SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
DU
DÉPARTEMENT DE L'AUBE
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MÉMOIRES
DE LA
SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
D'AGRICULTURE
DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE
TOME XL DE LA COLLECTION
TOME XIII. — TROISIÈME SÉRIE
ANNEE 1876
TROYES
DUFOUR-BOUQUOT, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ Rue Notre-Dame, 45 et 4 (
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LE CHATEAU
DE
LA CHAPELLE-GODEFROY
TAR
M. ALBERT BABEATJ
MEMBRE RÉSIDANT
I.
L'art du dix-huitième siècle, après avoir été longtemps méconnu, est apprécié aujourd'hui comme il mérite de l'être. C'est surtout dans la décoration et l'ameublement des constructions privées qu'il a le mieux déployé son caractère original et charmant. Si le style gothique s'inspire, comme on a pu le dire, de l'élévation et de la profondeur des forêts, le style du dix-huitième siècle s'inspire de la grâce et de la variété des jardins. Ses rinceaux, ses volutes, ses fleurons, ses treillis, ses rocailles rappellent les arbustes, les fleurs, les berceaux, les rochers. Leur dessin élégant, séduisant et léger, représente à merveille un des côtés les plus saillants de l'esprit français tel qu'il existait alors, fin, poli, ingénieux, épris d'une nature un peu artificielle, et prêt à faire prévaloir, comme le poète,
...la grâce, plus belle encore que la beauté.
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6 LE CHATEAU DE LA CHAPELLE-GODEFROY.
La plupart des contrées de l'Europe, la France, l'Espagne, l'Allemagne et la Russie contiennent des spécimens remarquables de ce style qui a pris son nom du règne de Louis XV, sous lequel il a fleuri. S'il en reste encore des modèles admirés dans plusieurs des palais, des hôtels et des châteaux de cette époque, beaucoup ont malheureusement disparu. La Révolution et la spéculation ont détruit un grand nombre de constructions privées, que l'art du dixhuitième siècle avait élevées et décorées. Les financiers et les ministres rivalisant alors avec les princes et les grands seigneurs de luxe, de magnificence et de goût, se plaisaient à les attester dans leurs hôtels et leurs châteaux. Ces derniers étaient nombreux. C'est ainsi qu'on trouvait, à peu de distance l'un de l'autre, aux abords de Nogent-sur-Seine, le château de Pont, élevé par le surintendant des finances Bouthillier de Chavigny, le château de La Motte-Tilly, résidence du contrôleur général Terray, et le château de La Chapelle-Godefroy, agrandi, embelli, décoré par deux autres contrôleurs généraux, Philibert Orry et Jean de Boullongne.
La Chapelle-Godefroy excitait surtout l'admiration des contemporains, non-seulement par la beauté de ses jardins, mais par la richesse et la valeur artistique de sa décoration intérieure. Peut-être y avait-il un peu d'engouement et d'exagération dans cette admiration ; mais elle pouvait être jusqu'à un certain point justifiée par les embellissements successifs qu'avaient apportés à la terre de La Chapelle des propriétaires opulents qui étaient aussi des hommes de goût.
Philibert Orry, qui, le premier, avait transformé le château de La Chapelle, qu'il tenait de son père, était né à Troyes. Son père, petit-fils d'un libraire de Paris, après avoir échoué dans la fabrication de la verrerie qu'il avait entreprise à Chappes, fit sa fortune dans les fournitures de la guerre d'Espagne, devint ministre des finances dans ce pays, et finit par acheter une charge de premier président
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LE CHATEAU DE LA CHAPELLE-GODEFROY. 7
au Parlement de Metz. Philibert Orry, après avoir été intendant de Soissons, de Perpignan et de Lille, fut appelé, en 1730, au contrôle général des finances. Il s'y maintint pendant seize ans. Les contemporains sont unanimes à signaler sa probité, son intelligence des affaires, et en même temps la rudesse de ses manières. « Il paraissait le bon sens même, personnifié en un gros bourgeois renforcé, » dit le marquis d'Argenson. Quand il avait été appelé à la cour, sa belle-mère disait de lui : « Qu'y fera-t-il? il y sera comme un boeuf dans une allée (1). » Orry seconda néanmoins, de la manière la plus heureuse, par son esprit d'ordre et d'économie, l'administration sage du cardinal de Fleury.
Aux yeux des courtisans, il passait pour un homme désintéressé. « M. Orry, dit le duc de Luynes, a toujours paru n'avoir aucune ambition, regrettant sans cesse de ne pouvoir vivre dans sa terre de La Chapelle, près de Nogent, et toujours prêt à y aller avec plaisir (2). » Il n'en jouit guère cependant lorsqu'en 1746 sa retraite lui permit de venir s'y fixer ; il y mourut l'année suivante.
Philibert Orry avait, dit-on, très-peu de biens quand il entra dans sa charge. Mais, à cette époque, on ne faisait pas les affaires de l'Etat sans faire les siennes, même lorsqu'on avait une réputation d'honnêteté. Outre ses appointements de contrôleur général, qui montaient à 1 10,000 liv., il touchait les appointements de ministre d'Etat et de directeur général des bâtiments. Il recevait aussi 50,000 1. par an pour le pot-de-vin des fermes générales. Quoiqu'il fit « une fort grande dépense, notamment pour sa table, » Orry seretira des affaires avec 50,000 1. de rentes (3). Il avait con(1)
con(1) du marquis d'Argenson, Ed. Janet, t. II, p. 358, et t. V, p. 11. Voir aussi, sur Orry, t. II, p. 65.
(2) Mémoires du duc de Luynes, t. V, p. 87.
(3) Outre son logement à Versailles, Orry avait à Bercy une vaste maison « assez vilaine, mais entourée d'un grand jardin, » qui fut vendue après sa mort au duc de Penthièvre. — Mém. du duc de Luynes, t. X, p. 248.
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8 LE CHATEAU DE LA CHAPELLE-GODEFROY.
sacré une partie de ses revenus à l'embellissement de sa résidence de La Chapelle, qu'il laissa à son frère Orry de Fulvy (1).
Orry de Fulvy, intendant des finances et directeur de la Compagnie des Indes, est surtout célèbre par une perte de 20,000 louis (480,000 1.) qu'il fit au jeu de biribi, dans un salon de Paris. Aussi n'est-il pas surprenant qu'il ait laissé, en mourant, une fortune amoindrie (2). La terre de La Chapelle ne tarda pas à être vendue par son fils, et après avoir appartenu pendant un an à Bouret de Valroche, frère du fameux fermier général Bouret, elle fut acquise en 1761 pai l'ancien contrôleur général Jean de Boullongne.
Petit-fils, fils et neveu de peintres estimés, Boullongne, longtemps premier commis et intendant des finances, avait succédé à Peyrenc de Moras au contrôle général. Ses manières ne rappelaient en rien celles d'Orry. « M. de Boulogne, dit un contemporain, était un damoiseau fort occupé de sa toilette, soigneux de sa perruque, élégant dans ses vêtements et sans aucunes vues (3). » C'était juger trop sévèrement un homme habile, expérimenté, dont l'urbanité, non moins que la prudence, étaient renommées (4). Trèsriche, il avait marié ses filles d'une manière brillante (5), et
(■f) Orry de Fulvy, né en 1703, avait deux soeurs; l'une mariée à Berthier de Sauvigny, père de l'intendant de Paris, l'autre au marquis de la Galaisiire, chancelier du roi de Pologne. Les armes des Orry étaient de pourpre à un lion d'or rampant et grimpant sur un rocher d'argent. Elles convenaient à merveille à un contrôleur des finances. — Voir LA GHESNAYE DES BOIS, t. XI, p. 118.
(2) Mém. de Luynes — Journal de l'avocat Barbier, t. V, p. 47.
(3) Vie privée de Louis XV, t. III, p. 162.
(4) Aucun article spécial n'a été consacré à Jean de Boullongne, né en 1690, mort en 1769, ni dans la Biographie Michaud, ni dans celle de Didot. Il fit cependant preuve de talent dans sa charge de contrôleur général, s II avait, dit M. P. Clément, la réputation d'un financier habile, prudent, avisé, s (M. de Silhouette, p. 35.)
(5) Ses quatre filles avaient épousé M. de Gaze de La Bove, inten-
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LE CHATEAU DE LA CHAPELLE-GODEFROY. 9
s'il ne parvint pas à rétablir les finances de l'Etat pendant son administration, il se garda bien d'y compromettre ses intérêts. En se retirant du contrôle, Boullongne conserva, comme Orry, sa charge de grand-trésorier de l'ordre du Saint-Esprit ; il était comme lui membre honoraire de l'Académie de peinture et de sculpture; comme lui, amateur éclairé des arts, il mit tous ses soins à embellir sa terre de La Chapelle.
Son fils, Jean-Nicolas, continua son oeuvre, et tous deux y dépensèrent « des millions (1). » Conseiller d'Etat, intendant des finances, membre de l'Académie de peinture, JeanNicolas de Boullongne, comte de Nogent, baron de Marigny, seigneur de Montereau et d'autres lieux (2), avait aussi le goût et l'intelligence des arts. Après sa mort, ses biens et ses titres passèrent à son fils, Paul-Esprit-Charles, gouverneur de Troyes et grand-bailli de Nogent, qui émigra à la Révolution.
Aux termes de la loi, le château de La Chapelle-Godefroy devait être vendu comme bien d'émigré, avec ses dépendances, son mobilier et ses objets d'art. L'administration de l'Aube prit des mesures afin de conserver les objets d'art dignes de figurer dans un musée départemental, et la plupart d'entre eux échappèrent ainsi à la dispersion qui aurait suivi leur vente publique. Mais tous les meubles furent inventoriés, et bientôt mis aux enchères. De ces meubles, il n'est resté que le souvenir, consigné dans le rapport d'un administrateur de l'Aube, dans l'inventaire et dans les procèsdant
procèsdant Champagne, les marquis de l'Hôpital, de Dromesnil et de Béthune, ce dernier de la famille de Sully.
(1) GROSLEY. Mémoires sur les Troyens illustres, t. II, p. 262.
(2) La Chapelle, Marnay, Mâcon, Saint-Flavy, Prunay, Echemines, Orly, Saint-Germain-Laval et Laval-Saint-Germain. Acte de vente du
0 janvier 1779. Arch. de l'Aube.
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10 LE CHATEAU DE LA CHAPELLE-GODEFROY.
verbaux rédigés par les autorités du district de Nogent. (1). A l'aide de ces pièces officielles, nous pouvons reconstituer le château de La Chapelle tel qu'il était au moment où ses maîtres l'ont quitté, et nous représenter, en pénétrant dans ses appartements, encore remplis des signes de leur présence, les moeurs, les habitudes et les goûts de ceux qui les avaient habités.
IL
L'architecture extérieure du château de La Chapelle n'était point remarquable. Le corps-de-logis principal, qui se terminait par deux ailes carrées, dont l'une subsiste encore aujourd'hui, était construit en briques et en grès (2). Mais les jardins au milieu desquels il était situé, et surtout le luxe, la grandeur, la décoration, la vaste et commode disposition de ses appartements méritaient les éloges de ceux qui les visitaient.
Le vestibule était ovale. Peint à fresque dans le meilleur goût, il paraissait « soutenu dans tout son pourtour par de belles colonnes entremêlées de pilastres... et comme cette architecture était d'une grande noblesse, l'ensemble formait une perspective qui favorisait singulièrement l'illusion et frappait au premier coup d'oeil. » Ce qui peut donner l'idée de la dimension de ce vestibule, c'est qu'outre six banquettes, il s'y trouvait douze tables à jouer.
Du vestibule on pénétrait dans le salon à manger, qui, aux yeux de l'administrateur de l'Aube, paraissait digne du fastueux Lucullus. Il était orné de deux grandes tables de marbre de Gènes, portées sur deux pieds en console du
(1) Tous les détails relatifs au mobilier de La Chapelle, que nous allons donner, sont tirés des Archives de l'Aube, série G, carton 4. Q. 7.
(2) Note communiquée par M. Julien Gréau.
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LE CHATEAU DE LA CHAPELLE-GODEFROY. U
même marbre, et placées à l'extrémité de la salle. Au centre était suspendue ce une lanterne à quatre glaces et à carcasse de cuivre doré, avec son porte-lumières à quatre bobèches, aussi de cuivre doré, le tout suspendu par un cordon garni de glands et houppes de soie. » Il y avait en outre quatre petits bras de cheminée en cuivre « en couleur. » Les sièges consistaient en huit cabriolets et douze chaises pour la plupart couverts en velours d'Utrecht rouge et blanc. Mais les tableaux dont cette salle était ornée attiraient surtout l'attention. Au-dessus des portes, dans des médaillons ovales, Natoire avait peint les Quatre-Saisons; dans un vaste cadre cintré, il avait représenté Jupiter servi par Hébé au milieu de l'Olympe (1); Au centre des panneaux étaient placés deux grands tableaux de fleurs et de fruits, dont on admirait la disposition, le relief et l'éclat (2), et un beau tableau de Desportes fils, représentant des pièces de gibier gardées par des chiens (3).
La plupart des hôtels et des châteaux construits à cette époque contenaient des galeries où la richesse et le goût du propriétaire pouvaient se déployer à l'envi (4). La grande galerie du château de La Chapelle communiquait avec la salle à manger. « En y entrant, dit le rapporteur du Conseil général de l'Aube, nous avons cru être transportés dans le temple du génie, et nous nous sommes empressés de brûler notre encens sur son autel et sur celui des grâces. » La galerie était éclairée par cinq fenêtres ; elle était si vaste qu'il s'y trouvait deux cheminées. Chacune était garnie de gros
(1) N° 63 du Musée de Troyes. Il est signé C. Natoire, et daté de 1731.
(2) Ces tableaux, signés CG, sont attribués par M. Le Brun Dalbanne [à Cerquozzi. Mém. de la Société Académique de l'Aube pour 1872, p. 107. Ils figurent sur le catalogue du Musée de Troyes, sous les nos 131 et 132.
3) Ce tableau est de 768 il porte le n 2.
4) G. BICE. ouvelle escription e a vlle e aris, 725.
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2 E HATEAU E A HAPELLE-GODEFROY.
chenets à trois pommes, et surmontée de deux girandoles à pied, à trois bobèches en cuivre doré et garnies de cristaux de ohême. Six autres girandoles étaient placées sur quatre tables de marbre sculpté 'Italie, supportées sur des pieds de bois sculpté peint en gris et scellés dans le mur. eux lustres à huit lumières, en cuivre argenté, garnis comme les girandoles de cristaux de ohême, étaient suspendus par des cordons de soie ornés de glands et de houppes également en soie. Sur deux encoignures en chêne étaient deux groupes en terre cuite de chevaux marins et d'enfants. Des gaines en marbre de couleur supportaient six bustes en marbre blanc représentant les rts libéraux 1).
Outre ces bustes, on y pouvait voir celui du peintre ouis de oullongne, père du contrôleur général. Louis de oulongne était le type de 'artiste homme du monde qui sait plaire et réussir; anobli en 724, premier peintre du roi l'année suivante, il assura la fortune de ses quatre enfants qui l'augmentèrent encore. Il mourut en 733 aussi egretté, it-on, pour ses talents que pour sa douceur et sa politesse 2). Le château de a hapelle contenait plusieurs de ses tableaux de chevalet, conservés par son fils comme un souvenir doublement précieux.
Les panneaux de la galerie étaient ornés de tableaux peints par harles atoire. Ce peintre, ongtemps à la mode, y avait déployé, de 1731 à 1740, toutes les ressources de son talent élégant, brillant et facile. A celte époque, les ta(1)
ta(1) bustes, représentant la Musique, la Comédie, Apollon, l'Astronomie, la Poésie champêtre et l'Idylle, figurent au Musée de sculpture de Troyes, sous les nos 120 à 125. Ce sont des oeuvres agréables plutôt que remarquables. La figure de la Comédie est à la fois fine et enjouée.
(2) Nouveau Dictionnaire historique, 1786, t. II, p. 286. — Louis de Boullongne, frère de Bon Boullongne, a peint la chapelle de la Vierge au château de Versailles, et plusieurs panneaux décoratifs à Trianon et à Marly. PIGANIOL DE LA FORCE, Description de Versailles.
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LE CHATEAU DE LA CHAPEL1E-G0DEFR0Y. 13
pisseries à paysage ou à personnages étaient souvent délaissées ; on les détachait des panneaux pour les remplacer par des lambris aux sculptures dorées, des étoffes unies ou brochées, des peintures aux couleurs riantes. Natoire avait bien le génie artistique de son temps, inférieur dans la décoration des monuments, sans rival pour l'ornementation des salons. Tout dans ses compositions charme les yeux ; rien n'y saisit l'âme. La galerie du château de La Chapelle contenait deux suites de tableaux; l'une représentant les événements les plus remarquables de la vie de Clovis, l'autre les principales aventures de Télémaque dans l'île de Calypso. Clovis, soit à la bataille de Tolbiac, soit au siège d'Arles, apparaît comme le prédécesseur de Louis XV. Sur le champ de Tolbiac, son cheval blanc galope sur place comme à la parade ; le geste du roi est noble ; mais rien n'indique la gravité de sa situation, au moment où il invoque le Dieu de Clotilde pour vaincre les Allemands. Les combattants, les blessés et les morts semblent autour de lui comme autant d'accessoires destinés à mettre en relief sa personne. C'est un tableau de bataille comme on pouvait en faire sous l'ancien régime, où le service était volontaire, où la noblesse se faisait un honneur d'aller à la guerre, où la gloire du roi éclipsait toutes les autres. C'est aussi un décor séduisant, inspirant les idées chevaleresques, éloignant les pensées tragiques, et par conséquent parfaitement approprié à l'ornement d'une galerie destinée au délassement et à la conservation.
Les mêmes qualités et les mêmes défauts se retrouvent dans le Siège d'Arles, la Bataille de Vouillé et la Soumission de saint Rémi. Les qualités ressortent surtout dans deux jolies allégories, placées au-dessus des portes et consacrées à la glorification de la France et de son roi. Dans ce genre un peu factice, la verve, la grâce et l'éclat du pinceau de Natoire se déploient à leur aise. Ils se déploient d'une manière non moins brillante dans les scènes empruntées aux
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14 LE CHATEAU DE LA CHAPELLE-GODEFROY.
aventures de Télémaque. Les grands modèles n'y sont pas toujours atteints ; on y sent l'inspiration de la mythologie d'opéra plutôt que celle de la mythologie antique ; mais cette inspiration elle-même a son charme, et s'encadre à merveille dans les moulures ciselées et dorées d'un salon (1 ).
C'était dans la galerie que se réunissaient, les jours de réception , les invités et les hôtes des Orry et des Boullongne. Les dames étalaient leurs jupes avec ou sans paniers sur les grands canapés, les fauteuils et les bergères, de bois doré, couverts de velours rouge ou de velours à fonds jaune orné de grandes fleurs vertes et rouges. Les hommes s'asseyaient sur des chaises garnies de même ou sur des pliants en « cuir de Roussy.» Dans les journées pluvieuses, dans les longues soirées d'automne, on se livrait à la conversation ou au jeu. On apportait sans doute du vestibule les douze tables à jouer qui s'y trouvaient; tables à deux personnes, pour jouer le piquet et l'impériale; à trois personnes, pour jouer l'hombre (2); à quatre, pour jouer le quadrille, le reversis et plus tard le wisth, qu'on prononce aussi le wisk, et le boston. Voulait-on recourir à d'autres divertissements? Il y avait une table longue pour jouer au trou-madame, une table de trictrac, des jeux d'échecs et de dames, et l'on pouvait passer dans une salle voisine, où se trouvait un billard de 12 pieds de long sur 6 pieds de large.
Si l'on voulait prendre plus d'exercice en se divertissant, on n'avait qu'à ouvrir les encoignures; on y trouvait des raquettes et des battoirs pour le jeu de paume, six bracelets de
(1) Le Musée de Troyes contient les six tableaux du règne de Clovis. Cinq d'entre eux ont été conservés à la Préfecture jusqu'aux événements de 1870. L'un d'eux porte évidemment à tort la désignation de siège d'Arles; peut-être s'agit-il du siège d'Avignon, où figura Clovis? Le Musée renferme aussi deux tableaux des Aventures de Télémaque. Ces toiles sont entourées des cadres uniformes qui devaient les garnir à La Chapelle.
(2) Sur la table triangulaire ou de tri, voir l' Art du menuisier en meubles, par BOUEO, 1772, p. 717, planche 257.
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cuir pour jouer au ballon, deux pompes en fer-blanc pour enfler les ballons, et un jeu de Siam complet.
Sans doute aussi on faisait de la musique dans cette salle, où l'on pouvait transporter un clavecin à ravalement, monté sur un pied de bois sculpté et doré. Dans un cabinet voisin de la chambre du maître du château se trouvaient 89 volumes de musique, dont 5 étaient reliés en maroquin rouge, 60 en basane et 24 « en vert. » Il y avait en outre 260 cahiers de musique non reliés.
Lorsque les froids de l'automne rendaient le séjour de la galerie moins agréable, on se réfugiait dans un petit salon qui y était attenant. Un lustre de cuivre argenté à six bobèches, garni de cristaux de Bohême, l'éclairait, ainsi que deux bras dorés en or moulu fixés aux deux côtés de la cheminée. Le meuble était recouvert de damas à trois couleurs, cramoisi, vert et blanc. Pour se préserver de l'ardeur du feu, on plaçait devant le foyer, garni de chenets en fer à trois pommes, « un écran en bois sculpté et doré, garni d'un côté en tapisserie soie et or, de l'autre en damas cramoisi. » Les tableaux dont Natoire avait orné ce salon intime témoignaient de la facilité des moeurs du XVIIIe siècle. Au-dessus des portes, dans des médaillons ovales, il avait représenté Danaé et Ganymède. L'enlèvement d'Europe remplissait un des panneaux. En retraçant l'image des faiblesses de Jupiter, on faisait pour ainsi dire l'apothéose des faiblesses du roi.
III.
Près des appartements de réception se trouvaient, au rezde-chaussée, les chambres des maîtres de la maison. La chambre de Paul-Esprit de Boullongne est tendue de moire sur fil rayée bleu et blanc. Le ciel de lit à la Turque, est garni de clamas bleu; les fauteuils, recouverts de même, sont peints en bleu. Les dessus de porte sont remplis par du taf-
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fêtas bleu. A côté de cette chambre bleue se trouve un cabinet de travail où sont réunis les nombreux cahiers de musique dont nous avons parlé.
Les Boullongne préféraient sans doute la musique à la lecture. Leurs livres étaient relégués dans l'armoire d'une chambre à coucher, située à un étage supérieur. Ils étaient tous modernes, reliés en basane, et leur ensemble formait un choix assez complet des bons ouvrages édités au dernier siècle.
Toutes les ressources du confortable étaient connues et appliquées à cette époque. Près des chambres se trouve une salle de bain, où la baignoire est incrustée dans des carreaux de faïence, et qui communique avec un boudoir garni d'une ottomane et de meubles couverts en toile (1).
La chambre de la douairière de Boullongne était une des plus belles du château. Ce n'étaient pas cependant les deux commodes à la régence, les tables anglaises en bois d'acajou, ni la table en chiffonnière à trois tiroirs, qui en faisaient le principal ornement. Dans un panneau était placé le portrait de son père, le garde des sceaux Feydeau de Brou (2). A droite et à gauche de l'alcôve, au-dessus de portes dont les panneaux étaient garnis de glaces, se trouvaient, dans des cadres de bois sculpté peint en gris-blanc, des toiles peintes par Drouet représentant les attributs de la musique et de la peinture. On admirait surtout, au-dessus des autres portes, deux des meilleures productions du pinceau de Natoire ; l'une, que l'inventaire révolutionnaire désigne ainsi : Jupiter enlevant la femme Yo; l'autre, où le peintre avait retracé, d'une manière brillante, les amours de
(1) Un Moulin, situé près du château, faisait monter l'eau dans les appartements.
(2) Feydeau de Brou, dont la fille avait épousé Nicolas de Boullongne, fut garde des sceaux en 1762, à l'âge de 80 ans. Il fut remplacé, l'année suivante, par le père du fameux Maupeou. Journal ' de Barbier, t. VIII, p. 57 et 107.
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Léda (1). Singuliers sujets de tableau pour orner l'appartement d'une douairière.
Il y avait d'autres chambres à coucher au rez-dechaussée. Leur décoration était moins riche. Elles étaient, pour la plupart, tendues en indienne, soit à colonnes, soit à pavots rouges. L'une d'entre elles est garnie d'étoffes brodées en laine et en soie. Une salle, renfermant entre autres quatre commodes à la régence et sept encoignures, paraît avoir servi de çarde-meublcs.
IV.
Les appartements destinés aux hôtes étaient au premier étage. Ils avaient reçu des personnages illustres ; ils en avaient conservé les noms. Outre la chambre de l'évoque de Troyes, on montrait avec orgueil aux étrangers la chambre du cardinal, la chambre du roi et la chambre de la reine.
Un vaste vestibule, de forme ovale, les précédait. Il était tendu de toile tontisse à fond blanc, sur lequel se détachaient des bouquets verts, et décoré de neuf tableaux sur toile, où étaient représentés des attributs de musique et de jardinage. Dans une des parois de cette salle, s'ouvrait une vaste armoire, qui primitivement avait servi de chapelle; à l'époque de la Révolution, elle était remplie de tableaux et de gravures. C'était, dit-on, une collection de chefs-d'oeuvre, parmi lesquels se trouvaient plusieurs toiles estimables de Louis Boullongne, et deux ravissants petits tableaux de Watteau, qui sont conservés au Musée de Troyes (2).
(1) Il faut lire, dans l'Introduction à la Notice sur les collections du Musée de Troyes, par M. J. GRÉAU, les aventures de ce tableau, qui,après avoir été vendu 5 (r. par les domaines en 1849, a fait partie de la galerie de lord Hertford.
(2; On trouvera l'énuméiation de ces tableaux dans le Procrsverbal de l'Assemblée du déparlement en 1793, p. 83, et dans l'Introduction à la Notice sur les collections du Musée de Troyes.
T. XL. 2
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De nombreux meubles étaient réunis dans cette salle. Outre un canapé et sept fauteuils garnis de tapisseries diverses, il s'y trouvait un canapé et huit fauteuils en bois doré, « couverts de moire jaune, ornés de cartouches de tapisserie soie et or, représentant les Cris de Paris.» Les cartouches de quatre de ces fauteuils étaient faits avec des bourses à jetons brodées en soie et en argent. Ces meubles, qui avaient conservé une réelle valeur, puisqu'ils furent vendus 1,420 I. sous la Terreur, avaient dû faire partie de l'ameublement d'une autre pièce, car on trouve dans l'armoire d'une chambre à coucher trois morceaux de tapisserie de moire jaune, encadrés de velours vert et décorés de cartouches représentant également les Cris de Paris.
L'appartement de l'évêque de Troyes ouvrait sur le vestibule. Le château de La Chapelle était une étape heureusement située pour les évoques de cette ville dans les fréquents voyages qu'ils faisaient à Paris. Leur chambre était meublée sans luxe. Le lit, garni de damas bleu, est entouré de rideaux de soie de même couleur. Les fauteuils en bois sculpté sont couverts en tapisserie. Une bergère, à rondin et à coussin de plume, est garnie d'une indienne à grands ramages et à perroquets. La chambre de l'évêque communiquait avec une autre chambre tendue en damas vert, et avec des chambres de domestiques.
La chambre du cardinal avait été plus richement décorée. Elle était éclairée par trois fenêtres, et le lit était surmonté d'un baldaquin à impériale en vieux taffetas de Paris sur fil rayé vert et blanc. Au-dessus du trumeau était encadré, dans la boiserie, le portrait du cardinal de Fleury. Il avait été l'ami du père de Philibert Orry, et s'était souvent arrêté à La Chapelle, lorsqu'il se rendait à son abbaye de Larrivour.
Le château de La Chapelle avait aussi été honoré de la visite du roi Louis XV et de la reine Marie Leczinska.
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LE CHATEAU DE LA CHAPELLE-GODEFROY. 19
D'après certains auteurs, elle aurait eu lieu en 1740 (1). Il est certain qu'à cette époque la galerie et les appartements de réception étaient terminés, et que Philibert Orry était en mesure d'offrir au roi et à la reine une hospitalité digne de leur rang. Ce qui est incontestable, c'est que Louis XV, à son retour de Metz, y coucha le 12 novembre 1744, sans avoir sans doute annoncé beaucoup à l'avance son arrivée; car le contrôleur général Orry ne quitta point Paris pour venir le recevoir, et se trouvait aux Tuileries lorsque le roi y descendit dans la soirée du 13 novembre (2).
L'antichambre des appartements du roi et de la reine était tendue de quatre morceaux de tapisserie à grands personnages en laine, soie et or. Au-dessus des portes étaient peints des enfants avec les attributs de la musique et de la peinture. Le portrait de Louis XV enfant était pincé dans un panneau.
Dans la chambre de la reine, au-dessus de la glace de la cheminée, était incrusté dans la boiserie le portrait de Marie Leczinska. Deux petits bras de cheminée à une seule branche accompagnaient la glace. Le lit, les panneaux et les meubles étaient tendus en brocatelle verte et blanche. Les rideaux de l'alcôve étaient en gros de Tours vert, et cachaient une couchette à deux chevets chantournés. Une table à écrin en noyer, une table de toilette en marquetterie, une commode dite à tombeau, un miroir à cadre peint en vert complétaient le mobilier de cette chambre, sans doute un peu suranné à l'époque de la Révolution.
La chambre du roi était plus riche. Le lit dit à la Turque avait six pieds carrés ; il était en bois sculpté et doré, recouvert de housses; l'une de gros de Tours, l'autre de damas bleu et blanc, à franges de soie. Les fauteuils, bergères et cabriolets, également en bois sculpté et doré, étaient garnis
(1) AM. AUFAUVRE. Hist. de Nogent-sur-Seine, p. 312. — J. GRÉAU.
(2) Mémoires du duc de Luynes, t. VI, p. 142.
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du même damas, qui avait été aussi employé pour les rideaux. Une superbe commode à tombeau et à la régence ornait aussi cette chambre, où se trouvaient le portrait de Louis XV, au-dessus de la cheminée, et celui de Louis XIV, au-dessus du trumeau.
D'autres meubles précieux décoraient sans doute cette chambre. L'inventaire de la Révolution n'y fait pas mention de la présence d'une pendule, non plus que dans les autres appartements. Sans doute les propriétaires du château, dans la prévision de la spoliation qui devait les atteindre, avaientils emporté avec eux les objets de valeur d'un transport facile. C'est ce qui arriva au cbâteau de Villacerf, où la comtesse d'Hautefort fit opérer un déménagement presque complet avant de se réfugier en Bavière. A La Chapelle, si la plus grande partie du mobilier avait été laissée, les pendules, les flambeaux et l'argenterie avaient disparu.
Le meuble et les tentures en damas de la chambre du roi devaient dater de 1740, époque à laquelle les étoffes de soie étaient le plus recherchées pour la décoration des appartements particuliers. Le prix qu'elles coûtaient était souvent excessif, et en 1739, une étoffe de Lyon, cramoisi et or, employée dans un des appartements royain à Fontainebleau, valait 400 livres l'aune (1). A La Chapelle, le meuble complet de la chambre du roi, comprenant le lit, les rideaux et les fauteuils, fut mis à prix le 30 nivôse an u, moyennant 1,000 liv.j et adjugé au seizième feu à un marchand fripier de Paris moyennant 1,460 1., qui, payées en assignats, valaient 766 1.
V.
Quel contraste entre la vente aux enchères de l'an u et les magnificences de 1740! Le contraste n'était pas moins
(1) Mém. du duc de Luynes, t. III, p. 78.
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grand, lorsqu'on pénétrait dans l'ancien théâtre et dans ses coulisses.
Le dix-huitième siècle avait eu la passion du théâtre, et surtout du théâtre de société. Les spectacles des petits cabinets du roi, organisés par Mme de Pompadour, avaient eu une réelle célébrité ; ils n'étaient pas sans précédents, ils eurent de nombreux imitateurs. Ces spectacles convenaient à ravir au monde frivole, spirituel et poli qui fréquentait alors les salons. Quoiqu'on se plaignit déjà de la diminution de la gaieté française (I), on cherchait des distractions de tout genre, et comme l'esprit et l'intelligence étaient en honneur, c'était au théâtre que l'on demandait ses divertissements les plus vifs. « On joue la comédie, écrivait-on en 1776, dans toutes les sociétés assez riches pour élever un théâtre et pour se livrer à ce plaisir assez dispendieux (2). »
La salle de comédie de La Chapelle-Godefroy était abandonnée depuis longtemps, lorsque les agents du district de Nogent y pénétrèrent en 1793. Une chaloupe, des gradins, des châssis de fenêtre étaient épars çà et là dans le parterre. Au fond se trouvaient deux loges, garnies d'une tenture de siamoise jaune à losanges. Il y avait aussi deux loges grillées situées sur le théâtre. La scène et la salle, qui dans les jours de représentation étaient tendues de toiles peintes, étaient éclairées par cent quarante bougies placées dans des moules en fer-blanc et à ressort.
Ce n'était pas un simple théâtre de salon avec paravent et rideau. C'était un vrai théâtre avec tous ses accessoires, comprenant entre autres cinquante-neuf grands châssis et treize petits pour décors, vingt et une portes en toile (3), vingt et une pentes d'air, douze rideaux, avec celui d'avant(1)
d'avant(1) des Hommes, 1756, t. U, p. 392.
(2) Aux mânes de Louis XV, Deux-Ponts, 1776, p. 119.
(3) Tout ce matériel fut acheté 310 1., sans doute pour revendre à des entrepreneurs de théâtre.
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scène, et trois rideaux de gaze. Près de la scène était un chauffoir, nous dirions un foyer, et une loge d'acteur. Une pièce voisine, intitulée magasin aux habits de théâtre, renfermait une nombreuse collection de costumes, qui permettent de faire apprécier le luxe et le goût des représentations de ce théâtre de société.
On y jouait surtout l'opéra-comique et la pastorale. Les Boullongne aimaient la musique, et sans doute plus d'une fois ils firent venir, dans leur château, des chanteurs et des musiciens de Paris. Zémire et Azor, de Grétry, y fut représenté, comme l'attestaient trois transparents qui devaient figurer dans le troisième acte de cet opéra. Sans doute aussi les pièces étaient mêlées de choeurs et de ballets. Les danseurs portaient des vestes, des culottes et des bonnets garnis de dentelles de gaze et de paillettes fausses; les danseuses, des mantes à la grecque en taffetas rose, garnies de gaze et de dentelles. Il y avait eu un quadrille de Tirolois, en petits habits de camelot mordoré et gris, et de Tiroloises en jupe et camisole de taffetas de même couleur, portant des tabliers de gaze à fleurs, ornés de rubans, et des coeurs en paillettes, fausses. Dans ces pastorales figuraient des paysans coquets, habillés de serge et de camelot gris, bleu et rouge, galonné de rubans. Puis venaient les premiers rôles et les rôles à caractère ; un marquis, en habit gorge de pigeon, orné de dentelles d'argent et doublé de satin cramoisi ; un jeune premier en costume de salin rayé blanc, vert et jaune, doublé de salin vert ; un Grec, vêtu de taffetas bleu moiré, portant des dentelles à paillettes de faux argent; un Espagnol en veste de camelot rouge, gauffré et galonné d'argent ; un Chinois en grande veste de satin fond brun à fleurs ; une esclave indienne en satin blanc Les valets revêtaient des livrées en drap couleur de rose ou en camelot rouge. Les soldats avaient des baudriers de papier collé sur toile blanche et des armes de fer-blanc. Le Diable, le Sorcier, le Pèlerin jouaient un rôle dans les pastorales. Le premier était vêtu de toile
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noire ; le sorcier était chamarré de rouge et de noir. Les avocats et le maître à écrire n'avaient pas été oubliés ; les avocats avaient laissé, dans le magasin, cinq robes de palais, et le maître à écrire, sa robe et ses culottes de toile noire glacée, qui furent vendues 8 liv. 5 sous.
Peut être y joua-t-on l'opéra et la féerie. Un bateau chinois en cuir gisait dans un coin ; dans un grenier, un palanquin, également chinois, en fer-blanc, avait été oublié. On découvrit aussi, sur les rayons du magasin, un drap de toile de ménage, sur lequel était peinte une Gloire. Voilà ce qui restait de toutes ces fêtes brillantes ; les instruments et les voix depuis longtemps s'étaient tus, les spectateurs comme les acteurs, s'étaient dispersés, et quelques chiffons encore ornés de paillettes de clinquant étaient seuls demeurés pour être disputés aux enchères par des revendeurs ou par des paysans.
VI.
* La chapelle occupait moins de place que le théâtre dans le château. Elle était voisine du magasin des costumes, et renfermait un médiocre tableau d'autel, représentant la SainteFamille (1). Deux cabriolets et deux prie-Dieu de velours d'Utrecht rayé rouge et blanc étaient réservés aux maîtres du château.
Nous n'avons pas parcouru les nombreuses chambres à coucher des étages supérieurs, accompagnées de garde-robes et de chambres de domestiques, qui étaient destinées aux hôtes. On se perdrait dans leur nombre. On se perdrait également dans les lingeries, les garde-meubles, les offices. Comme nous l'avons remarqué déjà, pour les objets d'un transport facile, il reste peu de linge et de vaisselle. Cependant quelques objets de valeur avaient échappé à l'empresse(1)
l'empresse(1) fut vendu 17 1. avec les canons de l'autel.
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ment des emballeurs. Ainsi des tasses à café et à bouillon en porcelaine de Sèvres, un service en porcelaine de Chantilly, trois surtouts en cuivre argenté et à glaces, et « un vase de porcelaine en forme de pot-pourri, monté sur un arbre de cuivre doré orné de figures et de fleurs de porcelaine. »
Il faut citer aussi, parmi les objets d'une valeur artistique réelle, deux caisses à fleurs en cuivre doré, garnies de tableaux et de porcelaine de Saxe, et deux autres petites caisses de forme carrée en porcelaine de Sèvres, ornées chacune de quatre petits tableaux représentant des attributs de jardinage. Ces quatre caisses furent vendues 600 1.
Il restait peu de vins dans les caves. Les meilleurs étaient des vins blancs de Sillery, diverses sortes de Champagne, du vin de Bordeaux de 1778 et de Malaga. Il y avait aussi quelques bouteilles de vin de Toktay et du Rhin. Le vin ordinaire venait de Bergerac.
Les dépendances étaient considérable». L'une d'elles, située au bord de la route, était le tourne-bride, où descendaient les domestiques et les chevaux des visiteurs. Dans les remises se trouvaient une grande calèche doublée de ealmande rouge, munie de stores et de coussins, une petite calèche garnie de velours d'Utrecht jaune, et une voiture à deux roues, connue sous le nom de diable.
Un petit bâtiment, appelé les Archives, ne renfermait que quelques vieux livres sur le jardinage et les fiefs.
VIL
Si plusieurs appartements du château avaient perdu quelques-uns de leurs ornements, les jardins avaient conservé tout leur charme. L'administrateur de l'Aube, qui les visita à la fin de 1792, les comparait à ceux d'Alcinoùs, décrits par Homère. « Partout, s'écriait-il, on y trouve les
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métamorphoses de la nature dans les ouvrages de l'art; mille grâces sauvages unies aux beautés artificielles de nos climats; ici les marais changés en jardins, les eaux mortes et croupissantes en marais vivifiants, des bosquets enchantés où, dans la bêle saison, la nuance foncée des arbres toujours verds, des grottes sombres et délicieuses, des ruines antiques, le doux murmure des eaux disposent l'âme à la méditation et aux pensées sérieuses et profondes ; les situations les plus riantes y sont toujours accompagnées de quelque point de vue moins agréable, et ce sont des ombres qui embellissent le tableau. Enfin, ce ravissant séjour, varié dans ses perspectives plus ou moins gracieuses, forme aux yeux d'un philosophe un parterre dont la diversité des couleurs attache l'âme et la réjouit, et l'on peut dire que tout y est pittoresque. »
Le parc de La Chapelle appartenait au style mixte, à la fois symétrique et pittoresque, qui, après s'être développé en Allemagne au xvin 0 siècle, s'était répandu en Angleterre et en Fra-ice vers la fin du règne de Louis XV. Morfontaine, Monfceaux et Trianon appartenaient à ce style, qui prétendait embellir la nature et non la transformer. A la majesté du grand règne succède l'élégance sans raideur, mais non sans recherche. Les arbres ne sont plus taillés en arcades, en boules, en pyramides, en vases, comme à Marly; les massifs d'arbres ne sont plus enfermés dans des murailles de charmilles'; les parterres de broderie aux dessins contournés et réguliers ne sont plus seuls appelés à réjouir la vue. Si quelques allées droites sont conservées, il en est aussi de sinueuses qui traversent les prairies, les bosquets, les bois. Des perspectives sont ménagées, et chaque détour apporte quelque surprise nouvelle.
On ne se contente pas, eu effet, d'embellir la nature ; on veut pour ainsi dire l'animer. Ainsi, à Trianon, on crée un village d'opéra-comique; à Kew, on multiplie les temples et les fabriques ; à Tzarskoe-Zélo. on élève des obélisques, des
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ruines gothiques, des théâtres. Le jardin de La Chapelle imite de loin ces modèles fameux, et quelquefois les rappelle.
L'orangerie, adossée contre une colline, était en fer à cheval; elle contenait 39 gros orangers. Les archives n'en étaient pas éloignées. Mais le principal ornement des parterres était une rotonde ornée de coquillages, dont un témoin oculaire nous a laissé une description enthousiaste.
« Cette rotonde, dit-il, est formée de huit arcades, dont trois sont percées à jour en face de l'entrée ; le reste du pourtour est massif et divisé en cinq autres arcades pleines, de la hauteur de 12 pieds. Leur construction est d'ordre ionique ; le dessus de chaque pilastre est surmonté d'un vase, ce qui forme huit vases sur le pourtour de la corniche. Le sommet de cette corniche est décoré de gros buccins à bouche rose, qui en garnissent d'une manière très-agréable le pourtour. Dans l'intervalle sont placés quelques morceaux de crasse de verre; au-dessous règne un cordon de gros peignes jaunes et blancs, placés dans le même ordre. Les rosaces sont formées de petits limaçons et de moules communes placés avec beaucoup d'art et de goût. Les pilastres sont garnis, sur les parties latérales, d'une bande d'oreilles de mer, qui, par l'éclat de leur nacre, revêtent les couleurs prismatiques les plus frappantes. Le centre du pilastre est revêtu de moules bleues, de cames rouges et de limaçons, et d'une bande très-large de crasse de verre. Au milieu de chaque arcade massive, on a pratiqué une niche ovale qui renferme un bouquet de madrépores, articulés de madrépores en hérisson,de cristal de roche, de stalactites, agathes polies, de prunes d'améthystes, de corail articulé, de corail rougeâtre, de quelques autres coquilles; enfin, tous ces coquillages, et différents morceaux de toutes couleurs et de toutes les nuances de couleur, réunissent partout l'éclat et la vivacité des reflets. Là, c'est le pourpre de rubis et l'orange de l'hyacinthe ; ici, le bleu du saphir et le verd de l'éme-
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raude, et jamais le prisme n'offrit aux yeux plus de couleurs et de variétés. Nous avons vu, avec la même admiration, deux portiques en forme d'arcs de triomphe, qui conduisent aux bosquets, et qui sont revêtus d'objets unis à peu près dans le même ordre et dans le même goût que ceux de la rotonde (1). »
En pénétrant dans les bosquets, on découvrait des constructions destinées à plaire aux regards ou à les surprendre. Ici, c'était dans une situation champêtre, une chaumière, que l'on appelait la Chaumière du Paysage, tendue d'indienne à ramages et à perroquets. Plus loin, s'élevait une ruine gothique dans le style du seizième siècle (2). Ailleurs, c'était un charmant portique de l'époque de Henri II, qui, pendant longtemps, avait été placé devant le portail de l'église de Nogent-sur-Seine, et que le comte de Boullongne avait fait transporter en 1786 dans son parc, en donnant à la ville une grille en échange. Ce portique, exécuté sur les dessins de Philibert Delorme, était orné des statues de Bacchus enfant, de Diane, de Vénus pudique et de Cérès. Les frises et les bas-reliefs étaient couverts d'allégories relatives à la chasse, qui, d'après la tradition, faisaient allusion à Diane de Poitiers. « La composition, la finesse du travail et la couleur argentée de ce monument, qui rappelait, sous tous les rapports, les ruines antiques, » excitait l'admiration des connaisseurs (3).
(1) Procès-verbal des séances de l'Assemblée du département de l'Aube, 1793, p. 78.
(2) Le.dessin de cette ruine a été publié dans l' Album pittoresque et monumental de l'Aube, par M. AUFAUVRE. M. Aufauvre (p. 116) estime qu'elle est véritablement du XVIe siècle ; plusieurs personnes, au contraire, la croient tout-à-fait moderne.
(3) Ce monument fut transporté plus tard â Paris par les soins d'Alexandre Lenoir, qui l'obtint de M. Andryane, pour figurer au Musée des Petits-Auguslins. Il ne fut jamais restauré. Description historique des monuments... réunis au Musée des monuments fran-
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A l'extrémité d'une large avenue, située au nord, s'élevait un obélisque, sur le socle duquel étaient sculptées les armes des Boullongne, qui portaient : d'argent à la bande de sable, accompagnée de trois lionceaux de Sinople, langues et ongles de gueules, et couronnés d'or à l'antique (1). Cet obélisque, les armes qui l'ornaient, et l'avenue au milieu de laquelle il se dressait, sont. reproduits dans le tableau de Desportes fils, qui ornait la salle à manger et qui se trouve aujourd'hui au Musée de Troyes.
Une pièce d'eau, de forme rectangulaire et d'une superficie de vingt-cinq arpents, se reliait à des canaux alimentés par la petite rivière l'Ardusson. Un large pont en bois, de forme légèrement cintrée, et orné à ses extrémités de mâts surmontés d'oriflammes, conduisait à la ménagerie et à l'église de la paroisse, conslruite par les Boullongne sur le versant d'un coteau. De belles futaies, plantées régulièrement, au milieu desquelles s'abritait la cure, s'étendaient entre le coteau et la rivière (2).
Il y avait, à La Chapelle, une ménagerie comme à Versailles, comme à Kevv; mais cette ménagerie avait des proportions plus modestes. Elle était de forme régulière, et la porte d'entrée était surmontée d'un fronton. La pièce principale de ce petit édifice était une laiterie, de forme ovale, enjolivée de coquillages. Les animaux qui s'y trouvaient, à l'époque de la Révolution, n'étaient ni rares, ni sauvages.
Orry avait commencé à donner au pire du château la gran leur et les ornements qui lui manquaient. Il n'avait reculé devant rien pour en augmenter l'importance, pas
çais, par ALEXANDRE LENOIR, n° 544, p. 241. — Annuaire de l'Aube pour 1810, p. 103.
(1) LA CHESNAYE DES BOIS, t. II, p. 50.
(2) Je dois à M. l'abbé Coffinet la communication d'une gravure intitulée : VUE DE LA CHAPELLE ET MÉNAGEKIE, à La Chapelle, près de Nogent-nur-Seine, à M. de Boulogne, dessiné par Bettini.
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même devant l'abus de son pouvoir. Gresley raconte qu'il fit détourner la route de Troyes à Nogent pour donner à son parc un plus grand air de dignité. «La rouie fut ainsi allongée d'environ deux lieues, dit Grosley, et poussée à travers les meilleures terres de ce climat, en franchissant une montagne très-longue, et que, soit en montant, soit en descendant, les meilleurs chevaux ne peuvent tenir qu'au petit pas (1). »
Orry ne se contenta pas d'augmenter le trajet des voyageurs pour agrandir son \ arc; il inonda ses voisins pour conserver les poissons dont il avait peuplé ses pièces d'eau. Les grillages qu'il avait fait placer à l'entrée de ces pièces d'eau étaient si resserrés, que, dans les moments de crue, le ruisseau de l'Ardusson débordait sur les prés et les champs des habitants de Saint-Aubin. — Même plusieurs fois, disaient les habitants de ce village, l'em est entrée dans quelques maisons et bâlimenis... jusqu'à la hauteur de 2 et 3 pieds.—Deux et trois pieds, c'était peu vraisemblable; mais les inondations étaient fréquenles, et les habitants s'en plaignirent à diverses reprises à l'intendant de Paris. En 1758, l'intendant de P.<ris éta t Berthier de Sauvigny, neveu de Mmo Orry de Fulvy. Malgré les liens de parenté qui l'unissaient à la dame de La Chapelle, Berlhier de Sauvigny fit faire une enquête par le subdélégué de Nogent, et cette enquête fut favorable aux habitants. Elle conclut à l'élargissement des grillages et à la nécessité de faire ouvrir l'un d'eux dans les crues d'eau extraordinaires. Ce fut avec les formes de la plus extrême politesse que l'intendant transmit le résultat de cette enquête àMme de Fulvy : « Je connais trop, lui écrivit-il, vos sentiments de bonté et d'humanité pour ne pas croire que vous serez touchée des n présentations de ces habitants, et qu'en conséquence vous voudrez bien donner des ordres pour faire réformer les grilles de la première pièce d'eau de
(1) Mémoires sur les Troijem célèbres, t. II, p. 260.
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La Chapelle, de façon que l'écoulement des eaux de la rivière d'Ardusson rencontre moins d'obstacles et cesse de produire un inconvénient aussi préjudiciable aux habitants de Saint-Aubin. Je me joins à eux pour vous demander cette grâce, et j'en partagerai la reconnaissance (1). » Il est probable qu'une injonction aussi courtoise resta sans effet, car en 17 89, les habitants de Nogcnt-sur-Seine demandaient qu'il fût fait une loi générale « pour empêcher les débordements occasionnés par l'établissement des grilles, cascades, vannages ou moulins des seigneurs, notamment sur la rivière d'Ardusson (2). »
Si les Boullongne profitèrent des abus de pouvoir des Orry, ils ne paraissent pas en avoir commis eux-mêmes. Ils agrandirent et embellir le parc suivant le goût du jour, de plus en plus épris d'une nature un peu artificielle; leurs grands revenus leur permettaient de le décorer et de l'entretenir avec luxe. Comme Orry, ils y donnèrent des fêtes. Dans les belles soirées de l'été et de l'automne, les parterres étaient illuminés. On suspendait à des panneaux de treillages verts deux cents lanternes de verre, montées en plomb, et des verres de couleur. Des pyramides surmontées de vases étaient aussi disposées pour les illuminations, destinées à charmer les hôtes du château dans les circonstances solennelles.
Ces soirs-là, il est permis de croire que les vassaux des Boullongne y étaient admis. Les Boullongne comprenaient parfois, comme d'autres, que leurs droits seigneuriaux leur imposaient des devoirs. Ils établirent, en 1763, à Nogent, une manufacture de bas au métier qui fut considérée comme très-avantageuse au pays ; ils soutinrent, par leur libéralité,
(1) Archives de l'Aube, C. 2116.
(2) Cahier du Tiers-Etat de la ville de Nogent, article 45. Arch. de l'Aube, B. 18.
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le collège de cette petite ville (1). Ce fut aussi l'un d'eux qui construisit l'église paroissiale et la cure, qui, tout en étant situées de manière à contribuer à l'ornement du paysage, étaient utiles aux habitants, d'ailleurs peu nombreux, de la petite communauté de La Chapelle (2).
VIII.
Lorsque Paul-Esprit de Boullongne fut porté sur la liste des émigrés, les commissaires du district de Nogent vinrent apposer les scellés au château de La Chapelle. Cette opération commença le 6 décembre 1792. Mais la vente du mobilier n'eut lieu que le 23 juillet 1793. Suspendue à diverses reprises, elle fut continuée, sans être achevée, jusqu'au 4 ventôse an II.
L'expédition de cette première vente fut transcrite sur treize cahiers et demi, contenant ensemble 1,360 pages. Le prix des objets vendus atteignit 76,977 1. 15 s., soit environ 38,000 1. en assignats. On avait vendu tout ce que l'on avait pu, même les bancs de marbre du parc et les treillages.
Les glaces, les porcelaines, les lustres n'avaient pas trouvé d'amateurs à cette vente. Sous le régime de la Terreur, les objets de luxe étaient peu recherchés. Ils furent mis de nouveau aux enchères du 11 au 15 thermidor an III (29 juillet au 2 août 1795), et produisirent 102,546 1. Mais l'assignat ne valait plus alors que 8 1. 15 s., et la valeur réelle de la vente n'atteignit pas 9,000 1. Des glaces en trois morceaux se vendirent 11,300 L, qui correspondaient à 988 1.
Quelques jours après, le 24 fructidor an m, le château et
(1) COURTALON, t. III, p. 246. — AUFAUVRE, Hist. de Nogent, p. 202 et 249.
(2) Elle contenait, d'après Courtalon, 27 feus et 70 communiants. Elle est aujourd'hui réunie à la commune de Samt-Aubin.
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ses dépendances, avec le parc, le jardin anglais, la pièce d'eau, les canaux et les avenues, furent mis en vente an prix de 402,300 1. Personne ne se présenta; mais l'adjudication ayant été remise au 4 vendémiaire an IV (26 septembre 1795), les amateurs, cette fois, furent plus nombreux. Le premier d'entre eux, marchand à Nogent, offrit 2 millions. Un vigneron de Villenauxe enchérit de 400,000 1. Cinq nouvelles offres élevèrent l'enchère à 4 millions. L'ardeur des concurrents se ralentit alors, et au douzième feu le château et ses dépendances furent adjugés à Alexis Breton, de Nogent, moyennant 4,112,000 I. L'assignat de 100 I. ne valant plus que 7 1., le prix réel était seulement de 287,840 1.
La ménagerie, le verger et deux prés, renfermant 56 arpents, avaient été vendus précédemment, le 2 prairial an m, moyennant 81,000 1. (10,530 1. assignats) à la citoyenne Marie Benoît. Le tournebride fut cédé pour 8,000 1.
La ferme du château, évaluée 380,325 L, fut adjugée le 5 vendémiaire an iv à Denis Bugnot, de Villenauxe, au prix nominal de 5,000,900 . , valant 350,000 1. Une autre ferme et le moulin furent vendus le 1er thermidor de la même année à J.-B.-Jacques Rousseau, de Paris, moyennant 182,566 I. (1). Cette terme renfermait 399 arpents. (2).
En résumé, le château et le terres de La Chapelle s'étaient vendus environ 840,000 1. et le mobilier 80,000 1. Le parc était mutilé; le château dégarni de ses terres, réduit à une partie du parc, dépouillé de ses objets d'art, n'était plus que l'ombre de lui-même. 11 conserva cependant, pendant de longues années, quelques-uns des aspects qui avaient
(1) Ce prix ne doit pas être réduit en assignats.
(2) Arch. de l'Aube. Actes de ventes des biens nationaux de seconde origine. Ventes du district de Nogent, nos 1853, 1854, 1872 et 1873. Ventes du département, an IV, n° 247.
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fait sa célébrité. Les jardins gardèrent plus longtemps leurs ornements que les appartements. Des contemporains se souviennent d'avoir vu les portiques ornés de coquillages qui excitaient l'enthousiasme des amateurs d'un autre âge. Le château, tout amoindri qu'il est, n'a pas été entièrement détruit; et tout n'a pas disparu de ce qui fut l'orgueil et le charme de ses anciens maîtres, tandis que non loin de là il ne reste plus rien des résidences célèbres des Colbert, à Villacerf, et des Larochefoucauld, à Estissac.
Troyes, le 19 mars 1875.
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RECHERCHES
SUR LA VIE ET L'OEUVRE
DU GRAVEUR TROYEN
PHILIPPE THOMAS SIN
PAR
M. EDMOND BRUWAERT
ATTACHÉ AU MINISTERE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Non lascio il Tommasini del suo sangue alcun successore se non la Fama delle proprie opere. (Vite de Pittori ec. del Cav. Giov. Baglione.)
Le marchand d'estampes parisien, à qui vous demanderiez aujourd'hui une des oeuvres de Philippe Thomassin, hésiterait certainement à vous répondre. Non qu'il n'eût aucun souvenir du nom de cet artiste ; car, après avoir fouillé dans ses plus poudreux cartons, il vous rapporterait une feuille jaunie par le temps, représentant quelque gentilhomme de la cour de Louis XIV; mais il ne vous l'offrirait pas sans un certain doute. Et en effet, il vous suffirait de lui faire remarquer que la signature est précédée du prénom de Simon ou de Henri, tandis que vous vous intéressez seulement à Philippe, un graveur non de l'Ecole française du XVIIe siècle, mais de l'Ecole italienne de la fin du XVIe siècle.
Vous examinez vous-même les collections assemblées sous votre main, et, par bonheur, il vous arrive de rencontrer une
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36 PHILIPPE THOMASSIN.
de ces estampes qui sont l'objet de vos recherches ; il est à croire que le marchand vous la cédera à très-bas prix, si même il ne vous l'abandonne gracieusement, en vous priant, non sans malice, de penser à lui pour vos affaires sérieuses.
Tel est à peu près l'accueil réservé, par ceux mêmes qui devraient le mieux le connaître, à un nom que vous auriez pu croire célèbre. Espérerez-vous rencontrer ailleurs plus de souvenirs et plus de sympathie? A part quelque conservateur de musée qui, par conscience ou par état, a fait passer devant ses yeux d'innombrables productions du burin ; à part aussi de pieux compatriotes qui n'ont pas voulu laisser se perdre la mémoire d'un de leurs concitoyens, combien peu, même parmi les membres actuellement vivants de sa famille, ont jamais eu une pensée pour ce graveur, français et troyen par sa naissance, italien et romain par ses études, qui, il y a trois cents ans bientôt, florissait dans la ville des Papes.
A quelles causes attribuer cet oubli profond? Philippe Thomassin a-t-il laissé une oeuvre à ce point nulle et insignifiante qu'elle ait pu passer inaperçue? Loin de là ; peu de ses contemporains et de ses émules nous ont transmis autant que lui des preuves d'une prodigieuse fécondité. Etait-il donc doué d'un talent à ce point médiocre qu'il n'ait pas mérité l'attention ? Nullement ; tous ceux qui ont parlé de cet artiste ne l'ont fait qu'avec éloge. Il n'est pas plus tombé sous un caprice de la mode qu'il n'a été condamné par sa propre insuffisance. La vérité est que le temps n'a jamais rien épargné; les réputations les mieux fondées disparaissent sous l'action des siècles. Telle est la loi commune à laquelle Thomassin n'a pas échappé. A nous de réunir les matériaux épars et de relever un édifice que d'auters années viendront bientôt, sans doute, faire de nouveau disparaître.
Celui qui bornerait ses désirs à retrouver la série complète des travaux que Philippe Thomassin a signés de son nom, pourrait, avec de la patience, de la sagacité et de la
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peine, arriver promptement à des résultats très-satisfaisants; mais le curieux qui songerait à porter plus loin ses regards, qui s'aviserait d'aller contempler cet artiste en son berceau, de s'attacher à lui durant son existence et de l'accompagner jusqu'à la tombe, ce curieux serait bien moins assuré de voir le succès couronner ses démarches. A cette dislance, la vie privée se défend très-bien des indiscrétions du prochain.
A-t-on jamais connu de Thomassin autre chose que d'insignifiants détails? On pensait qu'il était né à Troyes et on disait qu'il avait dû vivre 70 ans. A cela se bornaient les renseignements et c'étaient ces ressources qu'utilisait un écrivain distingué, de Troyes également, Grosley, qui adorait sa ville natale et n'a jamais manqué une occasion de la célébrer. Dans ses Ephémérides troyennes de 1756, Grosley, parlant de Thomassin : « Il mourut, écrit-il, âgé de 70 ans. La date de sa mort, si elle était connue, donnerait celle de sa naissance. » Pour qui ne se montre pas exigeant en matière de précision, le procédé scientifique ne peut qu'être trouvé fort ingénieux.
Toutefois, la question méritait d'être traitée sérieusement et le problème des origines de notre artiste s'est imposé à tous ceux qui se sont occupés d'art. Des solutions plus ou moins heureuses ont été présentées. Dans leurs nomenclatures biographiques des graveurs,écrites en diverses langues, Malpé, Huber et Rost, Gori Gaudellini, Nagler admettent que Thomassin est né en 1536 peut-être, ou tout au moins en 1546. En même temps, ils nous le montrent, en 1649, beau vieillard de 103 ou même de 113 ans, creusant de son agile burin une planche de dimensions considérables. C'était croire à un talent bien vigoureux. Bazan, un marchand d'estampes parisien, ne voulut point tomber dans cette faute ; et, dans son Dictionnaire des graveurs, il décida que Thomassin avait vu le jour en 1610. Puis, avec une honnête assurance, il s'empresse de citer de lui des oeuvres datées de 1592. C'était croire à un talent bien précoce.
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Il est inutile de rappeler ici tous les écrivains qui sont venus depuis et qui se sont contentés d'additionner les dates extrêmes, de diviser par 2 le total et d'assigner le quotient obtenu pour la date recherchée. L'histoire ne saurait être réduite à une opération d'arithmétique : les deux sciences sont distinctes et leurs méthodes ne doivent pas être confondues. Pour arriver à la vérité, la voie la plus simple était de recourir aux sources, de questionner les actes authentiques dont les réponses, si on les obtenait, vaudraient les plus habiles calculs.
Que Thomassin fût originaire de Troyes, c'est ce qui n'était pas sujet à controverse. Lui-même, avec cette fierté patriotique qui autrefois inspira le cri « Civis romanus sum, » n'oublie jamais dans les circonstances importantes de sa vie de déclarer qu'il est Trecensis. Ce titre, il le place maintes fois à côté de son nom : on peut le lire au bas du portrait du roi Henri IV qu'il exécutait en 1595; dans le texte par lequel il dédiait à ce prince l'ouvrage des grands capitaines, en 1600; sur la pièce célèbre, Chute des Anges rebelles, qui devait être son chef-d'oeuvre. La question de lieu résolue, restait à connaître l'année de la naissance.
En étudiant l'ensemble des travaux de Thomassin, on s'aperçoit bientôt que les premières oeuvres sorties de sa main ne sont pas antérieures à l'année 1585. Manier le burin, le diriger d'une manière ferme et habile, cela ne se fait guère avant que l'on ait quelque 20 ans. Thomassin devait donc être né en 1565; si, d'autre part, vous remarquez qu'il travaillait encore vers 1620 et qu'à moins d'une vigueur toute spéciale, la main commence à trembler, la vue à faiblir entre 60 et 70 ans, vous conclurez que notre artiste avait vu le jour au plus tôt en 1555. Entre cette date et la précédente, rechercher l'acte de naissance, tel était le problème à résoudre à l'aide des actes de l'état civil de Troyes, s'ils existaient.
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La ville de Troyes a eu la bonne fortune de garder, depuis 1524, à l'abri des incendies, des pillages, des révolutions, de tous les dangers en un mot qui menacent les cités populeuses, une foule de précieux et intéressants documents qui constituent de très-riches archives communales. Ce trésor est tenu sous des murs épais, dans une chambre basse aux fenêtres étroites et grillées, à la double porte de fer et de bois, et où, à l'intérieur, il règne une nuit sombre, une humidité pénétrante, un froid glacial. Assurément, le feu aurait peine à dévorer des livres trempés, le larron ne pourrait sortir vivant de ce séjour mortel s'il y pénétrait. Toutefois, il est à craindre qu'à force de protéger ces richesses, on n'arrive à les perdre.
Ce n'est pas dans cette enceinte, heureusement, qu'il vous sera permis d'étudier ces documents. Vous serez installé dans une petite salle ouverte à tous les vents et au public. Pendant que vous feuilletez ces vieux titres de la ville, vous assistez à la confection de son livre d'or contemporain. Bon gré, malgré, vous êtes appelé à juger consciencieusement du sexe des jeunes enfants, à donner gravement à de futurs époux les conseils qu'ils vous demandent en rougissant. Légers inconvénients ou plutôt aimables distractions dont vous auriez tort de vous plaindre, alors que vous êtes l'objet de la plus parfaite obligeance. Avec une entière bienveillance, des pièces de toute nature sont mises à votre disposition.
Le roi François Ier avait, comme on le sait, en août 1539, prescrit au Clergé de tenir régulièrement les actes de l'état religieux. Les paroisses de Troyes s'étaient conformées à ces prescriptions, et ils étaient nombreux les volumes dans lesquels pouvaient être relatés les faits concernant notre graveur. Simon Thomassin, graveur lui aussi et Troyen, descendant notoirement d'orfèvres, la tradition, par analogie, voulait qu'il en fût de même de Philippe. Or, dans toutes les grandes villes, les orfèvres ont eu l'habitude, au moyen âge, de se grouper autour de la principale église, fait d'ailleurs très-
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naturel. A Paris, près Notre-Dame, il y a le quai des Orfèvres. Sous le même nom et habitée par des hommes de cet état, il existait naguères, à Troyes, une rue bordant l'église Saint-Jean. Il était donc prudent de consulter d'abord le « registre des enfantz baptisez en l'église de M. Sainct-Jehan au Marché. » Le hasard est un bon guide. Dès les premières pages apparaissait le nom tant désiré. Sur cette paroisse, en effet, habitait Jehan Thomassin, le père de notre graveur. Nous pouvons un instant nous reporter en arrière, vers l'année 1534. Jehan Thomassin demeurait avec son père, Pierre, au centre même de Troyes, sur la paroisse SaintJacques, contre l'abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains. Ils étaient, dans la ville, les uniques représentants d'une famille pourtant bien féconde. A voir leur isolement au milieu d'une foule où ils semblent se trouver sans amis, sans alliés, leur stricte neutralité dans les troubles qui vont naître avec la réforme, leur éloignement de toute charge publique, on devine qu'ils étaient étrangers et qu'ils avaient à se faire pardonner ce défaut. D'où venaient-ils? Rien ne le révèle. Tenaient-ils de près ou de loin à ce Thomassin, qui, ayant embrassé la carrière des armes, commandait la place de Châlons en 1590 ; qui, par ses retards, compromit cette même année, en septembre, la prise d'assaut de Troyes pour le compte de Henri IV, et qui fut la souche, sans doute, des sieurs de Thomassin portés sur les états nobiliaires de Wassy? Etaientils de la famille du célèbre oratorien Louis Thomassin, encore à naître, il est vrai, mais dont les ancêtres appartenaient à la Bourgogne? Toujours est-il que ce nom de famille se retrouve dans toutes les directions autour de Dijon, qui paraît avoir été le point de départ de ces diverses émigrations.
Quoi qu'il en soit, nos deux Thomassin sont établis à Troyes lorsque, le dimanche de la Saint-Barnabé 1535, le curé de Saint-Jacques annonce en chaire aux fidèles que « Jehan Thomassin, filz de Pierre de cette paroisse, prand
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» (pour femme) Nicole, fille de Nicolas Aubry de Sainct» Jehan. » En concluant le mariage, il avait été convenu que la jeune femme ne serait pas trop éloignée de sa famille : aussi le nouveau ménage vint-il s'installer sans doute rue du Temple, assez près de « l'hostellerie du Doffin, » dans la maison du marchand Chauveau « drappier drappant. » L'union assurément n'était pas des plus brillantes. Le beaupère, qui était « cousturier de son mestier, » avait une nombreuse famille et n'avait pas dû donner grosse dot, si dot il y avait eu. D'ailleurs, Jehan Thomassin aurait été mal venu de rien exiger simple « sceinturier » qu'il était. Mais les deux époux avaient du courage et ils travaillaient. Outre cela, ils s'aimaient.
D'année en année, les enfants se suivent avec la régularité de la moisson qui mûrit, et comme les fruits, ils viennent en août. Y avait-il véritablement plus de vie de famille en ces temps? Se donnait-on moins au dehors? Se consacrait-on davantage aux siens? Il est permis d'en douter, au moins pour ce qui concerne cette partie de la population à laquelle appartenaient les Thomassin. En 1556, par lettres patentes, Henri II fermait les cabarets do Troyes « où par le moyen de » la fréquentation d'iceulx cabarets sont advenus délits et » inconvéniens infinis ; » et le motif en était que « en la» dicte ville de Troyes y a plus de pauvres gens artisans » qu'en ville du royaume, lesquels, après avoir consommé » et bu esdictes tavernes ce qu'ils ont gagné en une sep» maine, sont contraincts de faire banqueroute à leurs » créanciers les uns, les autres délaissent leurs femmes et » leurs enfants mourans de faim. »
La vérité est que la situation économique se prêtait à l'accroissement de la famille. Pour tout homme de métier, l'argent étant rare et les ouvriers fort coûteux, d'autre part les enfants devenant forcément les collaborateurs gratuits de leur père dans ses travaux, la tendance était de se donner
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beaucoup de ces derniers auxiliaires. On avait besoin de bras : on en créait.
Une regrettable lacune de dix années dans les registres de l'église Saint-Jean ne nous permet pas de connaître exactement combien d'aînés précédaient notre artiste. Le dixième de ceux que nous avons pu compter était venu au monde le 25 mars 1561. Dix mois et trois jours plus tard, c'était un mardi, on priait messire Nicole Tartrier, curé de SainctJehan, officiai de l'évêque, de vouloir bien faire procéder au baptême d'un nouvel enfant. Un vicaire, François Pérard (que pour sa belle voix l'on surnommait le Rossignol) s'acquittait de ce devoir, et après la cérémonie, il s'empressait d'inscrire sur le registre de l'année (mil) ve lxj (1561), janvier xxviije jour :
« Dudict jour — Phillippe, filz de Jehan Thomassin et » Nicole sa fme ; p.(arrains) Phillippe Ravault et Jehan » Imbert m.(arraine) Judic Bouillerot. »
Le vicaire se disait en 1561, et il était dans son droit strict puisque depuis 1245, date du départ de Saint-Louis pour la Croisade, l'année finissait avec la semaine sainte. Charles IX n'avait pas encore rendu l'ordonnance qui, parue deux ans plus tard en 1564, ramenait au 1er janvier le commencement légal de l'année nouvelle. Pour nous, qui comptons d'après ce nouveau style, la véritable date du baptême de l'enfant doit être le 28 janvier 1562.
Le Saint Ministère avait été prêté à titre gratuit, ainsi le voulait la transaction intervenue au siècle précédent, entre le curé de Saint-Jean et ses paroissiens, à la suite de grosses difficultés ; et par laquelle il avait été établi que rien ne serait offert à l'église sinon de volonté pure et libérale. Jehan Imbert et Philippe Ravault se montrèrent-ils généreux? C'est probable, du moins pour ce dernier. Jusque-là, en effet, dans le choix des deux parrains indispensables pour le baptême d'un garçon ou des deux marraines nécessaires pour une
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fille, Jehan Thomassin avait eu recours à des parents, à des voisins, tous ouvriers ou petites gens comme lui ; cette fois, il s'était adressé à un homme d'une assez grande fortune, gendre du propriétaire de la maison qu'il occupait, Ravault, dont la fille Louise, alliée aux Pithou par son mariage avec Jehan Bazin, procureur du roi, devait obtenir, par ses libéralités, d'être enterrée devant l'autel Saint-Claude en l'église de la Madeleine. Ravault s'était volontiers rendu au désir de l'honnête artisan, et sur les fonts baptismaux, il avait donné au nouveau-né le prénom de Philippe qu'il portait lui-même, dénomination aristocratique à cette époque, fort peu usitée, on le voit à l'orthographe fantaisiste du vicaire, et somme toute d'assez bon augure. C'est à cela, du reste, que paraissent s'être bornés les rapports entre le parrain et le filleul.
Jehan Thomassin avait désormais un hôte de plus à l'existence duquel il lui fallait pourvoir. C'était une nouvelle charge à ajouter à celles déjà nombreuses qui pesaient sur le pauvre ménage, sans compter celles qui devaient encore survenir. Songez que le budget annuel ne s'élevait pas à plus de 170 à 180 livres de recettes, produit net de la vente de près de 2,000 ceintures à 2 et 3 sols pièce en moyenne. Avec cette faible somme, diminuée déjà de 15 livres par le loyer, il fallait payer le pain, 25 écus au moins à 18 deniers les trois livres les bonnes années, valeur qui tripla l'hiver de 1573 ; les autres subsistances absorbaient une vingtaine d'écus. Le reliquat, de 20 à 30 livres, devait couvrir les dépenses de chauffage, d'éclairage, de vêtements, de maladie, d'impôts. Avec le plus grand ordre on pouvait vivre, mais c'était tout. Il est vrai que, pour augmenter ses ressources, Thomassin, le père, avait au plus tôt mis ses enfants au travail, et déjà « Jehan laisné » âgé de plus de vingt ans, lui rendait d'utiles services.
De plus, les événements si malheureux pour tous dont Troyes allait être le théâtre ne pouvaient qu'être favorables
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à notre artisan. Dans les grandes villes comme Paris, les ceinturiers et les ceinturonniers n'étaient pas confondus : ils appartenaient à deux métiers bien distincts ayant leurs règlements, leurs droits, leurs priviléges respectifs; mais à Troyes, ville de 6,000 hommes pouvant porter les armes, ils ne paraissent pas avoir été ainsi cantonnés. Il en résultait que le même ouvrier faisait, suivant les besoins, la ceinture pour l'habit civil, le ceinturon pour le costume militaire. Or, chacun s'armait dans l'ancienne capitale de la Champagne; la ville se partageait en deux camps; la guerre civile éclatait.
Si des ambitieux ont mis en avant la religion pour dissimuler sous ce prétexte les vrais motifs qui les dirigeaient et pour arriver ainsi plus audacieusement à leur but, c'est ce que nous n'avons pas à examiner : mais telle est l'histoire de toutes les époques.
Charles IX était enfant ; la politique d'équilibre de la reine-mère se traduisait en embarras, en hésitations, en incertitudes. Sous la régence de Catherine de Médicis, le parti catholique des Guise, le parti hérétique des Bourbon avaient pu se constituer fortement. A Troyes, ceux de la religion réformée n'avaient pas été les derniers à profiter de cette liberté. En relations journalières avec Genève où dominait Calvin, avec Paris, avec Poissy où se tenait le colloque; conduits par des hommes graves comme les Pithou, les de Mesgrigny, ils avaient avec succès étendu leur propagande dans la ville, dans les campagnes, jusqu'à Wassy et Vitry où ils avaient fondé des églises. Ils avaient quatre ministres largement rémunérés, tenaient des conférences publiques dans un prêche ouvert rue du Bois, et parmi leurs membres comptaient des artisans aussi bien que « gens ayant hostel » médecins, officiers de robe courte et de robe longue, prêtres même, et jusqu'à l'évêque Carraciol qui se vengeait de s'être vu refuser, à Rome, le chapeau de cardinal. A la cène qui eut lieu le 17 mai 1562, jour de la Pentecôte, de 8 à
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9,000 personnes « communiquèrent » et la communion dura deux jours.
Les catholiques, et à leur tête le bailly, Anne de Vauldrey, le maire Denys Charrois (qui se faisait appeler Denys de Clérey, du lieu d'où il sortait), les échevins et tous ceux dont la réforme menaçait la situation ne pouvaient assister à de tels progrès sans être fortement émus. Aussi, à peine ont-ils appris que, le 1er mars 1562, devant le duc de Guise, à Wassy, ceux de l'Eglise prétendue réformée ont été sans distinction d'âge ou de sexe frappés et massacrés, qu'aussitôt ils s'enhardissent et songent à imiter cette conduite violente. Le mardi de Pâques, 31 mars 1562, ils ajournent l'assemblée générale annuelle pour l'élection des échevins jusqu'à l'arrivée d'un agent du duc de Guise, le sieur d'Esclavolles ; ils se servent de cet émissaire pour faire, au nom du roi, exclure les candidats suspects d'hérésie et pour imposer leurs amis ; à cet intrus ils remettent les clefs, les munitions, l'artillerie, en un mot tout pouvoir sur la ville au mépris de l'autorité du duc de Nevers, François II de Clèves, lieutenant-général et gouverneur du pays de Champagne et de Brie ; ils interdisent au crieur public d'appeler leurs adversaires aux divers services du guet, des patrouilles, de la garde des portes.
A ces procédés hostiles, les calvinistes répondent en s'emparant des postes et des portes de la ville, le dimanche 12 avril ; et le jeudi suivant, ils tentent inutilement l'assaut du cloître Saint-Etienne où d'Esclavolles et les chanoines, ses hôtes, sont barricadés. Le duc de Nevers, à ces nouvelles, accourt dans son gouvernement, fait déposer les armes et, quittant soudain le parti de Condé pour celui des Guise, il abandonne les réformés qu'il avait jusque-là favorisés.
Il avait été téméraire à ceux de la religion nouvelle, à 3 ou 4,000 qu'ils étaient dans l'intérieur des murs, de vouloir commander à une population de plus de 20,000 âmes ;
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ils s'en aperçurent bien cruellement. De ce jour, en effet, jusqu'au 6 avril 1594, date de la soumission de Troyes à Henri IV, il ne se passe pas une année qu'ils n'aient à se plaindre de persécutions, de pillages, de meurtres. On ne leur fait grâce d'aucune occasion : en septembre 1562, c'est à cause de la prise de Bar-sur-Seine par leurs coréligionnaires; en février 1563, il faut venger l'assassinat du duc de Guise devant Orléans ; en mars, nouvelles vengeances lors du passage du corps qu'on conduisait à Joinville. En même temps, le gouvernement de Champagne est donné au jeune duc de Guise, fils du défunt, âgé de 13 ans à peine, sous la tutelle du duc d'Aumale. Alors les violences redoublent ; elles ne s'arrêtent même pas lors du séjour de Charles IX à Troyes (mars-avril 1564).
Philippe Thomassin avait près de six ans lorsque, la bataille de Saint-Denys perdue, le cardinal de Lorraine fit pendre au Marché-au-Blé tous les prisonniers ramassés dans les environs. Des fenêtres même de la maison paternelle, le jeune enfant put voir, le 18 octobre 1569, tomber sous les coups de la populace les 62 soldats, presque tous Troyens, pris au château de Saint-Mards et qu'on ramenait attachés deux à deux à travers la ville. Comme tous ses concitoyens, il courut regarder le ruisseau de sang qui, des prisons, coulait à la rivière le soir du 4 septembre 1572, onze jours après la Saint-Barthélemy de Paris, sept jours après les lettres de pacification du roi.
Ce n'est pas qu'à de tels spectacles un enfant de dix ans pût trouver quelque profit : il avait besoin d'autres enseignements. Ses parents le savaient et ils avaient placé Philippe dans une école. D'établissement gratuit et communal, il n'en existait pas. Les budgets municipaux de cette époque sont en grande partie composés de « despences de bouche et de vin » porté en potz, les dictes despences faictes par les maire et » eschevins en procédant aux affaires de la ville » ou bien « faictes en l'hostel de ville par les convoquez et appelez en
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» l'assemblée générale le mardy des féries de Pasques » pour l'eslection de quatre nouveaux eschevins ; — le jour » de feste de Sainct Barnabé pour l'eslection du maire.» Les cadeaux d'objets mobiliers, de linge, de victuailles surtout, font bonne figure sur ces comptes. L'enseignement public n'apparaît pas, si ce n'est à de rares intervalles. Les bâtiments du collége menacent ruine, alors seulement on consacrera à les réparer quelque argent, le moins possible il est vrai, et après avoir supplié le roi de daigner abandonner ses prisons pour y installer les pensionnaires. Le collége, affermé à des industriels, et à leurs risques, « ne formait aux bonnes lettres que la tendre jeunesse de quelques enfants de maison. » Les familles moins riches devaient s'adresser à des instituteurs plus ou moins ignorants établis aux divers quartiers de la ville, et qui, moyennant une légère rétribution mensuelle, recevaient les enfants qu'ils gardaient beaucoup plus qu'ils ne les instruisaient. Un de ces instituteurs était alors célèbre : maître Edme, qui venait d'être fouetté aux carrefours de la ville pour avoir permis à ses élèves d'apporter à la classe des catéchismes et des livres de prières imprimés en français.
C'est vraisemblablement dans une de ces écoles que fut envoyé Philippe (1). Il apprit à lire, acquit une belle écriture, mais calcula très-peu. Le latin, il ne semble pas l'avoir beaucoup étudié : dans les inscriptions qu'il se faisait rédiger pour les placer ensuite au bas de ses estampes, il lui arrive d'écrire oeques pour eques, collentes pour colentes, romanoe provincie pour provincioe. Les solécismes ne sont pas rares. Copie-t-il une pièce d'hexamètres, il met en re(1)
re(1) il est très-possible que Philippe ait été admis à la maîtrise de l'église Saint-Jean : le projet qu'il conçut d'aller à Rome, le goût exclusif qu'il professa toute sa vie pour les choses pieuses, les relations qu'il entretint de préférence avec des ecclésiastiques, semblent autoriser cette supposition.
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trait les vers de rang pair, croyant avoir affaire à des distiques et ne sachant reconnaître un pentamètre. Le grec, la mythologie, l'histoire, demeurèrent pour lui des mondes à peu près inconnus. En éditant l'Ecole d'Athènes de Raphaël, il commet la faute, qu'on lui a reprochée amèrement depuis, de prendre pour des saints, Platon et Aristote sur le front desquels il place une auréole de sainteté.
Une fois ce peu de connaissances acquises, la première communion faite et la confirmation reçue de la main de l'évêque Claude de Beauffremont, on songea à mettre l'enfant en état de subvenir lui-même à son existence par son travail.
C'est toujours pour les parents un grave problème que celui de savoir quelle carrière ils ouvriront à leurs enfants, et longtemps à l'avance ils s'appliquent à choisir celle qui offre le plus de bien-être ou plutôt le moins de misères. Même à cette époque, il n'était pas chimérique de viser à la fortune et aux honneurs en prenant le travail pour point de départ. Jacques Menisson, le drappier chaussetier qui avait couru les foires avant d'ouvrir boutique à Troyes, n'était-il pas devenu seigneur de Tremilly? et son fils, n'avait-il pas reçu, en 1572, le petit ordre du roi? Les de Marisy, les Largentier, les de La Huproie, qui étaient alors des gens de professions, ne devaient-ils pas bientôt figurer dans les rangs de la noblesse ? Que fallait-il pour cela? Beaucoup travailler. Avec le fruit de ses économies on achetait une charge; du roi, toujours besogneux, on obtenait des lettres qui relevaient de la vie roturière. Thomassin, le père, format-il de ces rêves ambitieux pour son fils? nous l'ignorons ; mais il ne paraît pas avoir fait de grands efforts d'imagination pour lui chercher, au dehors de la famille, un métier moins ingrat et plus rémunérateur. L'aurait-il voulu, du reste, qu'il eût rencontré de grands obstacles. Les corporations n'avaient nullement le désir d'accroître le nombre de leurs membres. Loin de là, elles se concentraient, autant
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qu'elles le pouvaient, en elles-mêmes. Pour n'en citer qu'un exemple, les orfèvres de Troyes obtiendront, trente ans plus tard, que le chiffre des maîtres soit réduit par voie de décès, et ils feront en même temps consacrer le principe de n'admettre pour apprentis que des descendants en ligne directe, à l'exclusion de tout apprenti étranger à la famille. Le droit d'exercer un état est une véritable richesse qui se transmet aux enfants au même titre que les autres biens, meubles et immeubles, et pas plus qu'il n'est appelé à la succession, l'étranger n'est accepté à l'atelier si ce n'est par exception et par faveur. Thomassin le père n'avait pas à hésiter : il était ceinturier ; Philippe devait être ceinturier et il le fut.
On lui apprit à couper le cuir en lames, à le marteler, à l'assouplir, puis à lui donner une teinte variée, suivant le goût du jour. Les ceintures se faisaient aussi d'étoffes plus ou moins riches; il les fallait coudre avec des fils divers, d'or ou de moindre valeur. Devenu plus grand et plus fort, Philippe aborda le travail principal de son art : l'exécution de la boucle. D'un morceau de métal, cuivre ou fer, il fallait tirer tel parti que le placement en fût aussitôt assuré.
Il ne reste pas à Troyes de monument de cette époque qui permette d'apprécier jusqu'à quel point intervenait l'art dans cette question tout industrielle. Quelqu'avantage était-il résulté du contact des artistes italiens qui, au temps de François Ier, étaient venus non-seulement à Fontainebleau, mais à Troyes même où on retrouve leur trace? Sans parler du Primatice que sa qualité d'abbé de Saint-Martinès-Aires a pu amener au siége de son bénéfice, il existait, marié et installé dans la ville, où il mourut, un sculpteur florentin, Dominique Riconnei, qui éleva, en 1563, le tombeau du duc de Guise à Joinville, qui fit pour l'église Saint-Loup, en collaboration de F. Gentil, un Baptême de saint Augustin, oeuvre déclarée admirable par les contemporains. Quelle influence ces talents exercèrent-ils autour d'eux dans un siècle où partout les Beaux-Arts naisT
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saient ou renaissaient? C'est une étude qu'il serait intéressant de faire. Toujours est-il que, dès cette époque, l'orfévrerie troyenne n'est pas sans quelque réputation. Lors du séjour de Charles IX à Troyes, ce fut un orfèvre de la ville qui fut chargé d'exécuter le bijou offert au roi par la municipalité (1). Un mémoire, cité par Mariette, parle d'un saint Eloy d'argent fort remarqué, de la fin du XVIe siècle, oeuvre de Bernard Thomassin, le fils dernier-né de notre nombreuse famille. Du travail des orfèvres aux ouvrages des ceinturiers, il n'y a que la différence du métal. La mode et ses caprices, le luxe et ses fantaisies obligeaient, en Italie comme à Paris, comme à Troyes sans doute, l'ouvrier en boucles à des efforts d'imagination les plus variés : c'était tantôt un chiffre, tantôt un écusson qu'il fallait représenter; ou bien encore une tête de lion ou de sanglier, une fleur, rose ou pensée. Ces pièces, dont on retrouve encore aujourd'hui quelques types, portent bien, par la finesse de l'exécution, la marque du grand art de la Renaissance.
A côté de ce mode d'ouvrer le métal, il y avait les nielles toujours fort recherchées. On creusait un dessin dans la plaque destinée à devenir boucle, et dans les entailles ainsi obtenues on coulait un métal différent. On limait ensuite les bavures ; on polissait, on brunissait la pièce métallique, et, sur un plan uni, apparaissaient par ce moyen de très-heureux effets.
L'apprentissage devait durer quatre ans. Fils de maître, Philippe était dispensé de faire le chef-d'oeuvre traditionnel, et à 18 ans, en 1580, il devenait ouvrier suivant les règlements. Suivant son père, peut-être n'en était-il pas de même : les enfants étaient d'excellents aides qui travaillaient
(1) Le bijou ne fut pas prêt à temps. Le vendredi, 24 mars 1564, on n'en put présenter que le modèle. Ce qui permit au jeune prince de déclarer qu'à vrai dire, il regardait plus au coeur des Troyens qu'au présent qui lui aurait été donné.
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et à qui on se dispensait de donner les 5 ou 6 sols qu'aurait exigés un étranger pour sa journée. Tant que vécut son père, Philippe se résigna.
On sait que la peste qui reparut à Troyes pendant les années 1581, 1582 et 1583, fit, comme en 1575, de terribles ravages dans la ville. Jehan Thomassin fut-il une des victimes du fléau? On peut le croire. A 65 ans, en Champagne, après une existence laborieuse, sans doute, mais réglée, on n'est pas arrivé au terme de la vie. Sur les rôles d'impôts de 1583, ce nom a cessé de figurer.
Philippe qui, quelques années auparavant, avait perdu sa mère, se trouvait donc à 20 ans orphelin. Il ne songea pas tout d'abord à profiter de la liberté qui s'offrait à lui à une époque de la vie où, d'ordinaire, on est avide de la saisir. Sous les ordres de son frère aîné, Jean, qui avait repris l'établissement paternel, il continua quelque temps l'existence qui jusque-là avait été la sienne. C'était bien la même maison, le même toit, la même demeure où il avait reçu le jour et où il avait grandi ; mais le coeur d'une mère, mais l'affection d'un père n'étaient plus là. Philippe se trouva-t-il mal à l'aise au milieu d'une famille, celle de son frère, qui le touchait de près, mais dont il se sentait, après tout, un membre très-secondaire? S'éleva-t-il quelque question d'héritage? quelque contestation de salaire? Un fait certain, c'est qu'un jour Philippe n'hésita plus à mettre à exécution les projets qu'il avait depuis longtemps médités. Il laissa pour jamais, et avec la volonté de ne les plus revoir, ses frères et soeurs aînés ou plus jeunes ; il quitta ce foyer, cette ville qu'il avait seuls connus jusqu'à ce jour ; il leur dit un adieu qui devait être le dernier.
Où ira-t-il? Il le sait bien. Depuis longtemps ses pensées ont devancé ses pas et aujourd'hui elles le dirigent sûrement sur le chemin de l'Italie. Il passe à Châtillon, à Dijon, à Mâcon. Il devait retrouver à Genève un grand nombre de ses compatriotes qui s'y étaient retirés à la suite des troubles
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politiques. Il est bientôt à Sion. Du Simplon, il salue l'Italie où il va rencontrer et la gloire et le tombeau.
Songea-t-il à visiter Venise, comme le faisaient tous ceux qui venaient d'au-delà les monts? C'est probable, d'autant plus que la Reine de l'Adriatique était alors par excellence la ville des faiseurs de boucles, des Fibbiari. Le luxe, dans cette partie si délaissée aujourd'hui du vêtement, était en quelque sorte désordonné. Les boucles des ceinturons et des chaussures atteignaient des dimensions énormes ; faites de métaux précieux, enrichies de pierres fines, elles valaient parfois des sommes considérables. La fureur était telle que les Doges, que les Conseils de la République furent, précisément à cette époque, obligés de porter des règlements pour limiter le diamètre, le poids, la richesse de ces étonnants bijoux. Philippe n'aurait pas été ouvrier complet s'il n'avait étudié, en passant, ces oeuvres vraiment artistiques qui devaient l'intéresser au plus haut point.
Il a 22 ans lorsque nous le retrouvons, à Rome, en 1584. Pour vivre, comme à Troyes, il fait des boucles de ceintures. Mais cet umile mestiere, ce basso esercizio, il allait bientôt l'abandonner. Soit, comme le disent les écrivains d'alors, que la mode des boucles tombât justement à Rome, soit que Thomassin ait été épris, à la vue des chefs-d'oeuvre qui l'entouraient, d'un véritable amour de l'art, il ne tarda pas à aborder la carrière dans laquelle il devait conquérir toute sa célébrité.
Pour cette période de l'existence de Thomassin qui commence à son arrivée à Rome et qui s'arrête à sa mort, il faut recourir aux informations que nous ont laissées les auteurs sérieux qui se sont occupés de l'état des arts et particulièrement de la gravure à la fin du XVIe siècle : en Italie, c'est Baglione, dans sa Vie des Peintres ; c'est le florentin Baldinucci, dans ses ouvrages sur le dessin et sur les premiers graveurs ; c'est Zani, l'homme du monde qui a peut-être le
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plus vu d'estampes ; — en France, Félibien, mais surtout Mariette, dont quelques-unes des notes conservées à la Bibliothèque nationale sont, pour leur naïveté, leur sincérité et leur science, si précieuses à consulter ; — Nagler, enfin, en Allemagne. Mais rien ne nous servira davantage que l'oeuvre même de Thomassin. Cette oeuvre, qui se compose de plus de 350 pièces, est aujourd'hui encore facile à rencontrer dans le commerce à Paris, à Rome principalement, où quelques cuivres ont même été conservés. Nulle part, néanmoins, elle ne se trouve aussi bien réunie, aussi complète qu'au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale.
Ce n'est pas à dire, toutefois, qu'il suffise de se présenter au Département des Estampes pour voir devant ses yeux se dérouler ces trois cent et quelques scènes qu'a tracées le burin de notre artiste. Des recherches sont nécessaires, par suite des différents principes qui ont présidé au classement des gravures. S'agit-il d'une bibliothèque, vous trouvez parfois les volumes rangés d'après leur format ; ailleurs les auteurs se suivront suivant l'ordre de l'alphabet ; plus souvent la matière aura seule servi de base à la classification. Les estampes n'offrent pas moins de difficultés à ceux qui sont chargés de leur attribuer une place définitive. Supposez qu'aux mains d'un conservateur parvienne un seul exemplaire d'une pièce quelconque, prenons le saint François de Paul exécuté par Thomassin d'après le tableau du peintre lorrain Claude Deruet. On pouvait ne considérer en elle que le travail do Thomassin, et par conséquent la placer au volume réservé à cet artiste : dans un musée de gravures, il convient de classer d'après le nom du graveur. D'autre part, on peut avoir l'idée de réunir ensemble les pièces qui reproduisent les oeuvres d'un même peintre : l'artiste qui invente mérite cette faveur; on sacrifie l'artiste qui copie. Dans ce cas, le saint François sera envoyé au carton de Deruet. Mais si on se laisse guider par la pensée qu'il faut fournir aux
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artistes du jour une collection où ils trouveront toutes préparées des études pour les sujets qu'ils ont eux-mêmes à traiter, le classement, d'après l'ordre de la matière, condamnera notre gravure à entrer au portefeuille des saints.
C'est précisément cette dernière voie qu'a suivie cette estampe, l'objet de recherches aussi longues que vaines de la part de l'auteur de la Vie de Claude Deruet. Si l'image avait eu des proportions un peu considérables, elle eût été classée d'après son format « aux grandes pièces. »
Ces diverses règles ont été appliquées, à Paris, à l'oeuvre de Thomassin. Une première partie de celte oeuvre existe encore telle qu'elle avait été réunie en 1666 par l'abbé de Villeloin, M. de Marolles, lorsqu'il s'en dessaisit en faveur du roi; elle compte 146 pièces reliées en un volume au nom de notre artiste. Une seconde partie, aussi importante, forme, dans un portefeuille spécial, ce qu'on appelle « le Supplément non relié. » Enfin, les autres estampes sont éparses çà et là aux oeuvres des peintres, aux collections diverses de la vie du Christ, des saintes familles, des saints, des saintes, des portraits, etc.
Grâce à ces nombreux documents, nous suivons pas à pas la vie de notre Troyen. Par une mesure d'ordre qui n'était peut-être pas exempte de quelque vanité, Thomassin n'a jamais manqué de mettre son nom sur ce qui est sorti de sa main : quand lui-même est le graveur, il écrit franchement Thomassinus fecit ou bien sculpsit et parfois scalpsit. N'est-il qu'éditeur du travail d'autrui, il écrit seulement excudit, expression qu'on traduisait à Paris par « a mis en lumière. » Le mot invenit qu'on lit fréquemment s'applique à celui qui a trouvé la composition et à qui le sujet appartient. Lorsque la planche de cuivre avait été achetée, l'acquéreur le notait en mettant à côté de son nom le terme abrégé quesita. Nous rencontrerons quelquefois cette mention.
Thomassin a en outre daté la plus grande partie de ses
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productions. Sa signature se modifiant à certaines époques, il est possible à ce caractère de le suivre encore en l'absence de date. Enfin, par les dédicaces, les lettres même qu'il place au bas de ses estampes, il nous initie à un grand nombre de ses pensées et de ses préoccupations. Sa filiation artistique est, avant tout, ce que par son oeuvre il nous fait connaître.
On sait comment l'orfèvre florentin Maso Finiguerra voulant, avant de le nieller, se rendre compte du dessin qu'il avait gravé sur une « paix » d'église et qui représentait le couronnement de la Vierge, appliqua sur son oeuvre une feuille de papier humide. Grâce aux scories demeurées dans les tailles, il obtint cette première estampe si précieuse, conservée à la Bibliothèque nationale. C'était en 1460. On sait aussi comment cette voie nouvelle ouverte aux arts, il s'établit deux écoles, l'une à Anvers, qu'illustra le talent d'Albert Durer, l'autre en Italie, dont Marc-Antoine Raimondi, d'abord ceinturier à Bologne, puis ami de Raphaël et interprète de ses oeuvres, fut la plus grande figure.
Si, par la composition et le dessin, l'Ecole italienne s'était trouvée sans contestation au premier rang, elle avait dû reconnaître que l'Ecole flamande, sa rivale, l'emportait par une taille brillante, fine, variée, sans monotonie comme sans sécheresse. Avec Marc-Antoine et ses élèves disparut toute espèce d'art ; il ne resta plus qu'une série de procédés plus ou moins défectueux, une sorte de mécanisme sans progrès et qui attendait pour reprendre son mouvement une forte impulsion des Pays-Bas.
Corneille Cort, venu d'Anvers à Rome en 1565, créa un genre nouveau qui eut des deux écoles les qualités sans en avoir les défauts : sous son burin, les figures vivent et s'animent ; grâce à une manière particulière de croiser les tailles, les objets prennent du ton et de la couleur. A Venise, il avait reçu l'accueil le plus flatteur du Titien, et à
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Rome il avait rencontré de sincères approbateurs. Il mourait en 1578 ; mais il laissait derrière lui une foule d'imitateurs. Augustin Carrache ne s'était pas attaché à d'autre maître ; Chérubin Albert, Aliprando Caprioli, Bernardino Passari, Raphaël Guidi et d'autres allaient jusqu'à ne trouver de perfection que dans l'imitation absolue de ses procédés. Tutti i giovani incisori lo copiavano per istudio. C'est à cette école que Thomassin allait appartenir.
Le jeune ceinturier ne paraît pas avoir brusquement délaissé la boucle pour la planche de cuivre. Quelques estampes parues en 1585 portent des inscriptions qui, évidemment, sont de la main de Thomassin. Telle est la Notre-Dame de Saragosse de Bernardino Passari, tel est le saint Alphonse de Tempesta. Les graveurs de mérite ne perdaient pas leur temps à tracer les inscriptions qui accompagnaient leur travail; ils confiaient cette besogne facile à des ouvriers spéciaux, et c'est par là que Philippe semble avoir débuté dans la carrière : il avait une écriture magnifique, la cursive italienne de la fin du XVIe siècle qui, dégagée des agréments qu'elle comportait alors, est devenue notre écriture courante moderne. Dans son catalogue de 1666, l'abbé de Marolles, qu'on suspecte d'exagération, mais que je n'ai jamais trouvé en défaut, déclare posséder de Thomassin des modèles d'écriture gravés au burin. Philippe ne pouvait, du reste, trouver un moyen plus commode d'entrer en relation avec les nombreux graveurs qui étaient établis à Rome, et on s'explique facilement qu'à la vue des ouvrages qui lui passaient sous les yeux, qu'à la fréquentation de gens habiles dont il pouvait à son aise étudier la manière, doué d'ailleurs, comme il l'était, d'heureuses dispositions, familiarisé depuis longtemps avec les difficultés que présente le travail des métaux, il ait eu l'idée de suivre une voie où la fortune paraissait lui promettre plus de sourires.
Nagler assure, dans son Dictionnaire des Artistes, que Thomassin gravait déjà en 1577, et à l'appui il cite, de cette
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année, une pièce anonyme, selon lui, l'Assomption de Marie dédiée au cardinal Theano. La pièce existe ; mais elle a été mal examinée : elle appartient non à notre artiste, mais à un de ses intimes amis, son maître peut-être ou du moins un de ses meilleurs conseillers, Aliprando Caprioli qui, avant de venir à Rome en 1575, avait été bijoutier à Trente. Dans la dédicace de cette pièce, Aliprando Caprioli, qui signait d'ordinaire avec un simple & grec, ou, comme d'autres le veulent, d'un a et d'un c (ac) liés ensemble, a inscrit ici son nom en toutes lettres.
D'après Nagler encore, M. Corrard de Breban cite de notre Troyen une estampe datée de 1582 : le Baptême du Christ de Martin Fréminet. Or, Martin Fréminet ne partit qu'en 1588 pour l'Italie, où il exécuta un ou deux ans plus tard la toile reproduite par Thomassin en 1592. Il n'y a donc là qu'une de ces erreurs si fréquentes dans les transcriptions de chiffres.
La vérité est que la première oeuvre qui devait nous rester du ceinturier est de l'année 1585 (1). Elle se compose de deux scènes séparées par une colonne et dans lesquelles saint François d'Assises agenouillé reçoit, à gauche un jet de lait du sein de la vierge, à droite Jésus-Christ qui se détache de la croix. On aurait pu choisir son sujet avec plus de goût, on aurait pu le traiter avec moins de raideur : il n'y a d'ailleurs pas de place pour les chairs ; les travaux d'architecture occupent la plus grande partie de l'estampe ; le reste appartient aux draperies. C'est un indiscutable début. Il se vendit pourtant chez Claude Duchet, petit-fils et successeur du célèbre marchand franc-comtois, Antoine Lafrère.
Philippe avait besoin d'étudier les maîtres. Il le fit modestement en abordant la copie, et pour modèle, il prit l'Adoration des Mages que Corneille Cort avait gravée, en 1571,
(1) Cette estampe est très-rare. Elle fait partie de la magnifique collection de l'archiduc Albert, à Vienne.
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d'après Jules Clovis le Croate. Bien que les travaux de cette pièce témoignent d'un burin timide, dépourvu de fermeté, on est surpris, en comparant la copie à l'original, du talent d'imitation qui se révélait chez le jeune apprenti.
La main à peine formée, il s'attaque au portrait, à l'actualité, comme nous dirions aujourd'hui. L'ancien porcher, devenu cardinal de Montalte, et grâce à son indifférence simulée, accepté comme pape par les deux partis qui divisaient le conclave, Sixte V montait à peine sur le trône pontifical que déjà ses qualités le rendaient très-populaire aux Romains. Son portrait se vendait avec avantage. Philippe Thomassin ne perdit pas de temps. D'après une de ces images qui se voyaient partout, il retrace la figure fine et ferme de l'énergique vieillard et il l'entoure de divers ornements architecturaux. Ce cuivre, tout de sa composition, ne lui fit pas peu d'honneur. A peine l'avait-il terminé qu'un éditeur fort connu, Laurent Vaccari, s'empressait de l'acheter et d'en tirer des épreuves qu'il envoyait urbi et orbi.
A ce succès, tout de publicité, il s'en ajouta un autre qui dut être bien sensible au ceinturier d'hier. Il y avait à Rome un dessinateur habile, né et fixé dans la capitale catholique, où il s'occupait exclusivement d'art. Bernardino Passari, ainsi se nommait-il, avait toujours professé une grande admiration pour le talent de Corneille Cort, et de son côté l'artiste flamand avait souvent reproduit au burin les esquisses du dessinateur romain. Passari avait deviné dans Philippe un graveur d'avenir : il l'appelle à lui et le charge de traduire sur le métal une Mort de saint Paul, premier ermite. Le jeune Troyen accepte ; le voilà à l'oeuvre et bientôt il rapporte une planche vraiment fort belle. N'était le soin minutieux qui caractérise ce travail, il serait difficile à qui ne verrait pa3 la signature, de reconnaître autre chose qu'une oeuvre de Corneille Cort lui-même. Pour d'autres estampes, du reste, l'erreur a été commise. Les plus habiles s'y sont trompés : il est arrivé à des connaisseurs indiscutés, à de fins critiques
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tels que Mariette et Zani, d'attribuer au maître, faute de nom, des oeuvres de notre artiste.
Sans nul doute, Passari qui avait présentes à la mémoire les leçons de l'illustre Hollandais, n'avait pas manqué de révéler à Philippe, par des conseils et par des exemples, une méthode que celui-ci, avec une rare facilité d'assimilation, s'était empressé d'appliquer en se l'appropriant. Malheureusement, Passari mourut cette année et Thomassin perdit en lui un guide sûr et éclairé qui l'eût maintenu dans la bonne voie où il s'était, dès le début, engagé.
Il est si commode d'abandonner les principes lorsque l'intérêt vient à parler et que pas une voix ne s'élève pour vous rappeler à l'amour de l'art. On le vit en 1586. Tempesta, graveur actif s'il en fût jamais, avait entrepris de publier en estampes une Vie de saint Bernard de Clairvaux. Pour l'aider dans cette oeuvre de 56 pièces, il avait fait appel à plusieurs camarades d'atelier et entr'autres à Thomassin. Filippo Francese (1), ou Philippe le Français, comme on l'appelait à Rome, se chargea de deux planches; mais fort mal payé de cette besogne, il oublia de la soigner. En peu de temps il livrait un travail non pas imparfait, mais assurément moins digne du talent dont il avait déjà donné des preuves. Il se relevait bientôt, il est vrai, par des oeuvres de mérite, une sainte Catherine de Sienne, un Christ aux limbes, un saint Michel, pièces aussitôt vendues que terminées. En même temps, le grand maître de Malte lui confiait l'exécution de portraits et de gravures destinés à orner le règlement nouvellement imprimé de l'ordre : le jeune Troyen se tirait fort bien de cette épreuve de longue haleine.
Déjà, Thomassin se montrait ce qu'il devait être foute sa vie, un travailleur des plus laborieux et des plus agiles. Dans
(1) Acceptant ce nouveau nom, Thomassin a souvent signé en latin Philippus Gallus. Signature qu'on a parfois confondue, à tort, avec celle de Philippus Galleus, un graveur d'Anvers.
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une même année, en 1588, il exécutait près de dix grandes pièces, parmi lesquelles on ne peut citer sans éloges une Annonciation d'après Baroche, un saint Etienne d'après Passari, et surtout un chemin de Damas où l'auteur, Tempesta, semble avoir multiplié les difficultés. Ces estampes étaient dédiées par les éditeurs aux plus hauts personnages ; les deux dernières même étaient agréées par l'ambassadeur de France, M. de Vivonne.
En 1589, après l'assassinat de Henri III, la noblesse française envoyait auprès de Sixte V un nouveau représentant, François de Luxembourg. Thomassin, saisissant l'occasion, présentait lui-même au prince un Christ au tombeau fort remarquable. Il était heureux de donner cette marque de respectueux hommage au duc de Piney, baron de Pougy, son compatriote, qu'il avait eu maintes fois occasion de voir à Troyes ; il faut le dire aussi, sa démarche n'était pas tout-àfait désintéressée. En instance auprès de l'Administration pontificale pour obtenir la permission d'ouvrir un magasin de vente, Philippe se cherchait un appui : grâce à ce protecteur, son voeu fut aussitôt exaucé.
Thomassin, en effet, avait dépassé 27 ans, et après s'être jusque-là donné beaucoup de peine, il ne se trouvait pas beaucoup plus riche. Cette fortune qui lui échappait sans cesse, il résolut de l'atteindre par une voie nouvelle : celle que lui offrait le commerce. N'ayant à sa disposition que son talent, il lui fallait trouver des ressources qui lui permissent de pourvoir à une première installation. Il rencontra pour bailleur de fonds, mieux que cela pour associé, un Français du nom de Jean Turpin, homme d'assez peu d'esprit mais d'une grande fatuité, n'entendant rien aux arts ni au latin, mais se croyant plus qu'artiste parce que de ses écus il soldait les planches de cuivre dont sa boutique s'enrichissait.
L'ignorance absolue de ce financier n'est pas contestable.
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Comment est-il arrivé que, par des auteurs très-sérieux, Turpin ait été traité de graveur et que, sous son nom, aient été classées quelques pièces de valeur? Il y a là une erreur que n'avait pas commise Mariette, qui n'a pas été davantage admise par la Collection Albertine de Vienne. Avant comme après son association avec Thomassin, Turpin ne nous a rien laissé qui lui fût personnel.
Mariette a émis l'opinion que notre Johannes Turpinus Gallus était peut-être le Johannes Gallus, graveur sur bois, dont on trouve quelques clairs-obscurs publiés d'après Marc de Sienne, à la date de 1578. Comment alors expliquer qu'entre l'année 1578 et l'année 1600, période durant laquelle Turpin nous apparaît plein de vie et de vigueur, il n'ait songé à rien publier d'analogue? D'ailleurs, l'associé de Thomassin semble avoir toujours insisté pour que ce nom de Turpin, auquel il tenait beaucoup, fût toujours inscrit en entier sur les oeuvres de l'association, et sauf une seule fois, jamais il n'a été dérogé à cette règle. Or, à quoi bon cette prescription, si déjà dans les arts Turpin s'était acquis une réputation sous le nom de Jean le Français? N'est-ce pas précisément pour ne pas être confondu avec cet homonyme qu'il demandait l'adjonction de son nom de famille, contrairement aux habitudes romaines? Il ne voulait pas être, et il ne l'était pas, le graveur sur bois de 1578. Est-il davantage le graveur au burin de 1589 à 1599?
Il suffit de regarder les pièces attribuées à Turpin pour s'apercevoir qu'il ne savait ni graver, ni même effacer un nom sur une planche de cuivre. Il ignorait jusqu'à l'usage du tas d'acier : sans rebattre le métal sur cette sorte d'enclume, à l'aide d'un simple brunissoir, il tâchait de faire disparaître le mot qui le gênait, et par-dessus ce travail grossièrement fait, il notait ce qui lui plaisait. Bien lui en a pris, car aujourd'hui il est permis de lire sous son nom, qu'il a inscrit, celui de Thomassin dont il a tenté d'usurper la place. Quelquefois même, cette substitution opérée, il n'a pas su
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qu'il fallait effacer le mot pluriel de socii accolé à la suite des deux noms, et par cette expression Joh. Turpinus socii excud. qu'il laisse subsister, il se met en flagrant délit de mensonge. Sous le prétexte que le Troyen lui avait cédé ses planches, Turpin n'a pas hésité à se déclarer lui-même l'auteur du travail : il confondait la propriété du métal avec la propriété artistique. C'est à nous qu'il convient de juger de la supercherie et de rendre à Thomassin ce qui lui a été injustement enlevé. On peut donc affirmer que Turpin n'existe pas comme graveur, et que, de plus, les oeuvres signées de son nom appartiennent à Thomassin.
Ces substitutions ne s'accomplirent, d'ailleurs, qu'après la rupture de la société ; mais en 1589, au début, les choses n'en étaient pas à ce point. Chacun s'appliquait à procurer au commerce entrepris le plus de ressources possibles. L'ami de Thomassin, Aliprando Caprioli, dont nous avons déjà parlé, avait conservé de ses premiers temps quelques études qu'il avait faites d'après les maîtres de l'Ecole vénitienne, les deux Zucchero principalement. Il se défit volontiers de ces essais en faveur de son camarade et contre paiement, selon toute vraisemblance. A ce premier fonds s'ajoutèrent d'autres acquisitions. Philippe apportait, de son côté, quelques pièces qu'il n'avait pas voulu céder à des marchands et qu'il avait éditées lui-même. De plus, il se mettait vigoureusement au travail. Par une heureuse fortune, son burin allait avoir à s'exercer sur une oeuvre entièrement nouvelle.
Un Parisien dont tout le monde a pu voir le buste au Musée des sculptures de la Renaissance au Louvre, dont tout le monde a contemplé au moins une fois les fresques à la voûte de la chapelle du château, à Fontainebleau, Martin Fréminet était, à 22 ans, venu compléter ses études à Rome. Désireux de se faire connaître du public, il s'adressait à Thomassin, l'unique Français qui fut alors en état de comprendre et d'interpréter ses ouvrages. Au fur et à mesure qu'il les ache-
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vait, il lui faisait reproduire une Sainte Famille, une Annonciation, une Flagellation, un saint Sébastien, le Baptême de Jésus, pièces dans lesquelles le jeune peintre montrait déjà le goût très-vif qu'il professait, non sans quelque exagération, pour la manière de Michel-Ange.
Graver sous la direction d'un dessinateur habile est assurément la meilleure méthode pour arriver à bien faire. Aussi s'accorde-t-on à reconnaître que la période de 1589 à 1593 est celle où Thomassin a produit le plus d'oeuvres de tous points dignes d'éloges. Citons encore la sainte Marguerite de Raphaël, dont le tableau original est au Louvre ; la Fuite en Egypte de Ventura Salimbeni, une des pièces le plus reusement traitées ; enfin, les Noces de Cana de Denys Calvaert qui, le nom de Thomassin oblitéré, furent attribuées à Corneille Cort.
Jusqu'alors, s'il était arrivé à notre artiste de copier le travail d'autrui, il ne l'avait fait que dans le but de s'instruire sûrement à l'aide d'excellents modèles : aujourd'hui il revient à la copie, mais, cette fois, par spéculation. Les pièces à succès ne lui échappent pas, il s'en empare aussitôt et s'en approprie les bénéfices. On connaît les débuts de MarcAntoine Raimondi et on sait dans quelle fureur entra Albert Durer, lorsqu'il se vit copié au point de ne pouvoir se reconnaître lui-même. Depuis ce temps, les graveurs prenaient leurs mesures contre ces ennemis de leurs gains : ils demandaient et obtenaient pour leurs gravures des priviléges de plusieurs années. Thomassin n'a jamais manqué de réclamer cette garantie pour son propre compte ; mais vis-à-vis de ses confrères, il perdait tout scrupule, surtout s'ils demeuraient au loin, aux Pays-Bas, comme les Galle, les Collaert et les Van Aach : il imitait alors son modèle avec une perfection extrême. Inscrivait-il son nom, il avait soin de ne le mettre que comme éditeur pour demeurer à l'abri de toute difficulté.
Il reproduisit de la sorte, en 1593, une Passion du Christ
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en 20 pièces, de Collaert d'après Stradan, puis une Visitation de Baroche. Ces tentatives, timides d'abord, devinrent bientôt pour lui une véritable industrie, industrie commode puisqu'elle le dispensait de chercher des effets, d'inventer des travaux nouveaux et qu'elle lui fournissait une besogne toute faite ; mais surtout industrie lucrative, puisqu'en ne choisissant, que des sujets en vogue, il n'y avait plus aucun risque à courir pour l'écoulement des produits.
Bien que, tout adonné à son art, le ceinturier de Troyes ne semble pas avoir conservé de relations avec sa ville natale, il n'avait eu garde toutefois de laisser s'effacer les impressions politiques qu'il y avait reçues dans son enfance. Comme ses concitoyens, il s'était montré toujours et partout très-catholique et très-romain ; en même temps qu'eux, il s'était déclaré « Guisart » selon le terme usité alors. A la fin de 1587, il avait gravé une pièce politique (1) dans laquelle quatre personnages échangent, en vers latins, une conversation avec Jésus en croix. Le cardinal de Joyeuse (alors protecteur des Français à Rome) demande la paix avec instance ; Sixte V exprime la crainte que son troupeau de France ne soit ravagé par le loup furieux (traduisez : Henri de Bourbon et de Navarre) ; Henri III reçoit une sorte de blâme pour avoir combattu la religion sous prétexte de la défendre ; mais, les honneurs sont pour le quatrième interlocuteur, Henri de Guise, le second Balafré qui déclare combattre d'un coeur léger (lubens) les ennemis de l'Eglise et à qui Jésus promet, pour lui, une prompte victoire, pour ses adversaires, une prochaine confusion. En 1595, nouvelle oeuvre de parti : c'est un magnifique portrait équestre du duc de Mercoeur, dernier héros de la résistance, en Bretagne, contre le roi « recatholiqué. » La tête, exécutée d'après une estampe de Thomas de Leu, ne le cède pour la finesse d'exé(1)
d'exé(1) très-rare conservée au Palais Impérial, à Vienne.
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cution, pour la beauté du travail à aucune des autres planches de Thomassin. De plus, notre ligueur y ajoutait ce quatrain :
Si le preus Godeffroy (prime honneur de ta race) Par ses faitz valleureus, louange ha mérité Toy des vaillants guerriers de ce temps l'oultrepasse Tu seras admirable à la Postérité.
Malheureusement, Mercoeur se convertit et on sait quel poids d'argent il fallut pour faire trébucher ses convictions. La ville de Troyes s'était également rendue. A son tour, Thomassin capitula : il reconnut le gouvernement du roi Henri IV en faisant du monarque très-chrétien et invincible un portrait inférieur au précédent, sous cette rubrique flatteuse renouvelée d'Horace : Etiamsi fractus illabatur orbis impavidum ferient ruinoe. Au bas de l'image, il se dévoue au prince « Ac semet Ipsum dicat, » écrit-il. Cette profession, il la renouvellera à l'occasion, mais quelques années plus tard.
Car ce n'était pas tous les jours qu'il songeait à la politique de son pays; sa plus grave, son unique occupation était de ne perdre aucun moment à des questions oiseuses et d'employer tout son temps à ses travaux. Et avec d'autant plus de raison que, sa réputation solidement établie maintenant, il recevait de nombreuses commandes de gravures, destinées à rappeler des événements mémorables. En 1596, à l'occasion de la translation à Todi des cendres des saints, patrons de la ville, deux estampes lui sont demandées. Le travail entrepris, Thomassin songea à n'en pas faire profiter l'association, mais seulement son compte particulier. Aussi, pour ne pas s'exposer aux reproches de Turpin, il ne voulut pas signer ostensiblement, et se servit pour la première fois du monogramme PTS. F.
Turpin méritait sans doute ce mauvais tour et cet autre qui lui fut joué bientôt après. Ne sachant même pas tenir un burin, il avait souvent la fantaisie de dédier des estampes; et, il y ajoutait cette manie d'exiger que son nom seul figurât
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sur la gravure pour donner à croire, conformément à ses dires, qu'il l'avait lui-même exécutée. Thomassin accédait volontiers au caprice de son associé. Une fois pourtant, ayant accepté de graver dans ces conditions la mort du bienheureux Philippe Benizzi de Florence, il n'y mit pas sa signature, mais il y plaça sa propre personne. Sur l'estampe, au milieu de tous les moines, ce personnage à gauche, le deuxième, le seul qui soit revêtu du costume civil de la fin du XVIe siècle, est le portrait de Thomassin, selon toute apparence. Cet homme à la taille élancée, élégante même, au menton entouré de barbe, à la chevelure tournée en boucles, au nez fortement aquilin, au regard vif, au front intelligent, se retrouve plusieurs fois encore (1) dans l'oeuvre du graveur. On sait qu'il était assez de mode, parmi les artistes de cette époque, de se mettre eux-mêmes en scène. Raphaël avait de la sorte laissé plusieurs de ses portraits; en ce temps même, Goltzius produisait très-volontiers sa figure, fort belle d'ailleurs ; de nos jours, nous voyons MM. Baudry et Garnier apparaître au milieu des dieux et des déesses de l'Olympe. Cette vanité s'explique et même elle se pardonne ; et, il faut d'autant plus être indulgent envers notre Troyen, que nulle part ailleurs il ne nous est resté de sa physionomie et de ses traits la moindre esquisse.
Faut-il exprimer un regret au sujet de ces années si entièrement absorbées par le travail? Faut-il blâmer notre artiste de s'être trop souvent laissé dominer par la question du nombre et d'avoir quelquefois perdu de vue le point plus important de la qualité? Ce reproche ne peut sans doute s'appliquer à la Sainte-Famille de François Vanni, au chemin de Damas de Sébastien Vranx, à l'Apologie des BeauxArts de Spranger. Mais, pour quelques oeuvres vraiment bonnes, combien d'autres nous révèlent l'homme pressé de
(1) Voir la Résurrection du fils de la veuve ; les OEuvres de la Miséricorde ; le Saint Etienne, de Pomérance ; le Triomphe du Printemps.
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passer à de nouvelles planches, le marchand inquiet du produit de son magasin !
Tous les biographes se sont, après Grosley, accordés à reconnaître que le chef-d'oeuvre de Thomassin a paru en l'année 1600, et qu'il consiste en un recueil de portraits de souverains illustres. Certains ont assuré que cette galerie était accompagnée d'un texte en latin. D'autres ont ajouté à cette première série une nouvelle suite de portraits de monarques et de capitaines du XVIe siècle. Enfin, plusieurs éditions de ce travail auraient été données. Le malheur veut qu'aucune de ces assertions ne soit exacte.
La vérité est qu'Aliprando Caprioli avait gravé une assez belle collection de portraits d'une centaine d'hommes illustres ; que, pour ces figures, il avait fait rédiger en italien des notices rappelant les hauts faits de chacun de ces personnages, et qu'il avait enfin fait imprimer le tout en 1596. Cette première édition a dû se vendre fort peu, car elle est devenue aujourd'hui introuvable. Comment en aurait-il été autrement? Caprioli, installé en chambre, s'était fait illusion en croyant que l'acquéreur viendrait jusque chez lui rechercher son histoire. Quand il vit que le débit sur lequel il avait compté ne répondait pas à ses espérances, il s'adressa à son ami Thomassin, chez lequel nous l'avons déjà vu écoulant un grand nombre de cuivres non placés. L'offre fut agréée et il n'y eut qu'à modifier le frontispice du livre. A l'ancienne inscription, qu'on effaça fort mal, on en substitua une nouvelle, et sous cette forme, les Ritratti di cento capitani
Intagliati da Aliprando Caprioli et dati in luce da Filippo Thomassino et Glovan Turplno parurent le 12 mars 1600.
N'oublions pas que nous sommes dans la grande année du Jubilé et que près de trois millions de visiteurs, dont 300,000 Français, vont se presser dans la ville sainte. D'autres graveurs, Villamena, Tempesta, avaient eu l'ingénieuse pensée de dresser des cartes de Rome et d'offrir aux pèlerins ces plans, ces « guides » aux basiliques dont la vi-
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site était de rigueur pour gagner les indulgences. Comme ses confrères, Thomassin chercha à tirer parti des étrangers en faveur de son livre, et pour lui assurer au moins l'attention de ses compatriotes, il y intercala une feuille aux armes de France et de Navarre, sur laquelle il professait en latin de ses sentiments inviolés et inviolables envers l'invincible monarque. Il priait Henri IV, Lux et Decus regnantium, d'avoir un regard favorable et bienveillant pour ce livre édité par un Troyen ; et, à la fin, in caudà venenum, il priait le roi d'empêcher qu'on n'en fît des contrefaçons, et clypeo potentiae tuce de fende.
L'ouvrage, soit succès de la dédicace, soit pour sa valeur même, se vendit en très-grand nombre, et aujourd'hui encore presque toutes les bibliothèques importantes en possèdent un exemplaire. Qu'il y ait eu diverses éditions, on n'en retrouve pas trace. Seulement, en 1635, les cuivres usés qui étaient venus en la possession d'un certain Pamfilio Totti, revirent le jour. Le texte reçut des modifications de points et de virgules ; il s'accrut même de 25 affreux portraits et d'autant de notices. Mais c'est là, comme on le voit, un ouvrage très-différent et de plus bien au-dessous du précédent.
Telle est l'histoire de la pièce où, pour la dernière fois, se trouvent rapprochés les noms des deux associés. De ce jour, l'union est dissoute. D'un côté, nous voyons, pendant quelque temps encore, Turpin employant son talent à gratter, raturer, effacer le nom du Troyen sur toutes les planches qui sont restées entre ses mains; nous le voyons répandre ensuite en très-grand nombre ces pièces ainsi dénaturées et faussées.
Quant à Thomassin, nous le perdons de vue pendant un an ou deux. Avait-il, comme c'est probable, demandé la liquidation de la société et avait-il opté pour la reprise de sa part en argent comptant? Profita-t-il de cette somme importante pour tenter de revenir vers cette France qu'aucun pays,
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qu'aucune situation à l'étranger ne peut faire oublier? Le spectacle de tant de compatriotes venus cette année-là dans Rome ne put le laisser indifférent. Faut-il croire que le voyage fut entrepris; mais que, pour une cause inconnue, une maladie peut-être, il ne put être continué? C'est de cette époque que datent les relations qui devinrent ensuite si fréquentes entre le graveur et la ville de Rimini. Est-ce dans cette ville et alors qu'il se maria? Voilà autant de problèmes qui ont pu être posés, mais qui n'ont pu recevoir de solution : les archives qui ont été, dans ce but, consultées en Italie, sont restées muettes, et sur cette partie intéressante de la vie de notre artiste nous en sommes réduits aux hypothèses jusqu'au jour où le hasard viendra peut-être nous livrer de lui-même ce secret.
Un fait certain, c'est qu'en 1603, au moment où Thomassin nous laisse retrouver sa trace, il habite Rome installé dans un magasin, seul maître chez lui celte fois, ayant sous sa direction des ouvriers qu'il fait travailler sans relâche. Il est peut-être exagéré de dire que Philippe est seul maître chez lui, car il y a maintenant à la tête de la maison une femme, et qui plus est, une femme d'une assez grande beauté si on doit la reconnaître sous une figure souvent traitée et avec une complaisance visible dans diverses pièces, notamment dans l'estampe du Triomphe de la Foi, où elle occupe, sur un char, la place la plus importante.
Notre Troyen, à 40 ans, est arrivé à une période de son existence où tout semble lui sourire, famille, réputation, fortune. Il est par excellence l'homme heureux ; mais quelle ambition est jamais satisfaite? N'avoir été jusques-là qu'un graveur en quête d'oeuvres étrangères ! triste pensée. Pourquoi Thomassin subordonnerait-il toujours son talent aux travaux plus ou moins réussis de peintres plus ou moins distingués? Mais n'a-t-il pas en lui-même des qualités qui doivent en faire un véritable artiste? Ne peut-il s'élancer à son tour dans le monde de l'imagination, de l'invention, de
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l'idéal? Ne plus imiter, graver ses propres oeuvres, tel est le rêve qu'il forme, et de ce rêve il fait une réalité.
Les pièces capitales de cette partie de son oeuvre ne sont malheureusement pas venues jusqu'à nous. Le chevalier Baglione cite les Signes précurseurs du Jugement dernier, le Vaisseau de l'Eglise romaine triomphant des tempêtes, sujets qui se développaient en huit feuilles, et il s'étonne à la vue de tante diversité d'affetti e di attitudine. Il eût été curieux d'étudier ce vaisseau, emblème de l'Eglise, et de savoir quel parti avait été tiré d'un sujet qui prêtait si bien à la satire et où devait se trouver la trace des divisions dont souffrait le catholicisme. Nous ne pouvons que regretter la perte de pièces qui furent très-remarquées à Rome et dont on parlait encore plus de 40 années après leur apparition, autant pour leur mérite réel que pour la rapidité avec laquelle elles avaient été exécutées.
Il nous reste néanmoins une composition qui, toute de l'invention de Thomassin, permet de se former une idée de sa manière de travailler : idée fort incomplète, car les Sept oeuvres de la Miséricorde dont nous voulons parler furent publiées en 1604 et constituent vraisemblablement une première série d'études dans un genre nouveau. Personne n'ignore combien les premiers pas sont difficiles, combien souvent même ils sont manqués. Plus tard, la critique et le goût aidant, le chemin devient beaucoup plus aisé. Cette tentative ne doit donc être envisagée qu'isolément, sans qu'on en puisse tirer d'inductions sur les pièces qui furent ensuite mises au jour.
Dans les quelques essais que nous avons déjà rencontrés et où Thomassin traduit sa propre pensée, le Portrait de SixteQuint, par exemple, nous remarquons un goût particulier pour les ornements d'architecture, pour la ligne droite, pour tout ce qui peut se faire à la règle et au compas. Ici encore, la plus grande place est réservée au dessin linéaire : des socles, des entablements, des balustres, des cintres, des
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corniches couvrent une partie considérable de la surface. A la scène principale qui est au centre de la gravure s'ajoutent, sur les côtés, quatre autres compositions qui en développent la pensée. Il ne faut pas croire pour cela que l'action en sera plus simple et plus une. Rien de plus complexe, au contraire; sur un de ces microscopiques tableaux, tous les personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament se donnent rendezvous, ayant chacun son groupe, chacun son entourage, chacun son action distincte.
Autant de textes bibliques ayant trait à l'idée primordiale, autant de traductions en scènes diverses qui, faute de place, sont jetées pêle-mêle les unes à côté des autres. L'unité, Thomassin ne paraît pas en avoir jamais eu la notion ; elle n'existe que dans l'esprit du spectateur qui, après avoir considéré cet ensemble de dispositions, en déduit bientôt une idée générale à laquelle chacun de ces groupes est soumis. Il ne manquait pourtant pas de modèles d'après lesquels on pût s'inspirer ; d'autres graveurs venaient de s'exercer sur le même thème, et leurs estampes, répandues dans Rome, auraient dû rappeler notre auteur à plus de correction et à plus de simplicité.
Tout en suivant cette voie nouvelle, Thomassin n'entendait pas que ses affaires souffrissent en rien faute de l'alimentation ordinaire : de temps à autre, il revenait à une toile de maître et il la traduisait avec son talent habituel. De Raphaël il publiait deux fresques de grotesques, peintes au Vatican, et quelques arabesques de Loges ; du même Sanzio, il reproduisait le Christ et les Apôtres exécutés dans l'église des Trois-Fontaines, hors de Rome. Ces grandes figures sont, et avec raison, louées par les biographes : les tailles y sont parfois d'une grande hardiesse. Et pourtant, rapprochez de ce travail le plus négligé des portraits d'Edelink ou de Nanteuil, et voyez quel abîme séparait encore les deux époques et combien Thomassin en était encore à l'enfance de l'art. Puis il gravait d'après Passari une sorte de bouclier autour duquel
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courent des monstres marins qui se disputent des sirènes ; d'après Zuccharo Frédéric, la Résurrection du Fils de la veuve de Naïm, pièce dédiée à Henri IV ; il rééditait, après l'avoir restauré, un vieux cuivre, l'Incendie du Bourg ; en expliquant le miracle de Léon IV qui lutte victorieusement contre le feu non aquà aliove humano remedio, sed salutifero crucis signo ; et, dans sa foi sincère, il ajoute : Non modicum nostrae fidei, inter innumera, pastorisque pietatis testimonium.
D'un autre côté, pour ajouter à ses propres ouvrages, il achetait de Villamena, fort en vogue en ce moment, des planches dont il tirait les épreuves pour son compte. Mais la plus grande partie des estampes qu'il vendait lui étaient fournies par l'atelier qu'il avait installé dans sa propre maison. Les images pieuses que naguères il gravait lui-même, il les faisait exécuter sous sa direction et selon ses principes par des ouvriers qu'il payait à la journée. C'était une assez bonne exploitation et pour le maître qui en retirait des bénéfices et pour les graveurs, la plupart pauvres artistes qui étaient heureux de trouver ainsi, pour quelques jours, un gîte et un morceau de pain. Par eux fut certainement exécutée la Vie de saint François d'Assises (une copie de l'oeuvre de Villamena), la Vie de sainte Catherine de Sienne, ouvrages petits de format, et néanmoins considérables par le nombre des estampes qui sont accompagnées d'une explication en trois langues ; enfin, d'autres pièces sur lesquelles Thomassin a déclaré, par le mot excudit, qu'il n'en était que l'éditeur.
Loin d'imiter, en effet, les agissements de son ancien associé Turpin, Thomassin ne paraît pas avoir voulu jamais s'approprier les oeuvres qu'il n'avait pas lui-même créées. Le plus souvent, il semble avoir formé une sorte de société avec ses employés, se chargeant du tirage de leurs cuivres et partageant les bénéfices après s'être payé de ses dépenses. C'est ainsi qu'ayant édité chez lui les pièces gravées au burin
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par Callot, il n'en a fait aucune mention sur les estampes.
Quels furent ces graveurs qu'on pourrait appeler autant les collaborateurs que les élèves de Thomassin? Ils nous sont à peu près inconnus. Au dire des contemporains, il n'est pas d'artiste médiocre ou de talent qui, sachant manier un burin, n'ait passé quelque moment chez notre Troyen, tant était grand le mouvement qu'il avait donné à son entreprise.
Un seul nom nous a été conservé par l'histoire ; nous le citions tout-à-l'heure : celui de Jacques Callot qui devait être plus tard le célèbre aquafortiste que tous aiment et admirent. En l'année 1610, le jeune Lorrain, qui s'adonnait encore à l'étude, était entré chez Thomassin pour apprendre, sous sa conduite, le maniement du burin. On a lieu de se surprendre qu'avec un esprit aussi vif, aussi brillant, aussi novateur que l'avait Callot, il ait pu demeurer longtemps d'accord avec ce maître à l'esprit austère, à la méthode mécanique, aux procédés éternellement les mêmes. Si on cherche à s'expliquer cette longue coexistence de près de dix-huit mois, on ne peut l'attribuer qu'au caractère charmant, aimable, enjoué du futur auteur des Bohémiens, qui prenait toujours occasion de rire là où d'autres n'auraient pu trouver que des larmes. Des écrivains sérieux ont affirmé que la femme de Thomassin avait, par ses attentions et sa bonté d'âme, adouci ce qui pouvait se rencontrer d'amer dans ces relations de tous les instants ; qu'à ce jeune homme de 18 ans elle aurait même donné, dans son coeur seulement, une place qui devait appartenir tout entière à son mari. De là des défiances de la part du chef de la maison; de là aussi, pour le jeune Nancéen, un départ forcé qui dut avoir lieu vers la fin de l'année 1611 (1).
(1) La tradition qui en court encore, à Rome, rapporte que Thomassin avait condamné ses trois apprentis à demeurer à la maison un jour de fête, tandis que lui-même était allé chez un ami qu'il ne quittait d'habitude que fort tard. Les jeunes gens voulurent jouer à leur maître un tour à la manière italienne : la nuit venue, dès qu'ils
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Grosley compte parmi les élèves de Thomassin : Girardon le sculpteur, né trop tard pour arriver à Rome en temps utile ; Dorigny le graveur, qu'il croit sans doute appartenir aux Dorigny de Troyes, mais qui, né en 1617, à SaintQuentin, ne paraît pas avoir eu d'autre maître que Vouet, son beau-père, dont il a reproduit les oeuvres.
M. Corrard de Breban a nommé à tort, selon toute vraisemblance, Edme Charpy, graveur troyen qui a travaillé à Paris, en 1609, chez Jean Le Clerc et chez Thomas de Leu, dont rien dans la manière ne rappelle l'Ecole italienne, et qui n'est probablement jamais allé à Rome.
Mais on pourrait presque affirmer, loin de devoir s'en étonner, qu'au nom illustre de Callot il faut ajouter ceux non moins célèbres de François Duquesnoy, surnommé le Flamand, sculpteur sur ivoire et ami intime de Poussin ; de Claude Mellan, le fils du chaudronnier d'Abbeville. Vers 1524, ils se trouvaient tous deux à Rome dans une situation fort précaire, obligés de quêter de l'ouvrage où on voulait bien leur en donner; mais après beaucoup d'années de misère, ils acquirent enfin une grande réputation.
Pour occuper son personnel, Thomassin avait abordé une autre spéculation, qui répondait à un des besoins du temps, celle de l'impression des thèses. Tout le monde a vu ces grandes estampes des XVIe et XVIIe siècles, sur lesquelles les aspirants aux grades des Facultés indiquaient les proposivirent
proposivirent lumière éteinte dans la chambre de la maîtresse do la maison, la porte du magasin s'ouvre, et la sonnette qui y était fixée retentit. « Chi è là? » demande Mme Thomassin de l'appartement qu'elle occupe à l'étage supérieur. « E'l padron » répond un des espiègles. Cela dit, Callot, comme il était convenu, gravit l'escalier qui le conduit à la pièce supérieure. Quelques instants après, nouveau coup de sonnette ; Thomassin rentrait. Comme de juste, il se rendit chez lui. Il ne s'aperçut de rien ; seulement, il fut surpris, le lendemain, de trouver mêlés aux siens des vêtements qu'il n'avait jamais portés.
La polissonnerie avait été faite surtout pour qu'on en parlât : on en a parlé longtemps.
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tions qu'ils avaient ensuite à développer et à soutenir. La partie supérieure de ces feuilles était occupée par la dédicace : des figures allégoriques, des armoiries, un portrait, une bataille, tels étaient d'ordinaire les sujets gravés suivant la qualité du personnage auquel le candidat voulait rendre hommage. Au-dessous de cette composition venait le texte quelquefois long, quelquefois moins prolixe des assertions à défendre, et ce texte était lui-même encadré. C'était une besogne lucrative pour le graveur et une dépense onéreuse pour l'étudiant. Tous les jeunes gens ne pouvaient se donner le luxe d'une thèse inédite : la plupart reprenaient un cadre qui avait déjà servi en modifiant quelques détails, les armoiries par exemple.
Soit que des conditions particulières de bon marché y fussent offertes, soit que l'exécution y fut plus irréprochable qu'ailleurs, il y eut toujours pour cette spécialité grande vogue dans la boutique de Thomassin. Qui saura jamais le nombre des futurs hommes d'Etat, évêques, cardinaux, pontifes peut-être, qui eurent ainsi, au début de leur carrière, recours aux services de notre Troyen? Pour nous, nous l'ignorons, n'ayant jamais eu la bonne chance de rencontrer une thèse intacte : partout le texte a été enlevé et seul le frontispice, « l'image » nous est demeurée.
Si, en délaissant l'interprétation des oeuvres de maître, Thomassin avait seulement eu en vue de donner à son burin une occupation plus digne parce qu'elle était moins servile, rien de plus digne d'éloge. Mais si, en même temps, il avait pensé y trouver une occasion de lucre, il dut s'apercevoir promptement qu'il s'était trompé. Avant d'être parvenu à une conception nette de son sujet, avant d'avoir étudié la disposition, le groupement des figures mises en scène, avant d'avoir trouvé le grain de travaux qui convenait au dessin, il fallait un temps considérable; heureux encore quand, ce temps dépensé, le résultat qu'on avait espéré se trouvait atteint. Il paraît qu'il fut loin d'en être ainsi, car après les
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quelques pièces dont nous avons parlé et qui lui appartiennent entièrement, Thomassin paraît avoir renoncé absolument à ce genre de travail : il reprit ses anciens errements et se remit tout simplement à reproduire les chefs-d'oeuvre de l'art, anciens et contemporains.
Tout d'abord il donnait au public une sorte d'album ou de galerie des Statues antiques conservées à Rome, dans les édifices publics ou dans les palais particuliers : l'ouvrage, composé de 50 estampes, petites de dimensions, mais néanmoins belles d'exécution, était dédié à un savant à qui il devait, comme beaucoup d'autres artistes, le latin de ses inscriptions. A cette publication considérable en succédait une autre non moins importante : la fameuse Chute des Anges rebelles, dont un peintre alors fort en honneur, J.-B. Ricci de Novare, lui avait fourni le dessin. Par ses vastes dimensions (elle ne mesure pas moins de 1m 50 de hauteur et de 1m 20 de largeur), par l'action et le mouvement qui y règnent (elle ne compte pas moins de 200 figures), par le travail énorme qu'elle a exigé, cette estampe a mérité d'être proclamée le chef-d'oeuvre de Thomassin. C'est une des gravures les plus grandes qui soient au monde. Baglione nous parle de la sensation qu'elle produisit dans Rome à son apparition. Mais l'étonnement ne connut plus de bornes quand on apprit que dix mois avaient suffi au Troyen pour mener à bonne fin cette entreprise.
Et remarquez que Thomassin avait alors 50 ans, époque qui, pour beaucoup, est le commencement du repos et qui, pour lui, n'était que le commencement du labeur : en effet, malgré l'activité que nous lui avons vu déployer jusqu'à ce jour, il va se surpasser encore. Ce n'est pas à dire que toutes les gravures qu'il éditera vaudront celles qu'il publiait dans sa jeunesse. Aujourd'hui qu'avec l'âge est venue une plus grande liberté d'allures, les travaux sont généralement lâchés et moins bien conduits; les effets sont étudiés, mais avec moins d'attention : tout cède, excepté cette célérité qui
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semble entraîner irrésistiblement le Troyen. Nous n'avons pas à énumérer ici ces estampes nombreuses dont il est parlé au Catalogue; toutefois, nous aurions tort de ne pas citer comme dignes des meilleurs temps l'Adoration des Mages de Frédéric Zuccharo, le saint Etienne de Pomérance, la Présentation au Temple de Baroche, la Rédemption de Vasari. Joignons-y le Baptême du Christ de Salviati, le saint Jean de Ciampelli, le Christ condamné de Deruet, le Lucifer du chevalier de Pomérance, enfin la Galathée de Zucca. Ces estampes nous prouvent que, lorsqu'il le voulait, Thomassin retrouvait ses bonnes qualités accrues même par plus de fermeté et par plus de hardiesse.
Rien n'établit mieux l'autorité du talent de notre artiste que les imitations dont ses travaux étaient l'objet en d'autres pays. En Flandre, les Galle, saisissant au passage les bonnes pièces, s'empressaient de se les approprier en les gravant aussitôt pour les répandre à de nombreux exemplaires. Thomassin pouvait-il se plaindre, lui qui avait tant de fois usé de ce procédé? et puis, n'était-ce pas pour lui un véritable honneur que cette contrefaçon de ses oeuvres? Il ne pouvait que s'en trouver extrêmement flatté.
Nous l'avons déja remarqué, en effet, l'artiste troyen avait de lui-même une assez bonne opinion. Ce sentiment, on le voit percer sous des expressions pleines de modestie, dans une lettre qu'il adressait, en 1614, à la municipalité de SaintSeverino, en lui envoyant la gravure de Notre-Dame-desLumières, nom sous lequel la sainte Vierge était en honneur dans cette petite ville. Delparae Virginis imagine quoe ab effusis è coelo luminib. Illustre cognomentu invenit, écrit-il, in luce vro auspicio proferre decrevi. Ita enim certus sum non ta aut illi aut vobis ullu ex meo labore factu iri claritatis accessum qua ab illius conspicuo miraculis lumine vestriq, splendore nominis arti imeae lucis plurimum affuturum. Valete. Nous ne le blâmons pas, loin de là, d'avoir eu de sa valeur une opinion que tout le monde partagéait,
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d'autant qu'elle ne l'empêchait pas de reconnaître ailleurs le talent dès qu'il le rencontrait. Bienveillant et sympathique, il grave en 1616 un saint François de Paul ; en 1617, un Christcondamné par Pilate, deux toiles naïves encore d'un débutant, Claude Deruet, de Nancy, dont il apprécie le mérite précoce. Ce compatriote et ami de Callot qui, quelques années plus tard, devenait le favori du duc de Lorraine, recevait la commission de décorer, à Richelieu, le château du grand cardinal, et avait l'insigne honneur de se voir, à la cour de Saint-Germain-en-Laye, dessiné de la main du roi Louis XIII, ne dut-il pas une partie de ce brillant avenir au graveur qui, le premier, lui avait fait une célébrité?
Sans avoir rencontré une seule lacune dans cette vie laborieuse, nous sommes arrivé à une époque où, fatigué par l'âge, Thomassin consent non pas à abandonner son burin, il ne s'en est séparé qu'en entrant dans la tombe, mais à ne plus traiter de grands ouvrages. Il fait le plus souvent emplette de cuivres que de nombreux tirages ont à peu près usés; il les retouche, et, grâce à son habile travail, il fait revivre, d'anciens graveurs, les planches qui allaient disparaître. Il rend ainsi à la lumière une part considérable de l'oeuvre du maître inconnu que l'on appelle le « Maître au Dé ; » il réédite quelques pièces d'Augustin Carrache achetées, naguères, après la mort du graveur de Bologne. De Raphaël, il publie de nouveau la Dispute du Saint-Sacrement et l'Ecole d'Athènes.
Sur la composition de cette dernière fresque, il existait alors à Rome une controverse des plus vives. L'élève du Pérugin avait-il voulu, comme les uns le soutenaient, représenter la philosophie payenne et ses chefs les plus illustres, ou bien avait-il montré saint Paul arrivant à Athènes et convertissant à l'Evangile Denys l'aréopagite? Sur la foi d'un texte tiré des Actes des Apôtres et inscrit sur le cuivre qu'il retouchait, Thomassin trancha la question en faveur de ce dernier système, et au-dessus des deux personnages
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principaux qu'il croyait être Paul et Denys, il plaçait des auréoles. Plus tard, la question fut tranchée en faveur des philosophes grecs. On trouva aussitôt, ridicule que Platon et Aristote eussent subi une aussi singulière transformation sous le burin de Thomassin, et on en fit des gorges chaudes. Le ridicule était d'ignorer que le graveur s'était fait l'interprète de la doctrine professée par Rome tout entière et soutenue, récemment encore, par des critiques distingués.
Au début de sa vie commerciale et artistique, et depuis, Thomassin, qui connaissait les hommes, n'avait jamais manqué d'adresser ses estampes aux ambassadeurs, cardinaux, référendaires des signatures et autres dont la protection pouvait lui être utile. En 1615 et en 1616, le revirement est complet. Les dédicaces sont faites non plus à d'aussi hauts personnages, mais à une série de personnes se rattachant toutes plus ou moins à Rimini, et dont les services n'avaient pu être demandés et donnés qu'à la suite d'un de ces faits si fréquents dans la vie d'une famille : une maladie, un décès, une succession.
Quel événement était survenu? Quel malade avait eu besoin des soins du médecin Figoni? A quel moribond les chanoines Sarzetti avaient-ils présenté les secours de la Religion? Pour quelle question de personne ou de chose fallait-il s'adresser au gouverneur des Romagnes? Pourquoi revenait-on devant le procurateur des affaires civiles? Quelles contestations obligeaient à prendre les avis d'un docteur en droit? Problème difficile à résoudre. Etait-ce une succession paternelle qui venait à la femme de Thomassin? S'agirait-il de cette femme même qui précéda son mari au tombeau et dont la mort ne peut guère se placer qu'à cette date? D'où qu'elle vint, la succession pouvait donner prise à certaines attaques, Thomassin étant demeuré français. Une pièce de cette année, dédiée à la municipalité romaine, ferait même croire que, pour trancher toute difficulté, notre Troyen a demandé et obtenu le droit de cité à Rome. Nous
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devons regretter que les recherches faites aux Archives de la ville pontificale n'aient donné, sur ces questions, aucune réponse satisfaisante.
Toujours est-il que Rimini continue, dès lors, à occuper une grande place dans l'esprit de notre artiste. Il avait particulièrement eu à se louer des chanoines Sarzetti : après leur avoir à eux-mêmes adressé des estampes, il en gravait pour leur mère une nouvelle représentant les Noces de sainte Catherine, et il y joignait la lettre suivante, dans laquelle il exprime sa respectueuse gratitude :
« Alla Mto IIIre Sigra mia sempre ossma, la Sra Catherina » Carri di Sarzetti di Rimini. Non potendo con maggr di» monstratione rappresentare l'osservanza a tutti loro SSri » Sarzetti, ho giudicato questa dotta Regina e Sposa di » Christo esserli appropriata ; degnasi donque con la solita » sua modestia e bontà gradire questo mio picciol dono che » con affetto le dedico, con pregare sua Mta li conceda qto » desidera et le bacio le mani. » Di Roma li 20 agosto j6j9.
» Di V. S. m. illa osso Sre, Filippo Thomassino. »
Nous ne retrouvons plus, après cette date, d'oeuvre bien importante de Thomassin. La vue, la main peut-être étaient fatiguées, et, en tout cas, l'heure du repos n'avait pas sonné trop tôt. Quelques auteurs ont pensé que, dans cette dernière période de sa vie, l'ancien ceinturier s'était adonné à la ciselure. Nous savons en effet par Baglione que Thomassin, non content de dessiner sur cuivre, avait encore donné au public quelques statuettes fort élégamment travaillées. Il n'y a rien de surprenant qu'un ouvrier actif comme le nôtre, longtemps aux prises avec les difficultés que présentent les métaux, ait songé à s'appliquer à un genre de travail dans lequel réussissait très-bien son jeune frère Bernard. Mais que Thomassin ait attendu aux derniers moments de son existence pour reprendre ses outils d'autrefois, on n'en voit pas
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la raison. Il est beaucoup plus probable qu'à toute époque, mais sans en faire sa principale occupation, il a consacré les loisirs qui lui restaient à cette utile distraction.
En outre, presque tous les biographes, se copiant les uns les autres, s'accordent, à tort, à placer Thomassin parmi les graveurs en bois. Dans son Catalogue de 1666, l'abbé de Marolles avait ouvert un article (n° 212) aux « Cartes et plans en bois de provinces, portraits de ville, » et parmi les auteurs de ces ouvrages, il avait donné place au Troyen qui, en effet, sur quelques thèses, avait gravé, mais au burin, des vues et des profils de villes italiennes. Il arriva que Papillon lut ce Catalogue, sans toutefois recourir aux pièces, et trompé par la rubrique « Plans en bois, » il crut que tous les noms de l'article représentaient un seul et même genre de gravure. Thomassin fut donc cité par lui comme un graveur en bois, dans un traité sur cette matière. De là, l'erreur a passé dans tous les autres ouvrages.
Telle qu'elle était et sans qu'il soit besoin d'y rien ajouter, elle avait été assez remplie cette existence que nous suivons à l'oeuvre pendant plus d'un demi-siècle : si le travail a cessé un jour, ce fut le jour fatal où il fallut abandonner cette vie. Aussi longtemps que la date de la naissance, la date de la mort de Thomassin est restée incertaine. Les auteurs allemands la placent après l'année 1649, et ils se fondent sur une pièce qui porte ce millésime : le Christ condamné à mort de Deruet. Cette gravure, nous l'avons vu, est de 1617 : elle fut plus tard vendue à un marchand, J.-J. Rossi qui, en 1649, en fit un nouveau tirage. Les Allemands n'ont vu que cette seconde édition.
L'abbé Zani, partant de cette idée que la dernière estampe signée est de 1619, a pensé qu'en accordant trois années d'inaction ou de repos au graveur, il arrivait assez près de la date du décès en plaçant cet événement en 1622. Cette hypothèse ne peut subsister en présence d'un témoiT.
témoiT. 6
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gnage beaucoup plus précis et beaucoup plus exact du chevalier Baglione.
Jean Baglione, à l'âge de 23 ans, était venu à Rome en 1594. Artiste d'un assez grand mérite, président même de l'Académie de Saint-Luc, il avait vécu pendant un demisiècle en relation journalière avec tout ce qu'il y avait dans la ville de peintres, de sculpteurs, d'architectes et de graveurs, à ce point que l'idée lui prit d'écrire la vie de tous ces hommes dont mieux que personne il avait pu apprécier le talent. Toutefois, il ne traçait que des biographies posthumes : il craignait, dit-il, de blesser ou la modestie ou la vanité des artistes vivants, et de plus, ajoute-t-il, il voulait leur laisser le temps de produire toutes leurs oeuvres. Mais l'un d'eux venait-il à mourir qu'aussitôt Baglione s'acquittait de sa pieuse mission. Ces sortes d'oraisons funèbres ou de panégyriques se suivaient donc dans l'ordre chronologique des décès ; et c'est dans ce même ordre qu'elles furent plus tard publiées.
Tout grand seigneur qu'il fût, il n'est pas douteux que Baglione n'ait connu personnellement Thomassin : il n'aurait pu, sans cela, apprendre les détails si nets et si intéressants qu'il nous a laissés : il savait donc fort bien pourquoi, dans celte galerie sépulcrale qui s'appelle « Les Vies des Peintres, etc., » il plaçait notre Troyen entre Giorgio Nuvolstella et Antoine Tempesta. Or, le premier de ces deux graveurs mourut le 5 juillet 1624 ; le second, Tempesta, le 5 août 1630. C'est donc entre ces deux années que se trouve la date que nous cherchons ; Baglione nous la montre sans néanmoins nous la faire toucher du doigt.
Or, ce silence de l'écrivain sur un fait si rapproché de lui est peut-être pour nous une révélation. Rappelons-nous un moment la situation que les événements politiques créaient, en l'année 1629, aux Français établis en Italie. On sait comment Richelieu avait décidé Louis XIII à défendre les droits de la maison de Nevers à la succession de Mantoue,
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PHILIPPE THOMASSIN. 83
devenue vacante l'année précédente. Au bruit d'une nouvelle invasion, les Italiens, qui gardaient encore intact le souvenir des guerres des siècles précédents, s'étaient vivement émus. A Rome, la fureur populaire était telle que même le vêtement français y était l'objet des plus violentes attaques, quel que fût celui qui le portât. Le Poussin, attaqué en plein jour, on le sait, faillit perdre la vie; et il ne dut qu'à la fuite le salut qu'une foule exaltée ne lui aurait pas accordé. Supposez Thomassin mort à cette époque, est-il probable que, Français de coeur à tout le moins, connu comme tel, ayant avec des Français la plupart de ses relations, on ait pu songer à lui faire des funérailles solennelles? Un ensevelissement aussi clandestin que possible n'était-il pas rigoureusement exigé par la prudence? On s'explique dès lors le mystère ou plutôt le secret qui a enveloppé cet événement.
Thomassin était alors dans sa soixante-huitième année. Il ne laissait pas d'enfants.
Ce que devint sa fortune, nous l'ignorons. Fut-elle par droit d'aubaine attribuée au Trésor pontifical? Se présentat-il quelque héritier? cette dernière hypothèse ne semble pas probable ; car nul doute que le successeur ne se fut empressé de graver, comme on le faisait alors, son nom sur les cuivres du magasin. Ce n'est que 20 ans plus tard que ces planches reparaissent dans le commerce sous le nom du marchand J.-J. Rossi, marchand qui habitait « piazza StaMaria della Pace » à Rome. D'autres planches se trouvent encore aujourd'hui à la Chalcographie camérale. Comment y sont-elles entrées? c'est encore un problème à résoudre.
La famille que Philippe avait laissée à Troyes, et avec laquelle il avait cessé tout rapport, n'était pas de celles qui s'éteignent facilement. Les aînés, Jean, Nicolas, laissèrent une lignée dont les descendants se succèdent jusqu'à nos jours : en 1728, deux d'entr'eux se trouvaient en même
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temps, par un hasard recherché peut-être, gardes du corps des maréchaux-ferrants.
Le plus jeune des frères de Philippe, Bernard, qui avait été mis en apprentissage chez un orfèvre, se maria, quand il fut devenu maître, à une demoiselle Anne Largentier. Il eut plusieurs enfants, dont l'aîné, Nicolas, est le père de Jean et le grand-père de Simon. Ce Simon, graveur au burin, pensionnaire du roi à Rome, ajouta un nouvel éclat au nom de Thomassin ; il mourut au Louvre en 1728, laissant un fils qui déjà suivait ses traces.
Du nom de Thomassin, il a existé deux autres graveurs en taille douce, Grégoire et François, ce dernier Lorrain, tous deux fort peu connus : ils ne semblent pas se rattacher à la famille troyenne.
Si l'on voulait porter un jugement sur l'oeuvre artistique de Thomassin, il faudrait avouer qu'il est bien difficile, à notre époque, de rendre dans une question de cette nature une décision d'une impartialité complète. Formés par les chefsd'oeuvre des Nanteuil, des Audran, des Edelinck, habitués à contempler ce que le burin a produit de plus beau, nous avons appris à exiger du graveur plus de science et de correction dans le dessin, plus de fermeté et d'éclat dans le style, plus de variété et de perfection dans le travail.
Pour apprécier avec équité le temps où vécut Thomassin, il serait avant tout nécessaire d'oublier les oeuvres magnifiques venues depuis au jour, et de ne considérer que l'état de l'art à la fin du XVIe siècle. Dans ces conditions, l'on peut dire que si Thomassin n'a pas eu de Henri Goltz la connaissance profonde de la forme ; de Villamena la taille brillante et hardie ; de Tempesta l'invention féconde et heureuse, du moins s'est-il toujours tenu au premier rang parmi les plus célèbres de ses contemporains. Il n'était pas de ceux qui, par leur génie, ouvrent des voies nouvelles, mais de ceux qui tiennent fermement les jalons déjà plantés. Ce n'est pas
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PHILIPPE THOMASSIN. 85
que, dès son entrée dans la carrière, il n'eût montré les plus heureuses dispositions ; ce n'est pas qu'il n'eût de lui-même, dans ce moment, cherché et appliqué de nouveaux procédés ; mais, pressé par les besoins de la vie, obligé de recourir aux travaux assurés, productifs et rapides, il a dû, contre ses goûts peut-être, abandonner trop souvent la qualité pour le nombre, croyant regagner en vitesse ce qu'il perdait en perfection. Il nous a laissé quelques très-bonnes gravures, et à côté de celles-ci plusieurs autres d'une moindre valeur. Sans avoir pris rang parmi ces artistes qui excitent l'admiration et l'enthousiasme, il n'en est pas moins de ceux qui méritent toute notre estime. N'aurait-il donné que l'exemple de ce que peut, par sa volonté, son énergie et son travail, un homme devant qui la fortune a jeté tous les obstacles et qui, néanmoins, les surmonte, il aurait déjà bien mérité de sa ville natale, Troyes, et de sa patrie, la France.
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FAMILLE DE PHILIPPE THOMASSIN
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OEUVRE
DE
PHILIPPE THOMASSIN
A des informations purement biographiques ne peuvent se borner les recherches sur un artiste. Il est, quand il s'agit d'un graveur surtout, un autre objet digne d'attention : reconnaître et examiner parmi d'innombrables estampes celles qui appartiennent au maître, les classer, les décrire, les suivre dans leurs diverses pérégrinations, telle est cette nouvelle étude qui n'est pas assurément dépourvue de tout intérêt. Est-il multiple et varié cet oeuvre qui nous est laissé ? De quels genres de sujets est-il spécialement composé ? c'est ce que le curieux apprend par un catalogue. Quelles pièces sont si communes qu'elles sont partout décrites ? Quelles autres sont au contraire si rares qu'il n'en est fait mention nulle part? c'est ce que l'amateur d'estampes désire savoir. Enfin, sans parler de la peinture ni de la sculpture pour qui la gravure tient bien souvent lieu d'état civil, il n'est pas jusqu'à l'historien qui ne puisse trouver d'utiles documents dans les inscriptions et les dédicaces, épigraphie particulière qui accompagne d'ordinaire les productions du burin.
A vrai dire, les caractères qui distinguent l'oeuvre d'un graveur, de Thomassin en particulier, ne sont pas tels qu'ils puissent être nettement définis et articulés. Quelques maîtres seuls ont ces marques puissantes d'originalité qui les révèlent tout d'abord au regard. Il serait difficile de se
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88 PHILIPPE THOMASSIN.
méprendre sur un Albert Dürer, un Marc-Antoine, un Callot, un Rembrandt, un Nanteuil ou un Edelinck. Mais pour les auteurs qui se sont appliqués à vivre à l'ombre de leurs devanciers, sans rien créer ou inventer, les signes frappants et saillants sont plus rares.
D'ailleurs, à l'époque ou vivait Thomassin, les procédés de la gravure n'avaient pas encore atteint la perfection à laquelle ils devaient parvenir un peu plus tard. On ignorait les beaux effets que donne l'emploi soit du point, soit du point long, pris isolément ou combinés avec des traits diversement nourris. On dessinait encore sur le cuivre comme aux débuts de l'art : des premières et des deuxièmes tailles se coupant, tels étaient les éléments uniques pour modeler, pour rendre les jours, les demi-teintes, les ombres. A part quelques tentatives d'études au pointillé faites en 1588 et en 1589, ce furent les moyens ordinaires que Thomassin employa pour reproduire ses modèles.
Il ne faut pas croire toutefois que, malgré ce peu de ressources, les estampes ainsi éditées puissent être confondues. Les caractères de l'alphabet sont les mêmes pour tous, et néanmoins ne reconnaît-on pas à la seule écriture la main qui a tracé l'inscription? Et en effet, il suffit de considérer attentivement quelques pièces authentiques de Thomassin pour se faire, suivant l'expression vulgaire, l'oeil au maître, et pouvoir, même dans une foule d'autres gravures, distinguer sans hésiter celles que l'on recherche. Il convient naturellement de faire abstraction du cas où l'artiste s'applique, non pas à traduire la pensée, mais à copier trait pour trait l'oeuvre d'autrui : le talent est alors de devenir celui qu'on imite, et c'est à quoi le maître troyen est souvent parvenu. Mais chaque fois que notre graveur reste lui-même, il nous apparaît présentant une grande ressemblance avec Corneille Cort, se rattachant par d'étroits liens de parenté avec Raphaël Guidi, Chérubin Albert, Aliprando Caprioli et l'école qui s'était formée à la
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manière du célèbre Flamand ; des Ghisi, de Tempesta, il emprunte quelques-uns des procédés hâtifs ; mais il n'a rien du brillant de Villamena.
Indépendamment de ces traits généraux et distinctifs, il existe chez lui une façon de traiter telles parties du travail qui, à défaut de signature, pourrait servir à en établir l'origine. Thomassin veut-il, par exemple, dessiner un oeil? De l'arcade sourcilière, quelquefois même de l'origine des cheveux, il conduit vers la pommette sept ou huit tailles parallèles assez larges, et sur cette plaque sombre il mène dans le sens de la paupière une seconde taille assez fine. A la loupe ou de près, on aurait peine à voir là rien qui ressemble à l'oeil humain ; à une distance de plusieurs centimètres, cela prend tournure et il est permis de deviner ce que l'artiste a voulu faire.
Les ombres, il les rend à l'aide de tailles parallèles dans lesquelles il rentre ou, si l'on aime mieux, qu'il coupe très-obliquement. Par la rencontre de ces lignes, il obtient des losanges extrêmement allongés qui font apparaître aussitôt de vastes blancs et en même temps des points d'intersection fort larges ; et, comme ces blancs et ces noirs sont disposés symétriquement, il en résulte un effet de moiré qui, pour être à sa place sur certaines étoffes, devient fastidieux quand on le rencontre partout, dans les parties sombres des chairs, des arbres ou des fabriques. Le même procédé se reproduit d'une manière moins agréable encore dans les ciels : les nuages ont le plus souvent un aspect mol et huileux quand ils ne ressemblent pas à des outres gonflées.
L'estampe connue, se pose aussitôt le problème de lui assigner une date. — Heureusement que Thomassin a le plus souvent donné la solution de la difficulté en inscrivant le millésime et parfois le jour même de l'achèvement du travail. Quand cet utile renseignement fait défaut, il n'est pas encore impossible de trouver la place de l'oeuvre dans
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90 PHILIPPE THOMASSIN.
l'existence de l'artiste. En effet, on pourrait presque dire qu'en principe les pièces les mieux soignées dans tous leurs détails appartiennent anx premières années du graveur. A côté de ce caractère trop général, trompeur quelquefois, puisque de belles estampes datent d'années postérieures, il en est un autre plus nettement marqué. La signature de Thomassin a varié souvent dans cette longue et laborieuse carrière de près de quarante ans, et elle affecte dans l'ordre du temps les formes suivantes :
Phil. Thomassino 1585
Phil. Thom. Gallus 1587
Phil. Gallus 1588
Phil. Th. 1589
Ph. Th. et Io Turpin 1590
Phls. id. 1591-1599
PTS. 1596
Phls. Thomaffimus 1600-1617
Phls. Thomafsimus dernières années.
Ajoutons que l'écriture même des dédicaces, que l'existence, dans les dernières années, sur l'estampe d'une limite qui sépare le dessin de la marge, et qu'on appelle le trait carré, serviraient au besoin à fixer les indécisions.
Il semblerait naturel, dès lors, de classer les estampes, ainsi reconnues, d'après la date qui leur appartient. L'ordre chronologique nous permettrait de suivre le talent de l'artiste de sa naissance à son déclin en le considérant dans toutes ses phases. Cette méthode a pour elle de bonnes raisons, et elle ne devrait pas être négligée dans une collection de l'oeuvre de l'artiste. Pour la rédaction d'un catalogue, toutefois, un autre principe a prévalu depuis bien longtemps. Ces nomenclatures sont moins faites dans l'intérêt du graveur dont il s'agit que pour faciliter
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les recherches. Une pièce trouvée sans date, par exemple, comme il en existe trop, il faudrait un long examen pour la découvrir à l'oeuvre, décrit chronologiquement, de l'artiste. Au contraire, si l'on admet cette convention que le classement sera toujours et partout ordonné d'après la matière, rien de plus simple alors : à la seule vue de l'estampe, on sait à quel endroit de la nomenclature elle est placée, sans être pour cela obligé de parcourir tout le catalogue comme il eut été, dans tout autre cas, nécessaire.
L'ordre généralement admis et que nous avons suivi, est de commencer par l'histoire religieuse : des sujets tirés de la Bible, on passe à ceux empruntés aux Evangiles. Après la vie de Jésus, nous avons décrit les portraits du Sauveur à quelque âge de son existence qu'ils appartinssent; puis, les Saintes Familles, selon qu'elles contenaient peu ou beaucoup de figures étrangères. Les Saints, trop peu nombreux pour devoir être classés d'après l'ordre alphabétique, ont été placés chronologiquement.
L'histoire profane, en y comprenant la mythologie, n'a inspiré que fort peu Thomassin ; adonné tout entier aux images pieuses, deux ou trois fois seulement, il osa aborder ce genre absolument nouveau pour lui ; toutefois, il réédita d'anciens graveurs plusieurs cuivres usés qu'il avait pris soin de retoucher.
Viennent enfin les portraits, les sujets divers et les thèses, parmi lesquelles nous avons compris seulement celles qui ne pouvaient rentrer dans aucune des classes déjà déterminées.
La description des estampes comporte, comme il est juste, les différents états d'une même pièce, c'est-à-dire les formes différentes sous lesquelles elle se rencontre. Les dimensions attribuées n'ont et ne peuvent avoir qu'une valeur approximative, le papier, suivant qu'il a été ou non mouillé, étant sujet à une dilatation ou à un retrait
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92 PHILIPPE THOMASSIN.
parfois considérables. Les dédicaces sont dépouillées de tous les termes qui n'apprennent rien sur les noms et les qualités des personnes qui y figurent. Les mots de droite, de gauche, doivent s'entendre du spectateur qui regarde l'estampe.
Nous avons pu constater maintes fois qu'au moment de clore le catalogue une nouvelle pièce se produisait, qui devait s'ajouter à une liste déjà bien longue. Aussi n'avons-nous pas la prétention de donner le dernier mot de cette nomenclature. Notamment pour les années 1585, 1592, 1600, 1618, il est possible que de nouvelles descriptions doivent un jour s'ajouter à celles qui sont ici classées ; également, les divers états signalés sont trop peu fréquents pour que, de ce côté, il ne reste plus rien à découvrir. Ce n'est qu'à la longue et à la suite non-seulement de recherches, mais parfois de chances particulières qu'on peut arriver à approcher de la perfection.
Quoi qu'il en soit, cet oeuvre, tel qu'il se présente déjà, est, on peut le dire, un des plus considérables : il suffit et au-delà pour faire honneur à l'activité, bien plus, au talent et au mérite réels de Philippe Thomassin.
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PHILIPPE THOMASSIN. 93
LISTE ALPHABÉTIQUE
DES
PEINTRES ET DES GRAVEURS
CITÉS DANS LE CATALOGUE (*)
Jean von Aachen, 9
Chérubin Albert, 147, 367
Hippolyte Andréasius, 7, 13
Baccio Bandellini, de Florence, 21
Frédéric Baroche, d'Urbin, 10, 11, 14, 63, 120
Nicolas Béatrizet le Lorrain, 21, 32, 290
Dominique Beccafumi (Mecherino), de Sienne, 61
Théodore Bernard, 6
Paul Brameri, de Palerme, 56
G. Bronzini, de Florence, 203
Michel-Ange Buonarotti, 59, 290, 291, 367
Denys Calvaert, 28
Guilio Campi, 226 Aliprando Caprioli, de Trente, 27, 29, 30, 54, 136, 360
Augustin Carache, 19, 204
Bernard Castelli, de Gênes, 121
Auguste Ciampelli, 137, 146
Antonio Circiniano (Pomérance), 133
Louis Civoli, 62
Jules Clovis, le Croate, 17, 85
Gaspard Coelio, romain, 220
Collaert, 33
Corneille Cort, 5, 17, 28, 236
Fra. Cosmas a Castro Franco, 65 Maître au Dé, 286, 289, 293, 294, 295, 301, 353, 354
Claude Deruet, de Nancy, 57, 207
Paolo Farinate Veronèse, 95
(*) Les chiffres placés à la suite des noms renvoient aux numéros du Catalogue.
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94 PHILIPPE THOMASSIN.
Ferran de Faënza, 209 Martin Fréminet, de Paris, 12, 25, 53, 55, 93, 139
Philippe, 33, 121
Corneille, Galle, d'Anvers, 53
Théodore, 205 Georges Ghisi, de Mantoue, 242, 243 299
Henry Goltzius, 8
Camillo Graffico, du Frioul, 147
Raphaël Guidi, de Toscane, 58, 147
Joseph Heintz, de Suisse, 64
Petrus de Jode, 140
Joseph César, chevalier d'Arpino, le Josépin, 205, 374
Thomas de Leu, 359
Jacopo Ligozzi, de Vérone, 222
Marc de Ravenne, 21
Matham, 30
Francesco Mazzuoli, Parmesan, 89
Marco Angelo del More, 66
Jean Muller, 352
Girolamo Muziano, de Brescia, 32
Barthold Pachiarotti, 97
J.-B. Pagi, de Gênes, 288
Donato Parigi, de Sienne, 373
François Parmesan (Mazzuoli), 89 Bernardino Passari, romain, 132, 141, 144, 285 Balthasar Peruzzi, de Sienne. 19, 292, 293 Jules Pipi, Romain, 286 289, 295, 299
Antoine Pomérance (Circiniano), 133
Le chevalier de Pomérance (Roncalli), 4
Pompeo Aquilano, 129
Jacopo da Ponte, Bassano, 94
Potenzani le Grand, de Palerme, 15
J.-Bapt. Ricci, de Novare, 3, 214
Richard Ripanelli, d'Urbin, 143, 216
Christophe Roncalli (chevalier de Pomérance), 4
Roncanelli, 379
Martin Rota, 66
Sabatini, 211 Egid. Sadelaer, 9, 58, 64, 66, 67
Saenredam, 8
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PHILIPPE THOMASSIN. 95
Ventura Salimbeni, de Sienne, 16, 22, 217
Francesco (de Rossi) Salviati, 26, 92
Raphaël Sanzio, d'Urbin, 71, 218, 221, 242, 243, 244,
294, 301, 353, 354, 371
Charles Saraceni, vénitien, 131
André del Sarto, 211
Philippe Soye, 56, 59
Camillo Spalucci, 18
Barthelemy Spranger, 67, 352
Stradan, 33
Christophe Swartz, 58
Antonio Tempesta, de Florence, 123, 134, 138, 147, 206, 358
Gaspard Trini, 239
Le chevalier François Vanni, de Sienne, 23, 96, 212, 223, 230
Georges Vasari, d'Arezzo, 227
Ghisbert van Veen, 14
AEneas Vico, de Parme, 364
François Villamena, d'Assise, 7, 13, 22, 151, 230
Sébastien Vrancx, 135
P. Woeiriot, lorrain, 355
Giacomo Zucca, 1, 68, 300
Federigo Zuccaro, 5, 20, 24, 28, 29, 30, 31
Taddeo Zuccaro, 27, 28, 54, 136
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CATALOGUE DÉTAILLÉ
DE
L'OEUVRE GRAVÉ
DE
PHILIPPE THOMASSIN
1. — La Trinité.
D'après Jacques Zucca. Haut. 0,398mill.; larg. 0,303 mill. — Marge inf. 0,17mill. 1616.
La Trinité apparaît au ciel et reçoit les adorations de millions d'anges parmi lesquels figurent SS. Michel, Raphaël et Gabriel.
Sur l'estampe : Cu privil. Smi pis et supior licentia. — Jacobus Zucca inventor. — Phls Thomassinus sculpsit et exc. Romoe, 1616.
Marge : Jacobo Philippo Spadae nobili Brasichellensi... Phls Thomassinus — obstiae ergo D. D. (Armoiries)
2. — St Michel.
D'après Ant. Tempesta.
Simplement cité par Mariette.
Sur l'estampe : T moneta, typis Romae, 1588.
3. — Chute de Lucifer.
D'après J.-B. Ricci de Novare. H. 1,630 ; L. 1,160. — Marge sup. 0,017 ; marge inf. 0,024. 1610?
T. XL. 7
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98 PHILIPPE THOMASSIN.
Dieu, le Père, assis sur un trône, le sceptre en main, chasse du geste les mauvais anges ; les anges fidèles l'adorent. Près de lui, St Gabriel tenant un lys. St Raphaël et le jeune Tobie. Sous le. Christ, St Michel est armé d'une épée, tandis que Lucifer, enveloppé de flammes, se mord la main de rage.
Sur deux cartouches : 1° des armoiries ; 2° Ex studio et invent. Jo. Bapt. Ricci Novarensis et à Philippo Thomassino Trecen. incisum cu privil. S. Pis et supior. licentia, Romae.
Marge : FACTVM EST. PRAELIVM. MAGNVM. — Dédicace au cardinal Damascène.
Dernier état : L'estampe se vend aujourd'hui à la Chalcographie romaine.
4. — Chute de Lucifer.
D'après le chev. Ch. Roncalli de Pomerange. H. 0,479 ; L. 0,310. — marge inf. 0,013. 1618.
La foudre à la main droite, St Michel rejette du pied un démon dans les flammes. Lucifer, déjà précipité dans l'abîme, tient un trident brisé ; autour de ses membres courent les replis d'un serpent.
Sur le trident : Eques Pomarancius inven.
Marge Angelo Constantio Perusino... Phls Thomassinus h. s.
dat, donat, dicat q. — Cu privil. summi Pontif. et supior. licentia, Romae, 1618.
5. — Création d'Eve.
D'après Frédéric Zuccaro.
Gravé par Corneille Cort.
H. 0,282 ; L. 0,235. — Marge inf. 0,040.
Adam, étendu sur le sol, à gauche, est endormi ; près de lui, Eve, qui vient de naître, met un genou en terre et reçoit la bénédiction de Dieu le Père.
1er état. Sur l'estampe : Fredericus Zuccha. inv. — Cornelio Cort. fe. 1572.
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PHILIPPE THOMASSIN. 99
Marge : 6 vers. « non meritis Dominus... » Jo. Baptista de Cavarellijs oeneis formis Romae, cu privil. ad trienniu.
2e état : à la place du nom de Cavarellijs Phls Thomassinus et Io. Turpinus excudebant.
3e état : Dominic. de Ruboeis, hoeres J. J. Rossi, alla Pace.
4e état : Se vend à la Chalcographie romaine.
6. — Le Déluge.
D'après Théodore Bernard.
Gravé et édité par Jean Sadeler d'Anvers, d'après l'original d'Amsterdam. 1572.
1re copie : Baptistae Pausier Parmensis formis. 1591. 2e copie : H. 0,327 ; L. 0,445. — Marge inf. 0,017. 1597.
Dans les champs, un laboureur ; au loin, l'arche sur les eaux. Attablés, des libertins s'amusent au son d'une mandoline. Deux amants qui s'embrassent, sur l'original ; ici, se regardent simplement.
Phls et Io. Turpin. excud. Romae 1597. Marge : « Ut quondam tellus... »
7. — David.
D'après Hipp. Andreasius. Gravé par Fr. Villamena d'Assise. H. 0,515 ; L. 0,326. 1603.
Assis dans une salle de son palais, David chante le Psaume « NE REMINISCARIS » ; il s'accompagne de la harpe : un chien est près de lui.
Sur l'estampe : HIPP. ANDREASIVS IN. F. V. F. — Cu privil. sumi Ponts. Philippus Thomassinus excudit Romae, 1603.
8. — Suzanne.
D'après Henry Goltzius.
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100 PHILIPPE THOMASSIN.
Gravé par J. Saenredam. Copie en contre-partie de l'original.
H. 0,270 ; L. 0,210. — Marge inf. 0,020. 1599.
Suzanne, au bain, est surprise par deux vieillards.
1er état : Phls et Io. Turpinus exc. Romae, 1599. H. Goltzius inventor.
Marge : « Casta pudicitiae cui.... »
2e état : Les mots « Phls et » sont effacés.
9. — Judith.
D'après Jean von Aachen. Gravé par Egid. Sadeler.
Copie : H. 0,267; L. 0,215. — Marge inf. 0,021. 1599.
Judith est sortie de la tente où, sur un lit, git le corps mutilé d'Holopherne ; elle tient à la main la tête du général et la jette dans le sac que porte une suivante.
1er état. Sur l'estampe : Phls et Io. Turpin, excud. 1599. Marge : 2 distiques « Femina, vina. dapes.... » 2e état : Les mots « Phls et » ont été effacés.
10. — Présentation de Marie au Temple.
D'après Frédéric Baroche. H. 0,653 ; L. 0,417. — Marge inf. 0,012. 1615.
Sept ou huit degrés conduisent à la porte du Temple où paraît le Grand-Prêtre, en habits pontificaux, accompagné d'acolytes. La petite Marie s'agenouille devant lui pour recevoir sa bénédiction. Sur les marches se tiennent les parents de l'enfant. Il y a aussi, à gauche, des bergers, un mouton, un boeuf; à droite, des femmes qui vont offrir des colombes.
Sur l'estampe : FEDER..VS BAROTIVS INVEN. — Cu priuil. sumi Ponts. Philippus Thomassinus sculp. de superiorum licentia.
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PHILIPPE THOMASSIN. 101
1er état. Marge : A DONA MARIA, PETRONILLA Y ANNA CORTES SOBRINAS DEL DOCTOR CORTES. — Roma a 3 d'aprile de 1615.
2e état. Sur l'estampe : Armoiries.
En marge : Revdo p. Antonio Marise Caballo congreg. oratorij de urbe Praesbitero Joannis Thomas Mazzius hum. s. d. d. d.
11. — Annonciation.
D'après Frédéric Baroche.
Une copie du tableau original est au musée du Louvre. H. 0,431 ; L. 0,305. 1588.
De la chambre de Marie, on aperçoit le Temple et quelques maisons de la ville. Un ange a fléchi le genou devant la Vierge, et de la main droite il lui présente un lys. En même temps des rayons lumineux viennent du Ciel. Dans un coin, à droite, dort un chat dont le sommeil n'est point troublé.
Sur l'estampe : Federicus Barocius inven. Philpus Thomnus gallus fecit et excud. (1588 Romae).
12. — Annonciation.
D'après Martin Fréminet.
H. 0,366 ; L. 0,275. — Marg. inf. 0,010. 1591.
Dans une salle du Temple ouverte à tous les vents, Marie, sur un prie-Dieu, près de son lit, apprend d'un ange, que des nuées soutiennent, la faveur dont elle est l'objet. En même temps, à travers les nuages, vers elle se dirige une colombe.
Sur l'estampe : CU PRIVIL. S. D. N. GREG. PP XIIII P. ANOSX —
MARTINS FREMINETS GALLVS IN. — PHIL. TH. ET IO. TVRPINS SOCII EXCVD.
Marge : 3 distiques « Nuncius ecce adsum.... » Armoiries.
Dédicace : Ad... Jul. Ant. Sanctoriu S. Seuerine Card.
Philippus Thomassins gallus humill. s. d d. 1591.
13. — Annonciation.
D'après Andreasius.
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102 PHILIPPE THOMASSIN.
Gravé par F. Villamena. H. 0,515 ; L. 0,331. — Marge inf. 0,010. 1614.
Dans le Temple, sur un magnifique balcon à colonnes et à balustrade, Marie semble demander si c'est bien à elle que s'adresse Gabriel, porteur d'une branche de lys. Du Ciel, Dieu envoie le Saint-Esprit. Beaucoup d'anges sont présents.
Sur l'estampe : HIPP. ANDREASIUS I. — FRAN. VILLAMENA FE. — Cu privil sumi Ponts — Philippus Thomassinus exc. Romae 1614.
— Armoiries.
Marge... LUCAE SEMPRONIO ARIMINENSI, EPISCOPO TIFERNATI. —
— Phls Thomassinus D. D.
14. — Visitation.
D'après Frédéric Baroche.
Gravé par Ghisbert van Veen. 1588.
Le tableau original est à Rome, dans une des chapelles de l'Eglise neuve de l'Oratoire. — Une copie du tableau original se trouve au palais Schwarzenberg, à Vienne.
1re copie. Stat. Belga. Romae 1588, déd. au card. Gonzague. 2e copie. Se reconnaît à une marche brisée ; déd. au card. Cynthio. 3e copie. Se reconnaît à la crète du coq. H. 0,388 ; L. 0,281. — Marge inf. 0,020. 1594.
Les voyageurs sont arrivés chez Zacharie. Pendant que Joseph décharge l'âne dont on voit la grosse tête, à gauche, Marie monte les trois degrés qui la mènent dans les bras de sa cousine; une femme la suit qui dans un panier porte poules et coqs. Le Grand-Prêtre accourt par la porte du fond à droite.
1er état. Sur l'estampe : Fe. Bar. Vr. in. — Phls et Io Turpin quesita.
Marge : 3 distiques « Obstupeo.... »
2e état : Les mots « Phls et » ont été effacés.
4e copie : A Paris, chez Mariette. La marche n'est plus cassée.
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PHILIPPE THOMASSIN. 103
15. — Adoration des Bergers.
D'après Potenzanus « Magnus » de Palerme.
H. 0,380 ; L. 0,267. — Marge inf. 0,016. 1591.
Assez loin du village, un coin d'édifice en ruine, où, le soleil se levant, les bergers accourent avec des présents rustiques. Ils trouvent au berceau l'enfant devant lequel quelquesuns s'agenouillent. Saint Joseph et trois anges sont présents.
1er état : Cu priuil s. D. N. Greg. Pp XIIIl. P. anos X — QUI FACTUS EST, etc.; — Magnus Potenzanus inven. et pinxit pro Rege Cattolico Philippo 2° Hyspaniarum, etc.
Dédicace... Ioanni.. S.M. Transpontinoe Praesb. card. de Mendoza. — Ioannes Gallus S. (1) D. D.
2e état : Francisco Palmiero formis.
16. — Adoration des Bergers,
D'après Ventura Salimbeni.
H. 0,470 ; L. 0,330. — Marge infér. 0,014. 1617.
Au fond d'un édifice en ruine, Marie a déposé sur un peu de paille son enfant qu'un âne et un boeuf considèrent. Saint Joseph, assez indifférent, tourne le dos à cette scène et regarde un berger qui s'approche, un mouton sous le bras. D'autres pasteurs s'avancent et s'agenouillent. Quelques anges à terre et au ciel, où ils jouent de divers instruments. Sur une oriflamme, ces mots : GLORIA IN EXCELSIS...
Sur l'estampe : Ventura Salimbeni Senen. inventor. — Philippus Thomassinus sculpsit et excudit. — Cu privil. sumi Pontificis et superioru licentia.
Marge... SERENISSIMO PRINCIPI RAYNVTIO — FARNESIO PARMAE ET PLACENTIAE DVCI. — Leonardus novellus Devotiss. Seruus D. D. (Armes).
(1) Ce Joannes Gallus S(ervus) auquel Zani (Encycl. des Seaux-Arts, T. V, 77) consacre une page, n'est autre que Johannes Turpinus Gallus, l'associé de Thomassin. Peut-être existe-t-il de cette pièce un premier état avec le nom des deux associés, nom que Turpin aurait plus tard effacé, comme sur tant d'autres estampes.
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104 PHILIPPE THOMASSIN.
17. — Adoration des Rois.
D'après Jules Clovis le Croate. 1re copie. En contre-partie.
2e copie. Sujet extérieur : II. 0,293 ; L. 0,209. 1585? — — intérieur : — 0,130 — 0,117.
Un cadre au fronton et à l'entablement duquel jouent des Amours ; des cariatides forment les côtés à droite et à gauche. A l'intérieur, au ciel une étoile. D'une ruine d'édifice contre lequel s'appuie saint Joseph, est tombée une pierre qui sert de siége à Marie. Pendant qu'un mage à genoux adore Jésus, les deux autres rois sont debout : leur suite défile dans la campagne.
1er état. Sur l'estampe : sous la Vierge, TH. P. F.
2e état. A la place de cette marque on lit : « Rom. apud Phil. et Io. Turpinu.
18. — Adoration des Mages.
D'après Camillo Spalucci.
H. 0,400 ; L. 0,274. — Marge inf. 0,020. 1599.
Les rois, guidés par l'étoile, ont laissé leurs montures au pied de quelques arbres, et pendant que cavaliers, soldats, chevaux se rassemblent, ils sont venus apporter leurs présents. L'un d'eux offre, agenouillé, une coupe à Jésus que Marie présente. Saint Joseph, accoudé contre une colonne, fait une bien mauvaise mine.
1er état. Sur l'estrade : Phls et Io Turpinus exc : Romae, cu privil. Sumi Pontificis ad annos dece. Phls scalpsit 1599.
Marge... CAESARI MAGALOTTO EQVITI HIERmo ET CLASSIS. — PONTIFICIE VICE PREFECTO. — Camillus Spaluccius inventor. dicauit. (Armes).
2e état. « Phls et » effacés.
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PHILIPPE THOMASSIN. 105
19. Adoration des Rois.
D'après Baldassare Peruzzi, de Sienne.
Le dessin original, fait à la plume et au fusain, est resté jusqu'en 1769 chez les comtes de Bentivoglio à Bologne ; acheté à cette époque par un M. Danton, pour le compte du roi d'Angleterre, il aurait péri en mer.
Gravé par Augustin Carrache.
H. 1,120 ; L. 1,040. — Grande pièce en 7 feuilles.
Au ciel, Dieu entouré d'anges ; sur la terre, un sol accidenté : des arcs de triomphe sous lesquels passe la suite des mages. Marie, assise sur un chapiteau de colonne, soutient Jésus qui bénit un des princes agenouillé devant lui. A ses côtés, un fou et un perroquet.
1er état. Déd... Gabrieli Palaeoto presb. card. 1579... APVD DOM.
TEBALDVM BONONIAE.
2e état. Cu privilegio S. Pontificis et superiorum licentia. —
AUGS CARACIVS SCULPSIT. APVD PHILIPPVM THOMASSINVM ROMAE.
Déd. Michaeli Ange. da Tonto S R E. card. Nazaraeno, Papae prodatario Philippus Thomassinus Trecensis.
3e état. Jacobus de Rubaeis formis Romae Sa Ma de pace.
Dernier état. Se vend à la Chalcographie romaine.
20. — Adoration des Rois.
De Frédéric Zuccaro.
D'après un dessin du tableau original de St-François-de-la-Vigne, à Venise.
Cintré : H. 0,563 ; L. 0,400. 1613.
L'étoile s'est arrêtée, et au milieu d'un édifice se tiennent gens, chevaux et chameaux, escorte des mages. Ceux-ci ont trouvé Marie assise, et sur ses genoux Jésus. Deux d'entre eux adorent l'Enfant. Le roi nègre, couronne au front, ca-
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106 PHILIPPE THOMASSIN.
deau en main, attend son tour. Saint Joseph est là. Au ciel, jouent quatre petits anges.
Sur l'est. : FEDERICVS ZUCCARUS IN. — PHLS THOMASSINUS FE. — ET EXC. ROMAE. 1613. — Cu priuil. summi Pontificis et superioru licentia.
Déd. PETRO LANCIO ARIMINENSI... — Phls Thomassinus D. D. (Armoiries.)
21. — Massacre des Innocents.
D'après Baccio Bandellini.
Gravé par SR. (Marc de Ravenne).
H. 0,400 ; L. 0,565.
Du haut d'une galerie à balustrade, au fond, Hérode, le sceptre à la main, contemple le carnage ; sous la surveillance d'officiers, des soldats massacrent des innocents que leurs mères défendent : l'une d'elles mord le bourreau.
1er état. SR. et Ant. Lafrerii formis.
2e état. Retouché habilement par Thomassin.
3e Etat. J. J. Rossi. Roma, alla pace.
Copie des plus trompeuses par Nicolas Beatrizet le lorrain.
22. — Repos en Egypte.
D'après Ventura Salimbeni.
H. 0,302 ; L. 0,235. — Marge inf. 0,015. 1589.
A quelque distance d'un village, la Sainte Famille s'est arrêtée sur le bord d'un ruisseau. Les bagages sont à terre, et l'âne est allé paître au pied d'une butte. A gauche, saint Joseph a brisé une branche d'arbre qu'il donne à Marie. Accoudé sur les genoux de sa mère, Jésus contemple un moineau qu'il tient prisonnier dans sa main. Trois jeunes anges folâtrent dans le ciel.
1er état. Sur l'estampe : Ventura Salimbeni inven. Phls Th. Fe. Romae.
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PHILIPPE THOMASSIN. 107
En marge : Cu priuil. Smi D. N. Sixti P. P. V. p. anos X. —
« Joseph monitus » — Ph. Th. et Io. Turpinus socii excud.
2e état. Le nom de Thomassin est effacé (1).
23. — Enfance de Nazareth.
D'après le chevalier Fr. Vanni, de Sienne.
H. 0,203 ; L. 0,273. — Marge inf. 0,014. 1597.
Dans une chambre, près de la cheminée à gauche, sainte Anne dévide du fil. Marie donne le sein à Jésus. Ici un petit berceau ; là, un chat sous l'établi de menuisier. Saint Joseph, un genou en terre, l'outil à la main, taille une pièce de bois. Par la porte ouverte, on a vue sur la ville et les remparts.
Sur l'estampe : Cu privil. ad decenniu. F. Vanus senen. inuen. Phls et Io. Turpin. excud. Romae. 1597.
Marge. ... PVERIS... FRANCISCO ET GOSTANTIO PATRITIIS —
Philippus Thomassinus scalptor d. d. d.
24. — Jésus à 12 ans.
D'après Frédéric Zuccaro.
H. 0,434 ; L. 0,295. — Marge inf. 0,15. 1617.
Jésus vient sans doute d'être retrouvé au Temple : il marche entre S. Joseph qui tient un lys, et Marie à qui il donne la main droite. Ils vont ensemble et du même pas. D'une galerie, un vieillard et une femme les regardent.
Sur l'estampe : Federicus Zuccarus inuentor. — Cu priuil. S. P. et supior. licentia. Romae, 1617.
Marge : R. P. Anto Marzer ordnis minor Romanae Prouincie Ministro. — Philippus Thomassinus sculptor.
2e état. Très-fatigué. Gio Jacomo Rossi le stampa alla Pace.
25. — Baptême du Christ.
D'après Martin Fréminet, de Paris. H. 0,390 ; L. 0,270. 1592. Le Jourdain est assez large pour former une sorte de lac
(1) Zani, trompé, attribue cette belle estampe à François Villamena
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108 PHILIPPE THOMASSIN.
qui baigne au loin la ville ; il y court un ruisseau où est entré Jésus jusqu'au genou : les bras croisés sur la poitrine, la tête inclinée, il reçoit l'eau que verse saint Jean. Du Ciel descend l'Esprit-Saint. Sur les rives, deux Juifs sans vêtement attendent leur tour ; un troisième revêt son costume.
Sur l'estampe : Cu priuil. ad an. X. — M. Freminet in. Phls fe. — Phls et Io. Turpins excud. Romae 1592.
26. — Baptême du Christ.
D'après Francesco Salviati,
Au XVIIIe siècle, le dessin original se trouvait aux mains de Mariette.
H. 0,555 ; L. 0,408. — Marge inf. 0,025. 1615.
En aval de la ville, le fleuve est très-resserré, et une pierre jetée au milieu permet de le franchir aisément. Jésus, agenouillé contre cette pierre, est baptisé par saint Jean. Au ciel, Dieu prononce ces mots : « HIC EST FILIVS... », et une colombe descend. De la ville accourt une foule de gens bien ou mal portants, peu ou point habillés, de tout sexe, de tout âge. A gauche, sous des palmiers, des sages ou des apôtres.
Sur un rocher : Franciscus Saluiatus inuentor. Phls Thomass. sculp. et excud. Romae 1615. — Cu priuil sumi Pontcis et supior. licentia.
Marge IOANNI ANTO SARZETTO ARIMINENSIS CANONICO —
Philippus Thomassinus d. d. d. (Armes).
27. — Miracle des Pains.
D'après Thaddée Zuccaro.
Gravé par Aliprando Caprioli, de Trente.
H. 0,330 ; L. 0,260. — Marge inf. 0,030.
Une grande foule entoure la colline sur laquelle JésusChrist bénit les pains et les poissons.
2e état. Marge : « Acceptis quinque panibus... » — Tadeus Zuccarus inuentor. Romae apud Phil et Io Turpinu superioru permissu.
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PHILIPPE THOMASSIN. 109
28. — Noces de Cana.
D'après Denys Calvaert.
H. 0,265 ; L. 0,205. — Marge inf. 0,022. 1592.
Pendant que de la cuisine, à gauche, sont apportés deux plats fumants et que des musiciens jouent leur répertoire dans une galerie, les convives se sont mis à table, J.-C., assis près de sa mère, s'est retourné et bénit les amphores. Les domestiques, à la vue du miracle, s'empressent d'apporter d'autres récipients.
1er état. Sur l'est., à gauche : DIONISIVS CALVART BELGA INVEN. PHLS TH. FE 1592.
Marge : 1 distique « Permutat. limphas... » — Cu privilegio ad annos decem Phil et Io Turpinus socii excud.
Déd Leonardo Abeli Episcopo Sidoniensi. — Ph. Th. s. D. D.
2e état. Les noms des « auteur, graveur et éditeurs » ont disparu (1).
29. — Madeleine convertie.
D'après Frédéric Zuccaro. Gravé par Aliprando Caprioli. H. 0,353 ; L. 0,278. — Marge inf. 0,045.
Sous un baldaquin est assis Jésus de face, les bras ouverts. Amenée par Marthe, Madeleine s'est jetée à genoux, les mains tendues vers le Sauveur. Sont présents une femme et son enfant, un juif qui tourne le dos.
Sur l'estampe : F. Zuccaro inuen. & (monogramme d'Aliprando).
Marge. 4 distiques « Peccatrix mulier »
2e état. Phls et Io. Turpin. excud. Romae 1599. 3e état. Les mots « Phls et » sont effacés. 4e état. Chez Rossi.
(1) Ce 2e état, sans filiation écrite, a été attribué aux deux Zuccaro pour la composition, et à Corneille Cort pour la gravure.
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110 PHILIPPE THOMASSIN.
30. — Fils de la veuve de Naïm.
D'après Frédéric Zuccaro.
Gravé par Aliprando Caprioli.
H. 0,462 ; L. 0,298.
On est à la porte de la ville : au bout d'une rue apparaît le Temple. Jésus a béni le mort qui se lève sur la civière, en joignant les mains. La foule est pleine d'admiration. (Diffère très-peu du suivant.)
Estampe : Federicus Zucarus inuen.
En marge : « Christus unicum.... »
2e état. Apud Phil. et Io. Turpinu. Romae.
3e état. Restent seulement les mots Io. Turpinu.
Copie par Matham.
31. — Fils de la veuve de Naïm.
D'après Frédéric Zuccaro.
Le tableau original était à Orvietto.
Cintré. H. 0,462 ; L. 0,298. — Marge inf. 0,018. 1602?
Les portes de la ville sont ouvertes et laissent voir le Temple qui se détache sur des collines. Des femmes agenouillées, à gauche, demandent un miracle. Se tournant vers la civière, Jésus dit au mort de revivre; et le cadavre s'anime. La foule, qui a grimpé jusque sur les portes, est pleine d'enthousiasme. (Diffère du précédent, surtout par l'expression du ressuscité.) (1)
Sur l'estampe : Federicus Zuccarus inuent. pinxit Urbeveteri. — Phls Thomassinus sculpsit.
Marge HENRICO IIII D. G. FRANCIAE REGI CHRIST — Petrus
Stephanonius Vicentinus d. d. d.
(1) Derrière le Sauveur, le curieux qui en est le plus rapproché parait être le portrait de Thomassin.
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PHILIPPE THOMASSIN. 111
32. — Fille du chef de la Synagogue.
D'après Girolamo Muziano, de Brescia.
Gravé par Nicolas Béatrizet le Lorrain.
Copie. H. 0,510 ; L. 0,372. — 1587.
Dans une chambre et près de la porte, à gauche, est placé le lit où est étendue la morte. Le Christ, à droite, lui a pris la main, et la jeune fille s'est levée sur son séant. La mère à genoux, le père debout, à la tête du lit, remercient leur bienfaiteur. Au fond, un jeune homme, le fiancé, et son père.
Sur l'estampe : HIERONYMO — MVGIANO — BRIXIANO — INVENT. — Philippo Thom. fe.
Marge « ARCHISYNAGOGI FILIAM »
33-52. — Passion de Jésus-Christ.
D'après Stradan.
Gravé par Collaert ; édité chez Philippe Galle (Anvers ?)
Copie. 20 pièces : H. 0,171 ; L. 0,132. — Marge inf. 0,015. 1592. En marge. Explication de l'estampe : Texte latin de l'Ecriture.
Frontispice. I, Lavement des pieds. II, Cène. III, Agonie au Jardin. IV, Baiser de Judas. V, chez Caïphe. VI, « Christ, prophétise ! » VII, chez Pilate. VIII, chez Hérode. IX, Pilate et sa femme. X, Flagellation. XI, Couronnement. XII, Ecce homo. XIII, Pilate se lave les mains. XIV, Sainte Véronique. XV, Crucifiement. XVI, Mort du Christ. XVII, Descente de Croix. XVIII, Tombeau. XIX, Limbes. XX, Résurrection.
53. — Christ et instruments de supplice.
D'après Martin Fréminet. H. 0,268 ; L. 0,345. — Marge inf. 0,027. 1615. Du mont des Oliviers on voit la ville et les collines qui l'en-
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112 PHILIPPE THOMASSIN.
tourent, entrecoupées de gorges. Le Christ, debout, montre ses plaies : autour de lui, pêle-mêle, sont jetés les instruments de la Passion.
Sur l'estampe : M. Freminettus inuentor. — Cu priuil. S. Pontificis et superioru licentia. — Phls Thomassinus fecit et excud. Romae 1615.
Marge : ... IOANNI BAPTISTE GVIDETTO CANONICO ARIMINENSI. — Philippus Thomassinus d. d. d. (Armes.) Copie. Par Cornelius Galle, d'Anvers.
54. — Cène.
D'après Thaddée Zuccaro.
Gravé par Aliprando Caprioli.
H. 0,325 ; L. 375. — Marge inf. 0,010.
Dans une belle salle à colonnes où on arrive par trois marches, à gauche, le Christ et ses apôtres sont assis à table. Les serviteurs s'empressent : l'un avec l'agneau, l'autre avec le vin. Un troisième est couché auprès de la corbeille au pain.
1er état. Sur l'estampe : Tadeus Zuccarus inuen.
Marge : « ACCEPIT JESUS PANEM.... » — Ded. Feder. Madrucio seren. Sabaud. Ducis apud. Greg. XIII P. M. oratori. — Aliprandus Capriolus Triden. 1575.
2e état. Simplement : « ACCEPIT JESUS PANEM... » — Romae apud Phil. et Io. Turpinu (1589).
3e état. Chez Jean Jansonius.
55. — Flagellation.
D'après Martin Fréminet.
H. 0,355 ; L. 0,262. — Marge inf. 0,025. 1590.
A l'entrée d'une galerie que l'oeil suit jusqu'à l'extrémité opposée, Jésus, les mains liées derrière le dos, est attaché à une colonnette, et reçoit de la main de quatre bourreaux des coups de verges, de lanières, de corde, de fouet. A droite, deux témoins fort tranquilles.
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PHILIPPE THOMASSIN. 113
Sur l'estampe : Martin. Freminett. Gall. in. — Cu priuil. S. D. N. Greg. Pp. xiiij p. anos X. — Phls et Io Turpinus socij excud.
Déd. Michael Bonello Alexandrino. S. M. sup. Mineruam. S. R. E. card. Io. Turpinus Gallus. (Armoiries.)
Marge : « Columna quae apud Ecclesia Ste Proexedis
56. — Flagellation.
D'après Paul Brameri.
H. 0,286 ; L. 0,213. — Marge inf. 0,017. 1596.
Elevé de trois marches au-dessus du sol, un magnifique vestibule au plafond à jour supporté par des colonnes, aux grandes baies ouvertes, au parquet de marbre. Au centre, Jésus a été attaché à une colonnette ; sous les coups, la victime est tombée, et les exécuteurs dénouent les cordes. Quelques soldats, un juge ont assisté au supplice. Dans la rue, Marie et une compagne.
Marge : Paulus Brameri Palerm. inuen. — Phls et Io. Turpinus excud. 1596. — Distique : « Mollius ah! lapsum... » — Cu priuil. ad anos X.
2e état. Le nom de Thomassin est effacé (1).
57. — Concilivm a Jvdeis in Jesvm.
D'après Claude Deruet.
H. 0,483 ; L. 1,120. — Marge inf. 0,019. — 3 feuilles. 1617.
Couronné d'épines, les mains liées, J. C. a été introduit dans un vaste prétoire. A droite, sur un trône, Pilate écoute sa femme ; autour d'eux sont assis de nombreux conseillers : un greffier écrit la sentence. A gauche, Caïphe, également sur un trône, et près de lui dix scribes. Chacun de ces juges tient un cartouche où sont écrits en latin son nom et son avis. Au fond de la salle, à la porte, la foule apporte trois croix.
Sur l'est. : Armes et déd FABRITIO TIT. S. AUGUSTINI CARD.
— Philippus Thomassinus d. d. — Cum priuilegio summi Pontificis, et
(1) Zani attribue par erreur ce second état qu'il a seul vu à Phil. Soye.
T. XL. 8
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114 PHILIPPE THOMASSIN.
superiorum licentia. C. Deruet inuentor. Philippus Thomassinus sculpsit et excudit Romae, 1617.
Marge. Traduction en italien des avis motivés.
2e état. Chez J.-J. Rossi alla Pace. 1649.
58. — Golgotha.
D'après Christophe Swartz.
Gravé par Egidius Sadeler, en 1590.
1er état. — 2e état avec un clou pour monogramme.
Copie du 2e état par Raphaël Guidi.
H. 0,471 ; L. 0,361. — Marge inf. 0,031. 1598.
J. C., entre deux larrons, meurt sur la Croix.
Sur l'estampe : Phls et Io. Turpin. excud. Romae.
Marge SERAPHINO OLIVARIO RAZALIO, Scri ROTAE AVDITORII
DECANO, SIGNATVRAE MINORIS... PRAEFECTO. — Philippus Thomassinus d. d. d. 1598.
24 vers « Affigitur Christus cruci. »
59. — Golgotha.
D'après Michel-Ange Buonarotti.
Gravé par Philippe Soye.
H. 0,517 ; L. 0,360 ; marge sup. et marge inf. 0,010.
J. C. est en croix; à droite, Marie ; à gauche, St Jean. Au ciel, deux anges accoudés sur des nuages. Au loin, Jésusalem et ses remparts.
1er état. Déd. au card. Bonello. Lafrère, 1568.
2e état. Retouché en plusieurs endroits : surtout au pied de la croix, à droite.
3e état. Sur l'estampe : Michael Angelus Bonarotus inuentor. — Philippus Syticus fecit. — Romae, Phls Thomassinus excudit. ( Armoiries )
Marge supérieure : « PECCATA NOSTRA... » — inférieure : PR. IVLIO CAESARI SANTINELLIO EX COMITIBVS METVLAE COMENDATORIO HIEROSOLIM. — Phls Thomassinus D. D.
4e état. Alla Pace Gio Iacomo de Rossi formis Romae 1649.
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PHILIPPE THOMASSIN. 115
60. — Christ politique.
H. 0,780 ; L. 0,480. — 2 feuilles. 1587.
Au pied de la croix sont agenouillés, à gauche, le cardinal de Joyeuse, protecteur des Français à Rome, Sixte V ; à droite, Henri III et le duc de Guise (le Balafré).
Marge. Déd. Prin. card. de Gioiosa (Joyeuse) Galliae protectori. — Nicolas van Aelst. Belga D. D. die 1° Januarij 1588. — Motu proprio P. M. Sixti V p. annos X, super. permissu. (Armoiries.)
8 distiques :
JOYEUSE. Post fera concordi mortales praelia pace
Ut dones precibus Gallia fessa rogat. LE CHRIST. Gallia gaudebit post martia bella quiete
Restituens aris lilia pulchra meis. SIXTE-QUINT. Christe, tui mihi cura gregis ; da robur ab alto
Ne placidum rapidus (1) vastet ovile lupus. LE CHRIST. Sume animos Pastor : rabies malesana furentis
Hostis in autorem saeva futura suum est. HENRY III. Qui sine te tantos bello confringeret hostes?
Defendenda tuo numine sceptra rogo. LE CHRIST. Cur igitur nostrum te exornat nomen? in armis
Num defendendus relligionis honos ? GUISE. Te duce, tela lubens crudeles defero in hostes ;
Nec renuo pro te, Christe, subire necem. LE CHRIST. Bella geras, laetis veniet Victoria pennis ;
De caelo nostras experiere manus.
61. — Jésus aux limbes.
D'après Dominique Beccafumi, de Sienne.
Le tableau original était dans l'église Saint-François de Sienne. H. 0,458 ; L. 0,332. — Marge inf. 0,018. 1588.
On est au seuil des limbes ; le sol, très-mouvementé, s'étend au loin, jusqu'à une limite de flammes. La porte, à gauche, est tombée sur le démon qu'elle écrase, et J. C. portant l'oriflamme est entré, laissant derrière lui le bon larron.
(1) Il faut évidemment « rabidus. »
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116 PHILIPPE THOMASSIN.
Patriarches, Saints, Prophètes accourent : Adam, Eve, David, saint Joseph, J.-Baptiste, Abraham, Isaac et Jonas.
Distique : « CRIMEN CHRISTE MEVM.... »
Marge. Dominicus Bec. senen inuen. Déd. Scipioni Bargalio Mattheus Florinus D. D. — Phil Thom. fe.
62. — Descente de croix.
D'après Louis Civoli.
H. 0,292 ; L. 0,183.
Marie, assise, prend le bras droit de Jésus, soutenu par Joseph d'Arimathie. Debout, deux anges portant l'un un bassin, l'autre quatre vases.
Sur la pierre où est la couronne d'épines : L. CIVOLI. — Thomassinus fecit Romoe supior. permissu.
Marge : « CONDITVR AROMATE... » — Ad Ottavio Capponi Antonio Corenxano. (Armoiries.)
63. — Jésus au tombeau.
D'après Frédéric Baroche.
H. 0,525 ; L. 0,385. 1589.
Au loin, les trois croix sur le Calvaire. Deux amis et Joseph d'Arimathie ont transporté le corps de Jésus près du tombeau qu'on prépare. Madeleine agenouillée, les cheveux épars, contemple le Sauveur. Viennent en arrière, la Vierge, soutenue par une compagne, et St Jean. Sur le couvercle, tenailles, marteau, parfums.
Sur l'estampe. Déd... Principi Francisco Luxemburgo Duci Pinei Comiti Russii. Baroni Pugii, Pari Franciae, Equiti torquato utr. ordinis... Principum ac nobilitatis Galliae Legato ad. S. Pontificem Philippus Thomassinus Gallus. D. — Cu priuil. S. D. N. Sixti Papoe V, p. anos X.
64. — Jésus au tombeau.
D'après Joseph Heinz, suisse. Gravé par Egid. Sadeler. 1593.
Copie. H. 0,520 ; L. 0,340.
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PHILIPPE THOMASSIN. 117
L'obscurité de la grotte est à peine dissipée par la lueur d'une torche que tient un disciple. Deux fidèles portent le Christ par les épaules, deux saintes femmes par les pieds. Au fond, Marie, désolée, lève les bras au Ciel : elle va s'évanouir, une compagne la soutient.
Distique : « Per varios casus... »
Marge. Déd. en latin. au card. François de Sourdis, archevêque de Bordeaux. — Philippus Thomassinus, d. d. d. (Armes.)
65. — Jésus au tombeau.
De Fra Cosmo Piazza.
D'après le tableau du Capitole. H. 0,299 ; L. 0,440. — Marge inf. 0,011. 1614.
Au peu de jonr donné par deux petites fenêtres rondes, s'ajoute l'éclat d'une lampe et d'un cierge. Le Christ est étendu, la tête relevée, à droite, par un ange. A gauche, St François à genoux.
Sur l'estampe : E. Cosmas a Castro Franco capuccinus pinxit in Capitolio juxta forma Smi Sepulchri. — GV. PRIVIL. S. PONT. ET
SVPERIOR LICENTIA.
Marge CONSERVATORIBVS ET PRIORI ALMAE URBIS — Die
23 Xbris Philippus Thomassinus d. d. d. 1614.
Copiée deux fois à Padoue.
66. — Jésus au tombeau.
D'après Marco Angelo del More.
Gravé par Martin Rota.
Copie par Egid. Sadeler, 1597.
1er état. — 2e état (avec un clou servant de monogramme).
Copie de ce 2e état. H. 0,385 ; L. 0,265. 1599.
Dans une grotte, Jésus est mis au tombeau par trois anges ; aux quatre angles les emblêmes des Evangélistes.
Marge. 1er état. « Cum tua.... » — Phls et Io. Turpin, excud, Romae, 1599.
2e état. Les mots « Phls et » ont disparu,
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118 PHILIPPE THOMASSIN.
67. — Jésus apparaissant à Madeleine.
D'après Barthelemy Spranger.
Gravé par Egid. Sadeler.
Copie trompeuse. H. 0,265 ; L. 0,210. — Marg. inf. 0,013. 1598.
Au delà du jardin, la ville ; le Golgotha à droite. Jésus en demi-corps, coiffé d'un chapeau au bord relevé, porte une bêche sur l'épaule. Madeleine, dont on ne voit que le buste, met la main gauche sur un vase, et l'autre sur son sein.
1er état. En marge, distique : « Te simul... » — B. Spranger inuent. — Phls et Io. Turpin. excud. Romae, 1598.
2e état. Les mots « Phls et » sont effacés.
68. — Ascension.
D'après Jacques Zucca.
H. 0,395 ; L. 0,308. — Marge inf. 0,017. 1617 (?)
Entre deux anges, J. C. s'élève au Ciel d'une butte où il laisse la trace de ses pas. Au pied du tertre, la Vierge, les Apôtres regardent le Sauveur avec surprise et admiration.
Sur l'estampe : Iacobus Zucca in. — Romae cu priuil. S. P. et supior. licetia.
Marge...., Equiti Hyeronimo, Ioachino & Petro Rotae Fratribus Rauennat... — Philippus Thomassinus. d. d. d. (Armes.)
2e état. Gio Iacomo Rossi le Stampa in Roma alla Pace.
69. — Pentecôte.
H. 0,323 ; L. 0,205.
Dans une salle, Marie est assise les mains jointes, une auréole autour de la tête. Près d'elle, les apôtres debout, agenouillés, assis, portent leurs regards sur l'Esprit-Saint qui descend sous forme de flammes.
Sur l'estampe : Phls Thomassinus fec.
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PHILIPPE THOMASSIN. 119
70. — Portrait du Christ. (Thèse.)
H. 0,332 ; L. 0,427. 1614.
Dans une niche, Jésus assis tient d'une main la boule du monde ; de la droite, il bénit. En haut, les armes du cardinal Garzia Millino. A droite et à gauche, une loggia dont les piliers servent d'appuis à des figures allégoriques : les Vertus. Contre le soubassement, quatre Vices sous les traits de vieilles femmes.
Sur l'estampe : CV PRIVIL s. p. — Phls Thomassinus fecit et excudit Rome. 1614. — I.O. GARZIAE MILLINO — S. R. E. CARD. S. D. N.
VICARIO.
71,84. — Jésus, les 12 Apôtres et S. Paul.
De Raphaël Sanzio, d'après les peintures de l'église S. Paul-des-Trois-Fontaines à Rome.
14 pièces numérotées. H. 0,500 ; L. 0,380. — Marge sup. 0,010 ; marge inf. 0,010.
Le Christ, entouré de ces mots « EVNTES DOCETE..... » en mi-corps.
Marge supérieure « DEIPARAE — Phls Thomassin. — VIRGINI — fecit cu priuil. s. p. — DIGATVM. »
1. S. PETRVS. — 2. S. PAVLVS. — 3. S. ANDREAS. — 4. S. IACOBVS. — 5. S. IOANNES. — 6. S. THOMAS. — 7. S. IACOBVS MINOR. — 8. S. PHILIPPVS — 9. S. BARTHOLOMAEVS. — 10. S. MATTEVS. — 11. S. SIMON. — 12. S. THADEVS. — 13. S. MATTHIAS.
85, 86. — Jésus, Marie.
D'après Jules Clovis le Croate.
2 pièces. H. 0,250 ; L. 0,185. 1589.
Chaque portrait est entouré d'une bande ovale qui porte une inscription. Les quatre coins, pour compléter le cadre, sont garnis d'arabesques.
1° Jésus, buste de trois quarts, regarde à droite.
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120 PHILIPPE THOMASSIN.
Sur l'estampe « QVID EST QVOD ME QVAEREBATIS. S — Cu priuil. Smi D. Sixti PPV p. an X. — Don Julio Clouio inuen. — Phil Th. et Io Turp. socij excud.
2° Marie, buste de trois quarts, regarde à gauche.
Sur l'estampe « FILI QVID FECISTI... » — Romae cu priuil. ad anos X. — Don Julio Clouio inuen. Phls Th. et Io Turp. socij ex.
87, 88. — Ecce homo, Mater dolorosa.
2 pièces. H. 0,238 ; L. 0,171. 1592.
Cadre ovale fait d'un bandeau, les coins remplis d'arabesques, entourant un buste.
Sur chaque estampe, déd. Leonardo Abelli, Episcopo Sidoniensi.
Sidoniensi. Phls Th. D. D.
1° Jésus couronné d'épines, vêtu de pourpre, le roseau à la main, de trois quarts, regarde à droite.
Exergue : « ATTENDITE ET VIDETE SI... »
2° Marie, le front voilé, les yeux pleins de larmes, la main droite sur la poitrine, regarde à gauche.
Exergue : « ET VITAM IPSIVS... »
89. — Jésus lisant.
D'après François Mazzuoli, le Parmesan.
H. 0,423 ; L. 0,353.— Marge inf. 0,020.
Sur une table, à droite, 4 volumes, à gauche l'Enfant Jésus assis, un moineau dans la main, un livre ouvert sur ses genoux. Derrière la table, Marie, à mi-corps, les mains jointes. Un rideau, un paysage.
Sur l'estampe : FRANC. PARM. INV. — CV PRIVIL. S. Pcis.
Marge. 1er état : Superioru permissu.
2e état : A la place d'une première dédicace effacée, mais visible encore, on a écrit celle-ci : ...HIERONYMO TETIO NOBILI PERUSINO... — Philippus Thomassinus D. (Armes.)
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PHILIPPE THOMASSIN. 121
90. — Jésus dormant.
H. 0,407 ; L. 0,300. — Marge inf. 0,025. 1597.
Au fond, une colline à droite ; un pont au-dessus d'une chute d'eau. La Vierge, en mi-corps, les mains jointes, contemple devant elle son fils qui dort dans un berceau.
Marge. « Ego dormio et cor meum vigilat. — Cu priuil. ad decenniu PTS excud. Romae, 1597.
91. — Marie & son Fils.
H. 0,181 ; L. 0,130. — Marge inf. 0,005. 1595?
Assise sur des nuages entre ciel et terre, Marie tient sur ses genoux l'Enfant-Jésus, qui de la main gauche présente une rose.
En marge : Phls et Io Turps ex. — Marg. super. « ET VTTA BRAT LVX... »
2e état. « Galisti Ferantis formis. »
92. — Vierge.
D'après Franç. de Rossi dit Salviati.
H. 0,453 ; L. 0,356. — Marge ing. 0,012.
Pendant qu'au-dessus d'elle trois anges la regardent, la Vierge, assise et vue jusqu'aux genoux seulement, tient l'Enfant-Jésus dans ses bras. Sur un fragment de colonne, à droite, un ananas.
Sur l'estampe. F. SALVIATVS IN.
Marge. Cu priuil. S. Ponts. — Quintilio Lucino Passalacqua Eccliae Catedlis comen Canonico. — Philippus Thomassinus scalptor. — Supior. pmissu.
93 — Sainte Famille.
D'après Martin Fréminet. H. 0,408 ; L. 0,310. — Marge inf. 0,030. 1589. Au milieu de nuages, Marie est assise, la jambe allongée
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122 PHILIPPE THOMASSIN.
vers la droite ; sur elle, Jésus endormi. De sa tête partent des rayons lumineux qui empêchent de bien voir St Joseph en adoration.
Sur l'estampe : Martin Fréminet Parisien. Invent. — Phil Th. fe. 1589.
Marge. Distique : « Vestieras solem... » — Cupriuil. S. D. N. P. P. Sixti V p. aos X. — Phil. Th. et Io. Turpinus socii excud.
Armes et déd. : Francisco de Joyeuse card. Smae Trinitatis.... protectori Galliae. — Philippus Thomassins galls d...
94. — Sainte Famille.
D'après Jacques da Ponte, Bassano. H. 0,455 ; L. 0,355. — Marge inf. 0,013. 1618?
A gauche, Jean-Baptiste embrasse l'Enfant-Jésus qui est sur les genoux de sa mère. Marie tient dans sa main l'oriflamme. St Joseph, accoudé à droite sur un piédestal, contemple la scène.
Sur l'estampe : CVMPRIVIL SUMMI. P. IACOBUS DA PONTO BASSAN IN.
Marge. Armes et déd. GABRIELI FALCONIO ALMAE VRBIS P. Q.
ROMANI SENATORI. — Phls Thomassinus d. d.
95. — Sainte Famille.
D'après Paul Farinate Véronèse.
H. 0,432 ; L. 0,346. — Marge inf. 0,018.
Dans une niche, Marie tient sur ses genoux son enfant endormi. Jean-Baptiste s'est approché et baise le pied droit de Jésus. A gauche, un St Joseph sévère.
Marge : Cu priuil. S. P. et supior. licetia. — Paulus Farinatus Veronen. in. — ...Petro Marino Giroccho Camerae Aplicae procuratori Fiscali generali. — Philippus Thomassinus... (Armes.)
96. — Ste Famille et Ste Catherine.
De François Vanni. H. 0,436 ; L. 0,311. — Marge inf. 0,030. 1597.
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PHILIPPE THOMASSIN.
123
Un paysage accidenté ; à gauche, une masse de rochers d'où s'échappe une nappe d'eau. Ste Catherine agenouillée, les mains percées des stigmates, a pris avec amour Jésus dans ses bras. Marie, assise à droite, les contemple ; à sa gauche, Jean-Baptiste s'est endormi. Au bas, à gauche, un pape, en mi-corps et accoudé.
1er état. Sur l'estampe : Françs Vanus Senen. inuentor. — Phls et Turpins excud. Rome. 1597.
Marge. Superior. permissu. 6 distiques : « Gara Dei Soboles... » — Cu priuil. ad decenniu.
Dédicace. ASCANIO COLVMNA CARD. ET PRINCIPI... — Philippus Thomassinus d. d. d.
2e état. Au nom de Thomassin, Turpin a substitué partout le sien.
97. — Vierge, Ste Catherine & S. Bernard.
D'après Barthold. Pachiarotti.
H. 0,303 ; L. 0,435. — Marge inf. 0,015. 1613.
Derrière une table chargée de fruits, Marie porte Jésus sur son bras gauche. A chaque extrémité sont debout, à droite, St Bernard ; à gauche, Ste Catherine ; dans les intervalles, quatre jeunes gens dont deux presque enfants.
Marge. Cu priuil. sumi Pontifs et supior. licentia 1615. — Bartholdus Pachiarottus in. Phls Thomassinus sculp. — ...NVTO MARGARUCCIO
AEQUITI. S. SEVERINI PATRITIO. — PHILIPPUS THOMASSINUS D. D.
(Armes).
98. — Vierge & Saints.
H. 0,500 ; L. 0,372. — Marge inf. 0,008.
En pleine campagne sont agenouillés St Charles et St JeanBaptiste ; debout, près d'eux, St Jérôme et St François : tous contemplent au ciel Marie qui présente son enfant pendant qu'elle est couronnée par deux anges.
Sur l'estampe : Cu priuil. S. P.
Marge. S. HIERONY... o.p.n. — S. CAROLVS o.p.n. — S. Ioseph
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124 PHILIPPE THOMASSIN.
Sponsus B. M. V. dicatu. Phls Thomassinus. — S. Io. BAPTIS... o.p.n. — S. FRANCISC. o.p.n.
Peut-être est-ce un 2e état, là marge paraissant avoir porté une autre inscription.
99, 119. — Vie de la Vierge.
21 pièces in-8°.
Simplement cité par Gori Gandellini.
120. — Apothéose de Marie.
D'après Frédéric Baroche.
H. 0,360 ; L. 0,250. 1590.
Marie, le front couronné, les mains étendues, est au centre d'une nuée lumineuse, où se montrent des milliers de têtes d'anges. A terre, divers emblèmes : civitas, templum Dei, porta clausa, scala coeli, etc.
Sur l'estampe : Cu priuil. S. D. N. Greg. Pp. xiiij p. anos X. — Fredericus Barocius Urbinas in.
121. — Apothéose de Marie.
D'après Bernard Castelli.
H. 0,432 ; L. 0,308. — Marge inf. 0,015. 1615.
La Vierge est apparue au milieu du Ciel, entourée d'anges, et ayant la lune sous ses pieds. A terre, entre l'Océan à gauche et une ville à droite, divers objets emblématiques.
Sur l'estampe : Cu priuil. Smi Pontificis et superioru licentia. — Bern. Castellus inuen. — Romae, Phls Thomassinus sculps. et excud., j6j5.
Marge : ... COMITI FRANCISCO TRIVVLTIO. VTRI. SIGNARAE REFERENDARIO,
REFERENDARIO, IN CIVILIB. LOCVMTETI. — Phls Thomassinus D. D.
Copie par Galle à Anvers.
122. — N. D. des Sept-Douleurs.
H. 0.478 ; L. 0,373. — Marge inf. 0,010. 1618.
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PHILIPPE THOMASSIN. 125
Au Ciel, au milieu de légions d'anges et de saints, Marie est debout, le coeur percé de sept épées. Autour d'elle, un vaste chapelet dont les gros grains représentent 7 mystères douloureux. A terre sont agenouillés, à droite, reines et saintes; à gauche, rois et pontifes.
Sur l'estampe : Instruction en latin. — Cu priuil. sumi Ponts et supior. licetia.
Marge Annae Julianae Archid. Austriae sorori Ord., seruor,
B. V. et Sacrae Cael. Majest. Annae Imperatricis opt. Matri. — Philippus Thomassinus d. d. Romae. 1618.
123. — Vierge au Rosaire.
D'après Antoine Tempesta.
H. 0,393 ; L. 0,317. — Marge inf. 0,015. 1591.
Sous des draperies supportées par deux anges, Marie, assise sur un trône, donne un chapelet à Ste Catherine, pendant que St Dominique, agenouillé à gauche, en reçoit un de Jésus : un pape, un roi, une reine et quatre anges, voltigeant dans le haut, complètent le tableau.
Sur l'estampe : Ant. Tempestinus in.
Marge Cu priuil. Greg. Pp. xiiij p. anos X. — Michaeli Bonello Epo Albanen. S. R. E. Card. Alexandrino Io. Turpinus Gallus s. D. — Phls et Io. Turpins socii excud. (Armes.)
La marge paraît avoir reçu antérieurement une autre inscription.
124, 125. — Rosaires :
1° REGINA ROSARII.
H. 0,530 ; L. 0,380. 1598.
Un trône sous des draperies soutenues par des anges. Jésus, assis sur les genoux de sa mère, donne des chapelets à St Dominique et à Ste Catherine. Dans une bordure qui entoure ce sujet, les 15 mystères du Rosaire ; dans une bordure extérieure, 24 saintes.
1er état. Sur l'estampe. ... Ioannae de Aragon, Ducissa de Sessa.
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126 PHILIPPE THOMASSIN.
— ... Michael Llot. D.D. — Phls et Io. Turpins excud. Romae cu priuil. Summi Pontiflcis ad decennium superior. pmissu.
2e état. L'adresse est complètement effacée.
2° ROSARIVM NOMINIS IESV.
H. 0,530 ; L. 0,380. 1598.
Dans une bordure extérieure, 20 saints, dont 6 le crâne fendu par une épée, et 6 la tête entre leurs mains. Au centre d'une couronne de 13 médaillons, les 15 mystères, se trouve le monogramme IHS. L'Enfant Jésus est debout sur la lettre H.
Sur l'estampe Nico. AB AVALOS ET DE ARAGON CARD. CONGR.
RITW. PRAESID. ROMAEQ. LEGATO. — Michael Llot. de Ribera. D.D.— Bref de Clément VIII. — Phls Thomassinus fe. Cu priuil. S. P. ad decennium 1598 supior pmissu.
126. — Effigies S. M. de popvlo.
H. 0,495 ; L. 0,361. 1592.
Vue jusqu'aux genoux seulement, le front voilé, une étoile sur l'épaule et sur la poitrine, Marie porte, sur le bras gauche, Jésus qui donne sa bénédiction. — 12 médaillons racontent l'histoire de l'érection de l'église Ste-Marie-du-Peuple.
Marge inf. Cum priuil. Greg. xiiij ad an. X (Ph. Th.). 1592. 2e état. La signature est effacée, mais visible encore.
127. — S. Maria major de urbe.
A S. Luca Evangel. depicta.
H. 0,495 ; L. 0,364. 1589.
Huit sujets en marge racontent l'histoire de l'image. Jésus, sur le bras gauche de sa mère, tient un livre d'une main et bénit de l'autre. Marie, vue jusqu'aux genoux, a le front voilé : une croix sur le voile, une étoile sur l'épaule droite.
Marge. Cu priuil. S. D. N. Sixti V, p. anos X.
Etat postérieur. Déd. Dominico Pinello, Card. S. Laur. S. M. maj. archip. Marcellus Clodius dic. — T. moneta typis. Romae 1589. (Armes.)
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PHILIPPE THOMASSIN. 127
128. — Madonna De'lvmi.
Della citta di San Seuerino.
H. 0,385 ; L. 0,270. 1614.
Marie couronnée est assise sur un trône ; sur ses genoux un coussin où repose Jésus. A droite et à gauche, colonnes d'ordre corinthien. Sur un cartouche, en haut, l'inscription cidessus.
Sur l'estampe : CONSVLI ET PRIORIBUS CIVITATIS S. SEVERINI. — Deiparae Virginis imaginem, etc. — Cu priuil. S. P. Philippus Thomassinus d.d.d. 1614. Superior. permissu.
129. — Casa di Loreto.
D'après Pompeo Aquilano. 2 feuilles. H. 0,422 ; L. 0,722.
Un paysage alpestre ; sur chaque pic de montagne un château-fort ; à gauche, un gros bourg fortifié; à droite, une forêt et des brigands; en quatre endroits de l'estampe, la maison de Lorette soulevée par des Anges.
Sur l'estampe : « VARIE TRASLATIONI DELLA CASA... » Pompeo Aquilano inuent. — Phil. Thomassinus excudit.
130. — Madonna di Loreto.
H. 0,533 ; L. 0,370. 1603.
Dans une niche est placée Marie tenant Jésus sur son bras gauche ; elle est couronnée d'une tiare et revêtue d'un magnifique vêtement où sont brodés une ville, un fleuve, un cardinal.
Sur l'estampe : PHILIPPUS THOMASSINUS EXCVDIT. Romae 1603. CVM PRIVIL. SUMMI PONTIFICIS.
Marge. 2 distiques : « QVAM LAVRETANO... » — Ded. PRINCIPI PETRO CARD. ALDOBR. S. R. E. CAMER. Caesar Contus anconit.
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128 PHILIPPE THOMASSIN.
131. — N. D. del Pilar.
D'après Charles Saraceni, venitien.
H. 0,386 ; L. 0,312. — Marge sup. 0,006 ; Marge inf. 0,040. 1615.
Le ciel s'ouvre à gauche, et au milieu apparaît la Vierge, assise sur des nuages, Jésus dans ses bras. Au-dessous d'elle, sur terre, une colonne. A droite, sont agenouillées diverses personnes aux côtés de St Jacques.
Sur l'estampe : Carolus Saracenus inuent. — Philippus Thom sculp. 1615.
Marge : « Jam volvebatur... » 44 vers latins. — IN ERECTIONE
BASILICAE... PRIORI ET CANONICIS... EQUES ANT. PINOS... D. D. de SUperior
SUperior
132. — S. Etienne.
D'après Bernardino Passari.
H. 0,465 ; L. 0,360. — Marge inf. 0,015. 1588.
Etienne, suivi de gens de la ville, a été amené au pied des murs de Jérusalem ; il s'est agenouillé, et pendant que les bourreaux font leur ouvrage, il s'écrie : « DOMINE... » Le ciel s'est entr'ouvert, et la Trinité se montre au premier martyr.
Estampe. Ber. Pas. in. — Phil. Thomassinus fecit 1588.
Marge. Distique : « Dum jacit in... » armes et déd. Principi Vyvonio, Marchioni Pisani... Henrici III legato ad Sixtum V. — Statii Belga d. d.
2e état. Giovanni Orlandi formis Romae.
133. — St Etienne.
D'après Antoine Circiniano, dit le Pomérance.
H. 0,532 ; L. 0,420. — Marge inf. 0,020. 1614.
On est aux portes de Jérusalem ; sur les remparts, il y a foule : aux soldats sont mêlés des curieux. Sur le signal du chef, les bourreaux ont saisi des pierres et ils lapident le
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PHILIPPE THOMASSIN. 129
saint. Etienne, agenouillé, les bras en croix, lève la tête au ciel d'où la Trinité le regarde. Un ange vient apporter au martyr une palme et une couronne.
Le personnage placé à gauche, derrière Saul, paraît être le portrait de Thomassin.
Sur l'estampe : Romae. Cu priuil. S. P. et sup. licent. Phls Thomassinus sculp. et excud. — Antonius Pomerancius inuentor.
Marge. ... STEPHANO PIGNATELLO. PRINC. BVRGHESII DOMVS PRAEFECTO. — Philippus Thomassinus d. d. d. (Armes.)
2e état. Gio Iacomo Rossi in Roma alla Pace.
134. — Chemin de Damas.
D'après Ant. Tempesta.
H. 0,510 ; L. 0,370. 1588.
Entouré d'anges, Jésus-Christ apparaît dans le ciel et, le geste menaçant, il jette ces mots : « SAVLE QVID ME... » Saul, le bâton de commandant à la main, tombe de son cheval qui se cabre ; la cohorte romaine se débande, tous fuient frappés de terreur.
Marge. Statii hollandi formi Romae, ant. Tempestinus inuen. — Distique : « Qui modo... » — Armes, déd. Princ. de Vyvonio Henrici III. Legato ad Sixtum V. Statii Belga d. d. — Phil. Thomassinus fec. 1588.
135. — Chemin de Damas.
D'après Sébastien Vrancx.
H. 0,403 ; L. 0,547. 1597.
L'escorte était arrivée à un carrefour, extrémité d'un bois ; la ville apparaît à droite. Soudain dans le ciel, au-dessus de la ville, le Christ s'est montré, proférant ces paroles : « SAVLE QVID ME... » A ces mots, le cheval de Saul se cabre et le cavalier est renversé. La troupe fuit en partie ; le reste cherche une explication du prodige.
Sur la marge : « Quis es domine?... »
T. XL. 9
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130 PHILIPPE THOMASSIN.
Sur l'estampe. 1er état. Sebastianus Vrancxus inu. — Phls et Io. Turpin. exc. Romae 1597. Cu priuil. ad decenniu.
2e état. Contient la dédic. ... Seraphino Olivario Razalio... — Philippus Thomassinus d. d. d.
3e état. Au nom de Thomassin, Turpin a substitué le sien.
4e état. A la dernière adresse se trouve substituée celle de Calistus Ferrantis.
136. — St Paul, martyr.
De Thaddée Zuccharo.
Gravé par Aliprando Caprioli.
H. 0,328 ; L. 0,248.
Aux portes de la ville, St Paul est agenouillé inclinant la tête. D'un faisceau délié, le licteur a pris la hache et la lève pour frapper. A gauche, des soldats romains ; à droite, des chevaliers bardés de fer.
Sur l'estampe : Mihi viuere Christus... » Tadeus Zucarus inuen. Romae, apud Philipp. et Io. Turpinu.
137. — St Jean dans l'huile bouillante.
D'après Auguste Ciampelli (1).
H. 0.465 ; L. 0,347. — Marge inf. 0,015.
Au pied du trône où est assis le gouverneur, sous une sorte de portique, St Jean a été plongé dans une chaudière remplie d'huile. Pendant que les exécuteurs alimentent le foyer, le saint, les mains jointes, lève les yeux au ciel d'où trois anges lui apportent les insignes du martyre.
Sur l'estampe. Augs Ciampellius. Romae. Cu priuil. S. P. et superioru licentia.
Marge. SEBASTIANO STVRION VTRI. JURIS DOCTORI. — Philippus Thomassinus d. d. d. (Armes.)
2e état. Gio Iacomo Rossi le Stampa in Roma alla Pace. (1) Composition attribuée à tort, par divers auteurs, à J. Zucca ou J. Zucchi.
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PHILIPPE THOMASSIN. 131
138. — S. Corneille.
D'après Antoine Tempesta.
H. 0,325 ; L. 0,250. — Marge sup. 0,015 ; Marge inf. 0,035. 1613.
Au ciel, la Trinité ; sur terre, le saint autour duquel sont placées diverses scènes où il figure encore secourant des malheureux.
Sur l'estampe. Ants Tempesta delineavit. — Thomasss sculp. Romae 1613.
Marge supér. SANCTO CORNELIO ROMANO CENTVRIONI... CORNELIVS
FRACISCVTIVS D. D.
Marge inf. « Sus Cornelius Romanus centurio precibus, etc.»
139. — S. Sébastien.
D'après Martin Fréminet.
H. 0,495 ; L. 0,212. 1592.
Loin d'un village, Sébastien a été lié par les mains à un arbre mort : 5 flèches l'ont frappé dont une au coeur ; à ses pieds son vêtement et ses armes.
Sur l'estampe. Martinus Freminettus in. Cu priuil. ad anos X. — Phls et Io. Turpinus socii excud. Romae.
2e état. Les mots : « Phls et socii » ont été effacés.
140 — S. Sébastien.
D'après Petrus de Jode.
Copie (?) H. 0,229 ; L. 0,312. — Marge inf. 0,015. 1599.
Près d'une forteresse, Sébastien, les pieds et les mains attachés à un olivier, a été atteint de 6 flèches ; il respire encore et porte ses regards en haut d'où vient un rayon céleste. Sur le sol, ses armes.
Sur l'estampe. Petrus de Iode inuen. — Cu priuil. S. P. Phls et Io. Turpinus excud. Romae, 1599.
Marge. ...MARCELLO VESTRIO BARBIANO VTRIVSQ. SIGNAT. REFERENDARIO. — Philippus Thomassinus D. D.
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132 PHILIPPE THOMASSIN.
141. — Les quatre Martyrs.
D'après Bernardino Passari.
H. 0,435 ; L. 0,370. 1589.
Dans une chambre et autour d'une colonne ont été liés les quatre martyrs. Autant de soldats armés de bâtons frappent les victimes. Deux anges descendent du ciel avec des palmes et des couronnes.
Sur l'estampe : Bernar. Passarus inuen. — Cum Priuil. Smi D N. Sixti Papoe V per annos X. — Philipp. Thom. fec. 1589.
Marge. Armes et dédicace... Io. Antonio Fachinetto fit. 4 Martyr. Card. Marcellus Clodius d. Romae. Marc. Clod. typis 1589.
142. — SS. Nérée, Flavie, Achillée.
H. 0,491 ; L. 0,337. — Marge inf. 0,015. (Thèse.)
Tous trois tiennent d'une main un livre, de l'autre une palme. Au ciel, d'un groupe d'anges, trois se détachent et apportent des couronnes de fleurs.
Sur le degré du bas. S. NEREVS MART. S. FLAVIA DOMITILLA
V. ET M. S. ACHILLEVS M.
Marge. Cu priuil. Sumi Pontificis.
Peut-être est-ce un 2e état, la marge paraissant avoir reçu une inscription.
143. — SS. Valentin et Anastase.
D'après Richard Ripanelli.
H. 0,385 ; L. 0,270. 1607.
Sous une draperie et au pied d'un autel où Marie est assise, sont agenouillés, à gauche St Valentin, à droite St Anastase.
Sur l'estampe : « ADMIRABILI MORVM. ... » S. Valentinus Epus et M. S. Anastasius Epus et Conf. — Philippus Thomassinus fecit et excudit Romae cu priuilegio Summi Pontificis 1607.
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PHILIPPE THOMASSIN. 133
Marge : ...Ludovico Ripoe Episcop. Interamnen (Terni), Richardus Ripanellus inuen. D. (Armes.)
2e état. « Et excudit » est effacé, De plus, Andreas Vaccarius formis Romae.
144. — S. Paul, 1er ermite.
D'après Bernard. Passari.
H. 0,423 ; L. 0,290. — Marge inf. 0,025. 1585.
Une gorge dans les montagnes : au milieu des rochers, quelques oliviers ; une source. St Antoine est arrivé à la grotte où il a trouvé expirant St Paul, étendu, les bras croisés sur la poitrine et pressant un Crucifix. Pendant ce temps, l'âme de Paul vole au ciel où des anges l'accueillent. Deux lions marchaient dans un sentier ; ils s'arrêtent surpris.
Sur l'estampe : Bernardinus Passarus inuentor. — Phil. Thomassino fe.
Marge. Motu proprio D. PAPA GREG. XIII per annos X superiorum permissu. « B. ANTONIVS VIDIT ANGELOS... » PIETRO FVLVIO praesbitero. Be. Passarus D. D. 1585.
2e état. Sta. formis Romae.
3e état. Giovanni Orlandi formis Romae.
145. — S. Hieronymvs — Cardinalis — et Ecclae doctor.
Image populaire. Vie et miracles en marge.
146. S. Grégoire-le-Grand.
D'après Auguste Ciampelli.
H. 0,508 ; L. 0,370. 1612?
Un pape, en camail et en étole, est agenouillé. Une colombe lui parle à l'oreille. A droite, vue de Rome : l'Obélisque, le Panthéon apparaissent. Dans une nuée des anges chantent le « Regina Coeli. »
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134 PHILIPPE THOMASSIN.
Sur l'estampe : Augustinus Ciapellus inuentor. Cu priuil Sumi Pontificis, et supior licentia Romoe. — Phls Thomassinuss fecit. (Armes.)
Marge ... GREGORIO DONATO ROMANO, ord. praedic Theolog. magistro — Philippus Thomassinus....
147, 148. — S. Bernard de Clairvaux. D'après Tempesta.
Vita et miracula S. Bernardi Clareralensis. 1 vol. in-8°. Romae MDLXXXVII : chez 1° Marcellus Glodius ; 2° Tomas moneta ; 3° Horatius de Marinary.
56 estampes. H. 0,260 ; L. 0,195. — Marge 0,030.
Collaborateurs de Thomassin : Chérubin Albert, Raphaël Guidi, Camillo Graffico du Frioul.
1° N° 43. « ISTE EST QVEM... »
Sur la porte d'un couvent le saint présente l'hostie à des' soldats furieux dont le chef tombe à genoux.
Sur l'estampe : Ant. Tempestinus in. — Philipp. Gallus fe. Marge. 3 distiques... « Qua Pertinacum. »
2° N° 54. — « SAPIENS MVLIER... »
Dans la cour d'un monastère, une princesse d'Espagne à genoux montre au saint les édifices qu'elle lui a fait construire.
Sur l'estampe : Ant. Tempestinus in. — Philip. Gallus fe. Marge : « Sanctia ex familia Imp. Hispan.... »
149. — S. Dominici vita.
H. 0,492 ; L. 0,367.
Image populaire. Le saint tient un lys et un livre. En bordure, seize sujets présentent la vie du saint.
1er état. (........) Françs Vannus inuentor. — Cu priuil. summi
Pontifîcis et superior. licentia.
2e état. Andreas Vaccari. Formis Romae 1604.
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PHILIPPE THOMASSIN. 135
150. — S. François d'Assise.
H. 0,305 ; L. 0,250. 1585.
Une colonne partage en deux l'estampe. A gauche, le saint reçoit de Marie un jet de lait ; à droite, le saint reçoit dans ses bras le Christ qui se détache de la croix.
Sur l'estampe : Thomassino fe. Claudij Ducheti formis Romae 1585.
2e état Joannes Orlandi formis Romae 1602.
151, 202. — S. François d'Assise.
D'après F. Villamena, sinon de lui.
Vita et miracula SER. PAT. S. FRANCISCI, triplici idiomate. Rome, 1608 ; 1 vol. in-8°.
52 Estampes. H. 0,095 ; L. 0,073. — Marge inf. 0,014.
Chaque estampe rapporte un fait de la vie du saint.
Marge. Un distique latin explicatif; avec traduction en italien et en espagnol.
Déd. de l'ouvrage. Andreae Catalano de Foro. Philippus Thomassinus d. — Idem Philippus excudit 1608 de superior licentia.
203. — S. François d'Assise.
D'après C. le Bronzin. H. 0,400 ; L. 0,310. — Marge inf. 0,016. 1616.
Un couvent, puis une forteresse à gauche et au loin ; à droite, un fleuve au pied de quelques collines. S. François, agenouillé près d'un arbre, abandonne un livre pour contempler un Crucifix.
Sur l'estampe : CV PRIVIL. SVMI. PONTS ET SUPERIOR. LICENTIA. G. Bronzinus flor. in. — Phls Thoms sculp Romae, 1616.
Marge. ... Comiti Ant. Santinello pro seren. Urbini Duce apud Paul, V. Residenti... — Philippus Thomassinus d. d. (Armes.)
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136 PHILIPPE THOMASSIN.
204. — S. François d'Assise recevant les stigmates.
Gravé par Augustin Carrache.
H. 0,437 ; L. 0,313. — Marge inf. 0,015.
Dans un ravin boisé, S. François, laissant à l'écart un compagnon, s'est agenouillé. Une extase le saisit, et des rayons lumineux viennent imprimer sur son corps les stigmates. A terre, un livre est tombé près d'une tète de mort.
Su. l'estampe : Agostino Caracci forma Bologna. 1586. Marge. « SIGNASTI DOMINE... »
2e état. Sur l'estampe « Et nunc apud Philippu Thomassinu. » Romae (1619?)
3e état. Gio Iacomo de Rossi formis Romae 1619 alla Pace.
205. — Mort de S. François d'Assise.
D'après le chev. Jos. César d'Arpino, le Josépin.
Gravé par Théodore Galle. Phls Galle, éditeur.
Copie. H. 0,261 ; L. 0,203. — Marge inf. 0,020. 1599.
Dans une grotte obscure, François, les mains stigmatisées, s'affaisse sur lui-même. Deux anges le soutiennent pendant qne l'âme, à gauche, monte au ciel.
Marge. Joseph Arpinas inuen. — Phls et Io. Turpinus excud. Romae 1599. — Distique : « Hac iter est, Francisce, tuum... »
206. S. Antoine de Padoue.
D'après Ant. Tempesta. H. 0,512 ; L. 0,395. 1588.
Image populaire. Le saint, revêtu de bure, tient un lys de la main droite; du bras gauche, Jésus assis sur un livre. En bordure, vingt images racontent la vie du saint.
1er état. ...... Ant. Tempestinus inuen. — Cu priuil. S. D. N.
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PHILIPPE THOMASSIN. 137
Sixti V PP. p. annos X. — « Santo Antonio nato in Lisbona. Morse in Padova... » — T Moneta typis 1588.
207. — S. François de Paul.
D'après Claude Deruet.
H. 0,457 ; L. 0,325. — Marge sup. 0,013 ; marge inf. 0,012. 1616.
Au ciel apparaît sur un nuage Marie avec son enfant. Autour d'elle jouent de petits anges dont l'un porte une tiare et deux autres, des clefs. Sur terre, François, agenouillé, est entouré de quatre anges qui représentent, à l'aide d'emblèmes, la Pauvreté, la Chasteté, l'Obéissance et l'Abstinence.
Sur l'estampe : Cu priuil. sumi Pontificis et supior licentia, Romae, 1616. C. Deruet inuen. — Phls Thomassinus fe.
Marge sup. SANCTISS. PATRI PAVLO. PONT. MAX. — Conuentus Minim. S. Trinit. in monte Pincio.
Marge inf. Distique, « Pauperis horror... ». — « S. Franciscus de Paula ord. Minim. Institutor... »
2e état. Gio Iacomo de Rossi. 1649.
208. — F. I. G. Barchinone.
H. 0.362 ; L. 0,470. 1589.
En marge, à droite et à gauche, la vie du saint. Entre ces bords, un pays alpestre. A gauche, au bout d'un sentier, Marie et l'Enfant-Jésus qui tient une boule et un lys. Les mots : HIC REPERVIT IMAGO. V. MARINE. Au pied de la colline, un monastère; dans la cour est écrit le mot : Corbaton.
Sur l'estampe : Romae apud Phil. et Io. Turpinu.
209. S. Fortunat.
D'après Ferran de Faenza.
H. 0,300 ; L. 0,243. — Marge sup. 0,015 ; Marge inf. 0,034. 1596.
Entre St Cassien et Ste Digne à gauche, St Calixte et Ste Romaine à droite, l'évêque de Todi, St Fortunat, reçoit sur un
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138 PHILIPPE THOMASSIN.
coussin un modèle de cathédrale qu'un ange lui présente. Au ciel, quatre petits anges, dont deux placent des couronnes sur la tête des saints.
Sur l'estampe : Ferrantus Faenzonius inuen... — Phls Th. fe.
Marge. Armes et déd. ... Angelo Cesis vescovo di Todi
25 iuglio 1596. — P. Paolo Sensini da Todi.
210 — B. Jacoponi de Todi (1).
H. 0,225 ; L. 0,202. — Marge sup. 0,017 ; Marge inf. 0,032. 1596.
Dans une cellule meublée d'une bibliothèque et d'une table, le saint, vêtu de bure, tient en main un Crucifix et un chapelet.
Sur l'estampe : PTS F.
Marge sup. « Ut coelum » 2 distiques. — EFFIGIES BEATI
JACOPONI DE TVDERTO.
Marge inf. Armes et déd. — Card. Cusano 24 novembre
1596. — Pietro Paolo Sensini.
211. — B. Filippo Fiorentino (2).
H. 0,479 ; L. 0,382. 1596?
Dans une chapelle, auprès d'un autel, le corps du saint est exposé ; des religieux en prières l'entourent. Sur le sol, un cadavre dont le front est couronné de laurier.
Le personnage qui porte toute sa barbe à gauche paraît être le portrait de Thomassin.
Sur l'estampe : MORTE E MIRACOLO DEL B. FILIPPO FIORENT, D'LORDINE DI SERVI DELLA MADONA. — OBHT TVDERTI (Todi) ANo DNI.
— MCCLXXXV SVAE VERO AETATIS. — LXI XI° KAL. SEPTEMB.
Dédicace. ... PATRI MAGISTRO GABRIELI VENETO GNLI CAETERISQ.
PATRIBVS TOTIVS ORDINIS S. MARIAE SERVORVM. — Ioes Turpinus
Gallus d.
(1) Auteur de poésies Italiennes célèbres.
(2) Composition attribuée, tantôt à L. Sabattini (Nagler), tantôt à André del Sarto (Gori Gandellini), qui l'aurait peinte dans le couvent des Religieux de l'Annonciation à Florence.
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PHILIPPE THOMASSIN. 139
212. — S. Albert.
D'après François Vanni.
H. 0,490 ; L. 0,370.
Image populaire : en marge, seize tableaux racontent la vie du saint. Au centre, Albert tient un lys.
1er état. Cu priuil. sumi Pontif. et superior. licentia. — Françs Vannus inuentor....
2e état. Andreas Vaccarius excudit.
213. — Foelix capvccinvs de Cantalicio.
H. 0,490? L. 0,370? 1587?
Image intérieure : H. 0,255 ; L. 0,190. — Marge inf. 0,017.
Image populaire : en marge, la vie du saint ; au centre, le capucin, vêtu d'une robe raccommodée, porte un gros paquet; à la main droite, il tient un chapelet.
Sur l'estampe : Plilippus Thomassin. fe.
Copies postérieures assez nombreuses.
214. — S. Caroli Effigies.
DEPICTA I ECCIA S. ONVPHRII DE VRBE.
D'après J.-B. Ricci de Novare.
H. 0,322 ; L. 0,210.
Dans un cadre dont le fronton porte l'inscription ci-dessus, St Charles agenouillé; quatre anges au ciel, un cinquième près de lui.
Sur l'estampe : Io. Bapta Ricius nouarien. in. — Phls Thomassinus fe.
Marge : déd. et armes ... PRINCIPI ODOARDO FARNESIO S. R. E. CARD
215. — Ste Anne.
H. 0,415 ; L. 0,311. — Marge inf. 0,022. 1596.
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140 PHILIPPE THOMASSIN.
Anne, assise à gauche, a le bras passé autour du cou de Marie ; celle-ci tient sur ses genoux Jésus qui, d'une main, donne la bénédiction, et de l'autre tient une petite croix.
Sur l'est. 1er état. PTS et Io.Turpin. exc. 2e état. « PTS et » effacé. Marge : SANTA ANNA CON L'ORATIONE. — « AVE MARIA, gratià plena dominus tecum.....»
216. — Ste Apolline.
D'après Richard Ripanelli.
Cintré. H. 0,390 ; L. 0,264. 1598.
Sur un trône élevé, Décius entouré de gardes. A l'aide de tenailles, un bourreau arrache les dents d'Apolline, tandis qu'un autre bourreau la tient au moyen de cordes. Du ciel vient un ange apportant une couronne et une palme.
Sur l'estampe : S. APOLONIA VIRGO ALEXANDRINA... RICHARDVS RIPANELLVS VRBINAS INVEN. — Phls et Io. Turpinus excud. cu priuil. ad decenniu. — SERAPHINO OLIVARIO. — Philippus Thomassinus D. D. 1598.
217. — Ste Marie égyptienne.
D'après Ventura Salimbeni.
H. 0,165 ; L. 0,120. — Marg. inf. 0,015. 1588.
Une sainte, en mi-corps, allaite un enfant.
Marge. Ventura Salimbeni senen inuentor. — Distique : « Quem nec mole...» Cu priuil. S. D. N. Pp. Sixti V p. aos X. — Phil. Gallus fe. et excudit Romae 1588.
2e état. Calisti Ferantis formis.
Copie, Baptistae pausier parmensis formis.
218. — Ste Marguerite.
D'après Raphaël Sanzio.
Le tableau original est au Louvre. Copie (?) H. 0,362 ; L. 0,263. — Marge inf. 0,014. 1589.
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PHILIPPE THOMASSIN. 141
D'un fond composé de roches sombres se détache la sainte en pleine lumière ; du pied, elle écrase un immense dragon ; de la main droite, elle tient une palme.
Sur l'estampe : Fontanableo. Raphael Urb. inuent. — Phil. Th. fe.
1589.
Marge. ... S. B. Raimundo Philosopho. Philippus Thomassinus D.
Cu priuil. S. D. N. Sixti V p. an. X.— Phil Th. et Io. Turpinus socij excud.
219. — Ste Euphrosine.
H. 0,490 ; L. 0,370.
Image populaire : en marge, la vie de la sainte, dont le portrait se trouve au centre.
Sur l'estampe : Déd. aux amis de la sainte... — Philippus Thomassinus Trecen. D. D. — Cu priuil. S. P. et Sup. licentia. — Phls Thomassinus excud.
220. — Ste Cécile. (Thèse).
D'après Gaspard Coelio.
H. 0:333 ; L. 0,438.
Dans une salle ronde, Ste Cécile touche à l'aide d'un archet un violoncelle dont une colombe pincé les cordes ; de la main restée libre, elle dompte un monstre. A ses côtés, la Pureté, la Science, l'Innocence, l'Abondance. En haut, les armes d'un cardinal ; en bas, deux divinités fluviales.
Sur l'estampe. ...CAROLO MADRVTIO S. E. R. CARD. EPISC. TRIDENT. JACOBVS MIGATIVS TRIDENT. — Gaspar Caelius. Philippus Thomassinus fecit.
221. — Ste Cécile.
De Raphaël Sanzio. (Le tableau original est à l'église Saint-Jean de Bologne.) D'après un dessin. H. 0,429 ; L. 0,288. — Marge inf. 0,020. 1617. Cécile tient à la main un instrument de musique qu'elle
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142 PHILIPPE THOMASSIN.
délaisse pour écouter une mélodie divine exécutée au ciel par des anges. Près d'elle, à gauche, Madeleine et Augustin ; à droite Jean et Paul ; à terre, divers instruments de musique.
Sur l'estampe : Raphaël Urb. inuentor. — Cu priuil. Sumi Ps et Supior. licentia. — Romae Phls Thomassinus fe. et exc. 1617, 1° maij.
Marge. ... Hyppolito Mariano Ariminensi... — Philippus Thomassinus. d. d.
222. — Ste Catherine.
D'après Jacopo Ligozzi.
H. 0,500 ; L. 0,368.
Ste Catherine se trouvait entre deux roues qui allaient la déchirer, lorsque la foudre éclate sur les instruments du supplice qui se brisent et frappent les soldats de leurs débris. La foule s'enfuit, et un ange apporte à la sainte la palme du martyre.
Sur l'estampe : JACOBVS. — LICOTIVS VERONEN INVEN. — Romae, cu priuil. Sumi Pontcis et Supior licentia.
Marge. ...FOELICI MONTALI ROMANO ET CONCIONATORI... — Philippus Thomassinus D. P.
223. — Ste Catherine de Sienne.
D'après François Vanni.
H. 0 343 ; L. 0,240. — Marge inf. 0,025. 1586.
Sur les marches d'un édifice, Catherine reçoit du Sauveur un coeur marqué du monogramme IIIS ; elle s'affaisse, évanouie de bonheur ; deux anges la soutiennent pendant que Jésus, le regard plein de bonté, lui prend la main ; à terre, près d'une tête de mort, un livre ouvert à la page : « Cor mundum crea in me... »
Sur l'estampe : DIVA CATHARINA SENENSIS. — Françs Vannus Senen. In. — Phls Thomasss Gallus fe.
Marge. 6 distiques : « Pectus hians sine corde vides... »
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PHILIPPE THOMASSIN. 143
224. — Ste Catherine de Sienne.
H. 0,495 ; L. 0,369.
Image populaire. En marge : 13 tableaux donnent la vie de la sainte; au milieu, Catherine, couronnée d'épines, tient un Crucifix de la main gauche.
Sur l'estampe : S. CATHERINA DE SENIS. — Cu priuil. S. P. et Superior. licentia.
2e état. ALL' ILLmo CARLE DI S. CECILIA (Sfondrato). — Dionisio di Cavallieri. (Armes.)
225. — Vita et Miracula Stae Catharinae sen.
Triplici idiomate (1). 1 vol in-8°. Romae 16.. — Phls Thomassinus excudit.
Ouvrage sans doute analogue à la vie de St François (n° 151-202).
226. — Noces de Ste Catherine.
D'après Guilio Campi.
H. 0,488 ; L. 0,375. — Marge inf. 0,017. 1619.
Pendant que trois anges jettent des fleurs du haut d'une chambre, et que d'autres anges chantent en choeur, l'EnfantJésus, assis sur les genoux de sa mère, présente à Catherine l'anneau nuptial.
Sur l'estampe : Julij Campi inuen. — Philippus Thomassinus fecit. — Cu priuil. S. P. et supior. licetia.
Marge : « ALLA Mte ILLre Sigra mia Sempre. Catherina Carri di
Sarzetti di Rimini di Roma li 20 Agosto 1619. — Filippo Thomassino.
Thomassino.
227. — Rédemption.
D'après Georges Vasari d'Arezzo. Cintrée. H. 0,500 ; L. 0,350. — Marge inf. 0,008. 1615.
(1) L'ouvrage figure sur le catalogue de la Bibliothèque impériale de Vienne (Autriche), mais il n'a pu être trouvé.
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144 PHILIPPE THOMASSIN.
Au Ciel, entourée de quelques anges, Marie, un croissant au-dessous d'elle, appuie le pied sur un monstre dont les replis sinueux courent autour d'un figuier. A cet arbre sont attachés patriarches, rois, prophètes. Etendus sur le sol, Adam et Eve jettent au Ciel des regards suppliants.
Sur l'estampe : Georgius Vasarius inuen. — Phls Thomassinus sculpsit et excudit. — Cu privil. S. P. et supior licentia.
Marge ALEXANDRO GABALONGHIO PATRITIO ARIMINENSI... —
Philippus Thomassinus d. d. d.
228. — Fidei Trivmphvs.
Cintrée. H. 0,790 ; L. 0,510. 1612.
Au Ciel, la Trinité au milieu des choeurs des anges; sur terre, la Foi traînée dans un char par le lion, l'aigle, le boeuf et l'ange des Evangélistes. Le sol entrouvert laisse apercevoir l'enfer. Ça et là, 36 inscriptions reproduisant le symbole de Saint Athanase.
Sur l'estampe : Phls Thomassinus fecit et excudit Romae. Cu priuilegio summi Pontificis et Superioru licentia.
229. — Signes précurseurs du Jugement dernier.
8 feuilles.
Le chevalier Giovani Baglioni (1643) dit de Thomassin qu'il exécuta « il Guidicio universale con moite diversità d'affetti e di attitudine portato. »
230. — Jugement dernier.
Gravé par François Villamena. H. 0,505 ; L. 0,325. 1603.
Au Ciel, Jésus, entre sa mère et S. Joseph, est entouré d'anges, de saints, de martyrs. Quatre anges sont allés sonner de la trompette, et aussitôt les morts ressuscitent : les uns sont enlevés au Paradis, les autres sont précipités en Enfer.
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PHILIPPE THOMASSIN. 145
Sur l'estampe : F. V. F. (1). Philip. exc. Romae. — Cu priuil. S. P.
et supr licentia. — ... PAVLO SFONDRATO CARD. S. CECIL. SIGN. GRAT. PRAEF. — Philippus Thomassinus. h. s. d. 1603.
231-238. — Les OEuvres de la Miséricorde.
8 pièces, H. 0,357 ; L. 0,494. 1604.
Le sujet principal est cintré; à droite, comme à gauche, deux gros balustres au renflement chargé d'armoiries ; aux quatre coins, de petits tableaux. Ornements divers d'architecture.
I. ESVRIENTES PASCERE. Dans une cour, des pauvres reçoivent de la nourriture.
Sur l'estampe : « SEPTE OPERA MISERICORDIAE.... » « LE SETTE » OPERE DI.... » — Philippus Thomassinus fecit et excud. Romae, 1604. — Cu priuilegio Summi Ponts et superiorum licentia. —
....SERAPHINO OLIVARIO RAZALIO CARD. AMPLISS. PHILIPPVS THOMASSINVS
THOMASSINVS D.
II. POTVM DARE. Au fond, dans un édifice, la Cène ; dans une cour, des malheureux demandent et obtiennent à boire.
Sur l'estampe : Phls Thomassinus fe. et exc.
III. COOPIRE NVDOS. Au centre de trois bâtiments, une cour que coupe une balustrade; des pauvres reçoivent des vêtements.
Philippus Thomassinus exc.
IIII. VISITARE INFIRMOS. Salle d'hôpital : à droite et à gauche des lits; au milieu, une chapelle.
Phls Thomassinus fecit et exc. Cu pr. S. P.
V. VISITARE CARCERATOS. Des prisons à droite et à gauche; les prisonniers aux fenêtres reçoivent divers objets.
(1) La signature F. V. F. est celle de Fr. Villamena, et non de François Vanni, comme le disent, à tort, tous les auteurs.
T. XL. 10
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146 PHILIPPE THOMASSIN.
VI. HOSPITIO PEREGRINOS EXCIPERE. Dans une cour, sept ou huit scènes différentes. Cu priuil. Si Ponts.
VIL SEPELIRE MORTVOS. Un enterrement avec prêtre, chantres, enfants de choeur. Phls Thomassinus fe et exc.
VIII. JUGEMENT DERNIER. AU Ciel, la Trinité au milieu des saints ; sur terre, les ressuscités enlevés en haut, ou abandonnés aux démons.
Cu priuilegio Summi ponts et superior licentia. — Phls Thomassinus fecit et excudit Romae, 1604.
239. — Meditatio AEternorvm.
D'après Gaspard Trini.
H. 0,409 ; L. 0,306. — Marge sup. 0,009 ; marge inf. 0,009. 1596.
Au milieu d'un paysage et entre les squelettes d'Adam et d'Eve, un cardinal, agenouillé, prie. Son ange gardien lui montre la croix qu'un petit enfant porte. En haut, la cour céleste ; sous terre, les damnés en proie aux tortures des démons.
Sur l'estampe : Gaspar Trinus in.
Marge « CIRCVMDEDERVNT ME DOLORES... »
Cu priuil. ad deceninu. — ... Sulpitio Constantino Episc. Nucerino. Io. Turpinus d. d. 1596. — Phls et Io. Turpins exc. Romae Superior pmissu. (Armes.)
240. — Specvlvm viventivm.
H. 0,472 ; L. 0,372. — Marge sup. 0,010 ; marge inf. 0,022. 1620?
Sorte de danse macabre. Au centre de la gravure un grand squelette ; à droite et à gauche, dans des médaillons, figurent : papes, rois, reines, empereurs, etc.; animaux, fleurs, toutes victimes de la mort.
Marge. ALLI SS. ET FRLI DELLA ARCHICONFRATERNITA DELLAMORTE... — Filippo Thomassino. D. D.
8 vers italiens.
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PHILIPPE THOMASSIN. 147
241. — Vaisseau de l'Eglise catholique.
Pièce en 8 feuilles.
In breve e facilmente anche intaglio Tommassini la nave della Chiesa Cattolica. (Gio Baglioni.)
242. — Ecole d'Athènes.
De Raphaël Sanzio.
D'après la fresque de la Chambre de la signature à Rome.
Gravé par Georges Ghisi, de Mantoue.
1er état. Copie par un inconnu chez Nicolas Nelli. 1572. 2e état. Cintrée, 2 feuilles. H. 0,495 ; L. 0,808. 1617.
Sur quelques degrés, à l'intérieur d'un vaste édifice, sont réunis Philosophes et autres personnages célèbres du Paganisme. Platon et Aristote occupent au centre la place la plus importante : confondus, par Thomassin, avec St Paul et St Denis l'Aréoagite, ils ont une auréole autour de la tête.
Sur l'estampe : RAPHAEL VRBIN. PINXIT ROMAE IN VATICANO « PAVLVS ATHENIS... » act XVII. — Phls Thomassinus exc. cu priuil. S. P. et Supior licentia.
Armes et dédic. Io. Baptistae Figoni. Medicinae professori... — Philippus Thomassinus d. d. d. 1617 Romae.
3e état. Gio Jacomo de Rossi formis Romae 1648. Les auréoles ont disparu.
243. — Dispute du S. Sacrement.
De Raphaël Sanzio, d'après la fresque du Vatican.
Gravé par Georges Ghisi.
1er état. Copie chez Nicolas Nelli.
2e état. Cintrée, 2 feuilles. H. 0,495 ; L. 0,830. 1617.
Les docteurs de l'Eglise discutent devant un autel où est placé le Saint-Sacrement. Au Ciel, la Trinité.
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148 PHILIPPE THOMASSIN.
Sur l'estampe : RAPHAËL VRBIN. PINXIT NI VATICANO ROMAE. « COLLAVDANT HIC... » — Phls Thomassinus exc. Romae 1617. Cu priuil. S. Ponts et Supior licentia.
Armes et dédic. HIACYNTHO PETRONIO S. APLICI PALATII MAGISTRO. PHILIPPVS THOMASSINVS.
3e état. Gio Jacomo de Rossi formis Romae 1648 alla Pace.
244. — L'Incendie du Bourg.
De Raphaël Sanzio, d'après la fresque du Vatican.
1er état. Gravé par un inconnu.
2e état. Chez Salamanque. 1545.
3e état. Cintrée. H. 0,570 ; L. 0.435. 1610.
Deux édifices en flammes ; à droite, chacun fuit : un père sur les épaules de son fils; une femme sauvant d'abord son enfant. A gauche, hommes et femmes s'occupent à éteindre le feu. Au fond, du haut d'une loge, le pape, imploré par la foule, donne une bénédiction qui arrête l'incendie.
Sur l'estampe : RAPH. VRB. PINXIT IN VATICANO. — Cu priuil. S. P. Phls Thomassinus exc. Romae 1610.
Armes et déd. ... PETRO LACIO ARIMINENSI PROVINCIAE ROMANDIOLAE AGENTI. — Philippus Thomassinus Trecensis D. D.
245. — Sacri ordines XXVIII S. Avgvstini.
H. 0,351 ; L. 0,491. — Marge inf. 0,026. 1597.
Dans une vaste salle à colonnes, saint Augustin, sur un trône à baldaquin, donne des préceptes ; vingt-huit chefs d'ordres l'écoutent, formant autour de lui divers groupes.
Sur l'estampe : Cu priuil. S. D. N. ad decenniu. — Phls et Io Turpin exc. Romoe, 1597.
Armes et déd. ... P. MAG. ANDREW FIVIZAN. TOTIVS AVG. REIP. GENERALI PHILIPPVS THOMASSINVS.
2e état. Les mots « Phls et » sont effacés. »
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PHILIPPE THOMASSIN. 149
246-284. — Statuta, hospitalis Hiervsalem.
Per fratrem Ptolemeum Veltronium. ej. ord. militem, cum figuris earumdemque sententiis ac magn. magist. imaginibus. 1 vol. in-4°. Romae, cum priuilegio 1588.
1°. 12 pièces (0,220 — 0,175) contenant chacune, dans des médaillons accolés, quatre portraits de grands maîtres.— Phil Thom. gall. fe.
2°. 27 pièces (0,178 — 0,135). Devoirs divers auxquels sont soumis les chevaliers de Jésusalem : au bas, une sentence explicative. Aucune signature.
285. — Monstres marins.
D'après Bernardino Passari.
Bouclier, rayon 0,280m.
Au centre, un crabe au dos armorié ; autour court une bande où sont représentés douze monstres marins, se disputant quatre femmes. Dans la bordure extérieure, délivrance d'Andromède.
Sur l'estampe : ROMAE BERNARDINUS PASSARVS INVEN. PHIL. THOMASSINVS FEC. ET EXCUD. — CV. PR.. S.. P.. ET SVP... LICENTIA.
Armes et déd. IOANNI VITELLIO. — Philippus Thomassinus. d.
286. — Gybèle.
D'après Guilio Pipi Romano.
Gravé par le maître au Dé (1). H. 0,214 ; L. 0,180. — Marge inf. 0,031. Dans un char, traîné par deux lions, Cybèle appuie ses
(1) Graveur inconnu qui signe avec un Dé surmonté de la lettre B.
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150 PHILIPPE THOMASSIN.
pieds sur une boule céleste : elle tient de la main gauche un ananas et un épis. Sous elle, des animaux domestiques. Au loin, divers travaux des champs.
1er état. Sur l'estampe : [B]
Marge. 8 vers italiens « Mentr'el tuo Padre. »
2e état. Chez ANT. LAFRERI.
3e état. Retouchée par Thomassin.
287. — L'Allegro trionfo della prima
vera.
H. 0,370 ; L. 0,510. — Marge sup. 0,012 ; m. inf. 0,021. 1618?
A travers un paysage qui se présente sous les trois aspects correspondant aux trois mois du printemps, défile un cortége que précèdent Bacchus et Orphée, que suivent Apollon et les Muses. Au centre, Flore et la « Prima vera » sur un char.
Marge. Cu priuil. Sumi Ponts — phls Thomassinus sculp. de supior licentia. — 24 vers italiens.
288. — Lo Stato Rustico.
D'après J.-Bapt. Pagi de Gènes.
H. 0,232 ; L. 0,161.
Sous une tonnelle où grimpent des pampres, un satyre joue du chalumeau, un berger de la cornemuse, une bergère du tambourin ; une laitière trait ses brebis, pendant qu'un enfant trace une inscription. Sur la treille, une gerbe et deux enfants.
Sur l'estampe : Cu priuil. S. Ponts, et superior licen. — AL Mol. hono sig. et Padron mio. IL sig. Gio. Batt. Ricci di Nouarra Pittore. — Phls Thomassin. sculp.
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PHILIPPE THOMASSIN. 151
289. — Sacrifice à Priape.
D'après Jules Romain (Pipi).
Gravé par le maître au Dé.
H. 0,121 ; L. 0,283. — Marge inf. 0,030.
Priape est heureux de se voir couronner de fleurs par une nymphe et une dryade. Silène, le vêtement retroussé et rempli de raisins, s'appuie sur un satyre et s'avance suivi de deux musiciens. A droite, d'autres divinités champêtres s'approchent en dansant.
Sur l'estampe : [B].
Marge. 4 vers « Quanto honorato sei, benigno bacco... »
2e état. Retouché : Phls Thomassinus exc. Romae.
290. — Chute de Phaéton.
D'après Michel-Ange Buonarotti.
Gravé par Beatrizet-le-Lorrain.
Copie avec quelques modifications dans le paysage. H. 0,400 ; L. 0,281.
Jupiter lance la foudre du haut du ciel, et Phaéton, le char, les chevaux sont précipités dans l'espace : ils tombent, et dans leur chute, ils vont écraser trois nymphes qui se baignaient dans un fleuve. Au fond, des collines; à droite, des habitations.
Sur l'estampe : MICH. ANG. FOR. INV.
2e état. Romae Phls Thomassinus formis. Retouché et assombri.
291. — Enlèvement de Ganymède.
D'après Michel-Ange Buonarotti.
Le tableau original était, au XVIIIe siècle, passé de chez les Odescalchi de Rome dans la galerie du duc d'Orléans.
Gravé par un inconnu.
Copie : H. 0,422 ; L. 0,270.
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152 PHILIPPE THOMASSIN.
L'aigle de Jupiter emporte Ganymède à travers les airs. Sur terre, le chien abandonné suit des yeux son maître. A gauche, la mer; à droite, des collines et une ville.
1er état. ANT LAFRERI. SEQVANI FORMIS.
2e état. Retouché et ombré. MICHAEL ANG. BONAR. IN. — Phls Thomassinus exc. Romae.
Marge : GANIMEDIS IVVENIS TROJANVS RAPTVS A IOVE.
292. — Novem Musarvm chorea.
D'après Balthazar Peruzzi.
H. 0,294 ; L. 0,707. — Marge inf. 0,016. 1615.
Dans la campagne, sur les bords de la mer, Apollon et les Muses dansent en rond, la main dans la main. A droite, Orphée joue de la lyre; à gauche, un berger joue de la cornemuse.
Sur l'est.: Baltasar Perutius senen. inuentor. Cu priuil S. P. et superioru licentia. Romae Philippus Thomassinus sculp. et excud. j6j5.
Marge. ...ALEXANDRO SANTINELLIO EX VETVSTISSIMA FAMILIA COMITVM METVLAE. — Phls Thomassinus H. S. D. D. (Armes.)
293. — La Cupidité honnie.
D'après Balthazar Peruzzi.
Gravé par le maître au Dé.
H. 0,224 ; L. 0,180. — Marge inf. 0,026.
Les Muses sont debout, à la gauche d'Apollon. Le Dieu, assis, donne à Hercule l'ordre, qu'il exécute, de chasser la Cupidité. La vieille femme, craintive, s'enfuit.
Sur l'estampe : [B]. ANT. LAFRERI.
Marge. 8 vers. « Quella che'l secol primo »
2e état. Retouché avec soin. Balthazar Perutius senen inuentor. — Phls Thomassinus exc.
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PHILIPPE THOMASSIN. 153
294. — Apollon et Marsyas.
D'après Raphaël Sanzio. Fresque du Vatican — Chambre de la signature.
Gravé par le maître au Dé.
H. 0,186 ; L. 0,282.
A gauche, Marsyas est attaché à un arbre, les bras audessus de la tête; à ses pieds, l'exécuteur aiguise son couteau. Apollon, assis sur une butte à droite, la lyre sur les genoux, donne l'ordre de mort. Derrière lui, une nymphe accoudée contemple Marsyas.
Sur l'estampe : [B].
2e éfat. Retouché. Romae apud Philippum Thomassinu RAPHAEL VRB. INV.
295-298. — Apollon et Daphné.
D'après Jules Romain Pipi.
Gravé par le maître au Dé. 4 pièces. H. 0,215 ; L. 0,178. — Marge inf. 0,025.
I. Apollon et Cupidon ont un défi d'adresse. Apollon lance un second trait sur le serpent Pithon, déjà frappé à la tête. Jaloux, l'Amour blesse le coeur de son rival qui regarde une naïade, Daphné, sans doute.
Sur l'estampe : Un dé et numéro 1.
Marge. 8 vers, « Uccide Febo il gran Piton. »
II. A l'entrée d'une grotte, à gauche, Pénée, couché, le coude appuyé sur son urne, tient une corne d'abondance : il permet à sa fille de suivre ses compagnes.
Sur l'estampe : Un dé, n° 2.
Marge. 8 vers. « Ecco il fiume Peneo. »
III. Apollon veut s'emparer de Daphné qui, au loin, est changée en laurier. Dans sa grotte, à gauche, Pénée est triste.
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154 PHILIPPE THOMASSIN.
Sur l'estampe : Un dé, n° 3.
Marge. 8 vers. « Qui Febo Dafne seguitor. »
IV. Pénée reçoit les consolations de quatre fleuves voisins.
Sur l'estampe : ... dé et n° 4.
Marge. « Hor Peneo che la figlia. »
2e état. Retouché. Plus de numéros. Julius Romanus inuentor. — Phls Thom. exc. Romae.
299. — Mort de Procris.
D'après Jules Romain (Pipi).
Gravé par Georges Ghisi de Mantoue.
H. 0,387 ; L. 0,564.
A travers une éclaircie de la forêt, au loin, se voit une habitation derrière laquelle paraît Phoebus traîné par deux chevaux. Dans le bois, Céphale, les yeux pleins de larmes, appuie contre ses genoux la tête de Procris, sa femme, qu'il vient de tuer. De toutes parts, dryades, satyres, faunes accourent témoigner de leur douleur.
Sur l'estampe : JVLIVS ROMANVS INVENTOR. G. MF.
2e état. Romae Antonij Lafrerj formis.
3e état. Retouché. PROCRIN ERITREI REGIS ATHENIENSIUM... — Philippus Thomassinus excudit Romae.
300. — Galathée.
D'après Jacques Zucca.
H. 0,325 ; L. 0,447. — Marge inf. 0,020.
Sur un coin de rivage, à gauche, une ville, un temple, un bois de myrte, où sont les Grâces. L'Océan est peuplé de divinités, tritons, sirènes qui courent au devant de Galathée. Celle-ci, entourée de compagnes, vogue sur une coquille, pendant que des amours lancent du ciel des flèches et des fleurs.
Sur l'estampe : Armoiries.
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PHILIPPE THOMASSIN. 155
Marge EQVITI DOMINO CASSIANO PVTEO — Philippus
Thomassinus d. d. — Cu priuil. Jacobus Zucca inu.
301. — Enée et Anchise.
D'après Raphaël Sanzio.
Gravé par le maître au Dé.
H. 0,225 ; L. 0,182. — Marge inf. 0,030.
Il fait nuit ; au loin, Troie en flammes. Porté sur les épaules de son fils, Anchise tient une Minerve. Le petit Jules vient par derrière, tirant le vêtement d'Enée.
Sur l'estampe : Un dé à la lettre [B]. Marge. 8 vers, « Falso Sinon Junon crudele.... » 2e état. Retouché. Raphaël Urbinas inuentor. — Phls Thom. exc. Romae.
302-351. — Statues antiques.
1 vol. album in-8°. Romae, chez Thomassin ; puis chez J.-J. Rossi. 1649.
50 pièces numérotées. H. 0,115 ; L. 0,078. — Marge inf. 0,006.
Dans une niche est placée chaque statue : une inscription est au-dessous.
1. Frontispice. Une Minerve.
Sur l'estampe : Philippus Thomassin. sculpsit excudit. Romae. — ANTIQ. STATVAR. URBIS ROMAE. (1) LIBER PRIMVS. (2) FRANC. DE ANGELONIS INTERAMN. — Phls Thomassinus d. d. — Cu privileg° summi Pontificis et superior licentia.
2e état. Gio. Iacomo. Rossi.
2, Jupiter. 3, Mars. 4, Vénus guerrière. 5, Orphée. 6, Hercule. 7, Comode. 8, Statue inconnue. 9, Esculape. 10, Bacchus. 11, Vénus. 12, Berger. 13, Léda. 14, Satyre. 15, Diane trivia. 16, Trajan. 17, Hercule. 18, Mercure.
(1) Le n° 365 formerait-il le Liber secundus?
(2) La bibliothèque de Troyes possède de ce savant, ami de Thomassin, une histoire de Terni.
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156 PHILIPPE THOMASSIN.
19, Apollon. 20, Muse. 21, Romain. 22, Egérie. 23, Apollon. 24, Bacchus. 25, Comode. 26, Faune. 27, Vénus. 28, Romaine. 29, Marsyas. 30, Cérès. 31, Bacchus. 32, Mars. 33, Vénus. 34, Hercule. 35, Cupidon. 36, Laurea. 37, Mercure. 38, Caesar. 39, Impératrice. 40, Tiberis. 41, Musa. 42, Homme à l'épine. 43, Latone. 44, Silène. 45, Cupidon. 46, Cybèle. 47, Sponsa. 48, Apollon. 49, Matrone. 50, Hercule.
352. — Apologie des Beaux-Arts.
D'après Barth. Spranger.
Gravé par J. Muller. Anvers 1597.
Copie : H. 0,666 ; L. 0,498. — Marge inf. 0,018. 1599.
Une Renommée, sonnant de la trompette, s'élève vers l'Olympe entraînant avec elle la Peinture, la Sculpture, l'Architecture. Sur terre, à droite, dans les ténèbres, des Turcs, cherchant à atteindre ces divinités de leurs traits. A gauche, les nations civilisées rassemblées autour d'un arc de triomphe.
1er état. Armes et dédic. : Au card. Marcello Vestrio Barbiano. — Phls et Turpin excud.
2e état. Les mots « Phls et » ont disparu.
353. — Victoire de Scipion contre Sisace.
D'après Raphaël Sanzio.
Gravé par le maître au Dé.
H. 0,213 ; L. 0,245.
Les escadrons ennemis chargent les bataillons romains qui résistent victorieusement.
Sur l'estampe : Le Dé.
Marge. « Viltoria havuta da Scipione... »
2e état. ANT. LAFRERII FORMIS.
3e état. Inscription nouvelle : « Sumptum ex fragmentis antiquitatum Romae. Très-usé.
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PHILIPPE THOMASSIN. 157
4e état. La hauteur de l'estampe est réduite à 0,188. — Marge inf. 0,008. — Raphael Urbinas inuentor. — Phls Thomassinus, exc.
354. — Triomphe de Scipion.
D'après Raphaël Sanzio.
Gravé par le maître au Dé.
H. 0,212 ; L. 0,246.
Sous un arc de triomphe, et à travers une haie de curieux, défile le cortége : à la suite de clairons et de cavaliers marchent les prisonniers, les mains liées. Les soldats portent des trophées.
Sur l'estampe : Le Dé.
Marge. « Trionfo di Scipione tornando vittorioso... »
2e état. ANT. LAFRERII FORMIS.
3e état. Une inscription : Sumptum ex fragments. Très-usé.
4e état. Retouché et hauteur ramenée à 0,187. — Marge inf. 0,013. — Raphael Urb. in. Phls. Thom. exc.
355. — Mort de la femme d'Asdrubal.
Gravé par P. WOEIRIOT. Copie. H. 0,223 ; L. 0,170. — Marge inf. 0,013.
En pleine rue, au pied d'un temple, quelques charbons allumés consument des vases précieux. La femme d'Asdrubal, un enfant sur chaque bras, vient se placer dans le brasier.
En marge. 2 distiques : « Nil timet ingentes... » — Phls Thomassinus excud. Romae.
356. — Sixte-Quint.
H. 0,380 ; L. 0,235. 1585.
Le Pontife, à la barbe inculte, en mi-corps, coiffé d'un bonnet de soie, revêtu d'un camail moiré, donne sa bénédic-
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158 PHILIPPE THOMASSIN.
tion. Le portrait est placé sur un autel au fronton duquel deux enfants soutiennent les armes de Sixte V. Devant les colonnes, à droite et à gauche, la Justice et la Vérité.
Sur l'estampe : SIXTVS V. P. M. AETAT. AN. LXVI. — M. D. LXXXV.
— Phil Thomassino fe. — ANNIBALI DE PAVLIS... Laurentius
Vaccarius D. D.
357. — Paul V. (Thèse.)
H. 0,251 ; L. 0,468.
Vaste arc de triomphe à trois galeries surmontées de loges, où se trouvent des Minerves. La galerie ou allée du milieu est occupée par un trône du haut duquel le Pontife donne sa bénédiction. En haut, les armes de Paul V.
Sur l'estampe. ... PAVLO V. P. M... HIPPOLYTVS STRADA. — Philippus Thomassinus fecit.
2e état. Paul V a été remplacé par Bellone. Les armoiries sont celles des Colonna.
358. — Clément VIII et Henri IV.
H. 0,530 ; L. 0,310. 1596.
Sur un piédestal auquel on arrive par trois degrés est dressée une colonne surmontée d'un crucifix : c'est la reproduction par le burin du monument élevé dans une des églises de Rome, en mémoire de l'absolution donnée par le Pape au Roi de France au mois d'octobre 1595. Deux médaillons représentent à gauche Clément VIII, à droite Henri IV.
Déd. HENRICO IIII PHILIPPUS THOMASSINVS. 1596.
PTS et Io Turpin exc.
359. — Henri IV.
H. 0,245 ; L. 0,200. — Marge sup. 0,005 ; marge inf. 0,020. 1595.
Le ciel est sombre ; la foudre éclate; la pluie tombe. Sur mer des vaisseaux, à gauche, se brisent contre des rochers ;
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PHILIPPE THOMASSIN. 159
sur terre, les édifices s'écroulent : chevaux, cavaliers fuient en tous sens. Henri IV, seul, sur un cheval qui se câbre (1), demeure calme ; il porte une cuirasse et tient le bâton de commandant.
Sur l'estampe : Armes de France et de Navarre. — Phls et Io Turpins excud.
Marge sup. : ETIAMSI FRACTVS ILLABATVR ORBIS.
Marge inf. : HENRICO IIII D. G. FRANCIAE et NAV. CHRIST. INVICTIS. — Philippus Thomassinus Trecensis d. d. ac semetipsum dicat Romae anno salutis M. D. XCV.
2e état. Le nom de Thomassin est partout effacé.
360. — Philippe de Mercoeur (2).
H. 0,260 ; L. 0,202. — Marge inf. 0,021, 1595.
Au milieu d'une campagne où se livre une bataille, le duc, cuirassé et nu-tête, est à cheval ; il va de gauche à droite.
Sur l'estampe : Phls Thomassinus fecit 1598.
Marge. 4 vers « a te saggio... » PHILIPPES EMANVEL DE LORRAINE DUC DE MERCEVR. 4 vers « si le preus Godeffroy... »
361. — Ritratti di Cento capitani illustri.
Intagliati da Aliprando Capriolo.
Un vol. in-4°. Romae. 1596. Texte italien.
2e état. « ... Con si lor fatti in guerra — brevemente scritti.... — » Et dati in luce da Filippo Thomassino et Giovan Turpino con priui» legio DI PAPA CLEMENTE VIII per anni dieci 1600 in Roma. »
Dédic. HENRICO QVARTO FRANCOR.... avec le texte qui suit :
« Viro vere Principi hoc meum opusculum cui titulus est centum armorum duces illustrissimi mihi dicare paranti, nihil antiquius duxi
(1) Le même cheval avait déjà été gravé par Thomassin dans le Chemin de Damas, d'après Tempesta, 1588.
(2) La tête semble copiée d'après Thomas de Leu.
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160 PHILIPPE THOMASSIN.
Fortissime Regum pro in concussa atque inviolata fide erga te mea quam hanc hujusce libri editionem Invictissimae Majestati tuae noncupatam et unice dicatam constituere.
» Accipe igitur queso Lux et Decus Regnantium ipsius opusculi editionem a me Philippo Thomassino sculptore et incisore oeneo Trecis orto impressam vultus serenitate ac jucunda animi hylaris propensione et clipeo Regalis Potentiae tuae defende. — Bene vale. »
Romae 12 kal, Martii 1600.
3e état. Ritratti et elogii di capitani ill. in Romae M. DCXXXV.
Pompilio Totti libraro. — Edition revue et augmentée, dédiée à
Franç. d'Este.
362. — Fr. Alophvs de Wignacovrt.
H. 0,187 ; L. 0,132. 1601?
Dans un médaillon, le portrait du 53e grand-maître de Malte à l'âge de 62 ans. En haut, ses armes; à droite et à gauche, quatre vertus chrétiennes. Des Turcs de profil. Sur l'entablement, les plans de Nocastro, Lépante, Patras et Maometa.
Sur l'estampe : Phls Thomassinus fe.
363. — Tombeau de deux Médicis.
Gravé par Corneille Cort.
H. 0,410 ; L. 0,272. — Marge inf. 0,012.
Au-dessus d'un autel, une grande fenêtre cintrée et garnie d'un treillis de corde. Guirlande de fleurs et de fruits.
Sur l'estampe : 1570. PETRO et IOANNI DE MEDICIS LAVRENT. ET JVL. POSVER. 1472. — Cor. Cort. fe.
2e état Maximiano Bruno Priri Sti Saluat... — Philippus
Thomassinus D. D. D.
364. — Navire.
H. 0,355 ; L. 0,480.
Le vaisseau flotte sur l'Océan ; à gauche, trois ou quatre
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PHILIPPE THOMASSIN. 161
petits bâtiments. Le pavillon écartelé, à 3 fleurs de lys et au lion.
1er état. Inconnu.
Etat postérieur. Phls Thomassinus exc.
365. — Gemmes et Camées antiques. Gravé par AEneas Vico.
Probablement un volume album, dans le genre des Statues antiques. (N° 302.)
Frontispice (H. 0,125 ; L. 0,060). Un cartouche entouré de deux sphinx et de figures d'homme et de femme qui se terminent en rinceaux.
1er état. Non rencontré.
Etat postérieur : EX ANTIQVIS CAMEORVM ET GEMM. DELINEATA.
ET AB ENEA VICO PARM. INCIS. LIBER SECVNDVS (1).
Dédic. ...FRANCISCO ANGELONI... — Philippus Thomassinus D. D.
366-367. — Arabesques.
(Genre des Loges de Raphaël.)
2 pièces. H. 0,390 ; L. 0,130.
I. Aux ornements sont mêlés : satyres, sirènes, chiens, cerfs.
II. Au milieu des ornements, Diane et des amours.
368-371. — Esclaves du Vatican. De Michel-Ange Buonarotti. D'après les fresques de la voûte de la chapelle Sixtine. Gravé par Chérubin Albert.
3 pièces. H. 0,317 ; L. 0,206.
(1) Le Liber primus constitue vraisemblablement le Recueil des Statues antiques, dédié au même Fr. Angeloni.
T. XL. 11
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162 PHILIPPE THOMASSIN.
I. Homme nu, assis, vu de profil, regardant à gauche : d'une main, il tient une draperie ; de l'autre, il s'appuie sur la pierre qui lui sert de siége.
II. Homme nu, assis, vu de face, tourné vers la droite : de la main droite, il tient une draperie. Sur la pierre, 1573.
III. Homme nu, assis, tournant le dos, mais regardant à gauche : ses cheveux flottent en avant du front.
1er état. Sur les estampes : Michael-Angelus pinxit in Vaticano, Cherubinus Albertus sculpsit. — Ant. Laperij f. Romae.
2e état. Joannis Orlandi formis Romae, 1602.
3e état. Retouché. Philippus Thomassinus exc.
4e état. Gio Jacomo Rossi in Roma alla pace.
IV. Un homme nu, assis, la tête couverte d'une draperie ; il regarde à droite. Sous sa main, à gauche, une corne d'abondance d'où tombent des glands.
Sur l'estampe. Michael Angelus pinxit in Vaticano Romae. — Phls Thomassinus fe. Cu priuil Sumi Pont.
2e état. Gio Jacomo Rossi.
372, 373. — Grotesques.
De Raphaël Sanzio. D'après les fresques du Vatican. 2 pièces. H. 0,210 ; L. 0,293.
I. E MEGLIOR LA FAVA CH' IL FIORE.
Deux masques : une jeune fille qui de la main droite tient une fleur ; elle a passé son bras gauche autour du cou d'un garçonnet qui tient une fève. Tous deux rient.
II. NON PIV COCCO, VOGLIO MOGLIE.
Une vieille femme présente à un jeune homme, qui le refuse en pleurant, un oeuf à la coque.
Sur les estampes. Thomassinus. Cu priuil
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PHILIPPE THOMASSIM. 163
THÈSES
374. — Un Prince.
D'après Donato Parigi.
H. 0,228 ; L. 0,297.
Sur un trône est assis un prince vêtu en romain : à ses pieds deux personnages à genoux. Sur deux boucliers que portent des figures allégoriques : 1° la chute des Titans, 2° un double aigle couronné.
Sur l'estampe : Donatus Parigius senen inuentor. — Philippus Thomassinus sculpsit.
375. — Armes des Médicis.
D'après Joseph-César d'Arpino (Le Josépin.)
H. 0,288 ; L. 0,425.
Posé sur une draperie, un cartouche aux armes des Médicis autour duquel la Pureté, l'Abondance, Cybèle et amphitrite, groupées, portent d'énormes besans. A terre, deux divinités fluviales ; en haut, deux anges et festons de fleurs.
Sur l'estampe : Eques Ioseph Arpinas inuentor. — Philippus Thomassinus fecit.
376. — Armes de Maximilien de Bavière.
H. 0,297 ; L. 0,370.
Sous un arc de triomphe, les armes du prince ; au-dessus, le portrait de Maximilien dans un médaillon avec l'exergue : MAXIMILIANVS D. G. COMES PALATINVS RHENI ET VRRIVSQ. BAVARIAE. Orphée à droite ; Hercule à gauche.
Sur un cartouche : SERENISS. PRINCIPI MAXIMILIANO COMITI.......... — Phls Thomassinus fecit.
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164 PHILIPPE THOMASSIN.
377. — Armes de François de Gonzague.
H. 0,325 ; L. 0,405.
Un arc de triomphe formé d'arcades entre lesquelles sont placés des chevaliers bardés de fer. On voit au loin le temple de la Gloire, dont la porte est cachée par les armes des Gonzague. A gauche, Bellone ; à droite, Neptune. Des cygnes nageant dans un bassin, sous l'arc, portent un cartouche où on lit :
... PRINCIPI. FRANCISCO GOZAGAE MARCHni CASTILIONIS.
Sur l'estampe : ROMAE PHILIPPVS THOMASSINS FE. ET EXC.
378. — Armes du cardinal Rusticuccio.
H. 0,238 ; L. 0,287.
Sur un cartouche : Pégase, armoiries du cardinal. Audessus un chapeau supporté par deux anges. La Justice et la Vérité. Quatre panneaux représentent l'histoire de Pégase.
379. — Armes d'un Cardinal.
H. 0,229 ; L. 0,330.
Sur un cartouche du pied duquel s'élancent deux lions, un écusson : au pal chargé de trois abeilles ; au-dessus un chapeau de cardinal soutenu par deux anges. A droite et à gauche, devant des colonnes méplates, la Guerre, la Religion.
Sur l'estampe : Philippus Thomassinus fecit et excudit.
2e état. Sur l'écusson on a substitué les armes des Colonna.
380. — Une Ville.
D'après Roncanelli. H. 0,306 ; L. 0,418. Le profil d'une ville. Au-dessus s'élève une grande drape-
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PHILIPPE THOMASSIN. 165
rie où sont fixées les armes d'un cardinal, soutenues en outre par deux anges. La Papauté, à gauche, traînée dans un char par deux aigles ; à droite, traînée par des chevaux, une autre figure allégorique.
Sur l'estampe ... Roncanellus inuentor. — Philippus Thomassinus sculpsit.
381. —Thèse pour un examen de Droit (?)
H. 0,214 ; L. 0,270.
Au centre d'un lambris, un médaillon où, sous les mots : AD AETHERA, brûlent quelques charbons; sur une corniche, les bustes de cinq jurisconsultes romains.
Sur l'estampe : ELEVATORVM ACADEMIA. — Philippus Thomassinus fecit.
382. — Academia profvndorvm.
H. 0,200 ; L. 0,216.
Deux femmes ; représentant la Science et l'Etude, assises de chaque côté d'un cartouche qui renferme les armes de l'Académie DE' PROFONDI : deux vases, l'un au haut, l'autre au bas d'une montagne, avec cette devise : Demissius ut plenius.
Sur l'estampe : Philippus Thomassinus fecit.
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166 PHILIPPE THOMASSIN.
Pièces attribuées à Philippe Thomassin et sur lesquelles
les renseignements font défaut.
Assomption.
D'après Augustin Carache.
Cité par Nagler.
Sainte Famille.
De Jules (Pipi) Romain. D'après l'original du palais Pitti de Florence.
Cité par Nagler.
J.-Christ présentant les âmes des élus à son Père.
Cette estampe serait signée I. T. (Jean Turpin.) Cité par Nagler.
L'Enfer du Dante.
D'après Bernard Pocetti. 4 feuilles. Cité par Gori Gandellini.
Quinze Vertus et Vices.
D'après H. Goltzius. Cité par Gori Gandellini.
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PHILIPPE THOMASSIN. 167
Les Arts libéraux. D'après Martin de Voss. Cité par Gori Gandellini.
Les quatre heures du jour.
D'après H. Goltzius. Cité par Gori Gandellini.
Constantin vainqueur de Maxence.
D'après Raphaël Sanzio. Cité par Nagler.
Les Sarrazins à Ostie.
D'après Raphaël Sanzio. Cité par Nagler.
Une armée en fuite.
D'après Zuccaro. Cité par Nagler.
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NOTE
SDR LES MESURES PRISES
POUR LA
CONSERVATION DES MANUSCRITS
DANS LE DIOCÈSE DE TROYES
du XIe au XVIIIe siècle
PAR M. L'ABBÉ LALORE
Professeur de Théologie an Grand-Séminaire de Troyes Membre résidant.
Tout le monde sait le prix qu'on attachait autrefois à un manuscrit.
Dans les monastères (1) on employait les calligraphes les plus intelligents et les plus habiles pour transcrire les auteurs païens, les chroniques, les cartulaires, les ouvrages des Pères, les décrets des conciles, les vies des Saints, la Bible et les livres liturgiques. Pour ces derniers manuscrits, les Capitulaires réglaient même les conditions de la transcription et prescrivaient une révision officielle dont le but était de garantir la pureté et l'authenticité des textes (2).
(1) Il faut remarquer que, dans les monastères de l'ordre de Citeaux, aux termes des statuts et règlements de l'ordre, les manuscrits devaient être écrits sans frais de calligraphie, avec la simplicité qui excluait les ornements et décorations.
(2) Baluze, Capitularia, t. I, col. 203 ; 237 C. LXX ; col. 569 C. XXVIII ; col. 714 C. LXVIII ; col. 724 C. CIII ; et t. II, Nota, col. 11551162. — Ibid. T. I, col. 992 C. CCCLXXVIII.
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170 CONSERVATION DES MANUSCRITS.
Sans parler de ces manuscrits que la matière et l'art rendent inappréciables, chefs-d'oeuvre de calligraphie et de peinture, sur vélin, au fonds de pourpre ou d'azur, aux lettres historiées, aux rinceaux gracieux, aux riches encadrements, variant à chaque page, dont le prix est encore rehaussé par des reliures d'un travail exquis, en ivoire sculpté, en argent ou en vermeil repoussé ou ciselé, avec des émaux et des pierres précieuses, nous disons qu'un manuscrit, même ordinaire au point de vue de l'exécution matérielle, avait de la valeur. En preuve, nous citerons un bréviaire troyen écrit en 1433, c'est-à-dire à une époque où les manuscrits liturgiques se trouvent facilement, parce que les copistes sont nombreux, et qu'il existe déjà à Troyes des libraires dont l'industrie est encouragée par les ecclésiastiques (1). L'écriture de ce volume est pleine d'abréviations, rapide et négligée, le parchemin est de second choix, les lettres peintes sont rares : nous jugeons ce bréviaire d'après ceux qui ont été écrits dans nos contrées à la même époque. Il appartenait à Robert Plumey, prêtre, receveur du château épiscopal d'Aix-enOthe. Après l'incendie du château, le mardi avant l'Assomption, Il août 1433, et après le pillage par les Anglais, Robert Plumey donne à l'évêque de Troyes un état des pertes qu'il a subies, et où on voit figurer un bréviaire tout neuf qui avait coûté XX escus d'or, monnaie du temps. Or, à cette époque, d'après les Tables de M. Leber, l'écu vaut 1 l. 2 s. 6 d. — La livre vaut 7 f. 76 c. — le sou vaut 38c. — les 6 deniers valent 19 c.; c'est au total 174 f. 20 c. Ce petit volume coûtait donc cher.
On comprendra maintenant le cri de douleur et d'indi(1)
d'indi(1) 2 mars 1473 (v. st.), le Chapitre de la cathédrale consent à ce que « quidam Guignard, librarius et scriptor habeat ad vitam quamdam domum ante ecclesiam S. Urbani, que pertinet ad opus vicariorum. (Archiv. de l'Aube. G. 1276, fol. 430 v°.)
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CONSERVATION DES MANUSCRITS. 171
tion poussé dans notre vallée de Clairvaux en 1179-1486, parce qu'un emprunteur négligent avait renvoyé à l'abbaye un manuscrit gâté par l'humidité. Pierre, VIIIe abbé de Clairvaux, écrit au coupable (c'était un abbé) pour lui faire de vifs reproches : « Il y a, dit-il, des pertes qui sont dures, » et qui causent une peine amère. Vous nous avez ren» voyé un volume qui, par l'effet d'une négligence inquar» lifiable, est gâté; il est tout mouillé de l'eau d'une gout» tière. Après l'avoir gardé avec si peu de soin, vous avez » pris bien des précautions pour le remettre ; le porteur » l'a rendu de nuit et il est reparti le lendemain de grand » matin, avant qu'on ait pu constater le dommage à la lu» mière du jour. Mais cet hôte nocturne ne s'est pas con» tenté de nous cacher le tort qui nous était fait, abusant » doublement de notre confiance, il a emporté un autre » manuscrit que le prieur lui a remis. Toutefois, la charité » supporte tout : nous consentons à oublier le préjudice » que vous nous avez causé ; mais craignant qu'un pareil » fait ne se renouvelle, nous exigeons que vous nous rendiez » immédiatement notre manuscrit qui est entre vos mains. » Quand on connaît le danger, il faut l'éviter ; autrement, » l'expérience du mal passé n'est pas un préservatif contre » le mal à venir (1). »
PREMIER MOYEN DE CONSERVATION : Malédiction contre ceux qui volent les manuscrits ; contre ceux qui les vendent, les donnent, les mettent en gage, les gâtent ou les laissent gâter. — Un grand nombre de nos manuscrits des Xe, XIe et XIIe siècles existant actuellement à la bibliothèque Nationale, à la bibliothèque de l'Ecole de médecine de Montpellier, à la bibliothèque de Troyes, sont placés sous la protection de l'anathème, dont voici la formule la plus ordinaire : « Iste liber est Ecclesie N. Si quis » eum furatus fuerit, anathema sit. »
(1) Biblioth. Patr. Cister. T. III, p. 267.
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172 CONSERVATION DES MANUSCRITS.
Quelquefois cette formule se lit au commencement, mais le plus souvent à la fin des manuscrits. On sait que la crainte de l'anathème au moyen-âge mettait un frein aux plus violentes passions.
Vers l'an 1179, avant de partir pour la seconde fois en Terre-Sainte, le comte Henri-le-Libéral donna à l'abbaye de Saint-Loup de Troyes un texte des Evangiles : « De quo » id conditionis interponi voluit, et sub anathematis sen» tentia prohibuit ne cuiquam, quocumque tempore, quo» cumque pacto, quacumque causa, ab ecclesia liceat ipsum » alienare (1). » Ce manuscrit existe encore à la bibliothèque de Troyes, n° 2275.
Nous lisons, à la fin d'un Ordinarium qui fut rédigé
pour l'abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains de Troyes,
en 1287, par Isabelle de Saint-Phal :
« Je, Ysabel de Seint Fale, chantre de Notre Dame de
» Troies de ceste esglise..... Por Dieu si proi a vos toutes
» qui estez, et a celles qui après vanront, que vous priez
» toutes por moi que je me suis forment por vos travaillie,
» et vos i estes mout tenues. Enquor vos proi et requier
» que vos lou gardez bien : que de Dieu et de Seinte Marie
» soient celles benoites qui bien lou garderont. Et celles
» soient de Dieu et de Seinte Marie et de toute la cor
» de Paradis maudites et escomeniés qui mal i feront, ne
» qui mal i soffera a feire, et qui l'emblera, ne de ceste
» esglise lou getera (2). »
Ici l'anathème est précédé de la recommandation solennelle d'avoir soin du manuscrit ; la bénédiction du Ciel est promise aux personnes fidèles à cette recommandation. En 1371, le roi Charles V, à la considération de Pierre
(1) Mémoires de Guitère, abbé de Saint-Loup. Bibliot. de Troyes, Ms. 2275 ad calc. Dans notre Cartulaire de l'abbaye de Saint-Loup,
p. 7.
(2) Bibliot. de Troyes, n° 792, fol. 363 vo.
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CONSERVATION DES MANUSCRITS. 173
de Villiers-Herbices (1), son confesseur, donna aux Dominicains de Troyes, le Repertorium morale. On lit à la fin du manuscrit (2) :
« Anno Domini M° CCC° LXXI° dedit istum librum pro libra» ria communi istius conventus Trecensis ordinis Fratrum » Predicatorum illustrissimus princeps et DD. Karolus, Dei » gratia Francorum rex, ad procurationem fratris Petri de » Villaribus juxta Herbiciam oriundi de terminis dicti con» ventus Trecensis, tunc confessoris predicti D. Regis. »
Le roi demanda au pape Grégoire XI une bulle d'excommunication ipso facto contre ceux qui aliéneraient ce manuscrit.
« Item faciens vel procurans alienacionem dicti libri
» est excommunicatus ipso facto, sicut apparet per litteras
» papales quarum tenor sequitur in hec verba : Gregorius
» episcopus, servus servorum Dei, ad perpetuam rei me»
me» Carissimus in Christo filius noster Carolus rex
» Francorum illustris... Cum itaque rex zelo devotionis
» motus aliqua jocalia seu reliquaria argentea et nonnullos
» libros ad usum Fratrum conventus domus ordinis Pre»
Pre» Trecensium eidem conventui dederit... Nos
» regiis supplicationibus inclinati, auctoritate Apostolica
» tenore presencium, in virtute sancte obedientie et sub
» excommunicationis pena, quam contra inhibicionem pre»
pre» facientes incurrant, eo ipso districtius inhibemus
» ne quis cujuscumque status, gradus, sexus... exstiterit,
» hujusmodi jocalia et libros per dictum regem jam data,
» ut premittitur, ac alia per eumdem regem danda, dum in
» domo ipsa fuerint, alienare, impignorare, vendere, mutuo
» tradere vel qualitercumque distrahere presumat, nec
» idem facientibus prestet auxilium, consilium vel fayorem,
» non obstantibus exempcionibus...
(1) Il devint évêque de Troyes en 1375.
(2) Bibliot. de Troyes, n° 207, fol. 426.
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174 CONSERVATION DES MANUSCRITS.
« Datum Avinione IIII kal. marcii, pontificatus nostri » anno primo. »
L'original de ces lettres était gardé dans les archives du couvent (1).
DEUXIÈME MOYEN DE CONSERVATION : L'aliénation des manuscrits est déclarée nulle et sans effet par la volonté expresse des donateurs. — Fréquemment des manuscrits étaient donnés aux établissements ecclésiastiques et religieux, à la condition formelle de n'être jamais aliénés, de quelque façon que ce fût. Si le donataire n'observait pas cette condition essentielle il y avait alors substitution, c'est-à-dire que le droit de propriété était devolu à un tiers, qui, de plein droit, en vertu de la volonté expresse du donateur, mettait la main sur les manuscrits indûment aliénés. Ordinairement, le cas d'aliénation échéant, plusieurs personnes étaient substituées IPSO FACTO au donataire comme co-propriétaires des manuscrits en question; mais en réalité, ces donataires éventuels formaient plutôt une espèce de conseil d'administration pour la conservation des manuscrits. Ensorte que les établissements ecclésiastiques et religieux avaient des conservateurs de leurs manuscrits comme ils avaient des défenseurs de leurs priviléges.
Ainsi, le Repertorium morale cité plus haut, fut donné par le roi Charles V aux Dominicains de Troyes « tali pacto » quod si per quemcumque a dicta libraria amoveatur, » impignoretur, vendatur, vel aliter qualitercumque alie» netur, ipso facto pertinebit ad episcopum Trecensem, ad » decanum et capitulum ecclesie Trecensis et ad conventum » Fratrum Predicatorum Parisiensium (2). »
TROISIÈME MOYEN DE CONSERVATION : Serment de ne jamais prêter les manuscrits. — Les précautions pour la
(1) Bibliot. de Troyes, n° 267, fol. 426.
(2) Ibid.
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CONSERVATION DES MANUSCRITS. 175
conservation des manuscrits allèrent si loin que les religieux s'engageaient sous la foi du serment à ne jamais prêter leurs manuscrits. Notre concile provincial de Sens, tenu à Paris en 1212, défend cet abus, car prêter, disent les Pères, est une des principales oeuvres de charité; toutefois, en prêtant les livres dont ils n'ont pas besoin, les religieux pourront exiger une indemnité pour leur monastère. Le concile déclare nul tous les anathêmes contre le prêt des manuscrits :
Can. XXIII. Ne religiosi juramentum faciant de non commodando libros :
« Interdicimus inter alia viris religiosis, ne emittant ju»
ju» de non commodando libros suos indigentibus,
» cum commodare inter precipua misericordie opera com»
com» Sed adhibita consideratione diligenti, alii in
» domo ad opus fratrum retineantur, alii secundum pro»
pro» abbatis, cum indemnitate domus, indigentibus
» commodentur. Et amodo nullus liber sub anathemate
» teneatur : et omnia predicta anathemata absolvimus. »
QUATRIÈME MOYEN DE CONSERVATION : Prêt de manuscrit, après inscription et sur reçu. — Au moyen-âge, nous trouvons l'usage de ne prêter les manuscrits, même aux personnes les plus honorables, que sur reçu ou après inscription sur un registre. Nous prenons au hasard dans les délibérations du Chapitre de la Cathédrale les mentions suivantes :
Le 23 janvier 1421 (v. st.), un exemplaire du Sextus, avec deux commentaires sur ce texte canonique, sont prêtés à Thomas d'Auxonne, qui donne un reçu; ces volumes sont rendus le 30 mars suivant (1).
Le 15 octobre 1444, le Chapitre consent à prêter à Jean
(1) Archiv. de l'Aube. G. 1275.
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176 CONSERVATION DES MANUSCRITS.
Léguisé, évêque de Troyes, l'un après l'autre, et sur reçu, les quatre volumes « de Vincent (1). »
Le 26 octobre 1459, le Chapitre prête au bailli de Troyes, le Roman de la Rose, à la condition qu'il en donnera reçu (2).
Le Chapitre avait aussi décidé, le 11 juillet 1459, que deux registres seraient disposés pour inscrire les titres communiqués avec déplacement (3).
CINQUIÈME MOYEN DE CONSERVATION : Amende contre ceux qui dégradent les manuscrits. — L'autorité ecclésiastique recourut même à l'amende pour protéger nos manuscrits contre le vandalisme des curés. Nos anciens Statuta synodalia, dont la première rédaction remonte vers l'an 1212 et qui furent en vigueur dans le diocèse jusqu'à la fin du XVIe siècle, condamnent à la peine de 100 sous tournois, les curés qui coupent les marges des livres liturgiques pour délivrer des lettres testimoniales ou certificats:
Preceptum VIII. — « Sunt plures curati et ecclesiarum » parochialium rectores qui penes se non habent perga» menum : sed quando volunt facere litteras matrimoniales » vel alias litteras, ipsi scindunt margines librorum ecclesie » pro ipsis litteris faciendis, et sic destruunt libros in » damnum parrochianorum. Super quibus matricularii » quamplurimarum ecclesiarum conquesti sunt et conque» runtur. Quare omnibus tam presbyteris quam aliis per» sonis quibuscumque inhibemus ne de cetero, sub pena » ceritum solidorum turonensium piis usibus applicando» rum, talia committant (4). »
(1) Archiv. de l'Aube. G. 1275.
(2) Ibid. G. 1276.
(3) Ibid.
(4) Loc. XVII, fol. 88, v°, édit. 1530.
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CONSERVATION DES MANUSCRITS. 177
SIXIÈME MOYEN DE CONSERVATION : Les manuscrits sont
mis sous clef et sont enchaînés.
Aux moyens moraux se joignaient les moyens matériels de conservation :
Par un nouveau règlement adopté le 11 février 1423
(v. st.), le Chapitre de Troyes décide que douze chanoines recevront chacun une clef de la librairie (bibliothèque) de la
Cathédrale, et que celui qui perdra la clef qui lui est confiée
devra fournir une nouvelle serrure et douze clefs (1).
Dans les comptes de la fabrique de la Cathédrale, de 1293 à 1300 (v. st.), dans le chapitre de la dépense commune, on retrouve souvent le salaire du serrurier ad incathenandos libros chori (2). Nous retrouvons encore, cette même mention jusqu'au XVIe siècle pour les livres du choeur et du revestiaire ou sacristie. Nous citons presque au hasard. Compte de 1367-68 : Me Pierre relie « quoddam diurnale incathenatum in sinistra parte chori (3). » » Compte de 1379-1380 : « Pour V mailles de chaienne pour le bréviaire dou revestière et III mailles et le cloet dou diurnal qui est enchaennez ou cuer, II s. VI d. (4). » Compte de 1382-1383 : « Pour relier à nuef les agendes qui sont enchesnez ou cuer dextre, mettre aisselles nueves, covrir de cuir des serf,, mettre fremours et assiette de X cloz de cuivre tout neux, par Me Pierre Quatrecornes, X s, (5). » Compte de 1384-1385 : « Pour relier le viez epistolier tout à nuef ; et remettre à trois, qui estoient enchaennez, en chacun une aisselle nueve et recovrir à nuef, liquelx furent despepez quand la fouldre chey sur la rameure, à Me Quatrecornes, XXV s. — Pour II pelz de mouton acheteez pour
(1) Archiv. de l'Aube. G. 1275, fol. 27 r°.
(2) Bibliot. nation., latin 9111.
(3) Archiv. de l'Aube. G. 1559, fol. 36 v°.
(4) Ibid., fol. 43.
(5) Bibliot. nation., latin 9112.
12
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178 CONSERVATION DES MANUSCRITS.
les covrir, VI s. (1). » Compte de 1410-1411 : Me Blanchart, curé de Donnement, met plusieurs pièces « es deux psaultiers mis ou cuer en II chaennez (2). »
Non seulement les livres étaient enchaînés dans le choeur et dans la sacristie des églises ; mais dans les bibliothèques elles-mêmes. Nous trouvons dans le compte de la Cathédrale de 1423 ces travaux de menuiserie et de serrurerie pour la librairie ou bibliothèque : « Jehan Michiel Huchier » fait les « pourpitres (ou armoires) et formes (sièges) à seoir. » Le serrurier fait « huit verges de fer es popitres es quelles (verges) sont encheinnés les livres. » Ces verges ont chacune neuf pieds de long ; il y a une serrure et un corbeau pour chaque pupitre. Quarante chaînes de fer neuves sont achetées pour enchaîner les livres; plusieurs vieilles chaînes sont allongées. Le serrurier fournit « IIIIXX mors a ataicher les livres de la dicte librairie, et XL avec les toirez mis es cheinnez des diz livres (3). »
Nous lisons dans le journal de Nicolas Forjot, abbé de Saint-Loup, de Troyes : a Anno M° CCCC° XCVI° circa » festum B. Andree incatenari feci principales libros hujus » ecclesie... ut facilius fratres mei studio scientiae vacare » possint, et ne libros quis in futurum alienare presumat, » etiamsi abbatiali dignitate prefulgeat (4). »
Cet usage dura jusqu'aux temps modernes. Des livres ayant été donnés à la librairie de la Cathédrale de Troyes, le 18 avril 1521, le Chapitre prie le théologal Pierre Richard de les enchaîner par séries et ordre de matières : « incatenare seriatim, secundum ordinem materiarum (5).»
SEPTIÈME MOYEN DE CONSERVATION : Les manuscrits sont
(1) Bibliot. nation., latin 9112, fol. 131 r°.
(2) Archiv. de l'Aube. G. 1559, fol. 170 v°. (3) Ibid. G. 1561, fol. 338.
(4) Apud Cousinet, Bibliot. de Troyes, manus. 2283.
(5) Archiv. de l'Aube. G. 1281, fol. 386 v°.
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CONSERVATION DES MANUSCRITS. 179
soustraits à la négligence et concentrés en lieu sûr. — Enfin au XVIIIe siècle pour conserver les manuscrits de certaines communautés religieuses, il fallut les enlever à ceux qui les possédaient. Nous nous expliquons. Les communautés religieuses du diocèse de Troyes négligèrent leurs précieux manuscrits et cette regrettable incurie fut cause de pertes irréparables. Nous avons vu une magnifique bulle du pape Lucius III confirmant l'abbaye de Larrivour dans la possession de ses biens, qui servait de couverture à un cahier sur lequel les moines ont inscrit les tuiles qu'ils ont vendues de 1730 à 1735 !
Dom Guiton, ancien bibliothécaire de Clairvaux, nous révèle le triste sort fait aux manuscrits des bibliothèques Cisterciennes dans nos contrées. Passant à Troyes le 22 septembre 1744, et visitant les Antonins, il s'étonne de ne voir aucun livre rare dans leur bibliothèque. Le commandeur dit que l'usage parmi eux était d'envoyer les livres rares qui se trouvaient dans les petites communautés, au chef de l'ordre, à Vienne. Cette mesure de conservation suggéra à Dom Guiton, cette réflexion consignée dans son journal : « Il serait à souhaiter, dans l'ordre de Cîteaux, que cet usage fut sur pied, ou il y a nombre de petites communautés qui laissent corrompre et pourrir de beaux manuscrits ou en donnent les feuilles à leurs cuisiniers pour mettre sous la pâte, ou pour mettre leur tabac, ou les vendent aux épiciers et beurriers (1). »
A partir de ce jour, dom Guiton s'efforcera d'attirer à Clairvaux tous les manuscrits précieux qu'il trouvera dans les abbayes de la filiation de Clairvaux, et dès le lendemain il mit son projet à exécution en passant à l'abbaye de Mores près de Celles (2).
(1) Bibliot. nation., Bouhier 52, fol. 81.
(2) Voir nos Chartes de l'abbaye de Mores. Introduct. § VIII.
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180 CONSERVATION DES MANUSCRITS.
C'était la dernière mesure de conservation qui pouvait être prise dans les communautés religieuses, en faveur dés manuscrits, contre leurs propriétaires insouciants et ignorants.
Dans une autre note, nous rappellerons tous les soins qui étaient donnés à l'entretien des manuscrits dans nos contrées.
Troyes, le 20 février 1874.
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LE PORTRAIT
DE
CATHERINE DU CHEMIN
FEMME DE FRANÇOIS GIRARDON
PAR M. LE BRUN-DALBANNE
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
Le Musée de Peinture de Troyes s'est récemment enrichi d'une intéressante miniature. Elle représente Catherine Du Chemin, peintre de fleurs, qui fut l'épouse de François Girardon, l'illustre sculpteur du siècle de Louis XIV.
Bien que Catherine Du Chemin ait joui de son vivant d'une certaine réputation comme artiste, et qu'à ce titre elle ait été la première femme admise à l'honneur de figurer parmi les membres de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, non-seulement ses traits ne sont pas connus, mais sa vie elle-même s'est si résolument enfermée, après son mariage, dans ses devoirs d'épouse et de mère, qu'on sait à peine qu'elle a vécu de longues années à côté du grand artiste qu'elle était si cligne de comprendre, de soutenir et de charmer. Il n'est donc pas sans intérêt de noter, afin de
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182 LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN.
les conserver, les quelques documents qu'il nous a été donné de recueillir.
Un mot d'abord sur l'origine de ce portrait et la manière dont il est arrivé à notre Musée. Mme Philippe Lenoir le possédait depuis plusieurs années, il faisait partie de l'importante collection de miniatures et de tabatières réunie par M. Philippe Lenoir, son mari, léguée en grande partie au Musée du Louvre, et pour le surplus, aux hospices de la ville de Paris. L'Assistance publique, qui a plus besoin d'argent que d'objets d'art, pour agrandir les bâtiments consacrés à toutes les souffrances, a mis en vente la collection Lenoir, et le portrait de Catherine Du Chemin nous ayant été signalé, nous avons pensé qu'il revenait de droit à notre pays. Nous avons donc fait diligence afin de le conquérir, et le 25 mai 1874, le marteau du commissairepriseur rendait le Musée de Troyes propriétaire de ce précieux portrait.
Catherine Du Chemin était fille de Jacques Du Chemin, qui demeurait, en 1627, rue Saint-Martin, paroisse de Saint-Jacques-la-Boucherie, à Paris. Il avait, cette année-là, épousé Marie Hubault, et près de trois ans après leur mariage, c'est-à-dire le 12 novembre 1630, il leur naissait une fille à laquelle ils donnèrent le prénom de Catherine. Quelle était la profession de Jacques Du Chemin? On ne sait rien de précis là dessus. Etait-il peintre, comme quelques-uns l'ont prétendu? Exerçait-il, au contraire, un métier qui n'avait rien d'artistique? C'est ce qu'on ne saurait dire aujourd'hui. Ce qu'on peut croire seulement, c'est qu'étant moins pourvu des biens de fortune que de ceux de l'intelligence, il voulut y suppléer pour sa fille en lui donnant un talent honorable, en état de la mettre au-dessus des incertitudes et des dangers que courent les femmes, lorsque, par la mort prématurée de leurs parents, elles sont abandonnées trop jeunes à elles-mêmes. Il la plaça donc chez Nicolas Baudesson, qui jouissait d'un certain renom et
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LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN. 183
occupait, parmi les peintres de fleurs, un rang très-distingué (1).
Or, il se trouvait que ce Nicolas Baudesson était originaire de Troyes, et qu'il recevait son jeune compatriote François Girardon, qui lui avait été recommandé par Claude Baudesson, son père, menuisier-sclupteur en bois, chez lequel Girardon avait pris les premières leçons de (dessin et de sculpture. Girardon venait souvent le voir, afin de s'aider de son patronage et de ses conseils. Catherine Du Chemin, avec de l'étude, était devenue habile dans son art, et avec les années, charmante et vraiment belle. Girardon, qui la rencontrait chez Baudesson, ne tarda pas à regarderavec intérêt ses tableaux de fleurs, et bientôt il lui devint impossible de les isoler, dans son (admiration, de leur gracieux auteur. Catherine Du Chemini avait beau intéresser sa modestie à la défendre de son mieux contre les icompliments qui lui étaient adressés, elle se savait d'un air passable et ne voulait pas, non plus, être regardée comme, trop confuse ni trop dépourvue. Puis Girardon était jeune, il était bien fait dé sa personne; sa réputation naissante, et plus encore son talent, venaient de le faire agréer au nombre de Messieurs de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture ; un beau jour il se déclara, la jeune fille rougit sans oser répondre, et à quelque temps de là, le 22 octobre 1657, il conduisait en triomphante toilette de mariée Catherine Du Chemin à SaintEustache, pour l'épouser, en présence de Anne Saingevin, sa mère, veuve de Nicolas Girardon, maître fondeur à Troyes, de Jacques Du Chemin et d'Elisabeth Hubault, père et mère de la fiancée. Elle avait près de vingt-sept ans, et Girardon pas tout-à-fait vingt-neuf.
(1) Le Mercure galant du mois de septembre 1680, enannonçant
la mort de Baudesson, dit : « C'était le plus excellent peintre de son
» temps pour ce qui regarde les fleurs. » Il avait étudié à Rome et
avait été reçu à l'Académie le 28 mai 1671.
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184 LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN.
François Girardon, ainsi que nous venons de l'indiquer, avait été reçu membre de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture le 7 juillet 1657 ; puis le 6 octobre 1674, après la mort de Philippe de Champaigne, il avait été nommé recteur, enfin chancelier le 13 août 1695, après la mort de Pierre Mignard, dignité qu'il conserva jusqu'à sa mort, arrivée, comme chacun sait, le 1er septembre 1715, le jour même de celle de Louis XIV. Seulement, les hommes oublient vite les morts, quelque illustres qu'ils aient été. En 1742, l'éloge de Girardon n'avait pas encore été prononcé, malgré les prescriptions du règlement de l'Académie ; nous en avons la preuve dans la lettre suivante de Grosley à Lépicié, secrétaire perpétuel de l'illustre compagnie :
Troyes, le 13 mai 1742.
« Monsieur,
» Je suis très-édifié de votre zèle pour la mémoire de M. Girardon, et je suis aussi étonné que vous de la stérilité des mémoires de votre Académie sur un si beau sujet : pour y supplér autant qu'il m'est possible, je vous envoie ce que j'ai pu recueillir, tant des mémoires de mon père, qui étoit ami de M. Girardon, que des discours des personnes qui l'ont connu.
» Je souhaiterais, Monsieur, que ce faible secours pût vous déterminer à donner au public la vie de M. Girardon, avec un catalogue raisonné au moins de ses plus fameux ouvrages. Vous ne pouvez sans doute faire un présent plus utile aux personnes de l'art, plus agréable aux gens de goût et plus intéressant pour le public en général ; ce seroit enfin une occupation très-agréable pour vous pendant la convalescence de votre vue. Je prends toute la part possible à votre indisposition, et je vous souhaite un prompt et parfait rétablissement.
» J'ai l'honneur d'être très-parfaitement, Monsieur,
» Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
» GROSLEY. »
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LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN. 185
Le lettre que nous venons de relater accompagner un manuscrit conservé la la Bibliothèque des Beaux-Arts, intitulé : Mémoire sur la vie et les ouvarges de M. Girardon, se terminant par la note suivante :
« Je ne suis instruit que très-superficiellement de ce qui » regarde sa famille, mais je vais remplir le vide du peu » que j'en sais. »
« Il a épousé en. . . Catherine Du Chemin, demoi» selle aussi recommandable par sa beauté que par la déli» catesse avec laquelle elle peignoit les fleurs ; il trouva en » elle une femme économe qui sacrifia ses grands talents » aux soins de son ménage. Un de ses fils a pris l'habit de » Sainte-Geneviève, une de ses filles a épousé le fameux » Balthazar Martinot, et une autre a été mariée avec » M. Edmond Michelin, conseiller au bailliage et présidial » de cette ville ; cette dernière s'appeloit Catherine.»
« Je ne sais s'il a eu d'autres enfants. Vous pourrez » l'apprendre aussi bien que tout ce qui regarde la famille » de M. Martinot. »
« Je ne connais de ses élèves qu'un nommé Joly, de » Troyes, qui a fait quelques-uns des vases qui bordent le » grand gazon de Versailles. »
Ce sont donc les lacunes de la note que nous venons de transcrire, qu'à l'occasion du portrait de Catherine Du Chemin, nous allons nous efforcer de combler. Mais il nous semble qu'avant de dire ce que nous savons d'elle, nous devons commencer par la faire connaître d'après son portrait, retrouvé d'une façon si inattendue.
Il est peint sur vélin (au XVIIe siècle on ne peignait que rarement sur ivoire) et s'enlève sur un fond brun en haut duquel, suivant l'usage de l'époque, l'artiste a pris le soin d'écrire au pinceau, en fines lettres d'or : Mademoiselle Du Chemin. Il a 0,51 millimètres de hauteur sur 0,49 millimètres de largeur, et il est entouré d'un cadre d'or ciselé
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186 LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN.
sur lequel serpente une double torsade. Il portait le n° 482 du catalogue de la collection Lenoir.
Catherine Du Chemin est une jolie brune aux traits fins et réguliers, à la physionomie expressive. Son air est enjoué, spirituel. Ses yeux sont noirs et bien fendus, ses sourcils sont marqués, sans cesser d'être délicats. Son nez est aquilin, sa bouche est parlante, vermeille et finement relevée aux coins. Son teint est un mélange de blancheur et d'incarnat. Elle est bien faite, ses épaules tombent bien, sa poitrine est belle et bien placée. Ses cheveux d'un beau noir sont artistement frisés à la Sévigné. Elle porte des brillants aux oreilles, un collier de grosses perles, un corsage de satin blanc décolleté, relevé de perles et de légers passements d'or. Il est orné au milieu d'un médaillon composé d'une pierre fine entourée de perles et posé sur un noeud de rubans ponceau. Toute sa personne respire l'expansion, l'amabilité, et il devait en être ainsi, car Girardon, dont l'esprit était vif et le caractère extrêmement gai, ne se serait pas accommodé d'une femme trop sérieuse ou d'un caractère froid et réservé (1).
Je suppose même qu'à raison de son élégant costume et de sa riche parure, Catherine Du Chemin était sur lé point d'épouser Girardon, lorsque son portrait fut peint. Elle s'y montre dans là fleur de sa grâce souriante et tout l'éclat d'une fraîche toilette de fiancée. Il n'y manque absolument que le bouquet de fleurs d'oranger, mais quelques semaines suffiront à le lui donner. On comprend que tout lui sourit désormais. Elle est jeune, elle est belle, elle a du talent, elle va devenir la femme d'un grand artiste, elle sera logée aux galeries du Louvre, elle y recevra le meilleur et le plus grand monde de la cour et de la ville, les artistes illustres, les grands poètes, La Fontaine, Molière, Racine, Boileau, le grand Condé, le duc d'Orléans, tous les princes qui vien(1)
vien(1) la jolie planche jointe à ce travail.
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LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN. 187
dront dans son atelier voir travailler Girardon, que pourraitelle désirer de plus et comment son portrait ne chanterait-il pas cette enivrante chanson de la jeunesse et du bonheur entrevu, la plus sincère de toutes, parce qu'il est l'aspiration universelle et le rêve de toute la vie. Nous présumons donc que notre portrait a dû être peint vers le milieu de 1657.
Catherine Du Chemin, à la suite de son mariage, a bien fait voir qu'elle n'avait plus rien à désirer, car elle à tenu un temps encore ses pinceaux ; puis, après avoir été reçue académicienne, c'est-à-dire lorsqu'elle fut arrivée au plus grand honneur auquel une femme pût prétendre, elle s'est consacrée sans partage à son mari et à ses enfants, plus soucieuse de leur bien-être et de leur sage direction que de ses succès d'artiste.
En effet, moins d'une année après son mariage, le 14 septembre 1658, Catherine Du Chemin donnait à Girardon un fils, qui fut appelé Jacques, comme son grand-père maternel. Il naquit rue de Cléry. Le 22 juillet 1659, elle eut un second fils, qui fut baptisé sous le nom de Cyprien.
Le 5 septembre 1660, elle eut une première fille, qui reçut le prénom de Corantine ; enfin, le 8 août 1661, elle eut un troisième fils, nommé François.
On le voit, les enfants se succédaient rapidement ; il y eut un répit de quelques années ; elle en profita pour reprendre sa palette et ses pinceaux, et, malgré les soins que réclamaient ses enfants, dont le plus âgé avait quatre ans, elle put peindre un Panier de fleurs posé sur un piédestal, où l'art se cachait si habilement sous la vérité du dessin et l'éclat du coloris, qu'il la fit recevoir d'emblée à l'Académie.
La décision de l'Académie, en date du 14 avril 1663, est trop flatteuse à l'égard de Catherine Du Chemin, pour que nous ne la fassions pas connaître :
« Sur ce qu'il est représenté qu'il est du devoir et de
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188 LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN.
» l'honneur de l'Académie de suivre les intentions du Roi, » qui sont de répandre ses grâces sur toutes personnes, » sans distinction de sexe, et M. Le Brun ayant présenté un » tableau de fleurs fait par Mme Girardon, toute la compa» gnie, touchée de l'estime dudit ouvrage et connaissant le » mérite de cette dame, a résolu de lui donner par honneur » le titre d'académicienne. »
D'ailleurs, sans vouloir diminuer en rien les talents de Catherine Du Chemin, il est assez probable que sa qualité d'épouse du sculpteur attitré de Louis XIV, de celui dont Boileau avait dit, à propos de son buste :
Grâce au Phidias de notre âge, Me voilà sûr de vivre autant que l'univers ; Et ne connut-on plus ni mon nom, ni mes vers, Dans ce marbre fameux taillé sur mon visage, De Girardon toujours on vantera l'ouvrage.
Et La Fontaine :
Votre Phidias et le mien,
Et celui de toute la terre,
Girardon, notre ami, l'honneur du nom Troyen, M'oblige à vous mander, non la paix ou la guerre (1).
il est donc, disons-nous, plus que probable que sa qualité de femme de Girardon n'avait pas nui à sa nomination, car ses ouvrages n'ont été ni nombreux, ni répandus, puisqu'on ne connaît aucune de ses oeuvres, et que nous ne savons pas un seul tableau qui puisse lui être attribué avec certitude (2).
(1) Lettre XIX à M. Simon, de Troyes. OEuvres complètes de La Fontaine.
(2) M. Eudoré Soulié, le savant conservateur du Musée de Versailles, ayant sur ma prière fait quelques recherches dans le Palais et le Musée de Versailles, m'écrivait à la date du 5 juin 1874 : « Je » ne connais aucun tableau de fleurs de Catherine Du Chemin, et je » ne sais s'il serait possible de retrouver quelque oeuvre de cette » artiste. »
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LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN. 189
Un an après ce couronnement de sa carrière d'artiste, le 8 juin 1664, Catherine Du Chemin eut une seconde fille, qui fut baptisée sous les noms de Elisabeth Catherine, et le 27 avril 1666, elle eut un fils qui reçut les prénoms de François-Jean-Baptiste ; il paraît que, de même que le fils né en 1661, il mourut en bas-âge, car le 5 août 1668, elle mit au monde un nouveau François, qui fut baptisé à SaintGermain-l'Auxerrois, paroisse du Louvre, où François Girardon était logé depuis quelque temps. Son parrain fut le sculpteur Michel Bourdin.
C'est en cette même année de 1668 que Girardon fut choisi par Le Brun pour aller en Italie chercher les tableaux, les statues et les objets d'art dont le Roi voulait peupler Versailles et Fontainebleau. C'est aussi l'époque de sa vie où le grand Colbert le chargea de décorer de sculptures les vaisseaux que Louis XIV voulait magnifiques, mais qu'il s'agissait en même temps de rendre moins lourds qu'ils n'étaient depuis le seizième siècle, par suite des sculptures massives dont on les surchargeait, sans se préoccuper de leur marche et de la liberté de leurs mouvements. Girardon exécuta de riches et larges sculptures, mais il imagina en même temps de les faire creuser, en sorte que tout en leur conservant leur grand air, il les rendit plus légères.
Lorsqu'il eut terminé ses sculptures, Girardori, partit de Toulon le 22 ou le 23 décembre 1668 pour l'Italie ; il était à Gênes le 2 janvier 1669, et à la fin de ce mois à Rome, où son premier soin fut de visiter l'Académie de France, que Colbert, sur la proposition d'Errard, qui était à la fois peintre et architecte, avait fondée trois années auparavant et dont il lui avait confié la direction. Cependant, malgré toute la confiance que lui inspirait Errard et l'estime qu'il avait pour lui, Colbert s'était réservé la haute direction de l'Académie de Rome. Aussi, durant les dix-huit années qu'il demeura encore à la tête des affaires, ce vaste génie fut l'âme de l'Académie. L'homme d'Etat éclipsa, on peut le dire,
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190 LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN.
l'homme de l'art, et Colbert n'épargna ni correspondance, ni soins vigilants, ni instructions pratiques, pour procurer à la France les artistes les plus habiles. Le voyage de Girardon en Italie servait donc ses projets, et nous avons la preuve de la sollicitude de Colbert, pour l'Académie de Rome, dans une lettre d'Errard à Colbert, qui est datée de Rome du 3 avril 1669.
« M. Girardon ayant l'honneur d'être près de vous, in» formera Votre Excellence de toutes les particularités de » l'Académie, tant de l'étude et conduite des pensionnaires » du Roy, que de tous les ouvrages que j'ay fait faire par » vos ordres pour le service de Sa Majesté, le séjour de plus » de deux mois qu'il a fait à l'Académie luy en ayant donné » une parfaite connaissance. »
« Je crois que mon dit sieur Girardon quitte Rome avec » douleur de se détacher si tost de ces belles choses, mais » l'ordre qu'il a reçu de la part de Votre Excellence luy a » fait prendre en même temps la résolution d'obéir. Je le » vois partir avec déplaisir, ayant crainte de ne pouvoir pas » bien m'acquitter de la charge dont Votre Excellence m'a
» honoré Je soumets le tout à la volonté du Très-Puis»
Très-Puis» persistant dans le zèle d'obéir aux ordres de Votre » Excellence jusqu'au dernier moment de ma vie (1). »
Girardon revint donc à Paris à la fin d'avril 1669 ; il retrouva avec bonheur sa femme et ses enfants que le service du Roi avait pu seul lui faire quitter pendant plus de sept mois, et une année après, le 27 avril 1670, Catherine Du Chemin lui donnait une seconde Catherine, qui fut tenue sur les fonts baptismaux par le dessinateur-graveur Jean Bérain. Il paraît qu'elle ne vécut pas plus que ses aînées, car le 9 octobre 1671, naquit une nouvelle Catherine, qui eut pour parrain le fameux sculpteur Martin Desjardins. Il
(1) Lettres à Colbert, Bibliothèq. nationale, année 1669. — P. Clément, Lettres de Colbert, V, 521.
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LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN. 191
porta bonheur à sa filleule, car nous verrons plus tard 1 qu'elle fut mariée à un Michelin de Troyes, et qu'elle conserva ainsi, dans la famille de Girardon, un prénom que sa femme lui avait rendu cher.
Enfin, le 27 septembre 1673, Marie-Anne eut pour marraine Anne-Marie de Groot, femme de noble homme Evrard Jaback, le riche et intelligent banquier auquel la France est redevable des plus admirables dessins et des plus beaux tableaux du Louvre, provenant de la collection de l'infortuné Charles Ier d'Angleterre, qu'il était allé acheter en bloc à Londres.
Cette Marie-Anne fut le dixième et dernier enfant de Catherine Du Chemin ; elle avait alors quarante-trois ans et Girardon près de quarante-cinq. Il était dans toute la force du talent et dans l'éclat de ses plus grands succès (1).
La fortune d'ailleurs lui était arrivée avec les grands travaux, et dans son voyage d'Italie, il avait pu recueillir un grand nombre de statues, de bustes et de vases qu'il avait, aidé des conseils de sa femme, disposés avec beaucoup de goût, dans le logement qui lui avait été accordé dans les galeries du Louvre par brevet du Roi en date du 26 octobre 1667. Il les avait entremêlés de ses oeuvres et de ses principaux modèles (2). Il destinait cette riche collection à la ville de Troyes, où elle eut été à elle seule un magnifique musée et un grand enseignement pour les jeunes artistes destinés à suivre ses traces. Malheureusement, il ajourna son testament, les
(1) Nous devons les dates exactes des naissances des enfants de Girardon au savant et laborieux M. Jal qui les a toutes relevées luimême dans les différents registres des paroisses de Paris.
(2) M. Corrard de Breban dit, dans sa Notice sur Girardon : Il n'eut rien non plus à désirer du côté de la fortune. Il en employa une partie de la manière la plus honorable, en formant au Louvre, où il avait son logement, une galerie de sculpture antique et moderne digne d'un souverain, et dont l'arrangement doit rester un exemple éternel du goût qui doit présider à de pareilles collections.
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192 LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN.
infirmités arrivèrent, et à leur suite, l'affaiblissement des facultés, en sorte qu'il mourut sans avoir pu réaliser ses intentions (1).
Ses enfants, on ne saurait dire pourquoi, se hâtèrent, après sa mort, de disperser au vent des enchères toutes ces richesses.
Mais, revenons à Catherine Du Chemin et aux enfants de François Girardon. Il n'apparaît nulle part que, sur les dix enfants qu'ils avaient eu, ils en aient conservé plus de quatre, un fils et trois filles. Le fils, dont le prénom n'est pas même connu, est devenu chanoine régulier de SainteGeneviève. Quant aux filles, l'une d'elles, celle qui s'appelait Elisabeth-Catherine, a épousé le 10 juin 1680 Henri Martinot (2), maître horloger qui, en sa qualité d'horloger de Sa Majesté, était comme, Girardon logé aux galeries du Louvre. Martinot, au moment de son mariage, était âgé de 33 ans ; Elisabeth n'en avait que 16 ; elle mourut à 38 ans, et son père, malgré la violence de son chagrin, eut le courage, le 16 novembre 1702, d'assister à ses obsèques;
Marie-Anne, le dernier des enfants de Girardon, devint la femme de Claude Poan ; M. Corrard de Breban, dans la savante Notice qu'il a consacrée à Girardon, le qualifie de sculpteur à Paris. C'est une erreur, Claude Poan était huissier de la chambre du Roi, c'est la qualité qui lui est donnée
(1) Mémoires inédits sur les Artistes français, tom. Ier, p. 301. — François Girardon était né à Troyes, le 17 mars 1628 ; il mourut à Paris, au Louvre, le 1er septembre 1715 ; il était, par conséquent, âgé de 87 ans 5 mois 14 jours.
(2) Et non Balthazar Martinot, comme l'écrit par erreur Grosley. Henri Martinot était neveu de Jean Martinot, « orlogeur et valet de chambre du Roi » et fils de Gilles, maître horloger. Henri eut deux fils, Hierôme, qui fut reçu en survivance de son grand-père Gilles, le 8 septembre 1691 (Bibl. nat., ms Clérambaut, 558, p. 634), et Jacques, qui fut valet de chambre du Roi, premier horloger de S. M. et horloger ordinaire de la Reine.
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LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN. 193
dans son acte de décès en date du 28 janvier 1708, dressé par le curé de l'église Saint-Landry, où il fut inhumé dans le tombeau que Girardon avait élevé à Catherine Du Chemin, ainsi que nous allons le dire. — Enfin, Catherine qui, née le 9 octobre 1671, avait eu pour parrain le célèbre sculpteur Desjardins, épousa, le 3 juillet 1689, à l'âge de 18 ans, Edmond Michelin, alors âgé de 27 ans, fils d'un ancien échevin de la ville de Troyes, où il devint lui-même conseiller au bailliage. Il paraît que sa jeune femme ne se plut pas à Troyes, car il finit, sur ses instances, par aller se fixer à
Paris, après y avoir acheté une charge à la diambre du Trésor. Son acte de mariage porte, avec les signatures de François Girardon et de Catherine Du Chemin, celle de Claude Poan, qui était à ce moment gendre de Girardon.
Girardon.
Catherine Du Chemin avait rempli sa tâche, elle avait été le charme et l'honneur de la maison du grand artiste ; ses enfants, elle les avait élevés avec soin et honorablement établis ; elle tomba malade dans le courant de l'été de 1698, et mourut le 21 septembre de cette même année. Elle était âgée de 67 ans 10 mois 8 jours. Elle fut inhumée le surlendemain à Saint-Landry. Son fils, ses trois filles et leurs maris l'accompagnèrent à sa dernière demeure, et le 27 septembre, l'Académie en corps se rendit auprès de Girardon, pour lui offrir ses compliments de condoléance. Cette démarche extraordinaire témoigne en quelle haute estime l'Académie tenait non-seulement Girardon, mais aussi Catherine Du Chemin.
Dire le trouble et le déchirement qui s'emparèrent de l'âme de Girardon à la mort de la femme qu'il avait tant aimée, n'est pas possible. Dans sa douleur, il résolut de lui élever lui-même un tombeau qui serait son dernier travail et demeurerait le témoignage éternel de ses regrets. Mais il avait trop présumé de son courage, il n'eut pas la force de l'accomplir ; les modèles achevés, le ciseau lui tomba des
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194 LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN.
mains, et ce furent ses élèves Nourrisson et Le Lorrain qui le terminèrent et firent toutes les sculptures. ....
Il était placé à gauche de la chapelle de la Vierge, dans l'église Saint-Landry, au milieu d'une grande arcade, qui s'élevait jusqu'à la voûte de l'église et dont le fond était de marbre de Languedoc.
Le sarcophage était de marbre vert de mer, supporté sur deux socles de marbre blanc, entre lesquels était un écusson accompagné d'une draperie et de deux flambeaux renversés.
Au-dessus du sarcophage s'élevait une grande croix, au pied de laquelle la Vierge était agenouillée dans l'expression de la douleur ; le corps de son divin Fils était étendu un peu au-dessous ; au bord du tombeau, deux anges voltigeaient autour de sa tète, un troisième se tenait assis au pied de la croix et deux autres, s'élançaient dans les airs, à la hauteur des bras de la croix, auxquels étaient attachés le linceuil et la couronne d'épines. Toutes ces figures de grandeur naturelle étaient sculptées en ronde bosse.
Une table de marbre blanc,; placée au milieu du sarcophage, avait reçu cette inscription austère qui laisse entrevoir la profondeur du chagrin de Girardon sous la résignation du chrétien : « Pro omnibus mortuus est Christus ut qui vivant, jam » non sibi vivant, sed et qui pro ipsis mortuus est et resur» rexit. II, ad Corinth. Cap. 5. »
« Jésus-Christ est mort pour tous, afin que ceux qui » vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui » qui est mort et qui est ressuscité pour eux. »
Au-dessous du tombeau, sur le petit cartouche, on lisait cette épitaphe gravée en lettres noires :
« Sous ce marbre où est représenté le grand mystère de » notre salut, repose en attendant la résurrection, de» moiselle Catherine Du Chemin, épouse de François
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LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN. 195
» Girardon, sculpteur ordinaire du Roy, chancelier, rec»
rec» de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture ;
» elle mourut le XXI septembre MDCLXXXXVIII. Et le sieur
» Girardon, voulant consacrer à Jésus-Christ tout ce qu'il
» peut avoir acquis d'intelligence et de lumières dans son
» art, a fait et donné à l'église de Saint-Landry cet ouvrage
» au pied duquel il repose du premier septembre MDCCXV. »
Le tombeau de Catherine Du Chemin était le plus beau monument de l'église Saint-Landry, qui était située dans la cité, au bord de la Seine, sur l'emplacement d'une vaste maison qui forme aujourd'hui l'angle gauche de la rue d'Arcole. Cette église était assez petite, bâtie sur un plan carrélong, et consistait en une nef et un choeur qui étaient accompagnés de deux bas-côtés, soutenus sur des colonnes romanes et trapues (1).
On y voyait encore le mausolée du chancelier Boucherat, qui est aussi un des illustres Troyens. Il était fort riche et tout couvert d'inscriptions louangeuses qui avaient été composées en son honneur par le chancelier lui-même. Mais ironie du sort et de l'orgueil de l'homme qui, pour se survivre, se fait dresser un fastueux tombeau, Boucherat n'y fut pas placé après sa mort. Ce fut à Saint-Gervais qu'il fut inhumé en 1699.
François Girardon et Catherine Du Chemin demeurèrent paisiblement dans leur tombe jusqu'en 1792, où elle fût odieusement mise en pièces et leurs cendres jetées au vent, malgré les énergiques réclamations d'Alexandre Lenoir, qui parlait au nom des gloires de la France. Puis l'oeuvre sacrilége accomplie, on le laissa recueillir les débris qu'il réunit au Musée des Petits-Augustins, où ils demeurèrent, jus(1)
jus(1) Saint-Landry fut supprimée pendant la Révolution, et son bâtiment, devenu propriété particulière, était en 1825 occupé par un teinturier.
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196 LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN.
qu'en 1817, époque à laquelle l'église Sainte-Marguerite
du faubourg Saint-Antoine les obtint du Ministre de l'Intérieur,
l'Intérieur, en faire un calvaire qu'on voit encore aujourd'hui
derrière le maître-autel.
On lit au-dessous l'inscription suivante :
HUJUS MONUMENTI FRAGMENTA
OLIM IN AEDE DIVI LANDERICI
A FRANCISCO GIRARDONE
SCULPTORE APUD GALLOS EGREGIO
UXORI DILECTISSIMAE
POSITI
DUM INTER SEDITIONUM AESTUS AVERSI
A PIIS ARTIUM CULTORIBUS
CONSERVATI
FAUSTÈ RESTITUTA BORBONIDUM PROLE
REGNANTE LUDOVICO XVIII
HUIC TEMPLO CONCESSIT
DUX DECAZES ETC.
ANNO REPARATAE SALUTIS MDCCCXVIII
CURANTE GODDE ARCHITECTO.
Espérons, pour l'honneur de notre pays et du culte de ses grands hommes, qu'un jour viendra, jour de réparation et de justice, où, à l'exemple de la grande et sage Angleterre, il saura consacrer un monument à toutes les gloires de la France. Nous aurons alors la joie d'y voir, non loin du tombeau de Pierre Mignard, mutilé aussi et dispersé dans Saint-Roch (1), le mausolée de François Girardon et de Catherine Du Chemin.
En attendant, plaçons avec honneur, dans notre Musée de
(1) Pierre Mignard, sa famille, et quelques-uns de ses tableaux, Mémoires de la Société Académique de l'aube, t. XXXIV, p. 292.
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LE PORTRAIT DE CATHERINE DU CHEMIN. 197
Peinture, la fidèle image de Cathérine Du Chemin, parce qu'elle fut une éminente artiste, une épouse modèle, une mère accomplie, digne par le coeur et ses précieuses qualités d'être la compagne du grand homme qui s'appele, pour la France et pour le monde : François Girardon, sculpteur du
grand siècle et du grand Roi.
Troyes, le 19 juin 1874.
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Mem de la Soc. Acad de l'Aube Tome XL 1876.
Alph. Roserot del Lith Dufour-Bouquot
LES MARISY Pl. I
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Mem. de la Soc. Acad de l'Aube. Tome XL 1875
Alph Roserort del. Lith Dufour Bouquot
LES MARISY. Pl. II.
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Mém. de la Soc. Acad. Aube Tome XL 1876
Alph Roserot del Luth Dufour Bourquot
LES MARISY Pl. III.
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LES MARISY
PAR
M. ALPHONSE ROSEROT
AVOCAT
INTRODUCTION
Le travail qu'on va lire a été fait sur des documents appartenant à des particuliers; nous avons cru faire une oeuvre utile en les communiquant au public qui les chercherait en vain aux Archives départementales.
La famille de Marisy est une famille du pays ; elle a donné deux maires à la ville de Troyes, trois grènetiers au grenier à sel, trois élus en l'élection, un maître réformateur des eaux et forêts du bailliage ; elle a possédé des terres situées dans le département : à ces divers titres elle a droit d'arrêter notre attention.
Nous avons établi la filiation, en grande partie, sur des documents qui nous appartiennent; nous les avons complétés avec des pièces appartenant à M. de La Rupelle, propriétaire à Saint-Léger-lès-Troyes (château de Cervet) et à M. Evrard, propriétaire de l'hôtel des Marisy, à Troyes. On y a joint, d'après la production faite devant Caumartin, les
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200 LES MARSY.
pièces dont il n'a pas été possible de trouver les originaux ou expéditions.
Nous donnons l'analyse de ces divers documents à la suite de la filiation; il y est renvoyé par des numéros d'ordre ; nous avons fait précéder d'une astérisque l'analyse de ceux qui nous appartiennent. Cette disposition nous a permis de les énoncer d'une façon détaillée, est grâce aux nombreux renseignements que fournissent ces pièces, on pourra trouver ici d'utiles indications pour l'histoire des familles troyennes et des terres comprimes dans le département. On pourra aussi déterminer par approximation la durée d'exercice des baillis, lieutenants-généraux du bailliage, prévôts de la ville de Troyes et autres fonctionnaires des élections de Troyes et de Nogent-sur-Seine, dont les noms firugent parmi les actes. Ces recherches seront facilifees
facilifees deux tables des noms de personnes et de lieux.
Il nous a paru utile de résumer, en tête de ce travail, les renseignements fournis par ces documents sur la seigneurie de Cervet, que les Marisy ont possédée pendant près de trois cents ans, et l'élégant hôtel qu'ils ont fait construire à,..; Troyes, à l'angle des rues des Quinze-Vingts et Charbonnet.
Nous donnons, en terminant, le dessin des armoiries des familles alliées aux Marisy. (Voir la note à la fin de ce travail.)
Troyes, le 15 juillet 1875.
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LES MARISY. 201
I. — SEIGNEURIE DE CERVET
Cervet est un hameau dépendant de la commune de Saint-Léger-les-Troyes. Les formes anciennes du mot ont été successivement : Ceruel, 1146-1169; Cervel, 1217; Cervellum, 1294; Servelz, 1298; Servel, 1348 ; Servet, XVIIIe siècle ; Cervet, 1705 (a). On trouve encore : Cerveil, 1613 (38).
Le Territoire. — Les anciens aveux et dénombrements de la terre de Cervet (18, 47., 55, 76) sont unanimes pour lui donner les limites suivantes : au nord, l'ancien chemin de Troyes à Bar-sur-Seine, aujourd'hui route nationale n° 71, a partir de l'endroit où cette route coupe la rivière de Triffoire jusqu'au moulin placé à l'extrémité de Bréviandes, sur la rivière de la Hurande ; à l'est, le cours de la Hurande, en suivant son ancien lit, jusqu'à une chaussée appelée la Chaussée-de-l'Etang-l'Abbé; au midi, la chaussée de l'Etang-l'Abbé se prolongeant par une ligne qui passerait en deçà de la ferme des Blancs-Fossés et de Courcelle. pour aboutir à la rivière de Triffoire ; et à l'ouest, la rivière de Triffoire.
Au dix-huitième siècle, les religieux de Montier-la-Celle. seigneurs du village de Saint-Léger, prétendirent avoir le droit de seigneurie sur l'église, parce que, disaient-ils, l'église n'était pas comprise dans l'étendue de la seigneurie de Cervet, mais dans celle de Saint-Léger, et ils prenaient comme ligne de séparation des deux seigneuries, à la hauteur de l'église, le rû venant de la bonde de l'Etangl'Abbé. Il serait trop long et sans intérêt de rapporter ici
(a) Boutiot et Socard. Dict. top. de l'Aube.
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202 LES MARISY !
les procédures faites, et d'analyser les mémoires produits en 1769, 1784, 1785 et 1786 (a) ; la question n'était peutêtre pas encore jugée quand les lois révolutionnaires supprimerènt l'ancien état de choses.
La Paroisse. - L'église paroissiale, placée sous le vocable de Saint-Léger, avait dans sa circonsription Bréviandes, Cervet, La Planche, Herbigny et Saint-Léger.
L'abbé de Montier-la-Celle était gros décimateur, patron ecclésiastique et collateur de la cure (b).
La Seigneurie et sa, Justice: - La seigneurie de Cervet était comprise dans lie; bailliage et marquisat, puis duché d'Isles ;elle relevait du château d'Isles(c). Le seigneur était haut; justicier, c'est-à-dire; qu'il savait droit de haute, moyenne et basse justice. En outre des censives, le seigneur percevait tous les ans, à la Saint-Remy, sur chaque feu ou ménage de Cervet et Bréviandes, une poule pour le droit d'habitation, six derniers tournois pour droit de pâture, et vingt deniers tournois pour droit de four banal et de cuisson du pain dans les maisons des habitants (42 et 45).
Il avait en, outre, un droit d'usage et pâturage dans la
forêt d'Aumont (96). |
Le lieu de la justice seigneuriale était l'emplacement de l'ancien château, appelé le Fort de Cervet, dont il sera
question plus loin.
La justice de Cervet et Bréviandes avait un juge mayeur ou juge en garde, son greffier, son lieutenant, et un procureur fiscal (d).
seigneur de Cervet fit établir le pilori et les
(a) Pièces appartenant à M. de La Rupelle.
(b) D'Arbois de Jubainville. Pouillé, p. 130. La nomination à la chapelle de Saint-Quirin, en l'église de la Madeleine, à Troyes, était à la présentation des Marisy. (Pouillé, p. 306.)
(c) Aujourd'hui Isle-Aumont. (Voy. les actes de foi et hommage, et d'aveu et dénombrement.)
(d) Dossier de Cervet. Arch. dép. (Archives judiciaires.
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LES MARISY. 203
fourches patibulaires à l'ouverture de l'ancien lit de la! Hurande, près du payé de Bréviandes, afin de maintenir les
limites de sa seigneurie près de cet ancien lit les administrateurs de la maladrerie des Deux-Eauxayant fait Creuser un nouveau lit pour amener l'eau plus directement à leur moulin de Bréviandes,(47).
Les anciens Seigneurs. - Courtalon. (a) nous apprend que la. seigneurerie de. Cervet appartenait en 1 262 à Erard de Valery, connétable de Champagne, chambrier de France, célèbre par ses hauts faits militaires et les grands emplois dont il fut chargé sous saint Louis (e). Le Père Anselme, qui a donné la généalogie de la maison de Valery, ne parle pas de Cervet. Les noms des anciens seigneurs qui! après lui, ont possédé cette terre jusqu'aux Louvemont, sont indiqués dans un acte d'aveu et dénombrement fait eh 1769 (96), relatant un droit d'usage appartenant au seigneur de Cervet, dans la forêt d'Au mont, et mentionné dans les anciens actes d'aveux et dénombrements, savoir :
HUEZ DE LA FAUCHE (aveu et dénombrement du 16 décembre 1361) ou DE LA PLANCHE (Album de Fichot, p. 49);
JEAN DESNOYERS, à cause de Jeanne de la Fauche, sa femme (aveuet dénombrement des 5 juin et 8 juillet 1384, 8 août l407);
HUEZ, seigneur de Bulignéville (aveu et dénombrement du 3 novembre 1413);
ETINNE DE LOUVEMONT, dès 1466. (C);
FRANÇOIS Ier DE MARISY, en 1478 (11);
Là terre de Cervet resta dans la famille de Marisy jusqu'à la mort du dernier représentant du nom :
(a) Top. hist., III, 118.
(6) M. D'Arbois a esquissé sa vie, dans l'Histoire des Ducs et
Comtes de Champagne, IV, pp. 494-498. (c) Accensivement du 26 octobre 1466, par Etienne de Louvemont,
seigneur de Cervet. Parchemin. Signé de Claudin et Jeuffroy, notaires
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204 LES MARISY.
FRANCOIS III DE MARISY, décédé à Troyes le 3 août
1744 (92);
JEAN-FRANÇOIS ANGENOUST, ecuyer, seigneur de Bouy-surOrvin, sou héritier, la vendit en 1765, a :
(PIERRE, PUGET, DE MONTHAURON, grand-bailli de, Troyes, seigneur de La Planche (93); mais il la reprit faute de paiement (a), et la vendit en 1764 à son fils aîné :
ARMAND-FRANCOIS ANGENOUST, écuyer, gendarme ordinaire dela garde du roi (94); la veuve et les héritiers de M.Collinet.conseiller au bailliage, de Troyes, fin étaient alors co-seigneurs (b) pour une faible partie, car, l'un des enfants, Claude Collinet, avocat au Parlement, n'en était seigneur que pour un dixième en 1769 (95). M. Angenoust la céda, en 1786, à :
M. GABRIEL HARISTEGUY, avocat en Parlement à Paris (96), et c'est de ses héritiers qu'elle a été acquise par M. de la Rupelle, en 1835. Le Château. - Il y avait autrefois à Cervet un château fortifié, situé à l'extrémité du pays, près de Saint-Léger; il ne reste aucune trace de construction; les fossés ont été comblés en grande partie;en sorte qu'il est impossible de reconnaître aujourd'hui, d'une façon bien déterminée, leurs concours, Enfin ; les arbres et broussailles qui ont poussé dans l'enceinte ne permettent pas d'en apprécier les dimensions. Mais un procès-verbal d'arpentage fait en 1550 nous apprend que le terrain compris dans les fossés était d'une superficie de deux arpents 27 cordes (a).
jurés enla prévôté de Troy es. Suscription de : Arnoul Housse, notaire et secrétaire du Roi, prévôt de Troyes (à. M. de la Rupelle).
(a) Note de la main d'Armand-François Angenoust (à M. de La Rupelle).
[b) Sentence du 5 janvier 1764. Archiv. dép. (Archives judiciaires). Dossier Cervet.
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LES MARISY. 205
à l'état de ruine; des lettres accordées par CharlesVIIIà
François de Marisy, le 5 juillet 1497, lui permettant de
construire un pont-levis, pour son château nouvellement
edifié, rapportent que l' ancien avait été détruit par les guerres et faute de repar
tait déja à une époque éloignée : les principaux habitants de Cervet, Breviandes et Saint-Léger ont déclaré, dans une enquêtefait alors pour constater ledroit du seigneur de Cervet, à la construction d'un pont-levis, "que des et depuis le temps de leur cognoissance ils ont par plusieurs " et diverses foys ouy dire et maintenir aux anciens du pays, que audit lieu de Cervel, de toute ancienneté, ils " avoient veu une mocte que lon appelloit le fort de Cervel, » en laquelle souloit avoir maison, fort et pont leviz, et " quilz avoient esté abatuz comme dient les ungs par " guerre, et les autres par feu, ainsi quilz ont oy dire » tout notoirement, tant audit lieu Cervel que "ailleurs. " Mais on voyait encore à cette époque de grands fossés doubles (16). s'agit ici vraisemblablement des guerres contre les Anglais pendant le XVe siècle. Le (château, aura été gravement endommagépar les projectiles, et peut-être même par le feu mis par les assiégeants. La situation malsaine de cet emplacernent a détourné les seigneurs de relever ces ruines, et François de Marisy fit construire, peu de temps avant 1497, un nouveau-château entouré de fossés « à trois traictz darc ou environ » de l'ancien, disent les lettres de 1497 (13), en un lieu appelé la Viéville (17), c'est-à-dire là même où est encore la maison d'habitation de M. de La Rupelle (34), qui a été construite vers 1 840; Il ne reste plus rien du nouveau château construit par Frahçois de Marisy.
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206 LES MARISY.
II. — HOTEL DES MARISY A TROYES
L'hôtel des Marisy à Troyes doit surtout sa réputation à l'élégante tourelle qui le décore, à l'angle des rues des Quinze-Vingts et Charbonnet.
Il eût été intéressant de consulter les comptes des ouvriers chargés de construire et d'embellir cet hôtel. On y aurait vu le prix des travaux de maçonnerie, des ouvrages de sculpture, le nom de l'artiste qui a si bien travaillé les pierres mises en oeuvre pour la construction de la tourelle, et les chapiteaux qui ornent la maison, sur la cour. On y eut peut-être aussi trouvé la description des boiseries, peintures et tapisseries qui devaient orner, la demeure d'une riche famille au XVIe siècle. Ces documents nous manquent ; nous n'avons pu consulter que les titres de propriété. A la fin du quinzième siècle, une partie du terrain actuellement occupé par l'hôtel de, Marisy, appartenait à Nicolas Hennequin, écuyer, marchand-drapier à Troyes, des Hennequins de Vaubercey, qui ont édifié la partie la plus remarquable de l'hôtel de Vauluisant. En 1486 (97), il vendit ce terrain et les constructions qui le recouvraient à François de Marisy et à Ysabeau de Louvemont (a), sa femme, soeur utérine, du vendeur. (Voyez la généalogie, degré V.)
L'immeuble vendu consistait :
1°. En « ung long frestre de maison, cave dessoubz le long frestre, » et dépendances « étant audict Troyes, en la rue de Coulaverdey (b), faisant le coing de deuant la
, (a) Et non pas Lampremont, ainsi que l'ont écrit MM. Corrard de Breban (Rues de Troyes), Aufauvre (Troyes et ses environs), et E. Socard (Annuaire de l'Aube 1874). (6) Depuis, rue du Mortier-d'Or et des Quinze-Vingts.
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porte et hostel des franquelaures (a), devant à ladite rue de Colaverdey, et du bout derrière à Jehan Maret et maistre Emond Maret frères."
2°. « Item la moitié par indiuis d'un hostel ouquel a deux frestres de maison, » et dépendances, « étant audit Troyes en ladite rue de Coulaverdey, tenant d'une part à Simon Maret; du bout à ladite rue de Coulaverdey, et du bout darrière auxdits maistres Emond et Jehan Maret frères, mouans de franc aleuf lesdits héritages, et partans'(b) par indiuis; ledit hostel ouquel a deux frestres de maison; auec ladite Ysabeau; seur dudit vendeur. » Lesdits héritaiges aduenus etescheuzet descenduz par le trespassement et comme héritier (sic) en partie de feue damoiselle Marguerite de Valentigny leur mère. L'incendie du 24 mai 1624, que nos pères ont appelé le Grand Feu; détruisit vraisemblablement ces constructions, car les maisons voisines, sur la rur de Colaverdey (98), et sur la ruelle Maillard (c), furent elles-mêmes consumées parcet incendie.
Claude de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet, grènetier au grenier à sel deTroyes, maire de cette ville de 1522 à 1528 (voy. deg. Vf),; fils de François, augmenta en 1526 (98) les acquisitions faites par son père, en achetant de Guillaume Maret, marchand à Troyes, « une place sur laquelle souloit avoir maison bruslée par le feu advenu en la ville dudit Troyes ou moys de may mil cinq cens et vingt quatre, séant audit Troyes, en la rue de Coullaver(a)
Coullaver(a) de la maison de M. Blaise, avoué.
(b) C'est-à-dire appartenant
(c) Aujourd'hui rue des Chats. Vente de la maison de la ruelle Maillard, du 20 février 1532, faite devant Bareton et Rogier, notaires à Troyes, par Marguerite Griveau; veuve d'Edmond Maret, receveur des aydes en l'élection de Troyes, à Claude de Marisy. Suscription de Nicole Favier, écuyer, licencié ès lois, prévôt de Troyes et garde du scel de la prévôté. Parchemin, signé : Bareton, Rogier (à M. Evrard).
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208 LES MARISY.
dey, tenant d'une part audict Marisy achecteur, d'autre part à Emond Cousin greffier du bailliage dudit Troyes, du bout devant à ladicte rue de Coullaverdey; et du bout derrier (sic) à Katherine fille myneur (sic) d'ans de feu maistre Emond Maret. »
C'est sur le terrain formé par ces deux acquisitions successives que Claude de Marisy construisit l'hôtel, en 1531. Cette date figure, en effet, dans l'un des chapiteaux; d'autre part, l'acte de partage de sa succession, fait en 1550 entre Michelle Molle, sa veuve, et ses enfants mineurs, mentionne : « La maison en laquelle ledict (27) deffunct Claude de Marisy est deceddé (sic) assize audict Troyes en la rue de Colaverdé (laquelle) a esté bastie à neuf constant (a) ledict mariage, des deniers commungs desdits deffunct et veufve; » or, Claude de Marisy avait épousé Michelle Molé entre 1515 et 1530 (27). Les derniers mots de cette citation nous expliquent pourquoi Claude de Marisy n'a pas fait sculpter, sur la tourelle de son hôtel, les armoiries de ses deux premières femmes Jeanne Le Boucherat et Marguerite Pétremol.
Voici l'indication des armoiries qui figurent sur la tourelle ; on en trouvera le dessin aux planches :
Au centre sont les armes des Marisy ;
A gauche, sur la rue Charbonnet (b), sont placées successivement les écussons d'Ysabeau de Louvemont, mère du constructeur et de Guillemette Philippe, son aïeule paternelle ;
A droite, sur la rue des Quinze-Vingts, sont représentées les armes de Marguerite de Valentigny, son aïeule maternelle, et les siennes parties, suivant l'usage, de celles de sa troisième femme, Michelle Molé.
(a) C'est-à-dire : durant.
(6) Anciennement : rue des Lorgnes.
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LES MARISY. 209
Avant de parler des hôtes qui ont succédé à Claude de Marisy dans cette habitation, donnons les deux seuls renseignements que nous ayions pu trouver sur l'intérieur :
Il y avait encore, en 1636 (100), une salie ornée de tapisseries. En 1675 (101), on vendit avec la maison une table,de marbre placée dans la galerie de pierre qui régnait sur la cour, le long de la rue Charbonnet.
L'hôtel construit par Claude de Marisy ne resta pas trèslongtemps dans sa famille. Apres lui (1550), il fut habité par sa veuve Michelle Molé (27) et ses enfants. En 1567 (99), François de Marisy, seigneur des Hayes-à-laDemoiselle, maître réformateur des eaux et forêts, en devint seul propriétaire en acquérant la moitié indivise de l'hôtel appartenant alors à son frère Claude, seigneur de Valentigny, y demeurant. Ce Claude de Marisy avait épousé Ambroise Pithou, soeur des célèbres frères Pithou : ils embrassèrent tous deux avec ardeur les idées de la réforme, et, pour se soustraire aux poursuites des catholiques, ils durent s'expatrier, pour un temps du moins, comme les frères Pithou (a). C'est peut-être en prévision de ces événements que Claude de Marisy réalisa en argent comptant sa moitié indivise de l'hôtel.
Après François de Marisy, l'hôtel appartint à sa fille, Anne de Marisy, mariée en 1596 à Bernard Angenoust, lieutenant général à Sens, puis (1647) conseiller du Roi en ses Conseils d'Etat et Privé, maître des requêtes de l'hôtel du Roi, maison et couronne de France. Ces différentes fonctions ne durent pas permettre à Bernard Angenoust ni à sa femme d'y habiter souvent. Nous voyons, en effet, qu'ils le louèrent, au moins en partie, en 1607 et en 1612, à Pierre Bel, contrôleur en l'élection de Troyes; en 1619, à Sébastien Fauveau, contrôleur à Troyes, puis conseiller au
(a) Au mois de mai 1570, on constate l'absence de Claude de Marisy et d'Ambroise Pithou (Boutiot, Histoire de Troyes, III, p. 641).
T. XL. 14
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210 LES MARISY.
bailliage (a); en 1636 (100), pour partie, à François Denise, bourgeois de Troyes; le surplus réservé au sieur Fauvcau et aux bailleurs.
Celte maison passa ensuite aux Le Mairat par le mariage de Marie Angenoust, fille de Bernard, avec messire Jean Le Mairat, chevalier, seigneur de Droupt, Barberey et autres lieux, conseiller du Roi en son grand Conseil. Ce dernier ne dut pas non plus y demeurer souvent, pour les mêmes motifs que son beau-père. Marie Angenoust ellemême, longtemps après le décès de son mari arrivé en 1661, demeurait à Paris, rue des Maçons, sur la paroisse de SaintSéverin : c'est le domicile qu'elle avait en 1675, époque où elle vendit l'hôtel à Joseph Vigneron, prévôt, juge ordinaire de police de la ville de Troyes, lieutenant criminel et commissaire examinateur en la prévôté (101). Il le transmit, par voie de succession, à Mlle Jeanne-Nicole Vigneron, célibataire, qui en fit don, par acte du 24 janvier 1761 (102), à Nicolas Huez, l'aîné de ses neveux, seigneur deVermoise, lieutenant particulier au bailliage, fils de Louis-Claude Huez et de Nicole Vigneron. Cette donation était faite avec réserve d'usufruit au profit de la donatrice et de Mme Huez, sa soeur, « pour contribuer à le (donataire) mettre en état de sou» tenir avec dignité les dépenses que la décense exige de » lui, à cause de la charge dont il est revêtu, et lui as» surer à cet effet un logement d'autant plus convenable » que Monsieur son père, qui exerçoit la même charge, » l'a toujours occupée jusqu'à son décès. »
L'hôtel passa depuis entre les mains d'Odart-Louis Angenoust, chevalier, seigneur du Bailly et de Villechétif, et de Marie-Nicole Huez, sa femme, soeur de Nicolas Huez,
(a) Baux des 7 septembre 1607 devant Ballesaulx et Denisot, notaires à Troyes, 16 juin 1612, devant les mêmes, et 18 juin 1619, devant Berthelin et Picquet, indiqués en un état de pièces remises à M. Vigneron dont il sera ci-après parlé.
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LES MARISY. 211
qui le vendirent, en 1793, à Nicolas-Jean-Baptis!e Vernier, ancien juge-garde de la monnaie de Troyes, et Anne-Louise Lerouge, sa femme. L'hôtel était alors loué, depuis 1791, à l'Administration du département de l'Aube (103) qui l'occupa jusqu'au 1er mai 1794 (a). Il continua d'appartenir à la famille Vernier jusqu'à une époque récente où M. Aucoc-Vernier, notaire à Troyes, l'a vendu à M. Evrard, propriétaire actuel.
M. Evrard a remis en état le bâtiment situé sur la rue des Quinze-Vingts; la grande porte d'entrée, qui ouvrait sur cette rue, a été transportée sur la façade de la rue Charbonnet. Le bâtiment situé sur la rue Charbonnet consistait, à l'extérieur, en un grand pan de mur sans ouvertures; la construction de pierre n'allait pas jusqu'à la ruelle des Chats; elle était continuée par une maison de bois. Ce bâtiment de pierre menaçait ruine; il a été abattu ainsi que la maison de bois, et remplacé par une construction neuve, dans le style de la partie ancienne qui a été prolongée jusqu'à la ruelle des Chats (b).
III.— GENEALOGIE
Armes. — Les armoiries des Marisy sont : d'azur à six mâcles d'or, posés 3, 2 et 1 (65); elles auraient une origine assez honorable si l'on s'en rapporte à l'explication suivante que nous donne une pièce de vers servant de début à
(a) A. Babeau, Histoire de Troyes pendant la Révolution, II, 217.
(6) MM. E. Socard (Annuaire de l'Aube 1874) et Aufauvre (Troyes et ses environs) ont donné une description de l'hôtel des Marisy. La notice de M. Socard est accompagnée d'un dessin de M. Royer, d'après Dauzats. On trouve aussi un bon dessin de la tourelle et des chapiteaux dans le Voyage archéologique d'Arnaud.
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212 LES MARISY.
un tableau généalogique de la famille, que nous possédons.
Ce tableau, sur parchemin,,,orné de blasons coloriés, paraît
dater de la fin du XVIe siècle,
Voici la pièce de vers : |
Au temps que le bon Roy Philipes de valois Réduysit les flamentz dessoubz l'obéyssance De leur comte Loys, allors, prit sa naissance
Cest escusson d'azur et macles que tu vois.
Ce fut par un dûeil d'un cavalier françois
Nommé DE MARISY, qui soubz le Roy de France
Fut à luy accordé à cheual et la lance,
Contre un des ennemis, gentilhomme de chois.,
Cestuy de Marisy vaincquit, et pour mémoire,
La maiesté du Roy honorant sa victoire,
Permist lors quil changeast son escusson aux armés,
A ces six mâcles d'or, afin quil fust notoire
Que par six coups de lance il auoit eu la gloire De vaincre le llament en dueil par les armes.
Supports. — Deux levrettes d'argent colletées d'azur (a).
Cimier. — Un vol d'azur et d'or (b) chargé d'une, levrette hissante, d'argent, colletée de gueules (c).
Devise, — Nous avons trouvé deux devises différentes portées par des membres de la famille. Voir à ce sujet le degré VII et la pièce n° 48. .
Le premier auteur connu des Marisy, dont nous ayons pu constater l'existence, est :
I. THOMAS DE MARISY, vivant en 1379(1), qualifié, par le tableau généalogique, écuyer, seigneur de la Grand Cour, qui aurait épousé Héluyson de Pel.
Il doit s'agir ici d'un ancien fief, aujourd'hui ferme, situé sur le territoire de Bailly-le-Franc (canton de Chayanges), à la limite des départements de l'Aube et de la Haute-Marne.
(a) Verrières à la cathédrale de Troyes et en l'église Saint-Léger.
(b) Verrière à Saint-Léger.
(c) Verrières à Saint-Léger et tableau généalogique.
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LES MARISY. 213
Il est en outre vraisemblable qu'Héluyson de Pel tirait son nom du village 'de Pel-et-Der (canton de Brienne), du Thomas de Marisy achetait précisément des terres en 1379 (1), sans doute pour augmenter les biens que sa femme lui avait apportés en mariage.
II. PIERRE DE MARISY, demeurant à Brienne-le-Château, seigneur de Charley par sa femme ; marié à Henriette de Guignonville, fille de Jean de Guignonville, écuyer, gruyer de Champagne et de Brie pour le Roi, et de Jeannette des Molins, sieur, et dame, de Charley (paroisse de SainteMaure-lès-Troyes) (3).
A la mort de Jean de Guignonville et de sa femme, la terre de Charley échut à leur fils Jean de Guignonville qui mourut sans enfants, ou dont les enfants moururent sans postérité. Cette terre advint alors à Henriette de Guignonville, sa soeur, épouse de Pierre de Marisy, et fut attribuée par partage à Gilles de Marisy, ci-après (3).
Du mariage de Pierre de Marisy et d'Henriette, de Guignonville, sont issus (3) :
1° SIMONNET DE MARISY qui suit;
2° GILLES DE MARISY, sieur de Charley, mentionné dans une charte du 11 juin 1446 (a), marié, suivant le tableau généalogique des Marisy, à Nicole de Chattonru, fille de Jacques de Chaftonru, seigneur de Chaudrey, dont il eut une fille : Jeannette de Marisy, qui était mineure et dame de Charley en 1447 (3), et aurait épousé Henri de Premierfait, sieur dudit lieu qui n'enaurait pas eu d'enfants (b) et vivait encore en 1492(6). (Voyez ci-après.)
III. SIMONNET DE MARISY, écuyer, demeurant à Brienne en 1439, et aussi à Troyes dès 1447, année où il fut confirme dans sa noblesse par sentence du bailliage de Troyes du l4 mars (2).
'(a) Vallet de Viriville, Archiv. hist. p. 386. (6) Tab. gén.
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214 LES MARISY.
Il épousa (a) (7), en premières noces, Jeanne,Poguin, fille de Jean Poguin, dont il eut plusieurs enfants (3); en deuxièmes noces, en 1439, Marguerite La Héraulde, veuve de Sansonnet de Valentigny (2) ; et en troisièmes noces, avant 1447, Catherine la folle mariée, veuve de Perrot Le Boeuf, fille de Guillaume le fol marié, de Châlons-surMarne, et de demoiselle Emeline, sa femme (3).
Il eut pour enfants
JEAN Ier DE MARISY, qui suit.
Le tableau généalogique indique en outre Gilles de Marisy, sieur de Charley, qui aurait eu une fille : Jeannette de Marisy, femme en troisièmes noces de Henry de Daillencourt, sieur de Bucerolles, et en.... noces de Jean Lefebvre, écuyer. Nous pensons qu'il s'agit ici de Gilles et Jeannette de Marisy, sa fille, dont nous venons de parler.
IV. JEAN Ier DE MARISY, écuyer, seigneur de Jusanvigny(b); Valentigny (b et c), Champigny-sur-Aube, en 1492(6), Bêchereau et Racines (d), maire de la ville de Troyes en
1471 et 1488 (c), servit le roi pendant les années 1471,
1472 et 1477 (5). Il avait épousé, dès 1468 (4), Guillemette Phelipe ou Philippe, morte dès avant 1492 (6), dame de Bligny, Meurville et Saint-Mesmin, avec son frère Jacques Phelippe (8), aussi décédé dès 1492 (8), qui était en outre seigneur de Champigny-sur-Aube, et fille de Jacquinot Phelippe et de Catherine de La Garmoise (12).
C'est sans doute en exécution d'une dernière volonté de Guillemette Phelippe que fut faite la verrière de l'arbre de Jessé, placée dans la nef principale de la cathédrale de Troyes, dans la 5e travée, à main droite en entrant. On y lit
(a) Le tableau généalogique mentionne comme sa seule femme « Jeanne de Valentigny, dame dudit lieu. Ï (6) Gaumartin.
(c) Courtalon, Top.hist., II, 399.
(d) Tab. gén.
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LES MARISY. 215
encore, en lettres gothiques : ....et damoyselle Guillemete Phelipe sa feme ot doné ceste vrie e loner de dieu et de sait Pierre lan mil' CCCCjjjjxx et XVIII, pez por eu..., Nous avons dit, en effet, que Guillemette Philippe était morte dès 1492. Elle est représentée, au bas de cette verrière, vêtue de rouge, couleur de son écu, et accompagnée de quatre filles. Son mari, qui est évidemment Jean Ier et non François, comme l'a cru M. Arnaud (a), est vêtu de bleu et parsemé de mâcles d'or, qui sont les pièces de ses armoiries. Il est accompagné d'un religieux en costume et de cinq autres enfants, dont on n'aperçoit que les têtes.
Du mariage de Jean Ier de Marisy et de Guillemette Philippe, sont nés :
1° FRANÇOIS Ier DE MARISY, qui a continué la postérité ;
2° JACQUES DE MARISY, écuyer, demeurant à Troyes, seigneur de Charley, et, pour un huitième, de Bligny, Meurville, Bavon et Pousson, en vertu d'un partage du 6 août 1492 (6), de Champigny-sur-Aube et de Doches en partie (8), maire de la ville de Troyes en 1514 et 1518 (b). Il assista en 1509, parmi les nobles, à la rédaction de la coutume de Troyes (9), et le samedi 28 mars 1527, à l'intronisation d'Odard Hennequin, évêque de Troyes (c).
Il se rendit adjudicataire, le 7 août 1521, de la mairie de Doches et droits de juridiction que le Roi possédait dans l'étendue de cette mairie, et des deux tiers indivis qui appartenaient au Roi (l'autre tiers appartenait déjà à l'adjudicataire), de la justice haute, moyenne et basse de MesnilSellières. Mais, dès le mois de mars suivant 1521 (v. st.), les habitants de Mesnil-Sellières, usant du droit de réméré, se firent autoriser à lui racheter la justice du lieu. Il paraît
(a) Voyage archéologique, p. 143. (6) Courtalon, Top. hist., II, 400. (c) Camuzat, Prompt., 256 recto.
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216 LES MARISY.
que ce nouveau justicier était plus dur que le Roi, car les habitants disent entr'autres, choses dans leur requête au Roi « Par ce moyen, les supplians, qui étoient justiciables de » sa Majesté, sont tombez en aultre main dont ilz sont » griefvement molestez.» (9bis.);
Il épousa. Mahault Huyart; fille; de Guillaume; Huyart, conseiller et avocat du Roi à Troyes, seigneur de Colaswerdey (Charmont) et Argentolles, et de Ysabeau et des Essarts(8). Il vivait encore en 1541; De ce mariage est issue: 1,Guillemette de Marisy, dame de Charley; mariée à Nicolas, Bizet, bourgeois de Troyes, seigneur de Charley par sa femme, fils de Jean Bizet, bourgeois de Troyes, et de Jacquette Berthier (8).
Ils furent confirmés dans leur noblesse par sentence des élus de Troyes du 16 avril 1549 (n. st.) (8).
D'après le tableau généalogique, Jacques de Marisy aurait encore eu de ce mariage : 2, Jeanne de Marisy, femme dé François Girardin, sieur de Champigny; 3, et Catherine de Marisy, femme de Jean Menisson, seigneur de Doches;
3° Louis DE MARISY , écuyer, seigneur direct de Doches (6).
4° SIMON, DE MARISY, conseiller; du Roi au Trésor, à Paris, mort dès 1492,(6).
5° GUYOT DE MARISY, mineur en 1492, seigneur de Champigny-sur-Aube avec son père, en vertu d'un partage du 6 tapât 1492 (6), et aussi de Torvy, d'après le tableau généalogique. C'est peut-être ici qu'il faut, ajouter, comme l'une des quatre filles de. Guillemette Phelipe, représentées dans le vitrail de la cathédrale :
6° YSABEAU DE MARISY, mariée à Alain de Vassan, écuyer, seigneur de Rizaucourt et de La Thuilerie, fils de Raymond de Vassan, écuyer, et de Marie dite Marion-le-Gudard.
Alain de Vassan donna son aveu, le 1er octobre 1525, au
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LES MARISY. 217
seigneur de Dienville, de plusieurs héritages qu'il tenait dans la mouvance de cette seigneurie (a)
V. FRANÇOIS; Ier DE MARISY, écuyer, seigneur de Bligny, Meuville, Bavon et Pousson, pour un huitième, en vertu du partage du 6 août 1492 (6) ; de Cervet pour moitié et de La Vielzville, par sa femme, en 1478 (11); de Jusanvigny et de Valentigny ; maire de la ville de Troyes en 1498 (b); fut conflrmé dans sa noblesse par sentence de l'élection de Troyes du 17, avril 1 481 (n. st. ) ( 12).
Il obtint de Charles VIII des lettres datées de Moulins, du 5 juillet 1497, lui permettant de réédifier le pont-levis et la maison-forte de Cervet (13), qui avait été ruinée par les guerres (61).
Il fit aveu et dénombrement de la terre de Cervet à la comtesse de Nevers le 5 février 1503 (18), probablement par suite du décès de son beau-père; figura, avec son frère Jacques, parmi les nobles qui assistèrent à la rédaction de la Coutume de Troyes, le 23 octobre 1509 (9 et 28). Il vivait encore en 1515, époque où il abandonna à son fils Claude l'usufruit qu'il s'était réservé, par acte du 4 juillet 1499, de la terre et seigneurie de Cervet et La Vielzville (25). Il avait épousé en premières noces, antérieurement à 1476 (10), Ysabeau de Louvemont, morte vers 1499 (24), fille d'Etienne de Louvemont (10), sieur de Cervet (11) et de Bayre,' Laines-Bourreuses et Briel (c), demeurant à Vendeuvre (d), et de Marguerite de Valentigny (9), sa secondefemme (e). Cette Marguerite de Valentigny était veuve de Samsonnet-Hennequin de Vaubercey (9).
Il se maria en secondes noces, au plus tard en 1515 (25),
(a) D'Hozier, Armorial général, reg. I, p. 608. (b)Courtalon, Top. hist., II, 399.
(c) Tableau généalogique et bib. nat. m. s,, carton des Hennequins.
(d) Bibl. imp. Hennequins. (e) Tableau généalogique.
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218 LES MARISY.
à Catherine Molé, fille de Jean Molé, seigneur de Villy-leMaréchal, et de Jeanne de Mesgrigny.
Du premier mariage sont issus : 1° CLAUDE DE MARISY, dont il sera parlé ci-après ;
2° Louis DE MARISY, écuyer, décédé dès 1515 (18);
3° MARGUERITE DE MARISY, mariée à Guillaume de SaintGermain, seigneur de Cheuvres, puis (a), le 17 septembre 1495, à Guyot de Dinteville, chevalier, seigneur de Spoy et de Roches-sur-Aisne, en Rethelois, fils de Jean de Dinteville, seigneur des Roches et de Spoy, et de Jeanne de Pontallier, dame de Fougerolles et de Roches (b).
VI. CLAUDE DE MARISY, écuyer, seigneur, dès 1515 (25), de Cervet, dont il rendit foi et hommage à Odet de Foix, comte de Comminge, le 11 juin 1527, par suite du décès d'Ysabeau de Louvemont, sa mère (21), et pour moitié, de Bréviandes (23); fit aveu et dénombrement de ces deux terres au comte de Laval, le 12 décembre 1544 (22); enfin des Hayes-à-la-Demoiselle (c) en totalité (23), et pour moitié, de Jusanvigny et Valentigny (23).
Licencié ès-lois, grènetier au grenier à sel de Troyes dès 1515 (25), maire de cette ville en 1522 et 1528 (d), il assista le samedi 26 mars 1527 à l'intronisation d'Odard Hennequin, évêque de Troyes (e), et en 1545, à l'installation de l'évèque Louis de Lorraine (f); se présenta en 1543 à la levée du ban et arrière-ban, pour laquelle il fut tenu de fournir un archer (23), et mourut en 1550 (27).
Il a construit, en 1531, l'élégant hôtel qui porte son
(a) En quatrièmes noces, suivant le tableau généalogique.
(b) P. Anselme, Hist. des grands offic. de la Couronne, t. VIII, . 716, D.
(c) Commune de Maizières, canton de Brienne (Aube).
(d) Courtalon, Top. hist., II, 400.
(e) Camuzat, Prompt., 256 verso,
(f) Ibid., 249 recto.
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LES MARISY. 219
nom, situé à Troyes, à l'angle des rues des Quinze-Vingts et Charbonnet.
Il avait épousé
En premières noces, en 1499, Jeanne le Boucherat, fille d'Edmond le Boucherat (24), seigneur de La Forge-Volcon, commune d'Estissac (a), maire de la Ville de Troyes (b), et de Jeannette le Pelé (24) ;
En secondes noces, en 1515; Marguerite Pétremol, fille de Jacques Pétremol, sieur de Saint-Utin, et d'Anne Hennequin (26), dont il ne paraît pas avoir eu d'enfants (c);
Et en troisièmes noces, entre 1515 et 1530, Michelle (d) Molé (27), fille de Claude Molé, écuyer, seigneur de Villyle-Maréchal, et de Barbe Hennequin (28). Elle lui; survécut et vivait encore en 1565 (42).
Il eut du premier mariage (26) :
1° JEAN II DE MARISY, qui sera rapporté plus loin ;
Et du troisième mariage :
2° FRANÇOIS DE MARISY, seigneur en totalité des Hayes-àla-Demoiselle (27), pour moitié de Jusanvigny, pour un seizième de Torvilliers, en vertu d'un partage du 24 février 1550 (27); de Machy dès 1584 (29 et 38), et en outre, de Blignicourt pour un quart, par suite de son mariage ci-après rapporté.
Maître réformateur des eaux et forêts au bailliage de Troyes dès 1560 (28), l'était encore en 1569 (e); il fut confirmé dans sa noblesse par sentence des élus de Troyes du 5 septembre 1560 (28).
(a) Caumartin dit : Balon.
(6) Généalogie des Hennequins, manuscrit du commencement du XVIIe s., à M. le comte des Réaulx de Marin.
(c) Caumartin ne parle pas de ce second mariage.
(d) Caumartin l'appelle : Claude.
(e) Il figure dans les rôles de l'impôt de 1569, pour la somme de 72 livres 10 sols (arch. dép., F. 237, folio 117).
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220 LES MARISY.
Il était marié, dès 1584 (38), à Marie de Vassan, dont il eut une fille: Anne de Marisy mariée àBernard Angenoust, écuyer, sieur de Trancault, lieutenant-général au bailliage de Sens.
3° CLAUDE DE MARISY, seigneur pour moitié de Valentigny, en vertu d'un partage de 1550 (27) (l'autre moitié à MM.de Rahcé); vivait encore en 1595 (29).
Il avait épousé Âmbroise Pithou, morte dès 1595 (29) soeur des célèbres frères Pithou et fille de Pierre Pithou, sieur de Bierne, Sayoye et Bayre, et de Bonaventure de Chantaloë (a). Il en eut : 1, Ambroise de Marisy, mariée en 1595 à Pierre de" Bretel (29), écuyer, seigneur de Breban, et par sa femme, de Valentigny, fils de Jean de Bretel (29), lequel était veuf en premières noces de Madeleine Quinot, fille d'Humbert Quinot, écuyer, seigneur' de Saint-Etienne-sous-Barbuise, capitaine et gouverneur de Plancy (29). De ce mariage sont issus plusieurs entants, entre autres Antoine de Bretel, écuyer, seigneur de Valentignyet d'Aunay, gouverneur du duché de Beaufort, capitaine commandantle régiment de Reynel (b); 2, Guyonne de Marisy; femme de Charles(c) Gayet,;sieur de Quincey (d); 3, et Michelle de Marisy, femme de N..V, sieur de la Brosse (d). Suivant Grosley (Vie de Pierre Pithou, 2 in-12, 1756, t. II, p. 368), il faudrait ajouter comme fils de Claude et d'Ambroise Pithou : 4, François de Marisy, sieur dé Machy,à qui Passerat a dédié sa pièce intitulée Le Cocu; on lit, en effet, à la page 18 du Premier Livre des poèmes de Jean Passerat; revueus et augmentez par l'autheur en ceste dernière édition. Paris, veuve de Mamert Patisson, 1602 : Le Cocu, métamorphose d'un homme en oiseau.
(a) gén. et géhéalogie des Hennequins; (b) Caumartin.
(c) Gén. des Hennequins.
(d) Tab.gén.
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LES MARISY. 221
A FRANCOIS DE MARISY, SEIGNEUR DE MACHY.
Pour un heureux présage et signe de bon temps,
Je te donne, Machy, cest oiseau de printemps.
vigny, en vertu du partage de 1550 (27) qui épousa
Guyonne, Girardin (a), fille de François Girardin. sieur de
Champigny, et de Jeanne de Marisy (b et c). (Voyez cidessus,
cidessus, 216),
5° BARRE DE, MARISY, mariée à Odard le Mercier, écuyersieur
écuyersieur Saint-Parre-aux -Tertres (28) et de La Renouillière
Renouillière par sa femme (27). 6° YSABEAU DE MARISY, mariée à Antoine Ménisson (27)
écuyer. seigneur de Saint-Pouange (28).
7° Et (a) MARIE DE MARISY, femme de Simon Acarie, vicomte de Villemaur, conseiller au Parlement de Paris. Elle était morte dès 1560 (28) VII, JEAN II DE MARISY, dit l'aîné (42), écuyer, seigneur de Cervet, en vertu d'un partage du 24 février 1550 (25) de Breviande, grènetier au grenier à sel de Troyes, après son père (27). Il comparut le 27 mars 1543 (31) à l'assemblée générale de l'Echevinage de Troyes,enqualité de noble; rendit foi ethommage le 28 août 1550, au duc de Nevers, pour la seigneurie de Cervet (32), et lui fit l'aveu, et dénombrement des seigneuries de Cervet et Breviande, le 26 juillet 1553 (33); fut confirmé dans sa noblesse par une sentence des commissaires députés par le Roi, sur le fait des
(a) Tab. gén.
(b) Gén. des Hennequins.
(c) Voyez ci-dessus degré IV, 2°. 2.
(d) D'après Caumartin, il faudrait ajouter une fille, qu'il appelle Appoline, mariée à Pierre de La Chaux. C'est, suivant nous, la même personne que Pauline, fille d'Odard II de Marisy (degré VIII, ciaprès), qui épousa en effet, Pierre de La Chaux, mais en secondes noces seulement.
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222 LES MARISY.
francs-fiefs et nouveaux acquêts, du 4 janvier 1574 (36). Il vivait encore en 1577 (37).
Il avait épousé Catherine de Milly (35), fille de Jean de Milly, écuyer, seigneur du Metz (a), décédée à Troyes le 30 janvier 1562, et inhumée en l'église de Saint-Léger, près Troyes, où l'on voit encore sa pierre tombale (14).
Jean de Marisy et Catherine de Milly ont donné en 1558, à l'église de Saint-Léger, une verrière (35) sur laquelle on voit encore leurs armes. Celles de Milly sont accompagnées de cette devise : Mon espoir passe fortune, et celles de Jean de Marisy de celle-ci : Sans excéder raison.
De leur mariage sont issus :
1° ODARD Ier DE MARISY, qui suit.
2° JEAN DE MARISY, dit le jeune, par opposition à son père (42), écuyer, seigneur du Fort-de-Cervel en 1565.(42). Il était déjà grènetier au grenier à sel de Troyes, et marié en premières noces (42) à Anne Bury; puis grènetier ancien dès 1584, époque de son mariage avec Claude le Marguenat, veuve de noble homme Claude Ravault, procureur du Roi au bailliage deTroyes, et fille de Gilles le Marguenat, bourgeois de Troyes, et de Satine Daniel, restée sa veuve (38).
Il était conseiller de ville dès 1608 (39).
Il est mort (b) à Troyes le 8 janvier 1609, et a été enterré en l'église des Jacobins de cette ville (39). 3° CLAUDE DE MARISY, mariée à Claude le Tartrier, docteur en médecine à Troyes, qui en était veuf dès 1565 (42).
VIII. ODARD Ier DE MARISY, écuyer, seigneur de Cervet et, Breviande en 1565 (42), terres dont il rendit foi et hommage à Mlle de Bourbon le 24 mars 1580 (43).
Licencié ès-lois, avocat à Troyes et lieutenant au bailliage et marquisat d'Isles dès 1565 (42) ; il mourut, ainsi que sa femme, vers 1588 (44).
T(a).Tab. gén. (b) Caumartin dit : « Sans alliance.»
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LES MARISY. 223
Il avait épousé, en 1553, Jeanne Chappelain, fille de François Chappelain, sieur de Vermoise, contrôleur au grenier à sel de Troyes (a), et de Jeanne Pion, sa première femme (41) [b). Elle vivait encore en 1565 (42).
Ils eurent de ce mariage :
1° ODARD II DE MARISY, dont il sera question ci-après.
2° PAULINE DE MARISY, dame des deux tiers du fief du Fort-de-Cervet, suivant partage du 31 mars 1610 (40), mariée en premières noces, dès 1588, à Claude le Goujal, écuyer, sieur des Marets (44), et en secondes noces, dès 1610, à Pierre de La Chaux, écuyer, officier dé là' maison de la Reine (40), dont elle était veuve dès 1628 (58).
3° CONSTANCE DE MARISY, mariée dès 1588 à Jacques le Clerc, avocat du Roi au bailliage de Nogent-sur-Seiné (44).
4° CLAUDE DE MARISY (44), mariée dès 1584 (38 et 39) à Jean Chevillard, reçu grènetier à Troyes, lors de son mariage, sur la résignation de Jean de Marisy, seigneur du Fort, oncle de sa femme (39).
IX. ODARD II DE MARISY , écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, en vertu d'un partage du 13 décembre 1588 (44), et d'un tiers du fief du Fort-de-Cervet, suivant partage du 31 mars 1610 (40). Lieutenant au bailliage et marquisat d'isles après son père, dès 1588; élu en l'élection de Troyes. Il rendit foi et hommage des seigneuries de Cervet et Breviande le 16 mai 1596 (46); mourut le 26 janvier 1613, et fut enterré en l'église de Saint-Léger, où l'on voit encore sa pierre tombale (48).
Il épousa Jeanne Barbette (50), fille de Didier Barbette, avocat en Parlement à Troyes (44).
(a) Caumartin dit : « Grènetier au grenier à sel. " II l'est probar blement devenu après avoir rempli les fonctions de contrôleur qu'il exerçait encore lors du mariage de sa fille.
(b) Caumartin dit : « et de Nicole Doré. » Ce n'était que sa deuxième femme (33).
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224 LES MARISY.
Elle mourut vers 1648 (49 et 50).
De leur mariage sont issus :
1° FRANÇOIS DE MARISY, qui suit.
2° JEAN-BAPTISTE DE MARISY, écuyer, seigneur de Cervet et Breviande pour cinq seizièmes, suivant partage du 24 juillet 1648 (50); élu en l'élection de Troyes, en survivance de son frère François II, suivant lettres de provisions du 18 juin 1643, reçu en la Cour des Àydes le 1er août suivant (51), mort en 1653 (52), sans alliance (a).
Il fonda, par testament, la chapelle de Saint-Quirin en l'église de Sainte-Madeleine de Troyes, avec droit, pour lui et ses descendants, de patronage laïc et pleine collation de la provision de chapelain (53).
3° FRANÇOISE DE MARISY, dame de Cervet et Breviande pour deux seizièmes, suivant le partage de 1648, mariée dès cette époque à Louis Lemaire, conseiller du Roi et élu en l'élection de Saint-Florentin (50), dont elle était veuve dès 1662 (52).
4° MARIE DE MARISY, dame de Cervet et Breviande pour deux seizièmes, suivant le partage de 1648 , mariée à noble homme Henry le Marguenat, lieutenant au grenier à sel de Troyes. Elle ne lui donna pas d'enfants, et en était veuve dès 1648 (50); elle est morte dans la première partie de l'année 1680 (b).
5° JEANNE DE MARISY, décédée dès 1648 (50).
6° ANNE DE MARISY, dame de Cervet pour deux seizièmes, en vertu du partage de 1648, mariée à noble homme Nicolas Clerget, bourgeoisie Troyes, dont elle était veuve dès 1648 (50). Elle vivait encore en 1662 (53).
X. FRANÇOIS II DE MARISY, écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, dont il rendit foi et hommage à Charles de
(a) Caumartin
(6) Pièce de procès, non datée.
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LES MARISY. 225
Gonzague, duc de Nevers, le 12 décembre 1613(54), et lui
en fit l'aveu et dénombrement le 11 juin 1617(55) . Conseiller du Roi (59), il fut pourvu, par lettres de provisions du 9 avril 1626, d'une charge d'élu en l'élection de Troyes, nouvellement créée par édit du mois de décembre 1625 (56) ; reçu en la Cour des Aydes le 4 mai 1626; et installé le 15 juillet suivant (57), Il est mort vers 1643 (60). Il avait épousé, en 1631, Marguerite Angenousjt, fille de
Nicolas Angenoust, conseiller du Roi au bailliage et présidial de Troyes, seigneur de Bailly, et de Marguerite Dare. Elle rendit foi et hommage des terres de Cervet et Breviande le 19 mars 1643 au nom de.ses enfants mineurs (60)..
Par acte du 7 mai 1 650, elle acquitte Claude des Marets et de Roberte Maréclat, sa femme, tous les droits seigneuriaux; qu'ils pouvaient, avoir sur la terre; et seigneurie de Cervet et, Breviande (62). Elle fut, ainsi que ses,enfants, , confirmée dans sa noblesse par sentence des élus de Troyes du
14 avril 1651, confirmée par arrêt de la Cour des Aydes du l9 juillet suivant (61).
Elle vivait encore en 1675, (85).
De ce mariage sont issus :
1 ° NICOLAS DE MARISY (61), ci-après rapporté. 2° ODARD DE MARISY (61), écuyer, seigneur de Bouy-surOrvin, prêtre, curé de Soligny-les-Etangs et doyen de Marigny dès 1675 (85); né à Troyes en juillet 1642 (63), fit enregistrer ses armpiries par d'Hozier le 22 novembre 1697 (65), et mourut le 3 juillet 1711.
Parson testament du 26 juin 1711, il institua pour légataires universels, ses neveux Jacques et Nicolas Angenoust, qui héritèrent ainsi de la seigneurie de Bouy. 3° FRANÇOIS DE MARISY (61 ), prieur de Saint-Gabrield'Andelot, sous Montéclair (Haute-Marne), dès 1669 (67), vivant encore en 1675 (85).
Ils étaient tous quatre, indivisément avec leur mère,seiT.
mère,seiT. 15
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226 LES MARISY.
gneurs pour cinq seizièmes de Cervet et Breviande, en vertu du partage de la succession d'Odard II, du 24 juillet 1648 (50).
4° JEAN DE MARISY (61), qui était mort dès 1648 (50).
5° MARGUERITE DE MARISY, mariée en 1654 à Jacques Angenoust, écuyer, seigneur de Birouy, avocat en Parlement, fils de Jacques Angenoust, écuyer, sieur des Barres et de Montceaux, bailli de Nogent-sur-Seine, et d'Elisabeth Brisson.
Ils sont morts, le mari en 1662 et la femme le 1er octobre 1669, et furent tous deux inhumés dans l'église de SaintLaurent, à Nogent-sur-Seine [a].
6° MARIE DE MARISY, morte sans postérité le 16 novembre 1709, mariée à noble homme Alexandre Andry, seigneur de Montserve, qui lui survécut (68). Il est mentionné parmi les bienfaiteurs de l'hôtel Dieu-le-Comte en 1714 (b).
XI. NICOLAS DE MARISY, écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, né le 2 janvier 1636(72), nommé par lettres de provisions du 22 mars 1653 à l'office d'élu (72), vacant par le décès de son oncle, Jean-Baptiste de Marisy (73), reçu en la Cour des Aydes le 20 juin suivant.
Admis au grade de licencié en l'un et l'autre droit à l'Université de Bourges, le 29 juillet 1656 (70), il prêta serment en qualité d'avocat en Parlement le 8 août suivant (71), fut dispensé, par arrêt de la Cour des Aydes du 14 novembre 1656, d'attendre l'âge de 25 ans pour avoir voix délibérative en qualité d'élu, ainsi que ses lettres de pro(a)
pro(a) ne pas augmenter les dimensions de ce travail, nous n'avons pas donné l'analyse des pièces justificatives se rapportant à Marguerite de Marisy et Jacques Angenoust. Nous les avons réservées pour les faire figurer dans la généalogie de la famille Angenoust sur laquelle nous possédons de nombreux documents.
(b) Annuaire de l'Aube, 4853.
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LES MARISY. 227
visions l'y avaient obligé, et ce, attendu le grade d'avocat qu'il venait d'obtenir (72) ; il fut installé par sentence des élus de Troyes du 16 décembre suivant (73). Son office ayant été supprimé par édit du mois d'août 1661, il obtint en remboursement une somme de 1,470 livres 12 sols 4 deniers (74).
Il rendit foi et hommage au duc d'Aumont pour la seigneurie de Cervet et Breviande, les 10 juin 1678 (75) et 7 décembre 1709 (77), et lui en fit l'aveu et dénombrement le 1er avril 1679 (76).
Il fit le service de l'arrière-ban pendant les années 1674 (78) et 1689 (79); se fit suppléer pour les années 1691 (80) et 1693 (81), et paya la taxe pour l'année 1697 (83). Ses armoiries furent enregistrées à l'Armorial général par ordonnance du 22 novembre 1697 (a).
Par arrêt du 1er décembre 1670, il fut maintenu par Caumartin dans sa noblesse (84), et mourut entre 1709 (68) et 1713 (69).
Il avait épousé, en 1675, Anne Laurent, fille de noble homme Pierre Laurent, bourgeois de Troyes, conseiller en l'Hôtel-de-Ville, et de Marie Dare (85). Elle était morte dès 1705 (86). Ils eurent de ce mariage :
1° FRANÇOIS III DE MARISY, qui suit :
2° MARIE-ANNE DE MARISY, mariée en 1705 à Odard Tetel, juge magistrat, conseiller au bailliage et présidial de Troyes, fils de Louis Tetel, conseiller auxdits bailliage et présidial, et de Marguerite Perricard (86).
XII. FRANÇOIS III DE MARISY, écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, demeurant à Troyes, rue de la Rouairie ou des Filles (91), où il est décédé le 3 août 1744 (92); rendit foi
(a) Armorial manuscrit de d'Hozier, vol. de Champagne. (Bib. nationale.)
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228 LES MARISY.
et hommage au duc d'Aumont, pour Cervet et Breviande, les 1er décembre 1712 et 17 janvier 1726 (88).
Il épousa, en 1713, Marie Gouault, fille de ToussaintNicolas Gouault, maire de la ville de Troyes (90). Elle mourut à 22 ans environ, le 27 septembre 1718, et fut inhumée au choeur de la chapelle des Porcherons, dépendant de l'église paroissiale de Montmartre, près Paris (89).
Il était né de ce mariage une fille :
Catherine de Marisy, décédée sans être mariée, entre 1718 (89) et 1720 (90).
François de Marisy, dernier représentant de la famille, est mort laissant une succession dont le passif dépassait l'actif de 18,949 livres 8 sols 8 deniers. Elle ne fut acceptée que par un seul des héritiers, Jean-François Angenoust, seigneur de Bouy, qui voulut bien se charger du paiement des dettes pour l'honneur du nom de Marisy, sans doute en souvenir du legs universel fait à son grand-père et à son grandoncle, par Odard de Marisy, curé de Soligny-les-Etangs, seigneur de Bouy-sur-Orvin (degré X 2°). Il obtint des créanciers la faculté de ne vendre que ceux des biens qu'il lui plairait; c'est ainsi qu'il put conserver et faire entrer dans sa famille la terre de Cervet (a).
Voici l'indication de différents personnages du nom de Marisy que nous n'avons pu faire figurer dans la filiation.
1332. — Marguerite de Marisy, veuve en 1332 de Henri de Thélis, dit Quinart, chevalier, seigneur de Montputier (Montpothier?); armes de Thélis : d'or à trois fasces de gueules. (II Beaune et J. d'Arbaumont. La Noblesse aux Etats de Bourgogne, in-4°, 1864, p. 273.)
1426. — Colette de Marisy, décédée le 7 mai 1426, mariée à noble homme Jean de Moustier, capitaine de Barsur-Aube, mort le 21 janvier 1463.
(a) Courtalon, Top. hist., III, p. 118, s'est trompé sur l'époque à laquelle la terre de Cervet entra dans la famille Angenoust.
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LES MARISY. 229
Ils ont été enterrés en l'église de Saint-Maclou, à Bar-surAube, où l'on voit encore leur pierre tombale avec les
armes de Moustier, qui sont : d'..... à trois tours..... Le
dessin en a été donné par M. Arnaud, dans son Voyage archéologique (a).
1449. — Une sentence récognitive de noblesse, rendue au bailliage de Troyes le 26 août 1449 (b), nous fournit les renseignements suivants :
II y avait alors à Brienne Colot de Marisy, marié à Ysabeau Naudot, de Châteauvillain (Haute-Marne), fille de Nicolas Naudot et de Marguerite de Montsaon. Ils eurent plusieurs enfants; la sentence en mentionne seulement deux :
1. Nicolas de Marisy, en faveur de qui la sentence fut rendue. Il demeurait à Troyes dès l'année 1446.
2. Jean de Marisy, qui demeurait aussi à Troyes et vivait encore en 1449.
Il existe encore des Marisy à Brienne ; peut-être descendent-ils d'un fils de Colot.
1457. — Jac. de Marisy, presbyter monasterii Celloe propè Trecas, l'un des religieux réunis en chapitre le 26 septembre 1457, pour l'élection d'un abbé après le décès de l'abbé Raulin. (Camuzat, Promptuarium, p. 32 verso.)
1473. — Pierre de Marisy était alors chanoine de Châ(a)
Châ(a) Arnaud a lu : Moultier, et M. L. Chevalier (Hist. de Barsur-Aube) a lu : Monstier qu'il a orthographié : Montier.
(b) Sentence du 26 août 1449, rendue par Oudart Griveau, licencié ès-lois, lieutenant-général de noble homme Guillaume Bellier, seigneur de Cherelles, Savary, maître d'hôtel du Roi et son bailli de Troyes, au profit de Nicolas de Marisy, demeurant à Troyes, contre le procureur du Roi au bailliage, qui avait pris la cause pour le collecteur des jurées aud. bailliage.
Copie collationnée, signée sur le repli : T. Pérignon, délivrée le 11 novembre 1509 par Nicole et Bareton, notaires royaux en la prévôté de Troyes. (Bibl. de Troyes, m. s., 1290, p. 127.)
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230 LES MARISY.
Ions. (Laine. Nobiliaire de Champ, t. VI des Archives de la noblesse de France.)
1554. — Charlotte de Marisy, mariée à Mathieu Le Grand, écuyer, sieur de Courtillot (commune de Traînel) et de Saunois. Leur succession fut partagée le 22 août 1554, devant Desportes et Mercier, notaires en la prévôté de Traînel. (Caumartin. Généalogie des Le Grand, seigneurs d'Epothémont.)
Le Grand porte : d'azur à trois fusées d'or mises en fasce (idem).
1593. — Anselme de Marisy, procureur au bailliage et siége présidial de Chaumont, député aux Etats-généraux de la Ligue en 1593. (A. Thierry. Essai sur le Tiers-Etat, in-12, 10° édition, p. 510.)
1603. — Jean de Marisy, capitaine de l'Arquebuse en 1603. (Annuaire de l'Aube, 1858, 26 partie, p. 99.)
C'est à la munificence d'un Marisy que seraient dus les magnifiques vitraux qui décoraient l'hôtel de l'Arquebuse, aujourd'hui à la bibliothèque de la ville.
1623. — Henry de Marisy, écuyer, seigneur de Baudricourt (a), demeurant à Romaine en 1626, marié dès 1608 (a) à Claude de Chobillon, héritière de Claude de Mertrus, seigneur de Romaine. (Jugement du 11 avril 1623, rendu au Parlement de Paris, contre Claude de Chobillon, comme héritière de Claude de Mertrus, mentionné dans un jugement du 4 septembre 1626, concernant la terre de Romaine. (Pièce appartenant à l'auteur.) Henry de Marisy était mort dès 1636. Il laissait sa femme survivante avec plusieurs enfants. (Voyez la pièce suivante.)
1636. — Anne de Marisy, mariée dès 1608 (a) à
(a) Jugement rendu par Jean Angenoust, président et lieutenant général au bailliage et présidial de Troyes, le 13 août 1608, en la cause d'Anne de Marisy, femme de Michel de Saint-Amour, demanderesse, et d'Henry de Marisy, seigneur de Baudricourt, défendeur. (Dossier de Marisy, au cabinet des titres. Bib. nat.)
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LES MARISY. 231
Michel de Saint-Amour, écuyer, sieur de La Péreuse (Yonne?), dont elle était déjà veuve en 1636, année où fut rendu, à son profit, un jugement du Parlement de Paris du 5 juillet, contre Claude de Chobillon, veuve d'Henry de Marisy (Dossier de Marisy. Cabinet des titres, à la Bibliothèque nationale).
1652. — Nicolas de Marisy, consul-marchand en 1652 (a).
1659. — Nicolas de Marisy, juge-marchand en 1659 (a).
Il doit s'agir ici d'une même personne.
IV. — DOCUMENTS
1.
Vente du 14 novembre 1379, faite sous le scel de la prévôté de Troyes, devant Jean de Doulevant et Jean d'Arras, notaires jurés en la prévôté, par Jacquinot d'Arras, bourgeois de Troyes, à Thomas de Marisi(sic), demeurant à Brienne, d'une grange et de diverses pièces de terre, sises à Pel-et-Der, moyennant 30 francs d'or du coin du Roi.
Parchemin. Suscription de Regnaut Gonbaut, garde du scel de la prévôté de Troyes.
(AM. de La Rupelle).
2.
* Contrat de mariage du 29 décembre 1439, passé devant Pierre Drouot et Thibault Perrignon, clercs, notaires
(a) Annuaire de l'Aube, 1848.
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232 LES MARISY.
jurés établis en la prévôté de Troyes, entre Symonnet de Marisy, écuyer, demeurant à Brienne, et Marguerite la Héraulde, veuve de Sansonnet de Valentigny, demeurant à Troyes.
Suscription d'Antoine Guerry, écuyer, prévôt de Troyes et garde du scel de la prévôté.
Parchemin. Signé : Drouot, Pérignon.
3.
* Sentence du 14 mars 1447, rendue par Oudart Griviau (Griveau), licencié ès-lois, lieutenant-général de noble homme Guillaume Bellier, seigneur de Cherelles, maître d'hôtel du Roi et son bailli à Troyes, au profit de Simonet de Marisy et Catherine la folle mariée, sa femme, veuve de Perrot le Beuf, demeurant à Troyes, défendeurs, contre le procureur du Roi au bailliage, qui avait pris en main la cause du collecteur des jurées.
Les défendeurs, pour obtenir l'exemption du droit de jurée, ont démontré qu'ils étaient nobles, savoir :
En ce qui concerne Simonet de Marisy, comme descendant, par les femmes, de la famille de Verdun, qui était noble ; Guillaume de Verdun, écuyer, seigneur de la Cour, Laines-Viez et La Tombe; Guy de Verdun, écuyer, seigneur de Rosson, mouvant en fief du Roi; Hugues de Verdun, seigneur de Magnicourt et Bouilly, en partie; Julienne de Verdun; et Guillemette de Verdun, jadis demeurant à Troyes, mariée à feu Guillaume des Molins, dit Garnier, tous frères et soeurs. Jeannette des Molins, leur fille, a épousé Jean de Guignonville, écuyer, gruyer de Champagne et Brie, qui en eut plusieurs enfants, entre autres Henriette de Guignonville, femme de Pierre de Marisy, jadis demeurant « à Brene-le-Chastel, ou bailliage de Chaumont en Champaigne ; » de ce mariage naquirent Giles de Marisy et Simonot, défendeur.
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LES MARISY. 233
En outre, pour prouver que ses prédécesseurs n'ont pas cessé de jouir des priviléges de noblesse, Simonnet de Marisy exposé que Jean de Guignonville et Jeannette des Molins étaient seigneurs de Charley « en la paroisse de SaincteMore-lez-Troies, » seigneurie mouvante en fief noble, comprenant haute, moyenne et basse justice ; après leur mort, la seigneurie échut à Jean de Guignonville, leur fils; après le décès de ce dernier ou de ses enfants, qui moururent sans hoirs, elle advint à Henriette de Guignonville, sa soeur, mère de Giles et Simonnet de Marisy, et fut attribuée à Giles par partage; après le décès de Giles, elle appartint à Jeannette, sa fille mineure « qui la tient encore. »
Enfin, Simonnet de Marisy, défendeur, a épousé Jeannette Poguin, fille de feu Me Jean Poguin, laquelle mourut laissant plusieurs enfants de cette union; en qualité de noble, Simonnet eut tous les biens meubles qui avaient été communs avec la défunte ; il a épousé ensuite Marguerite la Héraulde, après le décès de laquelle il a, en la même qualité, conservé tous les biens meubles, à l'exclusion des héritiers de sa femme.
Quant à Catherine la folle mariée, elle est fille de Guillaume le fol marié et de demoiselle Emeline, tous deux notoirement réputés nobles à Châlons.
Parchemin. Signé sur le replis : Colet.
4.
* Lettres royales du 6 mars 1648, données à Amboise par Louis XI, à Guillemette, femme de Jean de Marisy, la maintenant dans les priviléges des monnayeurs du serment de France, de la Monnaie de Troyes, quoiqu'elle fût seulement « fille yssue de seconde fille de monnayeur, » ce qui lui était objecté par les monnayeurs de la Monnaie de Troyes.
Vidimus du 14 juillet 1470, d'Arnoul Housse, notaire et secrétaire du Roi, prévôt et garde du scel de la prévôté de
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234 LES MARISY.
Troyes. Lesdites lettres expédiées par Félix Bareton et Jean Jeuffroy, notaires jurés en la prévôté.
Parchemin. Signé : Bareton et Jeuffroy.
5.
* Certificat délivré à Troyes, le 6 décembre 1472, par Louis de Laval, seigneur de Châtillon, grand maître et général des eaux et forêts du royaume, lieutenant-général pour le Roi et gouverneur de Champagne, constatant que Jean de Marisy, demeurant à Troyes, a fourni pour le Roi, pendant ladite année 1472 et celle de 1471 « un suffisant » habillement et nombre de gens, avec six chevaulx, » et que, pour ce motif, il doit être conservé dans tous ses droits de franchise et de noblesse.
Parchemin. Signé : Loys de Laual.
Le mauvais état de cette pièce ne permet pas de la déchiffrer complètement. Une note plus récente, mise au dos, nous apprend que cette fourniture était faite pour la compagnie de M. de Nevers (le duc de Bourbon).
Autre certificat du même, que Jean de Marisy a servi l'année 1477. (Note manuscrite non signée.)
6.
*Partage du lundis août 1492, fait en la Cour du bailliage de Troyes, devant Simon Liboron, licencié ès-lois, lieutenant du bailli de Troyes, entre : François de Marisy, écuyer, sieur de Cervel ; Jacques de Marisy, écuyer, demeurant à Troyes ; Louis de Marisy, écuyer, seigneur direct de Doches, et Jean de Marisy, écuyer, tuteur et curateur de Guiot de Marisy, son fils mineur, issu, avec ses autres enfants sus-nommés, de son mariage avec feue Guillemette Phelipe, sa femme,
En présence de Jean Luillier, lieutenant civil en la prévôté et vicomte de Paris ; Antoine Huyart, licencié ès-lois ;
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LES MARISY. 235
Henry du Premierfait, Jean Chatonru, Michel de Pleurre, Thibault Chatonru, Jean du Val, Jeuffroy-Larconnier Nicolas Hennequin et Jean Dalichamp, tous parents et amis « charnelz ou afins » desdites parties,
De divers biens dépendant de la succession de Jacques Phelipe, seigneur de Bligny, leur oncle, et ce, tant comme héritiers en partie dudit sieur Philippe que comme ayant les droits de feu M° Symon de Marisy, leur frère, conseiller du Roi au Trésor à Paris ; sur tous lesquels biens demoiselle Marguerite Dorigny, veuve du défunt, avait un droit de douaire, ainsi que sur d'autres biens échus à Jean Luillier et autres enfants d'Arnault Luillier.
Il est échu entr'autres choses :
A Jean de Marisy et à son fils mineur : la terre, justice (haute, moyenne et basse) et seigneurie de Champigny-surAube, estimée 1,800 livres tournois ; à François et Jacques de Marisy, indivisément, le quart des seigneuries de Bligny, Meurville, Bavon et Pousson, estimé, avec divers héritages situés sur les finages de Spoy, Couvignons et lieux voisins, 1,800 livres.
Les biens partagés s'élèvent à une estimation totale de 6,390 livres tournois.
Parchemin. Signé : de Corberon.
7.
Reconnaissance d'hypothèque, du 8 mars 1541, pour 30 sous de rente foncière et 20 deniers de censive grevant une maison, sise à Troyes, rue du Bourg-Neuf, possédée par Jacques de Marisy, sieur de Charley (Archives départementales, G. 1115).
8. ;
* Sentence rendue le mardi 16 avril 1549 (n. st. ), par les élus en l'Election de Troyes, sur le fait des aides ordonnés
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236 LES MARISY.
pour la guerre, au profit de Nicolas Bizet, bourgeois de Troyes, et de Guillemette de Marisy, sa femme, seigneur et dame de Charley.
Cette sentence vise des lettres royales du 2 juillet 1548, qui avaient relevé les sieur et dame de Charley de leur vie roturière « et train de marchandise » et des lettres obtenues par eux en chancellerie royale le 8 novembre 1548 (v. st.) contre le procureur du Roi au bailliage, qui contestait leur noblesse ;
Et aussi les déclarations faites : 1° par Nicolas Bizet, notamment qu'il était noble comme issu de feus Jean Bizet, bourgeois de Troyes, et de Jaquette Berthier, lesquels étaient aussi nobles ; 2° par Guillemette de Marisy, qu'elle était aussi noble comme fille de feus Jacques de Marisy, sieur de Charley, Champigny-sur-Aube et Doches en partie, et de Mahault Huyard, qui était elle-même fille de feu M° Guillaume Huyard, conseiller du Roi et son avocat au bailliage de Troyes, et de demoiselle Ysabeau des Essarts, tous nobles et réputés pour tels ;
Qu'en cette qualité, notamment, Guillemette Philippe a possédé, avec Jacques Philippe, son frère, les seigneuries de Bligny, Meurville et Saint-Mesmy (Saint-Mesmin), et Me Guillaume Huyard, celles de Colaswerdey, Argentolles et autres lieux.
Grosse sur parchemin. Signée : Foret.
9.
Procès-verbal de la rédaction de la Coutume de Troyes, fait le 23 octobre 1509, dans lequel François de Marisy, seigneur de Cervel, et Jacques de Marisy, seigneur de Charley, sont nommés parmi les nobles. (Caumartin. Legrand, Coutume de Troyes, in-folio, 1737.)
9 bis
1° Procès-verbal du 7 août 1521, dressé par Jehan
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LES MARISY, 237
Prévost, conseiller au Parlement de Paris; Jehan Hennequin, archidiacre d'Auxerre ; Christophe Mérille, lieutenantgénéral du bailli de Troyes ; Guillaume Bruyer, garde de la prévôté de Troyes, et Guillaume de la Marre, notaire et secrétaire du Roi, commissaires députés pour l'aliénation et engagement des domaines royaux, aides et gabelles, aux bailliages de Meaux, Troyes et Sens, suivant lettres patentes données à Dijon, le 29 mai 1521, contenant vente, avec faculté de réméré et rachat perpétuel, à noble homme Jacques de Marisy, seigneur de Charley, de la mairie de Doches, et droits de juridiction que le Roi possédait dans l'étendue de ladite mairie, et en outre, des deux tiers qui appartenaient au Roi, indivisément avec ledit Jacques dè Marisy, déjà propriétaire de l'autre tiers, de la justice haute, moyenne et basse de Mesnil-Scellières.
Le tout moyennant 300 livres payées comptant, ès-main de Jehan de la Perreuse, receveur ordinaire du bailliage de Troyes.
2° Lettres patentes, en date à Chaumont-en-Bassigny du mois de mars 1 521, données aux manans et habitans de « Mesgnil-soulz-Scellière, » près la ville de Troyes, leur permettant, ainsi qu'ils l'avaient demandé, de racheter au profit du domaine du Roi la mairie royale de Dosches, précédemment vendue à Jacques de Marisy, en lui remboursant la somme par lui payée.
La requête adressée par les habitants au Roi, disait entre autres choses : « Par ce moyen, les supplians qui estoient » justiciables de Sa Majesté sont tombez en aultre main » dont ils sont griefvement molestez. »
3° Grosse délivrée par Cristofle Mérille, lieutenant-général au bailliage de Troyes, commissaire du Roy en ceste partye, d'un procès-verbal du 11 juillet 1522, constatant le remboursement fait par les habitants du Mesgnil-Scellières, à Jacques de Marisy, escuyer, seigneur de Dosches, demeu-
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238 LES MARISY.
rant à Troyes, de la finance pour l'acquisition des deux tiers de la terre de Mesgnil-Scellières.
Copie collationnée à l'original, délivrée par Robert, commissaire du Roy, notaire et secrétaire de la Cour.
(J.-A. Jaquot. Communautés non religieuses de la ville de Troyes et des environs, pp. 189-193, ms. appartenant à l'auteur.)
10.
* Partage du 3 1 janvier 1476, passé devant Jean Jeuffroy et Légier de Montsaujon, clercs, notaires jurés en la prévôté de Troyes, entre Nicolas Hennequin, marchand-drapier, demeurant à Troyes, et Ysabeau de Louvemont, sa soeur maternelle (utérine), femme de François de Marisy, demeurant à Troyes,
De divers biens dépendant de la succession de Marguerite de Valentigny, femme d'Etienne de Louvemont, mère desdits Nicolas Hennequin et Ysabeau de Louvemont.
Grosse en parchemin. Signé : Jeuffroy de Montsaujon. Suscription de Robert, seigneur d'Aleret, prévôt de Troyes, garde du scel de la prévôté.
11.
Donation entre vifs du 3 février 1478, signé de Montsaujon et Thévenin, notaires à Troyes, par Etienne de Louvemont, seigneur de Cervel, à demoiselle Ysabeau de Louvemont, sa fille, et de feue demoiselle Guillemette (a) de Valentigny, femme de François de Marisy, écuyer, demeurant à Troyes, de la moitié des terre et seigneurie de Cervet. (Caumartin.)
12.
* Sentence rendue le mardi 17 avril 1481 (n. st.), par les élus en l'Election de Troyes, au profit de François
(a) Erreur, c'est Marguerite.
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LES MARISY. 239
de Marisy, écuyer, demeurant à Troyes, contre le procureur du Roi au bailliage, au nom du receveur et du collecteur de la jurée, et les habitants de Troyes représentés par Jean Coiffart, leur procureur, visant 1° des « lettres royaux » en date à Paris du 12 décembre 1480, signé, par le Roi : Poussey ; 2° les déclarations faites par François de Marisy, en une audience tenue précédemment, où les habitants de Troyes étaient représentés par Etienne de Baussancourt, leur procureur, d'où il résulte entre autres choses que Guillemette Phelipe, mère de François de Marisy, était fille de feus Jacquinot Philippe et Catherine de La Garmoise, en leur vivant demeurant à Troyes.
Cette sentence entérine les lettres royales sus-indiquées, déclare noble François de Marisy, et l'exempte, en conséquence, de l'obligation de payer la jurée.
Parchemin. Signé, sur le replis : Drouot.
13.
Lettres royales données par Charles VIII à Moulins, le 5 juillet 1497, au bailli de Troyes et à son lieutenant, sur la requête de François de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet, lequel a exposé « que en sadite seigneurie où il a » toute justice haulte, moyenne et basse, y a une motte où » soloit avoir maison, fort à pont-leviz, laquelle pour (sic) » les guerres et par deffault d'entretenement et repparacion » est de soy mesme et sans auctorité de justice demolie et de» venue en ruyne. Et à ceste cause ledit supliant voyant que » par ce moien elle luy estoit inutile, aussi que le lieu estoit » cueux, aquatif et malsain, a fait ediffier pour sa demeure » une autre maison en sa mesme justice audit lieu sur une » autre motte qui ne diste de celle où souloit estre lautre, » que de trois traictz dare ou environ, et y a fait faire de » beaulx fossez sur lesquelz pour sa seureté il feroit faire » voulentiers pont-leviz comme il avoit en sadite autre » maison demolie. » Ordre est donné auxdits bailli et lieute-
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240 LES MARISY.
nant de laisser François de Marisy construire, pour sa nouvelle maison-forte, un pont-levis, ainsi qu'il avait le droit d'en avoir un pour l'ancienne.
Parchemin. Signé : Pajot.
(A M. de La Rupelle).
14.
Lettres de Gaucher de Dinteville, écuyer, seigneur de Polisy, conseiller et maître d'hôtel ordinaire du Roi, et son bailli de Troyes, du 7 août 1497, par lesquelles il est enjoint au premier sergent royal qui en sera requis par François de Marisy, de procéder à l'exécution et entérinement de ces lettres.
Parchemin. Signé : Pajot.
(A M. de La Rupelle).
15.
Assignation donnée par Jacques Luillier, sergent à cheval du Roi au bailliage de Troyes, à Jean de Mergey, licencié en lois, procureur du Roi au bailliage, à haut et puissant seigneur Monseigneur d'Orval, seigneur de la terre et châtellenie d'Isles, et à madame la douairière ou usufruitière de cette châtellenie, en parlant aux personnes de Me Guillaume Huyart, bailli de la terre et châtellenie d'Isles, et autres, de comparaître le vendredi 8 août 1497 , devant le bailli de Troyes ou son lieutenant, en l'écritoire (auditoire) du bailliage, pour voir procéder, tant en leur absence que présence, à l'exécution desdites lettres.
Parchemin. Signé : Luillier.
(A M. de La Rupelle).
16.
Procès-verbal d'enquête du 11 août 1497, fait par Jacques de Roffey, licencié en lois, lieutenant-général du
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LES MARISY. 241
bailli de Troyes, d'où il résulte que les principaux habitants de Cervet, Saint-Léger et Breviande ont déclaré : « que dès » et depuis le temps de leur cognoissance ils ont par plu» sieurs et diverses foys ouy dire et maintenir aux anciens » du pays, comme à Jehan le Rousselot, à leurs pères et » mères, et à plusieurs autres, que audit lieu de Cervel, de » toute ancienneté, ils avoient veu une mocte que Ion ap» pelloit le Fort de Cervel, en laquelle souloit avoir maison, » fort et pont-leviz, et quilz avoient esté abatuz comme » dient les ungs par guerres, et les autres par feu, ainsi » quilz ont oy dire tout notoirement, tant audit lieu de » Cervel que ailleurs; et oultre que autour de la place et » lieux où souloient estre lesdits pons ou pont-leviz, y a voit » encores de présent de grans fossez doubles. » Parchemin. Signé : Pajot.
(AM.de La Rupelle).
17.
Lettres du 11 août 1497, données par Jean de Roffey, sus-nommé, entérinant les lettres royales et permettant à François de Marisy de consirnire un pont-levis en sa maison « nouvellement ediffiée au lieu de la Viezville, ès-termes » de sa seignorie de Cervel. »
Parchemin. Signé : Pajot.
(A M. de La Rupelle).
18.
Acte de foi et hommage de la terre et seigneurie de Cervet et de la moitié de Breviande, du 5 février 1503, fourni à madame la Comtesse de Nevers à cause de son château d'Isles, par François de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet, demeurant à Troyes.
On y voit figurer en premier lieu : a Une motte ap» pelle (sic) le fort de cervel, fermée de doubles grans
T. XL. 10
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242 LES MARISY.
» fossez à pont-levis; ensemble les jardins dalentour icelle » motte et fossez ; item la haulte justice moienne et basse » dudit Cervel et la moitié de Breviande, depuis le pavé du » costé de Cervel, en tirant aux blans (sic) fossez, et » selon le rup de Trifoire, et d'autre costé selon et joindant » la rivière qui vient de lestang labbé à Breviande. » Papier. Original. Signé : de Marisy.
(AM.de La Rupelle).
19.
Acte d'aveu et dénombrement, du même jour, rendu par François de Marisy à la comtesse de Nevers. A la suite :
Procès-verbal d'acceptation de ces aveu et dénombrement, fait le 10 février 1 503 par Guillaume Huyard, licencié en lois, lieutenant-général du bailli d'Isles, pour haute et
puissante princesse dame Françoise d'Albret, duchesse de Brabant, comtesse douairière de Nevers, dame usufruitière
d'Isles.
Papier.Copie collationnée, délivrée le 24 novembre 1648. Signée : Rousselot.
(A M. de La Rupelle).
20.
* Transaction du 16 novembre 1486, passée sous le scel de la prévôté de Troyes, devant Jacques de Roffey, lieutenant-général du bailli de Troyes., entre François de Marisy, écuyer, et demoiselle Ysabeau de Louvemont, sa femme, d'une part; Jean d'Ahchamp, écuyer, sieur de Briel en partie, en son nom et comme mandataire de Marguerite de Chantaloë, sa femme, et en outre, comme tuteur et curateur de Robert de Chantaloë, mineur, fils aine de Jean de Chantaloë et de Marie de Louvemont; lesdites Marie et sabeau de Louvemont, soeurs consanguines,, nées l'une du
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LES MARISY. 243
mariage d'Etienne dé Louvemont, écuyer, seigneur de Cervet, avec Marguerite la Mercière, sa première femme, et l'autre de son mariage avec Marguerite de Valentigny, sa seconde femme, en présence de parents et amis du mineur. On a rappelé que feu Etienne de Louvemont avait de son vivant, vers l'an 4478, fait donation entre vifs à Ysabeau de Louvemont, sa fille, de la moitié indivise de la terre et seigneurie de Gervet, Bayre, Laines-Bourreuses-les-Troyes et (Briel). Il est dit également qu'Etienne de Louvemont avait acquis la moitié de la terre de Briel au cours de son mariage avec Marguerite la Mercière, de M. de Châteauvillain, à qui il l' avait revendue.
M. d'Alichamp réclame un quart indivis de la seigneurie de La Viéville, tandis que François de Marisy et Ysabeau de Louvemont prétendent avoir droit à la totalité.
Moyennant l'abandon de certaines rentes, fait par
François de Marisy et sa femme, les sieurs et dame
a Alichamp renoncent a leurs prétentions.
Parchemin, signe : de Vitel.
Nota. Le tiers de cette, charte a été coupé de haut en
bas, en sorte que nous n avons pu en tirer, plus de renseignements
renseignements
21,
Foi et hommage du 11 juin 1 527, rendus à Odet de Foix, comte de Comminge, par Claude de Marisy, écuyer, pour la seigneurie de Cervel qui lui était échue par la mort de demoiselle Ysabeau de Louvemont, sa mère, jadis femme de François de Marisy (Caumartin).
Dénombrement des terres et seigneuries de Cervel et Breviande en partie, du 12 décembre 1544, signé Rogier et Bareton, notaires au bailliage de Troyes, fourni au
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244 LES MARISY.
comte de Laval par Claude de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel et de Breviande (Caumarlin).
23.
* Certificat du 21 mai 1543, délivré par Jean de Dinteville, écuyer, seigneur de Polisy, conseiller et maître d'hôtel ordinaire du Roi, bailli de Troyes, constatant.que, pendant qu'il procédait au ban et arrière-ban, s'est présenté devant lui Claude de Marisy, écuyer, demeurant à Troyes, pour le service de la seigneurie de Cervel et moitié de Breviande, valant par an 80 livres tournois, en rentes et cens; pour plusieurs maisons, terres et prés, sis à Vendeuvre, la Villeneuve-au-Chêne et lieux voisins, valant 40 livres 12 sols
10 deniers : le tout situé bailliage de Troyes; pour la moitié du fief, terre et seigneurie de Juzanvigny et ses dépendances, valant par an 187 livres 14 sols 8 déniera tournois ; pour la moitié de la seigneurie de Valeintigny et pour les Hayes-à-la-Demoiselle, valant ensemble 90 livrés
11 sols 11- deniers tournois par an ;et pour un fief assis au finage de Brienne, valant par an 19 livres 1 sol 7 deniers tournois, le tout assis au bailliage de Chaumont. Les dits revenus s'élevant au total à 417 livres 11 sols 1 denier tournois. En conséquence, M. de Dinteville a ordonné à Claude de Marisy le service d'un archer.
Parchemin. Signé : Nenet.
24.
Contrat de mariage du 15 septembre 1499, signé : Jaquot et Hacquin, notaires en la prévôté de Troyes, entre Me Claude de Marisy, licencié ès-lois, fils de François de Marisy, et Jeanne le Boucherat, fille d'Edmond le Boucherat et de Jeanne le Pelé. (Caumartin.) '
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LES MARISY. 245
25.
*Donation du 3 octobre 1515, faite devant Jacques Clément et Guillaume Rogier, clercs, notaires jurés, en la prévôté de Troyes, par François de Marisy, seigneur de Juzanvigny et Valentigny, de Cervel et de La Vielzville à Me Claude de Marisy, licencié ès-lois, son fils, et de feue demoiselle Ysabeau de Louvemont, sa femme,
De l'usufruit qu'il s'était réservé par convention passée sous le scel de la prévôté de Troyes, le 4 juillet 1499, de la terre et seigneurie de Cervel et La Vielzville et dépendances, avec haute, moyenne et basse justice, A cause de cette donation , Claude de Marisy abandonna à son père et à demoiselle Catherine Molé et au survivant d'eux l'usufruit de la moitié des biens qui lui étaient échus par le décès de Louis de Marisy,; son frère, écuyer, dont,il était héritier pour moitié,
Grosse, parchemin. Signé : Rogier, Clément; Suscription de Guillaume Bruyer, écuyer, licencié ès-lois, prévôt de
Troyes,
26.
* Contrat de mariage du 6 octobre 1515, passé devant Jacques Clément et Guillaume Rogier, clercs, notaires jurés en la prévôté de Troyes, entre Me Claude de Marisy, licencié ès-lois, grènetier au grenier à sel de Troyes, seigneur de Cervel, veuf de demoiselle Jeanne le Boucherat dont il avâit eu Jean de Marisy, et Marguerite Pétremol, fille de Jacques Pétremol, seigneur de Saint-Uttin,et d'Anne Hennequin.
U..A-Ï..
Les père et mère de la future épouse ont remis au futur époux une somme de 1,000 livres tournois, et se sont engagés à lui payer une rente perpétuelle de 50 livres
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246 LES MARISY.
tournois, rachetable au capital de 11,000 liv. tournois.
Parchemin. Signé : Rogier, Clément. Suscription de Guillaume Bruyer, sus-nommé.
Au dos sont trois quittances : la première du 18 mars 1540 et les deuxième et troisième du 30 janvier 1543, dé sommes payées en à-compte pour le. rachat de ladite rente de 50 livres, données, la première à Antoine Pétremol, maître ordinaire des comptes, lai deuxième à Louis Pétremol, conseiller aux enquêtes du Parlement, et la troisième à Marie Pétremol, veuve de Philihertde Montangon, tant en son nom que comme tutrice de Charlotte, fille mineure d'elle et du défunt, et à Jean de Gontini, écuyer, ,sieur, de SaintUttin en partie, et demoiselle Barbe Pétremol, sa femme.
Ces trois quittances signées : de Marisy, et en outre, la première : Rogier et Mongenet, et les, deux autres : Rogier et Hugot.
27.
* Partage du 24février 1550, fait par devant Noël Coiffart, conseiller, du Roi et lieutenant-général au bailliage de Troyes, entre demoiselle Mïchelle Molé, veuve de Claude de Marisy, seigneur de Cervel, tutrice, avec Cristophe Angenoust, comme curateur, de ses enfants mineurs, savoir : François, Claude, Antoine et Barbe de Marisy, et Jean de Marisy, grènetier de Troyes,fils aîné dudit feu Claude de Marisy,
En présence de : Jean de Brion, archidiacre de l'église de Troyes; Pierre Pilhou, avocat; Claude le Tartrier, Guillaume Hennequin, Nicolas Hennequin, filsde Guillaume, François Hennequin, Jacques Vestier , Claude Clérey, Jacques Mauroy ; Claude Molé, Catherine Molé, femme, de Jacques Perricard, Dommangin-Degoix, Guillaume le Mercier, Robert angenoust et Me Simon Foucher, tous parents et amis des mineurs.
Il y est dit que Antoine Menisson et Ysabeau de Marisy,
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LES MARISY. 247
sa femme, héritière en partie de feu Claude de Marisy, ont préféré s'en tenir aux avantages qui leur avaient été faits par contrat de mariage, et ont, en conséquence, renoncé à la succession.
Il a été attribué à Jean de Marisy, l'aîné, entre autres choses, la terre, justice et seigneurie de Cervel, prisée 6,154 livres 10 sols tournois. Tous les biens à lui attribués s'élèvent à une estimation totale de 9,144 livres 10 sols.
Les droits de chacun des enfants mâles ci-après ont été fixés à 4,555 livres tournois, et ceux de Barbe à 2,277 livres.
On a attribué entre autres biens A Barbe de Marisy, un gagnage sis à La Renouillère, chargé de 100 sols tournois de rente envers Bernard de
Brion, seigneur de Brantigny.
A François de Marisy, la moitié indivise de la terre, justice et seigneurie de Jusanvigny ; la seigneurie des Hayes-àla-Demoiselle, comprenant haute, moyenne et basse Justice, et les droits seigneuriaux y Attachés, le tout estimé 70 livres tournois (l'usufruit réservé à la veuve) ; le sixième de la prévôté, terre et seigneune de Torvilliers, acquis du Roi, avec faculté de rachat perpétuel, ledit sixième estimé 76 livres 6 sols.
A Antoine de Marisy, la moitié de la seigneurie de Juzanvigny.
Juzanvigny.
A Claude de Marisy, la moitié de la seigneurie de Valentigny, indivise avec les sieurs de Rancé, comprenant haute,, moyenne et basse justice;
Jean de Marisy a été dispensé de rapport ce qu'il devait pour l'office de grènetier qù'il avait eu sur la résignation de son père.
Papier. Copie collationnée, délivrée le 6 octobre 1649. Signé : Collot.
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248 LES MARISY.
28.
* Sentence du 5 septembre 1560, rendue par les élus pour le Roi en l'Election de Troyes, au profit de Me François de Marisy, maître réformateur des eaux et forêts du bailliage de Troyes, seigneur de Juzanvigny et des Hayes-à-laDemoiselle, contre le procureur du Roi, l'exemptant de payer le droit du huitième du vin vendu en la ville de Troyes.
Il résulte notamment des preuves de noblesse, faites par François de Marisy, que Michelle Molé, sa mère, troisième femme de Claude de Marisy, alors encore vivante, était fille de Claude Molé, écuyer, seigneur de Villy-le-Maréchal, et de Barbe Hennequin ; qu'Antoine Menisson, son beau-frère, était seigneur de Saint-Pouange ; que Barbe de Marisy, sa soeur, avait épousé Odard le Mercier, sieur de Saint-Parres (aux Tertres).
Parchemin. Signé : Chappuys.
29.
Contrat de mariage du 15 septembre 1595, signé : Girardin, tabellion en la prévôté de Rosnay, entre Pierre de Bretel, écuyer, fils de Jean de Bretel, écuyer, assisté d'Humbert Quinot, écuyer, seigneur de Saint-Etienne-sousBarbuise, capitaine et gouverneur de Plancy, de Nicolas de Minette, écuyer, maréchal-des-logis d'une compagnie de 50 hommes d'armes, sous M. le baron de Plancy, et d'Isaac de Bussy, écuyer, seigneur d'Ogny, et demoiselle Ambroise de Marisy, fille de Claude de Marisy, écuyer, seigneur de Valantigny, et de défunte demoiselle Ambroise Pithou, assistée de François de Marisy, écuyer, sieur de Mussy (Machy), de Nicolas Pilhou, écuyer, seigneur de Champgobert, de François Pithou, écuyer, seigneur de Luyères, commissaire ordinaire des guerres, et de demoiselle Jeanne
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LES MARISY. 249
Pithou, veuve de .Jean Nevelet, écuyer, sieur de Doches. (Caumartin. Généalogie de Bretel.)
30.
Sentence du 21 juillet 1645, signée Renart, greffier au bailliage de Rosnay, portant homologation d'une transaction passée entre demoiselle Ambroise de Marisy, veuve de Pierre de Bretel, écuyer, sieur de Brebant et Valentigny; Antoine de Bretel, son fils, écuyer, sieur de Valantigny et capitaine du duché de Beaufort, demoiselle Madeleine de Bretel, épouse de Charles de Montahgon, écuyer, seigneur de Rouvroy et de Crespy, et demoiselle Marguerite de Bretel, épouse de Louis de Grillet, écuyer, seigneur de Brison, ses enfants. (Caumartin. Généalogie de Bretel.)
31.
Extrait des registres de l'Assemblée générale de l'échevinage de Troyes, du 27 mars 1543, signé Le Clerc, portant que Jean de Marisy a comparu en qualité de l'un des nobles et gentilshommes. (Caumartin.)
32.
Acte de foi et hommage du 28 août 1550, signé Mérille et Docey, notaires en la châtellenie d'Isles, rendu au duc de Nevers pour la seigneurie de Cervel, par Jean de Marisy, écuyer, fils aîné de feu noble sieur Claude de Marisy, seigneur de Cervel, Juzanvigny et Valentigny. (Gaumartiti).
33.
Dénombrement du 26 juillet 1553, signé Cousin et Cochot, notaires au bailliage de Troyes, fourni au duc de Nivernois pour les seigneuries de Cervel et Breviande,, par Jean de Marisy, écuyer, seigneur desdits lieux. (Caumartin).
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250 LES MARISY.
34.
Pierre tombale en l'église de Saint-Léger, près Troyes, devant le sanctuaire, portant celte inscription :
Cy repose, attendant la résurrection future, damoiselle Catherine de Milly, en son vivant espouse de Jean de Marisy, escuyer, seigneur de Cervel et Breviande, laquelle trespassa en sa maison à Troyes le XXXe jor de janvier lan de grâce mil Vt soixâte deux. Priez Dieu por son ame.
35.
Verrière en grisaille dans l'église de Saint-Léger, près Troyes, nef latérale à droite, au bas de laquelle on lit, en lettres gothiques :
Jean de Marisy, escuyer, seigneur de Cervet et de Breviande, et damoiselle Catherine de Milly, sa femme, ont donné ceste verrière lan de grâce mil cinq cent cinquante huit. Priez Dieu pour les trespassés.
36.
* Sentence du 4 janvier 1574, rendue en faveur de Jean de Marisy, écuyer, sieur de Cervel et Breviande, par les commissaires députés par le Roi sur le fait des francs-fiefs et nouveaux acquêts, à Paris, pour le ressort du Parlement, faisant main levée d'une saisie faite sur ledit Jean de Marisy, attendu qu'il était noble, et comme tel, exempt des droits de francs-fiefs.
Papier. Copie collationnée, délivrée le 6 octobre 1646, par Jean Collot, élu pour le Roi en l'Election de Troyes. Signé : Collot.
37.
Bail du 18 juin 1577, passé devant Juvenel Maret et Antoine Bruchier, notaires royaux aux bailliage, présidial et
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LES MARISY. 251
prévôté de Troyes, par Jean de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, demeurant à Troyes, à Jean et Mathieu Perrard, laboureurs, d'un gagnage sis à Pel-et-Der.
Parchemin. Signé : de Villiers. Suscription de Claude Jaquot, écuyer, licencié ès-lois, prévôt de Troyes.
(A M. de La Rupelle).
38.
* Contrat de mariage du 6 février 1584, passé entre Jean de Marisy, écuyer, sieur du Fort, grènetier ancien du magasin à sel de Troyes, et demoiselle Claude le Marguenat, veuve de Me Claude Ravault, procureur du Roi au bailliage de Troyes, dont elle avait eu un fils, encore vivant, appelé Claude Ravault.
En présence et de l'avis de demoiselle Savine Daniel, veuve de Gilles le Marguenat, bourgeois de Troyes, mère de la future, Odart de Marisy, licencié ès-lois, lieutenant ordinaire au marquisat d'Isles, frère du futur, Balthazar Bailly, conseiller au bailliage et présidial, Nicolas de Corberon, bourgeois de Troyes, Me Didier Barbette, avocat, Pierre le Noble, aussi avocat, bourgeois de Troyes, Me Nicole Thévenon, chanoine de l'église de Troyes, Edmond Daniel, frère de la future, demoiselle de Vasan (Vassan), femme de François de Marisy, écuyer, sieur de Machy, Jean Camusat, fils de Jacques, François et Yves Thévenon et autres, leurs parents et amis.
La mère de la future, pour établir l'égalité entre sa fille et son fils Edme le Marguenat, a promis de payer à la future, le jour du mariage, 333 écus.
Papier. Signé : Dramart, etc..
38 bis.
1e Procuration sous seings privés du 5 juillet 1584, donnée par nobles personnes François de Marisy, escuyer,
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252 LES MARISY.
sieur de Machy, et Me Odard Le Courtois, conseiller au bailliage et siège présidial de Troyes, « bourgeois, manans et habitans de Troyes, » à l'effet de comparaître pardevant le bailli de Chaumont-en-Bassigny ou son lieutenant, au jour assigné pour la convocation de l'arrière-ban du bailliage dudit Chaumont, et d'y déclarer que les mandants sont détenteurs, savoir : François de Marisy, à cause de demoiselle Marie de Vassan, sa femme, du quart indivis de la terre et seigneurie de Blégnicourt, et ledit Le Courtois, à cause de demoiselle Antoinette de Vassan, sa femme, d'un autre quart de ladite terre et d'un fief appelé le Bien Assis; requérir, comme bourgeois de Troyes, d'être renvoyés dudit arrière-ban. (Signatures).
2° 20 mars 1591. — Ferme et admodiation, par François de Marisy, escuyer, sieur de Machy, demeurant à Troyes, de la mairye dudit Machy.
Mes Balesaulx et Denise, notaires à Troyes.
(J.-A. Jaquot. Communautés non religieuses de la ville de Troyes et des environs, pp. 181 et 219, ms. appartenant à l'auteur.
39.
« Testament et dernière volonté de Jehan de Marisy, » escuïer, sieur du Fort, par cydevant grenetier pour le Roi » à Troies, et à présent conseiller en la chambre de ville » et communauté dudit Troyes, » fait en la forme olographe, en date à Troyes du 22 décembre 1608, insinué au greffe du bailliage de Troyes le 13 janvier 1609, à la requête de Jean Chevillard, grenetier au grenier à sel de Troyes, exécuteur dudit testament. Signé : Devienne (greffier du bailliage).
Il lègue à frère Nicole Leclerc, religieux au couvent des Jacobins, son petit neveu;
Il veut qu'on ne fasse faire aucun rapport à sa nièce
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LES MARISY. 253
Claude de Marisy, ni à Jehan Chevillard, son mari, pour la nourriture et le logement qu'elle a eu en sa maison après le décès de son père et jusques à ses épousailles, « ny du gouster de ses fiançailles ; »
Que les papiers concernant l'exercice de ses fonctions de grenetier au grenier à sel de Troyes et de receveur et payeur des gages des juges présidiaux, établis en la ville de Troyes, soient remis à Jehan Chevillard, pourvu dudit office de grenetier sur sa résignation, et aussi ce qui concerne l'administration qu'il a eue pour le compte de l'hôpital de la Trinité de Troyes, durant deux années, de concert avec M. Nicolas Huez, marchand de laine à Troyes, pendant la. première année, et avec M. Simon le Boucherat, bourgeois de Troyes, pendant la seconde.
Il y est dit, un peu plus loin, que l'office de grenetier au grenier à sel de Troyes a été résigné à Jean Chevillard, lors de son mariage avec Claude de Marisy, nièce du testateur.
Il fait également des legs particuliers à Pauline de Marisy, sa nièce, femme de Pierre de La Chaulx, et à Claude Desmarels, fils de sadite nièce (née du pemier mariage). ,
« En l'église des Jacobins de Troyes, au milieu de la cha» pelle des Soeurs du Tiers-Ordre, autrement de Saint-Loys, » est une assez grande tombe noire où se lict :
» Dessoubz ce marbre gist attendant là Résurrection » Jehan de Marisy, vivant escuyer, sieur du Fort, grène» tiêr de Troyes et conseiller en la Chambre de ladite » ville, qui décéda le huictième jour de janvier lan mil » six cent et neuf. »
(Renseignements extraits d'une communication faite par M. Dautremant à la Société Académique).
40.
* Jugement homologatif de partage, du 31 mars 1610, rendu par Jean Angenoust, conseiller du Roi, président et
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254 LES MARISY.
lieutenant-général au bailliage et siège présidial de Troyes, à la requête d'Odard de Marisy, avocat au bailliage, seigneur de Cervel, légataire de feu Jean de Marisy, écuyer, sieur du Fort, son oncle, défendeur et demandeur en un procès pendant au bailliage, contre demoiselle Pauline de Marisy, sa soeur, femme de Pierre de La Chaulx, écuyer, officier de la maison de la Reine, demeurant à Troyes, héritière du défunt.
Il a été exposé que, dès le mois de décembre 1609, il a été procédé au partage des biens du défunt, et qu'il est échu à Pauline de Marisy les deux tiers du fief du Fort de Cervel, et un tiers dudit fief à Odard de Marisy.
Parchemin. Signé : Debyenne.
41.
* Contrat de mariage du 6 juillet 1553, passé devant Antoine Cochot et Jacques Cousin, notaires en la prévôté de Troyes, entre François Chapelain, contrôleur du grenier à sel de Troyes, et demoiselle Nicole Dorey, sa femme, sieur et dame de Vermoise, et en outre, demoiselle Jeanne Chapelain, fille dudit Chapelain et de feue Jeanne Pyon, sa première femme, et Jean de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel, grenetier du grenier à sel de Troyes, demoiselle Catherine de Milly, sa femme, et Me Odard de Marisy, leur fils.
Parchemin. Signé : Penel, avec suscription de Jean de Mesgrigny, écuyer, licencié ès-lois, prévôt de Troyes.
42.
Donation à titre de partage anticipé du 6 août 1565, faite devant Antoine Bouchier et Jacques Cousin, notaires royaux à Troyes, par Jean de Marisy « lesnel, » écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, demeurant à Troyes,
A Me Odard de Marisy, licencié ès-lois, avocat à Troyes,
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LES MARISY. 255
lieutenant ordinaire au bailliage d'Tsles, Jean de Marisy « le jeune, » grenetier de Troyes, ses enfants, et Claude, Loup et Gabriel les Tartriers, enfants mineurs de noble homme Claude le Tartrier, docteur en médecine, et de feue demoiselle Claude de Marisy, sa femme, fille de Jean de Marisy l'aîné.
Il a été donné, entre autres choses :
A Odard de Marisy, son fils aîné, la justice de Cervet, haute, moyenne et basse, avec les droits et revenus y attachés; la maison seigneuriale de Cervet, fermée de muraillei et fossés, avec ponts-Ievis; une pièce de pré appelée le Grand-Pré, « assiz près et au-devant des fenestres de ladicte maison seigneurial (sic) ; » la moitié indivise d'une pièce de pré située à Sainte-Maure, dont l'usufruit était réservé à Michelle Mole, veuve de Claude de Marisy.
A Jean de Marisy, le jeune, « une mothe assize audit finage de Cervet, appellée communément le Fort de Cervel, au bout du villaige dudit lieu , contenant trois arpens quinze cordes six aulnes, en ce compris un jardin attenant de ladite mothe, près la fontaine dudit fort. »
A cet acte sont intervenues Jeanne Chappelain, femme d'Odard de Marisy, et Anne Bury, femme de Jean de Marisy le jeune.
Parchemin. Signé : Bareton, Cousin, Bouchier. Suscription de François Mauroy, écuyer, licencié ès-lois, prévôt de Troyes et garde du scel aux contrats de la prévôté.
(A M. de La Rupelle).
43.
Foi et hommage des seigneuries de Cervel et Breviande, du 24 mars 1580, signé Courtois et Vendey, notaires au marquisat d'Tsles, rendu à Mlle de Bourbon par Odart de Marisy, écuyer, à cause de la donation à lui faite par Jean de Marisy l'aîné, écuyer, seigneur de Cervel et Breviande, son père. (Caumartin).
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256 LES MARISY.
44.
* Sentence de partage du 13 décembre 1588, rendue par Louis Martin, conseiller du Roi, lieutenant au bailliage . et siège présidial de Troyes, en la cause de Jacques Le Clerc, avocat du Roi au bailliage de Nogent-sur-Seine, et Constance de Marisy, sa femme, Claude Le Goujal, écuyer, sieur des Marets, demoiselle Pauline de Marisy, sa femme, demandeurs en partage par Me Paul Barbette, leur procureur, contre Me Odard de Marisy, lieutenant ordinaire au bailliage d'Isles (assisté de Me Didier Barbette, avocat à Troyes, son beau-père. Caumartin), et demoiselle Claude de Marisy, émancipée, des biens dépendant des successions d'Odard de Marisy, sieur de Cervel, lieutenant ordinaire au bailliage d'Tsles, et de Jeanne Chappelain, père et mère desdits de Marisy.
Il a été attribué à Odard de Marisy, à cause de sa qualité d'aîné, la terre et seigneurie de Cervel.
Parchemin. Signé : Callerey.
45.
Acte passé devant Bonaventure Dampierre et Jean Picquet, notaires à Troyes, le 18 février 1634, par lequel chacun des habitants de Cervet reconnaît devoir annuellement à noble homme Me Jean Chevillard, conseiller du Roi, grenetier au grenier à sel de Troyes, à cause de demoiselle Claude de Marisy, sa femme, fille et héritière en partie de défunt Me Odard de Marisy, son père, en son vivant sieur de Cervet, lieutenant ordinaire au bailliage d'Isles.
Une « géline » (poule) pour le droit de résidence à Cervet, et 6 deniers tournois en argent, à cause du droit de pâture qui appartenait au défunt, le tout payable au jour de Saint-Remy, en vertu de lettres émanées de la Cour du bailliage de Troyes, au profit d'Etienne de Louvemont, en
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LES MARISY. 257
son vivant écuyer, seigneur de Cervet et Breviande en partie, en date du 24 mars 1479, pour la géline, et d'une transaction passée sous le scel de la prévôté de Troyes le 27 février 1480, pour les 6 deniers tournois, devant Vardy et Poullet, notaires, entre François de Marisy et demoiselle Ysabeau de Louvemont, sieur et dame desdits lieux, et les habitants de Cervet.
Suscription de Jacques le Tartrier, écuyer, sieur de Pouilly-les-Mai-aulxetVillebarot, conseiller du Roi, grenetier au grenier à sel de Troyes et garde du scel royal aux contrats de la ville et bailliage de Troyes.
Parchemin. Signé : André.
(A M. de La Rupelle).
46.
Hommage des seigneuries de Cervet et, Breviande, du 16 mai 1596, signé Courtois et Yendey, notaires au marquisat d'Isles, rendu par Odard de Marisy, écuyer, comme héritier de défunt Odard de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, son père. (Caumartin.)
47.
Procès-verbal du 19 septembre 1597, dressé par Nicolas Gibey, lieutenant particulier au bailliage et gruerie d'Isles, « au lieu de Breviande où le siège du bailliaige » aurait esté transféré pendant et à cause de la contagion et » malladie (sic) de peste advenue audit Isles, » portant permission à Me Odard de Marisy, sieur de Cervet et Breviande, assisté de Me Lupien le Moyne, son procureur en la justice de ladite seigneurie, d'établir à l'ouverture de l'ancien rû de Hurande, près le pavé de Breviande, les fourches patibulaires et pilori à carcan, et ses armes, servant à l'exécution de ses droits de haute, moyenne et basse justice en la seigneurie de Cervet et Breviande, laquelle s'étendait, d'un
T. XL. 17
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258 LES MARISY.
côté, de la rivière de Trifoire à la rivière de Hurande, et d'un autre côté, du pavé de Breviande aux terres de la chaussée l'Etang-l'Abbé, aux terres des Blancs-Fossés et aux terres et pâtures de Courcelles.
L'établissement du pilori à cet endroit avait pour but de maintenir la limite de la seigneurie au-delà d'un nouveau fossé que les maire de Troyes et administrateurs de la maladrerie des Deux-Eaux avaient fait creuser peu auparavant, pour amener plus directement l'eau de la Hurande à un moulin situé à l'extrémité de Breviande, appartenant à la maladrerieParchemin.
maladrerieParchemin. illisiblement.
(A M. de La Rupelle).
48.
Pierre tombale en l'église Saint-Léger, près Troyes, devant le sanctuaire; elle est de marbre noir et porte l'inscription ci-après :
DESSOVBZ CE MARBRE GIST ODARD DE MARISY EN SON VIVANT ESCVIER
S1EVR DE CERVEIL ET BREVIANDE
ADVOCAT EN PARLEMENT, LIEVTENANT
AV MARCQVISAT DISLES, LE QVEL DECEDDA
LE VINGT SIXIESME IOVR DE IANVIER
MIL SIX CENS ET TREIZE
Au-dessous sont les armes des Marisy, avec cette devise :
BIEN OV MIEVX.
49.
* Sentence rendue le 5 octobre 1613, par Me Maurice le Cornuat, président en l'Election de Troyes, déclarant la veuve d'Odard de Marisy, écuyer, sieur de Cervel et Breviande, exempte du droit du huitième du vin, comme veuve de noble.
Parchemin. Signé : Dampierre.
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LES MARISY.
259
50.
* Partage du 24 juillet 1648, fait par Eustache le Noble, lieutenant-général au bailliage et présidial de Troyes, entre : Marguerite Angenoust, veuve de François de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel et Breviande, conseiller du Roi et élu en l'Election de Troyes, tant comme veuve que comme tutrice de ses enfants mineurs ; Jean-Baptiste de Marisy, écuyer, son beau-frère, Me Louis le Maire, conseiller du Roi et élu en l'Election de Saint-Florentin, à cause de demoiselle Françoise de Marisy, sa femme, demoiselle Anne de Marisy, veuve de Nicolas Clerget, bourgeois de Troyes, demoiselle Marie de Marisy, veuve d'Henry le Marguenat, lieutenant au grenier à sel de Troyes ; tous héritiers d'Odard de Marisy, écuyer, sieur de Cervel et Breviande, et de Jeanne Barbette, aïeul et aïeule des mineurs, père et mère des autres sus-nommés.
Il a été distrait divers biens pour Nicolas de Marisy, fils aîné de François.
Il a été attribué aux mineurs cinq seizièmes de la seigneurie de Cervel et Breviande.
Même part à Jean-Baptiste de Marisy.
Et ce, tant comme co-héritiers ayant droit chacun au double des filles, que comme seuls héritiers en matière de fief de demoiselle Jeanne de Marisy, leur soeur.
Le surplus des biens de fief a été partagé, et il est échu notamment : à Louis le Maire et Françoise de Marisy, sa femme; à Jean-Baptiste de Marisy, à Anne de Marisy, à Marie de Marisy et à Marguerite Angenoust, chacun un huitième de la justice et seigneurie de Cervel; et en outre, à Marguerite Angenoust, la maison et autres bâtiments de Cervel.
La jouissance a été fixée au 1er janvier 1648.
Papier. Copie collationnée. Signé : Collot.
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260 LES MARISY.
51.
* Lettres de provisions de l'office d'élu en l'Election de Troyes, données à Paris, le 18 juin 1043, à Jean-Baptiste de Marisy, avocat en Parlement, en remplacement de François de Marisy, son frère, et sur la présentation de sa veuve.
Parchemin. Signé sur le replis, par le Roy : du Metz, avec mention signée Boucher, indiquant que Jean-Baptiste de Marisy a été reçu audit office et a prête serment en la Cour des Aydcs le 1er août 1043.
52.
* Transaction du 19 «y«7 1662, concernant la succession de Jean-Baptiste de Marisy, en son vivant seigneur en partie de Cervel et Breviande, passée devant Jean Picquet et Nicolas Masson, notaires à Troyes, entre demoiselle Marie de Marisy, veuve d'Henry le Marguenat, et Nicolas de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel et Breviande, élu en l'Election de Troyes, tant en son nom que comme se portant fort de Jean, François et Odard de Marisy, ses frères, dont il a promis la ratification à leur majorité,
Nicolas de Marisy déclare, en outre, ratifier le partage des propres du défunt, l'ait le 17 mai 1653.
A cet acte sont intervenues Anne de Marisy, veuve de Nicolas Clerget, Marie de Marisy, veuve d'Henri le Marguenat, comme se portant fort de Françoise de Marisy, veuve de Louis Lemairc, qui ont déclaré ratifier ladite transaction en ce qu'elle modifiait le partage de 1653.
Parchemin. Signé : Rousselot.
53.
* Lettres de provisions données le 4 novembre 1662, par Nicolas de Marisy, seigneur de Cervel et Breviande, élu
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LES MARISY. 261
en l'Election de Troyes, Anne de Marisy, veuve de Nicolas Clerget, Marie de Marisy, veuve d'Henri le Marguenat, aussi dames en partie desdits Cervet et Breviande, tant en leurs noms que comme se portant fort de Françoise de Marisy, veuve de Louis Lemaire, demeurant à Saint-Florentin, aussi dame en partie de Cervel et Breviande, à M° Odard Angenoust, chanoine de Saint-Etienne, du titre de chapelain en la chapelle de Saint-Quirin, en l'église Sainte-Madeleine, fondée par Jean-Baptiste de Marisy, leur oncle.
Papier. Signatures des parties, avec cachet armorié de cire rouge.
54.
Foi et hommage du 12 décembre 1613 , signé de Nollesson (notaire au marquisat d'Isles), rendu à Charles de Gonzague, duc de Nevers, par François de Marisy, écuyer, fils aîné de feu noble homme Me Odart de Marisy, seigneur de Cervel et Breviande.
(A M. de La Rupelle).
55.
Dénombrement des seigneuries de Cervet et Breviande, du 1 {juin 1617, signé Picquet et Dampicrre, notaires royaux à Troyes, fourni à Charles de Gonzague, duc de Clèves, de Nivernois et de Rethelois, prince de Mantoue et de Portien, par la grâce de Dieu, prince du Saint-Empire et d'Arches et marquis dTsles, lieutenant-général pour le Roi en ses provinces de Champagne et Brie, par François de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel et Breviande.
On y voit figurer :
La motte du fort de Cervet, fermée de doubles grands fossés à pont-levis ;
La haute, moyenne et basse justice de Cervet et la moitié de Breviande, depuis le pavé du côté de Cervet, en tirant
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262 LES MARISY.
aux Blancs-Fossés et au rup de Triffoire, jusqu'au finage de Chevillèle, et de là tirant jusqu'au finage de Saint-Léger, et d'autre côté, le long de la rivière venant de l'Etangl'Abbé à Breviande jusqu'au moulin de Breviande. Copie sur papier. Signé : Champenoys.
(A M. de La Rupelle).
56.
* Enregistrement du 13 juin 1626, par les président, lieutenant et élus en l'Election de Troyes, de lettres de provisions en date à Paris du 9 avril 1626, de l'office d'élu en l'Election de Troyes, nouvellement créé par édit du mois de décembre 1625, accordées à François de Marisy.
Parchemin. Signé : Debyenne.
57.
* Lettres d'installation du 15 juillet 1626, dudit office, données par les trésoriers de France en Champagne à François de Marisy, visant les lettres de provisions et l'acte de réception en la Cour des Aydes du 4 mai 1626.
Parchemin. Signé : Linage, Cuissotte, et....
58.
Bail du 4 mai 1628, fait devant Bonavenlure Dampierre et Jean Picquet, notaires à Troyes, par Pauline de Marisy, veuve de Pierre de La Chaulx, écuyer, panetier de la Reine, demeurant à Troyes, à la veuve Petit et Martin de Brabant, son gendre, de la moitié d'un gagnage sis finage de Pelet-Der et voisins, appelé La Grand-Cour, l'autre moitié appartenant à Jean Chevillard, conseiller du Roi, grenetier à sel de Troyes.
Grosse sur parchemin. Signé : André. Suscription de Jacques le Tartrier, grenetier au grenier à sel de Troyes, garde du scel royal.
(A M. de La Rupelle).
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LES MARISY. 263
59.
* Contrat de mariage du 6 février 1631, passé devant Jean Picquet et Claude Belin, notaires à Troyes, entre François de Marisy, écuyer, sieur de Cervel et Breviande, conseiller du Roi et élu en l'Election de Troyes, fils de défunt Odart de Marisy et de demoiselle Jeanne Barbette, veuve dudit défunt, et assisté d'elle, et Me Nicolas Angenoust, conseiller du Roi au bailliage et présidial de Troyes, demoiselle Marguerite Dare, sa femme, et demoiselle Marguerite Angenoust, leur fille.
En présence et de l'avis de : Marguerite d'Aultruy, veuve de Nicolas Dare, bourgeois de Troyes ; Me Claude Angenoust, conseiller du Roi, élu en l'Election de Troyes; M" Charles Collot, conseiller du Roi au bailliage et présidial de Troyes; Me Jean Angenoust, conseiller du Roi et lieutenant au grenier à sel de Troyes; Me Jacques Foret, conseiller et élu pour le Roi en ladite Election ; Me Jean Chevillard, conseiller du Roi et grenetier au grenier à sel de Troyes ; Me Louis Le Grand, conseiller du Roi au bailliage et siège présidial de Troyes ; demoiselle Marguerite Barbette, veuve de Samuel Le Grand, avocat en Parlement et bailli de Traînel ; Appoline de Marisy, veuve de Pierre de La Chaulx, écuyer; Nicolas Clerget, bourgeois de Troyes, parents et amis.
Papier. Copie collationnée. Signé : Collot. Suscription de Jacques le Tarlrier, écuyer, sieur de Pouilly, des Maraulx, de Villebarot, conseiller du Roi, grenetier au grenier à sel de Troyes et garde du scel aux contrats de la prévôté et des juridictions royales de la ville et du bailliage de Troyes.
60.
• Hommage des seigneuries de Cervel et Breviande, du 19 mars 1643, rendu au marquisat dTsles par demoiselle
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264 LES MARISY
Marguerite Angenoust, veuve de François de Marisy, écuyer, conseiller du Roi et élu en l'Election de Troyes, sieur de Cervel et Breviande, comme tutrice de Nicolas, Jean, François, Odart, Marguerite, Jeanne et Marie de Marisy, ses enfants mineurs, à Joachim Bazin, conseiller du Roi au bailliage et présidial de Troyes, lieutenant général au marquisat d'Isles.
Papier. Signé : Bazin, Petitpicd.
(A M. de La Rupelle).
61.
* Arrêt de la Cour des Aydes, du 19 juillet 1651, signé en fin : Boucher, rendu en faveur de demoiselle Marguerite Angenoust, veuve de François de Marisy, sieur de Cervel, contre Jean Ragareu, commis à la recette des Aydes de Troyes, appelant d'une sentence rendue par les élus de Troyes le 14 avril précédent, aux termes de laquelle Marguerite Angenoust, comme noble de son chef et veuve de noble, avait été déchargée de payer le droit d'ayde du vin de son crû.
Parmi les articulations de noblesse, il est dit que du mariage de Marguerite Angenoust et de François de Marisy sont issus quatre enfants mâles, Nicolas, Jean, François et Odard de Marisy, et trois filles. (Imprimé).
62.
* Vente du 7 mai 1650, faite devant Jean Picquet et Samuel Sansonnot, notaires à Troyes, par noble homme Claude Desmaretz, avocat en Parlement, demeurant à Troyes, et Roberte Maréclat, sa femme, à demoiselle Marguerite Angenoust, veuve de François de Marisy, moyennant 500 livres tournois, de quelques pièces de terre sises à Cervel, et de tous les droits seigneuriaux que lesdits vendeurs pouvaient prétendre sur la terre et seigneurie de
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LES MARISY. 265
Cervel et Breviande, le tout mouvant en plein fief, foi et hommage du marquisat d'Isles.
Parchemin. Suscription de Henry de Bonnaire, écuyer, l'un des vingt-cinq gentilshommes de la garde écossaise du corps du Roi, garde du scel des contrats et actes des tabellions et notaires aux bailliage et Election de Troyes.
63.
* Extrait baptistaire d'Odard de Marisy, fils de François et de Marguerite Angenoust, délivré le 25 février 1665 par le curé de Sainte-Madeleine, à Troyes, duquel il appert qu'il a été baptisé en cette église le 22 juillet 1642.
Papier. Signé : Mann...., curé.
64.
* Exploit du 18 mars 1693, à la requête de vénérable et discrète personne Me Odard de Marisy, prêtre, curé de Soligny-les-Etangs, y demeurant, héritier de demoiselle Jeanne de Marisy, qui l'était de demoiselle Marguerite Angenoust, en son vivant veuve de François de Marisy, écuyer, sieur de Cervel et Breviande, pour lequel sieur Odard de Marisy domicile a été élu, pour la validité, au greffe de la justice de La Planche, paroisse Saint-Léger, et pour ses actions et significations, en la maison presbytérale de Soligny-les-Etangs, et en tant que de besoin, en la ville de Troyes, en la maison de M. de Marisy, son frère, écuyer, seigneur de Cervel, rue du Chaperon, proche l'auditoire royal de la prévôté, paroisse Sainte-Marie-Madeleine,
A EJme Cuisin, Pierre Montagne, laboureur et vigneron à La Planche, paroisse de Saint-Léger.
Papier. Signé : Regnault.
65.
* Certificat du 22 février 1698, constatant que, par or-
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266 LES MARISY.
donnance rendue le 22 novembre 1697, par les commissaires généraux du Conseil, députés sur le fait des armoiries, celles d'Odard de Marisy, écuyer, prêtre, curé de Soligny, doyen de Marigny, telles qu'elles sont peintes en tête dudit certificat, ont été enregistrées à l'armoriai général, dans le registre coté Champagne, en conséquence du paiement des droits réglés par les tarifs et arrêt du 20 novembre 1696. Parchemin. Signé : d'Hozier.
66.
* Convention et délivrance de legs du 30 avril 1713, passée devant Claude Bergerat, notaire au bailliage de Soligny, en présence de témoins, entre Jacques Angenoust, écuyer, seigneur de Birouy et de Bauy (sur-Orvin), y demeurant, tant en son nom que comme légataire universel de défunt messire Odard de Marisy (son oncle), écuyer, en son vivant prêtre, curé de Soligny-les-Etangs, doyen de Marigny, seigneur de Bouy, et comme exécuteur du testament olographe dudit défunt, en date du 26 juin 1711, et François de Marisy, écuyer, seigneur de Cerveil et autres lieux, demeurant à Troyes, au nom et comme fils unique et héritier de Nicolas de Marisy, lequel était créancier et légataire particulier dudit défunt Odard de Marisy, son frère.
Papier. Expédition. Signé : Bergerat.
67.
* Exploit du 25 novembre 1669, à la requête de François de Marisy, prieur de Saint-Gabriel-d'Andelot, comme héritier de Marguerite Angenoust, veuve de François de Marisy.
Papier. Signé : Regnault.
68.
* Convention sous seings privés, faite triple à Troyes, le
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LES MARISY. 267
28 novembre 1709, entre Nicolas de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, demeurant à Troyes; Odart de Marisy, prêtre doyen de Marigny et curé de Soligny-lesEtangs, écuyer, seigneur de Bouy, demeurant audit Soligny-les-Etangs; Jacques Angenoust, écuyer, seigneur de Birouys, demeurant à Bouy; Nicolas Angenoust, avocat au Parlement, demeurant à Paris ; François Ludot, écuyer, conseiller du Roi et son procureur en la monnaie de Troyes, agissant au nom et comme tuteur de Nicolas Ludot, son fils, et de défunte Marguerite Angenoust, sa femme. Tous héritiers de demoiselle Marie de Marisy, épouse du sieur de Montserve, ci-après nommé. Et noble homme Alexandre Andry, seigneur de Montserve. M. de Montserve a promis de fournir aux héritiers de sa femme la valeur des biens par elle délaissés, et de leur en payer jusqu'à libération les intérêts, à compter du 16 novembre précédent, jour du décès.
Papier. Original. Signé des parties.
69.
* Partage sous seings privés, fait double le 12 avril 1713, entre les mêmes, concernant la même succession; mais François de Marisy, décédé, y est représenté par son fils.
Papier. Original. Signé des parties.
70.
* Brevet en latin, du 29 juillet 1656, donné à Nicolas de Marisy, bachelier en l'un et l'autre droit du diocèse de Troyes, du grade de licencié en l'un et l'autre droit, en l'Université de Bourges.
Parchemin. Signé : Jacques Chenu, Pierre de La Chappelle, Jean Broeus et Jean Dumolin, docteurs en l'un et l'autre droit en ladite Université.
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268 LES MARISY.
71.
* Extrait du registre de réception des avocats au Parlement, signé du Tillet, duquel il appert que Nicolas de Marisy, présenté par Me Chollet, a prêté serment le 8 août 1656.
72.
* Arrêt de la Cour des Aydes, du 14 novembre 1656, duquel il résulte que Nicolas de Marisy, né le 2 janvier 1636, et nommé par lettres de provisions du 22 mars 1653 à l'office d'élu en l'Election de Troyes, à la condition qu'il n'aurait pas voix, délibérative avant son âge de 25 ans, ayant depuis continué ses études en l'Université de Bourges, où il avait pris le grade de licencié en l'un et l'autre droit, ayant été reçu avocat en Parlement, et par suite, étant devenu capable d'avoir voix délibérative comme élu, est dispensé d'attendre ses 25 ans pour obtenir cette faculté.
Parchemin. Extrait. Signé : Olivier.
73.
* Sentence des président, lieutenant, assesseurs et élus en l'Election de Troyes, du 16 décembre 1656, sur la requête de M6 Jacques Angenoust, avocat de Me Nicolas de Marisy, pourvu de l'office d'élu en l'Election de Troyes, en remplacement de feu Jean-Baptiste de Marisy, son oncle, reçu en la Cour des Aydes le 20 juin 1653, ordonnant l'enregistrement des lettres de provisions, acte de réception en la Cour des Aydes et arrêt sus-analysés, et installant ledit de Marisy.
Parchemin. Signé : Saingevin.
74.
*
* Quittance du 30 mars 1666, donnée par Nicolas de Marisy, conseiller du Roi et élu en l'Election de Troyes, à
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LES MARISY. 269
Me Etienne Simon, conseiller du Roi et receveur des tailles en ladite Election, commis à cet effet, de la somme de 1,470 livres 12 sols 4 deniers, ordonnancée par état du Roi du 25 janvier 1662, pour le remboursement de son office d'élu, supprimé par édit du mois d'août 1661.
Parchemin. Signé : de Marisy.
75.
Acte de foi et hommage pour la terre de Cervet et Breviande, du 10 juin 1678, rendu par Nicolas de Marisy à Louis-Marie, duc d'Aumont, pair de France, premier gentilhomme de la Chambre du Roi, gouverneur de Boulogne, baron de Chappes, Rochetaillée, etc., en la personne de Jean Champenois, bailli, maître réformateur des eaux et forêts au bailliage et duché d'Aumont, « cy devant appelle Isles. »
Parchemin. Signé : Grosley.
(A M. de La Rupelle).
76.
Acte d'aveu et dénombrement du 1er avril 1679, rendu par le même au même.
Désignation de l'étendue de la justice, semblable à celle de l'aveu et dénombrement de 1617 (45).
Parchemin. Signé : de Marisy, avec sceau armorié en cire rouge.
(A M. de La Rupelle).
77.
Autre acte de foi et hommage, du 7 décembre 1709, rendu par le même à Louis d'Aumont de Rochebaron, duc d'Aumont, pair de France, premier gentilhomme de la Chambre du Roi, baron de Chappes, seigneur de Clérey, Yillemoyenne, Courbeton, Saint-Parres, etc., en la per-
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270 LES MARISY.
sonne de François-Pierre Pidansat, bailli, maître réformateur des eaux et forêts, lieutenant-général et particulier au bailliage et duché-pairie d'Aumont.
Parchemin. Signé : Moreau.
(A M. de La Rupelle).
78.
* Certificat délivré à Metz, le 20 novembre 1674, par M. Jacques de Balathier-Lantage, commandant la noblesse du bailliage de Troyes, dans l'arrière-ban, duquel il appert que Nicolas de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel et Breviande, a servi tout le temps de l'arrière-ban jusqu'audit jour 20 novembre.
Papier. Signé : Lantage, avec un cachet de cire rouge armorié.
79.
* Certificat en date au Mans du 10 septembre 1689, délivré par le marquis de Blaigny, commandant l'un des escadrons de la noblesse de Champagne, pour le ban et arrière-ban, duquel il appert que Nicolas de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel et Breviande, du bailliage de Troyes, demeurant à Troyes, a servi dans ledit escadron depuis le 18 mai jusqu'au 10 septembre.
Papier. Signé : Blaigny.
80.
* Certificat en date à Châteaudun du 25 septembre 1691, par Charles L'Argentier, chevalier, marquis de Chapellennes, souverain de Frênes et grand bailly de Troyes, commandant du premier escadron de Chapagne, composé de 150 gentilshommes, duquel il appert que Louis du Verger, écuyer, seigneur de Courcelles, du bailliage de Troyes, a servi tout le temps de l'arrière-ban pour Nicolas de Marisy, écuyer, seigneur de Cerveil.
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LES MARISY. 271
Papier. Signé : de Chapellennes, avec cachet de cire rouge armorié.
81.
* Certificat en date à Orléans du 5 septembre 1693, délivré par le marquis de Chapellennes à Louis du Verger, duquel il appert qu'il a servi pour Nicolas de Marisy pendant le temps de l'arrière-ban.
Papier. Signé : Chapellennes, avec sceau de cire rouge armorié.
82.
* Ordre de service pour le ban et arrière-ban en 1695, signé à la date du 23 mai 1695 : Chapellennes, Guillaume de Chavaudon, Delachasse, avocat du Roi; Simon, greffier, de par M. de Vauréal, lieutenant de Sa Majesté, commandant au gouvernement de Champagne. Papier. Imprimé.
Signifié à Nicolas de Marisy le 23 mai 1695. Signé : Collot.
83.
* Quittance de taxes de l'arrière-ban pour 1697, délivrée le 22 septembre 1697 à Nicolas de Marisy, par le receveur des tailles en l'Election de Troyes, commis par M. le Bailly et le lieutenant-général de Troyes, de la somme de 50 livres à laquelle le fief de Cervet a été taxé par le rôle de 1697.
Papier. Imprimé. Signé illisiblement.
84.
* Arrêt de maintenue de noblesse du 1er décembre 167 0, rendu par M. de Caumartin, en faveur de Nicolas de Marisy.
Papier. Signé : Le fèvre de Caumartin.
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272 LES MARISY.
85.
* Contrat de mariage, du 25 novembre 1675, passé devant Remy Barat et Nicolas Massey, notaires royaux à Troyes, entre Nicolas de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel et Breviande, fils de défunt François de Marisy, aussi écuyer, seigneur desdits lieux, conseiller du Roi et son élu en l'Election de Troyes, et de demoiselle Marguerite Angenoust, ses père et mère, et demoiselle Anne Laurent, majeure, fille de noble homme Pierre Laurent, bourgeois, conseiller en l'Hôtel-de-Ville de Troyes, et de demoiselle Marie Dare, ses père et mère.
En présence et de l'avis de : vénérable et discrète personne Me Odard Angenoust, prêtre, chanoine en l'église collégiale et royale de Saint-Etienne de Troyes ; Jean d'Aubeterre, écuyer, seigneur de Villechétif ; Me François de Marisy, prieur de Saint-Gabriel-d'Andelot; vénérable et discrète personne Me Odard de Marisy, curé de Soligny et doyen de Marigny; noble homme Me Alexandre Andry, seigneur du Tronchoy et autres lieux ; demoiselle Marie de Marisy, veuve de noble homme Me Henry le Marguenat, en son vivant conseiller du Roi, lieutenant au grenier à sel de Troyes ; Nicolas Paillot, écuyer, sieur de La ChapelieSaint-Luc ; noble homme Pierre Laurent, bourgeois de Troyes, conseiller en la Chambre de l'échevinage ; noble homme M0 Jacques Laurent, juge-magistrat, conseiller du Roi au bailliage et siège présidial de Troyes ; François Laurent, conseiller du Roi, président en l'Election de Troyes; noble homme M° Louis Huez, juge-magistrat, conseiller du Roi au bailliage et présidial de Troyes. Tous parents et amis.
Parchemin. Signé : Rousselot.
86.
* Contrat de mariage du 20 avril 1705, passé devant
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LES MARISY. 273
notaire au bailliage de Troyes, entre Me Louis Tetel, jugemagistrat, conseiller du Roi au bailliage et présidial de Troyes, et dame Marguerite Perricard, son épouse; M" Odard Tetel, leur fils, aussi juge-magistrat, conseiller du Roi auxdits bailliage et présidial; Nicolas de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel et Breviande, demeurant à Troyes, et demoiselle Marie-Anne de Marisy, sa fille, et de défunte dame Anne Laurent, son épouse.
Les père et mère de la future lui ont donné, par avancement d'hoirie, 31,000 livres.
Nicolas de Marisy a constitué en dot pareille somme à son fils.
Copie sur papier. Non signée.
87.
* Certificat du 31 août 1720, délivré par Pierre Camusat, conseiller au bailliage et présidial de Troyes, pour l'absence de MM. de Chavaudon, lieutenant-général, et Huez, lieutenant particulier auxdits sièges, attestant que François de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet, est seul et unique héritier de Nicolas de Marisy, écuyer, son père, en son vivant seigneur de Cervel, demeurant à Troyes.
Papier. Signé : Camusat.
88.
Acte de foi et hommage, du 1er décembre 1712, rendu par François de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, au duc d'Aumont, en la personne de Pidansat, bailli du duché-pairie d'Isles-Aumont, pour la seigneurie de Cervet et Breviande.
Parchemin. Signé : Moreau. Autre acte de foi et hommage, du 17 janvier 1726. Papier. Signé : Varlet.
(A M. de La Rupelle).
T. XL. 18
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274 LES MARISY.
89.
* Extrait des registres mortuaires de la paroisse de Montmartre, près Paris, duquel il résulte que le 27 septembre 1718, dame Marie Gouault, épouse de messire François de Marisy, chevalier, seigneur de Cervel et Breviande, décodée le même jour en la maison du sieur Gourdon, marchand, bourgeois de Paris, sise au lieu dit la Bairreue-Blanche, & où elle estoit venue prendre l'air, » âgée de 22 ans ou environ, a été inhumée dans l'enceinte du choeur de la chapelle des Porcherons, dépendante de la paroisse de Montmartre.
Papier. Extrait délivré le 2 novembre 1718. Signé du curé de Montmartre, illisiblement.
90.
* Règlement amiable, du 16 avril 1720, fait sous seings privés, entre Toussaint-Nicolas Gouault, maire de la ville de Troyes, y demeurant, et François de Marisy, écuyer, seigneur de Cervet, demeurant aussi à Troyes, concernant le rapport de dot dont ledit sieur de Marisy était tenu, par suite des décès de dame Marie Gouault, leur fille et femme, et de demoiselle Catherine de Marisy, issue dudit mariage, qui avait survécu à sa mère ; le contrat desdits sieur et dame de Marisy-Gouauit, passé devant Cligny et Moreau, notaires à Troyes, le 26 février 1713.
Papier. Signé : Gouault et de Marisy.
91.
* Testament de François de Marisy, du 15 juin 1744, fait olographe et déposé au rang des minutes de Mes Moreau et Cligny, notaires à Troyes, par acte du 3 août 1744, sur le mandement de noble homme Me Nicolas Sourdat, ancien avocat en Parlement, demeurant à Troyes, faisant les fonc-
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LES MARISY. 275
tions de conseiller du Roi et son procureur au bailliage et présidial de Troyes ; ledit testament trouvé en une maison sise à Troyes, rue de la Rouairie « autrement ditte des filles, » où demeurait le défunt et où il est décédé, et représenté à Me Cligny par ledit sieur Sourdat, sur l'ordonnance de Me Claude Corrard, conseiller du Roi au bailliage et siège présidial de Troyes.
Parchemin. Signé : Moreau et Cligny.
92.
* Acte d'assemblée des 5, 6 et 7 août 1745, des créanciers et légataires particuliers de défunt François de Marisy, en son vivant écuyer, seigneur de Cervet et Breviande, demeurant à Troyes, où il est décédé le 3 août 1744, fait devant Cligny et son collègue, notaires royaux à Troyes.
On y voit figurer notamment :
Me Louis Paillot, conseiller honoraire au bailliage ; Françoise-Marguerite Bouquin, fille mineure de défunt Jean Bouquin, grenetier au grenier à sel de Troyes; Pierre le . Muet, marchand, bourgeois de Troyes et ancien jugeconsul de cette ville; Jean Laurent, sieur de La Bussière, ancien conseiller du Roi, maître particulier des eaux et forêts du bailliage de Troyes ; Eustache et Jacques Gouault, marchands bourgeois de Troyes ; messire Antoine-Jérotée Gouault, prêtre, docteur en théologie, chanoine et chantre en dignité de l'église collégiale de Saint-Etienne et vicairegénéral de Mgr l'Evêque de Troyes. Lesdits sieurs Gouault seuls héritiers de noble homme Toussaint-Nicolas Gouault, ancien maire de la ville de Troyes, leur père; messire Pierre Le Courtois, chevalier, baron de Saint-Cyr-lès-Vaux-Germains, seigneur de Blignicourt, Bucey, Fontvannes et autres lieux, conseiller au Parlement de Paris; noble homme M6 Edme-Nicolas Le Fèvrc, ancien avocat au Parlement, conseiller du Roi, juge, garde général de la monnaie
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276 LES MARISY.
de Troyes, et messire Jean-François Angenoust, chevalier, seigneur de Bouy, demeurant ordinairement en son château de Bouy, seul héritier par bénéfice d'inventaire, par suite de la renonciation des autres héritiers du défunt.
Le sieur Angenoust a donné connaissance aux intéressés de la situation active et passive de la succession.
Parmi les biens composant l'actif figure la terre et seigneurie de Cervet et de Breviande en partie, produisant environ 900 livres, estimées 25,000 livres, et la maison de Troyes où le défunt est décédé, sise rue de la Rouairie ou des Filles, estimée 7,000 livres.
Tous comptes faits, il restait un passif net de 18,949 livres 8 sols 8 deniers.
Moyennant certaines réductions consenties par la fabrique de l'église de Sainte-Madeleine et les hôpitaux de Troyes, légataires particuliers du défunt, le sieur Angenoust a consenti, pour l'honneur du nom de Marisy, et il s'est obligé, avec sa femme Suzanne de Blois de la Cour, à désintéresser les créanciers et légataires, à la condition qu'il ne fùt tenu de vendre que ceux des biens de la succession qu'il jugerait à propos. Ce qui a été accepté par les créanciers.
Expédition sur papier. Signé : Cligny.
93.
Contrat de vente, du 7 février 1755, devant AlexandrePierre-Nicolas Chaste!, notaire à Troyes, en présence de messire Charles de Berey, chevalier, seigneur de Vaudes, maître de camp de cavalerie, chevalier de Saint-Louis, maréchal-des-logis des gendarmes de la garde ordinaire du Roi, demeurant ordinairement en son château de Vaudes, et de Pierre Caquey de La Tuilerie, écuyer, garde-du-corps du Roi, demeurant à Troyes,
Fait par messire Jean-François Angenoust, chevalier, sei-
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LES MARISY. 277
gneur; dé Cervet et Breviande en partie, et autres lieux, écuyer de Son Altesse madame la Princesse de Conti, et dame madame. Suzanne de Blois, son épouse, demeurant ordinairement en leur château de Cervet,
A messire Pierre Puget de Monthauron, chevalier, grand bailli de Troyes, seigneur de La Marche, La Planche et autres, lieux, et dame madame Edmée-Jeanne-Charlotte Morin dirMesnil, son épouse, demeurant ordinairement en leur château de La Planche,
Moyennant 43,000 livres de principal et 200 livres pour les vins deniers francs,
De la terre et seigneurie de Cervet et des neuf dixièmes des droits seigneuriaux de ladite terre, appartenant à M. Angenoust cornme héritier de François de Marisy, écuyer, son cousin, l'autre dixième desdits droits seigneuriaux étant en la possession de M. Colinet, avocat en Parlement, demeurant à Troyes.
Parchemin. Signé : Chastel.
(A M. de La Rupelle).
94.
Vente du 14 août 1764, pardevant notaires au Châtelet de Paris, faite par Jean-François Angenoust, chevalier, seigneur de Cervet et Breviande en partie, et autres lieux, ancien écuyer de feue S. A. madame la Princesse de Conti, douairière, « cy-devant seigneur de Bouy, » demeurant à Paris,
A Armand-François Angenoust, son fils aîné, écuyer, gendarme de la garde ordinaire du Roi, et dame Marie-Anne Auger, son épouse, demeurant ordinairement à Troyes,
Moyennant 32,000 livres,
De la terre et seigneurie de Cervet et Breviande. ;
A cet acte est intervenu comme caution des vendeurs, ses
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278 LES MARISY.
neveu et nièce, Me Louis Auger, conseiller du Roi, juge de la monnaie de Troyes, y demeurant.
Parchemin. Signé illisiblement.
(A M. de La Rupelle).
95.
Aveu et dénombrement, du 11 décembre 1769, rendu par Armand-François Angenoust au duc d'Aumont, pour la terre de Cervet et Breviande en partie.
Il y est dit que la haute, moyenne et basse justice de Cervet et Breviande appartient, pour un dixième, à Claude Collinet, avocat en Parlement, demeurant à Troyes. Tous les biens décrits dans cet acte sont d'une superficie totale de 121 arpents.
II y est question d'un droit d'usage et pâturage dans la forêt d'Isles-Aumont, appartenant au seigneur de Cervet, ainsi qu'il résulte des aveux et dénombrements faits par les anciens seigneurs, et notamment ceux de :
Huez, seigneur de Buligneville, du 3 novembre 1413 ;
Jean Desnoyers, à cause de Jeanne de La Fauche, sa femme, du 8 août 1407;
Jean Desnoyers, du 8 juillet 1384 ;
Le même, du 5 juin 1384 ;
Le même, du 8 octobre 1382;
Huez de La Fauche, du jeudi devant la saint Thomas, apôtre, de 1361 (16 décembre) ;
Et aussi un arrêt du Conseil d'Etat du Roi, du 22 novembre 1768;
Ledit droit, sujet au droit de quint et requint et droits de relief.
Signé : Angenoust de Cervel.
Suit un procès-verbal de constat dudit aveu et dénombrement, dressé le 14 décembre 1769, par Jacques Pierret, avocat au Parlement, officier commensal de la maison du
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LES MARISY. 279
Roi, seigneur de Chavanges en partie, bailli de la duchépairie d'Aumont.
Papier. Signé : Angenoust de Cervet et Pierret.
(A M. de La Rupelle).
96.
Contrat de vente, du 6 septembre 1786, fait devant Odin et son collègue, notaires à Troyes, par messire ArmandFrançois Angenoust, chevalier, seigneur de Cervet et Breviande en partie, et dame Marie-Anne Auger, sa femme, à Me Gabriel Haristeguy, avocat en Parlement, et dame MarieAnne Ludot, son épouse, demeurant à Paris,
De la terre et seigneurie de Cervet, et des meubles garnissant le château,
Moyennant 120,000 livres de prix principal. Parchemin. Signé : Odin et Etienne.
(A M. de La Rupelle).
97.
Vente faite sous le scel de la prévôté de Troyes, le 8 août 1486, devant Pierre Rogier et Odinot Gossement, notaires, par Nicolas Hènnequin, écuyer, demeurant à Troyes, à François de Marisy, écuyer, et demoiselle Ysabeau de Louvemont, sa femme, demeurant à Troyes, moyennant 540 livres tournois et la cession d'une rente foncière de 70 sols tournois, d'une maison et de la moitié indivise d'un hôtel y attenant, sis à Troyes, rue de Colaswerdey.
Suscription de Pierre Bruyer, écuyer de cuisine du Roi, prévôt de Troyes et garde du scel de la prévôté. Parchemin. Signé : Gossement, Rogier.
(A M. Evrard). 98.
Vente du 11 avril 1526, faite devant Guillaume Rogier et Antoine Pajot, clercs, notaires jurés en la prévôté de Troyes, par Guillaume Maret, receveur ordinaire pour le Roi
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280 LES MARISY.
au bailliage de Troyes, à maître Claude de Marisy, écuyer, seigneur de Cervel, grenetier de Troyes, d'un terrain situé à Troyes, sur la rue de Colaswerdey, naguères encore couvert de bâtiments qui furent brûlés par l'incendie de 1524.
Celte vente a été faite moyennant 450 livres tournois, et en outre, « dix livres tournois pour une robe à l'usaige de Julienne Bardot, femme dudict Guillaume Maret, en principal, et dix livres tournois en vin. »
Suscription de Charles du Plcssis, écuyer, seigneur de Savonnières, conseiller et premier maître de l'hôtel de Madame mère du Roi, prévôt de Troyes et garde du scel de la prévôté.
Parchemin. Signe : Mangenet, Rogier.
(A M. Evrard).
99.
Ratification du 22 août 1568, devant Jean Marault et Jean Commain, notaires en la prévôté de Rosnay, par demoiselle Ambroise Pithou, femme de Claude de Marisy, écuyer, sieur de Valentigny, demeurant audit lieu, de la vente faite par ce dernier à François de Marisy, écuyer, sieur de Jusanvigny, maître des eaux et forêts au bailliage de Troyes, son frère, (par acte du 20 septembre 1567, devant Bruchier et Charpy, notaires à Troyes, et moyennant 325 livres tournois. — Procès-verbal du 25 août 1568, dressé par Bruchier et Charpy, notaires à Troyes — (A M. Evrard) — de la moitié indivise de l'hôtel de pierre et autres appartenances et dépendances, sis à Troyes, rue de Colaswerdey << où leur feu père faisoil sa demeurance. »
Suscription de Claude Quinot, écuyer, procureur fiscal du comté de Vertus, au siège de Rosnay, garde du scel aux contrats de la prévôté de Rosnay pour monseigneur le Comte de Vertus et de Rosnay.
Parchemin. Signé : Commain, Marault.
(A M. Evrard).
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LES MARISY.
100.
281
Bail du 19 septembre 1636, fait devant Laurent Tartel et Remy Barat, notaires royaux au bailliage de Troyes, par messire Bernard Angenoust, conseiller du Roi en ses conseils, seigneur de Trancault et de Machy, à François Denise, bourgeois de Troyes, d'une partie de l'hôtel sis à l'angle des rues des Lorgnes et de Colaverdey.
Suscription de Jacques le Tartrier, écuyer, sieur de Pouilly-les-Maraulx et Villebarot, conseiller du Roi, grenetier au grenier à sel de Troyes et garde du scel royal en toutes les juridictions de la ville et bailliage de Troyes. Parchemin. Signé : Molin.
(A M. Evrard).
101.
Vente du 6 octobre 1675, faite devant Nicolas Cligny et Remy Barat, notaires à Troyes, par Marie Angenoust, veuve de messire Jean le Mairat, chevalier, seigneur de Droupt, Barberey et autres lieux, conseiller du Roi en son grand Conseil, demeurant à Paris, rue des Maçons, paroisse SaintSéverin, à noble homme Me Joseph Vigneron, conseiller du Roi, président, prévôt, juge ordinaire de police de la ville de Troyes, lieutenant criminel et commissaire examinateur en la prévôté, demeurant à Troyes, de la maison de pierre sise à l'angle des rues de Colasverdé et des Lorgnes, et de la maison de bois sise à l'angle de la rue des Lorgnes et de la ruelle Maillard (des Chats), moyennant treize mille livres tournois.
Suscription de Pierre Rousselot, tabellion, commis à la garde du scel royal aux contrats et actes des notaires royaux de la ville et bailliage de Troyes.
Parchemin. Signé : Rousselot.
(A M. Evrard).
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282 LES. MARISY.
102.
Donation du 24 janvier 1761, faite devant Jacques Jacquin et Claude Moreau, notaires à Troyes, par demoiselle Jeanne-Nicole Vigneron, fille majeure, demeurant à Troyes, à Nicolas Huez, l'aîné de ses neveux, seigneur de Vermoise, conseiller du Roi, lieutenant particulier au bailliage et siège présidial de Troyes, de la maison sise au coin des rues de Colasverdey « autrement ditte du Mortierd'Or » et des Lorgnes.
Parchemin. Signé : Jacquin, Moreau.
(A M. Evrard).
103.
Vente du 7 février 1793 (an II), faite devant Etienne et son collègue, notaires à Troyes, par Odart-Louis Angenoust et Marie-Nicole Huez, son épouse, demeurant à Troyes, à Nicolas-Jean-Baptiste Vernier, ancien jugegarde de la « cy-devant » monnaye de Troyes, et AnneLouise Le Rouge, son épouse, demeurant à Troyes, rue de l'Epicerie, moyennant trente mille livres, des deux maisons sises rues du Mortier-d'Or et des Lorgnes et ruelle Maillard, alors occupées par l'Administration du département de l'Aube qui en était locataire par bail du 1er juillet 1791, devant ledit Etienne, notaire.
Papier timbré. Signé : Etienne.
(A M. Evrard).
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LES MARISY. 283
ARMOIRIES INDIQUÉES AUX PLANCHES
Voici l'indication des sources auxquelles nous avons puisé pour le dessin des armoiries figurant aux planches :
Acarie, (Palliot. Vraie et parfaite Science des Armoiries, p. 6.)
De Bretel, le Marguenat, Pithou (Caumartin. Les armes des le Marguenat sont peintes dans une verrière de l'église de Saint-Jean.
De Bury, Chappelain, Girardin, de Louvemont, le Mercier, Menisson, de Milly, Pétremol, Philippe, le Tartrier, de Valantigmj (tableau généalogique des Marisy, fin du xvIe siècle, appartenant à l'auteur).
Les armes des Louvemont figurent également sur la tourelle de l'hôtel des Marisy ; elles se voient aussi, ainsi que celles des Milly, sur les vitraux de l'église de Saint-Léger-lèsTroyes. L'écusson des Philippe est représenté sur la tourelle de l'hôtel et dans un vitrail de la cathédrale (nef principale), où les lions sont figurés grimpants ; celui des Menisson se voit dans un vitrail de l'église de Saint-Jean, de Troyes, et dans la salle principale de l'hôtel de Vauluisant. Les armoiries des le Tartrier se voient dans des vitraux des églises de Saint-Jean et de Sainte-Madeleine. Enfin, celles des Valantigny sont sculptées sur la tourelle de l'hôtel.
Bizet, de Chattonru, Clerget, Chevillard, Gayet, le Goujal, Huyart. (Généalogie manuscrite des Hennequins, exemplaire de M. le Comte des Réaux de Marin.)
Laurent (dessin figurant dans un procès-verbal dressé le 9 mars 1769, par Cazin de Vasserie, lieutenant-général au bailliage de Troyes, à la requête d'Armand-François Angenoust, seigneur de Cervet, contenant la description des ar-
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284 LES MARISY.
moiries qui se voyaient en l'église de Saint-Léger-lès-Troyes (appartenant à M. de La Rupelle).
Andry de Montserve;:Barbette, Le Clerc, Gouault et Tetel. (Armoriai manuscrit de d'Hozier, à la Bibliothèque nationale.)
De Vassan. (D'Hozier. Reg. 1, p. 606.)
Angenoust, le Bbuclwrat, de Dinteville, Mole (se 1 trouvent dans lâ'plûp'àrt des ouvrages héraldiques).
Nous n'avons pas trouvé les armes des familles de Guignonville, Poguin, le Hérauld, le fol marié, de Daillencourt et de Saint-Germain,
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LES MARISY.
285
TABLE DES NOMS DE LIEUX ( 1)
Andelot (Hante-Marne). 225.
Argentolles, (210. ;
Aunay. 220.
Barberey-Saint-Sulpice. 210.
Barres (Les). 226.
Bar-sur-Aube. 228.
Baudricourt. 230.
Bavon (C. de Bligny). 215, 217. D. 6.
Bayre. 217, 220. D. 20.
Beaufort (Duché de). 220.
Béchereau. 214.
Bierne (C. de Villemereuil). 220.
Blignicourt. D. 92.
Bligny. 214, 215, 217. D. 6.
Bonilly. D. 3.
Bouy-sur-Orvin. 225. D. 94.
Brantigny. D. 27.
Breban (C. de Saint-Germain). 220.
Breviande. 202, 218, 221, 222, 223, 224,
225, 226, 227. D. 23, 47, 92. Briel. 217. D. 20. Brosse (La). 220. Bncerolles. 214. Bucey-en-Othe. D. 92. Bussière (La). D. 92. Cervet. 201, 217, 218, 221, 222, 223, 224,
225, 226, 227. D. 11, 23, 27, 92. Champgobert. (C. de Coursan.) D. 29. Cbampigny-sur-Aube, D. 6. Chapelle-St-Lnc (La). D. 85. Chappes. D. 75, 77. Charley. (C. de Ste-Maure). 213, 214, 215.
216. D. 3. Charmont. 216. Chaudrey. 213. Chavanges. D. 95. Clérey. D. 77.
Colasverdey. (Voy. Charmont). Cour (La). D. 3.
Courbeton. (C. de Villemoyenne). D. 77. Courcelles. D. 80, 81. Courtillot (C de Trainel). 230. Crespy. D. 30. Dienville. 2(7. Doches. 216, 216. D. 29.
Droupt. 210.
Font vannes D. 92.
Forge-Volcon (La) (C. d'Estissac). 219. Fort de Cervet (Le). (C. de St-Légér-lèsTroyes).
St-Légér-lèsTroyes). 223. Fresnes. D. 80;
Grand-Cour (La). (C. de Bailly). 1212.
Hayes-à-la-Demoisellè (Les). (C. de Maizières).
Maizières). 219. D. 23, 27. Herbigny. (C. de Saint-Léger-lès-Troyes).
202. Isles-Aumont. 222, 223. D. 15, 47, 75. Juzanvigny. 214, 217, 218, 219, 220, 221.
D. 23. Laines-Boarreuses. 217. D. 20. Laines-Viez. D. 3. Machy. 219, 220. D. 38 bis. Magnicourt. D. 3. Maraulx (Les). (C de Troyes. —Voyez
Pouilly.) Marets (Les). 223. Marigny-le-Chàtel. 225. Mesnil-Sellières. 215. D. 9 bis. Metz (Le). (C. de Rosnay). 222. Meurville. 214, 215, 217. D. 6. Monlccaux. 226. Montserve. 226. Nevers (Comté de). D. 18. 19. Nogent-sur-Seine. 226. Pel-et-Der. D. 2, 58. Péreuse (La). 231. Planche (La). (C. de St-Léger-lès-Troyes).
202, 204. D. 64. Plancy. 220. D. 29. Pouilly-les-Maraulx (C. de Troyes). D. 45,
59. Pousson. 215, 217. D. 6. Premierfait. 213. Quincey. 220. Racines. 214.
Renouillère (La). (C. de St-Julien). 221. Rizancourt (C. de Dienville). 216. Rochetaillée. D. 75.
(1) Tous les chiffres précédés d'un D. sont ceux des documents auxquels il est renvoyé. Les autres chiffres sont ceux des pages.
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286
LES MARISY.
Romaine. 230.
Rosnay-l'Hôpital. D. 29. 99. Rosson (C. de Doches). D. 3. Saint-Etienne-soùs-Barbuise. 220. Saint-Léger-lès-Troyes. 201, 202, 222. Saint-Mesmin. 214. Saînt-Parres-aux-Tertres. 221. Saint-Parres-lès-Vaudes. D. 77. Saint-Utin (Marne). 219. D. 20. Savoie (C. de Moussey). 220. Soligny-les-Etangs, 225. Spoy. 218. Tombe (La). D. 3. Torvilliers. 219. D. 27.
Torvy (Etourvy?) 216. Trancault-le-Repos. 220. Tuilerie (La). 216.
Valentigny. 214, 217, 218, 220.
Vaudes. D. 83.
Vermoise (C de Sainte-Maure). 210, 223.
Vielzville ou Viéville (La) (C. de SaintLéger-lès-Troyes). 205,217. D. 20.
Villebarot (C. de Troyes et la ChapelleSaint-Luc). D. 45. 59.
Villechétif. D. 85.
Villemaur. 221.
Villemoyemie. D. 77.
Villy-le-Maréchal. 218, 219.
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LES MARISY.
287
TABLE DES NOMS DE PERSONNES
(D
Acarie, 221.
Alichamp (d'). D. 0, 20.
Andry de Montserve. 226.
Angenoust. 204, 210, 220, 225, 226, 228. D. 27, 63, 59, 68, 73, 85, 94.
Angenoust (Jacques), bailli de Nogentsur-Seine. 226.
Angenoust (Bernard), lieutenant général au bailliage de Sens. 220.
Angenoust (Jean), président et lieutenant général aux bailliage et siège présidial de Troyes. 230 (note a).
Aubeterre (d'). D. 85.
Aueoc-Vernier. 211.
Auger. D. 94, 96.
Autruy (d'). D. 59.
Bailly. D. 38.
Balathier-Lantage (de), commandant la noblesse du bailliage de Troyes. D, 78.
Barbette, 224. D. 44, 59.
Baussancourt (de). D. 19.
Bazin (Joachim), lieutenant général au marquisat d'Isles. D. 60.
Bel. 209.
Bellier (Guillaume), bailli de Troyes. 229 (note b). D. 3.
Bérey (de). D. 93.
Berthier. 216.
Boeuf (Le). 214.
Bizet. 246. D. 8.
Blaigny (Mis de), commandant les escadrons de la noblesse de Champagne. D. 79.
Blois de la Cour (de). D. 93.
Bonnaire (Henri de), garde du scel aux contrats du bailliage de Troyes. D. 62.
Boucherat (Le). 219. D. 39.
Boucher de la Rupelle. 199, 204, 205.
Bouquin (Jean), grenetier au grenier à sel de Troyes. D. 92.
Bourbon (Mlle de). 222.
Bretel (de). 220.
Brion (de). D. 27.
Brisson. 226.
Bruyer (Guillaume), prévôt de Troyes.
D. 9 bis, 25. Bury. 222. Bussy (de). D. 29. Camuzat. D. 87.
Caquey de la Tuilerie. D. 93.
Cazin de Vasserie, lieutenant général au
bailliage de Troyes. 283. Champenois (Jean), bailli d'Aumont.
D. 75. Chantaloë (de). 220. D. 15. Chappelain. 223. Chàteauvillain (de). D. 20. Chattonru (de). 213. D. 6. Chaulx (de la). 223. Chavaudon (de). Voy. Guillaume. Chevillard (Jacques), grenetier au grenier
à sel de Troyes. 223. D. 39. Chobillon (de). 230, 231. Clerc (Le). 223. D. 39. Clérey. D. 27 Clerget. 224. Coiffart. D. 12. Coiffart (Noël), lieutenant général au
bailliage de Troyes. D. 27. Colliuet. 204. Collot. D. 59. Corberon (de). D. 6, 38. Cornuat (Maurice Le), président en l'Élection de Troyes. D. 49. Courtois (Le). D. 38 bis, 92. Daillencourt (de). 214. Daniel. 222. Dare. 225, 227. D. 59. Degoix. D. 27. Denise. 210.
Desmarets. Voy. Goujal (Le). Desnoyers. 203. Dinteville (de). 218. Dinteville (Gaucher de), bailli de Troyes.
D. 14. Dinteville (Jean de), bailli de Troyes.
D. 23. Dorigny. D. 6. Drouot. D. 2. Essarts (des). 216'.
(1) Même observation que pour la table des noms de lieux,
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288
LES MARISY.
Evrard. 199, 211.
Fauche (de la). 203.
Fauveau. 210.
Févre (Le), garde général de la Monnaie
de Troyes. D. 92. Foix, Cte de Comminge, (de). 218. Fol marié (Le). 214. Forêt. D. 59. Foucher. D. 27. Franquelaure. 207.
Garmoise (de la). 214.
Gayet. 220.
Gibey (Nicolas), lieutenant particulier au
bailliage d'Isle. D. 47. Girardin. 216, 221. Gonbaut (Regnaut), garde du scel de la
prévôté de Troyes. D. 1. Gonzague, duc de Nevers, (de), lieutenant général des provinces de Champagne et Brie. 225. D. 55. Gouault. 228. D. 92. Goujal (Le). 223. D. 39. Grand (Le). 230. D. 59. Grillet (de).D. 30. Griveau. 207 (note c). Griveau (Odard), lieutenant général au bailliage de Troyes. 229 (note b).D.3. Guerry (Antoine), prévôt de Troyes. D. 2. Guignonville (de). 213. Guignonville (Jean de), gruyer de Champagne et Brie. 213. Guillaume de Chavaudon. D. 82. Guillaume de Chavaudon, lieutenant général au bailliage de Troyes. D. 87. Haristeguy. 204.
Hennequin. 200, 217,219. D. 6,9 bis, 10, 27. Héraulde (La). 214.
Housse (Arnoul), prévôt de Troyes. D. 4Huez. D. 39, 85. Huez (Nicolas), lieutenant particulier au
bailliage de Troyes. 210. Huez (Louis-Claude), lieutenant particulier au bailliage de Troyes. 210. D. 87. Huyart. 216. D. 6.
Huyart (Guillaume), bailli d'Isle. D. 15,19. Jaquot (Claude), prévôt de Troyes. D. 37. Larconnier. D. 6. Largentier (Charles), grand bailli de
Troyes, D. 80, 81, 82. Laurent. 227. D. 85, 92. Laurent (François), président en l'Élection
de Troyes. D. 85. Laval (Cte de). 218.
Laval (Louis de), gouverneur de Champagne. D. 5. Lefebvre. 214. Lemaire. 224.
Liboron (Simon), lieutenant du bailli de
Troyes. D. 0. Louvemont (de). 203, 217. D. 20, 45. Ludot. D. 68, 96. Luillier. D. 6, 15.
Mairat(Le). 210. Maréclat. 225. Maret. 207, 208. Marets (Des). 225. Marguenat (Le). 222, 224. D. 38. Marisy(Jean Ier de), maire de Troyes. 214. Marisy(Claude de), maire de Troyes, grenetier au grenier à sel. 218. Marisy (François de), maître réformateur des Eaux et Forêts au bailliage de Troyes. 219. Marisy (Jean II de), grenetier au grenier
à sel de Troyes. 221. Marisy (Jean de), grenetier au grenier à
sel de Troyes. 222. Marisy (Odard 1er de), lieutenant au marquisat d'Isles. 222. Marisy (Odard II de), lieutenant au marquisat d'Isles. 223. Marisy (Jean-Baptiste de), élu en l'élection de Troyes. 224. Marisy (François II de), élu en l'élection
de Troyes. 225. Marisy (Nicolas de), élu en l'élection de
Troyes. 2iG. Marisy (Anselme de), procureur aux bailliage et siège présidial de Chaumont. 230. Martin (Louis), lieutenant au bailliage de
Troyes. D. 44. Mauroy. D. 27. Mauroy (François), prévôt de Troyes.
D. 42. Menisson. 216,221. Mercier (Le). 221. Mercière (La). D. 20. Mergey (Jean de), procureur du Roi au
bailliage de Troyes. D. 15. Mérille (Christophe), lieutenant général
du bailli de Troyes. D 9 bis. Mertrus (de). 230. Mesgrigny (Jean de), prévôt de Troyes.
D. 41. Milly (de). 222. Minette (de). D. 29. Mole. 218, 219. D. 27. Molins (des). 213. Montangon (de). D. 26, 30. Monthauron (de). Voy. Puget. Montsaon (de). 220. Montserve (de). Voy. Andry. Moustier (de). 229. 230.
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LES MARISY.
289
Muet (Le). D. 92.
Naudot. 229.
Nevelet. D. 29.
Noble (Eustache Le), lieutenant général au bailliage de Troyes. D. 50.
Orval (d'), seigneur d'Isles. D. 15.
Paillot. D. 85, 92.
Passerat. 220.
Pel (de). 212.
Pelé (Le). 219.
Perricard. 227. D. 27.
Pétremol. 219. D. 26.
Philippe ou Phelipe. 214. D. 6.
Pidansat (François-Pierre), bailli, maître réformateur des eaux et forêts, lieutenant général et particulier aux bailliage et duché-pairie d'Isle-Aumont. D. 77, 88.
Pion. 223.
Pithou. 220. D. 27, 29.
Planche (de La). Voy. Fauche (de la).
Plessis (Charles du), prévôt de Troyes. D. 98.
Pleurre (de). D. 6.
Poguin. 214.
Pontaillier (de). 218.
Premierfait (du). 213.
Puget de Monthauron (Pierre), grand bailli de Troyes. 204.
Quinart. Voy. Thélis.
Quinot. 220.
Rancé (de). 220.
Ravault. 222. D. 38.
Robert, prévôt de Troyes. D. 10.
Roffey (Jacques de), lieutenant du bailli de Troyes. D. 16, 20.
Rouge (Le). 211.
Rupelle (de la). Voy. Boucher.
Saint-Amour (de). 231.
Saint-Germain (de). 218.
Tartrier (Le). 222. D. 27,42.
Tartrier (Jacques Le), grenetier du grenier à sel de Troyes, garde du scel aux contrats du bailliage. D. 45, 58, 59, 100.
Tetel. 227.
Thélis (de). 228.
Tuilerie (de La). Voy. Caquey.
Val (du). D. 6.
Valentigny (de). 214, 217.
Valéry ou Vallery (Erard de), connétable de Champagne. 203.
Vassan (de). 216,220. D. SS bis.
Vasserie (de). Voy. Cazin.
Vauréal (de). D. 82.
Verdun (famille de). D. 3.
Verger (du). D. 80,81.
Vernier. 211.
Vestier. D. 27.
Vigneron. 210.
T. XL.
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UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE
CHARLES DICKENS
ROMANCIER ET LECTEUR
PAR
M. CHARLES DES GUERROIS
MEMBRE RÉSIDANT
Le spectacle de la vie littéraire est le spectacle des agonies : agonie humiliée de Goldsmith, agonie timide et passionnée de Cowper, agonie audacieuse de Chatterton, agonie dorée et fiévreuse de Charles Dickens. Spenser, le poète du Fairy Queen, meurt d'indigence ; Otway, l'auteur de Venise sauvée, meurt de faim littéralement; Daniel de Foe est mis au pilori; Savage, fils d'une femme de la haute aristocratie anglaise, erre la nuit dans les rues de Londres où il n'a pas de foyer. Charles Dickens met du cirage en boîtes à six ans ; à dix-neuf, il est sténographe pour les journaux — je ne sais lequel des deux supplices a été le plus cruel ; Goldsmith pile des drogues dans un mortier chez un apothicaire qui ne lui donne pas de pain ; Johnson va sur la place d'Oxford vendre les bouquins paternels; Burns, à qui l'aristocratie a souri un moment, jauge des tonneaux d'ale et des
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292 UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE.
gallons de whisky dans les cabarets écossais ; Cowper se pend parce que ses amis lui ont procuré une place de secrétaire à la Chambre des Lords et qu'il faut aller lire en cette qualité de clerk les procès-verbaux en pleine séance de cette Assemblée imposante ; Allan Cunningham, le charmant et sympathique biographe de plus tard, est maçon ; Miss Burney se consume dans les antichambres de la trèsdésagréable reine Charlotte, dans les concerts de ce fou peu loyal, le roi George III, que nous a dépeint Horace Walpole ; Chatterton se ronge dans une étude de procureur, et pour se distraire, fait des faux en poésie (les plus innocents de tous les faux) ; Gray étouffe sa vie dans les cloîtres solitaires de Cambridge ; Shelley est chassé de l'Université et renié par son père, un des plus riches baronets de l'Angleterre ; en attendant que l'Adriatique l'engloutisse dans ses flots, il médite sur la pauvreté qui est réservée à ses enfants, petits-fils de l'opulent banquier de Londres ; Byron est forcé de quitter l'Angleterre, dont il est la gloire la plus éclatante en face même de Nelson, de Wellington et de Canning, ces autres gloires redoutables; Miss Brontë souffre la gêne et les privations comme gouvernante — l'admirable roman de Jane Eyre en porte l'impérissable témoignage.
Je pourrais le prolonger longtemps ce martyrologe des chers poètes, des illustres romanciers ; à quoi bon? Encore n'ai-je rien dit d'une autre agonie, plus sombre et plus longue : l'agonie la plus triste de toutes est celle des hommes, des inventeurs, des poètes surtout qui, ayant été toute leur vie à la peine, ne seront jamais à l'honneur, qui meurent sans même avoir l'espérance illusoire de la gloire chez les générations de la postérité ; ils expirent sans la suprême consolation, sans avoir senti le serrement de main des hommes qui vivront dans un siècle, dans mille ans.
Laissons ceux-là, laissons-les, c'est leur destinée, laissonsles dans leur abandon et leur solitude ; ne nous occupons que de ceux qui, par la lutte et le succès, ont dominé leurs
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UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE. 293
contemporains. Dickens est un des plus éclatants, le plus éclatant peut-être. Qui pourrait entrer en compétition avec lui? Ce n'est pas Macaulay l'historien, ce n'est pas Tennyson le poète-lauréat, ce n'est pas même Thackeray avec ses trois ou quatre romans, chefs-d'oeuvre amers, mais empreints de quelque froideur. Pour aucun aussi la lutte ne fut ce qu'elle a été pour l'auteur de David Copperfield. Aucun n'a souffert comme lui, aucun n'a été frappé comme lui.
Dickens, au matin de sa vie, dans ces jours où, chez M. James Jjamert, son cousin, l'industriel de Hungerford Stairs, il mettait, moyennant un salaire de six shillings par semaine, le cirage en boîtes, était un martyr forcé, forcé par le res angusta domi; plus tard il est devenu, il faut bien le dire, un martyr volontaire; depuis longtemps à l'abri du besoin, il s'est mis avec une ardeur terrible à la chasse de la guinée et du dollar, et il a fini par succomber à cette poursuite que je me permets, au nom du bon sens — n'étant pas médecin, je ne peux pas parler au nom de la science — d'appeler insensée.
Je ne suis pas médecin, ai-je dit. C'est qu'en effet, dans les conditions nouvelles et redoutables que lui a faites la société moderne, l'exercice de la profession littéraire est devenu, par les conséquences qu'elle entraîne, une question médicale aussi bien qu'une question intellectuelle, aussi bien qu'une question morale. Produire, produire toujours, infatigablement, est devenu la loi. Le critique, l'homme de la haute critique, se demande : Comment est-il possible à l'intelligence la mieux douée de se renouveler assez pour suffire à cette production incessante? Le moraliste, lui, s'effraie et dit : N'y a-t-il là rien à craindre pour l'état moral, pour les principes sainement vigoureux de l'écrivain qui a à compter tous les jours avec les foules exigeantes, capricieuses, sans scrupules, elles, pour leurs plaisirs d'esprit, et qu'il faut satisfaire à tout prix. Le médecin enfin doit s'interroger avec anxiété et se demander : Le cerveau, cet ins-
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294 UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE.
trument puissant et délicat à la fois, y peut-il tenir, et n'est-il pas condamné fatalement à succomber dans cette lutte incessante, dans cette création forcée et violente? Ne devrait-il pas accuser le grand romancier Dickens d'une sorte de suicide?
Le médecin aurait raison de gronder; mais Dickens, si du fond de sa tombe prématurément ouverte il pouvait parler, aurait bien aussi peut-être quelque chose à dire pour sa défense. Peut-être le romancier, et plus tard le lecteur de Londres et de Boston, ne faisait-il qu'obéir forcément à la nécessité qui résultait pour lui de l'habitude contractée par lui au temps où il était reporter pour le Morning Chronicle, en ce temps où il lui fallait passer les nuits dans une chaise de poste à quatre chevaux, emportée à la vitesse alors surprenante de quinze milles à l'heure, écrivant pour l'imprimeur, à la lueur d'une obscure lanterne et sur la paume de sa main, quelque important discours qu'il avait entendu à la hâte en quelque ville lointaine, et que le sténographe devait rendre avec une parfaite exactitude, sous peine d'être compromis irrévocablement — car il est bon de le dire — le reporter en ce temps était la plume sous laquelle revivaient les choses sérieuses (cela est sérieux un moment), il n'était pas le raconteur de petites nouvelles et de gros scandales.
Peut-être aussi (car je me rappelle où je parle et j'aime à mêler à mes récits des observations morales qui les rendent moins indignes d'être présentés à une compagnie savante), peut-être aussi Dickens, dans ces terribles années des lectures en Angleterre, en Ecosse et en Amérique, obéissait-il — en sens inverse — à une loi d'hérédité. Jeune, il avait tant souffert et tant vu souffrir des habitudes négligentes de M.Micawber, car le Micawber de David Copperfield, c'est le propre père du romancier, l'insouciant John Dickens, commis de la marine (clerk in the Navy pay Office), il en avait tant souffert qu'il s'était tout d'abord rejeté à l'extré-
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UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE. 295
mité opposée, adoptant la loi du travail forcé, du travail à mourir — et le pli en était pris. A cette loi, Dickens obéit si bien qu'il succomba avant soixante ans — si vous voulez le chiffre exact, c'est 58 ans et quelques mois : né le 7 février 1812, il mourut le 9 juin 1870. Sanaissance comme sa mort a précédé les grands désastres où, par deux fois, la France, notre France qu'il aimait, a succombé.
Ne pouvait-il s'arrêter, le grand romancier, le vaillant lecteur ; ne pouvait-il se réserver comme son grand compatriote, le premier des poètes, le plus sage parmi les écrivains, ne pouvait-il se réserver, à l'exemple de Shakespeare, quelques années entre les grands triomphes et la mort? Non, il ne le pouvait pas ; c'est comme dans Bossuet : Marche, marche! L'abîme était devant lui, assez d'éclairs dans la nuit le lui avaient signalé : Marche, marche, il lui fallait s'y précipiter, y engloutir peut-être les oeuvres qu'il avait à exécuter encore.
0 tristesse, ô pitié, qu'on ait reçu de la nature ces dons admirables, cette figure charmante que nous fait aimer le portrait peint par Maclise (en 1839 — Dickens avait alors 27 ans), se peut-il qu'on ait reçu tout cela pour être un manoeuvre pendant des années, avant la première ligne écrite, avant le premier essai inséré dans le Monthly Magazine, pour exercer tous les esclavages!
Sur les jeunes souffrances de Charles Dickens, M. Forster, un vrai écrivain, un vrai biographe (que j'en envie de tels pour nos grands écrivains!) fait une admirable remarque. Comme c'est une très-belle page, permettez-moi de la mettre sous vos yeux (Life, t. I, p. 90) :
« L'histoire de la misère d'enfance de Charles Dickens, a assez fait voir qu'il n'avait jamais, en la traversant, perdu son précieux don de vive gaieté animée, ou sa native capacité de jouissance dans l'humour ; j'ajoute qu'il y eut pour lui des gains réels à recueillir de ce qu'il dut supporter, gains riches et durables. J'ai déjà parlé de ce qui, au commence-
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296 UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE.
ment de ses difficultés et de ses épreuves, donna à son talent sa direction décisive; nous devons observer, à propos de ce qui suivit, que des très-pauvres et malheureux, dont les souffrances et les luttes, et les vertus aussi bien que les vices qui résultent de leur misère, ont servi à faire ses plus éclatants succès, de ces pauvres, ses épreuves d'enfant l'avaient fait l'un d'eux. Ce n'étaient pas ses clients, ceux dont il plaidait la cause avec tant de pathétique et d'humour, ceux en faveur desquels il obtint le rire et les larmes de tout le monde, ils étaient en quelque sorte lui-même. Et il ne faut pas compter comme une faible part de cet évident avantage qu'il ait acquis son expérience à cet égard dans son enfance et avant d'être homme ; que de ces épreuves il ait cueilli seulement la meilleure partie, la fleur et le fruit, et que de la partie la plus mauvaise, de la terre où la semence avait germé, rien ne se soit attaché à lui comme souillure.»
Tel que nous l'avons vu, si bien doué au physique — car la force chez lui répondait aux agréments de la figure — Dickens n'avait pas reçu un moindre partage au moral : si bien doué du côté de la pénétration qu'il a pu assurer à son biographe et ami, M. John Forster (Life, t. I, p. 42), que jamais il n'a eu lieu de revenir plus tard sur les impressions qu'il avait dû recevoir et se former dès les premières années de son adolescence (boyhood), sur n'importe quelle personne.
Les neuf premiers essais de sa plume paraissent dans le Monthly Magazine et ne lui rapportent pour tout paiement que l'honneur de s'être vu imprimer dans un journal. Bientôt les Esquisses de Boz (Sketches by Boz) insérées dans l'Evening Chronicle ont meilleure fortune et sont assez bien payées. Dès lors il est lancé; plus n'est question du métier de reporter.
Dickens est son maître — sauf le bon plaisir des éditeurs — mais il est à lui-même, comme romancier, un maître guère moins exigeant que jadis les directeurs de journaux
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UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE. 297
ne l'étaient pour le sténographe. Aux Esquisses succèdent bientôt les Pickwick Papers : le romancier ne s'arrêtera plus dans cette carrière, vertigineuse qu'il lui faut dès lors f parcourir jusqu'au bout, jusqu'à ce terme où un jour du printemps de 1870, il tombera pour ne plus se relever.
Le public, ce terrible public qui ne connaît pas de mesure dans l'admiration comme dans le dédain, qui ne vous regarde pas ou qui abuse de vous, lui arrache des mains les feuilles humides encore, les parties à peine achevées de ces admirables romans qui vont se pousser les uns les autres, Oliver Twist, Nicholas Nickleby, Barnaby Rudge, l'Horloge de Maître Humphrey, Vie et Aventures de Martin Chuzzelewit, Dombey et Fils, et ces autres récits plus courts qui revenaient chaque année à l'époque de Noël, pour faire le bonheur de tous les foyers de l'Angleterre : Les Carillons; Christmas Carol ; Le Grillon du Foyer ; La Bataille de la Vie ; L'Homme hanté et le Marché de l'Ombre; et enfin, comme pour marquer le point culminant, le grand roman autobiographique : David Copperfield.
Arrêtons-nous un moment à ces jours heureux qui ne dureront guère. Dickens a loué un cottage à Twickenham, le Twickenham de Pope (saluons en passant ce nom d'un merveilleux poète que notre siècle se donne les airs de dédaigner, je ne sais trop pourquoi vraiment!). Là, en compagnie de quelques amis choisis et dignes de lui, le juge Talfourd, biographe de Charles Lamb; Thackeray, l'auteur du Vanity Fair; Douglas Jerrold, le spirituel satirique, rédacteur du Punch; Forster lui-même, biographe de Goldsmith et de Walter Savage-Landor avant de l'être de Dickens, le peintre Maclise, qui n'a l'air de rien voir et qui voit tout, qui, paresseux et insouciant en apparence, travaille et crée ; ayant autour de lui encore, ensemble ou successivement, Edwin Landseer, le peintre Cattermole, le romancier Ainsworth, il passe, non sans douceur, les jours
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298 UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE.
irrévocables de la jeunesse. Comme personne, il jouit de cette existence heureuse dans l'amitié; et puis bientôt il reprend sa course, un jour créant ces redoutables personnages, les Chuzzlewit, les Pecksniff, un autre l'aimable mistress Peerybingle, Dot Peerybingle, l'héroïne du Cricket, et, dans le Magasin d'Antiquités, cette admirable figure de la petite Nell, dont la mort, on peut le dire, a fait pleurer toute l'Angleterre — heureux pays qui peut pleurer sur des créations imaginaires, cela le dispense de pleurer sur autre chose. — Peut-être la connaissez-vous, Messieurs, cette si touchante créature, la petite Nell, et certes, vous ne l'aurez pas oubliée.
En 1849, Dickens, au comble de la gloire, se sentant maître des sympathies de l'Angleterre, de l'Amérique, et on peut bien le dire, du inonde entier, se retourne vers ses jours enfants, ses jours adolescents, il revoit, avec une mélancolie indulgente et qui laisse place à la gaieté, cette époque qui dans toute vie, ce semble, devrait être le sourire, qui dans sa vie à lui n'a été que la souffrance, et sous des noms, dans des cadres fictifs, il retrace le tableau des épreuves qui lui ont été imposées. Dans cet admirable tableau, l'irritation n'a point trouvé de place; la paresse insouciante, l'amour du plaisir de Micawber (le père du romancier) sont touchés d'une plume pleine de mansuétude dans l'humour, et c'est cette indulgence même qui a donné à Charles Dickens le coeur de tous ses lecteurs. Comme le dit M. John Forster, à propos d'un personnage du Magasin d'Antiquités, Dick Swiveller (Life, t. I, p. 260), » les coeurs qui se tiennent résolument fermés et refusent de s'ouvrir aux victimes de la destinée en général, s'ouvrent d'eux-mêmes aux personnages qu'il a mis en scène ici. »
C'est, après Copperfield, le succès, le triomphe, la consécration suprême du nom de Dickens, qu'on peut placer le commencement de la question médicale que j'ai indiquée : l'influence de la composition intellectuelle sur le tempéra-
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UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE. 299
ment de l'écrivain; jusqu'à quel point le cerveau se prêtet-il aux efforts de la volonté de créer par l'intelligence? C'est alors qu'elle commence ou du moins qu'elle se complique, la redoutable question, car, à vrai dire, elle est née auparavant. Dickens n'est pas de ces écrivains impassibles qui s'asseoient à leur bureau et dressent le procès-verbal de leurs pensées et de leurs sentiments comme on dresse un procès-verbal d'inventaire; Dickens ne ressemble pas à l'heureux Bichardson qui disposait à son gré, et sans s'émouvoir outre mesure, de la vie ou de la mort de Clarisse ou de Clémentine. Dickens est le personnage qu'il crée ; il en éprouve toutes les émotions, et par un autre phénomène psychologique non moins étrange, il se dédouble, il voit son personnage comme un être séparé, il pleure sur lui s'il est malheureux. Ainsi ce n'est pas sans se sentir brisé qu'il a créé la petite Nell (Life, t. I, p. 261). Il écrit à M. Forster, en novembre 1840, alors qu'il est au fort de cette création immortelle : « Vous ne sauriez vous imaginer (j'écris et je parle sérieusement) combien je suis épuisé aujourd'hui de mon travail d'hier. Je me suis mis au lit dans un parfait abattement et n'en pouvant plus. Toute la nuit j'ai été poursuivi par l'enfant; et ce matin je ne me remets pas et demeure misérable. »
Quelques jours plus tard encore, il écrivait à ce même ami (Life, t. I, p. 263) : « Cette partie de l'histoire ne doit pas être menée au galop, je vous le dis. Je crois qu'elle viendra superbement (famously), mais je suis le plus misérable des misérables. Cela jette sur moi l'ombre la plus horrible, et c'est tout ce que je peux faire que d'aller. Je tremble d'approcher du lieu, bien plus que Kit, bien plus que M. Garland, bien plus que le Monsieur qui vit seul (single Gentleman). Je ne m'en remettrai de longtemps. Elle (toujours la petite Nell) me manquera comme à personne. Cela m'est si pénible que je ne puis véritablement exprimer mon chagrin. »
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300 UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE.
Sa sensibilité même ne s'arrêtait pas ici ou là ; elle allait à tous ceux qui souffrent. Parlant de ceux qui travaillent et qui peinent, il disait (Life, t. II, p. 99) : « Je voudrais que nous fussions tous, comme autrefois, dans Eden ; Je le voudrais pour ces pauvres créatures du travail et de la peine. »
Ainsi composait le grand romancier, ainsi il donnait sa vie en proie à son génie — la vie, bien peu de chose quand à ce prix il est donné de conquérir l'immense succès qui, dans les deux mondes, d'un bord de l'Atlantique à l'autre, accueillit la petite figure immortalisée dans la pureté et dans la mort.
Ainsi, je le répète, Dickens épuisait, au profit de ce monde imaginaire, son sang et ses nerfs. Et si ce n'eût été que cela encore ! Mais il donnait bientôt à la médecine et à la maladie de bien autres prises sur lui. Je ne fais pas une biographie de Dickens ; je ne le suivrai donc point ici dans la composition successive de ses ouvrages, pas plus que je ne le suivrai dans ses excursions diverses en Amérique, en Italie, en Suisse et en France. Je veux m'attacher à mon sujet et me renfermer dans des bornes étroites. Je dirai donc ceci : On comprend qu'avec un tel système de composition, imposé par le tempérament et réagissant à son tour sur le tempérament, l'existence se consume rapidement ; mais le génie aussi s'use et s'écoule vite. De la petite Nell à David Copperfield, neuf ans se sont écoulés, et loin de faiblir, l'écrivain a pris de la vigueur, il a grandi. Il a atteint alors le point qu'il ne dépassera point, il a créé son chef-d'oeuvre : Exegi monumentum. Dickens a dépassé le milieu de la vie qui lui est assignée; mais il n'a dépassé que de peu le tiers de sa carrière de romancier : il faut aller dans cette route où le public vous attend, vous provoque de ses cris impatients. A partir de cette époque, de 1850 ou 1852, Dickens éprouve quelque fatigue, quoique insensible encore pour le public, plus avide que jamais de ses ouvrages. Il faut donc produire toujours, se renouveler incessamment. Les per-
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UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE. 301
sonnages du monde imaginaire, non moins exigeants que ceux du monde réel, frappent à toute heure à sa porte, et à leur coup de marteau impérieux, il faut ouvrir, voulût-on même se reposer un jour, une heure, jouir délicieusement du ciel de l'Italie, du calme de la Suisse, de la société de Paris ou de la plage de Boulogne. Bleak House; les Temps difficiles; la Petite Dorrit; Aux Abois (Hunted down); Grandes Espérances ; Notre Ami commun, se succèdent avec rapidité, c'est une cascade de romans. On se perd dans le bruit des applaudissements qui viennent de toutes les maisons, de tous les palais, de toutes les chaumières de l'Angleterre, de l'Ecosse, de l'Irlande, des EtatsUnis, du monde entier. Puiser toujours à la source, et la trouver intarissable, toujours limpide, qui le pourrait? Pourtant, pas d'arrêt possible, pas de congé à obtenir ; le romancier, à toute heure, qu'il se réfugie au bord de la mer, chez un ami, dans sa maison de Londres ou dans sa dispendieuse retraite de Gadshill-Place, a derrière lui cet impitoyable créancier, le public; il ne demande pas d'argent, ce créancier, il en apporte, mais il demande des Olivier, des Cheeryble, des Nell, des Dorrit, des Paul Dombey, comme si cela se trouvait aussi facilement que la guinée qui le paie. Toujours le refrain : Marche, marche !
Les exigences de la vie redoublent; la famille est venue, nombreuse, et à laquelle il faudra pourvoir. Or, voilà qu'à la composition de ses ouvrages Dickens ajoute la composition et la direction d'un journal, d'un journal politique d'abord, le Daily Neivs, mais il s'en retire vite, puis d'un journal littéraire, le Household Words; il s'impose les soins, les embarras, les soucis toujours renaissants qui résultent d'une telle entreprise. Enfin voilà qu'à un jour donné, après des tiraillements prolongés, les troubles domestiques (nécessairement accompagnés de troubles pécuniaires) viennent s'ajouter aux nécessités de l'existence. L'instrument de la création intellectuelle se lasse et parfois se ré-
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302 UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE.
volte : le romancier reste des matins en face de son papier blanc sans rien trouver. Il s'interroge, sans s'inquiéter positivement; il a de plus en plus conscience de cette fatigue de sa pensée : il sent qu'il faut chercher ailleurs la mine d'or qu'il est exposé à ne plus trouver un jour dans la caisse de Bradbury et Evans.
Le hasard en quelque sorte l'avait mis sur la trace de la découverte. Un jour, étant à Birmingham, dans l'intérêt d'une oeuvre publique qu'il tenait à faire réussir — Dickens mettait volontiers son éloquente parole au service de ces oeuvres sociales, institutions ouvrières, fondations d'hospices, écoles publiques — un jour il avait promis de lire en public son Christmas Carol et son Grillon du Foyer. Il avait tenu parole : le 27 décembre 1853, il avait lu le premier de ces ouvrages; le 29 décembre, le second. Le succès avait été très-grand, et le romancier, par suite de cette double lecture, avait pu verser dix à douze mille francs dans la caisse de l'Institut qu'il s'agissait de fonder.
Ce fut une révélation pour le lecteur. Il savait désormais qu'il avait sa mine d'or et qu'il y puiserait quand il le voudrait. Bévélation fatale, nous pouvons l'affirmer aujourd'hui, car les lectures ont tué le grand romancier.
Beaucoup de villes, beaucoup d'instituts d'ouvriers ou autres sollicitent son concours, et de 1853 à 1858, Dickens donne un assez grand nombre de lectures très-productives, mais désintéressées pour lui-même. C'est en 1858 seulement qu'il entre dans cette carrière des lectures payées, que va saluer un immense et unanime applaudissement, que va inonder une pluie de guinées telle que jamais écrivain auparavant n'en avait pu concevoir l'idée, non pas certes Fielding ou Smollett, à peine l'auteur de Waverley et de l'Antiquaire, un demi-siècle auparavant. Dickens était un lecteur si puissant, si savant à saisir la note, à trouver l'effet, que souvent, dans ces vastes auditoires qui l'entouraient, on vit, sous le coup de l'émotion, s'évanouir des femmes.
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Les objections pourtant ne manquèrent pas à Dickens. Elles ne lui furent pas ménagées par ses amis, inquiets de l'imprudence avec laquelle il compromettait, par ces exhibitions publiques, son succès littéraire encore intact. Il fut sourd aux objections, il n'entendait que la voix irrésistible qui le poussait dans cette carrière nouvelle, fatigante et attrayante.
Popularité unique, popularité en présence et en personne, où se réunit comme en un lit commun, en un large courant, la double popularité de l'écrivain de génie et du puissant acteur.
Cette popularité de très-bon aloi, accueillie avec cordialité par lord John Russell, alla jusqu'au palais de Windsor. La reine Victoria avait beaucoup désiré entendre Dickens lire le Carol, mais elle n'avait pu satisfaire ce peu ambitieux désir — les rois souvent ne peuvent se donner ce qui s'offre aux simples mortels (1).
Donc Charles Dickens va paraître sur la plate-forme. Les objections pourtant étaient fondées, les amis avaient raison, et encore n'avaient-ils pas pressenti sans doute toute l'étendue du mal que le populaire lecteur allait se faire sur ces plate-formes encombrées, dans cette atmosphère de passion provoquée et répercutée. Ils purent le pressentir pourtant. Ils savaient d'avance ce que nous savons maintenant pour l'avoir appris du biographe ami. Ils connaissaient chez leur ami certaines dispositions morbides ; ils se rappelaient qu'en 1849 déjà, étant pour se refaire et com(1)
com(1) reine, qui avait un goût très-vif pour Dickens, acheta à la vente de Thackeray ce Carol qu'elle n'avait pu entendre lire, l'exemplaire même qui avait été offert par l'auteur de Copperfield à Fauteur du Vanity Fair. Il lui fut chaudement disputé, car elle le paya 23 1. 10 sh. (637 fr. 50 c). Le prix originaire était de 5 shillings. Tout dernièrement, c'est VEvening Standard qui nous l'apprend, le manuscrit du Christmas Carol, dans une vente d'autographes à Londres, a atteint 55 1. (1375 fr.).
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poser ses esprits, à Bonchurch, sur les bords de la mer, il avait éprouvé une absolue prostration de mauvais augure, assoupi le jour, sans sommeil la nuit, incapable de lire un instant, accablé d'une toux profonde et continuelle. Autres symptômes morbides. De tout temps il a eu un besoin maladif du mouvement des rues de Londres; il faut qu'il se promène longuement au soir dans ces rues animées, bruyantes, où règne comme une tempête d'activité. C'est dans le tumulte des voitures, des piétons affairés qui s'agitent, se poussent, se cherchent ou se fuient, qu'il voit — de seconde vue — ses personnages, qu'il trouve le mot décisif d'une situation. Quant il était à Gênes, à Lausanne, ce mouvement des rues de Londres lui manquait par-dessus toutes choses : le mouvement même de son imagination en était ralenti. Que dire encore du besoin de locomotion violente qu'éprouvait Dickens? Jusqu'au coeur de l'hiver, il fallait qu'il fît d'immenses courses sous la pluie, dans la neige. Il y a là, ce me semble, et je ne crois pas être démenti par nos savants collègues les médecins, un symptôme morbide chez le romancier, une marque d'inquiétude nerveuse — restlessness, comme ils disent si bien de l'autre côté de la Manche. Il lui fallait d'ailleurs autour de lui des chiens, des corbeaux (il a immortalisé l'un de ceux-ci dans Barneby Rudge).
Comparez cela, si vous voulez, au tempérament bien équilibré de sir Walter Scott, qui, sans qu'il y paraisse, et sans que s'en doutent les hôtes d'Abbotsford, écrit au matin ses romans, puis, la serpette en main, va d'un pas négligent ébrancher les jeunes arbres de ses plantations, pêcher le saumon ou chasser avec ses amis.
C'est avec ces dispositions peu rassurantes dans une constitution d'ailleurs robuste, que Dickens va affronter la redoutable carrière des lectures publiques. Il est condamné d'avance; il a porté, il a écrit sa condamnation. Lisons les lignes de l'arrêt. Il contient une éloquente leçon, surtout si
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nous le rapprochons des enseignements du passé.
Dickens, dans ces douze fiévreuses années qui vont de 1858 à 1870, a donné quatre séries de lectures. La première série alla du 22 avril 1858 au 27 octobre 1859, et elle embrasse, avec Londres et les principales villes d'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande. Vie de fatigue et d'épuisement pour celui qui s'y livre. Un jour il est dans une ville, le lendemain dans une autre, à cent milles, à cent cinquante milles de là. Aujourd'hui à Belfast, demain à Dublin, à Manchester, à Leeds, et dans chaque ville, il faut renvoyer des centaines et des centaines de personnes ardentes de sympathie, avides d'entendre, d'applaudir le puissant lecteur, de lui donner un signe de reconnaissance et d'affection — car pour tous il est un ami, un bienfaiteur, pour tous il n'a eu que des enseignements excellents : sa voix est celle du foyer, de la paix.
Partout le succès est très-grand, très-excitant : « A Aberdeen, dit-il lui-même dans une lettre, nous eûmes un auditoire débordant jusque dans la rue deux fois dans un jour. A Perth (où en arrivant je croyais n'avoir personne) les gens de qualité (gentlefolk) vinrent en poste de trente milles à la ronde, et la ville entière venant à son tour, remplit une immense salle. Auditoire aussi prompt à saisir, aussi plein de feu et d'enthousiasme que tout ce que j'ai jamais vu. A Glasgow, où je lus trois soirées et une matinée, nous avons encaissé l'énorme, la prodigieuse somme de 600 livres (15,000 francs). Quant à l'effet, j'aurais voulu que vous en fussiez témoin après la mort de Lilian dans les Carillons, ou quand Scrooge s'éveille dans le Carol et parle au jeune garçon sous la fenêtre. Et hier à la fin de Dombey, dans l'après-midi, sous la froide lumière du jour, après une courte pause, tous ils se levèrent en pieds, les gens de condition et les simples gens; ils éclatèrent en un bruit de tonnerre, et agitèrent leurs chapeaux avec une si étonnante cordialité et affection, que, pour la première fois
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dans ma carrière publique, je fus enlevé tout à fait et ne tins plus absolument sur mes jambes ; je vis mes dix-huit cents auditeurs rouler d'un seul côté comme si un choc du dehors eût ébranlé la salle. Malgré tout, je dois vous l'avouer, je désire fort arriverai! terme de mes lectures, et me retrouver chez moi, pouvant m'asseoir et penser dans mon cabinet. »
De telles scènes, cela décuple, centuple la vie, mais cela l'use aussi, car on vit des mois et des années en un pareil moment. — Et vous me permettrez d'ajouter : Voilà comment comprennent, comment sentent, comment applaudissent ces froides populations du Nord, dont, à un moment donné, sortent un Shakspeare, un Fielding, un Dickens, un Fox et un Burke !
Dès cette époque, des offres tentantes vinrent à Dickens de l'Amérique, puis un peu plus tard, de l'Australie. On lui offrait 250,000 francs, s'il voulait passer huit mois dans ce dernier pays. Ces offres, il les refusa toutes deux, il roulait dans sa pensée quelques grandes oeuvres encore, et il voulait se réserver le temps et la liberté de les accomplir : le Récit de deux Cités, Grandes Espérances, Notre Ami commun, allaient éclore sous cette plume merveilleusement féconde, merveilleusement sympathique.
Il va de ses livres à ses lectures, de ses amis du coin du feu à ses amis des vastes salles, des immenses auditoires.
Il allait commencer la troisième série de ses lectures. Il s'était accordé un petit congé en France, et il revenait plein de son ardeur accoutumée, prêt pour de nouveaux emplois de sa force et de sa volonté, quand au retour, c'était le 9 juin 1865 (anniversaire auquel cinq ans après répondit un anniversaire plus triste), il se trouva dans le terrible accident de Staplehurst. Ce fut pour lui l'occasion, sinon l'origine, de souffrances nerveuses redoublées. Déjà avant cette date, il avait contracté une claudication du pied gauche, accompagnée de douleurs intenses.
Malheureusement les médecins se méprirent sur la na-
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ture de ce mal, qui était surtout symptomatique ; ils le crurent exclusivement local, et ne comprirent pas qu'il se liait à l'état général provenant de cette fatigue nerveuse permanente que Dickens, malgré les conseils redoublés de l'âge survenant (il passait la cinquantaine) avait persisté à s'imposer. Déjà la paralysie était à prévoir.
Dans lé cours de sa troisième série de lectures, des symptômes assez clairs en ce sens se manifestent. Il écrit de Birmingham, après un grand succès devant un auditoire de 2,100 personnes (Life, t. V, p. 313) : « J'ai une douleur si violente au globe de l'oeil gauche qu'il m'est difficile de rien faire, ayant été cahoté l'espace de cent milles depuis le déjeuner. Mon rhume ne va pas mieux, ni ma main. » Le pied gauche, l'oeil gauche, la main gauche endoloris, le côté gauche du coeur plus faible ou plus irritable, cela en disait assez long.
Il est évident que la science devait dire au téméraire lecteur et voyageur : La mort à court terme est au bout de cette existence surmenée.
Dickens (cela est plus sûr encore) aurait dû se le dire à lui-même, car, symptôme remarquable et qui tenait à un état aggravé, plus s'éloignait l'accident de chemin de fer, plus il en ressentait l'effet dans l'agitation de ses nerfs.
On devait lui dire, ou il devait se dire : Assez ! Il n'entendit pas ce mot, il ne se le dit pas à lui-même. Une force fatale le poussait. Go ahead ! Marche, marche!
Il était sous le coup d'une attaque du mal sur son pied, la plus violente qu'il eût éprouvée encore, il luttait contre des tortures indescriptibles, à l'heure même où, sur des offres nouvelles, toujours plus tentantes, il se résolut au voyage d'Amérique.
Donc, avec un courage nouveau et qui va à la témérité, il traverse l'Atlantique. Ce voyage sera son plus grand triomphe, mais ce sera aussi un pas de plus vers la mort, un pas décisif. A l'arrivée, il était salué par une acclama-
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tion immense, résonnante, comme ces grands souffles qui passent parfois sur les savanes et inclinent les hautes herbes des prairies. Dans ce choeur prodigieux, j'aime à entendre se mêler la voix du grand poète Longfellow. Evangéline saluant la petite Nell, c'est touchant.
La première lecture eut lieu à Boston le 2 décembre 1867. Le succès se déclara immédiatement, et dépassa même les plus hautes espérances que Dickens avait pu concevoir. Mais immédiatement aussi, il put se dire que l'épreuve qu'il était venu affronter serait plus pénible et aurait un effet plus redoutable qu'il ne l'avait cru sur sa constitution déjà affaiblie. Dès les premiers jours, il comprit qu'il aurait à compter avec la rigueur de l'hiver, et surtout avec les brusques changements de température d'un jour à l'autre qui sont si désastreux.
A New-York, succès encore plus prodigieux qu'à Boston. Sous cette température glacée de décembre, les acheteurs, dès deux heures du matin, commencent à arriver à la porte du bureau de vente des billets et se rangent à la file dans la rue; à cinq heures, il y a déjà deux lignes de 800 personnes chacune, d'Américains de toute condition ; à huit heures, plus de 5,000 personnes ; à neuf heures, chaque ligne de l'interminable file avait plus de trois quarts de mille de longueur.
Dès le 15 décembre, Dickens envoyait, en Angleterre, 75,000 francs : c'était le produit de cinq ou six lectures.
Dans la chaleur de la réception qui lui était faite, le grand romancier oubliait la fatigue à subir et dressait une longue liste des villes à satisfaire : dans la Nouvelle-Angleterre, entre Boston et New-York, Philadelphie; au Sud, Baltimore et Washington ; à l'Ouest, Cincinnati, Piltsburg, Chicago et Saint-Louis; vers le Niagara, Cleveland et Buffalo. Bientôt les pénalités commencent, sévères, menaçantes. Dès le 23 décembre, le voyageur a pris froid, il est en proie à la maladie ; un rhume ou catharre oppressif le
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tient et ne le lâchera plus; l'action du coeur est faible, et cette faiblesse lui est fort pénible : après la lecture, il faut le déposer sur un lit, sans force et dans un état de complète dépression. Chaque jour, cependant, il se relève, et pour ce seul instant de la lecture, il retrouve une voix et des forces qui l'abandonnent après : merveilleux effet de la volonté, bien digne d'observation pour la science.
A distance, spectateurs tranquilles, nous ne verrions volontiers que ces deux heures éclatantes du soir. Mais il ne faut pas oublier qu'entre presque toutes ces soirées se place un long et pénible voyage, accompli dans quelles conditions déplorables, nous le savons par les lettres du puissant et indomptable lecteur. II écrit à sa fille dont il a reçu une lettre (26 décembre 1867)) : a J'avais bien besoin d'une lettre de vous, car j'ai eu un froid horrible (les froids de l'Angleterre ne sont rien comparés à ceux de ce pays), et j'ai été trèsmisérable. C'est un mauvais pays que celui-ci, pour y voyager et y être malade. Vous êtes avec une centaine de personnes dans une voiture chauffée, au centre de laquelle est un grand poêle, toutes les petites fenêtres fermées, le cahotement indescriptible, l'atmosphère détestable, le simple mouvement ordinaire presque insupportable. »
Le lendemain il ajoutait ces lignes à sa lettre : « J'ai pris sur moi de lire hier soir ; mais c'est tout ce que j'ai pu faire. Aujourd'hui je suis si malade que j'ai envoyé chercher un médecin. 11 me quitte et doute fort si je ne serai pas obligé d'interrompre mes lectures pendant quelque temps. »
Il ne les interrompit pas pourtant, le courageux romancier, allant, à travers d'incroyables souffrances, de Philadelphie à Baltimore, de Baltimore à Washington, visitant le président Johnson dans son cabinet, revenant dans le Nord, visitant les frontières canadiennes, enveloppé dans des tempêtes de neige, en détresse dans de vastes étendues de pays inondé, emporté par des trains qui marchent lentement dans l'eau, ne voyant à l'horizon que fermes noyées,
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granges flottant à la dérive, villages abandonnés, ponts rompus, et toutes sortes de ruines.
Mais n'importe. Il arrive toujours à l'heure dite : le gaz est allumé, son fauteuil est prêt sur la plate-forme dressée, l'auditoire l'écoute avant qu'il ait parlé, il lit Copperfield, la mort de Paul Dombey, Sickles et Nancy, les Carillons, le Grillon. Il souffre cruellement de son pied, il boite, il ne mange point, il dort inoins encore et seulement à force de laudanum ; mais par un suprême effort, il retrouve toujours la force nécessaire à ses deux heures de lecture.
Enfin, le 18 avril, New-York lui donnait son dîner public d'adieu, et dans la première semaine de mai 1868, il était en Angleterre.
Certes, jamais écrivain n'a mieux conquis le droit de se reposer. Cependant, à peine a-t-il mis le pied sur le sol anglais, que déjà il arrange le plan de nouvelles lectures, lectures d'adieu cette fois. Il devait recevoir 200,000 francs pour cent lectures, et alors il aurait touché en deux ans 33,000 livres (825,000 francs). L'Amérique seule, en quatre mois et demi, lui avait donné 500,000 francs. Il pouvait désormais pourvoir à l'avenir de ses nombreux enfants.
Mais ce voyage si fructueux d'Amérique avait pris beaucoup sur le fond de santé qui pouvait lui rester. L'oeil perspicace de ses amis ne s'y trompa point; il avait manifestement perdu de sa force, il avait dans sa démarche moins d'élasticité nerveuse, ses yeux avaient parfois moins de leur éclat accoutumé. Un jour, dans les rues de Londres, allant dîner chez M. Forster, un trouble visuel lui survint, il ne distinguait plus que la moitié — la moitié à droite — des lettres formant le nom des marchands au-dessus des boutiques. De plus, en Amérique, son pied droit s'était pris après le gauche.
La paralysie avançait.
Tout cela cependant disparaissait chez lui quand il fallait
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UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE. 311
agir. C'était un danger de plus, car cette force retrouvée au besoin et tout à coup lui faisait oublier le péril latent.
En octobre 1868, malgré tous les avertissements internes, il commence sa dernière série de lectures, et il y va de grand coeur toujours. Mais bientôt ses médecins, sir Henry Thompson et M. Carr Beard, sont obligés de l'arrêter à la veille du départ pour Edimbourg. Deux ou trois jours de repos lui rendent quelque force, et il part pour l'Ecosse. A Edimbourg, il consulte la grande autorité médicale, M. Syme, qui déclare que la douleur du pied est purement locale, et s'indigne contre sir Henry qui a parlé de la goutte. Que ne puis-je mettre cette scène sous vos yeux et vous faire entendre le dialogue échangé. Mais ce dialogue qui a toute sa valeur, relevé par le dialecte écossais que parle le grand médecin, perdrait toute sa physionomie, traduit en français ; car, de l'imiter en patoisant, il n'y faut pas songer, ce serait de la rusticité inacceptable : cela aurait un air de caricature.
Il lit à Edimbourg, à Preston, un peu partout. Il est brisé, mais il va toujours « blessé, mais vivant, » suivant une devise que j'ai lue bien des fois sur des lettres amies. A Chester, il se sent si fort atteint, que M. Beard, sur les symptômes qu'il lui a mandés, accourt, arrête le cours des lectures, et ramène d'autorité son patient à Londres.
M. Carr Beard, à Londres, appelle en consultation sir Thomas Watson, et cette fois les deux autorités scientifiques prenant en considération les étourdissements qui fatiguent le malade, la tendance qu'il éprouve à se porter en arrière et à tourner sur lui-même, les mouvements involontaires qu'il fait, la difficulté qu'il remarque et qu'il a, en effet, de diriger sa main vers le point précis où est un objet sur une table, et surtout d'élever ses bras vers sa tête, le coeur battant un peu trop fort, les mots qui échappent parfois à sa mémoire ou se présentent mal à propos et dans un sens qui n'est pas le leur, les deux médecins, cette fois, n'hésitent
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pas à prononcer le mot de paralysie menaçante, et même d'apoplexie. Ils durent interdire formellement les lectures qui avaient déjà fait tant de mal et qui faisaient présager un dénoûment fatal.
C'était vers le 23 avril 1869. Sir Thomas, en écrivant ces détails à M. Forster, ne se rappelait pas exactement la date.
En octobre, Dickens, sur qui pesaient comme un chagrin, presque comme un remords, les engagements qu'il n'avait pu remplir, s'adresse à sir Thomas Watson, lui demandant de lever l'interdiction qu'il a prononcée six mois auparavant; et sir Thomas, quoique à regret, autorise une douzaine de lectures, en recommandant de grandes précautions, en interdisant sur toutes choses les voyages en chemin de fer. Il ajoute cette sage parole, que les médecins disent quelquefois, mais que les malades ne méditent pas assez : « Il se peut, dit le savant à Dickens, que vous nous ayez crus trop absolus quand, au mois d'avril, nous vous avons prescrit le repos du corps et celui de l'esprit; écoutez cette remarque qui se rencontre quelque part, dans un des voyages du capitaine Cook. Les mesures préventives sont toujours mal venues, car lorsqu'elles ont plein succès, on croit toujours qu'elles n'étaient pas nécessaires. »
Ces lectures d'ailleurs durent être différées jusqu'aux premiers mois de 1870. Dans l'intervalle, Dickens, dans sa belle maison de Gadshill, jouit de la société de ses amis, il reçoit le poète Longfellow, il écrit son roman A'Edwin Drood, un livre qui devait rester inachevé. Il lit à ses amis des chapitres de ce dernier roman, où il reste lui-même et met la marque de son génie.
Cependant il souffrait toujours du pied gauche, de la main gauche ; le toucher et la marche demeuraient incertains; à ces symptômes enfin s'était jointe une antipathie insurmontable pour tout voyage en chemin de fer : les effets nerveux de l'accident de 1865 avaient été toujours en se développant.
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UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE. 313
Quoi qu'il en fût, le mois de janvier arrivé (1870), il résolut de dégager sa parole en donnant les douze lectures promises.
Elles eurent lieu en effet dans Saint-James'Hall. Mémorables soirées, fatales soirées, où devant un auditoire aussi nombreux que sympathique, le lecteur dut faire des efforts considérables de voix, d'intelligence et de passion.
Le sens du danger encouru, sans se manifester autrement, se révéla pourtant par la présence jugée nécessaire de M. Beard, le médecin ami, qui a constaté en quelque sorte, minute par minute, les effets physiologiques de cet effort violent. On a les notes de M. Beard à ce sujet, et c'est ici que la question médicale se dégage avec une clarté redoutable. Vous savez tous que le pouls à l'état normal, chez l'adulte, donne 60 à 70 pulsations par minute. Les émotions, les efforts, la tension physique, sans parler de la maladie, le modifient dans des proportions plus ou moins sensibles. Le pouls ordinaire, chez Dickens, donnait 72 pulsations; dès la première soirée (Copperfield) il était à 96 ; après la seconde (le Docteur Marigold) il montait à 99 ; le vendredi 21 janvier (Sikes et Nancy) il monta de 80 à 112, et le 1er février (seconde lecture de ce même épisode d'Olivier Iwist) ce pouls fébrile alla jusqu'à 118, puis, dans d'autres lectures de ces mêmes scènes, à 120 et 124. Durant les six dernières lectures, le pouls du lecteur entrant dans la salle passait plus d'une fois cent pulsations, jamais inférieur à 84; et ce qui montre jusqu'à l'évidence l'état de fièvre et de malaise toujours croissant, le dernier soir, quand il entra dans la salle, son pouls, qui était à 108 tout d'abord, n'avait que deux pulsations de plus après la lecture (Christmas Carol, suivi du Procès de Pickwick).
Pour vous donner quelque idée de l'état fiévreux et nerveux où devait se trouver le grand lecteur en ces soirées triomphantes et meurtrières, je ferai un rapprochement. Vous avez tous entendu parler du capitaine Boyton, ce cou-
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rageux Américain qui a fait, dans la mer ou dans les fleuves, plusieurs traversées périlleuses, ou tout au moins pénibles, pour expérimenter un appareil destiné à sauver les naufragés des dangers de la submersion. Le 1er juin dernier, le capitaine Boyton se mettait à la mer au cap Gris-Nez en Bretagne, et revêtu de son appareil, traversait la Manche jusqu'à Folkstone, qui fait partie de la côte du Kent, très-agitée, trèsdangereuse. Après cette traversée de France en Angleterre, par une mer de tourmente et sous l'orage, après être resté dans les flots ou sous les flots depuis quatre heures et demie de l'après-midi jusqu'à deux heures trente-huit minutes du matin, heure où il abordait à Folkstone, aux acclamations de dix mille personnes, son pouls donnait 71 pulsations. Soixante-et-onze pulsations après un effort physique considérable et prolongé, et sans doute accompagné de quelque émotion morale, ne fût-ce que celle que peut faire naître l'attente du succès ou de l'insuccès quand la foule vous suit des yeux. Jugez, par comparaison, de l'état fébrile où devait être arrivé le romancier passant en quelques minutes de 71, puis bientôt de 84 pulsations à 124 !
Telles furent les observations du médecin attentif, assidu près du lecteur. Hélas! sur cette plate-forme de la salle Saint-James, à côté de l'homme de science était assis un autre spectateur, un assistant sévère, invisible à la foule, mais que le médecin dut apercevoir souvent, que Dickens lui-même dut entrevoir par instants : pendant que M. Beard comptait les secondes, il comptait les heures, lui, ce surveillant redoutable : c'est la mort que je veux dire. — On remarqua que, durant ces douze lectures finales, il y avait dans le son de voix et dans toute la manière d'être du grand romancier comme une calme tristesse d'adieu.
Quand il quitta cette salle, trois mois seulement le séparaient de sa fin, et pas un jour de ces trois mois ne se passa sans qu'on remarquât quelque effet de l'excitation désastreuse révélée par les notes de M. Beard.
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Le 30 mai, Dickens était rentré dans la paix de son Gadshill, voulant donner tous ses instants à son roman à'Edwin Drood, et le 9 juin, M. Forster, son ami, qui allait être son biographe, recevait un télégramme annonçant la mort du grand romancier. La veille, le 8 juin au soir, en se mettant à table, il avait été frappé, il était tombé sans voix et sans mouvement dans les bras de sa belle-soeur, la dévouée miss Hogarth (depuis 1857 sa femme n'était plus près de lui, une séparation étant intervenue). Au bout de quelques heures, il était mort. Cette plume éloquente était brisée, cette voix puissante était éteinte.
Messieurs, le pouls des hommes de lettres de notre temps, poètes et romanciers, bat trop fort et trop fréquemment. Ainsi ne battait pas le pouls de Racine à Phèdre et à Andromaque, le pouls de Corneille à Cinna, de Molière au Misanthrope. Le pouls de Voltaire à Irène bat trop fort, mais le triomphateur à 84 ans n'a plus à ménager le trésor de ses jours épuisés par tant de travaux. Il ne bat pas trop fort le pouls de Milton composant le Paradis perdu. Et le calme Shakspeare, qui jette à la foule presque comme des choses indifférentes, ses Hamlet, ses Roméo, ses Macbeth et ses Jules César, et qui, retiré à Stratford-sur-Avon, ne recueille pas même ses immortels drames ! Et Pope à Twickenham, et Scott à Abbotsford. Leur pouls est tranquille. A notre temps, si avide d'excitants, il était réservé de créer ces vies diversement'fougueuses de Balzac en France, de Dickens en Angleterre, de faire de la fièvre un élément de succès, du sang surchauffé une condition du triomphe, d'introduire l'hypertrophie du coeur, la paralysie prématurée, le ramollissement du cerveau, les souffrances nerveuses, intenses, dans le cabinet des hommes de lettres.
Vous le voyez, Messieurs, victimes, toujours victimes. Johnson va vendre, moyennant vingt livres, le Ministre, de Wakefield pour tirer de prison l'auteur du délicieux chefd'oeuvre ; Dickens meurt laissant deux millions de fortune,
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316 UN PEU DE MÉDECINE A PROPOS DE LITTÉRATURE.
mais enseveli sous les guinées ; André Chénier meurt à trente et un ans sur un injuste échafaud, inconnu et ne soupçonnant pas l'avenir de sa gloire. Victimes, toujours victimes !
Il est beau du moins d'avoir consolé et charmé des milliers d'êtres humains, d'avoir fait battre, comme Dickens, des milliers de coeurs pour le beau et pour le bien.
Troyes, le 18 juin 1875.
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LA JUREE
DE BAR-SUR-SEINE
ET
DES VILLAGES QUI EN DÉPENDENT
EN 1339
PAR
M. L'ABBÉ CHARLES LALORE
Professeur de Théologie au Grand-Séminaire de Troyes Membre résidant.
Nous signalerons aux historiens futurs de la ville de Barsur-Seine et de ses environs un document qui se trouve à la Bibliothèque nationale, latin. 10,400, fol. 44, r°; il est intitulé :
C'est la jurée de la vile de Bar-seur-Seinnez et des villez appartenons à y celle de l'an mil cccxxxix, faite par Oudart de Foissy et Jehan de la Fer té, bourg ois de Troyes, appelé avec eux le maire et les eschevins d'illec.
Pour montrer l'utilité de ce document, nous rappellerons d'abord ce qu'était le droit de jurée. L'article II de la Coutume de Troyes établit que les non-nobles se divisaient en deux classes « les franches personnes et celles qui étaient » de serve condition... les franches personnes appelées » bourgeois du Roy, lui sont redevables de la jurée... et
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318 LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE.
» sont ses justiciables ordinairement, en tous cas person» nels, criminels et civils... et peuvent librement eux ma» tïer et faire tous faits légitimes, comme franches per» sonnes... » Par le moyen de la jurée, les roturiers étaient faits et rendus bourgeois du roi, et par là même tirés de la justice de leurs seigneurs particuliers et subalternes pour être placés en la justice du seigneur supérieur.
Le droit de jurée qui conférait le droit de bourgeoisie était une sorte d'impôt sur la propriété. La jurée (ou impôt de quotité remplaçant la taille) était proportionnelle au capital; elle consistait en 6 deniers pour livre, c'est-à-dire en un quarantième du capital mobilier; et en 2 deniers pour livre, ou en un cent vingtième du capital immobilier. Dans le capital mobilier, on ne comprenait ni les armes, ni les vêtements, ni les meubles meublants à l'usage du contribuable. Le droit de jurée fut ainsi désigné parce que ceux qui se rendaient justiciables et bourgeois du roi affirmaient par jurement la valeur de leurs biens, jurement qui était renouvelé tous les ans, parce que la valeur des biens pouvant augmenter ou diminuer, conséquemment le droit de jurée variait en proportion. Tel est le sentiment de Pasquier (1), de Pithou (2), de Brussel (3), de Ragueau (4) et de Le Grand (5).
Le document en question présente le recensement des familles qui, à Bar-sur-Seine et dans le villois, avaient obtenu le droit de franchise ou de bourgeoisie par le moyen de la jurée : 533 personnes figurent dans le rôle de la jurée avec leurs prénoms, et leurs surnoms qui sont encore actuellement des noms de famille; 289 personnes appartiennent à la ville de Bar-sur-Seine et 244 au villois.
(1) Recherches sur la France, 1. IV, ch. vu.
(2) Sur l'art. II de la Coutume de Troyes.
(3) De l'usage des Fiefs, t. II, p. 921.
(4) Indice des droits royaux, V. Bourgeois.
(5) Sur l'art. II de la Coutume de Troyes, p. 10, édit. 1715.
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LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE. 319
La plupart du temps, le rôle de la jurée indique la profession des personnes imposées : li aisenlers, li barbiers, li bergies, li bourciers, li bouvers, li bouilleroz, li charbonnier, li charpanthiers, li charretons, li chauciez, li cousturiers, l'escrivain, li estuler, li fevres, li forestier, li fourniers, li huchier, li masson, li megeitiers, li merciers, limenestriers, li miniers, li ostelaues, li parcheminers, li peeschiers, li peletiers, li penelierz, li perriers, li potiers, li pourpointier, li recouvrers, li relierres, li royers, li sarruriers, li savetiers, li tannerres, li tisserant, li tonderres, li vachiers.
Enfin le rôle de la jurée fournit l'estimation officielle de la fortune de ces mêmes personnes en 1339. Mais, pour comprendre cette partie importante de notre texte, il faut se rappeler ce que nous avons dit plus haut du droit de jurée, et ensuite recourir aux tables de Leber (1) pour connaître la valeur de la monnaie en 1339.
Le droit de jurée produit :
« Somme toute de la ville de Bar.... XLV 1. xIII s.
» Somme toute dou villois xxvII 1. vI s.
» Somme toute de Bar et dou villois.. LXXII I. xIx s.
Les personnes qui paient la jurée à Bar-sur-Seine sont divisées en huit sections correspondant aux huit rues de la ville.
1°. Dans « la rue Courbevaux » 38 personnes sont portées au rôle. Les plus haut imposés sont : « Pierre Thobes, xxs. — Colas de Vaissey, x s... Somme mi 1. xv s. »
2°. Dans « la rue dou viez marchie » 48 personnes sont portées au rôle. Cette rue est la plus riche, les plus haut imposés sont : « Miloz fils au Griois, xII 1. — Relicta Jaquot Potaige, un 1. — Jehans Boudreville, x s... Somme Ix 1. III s. »
(1) Essai sur l'appréciation de la fortune privée au Moyen-Age, Paris, 1847.
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320 LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE.
3°. Dans « la rue Guion » 24 personnes sont portées au rôle. Le plus haut imposé est « Andriel le Patas, xv s... Somme L s. »
4°. Dans « la rue de Merrey « 40 personnes sont portées au rôle. Les plus haut imposés sont : « Gilon li Aloas, XVIII s. — Lambert Dridiers, bouchiers, xv s... Somme vu 1. vI s.
5°. Dans « la rue des Fouces » 38 personnes sont portées au rôle. Les plus haut imposés sont : « Hagnes Jehans, bouchiers, xxv s. — Guillaumes Crousoz, xx s... Somme vi 1. xv s. »
6°. Dans « la grant rue » 24 personnes sont portées au rôle. Le plus haut imposé est « li Rebours, bouchiers, xx s... Somme mi 1. 5 s. »
7°. Dans « la rue dou Pont » 28 personnes sont portées au rôle. Le plus haut imposé est : « Coustan, de Bussières, charpentiers, vI s. »
8°. Dans « la rue de la Trinité » 69 personnes sont portées au rôle. La plus haut imposée est : « Relicta Régnier Raaclot, xxv s... Somme Ix 1. xII d. »
Nous donnerons intégralement le texte du rôle de Barsur-Seine.
1. — La Rue Courbevaux.
Floriote, xII d. La Massone, II s. Relicta Brisebarre, xII d. Relicta Jaquot Oysel, II s. Relicta au Bailli, cum filia, III s. Baudins li menestriers, xII d. Jaquins de Baudrimant, pauper. Relicta Jehan le forestier, II s. Winoz li bergoins, xII d. Lièvres diz de Fox, xII d.
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LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE. 321.
Estienne dou Four, xII d. Ythiers ly royers, IIII s. Colas de Vaissey, x s. Relicta Ourriot le tisserant, vIII s. Relicta Pierre de Commissy, III s. Jehans filz, com la Lechaz, fuit. Hannequins sergenz, xII d. Pierre Thobes, xx s. Saugier li fevres, III s.
Huguenin le charreton, xII d. Perrinoz fils Ferriol, xII d. Jehannote fille sire Humbert de Virey, II s. Bourgeoise femme au chastelain, v s. Humberz li suerres, xII d. Jaquinoz filz à la Baillie, II s. Martinoz frère Renouart, xII d. Jehanz fils Cretiennot, II s. Perrinoz li joignetaz, xII d. Perrinz li royers, pour sa femme, II s. Aubrioz li fourniers, xII d. Huguenin, jadis chartons Colas de Vaisse, xII d. Morelz li recouvrers, xII d. Thevenins filz Gaste-Pot, xII d. Bertrans li suerres, xII . Guioz li bergoins, II s. Li filz Brisebarre, II s. Jehannot fils la Hallée, xII d. Renaudins li poùrpointier, xII d. Somme IIII 1. xv s.
2. — La Rue dou Viez Marchie.
Nicolas Benedicite, II s. Jehans Maalece, IIII s. Jehans li tronnez, III s.
T. XL. 21
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322 LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE.
Richardez li charretons, xI d.
Gauthiers genres à la Loat, v s.
Oudins li relierres, xII d.
Jehans genres Roubelot dit Thuby, xII d.
Jehans Michiclz, xII d.
Jehans de Merrey, xvIII d.
Jehans de Bellenou, vI s.
JirarsThubis, XI d.
Maistre Jehan Margoulez, xII d.
Li Loup genre-Godart, xII d.
Relicta Jehan la Lobe, xII d.
La fille Gaste-Pot, xII d.
Relicta Guillaume Vosaille, xII d.
Guillaume li Jais, XII d.
Relicta Gauthier Luluer, xII d.
Coloz li savetois, xII d.
Milons li bergies, xII d.
Perrinoz de Chacenay, xII d.
Giras fils Colin Billart, II s.
Demoingez de Poulaingy, xII d.
Li Croutas, xII d.
Perrinoz li priers, xII d.
Jehans Boudreville, x s.
Garniers genre Felisé, II s.
Relicta Ponisot de Saguenne, xII d.
Hugucnins genre Thuby, IIII s.
Amielz la Piace, II s.
Girars de Busseu charpantiers, xII d.
Oudinoz li pochelaz, xII d.
Druins li merciers, II s.
Relicta Jehan Michouart, xII d.
Relicta Colas Maloiche, III s.
Joffroy la Vieille, II s.
Guillaumes d'Apremont, xII d.
Jehans li potiers, xII d.
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LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE. 323
Guillaumes filz Felise, III s. Li Bornez lils Vosaille, xII d. Àndriel Carnovocc, II s. Martins Margoulez, xII d. Jehans d'Avirey, xII d. Miloz fils au Griois, xII 1. Relicta Jaquot Potaige, IIII l. Relicta maistre Pierre l'escrivain, IIII s. Jehannotte femme Morisot le masson, alibi. Jehan de Joinchery, xII d. Somme Ix l. III s.
3. — La Rue Guion.
Guillaume Guille, II s.
Huoz filz au Repoz, xII d.
Jehans de Bugnières, xII d.
Jaquote la fille, xII d.
Perrins filz Bugnières, xII d.
Lorant le tisserant, morte.
Jaquinoz filz Bichoz, III s.
Relicta Perrinel le charbonnier, xII d.
Andriel le Patas, xv s.
Colas filz au Jay, II s.
Guiberne, xII d.
Bruley de Merrey, xII d.
Relicta au Vapat, xII d.
Relicta Guillot le Chapuis, xII d.
Giloz filz au Gastinois, xII d.
Relicta Grosse-Tête, xII d.
Domain gins fils Richot, III s.
Chapes, II s.
Relicta Gaitin, pauper.
Jehans filastres Bouley, xII d.
Humbloz li Chiffars, II s.
Colas li aissenlers, xII d.
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324 LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE.
Moguelins, xII d. Brenier le charreton, xII d. Somme L S.
4. - La Rue de Merrey.
Relicta Andiiel Menart, xII d.
Jehans li Belluz, III s.
Perrins li tisserans, vI s.
Perroz li sarruriers, xII d.
La Mal-Courée, morte.
Roubeloz fils au Belluz, vIII s.
Richars genres Deyer, xII d.
Roubeloz li bouchiers, II s.
Jehans li Prouvenciaux, x s.
Giloz li Aloaz, xvIII s.
Giloz Guideguerre, vIII s.
Andriel Guideguerre, v s.
Relicta Copechol, fuit.
Relicta Rebours Carnovoce, xII d.
Jaquoz li bacouillas com genres, IIII s.
Lambers Dridiers bouchiers, xv s.
Relicta Jaquinot au Nonotte, femme Jehannot
Boude, II s. Huinbeloz Gauberons, v s. Maistre Coustans charpentiers, v s. Perrins li megeitiers, vIII s. Jonites li peleliers, II s. Joffrois filz Richost, II s. Perrinoz Druins, IIII s. Mignart femme Jehannin le fournier, xII d. Jehans Chaucicz, vI s. Jaquinoz Hudenay, xII d. Jonitoz savetiers, II s. Jehans Miloiches, xII d. Wiardoz filz Gobelier, xII d.
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LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE. 325
Roubers li penelieis, xII d. Jaquinoz de Chaumont, vIII s. Relicta Thevenin filz Perrinel, xII d. Relicta Huot Guideguerre, xII d. Jehans genres Jaquinot le put, xII d. Perrinoz filatres au Bacouillat, III s. Jehans nieps Perrin le megeicier, xII d. Jehans li bergoins, xII d. Jaquinoz patrons, xII d. Relicta Renaut Patenostre, xII d. Li estuler de Chacenay, xII d. Somme vu 1. vI s.
5. — La Rue des Pouces.
Guillaumes Crousoz, xx s.
Thomas de Joncheris, xII d.
Gratoz, xII d.
Jacquinoz Thierrée, mors. Jehans ces filz, xII d.
Girars Chigays, II s.
Monins li peleliers, fuit.
Eagnes Jehans, bouchiers, xxv s.
Garneroz ses genres, v s.
Jehans Josrans, xv s.
Relicta au fil Regnaut, xII d.
Jaque femme Renaudin, v s.
Jaquinnoz de Biaune, xII d.
Martins Pruillars, x s.
Relicta au Gaaniver, xII d.
Cretiens li miniers, xII d.
Bailloz, xII d.
Relicta Girardot Remondote, vi s.
Redoubte, xII d.
Colinoz Bise, xII d.
Jaquinoz Melinote, II s.
Relicta Jehannin fil Roubelot, xII d.
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326 LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE.
Gniole fille Pruillart, III s. Jehans Brime, xII d. Quarrez sergcns des Fouces, x s. Micheloz filz Clerembaust, II s. Jehans genres Manuee, xII d. Relicta Pigney, xII d. Regnaux li barbiers, xII d. Mignay, xII d.
Andrielz genres Thierrée, II s. Maulgras bouchiers, xII d. Ilourrioz livaudois, xII d. Li baaillières, xII d. Miloz de Brienne, xII d. Domaingins filz Nicodemus, fuit. Jaquinoz d'Avalucrre, pro uxore, xII d. Thevenins filz au Beegue, xII d. Somme vI 1. xv s.
6. — La Grant Rue.
Jehans Mariole, un s. Girardoz Dridiers, IIII s. Ilanris de Baingniaux, IIII s. Miloz Deyers, xu d. Relicta Jehan Chufiot, xII d. Bouvars filz Cretiennot, III s. Li Rebours, bouchiers, xx s. Jehans li bouchiers, vIII s. La filaslre HuoL dou Ru, II s. Oudinoz Richoz, xII d. Colas Goliers, vIII s. Jehans li vachiers de Verpillières, III s. Jehannoz filastres Parisot le recouvreur, III s. Relicta Garnier Poulote, xII d.
Jehannins de Frasgnignes, genres au Griois, pro uxore, un s.
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LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE. 327
Jehanne femme à présent Gilot d'Avalerre, III s. Boniaut genres sire Wiart, XII d. Soubeloz filz Manuee, vIII s. Relicta Jehan Thuby, xII d. Jehans li bertelas, xII d. Jehans filz à la baillie, xII d. Jaquinoz Blaisot, xII d. Jehannote fille Raoulot Pote, xII d. Andriers fil Parisot le recouvreur, xII d. Somme IIII 1. v s.
7. — La Rue dou Pont.
Malledens, xII d.
Relicta Thevenin li Jay, xII d.
Relicta Marlinot Seingnourot, xII d.
Jehannote femme Symon fil au Chigalat, xII d.
Jehannote femme Jacquinot Bruley, xII d.
Mathiers li bouilleroz, II s.
La suer Nobert, pauper.
Girars filz Hébert de Celles, II s.
Berthomoz de Cunffy, xII d.
Jehans li ostelaues, IIII s.
Renaus de Lantaiges, fuit.
Jehannoz Gaupillons, xII d.
Perrinoz Jaquins, xII d.
Jehanz de Digon charpanthiers, xII d.
Relicta Jehans Huguenin, III s.
Jehans Abrahans, xII d.
Thevenins filz au Gastinois, xII d.
Jehans Petiz Couillars, pauper.
Garins genres Lorote, xII d.
Lambers Chambrole, fuit.
Jehannins filz Marie de Laitre, II s.
Guichars li esdaveloz, xII d.
Colas Ragasse, xu d.
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328 LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE.
Miloz de Chassenay, mors. Estiennoz li sarruriers, xII d. Jaquins li merciers, II s. Coustan de Bussieres charpentiers, vI s. Les deux suers Milot de Chascenay, II s. Somme xxxvIII s.
8. — La Rue de la Trinité.
Ferriz li parcheminers, III s.
Andrielz Couslans, V s.
Relicta Régnier Raaclot, xxv s.
Jehans li barbiers de Celles, vI s.
Hauvions li Pingaz, II s.
Perrins li bourciers, VII s.
La Flassaie, III s.
Mellins li peeschierres, VI s.
La Bouitas suer au Boudat, XII d.
Girars de Laitre, II s.
Relicta Girars le savetiers, III s.
Jehans ses genres, II s.
Jaquinoz li veluz, v s.
Miloz filz Meline la borne, v s.
Felisoz li miniers, II s.
La Garoe, xII d.
Li Gonnionaz peeschierres, VIII s.
La suer Milot Gibot, xII d.
Relicta Gautherin le tisserant, XII d.
Symons li bornes filz Chape), XII d.
Guillaux, xII d.
Martinoz filz Pierre de Bar, xII d.
Coloz li tannerres genre Vie, Ix s.
Perrinoz filz Pede peeschierres, vIII s.
Maistre Guillaumes li cousturiers, XII d.
Martinoz Ragasse, III s.
Jaquinoz Wrions, xII d.
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LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE. 329
Relicta Parisot Guillaume, xII d.
Jehans li Raicheux, v s.
Relicta Huguenin Geme Joly, xII d.
Jaquinoz Coustans, xII d.
La Mallainge, xII d.
Li Ardenois, xII d.
Lorans li bouvers, xII d.
Colote la Brigniere, xII d.
Jaquinoz Tournais, xII d.
Relicta Tosse Weille, morte.
Jehannot Coustans, vi s.
Colins li Pingaz, vi s.
Jacquinoz genres Cretiennot, xII d.
Herbeloz de la Montaigne, xII d.
Relicta Cretiennot le bouver, xII d.
Quignaignes, II s.
Thierrioz genres Finot, II s.
Jehans Jobez, II s.
Jaquinoz Boucloz, xII d.
Talepain, xII d.
Arnoux Quongrigaingne, xII d.
Herbeloz genres à la Brigniere, xII d.
Thomas de Saint-Mare, xII d.
Jaques Boursetrouvée, xII d.
Thevenins Guimende, pauper.
Guillaumes de la Jaisse, v s.
Colas li moux, II s.
Huoz li tonderres, xII d.
Gauchiers filz Jobelet de Merrey, xII d.
Jehans genres Ferrant, II s.
Jaquinoz filz Roubelot barbiers, xII d.
Jehans genres à l'Ardenois, xII d.
Thiebaux maris Marie de Laitre, II s.
Perrinoz Gras-de-Sain, xII d.
Durans li Loorains, xII d.
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330 LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE.
Jehans filz Nicodemus, II s. Renaus de Tranne, xII d. Rouberz filz maistre Jehans Milot, II s. Symons filz Foutot, II s. Symons de Monteruel charretons, II s. Thierris li cousturiers diz, xII d. Jehans de la Ferté, xII d. Somme Ix 1. xII d.
Le villois appartenant à Bar-seur-Seine comprenait neuf villez ou villages.
1°. A « Villo-seur-Arce » 15 personnes sont portées au rôle. La « relicta Colas Chignole, xxx s. » — 2 personnes paient 2 s. — et 12 paient 12 deniers. « Somme XLVI s. »
2°. A << Bourgoignons » 7 personnes sont portées au rôle. « La relicta Jaquot Bovart, III s. » — une personne paie 2 s. — et 5 paient 12 d. « Somme x s. »
3°. A « Avaluerre » 2 personnes sont portées au rôle : elles paient xII d. « Somme II s. »
4°. A « Bellenou » 8 personnes sont portées au rôle. « Osanne dicte li preslres, III s. » — 6 paient 12 d. « Somme Ix s. »
5°. A « Mussy » 5 personnes sont portées au rôle. « Jehans, frères Touz-Sains, xv s. — Jehans li Potteraz, xv s.
— 3 personnes paient 2 s. « Somme xxxvi s. »
6°. A « Villemorien » 60 personnes sont portées au rôle. « Perrinoz la laingue, x s. » — la plupart paient 12 d.
— « Colote, fille Jehans Court-Nciz, advoe a monsr Jehan de Dinteville et de Nointel » ainsi que 8 autres personnes désignées au rôle; « Girars, filz au maire, advoe aux seigneurs de Coulans » ainsi que « la fille Gousot»; « la Gente, fille Coliere, advoe au seigneur de Grance. — Somme IIII 1. vu s. »
7°. A « Busserres » 34 personnes sont portées au rôle.
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LA JURÉE DE BAR-SUR-SEINE. 331
« La Inglers de la Borde, IX s. » — 3 personnes paient 4 s. — 4 paient 3 s. — 3 paient 2 s. — les autres paient 12 d. « Somme LX S. »
8°. A a Merrey » 110 personnes sont portées au rôle : 6 paraissent avec la note fuit ou mors, et 2 avec la note pauper. «. Jehans, filz Guiot Ruchon, XX s. » une personne paie 9 s. — 2 paient 8 s. — 9 paient 5 s. — 8 paient 4 s. 13 paient 3 s. — 15 paient 2 s. — les autres paient 12 d. « Somme XIIII 1. xu s. » On voit que le village de Merrey était le plus riche du villois de Bar-sur-Seine.
9°. A « Ree » 2 personnes sont portées au rôle. « Renaudins, filz Paris, dou mont Ree, II s. — Perrot, de Landreville, demorant à Ree, us. — Somme mi s. »
Troyes, le 15 janvier 1875.
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LE PORTRAIT
DE
FRANÇOIS SNEYDERS
AU MUSÉE DE TROYES
PAR
M. LE BRUN-DALBANNE
MEMBRE RÉSIDANT
Un portrait est toujours intéressant à étudier. Cette figure qui vous regarde en silence et qui semble demander ce que vous pensez d'elle, si c'est une femme : de son air, de sa beauté, si c'est un homme : de ses actions, de sa vie, vous impressionne et vous émeut malgré vous ;
Celui-ci, des Silva C'est l'aîné, c'est l'aïeul, l'ancêtre, le grand homme ! Don Silvius, qui fut trois fois consul de Rome (1).
car un portrait est pour nous l'histoire et nous sommes pour lui la postérité.
Addison disait que pour lire un livre avec plaisir, on doit savoir d'abord si l'auteur était blond ou brun. C'est peut-être pour se conformer à cette pensée, que certains auteurs con(1)
con(1) Hugo, Hernani, act. III, sc. VI.
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334 LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS.
temporains ne manquent pas de mettre leurs portraits en tête de leurs ouvrages et de remplacer par cette déception, la figure vraie ou supposée du héros qu'on s'attendait à rencontrer. Passe encore, quand le portrait est celui de l'auteur des Confessions ou des Mémoires de Saint-Simon, il ajoute à la sincérité du livre. Mais qu'importe l'image de l'auteur d'un volume d'histoire, d'archéologie ou de science. Si l'ouvrage est bon, il illustrera son auteur et l'on voudra connaître ses traits. Si au contraire il est médiocre, il passera comme les choses médiocres, et l'auteur glissera avec lui dans l'oubli.
Toutefois les auteurs n'ont pas seuls le privilège de voir rechercher leurs traits. Les artistes et tous les personnages qui ont marqué; les femmes, lorsqu'elles ont laissé une trace de leurs sentiments et de leur influence, intéressent à ce point qu'on donnerait de grand coeur bien des portraits illustres pour le moindre de ceux-là.
Seulement ceux des femmes ont un défaut, c'est qu'ils les représentent plus souvent comme elles auraient voulu être, que comme elles ont été. On leur accorderait volontiers plus de beauté qu'elles n'en ont eu, si leurs sourires ne s'adressaient pas à tout le monde avec une banalité désespérante et si leurs portraits, ne distinguant ni ne préférant personne, ne leur donnaient une trop grande ressemblance morale avec leurs inconstants modèles. Hélas ! où sont les neiges d'Autan ! Et pourquoi faut-il que les femmes restent femmes, même en effigie !
Il n'y a rien à craindre de semblable avec les portraits d'artistes. Exécutés par eux ou par leurs amis, ils les montrent dans la familiarité de leur tenue quotidienne et dans la sincérité de leur physionomie. Les Hollandais et les Flamands ont surtout pris soin de reproduire les traits de leurs artistes et l'on connaît du moins leurs figures, si on ignore le plus souvent les particularités de leur vie.
C'est le cas de François Sneyders qui fut pourtant un
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LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS. 335
artiste de haut-vol, et quand il n'aurait eu que l'honneur insigne d'être appelé par Pierre-Paul Rubens à collaborer à ses tableaux, il méritait qu'on eût recueilli plus que des dates et seulement les principaux faits de son existence.
Né à Anvers en 1579, deux années après Rubens, il fut tour-à-tour élève de Pierre Breughel et de Henri Van Balen. En 1602, il obtint le titre de franc-maître de la gilde de Saint-Luc et devint, en 1611, le beau-frère des habiles peintres Corneille et Paul de Vos, en épousant leur soeur Marguerite.
Sneyders avait commencé par peindre des natures mortes, et il les réussissait à merveille, lorsque Rubens, qui appréciait l'étonnante facilité de son pinceau à exprimer la variété des objets rassemblés dans ce genre monotone, l'engagea à l'abandonner pour représenter des animaux vivants, dans des combats ou des chasses.
Sneyders, conseillé par Pierre-Paul, se mit à l'oeuvre et en peu de temps il parvint à reproduire des chasses avec tant de feu, une verve si entraînante, qu'il en fit des combats pour ainsi dire épiques, dont les héros sont des cerfs, des sangliers, des ours, des lions. Ses animaux, en effet, semblent vivants ; leurs yeux étincellent, leurs naseaux respirent, et lorsque ses chiens sont lancés à la poursuite d'un cerf ou d'un sanglier, on les voit courir, on entend leurs cris, on est prêt à se jeter de côté pour éviter cet ouragan d'animaux furieux, capables de tout renverser sur leur passage. Lors donc que Sneyders fut monté à cette hauteur de talent, Rubens en fit son collaborateur habituel, en sorte qu'il n'y a guère d'animaux vivants ou de natures mortes qui ne soient de Sneyders dans les tableaux du grand artiste d'Anvers. Bien plus, la fusion de leurs deux palettes est si complète et si extraordinaire, qu'il est impossible de distinguer où s'arrête Bubens et où commence Sneyders. A son tour, Rubens mit beaucoup de bonne grâce à étoffer les tableaux de son ami, en sorte que les valets de chasse
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336 LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS.
qui suspendent aux crocs les lièvres et les chevreuils et les chefs d'office qui s'arrêtent au fruitier pour composer leurs corbeilles de dessert, sont presque tous de la main de Rubens, dans les grandes natures mortes de Sneyders.
Je ne saurais m'étendre longuement sur la vie et les oeuvres de François Sneyders, bien qu'il ne puisse pas m'être interdit de dire que Philippe III d'Espagne, ayant vu ses tableaux, lui demanda plusieurs grands sujets de chasse et de batailles qu'on peut voir au Museo del Rey, à l'Escurial et à l'Académie de Madrid, et que l'archiduc Albert, gouverneur des Pays-Bas, après l'avoir nommé son premier peintre, le fit venir à Bruxelles, le combla de présents et de faveurs et le chargea de décorer son palais. Sneyders ne retourna à Anvers que vers la fin de sa vie. Il y mourut en 1657, âgé de 78 ans.
La France possède plusieurs grandes compositions de ce maître. Les musées de Lille et de Rouen ont des Chasses au sanglier, qui sont mouvementées et fort belles. Caen a un Intérieur d'office de la plus magnifique couleur. Sur une table recouverte d'un tapis de velours rouge, écume et déborde tout un flot de marée, de venaison et de légumes; un chevreuil est suspendu par les pattes contre le mur. Il est impossible de réunir et de grouper avec plus d'art et d'habileté des couleurs plus disparates et plus éclatantes, tout en les éclairant d'une lumière plus douce et plus harmonieuse. Rennes possède une Chasse au lion, si noble et si fière, qu'on la veut donner à Rubens, encore qu'elle soit de Sneyders seul. Lyon a un tableau que j'admirais naguère et qui représente une Table de cuisine, chargée de viandes et de gibier, d'une couleur claire et fine, ce qui n'est pas commun dans l'oeuvre de Sneyders, qui brille généralement par la fougue et l'emportement du pinceau. Enfin, le Louvre peut montrer son Paradis terrestre, son Entrée dans l'Arche, et ses Chiens dans un garde-manger, qui sont de véritables tableaux d'histoire, tant y est exacte l'étude des
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LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS. 337
moeurs, sincère le rendu des formes, juste le dessin ainsi que l'action. Ce ne sont plus là des animaux de fantaisie, paradant dans des fables; on croirait qu'un naturaliste a enseigné et guidé le pinceau de l'artiste. C'est en cela que je trouve la supériorité de Sneyders incontestable, car il a su communiquer à des scènes dont les animaux sont les seuls acteurs tant de force, de grandeur et de vie, et il a promené sur elles la couleur et la lumière avec une si éblouissante profusion, que ses compositions charment et captivent autant que si l'homme y jouait le principal rôle.
François Sneyders avait rencontré dans l'atelier de Van Balen un artiste à peu près du même âge que lui, et que la gloire devait couronner ; il se nommait Van Dyck. Plus tard, il l'avait retrouvé auprès de Rubens et s'était épris d'une vive amitié pour lui, aussi n'avait-il pas eu de peine, en échange des services qu'il avait pu lui rendre, d'obtenir un portrait de son merveilleux pinceau. Puis, soit que les souverains, les princes et les grands seigneurs, qui employaient à l'envi le talent de Sneyders, eussent réclamé un portrait, soit que sa physionomie qui avait beaucoup de caractère plût à Van Dyck, comme sujet d'étude, il paraît certain qu'il le reproduisit plusieurs fois, et toujours d'original. Sneyders, en effet, avait le maintien noble et grave, de l'expression dans le regard; il portait les cheveux hardiment jetés, une barbe pointue, de longues moustaches relevées d'une façon toute militaire, le manteau, le pourpoint, le large col de chemise à la mode du temps, ce qui lui donnait une tournure chevaleresque. Son portrait à l'eau forte, par Van Dyck, est regardé à juste titre comme le meilleur de tous ceux que le grand peintre a dessinés sur le cuivre ; il prouve, à défaut de renseignements écrits, dans quelle intimité vivaient les deux artistes (1).
(1) Le portrait de Sneyders a été terminé au burin par Jacques Neefis, et on lit au-dessous le titre suivant : FRANCISCUS SNYDERS
T . XL. 22
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338 LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS.
A son retour d'Italie, Van Dyck s'étant trouvé sans autres commandes que celles des couvents de Belgique, qui ne le payaient pas en grands seigneurs, s'imagina de faire les portraits des artistes de son pays et d'en composer une galerie, que ses compatriotes, les plus habiles artistes qui aient existé, les deux Bolswert, Lucas Vosterman, Paul Pontius, Pierre de Jode, reproduisirent sur le cuivre, pour les répandre en feuilles volantes ju-qu'aux extrémités du monde civilisé. C'est à cette pensée que nous devons l'admirable collection des cent portraits « dans la» quelle figurent, dit Charles Blanc, à côté de Rubens et » de Van Dyck lui-même, Jordaens, Diepenbeke, François » Franck. Gérard Honthorst, Jean Sncllinx, Paul de Vos, » Henry Stenwick, les deux Breughel, les deux Seghers, le » spirituel Teniers, le lier et bouillant Sneyders, l'empha» tique Rombouts, et le charmant paysagiste Van Uden, et » le bon Josse de Momper, si naïvement appelé peintre de » montagnes, pictor montium. Enfin, pour notre plus » grande joie, les graveurs qui nous transmirent ces beaux » portraits, eurent soin de sculpter sur l'airain leur propre » image, sans parler de quelques eaux-fortes sublimes que » Van Dyck fit mordre de sa main. Jamais peut-être Van » Dyck ne fut plus fort, plus charmant, plus maître de son » génie que dans ces portraits d'artistes où il put s'aban» donner à son inspiration, varier ses motifs, choisir à son » aise les attitudes de ses modèles, leurs ajusterme nts, leurs » mouvements même; car il en est qui se meuvent, qui » sortent de la toile, qui vous parlent, vous appellent, vous » tendent la main. C'est là surtout qu'il faut étudier Van » Dyck; il y montre le rare talent qu'il avait pour éclairer » une tête, de manière à faire sentir l'osléologie du front, » la fuite des tempes, la saillie des pommettes, les moinVENATIONUM,
moinVENATIONUM, FRUCTUUM ET OLERUM PICTOR, ANTVERPLE. Ant. Van Dyck pinxit et fecit aqua forti. Jac. Neeffs sculpsit.
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LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS. 339
» dres cartilages du nez, les méplats de la joue et ceux du » menton. Il faut y voir aussi une étude savante des mains : » elles sont ici individuelles et par conséquent elles s'ac» cordent mieux avec le tempérament de l'original, puisque » Van Dyck les peignit, je ne dis pas seulement d'après na» ture, mais d'après la nature du personnage représenté, » tandis que, plus tard, nous le verrons adopter pour tous » ses portraits certaines mains que lui posaient des mo» dèles à gages, les peindre de pratique et en apprendre » par coeur les proportions élégantes, les doigts allongés, » les fines jointures, les raccourcis (1). »
Ce sont donc les circonstances que nous venons de rappeler qui expliquent pourquoi nous trouvons un premier portrait de Sneyders au musée de Munich. Il est en buste seulement, la tête relevée en arrière, le regard tourné à gauche, dans une pose en quelque sorte inspirée qui ne s'explique pas tout à fait pour un peintre d'animaux et de natures mortes.
Puis nous le retrouvons en même temps dans les collections Carlisle, Warvich et Culling Eardley d'Angleterre. Il est vrai que le portrait de la collection Warvich ne serait pas des plus remarquables, puisque William Burger, qui a consacré un volume aux Trésors d'art exposés à Manchester en 1857, et qui passe en revue les nombreux portraits de Van Dyck, tous admirables, dit-il, ne mentionne même pas celui de Sneyders, encore que nous soyions certain qu'il figurait à cette exposition, puisque Lavice dit à propos du portrait de Munich, qu'il ne loue pas, « nous avons vu un » bien meilleur portrait de ce peintre, à l'exposition de » Manchester (2). »
Le Musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg a les portraits réunis du peintre Sneyders, de sa femme et de son en(1)
en(1) Blanc, Histoire des Peintres, Van Dyck, p. 12.
(2) Lavice, Musées d'Allemagne, p. 202.
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340 LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS.
fant (1). Paul Viardot, dans ses Musées de Russie n'en dit pas un traître mot, en sorte que nous ne pourrions rien préjuger du mérite de ce portrait de famille attribué, comme les précédents, à Van Dyck, si Alfred Michiels, dans son Histoire de la Peinture flamande (2), ne le décrivait ainsi : « On s'arrête à l'Ermitage, devant le portrait du fameux » peintre Sneyders, avec sa femme et un enfant. La mère, » portant un costume de soie noire et une fraise b anche, » occupe un fauteuil et tient sur ses genoux le bambin, qui » regarde son père appuyé au dossier. Une draperie rouge » et un fragment de paysage composent le fonds. Outre le » caractère vivant et attrayant de la facture, l'oeuvre se dis— » tingue par un coloris clair et un ton d'or qui fait songer » à Pierre Paul; l'exécution est large, sans beaucoup de » détails, mais magistrale. »
On voit dans la galerie de Cassel (n° 296) un autre portrait de Sneyders et de sa femme, peints par Van Dyck. Il paraît qu'il est charmant de délicatesse, de vie et d'expression.
Enfin il existe un septième portrait de François Sneyders, et c'est à celui-là que nous avons hâte d'arriver, attendu qu'il se trouve, par une bonne fortune inespérée, au Musée de Troyes. Son odyssée serait sans doute assez longue et lui seul pourrait la raconter. Contentons-nous de lui appliquer le sunt sua fata libelli et de dire qu'il était à Paris il y a un an, délaissé, méconnu, sous forme de toile enfumée et distendue, lorsqu'il fut présenté à un de nos amis qui, craignant une méprise, n'osa pas tenter l'aventure d'une restauration toujours incertaine et coûteuse. Il passa entre les mains d'un marchand de tableaux qui le rentoila, le fit revivre de son mieux et le vendit à un confrère qui nous le proposa. Sans prendre d'engagement, je de(1)
de(1) 627 du Livret du Musée de l'Ermitage. (2) Tome VIII, p. 357.
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mandai à le voir, je le soumis à la Commission du Musée qui, lui reconnaissant des qualités très-appréciables, fut d'avis de l'acheter.
Il est maintenant au Musée de Troyes, et quels que soient les outrages que, dans sa longue carrière, il ait subis de la part du temps et des hommes, on peut dire de lui ce que Tallemant des Réaux disait de la beauté de la duchesse de Montbazon : « Qu'elle était si éclatante, qu'elle » desfaisait toutes les autres au bal. » En effet ce portrait est si remarquable, la tête est si vivante et si expressive qu'il serait dangereux que notre musée renfermât plusieurs tableaux de cette qualité, parce que on ne saurait plus voir ni regarder les autres. C'est l'effet ordinaire des oeuvres capitales, elles effacent les petites.
Maintenant que j'ai dit quel artiste notre portrait représente, j'aborde une question beaucoup plus délicate, celle de rechercher quel en est l'auteur ? S'il est original ou s'il n'est qu'une copie?
La réponse à la première question est facile.- L'ordonnance du portrait, son arrangement, le parti-pris de lumière et d'ombre et jusqu'à cet horizon empourpré et orageux dont Van Dyck avait pris le goût en Italie, afin de réveiller par une note éclalante et faisant contraste, le sombre et l'austérité des costumes noirs usités à son époque, tout dénote Van Dyck, quand bien même on n'aurait pas son eau-forte qui est la signature du portrait. Seulement est-il de sa main ? ou n'est-il qu'une copie d'après lui?
Disons d'abord que notre portrait n'a rien de commun avec celui qui a été peint pour la collection des artistes flamands. A l'époque où Van Dyck a peint le portrait du Musée de Troyes, Sneyders était plus jeune que lorsqu'il le fit entrer dans sa galerie des Cent Portraits. Son eauforte qui reproduit le dernier portrait en est la preuve, outre que la pose, les mains, le costume, les accessoires ne sont pas les mêmes dans l'un que dans l'autre.
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342 LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS.
Si le portrait de Sneyders n'est qu'une copie, nous pouvons déjà dire qu'elle est assurément ancienne et contemporaine de l'original lui-même. Les craquelures nombreuses et profondes de tous les empâtements en sont la démonstration irrécusable. Puis la couleur ivoirienne des blancs et des parties claires, son aspect émaillé, indiquent assez que le temps, disons les siècles, ont pu seuls amener le tableau à cet état, qu'aucun artifice ni pinceau moderne ne sauraient imiter ou contrefaire. Notre portrait est donc deux fois séculaire et s'il était nécessaire d'y ajouter une preuve, nous la trouverions dans l'état de vétusté et de dégradation dans lequel il a été découvert, vétusté qui nous a été attestée par M. Paul Tillier, artiste distingué de Paris.
Notre portrait est-il original? Avons-nous eu le bonheur de mettre la main sur une oeuvre de Van Dyck ? Sans vouloir l'affirmer, parce que le doute paraît plus sage et plus prudent, nous pouvons dire que son examen attentif nous a rendu très-perplexe et causé de véritables émotions. La figure est peinte avec une franchise, une maestria qui décèle le maître. Les empâtements, les retouches, les accents derniers et les plus décisifs sont posés avec une sûreté qui ne peut jamais appartenir aux copistes. On voit, on suit le jeu du pinceau dans sa soudaineté, ses mouvements et ses retours inattendus. Les yeux surtout sont extraordinaires, lorsqu'on les étudie de près on croit voir des yeux véritables, on entre au plus profond d'une pupille qui reçoit les impressions de la lumière. Or un copiste se serait arrêté à la surface en ne reproduisant que l'effet extérieur. Et lorsque je viens à songer que l'oeuvre de Van Dyck se monte à plus de huit cent cinquante tableaux dont plus des deux tiers sont des portraits, encore qu'il n'ait vécu que quarante-deux ans, et que, dans ses commencements, il ait beaucoup travaillé, beaucoup peiné ses ouvrages pour établir sa réputation et apprendre à faire vite;
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LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS. 343
que je sais que Van Dyck avait l'habitude de ne jamais travailler plus d'une heure par fois à chaque portrait, qu'il l'ébauchât ou qu'il le finit; qu'il faisait poser la personne dans l'attitude qu'il .avait dès l'abord étudiée et qu'il dessinait en quelques instants aux crayons noirs et blancs sur du papier gris, sa tournure et son habillement; qu'il remettait ce dessin à ses élèves pour le peindre sur la toile, d'après les habits eux-mêmes; enfin, qu'il reprenait le tout légèrement pour y ajouter les accents, la vérité et l'art qu'on y admire (1), je me demande si le portrait du Musée n'est pas la démonstration la plus évidente et en quelque sorte le produit de ces divers procédés et de la manière de peindre adoptée par Van Dyck.
Malheureusement le portrait de Sneyders a souffert dans quelques parties, et ce sont précisément les retouches et les fins glacis de la main de Van Dyck, que les restaurateurs ont, sans y prendre garde, fait disparaître. Ils ont également alourdi le rideau en y étalant leur insuffisance et leur maladresse. Ils ont osé toucher, les téméraires, à des mains que Van Dyck avait dû faire admirables. Ils ont aminci le pourpoint en voulant l'éclaircir, puis ils l'ont soumis à une teinte de leur façon qui n'a ni ampleur, ni velouté, ni surtout la chaleur des noirs de Van Dyck. C'est un malheur assurément, mais qui n'est pas irréparable. Lorsque je repasse dans mon souvenir tous les tableaux des grands maîtres qui ont été outrageusement traités dans les musées les plus vantés, je me console en reconnaissant que si à Troyes il n'y a pas d'oeuvres tiès-remarquables, elles ont au moins le mérite d'avoir toujours été scrupuleusement respectées.
Quelque opinion qu'on ait du portrait de François Sneyders, on peut dire qu'il est précieux pour notre collection.
(1) De Piles, Cours de peinture, p. 291 et 292.
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344 LE PORTRAIT DE FRANÇOIS SNEYDERS.
Nous devons donc être très-reconnaissants envers la Commission (composée de collègues si compétents et si amis de leur pays et de toutes les belles choses), d'avoir bien voulu lui ouvrir les portes du Musée où il ajoutera à ses anciennes richesses le spécimen du talent d'un artiste qui a été plus grand encore que son illustre modèle.
Troyes, le 1er décembre 1875.
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CHARLES VII
ROI DE FRANCE
ET
JACQUES D'AUMONT
SEIGNEUR DE CHAPPES
PAR
M. H. D'ARBOIS DE JUBAIN VILLE
MBMBRE RESIDANT
En 1430, Jacques d'Aumont possédait les seigneuries de Chappes et de Clérey; chambellan de Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, il était par conséquent, en Champagne, un des représentants principaux du parti anglo-bourguignon, à cette date où le passage tout récent de Jeanne d'Arc et de l'armée royale française venait de replacer la ville de Troyes sous l'autorité de Charles VII
Jacques d'Aumont était d'origine picarde: Aumont, dont il portait le nom, est un village du déparlement de la Somme. Les seigneuries de Chappes et de Clérey avaient été portées dans la maison d'Aumont par sa grand'mère, Jeanne de Mello, femme de Pierre II dit Hutin, sire d'Aumont, à la fin du xive siècle et au commencement du xve. Ces deux seigneuries étaient arrivées à Jacques par le décès
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346 CHARLES VII ET JACQUES D' AUM0NT.
de Jean IV d'Aumont, son père, tué en 1415, à la bataille d'Azincourt.
Le siège de Chappes par René d'Anjou, duc de Bar, et par Barbazan, lieutenant de Charles VII en Champagne, est un des événements connus de l'année 1430. Il a été raconté, d'après Alain Cliartier, Monstrelet et les archives de la ville de Troyes, par MM. Boutiot et Adenot, dans le mémoire intitulé Un chapitre de F Histoire de Troyes, dans Y Annuaire de l'Aube de 1866, p. 77 et suiv., dans l'Histoire de Troyes, t. II, p. 59. Jacques d'Aumont fut fait prisonnier dans une sortie. La reddition de Chappes en fut la conséquence. Quelques détails supplémentaires nous sont fournis par une pièce qui appartient à M. Lancelin, maire de Chamoy, et qui m'a été obligeamment communiquée par ce fonctionnaire lors de ma dernière tournée d'inspection dans les archives communales. Cette pièce, datée du 31 juillet 1449 et autrefois scellée du sceau du bailliage de Troyes, reproduit le texte intégral de deux actes intéressants. L'un est émané de Charles VII ; ce sont des lettres d'abolition ou de grâce accordées à Jacques d'Aumont et à ses gens en janvier 1449, à Troyes (1). L'autre est un certificat donné par Jacques quelques mois après, en exécution d'une clause des lettres précitées du Roi.
Une fois Jacques d'Aumont prisonnier, une convention avait été conclue sous les murs de Chappes entre lui et les deux chefs de l'armée assiégeante, René d'Anjou et Barbazan. Il avait promis de leur ouvrir les portes de la place assiégée, et eux, en compensation, devaient le laisser libre et permettre à ses troupes et à ses sujets de s'en aller en emmenant leurs chevaux et leurs biens meubles, à la ré(1)
ré(1) présence de Charles VII à Troyes à cette date n'est pas mentionnée par Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 144, 147.
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CHARLES VII ET JACQUES D'AUMONT. 347
serve des munitions de guerre contenues dans la forteresse. Jacques devait avoir la même faculté. René d'Anjou et Barbazan scellèrent cette convention de leurs sceaux, mais ne l'exécutèrent pas complètement : ils s'emparèrent de tous les biens meubles qu'ils trouvèrent à Chappes et n'en voulurent remettre aucune part à Jacques d'Aumont ni à ses gens. Jacques, après cinq ou six sommations inutiles, essaya de se faire justice lui-même, et. prit les armes contre René d'Anjou. Il prétendit plus tard justifier sa conduite en soutenant que la coutume de Bar-le-Duc , loi qui régissait René d'Anjou comme duc de Bar, autorisait les guerres privées. Cette guerre privée dura plus de dix ans. Le 9 février 1441 Charles VII, allant de Bar-sur-Aube à Langres (1), passait à Chaumont-en-Bassigny. Jacques d'Aumont, qui s'était préalablement muni d'un sauf-conduit, se présenta devant le roi et lui demanda pardon. Charles VII reçut Jacques d'Aumont en grâce à condition qu'il livrerait aux officiers royaux la forteresse de Chacenay dont il était en possession, et qu'il cesserait de porter les armes contre René d'Anjou. Outre Jacques d'Aumont, ses compagnons de guerre et ses gens, notamment Guillaume d'Aumont, son frère, furent compris dans l'amnistie accordée par le Roi. Chacenay paraît avoir été aussitôt remis aux officiers royaux ; mais les lettres-patentes constatant l'amnistie obtenue de Charles VII, ne furent expédiées que huit ans plus tard, en janvier 1449. Jacques d'Aumont, aux termes d'une clause de ces lettres, devait, dans les six mois, fournir au bailli de Troyes la liste des personnes comprises dans l'amnistie. 11 envoya cette liste le 16 juillet suivant. Elle renferme soixante-dix-sept noms; quelques-uns sont ceux de seigneurs qui appartiennent à l'histoire du département. Nous citerons d'abord Jean de Mello, seigneur de Sainte-Parise.
(1) Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 421.
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348 CHARLES VII ET JACQUES D'AUMONT.
Sainte-Parise était une forteresse voisine du château de Chacenay : son emplacement est compris dans l'enceinte actuelle de ce château. Jean de Mello est le dernier des six membres de la maison de Mello qui furent successivement seigneurs de Sainte-Parise au xive et au xve siècles; il avait épousé Jeanne d'Aumont, tante de Jacques d'Aumont, seigneur de Chappes. Hutin de Mello, seigneur de Vaux, qui paraît ensuite sur la liste fournie au bailli de Troyes, s'appelait aussi Pierre; il était seigneur de Vitry-le-Croisé : c'était un frère de Jean de Mello. Guillaume de Mello, seigneur de Bligny, aussi mentionné dans cette liste, appartenait à une autre branche de la maison de Mello, à la branche des seigneurs de Saint-Bris (Yonne). Son père, Charles de Mello, seigneur de Saint-Bris et de Vendeuvre, vivait encore en 1449 ; il était mort en 1464, année où Guillaume, ayant hérité de Vendeuvre, donna au roi aveu et dénombrement de cette seigneurie.
Ces trois seigneurs paraissent avoir été, avec Jacques d'Aumont, les derniers chefs du parti anglo-bourguignon dans la Champagne méridionale. L'année 1441, où ils firent leur paix avec Charles VII, et où, en conséquence, la forteresse de Chacenay fut rendue aux officiers royaux, est de six ans postérieure à celle où le traité d'Arras mit fin aux hostilités entre Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, et le roi de France.
Troyes, le 19 novembre 1875.
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CHARLES VII ET JACQUES D'AUMONT. 349
I.
(Janvier 1448, vieux style pour 1449.)
Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, savoir faisons à tous présens et advenir que, comme, entre les matières nagaires ouvertes et pour parlées en nostre ville de Paris entre plusieurs nos conseillers commis et députez de nostre part et ceulx de nostre très chier et très amé cousin le duc de Bourgoingne, certaine requeste ait esté faicte de la part de nostre dit frère et cousin pour et en faveur de Jacques d'Aumont, escuier, son conseiller et chambellan, disant que, dès longtemps a, le dit Jacques estant, en sa place de Chappes en nostre pays et conté de Champaingne avecques aucuns compaignons et gens de guerre et autres ses serviteurs, hommes et subgez, retraiz en icelle place pour cause des guerres qui lors estoient audit pays, nostre très chier et amé frère et cousin le roy Jhérusalem et de Sicille, duc d'Anjou, de Barrois, de Lorraine, et feu le seigneur de Barbazan, lors nostre lieutenant audit pays, assiégèrent ladicte place de Chappes, devant laquelle, à une saillie que fit lors ledit Jacques sur ledit siège, il fat prins prisonnier et par composicion mis en délivre sans rançon paier, parmi ce que il mettroit sa dicte place ès mains de nostre dit frère et d'icellui seigneur de Barbazan et moyennant ce que les gens d'armes et autres de ladicte compaignie d'icellui s'en yroient franchement avec leurs chevaulx, harnois et biens meubles, et ledit Jaques avec tous ses serviteurs, subgez et reirais en sadicte place s'en yroient franchement avec tous leurs biens meubles quetz qu'ilz fussent sans aucune chose retenir en icelle place, réservé seulement le irait et habillement de guerre qui dedens estoient : desquelles choses entretenir nostredit frère et ledit seigneur de Barbazan baillèrent leurs séellez audit Jaques qui par ce moyen leur délivra ladicte place. Mais non obstant lesdiz biens meubles tant d'icellui Jaques comme de ses hommes et retraiz audit Chappes furent prins et retenuz sans leur en vouloir bailler ne délivrer aucune chose : en quoy ledit Jaques dit lui et sesdiz subgez et retraiz avoir esté grandement endommagiez. Pour lesqueles causes ledit Jaques pria et fist sommacions plusieurs jusques à cinq ou six foiz avecques les intimacions à ce pertinens à nostre dit frère, afin d'avoir raison et repparacion des choses dessus dites selon ledict traictié et les promesses qui lui estoient faictes par icellui, et aussi qu'il fust récompensé
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350 CHARLES VII ET JACQUES D'AUMONT.
selon les coustumes du pays de Barrois qui sont télés, que après deux sommacions seulement it loist au dommagié soy recompenser par puissance d'armes et voye de guerre ainsi que en usent les nobles et autres dudit pays sur leurs voisins quant les cas aviennenl. Et, pour ce qu'il ne peut estre récompensé, il, selon ladicte coustume et usaige, assembla pour ce gens et fisl guerre es pays de nostre dit frère. Laquelle chose venue à nostre cognoissance en nostre ville de Chaumont ou estions lors avant nostre alée de nostre ville de Ponthoise pour la recouvrance d'icelle des mains de nos ennemis et adversaires les Anglois qui l'occupaient et detenoient, ledit Jaques, moiennant certaines noz lettres de seurté, se tira par devers nous et, les parties oyes, lui feismes commandement qu'il cessast et se depportast de sa querelle et que semblablement ainsi le fist do la sienne nostre dit frère, et que icellui Jaques nous baillast et delivrast la forteresse de Chassenay qu'il tenoit. Lesquéles choses en obtempérant à nostre bon commandement il fist. Et par ces moyens ordonnasmes cesser toute guerre entre nostredit frère et lui. Et à ceste cause lui donnasmes et octroyasmes des lors, comme il dit, pardon et abolicion général des cas advenuz et par lui commis et perpétrez en la guerre dessus dicte tant pour lui comme pour Guillaume d'Aumont son frère et autres qui en la guerre et querelle dessus dicte avoient servy lui et son dit frère. Mais que, ancores il n'avoit eues ne recouvrées nos lettres d'icelle abolicion à lui pour ce nécessaire, en nous requérant que nosdictes lettres d'abolicion nous pleust de nouvel donner et octroyer audit Jaques d'Aumont, Guillaume, son frère, Kathcliu de Villc-surArse, Michiel, bastart d'Aumont, Jehan de Donnemarie, Jehan de Marcilly, Jehan de Ville-sur-Arso, Jelian de Landreviile, Thomas Noier, Huguenin de Cousy, Guiot Rousseau, Nicolas Le Noble et à tous autres qui es choses dessus dictes ont servy ledit Jaques d'Aumont et sur ce impartir nostre grâce. Pour ce est-il que, oy le rapport qui sur ce faict nous a esté par nosdiz conseillers, avons, pour ces causes et en faveur de nostredit frère et cousin, aux dits Jaques et Guillaume d'Aumont, frères, et pareillement aux dessus nommez et généralement à tous autres qui ont servy ledit Jaques èsdites guerres et querelles quitté, pardonné et aboly, et par ces présentes de grâce especialo, plaine puissance et auctorité royal, quittons, pardonons et abolissons et à chascun d'eulx le cas cydessus declairez et tous crimes, déliz, offences en quoy ils et chascun d'eulx aux causes que dessus et autrement, pour avoir servy ledit Jaques en quelque lieu que ce soit, pevent avoir délinqué et offensé envers nous de tout le temps jusques à présent. Et les avons
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CHARLES VII ET JACQUES D'AUMONT. 351
restituez et restituons à leurs bonnes famés et renommées au pays, à leurs biens non confisqués; et, quant à ce, imposons silence perpétuel à. nostre procureur et autres.
Si donnons en mandement par ces mesmes présentes à noz amez et féaulx conseillers les gens tenans ou qui tendront noire cour de Parlement, au prévost de Paris, au bailli de Troyes et à tous autres noz baillis, senesrhaulx et autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans présens et advenir et a chacun d'eulx, si comme à luy appartendra, que de noz présentes grâce, pardon et abolission facent, seuffrent et laissent ledit Jaques d'Aumont, son dit frère et autres dessus nommez et tous autres qui l'ont servy, comme dit est, et chascun d'eulx jouir et user plainement et paisiblement sans à ceste occasion les molester, traveiller ou empeschier... pourveu que dedens demy an prochain venant ledit Jaques sera tenuz envoyer soubz son scel et par escript en la cour de nostre bailliage dudit Troyes tous ceulx qui de ces choses dessus dictes l'ont servy et que par son serment il vouldra pour ce advoer.
Donné à Troyes au mois de janvier l'an de grâce mil quatre cens quarante-huit, de nostre règne le xxvIIIme. Par le Roy,
E. CHEVALIER.
II.
(16 juillet 1449.)
Je Jaques, seigneur d'Aumont de Chapes, de Clérey, faiz savoir à tous qu'il appartiendra que à la requeste et prière de mon très redoubté seigneur le duc de Bourgogne et de Brabant, le Roy m'a donné des lettres patentes en laz de soye et cire verte en forme d'absolussion, de grâce et remission pour moy et les nommez en icelles contenant la l'orme qui s'ensuit :
» Charles, par la grâce de Dieu, roy de France
Et pour ce que par icelles je suis tenuz et dedenz le temps de six mois après la date d'icelles de baillier les noms et surnoms de ceulx qui ont esté en mon service, tant en la guerre dont lesdictes lettres font mencion comme avant et depuis jusques au jour de la dicte date d'icelles, je certiffie à vous mon très-honnoré seigneur Guillaume Bélier, seigneur de Chezelles-Savary, escuier et maistre d'ostel du Roy nostre sire et son bailli de Troyes, ou vostre lieutenant audit lieu que, oultre et par dessus ceulx qui sont nommez esdistes lettres de remission, ont esté en mondit service les nommez ci-après, c'est assavoir : Messire Jehan de Mello, seigneur de Sainte
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352 CHAULES VII ET JACQUES D'AUMONT.
Parise, Hutin de Mello, seigneur de Vaux, Guillaume de Mello, seigneur de Blaigny, messire Jehan de Savailly, Jehan de Dinteville, Jehan de Veelu, Guillaume de Bricons, Henry de Yautravers, Thibaut de Chascenay, Anthoine Raillart, Jaquot de Chaumergy, Amé de Chamigny. seigneur de Tanlay, Charles de Marncy, messire Guillaume de Brenonville, Jehan de la Rochelle, Jelian Dalcnjou, Glaude de Mandelo, Jehan bastart Jan, Perrinet de Montceaux, Jehan le Boucherat, Bernart du Pont, Colinot Prévost, Georget de Vignes, Jehan Bruley, Jehan de Troucillon, Jehan des Moulins, Jehan Rouceau, Jehan do Tranly dit Henny, Thôvenin le Peuvrier, Ogier Naudin, Kathetin de Spoy, Jehan Verrier, Gofl'roy d'Ancelly, Marquet Chandellier, Jehan Roguet, Jehan d'Arras, Jehan de Bourbon, Jehan de Germigny, Simon de Coulon, Poinçart de Dinteville, Jenneque Receuve, Jourdain Larchier, George de PimontClervaulx, Jelian Larclier, Regnault des Bordes, Jehan LaPlumme, Gérard du Four, Jehan de Monlier, Jehan Trifoneau dit seigneur de La Ferté, Hernie de Courdasse, Pierre do la Rochelle, Thomas Philipon, Liebaut, bastart de Ruppes, Jehan Petit, bastart de Ruppes, Petit-Jean Bareton, demourant à Vervaniere, Jehan Vsart de Villiers-sur-Sey, Jehan bastart de Ru, Erard do Broullart, Guillaume la Duppe, Jean de Montigny, Aubert Tcrrière, le bastart d'Anou, Thibault de Gand, le bastart de Vies, Evrart Janvier, Pierre Bellegrée, Josseran de Lugny. Estienne de Rosière, Estienne Çhenevière, Jehan d'Espaigne, Guillaune Merlier dit l'Englès, Jelian d'Andelo le Viel, Guillaume de Cilly, Guillaume de Rutl'ey, Regnault de Neudin, Jacot de Blasmont et Hubert d'Arelces.
Et ce vous certiffie par la foy et serement de mon corps et sur mon honneur estre vray à fin de leur valoir et à chascun d'eulx l'effet contenu es dictes lettres d'absolussion et remission. Tesmoing mon séel et seing manuel cy mis le xvIe jour do juillet mil quatre cens quarante-neuf.
JA. D'AUMONT.
(Extraits d'un vidimus donné sous le sceau du bailliage de Troyes, le 31 juillet 1449.)
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RAPPORT
SUR LE PROJET
DE
STATISTIQUES COMMUNALES
DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE
Par M. VICTON DEHEURLE
MEMBRE RESIDANT
La Société Académique a entendu avec intérêt, dans sa séance du 16 avril 1875, la lecture d'un travail de M. Dautremant, ancien directeur de l'Ecole normale de l'Auhe, membre honoraire, dans lequel l'auteur propose de charger MM. les instituteurs de faire des statistiques communales. Des prix seraient décernés aux mémoires les plus remarquables; et ces recherches, centralisées par la Société Académique, fourniraient les éléments d'une statistique générale du département de l'Aube.
L'examen de ce projet a été renvoyé à une Commission composée de MM. d'Arbois de Jubainville, Babeau, Vignes, Fontaine et Deheurle.
Deux questions préjudicielles se sont présentées à la Commission :
1° Ne doit-on pas se borner à demander les seuls renseignements qui ne se trouvent pas dans les statistiques officielles ?
T. XL. 23
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354 PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES.
2° Doit-on ajouter les renseignements historiques aux données de la statistique dans le programme des questions?
La Commission ne croit pas qu'il soit utile de faire recommencer par chaque instituteur ce qui est déjà fait, ce qui est compris dans les statistiques officielles et ce qui est à la portée de tous, soit aux Archives départementales, soit dans les bureaux des grandes administrations. Par exemple, les instituteurs s'imposeraient une surcharge de travail sans profit s'ils recommençaient les recherches qu'ils ont faites sur le mouvement de la population, en 1872, quand ils ont fourni, en qualité de secrétaires de mairie, les éléments du recensement quinquennal retardé d'une année par la guerre de 1870 et de 1871. De même on trouve sur l'instruction publique, dans les archives de l'Inspection académique, les renseignements les plus complets, j'oserais presque dire les plus minutieux. Un questionnaire sur l'histoire de l'instruction primaire de 1650 à 1860 a été distribué par M. Rattier, ancien Inspecteur d'académie à Troyes, et trois cent quatrevingt-trois mémoires ont été adressés en réponse ; sur ce point, il y a simplement lieu de compléter le dossier de ces importantes recherches. Actuellement, et par périodes assez courtes, les instituteurs rendent un compte très-détaillé sur tous les faits qui intéressent les progrès de l'enseignement. Il reste donc un petit nombre de questions à formuler utilement sur l'instruction.
Il ne semble pas non plus que l'on doive demander la description du paysage qui sert de cadre à chaque village, ni de longs discours où chaque auteur développerait une opinion personnelle.
Mais s'il faut se garder d'interroger MM. les instituteurs sur les points qui ont une réponse dans les documents officiels, et écarter les longs discours offrant peu d'intérêt, il peut être utile de les prier de rechercher certains renseignements qui se trouvent épars dans des pièces nombreuses et difficiles à compulser, de les coordonner et de les résumer
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PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES. 355
en peu de mots, afin de permettre à l'économiste ou au philosophe d'en tirer des inductions intéressantes.
Ce que la Commission croit devoir supprimer dans le programme de M. Dautremant, ce sont toutes les questions pour lesquelles on trouve, sans peine et sans longues recherches, la réponse simple et complète dans les documents officiels qui sont à la disposition de tous.
Après s'être ainsi prononcée sur ce premier point, la Commission a examiné la seconde question : faut-il restreindre encore plus le tableau que devront remplir les instituteurs, et n'y admettre que les chiffres exprimant les faits actuels? La Commission ne l'a pas pensé. Il lui a semblé que la statistique n'est pas seulement une science d'actualité, mais une science historique. On peut même dire que le moment où elle est la plus instructive est celui où elle permet de comparer les faits présents à ceux du passé. Les temps anciens ont et méritent d'avoir leur statistique aussi bien que l'époque contemporaine. Nous avons même pensé qu'il n'y aurait aucun inconvénient, mais sans doute de sérieux résultats à obtenir si l'on demandait, à cette occasion, aux instituteurs les faits historiques purement locaux dont aucune mention n'est faite dans des oeuvres déjà publiées.
Après avoir posé ces bases, nous avons divisé le questionnaire en sept chapitres ayant pour titres :
I. - Topographie et Météorologie.
II. — Régime de la Propriété foncière et de la
Culture.
III. — Constructions et Monuments.
IV. — Population.
V. — Instruction.
VI. — Industrie et Commerce.
VII. — Histoire locale.
Chacun de ces chapitres renfermerait un certain nombre
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356 PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES.
de questions que la Commission a essayé de formuler et dont elle soumet le tableau à votre appréciation.
CHAPITRE PREMIER
Topographie et Météorologie.
1. Aspect général du pays, nature du sol, particularités géologiques. — Désignation des carrières.
2. Noms des cours d'eau, des fontaines, des étangs, des bois et des lieux dits; — noms des hameaux et des divers écarts; — anciens chemins.
3. Les limites du territoire sont-elles indiquées d'une manière apparente, par des tertres, mottes, fossés ou terrains vagues?
4. Résumé des observations météorologiques locales.
5. Y a-t-il des contrées où sévissent périodiquement ou plus souvent la gelée ou la grêle ?
6. La flore et la faune du pays présentent-elles quelques particularités saillantes? Signaler les gisements de fossiles.
CHAPITRE DEUXIEME
Régime de la Propriété et de la Culture.
1. Division de la propriété.
2. Etat des parcelles cadastrales immédiatement contiguës et réunies dans les mêmes mains.
3. Etat des parcelles cadastrales partagées.
4. Combien de parcelles sont-elles possédées par les habitants et par les forains? leur importance comparée.
5. Y a-t-il des domaines isolés et d'un seul tenant, affer-
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PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES. 357
mes ou non? Ces domaines sont-ils de formation récente? Y a-l-il des lots de terres morcelées, louées à bail ?
6. Mode et époque de paiement des fermages; indiquer, dans un tableau comparatif, les prix de location, à diverses époques, des mêmes propriétés.
7. Rechercher les variations du prix des terres et leurs
causes.
8. Y avait-il des biens communaux, des terres vagues, des pâtures communes avant 1789? Quelle en était l'origine? Que sont-ils devenus?
9. Superficie et nature des biens communaux actuels. Sont-iis partagés pour être exploités moyennant une redevance, ou bien loués ou exploités en commun?
10. A-t-on planté ou vendu des terrains communaux?
11. Revenu du domaine communal.
12. Assolement généralement pratiqué ; cultures principales.
13. A-t-on tenté de transformer l'ancien assolement triennal et de supprimer les jachères ?
14. A-t-on transformé des terres en bois ou eu herbages ?
1 S. A-t-on défriché des bois et des prés ?
16. Variations de la superficie occupée par la vigne, et du prix des vins.
17. Les bestiaux sont-ils nés ou élevés dans le pays ? Races dominantes. Y a-t-il des races indigènes?
18. Epizooties; leur attribue-t-on des causes générales ou locales?
19. Outillage agricole; s'est-il transformé ? Instruments nouvellement introduits.
20. Importance des vergers. Emploi de leurs produits.
21. Développement de la plantation des routes; essences
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358 PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES.
employées ; mode de plantation et d'entretien. Quels sont les résultats obtenus ?
22. Y a-t-il eu des expositions ou des concours locaux? Quelle en a été l'influence sur l'agriculture ?
23. Existe-t-il ou a-t-il existé une production agricole faisant l'objet d'un commerce spécial?
24. Par suite de la variation de la main-d'oeuvre et de la diminution du nombre des bras, la somme de travail consacrée à la terre a-t-elle diminué ? Comment essaie-ton de parer à la rareté delà main-d'oeuvre?
CHAPITRE TROISIEME
Constructions et Monuments.
1. L'époque anté-historique a-t-elle laissé des traces sur le territoire de la commune ?
2. Existe-t-il, sur le territoire, des cimetières antiques, et des restes d'anciennes constructions? Sait-on à quelle époque ces constructions ont été abandonnées?
3. Y a-t-il des traditions de constructions tout à fait disparues ?
4. A-t-on trouvé, sur le territoire, des objets antiques en pierre, fer, bronze, poterie, etc., etc.?
5. Quels sont les matériaux employés dans la construction des maisons ?
6. En quelle matière les maisons sont-elles couvertes ?
7. Y a-t-il eu, depuis un siècle, des modifications dans l'emploi des matériaux pour la construction et la couverture?
8. Quels sont les modes de clôture employés?
9. Décrire la maison commune, en indiquant la date de sa construction.
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PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES. 359
10. Y avait-il autrefois un château? A quelle époque a-t-il été démoli ?
11. Y a-t-il, actuellement, une maison portant le nom de château? De quelle époque date-t-elle?
12. Un parc ou un domaine dépend-il du château? Quelle en est la contenance ?
13. La commune renfcrme-t-elle quelque construction ou partie de construction remarquable, soit par son antiquité, soit par son architecture? Ces constructions portentelles des dénominations particulières?
14. Chapelles et croix; noms qu'elles portent, date de leur construction et traditions qui s'y rattachent.
15. L'église renferme-t-elle des objets d'art, vitraux, tableaux, rétables, sculptures sur bois, statues, objets d'orfèvrerie, serrurerie ancienne, etc., etc.? Les décrire et en donner les dimensions ; copier les noms des donateurs des vitraux, avec les dates.
16. Existe-t-il, dans les maisons particulières, des objets d'art et de curiosité remarquables?
17. Inscriptions tumulaires ou autres à l'intérieur ou à l'extérieur des églises et des édifices publics. Y a-t-il des inscriptions sur les maisons particulières? en prendre copie; en indiquer les dates.
CHAPITRE QUATRIÈME
Population.
1. Comparer la population à diverses époques avant l'an 1800 par périodes demi-séculaires ou par périodes plus courtes; relever le nombre des naissances, des mariages, des décès, d'après les anciens registres.
2. Age moyen des décédés pendant ces périodes, et depuis le commencement du siècle.
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360 PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES.
3. Des enfants étrangers au pays y sont-ils élevés par l'allaitement naturel ou par d'autres modes ?
4. Emigration et immigration : leurs causes, leur importance.
5. Des mariages consanguins ont-ils eu, dans la localité, des conséquences dignes d'être signalées ?
6. Est-il possible de constater que certaines causes générales ou locales ont influé sur la mortalité ?
7. Statistique des aliénés, des épileptiques et des suicidés.
8. Indiquer les cas de réforme et d'exemption du service militaire.
9. Indigents; organisation des secours.
CHAPITRE CINQUIÈME
Instruction.
1. Quelle est la date la plus ancienne où l'on ait pu constater l'existence d'un maître d'école ?
2. Depuis quelle époque la commune possède-t-elle une maison d'école?
3. S'il y a une école de filles, de quelle époque est-elle?
4. Pour constater les progrès de l'instruction, relever sur les registres de mariage , et depuis l'époque où ils ont été signés par les parties, les signatures des mariés et des mariées.
5. La commune renferme-t-elle une bibliothèque publique , des bibliothèques ou des collections particulières importantes ?
6. Orphéons et fanfares. — L'église contient-elle un orgue ?
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PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES. 361
7. Y a-t-il dans la commune des locutions locales? En donner le relevé et indiquer quels sont les progrès du langage et de l'orthographe.
CHAPITRE SIXIEME
Industrie & Commerce.
1. Principaux produits industriels. Principales marchandises qui sont l'objet du commerce local.
2. Y a-t-il une partie de la population occupée à la fois ou par périodes successives aux travaux de l'industrie et de l'agriculture ?
3. Les industries locales ont-elles changé? Date et importance des changements. Sont-elles exercées à domicile, par petits ateliers ou dans de grandes usines?
4. Nombre des bras occupés par les industries diverses, (enfants, hommes et femmes).
CHAPITRE SEPTIEME
Histoire locale.
1. Existe-t-il, en dehors des archives municipales, des manuscrits ou autres documents qui puissent présenter un certain intérêt historique? Les indiquer, les décrire, et s'ils sont importants, les copier.
2. Rechercher dans les anciens documents tout ce qui peut fournir de nouvelles lumières sur les anciennes administrations locales, leurs rapports officiels avec les administrations supérieures et les modes de nomination des fonctionnaires de la commune.
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362 PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES.
3. Y a-t-il des traditions d'événements anciens dont l'histoire n'a été ni écrite ni imprimée?
4. Les moeurs, les coutumes et les costumes présententils quelques particularités dignes d'être notées?
5. Existe-t-il des superstitions, des légendes locales?
6. Quelles sont les fêtes locales? Comment sont-elles célébrées ?
7. Des chants populaires anciens sont-ils encore chantés? Reproduire le texte de ceux qui paraissent originaux et particuliers à la localité, en s'attachant de préférence à ceux qui feraient allusion à l'histoire et à des légendes.
8. Quels souvenirs et quels documents a-t-on conservés sur les invasions de 1814 et de 1870, sur les épidémies, les incendies, les inondations dont la commune a été victime?
Pour répondre à ces questions, l'instituteur devra s'abstenir d'analyser ou de reproduire des documents imprimés; il pourra les indiquer et y renvoyer ; mais il devra surtout s'attacher à faire connaître les faits d'après les documents inédits, les traditions et ses observations personnelles.
Après avoir ainsi recherché ce que devait contenir un travail demandé à MM. les instituteurs, la Commission a naturellement communiqué ses projets à leur chef hiérarchique. M. l'Inspecteur d'académie se chargera de transmettre le programme, mais sans lui donner aucune attache officielle.
La Société Académique s'adresse donc surtout aux instituteurs, mais elle n'exclut personne, et fait appel au concours et aux lumières de tous ; elle accueillera avec une égale gratitude toutes les réponses qui lui seront adressées.
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PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES. 363
La Société doit chercher, dans la promesse de récompenses honorifiques, un stimulant indispensable. La Commission pense qu'il serait nécessaire d'accorder au moins une médaille d'or, cinq médailles d'argent et dix de bronze. Le concours resterait permanent jusqu'à ce que toutes les communes eussent fourni leur apport. Chaque année, s'il y avait lieu, les mémoires envoyés seraient l'objet d'une distribution de récompenses. Pour 1877, les envois seraient reçus jusqu'au 1er novembre. Un tel délai paraît indispensable pour un travail aussi sérieux. Les instituteurs auront pu mettre à profit les vacances et les longues soirées d'hiver.
Le système proposé par M. Dautremant, pour former les Commissions d'examen, a semblé trop compliqué. Il met en mouvement des fonctionnaires qu'aucun lien ne rattache à la Société Académique. L'entreprise doit rester l'oeuvre propre de la Société. Les membres associés pourront rendre les plus grands services dans les jurys d'examen qui seront ultérieurement constitués.
En essayant de provoquer et de réunir ces utiles travaux, destinés à fournir les plus précieux matériaux pour la statistique et l'histoire, la Société Académique comprend que ce ne sera pas l'oeuvre d'un jour. Le questionnaire de M. Rattier attend encore soixante-cinq réponses et il y a quinze ans qu'il a été formulé. Assurément, le programme projeté, plus étendu et plus difficile à remplir, devra rester offert pendant plusieurs années au zèle et à l'intelligence de MM. les instituteurs. Il est même probable que plusieurs mémoires seront successivement adressés sur la même commune. C'est un privilège pour les compagnies savantes de pouvoir compter sur le temps en inaugurant de longues et utiles entreprises ; mais, le jour où l'oeuvre sera terminée, il sera juste de se rappeler que l'initiative des statistiques canto-
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364 PROJET DE STATISTIQUES COMMUNALES.
nales est due à M. Lhoste, un des anciens membres les plus distingués de la Société Académique, et que M. Dautremant, reprenant cette tradition, a eu le premier l'heureuse idée de demander aux instituteurs les matériaux si précieux et si complets qu'ils sauront réunir dans les statistiques communales.
Troyes, le 16 juillet 1875.
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LA CULTURE DE LA TRUFFE
PAR
M. DE VILLEMEREUIL
Membre résidant.
MESSIEURS,
Vous avez renvoyé à mon examen un ouvrage de M. Jacques Valserres, intitulé. : Instructions sur la Culture de la truffe.
Cet ouvrage est instructif et intéressant ; l'auteur expose les théories erronées des anciens sur le mode de génération de la truffe, les efforts inutiles faits au xviue siècle et de nos jours pour la reproduction de ce tubercule par luimême et le système d'une nouvelle école qui considère la truffe comme une excroissance radiculaire'déterminée par la piqûre d'un insecte. Dans ce système, la truffe n'est qu'un parasite qui se nourrit aux dépens de l'arbre sur lequel il est formé.
La théorie qui considère la truffe comme une noix de galle souterraine repose sur l'analogie. Vous savez que les noix de galle, si nombreuses sur le chêne, sont dues à l'intervention d'insectes qui piquent soit les feuilles, soit les bourgeons pour insérer leurs oeufs dans la plaie. De là, pour la reproduction de la truffe, la théorie de la mouche trufïi-
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366 LA CULTURE DE LA TRUFFE.
gène sanctionnée par l'expérience et les investigations des entomologistes.
C'est sur ces bases que M. Valserres établit ses instructions sur la culture de la truffe; cette culture a l'avantage de mettre en valeur les plus mauvaises terres du centre et du midi de la France, de n'exiger aucun engrais et une maind'oeuvre assez restreinte.
M. Valserres conseille, pour obtenir la truffe, les plantations de bois sur le penchant des coteaux qui regardent le Midi. Les terrains jurassiques sont très-favorables et il faut éviter les terrains bas et humides de la plaine, les déclivités les moins fertiles sont les plus favorables, car la truffe redoute les engrais, et par suite, la décomposition des plantes.
Un grand nombre d'essences de bois conviennent à la truffe : le bouleau, le charme, le noisetier, l'épicéa, mais la famille des quercinées est préférable. L'auteur engage à semer le chêne truffier; ce n'est pas une espèce particulière, mais simplement des arbres provenant des chênes autour desquels on trouve la plus grande quantité de truffes.
Il ne suffit pas de faire des plantations de bois appropriées à la production de la truffe, il faut encore que ces bois conviennent à la mouche truffigène; cet insecte recherche l'air et le soleil, il craint l'ombre et l'obscurité; par conséquent, il n'habite pas les bois trop touffus ; il faut que les plantations de chênes soient espacées, et pour faciliter l'introduction de la mouche sur les racines, il y a avantage à cultiver les intervalles à la charrue, et à donner plusieurs hersages pour ouvrir la terre et détruire les grandes plantes parasites que la truffe redoute autant qu'elle s'arrange des herbacées chétives.
Telles sont les principales instructions données par M. Valserres pour la création des truffières; il passe ensuite en revue les truffières naturelles de la France, il donne leur
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LA CULTURE DE LA TRUFFE. 367
produit et celui des truffières artificielles qui peuvent rapporter jusqu'à 1,000 fr. par hectare. Les départements où elles sont le plus développées sont ceux de Vaucluse, des Basses-Alpes et du Lot.
54 départements produisent des truffes d'une manière notable et de bonne qualité. Le département de l'Aube est le vingt-neuvième par rang de production.
Il existe dans notre département des coteaux dénudés qui pourraient convenir à l'édification des truffières. Leur sol argilo-siliceux et argilo-calcaire serait favorable à cette culture, car dans la Dordogne, la Vienne, la Vaucluse et le Lot, les truffières reposent sur des sols composés de calcaire, de silice, d'argile et de fer.
L'auteur donne aussi des renseignements statistiques sur la consommation et la production de la truffe dont la valeur s'élève à plus de 15,000,000 de francs. Malgré cette énorme production, les prix de plus en plus élevés de ce comestible que Brillat-Savarin appelait le diamant de la cuisine ne permettront bientôt de ne le servir que sur la table des millionnaires.
Villemereuil, 19 mai 1876.
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LE PEINTRE DE LYEN
AU
MUSEE DE TROYES
PAR
M. LE BRUN-DALBANNE
MEMBRE RÉSIDANT
L'histoire des Beaux-Arts en France est encore à écrire. Elle ne pourra être utilement entreprise que lorsque toutes les biographies des artistes français auront été faites d'après des documents incontestables et que la reconnaissance de leurs oeuvres sera devenue certaine, par les signatures, la gravure contemporaine, les rapprochements ou la notoriété résultant de traditions ininterrompues. En attendant, le champ des investigations reste ouvert et les attributions se promènent d'une oeuvre à une autre, enrichissant celuici, appauvrissant celui-là, trop heureux encore l'artiste quand la fantaisie ou la spéculation lui laissent une partie de ses travaux et ne vont pas jusqu'à supprimer entièrement sa personnalité et son nom, pour ajouter à la fortune des privilégiés de la faveur publique. C'est donc un singulier et presque un âpre plaisir, pour ceux que passionne la sincérité des attributions, de rendre à chacun
T. XI.. 24
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70 LE EINTRE DE LYEN.
ce qui lui appartient, et après s'être attaché à un tableau, de lui restituer le nom de son auteur. Nous nous sommes depuis longtemps imposé cette tâche en l'honneur du Musée confié à nos soins, et les encouragements que nous avons reçus nous engagent à continuer jusqu'à ce que nous en avions banni toute incertitude.
Le livret du Musée de Troyes a inscrit sous le numéro 73 (1), en l'attribuant à Nattier, le portrait d'un magistrat qui se tient debout dans son cabinet, devant un riche bureau, relevant légèrement de la main droite sa robe de soie noire, la main gauche appuyée sur un in-folio orné de ses armes.
On pouvait peut-être se demander, en face de ce portrait, comment il se faisait que Nattier, cet élève des grâces, ce peintre de la beauté, comme on l'appelait de son temps, eût quitté son essaim de jolies femmes pour peindre un personnage qui tranchait si fort avec ses habituels et souriants modèles. Où trouver là le plus petit coin pour du bleu de ciel, du lilas, du rose tendre? Et les colombes, les chars légers, les nuages et les amours de l'Olympe du xvIIIe siècle, où les placer? Tout au contraire, un magistrat sévère, des in-folios à faire pâlir les plus intrépides, des couleurs sombres en harmonie avec les pensées sérieuses qui hantent une tête couronnée d'une perruque à huit étages, poudrée à frimas.
Et d'abord, quel est ce magistrat? Il paraît que c'est Nicolas-René Berryer, qui, après avoir été successivement conseiller, puis maître des requêtes au Parlement, avait fini par épouser la fille d'un gros traitant, à demi fermier général. M 110 Fribois, c'était son nom, avait apporté à Berryer, indépendamment d'une grande fortune, de la beauté, beaucoup d'esprit, et ce qui était sans prix pour un
(1) Notices sur les collect. du Musée de Troyes, p. 35.
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LE PEINTRE DE LYEN. 371
ambitieux, infiniment d'intrigué et de savoir-faire. Elle s'était d'abord contentée d'être intendante du Poitou. Mais bientôt, lasse de vivre reléguée loin de Paris et de ses plaisirs, de la cour et de ses hommages, ses beaux yeux avaient si bien plaidé le retour de son mari, qu'il était passé d'emblée de son intendance à la lieutenance générale de la police de Paris.
Etait-ce la marquise de Pompadour qui l'avait conseillé, ou son seul génie avait il fait découvrir à Berryer les moyens de se rendre agréable? Nous ne saunons guère le dire à la distance où nous sommes d'une époque et d'événements sur lesquels les alcôves curent souvent plus d'influence que les hommes d'Etat et les Conseils de ministres (1). Toujours est-il que Berryer, après avoir conservé l'organisation de la police due à La Reynie et à d'Argenson, s'appliqua comme unique perfectionnement à encourager la délation et l'espionnage. Les moindres mots furent interprétés, les billets les plus inoffensifs tournèrent en disgrâces; quant aux chansons et aux libelles contre la favorite, ils se transformèrent en crimes de lèse-majesté et devinrent, pour leurs auteurs, des titres à la Bastille. Mme de Pompadour se montra satisfaite, et la faveur de Berryer grandit plus encore par les choses qu'il sut lui cacher sur elle-même que par celles qu'il lui confia sur tout le monde. Toutefois, une mesure de police qui avait eu pour but de seconder les vues du gouvernement dans l'intérêt du peuplement des colonies, ayant amené un blâme du Parlement, le Roi se vit obligé, malgré Mme de Pompadour, de sacrifier Berryer. Mais elle ne l'abandonna pas et le fit, à quelque temps, de là, nommer conseiller d'Etat, puis ordinaire au Conseil des dépêches où
(1) Celui qui est à la Cour, à Paris, qui voit agir des ministres, des magistrats, s'il ne connaît les femmes qui les gouvernent, est comme un homme qui voit bien une machine qui joue, mais qui n'en connaît point les ressorts. — Montesquieu, Lettres persanes, cvII.
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372 LE PEINTRE DE LYEN.
il lui semblait indispensable d'avoir un homme à elle pour être instruite de ce qui s'y passait de plus secret. Enfin, la marquise lui fit confier le portefeuille de la marine en 1758. C'était un marin qu'il aurait fallu, et Berryer n'était qu'un courtisan. Aussi ne ful-il pas capable de relever la marine de l'état d'abandon dans lequel elle languissait depuis longtemps. En échange, on lui donna les sceaux ; ceci se passait en 1761; il mourut un an après, n'ayant que trop justifié cet éloge plus vrai que flatteur, c'est que dans ses difïérents emplois, il avait mieux fait les affaires de Mme de Pompadour que celles de la France.
Si nous avons cru devoir esquisser la vie de Berryer, c'est afin de montrer qu'un pareil personnage n'avait pas dû s'adresser au premier venu pour conserver ses traits à la posté'ilé. Il est vrai qu'en 1750, époque à laquelle nous ver. ons que Berryer avait fait peindre son portrait, les grands portraitistes avaient tous disparu. Jouvenet était mort en 1717, Hyacinthe Rigaud en 1743, Largillière en 1746; Robert Tournières était âgé de 74 ans et ne tenait plus le pinceau; Nattier et Drouais, en leur qualité de peintres des grâces, n'acceptaient pas de portraits d'hommes; Chardin se complaisait à des scènes bourgeoises, et Quentin de La Tour ne faisait que des pastels.
Berryer s'adressa donc à un élève de Largillière, et même au plus habile de ses élèves, bien que par suite de circonstances inexplicables, ou de cette fatalité qui s'attache à certains noms, il soit aujourd'hui le moins connu d'entre eux. Ce ne fut pourtant ni Meusnier, qui a laissé de si belles copies; ni Jans, auquel les familles s'adressaient habituellement pour multiplier les portraits de Largillière; ni Jacques Van Schuppen, ce flamand naturalisé Français; ni même Millot, cet autre flamand dont la famille Angenoust de Romaine possède de si brillants portraits. Ce fut de Lyen qui eut sa préférence, et nous ne connaîtrions peut-être;plus son nom, ni ses oeuvres, s'il n'avait été membre de l'Académie
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de peinture et si, surtout, d'illustres graveurs ne s'étaient attachés à reproduire quelques-uns de ses portraits.
Qu'était-ce donc que de Lyen? La biographie universelle; — Brulliot, — Siret,— Théodore Lejeune, — Jal, les Archives de l'Art français, ne mentionnent pas, nous ne dirons pas certaines de ses oeuvres, nous ne dirons pas quelques traits de sa vie, mais seulement son nom. Je ne le trouve noté dans aucun catalogue des musées de France ou de l'étranger. Son portrait, ni aucun portrait de sa main, n'est aux Uffizi de Florence, et Michel de Marolles, dans son Livre des peintres et des graveurs, ne lui consacre pas même un hémistiche.
Seul d'Argenville le note au passage, à propos de Largillière. « Il a fait plusieurs élèves, entr'autres les sieurs >> Milot et Van Schuppen, premier peintre de l'empereur, » fils du fameux graveur de ce nom ; le sieur Jans et » messieurs des Lyens et Oudry, peintres distingués de » l'Académie (1). » Et puis c'est tout.
Ce serait donc trop peu pour un peintre distingué de l'Académie, si ses registres ne nous apprenaient qu'il avait deux prénoms : Jacques-François; qu'il était né à Gand, et qu'à l'époque de sa mort, arrivée à Paris en 1761, il était âgé de 77 ans (2), ce qui donne l'année 1684 pour celle de sa naissance, année mémorable, puisque c'est en 1684 que Louis XIV s'emparait de Strasbourg et de Luxembourg, pour en faire, à l'est, les boulevards de la France.
De Lyen, qui avait commencé la peinture en Belgique, fut sans doute amené à Paris par l'un de ces artistes flamands qui émigrèrent en France à la suite des désastres et de la ruine de leur patrie, causée par la chute de la monarchie espagnole (3). Nicolas de Largillière, à la suite de cir(1)
cir(1) de la Vie des Peintres, T. IV, p. 203.
(2) Archives de l'Art français, T. I, p. 382.
(3) Alfred Michiels, Hist. de la Peinture flamande, T. IX, patsim.
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constances qu'il est inutile d'expliquer ici, avait appris la peinture à Anvers, dans l'atelier d'Antoine Goubau. Puis après avoir séjourné quelques années à Londres, il était venu se fixer à Paris, où il avait obtenu les plus brillants succès. Le jeune de Lyen, également sorti d'Anvers, lui fut confié, et il répondit si bien à ses soins que le 24 novembre 1725, l'Académie royale de peinture et de sculpture l'agréait au nombre de ses membres en qualité de peintre de portraits. Ses deux morceaux de réception furent les portraits du sculpteur Guillaume Coustou et de Nicolas Berlin, peintre d'histoire (1).
Ils sont tous deux conservés à l'Ecole des Beaux-Arts et ils ont été gravés : le premier par de Larmessin, pour sa réception à l'Académie en 1730, et le second par Lépicié, également pour sa réception à l'Académie en 1740. Cette dernière gravure a figuré au Salon de 1741 (2).
Messieurs de l'Académie royale, qui avaient seuls le droit d'exposer leurs ouvrages : d'abord dans la grande galerie, et plus tard dans le Salon carré du Louvre, n'avaient pas entrepris d'exposition à partir de 1704. Ils se décidèrentà en faire une en 1737; c'était la quatrième depuis 1673. Nous voyons que de Lyen y figura par le portrait en ovale, c'est-à-dire en buste seulement, de Mlle de la Haye, joaillière; par celui de Mme Avignon; par ceux des enfants de M. Delestre, ancien secrétaire du Conseil, et par son propre portrait qu'il serait très-intéressant de retrouver (3).
En 1738, il exposa le portrait de M. de la Haye en astrologue, pour faire pendant à celui de Mme de la Haye, représentée en liseuse par Lamy, également académicien, et le portrait de M. de Solmaquier en chasseur (4).
(1) Archives de l'Art français, T. II, p. 366.
(2) Salon de 1741, :p. 26. Collection des livrets des anciennes expositions.
(3) Salon de 1737, p. 16, 22, 23.
(4) Salon de 1738, p. 16,18.
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En 1740, à la septième exposition, il mit : un grand portrait en hauteur, de 5 pieds sur 4 de large, représentant, jusqu'aux genoux, M. Meliand, conseiller d'honneur au Parlement de Paris; — un tableau de 3 pieds de large sur 4 de haut, représentant la Lanterne magique, qui a été gravé par Antoine Guélard; — enfin, un autre de même forme et grandeur, représentant la Marmotte (1), également gravé par Antoine Guélard (2).
En 1745, il exposa un tableau historié, le représentant. Ce tableau avait, en hauteur, 5 pieds sur 4 de largeur; — et un autre plus petit, représentant un buveur sous une treille (3).
Dans ce même Salon de 1745, Tardieu fils exposa le portrait du Maréchal Dubourg, gravé par lui d'après de Lyen.
En 1746, douzième exposition. De Lyen y envoya M. *'** en robe ; — M. l'Abbé***; — une Dame en Hébé (4).
Ces trois portraits étaient de grandes dimensions.
En 1747, eut lieu la dernière exposition dans laquelle de Lyen consentit à figurer ; il exposa le portrait de 5 pieds sur 4, de Mme la marquise de la Luzerne et de son fils; — et le portrait de même grandeur de M. de Launay, gouverneur de la Bastille (5), père de cet infortuné BernardRené Jourdan de Launay, qui lui succéda et fut, le 14 juillet 1789, victime de sa générosité et du manque de parole à la foi jurée par ce peuple parisien que tous les travestissements de l'histoire n'absoudront jamais de sa lâche cruauté.
(1) Salon de 1740, p. 21.
(2) Cabinet de Paignon-Dijonval, p. 229, n° 6,546, et p. 293, n° 8,408.
(3) Salon de 1745, p. 28.
(4) Salon de 1746, p. 22.
(5) Salon de 1747, p. 26.
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A partir de 1747, de Lyen cessa de paraître aux expositions, sans pourtant cesser de faire des portraits. Il était mécontent de la froideur du public à son égard, et tandis qu'il le voyait courir aux tableaux des inconnus, il se voyait, lui, académicien depuis un quart de siècle, délaissé à ce point qu'on ne parlait plus de ses ouvrages. Pour se venger, il voulut faire un tableau dans lequel il représenterait le public sous la figure d'un âne osant juger une de ses peintures. Ses amis eurent toutes les peines du monde à le dissuader d'un projet qui devait attirer d'étranges colères sur sa tête. Il céda, mais il voulut graver lui-même le témoignage de ses ressentiments, et il lui donna pour pendant une autre gravure dans laquelle il s'était représenté labourant péniblement le champ de la peinture (1). Que d'artistes, hélas! en sont arrivés là, et s'il avait vécu de nos jours, est-ce qu'il n'aurait pas pu se représenter, non pas en laboureur retournant tristement des tableaux dans un sillon, mais traînant un boulet en face du château de la Misère. Lorsqu'on n'a pas une volonté énergique et foi dans son avenir, il ne faut pas tenter la carrière des arts.
Revenons à de Lyen, et essayons de caractériser son talent.
De Lyen fut un dessinateur habile et correct, peut-être un peu trop compassé. Ses portraits, qu'on ne connaît plus et qui portent sans doute d'autres noms que le sien, sont bien disposés, peints d'un pinceau agréable, doux, harmonieux, mais qui n'a pas toujours su éviter la froideur. Un peu de fougue et d'emportement ne nuisent jamais, témoins Rubens, Van-Dyck et Rembrandt, pour ne citer que les plus grands. Le portrait de Guillaume Coustou est un des plus vivants et des meilleurs qu'il ait faits. Il est vrai qu'il le des(1)
des(1) Abecedaris, T. II, p. 88.
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tinait à sa réception à l'Académie, et que les idées personnelles et les conseils de l'illustre sculpteur n'avaient pas été pour lui nuire. Celui de Bertin est excellent aussi, tout en ne valant pas le premier, à cause peut-être de l'âge et de la physionomie moins heureuse du modèle.
Quant au portrait de Berryer, la robe est d'une merveilleuse facture, elle tombe et chiffonne bien ; les noirs en sont chauds, transparents et soyeux. Il n'est plus possible d'apprécier le coloris de la figure, outragée qu'elle a été par un restaurateur malavisé, qui en s'acharnant sur elle et à force de vouloir l'éclaircir, lui a enlevé ses meilleurs accents et ses plus fins glacis. On peut cependant juger par les mains, qui sont bien conservées, de ce qu'elle devait être. Le sang y circule sous la peau, elles sont d'une facture grasse, onctueuse et pourtant délicate et légère, qui leur donne de l'esprit et de la vie. Malheureusement, les accessoires ont le tort d'être trop achevés. Les plans se confondent, la figure manque d'air et paraît étouffer sous les arbres, les pilastres, les rideaux, les meubles et les in-folios qui l'entourent. Ce sont donc des qualités, presque négatives par leur défaut d'équilibre et leur conscience même, qui ont nui à la réputation de de Lyen et l'ont empêché de sortir de la sphère des peintres ordinaires. Le savoir est chez lui, la main et l'exécution y répondent, mais sans rien d'assez vif ni d'assez vibrant pour émouvoir et saisir, comme clans les oeuvres qui proclament leur auteur.
Le portrait de Berryer donne deux indications intéressantes : d'abord, la date de 1750, qui doit être celle de son exécution et qu'on peut lire en tète d'une ordonnance du Roi posée sur le bureau ; ensuite, ses armoiries figurant sur le plat du volume qui soutient sa main. Berryer portait d'argent au chevron d'azur, accompagné de deux quinte-feuilles de sable et d'un aigle éployé de même en pointe.
Enfin son portrait, et ce n'est pas son moindre honneur,
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a été gravé par Jean-Georges Wille (1), graveur du Roi, cet ami dont Greuze a fait un si beau portrait (2), et qui a joui, au xvIIIe siècle, d'une réputation méritée par un dessin correct, un burin hardi, brillant, varié, dont les effets piquants, obtenus pour ainsi dire sans noirs et sans contrastes, ont pu être égalés, mais n'ont jamais été dépassés depuis.
Troyes, le 30 juin 1876.
(1) Cabinet Paignon-Dijonval, p. 293, n° 8,409.
(2) Ancienne galerie Delessert, actuellement dans la collection de M. Edouard André.
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BOWLES ET SES SONNETS
PAR
M. CHARLES DES GUERROIS
MEMBRE RESIDANT
A la suite des grands poètes qui ont tant illustré, en Angleterre, le commencement du dix-neuvième siècle et la fin du siècle précédent, Cowper, Wordsworth, Coleridge et Southey, lord Byron, sir Walter Scott et Shelley, Burns encore et Thomas Moore, le premier, qui a rempli les chaumières et les campagnes de l'Ecosse de ses chansons éclatantes, l'autre, qui a charmé les salons de l'Angleterre de ses mélodies faciles, l'esprit distingue un poète d'un moindre vol, mais d'un talent sincère, délicat et tranquille ; c'est l'auteur de quelques poèmes qu'on lit peu, et d'un assez petit nombre de sonnets d'une inspiration si touchante qu'ils sont assurés de vivre quand se seront éteintes dans l'oubli bien des compositions plus ambitieuses. Celui-ci vient à si longue distance des poètes que j'ai dits, Banwell-Hill est si loin de la Tâche de Cowper, de l'Excursion de Wordsworth, du Vieux Matelot de Coleridge, de Childe-Harold et de Marmion, qu'il semble presque qu'il soit déplacé et de mauvais goût de le nommer après ces maîtres. Non, cependant, ce n'est pas déplacé, et ceux qui auront lu les sonnets peu nombreux auxquels j'ai fait allusion, les Scènes et Ombres des Jours évanouis, comprendront que je n'aie
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380 BOWLES ET SES SONNETS.
pas hésité à associer à l'illustre pléiade le nom modeste du recteur de Bremhill, du chanoine de Salisbury, William Lisle Bowles.
I.
Bowles est un poète de second ordre, mais ce n'est pas un poète médiocre — ce qu'on pourrait dire également de Charles Lamb avec ses sonnets; de Keats, l'auteur à'Endymion; de Thomas Hood, l'auteur de ce Chant de la Chemise qui a passionné l'Angleterre ; de mistress Felicia Hemans, le poète des Affections domestiques, et en remontant plus haut, de Goldsmith lui-même, le poète délicieux et à jamais adoré du Village abandonné, du Traveller. Non, ce n'est pas un poète médiocre, celui que Southey a reconnu, que Coleridge a admiré, dont l'auteur de Thalaba a proclamé en termes exprès l'influence heureuse sur sa propre poésie.
Le 8 mai 1769, une chaise de poste partait de l'hôtel de l'Ange (Angel Inn), rue de Redcliff, à Bristol-Bristol, Redcliff, noms à jamais associés à la mémoire de Chatterton, qui alors vivait et peinait, à la veille d'aller s'empoisonner à Londres, forgeant dans un grenier et écrivant, sur des bouts de parchemin, ses vers du quinzième siècle. — La chaise contenait un ecclésiastique de moyen âge ayant l'air d'un gentleman, une dame à l'aspect imposant et deux enfants, un petit garçon et une petite fille, le petit garçon coiffé d'un chapeau blanc à galon d'or faisant le tour de la forme, et vêtu d'une jaquette ou veste bleu de ciel. Le petit garçon se penchait vivement à la portière pour regarder très-attentivement l'église de Redcliff — celle de Chatterton — pendant que la petite fille, non moins curieusement, regardait les boutiques par l'autre portière. La chaise cependant,
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suivie d'une autre voiture contenant cinq autres enfants sous la garde des domestiques, montait péniblement la colline et allait sortir de Bristol.
Cet ecclésiastique était le révérend Thomas Bowles, la dame imposante était sa femme, le petit garçon en jaquette bleue était leur fils, le futur poète, les six autres enfants complétaient cette florissante famille. Le père, la mère et les sept enfants venaient d'un petit village du comté de Buckingham sur les frontières du comté de Northampton, dont M. Bowles quittait la cure pour aller prendre possession d'une autre cure, celle de la paroisse d'Uphill, à l'extrémité du pays qui s'étend le long du golfe de la Saverne, paroisse à laquelle il venait d'être appelé par le Chief-Justice Willes. Les coffres des voitures étaient remplis de livres, compagnie fort convenable pour un ecclésiastique.
Si j'ai mentionné ce voyage, si j'ai mis sous vos yeux cette chaise quittant Bristol et s'élevant progressivement pour embrasser un horizon d'instant en instant plus riche en beautés de la nature, croyez bien que ce n'est pas par un vain amour du pittoresque ; c'est parce que nulle circonstance, fût-elle en apparence indifférente, n'est à négliger dans la vie des poètes ; c'est que l'observateur et le critique doit se rendre un compte exact des impressions qui ont pu et dû concourir à éveiller, à former, à inspirer une intelligence de poète; c'est que ce voyage, en effet, avait laissé un durable souvenir dans l'esprit du petit William ; soixante-huit ans après, fermant les yeux dans le jardin de son élégant presbytère de Bremhill, il revoyait, de son oeil intérieur, les scènes qu'avait contemplées son regard d'enfant, et avec reconnaissance, avec bonheur, il se rappelait le père qui les lui avait fait admirer; d'une plume qui ne se sent pas de la vieillesse (au moins dans ce passage), il nous a raconté celte heure émue de sa septième année ; cette page fait partie de l'intéressante Introduction qui précède les Scènes and Shadows :
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382 BOWLES ET SES SONNETS.
« L'écrivain du présent volume, nous dit Bowles, a hérité de son père l'amour de ce qui est paysage et scènes de nature (landscape scenery), comme il a hérité de sa mère un amour de la musique, et particulièrement de la musique sacrée. S'il se trouvait dans notre voyage quelque scène remarquable, quelque lieu d'une beauté plus particulièrement attrayante, mon père, pour le visiter, quittait sa route la plus directe. C'est ce qu'il fit au sortir du bruit et de la fumée de Bristol. En conséquence, nous fîmes route à travers cette partie la plus romantique du pays, par BrockleyCoombe. Pas un mot ne fut dit en chemin jusqu'au moment où nous fûmes arrivés à ce point. Alors, mon père me prit par la main et me fit monter en silence la route pittoresque et romantique qui conduit au sommet de la colline, d'où l'on apercevait une longue et magnifique étendue de paysage ; à l'horizon, la grande Saverne sous la lumière du matin ; des bois, des montagnes et des villages s'espaçant à droite et à gauche; la vue bornée au nord par les lointaines collines du pays de Galles, s'abaissant et se perdant dans la distance. L'impression de cette belle nature me demeure encore présente à cette heure, et je crois que c'est à cette circonstance que je dois les premières associations qui se soient faites en mon intelligence de la poésie avec la nature pittoresque. »
Bowles a dit vrai sur la puissance durable de cette impression, et j'en trouve la preuve dans un passage du poème de Banwell-Hill, où le poète a ravivé avec une sorte d'enthousiasme ce souvenir de Brockley-Coombe. — Coleridge, lui aussi, dans un petit poème daté de 1795, a célébré ce beau lieu où venait, dans une pensée mélancolique, l'émouvoir le souvenir de sa « pensive Sarah. »
Plus loin, la voilure arrivée au sommet de la colline de Banwell, celle-là même que couronne l'église dont M. Bowles venait prendre possession, un murmure lointain, bas et continu, vaste plainte de l'infini à laquelle répond le coeur de
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l'homme, commence à s'élever et ne cesse plus; Bowles encore, dans son poème de Banwell-Ilill, a recueilli ce souvenir qui est à lui seul une poésie, o J'étais enfant quand pour la première fois j'entendis le bruit de la vaste mer. Il était nuit, et, voyageurs qui avions fait un long chemin, nous étions dans notre route surpris par le tard, en des lieux nouveaux, en des lieux inconnus; une mère était avec son enfant, pour la première fois commençant ses pèlerinages en ce monde. Mon père était là,-avec nous, Pasteur de l'Eglise qui couronne la haute colline, au-dessus de l'Océan ; alors, comme les roues ralentissaient leur mouvement, et que descendait la nuit paisible, un son bas et incertain s'entendit, qui ne ressemblait pas au bruit du vent : Ecoutez, dit celle qui était avec moi, écoutez, c'est la mer! Ecoutez, c'est la mer ! Ma tête reposait sur son sein; je m'éveillai ; j'entendis le lointain murmure, et de plus près je me serrai contre le sein maternel. »
« De la mer avec larmes, avec étonnement, j'avais entendu parler, souvent, de l'homme naufragé qui, sur quelque île séparée du monde entier, voit, jour par jour, le soleil s'abaisser sur la solitude des flots... Des pensées pareilles s'élevèrent en moi quand, pour la première fois, j'entendis au soir, vieil Océan, le bruit lointain de ta voix éternelle! »
Encore quelques pas des chevaux, quelques tours des roues de la chaise de poste, et les voyageurs voient paraître une lumière à la fenêtre, une voix salue ces arrivants attardés, le pasteur et sa famille ; ils sont en face d'une petite maison d'apparence assez rustique, environnée de beaux arbres : c'est le parsonage, le presbytère d'Uphill avec ses huit fenêtres et sa porte modeste. « Demain, conclut le poète, nous irons visiter de nouvelles sources, de nouveaux pâturages. »
Ainsi se termine ce premier chapitre de la vie de William Bowles, qui écrit à la suite cette ligne touchante : « A continuer, si la vie le permet. » La vie ne l'a pas permis, car c'est
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tout ce qu'a écrit le poète octogénaire. Il a vécu pourtant quelques années encore, n'étant mort qu'en 1850, à l'âge de 88 ans ; mais il faut quelque courage pour se remuer sous le poids des années, et revenir, attristé, vers ces années premières et lointaines dont séparent tant de rêves et de déceptions. Bowles ne s'est pas senti ce courage.
Quoi qu'il en soit, ce premier et unique chapitre de la vie enfantine du futur poète demeure une image assez fidèle de la vie entière qu'il est destiné à parcourir, vie sans orages, non sans émotions. Vie rurale, vie retirée, attentive aux devoirs du sacré ministère, semée de poèmes accueillis, applaudis, entremêlée de visites à Londres, un grand amour de la nature, des fleurs, des jardins ornés avec passion, sinon avec goût, c'est ce qu'on appellerait le bonheur si la mémoire ne revenait pas, inquiète et triste, raviver les souvenirs trop chers parce qu'ils sont trop douloureux.
Les premières années de William après l'arrivée à Uphill se passent sous l'oeil et dans la maison de son père; à quatorze ans (1776), on l'envoie à l'école de Winchester, où il attire l'attention du Dr Wharton, directeur de cet établissement, rival, à cette époque, de Wesminster et d'Eton. Après l'école, l'Université. Le jeune homme entre au collège de la Trinité, Oxford, où il continue à se distinguer. Il obtient le prix du chancelier, qu'il conquiert par un poème latin sur le siège de Gibraltar [Calpe obsessa). Il n'avait que vingt ans (1782). Ce poème juvénile, et tout rempli de la phraséologie qui avait cours alors dans les vers latins (je crois que c'est toujours la même chose), ne manque pourtant pas d'une certaine force et beauté ; j'y remarque surtout une description du rocher de Gibraltar, qui a le mérite fort appréciable d'être courte, outre celui d'être vivement pittoresque :
Continuo ante oculos sese objicit ardua rupes. (Ed. GALIGNANT, p. 131).
En 1792, Bowles prend son degré de maître ès-arts, son
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père meurt, et il quitte Oxford. Il entre dans les ordres sacrés, et va remplir les fonctions de desservant [curate) dans une cure du Wiltshire. En 1797, il épouse la fille du Dr Wake, prébende de Westminster. Il avait trente-cinq ans, et il est dès lors en possession de sa vie heureuse, ou du moins de sa vie consolée. Car, avant celte heure qui serait tardive si la vieillesse ne devait pas lui réserver de longs jours, Bowles avait traversé déjà deux épreuves douloureuses. Une première fois, tout jeune encore, il avait aimé une jeune dame, dont la main lui avait été refusée, parce qu'alors il n'avait aucune fortune — histoire connue, toujours la même, et à laquelle jamais le coeur ne cessera de s'intéresser. Pour Bowles comme pour bien d'autres, ce premier amour est le plus cher ; au milieu même des douceurs d'une union jamais troublée, cet amour a vécu dans un souvenir impérissable, sur les bords du Cherwell, dans la stalle de Salisbury, dans les élégances de Bremhill, dans le parc et sous les chênes de Lansdowne; il a été l'inspiration des premiers sonnets du poète, son vrai titre suivant moi, son titre immortel, de préférence à ses grands poèmes : Le Missionnaire, le Tombeau du Dernier Roi saxon ; Banwell-Hill, Saint Jean à Palmos. Le poète promena longtemps son coeur désenchanté dans les pays étrangers, et chercha dans des voyages aux Pays-Bas, sur les bords du Rhin, en Suisse, l'oubli ou du moins l'assoupissement de sa première douleur ; il le chercha plus efficacement dans la poésie, et l'égoïsme des lecteurs bénit dans la postérité ces lointaines douleurs, dès longtemps éteintes dans la mort, qui lui ont valu les sonnets et canzones de Pétrarque, les sonnets et élégies de William Drummond, les sonnets de Bowles, les derniers et non pas les moins beaux.
Dix ans se passèrent. Le poète était dès lors dans les ordres; la fortune déjà lui avait montré quelque premier sourire; il aima une seconde fois, et cette fois les parents se trouvèrent d'accord avec leur fille pour couronner la légiT.
légiT. 25
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time tendresse du poète. Mais la mort n'avait rien promis : la veille même du mariage, la fiancée était morte.
Bowles cependant demeurait pauvre desservant dans le Wiltshire; pauvre? non, « plus que riche avec quarante livres par an » — c'est un vers de Goldsmith. Enfin, il se marie, il ne trouve cette fois entre lui et sa fiancée ni la mort, ni des parents hostiles. Bientôt après, il est récompensé du courage qui l'a poussé à se marier dans des circonstances étroites encore, res angusta domi. Lord Somers lui donne le bénéfice de Dumbledon dans le comté de Gloucester. En 1803, il devient chanoine de la cathédrale de Salisbury; en 1805 enfin, Moore. archevêque de Canterbury, lui donne le riche rectorat de Bremhill, où il passera les quarante-cinq dernières années de sa vie, où il doit s'éteindre enfin dans l'extrême vieillesse (à quatre-vingt-huit ans), comblé des bonheurs de ce monde, environné, dans sa vie innocente et pure, des respects et de l'affection de tous.
Je reviens aux sonnets de Bowles, son titre immortel. Ils sont peu nombreux, mais on ne se lasse pas de les relire, ces calmes et purs sonnet*, qui délassent et remettent l'esprit fatigué et presque malade de la lecture de tant de compositions violentes, désordonnées, échauffées — facticement échauffées — ou tout au contraire, tièdes, maladives et sceptiquement indifférentes, que notre siècle a vu éclore.
L'histoire de ces sonnets est curieuse à plusieurs égards. Depuis trois ans, le poète était revenu en Angleterre, toujours plein d'une chère mémoire. Un matin, passant par Bath, il mit dans sa poche un petit rouleau de papier, bien petit en effet, et alla frapper à la porte de M. Crutwell, imprimeur. Ce rouleau était le manuscrit des « Quatorze Sonnets crit- principalement sur des lieux pittoresques durant un voyage. »
Comment le jeune poète fut-il reçu par M. Crutwell? C'est ce que Bowles lui-même a raconté dans l'Introduction à l'aimable volume de 1837. Je traduis cette page, en
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souhaitant qu'elle tombe sous les yeux des jeunes poètes pour leur mettre du coeur au ventre, mais sans leur inspirer toutefois de trop téméraires espérances, qui risqueraient fort d'être déçues :
« J'avais frappé trois fois à la porte de cet aimable imprimeur, dont je me rappelle encore le bon sourire. A la fin, avec beaucoup d'hésitation, je me hasardai à dire ce qui m'amenait : je voulais lui demander s'il serait disposé à donner quelque chose pour « Quatorze Sonnets, » devant être publiés avec ou sans le nom de l'auteur. Sans hésiter, il déclina l'acquisition du manuscrit, en me disant qu'il doutait fort que la publication pût couvrir les frais de l'impression, qui monteraient à cinq livres ou à peu près. A la fin, nous nous arrêtâmes à cette décision, qu'il serait publié, dans le format in-quarto, et en quelque façon à titre d'enfants perdus, cent exemplaires. J'abandonnai à leur sort ces « Quatorze Sonnets, » sans plus penser à devenir riche par la poésie ! En effet, j'avais à cette époque la plus forte dette dont j'aie jamais été chargé à Oxford : je devais 70 livres (1750 francs); sachant combien mon père était chargé de famille, combien sa vie était difficile, difficile aussi celle de ma pauvre, mère, j'avais renoncé depuis ma sortie de la maison paternelle à plus demander d'argent à mes parents. Aussi je retournai à Oxford le coeur gros, sous le poids de celte pensée que mon projet poétique se dérobant, tout moyen me manquait de payer Parsons, d'acquitter la note du mercier (inercer). Telle fut l'origine de ma publication. »
Le poète avec ses Quatorze Sonnets espérait payer sa lourde dette d'Oxford. C'était embarquer ses espérances, ou, si l'on veut, celles de son créancier, dans une fragile nacelle!
Si le sort de ces quatorze Sonnets vous intéresse, j'en poursuis l'histoire, en continuant de prendre pour guide le poète lui-même :
« Dès lors, plus d'espérance de me tirer d'affaire par la
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poésie. Cependant, six mois après, je reçus une lettre de l'imprimeur, par laquelle il m'informait que les cent exemplaires étaient tous vendus, ajoutant que si j'avais publié CINQ CENTS exemplaires, il ne doutait pas qu'ils ne se fussent vendus également.
» C'était là, dans ma position, mon père mort, ma mère veuve avec sept enfants, et un revenu très-fort réduit (par la perte d'Uphill et de Brean dans le Somerset), c'était là une nouvelle heureuse! Tous mes rêves de succès par la poésie reprirent vie; j'augmentai le nombre des sonnets d'abord publiés, et l'imprimeur, dont je recevais les félicitations, avec la famille duquel j'ai vécu dès ce moment dans les termes de la meilleure amitié, dut mettre cinq cents exemplaires sous les presses de l'éditeur de la Chronique de Bat h. »
M. Crutwell, voilà un nom qui mérite une niche dans la mémoire des poètes commençants ; mettez-le, ce nom, à côté de celui de M. Cottle, le généreux imprimeur de Bristol, l'ami de Southey, l'éditeur désintéresse de Chatterton.
Le succès se prononce de plus en plus; les cinq cents exemplaires sont vendus; et bientôt il devient nécessaire d'imprimer une troisième édition, tirée cette fois à 750, et dans un format plus petit et plus élégant. Coleridge, l'auteur de Christabel, des Feuilles sibyllines, de l'émouvant Old Mariner, adresse à l'heureux auteur des Sonnets ses félicitations chaleureuses. Ce n'est pas tout. Ecoutons un moment de plus le poète dont le récit prend des ailes, car il en pou.-se facilement et vite dans le bonheur :
« Peu après la publication de cette troisième édition, mon ami, M. Crutwell, l'imprimeur, m'écrivit une lettre où il nie disait que deux jeunes hommes, des étrangers, l'un des deux remarquablement beau et d'un extérieur très-plaisant, récemment sorti de l'école de Westminster, tous deux hommes de littérature et d'intelligence, parlaient de mon volume en des termes hautement élogieux ; ils avaient, si
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j'ai bon souvenir, exprimé le désir de faire imprimer 'quelques poèmes dans le même format et avec les mêmes caractères que mes Sonnets (1).
» Quels étaient ces jeunes hommes, je ne le sus point alors; mais j'eus grand plaisir à ce récit; et combien il devint plus vif, ce plaisir, quand de l'un de ces visiteurs de Bath, lui-même ayant conquis le renom d'un des plus éloquents et vertueux écrivains de sa génération, je reçus une visite à mon presbytère du Wiltshire, plus de quarante ans après! Ce visiteur était ROBERT SOUTHEY (2). Nous nous sommes quittés dans mon jardin l'année dernière (3). Le temps qui vient sur nous et le chagrin s'étaient imprimés en visibles marques sur son visage toujours virilement robuste, sur ses traits extrêmement intéressants. »
Bowles, né douze ans avant Southey (1762-1774), devait le voir mourir encore bien avant lui (25 mars 1843). En souvenir de cette visite de 1836, et on peut le supposer aussi, des éloges de 1795, Bowles, en 1837, dédiait à Southey son volume des Scènes and Shadows, en ces termes affectueux : « A Robert Southey, qui a montré dans ses oeuvres en prose, comme dans sa vie, la pureté et les vertus d'Addison et de Locke, dans sa poésie l'imagination et l'âme de Spenser; ces poèmes, accompagnés de toutes affectueuses prières, sont dédiés par son sincère ami W.-L. Bowles. »
(1) Ces poèmes, annoncés par les visiteurs, devaient être, je pense, le volume contenant, outre le Retrospect, des Odes, Elégies et Sonnets; mais il ne fut point donné à l'imprimeur de Bath; il fut imprimé à Bristol, en 1795, par Cottle; en 1799, il y eut un deuxième volume. Bowles va nous dire quels étaient ces jeunes hommes, ces poètes qui voulaient se faire ses émules.
(2) L'autre était Robert Lovel, qui épousa la soeur d'Edith, la chère et dévouée Edith, beau-frère par conséquent de Southey.
Lovel mourut très-jeune. La troisième soeur fut épousée par Coleridge.
(3) C'est-à-dire en 1836.
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IL
Je n'ai pas craint de dire tout au long la destinée des Sonnets de Bowles, parce que c'est, il me semble, une assez jolie page d'histoire littéraire. Mais ces Sonnets, tels qu'ils sortaient des presses de M. Crutwell, tels qu'ils ont été réimprimés plusieurs fois, notamment dans l'édition Galignani, étaient-ils bien ceux que Bowles avait composés après sa déconvenue d'amour? Non, nous avons à cet égard l'aveu formel du poète lui-même. Voici comment il s'exprime en 1837 :
« Même aujourd'hui, quoique le tombeau se soit depuis longtemps fermé sur la femme bien-aimée qui a inspiré ces sonnets, la délicatesse ne me permettrait pas de raconter en détail les circonstances de ma vie aux jours de la jeunesse, et le poignant chagrin [anguish) qui a été l'occasion de ces effusions poétiques. Le fait est que jamais en ce temps je ne songeai à mettre par écrit ces compositions, et que beaucoup avaient échappé à ma mémoire ; mais trois ans après mon retour en Angleterre, comme j'étais en route pour me rendre sur les bords du Cherwell,.... passant par Bath, j'écrivis tout ce que je pus me rappeler de ces effusions, corrigeant avec grand soin et grande peine la versification, pour la détourner de ce cours de musique naturelle où elle coulait primitivement; et c'est ainsi corrigées que je les portai à feu M. Crutwell. »
La poésie ne vit que de sincérité, de sentiments vrais à leur source, vrais dans leur expression ; aussi je ne crains pas de le dire, c'était une idée malheureuse que celle qui engagea Bowles à modifier ses sonnets, c'est-à-dire à les gâter, à y effacer, s'il se pouvait, la trace de cet amour dont ils sortaient comme d'un foyer sacré, et à les réduire, autant que possible, à devenir de purs sonnets pittoresques, comme
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ceux — très-beaux du reste — que Wordsworlh a écrits Sur la Rivière Duddon. Des scrupules ecclésiastiques, respectables peut-être, mais que, comme poète, je ne puis m'empêcher de trouver déplacés, l'avaient emporté sur le désir d'être vrai et impressif.
Mais le poète a eu beau faire ; l'amour sincère, l'amour profond, celui qu'on n'a qu'une fois dans la vie, demeure l'inspiration latente de ces vers à jamais murmurés tout bas — Vivunt commissi calores fidibus.
Mais cela n'a pas suffi au poète. Plus de quarante ans s'étaient écoulés depuis la première publication de ces sonnets qui n'étaient plus exactement ceux qu'il avait conçus, qu'il avait composés ; un remords vivait en lui de cette falsification innocente ; un beau jour il se mit à rechercher dans sa mémoire ses vers tels qu'ils s'étaient présentés à lui dans ces heures où le soleil de la vingtième année avait tous ses chauds rayons, quoique l'éclat en fût obscurci par le chagrin ; il est permis de croire que le vieux recteur de 75 ans n'a pas retrouvé tout ce qui était venu au scholar de vingt ans ; mais il est certain du moins qu'il est rentré dans le sentiment vrai de ces heures irrévocables, de ces heures qui ne reviennent pas et qu'on regrette, même attristées, tout le reste de sa vie, dans Oxford et ses retraites studieuses, sur les rives sonores du Cherwell, sous les ombrages de Bremhill, dans la stalle opulente de Salisbury. Tous les poètes, tous les amis de la poésie, s'il en reste encore quelques-uns, doivent savoir gré au poète de ce scrupule tardif de sincérité.
Entrons-y donc dans ces délicieux Sonnets, oeuvre achevée et qui a le mérite de la brièveté. Ce sera, si l'idée de poésie vous agrée moins, comme un roman de quelques pages qui n'a pas de dénouement. Ces sonnets se partagent en deux séries. D'abord, dans la vivacité de la première douleur, le poète blessé erre sur les rives des fleuves anglais, il raconte sa peine aux bords du Rhin et de la mer du Nord, aux mon-
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392 BOWLES ET SES SONNETS.
tagnes de la Suisse. Cette première douleur calmée, non oubliée, un second rêve recommence : les douces visions reparaissent dans les avenues prochaines de la vie du poète ; mais il a compté sans la mort (Sonnets on another Occasion, p. 80). Le poète s'arrête là. Pourtant, après les pages du roman deux-fois et diversement interrompu, nous pouvons du moins entrevoir la réalité, la sobre réalité : le poète s'est marié et mène une vie calme dans son parsonage de Bremhill, non loin du château hospitalier du marquis de Lansdowne. Naturellement, la première série est la plus intéressante. Le poète nous y introduit par six vers adressés à la personne aimée : « To ***.
» Oublie-moi, mais quelquefois, au tomber du jour, quand je serai seul et errant au loin, pense à moi, et dis-toi qu'en ce moment, sur les bords de quelque rivière sauvage, dans quelque vallée au sein des bois, mon coeur, qui porte toujours ton image aimée, a son accablement, et que mes yeux sont pleins de larmes. »
Ces vers, datés de 1786, nous révèlent l'époque de la première et cruelle déception qui s'imposa au poète. Maintenant je traduis quelques-uns des sonnets appartenant à cette première série :
« En débarquant à Tynemouth, Northumberland, après une traversée orageuse, venant de Southampton. »
« Comme lentement je monte le flanc de la colline, rêvant fort aux terreurs passées, quand sur la vague sombre courait emportée rode) la tempête hurlante, avec plaisir je regarde derrière moi et considère le flot tranquille lavant la grève du rivage; et maintenant le rayon du soir sourit sur les créneaux grisâtres de la tour abandonnée, que le temps a fendue; la rame qui se lève au loin est touchée dune lumière qui passe ; calmé est l'abîme moutonnant de vagues, fureur épuisée. Oh ! quand au sein de la mémoire vigilante se glissera un calme comme celui-ci, et un repos ami ? Alors quelques douces harmonies pourront charmer
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son sommeil, harmonies courant sur la lyre du poète errant, pareilles à des mélodies du jonr qui s'en va et qui, soupirant, s'exhalent et meurent.»
C'est une musique que celte poésie, mais, par cela même, difficile à suivre et à rendre dans sa sinueuse fluidité. L'interprète de vers semblables accepte une tâche laborieuse, plus difficile encore que celle qu'impose à son traducteur la parole précise, énergiquement précise d'un Shakspeare ou d'un Milton : Bowles, c'est, dirais-je, sous le rapport musical, du Spenser plus ému, plus émouvant.
« Pauvreté, ô pauvreté, s'écrie ailleurs le poète atteint par la vie, comme tu as brisé le plus cher rêve de l'amour ! Quoique, sur ton front austère, nulle trace ne subsiste des joies du jeune temps, qui meurent dans le froid du coeur, avec toi je forme une alliance sévère, content, si je suis pauvre. » Du temps seul le poète attend adoucissement, sinon consolation, et il lui adresse un appel touchant :
» O temps qui sais poser très-doucement une main apaisante sur la blessure du chagrin, et lentement engageant au doux repos les sens fatigués, en relires l'angoisse confiée au lointain passé, je veux t'appeler ma dernière espérance, je veux croire, quand tu auras séché la larme amère qui a coulé en vain sur tout ce qui m'était cher, je veux croire que je pourrai jeter en arrière un regard sur mes souffrances de jeunesse, et aller avec un sourire au devant du soir paisible de la vie : tel un oiseau solitaire, à l'heure du jour qui s'en va, chante sous le rayon de soleil, oubliant, ses ailes encore mou liées, la pluie de tantôt ; mais, hélas! combien il doit souffrir ce pauvre coeur qui espère de toi, de toi seul sa guérison ! »
Mais le plus beau, le plus musical de ces sonnets qui, tous, sont une musique délicieuse, c'est celui qui a pour titre : Ostende, en entendant les cloches en mer :
« Combien doux est le branle des cloches harmonieuses répondant à nos pensées ( responsive peal) ! Telle, à l'aube
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394 BOWLES ET SES SONNETS.
du jour, la brise odorante touchant les sens tremblants du pâle malade, aussi perçante leur force est à mon coeur. Ecoutez ! tantôt leur cadence soupire affaiblie, tantôt sur la mer blanche et nivelée, elles répandent leur musique mélancolique. A leur appel revit la tendre pensée des belles heures évanouies, de ces années qui devancent le beau printemps de la vie, alors que du haut d'une tour antique la magie attristée de leur branle éveilla mon enfance aux larmes! Mais maintenant que ces jours s'en sont allés, ces mélodies me semblent être les sons de la joie autrefois entendus et que je n'entendrai jamais plus. »
Le poète a longuement parcouru divers pays, à chacun d'eux successivement demandant un peu de consolation, un peu d'oubli ; il a vu les bords du Rhin, les rives de l'Escaut, les vallées de la Suisse, la France, je ne sais, il la laisse à Goldsmith et à Sterne ; et maintenant le vaisseau qui le ramène va toucher l'Angleterre ; de la mer il adresse un salut à son pays :
« Oui, de mes yeux jaillissent des larmes involontaires, alors que toi, mon pays et tes collines, depuis longtemps étrangères à mes yeux, élevant leurs sommets blancs audessus des flots, une fois encore mon coeur qui bat vous salue avec une ardeur d'espérance et un filial transport ! Lieux témoins de ma jeunesse, vous rendez les brises revivifiantes, comme au temps où la matinée harmonieuse du printemps s'éveillait dans les parfums au sein de vos vallées fleuries d'aubépines, et remplissait de senteurs les chemins du village; parties sont ces heures, parties toutes les joies qui venaient avec elles ! Cependant mon oeil va vous chercher toujours, et compte un à un les flots qui s'élèvent, me rapprochant de ma demeure; et je leur demande si, parmi ces bois si magnifiques, ces si belles vallées, étranger à la Paix, je l'y peux retrouver pourtant. »
Et maintenant le pèlerin a revu son Angleterre ; il a touché le sol de son pays, plus cher peut-être et plus atti-
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rant à mesure qu'on y a plus souffert ; il revoit Oxford, il va reprendre possession de son humble cure sur les bords du Cherwell; il demande à la petite rivière la bienvenue par un sonnet bien émouvant:
« Cherwell, avec quel plaisir le long de tes bords couverts de saules j'errais autrefois, quand le matin commençait à teindre la flèche dorée de la tour, quand le soir étincelait sur les joncs pleins de soupirs ! Et maintenant, couché une fois encore sur tes rives, je dis adieu au roseau du poète, à cette chanson attristée dont je recherchais la musique en mes pèlerinages mélancoliques; sous tes saules qui ondulent, blanchissants, je cherche le repos jusqu'à ce que le soleil de la joie, revenu, m'envoie un rayon, comme quand l'humide arc-en-ciel brille silencieux au dessus de la tempête qui s'éloigne : quel que soit mon sort, pourtant j'ai atteint à quelque consolation, qui peut me soutenir, non sans sérénité, jusqu'à ce que la main sombre du soir vienne abaisser le rideau sur la scène bientôt close.»
Je ne sais pas si je suis parvenu à rendre par ma traduction quelque chose de l'impression harmonieuse de cette poésie savamment naturelle. Si tout s'est effacé, c'est ma faute; mais assurément, dans toute la riche poésie anglaise je ne connais rien de si musical (pie les vers de Bowles, non pas même ceux de Pope dans l'Héloïse-, ceux de Goldmith dans le Traveller, ceux de Thomas Warton partout; on n'y pourrait comparer, je crois, que l'Ode au Soir de Collins; ou il faudrait remonter au Cornus de Milton, mais ce poème est d'un ordre trop supérieur aux exquises miniatures de William Bowles. Tout au plus pourrait-on rappeler à ce propos l' Allegro et le Penseroso du grand poète.
Les années se sont écoulées; le poète a vieilli dans les devoirs assidûment remplis de son sacré ministère ; mais le temps qui a amené radoucissement espéré des souffrances d'autrefois, n'a point amené l'indifférence ; le poète n'a point oublié, et grâces lui en soient rendues, la chère appa-
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396 BOWLES ET SES SONNETS.
rition ; voici un dernier sonnet, celui qui clôt cette série :
« En rencontrant par hasard une dame qui maintenant n'est plus.
« Ecrit bien des années après les sonnets précédents.
« Quand, pour la dernière fois, nous nous sommes séparés, tu étais jeune et belle ; combien belle, que l'amoureuse mémoire le dise ! Hélas ! depuis lors, le vieux temps a marché, me dérobant près de quarante années, et laissant nues mes tempes : ainsi donc il a péri comme une chose aérienne, le rêve de l'amour et de la jeunesse; mes cheveux maintenant ne sont plus noirs; cependant, toujours me souvenant des enchantements de la jeunesse, quoique le temps ait changé mon visage et blanchi ma tête; quoique avec peine me rappelant une heure de tristesse, jamais ne pensant, si longtemps que je pusse vivre, et, après une si longue séparation, entendre encore cette voix ; je puis te saluer d'un triste mais cordial salut, je puis soupirer pour ton bonheur, ô Madame, une prière aussi ardente que quand je t'aimais jeune et belle.»
Vous le savez, les épreuves du poète ne sont pas finies ; une autre et plus cruelle déception lui est réservée — plus cruelle, puisque cette fois c'est la mort qui se charge de l'infliger. Le poète aime pour la seconde fois; l'enchantement de cette seconde et pure affection remplit le printemps et l'automne de L'année 1793, et le poète en jouit avec plénitude; il exprime son bonheur dans plusieurs sonnets dont je choisis seulement celui-ci; il porte cette date: « Printemps de 1 793.»
« Comme celui qui longtemps miné par la maladie qui détruit, lassé, a veillé pendant toute une nuit sans fin, et découragé, a entendu la chanson de l'oiseau du matin sous son porche solitaire, maintenant à l'aube il sort, quittant son lit de souffrance : il contemple la verte colline, la prairie du vallon, délicieusement baigné de la fraîche rosée qui lentement s'élève; il suit les nuages qui, au-dessus de la
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tête de la montagne, errent, blancs et prenant des formes fantastiques et changeantes; ou encore il ouvre son oreille aux chants qui s'élèvent, entendus au long de la rive sinueuse de la verte rivière : cependant tous ses sens sont baignés dans de plus paisibles délices ; ainsi sur ma poitrine je sens passer le souffle du jeune été chargé d'une pure senteur et d'un encens qui est la guérison. »
Voilà ce que disait le poète, inspiré par d'heureuses espérances, au printemps de 1793; voici maintenant ce qu'étaient devenues ces espérances un an après,' au printemps de 1794 :
a Mai 1794.
« Comment irai-je au-devant de toi, été, qui jadis remplissais mon coeur de joie, alors que venaient tes premières heures plaisantes, et que, sur la pente romantique de la vallée, s'entendait la note que jette le bec sonore du coucou? De nouvelles fleurs borderont la rive du ruisseau, alors que des chants de joie et d'espérance monteront bruyants de la profondeur des haies, et que sur les pentes les peupliers brilleront sous le rayon qui les touche ; les chèvrefeuilles et les lauriers que j'aimais à soigner, pensant que leurs parfums en mai exhalés te charmeraient paisibles, ô ma pauvre amie, pousseront leurs verts rameaux et réjouiront la vue. Mais, d'un oeil attristé, je verrai leurs couleurs, pleurant sur celle qui est couchée dans la terre froide. »
C'est fini dès lors, les heures romantiques sont passées, et quoique le bonheur puisse venir encore — il viendra — il n'amènera plus dès lors ces extases et ces fièvres auxquelles et auxquelles seules nos illusions juvéniles veulent attacher le bonheur ; le poète écrira encore bien des vers, mais il ne retrouvera plus, plus jamais, ces accents qui m'ont charmé, je voudrais pouvoir dire qui nous ont intéressés; il écrira des sonnets sur un beau Paysage (p. 100), sur le Sablier et la Bible (p. 104) ; aux soirées d'été, sous
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l'étoile qui le guide vers sa demeure, il saluera d'une pensée et d'un regard de bienveillance les chaumières qui vont s'endormir (1); il recueillera les sourires de ses frères, car il est bon pour tous, il est le pasteur charitable ; mais, faibles que nous sommes, cela ne nous attache plus, cela ne nous retient plus, nous passons, non pas dédaigneux assurément, mais presque indifférents. Notre attention ne se réveille qu'à un certain moment où renaît la magie du souvenir dans le coeur du poète ému. Je vous l'ai dit, en effet; la première et douce vision ne s'est jamais effacée; dans une période déjà avancée de la vie, il y revenait avec un grand charme d'expression dans le délicieux sonnet: Portrait d'une jeune Dame (p. 103); le rêve et la réalité s'y donnent la main, l'épouse y accueille doucement l'image aimée de la femme qui a traversé la jeune vie du poète ; permettez-moi de mettre encore sous vos yeux ce sonnet où rayonnent ensemble, avec des lueurs diverses mais sympathiques et si bien fondues, l'amour idéal de la jeunesse, et l'affection attendrie, l'affection renaissante des jours debonheur, de jouissance paisible :
« Portrait d'une jeune Dame.
« Quand j'étais triste, triste et seul, me rappelant la jeunesse et l'amour envolés pour jamais, et bien des amis maintenant reposant avec les morts, pendant que brillait, au moment de s'évanouir, la lumière de l'été, comme étaient partis bien des étés doux et silencieux, tu vins, telle qu'une apparition, avec un air et un sourire pareils à ceux qu'autrefois j'avais connus sur la terre, et avec une voix où revivait le son point oublié de celle que j'avais entendue en d'autres jours, en des jours lointains, comme la paix s'approchant quand la souffrance tourmente plus péniblement l'âme fatiguée, ta belle forme m'apparut, et, jusqu'à ma
(1) Summer's Evening, p. 190, Ed. Galign.
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mort jamais je n'oublierai (car au bruit de ton pas léger, la joie rentra dans mes ténèbres), jamais je n'oublierai ton regard et ta voix, ô douce Marguerite ! »
III.
Bremhill, avec cette compagne aimée que lui avait amenée par la main la jeunesse finissante, était un séjour de poésie et de bonheur domestique ; d'année en année les poèmes succédaient aux poèmes ; d'automne en automne, les amis venaient s'asseoir au foyer accueillant et opulent du recteur. Un aimable et hospitalier voisinage ajoutait beaucoup aux délices de cette vie partagée entre l'étude et les oeuvres du ministère ecclésiastique : Bowles, qui recevait fort bien ses amis, était lui-même reçu familièrement et toujours fêté chez le marquis de Lansdowne. Je ne veux point pénétrer daus la grande demeure du nobleman, du grand seigneur; mais j'aimerais à entrer, si cela m'était permis, dans la maison du clergyman, du poète. Voici heureusement que vient à nous un introducteur bienveillant qui s'offre à nous présenter. C'est Southey, le poète, le critique, l'ami de Bowles. Southey, dans une lettre charmante, nous montre au naturel l'aimable et timide Bowles : c'est bien l'homme de son portrait — une noble et douce figure, lèvres gracieuses plutôt que fines, front d'un beau développement, bouche qui n'a jamais lancé un sarcasme, si ce n'est à Pope seulement, dont il a eu la fantaisie singulière de se faire l'éditeur. La lettre du poète de Keswick sur le poète de Bremhill est adressée à sa fille, Catherine Southey, et se trouve dans cette collection de documents abondants qui a pour titre: Life and Correspondence, vol. VI, p. 314; elle est datée du 16 novembre 1836 :
« Ouvrez l'Histoire de Bremhill (1), et vous y verrez le
(1) Par Bowles.
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400 BOWLES ET SES SONNETS.
presbytère de Bowles ; il est situé près de la belle et vieille église ; s'il n'y a guère de meilleurs bénéfices, il n'y en a pas beaucoup non plus qui soient mieux situés. Le possesseur a orné le jardin à sa façon : un jet d'eau, une espèce d'hermitage, un obélisque, une croix et quelques inscriptions. Deux cygnes, qui répondent aux noms de Boule de Neige et de Lis (Snowdrop, Lily), ont un bassin en propre, et s'ils ne reçoivent pas leur nourriture au temps voulu, ils arrivent et se présentent à la fenêtre de la salle à manger. Madame Bowles a aussi un aigle privé nommé Pierre, du nom qu'ont porté deux de ses prédécesseurs. La vue, du derrière de la maison, s'étend sur un pays riche, jusqu'aux lointaines collines; le Cheval blanc (1) peut être aperçu, par de meilleurs yeux que les miens, sans le secours d'une lunette.
« J'avais beaucoup entendu parler des singularités de Bowles; toutefois je n'aurais connu que fort imparfaitement son caractère si je n'avais passé un peu de temps sous son toit. Il s'est livré à sa timidité naturelle jusqu'à un point qui touche à l'insanité ; cependant il voit combien cela le rend ridicule, et il rit tout le premier de folies où il retombe à chaque instant. Son étrangeté, son apparence négligée, sa simplicité, sa bienveillance, ses peurs et son bon naturel, font de lui l'un des êtres les plus extraordinaires que j'aie jamais rencontrés. Il est dans sa 73e année, et, pour cet âge, il est certainement un beau vieillard, en pleine possession de toutes ses facultés, mais ayant si peur de devenir sourd quand le moindre rhume affecte son ouïe, que vingt fois dans un jour il applique une montre à son oreille. Il nous a fait une réception aussi hospitalière que possible ; madame Bowles a été aussi aimable que lui, et on a tout fait pour rendre notre séjour confortable. »
Quelque aimable que soit Bowles, je ne veux pas vous
(1) Une montagne.
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retenir plus longtemps avec lui, heureux 'si j'ai pu vous intéresser quelques instants à son petit volume, lu et relu, et qui, pour ce qui me concerne, satisfait fort mes goûts de bibliophile et de lecteur. Petit flacon, mais plein d'une essence délicieuse, car c'est bien là de la poésie en essence plutôt qu'en flamme.
Et nous pouvons, après tout, avouer le plaisir que font aux amis des choses délicates les Scènes et Ombres des jours évanouis, quand nous voyons Samuel Taylor Coleridge — un poète plus grand que celui de Bremhill — confesser que les oeuvres de Bowles lui ont été une source profonde d'inspiration et d'enthousiasme.
Source aussi pour tous de sérieuse étude quant au style; en ces temps où nous voyons chaque jour la poursuite insensée de l'expression violente par la pensée faible, par le sentiment indigent ou nul, il est salutaire de voir dans un exemple accompli l'expression tempérée dans l'idée forte, dans le sentiment vif et profond ; fidèle à une théorie que plus tard a excellemment exposée M. Vinet, le poète, bien loin de forcer les ressorts, reste en deçà de l'expression qui épuiserait sa pensée ; il laisse quelque chose à faire au lecteur sympathique, dont le plaisir est ainsi doublé : la force de l'impression, comme le dit le grand critique de Lausanne, est d'autant plus grande qu'elle devient en partie l'ouvrage de celui qui la reçoit.
Messieurs, le siècle est vieux ; mais ce n'est pas une raison pour qu'il ne retourne pas quelquefois à l'école des éminents poètes comme William Bowles, des grands critiques comme Alexandre Vinet.
Troyes, 25 avril 1874.
T. xl. 26
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JACQUES FRIQUET
PEINTRE TROYEN
PAR M. ALBERT BABEAU
MEMBRE RÉSIDANT
L'autel, qui est placé dans la salle de la Maternité de l'Hôtel-Dieu de Troyes, est surmonté d'un tableau représentant l'Éducation de la Vierge. Ce tableau est signé : FRIQUET. TRECENSIS. 1669.
L'existence de ce peintre a été signalée par Grosley, dans ses Mémoires sur les Troyens illustres. Nous savions par lui que Jacques Friquet était en 1679 conseiller de l'Académie de Peinture et professeur d'anatomie. Il portait encore ce titre en 1712, mais il ajoutait à son nom patronimique celui de Vaurose. Friquet de Vaurose était cependant le fils d'un menuisier, comme le prouve son acte de baptême, dont nous devons la communication à l'obligeance de M. Huchard.
D'après cet acte, Jacques Friquet, fils d'Antoine Friquet, menuisier, et de Marie Selenaut, fut baptisé le 12 décembre 1638 sur la paroisse Saint-Jacques. Il eut pour parrain « Me Jacques Rémond, advocat du roy au bailliage et
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404 JACQUES FRIQUET, PEINTRE TROYEN.
siège présidial de Troyes, » et pour marraine Marie Dare, femme de Pierre Laurent, bourgeois de Troyes.
Marie Selenaut, née sur la même paroisse le 29 janvier 1615, était fille d'un menuisier. Un de ses fils, nommé Jean, né en 1643, continua la profession du père ; en 1679, il était sculpteur à Paris, rue Traversine, et il est qualifié dans un acte de 1684 de maître-menuisier-sculpteur à Troyes. C'était sans doute un de ses descendants, le menuisier goguenard et bossu, dont parle Grosley, et qui, d'après lui, se faisait gloire de sa parenté avec le peintre.
Il est permis de croire que le patronage de l'avocat du roi Rémond, son parrain, ne fut pas sans influence sur la vocation de Jacques Friquet. Jacques Rémond, père de Rémond des Cours, devait avoir des relations artistiques et littéraires à Paris. D'un autre côté, Grosley dit que Friquet devint le gendre de François Tortebat (1). Tortebat, peintre distingué, auteur d'un Traité d'anatomie à l'usage des peintres et des sculpteurs, était élève et gendre de Vouet ; il appartenait à une famille de boulangers de Troyes, et ce fut peut-être dans un voyage qu'il aurait fait dans cette ville qu'il remarqua les dispositions du jeune Friquet et qu'il songea à les développer.
Il est possible que Friquet ait été l'élève de Tortebat; il est douteux qu'il fût son gendre. Les recherches faites par M. Jal ne permettent pas de le croire (2). En effet, Friquet était marié en 1670 avec Louise Hollier, qui lui donnait une fille cette année même. Il aurait pu, il est vrai, être veuf de la fille aînée de Tortebat, qui était née en 1645 ; mais, d'après M. Jal, elle ne figure pas parmi les quatre enfants de ce peintre qui moururent avant leur père, décédé en 1690.
(1) Mémoires sur les Troyens célèbres, I, 376.
(2) Jal. Dictionnaire critique, p. 620 et 1191.
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JACQUES FRIQUET, PEINTRE TROYEN. 405
La marraine de la fille de Jacques Friquet, née en 1670, s'appelait Marie Le Bé, femme de Jacquinot de Vaurose, bourgeois de Paris. Marie Le Bé, parente de la femme du peintre Charles Le Brun, appartenait sans doute à la famille des papetiers troyens du même nom. Le nom de Vaurose, que portait son mari, fut également porté par Jacques Friquet, qui se fit donner, en 1697, les armes suivantes par d'Hozier : « d'azur à un friquet volant au naturel, au chef d'azur chargé de deux roses d'or. »
Plusieurs des frères de Jacques Friquet s'étaient fixés à Paris en 1679 ; deux d'entre eux, Antoine et Claude, étaient commis; Jean, nous l'avons vu, était sculpteur; peut-être fut-il peintre également, car on trouve en 1663 un Jean-Charles Friquet obtenant de l'Académie le second prix de peinture, avec un dessin sur la fable de Danaé (1) ; le plus jeune, Antoine, était peintre et concierge au château de Dampierre, chez le duc de Chevreuse.
Friquet de Vaurose habitait en 1672 la rue Vivienne. Il avait un appartement à l'Arsenal, lorsqu'il mourut le 25 juin 1716, à l'âge de 78 ans. Son gendre, Claude Mathieu de Montchevreau, architecte du roi, et son frère Claude, assistaient à ses obsèques.
Le cabinet des estampes renferme plusieurs eaux-fortes que l'on attribue à Jacques Friquet; celui-ci avait été nommé membre de l'Académie de Peinture le 6 décembre 1670; son tableau de réception, qui représente le Roi donnant la paix à l'Europe (2), a été conservé au Musée du Louvre. C'est un « ouvrage d'un intérêt médiocre, dit M. Jal, mais non sans mérite. » Friquet travailla aussi à la décoration des maisons royales, et l'on cite de lui deux tableaux, d'environ deux pieds sur trois, placés sous Louis XIV
(1) archives de l'Art français, 1re série, t. V, p. 274.
(2) Id. t. I et t. II, p. 370.
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406 JACQUES FRIQUET, PEINTRE TROYEN.
dans le dix-septième trumeau de la galerie d'Apollon au Louvre. S'il faut en croire l'auteur anonyme de la note qui signale ce fait, ils auraient représenté « l'un les filles de Jethro défendues par Moïse, l'autre Marthe et Madelaine aux pieds de Notre-Seigneur (1). » A défaut de ces tableaux, qui n'existent plus au Louvre, les amateurs verront avec intérêt le spécimen du talent estimable de Friquet qui est conservé à l'Hôtel-Dieu de Troyes.
Troyes, 16 juillet 1875.
(1) Manuscrit de la bibliothèque de Troyes, n* 2562.
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M. LE COMTE MAURICE DE LAUNAY
PAR
M. CHAELES BALTET
MEMBRE RÉSIDANT
MESSIEURS,
Un membre de la Société Académique dont la mémoire nous sera chère, un homme qui était un type de loyauté chevaleresque et de sentiments généreux, un agriculteur d'élite du département de l'Aube s'est éteint prématurément. M. le comte Maurice de Launay, né le 4 mai 1818, est mort le 23 mai 1876, âgé de 58 ans.
Une cruelle maladie, qui le tenait depuis quelque temps éloigné de nos séances, l'a ravi à sa famille, à ses amis et à l'agriculture, alors que sa vive intelligence, son expérience et son grand dévouement allaient lui permettre d'étendre encore ses études agricoles et de donner une nouvelle carrière — si cela était possible — à son esprit franc, libéral, noble et désintéressé.
Nous pouvons dire que l'honneur de sa vie a été de semer copieusement pour répandre ensuite à pleines mains ce qu'il avait laborieusement récolté.
Rien n'arrêtait M. de Launay lorsqu'il s'agissait de faire le bien. Sa grande fortune était là, c'est vrai ; mais avec
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son bon coeur, n'avait-il pas à côté de lui le trésor le plus précieux? D'abord une digne et vaillante compagne qui fut la collaboratrice active, sympathique et dévouée de son oeuvre agricole et philantropique. En même temps, une jeune famille qui lui a prouvé, avant le moment suprême, que son nom serait toujours respecté et noblement porté.
Exposer les bienfaits de M. de Launay serait assez difficile; ils sont nombreux, et la discrétion en était souvent la condition absolue. Cependant il est des faits publics que l'on ne saurait trop mettre en évidence.
Ainsi, lors de la disette de 1846 et 1847, M. de Launay établit, à Clérey, une boulangerie où les habitants de la contrée trouvent du pain à moitié prix.
Dix ans plus tard, nouvelle crise alimentaire. Immédiatement, le châtelain de Courcelles se met en campagne; il achète les denrées sur les lieux mêmes de la production, et les livre à la consommation au-dessous du prix de revient.
Précédemment, à l'occasion du choléra de 1854, il installait à Clérey des Soeurs garde-malades et payait de sa bourse les médicaments nécessaires.
Une Ecole primaire de jeunes filles, organisée sur ses deniers, dit assez haut que ses largesses avaient un caractère sérieux, et qu'il désirait voir l'instruction s'asseoir au foyer du cultivateur et de l'artisan.
Aussi la reconnaissance de ses concitoyens l'a-t-elle constamment maintenu le premier de leurs édiles ; et ce n'était qu'à cette condition qu'il acceptait d'être placé à la tête de la municipalité. Toutefois, les fonctions de maire faillirent coûter cher à notre collègue. Permettez-moi de rappeler ici un double épisode :
Pendant l'invasion de 1870-1871, M. de Launay reste dans sa commune, aidant de tout son pouvoir l'autorité française et résistant aux exactions de l'ennemi. Un jour, le
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M. LE COMTE MAURICE DE LAUNAY. 409
chemin de fer est coupé sur le finage de Clérey. Bien vite la commune est déclarée responsable et condamnée à 3,000 fr. d'amende. Le maire ne perd pas de temps; avec l'énergie et la persévérance que nous lui connaissions, il finit par démontrer la fausseté de ce grief et par faire rendre les 3,000 fr.
Quelque temps après, la paix étant signée, le préfet prussien, sans motif ni raison, frappe le département de l'Aube d'une contribution en argent. Le comte de Launay n'y tient plus. 11 écrit au baron de Stein qu'il commet un vol personnel dans les caisses publiques, pour payer ses dettes... Une seconde exécution militaire est la réponse à cette parole vigoureuse et patriotique; mais la commune fut exonérée.
M. de Launay aurait probablement rejoint en exil notre collègue M. Emanuel Buxtorf, lequel, en sa qualité de maire de Troyes, subissait à Mayence un caprice inavouable du préfet allemand... Le commandant prussien en jugea autrement. Il daigna laisser le maire de Clérey dans ses foyers, avec cette note : « Vu son grand âge... » Sa barbe et ses cheveux blonds ayant blanchi avant le temps.
M. de Launay n'avait pas besoin de ces titres à la reconnaissance publique. Nous n'avons pas cru devoir les passer sous silence. Nous ne tairons pas davantage la sympathie qui lui était acquise par le personnel de la ferme. Lorsque nos Sociétés et nos Comices avaient à récompenser un fidèle et ancien serviteur, il suffisait de frapper à la porte du château de Courcelles ; cette fois, comme toujours, on n'en sortait pas les mains vides. — N'est-ce pas le plus bel éloge que l'on puisse faire du maître ?
Son domaine agricole et le progrès de l'agriculture dans la région, telles ont été ses préoccupations, telle a été pour lui l'occasion de services à rendre et de succès à remporter.
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Pénétrons un instant sur le champ même de ses travaux.
La terre de Courcelles, exploitée depuis 1851 par M. le comte de Launay, se compose en majorité d'éléments argilo-siliceux reposant sur une couche d'argile. Le drainage y est nécessaire ; M. de Launay en devient aussitôt l'apôtre fervent. 11 fait établir dans sa tuilerie une fabrique de drains, et appelle, du Nord, une escouade d'ouvriers spéciaux.
L'irrigation des prés situés dans la vallée de la Seine et l'ouverture de chemins de service complètent l'amélioration foncière de la ferme de Courcelles. Désormais, sur les 100 hectares qui la composent, les deux cinquièmes produisent des céréales, le surplus fournit l'alimentation du bétail.
Ce mot de bétail n'éveille-t-il pas en vous, Messieurs, le souvenir des splendides Durham et Hollandaises, des Dishley purs ou métis tout viande et tout laine, des Craonnais, des Hamphshire et Berkshire, volumineux à ne pouvoir plus se tenir debout.
La vacherie est parfaitement ordonnée ; taureaux, vaches, génisses, veaux s'y portent à merveille.
La bergerie est spacieuse ; par une combinaison bien simple — vos procès-verbaux de séance en ont parlé — le troupeau est forcé, en rentrant au bercail, de prendre un bain de pied au lait de chaux, et n'a plus à redouter le piétain. N'est-ce pas encore à l'esprit observateur de notre collègue que l'emploi de la craie dans les aliments de l'espèce ovine pourrait aider à découvrir un remède préventif contre le sang-de-rate ?
Quant à la porcherie de forme circulaire, c'est un modèle d'aménagement et d'installation. Les journaux agricoles l'ont popularisée par la gravure, ainsi que la force motrice du moulin transmise par un câble métallique aux machines d'intérieur de l'exploitation rurale.
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De la ferme au parc et au potager, la basse-cour est la transition naturelle en passant par la laiterie. Ici, nous assistons au triomphe de Madame la comtesse de Launay.
Vous souvient-il d'avoir contemplé, non sans quelque désir, toute la gent à plume ou à fourrure du domaine de Courcelles? Elle était sans rivale dans son ensemble. Concours d'animaux de basse-cour, volailles vivantes, volailles grasses et préparées, autant de palmes pour les plantureux élèves exposés — même à Paris.
Nous ne croyons pas, Messieurs, que ces détails dépassent les bornes et le ton d'une notice nécrologique. Pouvionsnous, en effet, parler de l'homme sans parler de son oeuvre? Permettez-nous de ne pas quitter Courcelles sans vous signaler encore l'importance que M. de Launay attachait à la préparation et à la distribution des engrais, à l'extension des cultures industrielles, à la tenue de son vignoble.
Nous vous rappellerons également que s'il ne reculait devant aucun sacrifice pour introduire, dans nos parages, les races améliorées du bétail et les assimiler à nos besoins par des croisements raisonnes, notre collègue était le premier à essayer les instruments nouveaux, voire même à les perfectionner. Ne l'avez-vous pas vu remporter la victoire aux concours de faucheuses et de semoirs établis en faveur des propriétaires?
La victoire, d'ailleurs, lui a constamment souri, et lui a fait gravir tous les degrés du palmarès agricole.
Partout ou M. de Launay se présente, partout il est acclamé. Mais, tandis que les jurys des Expositions locales, régionales ou internationales récompensent ses animaux, ses outils, ses produits, tandis que le Gouvernement inscrit son nom au Grand-Livre de la Légion-d'Honneur, les Commissions de visite nommées par le Ministre de l'Agriculture, à chaque Concours régional, lui décernent une médaille d'or en 1860, une grande médaille d'or en 1867, puis en 1875,
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la plus haute récompense que puisse ambitionner un agriculteur moderne, la Prime d'honneur.
Il vint lui-même, notre cher collègue, recevoir son prix aux applaudissements unanimes. Ce concert de bravos, n'était-ce pas pour lui le chant du cygne? Hélas! à une année de date, jour pour jour, dans les salons du château de Courcelles, un crêpe était placé sur la Coupe d'honneur offerte par l'Etat « aux travaux et améliorations agricoles qui peuvent être donnés en exemple à nos populations rurales. »
Tel a été, Messieurs, le couronnement d'une existence brillante, honorable et honorée.
Le plus bel hommage que nous puissions rendre à M. le comte Maurice de Launay — même après l'éloge funèbre prononcé par MM. de Villemereuil, Dosseur et Jozon — c'est de rappeler que
Le maire de Clérey,
Le Président du Conseil d'arrondissement de Troyes,
Le Conseiller général de l'Aube,
Le Vice-Président du Comice agricole,
Le membre dévoué de la Société des Agriculteurs de France, de la Société d'acclimatation, de la Société protectrice des animaux, de la Société hippique, des Sociétés d'horticulture et d'apiculture, de la Société horticole, vigneronne et forestière...
S'honorait avant tout d'avoir été élu, le 19 février 1858, membre résidant de la Société Académique de l'Aube.
Troyes, le 17 novembre 1876.
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LISTE
DES
DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES
AVEC LES NOMS DES DONATEURS Pendant l'année 1876 (1)
Article 34 du règlement de la Société Académique de l'Aube :
<< Chacun des Membres de la Société doit contribuer, autant » qu'il est en lui, à l'augmentation du Musée. » Les dons faits a la Société par ses Membres, ou par des per>>
per>> étrangères, sont inscrits sur un registre spécial, et
>> publiés en outre dans les journaux de Troyes et dans I'ANNUAIRE >> du Département, avec les noms des donateurs. »
MM.
LE MINISTRE DES BEAUX-ARTS, à Paris : — Un tableau à l'huile, par Vasari, représentant la Cène.
L'abbé COFFINET *, chanoine titulaire, à Troyes : — Un collier en verroterie, trouvé sur une momie égyptienne dépouillée de ses bandelettes, à Paris, en 1862; — un tableau à l'huile, par Bedel, représentant la Samaritaine; — une statue ancienne, en pierre, représentant la Vierge; — un modillon en pierre sculptée, se terminant par une tête d'animal ; — une statuette en bois, représentant saint Antoine ; — une statuette en plâtre, représentant Henri-le-Libéral, comte de Champagne.
(1) Pour les publications précédentes, voir les Mémoires de la Société des années 1849 à 1876.
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414 LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES.
BALFOURIER, artiste peintre, à Paris : — Un grand tableau à l'huile,
représentant un paysage. GENEVOIS, cultivateur, à Couvignon : — Une monnaie romaine,
trouvée à Saint-Mesmin. BUSSIÈRE-CONSTANT, cultivateur, à Arrelles : — Des fossiles trouvés
à Arrelles : trois dents palatines de poissons, et trois
coquilles. GRUAT-LYONNET, cultivateur, à Villechétif : — Une clef ancienne,
trouvée à Bouranton ; — un ornement en cuivre, trouvé à
Belley. BAROCHE, instituteur, à Doches : — Une bague trouvée à Villy-enTrodes,
Villy-enTrodes, creusant un puits.
Mme ASTRUC GIBERT, propriétaire, à Sainte-Savine : — Un petit lapin monstrueux.
L'abbé LEROUGE, chanoine honoraire, à Troyes : — Cinq morceaux d'étoffes faites avec des écorces, de l'île de Noukahiva (îles Marquises).
CAMUS (Emile), cultivateur, à Braux : — Un ancien instrument en fer, trouvé à Braux.
VILLAINDA, cultivateur, à Ossey-les-Trois-Maisons : — Un oiseau de proie, l'Autour, tué à Ossey.
L'abbé D'ANTESSANTY, aumônier de l'hospice Saint-Nicolas, à Troyes : — Une moulure en marbre blanc, et deux cornes de boeuf, trouvées dans les fouilles du temple de Mercure-Arverne (Puy-de-Dôme).
BOURGOUIN, marchand de grèves, à Troyes : — Une clochette en bronze, trouvée à 4 mètres, sous un banc de grèves, à La Vacherie ; — un ossement fossile de mammifère, provenant des grèves de La Vacherie.
MAGNIN, avocat, à Troyes : — Un boulet en fer, trouvé au château de La Fauche, près de Saint-Blin (Haute-Marne).
MÉNÉTRIER, agent-voyer honoraire, à Longchamps : — Deux anneaux en bronze, un objet en bronze, et six objets en terre cuile, de l'époque gallo-romaine, provenant d'un cimetière antique de Fresnay, canton de Soulaines.
Mme TURPIN, demeurant à Troyes : — Deux pierres sculptées du xvIe siècle, trouvées rue Saint-Loup, à Troyes.
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LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES. 415
NISSE (Michel), employé, à Troyes : — Une monnaie française portant la date de 1657.
MASSEY (Nicolas), cultivateur, à Saint-Loup-de-Buffigny : — Un vase en terre blanche, une soucoupe en terre rouge, un fer de lance, découverts dans le cimetière gallo-romain de SaintLoup-de-Buffigny.
DESSIRIER, directeur de l'usine à gaz, à Troyes : — Un cercueil avec son couvercle, en pierre, du xIe au xIIe siècle, découvert dans l'établissement de l'usine à gaz.
OLIVIER (Arsène), membre correspondant de la Société Académique de l'Aube, à Paris : — Un moulin romain, composé de ses deux meules en granit, découvert à Landreville, dans la contrée de Curmont.
LA SUPÉRIEURE DES URSULINES, à Troyes : — Une pierre tombale en marbre noir, représentant, gravée au trait, l'effigie d'un religieux de Montier-la-Celle, avec l'inscription suivante : Cigist vénérable et discrète personne, frère Panlhaleon Le Roux, prestre religieux profex et aumosnier de Monstier-la-Selle, qui décéda le IXe jour de mars 1604.
VITU, architecte-voyer, à Troyes : — Un poignard ou miséricorde, dont la lame est en acier, la garde en bronze, et la poignée en bois, trouvé dans le ruisseau de la Bonde-Gendret ; — une clef ancienne en fer, trouvée rue du Pont-Royal.
MILLARD (Auguste), ancien représentant, à Paris : — Un poisson épineux, préparé; — deux fanons de baleine, très-grands; — un crâne de phoque à crinière, ou lion marin.
ROUVRE-GARNIER, vigneron, à Essoyes : — Un instrument en fer, trouvé dans un champ, à Noé-les-Mallets.
RAUDIN (Gustave), blanchisseur de bonneterie, à Troyes : — Un échantillon de bois pétrifié, trouvé dans une carrière de sable, près de Boulogne-sur-Mer.
GUILLAUME (Abel), peintre, à Troyes : — Une coquille fossile du terrain jurassique de Mussy-sur-Seine.
COEFFET-OLIVIER, membre correspondant de la Société Académique de l'Aube, à Villeneuve-l'Archevêque : — Quatorze oursins fossiles; — cinq polypiers fossiles.
QUINQUARLET (Félix), manufacturier, à Troyes : — Des échantillons de fresques coloriées et ornées de coquillages, provenant de
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416 LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES.
la salle des bains froids romains de Bocénos, près de Carnac (Morbihan); — deux oiseaux préparés; — des oeufs d'oiseaux de mer ; — 12 reptiles; — 25 bocaux de poissons; — un grand nombre d'insectes de divers ordres, et d'arachnides; — 42 bocaux de crustacés; — 20 mollusques mous, sans coquilles, conservés en alcool; — 48 annélides marins; — 30 oursins, astéries et ophiurides; — 18 bocaux, actinies, anémones de mer; — 12 bocaux, molluscoïdes; — un fascicule de plantes du Morbihan, préparées pour herbier. — Tous ces échantillons ont été préparés et recueillis avec soin par le donateur, sur les côtes de Bretagne.
JOURNÉ (Camille), à Troyes : — Des objets antéhistoriques recueillis dans la grotte des Eyzies (Dor dogne), consistant en lames et en outils en silex, et en brèche osseuse provenant du sol de l'habitation.
RAMPANT (Auguste), architecte du Gouvernement, à Saïgon : — Quatre mammifères et six oiseaux préparés, provenant.de la Cochinchine.
MESSIKOMMER, antiquaire, à Wetzikon, près de Zurich (Suisse) : — Divers objets lacustres.
GUILLOT (Paul), conducteur des ponts et chaussées, à Bar-sur-Seine : — Six pièces de monnaie et une petite plaque en cuivre, trouvées dans la Laigne, au pont de Ricey-Haule-Rive.
CHANTRIOT, négociant, à Troyes : — Un pot en terre rouge, muni de son couvercle, du xIve siècle, découvert en 1844 duos une sépulture de la chapelle Notre-Dame de la cathédrale de Troyes.
THIÉBLEMONT-SEURAT, cultivateur, à Magnan : — Des silex taillés, de l'époque antéhistorique, trouvés à Magnan.
THIÉBLEMONT, cultivateur, à Villy-en-Trodes : — Un beau choix de silex antéhistoriques, comprenant notamment des pointes de flèches très-bien taillées, des grattoirs retouchés avec grand soin ; — deux pointes de lances en lumachelle. CHANTRIOT, négociant, à Troyes ; MASSEY (Nicolas) et BOSSUOT, cultivateurs, à Saint-Loup-de-Buffigny : — Trois vases en terre rouge, un vase en terre noire, et un vase en terre blanche, provenant de fouilles faites dans le cimetière mérovingien de Somme-Fontaine-Saint-Lupien.
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LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES. 417
HENNEQUIN, cultivateur, à Pont-Sainte-Marie : — Une monnaie romaine, petit bronze, de l'Empereur Claude, trouvée à Pont-Sainte-Marie.
BOULANGER, architecte, à Troyes, au nom de la Municipalité : — Une pierre sculptée, représentant l'emblème adopté par les anciens Oratoriens de Troyes (Jésus, Maria, entourés par une couronne d'épines), et provenant d'une muraille de la rue de la Caserne, vis-à-vis la rue de Bourbereau.
DES ETANGS (Stanislas), ancien juge de paix, membre honoraire de la Société Académique de l'Aube, à Bar-sur-Aube : — Un riche herbier des plantes de l'Aube, comprenant un grand nombre de fascicules, précieux par les déterminations et par l'indication des localités de chaque espèce ; — un herbier de plantes de France, composé de nombreux fascicules, fruit des études de toute la vie du donateur ; — une nombreuse et riche bibliothèque de livres de botanique, de sciences et d'arts; — un meuble contenant des échantillons de géologie et de paléontologie ; — une momie de chat d'Egypte ; — une somme de 600 francs, destinée à l'installation de ces collections.
Pour copie conforme au registre destiné à inscrire les Dons faits au Musée de Troyes.
Troyes, le 24 décembre 1876.
JULES RAY,
L'un des conservateurs.
T. XL. 27
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MERCURIALES
DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE Pendant l'année 1875
La Société Académique de l'Aube publie, tous les ans, depuis l'année 1838, les Mercuriales du département de l'Aube, dressées par M. le Préfet, conformément aux circulaires ministérielles du 24 octobre 1821, et du 5 mai 1859.
Pour les Mercuriales de l'année 1848, qui n'ont pas paru dans le volume de cette année-là, elles ont été imprimées séparément sur des feuillets qui doivent être ajoutés à la fin du volume de 1848. — Les personnes qui désirent se procurer ces Mercuriales, peuvent les demander à l'Archiviste de la Société.
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Mercuriales de l'Année 1875.
Quantités d'hectolitres et de quintaux de Grains vendus sur les principaux Marchés du département g de l'Aube, et Prix moyen de l'hectolitre et du quintal par quinzaine.
MOIS. FROMENT. MÈTEIL. . SEIGLE.
_
S. Quantités. Prix moyen. Quantités. Prix moyen. Quantités. Prix moyen.
HEctolitr. Quintaux. Hectolitre Quintal. HEctolitr. Quintaux. Hectolitre Quintal. Hectolitr. Quintaux. Hectolitre Quintal.
f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c.
Janvier.. 1er 569 437 16 85 21 94 » » » » » » » »
2e 633 490 16 95 21 90 3 2 14 67 22 » 97 73 13 35 17 74
Février.. 1er 419 321 16 98 22 17 3 2 14 67 22 » 30 22 13 » 17 72
2' 544 417 17 15 22 38 60 46 12 91 16 83 » » » »
Mars 1er 456 352 18 07 23 41 » » » 40 30 13 04 17 38;
2e 584 448 17 70 23 68 » » » » 41 29 12 83 18 14J
Avril 1re 612 472 17 62 22 84 » » » » 45 34 13 50 17 86
2e 572 441 17 81 23 10 » " » » 42 32 13 67 17 94;
Mai 1re 548 426 17 61 22 65 » » » » 45 33 13 72 18 70
2e 520 401 16 74 21 70 " • » » 39 29 12 91 17 36
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juin........ 1re 433 336 16 70 21 77
2e 522 402 17 04 22 12 66 50 12 50 16 10
Juillet... 1re 408 314 17 49 22 7?
2e 460 355 20 09 26 03 " " " " " 39 28 13 38 18 64
Aout.... 1re 355 273 20 76 27 4 3 17 " 22 66 84 64 13 17 17 48
21 20 59 " " " " 244 178 13 43 18 41
septemb. 1re 596 459 19 48 25 29 3 2 15 25 22 87 611 455 13 69 18 38
Octobre. 1re 524 401 19 75 25 81
2e 467 358 19 73 27 74 " " " " 57 42 12 54 16 90
Novemb. 1re 607 471 19 71 25 40 " " " " 89 68 12 50 16 36
2e 551 424 18 94 24 61 " " " " 63 47 13 " 17 42
Décembr.. 1re 590 455 49 85 15 75 >> >> >> >> 26 18 12 71 18 42
2e 712 549 18 70 24 25 " " " " 53 39 12 28 16 69
Totaux... 1677 9766 73 55 2209 1645
Prix moyen de l'annee..... 17 57 13 37 17 75 13 96 18 76
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Suite des Mercuriales de l'année 1875.
Quantités d'hectolitres et de quintaux de Grains vendus sur les principaux Marchés du département
de l'Aube, et Prix moyen de l'hectolitre et du quintal par quinzaine.
2 ORGE. AVOINE. SARRAZIN.
s. Quantités. Prix moyen. Quantités. Prix moyen. Quantités. Prix moyeu.
Hectolitr. Quintaux. Hectolitre Quintal. Hectolitr. Quintaux. Hectolitre Quintal. Hectolitr. Quintaux. Hectolitre Quintal.
f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c.
Janvier 1re 224 142 11 82 18 65 498 227 11 03 24 21 » » » » » .
2e 258 165 11 89 19 21 641 296 11 28 24 43 » » » » » »
Février 1re 124 77 12 06 19 42 617 283 11 10 24 20 » » » » " »
" 2e 312 196 11 82 18 82 1013 468 11 58 25 06 . » » » » »
Mars 1" 268 168 12 13 19 35 1115 513 11 90 26 07 » " » » » »
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Avril 1re 598 398 11 92 18 87 1122 502 10 67 23 85 » » » » » .
2e 419 264 12 25 19 46 947 436 11 28 24 56 » » » » » »
Mai 1re 285 179 11 42 18 19 736 363 12 29 24 93 . » »...
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Septemb. 1re 317 428 9 80 21 26 922 428 9 80 21 26 » » » » » »
2e 329 210 11 89 18 63 904 421 9 60 20 61 » » ...»
Octobre. 1re 179 113 11 70 18 53 590 270 9 85 21 52 " " » » » » »
2e 191 120 11 65 18 55 660 299 10 33 22 80 » » » » »
Novemb.. 1re 276 174 12 04 19 11 724 333 10 27 22 04 » » »...
2e 240 150 11 52 18 43 626 290 10 07 21 78 » » » » » »
Décemb.. 1re 225 141 11 68 18 64 734 333 . 10 08 22 23 » » » » » »
2e 370 233 10 62 16 86 960 440 9 80 21 40 » » » » »
TOTAUX... 6547 4370 18832 8681 » »
Prix moyen de l'année 11 37 17 06 10 61 23 03
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Suite des Mercuriales de l'année 1875.
Ma Comestibles divers. Fourra- Combustibles.
pa FARINES de PAIN P0MMES VIANDE (le quintal BOIS CHARBON
r q FROMENT le kilogram.) TERRE (le kilogramme). métrique). (le stère). (l'heclol.)
qui (les lookil.) (thect)
aine Prix Blanc. Bis-blanc Prix Boeuf. Vache. Veau. Mouton Porc. Foin. Paille. Chêne. Autre de Fossile
moyen. moyen. essences BOIS.
f.. c. c. >> c. >> f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c. f. c.
I1* 31 03 32 » 29 » 3 84 1 40 i 40 1 55 1 73 1 63 7 83 5 50 10 50 11 B 4 16 5 »
Janvier 2e 31 2g 31 () 25 » 3 66 1 40 1 39 1 52 1 65 1 60 7 83 5 50 10 50 11 »3 » 5 .
p. . 1re 30 46 31 » 28 », 3 61 1 40 1 37 1 51 1 65 1 60 7 83 5 50 10 50 11 » 3 » 5 »
tevner 2e 30 67 31 >> 28 >> 3 88 1 36 1 38 1 54 1 70 1 60 7 83 5 50 10 50 11 » 3 » 5 »
1re 31 >> 31 n 27 » 3 78 1 37 1 40 1 55 1 70 1 59 8 83 5 83 10 50 11 » 3 5 »
Mars... 2e 31 >> 31 B 28 , 3 86 1 40 1 40 1 60 1 73 1 59 8 83 5 83 10 50 11 » 3 »D »
. 1re 31 » 31 » 28 » 3 96 1 30 1 35 1 57 1 75 1 58 8 83 5 50 11 20 11 20 3 12 6 25
Avril... 2e 33 43 31 >> 28 >> 3 50 1 40 1 35 1 57 1 74 1 58 8 83 5 83 11 20 11 20 3 12 6 25
1re 30 70 31 >> 28 » 3 72 1 40 1 35 1 57 1 71 1 58 9 33 6 66 11 20 11 20 3 12 7 >>
Mai 2e 30 39 31 » 28 » 3 52 1 40 1 38 1 58 1 71 1 56 9 33 6 66 11 20 11 20 3 12 7 »
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Juin.... 1re 30 86 31 » 28 » 3 76 1 40 1 32 1 60 1 70 1 58 9 33 6 66 11 20 11 20 3 12 7 »
2e 31 » 31 » 28 » 3 34 1 43 1 38 1 59 1 61 1 52 8 66 6 33 11 20 11 20 3 12 7 »
Juillet 1re 31 65 31 » 28 » 6 » 1 43 1 40 1 » 1 75 1 52 8 66 6 33 11 20 11 20 3 13 7 »
2e 35 50 35 » 31 » 4 39 1 43 1 39 1 55 1 65 1 46 8 66 6 33 11 20 11 20 3 50 7 •
Août 1re 38 50 35 » 33 » 4 15 1 43 1 40 1 56 1 67 1 53 9 » 5 85 11 20 11 20 3 50 7 »
... 2e 36 80 35 » 32 » 4 31 1 43 1 40 1 57 1 70 1 53 9 » 5 85 11 20 11 20 3 50 7 »
Sept 1re 35 50 35 » 32 » 4 52 1 42 1 38 1 62 1 70 1 52 9 » 5 85 11 20 11 20 3 50 7 »
2e 35 .34 » 33 » 4 24 1 43 1 38 1 56 1 70 1 53 9 » 5 85 11 20 11 20 3 50 7 »
, 1re 34 75 34 » 31 » 4 29 1 42 1 38 1 57 1 70 1 53 9 37 5 66 11 20 11 20 3 50 7 »
Octob.. 2. 34 75 34 >> 31 » 4 32 1 43 1 40 1 55 1 73 1 53 9 33 5 60 11 20 11 20 3 50 7 »
Nov 1re 34 50 34 » 31 » 4 10 1 46 1 37 1 55 1 73 1 57 9 75 5 60 11 20 11 20 3 50 7 » 2e 34 88 34 » 32 >> 4 09 1 43 1 40 1 56 1 73 1 53 9 75 5 60 11 20 11 20 3 50 7 »
Dec... 1re 34 50 34 » 31 » 4 39 1 43 1 39 1 56 1 72 1 52 9 75 5 60 11 20 11 20 3 50 7 » 2e 36 >> 34 » 31 » 4 28 1 43 1 39 1 56 1 72 1 52 9 75 5 50 11 20 11 20 3 50 7 »
Prix moyen de l'année 33 21 33 «30 . 3 94 1 41 1 38 1 54 1 70 1 55 8 91 5 74 11 02 11 15 3 31 6 43!
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ÉTAT des Récoltes en Grains et autres Farineux,
PRODUIT.
Froment ... 83100 » 2 50 6 • 4 20 10 50 1038750 685402 »
Méteil 1070 . 2 40 5 50 5 30 12 75 13642 8875 »
Seigle 38690 » 2 50 5 80 4 99 12 49 483360 162032 »
Orge 28600 » 2 60 7 30 5 40 14 05 401830 4523 »
Sarrasin. . . . 1880 . 1 10 6 50 5 73 6 30 11844
Maïs et millet. »»»»»»»»»» » » »
Avoine. . . . 82320 » 2 70 6 80 6 30 16 90 1391208 »
Légumes secs. 1620 » 2 60 7 60 8 27 21 50 34830 21052 »
Autres grains. 580 • 2 90 5 » 3 70 10 70 6206 » »
TOTAUX. . . 287860 » » » » » >> » >> >> 3381670 881884 »
Pom.de terre. 7220 » 14 50 6 80 7 91 114 80 828856 141810 »
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faites en 1875, dans le Département de l'Aube.
hectal. kilog.
» 202520 >> » 887922 » 150828 » » 57530 70
» 2408 » » 11283 » 2359 » » 180 67
10750 » 94783 >> » 267565 » 215795 » » 2930 62
154620 » 74913 » 16456 250512 » 151318 » » 2560 60
8029 » 1366 » 20 9415 » 2429 « » » 60
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787368 » 203670 » 650 991688 » 399520 » » 13900 55
» 3678 » » 24730 » 10100 >> » 40 80
2316 » 1017 » » 3333 » 2873 » » 20 70
963083 » 584355 » 17126 2446448 » 935222 » » 77160 »
503231 >> 114050 » » 759091 » 69765 » » 60 70
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SOMMAIRE
DES
SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ PENDANT L'ANNÉE 1876
Séance du 24 Janvier 4876.
Présidence de M. LAPEROUSE.
Lecture du procès-verbal de la séance du 28 décembre 1875. — Proposition de M. Charles Baltet, tendant à faire imprimer sur papier vergé les exemplaires des Mémoires destinés aux membres résidants; renvoi de cette proposition au Bureau. — Lettre de M. Hariot, membre associé, sur des pièces de monnaie récemment découvertes.
— Allocution et compte-rendu du Président. — Dépôt d'un travail de M. l'abbé Méchin, curé de Saint-Urbain. Ce travail est intitulé : Quelques documents inédits pour servir à l'histoire de la collégiale de SaintUrbain. — Dons à la Bibliothèque. — Dons au Musée. — Rapport de M. Vignes sur l'Art d'être heureux, par M. Eno. — Rapport de M. Albert Babeau sur Épemay, par M. A. Nicaise.
— Lecture, par M. d'Arbois de Jubainville, d'un chapitre du livre qu'il doit publier sur les Origines européennes. —: Communication, par M. l'abbé Coffinet, du procès-verbal rédigé par le Dr Guichard sur l'exhumation de l'évêque Ragnégésile, mort en 650. — Compterendu par M. Gréau des travaux du Congrès de géographie, des visites qu'il a faites avec les membres du Congrès dans les égouts et dans les catacombes de Paris, et des expériences de machines de guerre anciennes faites à Saint-Germain. — Renvoi au Comité de publication du rapport de M. Vignes.
Séance du 48 Février 4876.
Présidence de M. LAPEROUSE.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Dons au Musée. — Dons à la Bibliothèque. — Nomination d'une Commission pour examiner la réponse à faire à la circulaire de M. le
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430 SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
Ministre de l'Instruction publique, demandant l'indication des documents relatifs aux Etats-généraux. — Compte-rendu du Président.
— Rapport de M. Albert Babeau sur les documents relatifs aux Etats-généraux dans le bailliage de Troyes, recueillis par M. Boutiot. La Société décide que ces documents formeront le premier volume de la collection des documents inédits sur la Champagne méridionale, et que M. A. Babeau sera chargé de rédiger l'Introduction de ce volume. — Rapport de M. d'Antessanty sur le travail de M. l'abbé Méchin, déposé dans la séance précédente. — Rapport de M. Nancey sur les poésies posthumes de M. Clovis Michaux. — Rapport du Dr Vauthier sur l' Itinéraire. d'un ubiétiste, par le Dr Mougeot. — Rapport de M. Et. Georges sur l'Histoire de l'abbaye de Haute-Combe, par M. Blanchard. — Rapport du Dr Carteron sur les Mémoires de la Société de Pont-à-Mousson. — Renseignements donnés par M. Truelle sur la souscription destinée à faire ériger une statue à Urbain IV, et sur le monument funéraire de M. Schitz.
— Lecture, par M. Drouot, de Quelques observations à propos du Concours d'animaux gras. — Lecture, par M. l'abbé d'Antessanty, du récit d'une Ascension au Puy-de-Dôme. — Election de M. Alfred Peigné, avocat, demeurant à Méry-sur-Seine, comme membre associé. — Renvoi au Comité de publication des travaux de MM. Drouot et d'Antessanty.
Séance du 47 Mars 4876.
Présidence de M. LAPEROUSE.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — M. Deheurle est délégué pour représenter la Société à la réunion de la Société des agriculteurs de France. — MM. Truelle Saint-Evron et Millard sont désignés pour faire partie de la réunion des délégués des sociétés savantes à la Sorbonne. — Démission de M. Meugy, membre honoraire. — Dons au Musée. — Dons à la Bibliothèque. — Compterendu du Président. — Rapport de M. Deheurle sur la Poésie de la musique, par M. Meugy. — M. Amédée de Caix de Saint-Aymour, demeurant à Senlis, est élu membre correspondant. — Renvoi au Comité de publication du rapport de M. Deheurle.
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PENDANT L'ANNÉE 1876. 431
Séance du 24 Avril 4876.
Présidence de M. LAPEROUSE.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Le Bureau a délégué M. de Baye, sur sa demande, à la réunion des sociétés savantes de la Sorbonne, pour lire un mémoire sur les cimetières mérovingiens. — Lettre du Ministre de l'Agriculture relativement à la subvention annuelle; réclamations à ce sujet. — Envoi, par M. Gérost, d'une Notice sur Quelques cloches du diocèse de Troyes. — Dons au Musée. — Remercîments à M. l'abbé Coffinet pour ses dons. — Dons à la bibliothèque de la Société. — Rapport de M. Des Guerrois sur le Recueil de poésies de M. Alphonse Baudouin, intitulé : Revers de médailles. — Rapport de M. le Dr Carteron sur les Hôpitaux de Nantes, étude de M. Léon Maître, originaire de Troyes. — Rapport de M. Deheurle sur la Statistique du Nicaragua, de M. Meulemans. — Compte-rendu par le même de la session de la Société dès agriculteurs de France. — Communication de M. Le Brun-Dalbanne sur les accroissements du Musée. — Proposition de concourir à la statistique scientifique organisée par l'Institut des provinces ; ajournement, de la question jusqu'à l'a publication de la Statistique de l'Ain.
Séance du 49 Mai 1876.
Présidence de M. LAPEROUSE.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Démission de M. Lenoir, membre correspondant. — Lettre de M. Truelle Saint-Evron, rendant compte de la réunion des délégués des sociétés savantes et annonçant le don de plusieurs lettres autographes de Grosley. — M. Braquehaye est délégué au Concours international agricole de la Gironde. — Renvoi à la Section d'agriculture de deux questionnaires adressés par la Société des agriculteurs de France. — Dons au Musée et à la Bibliothèque. — Compte-rendu du Président. — Election de M. Briard, major en retraite, en qualité de membre résidant, dans la Section des sciences, en remplacement de M. Gey, démissionnaire. — Rapports de M. Deheurle sur divers ouvrages. — Rapport de M. de Villemereuil sur un ouvrage de M. Valssrre traitant de la culture de la truffe. — Rap-
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432 SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
port de M. Nancey sur le Plutus et l'OEdipe à Colone, traduits par M. Bernot. — Lecture, par M. Albert Babeau, d'un travail sur les Fêtes de la paix données par la ville de Troyes sous Louis XIV. — Lecture, par M. Dosseur, d'un compte-rendu du Comice agricole de Troyes en 1876. — M. Menuelle, pharmacien à Châtillon-surSeine, est élu membre correspondant. — Renvoi au Comité de publication des travaux de MM. de Villemereuil, Nancey et Albert Babeau.
Séance du 46 Juin 4876.
Présidence de M. LAPEROUSE.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Mort de M. le comte de Launay, membre résidant. — Lettre du Ministre de l'Agriculture invitant la Société à lui désigner une liste de ceux de ses membres qui pourraient faire partie d'une Commission départementale de vigilance contre l'invasion du Phylloxéra. — Dons à la Bibliothèque et au Musée. — Médailles obtenues par M. Paul Dubois, membre honoraire, à l'Exposition des Beaux-Arts de Paris. — Lecture d'un rapport de M. Deheurle sur la Statistique communale. — Vote de l'impression du Questionnaire, présenté par M. Albert Babeau au nom de la Commission de statistique communale. — Rapport de M. le Dr Vauthier sur la Trépanation historique, par M. J. de Baye. — Dépôt d'un travail de M. l'abbé Chauvet, sur la Seigneurie de Gyé; rapport de M. Socard sur ce travail. — Rapport de M. Etienne Georges sur le travail de M. Gérost, présenté dans la séance du 21 avril. — Communication de M. Ch. Baltet sur le Concours régional de Reims; récompenses obtenues par MM. Huot, Drouot et Lescuyer. — Rapport de M. Dosseur sur la République du Chili, par M. Meulemans. — M. Jacobé d'Arembécourt, maire de Montmorency, est élu membre associé. — Renvoi du travail de M. Chauvet au Comité de publication.
Séance du 24 Juillet 4876.
Présidence de M. LAPEROUSE.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Décès de MM. Casimir Perier, Boisseau de Mellanville et Gruyer-Jamb,
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PENDANT L'ANNÉE 1876. 433
membres associés. — Démission de M. Quilliard, membre résidant, nommé inspecteur général des ponts et chaussées à Paris. — Dons au Musée et à la Bibliothèque. — Rapport de M. Fontaine sur l' Industrie en Savoie, par M. Barbier. — Lecture, par M. Le BrunDalbanne, d'un travail intitulé : Le Peintre De Lyen au Musée de Troyes. — Pierre tumulaire de 1602, signalée par M. d'Arbois de Jubainville ; proposition de la faire transporter au Musée. — Lecture d'une note de M. l'abbé Lalore, sur le village de Rraux. — Proposition de M. Albert Babeau, de demander au Conseil général de faire inscrire les noms des victimes de la dernière guerre, originaires du département, sur des plaques commémoratives; adoption de cette proposition, déjà formulée à la séance réglementaire de 1873 par M. Charles Baltet. — Résolution de faire de nouvelles démarches auprès de M. le Curé et de la Fabrique de Saint-Nicolas, pour assurer la conservation des bas-reliefs du seizième siècle qui sont déposés dans cette église. — Demande faite à la Municipalité de Troyes, par M. Le Brun-Dalbanne, pour l'acquisition au profit du Musée d'un exemplaire en bronze de la statue équestre de Louis XIV, par Girardon; appui donné à cette demande par la Société. — Élection de M. Meulemans, consul général du Nicaragua, à Bruxelles, comme membre correspondant. — Renvoi au Comité de publication des travaux de MM. Le Brun et Lalore.
Séance du 48 Août 4876.
Présidence de M. LAPEROUSE.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Lettre de M. le Ministre de l'Agriculture et du Commerce accordant, sur les réclamations de MM. Gayot et Fréminet, une allocation de 400 fr. pour 1876, dont le montant avait été employé en primes données à l'agriculture. — Lettre de M. le Ministre de l'Instruction publique, accordant une allocation de 300 fr. pour 1876. — Désignation, sur la demande de M. le Préfet de l'Aube, des membres de la Société qui pourraient faire partie du Comité départemental d'admission à l'Exposition universelle de 1878. — M. de Baye, membre correspondant, est délégué au Congrès archéologique de Buda-Pesth. — Lettre de M. Fichot, écrivant qu'il a le premier signalé à la ville de Troyes la démolition d'une fenêtre de l'Hôtel-de-Ville de Paris, sur laquelle se trouvaient des bas-reliefs de Simart, et qu'il en a
T. XL. 28
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434 SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
proposé le transport au Musée de Troyes. — Dons au Musée. — Lettre adressée à M. le Préfet de l'Aube pour le prier de transmettre au Conseil général la demande de plaques commémoratives pour les victimes de la guerre. — Compte-rendu par M. l'abbé Coffinet de la démarche qu'il a faite, avec M. Albert Babeau, auprès de M. le Curé de Saint-Nicolas, d'après les intentions de la Société.
— M. l'abbé Coffinet, sur la demande de M. Chantriot, l'a recommandé au maire et aux habitants de la commune de Somme-Fontaine, sur le territoire de laquelle M. Chantriot désire faire des fouilles archéologiques. — Dons à la Bibliothèque. — Compte-rendu du Président. — Envoi, par l'intermédiaire de M. Drouot, d'un travail de M. Gallois, de Rigny-le-Ferron, contenant des observations météorologiques. — Lecture, par M. l'abbé Lalore, d'une étude intitulée : Cérémonial du joyeux avènement des évêques de Troyes. —
— Lecture, par M. Albert Babeau, d'une Notice destinée à l'Annuaire de 1877, et intitulée : Les Portraits de deux députés de Troyes aux quinzième et seizième siècle. — Élection de M. l'abbé Darras et de M. le Dr Eugène Guibout, comme membres correspondants. — Renvoi du travail de M. l'abbé Lalore au Comité de publication.
Séance du 20 Octobre 4876.
Présidence de M. le Dr BACQUIAS.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Lettre de M. Gérost, signalant des fouilles à faire dans des tumulus près de Villenauxe. — Envoi par le même d'un travail sur saint Alban. — Observations de M. Gayot sur l'insuccès des fouilles opérées autrefois par les soins de la Société. — Dons au Musée et à la Bibliothèque. — Compte-rendu du Président. — Élection de M. Jules Benoit, agriculteur à Châtres, comme membre résidant, en remplacement de M. le comte de Launay, décédé. — Réception d'une pièce de vers pour un prochain concours. — Rapport de M. le Dr Vauthier sur le Traité des maladies de la peau, de M. le Dr Guibout. — Lecture, par M. Le Brun-Dalbanne, de la troisième partie de son ouvrage sur Mignard, sa vie et sa famille. — Élection de M. Vignole, président de la Société d'apiculture de l'Aube, demeurant à Beaulieu, commune du Mériot, comme membre associé. — Renvoi au Comité de publication du travail de M. Le BrunDalbanne.
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PENDANT LANNÉE 1876. 435
Séance du 47 Novembre 4876.
Présidence de M. le Dr BACQUIAS.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Lettre du Ministre de l'Instruction publique, demandant si la Société Académique est disposée à concourir aux travaux de l'Inventaire des Richesses d'art de la France. Renvoi à la Section des Arts. — Dons au Musée. — Dons à la Bibliothèque. — Voeux formulés par MM. Deheurle et Gréau pour l'observation plus complète de la loi concernant les mesures nouvelles de contenance, et pour qu'aucune vente de terre n'ait lieu qu'avec la contenance réelle. — Communication verbale, faite par M. Auguste Nicaise, membre correspondant, sur les récentes découvertes archéologiques du département de la Marne. — Objections et questions à ce sujet par M. d'Arbois de Jubainville, Gréau et Coffinet. — Découvertes de poteries remontant à l'époque gauloise, faites près de Bréviandes, et signalées par M. Gustave Huot. — Détails sur la Carte archéologique du département de la Marne, donnés par M. Nicaise. — M. de Cossigny annonce qu'il a été chargé par le Ministre de la révision de la Carte géologique du département de l'Aube, et prie la Société de lui prêter son concours. — Voeux formulés par MM. Nicaise, Albert Babeau, Baltet et l'abbé Coffinet, pour l'enseignement de l'archéologie dans les écoles normales primaires. — Notice biographique sur M. le comte de Launay, par M. Charles Baltet. — Lecture du procès-verbal d'une réunion du Bureau et de la Commission du Musée, concernant l'acquisition d'un buste antique. — Renvoi au Comité de publication de la Notice de M. Baltet.
Séance du 45 Décembre 4876.
Présidence de M. le PRÉFET DE L'AUBE.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Renvoi au Bureau d'un rapport présenté par M. Gayot au Conseil général de l'Aube, sur la proposition de faire ériger des plaques commémoratives des victimes de la guerre dans le département. —■ Démissions de M. Herbo-Prévost, membre associé, et de M. Castan, membre
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436 SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
correspondant. — Sur l'avis de la Section des Arts, il a été répondu au Ministre, que la Société était d'autant plus disposée à concourir aux travaux de l'inventaire des richesses d'art de la France, qu'elle avait demandé que cet inventaire fut fait, avant môme qu'il ne fut prescrit par décision ministérielle. — Dons au Musée et à la Bibliothèque. — Compte-rendu du Président. — Rapport de M. l'abbé Coffinet sur la Chronique de l'abbaye de Saint-Pierre de Sens. —■ Rapport de M. Alfred Nancey sur les oeuvres poétiques de M. Eugène Faure. — Rapport do M. Deheurle sur l'ouvrage de M. Mony, instituteur, ouvrage intitulé : Conversion des ares en cordes. — Lecture, par M. Le Brun-Dalbanne, d'un chapitre sur les portraits de Marie-Louise d'Orléans, reine d'Espagne, faisant partie de son ouvrage sur Mignard. — Lecture, par M. d'Arbois de Jubainville, des conclusions du livre qu'il doit publier prochainement sur les Premiers habitants de l'Europe, d'après les écrivains de l'antiquité et les découvertes récentes de la linguistique. — Fixation du jour de la séance réglementaire.
Séance réglementaire du 22 Décembre 4876.
Présidence de M. LAPEROUSE.
Lecture du procès-verbal de la séance précédente. — Résultats des élections des sections pour la formation de leurs bureaux. — — Agriculture : président : M. Gustave Huot; vice-président : M. Victor Deheurle; secrétaire : M. Jules Benoit. — Sciences : président : M.le DrCarteron; vice-président : M. Buxtorf ; secrétaire: M. Briard. — Arts : président : M. Le Brun-Dalbanne; vice-président : M. Boulanger; secrétaire : M. Nancey. — Belles-Lettres : président : M. Socard; vice-président : M. l'abbé Lalore; secrétaire : M. Vignes. — Élection de M. Gustave Huot, comme viceprésident de la Société pour l'année 1877. — Élection de M. Briard, en qualité de membre de la Commission du Musée. — M. Deheurle est nommé membre de la Commission de l'Annuaire, en remplacement de M. Boutiot, décédé. — MM. Vaudé, Vauthier, Vignes et de Villemereuil sont élus membres du Comité de publication. — Mort de M. Châles des Etangs, ancien archiviste et membre honoraire de la Société. — Legs au Musée, par M. des Etangs, de ses collections et de ses livres relatifs à la botanique. — Réception de ce legs, au
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PENDANT L'ANNÉE 1876. 437
nom de la Société, par M. Briard. — Le nom de M. des Etangs sera inscrit sur les tables de marbre destinées à conserver le souvenir des bienfaiteurs du Musée. — Procès-verbal de la réunion du Bureau. — Décision prise de faire nommer un président par la Commission du Musée. — Présentation et adoption des comptes du trésorier pour 1876. — Lecture et adoption du budget de 1877.
— Fixation au mois de mai d'une séance publique en 1877.
— Demande de modifier le programme et la nature des prix annuels. — M. Deheurle demande l'estampillage des volumes qui composent la bibliothèque de la Société. — Dépôt, par M. Truelle, des comptes de recettes et de dépenses du monument élevé à M. Schitz par souscription. — Allocution de M. Laperouse, président annuel.
Pour extrait conforme :
Le Secrétaire de la Société, ALBERT BABEAU.
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TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES
Dans le Tome XLe de la collection des Mémoires de la Société Académique de l'Aube.
ANNÉE 1876.
Pages, Le château de la Chapelle-Godefroy, — par M. ALBERT BABEAU, membre résidant 5
Recherches sur la vie et l'oeuvre du graveur troyen Philippe Thomassin, — par M. EDMOND BRUWAERT, attaché au ministère des affaires étrangères 35
Note sur les mesures prises pour la conservation des manuscrits dans le diocèse de Troyes, du xIe au xvIIIe siècle, — par M. l'abbé LALORE, professeur de théologie au GrandSéminaire de Troyes, membre résidant 169
Le portrait de Catherine Du Chemin, femme de François Girardon, — par M. LE BRUN-DALBANNE, président de la Société Académique de l'Aube 181
Les Marisy, — par M. ALPHONSE ROSEROT, avocat 199
Un peu de médecine à propos de littérature — Charles Dickens, romancier et lecteur, — par M. CHARLES DES GUERROIS, membre résidant 291
La jurée de Bar-sur-Seine et des villages qui en dépendent en 1339, — par M. l'abbé CHARLES LALORE, professeur de théologie au Grand-Séminaire de Troyes, membre résidant 317
Le portrait de François Sneyders au Musée de Troyes, — par M. LE BRUN-DALBANNE, membre résidant 333
Charles VII, roi de France, et Jacques d'Aumont, seigneur de Chappes, — par M. H. D'ARBOIS DE JUBAINVILLE, membre résidant 345
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440 TABLE.
Pages.
Rapport sur le projet de statistiques communales du département de l'Aube, — par M. VICTOR DEHEURLE, membre résidant 353
La culture de la truffe, — par M. DE VILLEMEREUIL, membre résidant 365
Le peintre De Lyen au Musée do Troyes, — par M. LE BRUNDALBANNE, membre résidant 369
Bowles et ses Sonnets, — par M. CHARLES DES GUERROIS, membre résidant 379
Jacques Friquet, peintre troyen, — par M. ALBERT BABEAU, membre résidant 403
M. le comte Maurice de Launay, — par M. CHARLES BALTET, membre résidant 407
Liste des dons faits au Musée de Troyes, avec les noms des donateurs, pendant l'année 1876 413
Mercuriales du département de l'Aube pendant l'année 1875. 419 Quantités de grains vendus, et prix moyen par quinzaine 420-423
Comestibles divers, fourrages et combustibles 424
Etat des récoltes en grains et autres farineux, faites en 1875, dans le département de l'Aube 426
Sommaire des séances de la Société pendant l'année 1876, — par M. Albert BABEAU, secrétaire de la Société 429
Table des matières du tome quarantième des Mémoires de la Société 439
TROYES, 1MP. DUFOUR-BOUQUOT.
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AVIS AU RELIEUR
Pour le placement des Planches dans le 40° volume des Mémoires de la Société Académique de l'Aube.
Pages.
Catherine Du Chemin, d'après une miniature du Musée de
de Troyes, — photoglyptie Lemercier .... 181
Les Marisy (armoiries), — par M. Alphonse Roserot, —
planche I 199
Idem, —planche II 199
Idem, — planche III 199