de parler de ce procès. La postérité a confirmé le jugement des Athéniens et des anciens rhéteurs qui donnèrent la préférence au discours que Dé-
1 Voyage du jeune Anachaisis.
» Uibl. cod. LXI.
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mosthène opposa à celui d'Eschine ; néanmoins: celui-ci doit être regardé aussi comme un ouvrage accompli. Il y règne un ordre, une netteté et une précision admirables, sans aucune sécheresse. Aussi Cicéron avoit-il choisi ce morceau pour le traduire en latin.
Un autre discours d'Eschine , XOCTOC TFJXAPYOV , contre Timarque, est dirigé contre un citoyen d'Athènes qui s'étoit réuiii à Démosthène dans l'accusation que celui-ci porta contre Eschine au sujet de son ambassade; mais Eschine le prévint, en le traduisant lui-même én justice pour avoir consumé son patrimoine en folles dépenses ( croup-feeux; ) ; une conduite si légère excluoit de la tribune ceux qui s'en étoient rendus coupables ; car qui n'avoit pas su remplir les devoirs d'un bon père de famille, étoit regardé comme incapable de donner des avis salutaires à ses concitoyens. Timarque perdit ce procès et se pendit.
Démosthène ne fut pas intimidé par ce revers ; il accusa Eschine de prévarication. Celui-ci lui opposa le troisième de ses discours qui nous restent : il est intitulé Ilepl TrapocTrpeaffetaç, c'est-à-dire du reproche de s'être mal acquitté de sa mission auprès de Philippe de Macédoine. Si ce discours ne prouve pas sans réplique l'innocence d'Eschine, au moins étoit-il fort propre à faire illusion à la multitude qui se paie aisément de paroles; d'ailleurs il faut convenir que les preuves fournies par Démosthène n'étoient pas absolument juridiques.
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On ne connoît pas précisément l'issue de ce procès., Eschine ne fut pas condamné, voilà qui est sûr : il paroît qu'il trouva moyen d'étouffer cette affaire sans qu'il fût prononcé un jugement. Photius dit qu'il fut acquitté par une majorité de trente voix.
LYCURGUE d'Athenes, fils de Lycophron et petitfils de ce Lycurgue qui fut l'une des victimes de la tyrannie des Trente , a été disciple de Platon et d'Isocrate. Il fut bon citoyen, zélé patriote, administrateur intègre. Comme homme d'état il suivit les principes de Démostliène auquel il fut constamment attaché. Il mourut 525 ans avant J. -C., plus qu'octogénaire, et ses enfans auxquels il ne laissa pas de patrimoine, furent élevés aux frais de l'état.
Un décret du peuple que Plutarque nous a conservé1 ordonha qu'à perpétuité, l'aîné de ses descendans seroit entretenu au Prytanée.
Nous n'avons qu'une seule harangue de Lycurgue : c'est une -accusation contre Léoèrate, Kocrà ~Aecoxparyjv. Elle fait voir que l'éloquence de Lycurgue étoit plutôt un don de la nature qu'un fruit de l'art. Ce discours est rempli de digressions mythologiques.
Lycurgue est l'auteur de ce décret2 qui ordonna le dépôt aux archives, d'an exemplaire authentique des tragédies d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide. Il est probable que nous possédons un fragment du compte de son administration (TTOVTCOV 6W
1 Vita decem Orat, in fine.
Il Voy. ci-dessus, p. 70.
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Sidpxrpa otvaypo«p^) que d'après Plutarque il fit graver sur une colonne : cette inscription est une de celles que Fourmont a copiées à Athènes1.
HYFERIDE a Athènes, l'ami de Démosthène, devint son accusateur, lorsque celui-ci accepta de l'or des émissaires du roi de Perse. Il se réconcilia ensuite avec Démosthène; Antipater le fit mourirpresqu'à la même époque où périt son ami Il est regardé comme le troisième orateur d'Athènes, ou le premier après Démosthène et Eschine auxquels personne n'est comparable. Denys d'Hali-carnasse loue sa force, la simplicité de l'ordonnance, la méthode des discours d'Hyperide5. Dion Chrysostôme paroît l'avoir préféré à tous les autres orateurs attiques, à l'exception d'Eschine 4.
11 n'existe aucune harangue qu'on puisse lui attribuer avec certitude.
Libanius le croit l'auteur d'une harangue qui se trouve parmi celles de Démosthène : elle est intitulée : Ilepi Téov - rrpoç AAe £ av<5pov cvvdrjxcov, Sur les conventions avec Alexandre. Les anciens citent son discours contre Aristogiton qui avoit entamé contre lui une action judiciaire, parce qu'après la bataille de Chéronée, il avoit fait passer une loi qui accordoit la liberté aux esclaves, le droit de cité aux étrangers et la faculté de parvenir aux fonc-
1 Voy. vol. 1, p. 235.
s 01. LXIV, 3 , = 32a ans avant. J.-C.
'S De Dinarcho iud. Ed. Tleislc. TOI. JI, p. 643.
4 Or. XVIII. Ed. Reislc. p. 372.
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Tions publiques à ceux qui en avoient été déclarés déchus par jugement. C'est à tort que Reiske lui a attribué un des deux discours contre Aristogiton qui se trouvent parmi les ouvrages de Démosthène.
DINARQUE de Corinthe vécut à Athènes et y jouit comme orateur d'une grande considération; mais seulement lorsque Démosthène et Hyperide ne vivoient plus, l'an 520 avant J.-C. Il appartient, par conséquent, plutôt à la période suivante. Nous avons de cet orateur trois ou quatre âiscours d'accusation, savoir contre Démosthène, contre Aristogiton et contre Philoclès, auxquels on peut probablement ajouter celui contre Théocrine qui se trouve parmi les ouvrages de Démosthène. Le discours contre Démosthène , Karoc AyfioaOévovç, fut prononcé lorsque l'aréopage , chargé par le peuple de faire une enquêté contre les citoyens qui s'étoient laissés corrompre par Harpalus, ayant dénoncé Démosthène, celui-ci repoussa cette accusation comme calomnieuse. C'est dans ce discours de Dinarque que se trouve un passage qui a
beaucoup tourmenté les commentateurs, et dont nous avons déjà parlé lorsqu'il fut question de Bacis. Dinarque reproche amèrement à Démosthène d'avoir osé taxer de mauvaise foi un tribunal généralement respecté par son intégrité, et auquel étoit confiée la garde du testament secret dont dépendoit l Z t d l bZ' rf, , le salut de la république, 0 tpUAC«(](]êt rocç àrroppyfrouç ~SiaOwxocç E"II aTç roc rÇjç TVOXECOÇ ucorr/pcac xeTrai. Rien de plus précis que cette phrase qui ne paroît pas ad-
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mettre une traduction autre que celle que nous en avons donnée ; mais plus elle est précise, plus elle a de quoi nous surprendre, puisque dans aucun autre ouvrage de l'antiquité qui nous est parvenu, il n'est question de ce testament secret. Jérôme a proposé de substituer au mot de diaO-feo(ç, celui de Syïxaç, qu'il entend des corbeilles sacrées que les femmes portoient dans les mystères d'Eleusis. C'est trancher la difficulté au lieu de la résoudre ; c'est en.même temps faire dire une grande sottise à l'orateur. L'hypothèse par laquelle Reiske a essayé de sortir d'embarras, a au moins le mérite d'être spécieuse ; mais nous l'avons dit, elle ne repose sur aucun, fait historique. Un grand helléniste de nos jours en a proposé une autre qui, à défaut de faits positifs qui nous manquent, et qui seuls peuvent décider une pareille question, nous paroît beaucoup plus probable. L'emploi que l'auteur fait du mot de èiaBrtx<xi, ne permet pas de voir dans le dépôt confié à l'aréopage autre chose qu'une disposition testamentaire, ou une dernière volonté. M. Coray pense que ce testament est le secret qu'en mourant à Colone OEdipe n'a voulu confier qu'à Thésée. « Apprenez, fils d'Egée, ditil1 dans la tragédie de Sophocle, ce qui doit faire à jamais le bonheur de cette contrée. Je vais vous conduire moi-même sans guide au lieu où je dois expirer; mais gardez-vous de l'indiquer jamais ni de le faire connoître à personne, si vous voulez
1 OEdip. Colou., v. 1486.
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qu'il vous défende contre vos ennemis d'une manière plus puissante que ne feroient vos nombreuses armées réunies à celles de vos alliés. C'est un secret inviolable et sacré que vous apprendrez lorsque vous serez arrivé seul avec moi dans l'endroit où je vous mène : je ne saurois le révéler à personne, pas même à mes filles, malgré toute la tendresse iJue j'ai pour elles. Soyez observateur fidèle du
silence, et quand la fin de vos jours approchera, ne révélez ce secret qu'au digne successeur que vous aurez, et celui-ci au sien, d'âge en âge : par ce moyen votre ville n'aura jamais rien à craindre des attaques des Thébains. »
M. - Coray observe que dans tout ce récit il ne manque que le mot même de testament; mais qu'il est clair qu'OEdipe lègue à la ville d'Athènes son corps et tous les avantages qui doivent en résulter, à condition que Thésée et ses successeurs garderont le secret de sa sépulture, de peur que son corps ne soit enlevé et transporté chez les Thébains, devenus ses ennemis mortels. Il est permis de supposer que Thésée aura confié ce secret à l'aréopage, au lieu de risquer qu'il ne fût perdu, si les rois ne vouloient le transmettre à leurs successeurs qu'au moment de leur mort. On peut objecter que le récit concernant OEdipe n'est qu'une fable dont Sophocle a su tirer parti pour flatter les Athéniens ; mais il n'est pas croyable que Sophocle ait inventé cette fable ; il l'a, sans doute, puisée tlans une tradition populaire, et il l'aura ainsi at-
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tachée à l'opinion où l'on étoit que l'aréopage se trouvoit en possession d'un secret important d'où dépendoit le salut de l'ét-at'. Il nous reste à parler du plus grand de tous les orateurs d'Athènes, et du plus célèbre de toute l'antiquité. DÉMOSTHÈNE 'dl¡, Pœania en Attique, fils. de Démosthène, homme riche et propriétaire d'une manufacture d'armes, et de Cléobule, naquit la 4e.
année de la XCVIIle. Olympiade , 585 ans avant J.-C. s. A l'âge de sept ans il perdit son père: il avoit une sœur moins âgée que lui qui devint par la suite la mère de Democharès. Les tuteurs querle vieux Démosthène avoit institués pour ses enfans, dilapidèrent leur fortune, et négligèrent l'éducation du jeune homme confié à leurs soins. Néanmoins celui-ci suivit les leçons de JPlaton et d'Euclide de Mégare. Décidé dès sa première jeunesse à poursuivre un jour devant les tribunaux ses tuteurs infidèles, il auroit bien voulu être un des auditeurs d'Isocrate ; mais ne pouvant disposer de la somme que cet orateur se faisoit payer à titre d'honoraires 3, il se contenta, dit-on, d'une rhétorique ou instruction écrite d'Isocrate, qu'un dè ses amis lui
» Voy. Lettre de M. Coray à M. Chardon de la Rochetle, dans le Magasin encyclopédique, seconde année, vol. IV, p. 213.
a C'est la date indiquée par Plutarque. Denys d'Halicarnasse fixe 1 annre de sa naissance à 01. XCIX, 4 ; mais dans le discours contre Midins, tenu 01. CVI, 4, Démosthène dit qu'il avoit 32 ans; ce qui prouve la justesse de Ja date de Plutarque.
S Mille drachmes, 926 fr.
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procura. Ce qui est plus certain, c'est que plus tard, et lorsqu'il fut parvenu à l'âge de majorité, il prit îsée chez lui et étudia pendant quatre ans sous sa direction. Ayant un jour entendu Callistrate1 parler devant le peuple, il conçut le dessein de se Touer à une carrière sur laquelle cet orateur avoit jeté tant de lustre.
A l'âge de dix-sept ans, il parut devant les tribunaux, et prononça contre ses tuteurs et contre un débiteur de sa succession paternelle, cinq plaidoyers qui lui firent gagner son procès : ces discours auxquels Isée avoit peut-être mis la main.,- nous restent. Un succès si brillant enhardit probablement le jeune orateur à parler devant l'assemblée du peuple ; mais lorsqu'il le tenta pour la première fois, sa voix foible, sa respiration entrecoupée, ses gestes peu gracieux et ses périodes mal ordonnées le firent couvrir de huées., cc L'acteur Satyrus le ranima et lui donna des leçons. Démosthèhe mit en usage une obstination infatigable et ingénieuse pour former sa voix, fortifier sa poitrine ,. corriger ses gestes et acquérir ce grand art de l'action qu'il estimoit le premier de tous, sans doute en proportion des efforts qu'il lui avoit coûtés. Il ne poursuivoit pas avec moins de zèle l'étude du style et de l'éloquence. Les anciens nous parlent , de ce cabinet souterrain dans lequel il demeuroit enfoncé plusieurs mois, la tête à demi-rasée, copiant Thucydide , s'exercant à tout exprimer en
■ 1 Voy. p. 268 de cr volume.
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orateur, préparant des morceaux pour toute occasion, sans cësse déclamant, méditant, écrivant » *.
U reparut en public à l'âge de vingt-cinq ans et prononça deux discours contre Leptine, fiutwir d'une loi qui imposoit à tout citoyen d'Athènes, excepté les descendans d'Harmodius et d'Aristogiton, l'obligation d'accepter des fonctions onéreuses. L'e second de ces discours, intitulées Immunités, est regardé comme un de ses chefs-d'oeuvres. Démosthène travailla ensuite beaucoup pour le barreau. «L Ces travaux étoient, après son patrimoine, la source principale de sa fortune. On ne.
peut douter qu'il n'ait. composé beaucoup de discours que nous n'avons plus. On remarque, dans le grand nombre de ceux qui nous restent, que presqu'aucun n'est apologétique. Le caractère âpre et violent de Démosthène le portoit au rôle d'accusateur , si pénible pour Cicéron : il le remplit plus d'une fois en son nom et pour ses propres injures. »
Quels que fussent et l'honneur et les avantages que Démosthène acquit en pareissant au barreau, sa principale gloire lui est venue de ses discours politiques. La force de son génie -lui assura la plus grande influence dans le gouvernement de la république. A l'époque où Démosthène saisit le timpn des affaires2, l'état n'étoit plus, pour nous
1 Tout ce qui est entre guillemets est emprunté de l'excellent article DÉMOSTHÈNE rédigé par M. Villemain, pour la Biographie universelle.
* Quelques écrivains ont suppose que le peuple athénien nommoit des Il
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servir d'une expression de l'orateur Demade-1 que la carcasse du vaisseau que ThémLstocle, Gimon et PéricUs avoient gouverné. Le peuple étourdi des Fumées de la démocratie, s'étoit abandonné à sa légèreté et à son insouciance naturelles ; il étoit entré dans la route qui conduit nécessairement à la servitude. Les lois avoient perdu leur autorité ; l'austérité des anciennes mœurs avoit fait place à la mollesse, l'activité à la paresse, et la probité à la vénalité. Celle-ci produisit la trahison qui accéléra la ruine de la Grèce. Des vertus de leurs pères il ne resta aux Athéniens qu'un attachement porté jusqu'à l'enthousiasme pour leur sol natal, pour ce pays dont jadis les dieux eux-mêmes s'étoient contesté la propriété. A la moindre occasion ce patriotisme se manifestoit; grâce à ce sentiment le peuplé d'Athènes étoit encore susceptible, des plus grands efforts pour conserver la liberté2.Personne mieux que Démosthène n'a connu l'art d'exciter et d'entretenir cet enthousiasme. Sa pénétration lui avoit fait deviner les plans ambitieux de Philippe de Macédoine , dès les premiers pas qu'il fit pour en préparer les voies. Depuis ce moment Démosthène résolut de le combattre. Toute
orateurs chargés de discuter daus les assemblées publiques les affaires mises en délibération ; mais cela n'arrivoiL que dans des cas particuliers. Les orateurs nommés ainsi par le peuple étoient dés.ignés par le terme de Svviij'opoi, comme les défenseurs des particuliers.
1 C'est PLUTARQUE qui nous l'a conservée dans la Vie de Phocion, ch. J.
a Voy. Demosthenes Staatsreden, ùbersetzt von. Fr. Jacob s. Leip7.
i8o5, in-8°. Daus la Préface.
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sa carrièrç publique n'eut plus qu'un seul objet : guerre à.Philippe. Pendant quatorze ans celui-ci ne put faire un pas sans trouver sur son chemin ce terrible adversaire qu'aucune tentative ne réussit à corrompre. Ces quatorze années qui précédèrent immédiatement l'anéantissement de l'indépendance de la Grèce, sont l'époque du plus grand lustre de Démosthène.
Le caractère public de cet orateur n'est pourtant pas sans tache. Comme militaire, il montra peu de courage à la bataille de Chéronée; comme ambassadeur à la cour du roi de Macédoine, peu de dignité et de présence d'esprit. Il fut aussi convaincu d'avoir accepté de l'or, non, il est vrai, pour trahir les intérêts de sa patrie, ni pour mentir à sa conscience, mais pour avoir des moyens de soutenir ce qu'il regardoit comme la bonne cause. Ce fut le roi de Perse qui le lui fournit.
Démosthène succomba dans la lutte contre l'ennemi de l'indépendance nationale ; mais il reçut, après sa défaite, la plus belle récompense que, dans les mœurs grecques, la patrie reconnoissante pût accorder à un citoyen vertueux. Athènes lui décerna une couronne d'or. Ce prix lui fut contesté par Eschine : le combat d'éloquence qui s'éleva alors -entre les deux plus célèbres orateurs, attira à Athènes un concours immense de curieux. Démosthène triompha, et son antagoniste n'ayant pas réuni la cinquième partie des suffrages, fut exilé, suivant la loi.
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Peu de temps après une si belle victoire, Démosthène fut condamné pour s'être laissé corrompre par Harpalus, gouverneur macédonien qui, redoutant la colère d'Alexandre, étoit venu cacher à Athènes le fruit de ses rapines, et marchandoit la protection des démagogues pour obtenir celle dela république. Il est permis de douter de la justice de ce jugement. Démosthène s'étant évadé de prison , protesta de son innocence. Après la mort d'Alexandre, il fut réintégré : sa rentrée dans Athènes se fit au milieu de la joie générale. Une nouvelle ligue des villes grecques se forma contre les Macédoniens3 Démosthène en fut l'âme. Mais elle fut dissoute par Antipater, et la mort de Démosthène fut prononcée. Il passa dans l'île de Calaurie, sur la côte du Péloponnèse. Poursuivi par les satellites d'Antipater, il termina sa vie par le poison, étant âgé de plus de soixante ans. WLe mouvement, la force, la clarté, la dignité et l'élégance, tels sont les caractères distinctifs du talent oratoire de Démosthène. Venu après tant de grands maîtres, il choisit dans le style de chacun d'eux ce qu'il avoit de meilleur et de plus utile : en réunissant tous ces agrémens, il se forma une diétion en même temps magnifique et simple, travaillée et sans art, figurée et commune, austère et fleurie, serrée et étendue, gracieuse et sévère, affectionnée et véhémente. Différent de Thucydide qui, n'ayant qu'une seule manière, l'emploie sans cesse, peu.
soucieux qu'elle convienne ou non, Démosthène,
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fixant incessamment son but, se renfermant toujours dans de justes bornes, et saisissant à propos le temps et le lieu, n'est pas seulement occupé de la pompe de l'expression, il l'est de l'avantage qu'il doit en tirer : de là cette clarté si essentielle aux ouvrages du barreau, et cette véhémence, l'objet et le terme de ses attentions. Veut-on le comparer à Lysias : il est, comme lui, pur, exact, clair, serré, vrai, naturel et sans affectation ; il est gracieux comme Lysias; mais il est toujours supérieur pour la forme. En lisant une harangue de Démosthène, on est, au gré de l'orateur, emporté, on entre en
fureur, on passe successivement d'une passion à l'autre, de l'indifférence à l'esprit de parti, de la crainte au mépris, de la haine à la pitié, de la bienveillance à la colère et à l'envie.
Denys d'Halicarnasse, à qui cette comparaison de Démosthène à Thucydide et Lysias est empruntée 1, dit encore : cc Démosthène a transporté dans ses harangues politiques plusieurs des qualités de Thucydide : ces traits rapides et pénétrans, cette âpreté, cette amertume, cette véhémence qui réveille les passions ; mais il n'a pas imité les formes poétiques et inusitées qu'il ne jugeoit pas convenables à l'éloquence sérieuse de la tribune. Il n'a jamais recherché les figures inexactes et peu suivies, les tours hasardés; il s'est tenu dans la simplicité du langage habituel, qu'il orne et anime par
1 Voy. Observations de Capperonier, dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. XXIV, au commencement.
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des métaphores, n'exprimapt presque jamais sa - pensée sans image. »
Rapportons maintenant le jugement qne Cicéron et Quirmwen portent de celui que Plutarque appelle le plus puissant des orateurs, PYi"C'bRoo"ll $vvocto0toctoç.
« Tanta vis in eo, dit Quintilien, tam densa omnia, ita quibusdam nervis intenta sunt, tam nihil otiosum, is dicendi modus, ut nec quid desit in eo, nec quid redundet invenias. » L'orateur romain s'exprime ainsi : « Nihil acute inveniri potuit in eis causis quas scripsit, nihil, ut ita dicam, subdole, nihil versute, quod ille non viderit; nihil subtiliter dici, nihil presse, nihil enucleate, quo fieri possit aliquid limatius ; nihil contra grande; nihil incita-
tum, nihil ornatum vel verborum gravitate, vel- sententiarum quo quidquam esset èlatius.2 » II existe de Démosthène soixante et un discours et soixante-cinq introductions, TrpooijMoc$Y)fLY]yopix<x.
En nous conformant à la classification des anciens rhéteurs, tous les discours peuvent être rangés dans ces trois catégories : 1° Discours délibératifs, Xoyo'. EU traitant des affaires politiques devant le sénat ou devant l'assemblée du peuple; 2° Actions judiciaires, Xoyoi «Wxvjxoj, ayant pour objet une accusation ou une défense; 5° Discours d'apparat, Ao-yot £'1t'tJdx't"txot, pour louer ou blâmer. Dix-sept discours de Démosthène appartiens
1 Just. or. X , 1, 76.
s Cic. in BruTo c. 9.
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nent à la première, quarante-deux à la seconde, deux à la troisième classe J.
Des dix-sept discours de la premier orie il y en a cinq qui traitent de divera^gits de la république ; douze se rapportent aux démêlés avec le roi Philippe. Nous les indiquerons dans cet ordre.
1°. ITep) aup.p.°p(w'J, des Symmoriesj c'est-à-dire des classes dans lesquelles les Athéniens étoient distribués pour la fourniture et l'équipement des vaisseaux de guerre û. C'est le premier discours politique de Démosthène; il le prononça Olymp. CVI, 5, 354 ans avant J.-C., deux ans après la guerre sociale, la seconde de la guerre des associés, la sixième dé celle d'Amphipolis. Le roi de Perse ayant fait des préparatifs pour se venger de l'assistance que Charès avoit portée aux rebelles d'Asie, les Athéniens vouloient lui déclarer la guerre : Démosthène les empêcha par ce discours de prendre une résolution si inconsidérée.
2°. fiEp) CTUVra^ecoç, de l'Organisation de l'état, ou, plutôt des contributions des citoyens. Denys d'Halicarnasse ne compte pas ce discours parmi ceux de Démosthène il n'est probablement pas authentique.
1 Nous suivons Alb.-Gerh. Becker, Demoslhenes als Slaalsmann uud Redner. Halle, 1815, 2 vol. in-8°.
s Voy. le savant ouvrage de M. Boeckh, Ubcr die Staatshaushaltuug der Alheoer. Berlin, 1B11 ; 2 vol. in-8°.
3 Ad Mannaeum. Ed. Reisk. vol. VI, p. 724.
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5°. Ilgpc rtov MryaAoTroAtTojv, pour les Mégalopolitainsj prononcé 01. CVI, 4, 555 avant J.-C.; pour engager les Athéniens à porter des secours aux Mégalopolitains contre les Spartiates, alliés d'Athènes.
dance des Rhodiens, prononcé 01. CVII, 2,' 55o avant J.-C., pour engager les Athéniens à porter des secours aux Rhodiens contre Molossus, roi de Carie, qui soutenoit dans l'île le parti aristocratique.
conclus avec Alexandre. Libanius attribue ce discours à Hyperide; il tombe à l'époque où Démosthène étoit exilé d'Athènes, 01. CXII1, 5. ou 4, 525 ou 524 avant J.-C. L'auteur y engage les Athéniens à la guerre.
Des douze harangues relatives aux démêlés avec Philippe, la première a été prononcée 01. CVII, i — 55i; les seconde, troisième et quatrième 01.
CVlI, 4 == 548; n° Y, 01. eVIII, 2 = 347; n° VI, 01. CVIII, 5 = 546; n° YIT, 01. CVIII, 1 = 545 ; n° VIII, 01. ClX, 2 = 5^4; n° IX, 01. CIX, 5 == 545; nos X et XI, 4=342; et la douzième Ol.CX, 1= 541 avant J.-C. C'est Denys d'Halicarnasse qui a établi cet ordre; mais aucun manuscrit, ni les éditions, ne s'y sont conformés. Les manuscrits nomment Philippiques la irc, la 2% la joe et la 3 Ie de Denys, et regardent sa cinquième comme faisant suite à la ■ première Philippique; ils donnent le titre d'Olyn-
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thienaes seconde, troisième et première , à ses nos 2, 5 et 4. Les quatre restant, 6, 8, g et 12, portent les titres suivans : de la Paix, de l'Halonèse, de la Charsonèse, et Sur la lettre de Philippe.
Nous allons en parler dans l'ordre chronologique.
lippique. Démosthène y engage ses concitoyens à faire la guerre avec plus de vigueur à Philippe, qui, après la défaite des Phocidiens, avoit fait mine de vouloir prendre poste dans le pays. Ce discours est coupé en deux parties qui, d'après Denys d'Halicarnasse, ont été prononcées à différentes époques : cette opinion est contredite par plusieurs critiques.
5°, 4% 5°. ~OAuvôtoaoç A, B, T, trois harangues Ofynthiennes. Elles tendoient à stimuler les Athéniens pour qu'ils ne laissassent pas tomber Olynthe.
6°. IIspi frjç £ t'pr/V7jç, de la Paix. Philippe ayant pris place parmi les Amphicty ons, Démosthène conseille de maintenir la paix avec ce prince. Libanius pense que ce discours, écrit par Démosthène, n'a pas été prononcé : Leland, Auger, MM. Jakobs et Becker ne partagent pas cette opinion.
7°. Kara WcÀ('7t''7t'OU Xoyoç B, deuxièrne Philippique, prononcée après le retour de Démosthène du Péloponnèse, où il avoit négocié la pacification entre Sparte et Messène.
8°. nEpf TÎjç ÀÀwlpou, Sur l'Halonèse, ou plutôt sur une lettre de Philippe par laquelle il fit cadeau aux Athéniens de l'ile d'rlalonèse, que ses troupes
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avoient enlevée aux pirates, et demanda à parta-
ger avec les Athéniens la protection des mers.
Démosthène s'opposa vivement à l'acceptation d'une offre si insultante ; mais il n'est rien moins que certain qu'il ait prononcé le discours que nous avons. Libanius dit que d'anciens critiques l'attribuoient à HEGESIPPUS, l'ami de Démosthène. Suidas et l'Etymologicum sont d'accord avec lui: Valckenœr1 ,Larcher* et M. Becker 5 se rangent de son avis;M. Jakobs4, après avoir exposé Les motifs pour et contre, ne prononce pas. Jacques de Tourreilh et M. B. S. Weisfce 6 ont soutenu que la harangue est de Démosthène. Quelle que soit la force de leur raisonnement, il nous paroît difficile de récuser le témoignage positif de Libanius.
o TI, L. X , t 1 I~' t '( A 9°. Ept TWV EV Xeppovyîaaj TRPA-YPATOJV, "fj o TRSPT AIQIZEIQOXJÇ , Des êvénemens de la Chersonèse, ou de Diopeithès. Ce général, envoyé à la tête d'une colctnie, dans la Chersonèse, avoit commis des hostilités contre la ville de Cardia, la seule que Philippe s'étoït réservée dans la paix. Piopeithès avoit même fait une incursion en Macédoine. Philippe exigeoit qu'il fut puni : Démosthène le justifia.
1 Diatr. de fragm. Euvip., p. 253.
2 Mémoires de l'Acad. des laser. et Belles-Lettres , vol. Il, p. 245.
5 L. c. p. 282. 1
4 L. ç. p. 378.
5 Prélacc historique des riiilippiques de DéllloblhèDe, Paris, 1721, iu-4°, p. 124.
6 Oratio de Haloneso Demostheni cui vulgo abjudicatur, vindieata.
Lubben. 1808, iu-4o.
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Les progrès que le roi faisoit en Thrace, et parlesquels il se préparoit à assiéger Perinthe et Byzarice, sont le thème de cette harangue.
- - .-que, prononcée à l'époque où le roi avoit levé le siège de Perinthe pour tomber sur Byzance. Valchenœr *, M. F. Aug. ff-oy" et M. Sécher5 ne reçonnoissent pas ce discours comme une production de - Démosthène.
de Philippe. La lettre du roi à laquelle' cette harangue doit se référer, existe; elle renferme bien
des griefs, mais point de. déclaration de guerre.
C'est à l'occasion de celle-ci que Démosthène a prononcé sa dernière Philippique. Tayler, Reiske, Valckenœr et M. Becker regardent ce morceau comme supposé.
Nous en venons à la seconde classe des harangues de Démosthène ; savoir, aux. actions j udiciaires, et nous distinguons encore celles qui se rapportent à des affaires d'état, de celles qui ne concernent que des intérêts particuliers5 la procédure, dans le premier cas, étoit nommée ~xonriyopia., dans le second S6cr), mots qu'on peut traduire par accusations et plaidoyers. Il existe douze harangues de Démosthène de la première espèce; savoir :
1 Or. de Phil. , p. 250.
3 Ad Lept. Prolog., p, LX.
3 L. c. p. 298.
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i*. Accusations publiques pour affaires qui concernoient l'orateur en personne ; il y en a trois : contre Midias, de l'Ambassade déloyale -, de la.
Couronne.
2°, Discours prononcés contre des projets de lois : contre Leptine., contre Androtion, contre Timocrate, contre Aristocrate.
5°. Accusations pour crimes contre l'état, êvSeû-eiç: les deux discours contre Aristogiton, et celui contre Théocrite.
4°. Appels ou recours au peuple y il y en a deux : les discours-contre Eubulide et contre Neéfe.
C'est dans cet ordre que nous allons parler des douze actions judiciaires ou affaires d'état.
1°. Koct^ Mstôcoo, contre Miclias. Ce citoyen , comptant sur l'impunité que devoient lui assurer ses richesses et la protection d'Eubulûs1, s'étoit permis d'outrager Démosthène dans les Dionysiaques, où, remplissant les fonctions de chorège, il étoit regardé comme une personne sacrée. Midias avoit donc commis le crime de sacrilège y ào-eSetoc; mais Midias prétendoit qu'on ne pouvoit lui intenter qu'une action pour indemnité, ~3Aa6yj, ou pour violence, ~uôptç, parce que Démosthène n'avoit pas été élu chorège par le peuple , et s'étoit chargé volontairement de cette fonction. Le discours de Démosthène tend à prouver que Midias s'est rendu coupable d'un crime public : c'est un morceau
1 Voy. p. 270 de ce volume.
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d'une logique serrée. Néanmoins Démosthene i-e- tira son action et s'arrangea avec Midias. Toici comment Plutarque explique son désistement : « On sait1 qu'il plaida contre Midias à l'âge de trentedeux ans, lorsqu'il n'avoit encore ni crédit, ni réputation dans Athènes; ce fut même, je crois, par cette considération qu'il sacrifia pour de l'argent son ressentiment contre Midias : car il n'étoit ni dOUK, ni facile à calmer. Au contraire, il étoit vindicatif et violent; mais se sentant trop foible pour l'emporter contre un homme qui avoit -dans ses richesses, dans son éloquence et dans ses nombreux amis comme autant de remparts redoutables, il se laissa apaiser par ceux qui intercédèrent pour lui ; car je ne crois .pas que la somme de trois mille drachmes2 eût désarmé la colère de Démosthène, s'il eût espéré pouvoir triompher de
son ennemi. D Au reste, les commentateurs sont d'accord pour penser que le discours de Démosthène n'a jamais été prononcé : il y a même quelques motifs de croire qu'il n'a été écrit que plusieurs années après l'événement, quoique nous ignorions pourquoi l'orâteur s'occupa de nouveau d'une affaire terminée.
chine pour la manière déloyale dont il s étoit ac-
1 Voy. fiiUT., éd. ReisJce, vol, IV, p. 712. Nous cilons ce passage d'après la traduction de Ricard; mais nous avons changé son commencement : On croit. Plutarque dit : e7j).oç S'èçl..
9 Environ 280c fr.
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quitté de son ambassade auprès de Philippe. Ce discours est plein de morceaux brillans d'éloquence; d'autres sont foibles, et le tout est trop prolixe.
Il est possiblç que l'orateur n'y ait pas mis la dernière main. Au reste , en accusant Esehine,. il se mit dans une fausse position : il falloit accuser aussi, ses collègues, parmi lesquels se trouvoient Cephi sophon et Eubule, deux hommes ~amènes. D'ail- ~leurs l'accord régnant entre les collè^priva des preuves judiciaires par lesquelles il auroit pu accabler son adversaire, contre lequel il n'avoit que des probabilités et des raisonnemeus à alléguer. Aussi la réplique d'Eschine est-elte supérieure à l'accusation. Au reste Plutarque doute que ces deux discours aient été jamais prononcés, quoiqu'Idoménée, élève d'Epicure, ait rapporté qu'Eschine ne gagna son procès que de trente voix : son motif est le silence que les deux orateurs gardent sur ce procès dans leurs discours de la couronne. L'abbé Auger expliqua ce silence par les motifs que les deux adversaires avoient de ne pas revenir sur une affaire où l'un avoit succombé, et où l'autre ne s'étoit pas lavé du soupçon qui pe&oit sur lui.
"0 il , , , D. d l
5°. Ilepi çzyœjùu ~Aoyoç, Discours de la couronne.
Deux fois Démosthène avoit été couronné sur le théâtre dans les Dionysiaques , la première fois après l'expulsion des garnisons macédoniennes de l'île d'Eubée, la seconde fois après Pallianee avec les Thébains. La 2e. année de-la CXe. Olympiade,
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Ctésiphon qui étoit alors président du sénat, fit I passer à ce corps un décret, wpo&uAeujxa, portant que si l'assemblée du peuple l'approuvoit, Démosthène
seroit couronné aux prochaines Dionysiaques sur le théâtre, en récompense de la manière désinté- 1 ressée dont il avoit rempli diverses fonctions, et des services qu'il n'avoit cessé de rendre à la république. t que ce décret fût confirmé par un ~psephia^^Ris avant qu'il y fût présenté, Eschine se porta accusateur de Ctésiphon pour avoir violé les lois en proposant de couronner un fonctionnaire n'ayant pas rendu compte de sa gestion, èt de le couronner au théâtre, tandis qu'il ne pouvoit l'être que dans la maison du sénat ou au Pnyx; enfin d'avoir allégué des faits faux en faveur d'un protégé.
Il conclut à ce qu'il fut imposé à Ctésiphon une amende de 5o talens.
La chose en resta là à cause des inquiétudes et des embarras dans lesquels on étoit pendant l'hiver et le printemps qui précédèrent la bataille de Cliéronée ; mais lorsque par l'influence d'Antipater le -parti macédonien eut pris le dessus à Athènes, Eschine crut le moment favorable pour donner suite à son, accusation. Il le fit dans la 5e. année de la CXIP. Olympiade, ainsi huit ans après la proposition de Ctésiphon. Il prononça alors son célèbre discours auquel Démosthène répondit. Sa harangue est regardée avec raison non-seulement comme son chef-d'oeuvre, mais comme ce que l'éloquence a jamais produit de plus parfait. Tel fut
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l'avis de Denys d'Halicarnasse l, de Cicéron * et de Quirrtilien3; les critiques modernes le partagent entièrement. Il paroît qu'après ce discours Démostliène ne parut plus comme orateur public 4°. Ó 'n-poç AeTTTtWjV Xàyoç, Discours contre Leptine.
Ce discours traite le même sujet que celui dont nous avons parlé ci-dessus 5 mais qui n'est pas de Démosthène. Leptine avoit fait passer la loi qui restreignoit les immunités (ocreAsta) des charges de choréges, de gymnasiarque et d'hestiator. Démosthène laissa écouler l'année pendant laquelle l'auteur d'un projet de loi en étoit responsable ; il n'attaqua la loi qu'après coup et la fit abroger.
Son discours à ce sujet est un des plus parfaits qui soit sorti de sa plume.
1 De comp. verb. (Ed. Reisk. vol. V, p. 20-i.
* Orator, §. 135.
5 Inst. or. XI, î.
4 Ulpien, dans son commentaire sur l'oraison de la Couronne, raconte une anecdote qui a été souvent citée par les savans qui prétendent que les accens grecs sont antérieurs aux grammairiens d' Alexandrie. Démosthèo<ç accuse Eschine de s'être laissé corrompre par Philippe et par Alexandre.
cc le t'accuse, dit-il, d'avoir été d'abord à la solde de Philippe, et de l'être maintenant d'Alexandre ; et tous ceux qui m'entendent sont d'accord avec moi. Si tu le nies, ose les interroger j mais non, je vais le faire à ta place. Athéniens ! Eschine vous paroît-il un homme vendu (jjlictÔcùtoç) ou l'ami d'Alexandre? » Mais en faisant cette question, DémostLène commit à dessein une faute , eu déplaçant l'accent du mot (AtcrflojToç, et prononçant ~fMG0û>fo;. La délicatesse des Athéniens étant choquée par cette fausse prononciation, ils crièrent tons, comme involontairement : ~paGca-,oç ! vendu l Et Démosthène faisant semblant de prendre ces cris pour une marque d'approbation , continue : « Tu entends ce qu'ils disent ! v
• 5 Pig. 22.0.
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drotion. Démosthène l'écrivit pour un certain Diodore qui portant une vieille rancune à Androtion, l'accusa d'avoir violé les lois (TrocpocvdpLuyv) en votant une couronne au sénat qui n'avoit pas rempli tous ses devoirs. C'étoit donc une accusation dans le genre de celle d'Eschine contre Ctésiphon. Comme Androtion étoit un orateur de l'école d'Isocrate , Démosthène se conforma dans ce discours au genre d'éloquence fleurie de ce maître. Quoique ouvrage de sa jeunesse ', il est, après celui contre Leptine, l'action judiciaire qu'il a travaillée avec le plus de soin; mais il nous est parvenu dans un état fort corrompu , et avec une forte lacune.
mocrate, prononcé 01. CVI, 4, par le même Diodore contre un citoyen qui avoit fait une proposition tendante à soustraire à la punition des fonctionnaires qui s'étoientrendus coupables de concussion.
C'est un morceau d'une éloquence sévère , telle qu'elle convenoit au sujet.
f D. A
7°. 0 xavac Âptç-oxpdcTO'jç loyoç, Discours contre Aristocrate. Kersobleptès , roi de Thrace, ayant cédé aux Athéniens la Chersonèse, Cliaridemus d'Oreôs en Eubée, son beau-père et conseil, craignoit les embûches de Philippe. Aristocrate fit une proposition de loi par laquelle la personne de Cliaridemus fut déclarée sacrée. Un certain Euthyclès attaqua cette proposition par un discours que Démosthène composa. 11 fut prononcé 01. CVII, 1, la même an-
1 Prononce 01. CVI, 2.
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née où Démosthène tint six première Philippique.
Discours contre Aristogiton. Aristogiton étoit un très-mauvais citoyen contre lequel Dinarque g aussi prononcé un discours. Youlant l'empêcher de paroître dans les assemblées publiques, Ly curgue etDémosthèue se réunirent pour le faire condamnera une prison perpétuelle, comme coupable de forfaiture.
Lycurgue p.arla le premier; mais son discours est perdu : après lui Démosthène prononça soit les deux discours qui se trouvent parmi ses ouvrages, soit le second seulement ; ear le premier des 4eux discours n'est probablement pas de lui. Denys d'Halicarnasse rejette expressément une des -deux harangues; il est vrai que sa réprobation tombe sur la seconde ; mais il paraît que c'est uniquement par une erreur de plume qu'il nomme la seconde, au lieu de la première. Casaubon, Taylor eiReiske regardent le premier de ces discours comme supposé; Reiske l'attribue à Hyperide, mais sans motif suffisant.
OK \a , D,
10°. Karà © £ oxptvoi> evSsifyç , Dénonciation contre Théocrine. Discours prononcé par un nommé Epichare qui accuse Théocrine de diverses malversations : il est probablement de Dinarque qui à cette époque (01. CIX, l ou 2), commençoit à paroître devant le peuple et s'attachoit à imiter le grand orateur dont par la suite il devint l'antagoniste.
, 110. EcpEa!c; Trpoç E Appel d'une sentence prononcée par Éubulide. Le démarque Eubulide
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avoit rayé un certain Euxitheos de la liste des citoyens : celui-ci choisit le remède du recoùrs au peuple, remède périlleux parce que la loi vouloit que s'il succomboit dans ce procès, il fût vendu comme esclave. Le caractère grave de ce discours est analogue à son importance.
-12°. Karoc ~Neajpaç, contre Neére. Ce plaidoyer est fort curieux parce qu'il renferme toutes les pièces alléguées, ou , comme nous dirions , que le dossier y est joint. C'est une dénonciation portée par un certain Théomnester et son assistant ( cruwr yopoç) Apollodore , contre un certain Stephanus , qu'ils accusent de vivre avec l'esclave Neére comme -avec une épouse légitime. Cette harangue est certainement du temps de Démosthène ; mais elle paroît avoir été ajoutée à ses ouvrages, parce qu'il y est question de personnes qui se retrouvent dans ses autres discours.
Les.simples plaidoyers, Sfxai, relatifs à des intérêts -privés, constituent le second genre des actions ju- diciaires. Il nous en reste trente de Démosthène ; savoir :
1°. Discours relatifs au procès contre ses tuteurs : ils sont au nombre de cinq, dont deux contre le auteur Aphobus, et deux contre Onitor, son frère.
2°. Aoyoi "rrapotypdiynxQt, ou, comme dit Cicéron, -constitutiones translatlvœ. Cet orateur dit : « Cum causa ex eo pendet quod non aut is agere videtur --quem oportet, aut non apud quos, quo tempore, ;qua lege, quo crimine, qua poena oportet, transla-
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tiva dicitur constitutio, quia actio translations et commutationis indigere videtur. Atque harum ali- quam in omne causse genus incidere necesse est.
Nam in quam rem non inciderit, in ea nihil esse potest controversiae ; quare eam ne causam quidem - convenit pujtari 1.» Nous avons sept discours de ce genre de Démosthène ; contre Zenothémis, contre Apaturius, contre Phormion , contre Lacritus , pour Phormion, contre Pantaenetus, contre Nausimachus et Xenopithea.
5°. Discours. pour affaires de succession et de dot j quatre : contre Macartatus, contre Leocharès contre Spudias, contre Bœotus pour la dot maternelle.
4°. Discours pour affaires de commerce et de dettes, au. nombre de trois : contre Callippe,. contre Ni costrate, contre Timothéus.
5°. Actions pour- indemnité et dédommagement, |3Àa&rj, auxia, au nombre de cinq : contre Boeotus pour usurpation de nom , contre Olympiodore -, contre Conon , contre Dionysidore, contre Calliclès..
6°. Plaintes pour faux témoignage.: deux discours contre Stephanus, et une plainte contre Evergus et Mnesibulus.
7°. Sur l'échange de la fortune (~àvriêouiç) M la triérarchie, usage que nous avons expliqué 1 : il y a trois discours de ce genre : contre Pkœriippus ,
i De Invent. 1,8.
a Voy. p, 2i3.
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contre Polyclès , et Sur la couronne de l^triérarchie.
Il seroit inutile de nous arrêter à ces trente plaidoyers ; nous ferons des observations sur quelques-uns seulement.
Les cinq discours que Démosthène ar prononces pour revendiquer sa succession paternelle, rehferirretft des-détails précieux sur sa jeunesse, sa for- tune, sur les lois- athéniennes. Le tuteur Aphobus fut condamné à lui payer dix talens : on ne trouve pas qu'il ait actionné les deux antres tuteurs-, quoiqu'il en annonce l'intention : il pEtroft qu'il a transigé avec eux. Ce& discours ont quelques ressemblances avec ceux d'Isée, son maître.
Le discours contre la paragraphe de Lacritus est intéressant sous un double rapport. Lescliens de Démosthène avoient une bonne cause devant le tribunal de l'équité ; mais elle n'étoit pas rigoureusement fondée en droit, et leur adversaire étoit un intrigant, un disciple d'Isocrate et un habile orateur. Démosthène s'attache surtÓut au caractère de son adversaire qu'il peint sous les couleurs les plus fioires. Le discours est intéressant, parce que toutes les pièces s'y trouvent jointes.
La paragraphe pour Phormion contre Aptrllodore, a donné lreu à un reproche qu'on fait à la mémoire de Bémosthène. « On assure qu'il avort composé le plaidoyer qu'Apollodore prononça contre le stratège Timothée, qu'il fit condamner à payer ce qu'il devoit au trésor public. On lui attribue
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encore , dit Plutarque les deux oratsons pour Phormion et pour Stephanus, qui lui attirèrent de justes, reproches. Phormion se servit contre Apolr lodore d'un discours de Démostbène qui parut ainsi avoir écrit pour les deux parties adverses, comme s'il eÎtt pris dans le même atelier deux épées.
et qu'il les eut vendues à deui ennemis pour se battre » Nous observons pour la justification de Démosthène qu'Eschine qui dans son discours contre Ctésiphon n'a rien oublié de ce qui pouvoit noircir le caractère de son adyersaire, glisse légèrement sur le reproche consigné dans Plutarque; on croit, dit-il, qu'il a travaillé quelquefois pour deux parties2 Le discours contre Macartatus sur la succession
est intéressant par la raison que nous avons la défense de Macartatus par Isée, et qu'ainsi on peut facilement comparer l'élève à son ancien maître.
INaus citons le discours contre Timothéus pour Apollodore relativement à une dette , parce qu'il renferme des détails sur la vie du célèbre fils de Canon.
La plainte contre Conon pour insultes, offre le tableau des mœurs dépravées de la jeunesse athénienne.
11 nous reste à parler de la troisième classe des
1 lu Vita DCnI." vol. IV, p. 717 ed. Reisk.
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discours de Démosthène, des harangues d'apparat, hnêefxTixQt Xoyot. Nous n'en avons que deux, et pro bablement ils ne sont pas sortis de sa plume. L'un, ÉwTaçptoç Xoyoç, est un éloge des Athéniens qui avoient péri à Chéronée ; l'autre, ~Epwrwcoç AQYOÇ, ou Eloge de la beauté du jeune Epicrate. C'est un de ces exercices moraux dont s'occupoient les rhéteurs des temps suivans.
Enfin, nous dirons encore qu'il existe six Lettres de Démosthène , écrites pendant son exil ; cinq d'entre elles sont adressées au peuple d'Athènes.
Nous avons fait connoître les jugemens que Denys d'Halicarnasse, Cicéron et Quintilien ont portés dé Démosthène : plaçons encore ici un morceau éloquent emprunté d'un écrivain allemand 1.
« Quoi de plus inutile que d'entreprendre l'éloge de l'orateur, que la voix unanime des siècles a proclamé le premier, et à qui ce rang a été assigné par le seul homme que l'antiquité ait mis en parallèle avec lui2; distinction signalée et également honoraHe pour tous les deux! Nous ne considérerons donc pas ici en Démosthène l'orateur, mais l'homme d'état, ou plutôt l'union intime de l'homme, de l'orateur et de l'homme d'état. Sa politique venoit du fond de son âme; malgré le changement des circonstances et les dangers les plus imminens, il resta fidèle aux sentimens, à la conviction dont il étoit
1 M. Hleeren, Ideen über die Politik, den Verkebr und den Handel deir vornehmstern Voclker der alten Welt., vol. III. Goettingue, 1812.
9 CicERQ iu Bruto , c. g.
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pénétré. Il fut l'orateur le plus persuasif, parce qu'on n'aperçoit en lui ni capitulation avec sa conscience, ni ménagement, ni trace de foiblesse. Tel est le véritable ressort de son art, tout le reste n'en est que l'enveloppe. Combien en ceci il s'élève au-dessus de Cicéron! Mais aussi quel autre homme a autant souffert de sa grandeur! De tous les caractères politiques, l'histoire n'en offre pas de plus pur et de plus tragique que le sien1. Lorsque, l'esprit encore ébranlé par l'énergie véhémente de ses discours, on lit sa Vie dans Plutarque ; lorsque l'on se place à l'époque où il a vécu, dans les positions où il s'est trouvé, on éprouve un intérêt au moins aussi puissant que celui que peut inspirer le héros d'une épopée ou d'une tragédie. Depuis le moment où il paroît sur la sCènsonde jusqu'à celui où il avale le poison daï temple de Neptune, nous le voyons dans un e continuelle contre son destin, qui semble, pour ainsi dire, se jouer de lui avec cruauté. Le destin le terrasse à diverses reprises, jamais il ne le dompte. Quels mouvemens tumultueux cette alternative perpétuelle d'espérances tour à tour conçues et déçues, n'a-t-elle pas dû exciter dans cette âme forte ! Combien il étoit naturel que ce visage grave fût, ainsi que nous le voyons
1 Personne n'a été plus calomnié , et cependant ses ennemis ne purent l'accuser que de s'êlre tu dans l'affaire d'Harpalus , et d'avoir été à la solde des Perses : accusation banale dont on cliargeoit alors ceux qui n'étnicnt pas partisans de Philippe. Si les ennemis de Démosthène eussent pu eu fournir des preuves, ne les eussent-ils pas articulées?
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- dans son buste1, silFomré par le chagrin2 et l'indignation * A peine entré- dans l'adolescence, il attaqua- devant few juges sey tuteurs infidèles et ne put leur arracher qu'ttffe petite partie du 'bien de ses pères4". A sa seconde tentative il est tourné en ridicule par ta foule - fnaÍs encotfragé par quelques hommes' qui devinent en lui le grand orateur, aussitôt il commence tm combat opiniâtre avec IuiIDême, et ne le' cesse que lorsqu'il a obtenu un triomphe complet sur les obstacles que lui oppose Ml organe ingrat5, Alors ri se montre comme accusateur des crimes prtblicg,6, alTlint de se hasarder à parler dans les affaires politiques. Enfin il proTKmce en ce genre son premier discours7. On y réconnoît déjà l'homme d'état indépendant, qui, ne se laissant pas avetigler une idée brillante,.
rb oppose à une entreprise inconsidérée. Peu après, Philippe prenant part à la guerre de Phocide, manifeste ses desseins contre la Grèce; Démosthènê se déclare pour la première fois contre lui, et prononce sst première Philippique8. Ce moment dé-
1 Iconographie de Fisconti, P1-. xxx..
* Vdtez - £ 3&CHÏN. in Ctesiph., Op. III, p. 597, eJ. ReÍsk.
3 Dans les haF^ngoe» cOStre Apbobas.
* Voyez PLUTARQUE, IV, p. 700.
t On a fait, sur les défauts physiques de Démosthène, divers contes.
absurdes; cependant ce qu'on rapporte des cailloux qu'il mit dans sa bouche, se fonde sur le témoignage de Démétrius de Phalère> qui le tenait tl6 Démosthène même. Voy. Plut., IV, p. 709.
6 Contre Androtion, Timocrate, etc. Il avoit alors vingt-sept ans.
Voy. PLUT., IV, p. 717.
y Des symmories ou classes : ce discours fut prononce 55.j, aus av. J.-C.
8 Prononcée l'an 352 avant J.-C.
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ci de du reste de sa vie : conseiller, accusateur, ambassadeur, il défend l'indépendance de sa patrie contre la politique macédonienne. Un succès brillant sembla d'abord récompenser ses efforts; déjà il avoit gagné plusieurs états' à la cause d'Athènes; déjà il avoit réussi non seulement à armer les Thé'1 bains, mais encore à les animer jusqu'à l'enthousiasme, pour repousser l'irruption de Philippe en Grèce S , quand la journée de Chéronée renversa toutes ses espérances ; mais plein de courage , il déclare dans l'assemblée qu'il ne se repent pas des avis qu'il a ouverts 5. Bientôt un événement inattendu change la face des choses. Philippe tombe sous les coups d'un assassin. Un jeune homme encore peu connu lui succède. Démosthène devient aussitôt l'atlteur d'une seconde ligue des Grecs; mais Alexandre paroît soudainement devant Thèbes. La vengeance atroce qu'il exerce sur cette ville détruit la confédération. Il exige qu'on lui livre , avec Démosthène , Lycurgue et quelques autres de ses partisans. Cependant Démade parvient à apaiser le monarque irrité, et l'énergie de Démosthène se trouve paralysée lorsqu'Alexandre part pour l'Asie. 11 commence à relever la tête quand Sparte cherche à secouet le joug, mais elle succombe sous Antipater. Ce fut néanmoins dans ce temps qu'il triompha, par le plus célèbre de ses
« L'Achaïe, Corinthe, Mcgare, etc. Voy. PLUT. , IV, p. 722.
U PLUT., IV, p. 722.
5 PLUT. , IV, p. 726.
i
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discours1, sur le plus éloquent de ses antagonistes, et qu'Eschine fut obligé de quitter Athènes. Ce succès glorieux sembla aigrir encore plus ses ennemis, les chefs du parti macédonien; bientôt ils trouvèrent l'occasion. de le perdre, Harpalus, déserteur de l'armée d'Alexandre, s'étoit réfugié à Athènes avec ses trésors ; on mit en délibération la question de savoir si on l'y souffriroit. Démosthène fut accusé de s'être laissé corrompre par son or,.
au moins pour garder le silence 2. Cette imputation suffit pour le faire condamner à une amende ; n'ayant pu la payer, il fut mis en prison. Il réussit à s'en échapper; mais pour un homme qui ne vivoit que pour sa patrie, l'exil étoit aussi affreux que la prison. Il resta presque constamment à Egine -et à Trézène , d'où^l tournoit vers l'Attique ses yeux mouillés de larmes3. Tout-à-coup un nouveau rayon perce la nuit qui l'environne; le bruit se répand qu'Alexandre est mut. L'instant de la délivrance semble être arrivé; toute la Grèce s'agite : les envoyés d'Athènes parcourent toutes les. villes : Démosthène se joint à eux; il parle, il persuade à ces villes de se liguer contre les Macédoniens. Pour reconnoître ce service, le peuple vota son rappel; des années de souffrances furent enfin suivies d'un jour de récompense signalée. Une trirème fut en-
1 De la Couronne.
A PLUT., T. 1Y, p. 733. Il fut accusé par Dinarque, dont le discours nous reste. Voy. Orat. gr., vol. IV, rd. Reisle.
3 PLUT. , T. - IV, p. 736.
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voyée à Egine pour en ramener le défenseur de la liberté. Athènes entière se leva; pas un magistrat, pas un prêtre ne resta dans la ville, lorsque la nouvelle se répandit que Démosthène avoit débarqué au Pirée. Accablé par ses sensations, il leva les mains au ciel et s'estima plus heureux qu'Alcibiade : car c'étoit. de plein gré et non par contrainte que le peuple le rappeloit. C'était un rayon de bonheur que des nuages sombres n'alloient pas tarder à obscurcir. Antipater et Craterus triomphèrent ; le partimacédonien l'emporta dans Athènes. Démosthène et ses amis furent accusés et condamnés à mort sur la proposition de Démade. Ils s'étoient-déjà enfuis secrètement de la ville; mais où trouver un asyle?
Hypéride et deux autres s'étoient réfugiés à Egine dans le sanctuaire d'Ajax. Ils en furent arrachés, traînés devant Antipater, et conduits au supplice.
Démosthène s'étoit sauvé dans l'ire de Calaurie sur la côte de Trézénie; le temple de Neptune lui avoit présenté un asyle1. Archias, satellite d'Antipater, chercha vainement à l'engager à se rendre, en lui promettant sa grâce. Démosthène, sous prétexte de vouloir écrire quelques mots, mordit le tuyau qui lui servoit à cet usage , et avala le poison qui y étoit contenu. Alors il s'enveloppa la tête. Quand il sentit l'effet du poison : cc 0 Meptune ! s'écria-t-il, « ils ont profané ton temple ; mais plein de respect cc pour toi, je veux l'abandonner pendant que je vis
x Voy. PLUT., T. IV, p, 741.
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« encore. » -Cependant il tomba au pied de l'au tel, et une mort prompte l'enleva à un monde qui, après la chute de sa patrie , ne pouvoit plus lui offrir de bonheur. »
« Il m'a paru assez à propos de présenter avec quelque détail le portrait d'un homme d'état de l'ancienne Grèce, tracé d'après le premier d'entre eux à cette époque. On verra aisément que, lors même qu'ils portoient le nom d'orateurs, ils ne se bornoient pas à haranguer. C'est par Démosthène que nous apprenons principalement à les connoitre. Mais sous quel autre jour entièrement différent Démosthène ne se montreroit-il pas'à nous, si nous connoissions les particularités de sa vie politique? Que n'a-t-il pas fallu pour produire une ligue telle que celle que Démosthène a formée deux fois? Que de voyages à entreprendre, que de liaisons à entretenir , quel art enfin à dé- ployer pour gagner les hommes qui avoient de l'in- j fluence, et en général pour diriger l'esprit de ses concitoyens ! »
« Et quels moyens ces hommes d'état de l'antiquité avoient-ils en leur pouvoir, si nous les comparons à ceux des temps modernes? Ils n'avoient point d'ordres du cabinet à expédier. Ils ne disposoient pas des trésors des peuples, ils ne pouvoient pas arracher par la force ce que l'on ne vouloit pas leur donner volontairement. La comparaison que l'on seroit enclin à établir entre eux et les hommes d'état de la Grande-Bretagne, n'est juste que parce I
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que ceui-ci ont aussi besoin de l'éloquenceet ne produisant d'effet que par son secours. Haie les autres moyens qu'un Pitt çoavoit employer eour se conserver un parti 9 Démosthène ne les ayoit pas.
Il n'avoit point de pensions à offrir, point de places à distribuer , point de cardons à promettre. Ses adversaires étoisni au contraire leg hommes qui avaient à leurs ordres tout ce qui peut exciter 1'11-+ vidité kt l'ambition. Qu'avoit^il à leur opposer?
ses talens, son activité, son-courage. Borné à ces seules ressources, il lutta contre la puissance prb pondérante de l'étranger, et contre la corruption de ses concitoyens, encore plus dangereuse pour lui. Soutenir un état en décadence, fut sa pénible vocation. Il y resta fidèle pendant trente ans, et ne céda que lorsqu'il fut écrasé sous les mnncs de l'idifice. » 1.
La Vie de Démosthène a été écrite par PLUT ARQUE ; son Eloge par LiBANius et par LUCIEN ou l'écrivain qui en a pris le masque. Libanius a aussi rédigé les Argumens des douze PhiJippiques, Ces discours ont été commentés par ULPIEN dantiqçlw qu'il ne faut pas confondre ayee Domitius UlpLen, le jurisconsulte romain.
Une Vie de Démosthène fait aussi partie de celte des J)ix orateurs attiques qui se.trouve parmi les œuvres de PLUTARQUE, et dans une autre Jbrme dans la Bibliothèque de PHOTIUS. Nous possédons , deux autres Vies de Démosthène; l'une par un cei7-
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tain ZosiME d'Ascalon, et l'autre par un anonyme.
Photius a connu trois Lexiques des dix orateurs, rédigés par JULIEN , PHILOSTRATE de Tyr et DioDORE. Deux de ces lexicographes sont inconnus; Photius ne savoit pas à quelle époque ils ont vécu ; mais il dit que tous les trois se sont copiés l'un l'autre, sans qu'on puisse distinguer l'original. Il donne toutefois la préférence au travail de Julien, comme étant plus complet que les autres et plus riche en exemples : celui de Philostrate étoit soit une ébauche qui a servi aux autres, soit un extrait de leurs dictionnaires. Tous les trois ont péri.
Les Vies et les Eloges de Démosthène par Plutarque, Photi us, Libanius et Lucien, se trouvent dans les éditions de leurs œuvres. La biographie de Zosime et celle d'un anonyme, que M. Scîiweighœuser a copiées sur un manuscrit de Paris, se trouvent dans le vol. IV des Oratores grseci de Reiske.
Nous parlerons, dans le chap. LXXV, du Commentaire d'Ulpien.
Nous allons indiquer les éditions des orateurs grecs de cette période.
ISOCUATE fut imprimé avant tous les autres, par les soins de Démétrius Chalconclylas, à Milan, 1493, in-fol. Edition correcte.
Alde l'ancien a le mérite d'avoir fait connoître les autres orateurs grecs. Il commença par imprimer les discours de DÉMOSTHÈHE. Scipion Carteromacho soigna cette édition, qui parut en 1504, en un volume in-folio. Cette impression ayant duré trois ans, Aide eut le temps de se procurer de meilleurs manuscrits, ce qui l'engagea à réimprimer Démosthène la même année. La première édition est plus belle et plus rare ; la seconde est plus correcte. Il publia ensuite, l'année 1513, j
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eu 3 vol., tous les autres orateurs, sous le titre de Rhetorum graecorum orationes. Le nom d'Hypéride manq ue dans cette collection ; mais sa harangue se trouve parmi celles de Démosthène. Outre les orateurs dits Attiques, cette collection en renferme trois d'une époque postérieure : Lesbonax, Hérode et Aristide. Isocrate avec Alcidamas forment le troisième volume.
Une seconde collection des orateurs grecs fut soignée par Henri Etienne : elle parut en 1575. in-fol. Démosthène et Isocrate n'y sont pas comprise mais on etit y joindre le volume publié par le même imprimeur, en 1570, sous le titre de Conciones sive orationes ex graecis latinisque historicis excerpfæ.
Avant de parler de la troisième collection, qui est de l'année 1770, nous allons donner le précis des travaux particuliers dont quelques-uns de ces orateurs ont été l'objet, jusqu'au moment où Reiske entreprit de les réunir en un seul corps.
Le P. André Schoit, jésuite, avoit donné, à Hanau, en 1615, in-8°, une édition grecque-latine de LYSIAs, qui est peu estimée. L'éditeur s'est appelé, sur le titre, Josse Vanderbeld.
Ce volume fut réimprimé en 1685., in-8", à Marbourg, sans les notes ni les prolégomènes. Jean Taylor publia à Londres, -- en 1*739, in-4°, une édition critique et savante de cet orateur, accompagnée de la traduction. Il prit pour base le texte de Henri Etienne ; mais il y fit des corrections, à l'aide des manuscrits, et ajouta des conjectures de Jér. Markland 1. L'année suivante, il en donna un extrait, in-Bo; ce volume renferme de nouvelles variantes d'un manuscrit de Venise. Le texte de Taylor est la base de toutes les éditions suivantes.
Nous avons dit que la première édition d'IsocRATE fut imprimée à Milan, en i4j)3, et la seconde à Venise, en 1513",
1 CetLe édition a été tirée à 4 ou 5oo exemplaires seulement j les exein-i plaires sur papier fin se vendent jusqu'à 300 fr.
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Tune et l'autre in-fol. Cette dernière fut plusieurs fois réimprimée et copiée, jusqu'à ce que Jérôme Wolf entreprit de
corriger le texte d'Isocrate sur un manuscrit. D'abord il avoit fait paroître une traduction, Bâle, i548, in-fol.; il la reloucha ensuite ety joignit le texte, 1553, in-fol., et en 1570, il donna, également à Bâle, une grande édition d'Isocrate, dont il parut des abrégés in-8° en 1571, 1582, 1587,1594,1602.
Le texte de Wolf fut réimprimé, avec quelques changemens, par Henri Etienne, -en 15g3, in-fol., et chez Norton et Bill à Londres, r6i5, in-8° Ph. Fletcher donna en 1726, in-8°, à Oxford, une édition de quelques discours d'Isocrate. Gftill.
Battie publia à Cambridge, en 1729, in-8°, sept, èt à Londres, 1748, in-Bo , quatorze discours de cet orateur: il avoit des manuscrits Tt sa disposition, mais ne sut pas en tirer parti.
Ces deux volumes furent réimprimés à Londres, 1748, in-8°.
Le célèbre réformateur Pllilippe Melanchthon, qui donnoit un cours sur LYC ORGUE, publia en 1545, in-Bo, à Wittenberg, le texte de cet orateur : cette édition a été souvent réimprimée, tantôt avec, tantôt sans version. Jean Taylor fit une nouvelle récension de ce texte, qui parut à Cambridge, 174-5, in-8°.
( avec la harangue de Démosthène contre Midias), et devint la base de la grande édition savante de Jean-Godefr. Hauptmann) imprimée à Leipzig en 1751, et une seconde fois en 1753, in-8°.
L'édition Aldine de DÉMOSTHÈNE fut réimprimée avec des corrections, mais aussi avec de nouvelles fautes, chez Hervag à Bâle, en 1532, in-fol. Le commentaire d'Ulpienyest joint.
Une édition très-estimable, renfermant un texte corrigé d'après plusieurs manuscrits, parut à Venise, 1543, en 3 'vol.
in-8°, chez les Brucioli. Le bénédiclin Jean-Bernardin Feliciano la soigna. Elle fut réimprimée avec des variantes fournies par P. Danesius et Vinc. Obsopœus , à Bâle, par J. Hervag, I547, en 3 vol. in-8°, et, avec beaucoup de fautes, par Paul Manuce, Venise, 1554, 3 vol. in-8°. Jérôme Wolf donna plusieurs éditions de Démosthène, renfermant beau-
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coup de variantes entassées sans ordre et sans critique. Elles parurent à Bâle, in-fol., les deux premières probablement en 154.9 £ t i553, car elles sont stns date ; la troisième en 1572.
Les deux dernières renferment anssi Eschine. Marnius et les héritiers d'Attbry la réimprimèrent à Francfort, i6o4, in-fol. Elle fut aussi contrefaite à Genève, 1607, in-fol. En 155,8, Guill. Morel commença un grand travail sur Démos- thène; et après sa mort, Denys Lambin l'acheva. Cette belle édition parut à Paris en 1570, in-fol., chez J. Dienné ; èlle est fort correcte, surtout dans la partie soignée par Morel, qui avoit huit manuscrits. Il ne s'y trouve pas de traductiofi ; mais Morel y a joint le Commentaire d'Ulpien.
En 1712, Jean-Trincent Lucchesini publia à Rome, in-40, une traduction latine des douze Philippines de Démosthène, avec un commentaire historique très-estimé, que Guil.- Allen plaça dans une édition de ces discours/qu'il publia à Londres en 1755, en 2 vol. in-8". Il préféra néanmoins la traduction de Wolf.
Dans l'intervalle, Jean Taylor avoit entrepris une nouvelle édition de Démosthène, Eschine, Dinarque et Demade, dont deux volumes parurent à Cambridge, savoir, le troisième, en 1748, et le second en 1757, in-4 °. Les premier, quatrième et cinquième volumes n'ont pas vu le jour. En 1774, on donna aux volumes III et II de nouveaux frontispices , où ils sont nommés premier et second.
Tout ce qui se trouve répandu dans ces diverses éditions a été réuni dans la troisième collection des orateurs grecs-que J.-J. Reiske publia à Leipzig , de 1770 à 1775, en 12 vol. rn-Ho; toutefois les Ha'rangues d'Isocrate doivent être exceptées, car elles y manquent entièrement. Reiske y a non-seulement placé les commentaires de Jér. Wolf, Taylor et Markland (les derniers en partie inédits ), mars il a profité des manuscrits dont il pouvoit disposer, pour la correction des textes, et a ajouté de bonnes notes critiques. On lui a reproché d'avoir été trop hardi à recevoir des conjectures dans le texte;
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on convient cependant que le plus souvent son jugement l'a bien servi, et que ses conjectures sont pour la plupart aussi heureuses que spirituelles. Ou lui a reproché aussi d'avoir varié dans le plan de son travail ; d'avoir omis, par exemple, dans les premiers volumes, les versions latines qu'il a ajoutées dans les derniers. Quoi qu'il en soit, cette édition est un beau monument que Reiske a érigé à sa mémoire.
( Nous allons donner quelques détails sur ce que renferme cette collection, qui commence à devenir fort rare, et montera sous peu à un prix. excessif, si quelque littérateur ne se charge de la remplacer par un nouveau travail qui sans doute pourra être plus complet et plus critique.
Vol. l. Préface où l'on trouve un jugement sur toutes les éditions antérieures. — Liste des souscripteurs : nous observons comme une chose curieuse, que lorsque Reiske publia le premier volume de cette entreprise colossale, il pouvoit compter sur trente-quatre souscripteurs. — Eloge de Démosthène par Libanius. — Commencement du texte de Démosthène, qui est donné d'après l'édition de Paris de 1570, mais corrigé d'après des manuscrits et par conjectures. Reiske a eu la précaution de marquer d'une astérisque les corrections reçues dans le texte, et d'indiquer, par une table particulière insérée dans la Préface, les anciennes leçons remplacées.
Vol. II. Suite du texte de Démosthène. — Scholies inédiles d'un manuscrit de Munich; — celles du manuscrit d'Augsbourg, plus complètes que dans les éditions de Jér. Wolf; — celles de Wolfenbultel, fournies par le célèbre Gotth.Ephr. Lessing. — Une table de concordance pour les pages de cette édition avec celles de quelques éditions antérieures.
Vol. III et IV. Textes d'Eschine, de Dinarflue, Lycurgue, Démade et Andocide. — La Préface rend compte des éditions d'Escliine. Pour le texte de cet orateur, Reiske a suivi l'édition de Henri Etienne de 1575, corrigée d'après ses propres conjectures et divers autres matériaux, tels que YApparatu* criticus de Taylor, dont cet éditeur n'avoit donné qu'une
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foible partie dans son édition, et qui consistent dans la collation de quatre manuscrits de Paris et dans quelques notes.
Reiske a encore consulté un précieux manuscrit du commencement du quinzième siècle, conservé à la bibliothèque de Helmstœdt.Enfin, il a donné un scholiaste inédit, d'après un manuscrit d'Oxford. On trouve encore dans ces- volumes, un index græcitatis Æschineœ, et trois autres tables, celle des lois, la table historique et géographique, et une table de concordance des pages; enfin, une dissertation sur Eschine de M. Ch.-Fr. Matthœi, une autre de J.-G. Hauptmann sur Demade, et les deux Vies inédites de Démosthène que M. Schweighœuser avoit- trouvées à Paris, savoir celle de Zosime d'Ascalon, et celle d'un anonyme.
Vol. Y. et VI. Lysias, gFec-latin. Le texte de Lysias est, en général, très-corrompu ; tantôt c'est le commencement d'une harangue qui manque, tantôt la fin, et partout il y a des passages altérés et défectueux. Les lacunes sont trop grandes pour pouvoir être remplies par. conjecture ; il faut recourir aux manuscrits. Malheureusement tous les manuscrits existais paroissent être des copies de celui que Constantin Lascaris avoit trouvé au Mont-Athos, et d'après lequel Alde avoit publié Lysias. Reiske a fait conférer. tous ces manuscrits, sans en retirer une grande utilité. Il a suivi le texte de Taylor, eu le corrigeant autant qu'il lui a été possible. A la place dela version de Taylor, qui est mauvaise, il en a ajouté une nouvelle. On trouve encore dans ces deux volumes, les préfaces des éditeurs anciens, les Vies de.Lysias par Taylor, par Denys d' Halicarnasse , Photius, Suidas, Eudoxia; les.
témoignages des anciens, les Lectiones Lysianæ de Taylor, les variantes, des tables, etc.
Vol. YII. Isée, avec une nouvelle version, et le morceau de Denys d'Halicarnasse sur cet orateur. —Antiphon, avec les Dissertations de Pierre van Spaan t de- Hauptmann les tables , etc.
Vol. VIIL Lesbonax, Hérode Atticus, Antisthène, Alci-
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damas, Gorgias. - Une version latine d'Antiphon et d'Andocide. — Le commentaire de Grégoire de Corinthe stirlouwage d'Hermagène , Trept fxE06t?oy (?sivÔT)rroç, publié pour ]a première fois.- Un supplément d'observations sur Dinarque, Lycurgue et Andocide.;— Les tables pour ces orateurs.— Une dissertation de Hauptmann sur Andocide, etc.
Vol. IX-XI. L'Apparatus criticus ad Demosthenem, c'est-à-dire les notes de J. Wolf, Tâylor, Reiske.
YfJJ. XLI. Douze tables pour Démostliène. Une particularité que nous ne devons pas passer sous silence, c'est que les quatre derniers volumes ont été publiés après la mort de Reiske, par sa veuve, qui avoit été son collaborateur dans tout ce travail.
Une quatrième collection des orateurs grecs a été entreprise par M. Imm. Bekker. Elle est entièrement critique, et donne une nouvelle récension fake d'après les principaux manuscrits existans , sans traduction ni commentaire. Elle paroît sous le titre d'Oratores attici, à Oxford, depuis 1822.
Les trois premiers volumes qui en ont paru renferment: I. Antipbon, Andocide, Lysias; Il. Isocrate; III. Isacus, Dinarchus, iEschine , Demade.
Nous allons maintenant indiquer des éditions de quelquesuns des dix orateurs attiques qui ont paru après Reiske.
En 1782, l'abbé Athanase Auger donna à Paris, en 3 vol.
in-40, une édition d'IsocRATB, avec un texte corrigé sur seize manuscrits de la Bibliothèque royale. Malheureusement il est gâté par urf grand nombre de fautes typographiques. Auger n'étoit pas un savant profond, et on lui reproche de ne pas avoir collationné avec assez de soin ses manuscrits- mais il a montré du jugement dans la correction du texte, aussi bien que de la version latine de Jér. Wolf, qu'il y ajouta.
■ Eu i8o3, M. Guill. Lange donna, à Halle, in-Su, une édition grecque seulement du même orateur, pour la correction de laquelle il a tiré parti des variantes de l'abbé Auger, et de deux manuscrits de Munich et d'Augsbourg.
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M. 'Coray publia, en 1807, une édition d'Isocrate, toute grecque : elle forme les deux premiers volumes de sa Bibliothèque hellénique. Son texte est plus pur que celui des éditions précédentes. Il a été corrigé avec une grande exactitude sur un manuscri t apporté d'Italie en France, et le plus ancien de cet a uteur. Legénie critique de l'éditeur, aidé de ce secours, a produit un travail excellent. Dans les notes, qui font preuve de beaucoup d'érudition, M. Coray rapproche, comme il a l'habitude de le faire dans toutes ses éditions grecques, la langue moderne de l'ancienne, et répand aipsi beaucoup de jour sur une toute de passages obscurs et de difficultés grammaticales. Il n'y a peutêtre en Europe aucun autre philologue qui puisse faire de pareilles recherches avec autant de succès. Le texte est précédé d'un discours écrit en grec moderne, où l'on trouve d'excellentes réflexions sur la langue et l'éducation des Grecs, et des détails étendus sur le plan de cette édition. Enfin Isocrate forme deux volumes de la çollection de Tauchnitz.
Nous ne donnerons pas la liste des éditions des discours détachés d'Isocrate; cependant nous ne pouvons passer sous silence l'excellente édition critique et exégétique du Panégyrique que Sam.-Fred.-Nath. Morus donna à Leipzig en 1804-, in-8p, et que, d'une part, M. F.-A.:G. Spohn, et de l'autre, M. E.-P.-M. Longueville, ont fait réimprimer en 1817, avec de nouvelles observations, l'un à Leipzig, l'autre à Paris.
Egalement nous ne pouvons nous dispenser de parler de la découverte qu'un savant Grec, M. André Moustoxydès, historiographe des Iles Ioniennes, a faite en 1812. Plusieurs commentateurs avoient déjà observé qu'il existoit une lacune dans le discours d'Isocrate sur l'Echange de la fortune, puisqu'il ne renfermoit pas tout ce que l'orateur annonçoit ; qu'on n'y trouvoit pas certains passages cités par les anciens , et qu'il n'étoil pas ce que, d'aprèf Photius (Bibl. Cod. CLXIX), il devoit être, le plus long discours d'Isocrate. M. Moustoxydès trouva, à la bibliothèque Ambrosienne,, un manuscrit
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complet, c'est-à-dire sans lacune; ce qui l'engagea à donner, en 1812, à Milan, une édition du Discours entier. Malheureusement l'impression de cet opuscule est très-incorrecte..
La même année, M. Aug. Maio fit paroître, aussi à Milan , la traduction de ce discours. M. J.-Gasp. Orelli fit réimprimer le texte à Zurich, en 1814, in-Bo, avec un double commentaire , l'un critique, l'autre philologique, l'un et l'autre fort savans, mais écrits en allemand. En même temps il en donna une petite édition, renfermant le texte et les variantes, avec un titre et une préface en latin, mais sans le commentaire de l'édition allemande. Les deux éditions de M. Orelli sont plus correctes que celle de Milan.
Après avoir donné Isocrate , l'abbé Auger fit un travail semblable sur LYSIAS, dont l'édition grecque-latine parut à Paris en 1783, en 2 vol. in-4°. Elle est moins recommandable que celle à laquelle elle fait pendant, les manuscrits qui y ont servi étant trop modernes. Deux ans après, F.-C. Alter fit imprimer à Vienne, in-8°, une copie d'un manuscrit qui se trouve a la bibliothèque impériale-royale. En 1818, M. G.H.
Schœfer soigna l'impression de Lysias pour la collection de Tauchnitz, en 1 vol. in-18.
Un discours d'ME, qui manque dans la collection de Reiske, savoir celui qui traite de la succession de Meneclès, a été publié pour la première fois, d'après un manuscrit de Florence, par Thom. Tyrwhit, London, 1785, in-So, et plus correctement par MM. Tychsen et Heeren, dans la 3e livraison de la Bibliothek der alten LiteratUr und Kunst, ineditft, p. 3, et par M. Conr. Orelli, à la suite de la petite édition du discours d'Isocrate par M. J.-Gasp. Orelli. Un autre discours du même orateur, celui où il s'agit de lajsuccession de Cléonyme, a été publié , avec des augmentations considérables, par M. Ange Maio, à Milan, 1815, in-4° et in-Bo. Tous les discours d'Isée ont aussi été imprimés pour la collection de Tauchnitz, en 1 volume.
Escïjine et DÉMOSTHÈNE, qui sont souvent réunis, devoient
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aussi l'être dans l'édition que l'abbé Auger se proposoit d'en publier, et dont le premier volume seulement a paru, à Paris, 1790, in-4°. Cette édition a été réimprimée et achevée en 1819, en 10 vol. in-8°, par M. J. Planche. Les deux orateurs se trouvent aussi dans la collection de Tauchnitz : Eschine y forme un volume, Démosthène, cinq. On annonce une nouvelle édition de Démosthène, par M. Schœffer de Leipsig, qui doit avoir paru à Londres, en 6.vol. in-Bo.
Quelques éditions de discours détachés de ces deux orateurs méritent une mention particulière.
Les discours de Démosthène sur la Couronne, et d'Eschine contre Ctésiphon, par Imm. Behher, avec des scholies inédites, Berlin, i8i5, in-Bo.
Le discours d'Eschine contre Ctésiphon, par E. C. F.
Wunderlich, Gcettingen, 1810, in-8°.
Discours de Démosthène contre Leptine, par M. Fr.-Aug.
Wolff Halle, 1789, in-Bo ; édition parfaite.
Celui de Démosthène contre Midias, par Spalding, Berlin, 1794,in-8°.
Pour la Paix, de Démosthène, par M. Ch.-Dan. Bech 3 Leipzig, 1799, in-8°.
Les Philippiques, édition publiée sur des manuscrits, par M. Imm. Bekker, Berlin, 18 18, in-8°.
Nous trouvons dans les catalogues que les Philippiques ont aussi été publiées par Jos. Stock, Dublin, 2 vol. in-8°.
Les Lettres de Démosthène se trouvent dans la collection épistolaire Aldine.
Nous avons parlé des dix orateurs que les grammairiens d'Alexandrie ont nommés Attiques, pour les distinguer de ceux qui, dans la période suivante, se formèrent à Rhodes; mais, en y comprenant Gorgias et Alcidamas, nous avons trouvé qu'il nous reste des ouvrages de douze orateurs. Nouy
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devons en ajouter un treizième, DÉMADE d'AthèTles, qui, né dans une condition obscure et n'ayant pas reçu d'éducation libérale, trouva moyen d'obtenir une grande influence sur le peuple, et des richesses mal acquises. Il se laissa corrompre par Philippe de Macédoine ; fait prisonnier à la bataille de Chéronée, il obtint sa liberté et celle de ses concitoyens qui étoient tombés entre les mains du vainqueur. Il fut un des adulateurs d'Alexandre et d'Antipater. Cassandre le fit mourir, parce qu'une lettre interceptée prouva qu'il étoit en liaison avec ses ennemis 1. Nous avons un de ses discours intitulé iVep rriç SooSexocerîaç, Apologie de sa conduite pendant douze ans.
Ce discours se trouve dans les collections d'Alde, de Henri Etienne et de Reiske.
Nous avons nommé tous les orateurs du siècle de l'éloquence attique dont il nous reste des ouvrages; mais le nombre des citoyens exercés dans l'art de parler qui, prenant part à l'administration publique, avoient l'habitude de méditer leurs discours et de les mettre par écrit, étoit beaucoup plus considérable. Quoique les ouvrages de ces orateurs soient perdus, il est nécessaire cependant, pour l'intelligence des passages d'auteurs anciens où il en est question, que nous indiquions brièvement les principaux d'entre eux
1 01. CXV, i , = 318 ans avant J.-C.
a Voy. Dan. Ruhnkenii Hist. ctit. Orat. gr.
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CÉPHALUS, dont Andqcide, Démosthène et Dinarque vantent là probité, fut, d'après Suidas, le premier orateur qui fit usage d'exordes et de péroraisons.
Platon cite1 une oraison funèbre d'ARCHIMUS de Cœlé, qui fut un des compagnons de Thrasybule dans son entreprise contre les trente tyrans d'Athènes, et Photius dit 2 qu'Isocrate tira grand parti de - ce morceau dans son Panégyrique.
CRITIAS, un des trente tyrans, ne fut ;pas seulement poëte 3.; on le compte aussi parmi les orateurs distingués, et le grammairien Phrynique le place parmi les écrivains qui peuvent servir de modèles.
Critias est nommé immédiatement après les dix orateurs attiques et après Thucydide, Xénophon et Eschine le Socratique. Cicéron, qui avoit lu ses ouvrages aujourd'hui perdus, en fait le plus grand éloge 4.
Aristote parle 5 d'un discours pour Euctémon, tenu par SOPHOCLE, qui fut membre de ce Conseil des Dix qui, peu de temps avant l'établissement.du gouvernement des Quatre-Cents, avoit été institué pour revoir les lois de la république.
Le même philosophe cite un discours - contre Critias, composé par CLÉOPHON, démagogue tur-
1 Me-nex., p. 4O3. A.
s Cod. CCXL.
5 Voy. p. 75 de ce volume.
4 Voy. Ed.-Ph. Hinrichs, de Thcramenis, Criiiae et Thrasybuli vebus el ingenio. Hamb. 1820, in-4°.
5 Rhet. I. c. 15.
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bulent contre lequel le 'poëte Platon avoit fait une comédie.
- Il loue' un discours d'ÂUTocLÈs contre Mixidemides : Xénophon a ne parle pas moins avantagéusement de cet orateur.
Dans son discours contre Leptine, Démosthêne place parmi les hommes les plus éloquens de la république, ARISTOPHON, de la tribu d'Azenie, ÀSYjVcwç, que le Conseil des Quatre-Cents avoit envoyé auprès des Lacédémoniens, et qui accusa Iphicrate et Timoléon de trahison.
Un autre ARISTOPHON de la tribu de Colytte, KOATJTTSUÇ , également orateur distingué, fut un des maîtres d'Eschine.
IPHICRATE lui-même ne fut pas orateur moins habile qu'excellent général. Quintilien nous a conservé un fragment de son Apologie , ou plutôt une pointe que ce rhéteur a gâtée en la traduisantmal 3.
CALLISTRATE, fils de Callicrate, fut un citoyen distingué et un des plus grands orateurs d'Athènes: ce fut sa harangue relative à Oropus qui enflamma le génie du jeune Démosthène. Callistrate commanda l'armée avec Timothée et Chabrias, 01. C, 4.
Il fut archonte 01. CVI, 2. Condamné à mort par
1 Rhet. II, c. 23.
Il Hellen. VI, c. 3.
5 Iust. or. IV, 12. « Cui sirnile quiddam fecissse lphicrates dicitur, qui cum Aristophontem quo accusante similis criminis reus crat, înterrogasset, an is accepta pecunia rem publicaoi proditurus esset, isque id negasset, Quod igitur, inquit tu non fecisses, ego fcci ? » Iphicraie dit :
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l'ochlocratie athénienne, il quitta Athènes ; étant rentré quelque temps après, sans avoir été rappelé, il fut mis à mort. Ulpien raconte que quelqu'un ayant demandé à Démosthène qui étoit plus oratéur, de lui ou de Callistrate , il répondit : « Moi, quand on me lit; Callistrate, quand on l'entend. »
Son accusateur LEODAMAS d' Acharne, disciple d'Isocrate est aussi nommé parmi les orateurs distingués du temps.
Un autre disciple d'Isocrate, PHILISCUS deMilet, le maître de l'historien Timée , laissa plusieurs harangues et une Vie de Lycurgue. Il a eu un disciple plus célèbre que lui, l'historien THÉOPOMPE de Chzios 1, qui passoit pour un bon orateur.
CÉPHISODORE, l'ami intime d'Isocrate , écrivit dans la suite une Apologie de* son maître contre les attaques d'Aristote. Denys d'Halicarnasse appelle cette défense, admirable, Travu Socrpocç-vi. Ce même critique nous a conservé un petit discours de Céphisodore 3.
Aristote rapporte 3 un fragment du discours que LYCOLÉON prononça pour la défense de Chabrins4.
Il cite aussi THEODECTIS de Phazelis, le poëte tragique, auteur d'une Apologie de Socrate : cet orateur étoit disciple d'Isocrate et d'Aristote lui-même.
EUBULUS d'Anaphlysté, un des principaux dé-
1 Vov. ci-dessus p. 179.
2 De Isocrate judicium. Ed. Reisl. vol. V, p. 5jn.
3 Rhet. III, 10.
* 377 ans avaiit J.-C.
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magogues d'Athènes, et l'antagoniste de Démosthène. Ce fut lui qui défendit Midiâs contre cet orateur. Eschine, qui avoit été son secrétaire, dut à son influence la tournure que prit son procès relatif à l'ambassade en Macédoine. Aristote cite le discours d'Eubulus contre Charès 1.
- Nous avons fait mention d'ANDROTiON , ce disciple d'Isocrate contre lequel Démosthène plaida.
Il ne doit pas être confondu avec Tégrivain du même nom qui, dans la période suivante, a fait une Atthide.
On cite aussi CYDIJVS et ÆSION, le condisciple de Démosthène.
Harpocration parle de trois discours de PHILINUS; fils de Nicostrate : l'un combattoit la proposition de Lycurgue, d'ériger des statues aux trois grands poètes tragiques d'Athènes.
HEGESIPPE, auquel Eschine donne le sobriquet de Crobylus 9, appuya vivement Démosthène dans ses démarches contre Philippe de Macédoine. On lui attribue la harangue sur Halonèse, qui se trouve parmi les ouvrages de ce grand orateur.
ARISTOGITON, orateur ou sycophante contre lequel Démosthène et Dinarque prononcèrent des discours 3.
- MOEROCLÈS, un des chefs du parti populaire dont Antipater demanda l'extradition.
1 Rhet. l, 16.
! Voy. p. 112.
3 Yoy. p. 220, 221.
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POLYEÚCTUB, surnommé SPHETTIUS. Aristote le cite, et Apsines a conservé un fragment de son discours contre Demade J.
DEMOCHARÈS de Leuconoé, fils de Lachis et de la sœur de Démosthène, un des hommes d'état les plus distingués d'Athènes, et partisan zélé du système de son oncle. Il survécut à celui-ci, et appartient plutôt à la période suivante, comme un des derniers rejetons de l'éloquence attique. L'auteur de la Vie des dix Orateurs a conservé un décret que le peuple athénien porta en son honneur, décret par lequel il lui fut décerné une statue de bronze. On cite avec éloge son Apologie de Sophocle, auteur du décret contre les philosophes, dont il sera question. Il écrivit aussi une histoire de son temps, à laquelle Cicéron reproche un style trop oratoire a. Sa franchise lui fit donner le surnom de Parrhésiaste, le franc-parleur. Il la poussa à l'excès, si l'anecdote rapportée par Sénèque est véritable 5. a Il fut, dit ce philosophe, un des ambassadeurs que les Athéniens envoyèrent près de Philippe de Macédoine. Le roi les reçut gracieusement, et demanda ce qu'il pourroit faire qui fût agréable aux Athéniens. Te pendre, interrompit Democharès. » En tous les cas, Sénèque a commis un anachronisme. Democharès n'a pas été envoyé
1 Art. Rhet., p. 708.
2 Brut., c. 83.
5 De ira, III J 21.
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auprès de Philippe de Macédoine; il l'a été auprès d'Antipater.
Son contemporain CLEOCHARÈS de Myrlee en Bithynie, fut orateur et auteur d'une Rhétorique citée par Photius 1.
Nous nommerons encore un des adversaires de Démosthène, l'ami de Lycurgue, STRATOCLÈS de Diomia, qui accusa le premier d'avoir pris de l'argent de Harpal us. Cicéron le cite a comme ayant inventé diverses circonstances de la mortdeThémistocle, dans l'intention de rendre son récit plus tragique.
1 Cod. CLXXVI.
a Brut., c. IL
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CHAPITRE XX.
Des Epîlres attribuées à des hommes célèbres , antérieurs à Al xandre-le-Grand
Nouô possédons un assez grand nombre de lettres attribuées à des hommes célèbres de cette période ; quelques-unes d'entre elles sont peut-être authentiques, mais la plupart sont l'œuvre des sophistes des siècles suivans, qui exerçoient leurs disciples en leur faisant composer des lettres et des discours sous le nom de personnes- connues et sur des matières données.
Telles sont cent quarante-huit lettres attribuées à PHALARIS, né dans l'île d'Astypalé, et qui fut tyran ou prince d'Agrigente, 572 ans avant J.-C. 1 Parmi les anciens, aucun éçrivain n'en parle pendant mille ans; Stobée, Suidas et Jean Tzetzès sont les premiers et les seuls qui les citent. Suidas, qui ne se doute pas seulement qu'elles pourroiènt être apocryphes , leur donne l'épithète d'admirables
1 L'époque où ce priuce a régué n'est pas absolument certaine. Eusébius place le commencement de sa domination à 01. XXXI, 2; mais S. Jérôme a changé celte date en 01. LUI , 4, ou , comme portent quelques manuscrits, 01. LII, 2} - celle dernière date répond au calcul de Suidas.
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(i'Tttç-oAaç ^«ufzacr^xç ^dcvu). Elles sont écrites en diâr lecte attique : Phalaris parloit sans doute le dialecte dorique. Cette circonstance seule ne nous autoriseroit pourtant pas à les rejeter, puisque nous verrous , que, plus d'une.fois, les copistes ont changé le dialecte- dorien en attique ; mais les, anactironismes qu'elles renferment trahissent le faussaire, qui est peut-être ADRIEN, sophiste du temps de MarcAurèle.
Les lettres de Phalaris ont été, vers la fin du dixseptième siècle et au commencement du dix-huitième, Fobj et d'une querelle littéraire très-fameuse, à laquelle presque tout ce qu'il y avoitde savans en Angleterre prit part. Sir WilliamTemple ayant vanté les lettres de Phalaris comme un des plus beaux monumens de l'antiquité l, Gharles Boyle, qui fut ensuitç nommé comte Orrery, en donna une nouvelle édition. Il désiroit consulter un manuscrit de la bibliothèque du roi d'Angleterre, mais cet avantage lui fut refusé, soit pàr un manque de complaisance du
i Essay upon aucient and modern learning, p. 53. « 1 think tlie Episllcs of Phalaris to Lave more race, more spirit, more force of wil and genius iban any otliers 1 hnve ever seen eilhfr ancient or modéra. 1 know, some learned men (or thaï usually pass for sticit, under the naine of critics ) have
iiot esteemed them genuine but J think he miist hâve lillle skill in painting lhat caftnni find out ihis to be an original. Such diversity of passions, upon such variety of actions and passages of liie and government ; such freedom of thought, such boldness of expression, such bouuty to his friends; such scorn of his enmics; such honour of learned men, suclr esteem of good, such knowledge of life ; such tontempt of death j with such fierçeness of nature and cruelly ofrevenge: could ne ver be represented but byhini that possessed them. n
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célèbre Richard B-entley, qui en étoit conservateur, soit par un accident qui ne dépendoit pas de celuici. En exprimant ses regrets, Boyle plaça dans la préface de'son édition quelques mots désobligeais pour ce savant. Cette imprudence fut très-utile à la critique; elle fournit à Bentley un motif de discuter, à fond l'authenticité des lettres de Phalaris, contre laquelle Cœlius Rhodoginius, Ménage, Ange Politien et Lit Greg. Gyraidus avoieiit déjà élevé quelques légers doutes. Bentley en démontra la fausseté, ainsi que celle des lettres de Thémistocle, de Socrate et d'Euripide, et des fables d'Esope que Temple avoit également vantées. Il publia une suite de dissertations qui font époque dans l'histoire littéraire, parce qu'elles ont fait voir de quelle manière des questions de cette nature doivent être approfondies , et parce qu'à propos des lettres de Phalaris, B-enùey a étendu ses recherches sur beaucoup d'objets des antiquités grecques, qu'on n'a commencé à bien juger que depuis cette époque
1 Les diverses-dissertations de Renlley, auxquelles la dispute avec Boyle donna lieu, et qui fondèrent sa ctléhrité, étoient écrites en anglois. JeanDan. de Lennep les traduisit en latin ; elles forment le second vojume (le son édition des lnttes de Phalaris. Nous croyons faire une chose utile eu indiquant à nos lecteurs ce qu'ils peuvent trouver dans ce volume.
1°. Rich. Bentleii Diss. de epistolis Phalaridis ( elle avoit paru pour la première fois en iGg7, à la suite de WoltorHp reflcciions on ancient and modem learuing, et très-augmentée en 1699); 2°. Diss. de epistolis Themistoclis ; 3°. Diss. de epistolis Socralis ; 40. Diss. de epi-stolis Euripidis; 5°. Diss. de fabulis AEsopi; 6°. Responsum quo dissertalioncm suam de epistolis Plialnridis vindicat a censura Caroli Dn>lo. Lrs points que Bentley examine dans ce mémoire fout: de <t'taie Phalaridis ; de aetate
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Les Lettres de PliaJaris parurent d'abord en latin ; la traduction est de Fi-ançois Grifolini d'Arezzo x, et a été imprimée plus de vingt fois dans le quinzième siècle. tllric Han l'imprima deux fois à Rome, in-4°, vers 1479, mais sans date. A la même époque, Sixtus Riessinger l'imprima à Naples, également in?4° et sans date. Entre 1471 et 1473, elles furent publiées, par les soins de Thomas Ferrandus, à Brixen,.in-4°, également sans nom d'imprimeur ni date; à Paris; sans date ni nom d'imprimeur fl, par Ulr. Gering, Martin Crantz et Michael Friburger, également in-4°; ensuite par Gérard de Lisa, à Trévise, 14.71, in-4., et à Oxford, 1485, in-Bo3. Nous passons sous silence les autres éditions.La première édition grecque de Phalaris parut en 1498, Pythagorae j de Phintieusibus ; de Haleso; de poculis Thericleis; de Zanclaeis et Messaniis ; de Taurommio, de origine comœdise; de Aristolofibo et origine tragœdiae; de dialecto altica; de legibus Zaleuci et Charondae ; de receiitiore dialecto attica ; de pecunia sicula; de epistotis, veteribus incognitis.
- 1 Cette traduction est ordinairement attribuée à François Accolti d'Arezzo y les auteurs italiens balancent entre Grifolini et Accolti. Voy.Tiraboschi, Storia della Litter. ital. ( Firenze, 1807 ), 7 vol. VI , p. 53i.
Il Les imprimeurs sont désignés par ces vers qui terminent il épigrimiiif- que lenr'adressa Erhard Windsberg : Fœlices igitur Michael Martineque semper Vivite, et Ulrice ! hoc queis opus imprimitur.
Erhardum vestro et non dedignernine amore , Cui fido semper pectore clausi erilis.
3 Voici le commencement des vers par lesquels les imprimeurs de cette édition se sont fait connoîlre : Hoc Teodoricus Rood quem Collonia misit, Sanguine Germanus, nobile pressit opus.
Atque sibi socius Thomas fuit Anglicus Hunte.
Dî dent ut Venetos exuperare queant.
Quam Jenson Venetos docuit, vir galiicus, artem , Ingenio didicit terra Britanna suo, etc.
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in-4°,xi Venise: « InaedibusBarthol. Justinopolitani, Gabriellis Brasichellensis, Joannis Bissoli et Benedicti Mangii, Carpensium, i) avec les lettres d'Apollonius et de Brutus. La traduction latine qui y est promise n'a pas paru; une nouvelle traduction se trouve dans l'édition de Thomas Kirchmeyer ou Naogeorgius, Bâie, 1558, in-8°, et dans l'édition de Jér. Commelin, de 1597, qui forme la troisième, ou plutôt la première partie
de sa collection d'épistolographes. La même année 1597 , EilhardLubin publia ces lettres, en grec seulement, in-Bo, à Rostock. On les trouve ensuite dans les divers recueils.L'édition de Charles Boyle, qui donna le signal de la querelle littéraire dont nous avons parlé, parut à Oxford en 1695 et 1718, in-8". La meilleure édition est due à Jean-Dan; de Lenne ,p et à Louis-Gasp. Valckenœr, Groningue, 1777, en 2 vol. in-4°. Nous avons indiqué, p. 276, dans les notes, la matière du second volume. L'édition a été réimprimée par les soins de M. G. H. Schœfer, à Leipzig, 1822, in-8°, mais sans le second volume, parce que celui-ci avoit été réimprimé dès 1781, sous le titre de Rich. Bentleii Opusc. philol., Lips. in-8".
Parmi les lettres de Phalaris, il y en a une, la 56e ou, dans l'édition de Lennep, la 76E, qui est adressée à ABARIS; la suivante est de ce Scythe lui-même. Abaris est un personnage à demi-fabuleux ; Hérodote en parle comme d'un homme sur le compte duquel on débitait beaucoup d'historiettes. Fils d'un nommé Seuthès, et prêtre d'Apollon, il fut envoyé en Grèce pour consulter des oracles. Le sophiste Himère, après avoir fait la des cription du costume barbare sous lequel Abaris se présenta aux Athéniens, ajoute qu'il n'étoit Scythe
1 Voy. dans l'Introduction, p. Iviij.
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que d'habit, mais qu'il parloit grec comiae s'il avaitété. élevé au milieu de l'Académie ou du Lycée
Strabon loue sa droiture et la simplicité de ses moeurs Il règne de l'incertitude sur l'époque où il a vécu : Suidas dit qu'il vint en Grèce vers la 5e Olympiade 5 mais s'il a correspondu a\eç Phalaris, comme le suppose le fabyicatèur des lettres du prince d'Agrigente, il faut le placer deux siècles plus tard, ce qui revient à la date que porte un manuscrit de Suidas, de la bibliothèque royale de France, où, au lieu de la 58 Olympiade, on lit la - 55\ C'est le même Abaris auquel on attribuoit des Oracles et d'autres poésies dont nous avons parlé 3.
On attribue neuf lettres à ANACHARSIS, philosophe scythe qui, du temps de Solon, fit un voyage en Grèce. Il étoit frère d'un roi de Scythie; leur mère étoit Grecque. Les anciens disent que c'est lui qui a inventé l'ancre et le tour du potier.
PYTHAGORE est supposé avoir écrit trois lettres y Tune au philosophe Anaximène, l'autre à Hiéron, roi de Syracuse, et la troisième à son fils Telaugès.
Nous avons une lettre que L YSIS de Tarente doit avoir adressée à son ami Hipparque,.pour lui reprocher l'indiscrétion qu'il avoit commise en divulguant les secrets du maître; sept lettres de THÉANO, épouse de Pythagore, parmi lesquelles il y en a trois qui roulent sur l'éducation des enfans, sur la jalou-
1 Ht~j~. Or. XXV. Ed. Wernsd. p. 814.
2 VII, 118. ( Ed. Tzschuck. vol. II, j). 3G5.)
1 Voy. ci-dessus, p. 120.
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sic et sur le gouvernement' de la maison. Ces trois morceaux appartiennent aux plus beaux monumens de l'antiquité, et ne renferment rien qui ne soit digne de la personne à laquelle op les attribue, ni conforme auJÇ. mœurs du siècle où on les place. Il est vrai qu'elles sont écrites en dialecte attique ; mais nous avpns déjà fait l'observation que cette circonstance ne prouve pas absolument leur fausseté. Deux savans Allemands dont l'autorité est de grand poids dans ces matières, Wieland et Christophe Meinerç n'ont pas hésité de regarder ces lettres comme sorties de la plume de Théano1.
4 la suite des lettres de cette dame, on en trouve une de MELISSA et une autre de MYIA, fille de Pythagore.
On a cplporté, sous le nom de THÉMISTOCLE, vingt et une lettres écrites pendant son exil. Le faussaire qui les a composées, ou l'homme de lettres qui s'est amusé à se placer en imagination dans la position où le vainqueur de Salamine doit s'être trouvé après avoir éprouvé l'ingratitude de ses compatriotes, étcit bien au fait des détails de l'histoire et du caractère de son héros; il ne s'est pas trahi par un seul anachronisme, comme il arrive si facilement dans des compositions de ce genre ; car un passage où il est question des Boïens, peuple alors inconnu, manque dans la première édition, et est évidemment une fausse leçon : néanmoins le
1 L'un dans la Prefiicu de sa traduction, l'autre dans Gescli. der Wissenschaften in Crechenland, clc. Vol. l, p.- 598.
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style sent quelquefois' le rhéteur qui ne sait pas s élever toujours à-la simplicité antique.
Après Pythagore et ses disciples, et après Thémistocle, ce sont So.crate et. son école, pour compte desquels on a fabriqué des correspondances. Les grammairiens d'Alexandrie prenoient plaisir à ce genre d'exercice. Ils ne sont pourtant pas les auteurs de toutes ces lettres; quelques-unes .doivent avoir été fabriquées après J.-C.; mais toutes ont existé du temps de Lib-anius qui en fait mention, quoique d'une manière obscure, dans son Apologie de Socrate. La plupart des faits et des circonstances qu'on trouve dans ces lettres sont connus ; cependant les personnes qui les ont fabriquées ont quelquefois puisé dans des sources qui sont taries pour nous, et sous ce rapport ces lettres ne manquent pas d'un certain intérêt.
Les lettres qu'on nomme Socratiques sont au nombre de quarante et une. Il y en a sept de SoCRÂTE, une d'ANTISTHÈNE, cinq d'ARISTIPPE, une d'EscHiNE le Philosophe, une - de SIMON le Corroyeur, sept de XÉNOPHON, douze de PLATON, dont trois sont adressées à Denys de Syracuse, une à Dion, et le reste à des amis du dernier et à divers autres particuliers: après ces douze lettres, il y en a une treizième qui est adressée par DION à Denys. Nous parlerons' ailleurs de l'authenticité des lettres Platoniques.
Sous le nom d'HÉRACLITE d'Ephèse, il existe sept lettres auxquelles on en joint deux que DARIUS,
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roi de Perse, doit avoir écrites à ce philosophe et aux Ephésiens, sur lesquels il régnoit.
Cinq lettres attribuées à EURIPIDE sont écrites avec assez de pureté et de simplicité pour qu'on ait pu balancer sur leur authenticité avant Bentley, dont la critique sév ère, mais juste, a fait rentrer dans le néant tant de productions supposées.
Le sophiste qui a composé les lettres d'HippoCfulTE, et celles que diverses personnes sont supposées avoir écrites à ce médecin, nommément D-ÉMOCRITE, a été beaucoup plus maladroit. L'affectation et le style déclamatoire qui y règnent trahissent facilement le faussaire. Ces lettres sont au nombre de vingt.
Il existe dix lettres d'isocRATE, et celles-là sont authentiques, au moins pour la plus grande partie.
Les lettres de CHION d'Héraclée, au nombre de dix-sept, sont du plus haut intérêt. Ce disciple de Platon, animé par le fanatisme politique auquel la jeunesse inexpérimentée s'abandonne si facilement, se dévoua à la délivrance de sa patrie. Cléarque, qui régnoit à Héraclée, n'étoit pas un bon prince, il est vrai; mais en le tuant Chion fut cause que cette ville tomba sous le joug d'un tyran bien plus malfaisant1. Chion lui-même périt victime de son exaltation. Le Néo-Platonicien du quatrième siècle après J.-C., qui est probablement l'auteur de sa correspondance, a fait preuve d'un talent peu commun, en exprimant avec vérité les mouvemens
Voy. les (ïuguK'ns de M km NON, au commencement.
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d'uu coeuï vertueux qu'une passion égare, et qui est tour à tour agité par des sentimens opposés mais il s'est trahi par plusieurs anachronismes. Son style est clair, simple-, animé.
N OUi. avons six lettres dp DÉMOSTHÈME écrites pendant son exil et peu cle temps avanl sa mort : elles sont vraiment de cet orateur ; inais des douze qui sont attribuées à ESCHIN,E , son adversaire, et qui sont écrites de Rhodes, Photiusn'en recpnnoît que neuf, et il ajoute qu'on les appeloit les Muses d'Eischine, comme ses trois harangues étoient nommées les Grâces l. Les lettres attribuées à DIO&ÈNE de Sinope et à CRATÈS de Thèbes sont supposées, aussi bien que les réponses de MEGASTHENE et d'EplMENJDE aux lettres que le philosophe de Sinope doit leur avoir adressées.
Il existe plusieurs Collections de lettres grecques. Marc Musurus et Alde l'ancien publièrent la première, à Venise, 1499,2 vol. in-4°. Elle fut réimprimée à Genève, 1606, in-fol., avec une traduction latine. Cette traduction a été anciennem'ent ptiribnée à Cujas, le célèbre jurisconsulte. Harless, 6'axiuft et Ginguené ont pensé qu'elle étoit de François Acçolti d3 Arezzo ; mais M. Boissonade a prouvé, dans le Mémoire que nous citerons plus bas, qu'elle est de François Grifolini. Elle avoit paru eu 1487.
Les Commelin de Heidelberg ont publié un recueil des lettres en 3 vol. in-So, dont deux ont été soignés par Eilhard Lubin. Nous en avons rendu compte dans l'Introduction z.
1 PHOT. Bibl. cod. LXI.
2 Voy. Introd., p. lviij. -
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Ces coltections ne renferment ni les lettres de Thémistocle, ni celles de Socrate et de ses amis. Ce» dernières furent recueillies par Léon Jfilatius l.
Uç nouveau recueil savent, ççitique, et qu'on promet de rendre fort complet, a été commencé par M. Jean-Conr.
Orelli 2.
La lettre dg Pythaçqrç à Télaugès avoit été publiée. pour la premièrefois par Iriarte., dans le Catab codd. gr. bibl.
Matritens., vol. I, p. 337.
Les lettres dç T^èmistocle , dont un manuscrit se trouve au Vetican, ont été publiées pour ta première fois, en grec et en latin, par Y. Mathieu. Caryophulus, archevêque de Cogni, dans l'île de Candie i B,O,J¡lle, 16*26, in-4°. Elie Ehinger en donna une seconde. édition, beaucoup moins bonne, Francfort, 1629, iii-80. Christ, ScJtœttgen fit réimprimer ces lettres, Leipz. 1710, in-8°, et Jean-Christophe Bremer, à Lemgo , J 77P 1 dans le même format.
Six lettres d'HÉRACLITE se trouvent dans les collection» citées ; la septième, adressée à Her-modorus, avoit été publiée en latin, et ep partie seulement, par Ange Politien., dans ses Observai, et emendationes, cap. 5i. Elle a. été publiée en entier et en grec, par M. Boissonade-, dans son édition d'Euuapius, p.. 4-25, L'édition la plus complète des lettres d'!s.OCllATE est celle que M. Chr.-Fred.-Matthœi a donnée à Moscou, en 1776, in-8°, avec celles de Démétrius Cydane et de Michel Glycas.
Les lettres de CHioN ont été publiées séparément par Jean Caselius, Rostock, i583, in-4°; par Frêd. Morel, Paris, 1600, in-/j.o; et par Jean-Théoph. Cober, Dresde, 1765, m-8°.-La meilleure édition est celle de M- A. G. Hoffmann, qui est jointe à l'édition des fragmens de Memuon, de M. JeanConr. Orelli, Leipz. 1816., in-8°.
1 Yoy. Intror)., p. 1 ij.
'2 Voy. lntrod., p. Ixxxij.
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Les lettres de l'orateur ESCHINE ont été publiées séparément par Jean-Samuel Sammet, Lcipz. 1771, in-8°..
Quant aux. prétendues lettres de DIOGÈNE de Sinope, on en connoît depuis long-temps vingt-neuf. Elles se trouvent dans le recueil d'Alde. Celui de Genève n'en renferme que vingtsept : les éditeurs retranchèrent la 26e et la 290 lettre, parce qu'ils ne les avoient pas trouvées dans la traduction latine de 14.87 qu'ils copièrent. L'auteur de cette traduction avdit probablement travaillé sur un manuscrit où elles n'existoient pas ; mais ce même manuscrit en renferme vingt autres qui manquoient dans celui dont Aide s'étoit servi. Le traducteur les comprit dans son travail ; ainsi sa version s'étend en tout sur quarante-sept lettres. Deux.manuscrits grecs du Vatican, qui ont été pendant quelque temps à Paris, renferment vingtdeux lettres qu'Alde ne connoissoit pas, savoir, les vingt dont nous venons de parler, et deux autres que François Grifolini, l'auteur de la traduction, n'a peut-être pas voulu publier à cause de leur contenu. Toutes les vingt-deux ont été mises au jour par M. Éoissonade, dans les Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque du roi de France, vol. X, part. 2, p. 122. Ce savant a en même temps prouvé que toute la correspondance de Diogène est supposée.
Il existe sept lettres inédites attribuées à CRATÈS , EFIMÉNIDE et MIGASTHLNE, dans un manuscrit qui se trouve à la bibliothèque Booléenne, à Oxford, et dont feu Jacq. Morelli a rendu compte dans une Epitré intitulée : De Leonis Uapt.
Alberti Intercaenalibus, ejusque scriptis quibusdam aliis ineditis vel nondum satis cognitis ; laquelle a été insérée dans le recueil de ce bibliothécaire qui a pour titre : Jac. Morellil Epistolae VI varias eruditiouis. Paduaî, 181g, in-Bo.
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CHAPITRE XX T.
Des premiers philosophes de la Grèce. — Des sept Sages. — Des écoles d'Ionie, d'Italie et d'Elée, et des Sophistes 1.
LA période que nous parcourons estla plus brillante époque de la philosophie en Grèce. Comme la poésie profane , elle prit naissance en AsieMineure et dans la Grande -Grèce ; elle ne fut même dans l'origine qu'une espèce de poésie qui s'approprioit les notions que lui avoit fournies la religion naturelle ; la cosmogonie et la théogonie furent les thèmes sur lesquels elle s'exerça de préférence. Bientôt elle se laissa conduire par la dialectique dans des sentiers tortueux où elle perdit la trace de la vérité; l'envie de briller devant des auditeurs nombreux eut plus d'attrait pour ses sectateurs que la recherche de la sagesse et de la vertu. Socrate et son école rentrèrent dans la
1 Bruclcer, Hist. philos, cilt. Lips. 1777, 6 vol. in-4°. J. G. Buhle Lelirl}. «1er Gesch. der Philos. Gœtt. 1796, 8 vol. in-8°. W. G. Tennemann, Gesch. der Philos. Leipz. 1798, 2 vol. ln-8". Dietr. Tiedemann, Griechenlands ersle Philosophen. Leipz. 1780, in-Bo. Histoire de l'origine, des progrès et de la décadence des sciences dans la Grèce, par Meiners.
Paris, 1798, 5 vol. Ín-t\ Meiners, Hist. doclr. de vero Deo. Lemgov.
1780, in-8°. W. Traug. Krug, Gescli. der Philosophie alter ZeiL, ,ornrhmlich unlci Griechen und Roemeru. Leipz. 1815, in-8°.
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bonne route renonçant à des spéculations oiseuses et à des succès qui pouvoient flatter la vanité, ils enseignèrent une philosophie pratique et la morale, seul avantage solide que l'homme puisse tirer des spéculations de sa raison, parce que seule elle conduit au vrai bonheur. Ce n'est que vers la , fin de cette période que la philosophie devint .une véritable science : oninventa alors des systèmes, et la philosophie se divisa en plusieurs branches, à chacune desquelles -on assigna ses limites.
Les sept Sages, par lesquels on Quvre ordinairement l'histoire de la philosophie grecquç n'-étoient ni des philosophes dans le sens Atie nous attachons à/ce mot, ni même des écrivains; c'étoient des hommes distingués par leurs talens, mais Surtout par leur expérience, respectables par leurs vertus et par les services qu'ils avoient rendus à leur patrie. « Ils recueillaient le petit nombre de vérités de la morale -et de la politique, et les renfermoient dans des maximes .assez claires pour -être saisies au premier aspect, assez précises pour être ou pour paroître profondes. Chacun -d'eux en choisissoit une de préférence, 'qm étoit comme sa devise et la règle de sa conduite. Liés d'une amitié qui ne fut jamais altérée par leur célébrité, ils se réunissoient quelquefois dans un même lieu pour se communiquer leurs lumières et s'occuper des intérêts de l'humanité 1. »
Pour mieux fixer ces maximes dans la mémoire,
i Voyage du jeune Anachirsis.
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à une époque où l'art décrire n'étüit pas êncore bien commun, on leur donna une forme métrique ; ces vers furent gravés sur des plaques de marbre qu'on plaça dans le temple d'Apollon à Delphes.
Voici les noms de ces sept sages.
PITTACUS de Mitylène ; SOLON d'Jltliènes J CI/ÉOTIVLE de Linde 1; PÉRIANDRE, tyran ou prince de Corinthe, à la place duquel d'autres nomment MYSON ; CHILON de Lacédémone BrAs de Priène et THAXÈS de Milet. On met sur la même ligne le Scythe ÁNACHARSIS.
L'histoire des sept Sages est enveloppée de fables que la saine critique repousse. Dans cette classe, il faut placer tout ce qu'on a dit d'une réunion ou d'un banquet qu'ils auroient célébré soit chez Cypsélus, prince de Corinthe, soit à Delphes, soit chez Périandre, fils decypsélus.
La philosophie de ces sages, plus pratique quçspéculative, est désignée par les épithètes de politique et gnomique, ou sententiuse.
Il existe trois collections des Sentences des sept Sages. Les deux premières, attribuées à DÉMÉTKLUS de PJialère et À un certain SOSIADE, nous ont été conservées par Stobée. La troisième est anonyme.
Divers apophthègmes de ces sages, qu'on ne trouve dans aucune de ces collections, se lisent dans Diogène, Plutarque et d'autres écrivains.
1 L'Aulbologie nous a conserve une epigramme qui est attribuée soit à CMobllle, soit à Homère. CLEOEULINE ou EUMELIS , fille de Cléobule, iL fait des énigmes en hexamètres.
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Les deux premières collections se trouvent dans les éditions de Stobée; la troisième a été publiée par Aide Vancien, en 1495, à la suite de son Théocrite. Le recueil le plus complet de toutes ces sentences est dans le vol. 1e1 de la Collection de M. Jean-Conr. Orelli.
On donne le* nom de Sectes à ces écoles célèbres dont les fondateurs succédèrent immédiatement aux sept Sages, et qui se formèrent presque en même temps. Telles sont l'Ecole d'Ionie, fondée par Anaximandre, disciple de Thalès; l'Ecole Italique, qui doit son existence à Pythagore, et l'Ecole Eléatique de Xénophane. Ces écoles, après avoir subsisté près d'un siècle dans les différentes contrées où elles s'étoient établies, se réunirent vers les temps de Socrate et de Platon, dans Athènes, comme au centre du savoir. Les écoles d'Ionie et d'Italie ne s'attachèrent proprement qu'à la physique , qui comprenoit aussi leur théologie; celle d'Elée choisit pour principal objet la dialectique. Socrate jugea la morale plus utile que la physique et la dialectique, et Platon fut le premier qui composa un corps en-
tier ou un système de philosophie, en réunissant la physique, la morale et l'art de raisonner. Tel est l'aperçu général de ce que nous allons exposer avec un peu plus de détail C'est Thaïes de Mïlet2 qui jeta les fondemens
1 Voy. Mémoire sur les sectes philosophiques, par l'abbé Souchay, dans les Mém. de l'Acad. des iDscr. et Belles-Lettres, vol. XIV, p. 1.
3 Né 01. XXXV, l, = 639,avant J.-C., d'après Apollodore. Si cette date est exacte, le calcul de Volney, d'après lequel l'éclipse de soleil pré-
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de la philosophie des Grecs, environ six siècles avant J.-C. Il étoit de la famille phénicienne des Télides, qui, venue en Grèce avec Cadmus, s'étoit fixée à Athènes et s'étoit ensuite jointe à Nélée, fils de Codrus, lorsqu'il alla fonder Milet. Dans ses voyages, Thalès trouva moyen de se faire initier aux mystères des prêtres d'Egypte; à son retour, il communiqua à ses compatriotes les lumières qu'il y avoit acquises, et causa un grand étonnement en prédisant une éclipse.
Les plus anciens auteurs qui parlent de Thalès ne font aucune mention d'ouvrages qu'il auroit composés. Aristote parle de sa philosophie comme d'une chose qu'il ne connoissoit qu'hypothétiquement, et il paroît que sa doctrine n'a été propagée que par la tradition orale, l'art d'écrire en prose n'ayant été trouvé qu'après lui.
Les disciples que forma cet homme d'un génie rare, constituent ce qu'on appelle l'Ecole d'Ionie, la plus ancienne de toutes les sectes philosophiques en Grèce. Si, sans consulter l'histoire, on réfléchit sur la marche que doit avoir naturellement suivie l'esprit humain dans la découverte des sciences, on est tenté de croire que les premiers philosophes auront dirigé leurs observations et leurs méditations vers celles des connoissances qui étoient à la fois
dite par Thalès étoit celle de l'année 625 avant J.-C. , est faux , et cehi de M. Oltmanns, qui la place à l'an 6og, peu ptobable. Il faudra alors s'en tenir à l'opinion commune d'apiès laquelle cette éclipse a eu lieu le ,9 juillet de l'an 597 avant J.-C.
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et les plus faciles à trouver, et les plus utites à la so- j ciété : de ca nombre sont la médecine, l'arithmé- j tique, l' économie et même la rhétorique. L'kistoire j dément ce raisonnement. Dédaignant ces sciences i positives, les philosophes ioniens s'occupèrent des !
recherches les plus difficiles et les plus abstraites, -, telles que la formation de l'univers, la nature des choses, et principalement celle de Dieu et de l'âme, la grandeur et les mouvemens des corps célestes, les propriétés et les rapports des lignes et des sur- < faces. Aussi les anciens désignèrent-ils ces philoso- : phes par le nom de $vaixoî, les Physiciens ou les ; Philosophes de la nature. Leur doctrine, formant le passage de la théologie à la philosophie, étoit en "j effet fondée sur la physique; mais comme cette science, fruit d'une longue série d'expériences qui ne peuvent être exécutées qu'à l'aide d'instrumens inconnus encore, étoit dans son enfance, les sagesde l'Ionie forgèrent des systèmes qu'une connoissance plus exacte des lois de la nature devoit facilement renverser. Toutefois Thalès a le mérite ,d'avoir, le premier, donné une direction à l'esprit spéculatif, en recherchant un principe de toutes choses, Il croyoit l'avoir trouvé dans l'eau, le germe fécondé par la vie, et l'élément fondamental.
d'où étoient sortis ou sortoient encore les êtres ; existans, et dans lequel ils rentroient. Cette doctrine : de Thalès paroît être fondée sur les observations ( géologiques que lui avoient communiquées les Egyptiens. En effet les prêtres de Memphis regardoient le.:
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Delta comme un don du Nil, et croyoient que dans l'origine, tout avoit été eau : opinion qu'ils appuyoient sur un fait : c'est que les montagnes de leur pays renfermoient des coquillages de mer.
Tlialès donna une plus grande extension à ce principe ; il prétendoit que l'eau étoit la matière primitive de tous les élémens. Il appeloit âme tout ce qui a un mouvement intérieur, ou le principe du mouvement : ainsi il donnoit une âme aux plantes mêmes.
A l'exemple de Thalès, les philosophes ioniens s'occupèrent de la recherche du principe général, et adoptèrent un élément fondamental ; mais ils se divisèrent dans le choix de cet élément. Les plus célèbres parmi ces philosophes sont Anaximandre, Anaximène, Anaxagoras, et leurs disciples.
Immédiatement après Thaïes, Aristote 1 parle du philosophe HIPFON, dont la patrie et l'époque sont inconnues, mais qui paroît avoir appartenu à l'école d'ionie. Il regardoit l'hulnide comme le principe des choses ; mais on ne nous dit pas s'il entendoit par cette expression l'eau ou l'air.
ANAXIMANDRE de Milet, fils de Praxiadès fut le disciple de Thalès. Il ne faut toutefois pas prendre le mot de disciple dans un sens trop rigoureux, comme si Thalès avoit tenu une école de philosophie. Ce sage communiquoit à des amis réunis autour de lui, et dans des conversations familières,
1 Meieoi ol. 1,5. De anima, T. 2.
2 Né 01. XLII, 5. = 610 ans avant J.-C.
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les résultats de ses recherches et de ses méditations. Il eut des entretiens plus fréquens sur des matières philosophiques, avec Anaximandre,ou bien cejeune homme fut celui de sa société qui montra plus de goût pour ces objets. Au reste, la seule circonstance de la vie d'Anaximandre qui nous soit connue, est qu'il fut chargé de conduire la colonie milesienne qui fonda Apollonie en Thrace.
Cet élève de Thalès adoptoit comme principe l'infini, OMTeipov, comme étant le moyen terme entre l'eau et l'air. A côté de ce principe général, il reconnoissoit le mouvement comme principe de quelques choses en particulier. Il fut le premier qui ait professé publiquement la philosophie, et le premier qui ait dressé des cartes géographiques générales, et érigé un gnomon. Enfin, il est aussi regardé par quelques écrivains comme le premier auteur d'un .ouvrage en prose ; d'autres attribuent cette invention à Phérecyde.
ANAXIMÈNE de Mïlet1 et son disciple DIOGÈNE d' Apollonie, en Crète 2, surnommé le Physicien, adoptèrent aussi l'infini comme principe ; mais ils le confondirent avec l'air. Diogène de Laerte nous a conservé deux lettres qu'Anaximène doit avoir adressées à Pythagore. Les fragmens moraux d'Anaximène qui se trouvent dans Stobée, sont probablement, d'un autre écrivain de ce. nom, plus moderne. Diogène écrivit un ouvrage sur la Na-
1 Né 544 ans avant J.-C.
a ôoo ans avant J.-C.
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ture, dont le même compilateur et Simplicius -nous ont conservé des fragmens 1. - PHÉRECYDE de Scyros, également disciple d'Anaximandre, partage avec celui-ci l'honneur d'être regardé comme le premier qui ait écrit en prose.
Depuis Phérecyde jusqu'à Anaxagoras, il y a dans l'histoire de la philosophie une lacune de près d'un siècle, pendant lequel nous ne trouvons qu'HERMOTIMUS. de Clazomèlle, maître d'Anaxagoras.
ANAXAGORAS de Clazomène * enseigna le premier la philosophie à Athènes 3, où il gagna l'amitié de Périclès, qui fut son disciple, ainsi qu'Euripide. Le premier aussi il rejeta les cosmogonies de ses devanciers, et, par un effort sublime de son génie, s'éleva à l'idée d'une Intelligence suprême, Nouç, qui a créé l'univers, ou plutôt qui, portant son action sur la masse productive (~) qui existoit de toute éternité en particules innombrables et imperceptibles (ÓP.OplpECO'), y introduisit l'ordre, et donna à ces élémens des formes, des couleurs et des affections ( .;.¡aollal). Ayant avancé que la lune pourroit bien être une terre semblable à la nôtre, otn'avoit qu'une lumière empruntée, et ayant appelé le soleil une masse enflammée (ptiâpoç Statrvpoç) et non un corps animé par une divinité, il fut accusé d'im-
1 Voy. Schleiermacher ubei den Diogenes von Apollonin, dans AbhandI.
der Acadeniie zu Berlin , 1815.
2 Ne 01. LXX, 1. = 5oo ans avant J.-C.
3 456 ans avant J.-C.
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piété ( OcalbWX) et forcé de quitter Athènes J.. Il mourut à Lampsaque 3.
Anaxagoras doit avoir prédit, l'an 2e de la 78e Olympiade, 166 ans avant J.-C., qu'il iomberoit une pierre du ciel. On peut douter de la prédiction ; mais d'après les détails consignés dans l'Histoire naturelle de Pline3, du temps duquel la pierre se voyoit encore en Thrace, et d'après Les observations qu'on a faites depuis une trentaine d'années, il n'y a plus de raison de contester que, l'année indiquée, il ne soit tombé une pierre du ciel; et voici le premier exemple d'un aérolithe. Simplicius nous a conservé des fragmens de l'ouvrage d'Anaxagoras sur la Nature.
ARCHÉLAUS de Milet, surnommé le Physicien, disciple du philosophe de Clazomène, fixa à Athènes l'Ecole d'ionie que son maître avoit tenté d'y transplanter. Il doit être regardé comme le dernier rejeton de cette école, qui fut remplacée par celle de Socrate, son élève. Il fut le premier qui, regardant la morale comme une branche de la philosophie, jeta les fondemens de l'Ethique, que Socrate éleva au premier rang.
Il ne nous reste aucun écrit d'un philosophe de l'Ecole d'ionie , excepté les fragmens dont nous avons parlé. Pour juger avec équité les progrès que
1 427 ans avant J.-C.
a Voy. J.-T. Hemsen, Anaxagoras Clazomeuius. Gœlt. 1821, m-8°.— F.-A. Carus, de Anaxagorea: cosmo.lheologiæ fonLibus. Lips. 1796, in-4°.
5 Hist. nat., II, 58.
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ces philosophes ont fait faire à la science, il faut se pénétrer des observations de Sénèque. « lllud ante omnia dicendum est, c'est ainsi que s'explique cet écrivain 1 , opiniones veteres parum exactas esse et rudes. Circa verum adhuc errabatur. INova omnia erajat primotentantibus; post eadem illa limata sunt j et si quid inventum est, illis nihilominns referri debet acceptum. Magni animi res fuit-rerum naturae latebrag dimovere, nec contentum exteriore ejus conspectu, introspicere et in Deoram secreta descendere. Plurimum ad inveniendum. contulit qui speravit posse reperiri. Cum excusatione igitur veteres audiendi sunt. Nulla res consummata est dum incipit. JNec in hac tantum re, omnium maxima atque involutissima, in qua etiam cum multum actum erit, omnis tamenœtas quod agat, inveniet,.
sed in omni alio negotio longe semper a perfecto fuere principia â. »
Parmi les sages de la Grèce antérieurs à Socrate, il n'y en a pas d'aussi remarquable que PYTHAGORE de Samos, disciple de Phérecyde et fondateur de l'Ecole d'Italie. Il réunit dans un plus haut degré que ses devanciers et la plupart de ses successeurs, la profondeur dm génie avec un esprit éminemment observateur. Il posséda l'art de tirer parti de-s ressources qu'offrent la politique et la religion, pour acquérir une grande autorité sur les âmes de ses
1 Quiest. nat., VI, 3.
- Outre les ouvrages généraux, il faut consulter, sur l'école d'Ionie , Heinr. Ritters Geschichte dei Ionischen Philosophen. Berlin, 1821 in-8e
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contenlporains; et il profita avec habileté de cette supériorité, pour opérer une révolution salutaire dans les moeurs de son siècle.
Il règne beaucoup d'incertitude sur l'année de la naissance de Pythagore. Les uns, tels que La Nauze et Frêret1 la fixent à 01. XXXV, 15 Larcher se décide pour 01. XLIII, 1 ; Rie h. Bentley pour 01. XLIII, 4; Ch. Meiners pour 01. XLIX, 2a; Dodwel pour 01. LII, 53. Il y a entre ces diverses fixations une différence de soixante-trois ans d'un extrême à l'autre. Quelques auteurs ont déclaré que tout ce qu'on peut dire avec certitude, c'est que les soixante-quinze ou quatre-vingt-quinze années de la vie de Pythagore (car la durée de sa vie est aussi un poipt de controverse ) tombent dans les cent quarante-deux ans qui se sont écoulés entre 608 et 466 avant J.-C. Visconti donne la préférence à Eusèbe qui, en fixant la mort de Pythagore à 496 ans avant J.-C., exprime des doutes sur l'âge avancé auquel ce philosophe doit être parvenu 4.
1 Pythagore fit un séjour de vingt-deux années en Egypte ; et s'il ne pénétra pas dans les royaumes de
1 Mém. de l'Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, vol. XIV, p. 575 et 472.
* Gesch. der Kùnste und Wisscnschaften in Greichenland und Rom.
3 De veteribus Gr. Romanorumque cyclis, p. -î5rj.
4 Visconti penche à fixer à 75 ans l'âge où Pythagore parvint, parce que Lucienne l'a pas nommé parmi les Macrobes dont il a donné la liste.
Il croit trouver dans le doute émis par Eusèbe, une preuve de la houté des sources où cet écrivain a puisé , parce qu'il est très-facile de se méprendre sur 75 et 95 dans les chiffres grecs de la plus haute antiquité, 75 s'exprimant par OE, et 95 par QE. D'après cela, Pythagore seroit né 571 ans avant J.-C. Voy. Iconogr. gr,, vol. I ; p.152 ( éd. in-4° ).
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la Haute-Asie, ce qui est problématique, il trouva moyen de se procurer la connoissance des sciences qu'on y cultivoit. A son retour, voyant sa patrie gouvernée par Polycrate, il alla s'établir à Crotone, dans la Grande-Grèce. Il y enseigna publiquement la morale, d'abord aux enfans, ensuite aux jeunes gens, et successivement aux hommes d'un certain âge, même aux sénateurs de Crotone, et, par leur ordre, aux femmes. Une amélioration évidente des moeurs parmi les habitans de cette république, fut le résultat de ses travaux. C'est dans cette ville qu'il fixa le centre d'un institut qu'il fonda : c'étoit, à ce qu'il paroît, un ordre ou une confrérie ascétique qui, avec le dépôt des sciences, devoit conserver aussi la pratique des bonnes mœurs. Ses disciples vivoient en communauté, soumis à un régime sévère, et distribués en différentes classes.
Un grand nombre de citoyens vertueux et d'hommes d'état se formèrent dans cette institution dont les branches se répandirent dans toutes les villes de la Grande-Grèce : les affiliés surent se ménager partout une influence politique qui finit par attirer aux Pythagoriciens la haine de la multitude. On raconte diversement les événemens qui amenèrent une explosion, laquelle fut suivie par la destruction de l'ordre; mais il paroît certain que le fondateur survécut à cette catastrophe. Cependant l'ordre continua d'exister comme secte philoso- phique, sous les noms de Pythagoriciens et Mathématiciens, nuGocyopixoî et Mo;ey¡p.o:'t"oco(.
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La doctrine de Pythagore est enveloppée de quelque obscurité : comme il n'existe aucun ouvrage de ce sage nous ne la connoissons que par ceux de ses disciples, et il étoit déjà difficile du temps d'Aristote, de distinguer les opinions qui sont particulières à ceux-ci, d'avec celles qu'avoit manifestées leur maître. Ce qui constitue le caractère propre de son système, -c'est qu'il transporta dans la philosophie les idées des rapports des nombres et des tons : les Pythagoriciens regardoient les nombres comme le premier principe, la-monade et la dyade comme les élémens des nombres, des lignesT jdes surfaces et des corps, et en général de tout ce qui existe. Ils admettoient une âme du monde; ils.
enseignoient l'immortalité de l'âme et la métempsycose. La vertu étoit, d'après leur définition, une harmonie ; les principales vertus étoient la justice,, la modération et la bravoure ; ils regardoient la justice comme l'égalité absolue des nombres. IIs.
prêchoient la nécessité de domter la nature pour se rapprocher de la divinité.
On leur attribue des découvertes importantes en médecine , en mathématiques et en astronomie , même la connoissance du système de Copernic. On regarde leur chef comme l'auteur de la doctrine de l'harmonie des sphères, ou d'une musique ravissante, causée par le mouvement des astres. Outre leur philosophie secrète ou esotérique, les Pythagoriens en avoient une populaire ou exotérique, dans laquelle ils enseignoient l'existence d'un Etre-
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Suprême et celle des démons , et attribuoient à amç une préexistence.
La Vie de Pythagore a été écrite par deux piiilosophes célèbres, Jamblique et POltPHYRE, dont nous parlerons par la suite. Ils ont recueilli toutes les fables que l'admiration et l'enthousiasme avoient inventées sur cet homme vraiment extraordinaire.
Il est constant par des passages positifs de plusieurs écrivains de l'antiquité, que Pythagore n'a rien écrit. Néanmoins on lui a attribué plusieurs ouvrages composés par ses disciples ou forgés par des imposteurs. Le plus célèbre de ces écrits est comnu sous le titre de P érs dorà 5 xpuaa ÉX-n. Ce recueil de sentences est accompagné d'un commentaire d'HIÉROCLÈS, Néo-Platonicien de latnoitié du cinquième siècle après J.- C. L'auteur anonyme des Theologumena arithmeticae, qu'on regarde faussèment comme une production de INicomaque de Gerase, Pythagoricien du second siècle, attribue les Vers dorés à EMPEDOCLE; et Fabri- cius1 ainsi que Brucker 2 n'ont pas douté de l'exactitude de ce fait ; mais OleariusÕ, Théodoric Tiedemann* et Christophe Meiners5 , rejettent l'autorité d'un témoin si moderne. Le dernier pense toutefois que les Vers dorés remontent au temps qui a immé-
1 Bibl. gr., vol* J, p. 794. ( Nouv. éd. )
2 Hisl. cri t. philos., vol. 1 , p. 1109.
5 Ad Stanleii Hist. phil., p. 5oi.
4 Grieciienlands ciste Philosophen, p iîj8.
L. c. vol. I, p. 579.
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diatement suivi Aristote. 11 y a des critiques qui les ont attribués à LYSIS, disciple de Pythagore On a aussi un Recueil des Symboles que Pythagore avoit introduits comme moyen pour ses disciples de se reconnoître entre eux partout où ils se rencontreroient. Ce sont des sentences courtes et énigmatiques, Ispci: ocKoyOzyjj.aTcx, que Jamblique nous a conservées.
Les Vers dorés de Pythagore sont le premier livre grec qu'Alde l'ancien ait imprimé a : il les plaça à la suite de son Lascaris, qui parut à Venise en 1495, in-4°. Ces vers furent ensuite insérés dans les collections gnomiques d'Alde, de JOilCh. Camerarius, Hertel, Henri Etienne, Sylburg, Winterton y Gaisford, Boissonade, et placés à la suite de plusieurs éditions de Cébès. Bernard Giunta les imprima sépa~ rément, in-4°, s. 1. n. d. Ils furent encore publiés par J.-Chr.
Knautht Dresde, 1720, in-8°j par J.-Adam Schier, Leipz.
i75o,in-8°; par E.-Tlt. Glandorf, Leipz. 1776, in-8°.
R.-Fr.-Ph. Brunck en donna une nouvelle recension dans sa collection gnomique, réimprimée en 1817 par M. G.-H.
Schœfer. M. J. Conr. Orelli les plaça dans la sienne.
En 1813, M. Fabre d'Olivet publia à Paris, in-8°, les Vers dorés de Pythagore, avec une traduction en vers « EuMOLpiques » françois, et un épais commentaire.
Une traduction latine du Commentaire d'Hiéroclès, faite
1 Burette, dans les Mém. de l'Acad. des Inscrip. et Belles-Lettres , vol. XIII J p. 226.
* Quelques bibliographes donnent cependant la priorité au Musee : ce livre ne porte pas de date , mais on le croit imprimé en 1494. Or, le tascaris est daté du mois de février 1494, et par conséquent, du dernier mois de l'année, puisque celle-ci commençoit au 1er mars. M. Renouard ( Annales de l'Jmpr. des Aides , vol. 1 , p. 2) pense que le Musée, qui ne forme que quelques pages, a été publié pendant l'impression du Lascaris.
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par Jean Aurispa, fut imprimée à Padoue en 1^79, in-4°. La première édition du texte grec fut publiée par Jean Curterius, Paris, 1583, in-i2. Ce commentaire a été depuis réimprimé plus d'une fois, et nommément par Pierre Needham, Cambridge, 1709, in-8°, et par R. Werzek, Lond. 1742, in-8°.
Les Symboles des Pythagoriciens se trouvent dans la collection Aldine des philosophes Platoniciens, et plus complets dans la collection de M. J.- C. Orelli.
Nous allons nommer les plus célèbres parmi les disciples de Pythagore. Quelques auteurs ont distingué entre les Pythagoriciens qui ont appris la doctrine de Pythagore de sa bouche même, et les Pythagorèens ou disciples des premiers. Comme cette distinction, d'ailleurs utile, n'est pas généralement admise, nous ne nous y conformerons pas très-rigoureusement.
ARISTÉE de Crotone, fils de Damophon, et gendre de Pythagore, fut son successeur immédiat. Stobée nous a conservé un fragment du Pythagoricien Aristéon, qui est entièrement inconnu : il est probable qu'il a voulu parler du gendre de Pythagore.
Ce fragment tiré d'un ouvrage intitulé de l' Harmonie, traite de l'éternité du monde.
Pythagore laissa aussi deux fils, TÉLAUGÈS et MNESARCHUS. L'un d'eux succéda a Aristée ; on ne, sait pas bien lequel, parce que les auteurs les confondent souvent. Il y en a qui nomment Télaugès le successeur immédiat de son père.
Le troisième chef de l'école de Pythagore fut BULAGORAS. Jamblique le fait vivre à l'époque du
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Gac de Crotone : cette date ne nous apprend rien de positif, car elle seroit évidemment fausse si jamblique avoit entendu parler de cet échec que Crotone éprouva de la part d'Agathocle, l'an 299 avant J. -C., ainsi environ 189 ans après Pythagore1.
Le nom du successeur de Bulagoras "manque dans Jamblique : il paroît qu'il s'appeloit GORGIADES ou GORTYDAS. Il fut remplacé par ARESAS que d'autres nomment ÆSARAS. Il étoit Lucanien, et probablement de Crotone, et a écrit de la Nature de l'homme. Stobée en a extrait un fragment très-curieux dans lequel il enseigne, que L'âme se compose de trois parties, la raison, les passions et les penchans.
Après Aresas, l'Ecole d'Italie se partagea en trois branches, qui se fixèrent à Héraclée, Tarente et Métaponte. La première fut dirigée par GLINIAS dont Stobée nous a conservé un fragment, et par PHILOLAUS ; la seconde par ARCHYTAS ; la troisième par THEORIDÈS et EURYTUS. Il y a eu deux Pythagoriciens du nom d'Eurytus ou Eurysus; l'aîné qui fut disciple immédiat du maître, étoit de Métaponte; celui dont nous parlons ici, étoit de Tarente, et a écrit de la Fortune, mpi ouvrage que nous connoissons par un fragment que Stobée a conservé. Telle fut la suite des chefs de l'Ecole d'Italie; nous allons retourner aux premiers Rythagoriciens.
1 Voy. Fragment. DIOD. Sic. Ed. Bip. vol. IX, p. 26G.
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ECPHANTAS de Syracuse déclara la monade corporelle, ou l'envisagea comme un corps divisible.
Il admit le Vide comme premier principe. Il a écrit Sur le gouvernement de l'état : il reste quelques fragmens de ce livre dans Stobée.
AXCMÉON de Crotone fut célèbre à la fois comme médecin et comme philosophe. Il a laissé un Traité de physique, <ï>u<Tfxoç Ao-yoç, contre lequel Aristote écrivit dans la suite un ouvrage que nous ne possédons plus. Alcméon est le premier de tous les Grecs qui ait écrit sur l'Anatomie; cependant ses connoissances dans cette branche de science n'avoient été acquises que par des observations faites sur des corps d'animaux. Son livre est perdu; on connoît son système par le Commentaire de Chalcidius sur le Timée de Platon.
V ONATAS OU ONATUS dè Crotone est nommé par Jamblique parmi les premiers Pythagoriciens. Dans les Extraits de Stobée se trouve un fragment de l'ouvrage de ce philosophe De Dieu et de l'essence divine, rapt ow'J XQ(¡ nJEtOU.
THÉAGÈS de Crotone fut un des auteurs de la catastrophe des Pythagoriciens : il se mit à la tête de la faction populaire et renversa l'ancien gouverne- ment aristocratique de sa patrie. Dans le combat que les deux partis se livrèrent, il tua de sa main le Pythagoricien Démocède, chef du parti des Optimates, et se fit payer le prix promis à celui qui débarrasseroit la populace de cet ennemi. Ce fou-
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gueux démagogue a écrit des Yertus; et des fragmens de cet ouvrage se trouvent dans la compilation de Stobée.
METOFUS de Metaponte a aussi écrit de la Vertu, et Stobée nous en a conservé un fragment.
1 LYSIS de Tarente et Philolaiis furent les deux seuls disciples de Pythagore qui échappèrent à la déstruction de l'école de Grotone. Le premier se retira, dit-on, à Thèbes où il termina ses jours, après avoir formé un illustre élève, Epaminondas.
Il est cependant difficile de concilier avec la chronologie ce fait, attesté par les meilleurs écrivains.
Epaminondas naquit 4i2 ans avant J.-C. En supposant que Lysis n'eût que vingt ans à la mort de Pythagore, il faudroit qu'il eût été âgé de 120 ans, lorsqu'Epaminondas commença à être un tant soit peu mûr pour recevoir ses instructions1. Il faut donc supposer qu'il a existé deux Pythagoréens du nom de Lysis, que les historiens auront confondus, comme ils ont fait pour tant d'autres individus, ou rayer Lysis de la liste des disciples immédiats du philosophe de Samos. Quoi qu'il en soit, on attribue à Lysis les Vers dorés ; il avoit aussi écrit un commentaire sur la doctrine de son maître.
PHILOLAUS étoit de - Crotone , d'après Diogène
1 Dans ce calcul on suppose que Pythagore mourut 496 ans avant J.-C.
L'anachronisme est plus fort, si, avec La Nauze et Fréret, on fixe la naissance de Pythagore à 46o ans avant J.-C. En supposant ce philosophe né en 576 , ce qui est l'autre extrême , il faudroit toujours que Lysis eût eu 105 aus, lorsque Epaminondas en avoit 16.
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Laërce1, ou de Tarente, d'après Jamblique2. il se retira à Thèbes où Simmias et Cébès furent ses auditeurs, ainsi que nous le voyons par un passage de Platon3. Si cette donnée est exacte, et nous n'avons aucun motif d'en douter, Philolaiis ne peut pas avoir été le disciple immédiat de Pythagore : il fut plutôt celui d'Aresas, ainsi que cela paroît par la succession des chefs de l'école d'Italie que nous avons donnée d'après Jamblique. Ce qui vient à l'appui de cette, dernière opinion, c'est que le Pythagoricien qui se sauva avec Lysis , porte dans d'autres rapports 4 le nom d'Archippus. Quoi qu'il en soit , Philolaüs ne se fixa pas pour toujours à Thèbes, puisqu'il fonda l'école pythagoricienne à Héraclée en Grande - Grèce. Il fut le premier qui écrivit sur la doctrine du maître. Diogènè de Laërte raconte 5 que Platon acheta des héritiers de Philolaüs les manuscrits laissés par ce philosophe , et en profita pour la rédaction de son Timée. Claudianus Marnertus, écrivain chrétien du cinquième siècle, s'exprime ainsi sur Philolaüs 6 : cc Pythagorœ, quia nihil ipse scriptitaverat, a posteris quœrenda sententia est 3 in quibus vel potissimum floruisse Philolaum reperio Tarentinum, qui multis voluminibus de intelligendis rebus et quid
1 VIII, 84.
s Vit. Pyth. c. 36. ( Ed. Kiessl. p. 525. )
5 Dans le Phédon.
* JAMB. ibid. c. 35. ( Ed. Kiesslp. 48o. )
5 VIII, i5.
6 De statu animœ , II, 5.
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quæque significent, ôppido obscure dissertans,pl'iusquam de animac substantia deeernat, de mënsuris, ponderibus et numeris , juxta geomè'tridam , musicam atque arithmeticam mirifîce disputât, per liaec omnia: universum exstitisse confirmans: » Il ne faut probablement pas prendre à la lettre ces mots : multis voluminibus; puisque les anciens ne parlent que des trois livres de Philolaùs qui traitoient du Monde, de VAme et de la Physique : les Néo-Platoniciens les désignoient sous la dénorainatiori mystique des Bacchantes ou Bacches 1.
Tous les fragmens de Philolaiïs ont été recueillis et commentés par M. Aug. Bœckh, dans son ouvrage intitulé: Philolaus des Pythagoreers Lehren, nebst den Bruchstücken seines Werkes. Berlin, 1819, in-Bo.
EURYPHÈME de Syracuse fut l'ami de Lysis, et Jamblique raconte que celui-ci lui ayant un jour promis de l'attendre à l'entrée d'un temple où il entroit pour faire sa prière, Euryphème oubliant de quoi ils étoient convenus, sortit par une autre porte. Lysis, fidèle à sa promesse, l'attendit tout le jour, la nuit et une partie du jour suivant, jusqu'à ce qu'Euryphème averti par un condisciple qu'on ne savoit ce que Lysis étoit devenu, alla le délivrer. Euryphème a écrit sur la Vie, ouvrage
1 M. Bœckh cite, d'après Hirts Bilderbuch, Heft. II, Tab. XXIII, 5, un monument très-ancien où les trois Bacchés sont représentées. Ce monument est du sculpteur Callimaque.
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dont Stobée nous a conservé un assez long fragment 1.
Nous devons au même compilateur un mor- eçau tiré d'un ouvrage surla Tranquillité de l'Ame , Ilepl £ü()uplcxç, écrit par HIPPARQUE., autre ami de Lysis, auquel est adressée une des lettres qui portent 4 ? — le nom de ce dernier.
Pythagoras avoit aussi des sectateurs parmi les .- -f femmes Jamblique et Porphyre racontent qu'un décrpt du sénat de Crotone l'autorisa a donner .des instructions au sexe, mais séparément dansïe temple de Junon ; et Justin rapporte 2 que ses leçons produisirent un tel effet sur son auditoire féminin, que se dépouillant de tous les ornemens frivoles du luxé et de la coquetterie, les dames de Crotone déposèrent leur parure sur l'autel de la déesse.
Nous avons déjà nommé plusieurs Pythagoriciennes céjèbres , savoir THÉANO , l'épouse, et MYTA, la fille du philosophe Õ. Nous ajouterons ici ÆSARA de la Lucanie, que quelques critiques regardent comme l'auteur du traité de. la Nature fiumaine, dont Stobée a sauvé un fragment que nous avons cité sous le nom d' Arésas. Nous devons aussi à ce compilateur la connoissance de deux ouvrages de la Pythagoricienne PERICTIONE, intitulés, l'un de la Sagesse, et l'autre de V Harmo-
1 Ce Pythagoricien s'appeloit , en dialecte dorien , Euryphamus. Voy.
Schoejér ad Greg. Cor., p. 899.
9 riist. XX, t.
3 Voy. p. 27b.
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nie de la Femme, ainsi que de celui de PHINTYS , de la Prudence de la Femme.
Ces fragmens trouvent dans les recueils de J.-Chr. Wolf et de M. J.-Conr. Orelli. - ,
-
Jamblique nomme EPICHARME de Ca8 un Pythagoricien externe1 parce qu'il ne vivoit pas sous la règle de l'ordre. C'est le même dont nous avons parlé comme de l'auteur de la comédie Sicilienne.
L'écrivain que nous venons de citer dit que demeurant à Syracuse il ne vouloit pas professer publiquement la philosophie, parce que cette ville où régnoit Hiéron, ne jouissoit.pas de sa liberté; piais qu'il mit en vers les idées des Pythagoriciens, et qu'ainsi il divulgua les préceptes secrets de l'école.
Diogène Laërce nous a conservé des fragmens de ces vers3. Cet historien dit ailleurs 3 qu'Epicharme a écrit des mémoires physiologiques, gnomologiques et iatrologiques.
EMPÉDOCLE JAgrigente, qui fleurit vers 45o
avant J.-C. , un des plus beaux génies parmi les anciens philosophes, fut peut-être disciple d'Alcméon. Comme celui-ci, il a écrit sur l'anatomie.
Il est l'inventeur du système des quatre êlémens qui n'a été renversé que par les progrès que la chimie à faits depuis une quarantaine d'années. Le premier j
3 III, ÎO. u
S 7111,7».
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il supposa la destruction et la reproduction alternative du monde, et établit que le principe essentiel des quatre élémens est contenu dans la matière .primitive et éternelle : il les mit en action par le secours de L'amour et de la haine c'est-à-dire par.
des forces attractives et répulsiyes. C'est par.cette action que le monde prit naissance ; mais par le même conflit de forces qui l'a produit, il retournera un jour dans le chaos d'où alors sortira tin nouveau monde non moins périssable que le premier. Le monde est pénétré par une essence divine, et habité par une foule de démons : à cette classe appartient l'âme humaine dont le siège est dans le sang.
Empédocle entreprit de réformer les moeurs de ses compatriotes et d'opérer à Agrigente la même révolution que Pythagore avoit produite à Crotone.
Cette ville grande et magnifique, qui dans ses-ruines cause encore l'étonnement des voyageurs, étoit habitée par une population nombreuse, plongée dans le luxe et la mollesse. Ce peuple efféminé offrit à Empé te la souveraineté qu'il refusa2.
ARCHYTAS de Tarente fut un des hommes les plus marquans de sa patrie et a été surnommé le Vieux, à cause de la considération dont il y jouissoit. Il remplit des charges civiles et militaires, et fut l'ami et le maître de Platon auquel il
'J Voy. Recherches sur ta. vie d'Empédocle par Bonamy9 dans les Méw. de l'Acad, des Jnscr. et Beiles-Leiiies, vol. X, p. 54.
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sauva la vie par u,ne lettre adressée à Denys le jeune lorsque ce forcené vôuloit faire mourir le .., 1..
philosophe. La mort d'Archytas qui eut lieu par suite d'un naufrage , est devenue célèbre par une belle odè d'Horace1. On cite,ses découvertes en géométrie et en mécanique. Il existe dans Stobée des fragmens de ses ouvrages écrits en dialecte dorien, dont nous trouvons les titres sui vans : AJOCTOC-
sciences mathématiques, souyent citées dan? ce qu'on appelle le troisième livre de Jamblique ; AsXfX Aoyoc xaBoXixoi, les Dix Catégories, ou llep: Travràç Qvaioq, de toute la Nature; Ilspt de la Sagesse; TRSPT APXCOV j des Principes ; 'vrepi TOU Noî XOCI Al(j9ri(TS(x>c, de la Raison et du Sentiment TOU
Nous renvoyons, pour les éditions du Premier du ces ouvrages , à la section où nous parlerons des progrès que les mathématiques ont faits dans cette période. Le traité des Catégories a été imprimé en grec par Vœgelin, Leipzig, petit in-Bo, sans date, mais en i564; c'est J. Camerarius qui a soigné cette édition, sans se-nommer. Les Catégories reparurent avec une version latine de Pizzimenti, à Venise, i5n, in-Bo. y.-C. Orelli les a aussi placés- dans sa Collection de moralistes, vol. II. Les autres fragmens, en tant qu'ils sont
1 1,28.
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prts des Discours de Stobée, se trouvent dans le recueil de Th. Gale ; avec une version de Jean North; car ce jsarant â néglige d'y comprendre les fragment rapportés dans les Eglogues dé ce compilateur, et M. Orelli, dans sa collection, a. cpmmis If, ipêm faute. :OCELLUS LUCANUS ( c'est-à-dire de la Lucanie) a fleuri vprs l'an 480 avant J-C. a écrit ttsp) Nojiov,
-ou TTOtVTOÇ Teyscrcoç, de la Nature de l'Univers, ou dé VOrigine de F Univers. Ces ouvrages étoient sans doute « écrits dans le dialecte dorien, qui dominoit dans le pays d'Ocellus; on est donc étonné que le trait^ïe la Nature, que nous possédons encore, soit Mdîgé en ionien. Aussi cette circonstance at-:elle engagé Gasp. Barth, Samuel Parker 2, Thomas Ijurnet3 et Christophe Meiners4 à en attaquer l'authenticité, qui a trouvé à son tour des défenseurs dans Rich. Bentley 5, JusteLipdtus6, J. -Chph.
Adelung 7y Thèod. Tiedemann8 et Chph.-Thêoph.
Bardili 9 Les opinions opposées ont été examinées par M. Aug.-Fréd.-GuilL Rudolph, qui regarde
1 In Adversar., passim , et surtout L. XLII, c. 1, p. 1867.
2 Disp. de Deg et Providentia , 1S78..Disp. IV, sect. 3, p. 555.
Archœol, philos. ( Loud. 1692.)Lib. I, c. 11, p. 152.
4 Pliilolog. BLbliolh» , vol. J, P-. 3, p. 100 et 204. — Hist. doclriuœ de vero Deo, p. 3ia. — Gesch. der Wissensch., etc., p.-584.
5 Dans son Epîlve sur les Lettres de Phalaris.
6 Manud. ad Stoïc. pliilo9., lih. I, disu. 6.
7 Gesch. der Philosophie lut Liebhaber.
8 Griechcnl. erste PhiIosopben, p. îoii et 200.
9 Eporhen dci vorziigl. philos. Begiiflc, vol. I, p. i65.
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aussi l'ouvrage comme vraiment écrit par Ocellus Il paroît que quelque grammairien des siècles suivans, en copiant le texte d'Ocellus, en a fait disparoitre les dorismes, et a traduit, pour ainsi dire, lè texte dans l'idiome commun ; ce qui élève cette supposition de Bardili au rang d'une vérité, c'est que les fragmens du même ouvrage qu'on lit' dans les Extraits de Stobée, ont conservé leur forme primitive ; car ils sont écrits en dialecte dorien. Il est certain cependant que l'ouvrage d'Ocellus Lucanus n'est cité, pour la première fois, que par les écrivains du deuxième siècle après J.-C., à l'époque où les Néo-Pythagoriciens commencèrent à forger des livres sous des noms célèbres. 9
L'ouvrage d'Ocellus Lucanus a été imprimé pour la première fois à Paris, .1539 et 1555, in-8°. Guillaume Chrétien, médecin de François Ier, le traduisit le premier en latin: cette version fut publiée à Paris, i54i, in-12, à la suite de celle de l'ouvrage d'Aristote, du Monde, que publia Guül. Budée.
L'édition de 1539 a été copiée à LouVïiin, i554, in-12, avec une traduction de Jean Boscius. le -Le. comte Louis Nogarola donna une nouvelle édition d'Ocellus, à Venise, 155g, in-4°, avec une traduction et de bonnes notes. Elle fut réimprimée par Henri Commelin, à Heidelberg, 15g6, in-8°. Une nouvelle récension, faite sur des manuscrits, et accompagnée-d'un commentaire estimable, fut mise au jour à Bologne, i646, in-4°, par les soins, de Ch.-Em. Vizzani. L'impression est incorrecte. Blaeu la copia, Amsterdam, 1661, in-4°.
'a .1 Danti la Dissertation qui fait suite à son édition.
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Thom. Gale plaça cet ouvrage, avec la traduction de Nogarola, dans ses Opuscula mythologica- Le marquis d'Argens publià, en 1762, à Berlin, in-8°, le texte d'Ocellus, avec une traduction françoise qui ne prouve pas une grande connoissance du grec, et avec un commentaire savant et spirituel.
Les deux meilleures éditions sont colles de l'abbé Batteuy,
qui parut à Paris, 1768, en 3 vol. in-12, et renferme, outre de bonnes notes, un texte corrigé sur les manuscrits de la bibliothèque du roi de France; et celle de M. Aug.-Fred,Guill- Rudolph, Leipz. 1801, in-80. C'est une édition trèscorrecte, pour laquelle on'a tiré paTti de la collation du manuscrit dé Rome, faite par' Siebenkees. Elle est sans traduction, mais enrichie d'un bon commentaire.
TlMÉE de Locres1 fut le maître de Platon. Il nous reste sous son-nom un ouvrage intitulé sur VAme du monde et de la Nafure, Tvep) tyyaç xocrpico xai ipvccoç. Le titre grec indique qu'il est écrit en dorien. Il règne beaucoup d'incertitude sur l'authenticité de cet ouvrage. M. Gu. Th. Tennemann a soutenu, par des raisons très-plausibles, que ce n'est qu'un extrait du dialogue de Platon qui porte le titre de Timée2. D'autres savans au contraire ont accusé Platon de s'être servi de l'ouvrage du philosophe de Locl:es po.ur la composition de son dialogue. Quoi qu'il en soit, le nmrceau attribue à Timée se seroit probablement perdu, comme-tant d'autres, si 'Proclus, philosophe platonicien du cinquième siècle, qui a fait un bon commentaire sur
1 38o ans avanL J.-C.
il System der PlaLoIJ. Philosophie, vol. I, p. 96.
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le dialogue de Platon, n'avoit placé en tête le traité de FAme du monde.
Celui-ci fut imprimé pour la première fois dans une traduction latine de GeorgeJfalla, Venise, 14.88 et 149S, in-fol.
Louis Nogarola le publia en grec et en latin, à Paris, 1555 r in-8°. On le trouve aussi, dans la plupart (les éditions de Platon , et.dans le recueil de Th. Gale. Il a été imprimé à Berlin, ] 762, in-So, avec une traduction françoise et des dissertations philosophiques du marquis d1 Argent.
Voici encore quelques noms de Pythagoriciens des ouvrages desquels il nous reste quelques fragmens : CRITON d'Egée, qui a écrit de la Prudence et de la Félicité; POLUS le Lucanien, det la Justice ; DiUS, de la Beauté; BRYSON, de V Economie; STIIÉNIDAS le Locrien, du Gduvernement; CALLICRATIDE de Sparte, du Bonheur des falnilles; PEMPELUS, des Parens ; TÉLÉS, de la Tempérance, lIEpt CX')'t'ocpxdaç' DIOTOGÈNE, de la Sainteté, et 7rep) BacrtÀdocç, du Gouveniement.
Les fragmens de ces philosophes de l'école d'Italie, conservés par Stobée, dans ses Discours, ont été réunis dans les collections de Gale et de M. Oretti; mais ces deux éditeurs ont négligé de consulter également les Eglogues de ce compilateur, ce qui rend ieurs recueils imparfaits. M. Gaisford, dans son édition de Stobée, dit que lç manuscrit du Jardin de Roses de Macarius, qui est à Venise, renferme beaucoup plus de morceaux de l'ouvrage de Télès que les Discours de Slobée.
D'après la remarque ingénieuse d'un savant Al-
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lemand.1, le pytHagorisme peut êtte envisagé comme le:contraste de la philosophie ionienne, car l'espèce d'oppositioil de caractère qui avoit lieu entre les deux branches- du peuple hellénique, les Ioniens et les Doriens", ste manifeste diins- toutes les parties de leur littérature, et principalement dans celles qui sont pour ainsi dire le reflet des* sentimens et de la manière de penser de tout'e nation, savoir, la philosophie et la poésie lyrique. La vivacité des Ioniens, la facilité avec laquelle ils s'aban.donnoient à toutes l'es impressions extérieures, et leur sensualité , se reconnaissent aussi dans leur manière dre phifosopher : de là cette idée bizarre d'admettre un premier principe tout matériel; de là cet oubli absolu d'un point de vue moral. La phi-
losophie pythagoricienne, au contraire, porte le cachet de cette conséquence, et de cette gravité qui caizactérisoit les Doriens : cette philosophie se propose un but moral , et adopte lin principe incorporel. On reconnoît le même caractère dans l'institution de l'ordre de Pythagore , dont les lois avoient beaucoup de ressemblance avec les lois politiques de Lacédémone. Sous le rapport de la forme , l'enseignement des Pythagoriciens étoit plu? dogmatique que dialectique leur Style étoit grandiose et sublime, ou simple et .clair. Ils se servoient du dialecte dorien, qui étoit celui des villes où la plupart d'entre eux étolent nés.
1 M. Aug. Bœckh, dans l'ouvrage cité.
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l'Ecole d'Elée, la troisième des écoles philosophiques de la Grèce, doit son origine àXÉlIijOPHANE de Colophon en Ionie 1. Exilé. de sa patrie y où lesPerses étoient les maîtres, il alla s'établir à Elée en Grande-Grèce, et devint le fondatèur d'une q secte philosophique. Il a le mérite , d'être remonté aux premiers principe de nos connoissances, et d'avoir séparé les principes à priori des observations empiriques. H -rejeta toute connoissance positive-, et.
n'admit que la vraisemblance des opinions. D'après l'auteur des Philosophumenq qu'on attribue à Origène a, Xénophane a parlé quelque part des restes -de corps organiques qui se. trouvent dans la profondeur des terres, savoir des empreintes de poissons dans les. carrières de Syracuse et dans les marbres de Paros; ce qui prouve que les anciens avoient déjà observé un phénomène qui a tant occupé les géologues modernes.
Peu satisfait des' spéculations des philosophes d'Ionie sur l'origine du monde, Xénophane eut recours au panthéismei il enseigna que l'univers est un ( £ v to ttov), expression sur tesens de laquelle les auteurs ne sont pas d'accord 3. Nous n'avons aucun ouvrage de Xénophane ; ses opinions ne nous sont connues que par les écrits de ses disciples; mais comme ceux-ci ont beaucoup varié dans
1 550 ans avaul J.-C.
« Cap. 14, pige 100. -_:_-..
1 Voy. Théod. Tiedemannj, Geist der spéculai. Philosophie, toi. 1 ; el JfC. Schaubach, Gescli. der giiecli. Astron,,. p. 58.
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leurs principes, et que quelques-uns d'entre eux ont même penché pour l'athéisme, on divise l'école d'Elée en ancienne et en noirvelle. l^es plus célèbres philosophes de la première sont Parmenide , Héraclite et Zénon.
PARMENIDE d'Elée ou de 'Velie, l'élève immédiat de Xénophane, donna à sa patrie des lois qui furent regardées comme excellentes. Dans sa vieillesse , il fit un voyage à Athènes, où Socrate le connut. La philosophie de Parmenide partoit du principe que rien ne peut naître de rien; il en conclut que le monde est un être éternel, immuable et absolument un. Tous les corps nouveaux y ont existé en germe; et quand ils paroissent naîtra, ils éprouvent un simple développement. Les changemens et les modifications des corps que nous apercevons par le moyen des sens., ont deux principes : l'un actif, le feu ou la lumière ; l'autre passif, l'obscurité ou le froid 1.
HÉRACLITE el' Ephèse fJ.J fils de Blyson, étoit revêtu de la première magistrature de sa ville natale; il la céda à son frère, soit par suite du mépris que lui avoit inspiré la corruption de ses concitoyens, soit pour s'adonner sans trouble à la philosophie.
11 ne fut pas le disciple de Xénophane, ni d'aucun autre : il fut le créateur de son système ; mais comme celui-ci est conforme aux principes de l'école d'Elée, on le place parmi les philosophes
1 Nous avons parle, vol. I, p. 247, des ouvrages de Parmenide.
2 500 ans avant J.-C.
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de cette école. Il croyoit que tous les êtres sont dans un mouvement continuel, comme l'eau d'un ruisseau ; que le feu est le premier principe de toutes choses ; que les autres élémens en sont sorti isatàc TTTJXVCOGIV , en se condensant; et qu'ils y retournent, alCx par la raréfaction ; que les êtres n'existent que par le choc .de mouvemens opposés, et qu'ils cessent 'd'exister par le repos; que les substances ignées sont douées de raison, et animent les corps des dieux et des hommes.
Héraclite, fut le premier, après Phérécyde de Scyros, qui écrivit en prose; mais son style étoit si obscnr, qu'il en a été surnommé le. Ténébreux, SXOTSJVOÇ, et.l'Enigmatique, Ai'vtxrrîç. Il écrivit en dialecte ionique un ouvrage$ur la Ncitwe, qui étoit divisé en trois parties. Il y traitoit de l'univers, -rapt TO~J Travxoç, de la république et de Dieu.
Cet écrit, déposé au temple d'Ephèse, et publié par un certain CRATES 1, jouissoit parmi les anciens de la plus haute consi-dération. Plusieurs philosophes de marque l'ont expliqué par des commentaires. Tel fut ANTISTHÈNE, qu'on surnomme HelaclitieTl, pour le distinguer du philosophe cynique du même nom ; tels furent encore Cr.:ÉJ).NTHÈS le Politique ,.HÉRACLIDE le Pontique, PAUSANIAS qui
* M. Schleiermacher a réuni dans. Wolf et Buttmanns Alterthumswisscnsch. , vol, I, p. 313, el commenté avec sa sagacité ordinaire, tous les fragments d'Héraclite qui se trourent dans Plutarque, Sexlus, Stobée , Si. Clément d'Alexandrie , et les a comparés aux citations de Platon et d'Aristote.
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est sumDmmé Hèracliliste, et le grammairien DIoDOTUS. Drogène Laërce rapporte qu'an certain SEYTHINUS traduisit l'ouvrage d'Héraclite en vers : de là peut-être1 les hexamètres que quelque anciens citent comme étant 3e ce philosophe.
« Nous avons parlé des /eW^s<cl'Héraclite.
MELISSUS de Samos, fïls d'Ithagène, fut disciple de Parmenide ; il a vécu dans les derniers: temps d'Heraclite, ou bientôt après lui. 11 commandoit les Samiens dans lar guerre malheureuse qu'ils firent aux Athéniens, 441 ans avant J.--C. 11 écrivit
cité plusieurs fois par les anciens, mais dont il ne nous rMe rien. C'est des opinions de ce philosophe que traite le premier des trois fragmens attribués à Aristote, qui sont réunis sous le titre : TRPOÇ TOC
Nous ne possédons également rien des ouvrages de ZENON d'Elée, disciple dé Parmenide et dé Melissus, et maître de Leucippe -et de Périclè's; il en avoit pourtant écrit plusieurs. Zénon s'avisa le premier de nier la réalité du mouvement , qu'il regardoit comme impossible. Il se servoit, dans cette - discussion, de quatre argumens ou sophismes qui
1 Voy. p. 280.
2 Ainsi que l'out fait voir J.-G. Buhle , dans, un mémoire- intitulé : ljiçtoria Pantlieismi a Xeuophane usque au Spinoza m, lequel se trouve dans.le vol. X des Mémoire, de l'Académie de Gottingue; et <?.- £
Spalding, dans son Comment, in primam partem libelli de Xenopliane, Zeflone et Gorgia. Beiol. 1793, in-Sa.
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étoient fameux dans l'antiquité, et qu'Aristote a développés et réfutés dans son traité^ur la doctrine de Zéhon, Xénophane et Gorgias. Il soutenoit encore qu'il n'existe, rien dans l'univers, &>ç tu<3èv rœv oWcov Èçt'll" et que les mêmes choses - sont à la fois possibles et impossibles. Enfin on dit Zénon auteur de la science de la Dialectique. Pour comprendre ce que cela veut dire, il faut observer qu'avant lui les philosophes se conteniôient d'exposer leurs doctrines, soit de vive voix, soit par écrit, soit en vers, soitwn prose, ans des discours suivis, où les principes, les conséquences et les corollaires-faisoient un enchaînement perpétuel ; mais ils ne s'étoient pas encore avisés. de s'entr'attaqlàer et de se défendre par des objections et des réponses. Ce genre de discussion qu'on nomme l'art éristique, porté à Athènes par Zénon, y fit une grande sensation , et valut à son inventeur des distinctions flatteuses et des récompenses. Zénon ne - se borna pas à enseigner la physique et la métaphysique : il y joignit la politique.
-Retourné à Elée, ce philosophe entra dans une conspiration contre un prince qui gouvernoit sa patrie, mais sur le nom duquel les auteurs ne sont pas d'accord. Son projet fut découvert; et comme on vouloit le forcer de déclarer ses complices) il nomma tous ceux qui lenoient pour le tyran ; il coupa ensuite sa langue avec ses dents et la lui cracha au visage. Le tyran le-fit piler dans un mortier; mais son supplice devint le signal de la déli-
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vrance de sa patrie ; les citoyens d'Elée se soulevèrent et accablèrent de pierres le meurtrier du philosophe
Avec son disciple LEUCIPPE commença la Nouvelle Ecole d'Elée, qu'on pourroit nommer l'Ecole des Atomistes. Ce philosophe, dont on ignore la patrie, et son disciple DÉMOCRITE d'Abdère 2, sont les auteurs de ce fameux système qui admet comme principe de toutes choses le vide et les atomes : ceux-ci se trouvant dans un mouvement perpétuel dans le vide, ont produit tout ce qui existe, d'après les lois de la nécessité. Ce que nous voyons, ce sont les images ( efJwÀcx ) qui se détachant de la surface des corps, traversent l'air et s'impriment sur les yeux. La croyance d'un Etre-Suprême est née de la peur. La nature n'a pas fait de différence entre ce qui est juste et injuste; les lois civiles seules l'ont établie. Le bien suprême se trouve, d'après ces philosophes, dans la tranquillité d'âme (è>:3"up.(cx), dans le choix réfléchi entre les sensations agréables et désagréables. Cette doctrine paroît destructive de la morale ; néanmoins les anciens citent plu-
1 Voy. Sixième Dissertation de Hardion sur l'origine et les progrès de la Rhétorique en Grèce, dans le vol. XIII, p. i5g des Mém. de l'Acad.
des Inscr. et Belles-Lettres.
2 Ne à Abdère 01. LXXVII, 3, = 469 ans avant J.-C. Mort 01. CIV, 41 = 361 ans avant J.-C. En parlant de Démocrite et du lieu de sa naissance, Juvénal dit ( X J 49 ) : Cujus prudentia monstrnt Summos posse viros et magna exempla daturos Vervecum in pallia crassoque sub aere nasci.
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sieurs ouvrages de morale de Démocrite. Tels sont des Préceptes , Y' , où Stobée a emprunté une foule d'apophthègmes qui assignent à ce philosophe un rang distingué parmi les moralistes. Un autre de ses ouvrages étoit intitulé : ApxÀSssaç Kipaç ri itep) eu3"H[xiacç, Corne d'abondance ou de la U m,n~ quillifé d'âme, en neuf livres. Il paroît que chaque livre portoit un titre particulier; celui du neuvième étoit Ekéç-w, ou du Bien stable. Cette composition, dont Stobée nous a sauvé quelques lambeaux, est aussi citée sous les titres de TVopvyjpopra i^3"fxa,N Commentaires moraux et de Diatribes.
Outre ces fragmens, il ne nous reste de Démocrite que deux prétendues Lettres adressées à Hippocrate. On colporte sous son nom un traité sur le grand œuvre, ou l'art de faire de l'or, intitulé : t&ua-jxà XŒt fjLUç-txa , Choses naturelles et mystiques.
Cet ouvrage existe à la bibliothèque du roi de ,FraQ.ce.t quoiqu'il soit beaucoup plus moderne que Démocrite, c'est cependant le plus ancien livre sur la pierre philosophale que l'on trouve dans la collection manuscrite connue sous le nom de Chimistes grecs. On y enseigne l'art de faire de l'or par un procédé appelé iq, manière de jaunir, et de l'argent par la manière de blanchir, Àeûr.wacç.
Il a existé un ouvrage de Démocrite sur l'Agriculture, ttipi recopywcç, qui est cité par Varron et Columelle. Dans le recueil des Géoponiques qui est du onzième siècle après J.-C. , il se trouve plusieurs fragmens de cet ouvrage, dont quelques-
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unS peuvent être authentiques ; d'autres sont évidemment supposés. Il paroît que quelque écrivain postérieur à J.-C. a compilé un ouvrage sous le titre de Géorgiques de Démocrite, pour lequel il s'est servi de l'original, en y mêlant cependant beaucoup d'absurdités.
D'après Posidonius, cité par Sénèque Démocrite inventa l'art de pratiquer des voûtes. Sénèque en doute, parce que, dit-il, on doit nécessairement avoir eu, avant Démocrite, des ponts et des portes dont la partie supérieure est ordinairement voûtée.
Qui ne sent la futilité d'un pareil raisonnement ?
Le plus ancien monument d'Athènes où l'on voie une trace de voûte est le théâtre de Bacchus, qui est précisément du temps de Démocrite, ou peutêtre seulement de celui de l'orateur Lycurgue, qui l'acheva
L'ouvrage intitulé : Choses physiques et mystiques, n'a été publié qu'en latin. Dominique Pizzimenti a fait imprimer cette traduction à Padouc, 1573, in-12, sous le titre de Democritus Abderiia de arte magna.
Les fragmens de Démocrite se trouvent dans la collection de M. Orelli.
Quatre disciples de Démocrite se sont rendus célèbres : ce sont Métrodore, Diagoras, Protagoras et Anaxarque.
MÉTRODORE de Chios fut le précurseur des Sceptiques; car il nia toute possibilité de connoître avec
1 Ep. XC.
IJirt t {îesch. der Bauluinst, vol. J, p. 123,
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certitude la vérité. 11 disoit qu'il ne savoit rien, au point qu'il ne pouvoit pas même soutenir son ignorance l. -
DIAGORAS de Mélos, d'abord esclave, ensuite affranchi et disciple de Démocrite, passa du fanatisme de la superstition à celui de l'incrédulité la plus absolue. L'injustice et la perversité des hommes le portèrent à nier l'existence de la divinité, à divulguer les secrets des mystères, et à briser les idoles des dieux. Proscrit par les Athéniens, qui mirent sa tête à prix, il quitta la Grèce et périt dans un naufrage. C'est pourtant à cet homme d'une imagination exaltée que les Mantinéens durent les lois sous lesquelles leur état a prospéré.
PROTAGORAS d'Abdère, contemporain de Platon, qui l'a immortalisé en donnant son nom à un de' SQS dialogues, fut le législateur des Thuriens. Ayant nié, dans un de ses écrits, l'existence des dieux, cet ouvrage fut brûlé par ordre du peuple, et il fut défendu à tout citoyen d'en avoir chez soi des exemplaires ; premier exemple de ces défenses souvent inutiles, et quelquefois dangereuses, qui ont - été si fréquentes dans les siècles modernes. Protagoras lui-même fut condamné à mort ; il se sauva dans une nacelle et fut englouti par la mer. Partant de la maxime d'Héraclite, que tout est dans un mouvement perpétuel, il soutint que les choses étoient en effet ce qu'elles paroissoient être
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à chaque individu, et que ce qui ne paroissoit/pas aux hommes n'existoit réellement pas. Ainsi s'évanouissoit toute différence essentielle entre le vrai et le faux , le bien et le mal ; seulement une chose pouvait être ou meilleure ou pire, en comparaison d'une autre. Protagoras fut le premier qui avança la thèse que, dans toutes les choses, il y a deux momens ou principes qui sont en opposition entre eux1 ; thèse qui, par la suite, fut un des principaux argumens des Sceptiques contre les Dogmaticiens. Le premier aussi il promit d'enseigner l'art de rendre supérieures les choses inférieures ; c'està-dire de faire paroître bon ce qui étoit mauvais.
AN AXARQUE d'Abdère ne fut pas disciple immédiat de Démocrite , car il vécut vers la fin de cette période , et suivit Alexandre-le-Grand dans ses campagnes. Il déplut par sa. franchise aux courtisans de ce pi-kce; leur haine est peut-être la source de plusieurs histoires peu honorables qu'on a débitées sur son compte. Il se pourroit même que le récit de sa mort appartînt à ces bruits fabuleux inventés par la malveillance. On dit que Nicocréon, satrape de Chypre, qu'il avoit offensé, ayant trouvé moyen de se saisir de sa personne, le fit piler dans le creux d'un rocher. Anaxarque enseignoit que Le souverain bien, l'eudemonie, e\)êociy.ovûx , consiste dans l'apathie et la tranquillité d'esprit 3.
2 Ou ne connoit pas au jusie Ki JOdlÍn,: d'Anaxavrj/ie. Brader, [Lbt.
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Cette doctrine lui valut le surnom Ëudémonique.
Démocrite et ses disciples terminent la série de ce qu'on appelle les anciens philosophes grecs, dont les principales recherches avoient pour objet l'origine des choses. Après eux on remarque deux changemens importans. Jusqu'alors les écoles des philosophes étoient répandues par toute la Grèce y en Asie-Mineure et en Sicile; dorénavant leur siège presque exclusif sera à Athènes. Jusqu'alors les philosophes n'avoient consigné par écrit leurs doctrines qu'en se Servant de la poésie ou d'une prose poétique; dorénavant ils écriront en véritable prose, et leur style y gagnera en clarté et en simplicité.
Les successeurs immédiats des philosophes de la nature sont connus sous un nom qui est presque devenu une injure. Ce sont les Sophistes r qui prirent naissance à Athènes du temps de Périclès, ou plutôt y accoururent de toutes les parties de la Grèce ; car nous allons voir que les principaux d'entre eux étoient étrangers à cette ville. Plus rhéteurs que philosophes, ils abusèrent de cette science dangereuse inventée par Zénon d'Elée, la dialectique , et s'en firent un moyen de satisfaire des vues ambitieuses et intéressées, cc Semblables, dit un écrivain allemand 1, à quelques démagogues de la
philos,, vol. I, p. 1207, et J.-A. Dathe, dans sa Prolusio de Anaxaicho philosopho Eudæmonico, Lips. 1 762, in-4° , se contredisent dans leursjugemens sur sa personne et sur sa philosophie. - ---
1 C.-Fr. Staeudlin GcscL. der Moralphilosoplue, Hannover, 1021, in- 8°, p. 69.
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révolution françoise, ils ne vouloient pas, comme.
Pythagore, corriger les mœurs et les constitutions politiques, par la philosophie, et par la morale ; ils profitèrent de l'esprit turbulent des peuples pour se faire valoir, pour briller et pour dominer. La vanité , l'ambition, l'avidité étoient leurs mobiles. »
Ils voyageaient de ville en ville et disputaient publiquemeut sur divers problèmes de politique et de philosophie, et sur des questions subtiles qui n'étoient. d'aucune importance ni pour la science, ni pour la morale. Leur but ètoit beaucoup moins d'éclairer l'esprit de Ieurs^uditeurs que d'éblouir une multitude ignorante, en soutenant, par toutes les subtilités de l'art, des paradoxes ou des hypothèses contradictoires. C'est d'après eux que depuis on a nommé sophismes ces argumens captieux qui, au premier instant, en imposent aux. esprits superficiels, mais dont la nullité ne soutient pas un examen approfondi. Malgré ces défauts, les sophistes ont, à plusieurs égards, bien mérité de la philosophie et des lettres : ils étoient à Athènes les premiers maîtres d'éloquence et de politique ; ils ont beaucoup contribué à épurer et à fixer la langue.
* a Dans l'origine, dit M. Heeren 1, les sophistes enseignoient conjointement la philosophie et l'éloquence; mais ce qu'ils nommoient philosophie étoit, comme la scholastique du moyen âge, l'art d'embarrasser un adversaire par des subtilités et des
1 Ideen iibcr die Pohtik, der Verkehr und den Handel der voinehmsten Voclker der alten Welt, vol. 111.
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syllogismes faux, qui furent, d'après eux, appelas sophismes. Ils argumentoient de préférence sur des questions de métaphysique, dont tout ce que l'on doit savoir en résultat est que l'on n'en peut rien savoir. Cette manière de philosopher, par laquelle ils enseignoient à disputer et à parler, avoit par conséquent une affinité intime avec l'art oratoire; mais ensuite les sophistes et les rhéteurs se séparèrent; cependant les diverses classes qu'Isocrate.
distingue parmi eux, dans sa vieillesse, n'étoient probablement pas aussi faciles à différencier dans sa jeunesse. » « La doctrine et jusqu'au nom des sophistes ont été décriés, même dans l'antiquité; ce seroit en vain qu'on voudroit les disculper entièrement des reproches que leur adressèrent les philosophes et les poëtes connues. Mais on ne peut leur enlever la gloire d'avoir les premiers fait sentir aux hautes classes de leur, nation la nécessité d'une -éducation savante. Leur élévation fut rapide et extraordinaire , parce qu'ils connurent bien les besoins de leur temps. Dans des états où toutes les affaires se traitoient par des discours, et où le mouvement général portoit vers tout ce qui est beau et parfait, des hommes qui enseignoient à penser et à parler ne pouvoient qu'être les bien-venus; mais ils devinrent bientôt dangereux et même pernicieux pour l'état, soit parce qu'ils convertirent l'éloquence en art de disputer, soit parce qu'ils déprécièrent lu religion ou la réndirent ridicule.»
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(LLe premier grief semble avoir été uiie conséquence naturelle de l'état. des sciences. Plus les hommes ont des connoissances bornées, plus leurs assertions sont hardies; moins ils savent, plus ils s'imaginent savoir ou être en état de savoir. Aucune idée ne se présente aussi aisément à l'esprit de l'homme, que celle d'être parvenu aux bornes des connoissances humaines. C'est de cette persuasion que dérive la fureur de disputer, qui fait croire que l'on peut tout démontrer; mais quand on en est venu là, il en résulte naturellement l'art de pouvoir démontrer le contraire de ce que l'on vient de prouver, et voilà en quelle manie déplorable dégénéra chez les sophistes l'art de la dispute. Le talent de rendre l'injuste juste, et le juste injuste, qui leur est si amèrement reproché par Aristophane, devoit être extrêmement dangereux dans les rapports de la vie civile; mais il en résultoit encore un plus grand mal, qui étoit d'anéantir tout sentiment de la vérité, qui cesse d'être respectable dès que l'on croit que l'on peut en faire un sujet de dispute. »
« Le mépris pour la religion naquit vraisemblablement de la liaison intime qui existoit entre les anciens sophistes et les philosophes de l'école éléatique, leurs prédécesseurs et leurs contemporains.
On les a, peut-être à tort, au moins quelques-uns d'entre eux, chargés de l'accusation d'impiété; car on peut encore douter que Protagoras, par exemple , ait mérité le nom d'athée ; mais c'est proba-
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blement ce qui contribua le plus à les rendre odieux au' peuple. »
« Si l'on ajoute à ces imputations leur morale relâchée qui ne consistoit que dans des règles de prudence, pour apprendre à passer doucement la vie et à jouir de ses plaisirs, mais qui contribua sans doute puissamment à leur procurer des disciples et des partisans, on aperçoit le mal qu'ils causèrent. Peut-être ces écarts de l'esprit humain étoient-ils nécessaires pour donner l'éveil aux hommes qui devoient lui montrer une meilleure route. »
Il ne s'est conservé que quelques foibles fragment des ourrages des sophistes. On connoît leur doctrine par les dialogues de Platon, qui toutefois, sous ce rapport, ne sont pas des sources entièrement pures * ; par les écrits de Xénophon et d'Aristote, et par quelques-uns des discours d'Isocrate.
Nous allons nommer les plus célèbres sophistes.
GORGIAS de Léontium, ce rhéteur sicilien qui le premier fit connoître aux Athéniens l'art oratoire 2 ; il a écrit du Non existant ou de la Nature, ouvrage dont Aristote et Sextus ont cité quelques passages.
PROTAGORAS d'Abdere, disciple de Démocrite3.
Le premier il rassembla en propositions générales
1 Les principales objections des sophistes eonlre la morale se trouvent dans le discours de Calliclès dans le Gorgias, et dans ceux de Trasymaque, Gl^ucon et Adiniaute, dans les deux premiers livres, dt: la Hépublique.
s Voy. p. 200 de ce vol.
3 Voy. p. 324.
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ce qu'on appelle lieux communs, et qu'emploie un orateur, soit pour multiplier ses preuves, soit pour discourir avec facilité sur toutes sortes de matières.
HIPPIAS d'Elis 1.THRASYMAQUE de Chalcédoine, qui soutenoit que tout ce qui cônvenoit au plus fort étoit juste.
Cicéron 2 le caractérise ainsi : ccPrinceps inveniendi fuit Thrasymachus, cujus omnia nimis etiam exstant scripta numerose. Nam paria paribus adjuncta et similiter definita, itemque contrariis relata contraria, quae sua sponte, etiamsi id non agas, cadunt plerumque numerose, Gorgias primus invenit j sed liic est usus intemperantius. »
PRODICUS de Ceos5. Ce sophiste, qui fut le maître de Socrate, d'Euripide, d'Isocrate et de Xénophon, est le premier qui se fit payer des honoraires réglés par ses auditeurs. Le premier aussi il s'occupa de recherches étymologiques, et donna des définitionsjde mots qui paroissoient synonymes; entreprise utile, lorsque l'esprit philosophique la dirige. Il composa un ouvrage intitulé les Heures, qui étoit un recueil de contes arrangés d'après les divers âges de l'homme. Cet ouvrage est perdu; mais Xénophon, dans les Entretiens mémorables de Socrate , en a tiré le célèbre apologue connu sons le titre de Choix d' Hercule, l'un des plus beaux morceaux de la littérature ancienne 4. Prodicus avoit
1 Voy. vol. I, p. 4o.
2 Oiator., eap. 52.
? 42 u aus avant J.-C.
4 Ce même morceau se trouve dans un recueil de GEORGE GEMISTE
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l'habitude de le lire dans les villes oùiipassoiti partout il eut un - grand succès, mais surtout à Sparte. - -
Nous devons encore placer parmi les sophistes,.
CRITIAS, dont le nom occupe aussi un rang distingué parmi les poëtes et les orateurs. Il fut pendant quelque temps le disciple de Socrate, parce qu'il espéroit-apprendre dans sa société l'art de plaire et de s'insinuer dans la bienveillance de ses concitoyens; mais bientôt il préféra de s'attacher aux sophistes, dont l'expérience pouvoit en effet lui être plus utile pour le but qu'il avoit en vue. Sa maison étoit leur rendez-vous ;'et c'est là qu'étoient reçus ceux qui n'avoient pas de domicile fixe à Athènes.
Sextus Empiricusnous a conservé un fragment poétique de Critias, qui nous fait connoître l'esprit de sa philosophie 1 : dans ce morceau, Critias fait dériver des institutions sociales la croyance en Dieu et toute religion. Aristote rapporte 2 que Critias regardoit le sang comme l'âme exerçant ses fonctions par les sensations.
Enfin, nous ferons mention du sophiste' ANTIPHON, uniquement pour remarquer l'erreur de Plutarque et de Photius 7 qui, en parlant de l'en-
PLETItON, qui est à la bibliothèque de Munich, et dont M. Igrz. Ilardt a rendu compte dans Joh.-Chph. v. Aretin Beytr. zur Gesch. uud Lit. Vol. I, no. VI, p. 16. Le titre de l'ouvrage de Prodicus y est autrement énoncé., savoir : Ilepi roZ H ~, d'Hercule.V oy. plus bas char. C>
1 Adv. Math., IX , §. 54.
2 De anima, 1,2.
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tretien que Socrate eut avec ce sophiste, et que Xénophon nous a conservé1, l'ont confondu avec l'orateur du même nom, quoique l'historien ait eu soin de le désigner pac l'épithète de sophiste. Hermogène lui attribue l'ouvrage sur la Vérité, izepi odrj3'e{<xç, dont Suidas a rapporté un fragment dans lequel le sophiste parle de Dieua.
1 Memor. Socr., I, 6.
:1 Voce AJEITTOC.
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CHAPITRE XXII.
De Socrate et de ses premiers disciples.
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INDIGNÉ des écarts dans lesquels l'abus de la dialectique avoit jeté les philosophes de son siècle , SOCRATE, fils de Sophronisque', essaya d'opposer une digue à la corruption des moeurs, en donnant à la philosophie un but plus noble et une utilité pratique. Il regardoit la connoissance des devoirs comme la seule qui fût nécessaire aux hommes ; et cette doctrine , il la confirmoit par son exemple.
Il reconnut un Dieu unique, auteur et conservateur de l'univers; au-dessous de lui, des dieux inférieurs formés de ses mains, et revêtus d'une partie de son autorité. C'est par eux que Dieu avertit, en certaines occasions, les âmes pures que la sensualité n'empêche pas d'écouter ces avis.
Toute la philosophie de Socrate se bornoit à une théologie populaire et à la morale , et c'est en cela surtout qu'elle diffère de celle de tous les philosophes qui l'ont précédé et suivi. Dans la théologie, il ne s'occupa que de la recherche des causes finales, qu'il regardoit comme plus intéressantes que la
1 Né 01. LXXVII, 3, = 46g nus avant J.-C. Mort 01. CXV, i , = 399 ans avant J.-C.
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connoissance des causes efficientes. Il mit cette théologie en liaison avec la morale naturelle, en enseignant que le premier de tous les cultes, et celui qui plaît davantage à la Divinité, consiste dans l'accomplissement de nos devoirs, tant de ceux que nous avons à exercer envers nous-mêmes, que de ceux que réclame la société, parce qu'en remplissant ces devoirs, nous atteignons au but que s'est proposé l'Etre-Suprème, et qui «onsiste dans la perfection et la félicité de l'univers. Sans fonder une école proprement dite, sans écrire, il consacra toute sa vie à instruire les hommes et à les conduire à la vertu par la vérité : ses leçons n'étoient que des entretiens familiers dans lesquels il savoit se mettre à la portée de toutes les classes d'auditeurs.
(c Socrates, dit Gicéron 1, philosophiam devocavit a cœlo et in urbibus collocavit, et in domos e8 introduxit, et coegit de vita et moribus reb bonis et malis quuerere. » Ce peu de mots caractérise toute la philosophie de Socrate. Son caractère moral est tracé aussi en peu de mots, mais avec le crayon d'un maître, dans la fin des Choses mémorables de Xénophon. cc Comme il étoit vraiment tel que je l'ai montré, dit cet écrivain : religieux à ne riep faire sans la volonté des dieux; juste à ne -pas faire le moindre tort aux autres, mais à se rendre, au contraire, très-utile à ceux qui remplovoient ; maître de lui-même à ne jamais préférer d'agréable au bon; sage et intelligent à ne jamais se tromper
1 Tusc. Qusest. V, 5.
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dans Son jugement sur le bon et le mauvais, à n'avoir besoin d'aucun guide , mais se suffisant à lui-même , capable d'exprimer par "la parole tout ce qu'il pensoit, d'éprouver les autres, de corriger ceux qui manquoient, et de les ramener à la vertu et à la probité : il m'a paru qu'il étoit à la fois et le meilleur et le plus heureux des hommes. ». Rejetant la dénomination de sophiste, comme trop ambitieuse, il se qualifia, le premier, de philosophe, ou d'ami de la sagesse.
Sa méthode (~ ~, induction) est devenuè célèbre sous la dénomination de méthode socratique. Sa vie étoit pure ; car la higamie, qu'on pourroit lui reprocher d'après notre religion et nos mœurs, étoit autorisée par la loi d'Athènes1.
Cependant il fut accusé par Melitus, Anytus et Lyd'avoir manifesté des principes d'impiété, et IIItte la jeunesse d'Athènes 1 de maximes contraires à la constitution établie. Condamné à mort par la prévention de ses juges, il but la ciguë.
La condamnation de Socrate étoit si injuste et si révoltante, qu'on a de la peine à concevoir et qu'elle ait pu être prononcée, et qu'on ait pu l'exécuter. Pour en expliquer la possibilité, on a eu re- cours à diverses hypothèses. L'opinion anciennement accréditée, d'après laquelle ce philosophe étoit mort victime de la haine que les Nuées d'Aristophane avoient excitée contre lui, a été aban-
1 Voy. DIOG. LAERT., II, 26. ATHEN. XII, p. 556. (Ed. Schweigh.
Vol. V, p. 5. ) PLAT. Phædo , 65.
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donnée depuis long-temps. Il suffisoit, en-effet, de faire observer que cette pièce avoit été donnée vingt-quatre ans avant la catastrophe qui fit périr Socrate, et que tombée après deux représentations, elle n'avoit pu produire un effet durable. Fréret, dans un mémoire inédit, s'est efforcé de prouver qu'on ne doit attribuer la mort de. Socrate ni à la pièce d'Aristophane, ni à ses opinions philosophiques; mais que ce sage fut la victime de soir attachement au parti oligarchique, ainsi que de ses anciennes liaisons avec Critias, un des trente tyrans. Le manuscrir de Fréret étoit connu, à l'auteur du Voyage du jeune Anacharsis, qui le cite. Cet écrivain, aussi judicieux que savant, paroît avoir approuvé l'hypothèse que nous venons d'exposer.
Lesennemis de Socrate, dit Fréret, n'osaient énoncer ouvertement le crime dont ils le trouvoient coupable; l'amnistie jurée si solennellement trois ans auparavant, ne leur permettoit pas d'intenter contre lui une semblable accusation. Mais comme les héliastes, qui devoient le juger, étoient tous des hommes du peuple, et partisans zélés de la démocratie, les ennemis de Socrate étoient bien sûrs qu'il suffiroit d'accuser Socrate, pour qu'il parût coupable à des magistrats de cette espèce, Feu Millin ayant publié 1 un extrait du mémoire de Fréret, le baron de Sainte-Croix y opposa des Observations sur les causes de la mort de Socrate2.
1 Màg. Encyclop. , deuxième année, vol. V, p. 474.
2 Mag. Encyclop., même aniieV, vol. VI, p. 3o.
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San principal argument contre l'hypoihèse de Frérët est tiré du silence de Xénophon et des autres écrivains qui ont composé des apologies de Socrate. Trouvant, au reste , dans Paccuiation de Melitus les mêmes reproches qu'Aristophane avoit adressés au philosophe, vingt-qualre ans auparavant, le littérateur françois ne put gagner sur lui de regarder la conspiration des sophistes et des poètes contre Socrate comme une chose imaginée par.des écrivains postérieurs.
Un auteur allemand que nous serons dans le cas de citer, lorsqu'il sera question des dialogues de Platon, M. Socher, s'accorde assez bien avec Fréret, en regardant la mise en accusati on de Socrate comme un effet de cette réaction, pour nous servir d'un terme malheureusement trop connu dan& les discussions civiles de nos jours, quJAnytus, rentré dans Athènes après l'expulsion des tyrans, et son papti exercèrent contre tout ce qui auparavant avoit tenu tête à la faction populaire. Les nouveaux maîtres d'Athènes ne pouvoient pas se cacher que la jeunesse, formée à l'école de Socrate , avoit appuyé les mesures par lesquelles leur ambition avoit été réprimée. Ils vengèrent par le supplice du maître le mal que des disciples, tels qu'Alcibiade, Critias et Charmidès, leur avoient causé : il fut immolé pour punir ceux qui avoient fait périr Théramène.
En effet, le procès de Socrate porte tous les caractères d'un coup de parti et d'un jugement révolutionnaire.
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Nos lecteurs pourront prononcer entre Fréret et -ses adversaires; mais nous ne pouvons nous empêcher d'emprunter au baron de Sainte-Croix une citation qui, d'après notre sentiment, explique une circonstance des derniers momens de Socrate qui -a toujours embarrassé les commentateurs. Sentant .approcher la mort, Socrate dit : « Nous devons un coq à Esculape, acquittez-vous en, Criton, et ne le négligez pas. » Ces mots, dit le Platonicien Olympiodore dans un ouvrage inédit, n'étoient qu'une •allusion à la félicité dont, après cette vie, l'âme doit jouir , étant guérie des maux qu'elle a éprouvés dnns ce monde.
Le peuple d'Athènes, revenu promptement de son égarement, témoigna le regret qu'il éprouvoit de la condanmation du sage. Diogène Laërce dit que les lieux publics de réjouissance furent fermés, que Melitus fut condamné à mort et que ses complices furent exilés1 Voici comment Plutarque s'exprime a à ce sujet : « Les Athéniens, dit-il, conçurent une telle horreur contre la malice consommée des accusateurs de Socrate, qu'ils leur refusoient le feu, qu'ils ne daignoient pas répondre à leurs questions, qu'ils ne vouloient pas se trouver au bain avec eux, qu'ils regard oient comme souillée l'eau à laquelle ils avoient touché, et qu'ils la faisoient répandre.
Ces misérables ne pouvant supporter une haine si déclarée, se pendirent de désespoir ». Thémis-
» 11,43.
* De invid. et odio.
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tius donne des détails semblables ; mais ni Platon ni Xénophon ne parlent de cette punition des accusateurs de Socrate, et nous craignons bien que ce récit ne doive être relégué dans l'empiré des fables, quoiqu'il soit conforme au caractère de la
multitude toujours portée à des extrêmes, et se .trompant sans cesse dans son affection et sa haine.
Plaçons encore ici le jugement que porte sur - Socrate et sa philosophie le même écrivain dont nous avons emprunté le portrait des sophistes. « La philosophie de Socrate, dit M. Heeren1 fut accueillie , parce qu'elle concernoit immédiatement l'intérêt le plus éminent de l'homme. Tandis que les.
sophistes ne s'occupoient que de spéculations oiseuses; tandis que leurs discussions dégénéroient en disputes de mots, Socrate enseignoit à ceux qui l'écoutoient, à regarder en eux-mêmes: l'homme et ses rapports avec le monde étoient les objets de ses recherches. Pour ne pas répéter ce que d'autres ont déjà dit parfaitement, nous ne nous permet.trons:que des remarques générales sur Socrate et ,sur ce qu'il a fait. -
« L'impression qu'il produisit tenoit intimement aux formes de la vie sociale à Athènes; dans un pays où elles seroient différentes, un second Socrate ne produiroit pas le même effet. On sait qu'il n'enseignoit ni dans sa maison , ni dans un endroit déterminé; il choisissoit ordinairement pour lieu de ses entretiens les places publiques et les porti-
* L. c.
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ques. Il faut pour ce genre d'instruction un peuple
comme les Athéniens , dont la vie privée tienne beaucoup de la vie publique.
cc Leur hahitude, non-seulement de passer dans les places publiques une grande partie de la jour-' née, mais encore d'y parler de tout ce dont on avoit à s'entretenir, rendit praticable la manière d'enseigner de Socrate. - C'étoit là que se tenoient fréquemment les sophistes y non pas précisément pour donner leurs leçons, ce qu'ils faisodent sans doute dans un local particulier, puisqu'elles ~devoient être payées, mais pour être en quelque sorte à la piste des jeunes gens riches; action que Platon leur reproche. Socrate leur ayant déclaré une guerre ouverte, il étoit naturel qu'il se tînt de préférence dans les lieux où il devoit espérer de rencontrer-plus certainement ses ennemis ainsi que ses.
amis et ses partisans 1.
« La forme de son enseignement n'étoit pasmoins remarquable. Ses instructions consistaient en dialogues, en conversations et non pas en discours suivis; il avoit par conséquent choisi la forme la plus convenable pour les lieux publics; mais indépendamment de leur grand intérêt, ces- discours se distinguoient avantageusement des conversations journalières, soit par une ironie fine qu'il
l Cette circonstance Explique comment Aristophane a pu confonde Sonate avec les sophistes. Dans ses Nuées , Socrate enseigne pour de l'argent et dans une espèce d'école publique ( ), ce que Sociale ne fit jamais. Note de M. Heeren.
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savoit employer quand il attaquoit les sophistes t soit surtout par l'opinion fréquemment exprimée qu'il parloit par l'ordre exprès de la Divinité. Socrate diffère néanmoins de cette classe dTiommes copnue sous le nom de prophètes : car ceux-ci s'annonçoient hautement comme les envoyés, les ministres immédiats de Dieu, au liw que Socrate se contentoit de le laisser entendre, quoiqu'il ne le niât pas. Il ne voulut ni être le fondateur d'une religion nouvelle, ni le réformateur de celle qui exi&- toit * ce qui étoit et devoit être le but des prophètes., L'apparition de Socrate fut donc le fruit le plus précieux de la séparation de la religion et de la philosophie; séparation louable, particulière aux Grecs.
Socrate n'eût pu obtenir de succès-chez aucun peu-
ple asiatique.
« Il fut te martyr de sa doctrine. Il seroit inutile de chercher encore à prouver le peu de fondement des accusations qui lui furent intentées, par exemple de nier la religion du peuple, et de corrompre la jeunesse; mais on doit convenir que son genre de mort contribua plus que sa vie à produire un grand effet. Si une maladie l'eût enlevé, qui sait si Mn souvenir eût duré plus long-temps que celui de plusieurs autres philosophes recommandables?
Ses amis et ses disciples eussent parlé de lui avec vénération, ils eussent difficilement passé à l'enthousiasme j mais la ciguë lui assura l'immortalité.
Par son genre de mort, joint à. sa doctrine, il don-
na de la réalité à un nouvel idéal sublime, le seul
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peut-être qui manquoit encore à la nation grecque; l'image d'un sage qui meurt pour son opinion.
te. La philosophie de Socrate n'avoit pas de raipport direct avec la politique. Elle s'occupoit de ilionime, comme être raisonnable, et non comme -citoyen. Elle n'en étoit que plus intéressante pour l'état, puisqu'elle cherchoit simplement à remédier à la corruption qu'une fausse philosophie ne pouvoit tarder à introduire : ce but ne fut pas, il est vrai, complètement atteint; mais peut-on en accuser Socrate?
.«' De son école, ou plutôt de son cercle, sortit, - on Le sait, une succession d'hommes célèbres dont les opinions et les systèmes différèrent tptalement en plusieurs points. Cela vint peut-être de ce que.
Socrate n'avoit pas eu de système , et ne mettait par conséquent aucune entrave à l'esprit philosOphique.
Il nevouloit qu'exciter à penser, et c'est .ce qui fait comprendre comment son école vu pu produire des philosophes qui partoient de principes entièrement opposés. ))
Socrate n'ayant rien écrit, n'appartiendroit pas à l'histoire de la littérature, s'il n'avoit opéré une révolution dans la philosophie et dans la marche de l'esprit humain en général, et si de son école il n'étoit sorti un grand nombre de disciples dont les ouvrages appartiennent aux plus belles productions de l'antiquité classique. Ils forment diverses classes: nous placerons dans la première trois de ces disciples qui écrivirent conformément aux principes
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de leur maître ; ils les modifièrent, à la vérité, d'a- près leur manière individuelle devoir, mais pour-
tant sans s'en écarter dans des points importans, et sans former de sectes particulières : ce sont EschineCébès et Xénophon. Après eux, nous parlerons de ceux qui sont devenus les fondateurs de sectes particulières1.
ESCHINE d' Athènes, fils d'un charcutier ou farceur. (aXhxvro'Tzoïoç ) est appelé le Socratique, pour le distinguer de l'orateur du même nom2. Il n'enseigna pas publiquement la philosophie ; mais il composa sept Dialogues sur des matières philosophiques, qui sont perdus. Il existe, à la vérité, sous son nom, trois petits ouvrages de ce genre, intitulés de la Vertu et si elle peut être apprise, TTept ri &SBCXTW' Eryxias ou des Richesses, Èpu £ /aç n 'TuepiTTXOUTÙU , et Axiochus ou de la Mort, A" e(oxoç rt Ttepi ^avdtTOu. Mais les deux premiers ne sont pas de lui 5, et il n'est peut-être pas l'auteur du troisième,
1 Voici comment Cicéron rend raison de la division des disciples de Socrate. Après- avoir observé que ce philosophe n'a rien écrit : « Hine Jiscidium, dit-il, illud exstitit quasi linguæ alque cordis, absurdum sane et inutile et reprehendendum, ut alii nos sapere 7 alii dicere docerent.
Nam quum-essent plures orti fere a Socrate, quod ex illius variis et diversis et fertrcnnem partem diffusis dispulaliotiibus alius aliud apprehenderet proseminatœ sunt quasi familiae dissentientes iuler se-et multum disjunctae et dispares, quura tamen omnes se Sociaticos dici velleDt et esse arbitrarentur. ( De Orat. ln, 16. )
* Lorsqu'il s'adressa à Socrate pour suivre ses leçons, il lui dit : c( Je suis pauvre , mais je me donne tout à toi; voilà ce que je puis l'offrir. — Tu ne connois pas la valeur de ton présent, » lui répondit le sage.
5" Voy. Ch.-Fr. Meiners J Judicium de quibusdam Sociaticorum reliqulis, imprimis de iEschinis dialogis , dans Comment. Soc. GœLt. 1782
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que quelques auteurs attribuent à XENOCHATE de Chalcédoine. Ce qui lie paroît pas permettre qu'on regarde Eschine comme l'auteur de ce morceau, c'est qu'on n'y trouve pas le mot d'&Àgx-rpuovo-rpcfcpoç;, : pour lequel Pollux cite 1 l'Axiochus de ce philosophe. Diogène de Laërte rapporte que Xénocrate a écrit sur la Mort; mais la manière dont il parle de cet ouvrage , ne paroît pas indiquer qu'il eût la forme d'un dialogue. Quelque soit au reste l'auteur de ces trois dialogues, il n'est pas moderne : leur simplicité trahit une haute antiquité.
Une lettre également attribuée à Eschine , est indubitablement supposée.
Les trois dialogues d'Eschine se trouvent dans les anciennes éditions de P&ton, depuis celle d'Aide de 1513. L'Axiochus se trouve, avec les notes de Jér. Wolf, dans le recueil intitulé : Doctrina recte vivendi et moriendi. ( Voy. Introduction, p. XCIV.) Jean Leclerc fut le premier qui publia séparément ces dialogues à Amsterdam, 1711, in-8°. Pierre Horreus en fit une nouvelle récension et une nouvelle traduction, qui parurent à Leuwarde, 1718, in-8°. J.-Fr. Fischer en donna successivement quatre éditions à Leipzig, en 1758 , 1766,1786 et 1788. Comme la dernière ne contient que le simple texte avec un index, elle ne rend pas superflue la troisième, où l'on trouve des recherches grammaticales.
Fischer avoit aussi publié séparément l'Axiochus, à Leipzig, en i758,in-8°. Ce même dialogue est joint à l'édition de Simon Socraticus de M. Aug. Bœc!clt. Les manuscrits de V. 45. Meiners juge avec prévention l'Axiochus, qui renferme de trèsbonnes choses.
1 Onom. VII, 155-
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Platon peuvent encore fournir nombre de corrections pour ces dialogues; en attendant que quelque savant en tire parti T les éditions de Fischer sont les meilleures.L'index qui est joint à la troisième est si bien fait, qu'il rend une traduction superflue à ceux qui pourroient d'ailleurs en avoir besoin.
La lettre attribuée à Escbine se trouve dans les Collections épistolaires, et à la suite de l'édition que .1.- 8. Sommet a donnée deg lettres deToràteur Eschine.
Cébès de Thèbes auquel Diogène attribue trois.
dialogues dont l'un étoit intitulé II&a £ , ou le Tableau. Nous avons effectivement un petit ouvrage qui porte ce titre, parce que deux individus s'y entretiennent d'un prétendu tableau de la vie humaine qu'on suppose suspendu dans un temple de Saturne ; et cet ouvrage passe pour une production du disciple de Socrate, Il y a cependant des critiques qui pensent que ce petit traité qui contient une morale très-pure , mais non dans l'esprit de Socrate , a été composé par quelque philosophe Stoïcien qui aura voulu prouver que la félicité suprême consiste dans la pratique de la vertu, peutêtre par CEBÈS de Gyzique dont il est question dans Athénée, et. qui vivoit sous Marc-Aurèle l. Le Tableau de Cébès e~t un des ouvrages les plus.
i Deipnos. IV, p. 156. ( Ed. Schweigh. , vol. II, p. 109. ) Voy. - aussi Dissert. sur le Tableau de Cébès , par Garnier, dans les Mém. de l'Acad.
des Inscr. et Belles-Lettres, vol. XLIX , p. 455. L'hypothèse Je cet académicien expliqueroit l'épithète ille , que Lucien lui donne dent fois, ( De mercede cond. 42. Ed. Bip. vol. II, p. 265 et Rhetor prœc.
6. Ibid., vol. VB, p. 225.) épilhèle. qui paroît iudiquer uu écrivain vivant.
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répandus de l'antiquité. il a été traduit dans toutes les langues, même en arabe.
s Les éaitions du Tableau de Cébès sont très-fréquentes : il a été imprimé d'abord dans une traduction latine redigée par Louis Odassi, de Padoue, à Bologne, en 1497, avec Censorin et le Manuel d'Epictète.
Feu Millin dit avoir vu à Lyon, dans la bibliothèque d'un juriscohsulte, M. Riols, une édition de Cébès de 1491 1 ; s'il ne s'est pas trompé, c'est la plus ancienne de toutes les éditions de cet auteur. Jusqu'à présent deux , l'une et l'autre sans date, se disputoient la priorité : l'une est in-8°, et Cébès y est suivi de l'opuscule de S. Basile, dont nous parlerons; on l'attribue à ZacAarie Calliergus, imprimeur de Rome, et l'on croit qu'elle est antérieure à l'année i5oo. La seconde est in-4°, et est sortie des presses d'Aide l'ancien. Le volume renferme aussi les Octo partes orationis de Lascaris. M. Renouard en fixe l'impression à l'année 1494.
Le Tableau de Cé. a été ensuite- fort souvent imprimé, soit à la suite, du Lascaris, du Manuel d'Epictète} des Vers dorés, soit séparément. INous ne remarquerons que quelquesunes de ces éditions.
Édition imprimée par Charles Wechel, i53i et 1557,in-8°.
Edition de Jér. Wolf, avec Epictète, etc., Bâle, i56o, 3 vol. in-80. Le texte de Wolf a été souvent répété. A la suite du Simplicius de Heinsius, Leide, 164.0, id-lin, avec la traduction arabe publiée par Jean Elichmann, et avec une préface de Saumaise.
Avec l'Epictète d'Abr. Berkel, Leide, 1670, in-8°.
Edition de Jacq. Gronouius, Amsterd. 1689, in-i2; la première qui reuferme un texte critique.
1 Voyage en Fiance, voL I, p. 531. LHudkalion de M. Millui .est si peu précise, qu'elle ne comprend pas même le format de celte édition, ui le lieu de l'impression.
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Hambourg, 1694, in-12 , par Jean Schulz.
Par Tib. Hemsterhuis, à la suite des dialogues de Lucien T Amsterd. 1708, in-8°.
Avec Epictète, Utrecht, 1711, in-Lio; édition commencée par Warc Meïbùm, et achevée par Adr. Reland.
Cébès seul, soigné par Thomas Johnson, Lond. 1720, in-Bo.
Edition de luxe imprimée par Bodoni, à Parme, i793,in-8°, M. J. Schweighœuser a donné quatre éditions du Tableau de Cébès; car cet opuscule est joint aux trois éditions quer depuis 1798, il a fait paroitre du Manuel d'Epictète, et ensuite il fit imprimer Cébès seul, à l'usage des jeunes gens, Strasb. 1806, in-12. Il faut observer que lorsqu'en 1798, ce savant fut sollicité par son libraire de joindre le Tableau de Cébès à son Manuel d'Epictète, il n'avoit fait aucun travail préparatoire pour cela, et le temps ne lui permit pas deconr sulter les manuscrits. Il eut soin cependant de corriger et de rétablir le texte, en employant tous les moyens de critique que pouvoient fournir- les éditions antérieures, l'ancienne version faite sur des manuscrits, et doutres ouvrages relatifs a cet intéressant opuscule. Parmi les matériaux dont il profita, les plus précieux étoient la collation- d'un ancien.
manuscrit faite par Meibom, et jointe à son édition, ainsi que,les variantes de trois manuscrits de Paris qui avoient été communiquées à Gronove, et que celui-ci avoit publiées à la suite de la sienne. Si, avec ces matériaux, M. Schweighœuser ne donna pas du Tableau de Cébès une édition aussi parfaite que celle d'Epictète, à laquelle elle faisoit suite, au moins étoit-elle encore la plus pure qui existât jusqu'alors.
Quelque temps après, M. Godefroi Schweighœuser, son fils, compulsa de nouveau les mêmes manuscrits de Paris, dont Gronpve n'avoit eu que des extraits très - incomplets. A la collation de ces trois manuscrits, ce littérateur joignit celle d'un quatrième , 'et transmit tout ce travail à son père.
Muni de ces nouveaux secours , M. Schweighœuser donna en 1806, à Strasbourg, in-12, sa quatrième édition de ce pré-
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cieux monument de la morale socratique, qui pareil, ainsi avoir atteint le degré de perfection dont il est susceptible.
Nous pourrions cependant mettre à côté de l'édition des deux professeurs de Strasbourg, celle que M. H. Thieme a publiée à Berlin., en 1810,in-8°, si les excellentes notes et la table dont elle est accompagnée étoient écrites /en latin , au lieu d'être rédigées en allemand.
XÉNOPHON d'Athènes, le même dont nous avons déjà parlé comme d'un des historiens les plus distingués de la Grèce, est celui de tous les disciples de Socrate dans les ouvrages duquel on trouve avec moins d'altérations l'esprit de la philosophie de ce sage. Sans être un génie profond, il est un des écrivains dont la lecture a le plus d'attraits : son style est simple, pur, élégant, gracieux. Voici les titres de ses ouvrages philosophiques , en comprenant sous cette dénomination toutes les productions de Xénophon, à l'exception des quatre ouvrages historiques dont nous avons parlé.
10. Entretiens mémorables de Socrate, ATropyjpovgtffjwcToc 2eoxpdcTOuç, le meilleur ouvrage de philosophie de Xénophon. Il renferme d'abord la justification de Socrate contre le reproche qu'on lui avoit fait d'avoir voulu introduire le culte de dieux étrangers à la place des divinités nationales, et d'avoir corrompu la jeunesse par son exemple et ses maximes; et ensuite un recueil d'entretiens de Socrate sur divers objets de morale Cet ouvrage, écrit avec
1 M. L. Dissen, dans une dissertation intitulée ; De philosophia morali in Xcnopljontis de Socratis commeulaiiis tradita, Gœttingue, 1812,
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grâce et élégance, pèche quelquefois contre les règles et contre la forme du dialogue, et devient alors un vrai monologue. Il est divisé en quatre livres; mais on croit qu'anciennement il étoit plus volumineux. -
TOUÇ dixaçccç. Ce morceau n est pas, ce que le titre dit, un plaidoyer à prononcer devant les juges; ce n'est pas non plus une défense contre les crimes ou vices qu'on avoit reprochés à Socrate ; on y trouve plutôt le développement des motifs qui ont engagé le sage à préférer la mort à l'humiliation d'adresser des supplications à des juges prévenus.
Valckenœr et Schneider ont trouvé cet ouvrage indigne de Xénophon ; le premier y a vu l'œuvre d'un faussaire, et il a pensé que cet imposteur est le mêm& qui a fabriqué la fin de la Cyropédie.
Schneider pense que l'Apologie faisoit anciennement suite aux Entretiens mémorables ; mais que les grammairiens, en la détachant, l'ont falsifié-e et corrompue en plusieurs endroits.
5°. Le Banquet des Philosophes, Supicdcrcov cprAo— Le but que Xénophon s'est proposé dans cet ouvrage, qui est un chef-d'œuvre sous le rap-
iu-4u, accuse Xénophon d'avoir rapporté la morale Je Sacrale moins comme philosophe que comme homme du monde , et de Ne l'avoir présentée que du côtc quila rend le moins recommandable savoir sous le point de vie de son utilité. Xénophou a été justifié de ce reproche par M. Stœudlindans sa Gesch. der Moralphilosophie, p. 84. La question csL plus importante pour l'histoire de la philosophie que pour celle de la littérature.
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port de la composition et du style, a été de mettre au grand jour la pureté des principes de son maître, relativement à l'amitié et à l'amopr, et de rendre hommage à l'innocence de ses mœurs. Les anciens se sont persuadés que l'auteur avoit encore un but secondaire, celui d'opposer son Banquet au dialogue de Platon qui porte le même titre, et dans lequel Socrate n'avoit pas été peint y d'après lui, avec la simplicité qui le caractérisoit. Jeah-Gottl.
Schneider et Benj, Weiske, deux célèbres commentateurs de Xénophon, ainsi qu'un excellent juge en matière de goût, le célèbre Wiieland J) ont partagé cette manière de voir ; mais elle a été attaquée par deux savans dont l'opinion ne sauroit être sans poids, puisqu'ils ont fait une étude particulière des œuvres de Platon : ce sont MM. Aug, -Boeckh et Fr. Ast. Le premier croit que Platon a écrit son dialogue après avoir lu le Banquet de Xénophon, et qu'au lieu de Socrate tel qu'il étoit, le chef de l'Académie a voulu tracer, sous les traits de ce philosophe,l'idéal du vrai sage, tel qu'il l'avoit. concu M. Ast non-seulement s'accorde avec cette opinion, il va plus loin, et prétend trouver dans le Banquet de Xénophon des traces qui indiquent que c'est un ouvrage de sa jeunesse3.
4°. Hièron, dialogue entre le
1 Atliscli. Mu&em, \n1. IV, p. 76.
* Commentatio.Acad. (le simultale quae Plaioni c, Xenoph. intercessisse fertur. Tîerol. 1811, in-4°.
3 Fr. A st. Platons LeJ/Cn utid Scln ifien. Leipz. 1816, in-8°, p. 314,
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roi de Syracuse et Simonides, dans lequel Xénophon fait la comparaison de la vie malheureuse d'un prince avec l'existence tranquille d'un particulier, en y entremêlant des observations sur l'art de gouverner.
5°. De l'Economie, Ocxovofjuxoç Xoyoç , dialogue entre Socrate et Critobule, fils de Criton, et l'un -de ses disciples. Quelques savans l'ont regardé comme le cinquième livre des Entretiens mémorables. C'est moins une théorie que l'éloge de l'économie rurale, ou, si l'on veut, un traité de morale appliqué à la vie rurale et domestique 1. Toutefois il contient quelques détails instructifs sur l'état de l'agriculture parmi les Grecs; on y trouve aussi des anecdotes sur Cyrus le jeune. Cicéron avoit traduit cet ouvrage en latin, et Virgile y a puisé quelques passages de ses Géorgiques.
, 6°. Sur la connoissance des chevaux, Ilept I irrrtxîjq, traité fort utile où Xénophon explique les signes auxquels on peut reconnoître les qualités du cheval , et les moyens de le dresser. Il cite, abrége et complète l'ouvrage d'un certain SIMON, qui, avant lui, avoit écrit sur ce sujet.
7°. Sur les devoirs d'un officier de cavalerie, I TrurocpAprès avoir dit quelque chose de la connoissance des chevaux, qui est nécessaire à un officier de cavalerie, Xénophon donne les règles d'après
1 L'entretien de Socrate avec Jscliomachiis, inséré au chap. ydonne un tableau touchant d'une borne mère de famille.
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lesquelles le cavalier doit être choisi, et trace ensuite les devoirs d'un commandant.
8a. De la Chasse, KU"IIY)jlG't'c-"Óç. C'est un éloge de cet exercice, après lequel Xénophon en donne la théorie.
9 eZ)<?s revenus de V j4ttique, Etopot ri irepl irpoo-o^cov.
Le but de cet opuscule est très-philantropique.
L'auteur veut faire voir que les revenus de l'Attique, bien administrés, suffisent à sa population, sans qu'il soit nécessaire que le gouvernement se rende odieux en foulant les alliés ou sujets.
loo et il0. De la République des Lacédémoniens et de celle des Athéniens, AocxeSoccy-ovicov Trohrsux, et À:7r¡va!w'IJ liro t c Ces deux petits ouvrages ne sont peut-être pas de Xénophon.
LONGlN, ZENON de Citiitm et HÉRON avoient composé des commentaires sur Xénophon, et HAUPOCRATION avoit écrit : tcov irocpà Eevocpwvrt 't'cXÇEWiJ.
En donnant la liste des ouvrages historiques de Xénophon, nous nous sommes réservés d'en indiquer les éditions. C'est ici le lieu de remplir cette promesse.
Le premier ouvrage de Xénophon qui fut imprimé en grec, est sou Histoire de la Grèce, qu'Alde l'ancien joignit, eu 1503, sous le titre de Paralipomena, à son édition de Thucydide imprimée à Venise, 1502, iu-fol. Phil. Giunta donna en 1516, à Florence, in-fol., la première édition des Œuvres de Xénophon, soignée par Euphrosynus Boninus. L'Agésilaiis, l'Apologie de Socrate, les Revenus, et une partie de la République d'Athènes, y manquent. En 1525, André d'Asola, • beau-père d'Aide, donna, in-foliô, une seconde édition plus
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complète des oeuvres de Xénophon; car l'Apologie de Socrate seule y manque, quoique Jean Reuchlin ( Capnio ) l'eût publiée dès i520, à Haguenau, in-4°, Les-héritiers fie Giun la mirent au jour, en 1527, leur seconde édition; ils y reçurent les ouvrages qu'André d'Asola avoit publiés deux ans auparavant; mais pour le reste, ils se contentèrent de réimprimer l'édition de leur père, avec toutes ses fautes, sans faire usage des corrections qu'ils auroient trouvées dans celle de 15a5.
Leur édition fut copiée, en i54o, à Halle en Souabe, en 3 vol. in-8°, avec une préface de Phil. Melanchthon , qui y ajouta l'Apologie, de manière que son édition fut la première complète.
- En i545, Nie. Brylinger imprima à Bâle, in-fol., une édi» tion complète, à laquelle il joignit les traductions qu'on avoit des diffërens ouvrages; ainsi première édition, grecque-latine.
Isingrin, autre imprimeur de cette ville, publia, quelque temps après, sans date, en 2 vol. in-8°, le texte seul de Xénophon, corrigé, à l'aide de manuscrits et par conjectures, par Séb. Cctstalio ( Châtillon ). Brylinger adopta ce texte dans sa seconde édition, Bâle, 1:555, in-fol., que Jean Petri soigna.
Une" nouvelle et excellente récension fut faite par Henri Etienn. ou plutôt ce savant en fit deux. La première parut en 1561, in-fol., sans version. Cette édition est plus jolie que la seconde, qui est de 1581; mais celle-ci est meilleure. On y joint ordinairement la traduction qui a été imprimée à part.
Ant. Etienne a réimprimé la seconde édition à Paris, 1625, in-fol., mais avec beaucoup de fautes.
La récension de H. Etienne servit de base aux trois eéditions de Jean Lœwenkiau ( Lunclavius), savoir, Bâle, 1569 et 1572, et Francfort, 1594, in-fol., accompagnées de la version.
Il se passa ensuite plus d'un- siècle avant que Xénophon devint l'objet d'un nouveau travail critique. La troisième édition de Laewenklau fut copiée en 1625, à l'imprimerie royale de France : nous ne trouvons pas d'autre édition des œuvres
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complètes exécutée dans tout le reste du dix-septième siècle.
Un Anglois tenta cette entreprise au commeaceçpent du dix-huitième : c'est Edouard Wels. Il donila en 1703, en 5 vol. in-BQ, à Oxford, une édition de Xénophon plus jolie que correcte, avec la version telle que Lxwenklau l'avoit arrangée.
Cette édition fut réimprimée à Leipzig, en 1763, par les soins de Ch.-Aug. Thieme, en 4 vol in-8°. Excepté l'exécution typographique, cette réimpression est bien préférable à l'édition d'Oxford. Non-seulement Thieme a eu soin de la correction du texte, mais. il a profité des travaux de Th.
HutchinsonA qui, après Wels,avoit donné des éditions savantes de la Cyropédie, Oxford, 1727, in-4° (réimprimée depuis fort souvent, en abrégé ), et de lq. Retraite des Dix paille, Oxford, 1795, in-4°. L'édition de Thieme est accopapagnée de la version, mais elle n'a ni commentaire, ni itldex. Ceuxci devoient être remplacés par un Lexique en 2 val. Thieme mourut en 1795, sans avoir achevé ce travail. M. Fl'éd.-Buill.
Stars se chargea alors de le continuer, Le premier volume de ce Lexique parut en 1801,«t en même temps le libraire donna un nouveau frontispice au Xénophon de Thieme. Le reste du Lexique fut successivement publié en 3. autres volumes. Dans l'intervalle, M. Benj. Weisie entreprit la publication d'une nouvelle édition des Œuvres de Xénophon, qui parut à Leipzig, de 1798 à i8o4, en 6 vol. ini- 8°. Cette édition n'est pas destinée aux jeunes gens; aussi manque-t-elle d'une traduction. Quoique M. Weiske n'ait pas rédigé une nouvelle récension du texte, cependant il n'a pas négligé la partie de la critique. 11 a inséré dans le 6e volume des variantes et des remarques que lui avoit communiquées Villoison : elles ne donnent pas peu de mérite à son édition. Les introductions et le commentaire expliquent toutes les difficultés dit texte; M. Weiske y entre même dans des discussions philosophiques et littéraires. r M. J.-Bapt. Gail a publié, entre les années i8o4 et 1.816,
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les Œuvres compiètes de Xénophon, traduites en françois et accompagnées. du texte grec, de la version latine et d'un comirfentaire, en 11 minces vol. in-40, y compris les Observations militaires et géographiques de l'éditeur. La.partie la plus importante'de cette édition est la collation des manuscrits qui étoient à la bibliothèque du roi de France™ et dont plusieurs ne s'y trouvent plus : elle remplit 644 pages in-4° Il faut y joindre un 126 volume qui a paru en 1821, sous le titre de Recherches historiques, géographiques, philologiques et critiques , avec supplément aux variantes publiées.
déjà sur les textes d'Hérodote, Thucydide, Xénophon, etc., pour servir de supplément à l'Hérodote, au Thucydide et surtout au Xénophon de J.-B. Gail. Paris, 1821, in-40.
Enfin, J.-G. Schneider a donné une édition complète des Œuvres de Xénophon, en 6 vol. in-Bo, ou plutôt son libraire à Leipzig a fait imprimer, en i8i5, un titre général , pnr lequel les éditions des ouvrages détachés de Xénophon , successivement soignées par ce savant, ont été réunies en un seul corps. Ces éditions détachées remontent proprement à J.-Ch. Zeune, qui donna, en 1778, les Opuscula politica , equestria et venatica ; en 1780, la Cyropédie; en 1781, les Entretiens de Socrate; en 1782, l'Œconomicus avec l'Apologie de Socrate, Hiéron et Agésilas; en 1785, l'Expédition de Cyrus; le tout formant 5 vol. in-Bo. Il s'occupoit de l'Histoire de la Grèce, lorsqu'il mourut. Les éditions de ce professeur de Wittenberg se distinguent moins sous le rapport de la critique, que par les excellentes notes dont elles sont accompagnées. Comme elles manquèrent bientôt dans le commerce, Schneider se chargea de les revoir et d'en rendre les textes encore plus corrects. Il acheva l'Histoire de la Grèce, qui parut en 1791 ; sa révision des Entretiens de Socrate fut publiée en 1790, et encore une fois en 1801 ; celle de la Cyropédie en 18005 celle de l'Economique et des autres ouvrages réunis dans le même volume, en i8o5 ; celle de l'Anabasis en 1806; et enfin il donna les Opuscula politica, etc., en 1815,
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après que M. Courier eut publié son édition grecque-françois des deux ouvrages sur la cavalerie, Paris, 1813, in-Ba.
Ce sont les meilleures éditions de Xénophon, ayant commentaire. M. G.-H. Schœfer a soigné l'impression du Xénophon de la collection de M. Tauchnitz : il en a paru 5 vol. in-16.
Aux disciples immédiats de Socrate qui n'ont pas formé d'école, il faut encore joindre Glycon, y Simmias, Criton et Simon.
GLYCON étoit frère de Platon. Il composa neui Dialogues y dont Diogène Laërce nous a conservé les titres, en ajoutant que de son temps on colportoit trente-deux autres dialogues faussement attribués à ce philosophe. Voilà tout ce que nous en savons.
SIMMIAS de Thèbes-A laissé vingt-trois dialogues, également perdus.
11 en est de même des dix-sept de CRITONd'Athènes, riche citoyen, d'après lequel Platon a intitulé un de ses ouvrages.
Quant à SIMON, nous en donnerons quelques détails, lorsque nous parlerons du dialogue de Platon intitulé : de la Justice.
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CHAPITRE XXIII.
Des écoles de philosophie fondées par des disciples de Socrate; des philosophes de Cyrène , de Mégare et d'Elis ; des Cyniques ; de Platon et de l'ancienne Académie.
« -
PASSONS maintenant à l'histoire des écoles fondées F des disciples de Socrate> - UËeole de Cyrène ou des Hédoniciem, Hâovocot, eut pour fondateur ARI^TIPPE 1. Né à Cyrène, de parens riches, Aristippe vint dans sa jeunesse à Athènès 5 et s'attacha à Socrate. Il prit plaisir à ses entretiens et à sa doctrine, sans pour cela renoncer aux aisances de la vie à laquelle il étoit accoutuïïaéj C:étoit un homme bien pensant, mais homme du monde, dont la maxime fondamentale a été si bien exprimée par Horace y dans ce vers : Stîhî res, non me rebus submittere conor.
Ce n'est pas à Cyrène qu'Aristippe professa sa philosophie ; c'est à Egine et à Athènes qu'il fonda son école. Il vécut aussi beaucoup à li^ cour de Denys de Syracuse.
Comme ce philosophe n'a pas laissé d'écrits, et que son système a dégénéré dans les mains de ses
1 3go ans avant J.-C.
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disciples, ce seroit s'exposer à porter sur ses opinions un jugement injuste, que d'adopter- tout le mal que ses ennemis en ont dit. Il paroit qu'il a~tmettoit comme le seul instrument du bonheur les émotions agréables; mais qu'il vouloit qu'on les réprimât dès qu'elles portent dans l'âme le désordre et le trouble. Le système d'Aristippe diffère de celui d'Epi cure, en ce que, d'après le premier, la volupté, qui est le souverain bien, ne consiste pas dans les plaisirs des sens seulement, ni dans la simple absence de la douleur.
Les principaux, disciples d'Aristippe, dont nous aurons à parler; sont de la période suivante.
m 1 Les Apophthègmes d'Aristippe, répandus dans divers auteurs, ontété réunis par M. Orelli dans sa collection moraliste.
L'Ecole de Megate fut instituée par EUCLIDE -de cette ville, disciple zélé de Socrate, Familiarisé avec les écrits de Parmenide et de l'école d'Elée, et estimant insuffisante la méthode de Socrate , parce qu'elle ne fournissoit pas de véritable démonstration , il eut recours, pour trouver la vérité, à la voie des abstractions, et se perdit dans des subtilités. Il employa les armes de la dialectique, et introduisit de nouveau dans la philosophie la méthode d'opposer à une proposition la proposition contraire , d'où naquit l'art de prouver les choses les plus contradictoires, qui aboutit à un doute général. Il enseigna que le souverain bien
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est ce qui se ressemble toujours et est toujours la même ctffse : quod simile sit et idem semper, comme l'exprime Lactarice 1.
Les philosophes de Mégare peuvent être envisagés comme les précurseurs des Sceptiques de la période suivante. Les subtilités dont les philosophes de cette école enveloppèrent leurs adversaires, les firent nommer Eristiques ou disputeurs; on les appela aussi, par la suite, Dialecticiens.
Euclide a écrit six Dialogues qui se sont perdus.
Les plus célèbres disciples de ce philosophe ont vécu dans la période suivante; mais il paroît qu'on peut envisager comme une branche de son école, la Secte d'Elis, dont PHÆDON d'Elhi fut le fondateur. Il est moins célèbre comme chef de secte, que par une circonstance fortuite qui a illustré son nom : c'est que Platon a nommé d'après lui un de ses meilleurs ouvrages. Les anciens citent quelques dialogues de Phaedon.
L'Ecole cynique a été fondée par ANTISTHÈNE, Athénien, qui, après s'être attaché d'abord à Gorgias, devint ensuite un des plus zélés disciples de Socrate. Le nom de son école vient du Cynosarge, gymnase situé près de sa ville natale, où il enseignoit; lorsque, par la suite, sa doctrine fut exagérée par ses disciples, on affecta de dériver ce nom de jci5a>v, chien ; et un ancien commentateur d'Aristote en donne l'étymologie suivante : cc Les Cyniques sont îiinsi nommés, dit-il, à cause de la
» 111, 12.
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liberté Je leurs paroles et de leur amour pour la vérité; car on trouve que le chien a dans son instinct quelque chose de philosophique et qui lui apprend à distinguer les personnes; en effet, il aboie contre les étrangers, et flatte ceux de la maison: de même les Cyniques accueillent et chérissent la vertu et ceux qui la pratiquent, tàndis qu'ils réprouvent et blâment les passions et ceux qui s'y abandonnent, quand même ils seroient assis sur vun trône. y> 1.
Cicéron nous a transmis le dogme d'Antisthène sur l'existence des dieux : Populares deos multos, naturalem unum esse s. Il enseignoit que pour être heureux, il est nécessaire d'être libre et tranquille ; que pour cela il faut obéir aux lois de la nature ; que les passions sont incompatibles avec la liberté ; qu'elles naissent des besoins; que, par conséquent, pour être libre, il faut réduire ses besoins et apprendre à souffrir. La vie d'Antisthène étoit conforma à ce système ; cependant sa simplicité et sa sobriété ne sont pas exemptes du reproche d'affectation. Il avoit écrit des dialogues et des discours, formant un recueil dA- livres : tout cela est perdu, à l'exception de lettres et de deux Discours ou déclamations qui lui sont attrihuées, -et qui portent les titres dUAjax et Ulysse.
Les anciens faisoient cas de son style, et le gram-
1 AMMONII Comment. in CaLeg.
- De Wal. Deor., I, i3.
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mairlen Phrynique le nomme parmi Les modèles du pur atticisme.
Les lettres attribuées à Antisthène se trouvent dans les collections épi s toi aires ; les deux discours dans le recueil Aide, et dans le vol. VIII des Orateurs de Reiske. M. J. Con- radXfoetti a réuni dans le eecojid volume de sa collection enorale, toutes les semences d'Aruisthène qui sont dispersées dans Stobée et dans d'autres compilateurs.
DIQGÈNE de Sînope 1, disciple d'Antisthène , ne< laissa pas une réputation aussi pure que son maître, dont il outra infiniment le système, en soutenant qu'aucun véritable besoin de la nature ne sauroit être honteux, et que par conséquent rien n'empêche de les satisfaire publiquement. Les mœurs de Diogène furent conformes à ce principe j cependant nous pouvons regarder comme un tissu de fables une partie de ce que les anciens nous en rapportent, et comme apocryphes les lettres qui portent son nom 3.
Les sentences de Diogène ont été recueillies par M. Orelli.
] Né Ol. XCI, 5, = 41want J.-C. Mort OL,CXIV, 1, = 5^4.
2 Feu Visconti ne vo':!t qu'on regardât comme une fable le séjour de Diogène dans un D. La manière de se loger dans de grands touneaux d'argile n'étoit pas ibeonnue à Athènes. Yisconti cite l'exempte des pauvres paysans de l'Attique, que la guerre du Péloponnèse obligea de se réfugier dans la villfe, et qui, comme on voit dans Aristophane (Cheval* eiî, v. ), furent réduits à se loger dans des tonneaux ( lv taîç 7:10axvaiGi ). On pourroit opposer à Visconti, le Scholiastc qui explique ces mois par ceux-ci: « lieux abandonnés. » Au reste, on peut voir dans quelques carrefours .de Paris des tonneaux avant des portes fermant à clef, où des revendeuses passent leurs journées.
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CRATÈS de Thèbes, un des disciples de Diogène, suivit avec plus de décence la philosophie d'Antisthènë. Quoique laid et contrefait, il fut recl^çhé eti mariage par HIPPARQUIE, dont le nom est inscrit dans la liste des femmes philosophes. Il n'existe aucun ouvrage de ce couple, si ce n'est quelques épigrammes de C raté s, que l'Anthologie a conservées , et un fragment de dix vers élégiaques cités par l'empereur Julien1. Nous avons parlé de ses prétendues lettres. MÊTROCLÈs, frère d'Hipparquie, est aussi placé au nombre des philosophes cyniques.
Les-sentences de Cratès se trouvent dans la collection de M. Oreili. n'o- ffre plus Après Cratès, l'école d'Antisthène n'offre plus guère de noms qui méritent d'être cités, si ce n'est Ménippe et Monime. MÉNIPPE , originaire cle, 'Gadcïra, mais né à Sinope, dont le style mordant est devenu fameux depuis que Varron l'a imité dans ses satires. Diogène de Laërte cite plusieurs ouvrages de ce philosophe, tels que sa Vente de Diogène3 Aloyévovç TRPSCO-TÇ, et sa Nmeoc, ou Nécromancie.
Cette citation a peut-être engagé quelque imitateur de Lucien à composer le dialogue intitulé : Mémippe ou l'Oracle des Morts, qu'on trouve parmi les ouvrages du satirique de Samosate. MONIME de Syracuse, disciple de Diogène et de Cratès, dont on cite plusieurs ouvrages, moitié sérieux, moitié
1 Orat. 6 et y,
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plaisans. Stobée nous fait part d'un de ses apophthegmes : il disoit que la richesse est le vomissement de la Fortune *.
Enfin l' Académie, la plus célèbre des écoles de cette période, fut fondée par le plus sublime des disciples de Socrate, le divin PLATON. Il naquit la 5e année de la LXXXVIP Olympiadea, d'un sang illustre; son père, Ariston, descendoit de Codrusj sa mère, Périctyone, d'un frère de Solon5. L'admiration qu'inspirèrent ses talens a entouré de fables son berceau et son adolescence 4. Son vrai nom étoit ARISTOCLES; celui sous lequel il est devenu si célèbre lui a été donné soit à cause de la largeur de ses épaules, soit à cause de l'élévation de son front (de ITAOCTUÇ, large ). Les anciens vantent la beauté de sa figure, la noblesse de son maintien 5.
Né avec une imagination brillante, il se livra d'abord à la poésie, et n'y renonça que lorsqu'ayant connu Socrate , il fut tellement charmé des entretiens de ce sage, qu'il tourna entièrement ses mé-
v
9 43o ans avant J.-C. Mort 01. CVIII, 1, = 347.
3 Si toutefois ces généalogies n'appartiennent pas aux fables dont nousalloue parler.
4 C'est ainsi que Diogène rapporte, d'après Aristoxène, qu'il assista aux batailles de Tanagre, de Corinthe et de Delium ( III ,§. 8 ) ; mais Platon n'avoit que quatre ans à l'époque de la bataille de Tanagre : il en avoit six lorsque fut livrée celle de Delium.
5 Le seul buste authentique de Platon &e trouve à la galerie de rloreuce. Il a été découvert près d'Athènes, au ISe siècle, et acquis par Laurent de Médicis. Dans cc buste 1 le front du philosophe est très-large.
Voy. Iconogr. gr. de Visconti, vol. I, p. 172. (Ed. in-40. )
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ditations vers la philosophie. Cependant son génie poétique, ce feu divîn que rien ne peut étouffer, perce au milieu des discussions les plus abstraites dont ses ouvrages sont pleins. Platon passa huit années auprès de Socrate, auquel il s'attacha avec toute la chaleur de son âme, renonçant à prendre r part au gouvernement de l'état, quoique sa naisf sance et ses talens l'y appelassent préférablement à mille autres.
Après la mort d'un maître si chéri, Platon se rendit à Mégare, où il assista, pendant peu de temps, aux discussions philosophiques proposâtes par Euclide ; de là il alla dans la Grande-Grèce, auprès d'Archytas , de PhilolaÜs, -èt de "Timée de Locres, ainsi qu'à Cyrène; il passa enfin en Egypte 1. Le séjour qu'il fit dans ce pays, où il fréquenta la société des prêtres, donna à sa philosophie cette teinte solennelle et mystique Tlui la caractérise. De retour en Europe à l'âge de quarante ans , il ouvrif une école à Athènes , dans un jardin situé hors des murs de la ville , qu'on nommoit Académie d'après un de ses anciens possesseurs. Platon y érigea un petit temple aux Muses , et c'est à côté de ce bâtiment qu'il enseignoit la philosophie. C'est là qu'il travail-
1 Peut-être sou voyage en Egypte fut-il antérieur à ceux. de Cyrène et de Grande-Grèce. Voy. Cic. de fis. V, 2f).
s Ce jardin subsista jusqu'au temps de Sylla, qui en employa les arbres pour le sirge d'Athènes.
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loit à ses ouvrages, qu'il ne se lassa jamais de re-r toucher.
Il fit trois voyages en Sicile : l'un, peu de temps après son retour d'Egypte, auprès de Denys l'aîné ; les deux autres auprès du fils de ce prince, qui, affectant un grand amour pour la philosophie, l'ar voit engagé à venir passer quelque temps à Syracuse. Platon, qui n'étoit pas sans vanité, s'étoit flatté de réaliser, auprès des princes de Sicile, et avec leur assistance , l'idéal d'un gouvernement qu'il avoit conçu ; rêve d'une imagination égarée, et pareil à ces systèmes métaphysiques qui, reproduits de nos "jours par des enthousiastes, ont déjà été jugés par le temps, ce destructeur sévère de tout ce qui n'est pas fondé sur la raison et la justice.
Le premier voyage de Platon manqua lui coûter la liberté 1; les deux autres, sans l'approcher davantage du but qu'il s'étoit proposé, ne furent pas inutiles à sa fortune. Il retourna.à Athènes, comblé des présens de Denys ; aussi, quoiqu'il fût l'ami de Dion, la reconnaissance rempécha-t-elle de prendre part aux démarches que fit ce dernier pour détrôner son neveu. Il vécut tranquille à Athènes, et dans le célibat, jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans.
La mort le surprit dans un festin de noces auquel il assistoit.
Voici comment un écrivain moderne caractérise en deux mots la philosophie de Platon.
cc Les notions les plus abstraites, dit E. Q. Fis-
1 Voy. DIOG. LAERT.) TII, 20.
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conti 1, prirent une substance et se transformèrent en êtres réels sous la plume de Platoiy les dogmes des philosophes ioniens et pythagoriciens furent fondus avec la doctrine socratique ; et l'éclat de ce brillant mélange ne permit plus d'apercevoir combien le système étoit incohérent et décousu. Socrate avoit fait descendre du ciel la philosophie, pour lui faire habiter les villes et partager tous les soins de la vie privée et domestique. Platon la relégua dans les espaces imaginaires ; et l'ingénieux roman de la République a pu être la première satire , comme il a été le premier exemple des systèmes politiques qui ne sont pas fondés sur l'expérience. »
« Né poëte, dit un autre écrivain, Platon joignoit à la profondeur du génie une vive imagination, des sentimens élevés, des pensées sublimes, et le talent de les revêtir des formes les plus nobles et les plus magnifiques. Si, pour expliquer aux Grecs la philosophie, il choisit le dialogue, c'est que cette forme de composition est une espèce de poëme dramatique : en effet, on y voit une action dont la scène est toujours marquée, et des personnages distingués par des caractères qui leur sont propres.
Ce genre d'écrire donnoit. Platon une entière liberté pour étaler les richesses de la poésie, et pour prodiguer les images, soit pour peindre aux yeux de ses lecteurs la scène où le dialogue alloit
1 Iconogr. gr., vol. I, p. 170, in-4o.
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avoir lieu, soit pour leur faire connoître les interlocuteurs qu'il mettoit sur la scène. »1 Le style de Platon est élégant, animé, brillant de traits d'esprit et d'imagination, et pénétré d'une douce chaleur. C'est, comme le dit Aristote, un milieu entre la poésie et la prose. Platon a souvent imité Homère : la ressemblance entre sa diction et celle du plus grand des poètes, a frappé les anciens, nommément Longin, qui dit que de tous les écrivains illustres, Platon est celui qui doit davantage à Homère. Quelques-uns d'entre eux a sont allés jusqu'à l'accuser de n'avoir dit du mal de ce poète, - dans son ouvrage de la République, que parce qu'il étoit jaloux de sa gloire. Aussitôt qu'il s'étoit convaincu qu'il ne pourroit jamais égaler ce grand modèle, il renonça à la poésie ; mais tout en la calomniant, il conserva son goût pour le premier des beaux-arts, et fut poëte en écrivant en prose.
Son style est si majestueux, qu'on avoit coutume de dire que si Jupiter vouloit parler grec, il parleroit comme Platon 5.
Non-seulement Platon fut moins simple dans son style que Socrate, son maître ; il s'écarta aussi de ses principes, en donnant à la philosophie une
s m
1 L'abbé Sallier, sifr le premier livre de la République, dans les Mém.
de l'Acad. des Inscr. el Belles-Lettres, vol. XXV, p. 4g4 j et Mémoires sur le style de Platon, par l'abbé Arnaud, dans le même recueil, vol.
XXXVII,p. 1.
5 Denys d'Halicarnasse et Héraclide de Ponl.
S Voy. Parallèle d'Homère et de Platon, par Massieu, dans les Meni.
de l'Acad. des luscr. el Belles-Lettres, vol. II, p. i-
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bien plus grande extension et une forme scientifique. Il la divisa en dialectique, que nous appelons logique ; en physique, que nous nommons métaphysique, et en éthique ou morale. Mieux qu'aucun des philosophes qui l'ont précédé, il a développé l'idée d'un jetre parfait, créateur de toutes choses, dont il démontra l'existence d'une manière nouvelle alors.
Platon est l'auteur du fameux système des idées (ïSzoct) : il admettoit que de toute éternité il avoit existé dans l'esprit de Dieu des idées de genres et d'espèces, ayant tous les caractères essentiels de choses existantes, et que Dieu fixa en créant le monde. Ce sont ces idées seules qui existent véritab lement ( ovtcoç ovra ), et non la matière ( pi ov )
Le premier objet créé par Dieu fut l'ânze du monde, composée de matière et de lumière. Dieu y attacha une partie de son être, en donnant à ses idées, qui sont de nature divine et font partie de sa substance, des formes matérielles. Cette âme du monde fut placée dans le monde, étendue par tout le monde ; et tout ce qui est corporel y fut tellement renfermé , que l'âme enveloppe et réunit l'univers. La providence divine s'étend sur tout ce qui a été créé, même sur ce qui nous paroît le plus abject.
Platon donne à l'âme humaine une origine divine.
Les âmes habitoient, dans l'origine, les astres, et y vivoient de la vie des démons. Après leur chute , elles furent condamnées à habiter des corps humains ; mais elles possèdent encore les idées di-
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verses d'après lesquelles le monde a été créé, et s'en rappellent, lorsque leurs corps reçoivent certaines impressions. Avec cette âme raisonnable, une seconde âme, dénuée de raison, et siège des désirs., des sens et des passions, a été enfermée dans le corps, avec lequel elle périt, tandis que la première peut se rendre digne de retourner à son état primitif. La doctrine de la métempsychose et celle de diverses classes de démons sont liées à ce système. La vraie félicité consiste, suivant Platon, à rechercher la vérité et à vaincre ses passions. La vertu (otpeTr)) renferme la sagesse (~ p povnatç ou la connoissance et l'exécution des lois de la morale; la modération (~ ) , ou la soumission des désirs sous l'empire des lois de la raison ; le courage (oa/âpeux), ou la constance qui fait fuir le mal moral et supporter les maux physiques ; la justice (~ ), ou l'accomplissèment des devoirs envers autrui.
Ce n'est pas dans une histoire de la littérature que l'on s'attendra à trouver le développement d'un système de philosophie aussi compliqué que celui de Platon : ainsi nous nous arrêtons là. Nous dirons seulement qu'il existe de forts motifs pour croire que nous ne connoissons pas même parfaitement ce système, et que Platon avoit une philosophie secrète, ou, comme Aristote son disciple, une philosophie ésoterique et une doctrine exotérique. Si l'authenticité de ses lettres 1 étoit bien prouvée, il
1 Voy. p. 280 de ce volume.
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ne régneroit pas le moindre doute à cet égard. On voit par cette correspondance que Denys le jeune, profitant de l'abandon avec lequel le chef de l'Académie lui avoit communiqué sa doctrine, publia quelques propositions que Platon vpuloit tenir secrètes. On ne nous dit pas quelles étoient ces thèses ; mais on n'a qu'à supposer qu'elles 5e rapportassent à la religion populaire, pour concevoir l'indignation que causa à Platon cette indiscrétion de son élève. Il est vrai que celui-ci, pour ne pas compromettre son ancien maître, ou plutôt par vanité, se dounoit pour l'auteur du système qu'il venoit de produire au grand jour. C'est à cette occasion que Platon écrivit sa septième lettre, où il dément de la manière du monde la plus absolue, tous les auteurs présens et à venir qui auroient écrit ou écriroient encore sur sa philosophie , déclarant que personne ne connoît ce système, et que lui-même n'écrira jamais rien pour le faire connoitre à fond, persuadé qu'il ne faut à ceux qui veulent approfondir la vérité , que quelques indices pour les mettre sur la bonne route.
Nous ne pouvons pas passer sous silence une observation de Plutarque sur la révolution qu'opéra Platon en rendant populaire la philosophie, qui, avant lui, s'étoit cachée dans les ténèbres des écoles.
Après avoir parlé de la frayeur qu'occasion#, à Nicias, prêt à s'embarquer pour quitter la Sicile, une éclipse de lune arrivée pendant que ce satellite étoit plein, il ajoute ce qui suit : cc Pour l'éclipsé
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de soleil qui arrive à la fin du mois lunaire, le peuple même savoit qu'elle étoit causée par l'interposition de la lune entre le soleil et la terre. Mais ISicias et ses collègues ne comprenoient pas quel étoit le corps qui par son opposition -otoit subitement à la lune, lorsqu'elle éiBit dans son plein, toute sa lumière et lui faisait prendre successivement tant de couleurs différentes. Ce phénomène leur paroissoit étrange, et ils le regardoient comme un signe de grands malheurs dont les dieux mena çoient les hommes. Anaxagoras qui, le premier, a consigné dans un de ses écrits et d'une manière aussi lumineuse que hardie, sa doctrine sur les clartés et sur lès ombres de la lune, n'étoit pas encore fort ancien; son ouvrage peu connu et tenu même secret n'étoit qu'entre les mains d'un petit nombre de personnes qui ne le communiquoient qu'avec précaution et à des gens bien sûrs. Le peuple n'aimoit pas les Physiciens qu'il traitoit de vains discoureurs sur les météores, et qu'il accusoit de réduire la divinité à des causes dépourvues de raison, à des facultés sans prescience , à des affections nécessaires privées de liberté. C'est d'après cette idée qu'on avoit des Physiciens, que Protagoras fut banni d'Athènes; qu'Anaxagoras jeté dans les fers, eut bien de la peine à être sauvé par Périclès ; que Socrate qui ne s'occupoit point de physique, se vit cependant condamné à mort en haine de la philosophie. Ce ne fut que long-temps après lui que la doctrine de Platon, ayant jeté ce vif
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éclat qu'elle tiroit de la vie de ce grand homme et de la sagesse de ses opinions, qui soumettoient lés causes naturelles à des principes divins et indépendans de toute autre cause, fit cesser les imputations calomnieuses dont on noircissoit la philosophie et ouvrit un libre essor à l'étude des sciences n. 1 JNous avons trente-cinq Dialogues de Platon, ou cinquante-six en comptant ses ouvrages sur la République et les Lois, d'après le nombre de livres dont ils sont composés. Ces dialogues ont une forme dramatique et sont destinés à des lecteurs instruits et habitués à penser. L'imagination brillante de l'auteur y a répandu toutes les fleurs de l'éloquence , toutes les grâces de la diction attique. Il y a souvent mêlé des allégories poétiques et des fictions politiques et théologiques.
L'analogie entre les dialogues de Platon et des pièces dramatiques, est si grande que, d'après le témoignage de Diogène de Laërte, un certain Thrasylle, personnage inconnu, à moins que ce ne soit l'astrologue de Tibère2, imagina de les distribuer en tétralogies comme des tragédies. En effet, on remarque dans quelques-uns de ces dialogues, une liaison ou une suite d'idées qui est favorable à ce système : mais il ne faut pas pour cela penser qu'eji les écrivant Platon se soit proposé de traiter le même sujet dans une série d'ouvrages.
Le célèbre auteur d'une traduction allemande
1 PLUT. in Nicia, c. 13. Traductuion de Dum, Ricard.
J SULT. Tib., c. 14
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des oeuvres de Platon, M. Sclzleiermacher, di vise ces dialogues en quatre classes : ceux de fa première classe renferment les élémens de la philosophie : tels sont Phèdre , Protagoras, Parmenide , Lysis , Lachès, Charmidès et Euthyphron. Dans ceux de la seconde classe, les principes reçoivent leur application : tels sont Gorgias, Théétète, Menon 7 Euthydème, les Sophistes, le Politique, Phédon et Philébus. Dans les dialogues de la troisième classe les matières sont approfondies; tels sont Timée, Critias, les livres de la République, et des Lois. Enfin il existe des dialogues de circonstance, tels que Criton et l'Apologie de Socrate , et ceux-ci forment la quatrième classe.
Cette distribution est ingénieuse ; mais pour qu'elle fût utile, il faudroit que les trois premières classes formassent aussi trois séries chronologique^ et qu'ainsi nous vissions le système de Platon naître, se développer et parvenir à sa maturité : ce qui n'est pas le cas.
M. Socher1 propose de grouper ainsi ces dialogues : 1°. Dialogues relatifs au procès et à la mort de Socrate : Euthyphron, l'Apologie, Criton, Pliédon, Cratyle. 2°. Dialogues qui font suite l'un à l'autre : Théétète, les Sophistes et le Politique ; la République, Timée et Critias. 5°. Dialogues tournes contre la fausse philosophie : Euthydème, Protagoras, Gorgias, Ion , Hippias. 4°. Dialogues trai-
i Jos. Socher übcr Plnlons Schniien. !Vlüachcll, 1820, in-80.
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tant des questions spéculatives : Phédon, Théétète, les Sophistes, Philébus, Timée et Parmenide. 5°. Dialogues consacrés à la politique ou à l'art de gouverner : le Politique, Minos, la République , les Lois, Epinomis. 6°. Dialogues traitant des questions de rhétorique : Gorgias, Ménexène , Phèdre , le Banquet. 70. Dialogues relatifs à des personnes de la société de Socrate : Théagès, Âlcibiade I, Lâches, Théétète. 8°. Dialogues ou l'on examine la question de savoir si la vertu peut être enseignée : Euthydème, Protagoras et Menon. g0. Dialogues où l'on examine s'il y a des jugemens faux : Théétète, les Sophistes, Euthydème etCratyle. 10°. Dialogues dont les titres indiquent des sujets particuliers; tels que Charmidès ou de la Modération; Lachès ou de la Bravoure ; Lysis ou de l'Amitié; Euthyphron ou de la Plé-Lé etc.
On voit que dans cette classification le même dialogue peut appartenir à plusieurs catégories, selon qu'on fixe un point de vue différent: mais par cette raison même, cette distribution en.groupes cesse d'être d'une grande utilité.II s'élève une question d'une grande importance.
Indépendamment des trente-cinq dialogues communément attribués à Platon , il y en a huit que l'accord des grammairiens du commencement de notre ère a rejetés comme supposés mais dans le nombre des trente-cinq, il y en a plusieurs contre l'authenticité desquels, on a de temps en temps, élevé quelques soupçons jusqu'à ce que de
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* xiios jours la critique sévère des Allemands, se révoltant contre tout ce qui paroissoit entaché d'illégitimité y en littérature au moins, a essayé d'éliminer un grand nombre de ces dialogues du catalogue des productions de Platon. Quatre écrivains sur,tout se sont occupés de cet examen : MM. Tennemann l, Schleiermacher*, Ast3 et Socher4. On peut y ajouter M. Friedr. Thiersch, auteur d'une critique judicieuse de l'ouvrage de M. Ast-5. Ce qui rejîd la décision difficile, c'est que des éerivains contemporains de Platon, le seul Xénophon no us reste encore, et celui-ci ne fait que nommer Platon. Aristote , son disciple, ne se réfère que rarement à des dialogues de Platon; quelquefois il rapporte ses opinions , mais toujours sous le nom de Socrate, même lorsqu'il s'agit de dialogues où ce philosophe n'est pas un des interlocuteurs, comme dans les livres des Lois. Tous les ouvrages des philosophes des trois siècles suivans sont perdus , jusqu'à Denys d'Halicarnasse qui est une des principales autorités dans ce grand procès. La foule des témoins grossit ensuite; mais ils ont vécu dans une période où la critique dont le creuset sépare le vrai du faux, étoit un art inconnu. La classification provenant de Thrasylle nous fait connoître l'opinion des grammairiens
1 System der platonischen Philosophie. 1792. -
2 Dans sa traduction allemande des Dialogues de Platon.
5 Plalons Leben und Schriften. Leipzig, 1816, in-8°.
4 Uber Platons Schriftcn, MÜndlelJ, 1820, iD-ti°.
5 Elle se trouve dans hhrruch der Litteratur, 'Vicl!) 1818, vol. III, p. 69.
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île son temps sur l'authenticité des dialogues de Platon ; ceux qu'il a exclus dé ses catégories, sont dorénavant regardés comme supposés ; mais nous ignorons les motifs qui ont valu aux autres l'honneur de la légitimité, et, à défaut de les connoître, nous supposons que cette qualité leur a été accordée , seulement parce q ne leur étoit pas contestée.
Dans ce concours d'autorités négatives, M. Ast, celui de tous les modernes qui a poussé le plus loin le scepticisme à cet égard, sent qu'il ne doit craindre que celle d'Aristote. Si ce philosophe ne cite Platon que rarement, et souvent indirectement, au moins il n'a pas l'air d'entretenir le moindre doute sur l'authenticité des ouvrages platoniques qu'il a en, vue. M. Ast se débarrasse de ce témoin en reçusant son autorité en fait de critique * mais parviendrat-il à nous persuader qu'un homme d'esprit, après avoir passé vingt années de sa vie avec Platon, ait pu se tromper si grossièrement sur les ouvrages de son maître ? En admettant la possibilité qu'un littérateur si éminemment doué de discernement et de goût ait pu méconnoître à ce point le style du maître , nous demandons, s'il a pu se tromper aussi sur le fait de savoir si Platon avoit composé tel ou tel ouvrage. Après avoir écarté , comme il s'en flatte, le témoignage d'Aristote, M. Ast, enreconnoissant l'authenticité de quatorze dialogues de Platon, attaque celle des vingt-un suivans, par des raisonnemens tirés du style dans lequel ils sont ré-
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digés. il les trouve inférieurs, sous ce rapport, aux.
autres, et il peut avoir raison pour quelques-uns.
Il croit y réconnoître des réminiscences; il prétend qu'ils ressemblent à ces exercices de rhétorique que les grammairiens d'Alexandrie de la période suivante proposoient pour modèles à leur auditoire; que souvent ces dialogues ne sont que des amplifications de quelque proposition mise en avant dans un des quatorze premiers ; enfin que plus d'une fois ils sont en contradiction avec ceux-là. De tels motifs paroissent suffisans à M. Ast pour rejeter ces morceaux. Mais sans examirier si le jugement que cet écrivain savant et spirituel porte sur ces productions , est toujours conforme à la justice , et avoué par le bon goût, on pourroit demander ce qui autorise à admettre qu'un écrivain, d'ailleurs classique, doit approcher dans tous ses ouvrages de cette perfection qu'il a atteinte peut-être dans quelques- uns?
En convenant que les objections de M. Ast sont souvent très-spécieuses, nous avons cru remarquer que quelquefois ses doutes proviennent du déplaisir qu'il avoit éprouvé en ne trouvant pas dans ces dialogues ce que, d'après la marche de ses idées, il y cherchoit, ainsi que de l'erreur dans laquelle il est tombé en prétendant que trente-cinq écrits composés dans l'espace de près de quarante années soient tous jetés dans le même moule. Déjà plusieurs de ses raisonnemens ont été victorieusement réfutés .par MM. Thiersch et Sucher; mais ce der-
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nier, tout en revendiquant à Platon la plupart des dialogues que MM. Schleiermacher et Ast lui con testent, ne veut pourtant pas le reconnoître pour l'auaur du Sophiste, du Politique et du Parmenide.
En attendant que ce grand procès littéraire soit décidé par des juges compétens ,_nous avons cru devoir faire connoître historiquement le point de la contestation qui s'est élevée dans ce siècle si sceptique en littérature, -si crédule en politique.
Une autre question intéressante, est celle qui se rapporte à l'ordre chronologique des dialogues.
Cette questionna un double objet : il s'agit d'abord de l'époque où le dialogue est censé avoir eu lieu, et ensuite de celle où l'auteur l'a écrit. Il est souvent impossible de fixer la première, à cause des anachronismes qu'on reproche avec raison à Platon; ils sont tellement nombreux, qu'on est tenté de croire que Platon n'a mis aucune importance à donner une vraisemblance historique à ses dialogues. La seconde époque, celle de leur rédaction , est d'une tout autre importance, parce que s'il étoit possible de fixer avec certitude le temps où chaque dialogue a été rédigé, et de déterminer ainsi la suite chronologique de tous, nous serions beaucoup mieux en état de juger le développement de son système. Il faut pourtant faire attention que les données historiques que fournit un dialogue, souvent ne suffisent pas pour fixer l'époque de sa rédaction, parce que, même sous ce rapport, Platon néglige beaucoup la chronologie : la seule règle
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qu'on puisse suivre avec confiance, est de dire qu'un dialogue est postérieur au plus récent des faits qu'on y trouve.
On a divisé la vie littéraire de notre philosophe en quatre périodes : la première se termine à la mort de Socrate et va jusqu'à la trentième année de la vie de Platon : la seconde va jusqu'à la fondation de l'académie, ou sa quarantième année : la troisième renferme son âge mûr ou environ vingt ans : la quatrième, sa vieillesse, également de vingt ans1.
A la première période appartiennent d'abord les quatre dialogues où il est question du jugement et de la mort de Socrate ; savoir : l'Euthyphron, le Criton, l'Apologie de Socrate et Phédon. Nous ne balançons pas de penser avec M. Soclier que ce dernier dialogue à été écrit immédiatement après la mort de Socrate. Les raisons par lesquelles IVL Schleiermacher veut le placer dans une époque postérieure, sont purement spéculatives, et avancées pour appuyer un système. On range dans la même période et même avant les quatre dialogues que nous venons de nommer, le Théagès, un des premiers ouvrages de Platon, le Lâchés, le premier Alcibiade, l'Hipparque, le Minos, les Rivaux, le Charmidès, le,Lysis, le second Hippias, le Clitophon, le Cratyle et le Menon, en supposant tous ces ouvrages sortis de la plume de Platon.
, Dix dialogues sont placés dans la seconde pé-
1 Cette classiifcation est de M. Socher.
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riode; soit qu'ils renferment quelque indice chronologique qui leur assigne le temps qu'après la mort de son maître Platon a passé avant de fonder l'Académie; soit qu'à défaut d'un tel indice ils aient quelque autre rapport avec des dialogues qui certainement appartiennent à cette période. Dans tous ces ouvrages, Platon paroît avoir eu pour but de continuer l'entreprise suspendue par la mort de Socrate, savoir : la guerre contre les Sophistes. Ces dialogues sont l'Ion, l'Ellthydème, le grand Hippias, le Protagorasi., le Gorgias, le Théétète y le Sophiste, le Politique, le Parmenide et le Philèbe.
Tous les autres dialogues de Platon, excepté le Timée et le Critias, ainsi le Phèdre, le Ménexène, le Banquet, la République, ont été écrits lorsqu'il fut parvenu à un âge mûr, avant que la vieillesse l'eut atteint, ou pendant les vingt années qu'il diri- geoit l'Académie.
Dans la quatrième période, Platon écrivit les lettres qui nous sont restées (supposé qu'elles soient de lui ), son grand ouvrage des Lois et les deux dialogues intitulés le Timée et le Critias.
Nous allons indiquer brièvement les titres complets des dialogues de Platon, et leur contenu 2.
« i MM. Ast et Schleiermacher regardent. ce chef-d'œuvre comme le premier ouvrage de Platon. M. Ast ne donne aucun 'motif de son opinion. M. Schleiermacher y est conduit par son hypothèse sur la suite des ouvrages Platoniques.
2 Nous suivons, dans cette analyse, Dietr. Tiedemanni Dialogorum Platon. Argumenta. Bip. 1786, in-Sa, et Friedr. Ast Platons Leben und Schriften, Leipz. 181 G, iD-Sv.
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1°. Uponrayopaç ri 2ocpiçoà , Protagoras ou les Sophistes.
Ce dialogue, le chef-d'œuvre de Platon, est dirigé contre les sophistes qui y sont peints comme peu propres à, faire connoître la vertu, et à inspirer le désir de la pratiquer. Protagoras, un des plus célèbres parmi ces philosophes, et qui dans ce dialogue paroîtun modèle de charlatanerie, étoit venu à Athènes. Un certain Hippocrate, ne voulant pas laisser échapper une si belle occasion de s'instruire, prie Socrate de le présenter au sophiste.
Socrate fait observer à ce jeune homme qu'il convient avant tout d'examiner la science que le nou veau-venu apporte. En conséquence , il se rend avec son ami, auprès de Protagoras, qu'ils trouvent entouré d'un auditoire nombreux et brillant. Alors il s'ouvre entre le sophiste et Socrate un colloque auquel prennent part Prodicus Hippias, amis du premier, et qui assistent à l'assemblée, honorés de places distinguées. Protagoras vent démontrer la possibilité d'apprendre la vertu comme on apprend un art ou un exercice; mais les questions de Socrate l'embarrassent tellement, et ses réponses le font tomber si souvent en contradiction avec luimême, que la futilité de la prétendue science des sophistes devient évidente. Ce dialogue est plein d'action et de mouvement; les caractères des interlocuteurs y sont bien tenus; l'ironie et le persifîlage sont versés à pleines mains sur les sophistes, et principalement sur les trois coryphées de la discus-
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sion. Protagoras en particulier paroît ne pas même connoître la doctrine qu'il se propose d'enseigner; il manque absolument de méthode.
Le Protagoras prouve que Platon, tout entier aux sujets philosophiques qu'il fait discuter par
Socrate et ses interlocuteurs 7 s'inquiète peu de tomber dans des anachronismes. Dans ce dialogue, Périclès et ses deux fils sont encore vivans, circons-
tance qui suppose nécessairement que le moment de la scène est antérieur à l'an 429 av. J.-C.; mais en même temps nous voyons dans ce dialogue que le riche Callias a déjà perdu son père Hipponicus.
Or, nous savons par un passage de l'orateur Ando cide , qu'Hipponicus périt à la bataille de Delium, ou 424 ans av. J.-C. Ainsi Platon fait mourir Périclès cinq ou six ans trop tard, ou Hipponicus cinq ou six ans trop tôt 1.
20. <I>cxcapoç ri Trept TOXJ xcxÀou, Phèdre ou de la Beauté.
Ce dialogue fait suite au précédent. Dans le Protagoras, Platon avoit fait voir que les sophistes étoient'de mauvais guides pour conduire dans la voie de la vertu, qu'ils ne connoissoient pas même; dans le Phèdre , il caractérise leur rhétorique comme un art futile. On peut regarder ce dialogue comme composé de deux parties, dont la première est pratique, la seconde théorique. Dans la première , Platon prouve sa thèse par un exemple, savoir par un discours sur l'amour ou sur la beauté , composé par Lysias, sorti des écoles des so-
1 Journal des Savans , 1820, p. 678.
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phistes, auquel Socrate en oppose un qui traite le même sujet. Dans la seconde partie, les principes et les règles des sophistes sont examinés.
C'est daiig ce dialogue qu'on remarque pour la première fois ce mélange de la philosophie socratique avec les dogmes des écoles d'Ionie, d'Elée et d'Italie, qui fait le caractère de celle de Platon. Ces dogmes sont celui d'une vie primitive dont les sou venirs sont la source de toute notre science; celui de l'immortalité de lame : celui des trois vertus, ou
Le Phèdre est rempli de poésie, et le discours sur l'amour mis dans la bouche de Socrate, est une parodie presque continuelle (l'Homère.
Rhétorique.
La rhétorique, qui dans le Phèdre avoit été considérée comme un art, est envisagée dans le Gorgias comme une partie/de la politique. Socrate dispute avec Gorgias, le rhéteur Polus, et Calliclès, sur l'utilité de cette science sous le dernier rapport : il la dépeint comme dangereuse, parce qu'au lieu de se proposer pour unique objet, le triomphe de la vérité , elle tend seulement à entraîner les suffrages de la multitude.
Dans ce dialogue, Platon attaque non-seulement les sophistes dont la politique est dépeinte comme pernicieuse à la république, mais aussi les ennemis et les calomniateurs de Socrate, et même plusieurs grands hommes qu'Athènes avoit produits, prjnci-
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paiement Périclès. Mais ce qui caractérise surtout cette composition, c'est que Socrate n'y suit pas sa méthode ordinaire qui consiste à discuter par demandes et par réponses; il y prononce des discours suivis; et, loin de manifester des doutes, il déclare sa manière de voir dans des termes clairs et précis.
En général, il règne dans ce dialogue un ton plus sérieux que dans les deux précédens, et on y observe beaucoup moins d'ironie et" de persifflage; mais à leur place, une certaine aigreur qui manque dans les autres.
Remarquons encore que , dans le Gorgias, il est pour la première fois question d'un droit naturel qui ne permet pas de faire tout ce qui nous est agréable.
Ce dialogue est un des plus remarquables de Platon. Les interlocuteurs sont Phédon, qui , par la suite, fonda l'école d'Elis, et Echécrate. Le premier raconte ce qui s'est passé dans les derniers instans de la vie de Socrate , et rapporte l'entretien de ce philosophe avec Cébès et Simmias. Socrate y prouve l'immortalité de l'âme par sa spiritualité.
C'est ici la première trace d'une démonstration que les philosophes modernes ont portée jusqu'à l'évidence. Toutefois la doctrine que Platon met dans la bouche de son maître, n'est pas entièrement pure; elle est amalgamée avec l'hypothèse pythagoricienne de la métempsycose, et avec toutes
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sortes de fables empruntées de la mythologie grecque.
Le Phédou, est regardé par tous les critiques comme un des dialogues de Platon sur l'authenticité desquels on ne sauroi t élever le moindre doute.
Cependant s'il faut en croire une épigramme de l'Anthologie 1 , le célèbre Panaetius le rejetoit comme supposé. On a tout lieu de croire que l'auteur de ces quatre lignes s'est trompé sur le sens du passage où Pansetius peut avoir parlé de ce dialogue. Le philosophe aura sans doute voulu dire seulement que Platon y met dans la bouchç de Socrate une doctrine qui n'étoit pas la sienne, savoir celle de l'immortalité de Pâme. En effet, nous savons par Cicérôn que, sur ce seul point, Panaetius s'écartoit des principes de son divin Platon 5.
Science.
Le géomètre Théodore de Cyrène, Théétète, son disciple, et Socrate, sont les interlocuteurs de ce dialogue : la nature de la science en est l'objet.
Socrate, prétextant son ignorance, et se comparant à une sage-femme, prétend que tout son savoir se borne à faciliter aux autres le moyen d'accoucher
1 Epidict. ri. 358. (Anth. Pal. ) Lib. I, n. 44. Anth. Plan.
a Credamus igitur Panaelio a Platone suo disseiilienti ? quem enim omnibus locis divinum, quem sapientissimum, quem sanctissimum, quem Homerum philosophorum appellat J hujus hanc unam sententiam de immortalitate animorum non probat. Tusc. Disp., 1, 31. Si Panselius avoit rejeté le Phédon , Cicéron l'auroit dit, sans doute.
6 Voy. Socher, 1. c. p. 24.
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de leurs idées. Sous ce prétexte il refuse de définir la science ; mais il démontre l'inadmissibilité de toutes les définitions données. par Théétète. Ce dialogue est un pur jeu de dialectique et ne conduit à aucun résultat positif. Platon, n'y combat plus les sophistes, il tourne ses armes contre toutes les écoles de philosophie sorties de celle de Socrate, savoir, l'école de Mégare, celle des Cyniques et l'école de Cyrène : il attaque nommément le dualisme d'Heraclite.
6°. 2ocf>:çrjç ri IREPT TOU OilTOÇ, le Sophiste on de ce qui existe.
Ce dialogue est la suite du précédent. Après avoir montré dans le Théétète qu'il n'existe pas de science obtenue par le moyen des sens, Platon examine dans le Sophiste la doctrine contraire des philosophes de l'école d'Elée, savoir, le dogme de l' existant, et en montre l'inadmissibilité. Quoique le sujet de ce dialogue soit absolument spéculatif et abstrait, Platon a cependant eu l'art de lui donner une grande variété et de l'égayer par la satire.
Beaucoup d'allusions ironiques que ce dialogue renferme, sont perdues pour nous.
Ce dialogue et le suivant se distinguent des précédens en ce que Socrate n'y joue qu'un foible rôle comme interlocuteur. 1 y. IIOÀJTÎXOÇ v) rapt (3a^ £ Aecaç, le Politique on de eart de gouverner.
Les recherches commencées dans le Théétète et le Sophiste sont appliquées, dans ce dialogue, à
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l'homme d'état. Il nous fait connoître les idées de Platon sur la Providence ou sur la manière de Dieu de gouverner le monde , ainsi que sur les révolutions que celui-ci a éprouvées. Nous y voyons aussi son opinion sur les diverses formes de gouvernement parmi lesquelles il préfère celle où le pouvoir est entre les mains d'un seul. Ce dialogue renferme un mythe oriental, d'après lequel Dieu se repose à certains périodes, et abandonne alors au hasard le gouvernement du monde. Cette doctrine étant indigne de Platon, M. Socher pense que le Politique , aussi peu que le Sophiste, n'est pas de Platon. Toutefois ils sont d'un auteur contemporain, puisqu'Aristote cite le Politique, à la vérité sansl'attribuer nommément à Platon.
8. IIoCp~~tS~ n nrepi l &tov, Parmenide ou des Idées.
Ce dialogue fait pendant aux trois morceaux précédens. Comme dans ceux-ci la fausse dialectique de l'école de Mégare avoit été réfutée, dans celui-ci le chef de la véritable dialectique vient soutenir son système de l'unité absolue l , et le fait avec une grande force de raisonnement. Le Parmenide est le plus difficile de tous les ouvrages de Platon, tant parce qu'il y est question de matières abstraites et de toutes les subtilités de la métaphysique , que parce que l'auteur s'y est vu forcé d'employer des mots nouveaux ou peu usités pour traiter de choses sur lesquelles aucun écrivain n'avoit encore exercé sa plume. Le Parmenide ne
1 Voy. p. Siy.
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conduit à aucun résultat positif; il n'a pas pour but de démontrer quelques propositions philosophiques; il tend uniquement à exercer l'esprit dans des spéculations métaphysiques, et de montrer, par un exemple, là véritable méthode dialectique.
Au reste, il n'est pas sûr que nous ayons la fin de ce dialogue.
Le Parmenide a une forme tout-à-fait philosophique , sans mouvement dramatique : les caractères des interlocuteurs ne sontpas marqués comme dans la plupart des autres ouvrages de Platon. Socrate y paroît très-jeune, et comme un homme qui commence seulement à s'occuper de recherches philosophiques, et auquel beaucoup de propositions des écoles sont encore nouvelles. On a conclu de cette circonstance que Platon a voulu donner du crédit à la tradition d'après laquelle Socrate avoit vu Parmenide dans sa jeunesse.
M. -Socher rejette ce dialogue avec' les deux auxquels il fait suite.
vu du juste emploi des noms.
Ce dialogue persiffie les étymologies auxquelles les sophistes mettoient une si grande importance, qu'ils s'en servoient comme de démonstrations pour appuyer leurs propositions. Ils alloient jusqu'à soutenir qu'on peut connoître la nature même des objets par les mots qui les désignent, ceux-ci correspondant parfaitement à ceux-là. D'accord sur ce principe, ils en faisoient des applications
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difIërentes. Les adhéreras de l'école d'Elée prétendoient que les auteurs de la langue, en forgeant les mots, avoient agi dans la conviction que tout est immuable dans la nature ; les adhérens d'Héraclite soutenoient tout le contraire. Partant de deux points de vue si opposés, les philosophes analysoient les mots chacun dans son sens. , » Des deux interlocuteurs du Cratyle, l'un, Hermogène, disciple de Parmenide , soutient qu'il y a une vérité inhérente aux mots, laquelle est indépendante de toute convention; l'autre, Cratyle, disciple d'Héraclite, les regarde comme des signes arbitraires de nos idées, imposés aux objets-qu'ils désignent par le hasard, Fumage et la convenance.
Socrate fait voir l'insuffisance des deux systèmes, sans les remplacer par un troisième. Cette discussion donne lieu à beaucoup de recherches étymologiques qui ne laissent pas que d'être intéressantes pour nous.
10°. <t>O:t¡e'o; v) irepc H Philèbus ou de la Volupte. y- ■ Ce dialogue se distingue des précédens en ce qu'il ne se borne pas à renverser de fausses doctrines, mais qu'il examine et approfondit la matière et a un but vraiment dogmatique, c'est-à-dire d'établir une vérité et d'énoncer une proposition positive, savoir, que le bien ne consiste ni dans la volupté ni dans la science ; mais qu'il se trouve dans l'union de la première et de la seconde avec le souverain bien qui est Dieu. Le Philèbe est près-
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que sans ironie, mais il manque quelquefois de clarté >
, » 1/ 1- d il0. }:UfI-"-;()(HOV y) irspi Epcoroç, le Banquet opu de l'Amour.
Platon paroît s'être proposé un double objet en écrivant cet ouvrage : l'un de disserter sur la nature de l'amour , et l'autre de justifier Socrate des calomnies auxquelles il avoit été en butte. Agatlion, célèbre, par un banquet, une victoire poétique qu'il vient de remporter. Les convives conviennent que chacun d'eux, à son toiir, fera l'éloge de l'amour. Phèdre, Pausanias, Eryxiinaque, Aristophanetet Agathon en parlent, chacun d'après ses principes; et, dans cette espèce de lutte oratoire, Aristophane se charge du rôle le plus convenable à son genre de talent, de celui du satirique. Socrate, qui survient, peint Pamour métaphysique, c'est-à-dire la philosophie , dont le but est de faire aimer la vertu, seule et vraie beauté impérissable. Le Banquet est l'ouvrage auquel Platon a mis le plus de soin. cc C'est, dit Wieland, un ouvrage de luxe poétique, auquel toutes les Muses ont pris part, et dans lequel Platon a répandu, comme 4e la corne d'Amalthée, toutes les richesses de son imagination, de son esprit, de son sel attique, de son éloquence, et de sou talent pour la composé
1 Le Philèbe est une des principales sources pour connoître la morale ilt Platon. Voy. F. A. L. A. Grotefend, Cummentatio ïn qua doctrmn rtatonis cthica cuni chrisliana comparateur. Goellingae, 1820, inr4".
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tion, ouvrage travaillé, poli, et perfectionné à la lueur de la lampe nocturne, et par lequel Platon a voulu nous montrer qu'il dépendoit de lui d'être à son choix le premier parmi les orateurs, les poëtes ou les sophistes de son temps. »
Nous ajouterons que Racine n'a pas dédaigné de traduire ce dialogue pour complaire à mademoiselle de Rochechouart, qui a achevé l'ouvrage commencé par son illustre ami.
Quant à la ressemblance entre le Banquet de Platon et celui de Xénophon, nous renvoyons à ce que nous en avons dit plus haut1 : nous ajouterons seulement que M. Wolfa prouvé a que le premier a été écrit seize à dix-sept ans après la mort démocrate.
12°. UoXireCot ri irep) de la République ou de ce qui est juste, en dix livres.
Toutes les voix se réunissent pour regarder ce dialogue comme un des ouvrages les plus accomplis de Platon sous le rapport du style. Il est aussi celui qui a l'intérêt le plus général.
Il y est question d'abord de la justice : les interlocuteurs ayant discuté son utilité, Socrate l'examine sous un point de vue plus élevé et plus général, en la considérant dans l'état ou dans la république. Après avoir examiné l'origine de la société ou de l'état, il établit l'idéal d'un gouvernement bien ordonné, fondé sur la justice, et dans lequel
* Yoy. p. 55i.
Dans son édition du Symposium de Platon.
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tous les citoyens obéissent aux lois de la morale, et concourent d'un commun accord au bien général. Il distingue toutes les institutions politiques, d'après le nombre de personnes qui prennent part au gouvernement, en monarchiques, oligarchiques et démocratiques, ou, d'après les mobiles qui guident les gouvernans, en philosophiques, ambitieuses, avides, absolues et despotiques. C'est dans cet ouvrage qu'on trouve la fameuse sortie de Platon contre les poètes, qu'il veut bannir de la république. Le principe absurde de la communauté des biens, dont une conséquence nécessaire est la communauté des femmes et des enfans, est soutenu avec infiniment d'esprit et embelli de toutes les couleurs de l'éloquence. C'est à cette occasion que Platon avance une maxime dont on a si ridiculement abusé de nos jours, savoir, que l'état ne sera bien gouverné que lorsque les philosophes seront devenus rois, ou les rois philosophes. Dans le dixième livre, il raconte ce qu'un certain Pamphylicus prétendoit avoir vu pendant une extase où son âme fut transportée hors des limites de ce monde. On y trouve les idées de Platon sur la nature de Dieu, sur l'immortalité de l'âme, sur la punition des méchans et la récompense des bons.
Théophraste et Cicéron avoient écrit des abrégés de la République de Platon, l'un en grec, l'autre en latin. Les deux ouvrages sonf perdus. Plusieurs philosophes d'Alexandrie, tels que Potamon, ont commenté ces dialogues, Zénon le Stoïcien et Aris-
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tote les ont réfutés dans des ouvrages particuliers.
Le grammairien De-nys d'Halicarnasse, contemporain d'Adrien et auteur d'une Histoire de la Musique, avoit expliqué aussi les passages de la République de Platon où il est question de cet art. De tous les commentaires anciens, il n'y a que celui de PROCLUS qui nous soit parvenu
15°. T{[j.pcioç ri Trsp) , Timêe ou de la Nature.
Dans ce di alogue, Critias rapporte la tradition populaire sur l'existence d'un ancien état athénien, antérieur au déluge de Deucalion, et qui étoit gouverné d'après des lois égyptiennes. Les Athéniens, dit la tradition, ifrent à cette époque recu- lée la guerre aux habitans de l'Atlantide, île située au-delà du détroit d'Hercule. Les Atlantidiens dominoient sur la Libye et sur l'Europe occidentale, et auroient subjugué les Grecs, si les Athéniens n'étoient parvenus à mettre des bornes à.
leurs progrès. Après cette fable, le philosophe Timée de Locres développe son système de Dieu, de l'origine et de la nature du monde, de l'homme et des animaux. Il règne dans toute cette exposition ce ton solennel qui étoit propre aux. Pythagoriciens.
Nous avons déjà remarqué que, d'après l'opinion, commune, Platon s'est servi, pour la composition
1 M. Morgenstern, professeur à Dorpat, a écrit sur la République trold mémoires qui ont paru à Halle eu 1799, et M. J.-h.-Gu. de Gear, une savante dissertation sous le titre de Diatribe in politiccs Platonicæ principia, Traj. ad Rh., 1810, in-8,
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de ce dialogue, de l'ouvrage attribué au philosophe de Locres, que nous possédons encore. Ce -dialogue a trouvé beaucoup de commentateurs, dont PROCLUS avoit les ouvrages, lorsqu'il écrivit son Traité des choses à Végard desquelles Aristote a contredit le Timée de Platon. Il s'est conserve un Commentaire intéressant sur le Timée par CHALCIDIUS, philosophe, peut-être chrétien, du commencement, du quatrième siècle.
1 4 ° KPJTTOCÇ Y) ATAOCVT £ XOÇ, Critias ou Vile LI. anti dè.
Ce dialogue est une suite du précédent. Critias y développe ce qui n'avoitété qu'ébauché pu légèrement indiqué dans le Timée sur l'existence d'une île anciennement habitée par un peuple policé et conquérant, île que la mer a engloutie. fi donne des détails sur les lois, les moeurs et les institutions de ce peuple. On peut admettre que tout ce récit n'est qu'une fiction, une espèce de roman politique par lequel Platon a voulu prouver la possibilité d'établir une république telle que son imagination l'avoit enfantée. Il est probable , cependant, que les anciens avoent quelque tradition obscure de l'existence d'un grand continent à l'ouest du détroit de Gibraltar, et on en trouve des traces dans Strabon.
Au reste, le Critias a donné naissance à beaucoup d'hypothèses et de rêveries, et les écrivains des deux derniers siècles ont exercé leurs plumes sur un objet qui flatte tant l'imagination. Les uns ont trouvé l'Atlantide de Platon en Palestine, les autres
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dans l'Inde* quelques-uns dans les îles Canaries et .Açores. Un savaut de nos jours a essayé de prouver que l'Atlantide n'est autre que la Perse J.
Le Critias de Platon n'est pas achevé; il paroît que la mort empêcha l'auteur d'y mettre la dernière main ; comme aussi elle ne lui laissa pas le temps de rédiger ^un autre dialogue qui est annoncé dans le Critias, et dont Hermogène , un des interlocuteurs du.Timée et du Critias, devait faire les principaux frais.
Tels sont les quatorze dialogues que M. Ast regarde comme indubitablement authentiques ; néanmoins nous avons vu que, dans ce nombre, il y en a trois que M. Soùher rejette. Nous allons parler maintenant de vingt-un autres dialogues qui, communément regardés comme étant de Platon, sont devenus l'objet du scepticisme critique, depuis que M. Schleiermacher a méconnu Platon dans quelquesuns d'entre eux, et que M. Ast les a rejetés tous indistinctement. 1 5°. Nopicov y) ttepi vo[xo9e<7iaç |3iŒXiai Cb, Des Lois OLL de la Législation, en douze livres.
Cet ouvrage -a été, jusqu'à ces derniers temps, regardé comme une des productions de l'antiquité
1 C'est M. Latreille, membre de IAcadémie des Sciences de Paris.
Voy. ses Mémoires sur divers sujets d'histoire naturelle des insectes, de géographie ancienne et de chronologie. Paris, 1819, io-Bo, p. 146. Parmi le grand nombre d'ouvrages auxquels le Critias a donne lieu , le plus ingénieux est celui de Bailly, intitulé : Lettres sur l'Atlantide de Platon et.
sur l'ancienne histoire de l'Asie. Londres, 1779, in-8°.
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qui se distinguent par l'importance et la richesse de la nlatière; comme celle par laquelle Platon a couronné la suite de ses ouvrages ; comme celle où ce philosophe, abandonnant les sentiers de la spéculation où l'imagination, s'égare facilement, s'élança dans le monde réel, et exposa la partie politique de son système, dont il croyoit encore l'exécution praticable : car on ne sauroit douter que les Lois ne soient l'ouvrage de sa vieillesse.
Platon y trace les bases d'une législation moins idéale et plus conforme à la foiblesse de la nature humaine que celle qu'il avoit exposée dans sa République. La scène du dialogue est dans l'île de Crète. L'auteur critique les législations de Minos et de Lycurgue, comme n'ayant d'autre but que de former des guerriers. Il fait voir que l'objet du législateur doit être de maintenir la liberté des citoyens et leur union, et d'établir un gouvernement sage. Parcourant les divers états qui ont existé en Grèce et au dehors, il signale les vices de leurs régimes. A cette occasion, il trace, dans le troisième livre, un portrait de Cyrus bien différent de celui sous lequel Xénophon a représenté son héros.
D'après l'opinion commune, Platon a voulu se venger ainsi de Xénophon dont la Cyropédie paroissoit dirigée contre les deux premiers livres de la République
Après ces préliminaires, l'auteur entre en ma-
1 C'est contre cette hypothèse qu'est dirigée la dissertation de M. Aug.
£ rjeckh,*i Lie nous avons citée p. 351.
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tière dans le quatrième livre. Il traite d'abord du culte des dieux, base de tout état bien constitué.
Le cinquième livre renferme les élémens de l'ordre social, les devoirs envers les parens, les enfans, les concitoyens et les étrangers. Il est question ensuite de la forme politique de l'état qui doit être fondé. Platon, s'il est l'auteur de cet ouvrage, y renonce aux chimères de sa jeunesse, à la communauté des biens, des femmes et des enfans. Dans le sixième livre , l'auteur s'occupe des magistrats, des lois sur le mariage, et de l'esclavage; dans le septième, de l'éducation des enfans ; dans le huitième , des fêtes publiques et du commerce ; dans le neuvième, des crimes; dans le dixième, de la religion ; dans le onzième, des transactions sociales, des contrats, testamens, etc.; dans le douzième, de divers objets, comme de la discipline militaire, du serment, du commerce avec l'étranger, du droit de propriété, de la prescriptiQn.
Toutes les pages des Lois sont en contradiction avec la République. Néanmoins les Lois existoient du temps d'Aristote; et ce philosophe, qui les cite nominativement, ne doute pas même de leur authenticité. La différence du style de cet ouvrage d'avec celui de quelques autres productions de Platon, s'explique facilement par la différence de l'âge. M. Ast objecte que Platon lui-même a dit que la République, le Timée et le Critiàs sont ses derniers ouvrages, et qu'après cela il écrira un dialogue où Hermogène parlera : or le Critias paroît
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n avoir pas été achevé, et l'Herniogène ..D'a pas paru; d'où M. Ast conclut qu'il n'a pas écrit le grand ouvrage des Lois. Mais Platon ne dit pas précisément ce que M. Ast lui fait dire; il parle seulement du Timée et du Critias comme faisant suite à la République, et annonce qu'il y ajoutera encore un Hermogène, sans assurer que ce sera son dernier ouvrage 1. JN'est-il pas possible que ce soit justement l'entreprise d'un ouvrage aussi considérable que les Lois, qui ait détourné l'auteur du projet d'écrire son Hermogène? Diogène de Laerte rapporte a que Platon mourut avant d'avoir publié les Lois, et que PHILIPPE à'Oponte > un de ses disciples, mit au net le manuscrit qu'il trouva sur les tablettes du maître, et le publia. Cette notice curieuse qui ne laisse pas de doute sur l'époque de sa vie où Platon s'est occupé de cet ouvrage, fournit à M. Ast une nouvelle hypothèse- Il pense que quelque disciple de Platon a fabriqué ce livre pour servir de complément à la République.
Si dans d'autres circonstances nos sceptiques modernes ont pu rejeter le témoignage d'Aristote, comme n'étant pas toujours en garde contre des opinions reçues, il nous paroîtroit par trop liardP de supposer qu'il s'est laissé tromper sur l'origina-
1 M. l'hierseh, dans sa critique de l'ouvrage de M. Ast , cite une Via "- anonyme et inédite de Platon qui se trouve à la bibliothèque de Muuich, et qui apprend que Proclus (le divin Proclus) ne croyoit pas que les Lois fussent de Platon, parce qu'elles renferment trop de discours et trop peu de dialogue; raisonnement digne d'uu écrivain plus savant que judicieux.
» III, 37.
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lité d'un ouvrage de son contemporain, de son maître. Au surplus, l'authenticité de cet ouvrage a été soutenue par M. Thiersch l, et par une dissertation dernièrement couronnée par l'université de Gottingue
- i 6 °. ET«VO(JWÇ Y) vvxrepivoç cvXXoyoç , Epinomis ou l'Assemblée nocturne.
Ce dialogue est aussi cité sous le titre de Philosophe. C'est un supplément ou le troisième livre des Lois. Il est question de l'établissement d'un corps de magistrats gardiens des lois et conservateurs de la constitution. Diogène de Laërte, dans le passage cité,dit qu'on-regardaitPHILIPPE d'Oponte, comme l'auteur de l'Epinomis, et l'on conçoit que l'éditeur d'un ouvrage posthume puisse être tenté d'y ajouter un supplément du sien.
, 170. Mevcov r) nvzpi Menon ou de la Vertu.
Diverses questions élevées dans le Protagoras, le Phèdre, le Gorgias et le Phédon, sont développées dans ce morceau : toutes se rapportent à la
question fondamentale : la vertu peut-elle être apprise ? Le Menon renferme un fait qui prouye qu'il a été rédigé au moins six ans après la mort de Sonate. Ce philosophe y blâme le Thébain Isménias de s'être enrichi avec l'or des Perses; ce fait appartient certainement à la 5e année de la XCVle Olympiade (5g4 ans av. J.-C.) : c'est un fait que So-
1 Dans sa Crilique de l'ouvrage de M. Ast.
a Platonicorum libïovum de legibus examen quo,quonam jure Platon r vindicari possint, adpareal, aticlove C. Dilthey. Gottingæ, 1820, iii-4°.
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crate n'a pu connoître. Nous verrons par la suite
pourquoi il importe à la critique que la date de la rédaction du Ménon soit fixée. M. Socher soujtient l'authenticité de ce dialogue contre M. Ast.
180. ETJÔU^JLOÇ r\ Eptç-woç, Euthydeme ou le Dis- puteur.
Socrate raconte à Criton l'entretien qu'il- a eti avec deux sophistes de l'école Eristique, nommés Euthydème et Dionysodore, Il se moque avec infiniment d'esprit des faux syllogismes et des raisonnemens captieux des philosophes de cette école.
< Ce dialogue est, sous le rapport de la composition, un des plus parfaits de Platon. M. Schleiermacher admire la vivacité et la mimique qui y régnent; M. Ast qui le regarde comme supposé, convient qu'il est préférable à plusieurs productions de Platon.
190. 2(o<ppocruv/jç, Charmides ou de la Modération.
Socrate réfute , peut-être avec un peu trop de subtilité, les définitions que le jeune Charmides donne de la modération ou de la modestie. Quoique ce dialogue ne soit pas sans mérite , M. Socher se range du parti de ceux qui le regardent comme supposé : M. Schleiermacher n'est pas de cet avis.
20°. Atjcrfç r\ Trep] «ÊiAïaç, Lysis ou de l'Amitié.
L'auteur y traite , sans la décider, une question qui a beaucoup occupé les philosophes anciens et modernes ; savoir : Qu'est-ce qui produit l'amitié et l'amour ? Si l'on pouvoit s'en rapporter à Dio-
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gène Laeixe 1 „ ce dialogue, ouvrage de la jeunesse de Platon, auroit été connu à Socrate qui, après en avoir entendra la lecture, doit s'être écrié : 0 Hercule ! que de mensonges ce jeune homme dit de -moi! M. Schleiermacher regarde ce dialogue comme authentique; MM Ast et 'Socher lé rejettent.
premier Alcibiade, ou de la Nature de l'homme.
Le second membre du titre, ajouté par les cornmentateurs, n'est pas analogue au suj et Il n'est question y dans ce dialogue, que d'Alcibiade, jeune présomptueux qui, sans connoissances et sans expérience, est sur le point de se présenter pour gouverner la république. Socrate l'engage à étudier d'abord le droit et la politique.
Le but de ce dialogue est de faire voir ce que c'étoit que cet attachement que Socrate avoit pour ce jeune homme , attachement qui lui faisoit tant désirer de le corriger de ses défauts. Comme Socrate y compare Dieu à la lumière , certains commentateurs ont trouvé dans cette expression l'origine et le germe du système d'émanation, dans lequel Dieu est la lumière, et la matière les ténèbres. Ce dialogue est un de ceux que M. Schleierma- cher croit supposés.
22°. AÀxi&dây]ç fi yj itep) le second Alcibiade, ou de la Prière religieuse.
Socrate fait voir à Alcibiade la vanité et l'îneon-
1 III, 35.
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séquence des prières que les mortels adressent à la Diyinité , quoiqu'ils ne soient p4g en état de juger si ce qu'ils demandent tourneroit à leur bien. M. iSfocher se déclare contre ce dialogue.
2 3°. NtvÉzEvoq ri È'IT''Ii&rpceil, Menexenus ou VEpitaphe, c'est-à-dire Oraison funèbre des Athéniens morts pour la patrie.
Cette oraison funèbre est mise dans la bouche d'Aspasie et supposée avoir été improvisée par cette dame. Le but de Socrate, en composant ce mor* ceau satirique, étoit, sans doute , de faire voir que l'art oratoire n'est pas bien difficile. Les événemens de l'histoire d'Athènes qui y sont rapportés, vont jusqu'à la paix d'Ant^alcidas , qui fut conclue quatorze ans après la mort de Socrate. Cet anachronisme, qu'on peut pardonner dans une satire, a engagé M. Schleiermacher à retrancher, comme supposés, le commencement et la fin de ce dialogue.
24°. Aaxy¡ç rj arepi Laphès ou de la Brur voure.
L'auteur fait voir qu'il est difficile de dire ce qu'est proprement la bravoure j mais son principal objet est de faire voir la nécessité de ne pas borner l'éducation de la jeunesse aux exercices du corps.
Hippias, ou du Beau.
Persiffiage du sophiste Hippias.
pias, ou du Mensonge.
Pour se moquer de la vanité d'Hippias, qui pré-
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t-endoit posséder toutes les sciences et tous les arts, au point qu'il se vantoit de ne rien porter sur lui qu'il n'eût fabriqué lui-même, tel qu'habit, anneau, ceinture-; Socrate prouve que cet homme universel n'est pas même en état de soutenir avec avantage une thèse évidemment vraie. Les raisonnemens captieux par lesquels il embrouille son adversaire , arrachent à celui-ci l'aveu d'une proposition manifestement fausse, savoir que le mensonge • est préférable à la vérité. On ne pouvoit rendre les sophistes plus ridicules qu'en les poussant à l'absurde.
, fl, 0' 270 Euôucppojv y) 7Tepi Ocvov, Euthyphron ou de la Pieté.
Ce dialogue , qui a été écrit après l'accusation de Socrate , et avant sa condamnation, paroît avoir eu un double but, celui d'établir, d'après les principes de la dialectique , l'idée de la piété que Socrate comptoit parmi les vertus cardinales , mais dont il n'avoit été question que , pour ainsi dire , en passant, dans les dialogues antérieurs ; et celui de défendre, à sa manière, Socrate qu'on accusoit de manquer de religion. Ainsi Platon fait voir la fausseté des idées que le vulgaire, et même les prêtres se faisoient de ce qui étoit agréable à la dio vinité et des devoirs religieux des hommes , et justifie Socrate en faisant voir que c'étoit sous ce rapport seulement qu'il avoit attaqué le culte national. Les interlocuteurs sont Socrate et un ceiv tain Euthyphron qui, par un devoir religieux mal
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entendu , s'étoit porté accusateur de son propre père. Socrate force son adversaire à convenir qu'il ne sait pas même en quoi consiste le devoir religieux; il persiflle les idées que le vulgaire se fait de la divinité ; malheureusement il se contente de détruire sans édifier, car il ne met rien à la place du système qu'il a renversé. On conçoit qu'il auroit été dangereux de le faire dans les circonstances où le dialogue a été rédigé : le ton léger avec lequel il y est question du procès de Socrate, prouve que ses amis se faisoient illusion sur son résultat probable.
C'est par des motifs , d'après nous très-foibles, que M. Ast attaque l'authenticité de cet ouvrage : il se fonde principalement sur ce qu'on n'y trouve aucune vue spéculative.
28°. irepi I XidSoç, Ion ou de l'Iliade, ou plutôt de l'Enthousiasme poétique.
Les interlocuteurs sont Socrate et Ion d'Ephèse, un de ces rhapsodes qui parcouroient la Grèce pour réciter les poëmes d'Homère, d'Hésiode et des autres grands maîtres. On a beaucoup disputé et sur le mérite de ce dialogue et sur l'objet que Platon peut s'être proposé en l'écrivant. D'après Sydenham 1 et Arnaud ce dialogue étoit dirigé contre les poëtes , ces éternels ennemis de la vérité ; mais comme Platon craignoit de s'attirer la haine d'une troupe si irascible , il n'attaqua, disent ces
1 Sjnopsls or geueial views of the works of Platon. London, 175g, inr4~.
2 Mém. de l'Acad. des Inscr. et Bellcs-Lelires, vol. XXXVJ], p. L.
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saTans, que les rhapsodes. M. Socher regarde également ce dialogue comme une satire contre les poètes. Quelques commentateurs ont pensé qu'il 1 ne faut pas aller si loin pour découvrir le but de Platon ; il tendoit à réprimer l'enthousiasme des admirateurs ayeugles des poètes , lequel est aussi contraire à la recherche de la vérité que la dialectique des sophistes1.
298. Ikoxpdrorjç Apologie de Socrate.
Diogène de Laërte raconte8 que Platon fit une tentative pour défendre Socrate devant ses juges, mais que ceux-ci refusèrent de l'entendre. Ce morceau, écrit après la mort du sage, est un monument érigé à sa mémoire, et un éloge prononcé devant la Grèce entière ; mis dans la bouche de celui-là même qui en est l'objet, il réunit la simplicité et la modestie à la vérité et à cette dignité qu'inspire à un homme de bien le sentiment de son innocence attaquée par les méchans. Nous savons par Xénophon que ce fut effectivement sur ce ton que Socrate parla à ses juges; au lieu de repousser les accusations proférées contre lui, il déroula devant leurs yeux le tableau de sa vie. Denys d'Halicarnasse Appelle cet ouvrage un éloge sous la forme d'une apologie. Ailleurs il dit : « Platon y a montré comment dans un seul discours on peut réunir tous les genres d'éloquence. Le titre annonce une défense ; mais cette défense renferme une accusation
1 Voy. l'édition d'Ion par M. Gr.-Gu. Nitzsch. Lips. 1822, in-8°.
a II, 4j.
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-contré les Athéniens qui ont pu traduire en justicfe un tel homme. Ce que cette accusation a de dur, est adouci par ce que la défense a de conciliant ; car en défendant Socrate, Platon accuse les Athéniens. A ces deux genres viennent se joindre un troisième qui est celui de l'éloge , et un quatrième qu'on nomme délibératif, qui trace le portrait du véritable philosophe » 1. -
{ du citoyen ).
La scène de ce dialogue entre Criton et Socrate est dans la prison du sage. Criton lui avoit conseillé la fuite et offert de corrompre ses gardiens.
Socrate soutient qu'il n'est pas permis au citoyen de se soustraire à l'autorité qui a pouvoir Sur lui, ni de rompre le pacte tacite par lequel il s'est soumis d'avance aux lois. C'est ici la première fois que dans une discussion philosophique il est question de ce prétendu pacte social, fiction de droit dont, depuis cinquante ans, on s'est si souvent prévalu.
Outre M. Ast, c'est M. Perd. Delbruek qui a attaqué l'authenticité de ce dialogue 2 5 elle a trouve de vigoureux défenseurs dans les personnes de MM. Thiersch, Socher et Jean-Henri Brermi 3.
51 °. Oedcyr/ç r\ Trtp) Théagès ou de la Sagesse, Demodocus ayant amené à Socrate son fils Théagès, désireux d'apprendre la sagesse, par ïaqueHe
1 DION. HAL. Al's rhet. Ed. Reislc. vol. V, p. 2®5, 358.
- a Sokrates. KœJn, 1819 , in-Ba.
3 Philologisclie Beylnege aus des Schweiz. Zürch, 1819, in-8°, p. 143.
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on est mis en état de gouverner la république, Socrate élude la proposition de se charger de son instruction , parce que , dit-il, il n'a pas encore en tendu la voix intérieure de son Génie, sans l'âpprobation duquel aucune entreprise ne lui réussit. Le but du dialogue estdè montrer que la méthode de - Socrate diffère de celle des sophistes, en ce que proprement il ne donne pas d'instruction à ses disciples , mais qu'il les forme à la vertu dans sa société. Ce dialogue renferme de très-beaux passages.
M. Schleiermacher le croit supposé.
Rivaux j ou les Amans ou de la Philosophie.
Dialogue assez foible, qui tend à prouver que Socrate estimoit par-dessus tout la vertu et la jus• tice , et faisoit peu de cas des recherches purement spéculatives.
,
35°. 1 TUTztxpyoç 1) ~, Hipparque ou f Amour du gain.
Ce dialogue qui est peut-être tronqué, manque de plan ; il y est question des fausses idées que les hommes se font de l'amour du gain. L'auteur y avance quelques paradoxes historiques. M Socher qui défend plusieurs dialogues contre les attaques de MM. Schleiermacher et Ast, convient que celuici n'est pas de Platon. Le célèbre Valhenœr avoit déjà émis cette opinion 34°. MtW>ç ri ~, Minos ou de la Loi.
Socrate discute dans ce dialogue, avec un cer-
1 Ad Herod., Y, 55. 1
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tain Minos, sur la nature de la loi que, dans le sens le plus étendu du mot, il prend pour toute règle de nos actions. On y trouve les premiers élémens de la doctrine des philosophes modernes sur la morale et sur la loi naturelle. L'authenticité de ce morceau a été attaquée par des motifs très-graves, par M. Bœck}¡' J. M. Socher s'est rangé de son avis.
35°. KAefTOtpœv ri Uporpz'Krixoç, Clitophon ou lJ Exhortation.
Ce discours où il est question de la nature de la vertu , n'est pas entier. Henri Etienne et de Serres l'ont déjà rejeté du catalogue des œuvres de Platon.
Nous allons donner les titres de huit autres ouvrages attribués à Platon, mais qui portent un tel caractère de falsification que les anciens même , quelquefois trop peu scrupuleux en critique, les ont déjà regardés comme étrangers à notre philosophe.
ou Erasistrate ou de la Richesse. Diogène Laërce déjà reconnoissoit ce dialogue supposé 8. C'est le même morceau qu'on attribue aussi, sans fondement, à Eschine 5.
hldtallwrphose. Ce dialogue , qu'on trouve aussi parmi les ouvrages de Lucien, traite des merveilles de la nature. Diogène, se référant à Phavorinus , l'attribue à l'Académicien LEO.
1 Dans la dissertation dont nous allons varler.
a UJ, 62.
3 N'oy. 1). 3ii de ce
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5°. 2&uipoç r\ irepi roîj ifovXevcffOoct, Sisyphe ou de la DrJlibération.
4°. ATCEpt 5"avdcT0u, \Axiochus ou du mépris de la mort. Ce dialogue est un de ceux qu'on attribue à Eschine, ou à Xénocrate de Chalcédoine.
ou des Conseils.
cf {)'O. Opot, Définitions ; .morceau qu'on attribue aussi à SPEUSIPPUS.
7°. TLSPL et &$OCXTOV, de la- rertu, et si elle peut s'apprendre. Ce dialogue ressemble au Ménon; il traite le même sujet, avec moins d'étendue, mais d'une manière un peu différente; d'où M. Socher conclut que c'est une première ébauche ou une édition imparfaite du Ménon, et que, par conséquent , ce dialogue doit être compté parmi les ouvrages authentiques de Platon. Leclerc J l'attribuoit à Eschine.
8°. IIefu Sixccfox), de la Justice.
En 1806, M. Aug. Bœcich publia une dissertation sur le Minas de Platon 3, tendante à prouver une opinion déjà mise en avant par le traducteur allemand, M. Schleiermacher, et adoptée par M. Wolf, savoir que ce dialogue n'est pas du fondateur de l'Académie. 11 avança ensuite une hypothèse sur l'auteur de cet opuscule. Diogène Laërce 5 raconte que Socrate fréquentoit souvent la boutique d'un
1 Æschinis SocraL. dialogi. Amst. 1711.
* Sous le titre de Comment, iu PlaLonis dialog. qui vulgo inscrib.
Minoem , etc. Halae , 1806, in-4°.
3 II, 122.
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cordonnier ou corroyeur, nommé Simon, pour y -disserter avec ses amis ; que «et artisan avoit coutume de mettre par écrit tout ce qu'il pouvoit se rappeler de ces entretiens, et qu'il publia ensuite trente-trois de ces dialogues, parmi lesquels il y en avoit quatre portant les titres suivans : ïïcpè: de la Loi; Ilepl de l'Amour du gain; acxottou, de la Justice et TIEp) aperriç, de la Vertu. Il ajoute que Simon fut le premier, qui s'avisa de publier des entretiens Socratiques, et que de son état on les appeloit GXUTIXOXJÇ âwcAo-youç, dialogues scytiques, c'est-à-dire dialogues de corroyeur. M. Bœckh, après avoir fait voir que le dialogue intitulé Minos, portbit originairement le simple titre Ilepc vopou, et l'Hipparque celui-ci : <p:Aoxep$ouç, en conclut que ces deux dialogues, jusqu'alors attribués à Platon, sont du nombre de ceux dont parle Diogène, et que le cordonnier Simon en est l'auteur. Cette hypothèse n'ayant pas éprouvé de contradiction 'pendant trois ans, soit qu'on l'eût trouvée plausible, soit qu'e lle eût été favorisée par l'esprit du siècle qui, en Allemagne surtout, est porté à la sceptique, M. Bœckh devint plus hardi et publia en 181<3 ces deux dialogues avec les deux qui sont intitulés IIspxt ocperrjç et Ilepc &xoccou, sous le nom de SIMON le Socratique, auquel en conséquence nous assignons son rang parmi les auteurs de l'antiquité.
N éanmoins nous craignons bien que cette place ne soit usurpée, depuis que nous avons lu lc.ser-
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vations que M. Letronne a opposées airsystême du professeur de Berlin. cc Tout ce qu'il faut conclure, dit-il L, de cette ressemblance de titres, c'est que dans l'école de Socrate et de Platon on s'exercoit sur un certain nombre de questions de morale, sorte de lieux communs que chacun traitoit à sa manière. On peut d'ailleurs opposer à M. Boectli une difficulté qu'il ne nous paroît pas avoir suffisamment sentie. Il reconnoît dans ces quatre dialogues de fréquentes imitations de Platon, au point que le Minos, par exemple , n'est qu'une espèce de pastiche , composé de morceaux pris dans différens dialogues de ce philosophe. Or, ce fait est contraire à l'idée que Diogène de Laërte nous donne des dialogues de Simon; car ces dialogues, bien loin d'être des pastiches de ceux de Platon, étoient le résultat des conversations de Simon avec So craie.
Toutefois, laissons pour un moment le témoignage de Diogène de Laërte, et ne voyons que l'ordre des temps. Le dialogue intitulé Minos,comme M. Bœckh l'a remarqué lui-même , renferme des morceaux pris dans le MénOll et dans le Banquet : or, la rédaction du Ménon est postérieure à la troisième année de la XCYle Olympiade 2 et le Banquet a été écrit après la XCIX.6 Olympiade , ou environ seize à dix-sept ans après la mort de Socrate. J'en puis dire autant du dialogue intitulé si la Yertu s'apprend ; il est tiré presque textuellement du Ménon :
1 Jouvual des Savans , 1820 p. 675.
24b 400 de ce volume. -
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la composition de ces deux dialogues, attribués à Simon, est donc postérieure à.celle du Ménon et du Banquet. Or, il paroît bien difficile de croire que Simon, le contemporain de Socrate , ait attendu si tard pour composer des dialogues qu'il vouloit faire passer pour avoir été écrits en quelque sorte sous la dictée de ce philosophe, selon le témoignage de Diogène de Laërte. On doit donc convenir que l'auteur des quatre dialogues n'est pas plus connu que celui de l'Eryxias et de l'Axiochlts ; et ce qui n'est guère moins incertain, c'est que tous les quatre soient de la même main, comme le croit M. Boeckh.
11 y a bien, à la vérité, quelque ressemblance dans les formes du style et de l'argumentation; mais quant à la manière dont chaque point de morale est traité, on trouve des différences radicales. Le MilLOS, comme on l'a vu , n'est qu'un pastiche ; il en est de même du dialogue si la Vertu s'apprend * ce n'est qu'un extrait du Ménon, dans lequel l'abréviateur a retranché tout ce qui a rapport à la géométrie : pour le texte, ce ne sont pas seulement les mêmes idées, mais les mêmes mots. L'Hipparque, au contraire, bien que renfermant quelques traces d'imitation , est complet dans son genre, et l'on n'en trouveroit dans Platon ni le fond ni la forme : ce dialogue doit donc être distingué des deux autres, et assimilé plutôt à VÉryxias et à l'Axiochus. Ces trois morceaux offrent quelques traits de ressemblance dans certaines formes du style : mais ces ressemblances sont bien loin de suffire , j'en çon-
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viens, pour former une preuve didentite. Ainsi dans tous les cas il faut reconnaître, laque l'auteur ou les auteurs de ces dialogues sont encore inconnus ; 2° que ces dialogues, d'après le style et tous les autres caractères, ont été écrits à Athènes, peu de temps après la mort de Socrate. J>
Enfin il existe, sous le nom de Platon , une correspondance qui seroit du plus grand intérêt, si elle étoit vraiment du fondateur de l'Académie, parce qu'elle renferme des points historiques aussi bien que politiques et philosophiques. Ces Lettres, dont quelques-unes sont d'un volume considérable, se rapportent aux voyages que Platon fit en Sicile, et aux intrigues dont cette île fut le théâtre par suite de la tyrannie de Denys le jeune, et nous ne savons s'il faut dire par suite de l'ambition ou de la résignation philosophique de son oncle Dion. Malgré le respect que nous avons pour le divin Platon, il nous seroit difficile de nous persuader qu'il n'ait pas été dupe de sa vanité , lorsqu'àgé de près de soixantedix ans., il s'est cru assez de vigueur pour dompter le caractère fougueux de Denys, pour ado noir l'âpreté de celui de Dion, et pour devenir le législateur d'un peuple co-rrompu et turbulent. Nous croirons difficilement qu'il n'ait pas voulu flatter le tyran de Syracuse, lorsque dans un ouvrage auquel il travailloit à cette époque, il dit à peu près ce qui suit : «Pour établir promptement une nouvelle forme de-gouvernement, personne n'est plus propre qu'un tyrap. Qu'il soit jeune, de bonne mémoire, curieux
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d'instruction, courageux et animé de,nobles sentimens. Qu'à la même époque il se trouve un homme connoissant l'art des lois, et qu'un heureux hasard le réunisse au tyran. Heureux l'état qui possède un prince absolu conseillé par un bon législateur 1 »)..
Quoi qu'il en soit, Platon fut le jouet des intrigues de cour, el après avoir, pendant son premier voyagea, désespéré de corriger les vices du prince, il ne réussit pas , dans le second, à réconcilier les factions dont Syracuse étoit déchirée. Désabusé des cours, il retourna à Athènes et ne se mêla plus des troubles de la Sicile.
lln'en fut pas de même de son neveu Speusippe, et des autres colonnes de l'Académie. Comme ils avoient stimulé Platon à aller en Sicile , ils continuoient, après son retour, à favoriser l'expédition de Dion. Leurs trames entretinrent le feu de la discorde, et provoquèrent à Syracuse une révolution qui se perpétua pendant plusieurs années. Ilparoît que c'est pour disculper Platon et les autres Académiciens, que quelqu'un d'entr'eux, et peut-être Speusippe luimême, a publié les prétendues lettres de Platon qui sont de vrais mémoires justificatifs. Nous ne devons cependant pas dissimuler que Cicéron cite une de ces lettres, qu'il nomme prœclara epistola Platonis3
1 Platon, de Legg., lib. IV, p. 710. Nous n'avons donné que ta quintescence de ce passage.
a Qui est le second en comptant celui qu'il avoit fait pour voir Denys l'aîné.
5 Tusc. disp., V, 55.
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et qu'il ne paroît pas avoir entretenu le moindre doute sur l'authenticité de ce recueil. Thrasyllus l'avoit aussi compris dans une de ses tétralogies.
Il nous reste de l'antiquité six Vies de Platon ; celles qui avoient été composées par SPEUSIPPE, PORPHYRE et ARISTOXÈNE sont perdues. La plus ancienne que nous possédions est d'APULÉE : c'est le premier livre de l'ouvrage de ce Platonicien, de habitudine doctrinarum et de nativitate Platonis.
Les cinq autres sont écrites en grec : celle de DIOGÈNE de Laërte se trouve dans le troisième livre de sa compilation ; celle d'OLYMPiODORE est en tête de son commentaire sur le premier Alcibiadè ; la troisième est eflés-ycnius de Milet; la quatrième et Ja cinquième , d'un anonyme. Toutes les six sont insuffisantes, et remplies de fables.
Les Vies de Platon, par Apulée, Diogène et Hesychius, se trouvent dans les éditions de leurs œuvres; celle d'Olympiodore a été publiée par Jacques Windet, dans l'édition- de Diogène de Laërte d'Amsterdam, 1692, vol. 11, et mieux par Guill. Etwal, dans son édition de trois dialogues de Platon, Oxford, 1771, in-Bo, ainsi que par J.-F. Fischer, dans celle qu'il a donnée de quatre dialogues de ce philosophe, Leipzig, 1783, in-8°. On doit la connoissance de la quatrième Vie , rédigée en grec, aux éditeurs de la Bibliothek fur alte Litteratur und Kunst, qui l'ont publiée dans leur N° v, p. 8. La sixième est inédite à la bibliothèque royale de Munich.
Une foule de commentaires destinés à éclaircir le texte de Platon, ont péri; d'autres sont inédits
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clans les bibliothèques, ou n'ont été publiés que partiellement. Tels sont ceux qu'ont rédigés DAMASCIUS , DEXIPPUS , OLYMPIODORE , PROCLUS, THÉON de Smyrne. ALBINUS, contemporain de Ga-
Introduction aux Dialogues de Platon, ouvrage qui s'est conservé. Les livres de DIDYMUS, nrsp) TWV àj»e<TX0VTwv nAdcrwv: c6vrayy.a, Système de la doctrine de Platon, et de NUMÉNIUS, irsp) TYSÇ TWV AxaâyjfjiaVxwv irpbç llÀcheawcx laçiaecoç, des Contradictions qui ont lieu entre Platon et les Académiciens3 ont péri, à quelques fragmens près. Nous avons aussi des débris d'un ouvrage d'ATTICUS, Platonicien du temps de Marc-Aurèle, sur la différence entre la philosophie de Platon et celle d' Aristote. Celui de PORPHYRIUS, en sept livres, par lequel il vouloit montrer l'accord entre ces deux systèmes, s'est perdu.
Nous avons le traité par lequel GALIEN a comparé entre elles les propositions de Platon et celles d'Hippocrate, ainsi que l'ouvrage de PROCLUS, en six livres, sur la théologie de Platon, de même que sa ou Rudiment théologique.
Nous avons un Lexique Platonicien par TIMÉE le jeune, grammairien du quatrième siècle après J.-C. Photius parle avec éloge de deux ouvrages d'un grammairien nommé BOETHUS, intitulés : Collection de mots Platoniques, auvaycoyyj, et Des mots douteux de Platon, Ilept TGOV TTOTPÀ lu arcovi àiropoufjLsvcov ÀeÇecov. Il préfère le premier à l'ouvrage de Timée, et dit de l'autre que celui qui
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l'amalgameroit avec le Lexique de Timée, rendroit un grand service aux amis de Platon.
Il existe aussi d'excellentes Scholies anciennes sur Platon. Siebenkees en a, le premier, publié une partie dans ses Anecdota ; mais il en a paru, après la mort de Dav. Ruhnken, une collection beaucoup plus complète que ce savant avoit préparée, en recueillant toutes celles qu'il avoit trouvées portées sur les marges des manuscrits, ou consignées dans des écrits particuliers. Elles sont grammaticales et historiques. Quelques-unes renferment des anecdotes curieuses, que l'on ne trouve point ailleurs, des généalogies peu connues, des traits nouveaux de mythologie, des vers qui appartiennent à des pièces qui ne sont point venues jusqu'à nous, et beaucoup de proverbes'.
Ce volume porte le titre suivant : Scholia in Platonem.
Ex codd. mss. multarum biblioth. nunc primum collegit D. Ruhnkenius, Lugd. - Bat. 1800, in-8°. Ces scholies se trouvent aussi dans le huitième volume du Platon de la collection de Tauchnitz.
Parmi les Manuscrits de Platon, deux surtout sont remarquables par leur ancienneté, car ils remontent au dixième siècle. L'un se trouve à la bibliothèque du roi de France, où il porte le n° ] 8°7 ; l'autre, qui a anciennement appartenu à un chanoine de Venise, fait aujourd'hui un des ornemens
1 Voy. Mélanges de critique et de philologie, par Chardon de la Rochette, vol. II, p. 3j3.
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de la bibliothèque Bo'dleïénne d'Oxford. Il est de la un du neùvième siècle.
M. Thomas Gaisford fit connoître le manuscrit d'Oxford, en 1812, dans son Catalogus codicum Clark. P. x, p. 68, , oti il en donna une notice. En 1820, il fit imprimer toutes les Variantes qu'il y avoit trouvées, dans un vol ume in-Bo, intitulé : Lectiones Platonicae. E membranis Bodleianis eruit T/wm. Gaisford, etc. Oxonii.
Passons maintenant à l'éntiméràtibn des principales éditions des œuvras complètes de Platon ; nous n'y comprendrons pas les éditions détachées de quelques dialogues, parce que cela nous forceroit à entrer dans trop de détail.
Dans le moyen âge, Aristote avoit tenu exclusivement le sceptre dans les écoles ; mais à l'époque de la renaissance des lettres , la philosophie de Platon lui disputa l'empire. Cosme de Médicis fit élever exprès Marsilius Ficinus pour devenir l'apôtre de ce système. Ficinus porta son admiration pour le chef de l'Académie jusq u'au fanatisme, nous aurions presque dit jusqu'à l'adoration. Ce Florentin traduisit les œuvres de Platon en latin. Sa version parut, pour la première fois , à Florence , sans date, in-fol. Cette édition a été exécutée en 1483 et 1484, une partie à l'imprimerie du monastèrè de S. Jacopo de Ripoli, et l'autre par Laur. Venetus. La traduction de Ficinus est très-exacte et a été faite sur un excellent manuscrit, mais elle est d'un style barbare. On l'a souvent réimprimée depuis : à Venise, 1^9! > in-fol.; à Bâle, avec des corrections de Simon Grynœus, i532, in-fol. ; et ailleurs.
Froben imprima en 1561 , in-fol., une nouvelle traduction, rédigée par Janus Cornarius.
Marc Musurus donna la première édition grecque des A
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-œuvres de Platon. Elle parut chez Aldé l'ancien, à Venise, 15'13, en 2 vol. in-fol., et est dédiée à Léon X.
Une seconde édition fut publiée à Baie, en 1534, en 2 vol.
in-fol. Jean Oporinus ou Herbst, et Simon Grynœus se servirent de l'édition d'Alde; mais ils y corrigèrent bon nombre de fàutes. Si, en cela, Oporinus surtout a été quelquefois trop hardi, son âge l'excuse ; car il n'avoit que vingt-six ans lorsqeil se chargea de ce travail. Il y ajouta le commentaire de Proclus sur leTimée et la République que Simon Grynæus avoit trouvé à Oxford. Cette édition est fortrare.
La troisième fut imprimée à Bâle en 1556, in-fol., par les soins de M. Hopper, et d'Arnold Arlenius qui , dans un voyage d'Italie , avoit collationné celle de i534 sur quelques manuscrite.
'Ces trois éditions sont toutes de la même classe ; elles découlent toutes d'une même source. Il n'en fut pas de même de celle que Jean de Serres ( Serranus ) et Henri Etienne publièrent à Paris, J 5/8, en 3 vol. in-fol. Le texte est unenouvelle récension rédigée par Henri Etienne; de Serres y a ajouté la traduction latine , souvent peu exacte.
Cette édition a été deux fois réimprimée; d'abord à Lyon , 1590, mais avec la traduction de Ficinus, au lieu de celle de Serranus; et ensuite à Francfort, 16o2, e ersion. En se servant du Timée de Ruhnken, et de ses Scholies sur Platon, on a besoin de l'édition de 1590 d'après laquelle ce savant a cité.
Il se passa ensuite plus de cent cinquante ans avant que quelqu'un entreprît une réimpression des œuvres de Platon.
Enfin Jean-Fréd. Fischer y mit la main. Il s'occupa d'une nouvelle révision du texte de Henri Etienne, et publia, dans des volumes séparés , les parties de son travail, à mesure qu'elles étoient achevées. Il donna d'abord, Leipzig, 1760, en un vol. in-Bo, quatre dialogues de Platon, l'Euthyphron, l'Apologie- de Socrate, le Criton et le Phédon, en grec, avec des notes critiques : c'est son meilleur >olume, car
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il avoit, pour la correction de ces textes, des matériaux qui lui manquoieiit pour les autres dialogues. Encore ne montrat-il pas beaucoup de jugement dans l'emploi qu'il en fit. Toutefois cette édition fut dans le cas d'être réimprimée en 1770 et 1783. En 1770, Fischer donna son second volume, renfermant le Gratylus, et le Theétète; et en 17747 le troisième, où se trouvent le Sophiste, le Politique et le Parmenide; Philèbeetle Banquet, furent les derniers dialogues qu'il donna, en 1776.
Le besoin d'une édition des œuvres de Platon se faisant de plus en plus vivement sentir à cause de la rareté des éditions cte 1578, ] 590 et 1602, deux professeurs de Deuxponts, G.-Ch. Croll et Fr.-Ch. Exter, auxquels se joignit J.-Pal.
Embser, remédièrent à cet inconvénient en faisant réimprimer depuis 1781 , en II vol. in-Bo, le texte de Henri Etienne, avec la version de Ficinus, et des variantes recueillies par M. Mitscherlich. Ils y ajoutèrent un douzième volume , qui renferme les analyses des dialogues par Tiedemann.
Cette édition combla une lacune; mais elle ne put satisfaire les savans. Ce n'est pas le texte de Henri Etienne qu'il falloit : les manuscrits de Vienne, de Paris et d'autres bibliothèques qui avoient été examinés depuis quelque temps, faisoient sentir le besoin d'un nouveau travail, d'une nouvelle réoension du texte.
Il parut successivement des éditions détachées de quelques dialogues, et enfin un élève de M. F.-.A. Wolf, feu LouisFréd. Heindorff, commença en 1802 à publier une collection (le dialogues choisis de Platon, qui prouva une étude approfondie de cet écrivain..Les quatre volumes de cette collection, dont le dernier parut en 1809, renferment le Lysis, le Charmides, le grand Hippias, le Phèdre, le Gorgias, le Theétète, le Cratyle, le Parmenide, l'Euthydème, lePhédon, le Sophiste et le Protagoras, accompagnés de commentaires.
Bientôt après, ce savant se réunit à M. Aug. Bceckh, et à
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feu Bast, pour donner une édition critique des œuvres complètes de Platon en 15 vol. in-8°, accompagnée d'une traduction nouvelle, d'un commentaire, des schojies, et de tables très-détaillées. Bast transmit aux deux amis ou plutôt à l'en'repreneur de l'édition, M. Weigel, à Leipzig , sa.collation des manuscrits de Vienne, et une partie du dépouillement dejceux qui étoient alors à Paris. Son travail étoit trèsavancé, lorsqu'une mort subite enleva ce savant aux lettres.
Heindorf étant aussi mort, il paroît que M. Bœckli renopça à une entreprise à laquelle il s'étoit Ion g-temps préparé par une étude suivie du philosophe. Quatre autres éditions de Platon ont paru ou ont conyueucé à paroître dans le 19e. siècle.
1°. MM. Fréd.-Aug. Wolfet Imm Bekher avoient annoncé une édition critique, grécque-latine, qui devoit former 8 vol.
in-4°. , et 16* vol. in-8°. ; car les deux. formats devoient être imprimés à la fois. Ce projet ne fut pas entièremejit exécuté; M .Jnnn. Bekker seul donna, à Berlin, 1816 et apnées suivantes, une édition grecque-latine de Platon, en 5 vol. in-Bo, et en 1823, le premier volume du commentaire.
2°. M, Ch. Dan.-Beckh surveilla l'impression des deux premiers volumes du Platon en 8 vol. in-16 , pour la collection deTauchnitz; il suivit le texte de Henri Etienne, avec quelques corrections. Depuis le troisième volume, c'est un autre savant qui a surveillé cette édition dans laquelle on trouve aussi les schplitjs dites de Ruhnken.
3°. Depuis IBlg, M, Fréd. Ast publie à Leipzig une édition grecque-latine de Platon , in-8° , dont cinq volumes ont paçu, La première Aldine est la base de son texte, la traduction est nouvelle. Il promet un commentaire et un Lexique Platqnique.
4". En 1821, M. Weigel, libraire à Leipzig , reprit le travail interrompu par la mort de Heindorff et Bast. Il remisa M. Godefroi Stallbaum les collations des manuscrits de Vien!le) Paris et Florence, qu'il avoit ramassées, eteelui-ci.
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s'en servit pour constituer une nouvelle réeension. Le format de cette nouvelle édition est petit in-Bo. Elle ne renferme que le simple texte. Il en a paru 5 volumes.
Les disciples immédiats de Platon, forment ce qu'on appelle l'ancienne Académie, qui conserva dans sa pureté le corps de doctrine du maître, quoique, dans des points isolés, elle ne laissât pas de s'en écarter.
Le premier d'entre eux fut SPEUSIPPE â Athènes, fils de Potona qui étoit sœur de Platon1. Il succéda à son oncle dans la direction de l'Académie qu'il conserva pendant huit ans. Dans sa doctrine, il pencha à mettre en harmonie le système de Platon avec celui de Pythagore, et fut ainsi un des précurseurs des Néo-Platoniciens. Aristote acheta par la suite, pour la somme de trois talens, les ouvrages laissés par Speusippe. Dans le nombre il y en avoit un intitulé Opoi, Définitions > qui est peutêtre celui qu'on trouve parmi les œuvres de Platon.
On le trouve aussi dans la collection de Philosophes Platoni.
ciens, d'Alde l'ancien.
Après lui, XÉNOCRATE de Chalcëdoine se chargea de la direction de l'Académie jusqu'à sa mort qui tombe dans la période suivante 9. Platon avoit enlevé ce disciple à Eschine, et le prit pour compagnon de voyage lorsqu'il alla en Sicile. Xénocrate s'écarta sur un point principal des opinions de soit
1 348 ans avanl J.-C.
1 315 ans avant J.-C.
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maître; il admettoit une classe de mauvais démons,, se plaisant dans des solennités tristes et sanglantes.
Il préluda ainsi aux rêveries des Néo-Platoniciens.
Parmi les ouvrages de Xénocrate, on en cite un qui étoit intitùlé Ileoï &avaroi>, de la Mort. C'est ?
d'après le sentiment de quelques savans, le dialogue Axiochus qu'on attribue tantôt à Platon, tantôt à Eschine.
Aristote nous fait connoître un philosophe de Milet, nommé HIPPODAME, fils d'Euryphon, qui, à l'instar de Platon, avoit imaginé l'idée d'une république bien constituée. Le philosophe lui attribue l'art de diviser les villes, et ajoute qu'il fit luimême la division du Pirée1; ce qui , d'après. les commentateurs, veut dire qu'il imagina le premier la distribution des villes en quartiers ou sections, et qu'il publia une description du Pirée ainsi divisé.
Hesychiuset Photius, dans leurs lexiques, lui donnent le titre de Meteorologue; Harpocration dit qu'il étoit architecte. En effet, les termes dans lesquels tous les trois parlent de son travail sur le Pirée2, indiquent que tel fut son métier : aussi, dans un autre passage 3, Aristote le cite comme l'auteur d'une manière moderne et plus commode de construire les maisons. Mais dans celui qui nous fournit
3 Pojit. VH , 10.
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l*^^fesion d'en parler, il se moque du traité de la république que cet architecte s'étoit avisé d'écrire, et l'accuse de l'avoir composé par vanité et pour se donner l'air d'un savant 1. Il nous fait connoître cette production par un extrait, et montre l'incohérence des idées de l'auteur.
Ce passage d'Aristote est devenu l'occasion d'une querelle littéraire entre trois savans du seizième siècle. Jean de Stobée nous a conservé trois fragmens d'un Hippodame auquel il donne la qualité de Pythagoricien, et une fois celle de citoyen de Thurium. L'un de ces fragmens est tiré de son traité de la Républiqùe, le second de celui de la Tranquillité d'âme, le troisième de celui de la Félicité Dans l'un de ces morceaux il est question de la division des citoyens en trois classes : c'est une des idées blâmées par Aristote. Mais Antoine Muret ayant remarqué que ce morceau n'est pas toutà-fait conforme à la manière dont le philosophe de Stagire l'a allégué, en prit occasion d'accuser la bonne foi de celui-ci. Il y avoit deux manières de le sauver de ce reproche; on pouvoit dire qu'Aristote citant probablement de mémoire, s'est trompé sur un point qui n'étoit pas absolument essentiel ; ou, si l'on vouloit soutenir l'infaillibilité du maître, on auroit tâché de concilier ce qu'il dit à ce sujet, avec le contenu des fragmens de Stobée, et faire disparoître l'apparence d'une contradiction. C'est
1 Polit. 11,6.
1 Scrm. XLI, XCVII, CI.
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ce que Ht en effet Riccoboni dans une épître adressée à Antoine Montecuiinm, et insérée par celui-ci dans sort commentaire' sur la Politique d?Aristote qui parue vers la fins du seizième siècle. Mais Pierre Fiotoriusy un des éditeurs de cet ouvrage -, dédaigna de prendre un parti conseillé par ta modération, Il aima: mieux- soutenir que les fragmens conservés par Stobée sont d'un autre- Hïppodame. ,
postérieur à celui de Milet. Il se fonda principalement sur la circonstance- que ces fragmens sont écrits* en dialecte dorique, qui étoit celui qu'affèctionnoient les Pythagoriciens, tandis que l'architecte de- Milet. habitant Athènes et pendant quelque temps-la colonie attique de Thurium, aura sans, doute écrit dans le dialecte ionien. J. G. Sohneider, qui se réunit à cette opinion , observe que ces fragmens ne-sont autre chose que des passages de Platon, travestis en dialecte dorique2. Mais est-il nécessaire d'en conclure qu'ils ne sont pas de-l'architecte de Milet? Celui-ci ne peut-il pas avoir puisé dans Platon, pour se donner cet air d'érudition dont Aristote se moque? Il est évident que Stobée, a tiré ces passages de l'ouvrage d'un Pythagoricien, et cette circonstance paroît l'avoir induit en erreur, et être cause qu'il a donné la- qualité
1 La première édition de P. Victorius parut à Florence en i tài ■ la seconde en 1576. Celle-là fut l'éimprimée par MoreL, Paris, 1556, et par Wechel, Francfort, 15^7; celle-ci le fut.-en 1.582, à-Bàle, par Théodore Zwinger, qui y ajouta la version de Denys Lambin) qui avoit paru à Paris en 1067.
1 Voy. ARISTOT. Polit. Ed. J. G. Schneider, vol. Il, p. 119.
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de Pythagoricien à un imitateur de Platon; mais elle explique aussi les dorismes qu'on y remarque.
Observons d'ailleurs que celui auquel Stobée donne une fois le titre de Pythagoricien, est nommé une autre fois Thurien. - Or, il est à peu près certain qu'Hippodame de Milet a habiité Thurium. Photius l'appelle Milésien ou Thurien, et Hesychius dit qu'il s'expatria pour se fixer à rhurium 1.
Les fragmens d'Hippodame, conservés par Stobée, se trouvent dans la collection des Moralistes de M. Orelli.
1 ÔWTOÇ il riv **« Ô FIÎTWXIQFFAT etç Qovptovç McÀ"lÍO',oç Sv. H est vrai qu'à la place de 0ovp £ ov{, les aucieunes éditions portent mais ce mot ne présente aucun sens, et en comparant à Hesychius le passage de Pho-
tius, la correction de est évidente. -<77,1 /AVA)! /• ÏV
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ADDITIONS
AU SECOND VOLUME, ET CORRECTIONS.
P. 32. Au second alinéa , ajoutez cette note: M. Théoph. Ch. Gu. Schneider a publié à Jena, 1822, in-Bo, un traité De Dialecto Sophoclis caelerorumque tragicorum gr. quaesiiones nonnullæ.
Il y-a traité du dialogue seulement, non des choeurs.
P. 5g. Au second alinéa , I. 14, ajoutez : - Telle est l'opiniçn commune ; mais M. Hermann, dans l'édition d'Erfurdt qu'il vient de faire réimprimer, a fait voir que Sophocle n'eut un commandement que dans la seconde expédition des Athéniens à Samos, 01. LXXXV, l, et qu'ainsi son Antigone, qui lui valut cet honneur, aété probablement représentée une année ou deux plus tard qu'on ne croit communément.
P. 43. Après le second alinéa , 1. 25, ajoutez : L'édition de Brunck a été réimprimée, avec quelques augmentations, par les soins de M. Charlea Burney, Londres, 1825, 3 vol. in-8.
P. 44,1. 14, ajoutez : Le même savant soigne une réimpression de toute l'édition : les deux premiers volumes ont paru à Leipzig', 1823; ils renferment les variantes de deux manuscrits de Rome et d'un de Paris , que M. Jmm. Bekker a collationnés.
P. 83, 1. dernière , ajoutez à la note : M. Herrmann Harless, dans une dissertation sur Epicharme, publiée à Essen ( Essendiae ), 1823 , in-8°, soutient que ce poëte a déjà fleuri sous
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le roi G clou, qu'il est ne entre 01. LX et LXII, et a fleuri vers 01. LXXIIJ, = 488 avant J.-C. ,
P. 85. L'intitulé ridicule du chapitre XIII : De la comédie attique ancienne et moderne , doit être corrigé ainsi : De la comédie attique ancienne et moyenne.
P. 157,1. 13 , ajoutez : L'édition d'Hérodote, par M. Schweighœuser, vient d'être réimprimée à Londres par Rich. Priestley, en 6 vol.
in-8°, qu'on sépare ainsi : Le texte d'Hérodote et de Ctésias, avec les Glossae et la Geograpliia Herodotea , d'après Bredow, Hennicke, Breiger, Frommichen; les scholies et variantes données par M. Creuzer, dans ses commentaires et la table chronologique de Larcher, 2 vol. — La traduction de M. Schweighaeuser, 1 vol.
— Les notes de Wesseling, ivakken4oer et Schweig/tœUser, 2 vol.
— Le Dictionarium Ionicnni grseco-latinum d'sËmilius Portas, auquel ori a ajouté les traités de Grégoire de Corinthe, et d'autres grammairiens , du dialecte ionique, 1 vol.
P. 169, 1. 10. Rich. Priestley , à Londres, vient d'imprimer un Thucydide gr. lat., avec les animadversions de Hudson, Duker, Wasse, Gottleber et Bauer, et avec les commentaires critiques de T. F. Benedicl, et les observations critiques de M. E. F.
Poppo, 4 vol. in-8°. Les commentaires critiques de M. Benedict avaient paru à Leipzig, 1815 , in-8°. Aux commentaires de Benedict et de M. Poppo il faut ajouter ceux de M. C. Gu. Krüger,
joints à son édition de Dion. Halic. Histcjjàegrapitica. Halis,
1824, in-8°.
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TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE SECOND VOLUME.
Avis, p. i.
SUITE DU LIVRE TROISIÈME.
Histoire de la littérature grecque, depuis la législation de Solon jusqu'au règne d'Alexandre -le -Grand, 5^4- — 336 ans avant J.-C.
CiiAP. XI. De la poésie dramatique en général, et de la tragédie attique en particulier, p. i. - Thespis d'Icare , i4.— Phrynichus d'Athènes, 16.—Chœrilus d'Athènes, 17.— Eschyle d'Eleusis, 19. Editions de son théâtre, 26.
-Sophocle de Colona, 5o. Editions de son théâtre , 4i.
— Euripide de Salamine, 44. Editions de son théâtre, 64. — Loi de Lycurgue relative aux œuvres des trois grands tragiques, 70. — Ion de Chios, Í 1. — Achœus d'Erétrie, 72. - Agathon d'Athènes, ibid. — Poëtes tragiques du second ordre, 73.
CHAP. XII. Du drame satyrique, 79.—Chœrilus d'Athènes, Eschyle d'Eleusis, Pratinas et Aristias de Phlionte, Sophocle de Colona, Achæus d'Erétrie, Ximoclès, Philocles, 81. - Idégéinon de Thasos, Philoxène de Cythérée, Euripide de Salamine , 82. — De la comédie sicilienne. Epicharme de Cos, 85. - Phormis de Syracuse , 84.
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CHAP. XIII. De la comédie attique ancienne et moyenne, 85. - Susarion de Mégare, Dolon" Mullus et Magnès, Cratès, 86. — Poëtes dir premier ordre de la • comédie ancienne : Epicharme de Cos, Cratinus d'Athènes, 89. — Eupolis, Phérécratc d'Athènes, go. —
Platon l'ancien, 91. - Aristophane d'Athènes, ibid.
Editions de son théàtre, 99. - Poëtes de la comédie ancienne du second ordre, io4. — Comédie moyenne, 107. — Poètes de la comédie moyenne du premier ordre: Antiphane de Rhodes, 109. Alexis de Thurii, 110.
— Poètes de la comédie moyenne du second ordre, 111.
CHAP. XIV. De la poésie mimique, 116. - Sophron de Syracuse, 117. Philistion de Nicée, 118.
CHAP. XV. Des derniers poëtes cycliques, 11 g. Aristéas de Proconèse, Abaris, Eugammon de Cyrène, Chersicis d'Orchomène, 120.-Stésichore d'Himère, Panyasis de Samos, 121.-Pigrès de Carie, 122. —De l'épopée historique. Chœrilus de Samos, ibid. — Antimaque de Colophon, 126.
CHAP. XVI. De l'épigramme. Définition de ce mot, 128.
— Homère, Esope, les deux Simonides de Céos, 129.
— Anacréun, Erinne, Eschyle, Euripide, Hégésippe, Antimaque de Colophon, Arlemo, Socrate, Thucydide, Timocréon de Rhodes, Philiscus de Milet, Platon, Spellsippe, Parrhasius, Agis d'Argos, i3o.
—Adœus de Macédoine, Duris d'Elée, Aslydqmas, i31.
CHAP. XVII. De l'histoire. De la logographie, I52. — Cadmus de Milet, 134.— Bion de Proconèse, Denys de Milet, Acusilaiis d'Argos , Denys de Chalcis, Hécalée de Milet, 135.--Ménecratès d'Elée,Charon de Lampsaque, 107.—Xanthus de Sardes, Hippys de Rhegium, Myès, 108 -Hellanicus deMitylène,Damastèsde Sigée, Phé-
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rècyde de Léros, i4o. — Des premiers historiens. Hérodote d'Halicarnasse , i4o. Editions de cet historien, 155.- Thucydide, 157. Editions de cet historien, 166.
-Xénophon d'Athènes, 16g. Ciésias de Cnide, 174.
— Stésimbrode de Thasos, Philiste de Syracuse, 177.
-Antiochus de Syracuse, Athanas de Syracuse,.Tximonide, Théopompe de Chios, 179. - Ephore de Cumes, 182. — Diyllus d'Athènes, Psaon de Platée, Dioscaride, i85.— Callias et Antandre de Syracuse, Nèanthès de Cyzique, Dion, Nymphodore de Syracuse, Céphalon de Gergithe, Hégésippe, i84.—Des écrivains d'Atthides, i85. Amelesagoras, 186. Clitodème, Phanodème, 187.
CHAP. XVIII. Des plus anciens géographes.de la Grèce.
Collections des Petits Géographes, 188. — Hècatée de Milet, Hérodote, 191. - Hannon de Carthage, ig 2. Himilcon de Carthage, Scylax de Caryande, 195.,-Xénophon, Pythéas de Marseille, 196.
CHAP. XIX. De l'origine de l'éloquence grecque, 397.
—De l'éloquence sicilienne. Corax, 198.-—Tisias et Ëmpédocle de Tarente, Gorgias de Léontium, 200.—Polus d'Agrigente, Alcidcimas d'Elée, 202. — De l'éloquence attique. Antiphon de Rhamnus, ibid.-Andocide., 205.
Lysias d'Athènes, 207 - - Jsocrate d'Athènes, Û&8.— Isée de Ghalcis, 215.— Eschine d'Athènes, ibid. - Lycurgue d'Athènes, 219. —Hypèride d'Athènes., 220.
— Dinarque de Corinthe, 221. — Démosthène de Pœania, 224. — Editions des orateurs attiques, B56.— Démade d'Athènes, 265. — Orateurs attiques du second, ordre. Céphalus, 266. Archimus de Calé, Critias/Sophocle, Cléophon, 267. Antoclès, les deux Arislophon, Iphicrate, Callistrate, 268. Lêondamas d'Acharne, Philiscus de Milet, Céphisodore, Lycoléon, Théodeclis
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fie Phazelis, 269. Eubutus d'Anaphlysté, Androtion, Cydias et Asion, Philinus, Hégesippe, Aristogiton, Mœroclès, 270. Polyeuctus, Démocharès de Leuconoé, 271. Cléocharès de Myrlée, Stratalès de Diomia, 272.
CIIAP. XX. Des épîtres attribuées à des hommes célèbres, antérieurs à Alexandre-le-Grand. Phalaris, 27.Ï. —
A bans le Scythe, 277. - Anacharsis, Pythagore, Lysis de Tarente, Théano, 278.—Mélissa, Myia, Thémistocle, 279. — Soc rate, Antisthène, Aristippe, Eschine le Socratique, Simon, Xénophon, Platon, Dion, Heraclite d'Ephèse, Darius, 280.— Euripide, Hippocrate, Démocrite, Isocraie, Chion d'Héraclée, 281. —
Démosthène, Eschine l'orateur, Diogène de Sinope, Crntès de Thèbes, Mégasthène, Epiménide, 2 82.— Des éditions des épistolographes, ibid.
CIIAP. XXI. Des premiers philosophes de la Grèce, 285.
— Des-sept Sages, 286. — Des sectes ou écoles des philosophes , 288. — De l'école d'Ionie * 289. Thalès de Milet. Hippon, Anaximandre de Milet, 291.
Anaximène de Milet, Diogène d'Apollonie, 292.-Phéecyde de Scyros. Hermotimus de Clazomène, Anaxagoras de Clazomène, 293. — Archelaus de Milet, 294.
- Mole d'Italie. Pythagore de Samos, 295.-Aristée de Crotone, Télaugès et Mnêsarchus, Bulagoras 3 3oi.
— Gorgyades ou G-ortydas, Aresas, 302. - Division de l'école d'Italie. Clin/as, Archytas, Thé or ides et Eu/ytus, ilÚd. — Ecphantas de Syracuse , Alcméon de Phttuys, Epicharmede Cos, Empedocle d'Agrigente, Crotone, Onatas de Crotone, Théagès de Crotone, 5o5.
— Mélopus de Métaponte, Lysis de Tarente, Philolaiis de Crotone, 3o4. — Euriphéme de Syracuse, 306. Hipparque, JEsara de la Lucanie, Périctione, 307. —
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308.—Archytas de Tarente, 30g. — Ocellus Lucanus y 3j 1. — Timée de Locres, 313.— Criton d'Egée, Polu& le Lucanien, Dius, Sryson, Slhénidas le Locrien, Callicratide de Sparte, Pempelus, Télés, Diotogènes, 3i4.
— Ecole d'Elée. Xénophane de Coiophon, 316.- Parmenide d'Elée, Héraclide d'Ephèse, 317. — Mélissus de Samos, Zénon d'Elée, 3iq. - Nouvelle école d'Elée..
Leucippe, Démocrite d'Abdère, 3a 1. - Métrodore de Chios, 5 2 5'. — Diagoras de Melos, Protagoras d'Abdère, 324. -Anaxarque d'Abdère, 325. — Sophistes, 526. Gorgias de Léontium, Protagoras d'Abdère, 33o.
Hippias d'Elis, Thrasymaque de Chalcédoine, Prodicus de Céos, 331. Critias, Antiphon, 331.
CHAP. XXII. De Socrate, 334. — Disciples de Socrate qui ne se sont pas écartés de ses opinions : Eschine le Socratique , 344. — Cèbès de Thèbes, 546. — Xénophon d'Athènes, 34G. Editions de ses œuvres, 353. - Glycon, Simmias de Thèbes , Criton d'Athènes et Simon le corroyeur, 558. CLIAP. XXIII. Des écoles de philosophie fondées par des disciples de Socrate. 1° Ecole de Cyrène, Aristippe, 358. 20 Ecole de Mégare, Euclyde, 35g. Ecole d'Elis, Phœdon, 56o. 3° Ecole Cynique, Anlisthène d'Athènes, ibid. - Diogène de Sinope, 562. — Graiès de Thèbes, Hipparchie. Métroclès, Ménippe de Gadare, MonÙne de Syracuse, 363. — 4° Académie, Platon, 364. Editions de ses œuvres, 4ig. — Ancienne Académie. Speusippe d'Athènes , Xénocrate de Chalcédoine, 423. - Hippo-
dame de Milet, 424.
ADDITIONS au second volume, et corrections ,-4f2 9^' FIN DU SECOND VOLU 1 * s FIN DU SECOND VOLUME* f ¡ ; :