DE LA
SOCIETE ACADEMIQUE
D'AGRICULTURE
DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES
DU DEPARTEMENT DE L'AUBE
TOME LIII DE LA COLLECTION TOME XXVI. — TROISIÈME SÉRIE
ANNÉE 1889
TROYES
DUFOUR-BOUQUOT, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ RUE NOTRE-DAME, 43 ET 41
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SOCIETE ACADÉMIQUE
DU
DÉPARTEMENT DE L'AUBE
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MÉMOIRES
DE LA
SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
D'AGRICULTURE
DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE
TOME LII DE LA COLLECTION TOME XXVI. — TROISIÈME SÉRIE
ANNEE 1889
TROYES
DUFOUR-BOUQUOT, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ RUE NOTRE-DAME, 43 ET 41
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SEANCE PUBLIQUE
DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
Du 11 Avril 1889
La Société Académique de l'Aube a tenu une séance publique le 11 avril 1889, dans la grande salle de l'Hôtel de Ville de Troyes, en présence d'une assemblée nombreuse et distinguée.
M. Gustave Huot, président annuel, prend place au fauteuil et fait asseoir près de lui MM. les anciens Présidents, M. Chotard, membre correspondant, doyen de la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand, ancien professeur d'histoire au Lycée de Troyes, et les membres du Bureau.
M. le Président ouvre la séance par le discours d'usage, dans lequel il met en relief l'importance et l'utilité des travaux de la Société Académique. Il rend ensuite un hommage ému aux membres que nous avons perdus, et signale les nouveaux membres qui les ont remplacés.
M. l'abbé d'Antessanty, secrétaire, rend compte des travaux de la Société, depuis la dernière séance publique tenue le 9 mars 1884.
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M. de La Boullaye, secrétaire-adjoint, donne lecture d'un rapport sur les récompenses décernées par la Société, et procède à l'appel des lauréats qui reçoivent, au milieu d'applaudissements unanimes, les médailles qui leur sont accordées.
M. le Secrétaire-adjoint lit ensuite quelques-unes des remarquables pièces de vers couronnées par la Société.
M. Dufour-Bouquot lit quelques chapitres d'un volume en préparation : Récits d'une bête noire, histoire d'une laie. Cette lecture nous a montré que l'auteur sait revêtir ses connaissances cynégétiques d'une forme littéraire et pleine d'attrait.
M. Arnould, dans une poésie pleine de verve et d'esprit, rend un hommage délicat et convaincu aux mérites de la Femme française.
Les applaudissements de l'auditoire ont accueilli ces différentes lectures, et la séance a fini à dix heures et demie.
G. D'ANTESSANTY,
Secrétaire de la Société.
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DISCOURS
PRONONCE
A LA SÉANCE PUBLIQUE
PAR
M. GUSTAVE HUOT
PRÉSIDENT ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
MESDAMES, MESSIEURS,
La tradition, à la Société Académique, impose au Président l'obligation, dans les séances publiques, de prononcer un discours d'ouverture.
Malgré le profond respect que je professe pour les traditions, je ne puis m'empêcher de trouver regrettable cet usage qui vous condamne aujourd'hui à entendre un agriculteur si peu habile dans l'art de bien dire. A défaut d'autre mérite, je vais m'efforcer d'être bref en vous présentant notre Société.
Le rôle des Académies de province prend chaque jour de plus en plus d'importance. Ces associations, en découvrant et en mettant au jour des documents inédits, des faits ignorés, recueillis sur place, contribuent, pour une large part, au progrès de la science,
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N'est-ce pas aux sociétés savantes de province que l'on doit la plupart de ces études historiques locales qui ont si souvent éclairé des faits erronés ou imparfaitement connus, ces patientes recherches géologiques, sur tous les points du sol, qui ont jeté une vive lumière sur la formation de notre globe ; enfin, le plus grand nombre des découvertes archéologiques qui nous ont révélé l'existence des habitants de notre terre aux temps les plus reculés ?
On pourrait ainsi passer en revue presque toutes les branches du domaine de la science, sans jamais cesser de trouver l'heureuse influence de ces assemblées sur le développement et l'accroissement des connaissances humaines.
La Société Académique de l'Aube n'est pas restée en dehors de ce mouvement scientifique. Elle a su prendre une place très honorable dans ce concours de laborieux efforts. Elle a recueilli, sur tous les points les plus cachés de notre aucienne province, les éléments dispersés d'un faisceau d'archives; sauvegardé, par ses publications, d'inestimables trésors, et arraché à l'oubli les secrets du passé pour reconstituer l'histoire vraie de notre pays.
Par les travaux de ses membres, elle a contribué pour une large part à mettre en lumière la grande époque artistique de nôtre vieille cité, à faire revivre les Dominique, les Gentil, les Jacques Julyot, les Linard-Gontier. Elle a groupé et fait connaître les oeuvres littéraires des Chrestien, des Pithou, des Passerat, des Larrivey, des Amadis Jamin, des Grosley et de tant d'autres dont le pays s'honore.
On dit bien que nous travaillons un peu trop dans le vieux et que nos recherches manquent d'attrait. Mais nous sommes parfois en belle compagnie quand nous nous livrons à nos études archéologiques, par exemple.
Lorsque vous aménagez, avec un art exquis, Mesdames, la décoration de vos appartements, soit que vous donniez vos préférences au style sévère de l'époque de Louis XIII,
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ou aux élégances délicates de Louis XVI; lorsque, avec votre goût raffiné, vous découvrez de précieuses tapisseries de Beauvais, de riches étoffes brochées des Indes, de magnifiques porcelaines vieux Sèvres, ou vieux Saxe, vous êtes aussi archéologues, et vous ne trouvez pas que toutes ces merveilleuses vieilleries sentent la poussière ou le moisi, ni manquent d'intérêt.
Pardonnez-moi cette digression, je reviens à mon sujet.
Les investigations de notre Compagnie portent à la fois sur l'agriculture, les sciences, les arts et les lettres. Ces différentes spécialités, loin de se nuire et de s'exclure, se prêtent, au contraire, un mutuel concours.
L'agriculture ne se rattache-t-elle pas étroitement à toutes les sciences? Ne doit-elle pas ses progrès les plus réels et les plus récents aux remarquables travaux des Pasteur, des Georges Ville, des Joulie, des Muntz, des Schloesing, des Dehérain, des Grandeau ?
La netteté et l'élégance de l'écrivain ne donnent-elles pas de l'attrait à la science de l'érudit?
Les grandes conceptions scientifiques ne sont-elles pas bien faites pour provoquer l'enthousiasme si favorable à la poésie ?
Quoi qu'en pensent certains esprits, la science ne saurait tuer la poésie. Tant que l'homme conservera la passion du beau, du grand ; tant que son âme saura frémir et son coeur s'émouvoir, il y aura des poètes et des artistes.
Notre Société n'est pas seulement une Académie où se discutent, dans le calme d'une séance privée, des questions théoriques. Elle organise des champs d'expériences et de démonstrations agricoles; elle encourage tous les efforts, elle a des récompenses pour tous les mérites. — Honorer le travail sous toutes ses manifestations, est la mission qu'elle s'est toujours imposée.
Elle est également chargée de conserver et de classer les
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trésors du Musée. Sous son impulsion, nos magnifiques galeries des beaux arts et nos importantes collections scientifiques ne cessent de s'enrichir par des acquisitions et par des dons nouveaux..
Dans l'année qui vient de s'écouler, nous avons reçu : la statue du connétable de Montmorency, de notre illustre concitoyen, M. Paul Dubois; des émaux anciens, d'une valeur inappréciable, de Mme Mitantier ; de remarquables oeuvres d'art de M. Audiffred, dont le nom est désormais placé parmi ceux des plus généreux bienfaiteurs de la ville de Troyes et du Musée.
Nous sommes aussi entrés en possession de vitraux dus au pinceau de Linard-Gontier et d'autres verriers de son époque.
Si le public se porte chaque année plus nombreux pour visiter toutes ces richesses, c'est qu'elles deviennent de jour en jour plus remarquables et plus complètes.
On peut, au Musée, avec les instruments de l'âge de pierre et les monuments mégalithiques, s'initier aux moeurs des premiers habitants de notre sol ; avec les antiquités celtiques, gauloises, mérovingiennes, les spécimens de l'art au moyen âge et à la renaissance, étudier les oeuvres de notre vieux génie national.
Bien des villes nous envient les productions des grands sculpteurs modernes, nos compatriotes qui, suivant la voie glorieuse de leurs devanciers, les anciens imagiers de Troyes, illustrent à tout jamais notre département.
Toutes nos belles collections ont définitivement fait classer le Musée de Troyes comme l'un des plus importants de province.
Je voudrais pouvoir m'arrêter ici. Mais il me reste maintenant encore un devoir à remplir : Rendre un suprême hommage d'affectueux regrets à nos chers collègues qui ne
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sont plus. Ainsi que les familles, les associations comme la nôtre ont leurs deuils, et je ne puis évoquer, sans une vive émotion, le souvenir de ceux que la mort nous a enlevés. Depuis la dernière séance publique nous avons eu la douleur d'inscrire un trop grand nombre de noms sur la liste des membres que nous avons perdus : Vaudé, Petit, Nancey, Dosseur, Bacquias !
M. Emile Vaudé fut élu en 1862 à la place de son père, dans la section des Arts. Artiste de race, épris du beau, il acquit dans l'atelier de Léon Cogniet le fini d'exécution et la correction qui distinguaient ce maître.
Jeune encore, il: vit ses oeuvres récompensées aux expositions de Paris. Au moment où, en pleine possession de son talent, le plus brillant avenir s'ouvrait devant lui, une grave affection de la vue vint entraver sa carrière. Les trop rares peintures qui restent de lui montrent à quel degré il avait l'amour de la forme achevée et le sentiment harmonieux de la couleur.
Il possédait surtout la science du portrait. On était frappé par la vigueur de son modelé et par le caractère de distinction et de simplicité qu'il savait donner à ses modèles.
La dernière production qu'on doit lui attribuer, un chemin de croix pour l'église de Rouilly-Sacey, est un véritable chef-d'oeuvre en même temps qu'une bonne action. C'est que M. Vaudé n'était pas seulement un grand artiste, mais un homme de coeur, au caractère loyal et désintéressé.
M. Joseph Petit, avocat distingué, docteur en droit, jurisconsulte consommé, avait tous les titres pour faire partie de notre section des Lettres.
Pendant les douze années qu'il est resté notre collègue, nous avons apprécié sa douce et charmante indulgence, son aménité que rien ne pouvait altérer.
Les fonctions honorifiques ne lui ont pas manqué, mais
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loin d'en rechercher l'éclat, il n'en voulait prendre que les charges.
Il est bien peu d'hommes qui aient donné plus d'euxmêmes à leurs fonctions, qui se soient fait de leurs devoirs une idée plus haute et plus sévère; qui, enfin, aient apporté dans les actes de la vie, plus de conscience, de haute probité morale et un amour plus grand du bien public.
M. Alfred Nancey est entré à la Société Académique en 1874, dans la section des arts.
Cet aimable confrère, qui nous a tant de fois intéressés et charmés par ses lectures, a rempli, avec une rare distinction, les importantes et délicates fonctions de secrétaireadjoint, puis de secrétaire.
Lettré fin et délicat, il alliait d'une façon merveilleuse les qualités littéraires à la facilité et à la pureté d'élocution. Conteur charmant, au tour vif et spirituel, doué d'une imagination pleine de grâce, tantôt il traçait les tableaux les plus frais, tantôt, interprétant de vives et nobles impressions, il décrivait avec une exquise sensibilité les sentiments qui étaient le reflet de son âme.
Les échos de cette salle doivent encore conserver le souvenir de ses brillants compte-rendus et de ses belles poésies, dont il savait si bien faire valoir les nuances par les accents pénétrants d'une voix harmonieuse et vibrante.
M. Dosseur était un vétéran de notre Association. Pendant 35 ans, il a apporté à nos réunions l'éclat de ses brillantes qualités d'esprit. Improvisateur nerveux, ayant toujours l'expression énergique et imagée ; orateur entraînant ; écrivain fécond; poète expansif, ardent, enthousiaste, il avait toutes les aptitudes.
Soit qu'il rédigeât un rapport agricole, soit qu'il composât un de ces délicieux sonnets comme les Grelots en remferment tant, il avait le même entrain, la même verve, la
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même allure mouvementée, sans que jamais la hardiesse de l'expression nuisit à l'élégance de la forme. Ses amis, et ils étaient nombreux, aimaient sa franche nature et la facilité cordiale de ses relations. Il est resté cher à tous ceux qui ont pu connaître l'élévation de ses sentiments.
M. le Dr Bacquias fut élu membre de la Société Académique en juin 1858. Sa vive et brillante intelligence, ses vastes connaissances scientifiques, la part active qu'il prit à nos travaux, lui firent bien vite acquérir un rôle prépondérant. Il fut successivement nommé : secrétaire-adjoint, secrétaire, enfin président.
La vie politique le sépara de nous. Mais si son mandat de député l'a tenu trop souvent éloigné de nos séances, son concours ne nous a jamais fait défaut, et nous ne saurions oublier que, grâce à ses actives démarches et à son heureuse influence près des pouvoirs publics, notre Société a reçu d'importantes subventions, et les galeries du Musée de précieux dons.
Une terrible maladie vint inopinément le frapper. Voyant sa santé gravement compromise, il renonça à ses fonctions législatives et donna sa démission de membre résidant de la Société Académique. Il devint alors membre honoraire.— Notre Compagnie garde à M. Bacquias un vif sentiment de reconnaissance pour les témoignages de dévouement et de sollicitude qu'il n'a cessé de lui donner.
Nous avons eu aussi le regret de voir trois de nos membres résidants, MM. Journé, Roserot et Socard, donner leur démission ; ils font aujourd'hui partie de nos membres honoraires.
M. Camille Journé, comme conservateur du Musée, a, par sa compétence en archéologie, contribué puissamment à l'organisation de nos collections. Les dons qu'il nous a
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faits depuis son départ de Troyes, indiquent l'intérêt qu'il porte toujours à notre Association.
M. Alphonse Roserot était chargé du classement de nos archives. Son érudition, ses connaissances spéciales l'ont fait choisir comme archiviste départemental à Chaumont. Nous avons de lui d'importants travaux, notamment sur les anciennes familles locales.
M. Socard, que des raisons de santé nous ont enlevé, fut, pendant de longues années, notre trésorier, puis nommé président pour 1887.
Nous devons à ce travailleur infatigable, au style simple et précis, des oeuvres nombreuses et solides qui font grand
honneur à notre Société.
Pour combler les vides qui se sont faits dans nos rangs, nous avons été heureux de pouvoir nous adjoindre MM. Olympe Fontaine, Louis Le Clert, le docteur Forest, de La Boullaye, Barotte, Arnould, Marcel Dupont et DufourBouquot. Ces nouveaux collègues nous ont déjà payé un large tribut de bienvenue par des ouvrages ou des communications du plus haut intérêt. Les noms changent et se succèdent parmi nous, mais l'esprit de travail reste toujours le même.
Je n'aurais garde maintenant de m'attarder plus longtemps. Je comprends trop votre impatience d'entendre le remarquable rapport de notre savant secrétaire, M. l'abbé d'Antessanty, et.d'applaudir les lauréats qui vont venir recevoir des récompenses si bien méritées.
Je ne saurais cependant terminer sans prier M. le Maire et MM. les Membres du Conseil municipal d'agréer l'expression de notre gratitude pour le témoignage de bienveillance qu'ils nous ont donné, en nous accordant cette année une subvention exceptionnelle, et pour la gracieuse
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amabilité avec laquelle cette belle salle a été mise à notre disposition.
Je dois dire aussi combien nous regrettons de n'avoir pas au milieu de nous M. le Préfet, notre président d'honneur, que ses fonctions administratives retiennent aux extrémités du département.
Je veux enfin que ma dernière parole soit pour remercier l'assemblée d'élite qui, répondant à notre invitation, est venue, par sa présence, rehausser l'éclat de cette solennité.
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COMPTE-RENDU
DES
TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
DE L'AUBE Depuis la Séance publique du 29 Mars 1884
PAR
M. L'ABBÉ D'ANTESSANTY
SECRÉTAIRE DE LA SOCIÉTÉ
MESDAMES, MESSIEURS,
Au moment où j'ai pris la plume pour rédiger le compterendu que m'imposent les fonctions de secrétaire dont la Société m'a honoré, je me suis senti littéralement effrayé. Rendre compte des travaux amoncelés depuis le 29 mars 1884, quelle tâche redoutable pour ma faiblesse ! Je voyais se dresser devant moi, avec un air menaçant, quatre volumes de Mémoires, quatre Annuaires et un volume de Documents inédits, et il me fallait analyser, ou au moins signaler tout cela. Je me suis pris alors à regretter amèrement l'absence de mon éminent et sympathique prédécesseur, M. Alfred Nancey, qui laisse parmi nous un vide si douloureux et dont l'esprit clair et vif se serait facilement tiré d'affaire au milieu de tant de richesses. Mais hélas! regrets
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superflus! Il m'a fallu me mettre à l'oeuvre et accomplir tant bien que mal la tâche qui m'est confiée.
Depuis cinq ans, la Société Académique n'est pas restée inactive et, fidèle à sa mission, elle a travaillé consciencieusement, et sans bruit, à l'oeuvre de décentralisation littéraire et scientifique qui lui incombe comme à toutes les Sociétés savantes de la province. Le champ qui s'ouvre devant elle est vaste et presque sans limites; son titre de Société d''Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, l'oblige à porter ses investigations sur toutes les matières qui peuvent préoccuper l'esprit humain. Je dois dire, sans orgueil, mais avec une légitime satisfaction, qu'elle n'a pas failli à cette tâche aussi étendue que difficile. Vous allez en juger par les travaux des différentes sections.
L'agriculture, trop dédaignée au temps où nous vivons, n'en est pas moins, par ordre d'ancienneté et de mérite, la plus utile des connaissances indispensables à la vie matérielle des peuples. Elle était l'unique occupation des antiques patriarches, qui mettaient tout leur soin à multiplier et à nourrir avec abondance les troupeaux, leur seule richesse. Dans tous les siècles, elle est restée en honneur, et nous la voyons inspirer au plus grand des poètes latins des pages où les notions les plus utiles sont revêtues de la forme la plus séduisante. Nos pères l'avaient en singulière estime et lui consacraient volontiers leur sollicitude et leur intelligence. Aussi, est-ce à bon droit qu'elle figure au premier rang des sections qui composent la Société Académique de l'Aube. Cette section compte dans ses rangs les hommes les plus éminents par la position honorable qu'ils occupent et par les services qu'ils rendent à leur pays..Il me suffira de nommer notre cher et estimé président, M. G. Huot, M. Charles Baltet dont les travaux, devenus classiques, sont traduits dans toutes les langues européennes et lui ont valu dernièrement, après plusieurs distinctions flatteuses, la croix de chevalier
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de la Légion d'honneur; M. Marcel Dupont, notre distingué professeur départemental d'agriculture, et tant d'autres qui, tout en collaborant plus rarement à nos Mémoires, n'en sont pas moins un honneur pour nôtre Société.
L'Agriculture, par la force même des choses, agit plus qu'elle n'écrit. Sans cesse occupée à expérimenter: les meilleurs modes de culture, à utiliser les découvertes précieuses dé la science et de l'industrie moderne, à se préparer dans tous les concours d'éclatants triomphes, elle n'a guère le temps de prendre la plume pour rendre compte des travaux utiles auxquels elle se livre avec tant de succès. Sa plume, à elle, c'est la charrue, c'est la faucheuse, c'est la moissonneuse, ce sont tous les instruments perfectionnés par lesquels elle affirme au grand soleil ses continuels progrès. Aussi, ne faut-il pas s'étonner si nos Mémoires ne contiennent pas souvent d'articles dus à.la plume de nos éminents agriculteurs.
Signalons cependant, dans le volume de 1887, une étude courte, mais substantielle, de M. Ch, Baltet, sur la Coulure des raisins. Après avoir indiqué scientifiquement ce qu'il faut entendre par la coulure, l'auteur, avec la haute compétence qui le distingue, fait connaître les causes qui la produisent : l'excès de rigueur des ceps, une végétation chétive, l'humidité et le refroidissement de la température pendant la floraison. Mais quels remèdes apporter à cet accident trop fréquent qui est, pour nos populatione vigneronnes, une ruine dont elles se relèvent difficilement. M.' Ch. Baltet recommande, pour prévenir un mal si redoutable, le pincement des rameaux fructifiants, la suppression des vrilles, l'écimage de la grappe, l'incision annulaire du sarment, le greffage du cep, et donne des détails historiques et pratiques sur ces opérations diverses.
Espérons que nos viticulteurs si intelligents et si sagaces sauront tirer parti des conseils autorises que leur donne un maître incontesté en cette matière
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Nous devons aussi à M. Hariot, membre associé, une étude consciencieuse sur la culture de la vigne dans le canton de Méry, insérée dans l'Annuaire de 1885. Avant de quitter l'Agriculture, est-il besoin de rappeler que nos éminents collègues, MM. G. Huot, Ch. Baltet et autres, recueillent chaque année une moisson de récompenses auxquelles nous sommes heureux d'applaudir et qu'on ne peut plus compter les médailles qui leur sont décernées de toutes parts. Leurs communications savantes et lumineuses sont aussi pour nos séances un élément d'intérêt dont nous les remercions.
La Société Académique s'occupe aussi avec sollicitudedes améliorations introduites dans la culture et dans l'industrie, et, grâce aux subventions annuelles que lui accorde le Ministère de l'Agriculture, elle distribue chaque année des récompenses appréciées à tous ceux qui se sont signalés par leur esprit inventif, ou leur habileté à mettre en oeuvre les découvertes qui se multiplient chaque jour. Vous verrez bientôt, par le rapport de M. le Secrétaire-adjoint, sur les prix décernés depuis cinq ans, que les hommes intelligents et laborieux ne manquent pas dans notre département.
L'Agriculture et les Sciences ont entre elles des rapports étroits, surtout dans le temps de progrès où nous sommes. La science qui est parvenue à une connaissance approfondie du mode et des phénomènes de la végétation, recherche, par des observations sérieuses et de consciencieuses analyses, les substances les plus propres à engraisser le sol et à donner aux plantes plus d'abondance et de vigueur ; la chimie, surtout, rend à l'agriculture des services signalés, et elles ne peuvent guère marcher l'une sans l'autre ; la botanique aide aussi l'agriculture dans le choix des végétaux qu'elle peut acclimater. Aussi, n'ai-je pas besoin de chercher une transition pour passer des travaux de la section d'agriculture à ceux de la section des sciences.
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Cette section possède, dans notre Société, des hommes d'une grande valeur. Pour les sciences industrielles, il suffit de nommer MM. Em. Buxtorf et F. Fontaine; pour la médecine, MM. Vauthier et Forest; pour la minéralogie, M. de Mauroy ; pour la zoologie, M. Jourdheuille ; pour la botanique, MM. Barotte et Briard. Ces noms seuls proclament bien haut que nous possédons parmi nous les hommes les plus distingués et les plus compétents.
J'ai nommé M, Briard ; c'est à lui que nous devons le travail le plus important dont nos Mémoires puissent s'enorgueillir. Il nous avait offert déjà le Catalogue des plantes de l' Aube, un des plus remarquables que possède la France. Infatigable au travail, et portant allègrement le poids d'années si fructueusement employées, il nous a donné encore dernièrement, sous le titre trop modeste de Florule cryptogamique de l'Aube, un ouvrage de premier ordre, et tel, que bien peu de Sociétés savantes peuvent en offrir de semblables.
L'auteur commence par indiquer quelques plantes phanérogames rares ou nouvelles, découvertes par lui, par M. Guyot, instituteur à Troyes, et par notre savant compatriote et membre correspondant, M. Paul Hariot, préparateur de botanique au Muséum, que j'ai guidé au début de ses éludes botaniques, mais qui, depuis, a singulièrement dépassé son maître.
Puis, M. Briard passe à la partie principale de son travail et présente, avec un classement méthodique, l'ensemble de nos richesses cryptogamiques. Non content de donner la liste des plantes qu'il a observées, il en décrit un grand nombre de la manière la plus exacte et la plus consciencieuse. Armé du microscope, qu'il sait manier comme un maître, il nous révèle l'organisation, la fructification de ces plantes souvent imperceptibles qui poussent sur les rameaux morts, les brindilles sèches, les feuilles jonchant le
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sol de nos bois et de nos champs, et il attire notre attention sur ces végétaux inférieurs que nous foulons aux pieds avec indifférence, mais qui offrent au savant une source d'études du plus haut intérêt. Toutes ses descriptions, soumises aux maîtres de la science, offrent une garantie rigoureuse d'exactitude indiscutable. M. Briard a découvert plusieurs espèces nouvelles, et même, ce qui est plus merveilleux encore, des genres nouveaux; il a constaté que la Flore de l'Aube possède 3,226 plantes. Il nous promet de consacrer à de nouvelles recherches les jours que Dieu voudra bien encore lui donner. Nous tous qui sommes ses amis, nous désirons que ces jours soient nombreux, car une vie si bien employée semblerait devoir durer toujours.
Une autre partie du vaste champ de l'Histoire naturelle est exploitée avec succès par M. Jourdheuille, qui consacre ses études à ces êtres charmants qu'on nomme lépidoptères ou papillons ; non content d'étudier les grandes espèces qui font l'ornement de nos forêts et de nos prairies, mais que tout le monde peut connaître facilement, il a porté surtout ses recherches sur les petites espèces, qui ne le cèdent en rien aux plus grandes pour l'élégance de la forme et la richesse du coloris, et il est passé maître en cette matière difficile. Il nous a communiqué des observations intéressantes sur une espèce qui exerce des ravages appréciables dans les vignes de notre département. Nous possédions déjà son remarquable Catalogue des Lépidoptères de l'Aube, que bien des régions nous envient ; et, si je ne craignais pas d'anticiper sur un volume prochain, je vous dirais qu'il vient de nous envoyer un supplément important à son premier travail, auquel ses investigations patientes ont ajouté un grand nombre d'espèces non encore signalées.
M. de Mauroy, le savant et zélé conservateur de notre musée minéralogique, nous a fait connaître un de ses
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trésors les plus précieux, en rédigeant le catalogue des Météorites qu'il possède. Cette collection, commencée avec ardeur par notre regretté collègue M. Jules Ray, s'est notablement accrue, grâce à l'activité infatigable de M. de Mauroy qui, par des échanges intelligents avec des savants étrangers., a pu se procurer plusieurs échantillons de chutes qui nous manquaient. Actuellement, la collection du Musée est une des plus riches de France et occupe le quinzième rang dans celles du monde entier. Nous sommes heureux de savoir que M. de Mauroy, qui quitte notre département, veut bien nous continuer son précieux concours, et qu'une séparation complète ne viendra pas. attrister les sympathies unanimes qu'il a su s'acquérir dans notre Société.
M. Hyacinthe Chaillot nous a communiqué un travail d'un très grand intérêt pratique, que la Société a honoré d'une de ses récompenses. Ce sont des Observations d'histoire naturelle sur les moeurs des oiseaux, l'époque de leur passage, leur mode de nourriture. On y trouve des faits nouveaux ou peu connus, des remarques pleines de sagacité et fruits d'une longue patience, qui ont pour résultat de modifier certaines idées fausses et certains préjugés généralement reçus.
Nous avons été heureux d'insérer dans nos Mémoires ce travail d'un observateur aussi modeste que consciencieux.
M. de Cossigny, qui appartient à la section d'agriculture, est, en outre, un savant distingué. Nous signalerons de lui une étude remarquable sur les Travaux pour la distribution des eaux de Souligny, dont l'habile direction a valu à M. Moreau une médaille de vermeil; une autre sur l'emploi des eaux pluviales pour l'alimentation des communes rurales. Les communications de M. de Cossigny sont pour nos séances un véritable régal intellectuel. Quand il analyse les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, son exposition si lucide met à la portée de tous les questions
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les plus ardues et rend compréhensibles, même pour les profanes, des matières qui sembleraient réservées aux adeptes de la science pure.
L'Annuaire de 1885 contient un important travail de M. Barotte, qui se rattache, lui, à la science pratique, c'est la Statistique hygiénique des Ecoles primaires de l'Aube. L'auteur touche à des questions palpitantes d'intérêt pour les classes populaires. La construction des maisons d'école, la ventilation, le chauffage, l'éclairage, toutes choses si essentielles pour la santé des enfants, sont traitées par lui avec une haute compétence. Ce travail fait honneur à la patience et à l'intelligence de son auteur, et il peut amener, s'il est pris en sérieuse considération, les plus heureux résultats.
Enfin, s'il m'est permis de parler de moi, après tous les autres, j'ai essayé de décrire une charmante famille des coléoptères phytophages, les Cryptocéphales, ces gracieux insectes, vulgairement nommés Gribouris et qui habitent, pendant l'été, les feuilles des chênes, des noisetiers, des saules, des peupliers, les blanches fleurs du Chrysantème et la corolle d'or de la Lysimaque. Ce modeste travail, sans prétention scientifique, n'a d'autre objet que de faciliter aux commençants l'étude de ces intéressants insectes, et l'expérience m'a prouvé que j'y ai réussi dans une certaine mesure.
Si des sciences nous passons aux beaux-arts, nous trouvons qu'ici encore la Société Académique possède des hommes d'une réelle valeur et qui, non seulement savent produire des oeuvres remarquables, mais aussi apprécier avec un vrai talent de critique celles qu'enfante le pinceau des maîtres de l'époque actuelle. Nous en trouvons la preuve dans une consciencieuse étude de M. Pron, intitulée : Réflexions au sujet de l'art chrétien.
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A l'occasion des tableaux religieux exposés à Nice, il y a quelques années, il reproche à un critiqué connu, M. Hébrard, une appréciation trop sévère et trop empreinte de parti-pris des tableaux exposés par les artistes contemporains. Absolument épris des productions dues au pinceau des peintres du moyen âge et de la renaissance, M. Hébrard traite avec trop peu d'égards ceux de notre, époque. Sans contester le but élevé de la peinture religieuse, M. Pron pense que la représentation des choses purement humaines ne manque pas non plus de noblesse ni de poésie. L'auteur examine ensuite les différentes phases par lesquelles a passé à travers les siècles l'image divine du Christ. Les premiers essais, inspirés par une piété sincère, pèchent par le défaut de science. Au XIIIe siècle, on constate déjà avec Cimabuë un réel progrès, mais le dessin est sec, maniéré, et le coloris dépourvu d'harmonie et de finesse. La renaissance du XVIe siècle a produit avec les grands peintres de l'Italie, de; splendides créations qui sont restées comme des types immortels, bien qu'on puisse reprocher, même aux maîtres les plus illustres, certains défauts incontestables: Raphaël, Murillo, Rubeng, Van Dyck, Rembrandt, eux-mêmes, n'en sont pas toujours exempts. Michel-Ange semble dominer les autres maîtres, parce qu'il s'appuie sur le vrai qui est la logique de l'art. Tout en admirant les chefs-d'oeuvre que nous ont laissés les Maîtres dont le nom est demeuré célèbre : « Soyons de notre temps, conclut M. Pron, et cherchons le vrai sans craindre de le voir taxé de matérialisme. C'est la voie dans laquelle sont entrés Carolus Duran, Ferrier, Munckazy. » Blâmant d'ailleurs les excès d'un matérialisme regrettable, l'auteur pense que l'art actuel doit maintenir son indépendance et, en poursuivaut le beau par des voies nouvelles, attendre avec sérénité le jugement de l'avenir.
Le travail que nous venons d'analyser prouve que notre éminent collègue sait manier la plume aussi bien que le pinceau, ce qui n'est pas peu dire.
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Un autre membre de la section des arts, M. Olympe Fontaine, a rendu compte dans l'Annuaire de l'excursion faite à Troyes, en 1886, par le Congrès des architectes français. Ces appréciateurs si autorisés ont admiré les merveilles dont s'enorgueillit notre vieille cité; la cathédrale, Saint-Urbain, le Jubé de Sainte-Madeleine, les oeuvres d'art qui fourmillent à Saint-Pantaléon leur ont donné la plus haute idée des richesses artistiques que nos pères nous ont léguées.
A l'art proprement dit se relie étroitement l'archéologie, dont M. l'abbé Garnier a étudié à fond l'une des branches les plus importantes: la numismatique. Continuant"un travail commencé en 1883, il nous donne, dans le volume des Mémoires de 1885, les plus intéressants détails sur! la Découverte de la cachette de Longueville, et la première apparition des Francs dans l'Aube, vers 254. Il nous lest impossible de le suivre dans sa savante étude, mais constatons qu'il sait, avec beaucoup d'habileté et des raisons très plausibles, appuyer l'histoire sur les données que fournit ! la numismatique étudiée avec intelligence. Un denier de Trébonien Galle, datant un coffre vestiaire, et une clé annulaire trouvée à la Vacherie, près de Troyes, ainsi que d'autres monnaies romaines découvertes dans les graviers de la Seine, l'autorisent à conclure que les terres de la Vacherie se trouvaient occupées dès la période gallo-romaine, ce que semble prouver également la proximité du fameux pont de Foissy que Grosley signalait en 1757 et dont il décrivait les restes imposants.
Indépendamment du travail important que nous venons de rappeler, M. l'abbé Garnier intéresse vivement nos séances en nous rendant compte, avec une lucidité parfaite, des travaux archéologiques qui lui sont renvoyés, et, dernièrement encore, il nous donnait des renseignements d'un haut intérêt pour la découverte, l'exploitation et l'étude des cimetières antiques.
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Notre savant archiviste, M. Louis Le Clert, a rendu, lui aussi, un service éminent à l'archéologie en publiantrécemment son Catalogue de la collection sigillographique du Musée, dans lequel il révèle dès trésors inconnus, et la première partie du catalogue de l'archéologie. Ce sont là des travaux difficiles, du plus grand mérite et de la.plus haute utilité. M. Le Clert nous a fait connaître aussi, dans l'Annuaire, deux sceaux de l'évêque Jean l'Eguisé, représentés dans une planche où son habile burin s'est mis au service de la science que tous lui reconnaissent.
Mais je n'ai pas encore nommé l'écrivain le plus fécond, celui dont la plume élégante et facile suffirait à peupler nos Mémoires et nos Annuaires de travaux qui sont toujours une bonne fortune et qui, dans ses oeuvres de longue haleine couronnées par l'Académie française, comme dans celles qu'il veut bien nous consacrer, montre toujours réunis ensemble un style plein de charmes dans sa sobriété, un goût sûr et épuré pour les beaux-arts et une connaissance approfondie de notre histoire locale. Vous avez tous reconnu M. Albert Babeau. Son genre d'études tient en même temps de la Httérature, de la critique d'art et de l'histoire. Il me serait impossible d'analyser les travaux nombreux et remarquables que nous lui devons ; le temps qui m'est réservé n'y suffirait pas ; je me contenterai de les signaler rapidement. Tantôt mettant en lumière la figure spirituelle et malicieuse de notre compatriote Grosley, il nons le montre dans sa vie d'étudiant et nous donne, d'après ses lettres autographes, les détails les plus piquants sur les usages des étudiants au XVIIIe siècle, qui ressemblent, sous plus d'un rapport, aux étudiants d'aujourd'hui; ou bien s'aidant de notes manuscrites de Grosley, il nous renseigne sur cette Académie de Troyes dont l'existence semblait un mythe, et qui a publié de si facétieux mémoires; nous savons par lui que cette Société s'était formée à Troyes
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vers 1740, et qu'elle n'avait pas pris, mais agréablement reçu le titre d'Académie, et nous connaissons les noms des membres qui la composaient. Nous savons aussi, par M. A. Babeau, qu'un ouvrage de Grosley a eu l'honneur d'être traduit en anglais. Ailleurs, M. Babeau nous décrit, en même temps que l'habile crayon de M. Royer le fait revivre à nos yeux, le vieux manoir du Vouldy, que Louis XIII honora de sa visite, ou bien il nous signale, toujours avec le concours de M. Royer, une charmante façade de la renaissance qu'il a découverte, le mot est exact, dans la rue de la Monnaie et qui décorait l'ancien hôtel de Jehan Deheurles, lieutenant du prévôt de Troyes, en 1548.
Ailleurs encore, M. Babeau nous présente, avec une introduction et des notes de sa main, le voyage d'un archéologue, du Buisson-Aubenay, dans le sud-ouest de la Champagne, en 1646, ouvrage fort, curieux dans lequel ion trouve des indications inédites sur l'intérieur des églises de Notre-Dame-aux-Nonnains, de Saint-Loup, sur le porche de l'Hôtel-Dieu et le Vouldy, et un spécimen piquant dé la manière dont, à cette époque, on appréciait les monuments et les oeuvres d'arts que notre ville possède avec une si riche abondance. Dans un autre volume de l'Annuaire, M. Babeau nous parle des Transports publics de Troyes à Paris, depuis le moyen âge jusqu'à la révolution, nous signale un beau bas-relief de l'ancien couvent des Cordeliers de Troyes et attire nos regards, à l'aide de dessins dus à MM. Royer et Olympe Fontaine, sur de curieux aspects du vieux Troyes et ses fortifications si pittoresques. M. A. Babeau nous a donné aussi une notice d'un grand intérêt sur Linard-Gonthier et ses fils, ces illustres peintres verriers qui ont laissé dans nos églises et nos édifices publics des oeuvres si remarquables, ou bien il nous raconte l'histoire des Compagnies de la Maison du Roi, en garnison à Troyes, de 1740 à 1790. L'Annuaire a publié aussi une savante dissertation dans laquelle M. A. Babeau établit que
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les magnifiques bas-reliefs de Saint-Jean sont l'oeuvre de Jacques Julyot. Mais il me faut, à regret, me hâter, car le temps me presse et j'ai encore à vous signaler d'autres travaux d'une incontestable valeur, dus à la section des Lettres.
M. l'abbé Lalore est un érudit patient et sagace, un explorateur infatigable de notre vieille histoire. Nous lui devons plusieurs travaux pleins de science et de bonne critique, tels que le Sceau et les Armoiries du Chapitre de la Cathédrale Saint-Pierre de Troyes, où il constate que l'iconographie moderne a défiguré ce sceau et ces armoiries; lès Coutumes des Foires de Champagne, où il nous rappelle de quelle célébrité jouissaient au moyen âge les foires qui se tenaient à Troyes ; puis une notice sur le prieuré de Belroy.
M. Det, lui aussi, possède une plume féconde et bien aiguisée. Citons de lui: Chrétien de Troyes et son homonyme et compatriote Chrétien Le Gouais, de SainteMaure, le Talon de Voltaire, où il raconte l'histoire de ce talon célèbre qui fut détaché du corps de Voltaire quand on l'exhuma pour le transporter au Panthéon et qui, après avoir appartenu à M. Mandonet, est maintenant on ne sait où. Le dialecte employé par Chrétien, de Troyes, dans ses oeuvres ; les chanoines de Saint-Etienne de Troyes se fortifiant dans leur cloître contre les Huguenots ; le clown Mignard; Chanoines et Huguenots à Troyes, en 1562 ; une étude sur Paillot de Montabert, accompagnée d'un dessin de son tombeau, actuellement transféré au cimetière de la ville par les soins de la municipalité.
M. L. Le Clert, dont j'ai déjà parlé, est un bon connaisseur en fait d'histoire locale; il nous a donné un travail critique d'un grand intérêt sur l'emplacement du célèbre Campus Mauriacus, lieu de la défaite d'Attila par les romains. D'après l'auteur, Attila fut défait en Champagne dans, la
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région dite des Maures ou des marais, s'étendant des confins de la Bourgogne aux environs de Nogent-sur-Seine. Le même auteur nous apprend aussi comment on chassait jadis à Aix-en-Othe et quel gibier on y rencontrait. Une curieuse gravure ancienne reproduite par M. Le Clert nous montre des sangliers poussés dans une enceinte de haies et tombant la tête la première dans des fosses où il était facile de les achever. La contrée n'est plus assez giboyeuse aujourd'hui pour qu'on puisse employer encore un mode de chasse aussi primitif.
Nous devons à M. Emile Socard quelques pages émues consacrées à la mémoire de M. Jules Ray. Je saisis cette occasion pour adresser à M. Socard, ce collègue si laborieux et si bon, que son état de santé éloigne de nos travaux, le souvenir le plus sympathique.
Parmi les littérateurs de bonne race, nous devons signaler enfin M. Ch. des Guerrois, non seulement poète, mais prosateur distingué, et dont le volume de cette année contiendra deux études écrites avec un réel talent.
Si les membres résidants de la Société Académique se sont distingués par l'activité littéraire que nous venons de constater, il en faut dire autant de plusieurs membres honoraires, associés et correspondants, auquels nos mémoires doivent d'excellents travaux.
M. Roserot, notre ancien archiviste, nous a quittés, mais non pas complètement. Il nous a donné successivement : Le dernier des Molé de la branche aînée, sa succession et ses héritiers ; Le grand bailli de Troyes au XVIIIe siècle ; une étude sur La famille Largentier, et une note sur Le Prieuré de Foissy.
M. Carré, membre honoraire, se distingue entre tous par l'entrain primesautier de sa manière d'écrire. Il s'est appliqué surtout à étudier notre vieux collège, ses souve-
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nirs, ses méthodes, les hommes remarquables qu'il a produits. Dans Nos grands hommes au collège -, il nous montre comment la suite de la vie en modifie souvent les débuts ; dans son ouvrage intitulé : L'Enseignement secondaire à Troyes du moyen âge à la révolution, si délicatement analysé par M. l'abbé Chaumonnot, il s'étend avec prédilection sur le collège de Troyes dirigé par les Oratoriens et nous fait voir comment ces maîtres habiles s'entendaient à former des hommes.
M. Alphonse Baudouin, membre associé, a enrichi nos Mémoires d'un travail très important intitulé: Glossaire du patois de la forêt de Clairvaux, dans lequel il signale une foule de locutions originales, souvent tirées du latin, qui, du reste, se retrouvent aussi en partie dans le patois des autres régions du département.
Un autre membre associé, M. l'abbé Chauvet, nous a donné un travail sur la Famille Largentier. M. Etienne Georges, quelques documents inédits concernant les Crillon et les Trudaine, dans l'Aube; les De Vaveray, seigneurs des Presles; notice sur Nicolas Caussin, confesseur de Louis XIII; lés Soirées de la rue du Bourg-Neuf chez le Conseiller Comparot de Longsols.
M. l'abbé Vacandard, membre correspondant, nous a offert Le premier emplacement de Clairvaux; M, le comte de Barthélemy, Les archives de Bar-sur-Aube et des Lettres inédites de Grosley ; M. Truelle Saint-Evron, Notice sur Bernard Fourneron; M, Arthur Daguin, Chartes du Prieuré de Belroy; M. le prince de Bauffremont-Courtenay, duc d'Atrisco, Note sur les monuments de la Maison de Pontaillier, qui existaient au XVIe siècle à l'église de Dienville.
Ajoutons à la liste de tant de travaux sérieux les communications si intéressantes de nos présidents, MM. Alb. Babeau, Vignes, Gustave Huot. C'est à leur direction si
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élevée que la Société est en partie redevable de son état prospère et des oeuvres remarquables qu'elle a produites.
Aux nombreux travaux publiés dans ses Mémoires et dans l'Annuaire, la Société Académique joint un recueil de Documents inédits relatifs à la ville de Troyes et à la Champagne méridionale, dont trois volumes déjà ont paru. Le dernier contient les Mémoires et livres de famille de Nicolas Dare, publiés par MM. Bailly de Barberey, et le vicomte René de Saint-Mauris, et le plus ancien Registre des délibérations du Conseil de ville de Troyes, 14291433, publié par M. Alph. Roserot. Ces documents sont une source précieuse pour ceux qui veulent étudier notre histoire locale, et la Société les verrait avec plaisir se répandre davantage parmi les hommes sérieux et éclairés.
Avant de terminer, je crois devoir insister sur l'intérêt comme maternel que porte notre Société au Musée qu'elle a fondé et qu'elle dirige. Notre honorable président vous a dit un mot des richesses dont il s'est accru, laissez-moi vous signaler encore le tableau de Ruth et Booz, de M. Girardot, oeuvre d'une originalité frappante, et qui, comme telle, devait avoir d'ardents admirateurs et aussi d'ardents détracteurs; quelle que soit l'appréciation que l'on porte sur ce tableau saisissant, on est obligé de reconnaître que M. Girardot est un peintre de grand talent ; un joli portrait d'une jeune femme provençale ou espagnole de M. Magaud, directeur de l'Ecole des Beaux-Arts de Marseille, donné par M. Audiffred, le beau groupe A la Patrie, dû au ciseau de M. Briden, dix remarquables vitraux d'appartements provenant de la riche collection de M. Le Brun Dalbanne.
L'histoire naturelle, elle aussi, s'est enrichie de collections importantes de minéralogie et de géologie. Nous avons acquis dernièrement la collection de coléoptères de
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l'Aube, de M. G. Le Grand, d'autant plus précieuse pour nous qu'elle contient les types de son Catalogue des Coléoptères de l'Aube, publié dans nos Mémoires et connu dans toute la France.
Si nous aimons à voir dans notre Musée des collections générales qui donnent une idée de l'enchaînement des êtres qui peuplent le globe, nous cherchons surtout à réunir ceux qui habitent notre département. MM. de Cossigny et de Mauroy ont commencé d'intéressantes collections de fossiles et de minéraux. Je travaille moi-même à celle des Coléoptères de l'Aube, que suivra celle des Hémiptères et des Orthoptères. MM, Ray et Jourdheuille ont doté notre Musée de celle des Lépidoptères, de sorte que ceux qui veulent étudier trouvent facilement à leur portée tous les éléments nécessaires. Grâce au don princier de M. Audiffred, le Musée, bientôt agrandi, pourra montrer à tous des collections cachées dans l'ombre et inaccessibles au public.
Vous voyez donc que la Société Académique a bien employé les cinq années qui viennent de s'écouler, et a travaillé sans ostentation et sans réclame, mais avec persévérance, à l'oeuvre qui lui est dévolue. Concentrant en elle les éléments de vie intellectuelle, scientifique et littéraire que notre département renferme en si grand nombre, elle s'est efforcée de développer le goût des études qui élèvent l'esprit humain, et, en agissant ainsi, elle croit avoir bien mérité de tous ceux qu'intéressent l'utile, le beau et le vrai. Encouragée par la sympathie que vous lui témoignez aujourd'hui, elle continuera à marcher dans cette voie qu'elle s'est tracée, comptant sur le concours des hommes instruits et intelligents qui sont l'honneur dé notre cher pays.
T. LIII 3
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RAPPORT
SUR LES PRIX DÉCERNÉS
PAR LA
SOCIETE ACADEMIQUE DE L'AUBE
Dans sa Séance publique du 11 Avril 1889
PAR
M. ARBELTIER DE LA BOULLAYE
SECRÉTAIRE-ADJOINT DE LA SOCIÉTÉ
MESDAMES, MESSIEURS.
Dans les dernières réunions publiques de la Société, la tâche qui m'incombe aujourd'hui était confiée à tin de ces esprits d'élite, sachant donner du charme et enlever sa monotonie à une longue énumération de récompenses; M. le Président vous retraçait tout à l'heure, mieux que je ne saurais le faire, les qualités excellentes de M. Alfred Nancey, et le vide profond laissé par lui dans cette assemblée. J'étais aussi de ceux qui l'appréciaient comme il le méritait, et ce n'est pas sans une réelle émotion que je viens reprendre sa place devant vous, après lui avoir succédé dans le fauteuil auquel la Société Académique m'a fait l'honneur de m'appeler.
J'ai donc grand besoin de votre indulgence.
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Avant de vous présenter la liste des récompenses, je devrais entrer dans les considérations préliminaires que comporte le sujet. J'aurais d'abord à vous dire l'utilité de ces encouragements, qui attirent aux sociétés les prémisses des oeuvres des débutants pour les ajouter à leurs propres travaux ; ils forment notre trait d'union avec tous ceux qui, dans notre département, combattent pour la grande cause du progrès, en venant leur apporter la preuve de l'intérêt et de la sympathie de la Société Académique de l'Aube,
Mais cela vous a été développé tout à l'heure d'une façon si éloquente, et la liste des récompenses est si étendue, que je vais vous demander la permission de rompre pour cette fois avec la tradition, en abordant de suite le sujet de mon rapport.
La condition de l'agriculture a sans doute bien changé depuis Virgile, ou bien la voyait-il avec des yeux de poète, lorsqu'il en décrivait les charmes et les avantages. Les charmes sont restés, mais les avantages ne s'acquièrent plus qu'au prix de labeurs incessants et d'améliorations continuelles. Nos agriculteurs ont à lutter, non pas seulement avec les difficultés naturelles inhérentes à leurs travaux, mais surtout avec la concurrence étrangère. Aussi, leur faut-il redoubler d'efforts, modifier les cultures et les sols, perfectionner leur outillage, pour soutenir victorieusement cette lutte nationale dont l'issue est devenue une des questions vitales de notre époque.
De toutes parts, les récompenses viennent les soutenir dans cette tâche et leur prouver l'importance que tous attachent à leurs succès. C'est à ce titre que la Société Académique a décerné une médaille d'or à M. RENÉ CROSSETTE, de Vendeuvre.
Agriculteur distingué, M. Crossette est un des lauréats aussi bien des concours régionaux que des concours généraux tenus à Paris, Il s'est signalé comme éleveur d'ani-
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maux de la race Schwitz, et son troupeau de moutons mérinos améliorés est des plus remarquables. Dans les premières années de ce siècle, M. de Jessains, ancien préfet de la Marne, fit venir d'Espagne, dans son domaine de Jessains, des mérinos de grande valeur. Les effets.de cette introduction se constatent encore aujourd'hui, dans tout le rayon voisin, où la race ovine est fort remarquable, et particulièrement chez M. Crossette.
La transformation des cultures, en les appropriant au sol, à conduit M. DE FONTENAY à créer, dans son domaine de Vaux, des herbages dans des terrés de.nature ingrate,; affectées aux céréales. Il y a installé des enclos où les bêtes bovines restent nuit et jour et où il élève des croisements de Durham-Charolais, très recherchés par la culture et par le commerce de la boucherie. En consacrant par une médaille d'or le succès de ces importants travaux, la Société Académique n'a fait que devancer la haute distinction décernée depuis à M, de Fontenay par la Société Nationale d'Agriculture de France, qui l'a élu comme membre en 1888.
C'est aussi une médaille d'or qui a été attribuée à M- JEANNEL, agriculteur à Thennelières, dont l'exploitation agricole résume tous les progrès accomplis. L'attirail est complet et renferme tous les instruments perfectionnés, les terres sont dans un état de propreté exceptionnelle et les engrais chimiques sont employés sur une grande échelle; les récoltes sont remarquables, aussi bien comme céréales que comme racines. Le lait fourni par une vacherie d'une quarantaine de têtes, est exploité dans une laiterie bien tenue, et il convient de signaler encore un bon troupeau de mérinos croisés anglais qui vient compléter la série des titres de M. Jeannel.
La même récompense a encore été décernée à M. BEAU, agriculteur à Charmesseaux, commune, de Trancault, pour son exploitation très satisfaisante sous tous les rapports, et
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distinguée par le Comice dans l'arrondissement de Nogentsur-Seine, où les bons cultivateurs sont plus nombreux qu'ailleurs. — À M. ELISÉE GEOFFROY, agriculteur à Moussey, jeune cultivateur instruit, qui, un des premiers, a introduit dans sa commune l'emploi des engrais chimiques avec lesquels il a obtenu des cultures remarquables. — A M. GAMICHON-GUILLAUME, agriculteur à Pouan, dont la culture et le bétail sont bien tenus et bien dirigés. Esprit novateur, M. Gamichon expérimente les espèces nouvelles d'animaux et de plantes, et il obtient notamment de belles variétés de céréales et de plantes fourragères.
L'élevage du lapin a, dans le département de l'Aube, une assez grande extension. M..C. DARNEL, propriétaire à Lusigny, s'en occupe avec succès, et c'est à ce titre qu'une médaille de vermeil lui a été décernée.
M. CÉLESTIN HENRY, agriculteur à Thil, a amélioré de mauvaises prairies, en les irriguant au moyen des eaux des côteaux voisins ; il s'est occupé aussi de reboisements et de réunion de parcelles, question devenue fort importante, car elle est une cause notable de diminution des frais généraux. Une médaille de vermeil est venue récompenser ses efforts.
Les perfectionnements de l'outillage agricole n'ont pas été oubliés non plus. Des médailles de vermeil ont été attribuées à M. BEAUGRAND, constructeur à Troyes, pour sa fabrication de barattes-barils perfectionnées et des divers ustensiles de la laiterie, et à M. CLOVIS-GÉRARD, constructeur à Jully-sur-Sarce, pour l'amélioration très ingénieuse qu'il a apportée à la herse à traîneau. Au moyen d'un levier qui permet de soulever une armature en fer placée sous la herse, on peut faire circuler celle-ci sans la retourner, point fort important pour les herses articulées. La meilleure preuve de la valeur de cette invention, c'est qu'elle a été immédiatement imitée par tous les constructeurs,
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Dans la série des instruments agricoles, une médaille d'argent a encore été décernée à M. THINEY, constructeur à Prusy, pour son excellente charrue vigneronne, d'une exécution matérielle parfaite et qui, dans tous les concours, obtient les récompenses les plus importantes.
Je termine enfin la large part faite à l'agriculture, par les médailles d'argent que nous avons à remettre à M. COMTE, instituteur à Fontaine-les-Grès, pour l'enseignement agricole théorique et pratique donné à ses élèves. — À M. EDMOND CHAMEROIS, propriétaire à Arrentières, pour sa statistique agricole du canton de Bar-sur-Aube et sa flore apicole de l'Aube, contenant de nombreux détails sur les plantes mellifères du département. — A M. CHARBAUT, pour l'industrie laitière qu'il a créée à Salon. — A M. COLLIN AMAND, agriculteur à Vallant-Saint-Georges, à M. COUSIN EMILE, agriculteur à Arcis-sur-Aube, et à M. GÉRARDCADET, agriculteur à Barberey, pour les expériences qu'ils ont faites en 1888, sur la culture des orges de brasserie, avec des semences fournies par le Ministère de l'Agriculture; dans chaque domaine, ces essais ont été tentés sur 9 parcelles ayant chacune 15 ares au moins d'étendue et ont donné des résultats très satisfaisants.
Dans la section de l'arboriculture, une médaille d'or a été décernée à M. AUGUSTE ROUSSEAU, d'Estissac, pour la création de vergers et jardins fruitiers, et pour ses cours d'arboriculture dans le département. Depuis de longues années, les leçons de cet excellent praticien sont si connues que je n'ai pas besoin de le rappeler.ici. La décoration du Mérite agricole est venue récemment confirmer l'appréciation de tous.
C'est également dans le massif si intéressant de la forêt d'Othe que M. EUGÈNE NOEL, propriétaire à la Mivoie, commune de Saint-Mards-en-Othe, s'occupe avec le plus grand succès des améliorations à apporter à la culture des arbres
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à fruits et à la fabrication du cidre qui constitue une des principales productions de cette partie du département. En lui décernant une médaille d'or, la Société Académique tient à l'assurer de l'intérêt tout spécial qu'elle attache à ses travaux.
Chaque région a sa culture propre. M. GABRIEL LENFANT, propriétaire à Romilly, est appelé à recevoir la même récompense pour les plantations considérables de peupliers et les oseraies qu'il a créées dans la vallée de la Seine.
M. AUDIBERT, horticulteur à la Crau-d'Hyères (Var), a également obtenu une médaille d'or pour l'acclimatation, en France, de divers végétaux fruitiers ou d'ornement dont quelques espèces ont déjà pu croître et fructifier dans l'Aube.
Enfin, Mme ROYER, fleuriste à Troyes, a reçu aussi une médaille d'or pour les remarquables collections de fleurs exposées à l'occasion du Comice Agricole tenu à Troyes au mois de mai 1888.
Il y a tant d'années que l'on s'occupe de la mise en valeur des terrains pauvres au moyen du reboisement, que l'on pourrait croire cette oeuvre terminée dans le département. Nous n'en sommes malheureusement pas là. Il y reste encore actuellement près de 15,000 hectares de terrains improductifs, chiffre dont l'éloquence se passe de commentaires. Aussi, la Société Académique continue-t-elle à décerner ses récompenses aux travaux de cette nature. Ce sont cette fois les reboisements exécutés à Chacenay, par M. BERTHERAND, auxquels elle a attribué une médaille d'or. Ces travaux, exécutés sur un vaste plateau à sol très sec, au moyen de résineux et de bois blancs, ont parfaitement réussi; sur beaucoup de points déjà, le chêne reparaît spontanément.
La pisciculture qui, à un moment donné, avait eu la
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bonne fortune d'être, permettez-moi l'expression, la question à la mode, est maintenant peut-être un peu trop laissée de côté. Elle a cependant une utilité fort pratique, lorsque l'on veut bien s'en occuper sérieusement, comme le fait M. JANNÈS, régisseur" du domaine de Crogny. Les étangs de Crogny occupent, avec quelques petites carpières, environ 35 hectares. En cherchant à augmenter leur rendement par des améliorations générales bien comprises, M. Jannès y a tenté l'acclimatation de la truite des lacs ou truite de Genève. Son succès est maintenant complet et assuré, et justifie pleinement la médaille de vermeil qui va lui être remise.
Dans le domaine des sciences appliquées, une médaille d'or a été décernée à M. ROBERT, ingénieur à Troyes, pour son filtre épurateur qui diffère de tous ceux connus en ce que non seulement il clarifie l'eau, mais en ce qu'il détruit et décompose, en outre, les matières organiques qui s'y trouvent en dissolution. L'action oxydante qui s'y produit sur les matières organiques est un résultat des plus remarquables, constaté d'une façon formelle dans les expériences et dans les savants rapports de notre collègue M. de Cossigny, et de M. Gérardin, de Paris. Avec quelques perfectionnements de détail, ce filtre rendrait les plus grands services dans les villes dont l'alimentation se fait avec des eaux d'une qualité laissant à désirer.
La nouvelle pompe à retour d'eau chaude, inventée et construite par M. GEORGES MENNESSON, mécanicien à Troyes, réalise un progrès depuis longtemps recherché, dans le but d'éviter la perte du calorique après l'utilisation de la vapeur produite par les machines industrielles. Ce problème a été résolu par M. Mennesson. Sa pompe à piston plongeur et à clapets spéciaux permet l'aspiration des liquides très chauds ou même à l'état d'ébullition, sans avoir à craindre le désamorçage, grâce à un clapet spécial
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éliminant à chaque coup de piston les petites quantités d'air ou de gaz, causes de cet accident. Le succès, cette pierre de touche des inventions, est venu sanctionner rapidement celle de M. Mennesson et confirmer la décision de la Société Académique lui attribuant la médaille d'or qu'elle est heureuse de lui remettre en séance publique.
Les Observations d'histoire naturelle, qui ont valu une autre médaille d'or à M. HYACINTHE CHAILLOT, des GrandesChapelles, ont été publiées dans nos Mémoires. M. le Secrétaire vous en a signalé tout à l'heure tout l'intérêt que je me contente donc de mentionner ici.
Il vous a parlé aussi de l'important rapport de M. de Cossigny, inséré dans l'Annuaire de 1885, sur les travaux de dérivation d'une source pour l'alimentation de la commune de Souligny ; ce rapport fait ressortir l'importance et le mérite des travaux confiés à l'habile direction de M. MOREAU, conducteur des Ponts et Chaussées à Troyes, auquel une médaille de vermeil a été décernée.
La question de l'agrandissement du Musée préoccupe depuis longtemps la Société Académique de l'Aube, les bâtiments actuels ne pouvant plus contenir les richesses qui, littéralement, les encombrent. Aussi avait-elle mis cette étude au concours en 1887. Un avant-projet fort bien conçu, dénotant une main déjà habile et dont les grandes lignes rentrent dans le sentiment général, a mérité une médaille d'or à son auteur, M. HENRI FOREST, de Troyes, actuellement élève de l'Ecole des Beaux-Arts. Grâce à la générosité d'un de nos compatriotes, la question purement platonique alors, est entrée dans la voie de la réalisation ; sa solution est même prochaine en ce moment.
Une oeuvre laborieuse et patiente, la Géographie de l'Aube, publiée en 1884, par M. PAUL LESCUYER, lui avait fait décerner aussi une médaille d'or. Une mort imprévue
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est venue l'arrêter brusquement au début d'une carrière de travail et d'étude, dont notre Société avait tenu à encourager les premières oeuvres.
Toutes les publications qui intéressent l'histoire de notre province présentent pour nous un vif intérêt. Parmi elles, la Revue de Champagne et de Brie tient le premier rang. Dans les 13 années d'existence qu'elle compte actuellement, elle a formé une collection unique de documents relatifs à notre région. Ce résultat, auquel bien peu de provinces sont arrivées, est dû, non seulement aux fondateurs de la Revue, mais aussi au zèle, au dévouement et au concours infatigable de son directeur, M. LÉON FRÉMONT, imprimeur à Arcis-sur-Aube. La Société Académique a été heureuse de consacrer son succès, par l'attribution à M. Frémont d'une médaille d'or que je viens rappeler aujourd'hui.
Un poète troyen au XVIIIe siècle, Edouard-Thomas Simon, dit Simon de Troyes. — Tel est le titre de l'étude présentée pour le concours d'histoire locale, et qui a pour auteur M. AUGUSTE MARGUILLIER, de Brienne-la-Vieille.
Les écrivains, sauf ceux dont les productions sont marquées au coin du génie, supportent mal l'épreuve du temps. Bien peu dans notre génération connaissent le poète Simon, et cependant il mérite mieux qu'un oubli presque complet. Aussi, en répondant à l'appel de la Société Académique, M. Marguillier a cherché avec raison à faire valoir les titres de Simon au souvenir de ses compatriotes.
Son travail commence naturellement par une étude biographique. Simon, né à Troyes, le 16 octobre 1740, se prépara d'abord à suivre la carrière paternelle, celle du notariat. Puis il partit pour Paris, où il fit ses études de médecine, et revint ensuite à Troyes, où il fut reçu maître en chirurgie en 1766. En 1783, il passa l'examen pour la licence en Droit et se fit recevoir Avocat en Parlement.
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Enfin, en 1785, il obtint le grade de Docteur en médecine. A Paris, au milieu de ses études médicales, il avait débuté dans la carrière littéraire par plusieurs pièces de poésie. Revenu à Troyes, professeur à l'Ecole de chirurgie, il mena de front la préparation de ses examens de Droit et de Doctorat en médecine, et des travaux historiques, dont les plus remarquables furent l'Almanach de la ville et du diocèse de Troyes, qu'il rédigea de concert avec Courtalon, dont il fut aussi le collaborateur pour sa célèbre Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes.
Le 1er janvier 1782, il fondait le premier journal paru à Troyes, sous ce titre : Annonces, affiches et avis divers de la ville de Troyes, capitale de la Champagne, et connu habituellement sous celui de Journal de Troyes et de la Champagne méridionale. Il publiait en même temps de nombreux articles dans les Périodiques de cette époque, des morceaux de poésie, des chansons, des drames, des comédies, des traductions, etc.
En 1790, il entra dans la vie publique, puis devint, en 1795, bibliothécaire du Tribunat. Appelé comme censeur au lycée de Nancy en 1807, il fut envoyé en 1810 à Besançon comme professeur d'Eloquence latine à la Faculté des Lettres. Il avait enfin trouvé sa vraie place. Jusqu'à sa mort, le 4 avril 1818, il continua ses innombrables travaux. Je ne puis mieux vous donner une idée de leur importance qu'en vous disant que, seulement comme pièces de théâtre, Simon en a laissé 54 manuscrites.
Dans cette oeuvre si étendue et si variée, M. Marguillier, a dit fort justement M. le Rapporteur de la Commission du Concours d'Histoire locale, a tout tenu, tout lu, tout apprécié. Il a fait ressortir la valeur de l'historien sérieux et érudit, du poète qui, d'une plume facile, a abordé tous les genres, depuis le drame jusqu'à la poésie légère, du traducteur heureux de Martial, de l'homme de lettres auquel
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sa fécondité a, pendant un demi-sièçle, donné une placé honorable parmi nos écrivains.
Le travail de M. Marguillier, qui sera appelé à paraître dans nos Mémoires, est complet, consciencieux, d'un style facile et agréable: il apprécie bien les mérites de Simon dans les genres si divers abordés par cet auteur. La Société Académique lui a donc décerné, avec une réelle satisfaction, le prix de 200 fr. sur la fondation Delaporte.
J'ai réservé, selon l'usage, pour chercher à effacer la monotonie de ce trop long rapport, le compte-rendu du Concours de poésie.
Il comprenait dix-neuf pièces, présentées par onze concurrents. C'est vous dire son importance inusitée. On reproche souvent à nôtre époque de s'éloigner de l'idéal. La Société Académique a été heureuse de constater, à l'oc-. casion de ce concours, la tendance contraire.
Dans ces poésies, beaucoup présentaient, même parmi celles non récompensées, de sérieuses qualités. Je voudrais pouvoir vous signaler toutes celles qui nous font espérer de nouveaux lauréats dans un avenir prochain ; mais ce serait au détriment des pièces couronnées auxquelles j'ai hâte d'arriver.
Au pays, tel est le titre du poème classé en première ligne par la Commission.
... Après cinquante ans passés loin de son village, le héros y revient sans avoir trouvé ce bonheur qu'il eût pu rencontrer aux bords de la Laigne. Pas un des hommes de son âge ne l'a reconnu. Ils ont vieilli, en s'inclinant vers cette terre, objet de leurs labeurs quotidiens et à laquelle le poète demande de leur donner le repos qu'ils ont bien mérité. C'est cette pensée qui traduit l'épigraphe « da eis requiem» qu'avait choisie l'auteur, M. MARÉCHAUX, de Paris.
L'inspiration est heureuse, le sentiment profond et juste ; la forme est poétique et, malgré la brièveté de l'oeuvre
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qu'en raison de ses qualités nous aurions désirée plus longue, une médaille de vermeil est décernée à M. Maréchaux,
Une légende et deux idylles, présentées par un autre concurrent, ont paru également dignes d'une récompense. Tout en reconnaissant le mérite de la légende de NotreDame-des-Bois, la Commission du concours de poésie lui a préféré les deux idylles. La première, intitulée : Une nuit de mai, a un cachet original et redit, avec une inspiration à la fois vive et gracieuse, la mélancolique histoire de la jeune poitrinaire qui s'éteint.
Un charme pénétrant, un agreste parfum, se dégagent de la seconde idylle: Au fond des bois. Elle parcourt les sentiers ombreux de la forêt par un beau dimanche de mai, au milieu des oiseaux et des fleurs.
C'est décidément la note gracieuse, je vous demande pardon de répéter ce mot, qui caractérise l'impression laissée par les oeuvres de M. Louis MERCIER, de Besançon. La Société Académique lui attribue aussi une médaille de vermeil.
Dans sa pièce intitulée : La chaumière, qui a obtenu une médaille d'argent, M. CHARLES MANSO, de Lille, tente la description du bonheur vrai. Il nous la montre, cette chaumière, non loin d'un grand bois, éclairée par les premiers rayons du soleil. Les habitants de cette humble demeure s'éveillent. Le bûcheron part pour son travail ; la femme installe sur le seuil le berceau de l'enfant avec lequel elle ira le soir au-devant du père revenant de sa journée. C'est le calme, c'est le bonheur exprimés en quelques mots par les vers suivants :
Leur vie est un touchant et rustique poème. Dans ce coin de forêt, sous le regard de Dieu, Parmi les arbres verts, sous l'immense ciel bleu, Ils vivent isolés
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Le sentiment est élevé, le style naturel, l'inspiration touchante. Quelques points moins heureusement rendus, ont seuls empêché de classer en première ligne ce poème réellement digne de ce titre.
■M, Charles Manso, nous le savions déjà par nos précédents concours, fait de la vraie poésie.
C'est chose rare aujourd'hui, et nous avons eu grand plaisir à la rencontrer dans les pièces qu'en l'absence des auteurs, mes fonctions me donnent la bonne fortune de vous lire : heureux si vous voulez bien oublier, en les entendant, l'aridité d'un rapport qui, ayant à embrasser les récompenses de cinq années, a comporté un développement inusité.
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AU PAYS,
Poésie de M. MARÉCHAUX, couronnée par la Société Académique
(Da eis requiem).
I
Mon village, caché dans l'étroite vallée, M'est apparu ce soir au détour du chemin, Tel que l'avait laissé ma jeunesse affolée, Rejetant le bonheur qu'elle avait sous la main.
Cinquante ans ont passé. Dans les eaux de la Laigne Se reflètent toujours ses maisons et ses bois, Et, tout comme jadis, la vieille église y.baigne Ses lourds pieds de granit, centenaires trois fois.
Dans un calme profond s'endorment les collines ; L'ombre pâle descend et chasse les rayons; Et la nuit sèmera bientôt ses perles fines El ses purs diamants aux herbes des sillons.
Et voici que soudain les vitres des chaumières S'éclairent tour à tour : Je reconnais mon toit Souriant au milieu de ces douces lumières ; Je lève le loquet, j'entre et je dis : « C'est moi!... »
Et maintenant, dans ce village Où je suis enfin revenu, Pas un des hommes de mon âge, Pas un seul ne m'a reconnu.
T. LIII 4
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Ils passent l'outil sur l'épaule, Le chef branlant, le dos voûté, Épaves de la rude école Que tu fondas, ô Pauvreté!
Ils passent muets. Le sourire De leurs lèvres paraît banni ; Leurs fronts pâles semblent de cire Et leurs yeux sont pleins d'infini.
Et tous s'inclinent vers la terre, Impassibles et résignés ; La mort n'est pas pour leur déplaire A ces humbles si dédaignés.
Ils ont tant peiné dans leur vie, Tant souffert du chaud et du froid Et de la faim inassouvie, Qu'ils l'envisagent sans effroi.
III
O vieille terre, où toutes choses S'évanouissent tour à tour : Les femmes ainsi que les roses, La gloire aussi bien que l'amour.
Sois souriante, sois propice A tes aînés sur leur déclin : Ils ont bu dans ton grand calice Du commencement à la fin.
O vieille terre, tant prônée, A chacun d'eux, avec l'oubli, Donne, après leur longue journée, Donne le repos dans ton lit.
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NUIT DE MAI
Poésie de M. L. MERCIER, couronnée par la Société Académique
Dors, pauvre enfant malade Qui rêves sérénade : Les galants sont couchés.
Gérard DE NERVAL.
Ma mère, auprès de la fenêtre, Approchez mon triste fauteuil; Ce vent de mai me fait renaître, De mon âme il chasse le deuil.
Oh! que ce soir je suis heureuse! Des zéphirs je sens le baiser; De ses rayons — délicieuse, La lune vient me caresser.
Des champs, vers la voûte éthérée Monte l'hymne du renouveau, Et mon étoile préférée Me sourit du haut du coteau.
O ma mère! est-ce une folie? Je voudrais me parer ce soir. Je veux qu'il me trouve jolie. Mon coeur est frémissant d'espoir.
A moi les gerbes enivrantes
Et des lilas et des jasmins !
De violettes odorantes
Jonchez mes genoux et mes mains.
Couronnez mon front de pervenches, Mettez-moi ma robe de bal, Mais éloignez ces roses blanches : Leur parfum de mort me fait mal.
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N'est-ce pas, je dois être belle? Vite, donnez-moi ce miroir. Mon oeil de jeunesse étincelle, Et Lui n'est pas là pour me voir!
Avec les filles du village J'irai, dimanche, aussi danser. Mais pourquoi sur votre visage Vois-je toujours des pleurs glisser?
Autour de moi que tout sourie. Mon Dieu ! qu'Il tarde d'arriver ! Vous le voyez, je suis guérie, Et seule je peux me lever.
Non, non, je ne suis plus malade, Je veux chanter!
Et Rose Alba, Aux premiers vers de sa ballade, Froide, sur le clavier tomba!...
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AU FOND DES BOIS
Poésie de M. L. MERCIER, couronnée par la Société Académique
Que-de fleurs!
André THEURIET;
Vous rappelez-vous, Denise, Au plus gracieux des mois, Adorablement exquise, Notre escapade en les bois ?
De mai c'était un dimanche. Le ciel était de saphir. Les nids jasaient sous la branche. Joyeux, passait le zéphir.
Ce jour-là d'une mésange Vous possédiez la gaîté ; Vous aviez l'esprit d'un ange Et d'une fleur la beauté.
Fuyant la cité morose, Vous couriez comme un oiseau; Je me souviens de tout — rose Etait votre frais chapeau.
Mille fleurs au bord des routes Pour vous s'épanouissaient; À. vouloir les cueillir toutes Vos mains d'enfant se lassaient.
Vous vous élanciez, rieuse, Au fond des sentiers rampants, Bravant la chenille affreuse, Les guêpes et les serpents.
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54 SÉANCE PUBLIQUE
Vous ne craigniez point, ma belle, Pour vos brodequins mignons, Pour vos volants de dentelle, Les ronces et les chardons.
Sur nos fronts les aubépines Courbaient leurs rameaux neigeux, Et leurs blanches étamines Poudraient l'or de vos cheveux.
Quel frais fouillis de verdure Formaient arbres et buissons, Entrelaçant leur ramure, Mêlant leurs fleurs, leurs chansons.
A peine, à travers les feuilles, Filtraient de vagues lueurs ; Sous les tremblants chèvrefeuilles Susurraient les flots causeurs.
Une odeur pure et charmante Nous environnait — c'était Un léger parfum de menthe, De chêne vert, de muguet.
La rosée, au bout des branchés, Scintillait de mille feux, Et pour nous voir les pervenches Entr'ouvraient leurs doux yeux bleus.
En perles, dans les futaies, Jaillissaient les fraîches voix Des fauvettes toutes gaies, Ces prima-donna des bois.
Partout montaient les aubades Des bouvreuils et des pinsons. Vous souvient-il des roulades Des linots dans les buissons?
Des charbonniers dans leur hutte Les chants venaient jusqu'à nous. Ainsi qu'un soupir de flûte On entendait les coucous.
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SÉANCE PUBLIQUE 55
Comme une harpe divine, Le vent, dans les rameaux verts, Accompagnait en sourdine Tous ces agrestes concerts.
Dans les eaux, de joncs couvertes, Où les merles sifflottaient, Soudain les grenouilles vertes Au bruit de nos pas sautaient.
Quand, levant les branches frêles, Je vous découvrais un nid, La mère battait des ailes Sur l'essaim que Dieu bénit.
Qu'il fut joli, sur les mousses, Notre gai repas du soir ; Que les fraises étaient douces Et savoureux le pain noir !
Dans mon Paul et Virginie Je conserve, cher trésor, Une églantine jaunie, Des muguets, des boutons d'or
Ils me rappellent, Denise, Au plus gracieux des mois, Adorablement exquise, Notre escapade en les bois.
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LA CHAUMIERE
Poésie de M. CH. MANSO, couronnée par la Société Académique
Heureux les humbles de coeur!
Elle est bâtie au bord d'une vaste forêt.
Dans la brame opaline au loin elle apparaît,
Son vieux toit en auvent vers la route se penche
Comme un grand parasol sur la muraille blanche,
Par le temps lézardée... et le soleil naissant
Sous ses rayons de feu l'illumine en passant.
La forêt qui s'éveille en ce moment tressaille,
Un souffle printanier agite la broussaille ;
Une rumeur lointaine, un murmure incertain,
Prière de la nuit ou chanson du matin,
Accord insaisissable, hymne doux et superbe
Qui descend du grand chêne et monte du brin d'herbe,
Dans l'air plein de parfums flotte, mystérieux,
Entre la terre heureuse et le ciel radieux !
Et le vieux chaume noir, sous sa mousse irisée
De diamants éclos en gouttes de rosée,
Semble s'épanouir dans ce lacis vermeil,
Sourire ravissant du jour à son réveil.
Bientôt le volet vert s'ouvre ; dans la cabane Le chien jappe gaîment, on entend braire l'âne, La porte lentement grince sur son battant, Et Marthe sur le seuil, gaie, et l'air bien portant, Ayant sur ses bras nus ses manches retroussées, Hume l'air du matin pur comme ses pensées. Son homme est déjà là, ses outils à la main. De la grande forêt il n'est pas un chemin Qui lui soit inconnu ; c'est son champ de bataille A lui le bûcheron... il sape, il cogne, il taille ;
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58 SÉANCE PUBLIQUE
L'arbre tremble et s'abat sous ses robustes coups,
C'est l'homme à la cognée, aux bras forts, à l'oeil doux.
Et comme il aime Marthe ! et comme Marthe l'aime !
Leur vie est un touchant et rustique poème.
Dans ce coin de forêt, sous le regard de Dieu,
Parmi les arbres verts, sous l'immense ciel bleu,
Ils vivent isolés... ils travaillent dès l'aube,
Lui n'a qu'une humble veste, elle qu'une humble robe,
Quelques poules, un âne,une vache, un vieux chien,
Voilà dans ce réduit ce qu'ils ont pour tout bien.
Est-ce tout ? non, voyez : qu'est-ce que Marthe apporte
Avec précaution sur le pas de la porte?
Cela doit être bien fragile, assurément,
Pour qu'elle le dépose là si doucement...
C'est... un berceau de jonc, dans lequel, frais et rose,
Un ravissant bébé paisiblement repose.
Et les voilà tous deux penchés sur leur trésor,
Sur la couche tremblante où joue un rayon d'or.
Comme l'émotion soulève leur narine !
Comme on entend leur coeur battre dans leur poitrine !
Leur regard souriant, d'une larme obscurci,
Se lève au ciel et semble à Dieu dire : merci!
Tout rayonne autour d'eux ; plus légère, plus douce,
La brise vient frôler le velours de la mousse;
Les rameaux agités qui chuchotent tout bas
Se disent l'un à l'autre : Ami, ne vois-tu pas ?
Le ramier sur la branche et la fleur sur sa tige,
Tout ce qui rampe, court, se balance ou voltige,
Contemplent l'heureux couple... Il semble, en ce moment,
Que tous prennent leur part à cet enivrement,
Tant ton divin flambeau d'un pur éclat scintille,
Ineffable et serein amour de la famille !
L'homme a pris sa cognée, et posant sur le front
De Marthe un franc baiser, le hardi bûcheron
Entre dans les taillis tout brodés d'églantines.
Au vieux clocher voisin on sonne les matines,
Il s'arrête un instant, seul au milieu du bois,
S'incline, et gravement fait un signe de croix.
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SÉANCE PUBLIQUE 59
Marthe près de son fils attentive est assise. Dans le rideau de lin vient folâtrer la brise.; Elle sourit... c'est lui, c'est sa joie et son bien ! Elle le veut superbe et fort, elle sait bien Que le souffle embaumé qui vient des sapinières, Où la mûre rougit, où penchent les fougères; Rendra son corps robuste et ses bras vigoureux, Et que l'enfant dispos fera le père heureux. Aussi chaque matin, au seuil de la chaumière, Elle vient l'apporter sous la chaude lumière ; Ah! comme son coeur bat quand... Mais, chut! le voilà Qui s'éveille... Est-il drôle avec ce grave air là ! Il ouvre ses grands yeux bleus comme des pervenches, Il agite ses bras dans ses petites manches, Ses gros bras potelés, adorables et blancs, Qui cherchent à saisir les deux rideaux tremblants De son frêle berceau. Marthe se lève et pose Un humide baiser sur le petit front rose De l'enfant qui sourit et dit de vagues mots Qu'elle seule comprend... Dans les épais rameaux, S'élève en ce moment la voix.d'une fauvette, Et sous l'azur riant de ce printemps en fête, Dans un suave accord plein de charme infini, . La chanson du berceau se mêle au chant du nid.
Ce soir, quand le soleil embrasera les branches, Lorsqu'on verra flotter d'humides vapeurs blanches Sur l'herbe des sentiers du bois silencieux, Lorsque l'astre d'argent montera dans les cieux, Le joyeux bûcheron, sur ses larges épaules Portant quelque fagot, en longeant les vieux saules, De loin verra venir Marthe sur le chemin; Le gracieux bébé de sa petite main Enverra des baisers, ces doux oiseaux de l'âme Qui volent vers le front ému qui les réclame ! Et ce trio rustique, et ce tableau touchant, Pour cadre aura les feux empourprés du couchant.
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Mon Dieu, laissez toujours dans cette humble chaumière L'époux près de l'épouse et l'enfant à la mère... Ils ont le vrai bonheur ; ils n'ont pas sous les cieux Fait dans un jour néfaste un rêve ambitieux, Rien n'a troublé leur coeur, paisible, sans envie, Comme une onde limpide ils voient couler leur vie. Ils ont le vrai bonheur... car pour eux l'horizon Se borne au toit moussu de leur pauvre maison. Heureux qui sait ainsi, loin de l'ardente fièvre Qui nous brûle le front et nous crispe la lèvre, Nous que l'orage emporte en ses noirs tourbillons, Vaisseaux sans gouvernails et mâts sans pavillons ; Nous tous qui nous courbons, insatiables, blêmes. Voulant résoudre, hélas ! d'insolubles problêmes. Heureux qui reste là quand nous nous élançons, Dédaignant la sagesse et ses grandes leçons, Vers des plaisirs trompeurs, ou de folles chimères, Fruits au superbe aspect, fruits aux saveurs amères... Heureux qui dit alors en nous laissant courir : Sous ce toit je suis né, j'y veux vivre et mourir !
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RÉCITS D'UNE BÊTE NOIRE 1
HISTOIRE D'UNE LAIE
PAR M. DUFOUR-BOUQUOT
MEMBRE RÉSIDANT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
.... Ce printemps, toute une portée de laie approchait; une belle portée1 — « Au nom du Père, du Fils...» J'allais tirer, lorsque la laie cria subitement à ses petits : « Malheur, enfants, un homme est là !...» Et toute la portée de se sauver à travers les broussailles. Je l'aurais dévorée de rage.
— Comment la laie a-t-elle expliqué à ses petits qu'un homme les guettait? demanda Olénine.
— Eh ! que crois-tu donc ? Est-ce que tu t'imagines que la bête est sotte! Non, elle a plus d'intelligence qu'un homme, bien qu'elle ne soit qu'une laie. Elle voit tout; l'homme passe devant une piste sans la remarquer, tandis que la laie la voit tout de suite et se sauve, preuve qu'elle a de l'esprit ; elle sent ton odeur et toi non Il est vrai que tu cherches à la tuer, et elle ne songe qu'à vivre et à se promener dans la forêt. Tu as ton idée— elle a la sienne. Elle n'est qu'une truie, mais elle n'est pas pire que toi, et elle est aussi une créature du bon Dieu. Eh ! que l'homme est bête, bête, bête !.. répéta le vieux, et, baissant la tête, il se perdit dans ses réflexions.
Cte TOLSTOÏ; Les Cosaques.
I
Je suis née, un jour d'avril, dans un carré de bois de la belle forêt de Crogny: quelques bouleaux, quelques charmes, un vieux chêne, du genêt vert, un fourré de ronces et d'épines noires, quelques nappes de lierre; tout près du fourré, un ruisseau tranquille dont j'ai bien souvent troublé l'eau, tel fut le berceau de mes premiers jours.
1 Ces cinq chapitres des Récits d'une bête noire sont extraits d'un volume qui sera publié sous ce titre. Ils ont été lus à la Séance publique de la SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE, le 11 avril 1889.
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62 SÉANCE PUBLIQUE
Ma mère m'a souvent conté toutes les précautions qu'elle avait prises pour soustraire mon frère, mes deux soeurs et moi à la malice des hommes.
La première fois que je fus mère, m'a-t-elle dit souvent, j'eus le tort, pour y cacher mes petits, de choisir en pleine forêt un fort inextricable, voisin d'un étang. Je m'imaginais que je serais plus en sûreté dans cette retraite obscure. Je m'étais trompée.
Depuis, n'ai-je pas toujours vu les piqueurs faire de préférence leurs quêtes dans les lieux les plus humides et les plus fourrés de la forêt. Ils y pratiquent avec moins de peine, et souvent, hélas! avec plus de succès, leur infernale besogne. Nos empreintes de la nuit se détachent mieux sur un terrain marécageux, et le sentiment que nous laissons à la branche est d'autant plus aisément perçu par le limier qu'il est conservé par la fraîcheur du taillis, et d'autant plus durable que le vent du matin a moins de prise pour l'emporter.
La fuite, au moment de l'attaque, devient même alors plus dangereuse, car une enceinte très fourrée, toujours relativement étroite, est plus facile à garder; nos sorties habituelles sont, pour ainsi dire, indiquées par les plis du terrain; nous avons la mauvaise coutume de fréquenter toujours les mêmes voies, inclinant sans cesse vers les basfonds, qui nous semblent plus sûrs, parce qu'ils sont plus sombres. Nos ennemis le savent; ces places sont gardées de préférence, et quand nous vidons étourdîment ces fatales enceintes, il est ordinaire d'entendre un coup de feu qui tout au moins nous éraille la peau s'il nous laisse la vie sauve.
J'ai appris tout cela à mes dépens, me disait ma mère, en se relevant péniblement sur son train de derrière, où restaient logées quelques chevrotines qui, heureusement, n'avaient percé, que la cuirasse.
Aujourd'hui, mon enfant, je fais tout autrement. Autant
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SÉANCE PUBLIQUE 63
que possible, quand le moment est proche, je m'éloigne du milieu de la forêt. Je cherche à l'une des extrémités dû grand bois une place abritée où demeurent encore quelques fourrés de ronces, de genêts et de bois mort, et j'évite de signaler ma présence à l'homme par des sorties en plaine. Dieu merci, la nature a fait notre race assez frugale pour que, sans souffrir de la faim, nous puissions toujours trouver sous bois notre modeste dîner.
J'ai fait part à mes amies des raisons qui m'avaient amenée à choisir ainsi une place un peu découverte pour y cacher mes petits. Nous en, avons longuement délibéré, et mon avis a définitivement prévalu. Nous ne faisons plus autrement aujourd'hui.
Mais pour que la place soit bien choisie, il faut que son accès soit difficile; par exemple, au haut d'un talus bien garni d'épines, sur l'ados d'un fossé où les ronces ont eu tout le temps de s'épaissir et de se croiser, ou encore sur le versant d'un roc mal rabotté. Il arrive alors que l'homme et le limier sont naturellement tenus à l'écart de la bauge par les difficultés de l'accès et surtout par cette croyance encore généralement répandue que les laies se retirent toujours, pour faire leurs petits, dans les forts les plus impénétrables du centre des forêts.
Et si, par malheur, le limier nous prenant au vent, l'homme trouve notre pied et nous attaque, il nous reste, dans la position que nous avons choisie, de grandes chances d'échapper à la mort et de soustraire nos petits à la dent d'une meute cruelle.
Mais alors, pour nous garder des graves dangers qui nous menacent, il ne faut pas imiter le loup, et se forlonger au premier cri de rapproche. Non. Restons immobiles. Attendons et laissons les premiers chiens empaumer entièrement, franchement nptre voie. Les voici qui donnent à pleine gorge à la brisée. Attendons encore. Ils flairent aux branches hurlant comme des forcenés. Leur haleine impure
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64 SÉANCE PUBLIQUE
se mêle aux nuages de rosée qui s'élèvent du sol. Un strident bien-aller enflamme leur ardeur. Un concert infernal va bientôt remplir l'espace. Ils approchent toujours. Les voici ! Ils sont là !
Maintenant, plus un instant à perdre. Brusquement, résolument, comme la foudre, vidons l'enceinte. Franchissons, tête baissée, ronces et halliers, et, pendant que nos chers petits resteront blottis dans le bois mort que nous avons amassé autour d'eux, entraînons après nous ces sauvages qui veulent notre perte.
C'est fait. Derrière nous le nid charmant où sont cachés ces pauvres chéris ; devant nous du grand bois, sur un terrain presque nu qui nous sépare des couverts. Courons un train d'enfer. Redoublons de vitesse pour gagner de l'avance sur la meute qui s'emporte sur notre voie saignante.
Nous avons fait du chemin. Les grands bois sont franchis sans encombre. En voici la bordure : une ligne, et après la ligne des taillis encore jeunes et des fourrés. Arrêtons-nous et éventons ! Le. moment est critique ; l'ennemi n'est pas loin ; il est posté, immobile et haletant, derrière quelque grand chêne, et il attend, l'oeil ouvert et prêt à mettre à l'épaule.
Tu te trouveras, hélas ! m'a répété souvent ma mère? en présence d'un semblable danger. Garde-toi bien alors de quitter étourdiment le grand bois. Non. Du sang-froid. Profite de l'avance acquise. Prends ton temps. Demeure à bonne distance des taillis. Le nez au vent, lise la bordure doucement, sagement, sans hâte et sans peur. Les chiens sont encore loin, et plusieurs se sont déjà emportés sur la voie.
Voici une coulée propice. Le vent ne t'apporte aucune émanation d'homme. En avant ! Franchis brusquement la bordure du grand bois. D'un bond hardi traverse la ligne, et perce rapidement dans les taillis les plus épais.
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SÉANCE PUBLIQUE 65
Sauvée! — Tu es sauvée, maintenant, si tu n'abandonnes pas toute prudence et si tu suis mes conseils. Pique une pointé vigoureuse au plus noir des halliers. Qu'une longue distance te sépare à jamais de la meute importune, mais cesse cette course folle dès que tu n'entendras plus que quelques cris lointains. Coule, à présent pas trop vite, sans hâte, toujours l'oeil aux aguets, mais sans jamais t'arrêter. Les chiens perdent du terrain ; les ronces et les épines ont ralenti leur ardeur. Déjà la queue de la meute ne s'entend plus. Elle s'attarde sans doute à quelque mare ou à quelque fossé plein d'eau.
Qu'un coup de vent favorable s'élève alors; les chasseurs n'entendront plus rien, et pendant qu'ils maudiront le vent, la pluie et la tempête, continue lentement ta fuite.
Mais les chiens de tête n'ont pas perdu ta voie. On entend encore au loin, sur le chemin que tu as suivi, quelques cris aigus. La nuit viendra, il faut regagner la bauge où attendent tés petits et te débarrasser des chiens. Compte alors à la voix ceux qui te suivent... Deux, quatre, six peut-être ; mais, ils sont encore loin ! Ecoute un instant et reprends tes forces. Voici un noir carré d'épines ; un maigre bouleau,le domine. La place forte est excellente; gagne le bouleau, et tête aux chiens !
Les voici. La longue course qu'ils ont menée a diminué leur train ; mais ils ramassent maintenant ta voie plus chaude aux places où tu t'es reposée. Leur ardeur se réveille, ils t'éventent tout près, tout entière. Leurs yeux jettent des éclairs ; de leur gueule fumante sort une buée chaude qui empeste le fourré.
Roule comme la foudre sur l'imprudent qui veut déjà te saisir aux écoutes. Foule à tes pieds cette bête malfaisante ; elle s'étendra sur le dos, croyant ainsi se mieux défendre. Qu'elle ne se relève que mortellement labourée d'une large morsure ! Puis, réviens vite à ton bouleau, toujours face à
T. LIII. 5
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66 SÉANCE PUBLIQUE
l'ennemi, et reprends la bataille... aucune pitié, aucune... Encore un, deux qui hurlent de douleur, et dont les chairs pantelantes traînent aux épines du buisson.
Assez de victimes. Délogeons, délogeons prestement', car quelque chasseur plus habile a peut-être gagné le vent et
retrouvé le train. Deux chiens d'ailleurs râlent immobiles,
deux autres s'en vont rouges de sang, la queue pendante et cherchant les ruisseaux; les autres ont reculé, sans oser franchir le fort.
Va-t'en, va-t'en vite. Les voix des chiens qui se réclament pourraient mener jusqu'à loi les chasseurs guidés par le vent. Détale promptement; garde les fourrés et sans trop de hâte, en attendant la nuit, regagne les grands bois où tu as laissé tes petits.
Les innocents ! Pendant que tu défendais ainsi ta vie et la leur, ils dormaient doucement dans les feuilles sèches et le bois mort où tu les avait cachés.
II
Je grandis, vive et joyeuse, sous l'oeil sévère de ma mère; nous étions aux derniers jours de mai, et tout était charmant autour de nous. Les jours coulaient délicieux, Un gai soleil éclairait la demi-ombre du grand bois où nous demeurions encore. Nous nous roulions dans l'herbe nouvelle avec toute l'insouciance de notre âge. Quelquefois, nous cherchions à nous écarter de la bauge, mais un. doux grognement de ma mère nous rappelait bientôt auprès d'elle.
A la fin de mai, par une nuit un peu sombre, nous avions quitté notre première retraite. Ma mère nous entraîna un peu plus loin. Nous avions traversé les Aumonts, laissé à notre droite les bois de Rumilly, et nous campions maintenant dans les épais genêts d'une enceinte qu'on m'a dit depuis s'appeler Corbery.
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SÉANCE PUBLIQUE 67
Nous trouvions dans ces bois plus jeunes un meilleur abri contre les feux du jour. Ma mère, commençait, du reste, à ne plus trop nous laisser approcher d'elle, et nous devions suppléer, par un peu d'herbe et quelques faînes, au peu de lait qu'elle nous permettait encore de prendre. Dès que le soir venait, nous parcourions l'enceinte, et petit à petit nous changions de demeure. Mais, une nuit, ma mère nous fit faire un grand chemin, et au point du jour nous nous trouvions dans les bois d'Ervy, tout près des plaines de Chessy et des Maisons-Rouges, où les champs de blés nouveaux allaient nous fournir une abondante nourriture.
Jusque-là, aucun danger sérieux ne nous avait menacés. Quelques chiens des bûcherons ou des chasseurs des villages voisins étaient bien venus aboyer autour de nous, mais ne se sentant pas accompagnés, la peur qu'ils éprouvaient à notre approche les faisait bientôt battre en retraite.
Je me rappelerai toujours avec délices les premiers mois de mon existence. Avec quelle fureur nous nous plaisions à fouiller les blés ! La terre rafraîchie parles rosées du soir ne nous donnait aucune peine. Nous allions d'un bout du champ à l'autre bout, déracinant les jeunes épis, prenant ici un oignon sauvage, là un ver rouge, plus loin un escargot en train, comme nous, de faire sa nuit. Un matin, en rentrant de la plaine, quelle fut notre surprise de trouver au fond d'un large fossé d'où l'eau venait de se retirer une bonne douzaine d'anguilles et de brochets qui frétillaient encore en pâmant dans la vase ! Ma mère se jeta avec frénésie sur ce butin inespéré et ne nous en laissa qu'une bien faible part. Semblable aubaine s'est quelquefois présentée, et j'avoue que rien n'est plus délicat ni plus agréable pour nous que cette fraîche nourriture.
Pendant une chaude après-midi du mois de juin, nous dormions profondément dans une grande enceinte voisiné du château de Bois-Gérard qu'on appelle, je crois, les
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68 SÉANCE PUBLIQUE
Courus. Ma mère nous réveilla brusquement. Elle voulait, nous dit-elle, nous faire part de ses inquiétudes et nous avertir du danger qui nous menaçait si nous continuions ainsi à fourrager, comme nous le faisions chaque nuit; les blés, les avoines et les pommes de terre de Chessy, de Survanne et des Maisons-Rouges.
— J'ai vu ce matin, dans les champs, nous dit ma mère, des loques flottantes qui ne me disent rien de bon. Les paysans croient nous faire grand peur avec ces haillons fixés à des piquets et nous éloigner ainsi des champs où nous trouvons à vivre. Les plus malins imaginent de fabriquer des mannequins de paille, couverts d'une blousé et coiffés d'un vieux chapeau ; et pour complèter leur fantasmagorie, ils placent à côté de l'homme une vieille mégère à jupons déguenillés; ils espèrent ainsi nous effrayer beaucoup. Hélas ! c'est pour nous affaire d'une nuit à nous accoutumer à ces grimaces, et j'ai toujours fait mes meilleurs repas à côté de ces grotesques fantômes.
Le danger n'est pas là, mes enfants, mais ces oripeaux autour des bois sont toujours le signe précurseur de plus sérieuses inquiétudes.
Nous ne tenons aucun compte de ces avis; nous continuons à fourrager ces récoltes en herbe, et alors le paysan se fâche ; il s'en va trouver le maire, qui réunit son Conseil et qui délibère avec lui. On nous maudit, on nous insulte, on nous conspue, on nous voue aux gémonies, et, séance tenante, de sa plus belle encre, M. le Maire écrit à M. le Préfet pour appeler sur nous les foudres du lieutenant de Louveterie.
Nous avons encore le temps de fuir et de changer de contrée, mais il faut s'y préparer. Dans quinze jours, un mois, il y aura du bruit dans la forêt. La demande du maire fera sans doute beaucoup de chemin avant de revenir au lieutenant de Louveterie, accompagnée de l'autorisation de nous chasser, mais enfin elle lui reviendra ! arrangeons-
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SÉANCE PUBLIQUE 69
nous pour que la forêt soit vide lorsque ce redoutable ennemi de notre race fera ici son déplacement.
Et puis, continua ma mère, nous sommes trop nombreux dans ces bois. Encore aujourd'hui, un solitaire est venu fouiller dans un champ de blé que j'avais choisi; il m'a abordé avec force politesses, s'excusant de son sans-gêne, et, après cent billevesées que je n'avais pas l'air d'entendre, il a voulu m'entraîner aux Esserties où il a établi sa demeure. C'est là, m'a-t-il dit, que j'ai vu le jour. Ces bois épais et abondants en chaudes fougères ont pour moi un charme incomparable. J'y passe des journées heureuses, et je trouve, la nuit, autour du château, de belles avoines qui me dédommagent des faînes échauffantes de l'hiver.
En entendant parler ce vieux beau, je me souvenais de deux vers qu'un chasseur récitait un jour à un ami, tout près d'une enceinte où je m'étais retirée :
....... .. Le buisson tutélaire
Berceau du marcassin, revoit le solitaire.
Et je me disais, en écoutant mon amoureux, que cet affreux satyre donnait raison au poète.
— Hâtons-nous donc, mes enfants, de quitter ces parages. Remontons sur Chamoy. Les nuits sont courtes à cette époque de l'année. Nous partirons à la chûte du jour. De Chamoy, nous gagnerons Forêt-Chenu. Nous trouverons sur notre chemin de l'eau et des provisions en abondance. Je connais les plaines qui entourent les nouveaux bois que nous allons habiter. Elles sont plantées de magnifiques pommiers à cidre, sous lesquels nous trouverons encore quelques fruits oubliés. Nous traverserons les grands seigles verts et je sais de ce côté de la forêt d'Othe une agréable enceinte, qu'ils appellent les Cinq-Souillards, où nous pourrons nous retirer sans courir trop de dangers.
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70 SÉANCE. PUBLIQUE
III
La vieille expérience de ma mère ne l'avait pas trompée. Vers la fin de juin, la nuit était admirable, nous étions avec elle sur la côte de Pigy-Vosnon, dans une clairière bordée par un champ d'avoine, lorsque une troupe de sangliers de tous âges vint nous rejoindre.
Ils étaient très fatigués.
En queue de la bande, un tiers-an, qui avait eu grand'peine à suivre le train, s'affala lourdement dans un fossé boueux, comme un sanglier mort, dès qu'il vit ses compagnons de route s'arrêter. Il poussait des soupirs étouffés qui fendaient le coeur, et loin de lui porter secours, ses camarades l'accablaient de coups de boutoir pour le forcer à s'éloigner.
C'était un sanglier d'un beau noir, trapu, vigoureux et à tête carrée ; il avait une épaisse crinière semée de fils argentés et, bien qu'abattu par la douleur, il la relevait avec fierté à chaque insulte des siens.
Je me rapprochai de lui pendant que la bande qui l'avait précédé s'enfonçait dans la forêt, et je voyais à l'attitude de ma mère qu'elle n'était pas insensible à cette infortune.
— D'où venez-vous, lui dit-elle ? Etes-vous grièvement blessé?
La terre dans laquelle le nouveau venu s'était roulé paraissait avoir fermé ses blessures et la fraîcheur du sol semblait lui avoir fait le plus grand bien.
Il se releva brusquement, se secoua comme un chien mouillé, éventa tout autour de lui et regarda la forêt ; niais quand il fut bien sûr qu'il n'avait plus autour de lui que des marcassins et une laie, il parut rassuré, et, sans répondre à la question de ma mère, il se mit à fouiller dans le champ d'avoine où nous n'étions pas encore entrés, En quelques instants même, il disparut,
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SÉANCE PUBLIQUE 71
Je trouvai bien singulières les façons de ce bourru, mais il paraît que la politesse n'est pas précisément dans les habitudes de notre espèce.
Le lendemain cependant, aux obscures clartés du matin, nous vîmes s'avancer vers nous, pour se remettre dans l'enceinte que nous avions choisie, cet intéressant écloppé. Il marchait assez gaillardement, se raidissant par moments sur son train dé derrière que sans doute les chevrotines avaient caressé.
Il parcourait l'enceinte, encore tout ému des frayeurs de la veille.
Le jour montait clair et radieux.Les oiseaux sonnaient la Diane. Une brise embaumée agitait les feuilles légères des bouleaux, et de toutes les herbes s'échappaient une exquise senteur.
Notre tiers-an vint nous joindre, et, comme la place était bonne et qu'aucun danger ne nous menaçait, ma mère le laissa se remettre près de nous.
Ce rustre, sans plus d'égards, se mit aussitôt à dormir, et ce n'est que très avant dans la journée qu'il se réveilla.
— Vous m'avez demandé hier, dit-il alors à ma mère, d'où je venais et si j'étais grièvement blessé. Les émotions de la journée m'avaient tellement troublé que je n'ai pu vous répondre.
— Quel épouvantable massacre, ajouta-t-il ! trois des nôtres ont disparu, et si je suis encore vivant, je le dois à l'heureuse maladresse d'un chasseur trop ardent qui m'a tiré dans un ferme coulé avec des chevrotines, et qui, vous le verrez tout à l'heure, a fait un coup double sur lequel il ne comptait pas.
— Hier, dit-il, je rentrais sans bruit avant le jour par l'étang de Marolles. Je me disposais à.traverser la route de Tonnerre pour aller me remettre dans une épaisse boulinière, où j'avais déjà passé tant de bonnes journées, lorsque
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72 SÉANCE PUBLIQUE
j'entendis des pas d'homme qui venaient du côté de la tuilerie. Us devaient avoir l'un et l'autre un chien en laisse, car je les entendais dire à tout moment : derrière, Tintamarre ; derrière, Briffaut ! Ils marchaient lentement, en causant à demi-voix : Ils s'arrêtèrent bientôt, et furent rejoints par un autre homme qui venait du côté de Marolles.
— Ah! dit l'un d'eux, c'est bien, nous voici exacts au rendez-vous ; la terre est bonne et le vent apaisé ; la pluie d'hier est tombée à point ; dans une heure il fera clair, et nous pourrons commencer la quête ; ne perdons pas un instant.
— Vous, Gélin, faites les Etangs et les Avinières!
— Vous, Ravigneaux, prenez les Courus et les Sapins.
— Moi, j'irai jusqu'à Chessy et je reviendrai par la Petite-Chapelle.
A neuf heures, au rendez-vous! ne vous hâtez pas et fermez bien vos buissons. — Si vous trouvez des bandes et des animaux seuls, laissez les bandes et travaillez de préférence les bêtes seules, ne serrez pas trop vos enceintes, il est grand matin; les animaux sont à peine remis; ils prendraient connaissance du trait et se remettraient sur pied.
— Gelin, votre limier est chaud; soyez prudent; n'insistez pas trop sur les rentrées et ne le laissez pas donner. — Hier soir, j'ai revu d'un pigache dans votre quête, si vous le trouvez ce matin, soignez-le, nous lui mettrons les vieux chiens.
Animal seul... bête seule...! Les paroles de l'homme me donnèrent beaucoup à réfléchir et je ne savais quel parti prendre. Je venais de quitter les compagnies, et je ne me souciais pas, pour un péril peut-être imaginaire, de changer mes habitudes. Je résolus de m'éloigner de la contrée que j'avais coutume d'habiter, et m'enfonçai dans des enceintes qui m'étaient inconnues. Les ménages de chevreuils s'effrayaient un peu sur mon passage, et d'un
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SÉANCE PUBLIQUE 73
bond gracieux s'allaient mettre plus loin à la reposée ; les lièvres roux demeuraient paresseusement flâtrés dans les herbes des bordures, et paraissaient ne pas s'inquiéter beaucoup de ma présence.
J'arrivai ainsi dans un grand carré de vieux sapins, plantés sur le versant d'un coteau. A gauche, des taillis étouffés par les hautes herbes et les genêts; adroite, une large voie que, par l'état boueux de la terre, je jugeai récemment ouverte.
Le jour était haut maintenant; il fallait s'arrêter.
Comme je cherchais à m'orienter et à m'assurer du vent, j'entendis dans les taillis un bruit d'herbes foulées.et de branches qui plient. Les geais m'avaient déjà prévenu et les oiseaux s'envolaient en précédant ce bruit. Je dressai l'oreille et reconnus bien vite que j'avais affaire à une bande de sangliers que le hasard conduisait pour s'y remettre dans l'enceinte où je me trouvais.
Me souvenant alors des recommandations de l'homme sur le soin qu'il devait mettre à détourner de préférence les bêtes:seules, je ne fus pas fâché de la rencontre, et, sans me joindre à cette bande que je ne connaissais pas, je m'éloignai sans bruit et pénétrai dans un épais buisson voisin de la ligne.
J'avais à peine choisi ma demeure que j'entendis venant du haut de la coulée qu'avait suivi la bande un long coup de gueule de chien, et aussitôt un formidable juron d'homme. Le chien avait sans doute reçu une vigoureuse correction, car je l'entendis pousser un long cri de douleur.
Je me dressai à ce bruit et voulus fuir, mais tout redevint silencieux dans la forêt ; je jugeai, prudent de ne pas quitter mon buisson, et je me mis en bauge le nez au vent,
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74
SEANCE PUBLIQUE
IV
A cet instant de son récit, notre tiers-an devint inquiet et agité, il essayait de se relever, mais il avait grand'peine à y parvenir.
— Vous souffrez de votre blessure, lui dit ma mère. Reposez-vous, nous avons une mare à quelques pas. La fraîcheur de l'eau calmera votre fièvre. Les bois sont si touffus et si peu fréquentés à cette époque de l'année qu'il n'y a même aucun danger à quitter notre enceinte pour vous accompagner. Venez.
Le pauvre invalide nous suivit de son mieux et s'étendit dans l'eau avec délices. Le sol qui entourait la mare était frais et couvert encore des feuilles de l'hiver. On se mit à vermiller pendant que notre nouvel hôte se délassait dans la vase. Enfin, il se releva et s'en fut se frotter contre les chênes qui bordaient la mare.
— Hier, continua notre tiers-an dès que chacun eut regagné sa place, je dormais depuis quelques heures d'un sommeil agité, lorsque j'entendis trois hommes marcher avec précaution dans la ligne voisine de mon buisson. Ils parlaient à voix basse et j'avais peine à distinguer ce qu'ils se disaient.
Je compris cependant qu'il était question de la bande de sangliers qui ne devait pas être bien loin de moi.
— Gélin paraît bien sûr de son affaire, dit l'un des hommes. C'est une forte compagnie qu'il mène des Graveries. La rentrée est saignante. Son limier a donné au veut quand il a fermé son buisson. La meute, sitôt découplée, empaumera la voie. Séparons-nous. Les animaux ont la tête de ce côté et s'ils sont attaqués chaudement, comme c'est à prévoir, ils ne peuvent manquer de sauter cette voie. Prenons bien nos distances, et comme nous avons à faire à
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SÉANCE PUBLIQUE. 75
une bande, ne quittons pas nos places quoiqu'il arrive. D'autant plus que nous avons une ligne de tireurs derrière nous, que tous les passages sont bien gardés et que nous aurons des retours. Séparons-nous. Dans un instant, nous entendrons parler la poudre.. Balle franche et silence !
Les trois hommes se séparèrent, et vous jugez de mes angoisses. Quitter mon buisson était trop dangereux maintenant; demeurer là, presque sur le passage d'une meute qui devait être nombreuse, ce n'était pas moins périlleux.
Ces sauvages, d'ailleurs, ne me laissèrent pas le temps de choisir. Une effroyable tempête de voix de chiens et de sons de trompe emplit aussitôt la forêt... J'entendis passer près dé moi, comme un torrent, la bande de sangliers... Les branches se brisaient sur son passage comme en un jour d'ouragan. Elle s'arrêta brusquement avant de sauter la ligne, et n'éventant aucun danger, elle la franchit d'un bond... Deux coups de feu, nettement distancés, retentirent. La meute passa hurlant à pleine gorge et tout le train s'enfonça dans l'enceinte qui bordait l'autre côté de la ligne.
La chasse me parut alors percer avec furie à travers ces fourrés. Les voix des chiens, graves et aiguës, formaient un horrible concert qui m'emplissait d'épouvante. Bientôt ce grand fracas s'en alla s'affaiblissant, et j'espérai un instant que la bande était parvenue à vider tout entière ces fatales demeures... Je me trompais... Un imprudent ragot avait quitté le train. Il s'était sottement laissé rembarrer par le bruit des trompes, et après un court hourvari, toute la meute s'était ralliée sur sa voie. Elle se rapprochait maintenant de la ligne. Les chiens cognaient avec rage, et je jugeai parle défilé qu'ils prenaient que mon ragot suivait les bordures pour trouver une sortie qui ne fut pas gardée.
A ce moment, le train me parut rebrousser dans les fourrés et les chiens donnèrent avec moins d'assurance. Enfin, tout s'arrêta. J'entendais encore la meute, mais les voix ne me
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76 SÉANCE PUBLIQUE
semblaient plus les mêmes. Je ne les percevais plus que par courts intervalles, donnant toujours à là même place, sourdement et par cris allongés.
Un instant, tout sembla se taire ; mais aussitôt j'entendis un coup de feu, dont le bruit sourd se repercuta longuement dans la forêt. Un cri d'homme, joyeux et strident, imitant un immense éclat de rire, le suivit; et brusquement, à ce silence qui me glaçait d'effroi, succéda un infernal tumulte de hourras et de fanfares !
Aux cris de ces forcenés, répondaient les cris des trois hommes que j'avais entendus tout à l'heure. Ils appelaient à eux les autres bourreaux. Enfin, j'entendis venir de l'enceinte, au milieu de rires éclatants, comme le bruit d'un fardeau qu'on traîne, et quand tous ces hommes furent réunis, le vacarme de cris et de fanfares recommença.
Que se passa-t-il alors ?
Je ne pouvais rien voir, et je distinguais mal ce que faisaient et ce que disaient ces barbares. Je compris cependant qu'ils hardaient leurs chiens et qu'ils parlaient de curée chaude.
Enfin, l'un des hommes, celui sans doute que j'avais entendu le matin donner des ordres pour la quête, parvint à se faire entendre :
— Assez pour aujourd'hui, dit-il.
— Voilà trois beaux coups de fusil — et trois vilaines bêtes qui ne ravageront plus les avoines de Chessy.
— Ravigneaux, faites venir une voiture. Amenez tout ça à Bois-Gérard, et que Gervais soigne les gruottes !
Hélas ! hélas ! tout ça... la curée... les gruottes... tout ça, comme disait si insolemment cet homme... tout ça... c'était trois sangliers morts.
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SÉANCE PUBLIQUE 77
V
Un frisson de rage et d'épouvante nous saisit au sanglant dénouement de cette horrible histoire. Ma mère, qui en avait vu bien d'autres, accueillit ce récit avec plus de philosophie. Elle profita même de notre émotion pour nous dire ce qu'aurait dû faire la bande de sangliers en cette circonstance : se diviser brusquement et laisser les chiens se rallier sur une seule voie. La bête de chasse aurait pu, en ne franchissant pas si rapidement l'enceinte, trouver une issue mal gardée et se tirer peut-être d'affaire.
Mais tous ces conseils nous paraissaient alors superflus, et, au lieu de les écouter, nous nous rapprochions du tiersan pour mieux entendre la fin de son récit.
— Je croyais mes tourments finis, continua-t-il ; ils ne faisaient que commencer.
— Pourquoi Sonore tire-t-elle toujours de ce côté ? dit un des piqueurs, déjà prêt à gagner Bois-Gérard,.et en s'assurant si la couple qui retenait cette chienne était bien ajustée.
À ce moment, cette satanée bête, croyant sans doute qu'on cherchait à la découpler, fit un violent effort et sa tête passa hors du collier. Et aussitôt, malgré les appels courroucés de l'homme, elle s'en vint droit à ma bauge et poussa d'horribles hurlements quand elle en fut à trente pas.
— Sonore, au ferme! s'écria l'homme. Sonore, au ferme ! Vite, placez-vous.
Je me sentais perdu si j'avais un instant l'imprudence de faire tête. D'un bond, je détalai du côté opposé à ces bourreaux et m'enfonçai dans les genêts. Mais j'entendais des pas d'hommes courir de tous côtés sur les lignes. Ils cherchaient, autant que je pus en juger,
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à gagner les grands devants. Je ralentis alors un peu ma course, plein de fureur et songeant à rabrouer la malheureuse qui me soufflait toujours le poil. J'arrivai à vingt pas de la bordure d'une grande ligne et m'arrêtai net, éventant devant moi. J'entendis le souffle étouffé d'un homme qui avait dû faire de grands efforts pour arriver là aussi vite, car il paraissait avoir grand peine à respirer. Je suivis un instant la bordure; la ligne ne me parut pas bien gardée, mais n'ayant qu'un chien à mes trousses, et toujours dans la crainte de quelque surprise, je rentrai résolument dans l'enceinte, décidé à en sortir sur mon contre-pied.
Cette enceinte était assez fournie, remplie d'épines et plantée sur un terrain assez uni. Elle était garnie d'énormes sapins dont les semis déjà grands me semblaient une bonne retraite si je parvenais à mettre à mal la vilaine bête qui suivait tous mes pas. Une fois débarrassé d'elle, j'aurais attendu sans quitter l'enceinte.
Mais, hélas ! comme je me retournais brusquement pour faire tête, j'entendis un des hommes qui avait quitté les lignes marcher en rampant dans ces épaisses plantations. Sonore, en l'éventant, se sentit soutenue et se mit à hurler de plus belle. Je me jetai dans les fourrés les plus épais, le poil hérissé, la gueule blanche d'écume. Mais je ne trouvais aucune issue, et je revenais constamment sur mes pas. Enfin, plein de rage, je m'arrêtai, résolu cette fois à vendre chèrement ma vie. L'imprudente bête s'élança alors subitement sur moi ; ses yeux jetaient des flammes, et ses crocs s'enfonçaient déjà dans mes chairs.
D'un coup de reins vigoureux je me précipitai sur elle, mais aussitôt je fus comme aveuglé par un coup de feu qui brisa, avec un épouvantable fracas, tout le bois mort qui m'entourait. Sonore poussa un hurlement de douleur, et je me secouai brusquement comme touché par une commotion soudaine. L'homme jeta un grand cri, bondit sur sa chienne, s'étendit sur elle à plat ventre, l'accablant de ca-
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SÉANCE PUBLIQUE 79
resses. Il semblait comme l'étreindre dans ses bras. La vilaine bête ne disait plus rien. Tout.cela, du reste, dura moins de temps que je n'en ai mis à vous le conter. J'avais vivement détalé et rien n'ayant gêné ma fuite, je parvins à traverser trois enceintes sans aucun ennui.
N'entendant plus aucun bruit, je m'arrêtai ; il était temps. De larges gouttes de sang rouge coulaient de ma blessure en arrosant les basses branches du bois. Je me crus perdu, et je l'aurais été en effet si ces misérables avaient découplé leurs autres chiens sur ma voie. Mais tout était devenu silencieux. Les joyeuses fanfares du matin avaient cessé. La nuit descendait doucement sur la forêt. Je trouvai de l'eau pour éteindre la soif brûlante qui me dévorait et pour laver ma blessure. Sur les bords du souillard, de la terre argileuse dont je fermai tant bien que mal ma plaie. Et, clopin-clopant, ayant rencontré à la dernière heure du jour la bande que j'ai suivie, je suis parvenu dans ces enceintes.
— Que d'imprudences vous avez commises dans une seule journée ! ne put s'empêcher de dire ma mère toujours prête à morigéner. Pourquoi n'avoir pas délogé, dès le matin, quand vous le pouviez encore et pourquoi n'avezvous pas, sans hésiter, bourré cette affreuse chienne avant que personne n'ait pu lui porter secours ?
Craignant sans doute que la leçon ne devint plus longue, notre grossier personnage nous tourna subitement le dos, poussa un grognement sourd et s'enfonça dans la forêt.
Nous ne l'avons jamais revu.
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80 SÉANCE PUBLIQUE
COMMENTAIRE
Page 67. — Quand lés sangliers sont aux marais, ils vivent d'anguilles, d'achets et autres choses qu'ils peuvent trouver. A la côte de la mer, ils vivent de toutes sortes de coquilles, comme moules, huîtres et leurs semblables.
Page 67. — En avril et mai, les sangliers dorment plus fort en ces deux mois qu'en autre temps parce qu'ils mangent des herbes fortes et la jette des bois qui leur émouvent le sang et font monter les fumées au cerveau, ce qui les endort.
Page 69. — Et si d'aventure, les sangliers font leur demeure en un buisson et qu'ils soient venus de quelque forêt loin de là, s'ils y sont chassés, ils s'en retourneront sur les mômes erres par où ils sont venus et depuis qu'ils se debûchent d'un buisson, ils fuient toujours sans s'arrêter jusqu'à ce qu'ils soient au pays où ils sont nés.
Page 72. — Si un veneur se trouve entre des bons maîtres et qu'on lui demande ce qu'est un sanglier venant à son tiers-an, il peut répondre que c'est une jeune bête qui a laissé les compagnies cette année.
Page 74. — Il advient souventes fois qu'après que le sanglier s'est souillé, il se va frotter contre un arbre auquel il marque sa hauteur. Et s'il a été fâché des chiens ou qu'il ait dépit de quelque chose, il donnera volontiers deux ou trois coups de ses dents ou défenses dans l'arbre.
Page 75. — Et si de fortune, il y a une compagnie de bêtes, et qu'il y en ait une qui débûche par un endroit, toutes les autres la suivront et sortiront par le même lieu.
Du FOUILLOUX,
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POESIE
LUE A LA SÉANCE PUBLIQUE DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE Du 11 Avril 1889
PAR
M. C. ARNOULD
MEMBRE RÉSIDANT DE LA SOCIETE
Je me le suis dit bien des fois, Qu'il serait doux de ne rien faire; Ou, s'il faut travailler parfois, Que ce soit à ce qui peut plaire.
Tel n'est point mon cas, aujourd'hui, Car je suis commandé d'office ; Autant pour moi que pour autrui, Mon discours est un vrai supplice.
Il vous faut parler, m'a-t-on dit.
— Je ne saurais, je suis indigne.
— Allons donc, point de contredit, Obéissez, c'est la consigne.
Mais qui donc a pu me donner, Sans plus y réfléchir, cet ordre Qui porte en mes sens le désordre, Et si fait pour me consterner ?
Qui donc? Eh ! voici le coupable. Oui, c'est cette Société Qui fut, un jour, assez affable Pour recevoir, — étrangeté ! — T. LUI 6
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82 SÉANCE PUBLIQUE
Dans son sein érudit, sévère, Un frivole et léger confrère, Depuis longtemps un peu Gaulois, Et par dessus tout Champenois.
Pouvais-je résister à la docte Troyenne, Au front calme, à l'oeil vif, dont la taille moyenne Dans une robe antique est prise artistement, Et qui, de plus, était ma juste créancière? J'étais à bout de force, et, sans autre argument, Effaré, fatigué, je fermai la paupière.
O Muse ! si toujours tu fus sourde à ma voix,
— Pensai-je alors,— viens donc; et que, bien moins cruelle, Tu daignes m'inspirer, ne fût-ce qu'une fois,
Viens ! qu'au moins aujourd'hui tu ne sois pas rebelle !
La Muse m'entendit, et daigna m'envoyer
Une agréable messagère, Au regard chatoyant, faite pour égayer
Le plus maussade caractère ; Et je vis apparaître à mes yeux enchantés, La Femme !... avec sa grâce et toutes ses beautés.
— Laisse là, me dit-elle, et ton académie, Et la science altière avec son alchimie,
Les arts, l'agriculture, et sois tout gracieux, Si possible, en tout cas ne sois point ennuyeux.
Ce frais minois, d'humeur coquette, Me fit perdre tout mon sang-froid. Surpris, confus, sur la sellette Sans réponse, je restai coi.
— Et c'est toi qui te dis académicien !
Tu ne sais même pas m'adresser sans vergogne, Des vers, comme Piron, Piron qui ne fut rien, Mais celui-là trempait sa plume en du Bourgogne ! Point ne veux insister, car chacun à son rang, Sans forcer ses moyens, doit rester. Cependant Tu pourrais de Balzac, qui m'a tant dépecée Pour saisir, au scalpel, le fond de ma pensée,
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SÉANCE PUBLIQUE 83
Peut-être t'inspirer. Ovide, Anacréon, Nombre d'autres aussi, dignes du Panthéon, Qui. chantèrent là Femme en poésie, en prose, Devraient faciliter ta réplique ;.... Je n'ose Même te demander,.;.. C'est peut-être indiscret? Je me décide enfin. .. Mais, connais-tu Musset ?
Pour le coup, c'en est trop ! Suis-je donc si novice, « O Femme ! Etrange objet de joie et de supplice. » « Sexe adorable, absurde, exécrable et charmant, », Ou du Diable, ou des Dieux, la Femme est un présent. C'est le grand inconnu ; c'est l'inflammable poudre ; A la moindre étincelle éclate un coup de foudre;
— Assez ! je te l'aï déjà dit, Qu'ai-je faire de ta science. Tu sembles parler par dépit, Fais preuve au moins de patience. Laisse sa foudre à Jupiter, Et l'étincelle dans l'Ether.
La Femme quoiqu'on dise, Et quoiqu'on en médise. Est un être parfait. Tu crois que c'est surfait ?.... Je l'accorde.... Et pourtant qui plus qu'elle peut faire L'homme heureux. On a dit que c'était son calvaire, El je sais tout le mal qu'on débite sur nous. Labruyère nous juge « au moins pires que vous. » Shakspeare nous dépeint : « perfides comme l'onde. » « La Femme songe à mal », c'est su de tout le monde !. Est-elle si mauvaise, au fond? Sans son amour ardent, profond, Que pourrait bien devenir l'homme. Depuis qu'il a mordu la pomme? Je ne voudrais jurer que, d'un geste coquet, Je n'ai point, en passant, soulevant mon bonnet, Salué les moulins. Tu ne saurais t'en plaindre. Mais c'est par trop en dire : A toi de me dépeindre.
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84 SÉANCE PUBLIQUE
Tu me provoques, Femme ! alors que tu sais bien Que de ma verve, hélas! tu n'obtiendras plus rien. N'importe.... Et si je dois succomber à la tâche, J'aurai du moins tenté de prouver, sans relâche, Tout ce que tu contiens d'ineffable bonheur, Puis.... tu te moqueras de ton adorateur.
« Amante, fille, soeur, épouse, mère, aïeule, » C'est là ton fier blason, gravé sur champ de gueule. Ta noblesse remonte à la Création; Sur le monde s'étend ta domination.
L'amante, par l'amour alimente la,vie. Vénus et Calypso, la trop tendre Sylvie, Gabrielle, Margot, La Vallière et Manon, Telles autres beautés qui furent en renom,
Ont fait jadis bien des heureux.
Et je ne parviendrais à clore
La liste de tous nos aïeux
Qui n'ont pas vu lever l'aurore.
Mais passons, — La Femme est notre mère, et surtout
Mère de nos enfants ; c'est son rôle sublime,
Unique, et dans lequel elle excelle avant tout.
A son fils adoré constamment elle imprime
Sa bonté, son esprit, toute sa noble ardeur,
« Et, pour en faire un homme, elle y met tout son coeur. »
Epouse, elle distrait des ennuis de ce monde Son époux, et soutient son courage abattu. Par son affection, ses avis, le seconde, Le ranime, et « l'amour devient une vertu ! »
Si, par vocation, elle reste rebelle Aux lois de la nature, alors surgit en elle L'amour de son prochain, vaste Fraternité, Qu'elle sait élever jusqu'à la Charité !
Fille, elle a su prouver sa pudeur, sa tendresse, Et faire remonter la sainte affection.
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SÉANCE PUBLIQUE 85
Aïeule, elle a su vaincre et chasser la vieillesse Pour entourer de soins sa génération.
D'autres enfin, poussant jusqu'à l'idolâtrie L'amour de leur pays, ont sauvé la Patrie!
Pour qui sait te juger avec discernement, Ton véritable nom c'est : Coeur et dévouement !
— Arrête, dit la Femme, ou tu vas perdre haleine, Poète; et pourquoi donc te donner tant de peine
Pour essayer de me prouver
Ce que je ne veux réprouver.
Mais un mot, toutefois : Existe-t-il, cet être Adorable, charmant, si dévoué, si doux? En l'affirmant ainsi tu t'exposes peut-être.
S'il existe?... Regarde! Il est autour de nous, Partout, de tous côtés; et même, n'en déplaise Aux autres nations, c'est la Femme française!
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HISTOIRE
DE LA
BARONNIE DE POUSSEY
PAR
M. L'ABBÉ DEFER
MEMBRE ASSOCIE DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
CHAPITRE Ier
BARONNIE DE POUSSEY
SON ANTIQUITÉ — SES MOUVANCES ET SES FIEFS
SES AGRANDISSEMENTS SUCCESSIFS
L'ancienne baronnie de Poussey a vécu. Ce n'est plus maintenant qu'une propriété bourgeoise, agréable et bien située; mais elle n'a plus d'histoire. Il est temps d'assurer le souvenir de son passé, en recueillant les quelques documents qui ont échappé à une regrettable dilapidation. Les archives seigneuriales étaient admirablement tenues, si l'on en juge par ce qui est sous nos yeux. Mais les troubles de la Révolution en ont fait disparaître bon nombre de pièces, intéressantes; l'insouciance et l'incurie ont détruit le reste.
Poussey, qui n'est actuellement qu'une section de la commune de Maizières-la-Grande-Paroisse, avait une vie propre, quand il était possédé par les Seigneurs de l'ancien
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88 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
régime. Une plume laborieuse et amie nous dira son rôle dans l'histoire administrative et civile de la commune entière. Nous bornons notre travail à l'étude de la seigneurie proprement dite et à la liste de ses divers propriétaires.
D'après M. Boutiot 1, le nom de Poussey aurait une origine celtique. Il dériverait de Paull, terrain bas et marécageux, Pawl, pull, poël, marais, étang. De fait, la contrée de Poussey est assez marécageuse, grâce à une noue, qui traverse l'ancien domaine seigneurial, et à la rivière du Moulin, qui enlace le château, pour se jeter ensuite dans la Seine, dont les rives sont souvent inondées.
Quoiqu'il en soit du nom, la seigneurie de Poussey remonte à une respectable antiquité, puisqu'elle est mentionnée dès le Xe siècle, comme nous le verrons plus loin, en parlant des Barons de la Crosse. Dès cette époque, elle relevait de l'évêque de Troyes. Chaque seigneur rendait à ce prélat foi et hommage, lui présentait aveu et dénombrement. Trois siècles plus tard, elle fut mouvante du Roi et du Chapitre de la Sainte-Chapelle du bois de Vincennes 2,
1 Histoire de la ville de Troyes et de la Champagne méridionale, t.I, p. 58.
2 Ce fut Louis VII, qui, en 1164, fonda la maison du Bois de Vincennes pour des religieux de l'ordre de Grammont, et Jean XXII l'érigea en prieuré sous le vocable de la Sainte Vierge. Les religieux de Grammont l'occupèrent jusque sous Henri III, qui, en 1584, leur donna le collège de Mignon et les remplaça par des Minimes. C'est là que mourut Henri V d'Angleterre, le 1 er août 1422 (Jean Lévesque, troyen, Annales ordinis Grandimontis, p. 116 et 385 ; De la Martinière, Dict. géogr., t. VI, p. 156).
Les Granges dépendaient aussi du Chapitre de Vincennes, qui y exerçait haute, moyenne et basse justice, et c'est à lui que présentait aveu et dénombrement, le 5 nov. 1579, dame Agnès Saunier, veuve de Bernard de Brion, seigneur de Brantigny et des Granges pour un quart, bailly et capitaine de Chaumont en Bassigny.
Ce même Chapitre avait plus d'un fief dans le département, comme on peut s'en convaincre en parcourant la Topographie de Courtalon.
La ville de Troyes a même donné ce nom à l'une de ses rues.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 89
à qui Charles V la donna en dotation, et le 20 février 1389, l'Evêque de Troyes rédigea à ce sujet des lettres d'amortissement 1
En 1409-1410, le Chapitre de Vincennes paya 60 sous de rente, pour l'amortissement de la terre de Poussey 2.
Les seigneurs de Poussey, qui subissaient fréquemment les exigences du vasselage, recevaient rarement les honneurs des suzerains. Ce n'est qu'à partir du XVIIe siècle que les seigneurs de Montgenost et de Saint-Fargel leur rendent hommage, quand le domaine de Potangis fut adjoint par succession à celui de Poussey. Cependant, les seigneurs de Poussey avaient, dès le Xe siècle, droit de justice haute, moyenne et basse sur les habitants de Poussey, Maizières et Origny.
Nous n'avons pu relever la valeur et l'étendue de la seigneurie de Poussey à ses débuts. Cependant, nous savons que la succession de son oncle, Louis Raguier, évêque de Troyes, en 1488, valut à Dreux Raguier « la terre et seigneurie de Villejuif, partie de Romilly, Origny et Pars... et généralement tout ce qui entoure le dit Romilly 3 » ; des arrangements de famille ont dû modifier cet héritage.
En 1490, le 16 décembre, Dreux Raguier acheta à Girard de Vielsmaisons et à sa femme un. accin, où il y avait «manoir, cour et jardin, scis en la ville de Poussey, au lieu dit: le Moulin de Vauchamp 4. »
En 1529, 21 août, Dreux Raguier ne fait hommage que pour deux parts du fief de Poussey; l'autre part devait appartenir à la famille de Mesgrigny.
1 Inventaire du XVIIIe siècle, gracieusement communiqué par M. Huguier, notaire à Romilly-sur-Seine.
2 Arch. de l'Aube, G. 277.
3 Archives de l'Aube, E, 52.
4 Archives du château de Poussey.
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90 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
En 1546, Jacques Raguier augmente le domaine de Poussey de la terre de Châtel en Brie et de Nangis, qui lui échoit en succession 1
Les religieux, prieur et couvent de Notre-Dame de Maizières, dont le souvenir est aujourd'hui complètement perdu, devaient tenir à Origny quelques biens, conjointement avec le baron de Poussey, car, le 14 décembre 1569, Charles Raguier obtient d'eux le four banal d'Origny, et leur cède des prés en compensation 1.
Cette transaction subit bientôt une modification ; car, après la mort de Charles Raguier, le 26 mai 1587, sa veuve, Jeanne Dauvet, au nom et comme ayant la garde noble de ses enfants mineurs, décharge les habitants d'Origny de l'obligation de faire cuire leur pain au four banal de ce lieu ; mais elle stipule, en échange, la prestation d'un boisseau et quart de blé seigle, bon, loyal et marchand, mesure d'Origny, payable à la Saint-André 1.
29 juin 1578. —Charles Raguier fit une importante transaction avec le Chapitre de la Sainte-Chapelle du Boisde-Vincennes. Ce dernier prétendait, comme seigneur de Méry-sur-Seine, exercer le droit de justice entière sur la paroisse de Maizières et les vassaux du baron de Poussey. Celui-ci s'y refusait. Ils convinrent alors que le baron de Poussey aurait seul ce droit sur Maizières, Poussey et les Granges ; qu'il jouirait également du droit de nomination du prévôt ou de son lieutenant, à Maizières, du procureur royal, à Méry, des notaires et sergents, du droit de tabellionage en la même paroisse, du droit de greffier et du tiers de toutes les amendes tant ordinaires qu'extraordinaires, du droit de confiscations, aubaines, successions de bâtards et non regnicoles, ensemble de toutes les choses égarées, du droit de gruerie, jurée et grairie, du droit de corvées de
1 Inventaire précité.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 91
bras et de chevaux, de celui de péage du pont appelé le Pontde-Seine, sur la rivière communément nommée la Rivière-, le-Roi, commençant aux Vaux-Guignard jusqu'à la rivière du seigneur de Poussey. De plus, il acquit les « rentes, » censives, tant en deniers que grains, poules et chapons, » portant lots et ventes, saisines et amendes, le just des » poids, pezons, aunes, boisseaux et autres mesures du dit » heu et en ladite justice et seigneurie, et n'est loisible à » aucun de mes sujets de vendre à autre poids, aulnes, » boisseaux et autres mesures qu'aux miennes, sous peine » d'amende et confiscation des poids, mesures et chose » vendue 1. »
Cependant, le Chapitre de la Sainte-Chapelle du Bois-deVincennes, outre les droits de mutation que devait lui payer le seigneur de Poussey, se réservait le gagnage qu'il possédait sur Maizières, consistant en 54 arpents 9 quartiers de terres et 8 arpents 3 quartiers de prés et broussailles, sur lequel le seigneur de Poussey n'aurait aucun droit de justice, rentes ou censives, non plus que sur les héritages que devait céder le seigneur en contre échange, ni sur les fermiers qui les exploitaient, et résidaient dans la maison du Chapitre ou autre maison qui lui appartiendrait.
Il se réservait également le droit de justice, les confiscations et amendes contre les personnes qui auraient commis quelque délit dans les dits héritages, et qui resteraient justiciables des chanoines en la prévôté de Méry.
Ils se réservèrent encore de recevoir du seigneur de Poussey foi et hommage des fiefs qu'il tenait alors d'eux, ainsi que le fief des Barres, sis aux Granges, avec le droit de haute justice, à cause de ce fief.
De son côté, le baron de Poussey céda et transporta au Chapitre de la Sainte-Chapelle du Bois-de-Vincennes, un
1 Inventaire précité.
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92 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
gagnage et labourage, sis à Maizières, consistant en 36 arpents et plus de terres, désignés dans le texte de la transaction, qui malheureusement n'existe plus, du moins à notre connaissance; le tout tenu en franc alleu.
De plus, les réclamations que pourraient faire les habitants et les sujets des héritages et choses délaissés par le Chapitre ressortiraient par devant le bailly de Troyes à Méry.
Ce contrat fut homologué au Parlement, le 12 septembre 1578, et le baron de Poussey prit possession réelle et actuelle de tous les droits à lui cédés, en présence de M. de Bragelogne, conseiller au Parlement, député à cet effet, le 18 octobre 1578, et il nomma, en même temps, les officiers nécessaires à l'exercice de la haute, moyenne et basse justice qui venait de lui être abandonnée.
Le Chapitre du Bois-de-Vincennes chercha, en 1633, à rentrer en possession de Poussey, et de nouvelles difficultés surgirent en 1637. Mais Gaspard Raguier obtint du roi, le 14 août, des lettres patentes qui ratifièrent le contrat de 1578 et maintinrent le baron de Poussey dans ses droits.
Toutefois, en 1664, le baron de Poussey n'exerçait plus la justice sur les Granges. Jean Perrault, président à la Chambre des Comptes, seigneur de Romilly et des Granges, prétendait y avoir seul le droit de justice. Gaspard Raguier protesta. Mais une sentence des requêtes de l'Hôtel, rendue le 20 septembre 1664, après production respective des titres, maintint Perrault dans ses prétentions et condamna aux dépens le baron de Poussey, qui paya l'amende, le 28 février 16681.
1590, 29 juin. —Les habitants de Maizières s'assemblent et cèdent à messire Gaspard Raguier, baron de Poussey, le fond et la propriété de six arpents de com1
com1 précité.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 93
munes et usages, à eux appartenant, sis en une pièce appelée les Grandes-Voulles1. Ils tenaient à prouver ainsi au seigneur de Poussey leur reconnaissance pour la permission qu'il leur avait accordée de vendre 50 arpents de terres à M. Louis de Villeprouvée, citoyen de Troyes, pour subvenir aux affaires de leur communauté et payer leurs tailles des années 1593, 1594, 1595 et 1596 2.
1622.— Les habitants de Maizières s'assemblent encore, le 19 septembre et le 15 octobre 1622, pour échanger avec le baron de Poussey quelques arpents de prés, situés dans les pâtures et communes de la paroisse de Poussey 3.
1640, 14 mars. — Louis Floret et consorts vendent au baron de Poussey une petite pièce de bois taillis 2.
1640. — Par son mariage avec Claire de Guesdon et par la mort des deux frères de sa femme, Jean-Baptiste et Jacques de Guesdon, Gaspard Raguier augmente son domaine des terres d'Esclavolles, Potangis et Sacconnay, mouvantes du roi, et de celle de Beaune, mouvante du fief de Cabarect.
Eu 1677, il hérite encore des deux cinquièmes d'Esclavolles, appartenant à son frère, François Raguier.
Il n'est pas sans intérêt de mentionner ici ce qui regarde ces biens, puisqu'ils font désormais partie du domaine de Poussey.
Jeanne de Guesdon, veuve de Jacques de La Roëre, chevalier de l'ordre du Roi, capitaine de 50 hommes d'armes, seigneur de Chamoy et de Saint-Sépulcre, voulant perpétuer le nom et les armes de ses prédécesseurs,
1 Peut-être les Grandes-Vaudelées, sur le bord de la Seine.
2 Inventaire précité.
3 Nous trouvons en 1692 le nom de Pierre Monnot, curé-prieur de Poussey, de la Grande-Paroisse et des Granges (Arch. de l'Aube, E. 138).
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94 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
seigneurs d'Esclavolles, donna par contrat de donation entre vifs, le 2 novembre 1599, à son fils Jacques de La Roëre, vicomte de Sacconnay, la terre seigneuriale d'Esclavolles, celle de Potangis, leurs appartenances et dépendances, à charge :
1° De faire dire et continuer en la chapelle d'Esclavolles, ou en l'église paroissiale, à son choix, les messes et services ordonnés par le testament de son père, Olivier de Guesdon ;
2° D'ajouter à son nom celui de Guesdon et les armes de la maison d'Esclavolles.
A la mort du donataire, ce nom et ces armes avec les biens seigneuriaux, devaient passer à son fils aîné et à sa descendance masculine. Si l'aîné de ses fils n'avait point d'enfant mâle, le tout passerait au second fils dans les mêmes conditions. S'il n'y avait que des filles, ce serait l'aînée qui hériterait de ces avantages, les transmettant à sa postérité, en préférant toujours les garçons aux filles.
Jacques de la Roëre de Guesdon, époux de JeanneBaptiste de Marmier, était titulaire du domaine d'Esclavolles, Potangis, Sacconnay et Beaune, comme descendant de Jacques de La Roëre, fils de Jeanne du Guesdon. Le mariage de sa fille Claire avec Gaspard Raguier transporta la propriété de ces terres dans la famille Raguier. Ce fut l'occasion de nombreux et longs procès. Le baron de Poussey, de concert avec François du Tillet, comte de Saint-Mathieu, dut soutenir ses droits contre Charles de La Roëre, seigneur de Chamoy, Madeleine de La Roëre, veuve du baron de Cournon, et Diane de La Roëre, épouse de Louis de Ligondais, vicomte de Rochefort, appuyée, au refus de son mari, par son tuteur Guillaume de Rouvignac, abbé du Val. Mais plusieurs sentences et un arrêt de la Chambre des Enquêtes, en 1660 et 1663, donna gain de cause au baron de Poussey.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 95
Parmi les redevances de la terre d'Esclavolles, se trouvaient deux deniers de cens, un boisseau d'avoine et deux poules de coutume, par an et par foyer, pour la jouissance d'un certain nombre d'arpents de prés. Des difficultés surgirent entre les habitants et Gaspard Raguier. Ce dernier prétendait jouir, comme ses prédécesseurs, du tiers, puis des deux tiers des usages et pâturages. Un procès était inévitable. Craignant sans doute de succomber, les habitants d'Esclavolles offrirent au baron de Poussey 32 arpents de prés sur leur finage, lieu dit les Prés-Neufs, et une autre pièce de pré, appelée les Taupines. Ils consentirent de plus à ce que ledit baron, ses hoirs, ayant cause et fermiers, fissent paître leurs bestiaux dans le reste des pâtures et communes. De son côté, le baron de Poussey s'engagea à payer pour eux 400 livres qu'ils avaient empruntées pour solder leurs taxes et racheter les pâturages qu'ils avaient dû aliéner. Ces actes sont du 28 janvier et du 19 mars 1644.
Le 21 septembre 1659, les mêmes habitants d'Esclavolles vendirent encore au baron de Poussey dix arpents de prés pour mille livres.
Quant aux terres de Potangis, Gaspard Raguier demanda le partage des pâturages avec les habitants, le 9 août 1641. Cette affaire se prolongea jusqu'en 1644, où une transaction fut passée, le 12 janvier, avec le seigneur de Poussey, qualifié alors du titre de marquis. Les habitants abandonnèrent au marquis 20 arpents de prés, d'une part, et une autre pièce de prés de 6 arpents, l'autorisant à faire paître ses bestiaux dans le reste des pâtures communes, et le marquis promit de payer à leur décharge les sommes pour lesquelles ils s'étaient engagés.
En 1663, ces terres étaient chargées d'une redevance annuelle d'un boisseau de blé par quart, et de deux deniers de cens par chaque arpent; de plus, le seigneur de Poussey jouissait du droit de pressoir banal à Potangis. Les fer-
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96 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
miers et les habitants ayant cherché à s'affranchir de cette obligation, une sentence rendue au baillage de Sézanne, le 20 août 1666, reconnut les droits du marquis de Poussey sur le pressoir et les terres de Potangis, à l'exception toutefois du fief de Crapaux, dépendant de l'abbaye de Chantemerle, et condamna les appelants aux dépens, dommages et intérêts.
Le même droit fut de nouveau l'objet d'un procès qui se termina dans les mêmes conditions, vers 17051.
Avant de poursuivre cette étude, notons les censives et rentes touchées au XVIe et XVIIe siècles sur les terres de Poussey et des Granges :
En 1526, par Isabeau Molé, veuve de Jean de Brion, élu de Langres, au nom de ses enfants ;
En 1551 et 1560, par Bernard de Brion, seigneur de Brantigny et des Granges, pour un quart ;
En 1570, par Charles de Richebourg, seigneur des Granges, de Poussey et de Maizières ;
En 1658 et 1662, par Jean Perrault, président des comptes, seigneur des Granges (Arch. de l'Aube, E. 138).
Nous ne trouvons aucun inventaire qui nous renseigne sur les acquisitions ou héritages.faits dans le courant du XVIIIe siècle.
Pour apprécier la valeur du domaine en ses derniers temps, nous consultons les baux de 1768 et un arpentage de l7932.
Moulins. — Vers 1768, le fermier du moulin de Poussey (2 paires de meules) devait rendre 1200 boisseaux de seigle et 450y+ en argent. Un autre bail porte 1200
1 Inventaire précité.
8 Arch. du château de Poussey.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 97
boisseaux de seigle et 100 boisseaux de froment, mais rien en argent et la banalité du moulin.
De plus, le fermier devait acquitter, tant sur le moulin de Poussey que sur celui de Méry (3 paires de meules), une redevance de 4 setiers de seigle à l'évêché de Troyes, si l'on garantissait la banalité; 60/+ à la fabrique de Méry; un setier de seigle et un setier d'orge, 17 pour 16, le dernier comble, à l'abbaye de Scellières ; deux setiers de blé mouture à l'Hermitage de Pont-sur-Seine. Pour ces deux établissements, nous avons trouvé des quittances de 1735 et 1736; mais en 1791 on ne payait plus, faute de justification de titres.
En 1788, le moulin de Poussey était loué 1.650"
Pêche.— Le cours d'eau appelé le Canal prend son origine au pertuis de Vallant-SaintGeorges, alimente les moulins de Méry et se dirige ensuite vers la rive gauche de la vallée, qu'il limite dans toute son étendue, entre Châtres, où il existait autrefois une usine, et le moulin de Poussey. Il rentre en Seine près de Maizières. Son état actuel remonte à M. de Rosambo. Jean-Charles de Mesgrigny l'avait commencé depuis Vallant jusqu'à Méry. M. de Rosambo fut, le 12 février 1754, autorisé par le roi à le continuer jusqu'à l'ancien canal creusé pour les moulins de Châtres et de Poussey, et à faire un déversoir au-dessous de l'embouchure du canal. Le 22 juin 1755, il acheta 102" 15', au Chapitre de Vincennes, les terrains nécessaires, et acquit le reste de divers propriétaires. Le canal devait avoir 1m 33 de francs bords de chaque côté, formant en tout une largeur de 6m 66. L'Etat contesta au seigneur le
T. LIII 7
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98 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
droit de propriété, notamment en ce qui
concerne les terrains de la rivière dite Culnot;
mais le droit fut reconnu en faveur de M. de
Lesseps par un arrêt de la Cour d'appel de
Paris, le 4 mars 18331.
La pêche de la rivière de Poussey était louée 120" Celle de Méry 124"
Immeubles à Châtres. — 1° Une ferme avec terrain planté de saules, comprenant 10 arpents 14 cordes 5 pieds, avec une pièce de terres labourables de 2 arpents 11 cordes, à laquelle il faut ajouter un lot de terres de 158 arpents 62 cordes 7 pieds; un lot de prés de 16 arpents 27 perches 1/2, et un lot de bois et broussailles de 10 arpents 64 perches et 16 pieds, rapportant 660" de rente foncière et perpétuelle et 6^ de cens. . 660" 6a
2° La maison et les bâtiments de l'ancien moulin de Châtres, avec cour, jardin, etc., contenant 2 arpents 17 cordes et 6 pieds;
La fosse du moulin contenant 50 toises de long sur 18 pieds de large avec un gué; plus 38 perches de bois;
Le tout loué à bail pour 62" de rente foncière et perpétuelle, et 3a de cens 62" 3^
3° Un petit bois taillis à Châtres, de 5 arpents 93 perches, avec fossé, pour rente.. . 40"
Prés. — Les prés du Carreau, contenant 12 arpents, estimés 50" l'arpent 600"
Bois. — 6 à 7 arpents de bois en coupes réglées, affermées par an 700"
1 Archives du château de Poussey.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 99
Un autre petit bois, dit le bois de Méry, contenant 12 arpents, estimé 300" de revenu 300"
Baliveaux. — Anciens baliveaux sur taillis et peupliers épars le long des prairies, estimés par an ....................... 600"
Ecorces. — Vieilles écorces, pour environ 10.000#
Friches. — Les friches, sur le territoire d'Orvilliers, étaient de 32 arpents, valant de 3" à 4" l'arpent.
Les remises pour retirer le gibier formaient 7 à 8 arpents de bois.
Terres. — Quant aux terres, M. Guillard, maître de poste aux Granges, les tenait en totalité, en 1788, pour...... ...... 10.000"
Une note en marge d'un exemplaire de l'Arpentage de 1792 indique, pour prix de l'arpent des terres et prés de Maizières, de 8" à 9" 15.
Le plan ci-joint du domaine de Poussey a été dressé au commencement de ce siècle, probablement par ordre de M. Bayle. Il en ressort cet état de choses :
Terres sur Poussey, Maizières et les Granges 139h 99a25c
Jardins et vergers. . 2 76 24
Canaux 45 30
Saussaies et plantations 1 28 25 Cour de ferme et
moulin...... .. 53 55
145h02a59c
— sur Châtres.. 27 31 75
— sur Origny 18 01 81
Total des terres 190h 36a 15e
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100 : HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
Bois 32h 24a 10c
Prés...
sur Poussey 87h 92a 32c
sur Pars 74 60
sur Romilly 2 67
88 69 59
Superficie totale ..... 311h29a 84c
dont 265h 19a 01c sur le territoire de la commune, et 46h 10a 83c sur les finages voisins.
Le 29 janvier 1791, M. de Rosambo avait vendu,son domaine à M. Lenoir de Balay pour 198.000", savoir : pour la baronnie de Poussey et dépendances, 192.000"; pour la seigneurie d'Origny, 6.000".
Par un autre acte du même jour, M. de Rosambo témoigne qu'outre une somme de 260.000" que lui a payée M. Lenoir pour acquisition de la baronnie de Poussey, celle de Méry et la seigneurie d'Origny, il a reçu encore 86.000" tant pour pot de vin que pour le rachat des droits de centième denier et autres, et les honoraires du contrat.
En 1858, le 19 novembre, MM. Julien achetèrent 145.000 fr. la propriété, qui n'était plus que de 23h 33a 59c et qui, après des distractions considérables, a été achetée 50,000 fr. par M. de Préaumont, le propriétaire actuel.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 101
CHAPITRE II. BARONS DE POUSSEY
§ IAnségise,
IAnségise, de Troyes, et les barons de la Crosse.
La mention la plus reculée de la baronnie de Poussey remonte à la fin du Xe siècle et peut nous donner l'origine des Barons de la Crosse.
L'évêque de Troyes, Anségise (914-970), cédant à l'esprit guerrier de l'époque, voulut substituer son autorité féodale à celle de Robert, comte de Champagne. Mais il succomba et chercha un refuge à la cour de l'empereur Othon de Germanie. Ce prince lui fournit un corps de troupes avec lequel Anségise revint assiéger la ville épiscopale (octobre 965). Il fut battu avec ses auxiliaires, et dut subir les conditions du comte Robert pour remonter sur son siège.
D'après M. Trasse de Montmusard 1, ancien curé de Romilly-sur-Seine et chanoine de la cathédrale, Anségise voulait garder quatre terres qu'il avait incorporées dans les revenus de son évêché : Anglure, Saint-Just, Poussey, la rivière et les moulins de Méry. Après quelques difficultés, il fut convenu, dit le même auteur, que l'évêque les remet1
remet1 manuscrite, 1.1, p. 517, citée par M. Boutiot, Hist. de la ville de Troyes, 1.1, p. 136,
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102 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
trait en mains laïques, à quatre seigneurs désignés par le comte Robert, à titre de baronnie et pairie, et qu'elles relèveraient de l'évêché. Les propriétaires seraient tenus de prêter foi et hommage à l'évêque, de le porter en sa ville lorsqu'il y entrerait pour la première fois, et à chaque vente de ces terres, le nouveau seigneur, outre les droits honorifiques de vasselage, paierait à l'évêque les droits de quint et requint du prix de la terre. S'il y manquait, le bailli devait statuer sur les excuses ou ordonner la saisie du fief.
De son côté, l'évêque devait à ces barons « un hanap « (coupe) d'argent doré en dedans et en dehors, du poids « de deux marcs au marc de Troyes, et en oultre leurs « despens et ceulx de leurs gens en venant à Troyes, a demeure illec pour la mesme cause et retournement chez « eulx. 1 »
Les barons de Poussey et leurs collègues se soumirent à ce traité ; mais nous remarquons parfois une sorte d'impatience du joug et la velléité de s'en affranchir. Tantôt ils se font représenter par des notables, tantôt ils se contentent de porter la chaire de l'évêque jusqu'à la porte de l'église de Notre-Dame-aux-Nonnains et cèdent la place à quatre hommes qui la chargent sur leurs épaules jusqu'au choeur de la Cathédrale, « les barons et leurs représentants tenant « seulement de la main les bastons de ladicte chaire. 2»
Ce cérémonial est peu connu, et le Promptuarium de Camusat, où il se trouve, est d'une excessive rareté. Nous ferons sans doute plaisir au lecteur en le transcrivant plus loin.
Cet usage prit fin avec François Malier en 1642, et les barons de la Crosse ne furent plus obligés qu'aux devoirs ordinaires de foi et hommage, aveu et dénombrement.;
1 Grosley, Éphém., t. I, p. 170 et suiv.
2 Camusat, Prompt., f. 253 à 268,
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 103
§ II.
Maison de Mesgrigny.
La Maison de Mesgrigny portait : d'argent au lion de sable, avec la devise : Deus, fortitudo mea.
A part Anségise, dont nous avons indiqué le rôle au sujet dé Poussey, les premiers barons de cette seigneurie dont nous ayons trouvé trace appartiennent à la famille de Mesgrigny 1.
I.— La série commence par JEAN I, écuyer, fils de Pierre de Mesgrigny, qualifié noble du bailliage de Troyes, dans un compte du domaine de Champagne, dressé en 1349.
Né vers 1310, Jean de Mesgrigny épousa Denise de Marcheville, vers 1338.
Ils vivaient ensemble dans la prévôté de Vaucouleurs, en 1367.
Ils eurent un fils Guyot de Mesgrigny, qui suit.
Nous ne parlons pas d'un fils illégitime Jean, rappelé dans un compte de la seigneurie de Mesgrigny, de 1395 à 1396.
II. — GUYOT DE MESGRIGNY, écuyer, baron de Poussey, seigneur de Mesgrigny, Grigny, Villy-le-Maréchal et Origny. Né vers 1340, il ne vivait plus le 12 mars 1395.
Guidon de la compagnie d'hommes d'armes du duc de Bourgogne, il servit les rois de France dans leurs guerres, avec armes et chevaux, parmi les autres nobles du bailliage de Troyes.
Le 13 juin 1371, il rendit aveu à Jean Braque,
1 Cfr., E. Socard, Essai d'histoire généalogique de la famille de Mesgrigny, P. Anselme, d'Hozier.
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104 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
évêque de Troyes, à raison d'une partie de la seigneurie de Poussey. Il y avait donc, dès lors, un co-seigneur de Poussey, dont nous ignorons le nom et la famille.
Le 1er juin 1391, il passa un accord avec le Chapitre de Saint-Etienne de Troyes.
Il avait épousé Catherine de Foissy, dont il eut trois enfants :
1° Jean, qui suit;
2° Denisot, qui partagea avec son frère la baronnie de Poussey, et dont les descendants sont l'objet d'une généalogie spéciale.
Nous ne donnons de détails que pour la branche aînée ; un simple tableau désignera les membres de la famille cadette;
3° Une fille, morte sans alliance, après 1467.
III. — JEAN II, baron de Poussey en partie, seigneur de Mesgrigny, Fontaine-les-Bar-sur-Aube, Fontaine-SaintGeorges, Villy-le-Maréchal, Assenay, etc., receveur des aides ordonnées pour la guerre, et de l'aide des gens d'armes. Né vers 1375, il mourut vers 1467. Il servit avec armes et chevaux les rois de France, Charles VII et Louis XI. Il est qualifié écuyer dans un acte de 1395 et 1396, et dans les lettres patentes du 2 mai 1442, par lesquelles il fut commis pour rendre, au nom de Charles VII, foi et hommage de la ville et châtellenie de Nogent-surSeine à l'abbaye de Saint-Denis. Ce n'est qu'en 1466 qu'on lui trouve la qualité de damoiseau dans des lettres d'amortissement du mois d'août. La même année, 19 janvier, il fit aveu et dénombrement de sa baronnie au Chapitre de la Sainte-Chapelle du Bois-de-Vincennes.
D'un premier mariage avec Perrette d'Aigny, il eut Jehannin de Mesgrigny, écuyer, seigneur de FontaineSaint-Georges et d'Origny, mort à Beaune, sans alliance, en 1450,
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 105.
D'un second mariage avec Guillemette de Maillet, il eut trois filles :
1° Jeanne, mariée à Jean Molé, écuyer, d'où descendirent les Molé de Villy-Ie-Maréchal ;
2° Claude, mariée à Edmond Maret, écuyer, qui vendit, en 1476, sa part de seigneurie de Poussey à Louis Raguier, évêque de Troyes, et à son neveu Dreux Raguier ;
3° Edmonne, mariée à Simon Griveau.
IV. — Edmond MARET.— Licencié ès-lois, il devint seigneur de Poussey par son mariage avec la seconde fille de Jean II de Mesgrigny, baron de Poussey. Mais il ne garda pas longtemps cette propriété, et, par le contrat du 8 juillet 1476, passé en présence de Vignes et Drouot, notaires en la prévôté de Troyes, il la vendit à Louis Raguier, évêque de Troyes 1, et à son neveu Drouot ou Dreux Raguier, échanson du roi. Dans cet acte, Edmond Maret est qualifié honorable homme et sage 1.
Par suite de cette vente, la baronnie de Poussey restera dans la famille Raguier jusqu'au 13 mars 1713, où elle retournera à la famille de Mesgrigny, par le mariage d'Angélique-Cécile Raguier avec Jean-Charles de Mesgrigny, descendant de Denisot de Mesgrigny.
1 Ce prélat avait déjà, en 1457, avec son neveu Louis Raguier, acheté de Jean de Mesgrigny, seigneur de Poussey, la terre de Fontaine-Saint-Georges (Arch. de l'Aube, G, 643).
2 Caumartin, art. Raguier,
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106 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
§ m.
Maison Raguier.
Elle portait : d'argent, à un sautoir de sable, accompagné de quatre perdrix au naturel.
La famille Raguier était originaire de Bavière. Arrivée en France avec la reine Isabeau, elle se livra à la finance et fit une rapide fortune. Le père de Louis Raguier, évêque de Troyes, et frère d'Antoine Raguier, père de Dreux, était trésorier de la Reine 1. Cette haute fonction explique facilement les honneurs qui distinguèrent les membres d'une famille si dévouée à la trop illustre femme de Charles VI.
Comme la famille Raguier est celle qui posséda le plus longtemps la baronnie de Poussey, nous croyons devoir placer ici la description de la maison seigneuriale, telle que nous la trouvons dans deux inventaires, aux années 1603 et 16812. Il y avait peut-être alors plus de confortable qu'au temps de Dreux Raguier; mais l'absence de documents plus anciens ne nous permet pas plus d'exactitude.
Cette maison était anciennement appelée La Cour et consistait en un corps-de-logis, comprenant quatre pièces avec cave et greniers, un portail et quatre tours aux quatre angles. Deux de ces tours tenaient au corps-de-logis; la troisième servait de colombier, et la dernière de clôture. Il y avait un pont-levis et une porte cochère, au-dessus de
1 Il s'appelait Raymond Raguier, et outre, l'Évêque de Troyes eut une fille, nommée Denise, qui épousa Charles de Cadier, chancelier d'Orléans, dont le fils Charles de Cadier, fut grand archidiacre de Troyes. Un membre de la même famille (neveu) Etienne de,Refuge, était chanoine de Troyes. Il portait: d'argent à deux fasces de gueules, deux serpents d'azur posés en pal. (André Borel, d'Hauterive, Revue historique de la noblesse, t. III, p. 128, 129.)
2 Inv. précité, puis un autre faisant partie des Arch. du Château.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 107
laquelle un pavillon; puis un jardin, la basses-cour, une grange et des étables, le tout fermé de murailles et de fossés. La contenance totale de ce' qu'on appelait le Château, en y comprenant un autre jardin, appelé le Tripot, n'était d'abord que de deux arpents, six denrées. En 1791, on comptait environ sept arpents.
V. — DROUOT OU DREUX RAGUIER. — Neveu de Louis Raguier et frère de Jacques Raguier, tous deux évêques de Troyes, Drouot ou Dreux était le quatrième enfant, mais le troisième fils d'Antoine Raguier et de Jacquette Bude. Il avait les titres de baron de Poussey et de Migennes ou Vigennes, seigneur de Thionville, Charenton, Romilly et Etrelles, échanson du roi, grand maître des eaux et forêts de France, de Champagne et de Brie, et prévôt des marchands à Paris. A la mort de ses parents et de son oncle Louis, la part d'héritage qui lui échut fut la terre de Villejuif, Romilly, Origny, Pars, et généralement tout ce qui entoure Romilly 1.
Il épousa en premières noces (contrat du 29 janvier 1507) Hilaire de Marle, fille d'Armand de Marle, seigneur de Versigny, maître des requêtes, et de Martine Boucher ; en secondes noces, Martine Hennequin, fille de Pierre Hennequin, seigneur de Mathaux, conseiller au trésor, et de Marguerite de Marie, sa parente.
Du premier mariage, il eut :
1° Antoine Raguier, qui suit;
2° Jean Raguier, abbé de Saint-Jacques de Provins ;
3° Jeanne Raguier, dame de Thionville, mariée, le 11 octobre 1504, à Robert Thibout, seigneur de Bailly.
Du second mariage, il eut ; 1° François Raguier ;
1 Arch. de l'Aube, E, 52,
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108 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
2° Hilaire Raguier, mariée à François de La Roëre, seigneur de Chamoy et du Saint-Sépulcre ;
3° Françoise Raguier, mariée à Louis de Romain, seigneur de Bets ;
4° Louise Raguier, femme d'Adrien de la Rivière.
Le 5 février 1477 (v. s. 1476), Louis et Dreux Raguier, seigneurs par indivis du fief de Poussey, paient entre les mains de Jacques Barbier, chanoine de la Sainte-Chapelle du Bois-de-Vincennes, pour le compte du Chapitre, le droit de quint et requint, dû par tout nouvel acquéreur de la propriété. Il montait à « six vingts dix livres tournois 1. »
Le 7 janvier 1490, Dreux rendit seul foi et hommage au même chapitre, ce qu'il renouvela, le 31 août 1521, et le 21 août 1529.
A l'avènement de son frère, Jacques Raguier, au siège épiscopal de Troyes, 1483, Dreux lut invité, ainsi que ses pairs d'Anglure, Saint-Just et Méry, à porter le nouvel évêque depuis Notre-Dame-aux-Nonnains jusqu'à la cathédrale, et le notaire qui signifia l'invitation reçut un honoraire de 40 sous 2.
Le 25 décembre 1492 et le 5 décembre 1494, Dreux présenta foi et hommage à son frère, Jacques, et le 25 décembre suivant, il fournit au même prélat l'aveu et dénombrement de sa baronnie de Poussey.
Le 26 avril 1485, il avait prêté foi et hommage à la comtesse de Nevers, pour la terre, justice et seigneurie d'Origny, mouvante en fief de cette dame, à cause; de sa châtellenie de la Grève 3.
Le 28 mars 1527, il porta, avec ses pairs de la crosse,
1 Arch. du château de Poussey, quittance sur parchemin.
2 Arch. de l'Aube, G, 315, 466.
3 Inventaire précité.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 109
le nouvel évêque de Troyes, Odard Hennequin 1, et le 7 juin 1531, il lui rendit foi et hommage, tant pour lui que pour ses frères et soeurs à cause des deux tiers par indivis de la terre, justice et seigneurie de Poussey.
VI. — ANTOINE RAGUIER. — Fils aîné de Dreux Raguier, qualifié de baron de Poussey, seigneur de Thionville, de Romilly et de Migennes, il avait épousé Jeanne de Louviers, dame du Châtel et de Nangis, qui se remaria avec Jean de Toulongeon.
Il en eut deux enfants :
1° Jacques Raguier, qui suit ;
2° Hilaire, mariée en premières noces à Antoine de Piédefer, seigneur de Champlost, et en secondes noces à Jean de la Boissière, seigneur de Montigny.
Antoine Raguier ne fit que passer comme baron de Poussey. Dès 1532, il était remplacé par son fils Jacques.
VII. — JACQUES RAGUIER. — Jacques Raguier, né en 1510, épousa (contrat du 17 juin 1539) Charlotte de Longuejoue, fille de Guy de Longuejoue, seigneur de Venisy et de Villerey, et d'Antoinette de Montmirail.
Il eut trois enfants :
1° Charles, qui suit;
2° Emée, mariée à Guillaume Dauvet, seigneur d'Ereinnes ;
3° Marie, femme de François de Montceau, seigneur de S. Samson et d'Auxy.
Le 3 août 1532, le 12 février. 1542 et le 6 février 1548, Jacques Raguier fait acte de foi et hommage à l'évêque de Troyes, Odard Hennequin.
Nous ne savons quel événement de famille, peut-être un
1 Camusat, Prompt, f. 255-260.
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110 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
échange à l'occasion de son mariage, motiva le droit de relief qu'il paya au Chapitre de la Sainte-Chapelle du Bois-deVincennes, le 1er août 1539 l.
En 1546, Jacques Raguier hérita, de sa mère probablement, une partie de la terre de Châtel et Nangis, et, à cette occasion, rendit foi et hommage au roi, le 2 mars, 17 mai et 10 septembre 1546 1.
Le 13 décembre 1551, il assista comme baron de la Crosse à l'intronisation du nouvel évêque de Troyes, Antoine Caraccioli de Melphes, et, avec les trois autres pairs, transporta le prélat, revêtu de ses habits pontificaux, du choeur de l'église Notre-Dame-aux-Nonnains à l'église cathédrale. Le représentant du baron d'Anglure était devant, à droite ; celui de Saint-Just, aussi devant, à gauche ; le baron de Poussey, derrière, à droite; celui de Méry, derrière, à gauche 2.
VIII. — CHARLES RAGUIER. — Charles Raguier épousa (contrat du 15 mars 1565) Jeanne Dauvet, sa parente, fille de Jean Dauvet, seigneur des Marets, conseiller à la Cour des aides, et de Jeanne de Longuejoue.
Il eut quatre enfants :
1° Pierre Raguier, qui suit;
2° Louis Raguier, Père de l'Oratoire;
3° Françoise Raguier, mariée à Charles du Fay, seigneur de Château-Rouge;
4° Marthe Raguier, femme de Louis de Bretel, seigneur de Bazoches.
Comme ses ancêtres, Charles Raguier prit part à l'intronisation solennelle du nouvel évêque de Troyes, Claude de Beauffremont, le 23 mai 1563, et le même jour il rendit à
1 Inventaire déjà cité.
8 Camusat, Prompt. f° 261-263.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 111
l'évêque foi et hommage pour sa baronnie de Poussey 1.
Le 23 août 1565, il rendit au roi foi et hommage pour sa terre de Châtel et de Nangis.
Il négligea sans doute de faire à l'évêque de Troyes aveu et dénombrement pour la baronnie de Poussey, et d'en payer les droits, car le prélat en fit saisie féodale qui fut levée, le 19 janvier 1571 .
Il remplit le même devoir à l'égard du Chapitre de la Sainte-Chapelle du Bois-de-Vincennes, le 25 juin 1578, entre les mains de Leo, trésorier du Chapitre 3, et le 15 décembre 1580 2.
C'est Charles Raguier qui opéra avec le Chapitre de la Sainte-Chapelle l'importante transaction qui donna à la baronnie une physionomie particulière 4.
Le 11 juillet 1580, il rendit foi et hommage pour sa terre et seigneurie d'Origny, au prince de Condé, comme légitime administrateur des personnes et des biens de sa fille Catherine de Bourbon, et de défunte Marie de Clèves, comtesse de Beaufort, et dame de la Grève, dont mouvait le fief d'Origny 2.
Charles Raguier était mort en 1587, car, le 26 mai de cette année, sa veuve Jeanne Dauvet, au nom et comme ayant la garde noble de ses enfants mineurs, faisait une transaction avec les habitants d'Origny, au sujet du four banal 4.
Elle négligea sans doute de rendre foi et hommage pour sa terre de Poussey, car l'évêque de Troyes la fit saisir féodalement, et main-levée n'en fut donnée que le 30 mai 1587..
1 Camusat, Prompt, f° 262, v° à 265 r°,
2 Invent, précité.
8 Arch. du château, pièce en parchemin. 4 Voir plus haut, p. 90.
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112 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
IX. — PIERRE RAGUIER. — Il épousa (contrat du 31 mars 1606) Madeleine de Nicey, fille de Ferry de Nicey, seigneur de Romilly, de Courgivault, Petit-Mesnil et Chaumesnil, Chevalier de l'ordre,gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi, et enseigne de la Compagnie d'hommes d'armes du duc de Guise, et de Charlotte de Lantages, dame d'Esturvy. Elle lui apportait une dot de 12,000 livres 1.
Leurs quatre enfants furent :
1° Gaspard Raguier, qui suit;
2° Antoine Raguier, Père de la Mission, prieur de Bazainville et curé de Saint-Sulpice, à Paris ;
3° Etienne Raguier, page de la petite Ecurie et Chevalier de Malte ;
4° Marie Raguier, religieuse à Laon.
Le 18 décembre 1600, Pierre Raguier rembourse une rente de dix écus sur la terre d'Origny 1.
1602. — Pierre Raguier néglige ses devoirs seigneuriaux à l'égard du roi, et voit son domaine de Poussey en saisie féodale. Cependant, une ordonnancé du 19 octobre 1602 en fait main-levée 1.
L'année suivante, le 8 novembre, il fournit aveu et dénombrement au roi et au Chapitre de la Sainte-Chapelle, et renouvelle cette formalité pour le Chapitre, le 22 décembre suivant 2.
« Le Dimanche 23 octobre 1605, lendemain de l'entrée » faite en la ville de Troyes par R. P. en Dieu messire » René de Breslay, Evesque de Troyes, environ les sept » heures du matin, estant ledit Evesque en une chapelle » appellée la sacristie ou revestiaire proche de la chapelle » Nostre Dame aux Nonnains dudit Troyes.... se seroit
1 Invent, précité. 8 Arch. du Château.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 113
» présenté en personne Pierre Raguier, escuyer, sieur et » baron dudict Poussey, qui, ayant son espée hors de son » costé et un genoüil en terre, auroit fait les foi et hom» mage audit sieur Evesque 1 à la charge de fournir dénom» brement dans quarante jours. . ... Ce fait, ledit Pithou » (suppléant volontaire du baron de Saint-Just) aussi au » premier rang au costé senestre, ledit sieur Pierre ». Raguier estant derrière au costé dextre et ledit sieur » Loys Raguier (frère de Pierre, suppléant volontaire du » baron de Méry) à costé senestre, auroient enlevé ledit » sieur Evesque estant assis en une chaire en ladite chap» pelle Nostre Dame de derrière, et iceluy porté à bras » jusque devant la principalle porte et entrée de ladicte » église Nostre Dame, et de cette principalle porte ledit » sieur Evesque estant en ladite chaire auroit esté porté » sur les épaules de quatre hommes préposez par lesdits » Daniel Pithou, sieurs de Poussey et Chastel jusques au » choeur de l'Eglise de Saint-Pierre dudit Troyes avec » l'assistance desdits Daniel Pithou, sieurs de Poussey et w Chastel, qui tenoient de la main du rang et ordre cy » dessus déclarez les basions de laditte chaire 2. »
Le premier décembre 1611, Pierre Raguier obtint du bailli de Troyes des lettres en forme de Terrier pour sa seigneurie de Poussey. Il avait obtenu la même faveur, le
8 juin 1611, pour sa terre d'Origny, et les lettres furent entérinées au bailliage de Sens, le 9 mars 16123.
Nous ne savons à quel titre Pierre Raguier payait une rente au sieur de Dampierre ; il en fit le remboursement le
9 juillet 1614.
Le dernier acte que nous trouvons de lui est un aveu et
1 Arch. de l'Aube, G, 467.
2 Camusat, Prompt., f. 265-266.
3 Inventaire précité.
T. LIII 8
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114 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
dénombrement de la baronnie de Poussey, rendu à l'Evêque de Troyes, le 9 décembre 1620. Nous croyons néanmoins qu'il vécut encore plusieurs années.
S. — GASPARD RAGUIER. — Qualifié marquis à partir de 1644, Gaspard Raguier transmit ce titre à ses descendants; mais il est le plus souvent appelé baron de Poussey et du Châtel. Il n'ajouta à ces titres celui de seigneur d'Esclavolles, Sacconnay et Potangis, qu'après son mariage (contrat du 15 mars 1640) avec Claire de La Roëre, dite de Guesdon, vicomtesse de Sacconnay, dame de Potangis et d'Esclavolles, fille d'honneur de la feue reine, dame d'atour de la duchesse douairière d'Orléans, et dame d'honneur de la duchesse de Guise. Elle était fille de Jacques de La Roëre de Guesdon et de Jeanne-Baptiste de Marmier.
Ils eurent cinq enfants :
1° Armand Raguier, comte d'Esclavolles, tué en 1667, au siège de l'Isle, capitaine lieutenant de la mestre de camp, général de la cavalerie légère ;
2° Armand Raguier, qui suit ;
3° François Raguier, destiné à l'Eglise, seigneur d'Esclavolles et Potangis, pour deux cinquièmes ; il était mort le 30 juin 1677;
4° Marie Raguier, abbesse de Notre-Dame de Sézanne ;
5° Claire-Clémence Raguier.
Le 4 février 1627, nous trouvons un contrat de constitution de rente de 100 ", portée plus tard à 200 f\ au profit de l'abbaye de Notre-Dame de Sézanne; nous ignorons quelle fut l'occasion de cette libéralité.
Quand Marie Raguier entra en religion, le marquis de Poussey lui servit une rente viagère de 200 n, dont les arrérages furent réglés le 1er juin 1730, date probable de la mort de cette religieuse, devenue abbesse. En y comprenant les arrérages de la rente annuelle de 200 ", due à
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 115
l'abbaye, le chiffre s'élevait alors à 3212 ". Le marquis s'engagea à liquider cette situation en payant 300 # par an jusqu'à extinction intégrale de la dette 1.
A l'occasion de son mariage avec Claire de Guesdon, et de la succession qui lui échut par la mort de ses beauxfrères, J.-B. et Jacques,de Guesdon, Gaspard Raguier paya, le 29 mars 1640, des droits de relief au duc d'Angoulême, comme procureur général du comte d'Alais, son fils, seigneur de Sézanne, à cause des terres et seigneuries d'Esclavolles et Potangis 1.
Cette succession suscita de longues difficultés avec la branche de Chamoy ; elles n'ont, aucun intérêt aujourd'hui ; nous ne les mentionnerons pas.
Ce doit être par suite d'arrangements de famille que Gaspard Raguier signa, en faveur de François Pierron, une obligation de 3420", le 17 avril 1640.
Aussitôt en possession de son nouveau domaine d'Esclavolles, Gaspard voulut faire dresser l'état des maisons, bâtiments, jardins, et établir le partage des terres avec les habitants. Ceux-ci paraissent y avoir mis peu d'empressement ; car Gaspard les fit assigner en la juridiction des eaux et forêts à la Table de marbre du Palais, à Paris, en 1641 Il voulut régler aussi l'affaire des pâtures, dont nous avons parlé ailleurs 2.
Le terrier de ce domaine, réclamé en 1640, ne fut commencé que le 22 septembre 16451.
C'est à cause de cette seigneurie, augmentée de celle de Beaune, que Gaspard Raguier présenta aveu et dénombrement à Messire Pierre de. Gondy, duc de Retz, la terre de Beaune dépendant du fief de Cabarect, qui lui appartenait.
Une longue discussion eut également lieu entre le pro1
pro1 précité.
2 Voir plus haut, p. 92.
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116 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
cureur du roi et le baron de Poussey, au sujet du droit d'hommage et de dénombrement. Le premier avait fait saisir le domaine. Gaspard Raguier protesta, disant qu'il ne relevait que de l'Evêque de Troyes et du Chapitre de la Sainte-Chapelle du Bois-de-Vincennes. L'affaire n'était pas encore terminée en 16721.
Il est même probable qu'elle se prolongea jusqu'au siècle suivant, car le 26 mars 1729, Anne Raguier, alors marquis de Poussey, soutenu par le Chapitre du Bois-de-Vincennes, obtenait main-levée d'une saisie féodale, faite sur la terre de Maizières-la-Grande-Paroisse, par le substitut du procureur général du roi au bureau des finances de la généralité de Châlons 1.
XL — ARMAND RAGUIER. — Il est qualifié chevalier, marquis de Poussey, capitaine lieutenant de la mestre du camp, après la mort de son frère aîné.
Le 21 mai 1676, il rendit foi et hommage au roi, non point pour Poussey, mais pour Esclavolles et Potangis, tant en son nom qu'au nom de sa soeur, Claire-Clémence Raguier.
Le 30 juin 1677, il payait des droits de relief, à l'occasion du décès de son frère, François Raguier, dont il héritait 1.
XII. — HECTOR RAGUIER. — Nous n'avons trouvé que le nom de ce seigneur, sans aucun détail.
XIII. — ANNE RAGUIER. — Il est qualifié chevalier, marquis de Poussey, seigneur d'Origny, Sacconnay, Esclavolles et Potangis.
Il épousa Angélique-Cécile de Bailleul, qui mourut le 10 juillet 1706, âgée de 50 ans.
Le 7 décembre 1680, Anne Raguier, en sa qualité de seigneur de Potangis, reçoit foi et hommage d'Hercule de Belloy, lieutenant général pour Sa Majesté au gouvernement
1 Inventaire précité.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 117
de la province de Brie, pour les deux tiers en deux cinquièmes de la seigneurie de Montgenost, au bailliage de Sézanne, mouvaut en plein fief de la seigneurie de Potangis; l'autre tiers était de la mouvance du roi, à cause de la châtellenie de Sézanne.
Le même acte fut renouvelé, le 10 juillet 1715 et le 1er février 1718, par Edouard Le Gras de Vaubercey, seigneur de Montgenost 1.
Le 17 juin 11 1, il recevait, au même titre, foi et hommage de François Christophe de Blois, à cause du quart des dîmes de grains, gros et menus, et vins du terroir de la paroisse de Saint-Fergel (la Saulsotte), au bailliage de Provins, mouvante en fief de la seigneurie de Potangis 1.
Le 29 mars 1681, Anne Raguier présente aveu et dénombrement pour son fief de Poussey aux trésorier, chanoines et Chapitre de la Sainte-Chapelle du Bois-deVincennes 1.
Il néglige cette formalité à l'égard du roi, et, le 17 novembre 1733, il voit sa seigneurie d'Esclavolles saisie féodalement; mais il en appelle au Parlement, le 27 avril 1735 1».
Anne Raguier était jaloux de son droit de chasse, car il fit condamner, le 9 février 1686, à 10 " de dommages et intérêts un nommé Jacques Jolly, qui s'était livré à ce plaisir sur ces terres, avec défense de renouveler ce délit, sous peines plus graves et dépens 1.
Anne Raguier n'eut qu'une fille, Angélique Cécile, qui se maria, le 13 septembre 1713, à Jean-Charles de Mesgrigny, comte d'Aunay, et cette alliance fit rentrer la seigneurie de Poussey dans la famille de Mesgrigny, qui la possédait au XIVe siècle.
1 Inventaire précité.
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118 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
§ IV.
Derniers Seigneurs de Poussey.
XIV. — JEAN-CHARLES DE MESGRIGNY. —Né vers 1682, Jean-Charles de Mesgrigny, était comte d'Aunay, seigneur d'Epiry, de Marcilly-le-Hayer, etc. Sa carrière militaire fut des plus brillantes. Aide de camp de M. de Vauban, il concourut à la défaite des Anglais sur les côtes de Bretagne, dans la baie de Camaret, le 18 juin 1694. Lieutenant en 1498, il servit successivement au camp de Compiègne, à l'armée de Flandre, et assista à la défaite des Hollandais sous Nimègue, en 1702. Capitaine en 1703, il se trouva au combat d'Eckeren, dans l'armée de la Moselle, à la bataille de Ramillies, à l'armée de Flandre et à la bataille d'Oudenarde, en 1708. Colonel du régiment d'infanterie appelé Régiment de Mesgrigny, il tint tête au duc de Malborough, en 1709, se distingua aux sièges de Douai, de Quesnoy, de Bouchain, en 1712, de Landau, de Fribourg, en 1713. Colonel du régiment du Vexin, le 9 juillet 1732, et brigadier le 20 février 1734, il passa à l'armée d'Italie pour ne rentrer en France qu'en 1736. Nommé maréchal de camp, le 1er mars 1738, il quitta le régiment du Vexin et commanda en Flandre. Lieutenant-général des armées, le 2 mai 1744, il commanda à Dunkerque, et ne rentra dans ses foyers que le 1er mars 1749. Il mourut en janvier 1763.
Jean-Charles de Mesgrigny avait épousé, le 13 septembre 1713, Angélique-Cécile Raguier de Poussey, dont il eut trois enfants :
1° Jean de Mesgrigny, chevalier, comte d'Aunay, colonel du régiment du Vexin, né en 1 717, mort sans postérité en 1738;
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 119
2° Marie-Edmée de Mesgrigny, morte au berceau ;
3° Marie-Claire-Edmée ou Aimée, comtesse d'Aunay, née en 1719 ou 1720, mariée, le 15 mars 1738, à Louis Le Pelletier de Rosambo, président à mortier au Parlement de Paris.
XV. — Louis LE PELLETIER DE ROSAMBO. — Cette famille était originaire du Mans et portait: d'azur, à la croix pattée d'argent, chargée en coeur d'un chevron de gueules, en pointe d'une rose du même, boutonnée d'or, et de deux molettes d'éperon de sable sur la traverse, de chaque côté du chevron 1
Ce personnage, seigneur en partie dé Méry, du Mothois, commune de Marcilly-le-Hayer, d'Orvilliers, Origny et baron de Poussey et de Maizières-la-Grande-Paroisse, était le petitfils de l'illustre Claude Le Pelletier, qui, parmi ses dix enfants, donna des magistrats à la société et des prélats à l'église.
Il était mort, le 9 août 1760, et sa veuve ne lui survécut guère. Elle s'éteignit au château de Madrid, près de Paris, le 10 juillet 1761, dans sa 41e année.
L'année suivante, une rente fut constituée sur Marcillyle-Hayer, au nom de leurs trois enfants mineurs ;
1° Louis Le Pelletier,qui hérita de la baronnie de Poussey; 2° Charles-Louis Le Pelletier, chevalier de Malte ; 3° Marie-Louise Le Pelletier, qui mourut religieuse.
XVI. — Louis LE PELLETIER DE ROSAMBO. — Il possédait les mêmes fiefs que son père et, comme lui, il remplit les fonctions de président à mortier au Parlement; il épousa la fille du courageux défenseur de Louis XVI, dame AntoinetteMarguerite-Thérèse de Lamoignon-Malesherbes.
1 La Chesnaye.
2 Arch. de l'Aube, E, 196,
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120 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
Leur résidence préférée était sans doute Villeneuve-auRoi, propriété de famille; car ils vendirent le domaine de Poussey, le 29 janvier 1791, à François-Etienne Lenoir de Balay.
Louis Le Pelletier de Rosambo porta noblement sa tête sur l'échafaud, avec son beau-père, sa femme et sa fille. Il nous paraît d'un intérêt touchant de rappeler leurs derniers moments. Malesherbes venait de s'efforcer en vain d'arracher Louis XVI à la mort. Découragé, il s'était retiré avec sa famille dans sa terre de Malesherbes, quand, par ordre du Comité de sûreté générale, on vint arracher sa fille d'entre ses bras pour la traîner en prison avec son mari. Malesherbes conjura les tyrans de lui permettre de partager les fers de son enfant chérie. Cette faveur lui fut accordée. Dès le lendemain, il était arrêté et renfermé à Port-Royal. Le 3 floréal an II (22 avril 1794), Malesherbes, M. et Mme de Rosambo et leur fille étaient traduits devant le tribunal révolutionnaire, condamnés à mort et exécutés 1.
XVII. — FRANÇOIS-ETIENNE LENOIR DE BALAY. — Il portait le titre d'écuyer, et était fils de Joseph Lenoir, écuyer, conseiller-secrétaire du roi, maison, couronne de France, et de ses finances, et d'Anne-Ursule Delabat. Né à Paris, le 20 novembre 1718, il se maria, le 9 janvier 1747 à Marie-Jeanne Arnoult de la Moninarie, née le 5 mai 1728, de Joseph Arnoult de la Moninarie, bourgeois de Paris, et de Marie-Jeanne de Grandchamps, veuve en premières noces de François Rias de la Dieudie, également bourgeois de Paris.
L'époque tourmentée pendant laquelle ces seigneurs séjournaient au château de Poussey, ne nous a transmis aucun détail sur leurs faits et gestes.
M. Lenoir de Balay mourut le 20 janvier 1804 et sa
1 Feller, Bict. universel.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 121
femme le 17 janvier 1808. Leur fils, Michel-Etienne Lenoir de Balay était sans doute mort avant ses parents; car sa mère, par un testament du 6 brumaire, an XIII (27 novembre 1804),.disposa de ses immeubles en faveur d'un de ses cousins, Jean-Louis Bayle.
Elle n'oublia pas les pauvres des Grauges et leur légua une somme de 200 fr.
XVIII. — JEAN-LOUIS BAYLE. — En vertu du legs de sa cousine, Jean-Louis Bayle devint seigneur de Poussey, Maizières, les Granges, Origny et Méry. C'était un ancien religieux de la Chartreuse de Cahors, que la Révolution avait chassé de son couvent. Il était natif d'Ax, et habitait Paris, 10, rue de Turenne; mais il semble avoir affectionné; la résidence de Poussey. Il rendait son séjour utile aux habitants de la paroisse privés de curé, en célébrant les offices dans leur église et leur administrant les sacrements. Il fit plus encore. Il donna deux autels en marbre blanc, qui n'existent plus aujourd'hui, et fit reconstruire à ses frais le choeur et le sanctuaire tombés de vétusté. Pour perpétuer le souvenir de ce bienfait, on fit graver sur un cartouche de marbre blanc, placé au-dessus de la porte intérieure de la sacristie, l'inscription suivante :
D. J. Ludovico Bayle de Poussey cujus munificentia et pietate
è ruinis
hujus ecclesiae sanctuarium
exortum est
Cives grati
MDCCCXVII
A M. J. Louis Bayle de Poussey dont la munificence et la piété
ont tiré de ses ruines
le coeur (sic), de cette église
La commune de Maizières
reconnaissante
1817
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122 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
M. Bayle avait d'autres intentions généreuses, que nous trouvons dans un projet de testament du 7 septembre 1829, postérieur par conséquent au testament authentique du 18 juillet 1825, qui seul fut exécuté. Il voulait fonder au presbytère de Maizières, qu'il avait restauré, un hospice de de quatre lits au moins, portant le nom de Saint-Bruno, pour servir d'asile à quatre vieillards ou infirmes, ainsi que pour recueillir et secourir les passagers. Deux religieuses devaient le diriger, y faire la classe et le catéchisme aux. filles, et visiter les malades. Il affectait une rente annuelle de 600 fr. aux religieuses et autant pour les besoins de l'hospice. En cas de non acceptation par la municipalité de Maizières, le bénéfice de cette largesse passait à l'hospice de Méry ou à celui de Troyes.
M. Bayle demandait à être enterré dans le sanctuaire de Maizières, et laissait une rente de 100 fr. à la fabrique pour célébrer son anniversaire. Ces désirs n'ont pas été réalisés.
Quelques années plus tard, M. Bayle, qui possédait aussi des revenus sur Méry, fit une pieuse largesse à l'hospice de cette ville.
L'incendie de 1814 avait ruiné la chapelle de cet établissement ; il n'en restait plus que quelques pans de murailles. M. Bayle la fit reconstruire entièrement, et telle qu'elle est encore aujourd'hni. Le souvenir en est perpétué par une inscription sur marbre noir, scellée dans le mur, du côté de l'Evangile, auprès de la chaire.
Ad perpetuam doni memoriam. Hujusce sacelli, anno Domini 1814, flammis hostilibus eversi. Munifico Restauratori Baroni Joanni Ludovico Bayle de Poussey Mery baronum dilecto successori Necnon Trecensi canonico Deo et Regi fidelissimo Tota gratissima civitas. Instauravit benefactor anno Domini 1824 : Parocho A. Clivot ; Administratoribus, L. J. A. Blampignon, D. Hubert, V. G. Rosier, J. N. Marelle, P. N. Thomas ; Primatibus, P.P. Vendeuvre, legislatore Patriae devotissimo, B.Bertrand, G. A. Tholotte, L. J. Huguier, L. D. Thomas.
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HISTOIRE DE 1ABARONNIE DE POUSSEY 123
Die 15 mensis Maii anno Domini 1824, ab Administratoribus
statutum fuit : « In hoc templo, sub Sancti Ludovici nostri benefactoris patroni. « Invocatione, omnibus in missis ejus erit commemoratio,
« sacrumque. « Die obitus, et annis postea singulis, die Augusti 24, pro eo
« celebrabitur. »
M. Bayle mourut à Paris, le 29 février 1830, après avoir été honoré du titre de chanoine honoraire de la cathédrale de Troyes 1.
XIX. — J.-B. DE LESSEPS. — Cette famille porte: d'argent, au cep de vigne de sinople, fruité de deux grappes de raisin de sable, planté sur une terrasse du même et surmonté d'une étoile d'azur (État présent de la noblesse française) et André Borel, d'Hauterive, Revue historique de la noblesse, t. III, p. 414.
C'est improprement qu'on regarde M. J.-B. de Lesseps comme propriétaire du domaine de Poussey. Il appartenait à sa femme Marie-Anne-Françoise Bauzil de Rivette, qui le
1 On voit encore aujourd'hui, dans un bouquet de bois, à gauche du Pont de Clairvaux, une grande pierre tumulaire, soutenue par une maçonnerie formant mausolée. Elle n'a plus l'épaisse, feuille d'ardoise qui la recouvrait et portait une inscription. Les enfants l'ont mutilée et en ont dispersé les débris. Elle abrite les restes d'une damé âgée, longtemps commensale de M. Bayle, dont on la croyait parente. A sa mort, M. Bayle lui-même fit connaître qu'elle appartenait à la religion dite réformée, et s'opposa à sa sépulture dans le cimetière paroissial. Il la fit inhumer dans le jardin du château, non loin de la maison d'habitation. Quand MM. Julien firent acquisition de la propriété, ils transportèrent ces restes dans l'endroit poétique, mais isolé, où ils reposent aujourd'hui. Pour fixer et satisfaire la légitime curiosité des habitants de Poussey, qui se perdent en conjectures sur cette personne, nous avons relevé dans les registres communaux le document suivant :
« Le 12 juillet 1811, est décédée, au château de Poussey, à l'âge de 83 ans, Anne-Elisabeth de Gibson, née à Dantzik, en Prusse, veuve de Josué de Kenworthey, écuyer en Angleterre, demeurant depuis plusieurs années chez M. Bayle, seigneur de Poussey. »
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124 HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY
tenait de M. Jean-Louis Bayle : 1 ° comme héritière pour moitié par représentation de dame Marie-Anne Bayle, sa mère, épouse de Jean-Joseph Bauzil de Rivette, et soeur de M. Bayle de Poussey, et saisie de l'autre moitié de cette succession au moyen de la renonciation faite le 12 mai 1830 par sa soeur germaine Jeanne-Paule-Louise-Henriette Bauzil de Rivette, célibataire demeurant à Mirepoix; 2° comme légataire de ce domaine, suivant testament olographe de M. Bayle, du 18 juillet 1825.
Marie-Anne-Françoise Bauzil de Rivette, native de Mirepoix, était fille de Jean-Joseph et de Marianne Baillé. Elle épousa, sous le régime de séparation de biens (contrat du 6 août 1806) J. B. Lesseps, secrétaire élève du Commissariat de France, en Egypte, qui devint plus tard Consul de France, Sous-Préfet de Nogent-sur-Seine et Chevalier de la Légion d'Honneur. Il était fils de Dominique Lesseps, ancien Ministre plénipotentiaire à Bruxelles, et de dame Claire-Charlotte-Thérèse Duc.
La résidence habituelle de Mr et Mme de Lesseps était le château de Poussey, et l'on montre encore le gigantesque peuplier, entre les branches duquel M. de Lesseps s'était établi une sorte de fauteuil, où il se livrait à la lecture et à l'étude.
Par son testament olographe du 12 janvier 1839, rédigé à Nogent-sur-Seine, Mme de Lesseps transmet à son mari l'entière jouissance de la maison de maître de Poussey, de la remise des voitures, de la maison du jardinier et dépendances, des jardins, de la prairie, etc. En outre, elle lui laisse la jouissance viagère de la moitié de sa fortune, à charge de payer la moitié des pensions. Cette dernière clause fut modifiée par ses enfants, qui autorisèrent M. de Lesseps à prélever pendant sa vie, chaque année, sur les revenus de Poussey, dépendant de la succession de sa femme, la somme de 4.000 francs, son bois de chauffage, etc.
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HISTOIRE DE LA BARONNIE DE POUSSEY 125
Madame de Lesseps mourut à Paris, le 15 novembre 1847, et M. de Lesseps au château de Poussey, le 21 juin 1850; il fut euterré au cimetière de Maizières-la-GrandeParoisse, auprès de son épouse qu'on y avait ramenée.
Leurs enfants furent :
1° Elisa-Charlotte de Lesseps, qui épousa M. Gustave Cohorn Vialette de Mortarieu, chef d'escadron, Chevalier de l'ordre royal de la Légion d'honneur, à Montauban ;
2° Julie-Hélène-Angéline de Lesseps, qui épousa M. Louis-Edouard Crespin de la Rachée, à Paris.
XX. — Le domaine de Poussey fut occupé par MM. de Mortarieu et de la Rachée, qui, le 19 novembre 1858, le vendirent à MM. Romain-Arthur et Auguste-Pierre JULIEN, propriétaires à Paris. Les nouveaux acquéreurs firent construire deux ailes de bâtiment de chaque côté de l'ancienne maison. C'est là que, pendant près de trente ans, vivant familièrement au milieu de la population de Maizières, qui les estimait, ils se firent une juste renommée de courtoisie, de générosité et de philanthropie.
C'est à M. Auguste Julien que la commune doit l'établissement d'une Société de secours mutuels, qui rend des services appréciables à la classe ouvrière du pays. L'église doit à tous deux de splendides verrières qui perpétueront leurs noms, et leurs bienfaits.
M. Arthur Julien est mort le 28 novembre 1886, et M. Auguste Julien, le 26 mars 1887. Tous deux sont inhumés au cimetière paroissial.
La propriété, restreinte au château et à ses dépendances les plus rapprochées, vient d'être achetée, le 17 juin 1888, par M. de Préaumont, ingénieur civil.
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TABLEAU SYNOPTIQUE DES BARONS DE POUSSEY
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SUPPLEMENT AU CATALOGUE
DES
LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
PAR
M. CAMILLE JOURDHEUILLE
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ENTOMOLO GIQUE DE FRANCE ET DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
AVANT-PROPOS
A la fin de l'année 1883, au moment même de l'apparition de notre Catalogue des Lépidoptères de l'Aube, nous avions la douleur de perdre notre collaborateur et ami de trente ans, notre regretté collègue Jules Ray.
Après un instant de découragement, nous avons voulu réagir contre le chagrin que nous avait causé la disparition si imprévue de ce zélé compagnon de nos chasses et de nos modestes travaux entomologiques, et, désirant rendre un hommage à sa mémoire en achevant, dans la mesure de nos moyens, l'oeuvre qu'il avait commencée, nous avons terminé dans les vitrines du Musée le classement des Lépidoptères du département.
Cette collection renferme maintenant plus de 1.300 espèces représentées par près de 4.000 individus, tous récoltés dans l'Aube et portant pour la plupart l'indication de la localité et de l'époque où ils ont été recueillis. — C'est pour l'entomologie un commencement de. réalisation
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128 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
de l'idée dirigeante de notre ancien conservateur qui pensait avec juste raison que les Musées de province doivent leur principal intérêt à la réunion des sujets appartenant à la région. — Nous savons que le même travail est commencé pour d'autres ordres d'insectes, et notre conservateur actuel contribuera plus que tout autre à achever la tâche entreprise par son prédécesseur.
Nous avons continué aussi à recueillir les espèces qui avaient jusqu'ici échappé à nos recherches, et dans cette tâche nous avons été secondés par M. le capitaine Chazal, M. Paul Portier, M. Giot, qui nous ont communiqué des espèces très intéressantes, regardées jusqu'ici comme appartenant à des contrées toutes différentes. Nous avons nous-même étudié spécialement certaines familles jusqu'alors négligées. C'est ainsi que, par l'éducation des chenilles, nous avons obtenu douze nouvelles espèces d'Eupithecia, sept espèces de Coleophora, etc.
Grâce à ces diverses découvertes, nous présentons aujourd'hui à la Société une liste de 139 espèces nouvelles pour l'Aube, ce qui porte à 1.515 le nombre des espèces de Lépidoptères signalés dans le département.
Il reste cependant encore bien des découvertes à faire. Certaines parties du département, notamment les environs de Villenauxe et les bords de l'étang de Lahore, n'ont pas encore été explorées, et réservent, sans aucun doute, bien des surprises aux entomologistes qui pourront les étudier à loisir.
Nous avons cru devoir joindre à ce Supplément une table alphabétique qui permettra de rechercher, tant dans le Catalogue que dans son Supplément, tout genre et toute espèce sur lesquels on voudrait avoir un renseignement.
Paris, 25 mars 1889.
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PREMIERE PARTIE
MACRO-LÉPIDOPTÈRES
8. — ANTHOCHARIS B.
44. — Belia Gr.
Cette espèce, indiquée comme rare dans notre Catalogue, a été trouvée en nombre, plusieurs années de suite, par M. Portier, sur le plateau de la Folie, en face de Bar-sur-Seine. Elle volait en abondance dans les premiers jours d'avril. — Sa variété estivale, Ausonia, volait vers le 18 juin dans la même localité.
15 - THECLA F.
83. — Acaciae F.
Cette espèce ne paraît pas rare dans la forêt de Clairvaux, où nous l'avons trouvée en nombre, le 27 juillet 1888, posée sur les fleurs de serpolet, le long des talus de la route qui conduit à la fontaine Saint-Bernard. A cette date, les exemplaires que nous avons recueillis étaient déjà passés.
La chenille vit, d'après Sand, sur le chêne,' d'après d'autres auteurs, sur le prunellier. Cet arbuste est très abondant dans la localité indiquée ci-dessus. Il y aurait donc lieu de l'y rechercher vers la fin de mai ou au commencement de juin. Elle n'a jamais été figurée.
81. — Ilicis Esp. V. Cerri Hb.
Cette variété Ç, caractérisée par la grande tache fauve des ailes supérieures, est plus abondante que le type dans le département.
T. LIII 9
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1 30 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
128. — Argiades Pall. V. Polysperchon Berg.
C'est la première génération de l'espèce, dont elle se distingue par une taille beaucoup plus petite. On la trouve en avril, mai, mais elle est plus rare.
26. — VANESSA F. 208. — Levana L.
Cette jolie espèce, que nous avions jusqu'ici inutilement cherchée dans l'Aube, a été prise, en 1886, par M. Portier, dans les environs immédiats de Bar-sur-Seine. Il la trouve depuis en nombre ainsi que sa variété Prorsa.
Elle vole sur les orties, vers le 25 avril. La chenille vit par petites familles sur Urtica dioica, en septembre.
V. — Prorsa. Variété estivale de Levana, chenille en juin.
31. — MELANARGIA. 275. — Galathea L. — Ab. Lieucomelas Esp.
Nous avons pris deux exemplaires de cette variété dans la forêt de Clairvaux (20 juin).
40. SYRICHTUS B. 426. — Malvae L.— Ab. Taras Meyg. = Alveolus Hb.
Nous avons trouvé deux exemplaires de cette jolie aberration, dans les allées herbues de la forêt de Larrivour, en mai.
HESPERIA B. 441. — Actéon Rott.
Cette espèce, que nous avions indiquée comme rare, est très commune, fin juillet, sur les coteaux de Bar-sur-Seine et de Clairvaux. M. Paul Portier l'y a récoltée en nombre.
La chenille n'a pas encore été observée. Elle doit vivre comme ses congénères, sur les graminées.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 131
47. — DEILEPHILA 0.
479. — Nerii L.
Plusieurs chenilles de cette magnifique espèce ont été trouvées à Troyes, en septembre 1884, par M. Giot, sur les lauriers-roses cultivés dans la ville.
L'insecte parfait, originaire des bords de la Méditerranée, se répand dans certaines années chaudes jusqu'en Angleterre. Son apparition dans presque toute la France a été signalée notamment en 1884 et 1886.
53. — SESIA F. 519. — Culiciformis L.
Plusieurs exemplaires de cette espèce ont été pris par M. Portier, dans la plaine de Foolz, au commencement de mai, volant autour des bouleaux.
La chenille vit dans le tronc et les branches du bouleau ; elle se chrysalide fin avril.
562. — Chrysidiformis Esp.
Cette espèce, qui n'est point rare dans l'Aube, a été omise dans notre Catalogue. Elle vole sur les fleurs des prairies, fin mai, juin.
La chenille vit dans les racines de divers grands Rumex, notamment R. Crispus.
THYRIS III.
Fenestrella Sc.
La chenille que l'on croyait endophyte — ce qui a déterminé le classement du genre Thyris à côté des Sésies—vit, au contraire, enroulée dans les feuilles de la clématite, à la manière des tordeuses. Nous l'avons trouvée nous-même à Clairvaux, le 31 juillet, autour de la maison centrale.
68. — NOLA.
658. — Togatulalis Hb.
Un exemplaire qui existe dans la collection Dupin paraît avoir été pris dans l'Aube.
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132 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
La chenille vit en mai sur les lichens des chênes, mais, comme toutes les espèces de ce genre, elle paraît s'accommoder aussi des feuilles, au moins en captivité.
667. — Albula Hb.
Un exemplaire de cette espèce a été pris par M. Chazal à la gare de Preize, le 7 août 1885. La chenille n'est pas connue.
73. — LITHOSIA. 702. — Lutarella L. = Luteola Schiff.
À. C. — Sur les coteaux de Bar-sur-Seine, où M. Portier l'a prise le 3 août 1886.
Cette espèce vole ordinairement au soleil, et se pose sur les fleurs d'Eryngium campestre.
La chenille qui, d'après Sand, vit sur les lichens des bruyères et des arbres, ne paraît pas avoir été bien observée.
718. — D. Pulchella L.
Cette charmante espèce paraît s'être acclimatée dans l'Aube depuis quelques années. M. Chazal l'a prise en nombre autour de la gare de Preize, le 8 juin et le 8 août 1886 ; il l'a retrouvée également en 1887 et 1888.
736. — Purpurata L.
La chenille de cette espèce est extrêmement commune dans tous les étangs plus ou moins desséchés du canton de Lusigny, notamment dans celui du Petit-Beaumont, forêt de Larivour. On la prend jeune, à l'automne, en fauchant les herbes desséchées sur lesquelles elle se tient. En avril, on la trouve à presque toute sa taille, appliquée contre les tiges sèches de chardons, ou sur le sol dévorant diverses plantes basses.
744. — Ch. Maculania Lang = Civica Hb.
En avril 1888, M. Portier a trouvé la chenille en abondance sur les coteaux de Bar-sur-Seine, et a obtenu facilement de beaux exemplaires de celte rare espèce. Ils sont éclos du premier au douze juin.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 133
99. — FUMEA. 868. — Roboricolella Brd.
Plusieurs exemplaires d'éclosion, 5 juin, Lusigny. Le fourreau, ressemblant beaucoup à celui de Intermediella, mais plus petit, est commun sur le tronc des chênes, à Lusigny.
112. — LASIOCAMPA. 941. — Pini L.
Un exemplaire d'éclosion, fin juillet, obtenu par M. Chazal d'une chenille trouvée à Mailly, en mai 1884.
Depuis, la chenille, qui vit sur le pin sylvestre, a été trouvée plusieurs fois par M. d'Antessanty et par nous dans les plantations de pins de la Champagne crayeuse.
Le type de l'insecte parfait varie beaucoup. Dans l'Aube, il est de petite taille et de nuance peu foncée.
La chenille hiverne, jeune encore, allongée sur une jeune, branche, contre l'écorce, avec laquelle elle semble faire corps. Elle grossit rapidement en mai, juin, se chrysalide à la fin de ce mois pour éclore en juillet.
Il faut espérer que cette espèce ne se multipliera pas au point de devenir nuisible, comme elle l'est en Allemagne.
DREPANA.
958. — Curvatula Bkh.
Un exemplaire de la collection Dupin paraît avoir été pris dans l'Aube. Chenille en juin et septembre, sur le bouleau et le chêne.
Nota. — Les espèces du genre Drepana se rencontrent rarement à l'état d'insectes parfaits, mais il est facile de se les procurer en élevant les chenilles que l'on trouve aisément, non point en battant, car elles se cramponnent avec force, mais en cherchant les feuilles légèrement incurvées. Elles se tiennent sur la surface supérieure qu'elles ont tapissée de soie. J'ai pu obtenir ainsi en nombre sur l'aune et sur le bouleau les D. Falcataria et Lacertinaria que j'avais considérées comme rares.
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1 34 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
122. — NOTODONTA O. 980. — Torva Hb.
A. R. —Ervy, Lusigny, d'éclosion, 25 août.
Chenille en juillet et septembre, sur le bouleau et le tremble.
125, — DRINOBIA Dup.
994. — Melagona Bkh.
Un exemple a été trouvé à Bar-sur-Seine, par M. Portier, en mai. Chenille en juillet et septembre sur le chêne et le hêtre.
131. — GONOPHORA Brd. 1011. — Derasa L.,
T. R. — Deux exemplaires de cette charmante espèce que nous n'avions pu trouver malgré toutes nos recherches, ont été pris cette année dans son jardin de Preize, à la miellée, par M. Chazal, le 7 juillet.
La chenille vit comme celle de Batis sur les ronces et le framboisier. Mais au lieu de se tenir à découvert au-dessus de la feuille elle se fixe en-dessous ou s'abrite dans des feuilles sèches roulées ensemble.
137. — ARSILONCHE Ld.
1028. — Albovenosa Gotze=Venosa Bkh.
Un exemplaire pris à Troyes, dans son jardin de Preize, au crépuscule, le 3 août, par M. Chazal.
La chenille vit en juillet sur les Carex, Iris, Rumex, et plusieurs autres plantes de marais.
142. — ACRONYCTA O.
1039. — Strigosa F.
Un exemplaire de cette rare espèce a été pris à Troyes par M. Chazal. J'en ai trouvé moi-même la chenille à Lusigny, au bord de la forêt de Larivour, en battant les prunelliers.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 135
Cette chenille vit fin août, septembre, sur l'aune, le bouleau et surtout le prunellier.
1051. — Euphorbiae F.
Un exemplaire a été pris à la gare de Preize, par M. Chazal, le 11 mai 1885.
Cette espèce, commune en Allemagne, où elle semble remplacer Euphrasiae, est rare en France, elle a les mêmes moeurs que cette dernière.
148. — AGROTIS 0.
1220. — A. Obelisca, V. Ruris.
Un exemplaire de cette variété a été pris à Ervy, par M. Dupin.
151. — NEURONIA Hb.
1250. — Popularis F.
C'est cette espèce que nous avons trouvée aux Riceys, et c'est à elle que se réfèrent les renseignements mentionnés dans notre Catalogue sous le numéro 1251, page 65. La N. Cespitis n'a pas encore été trouvée dans l'Aube.
152. — MAMESTRA Tr.
1260. — Thalassina Bkh.
Un exemplaire à Lusigny, pris le 14 août, à la miellée. La chenille vit en septembre, octobre, sur le genêt à balais.
1266. — Albicolon Hb.
Un exemplaire, pris en juin 1887, par M. Chazal, au crépuscule, volant sur les fleurs de son jardin.
Chenille en août sur les plantes basses, plantain, oseille, pissenlit, d'après Freyer. D'après Sand, en avril. Il ajoute qu'elle se cache souvent dans la journée sous les écorces de peupliers.
153. — DIANTHOECIA.
1296. — Luteago Hb.
Un exemplaire pris par M. Giot à Macey, sur le tronc d'un pin, le 8 juin. Un autre pris à Troyes, par M. Chazal. Chenille en août.dans les racines de Silene inflata.
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136 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
1317. — Carpophaga Hb.
Un exemplaire trouvé à Troyes, au crépuscule, par M. Chazal, le 25 juin. La chenille vit dans les capsules de Silene inflata.
163. — POLIA Tr. 1356, — Canescens Dup.
C. — Certaines années, du 25 août au 20 septembre, à Arcis. R. — Troyes, sur les palissades, les troncs d'arbres. Sa couleur blanche la fait facilement découvrir.
La femelle, beaucoup plus rare que le mâle, pond environ 350 oeufs très petits.
La chenille est polyphage et vit de plantes basses.
Cette espèce se multiplie beaucoup certaines années (1884, 1885). En 1887 et 1888, elle a complètement disparu à Arcis où j'en récoltais les années précédentes une dizaine d'exemplaires tous les matins.
169. — VALERIA Germ.
1379. — Jaspidea Vill.
Un exemplaire trouvé à Courtenot, sous une pierre, le 14 avril 1883.
La chenille de cette rare espèce vit en juin sur le prunellier. Dans la journée, elle se cache au pied de la plante, sous les pierres.
171.—APAMEA Tr. 1376. — Testacea Hb.
A. R. — Troyes, Lusigny, sur les palissades, au commencement de juillet. La chenille vit, à la fin de mai, de racines de graminées.
172. - LUPERINA B. 1383. — Virens L.
Un exemplaire pris par nous à Arcis, le 12 septembre 1889 en
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DEL'AUBE 1 37
battant les branches de pins. Il vole le soir sur les scabieuses et les chardons dans le courant d'août.
La chenille vit sur les fétuques en mai, juin, et se cache pendant le jour dans la terre.
173. — HADENA Tr. 1421. — Sublustris Esp.
Un exemplaire figurait dans la collection Dupin. Préparé par lui, il semble avoir été pris dans l'Aube.
1442. — Bicoloria Vill. ab. Rufuncula Hw.
A. C. — Avec les autres variétés.
202. — LEUCANIA 0. 1502. — Impura Hb.
C. — En juin et août, dans tout le département, en même
temps que Pallens, avec laquelle elle se trouve souvent confondue.
On la distingue cependant facilement de cette dernière par la
couleur plus foncée de ses ailes inférieures, la présence de trois
petits points noirs disposés en triangle sur les ailes supérieures, etc.
Elles volent toutes deux au crépuscule sur la valériane des jardins, le phlox, etc.
Chenille en avril sous les graminées,
208 — CARADRINA 0. 1566. —Superstes Tr.
Uu exemplaire dans l'ancienne collection Dupin paraît avoir été pris dans l'Aube.
213. — TAENIOCAMPA Gn.
1597. — Pulverulenta Esp. = Gruda Gn. = Ambigua Hb.
Espèce omise dans notre Catalogue. C. — Dans tout le département, en mars, avril. Chenille en mai sur le chêne. Comme celle d'instabilis, elle a un trait blanc transversal sur le onzième anneau, mais elle s'en dis-
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138 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
tingue facilement par ses lignes claires longitudinales et son aspect luisant, comme vernissé.
1600. — Gracilis F.
La chenille de cette espèce vit principalement sur les plantes basses et non sur le chêne. Elle est très commune en juin, sur la lysimaque vulgaire, dont elle attache les pousses avec dés fils de soie, dans tous les étangs de la forêt de Larivour.
218. — DICYCLA Gn.
1613 — Oo L.
R. — Lusigny, d'éclosion.
La chenille vit en mai sur le chêne.
ORRHODIA Hb. 1665. — Vaccinii L. V. Spadicea Hb.
R. — Lusigny, avec le type.
243. CUCULLIA Schk.
1713. — Scrophulariae Esp.
R. — Lusigny, d'éclosion, juin.
La chenille vit en juillet sur la scrophulaire aquatique. Je l'ai trouvée, mais rarement, sur les bords de la Barse.
1747. — Absinthii L.
Trouvée d'abord à la gare de Preize, par M. Chazal.
La chenille vit fin août sur Artemisia vulgaris, dont elle mangé les fleurs. Je l'ai trouvée communément en 1887, près de là gare d'Arcis. Le papillon m'est éclos le 20 juillet de l'année suivante.
247. — PLUSIA 0.
1764. — Moneta F.
Plusieurs exemplaires, pris par M. Chazal dans son jardin, à Troyes, en 1887 et 1888 (20 août), volant sur un pied d'Aconit napel,
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 139
La chenille vit en juin et août sur cette plante dont elle dévore les fleurs. M. Chazal en a trouvé un individu sur le pied d'aconit, autour duquel il avait vu voler l'insecte parfait. J'ai vainement cherché autrefois cette espèce dans les environs de Bar-sur-Aube, où la plante qui la nourrit croît à l'état sauvage. De nouvelles recherches donneraient.peut-être un meilleur résultat.
1788. — Iota L.
Un exemplaire pris le 18 juin à Troyes par M. Chazal. La chenille vit au commencement d'avril et de juin sur l'ortie et le chèvrefeuille.
289, — TOXOCAMPA.
1993. — Lusoria L.
Un exemplaire pris par M. Dupin, à Ervy. Cette espèce se trouvait confondue dans sa collection avec Pastinum. Chenille en mai sur Astragalus Glyciphillos.
1997. — Graccae F.
Un exemplaire, pris par M. Chazal, à la miellée, dans son jardin de Troyes. — Un autre a été pris par M. Portier, à Barsur-Seine, 15 août.
La chenille vit sur Vicia Gracca en mai, juin.
295, — ZANCLOGNATHA Ld.
2006. — Tarsiplumalis Hb.
Un exemplaire, forêt de Larivour, 8 juillet. Chenille vivant l'hiver dans les feuilles sèches.
2012. — Tarsicrinalis Knoch.
Deux exemplaires, collection Dupin. Cette espèce, souvent confondue avec Tarsipennalis Tr., en diffère par les caractères suivants : antennes sans aucune nodosité, pinceau anal divisé en deux pomme une queue de poisson, subterminale un peu ondulée. ;
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140 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
297. — HERMINIA Latr. 2019, — Cribrumalis Stph.
Un exemplaire trouvé dans les environs de Troyes par M. Giot. J'en ai pris moi-même la chenille en fauchant, dans la forêt de Larivour (octobre 1887).
Cette chenille, comme ses congénères, vit de feuilles sèches.
301.—HYPENODES Gn. 2041. — Costaestrigalis Stph.
Un exemplaire pris à Troyes, le 5 septembre, à la miellée, par M. Chazal.
Cette espèce vient aussi au réflecteur. Ses premiers états ne sont pas connus.
313. —ACIDALIA Tr.
2094. — Ochrata Sc.
A. R. — Vole vers le 10 juillet, en plein jour, dans les friches des fermes de Bailly. La chenille vit de plantes basses en mai.
2105.—Moniliata F.
Jolie espèce méridionale dont M. Portier a trouvé un exemplaire, le 18 juillet 1887, sur les friches de Bar-sur-Seine.
La chenille qui, comme ses congénères, vit de plantes basses, n'a jamais été trouvée en liberté, mais elle a été élevée de l'oeuf et figurée par Millière dans sa belle iconographie.
2125. — V. Canteneraria. R. — Bar-sur-Seine.
2164. — Holosericeata Dup.
R. — Les Riceys, environs de Troyes, commencement de juillet.
315. — ZONOSOMA Ld.
2221. — Porata F.
R. — Les Riceys, sur les friches du bois de Devois, 8 juillet. Chenille sur les jeunes chênes en juin et septembre.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 141
318. — PELLONIA Dup. 2229. — Galabraria Z.
A. R. — Ervy, Bar-sur-Seine. Vole en juin sur les genêts, dans les clairières des bois secs.
La chenille vit sur Genista scoparia, pilosa et sagittalis. On la trouve au commencement de septembre. Elle descend à terre pour hiverner vers le 15 novembre, se chrysalide en mai.
322. — BAPTA Steph. 2242. — Pictaria Curt.
R. — Plusieurs exemplaires trouvés au commencement d'avril, par M. Chazal, gare de Preize.
Vole, dès le 15 mars, sur le saule marceau en fleurs, et vient au réflecteur.
La chenille vit en juin sur les prunelliers, d'après Sand, et se chrysalide sur la terre après hivernage.
323. — STEGANIA Dup. 2245. — Trimaculata Vill. = Permutaria Hb.
A. R.. — Sur les troncs d'arbres, bord du canal, dans le voisinage du petit bois de Fouchy, fin juin.
Chenille en juin et septembre sur le peuplier. Se chrysalide dans une feuille pliée, ou entre les écorces.
Ab. — Cognataria Ld.
Avec le type.
328. — EUGONIA Hb.
2261 — Fuscantaria Hw
Un exemplaire de cette rare espèce se trouvait mélangé aux E. automnaria de M. Dupin. Il a été préparé par lui et paraît avoir été pris à Ervy. — On prend le papillon en battant, au commencement d'août.
La chenille, qui vit sur le frêne en juin, doit être recherchée avec soin par les entomologistes dans tous les petits bois des environs de Troyes, où le frêne est abondant.
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142 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
332. — ODONTOPTERA Stph,
2270. — Bidentata Cl.
R. — Lusigny, d'éclosion.
La chenille vit à la fin de septembre sur le chêne et aussi sur d'autres arbres et arbustes, car, en automne 1886, j'en ai trouvé plusieurs exemplaires sur les Tamarix de mon jardin.
336. — ANGERONIA Dup. 2277. — Prunaria V. Corylata Thnb. = Sordiata Fuess. R. —Trouvée à Bar-sur-Seine par M. Portier.
341.— EPIONE Dup.
2285. — Vespertaria Stph. = Parallelaria Schiff.
Un exemplaire, forêt d'Aumont, fin juin. Chenille en mai sur les jeunes trembles et aussi, d'après Sand, sur le noisetier.
360. — BOARMIA Tr. 2358. — Ilicaria Hb.
R. — Deux exemplaires, Lusigny, à la miellée, 15 juillet 1885. Deux exemplaires, Ervy.
Chenille en mai sur le chêne, d'après Sand. En mars, avril, sur le lichen des prunelliers, d'après Guénée.
2359. — Abietaria Hb.
Un exemplaire, pris par M. Ray, figure dans la collection de l'Aube, sans indication de la localité où il a été pris.
GNOPHOS T. 2384. — Furvata F.
La Gn. Furvata, d'après M. Portier, est commune à Bar-surSeine, au crépuscule.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 1 43
2387; — Obscuraria Hb.
Le 5 août 1886, avec M. Portier, nous avons pris de nombreux exemplaires d'Obscuraria, près de la station de Gyé, sur le coteau situé à droite de la route conduisant à Ricey. Cachée sous les pierres, elle s'envolait sous les pas du chasseur pour se poser à peu de distance, mais se laissait piquer sur place quand on retournait la pierre avec précaution. Nous l'avons trouvée aussi à Clairvaux.
La chenille vit de plantes basses sur les friches et s'élève facilement.
377. — HALIA Dup.
2445. — Contaminaria Hb.
Un exemplaire, trouvé par M. Giot dans le bois de Macey, le 19 juin 1884. La chenille vit en juin et septembre sur le chêne.
378. — DIASTICTIS Hb.
2452. — Artesiaria F.
Un exemplaire trouvé à la gare de Preize, par M. Chazal, le 10 juillet 1887. Espèce méridionale.
Chenille en juin sur différents saules, surtout sur Salix viminalis, d'après Guénée.
390. — APLASTA Hb.
2501.— Ononaria Fuess.
Ononaria est commune, d'après M. Portier, sur les coteaux de Bar-sur-Seine. Nous l'avons prise ensemble à Gyé, le 4 août 1887.
405. — LOBOPHORA. 2563. — Viretata Hb.
Un exemplaire trouvé, le 2 juin 1888, au val Verrières, près de Bar-sur-Seine; par M. Portier.
La chenille de cette espèce, toujours rare en France, vit, d'après les auteurs allemands et hollandais, en juin, dans les, fleurs de
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144 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
Ligustrum vulgare, Viburnum opulus, Rhammus frangula. D'après les Anglais, qui la trouvent souvent, elle habite l'extrémité des pousses du sycomore qu'elle attache par des fils, en juin ; puis en septembre, elle vit dans les fleurs du lierre. M. Sand l'indique comme vivant, en juillet, sur le frêne.
L'insecte parfait se trouve, d'avril à fin mai, sur le tronc des arbres. Il a deux générations.
CIDARIA Tr. 2616. — Salicata Hb. V. Ruficinctata Gn.
Un exemplaire trouvé par M. Portier, le 18 mai 1888, dans le bois de Notre-Dame, au-dessus de Bar-sur-Seine. Espèce méridionale. Le type ne se trouve que dans les hautes montagnes,
D'après Millière, la chenille vivrait sur les Galium, toujours cachée au pied de la plante,
413. — CIDARIA Tr. 2641. — Vittata Bkh.
Un exemplaire de cette espèce a été pris par M. Chazal, à Villechétif, le 25 mai 1886.
Elle appartient donc bien à l'Aube.
La chenille, d'après Guénée, vit en avril, mai, de préférence sur les Galium.
2642. — Dilutata. V. Automnata Gn.
Cette variété, dont Guénée a fait une espèce, se trouve dans l'Aube avec le type, mais plus rarement.
2728. — Gomitata.
R, — Environs de Troyes, 20 août, autour des haies. Chenille, en septembre, sur les espèces du genre Chenopodium. Elle se cache ordinairement pendant la journée au pied de la plante.
2697. — Unifasciata Hw.
R. — Lusigny, deux exemplaires d'éclosion, juillet 1888. Espèce méridionale.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 145
La chenille vit aux dépens des graines d'Euphrasia odontites, en septembre; on la trouve complètement cachée dans les capsules pendant sa jeunesse, plus tard sa tête seule y est engagée, le reste du corps reste en dehors. En 1886, cette chenille était très commune pendant tout le mois de septembre sur tous les pieds d'Odontites, le long des routes, à Lusigny. Par une singulière anomalie, signalée déjà par Millière, le papillon resté toujours deux ans avant d'éclore, au moins en captivité. Bien qu'il doive être très commun, je ne l'ai jamais vu voler dans les localités où sa chenille était abondante.
414. —COLLIX Gn. 2740. — Sparsata Tr.
Un exemplaire de cette espèce a été trouvé, le 16 mai 1887, à Fouchy, par M. Chazal. La chenille vit sur la lysimaque vulgaire, en juin et juillet.
415. — EUPITHECIA Curt. 2754. — Subnotata Hb.
Un exemplaire trouvé à Troyes par M. Chazal. Chenille en octobre, sur le Chenopodium.
2756. — Linariata.
C. — D'éclosion, Arcis, Troyes, en juin.
La chenille vit en septembre sur Linaria vulgaris, dans l'intérieur des fleurs et des fruits dont elle dévore les graines. Elle est commune à Arcis-sur-Aube, dans les premiers jours de septembre.
Il est singulier que cette espèce, qui paraît exister sur toute la partie crayeuse du département, n'y ait jamais été prise à l'état parfait. Ce fait prouve qu'on ne peut se rendre compte de la richesse d'une localité en espèces de ce genre, qu'en recherchant les chenilles.
2756 bis. — Digitaliata Dietze.
C.—Clairvaux, en juin; d'éclosion.
La chenille de cette espèce, récemment découverte en Allemagne, n'est pas rare dans la forêt de Clairvaux, ou nous l'avons trouvée avec M. Portier, vivant dans les capsules de la digitale jaune (31 juillet 1886):
T. LIII 10
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146 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
2757. — Laquaearia Hs.
Un exemplaire d'éclosion, 6 juin 1887, provenant d'une chenille récoltée en fauchant les bruyères à Briel, en octobre 1886. Espèce méridionale.
La chenille vit ordinairement sur Euphrasia lutea qui n'existe pas dans notre département. Elle mange sans doute Euphrasia vulgaris ou odontites qui sont communes dans la localité.
2762. — Coronata Hb.
Un exemplaire d'éclosion, fin mai, d'une chenille trouvée à Arcis sur la linaire, en septembre 1886. La chenille vit ordinairement sur la clématite.
2767. — Millefoliata Roessl.
La chenille] de cette espèce est très commune en octobre et jusqu'aux premiers jours de novembre, dans les ombelles de millefeuille, dans tous les environs de Lusigny. Nous en avons obtenu de nombreux exemplaires d'éclosion en juin 1888.
2770. — Subfulvata Hw. Ab. Oxydata Tr.
A. R. — Quelques exemplaires pris à Troyes, 7 juin.
Une chenille à Lusigny, en fauchant.
La chenille vit en automne sur les fleurs et les graines d'Achillea millefolium.
N. B. — Guénée regarde Oxydata comme une espèce et non comme une simple variété de Succenturiata.
2796. — Isogrammaria Hs.
C. — Clairvaux, Lusigny, Gyé, fin mai, d'éclosion.
Chenille, fin juillet, dans les boutons de clématite qui se trouvent percés d'un trou par lequel s'écoule l'excrément noir qui décèle sa présence. Elle change plusieurs fois de demeure.
2797. — Tenuiata Hb.
C. — Dans tout le département, d'éclosion. La chenille vit en mars, avril, dans les chatons du saule marceau.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 147
2799. — Plumbeolata Hw,
A. R. — D'éclosion, Lusigny, juin.
Chenille en août dans les fleurs de Melampyrum sylvaticum et Pratense, dans tous les bois argileux.
2800. - Valerianata Hb.
C. — D'éclosion, Lusigny, en juin. Espèce nouvelle pour la faune française.
Chenille fin juillet, août, sur les fleurs de la valériane officinale. Elle est commune dans le bois de Lusigny, tout contre la station du chemin de fer.
2811. — Trisignaria Hs.
C. — Certaines années d'éclosion, Lusigny, juin. Chenille sur Angelica sylvestris et Heracleum spondylium, fin août.
2812. — Virgaureata Dbd.
R. — D'éclosion, Lusigny.
Chenille en septembre sur Solidago virgaurea, Senecio Jacobaea et palustris, cirsium palustre, dont elle dévore les fleurs.
2814. — Campanulata Hs.
A. C. — D'éclosion, Bar-sur-Seine, 15 juillet.
Nous avons trouvé abondamment la chenille de celte espèce, avec M. Portier, sur la côte de l'Horloge, à Bar-sur-Seine. Elle vit en octobre sur Campanula trachelium, la tête enfoncée dans les capsules desséchées.
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DEUXIEME PARTIE
MICRO-LEPIDOPTERES
17. - ENNYCHIA Ld. 93. — Albofascialis Tr.
A. R. — Clairvaux, 25 mai, vole sur les herbes qui bordent la route conduisant à la fontaine Saint-Bernard.
La chenille vit dans l'épaisseur des feuilles de diverses espèces d'Inula. Elle attaque les feuilles les plus basses. On la trouve en juillet, août et septembre. Les taches brunâtres, produites par son travail, décèlent sa présence.
29. — BOTYS. 121. — Porphyralis Schiff.
R. — Troyes, Bar-sur-Seine, fin mai, juin.
Chenille en juin et septembre entre les feuilles et les fleurs d'Origanum vulgare, mentha aquatica, qu'elle attache avec de la soie.
197. — Institalis Hb.
A. C. — Coteaux de l'arrondissement de Bar-sur-Seine, 15 juillet.
La chenille vit en juin sur Eryngium campestre, dans la pousse terminale dont elle attache les feuilles, de façon à en former une sorte de rouleau. Elle empêche ainsi la tige de se développer. Elle n'est pas rare sur les coteaux arides du midi du département.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 149
182. — Verbascalis Schiff.
Un exemplaire à la miellée, Lusigny.
La chenille vit en août, septembre, dans le bord replié de Teucrium scorodonia, Scrophularia aquatica, Verbascum thapsus
30. — EURYCREON Ld.
217. — Palealis. V. Selenalis Hb.
Deux exemplaires trouvés par M. Chazal, autour de la gare de Preize.
63. — GALAMOTROPHA Z.
304. — Paludella Hb.
Un exemplaire de cette espèce, propre ordinairement aux pays marécageux du nord de la France, a été trouvé par M. Chazal, a Troyes. Un autre, par M. Portier, à Bar-sur-Seine. Août.
La chenille vit en mai, juin, dans les feuilles radicales de Typha latifolia qui se dessèchent. Elle pénètre ensuite dans la racine (Roessler).
65. — CRAMBUS F. 351. — Myellus Hb.
Un exemplaire pris par M. Giot; à Luyères.
395. — Luteellus Schiff.
Un exemplaire pris par M. Portier, bord du canal, à Bar-surSeine, 15 juin.
69. — ETIELLA Z.
440. — Zinckenella Tr.
Un exemplaire de cette espèce méridionale a été pris dans les environs de Troyes, par M. Chazal, le 16 août.
La chenille vit en août et septembre dans les gousses du baguenaudier (Colutea arborescens).
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150 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
70. — PEMPELIA Hb. 455. — Obductella F.
Un exemplaire d'éclosion, 15 août, Bar-sur-Seine.
La chenille a été trouvée en abondance par M. Portier, le 15 juin, dans les friches des environs de Bar-sur-Seine, Elle vit sous les pierres dans un tube de soie, se nourrissant des racines de serpolet. Elle se chrysalide dans une coque de soie blanche, feutrée, très allongée.
Le papillon apparaît vers le 15 août.
83, — MYELOIS Z.
581. — Transversella Dup.
Un exemplaire de cette espèce méridionale se trouve dans la collection dé l'Aube, mais sans indication de localité. Il n'est pas très certain qu'il ait été pris dans le département.
91. — HOMOEOSOMA Curt.
616. — Nebulea Hb.
Un bel exemplaire a été pris, le 25 mai 1885, par M. Chazal, à la gare de Preize. La chenille vit en automne dans les têtes de Carduus nutans.
617 bis. — Saxicola Vaughan.
Le 10 juin 1888, j'ai obtenu un exemplaire de cette espèce nouvellement décrite, d'une chenille récoltée à Arcis, le 6 septembre 1887, dans les têtes de senneçon (Senecio Jacobea).
Cette espèce (ou variété de Nimbella, car jusqu'ici les auteurs ne sont pas d'accord), n'a jamais été signalée qu'en Angleterre.
99. — RHACODIA Hb. 648. — Caudana. V. Emargana F. Deux exemplaires, bois de Fouchy, 13 août.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTERES DE L'AUBE 151
101. — TORTIX Tr. 720. — Cinctana Schiff.
Un exemplaire pris à Luyères par M. Chazal, le 13 juin 1887. La chenille, peu connue, vit, d'après les auteurs, sur les Artemisia.
738. — Viburniana F.
Un exemplaire pris à la gare de Preize, par M. Chazal, le 18 juin 1885.
La chenille de cette espèce vit, d'après les auteurs, sur un grand nombre de plantes et arbustes, Viburnum opulus et lantana, Alisma plantago, Coronilla varia, Pinus abies, sylvestris, Juniperus communis, etc. On la trouve en mai et juin.
COCHYLIS Tr.
827. — Straminea Hw,
Quatre exemplaires, pris; les 13 et 17 juillet, autour de la gare de Preize, par M. Chazal.
Cette espèce méridionale a deux générations. La chenille vit en mai dans les souches de Centaurea nigra et jacea.
842. — Meridiana Stgr.
Un exemplaire, Lusigny, en juillet, vole dans les lieux incultes. Espèce méridionale. Chenille inconnue.
846. — Aeneana Hb.
J'ai trouvé, à Lusigny, deux exemplaires de cette charmante espèce, l'un, le 3 juin 1887, et l'autre, le 1er juillet 1888. Tous deux, vers trois heures de l'après-midi, étaient accrochés à l'extrémité des graminées, et venaient probablement d'éclore.
Les allemands obtiennent maintenant Aeneana d'éclosion. La chenille vit, paraît-il, en automne et pendant l'hiver dans les racines de Senecio jacobea.
862. — Eryngiana Heyd.
C, — D'éclosion, 20 juillet, Lusigny.
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I 52 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUDE
La chenille vit en hiver dans les tiges d'Eryngium campestre déjà desséchées et promenées par le vent. Elle s'y chrysalide.
863. — Dilucidana.
Un exemplaire pris aux Riceys, le 1er juillet. Un autre à Lusigny, 20 juillet. Espèce non encore signalée en France. La chenille vit dans les tiges du panais sauvage et de la berce.
893. — Manniana Fr.
Un exemplaire pris dans la forêt de Clairvaux, 10 juillet 1885.
Il volait sur les longues herbes de la grande tranche qui précède, à droite, la fontaine Saint-Bernard.
La chenille, d'après Roessler, vivrait dans les graines des gentianes.
904. — Atricapitana Steph.
Un exemplaire d'éclosion, Lusigny, 14 juillet 1886.
La chenille vit dans la tige de Senecio jacobea, dont elle mange la moelle. Le développement de la tige se trouvant entravé, celle-ci se gonfle, et les feuilles poussent en paquet.
113. — RETINIA Gn. 918. — Pinivorana Z.
Un exemplaire trouvé à Macey, par M. Giot, le 8 juin, en battant les jeunes pins.
La chenille, comme celle des espèces voisines, vit aux dépens du pin sylvestre, mais elle ne paraît pas avoir été bien observée.
114. — PENTHINA Tr.
933. — Betulaetana Hw.
Un exemplaire d'éclosion, Courtenot.
La chenille vit sur le bouleau, entre des feuilles qu'elle attache avec de la soie.
939. — Ochroleucana Hb.
La chenille de cette espèce vit dans les pousses de rosiers, dont elle lie les jeunes feuilles, en compagnie de Gr. cynosbana et Tor.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 153
bergmaniana. On la reconnaît facilement à sa forme épaisse, ramassée, et à sa couleur d'un vert rougeâtre. Elle cause d'autant plus de dégâts qu'elle a deux générations successives.
948. — Pyrolana Wk.
A. R. — D'éclosion, du 25 juin au 6 juillet. Un exemplaire en battant les branches du bouleau à la même époque, garenne de Bailly. Espèce nouvelle pour la faune française.
La chenille vit sur Pyrola rotundifolia, fort abondante dans la localité précitée. Elle vit, fin avril, dans une feuille qu'elle replie et qui brunit. Elle s'y chrysalide.
1002. — Trifoliana Hs.
Un exemplaire pris à la lumière, à Troyes, par M. Chazal, 10 août 1884.
Cette espèce n'a pas encore été signalée eh France. Elle n'est pas rare en Allemagne dans les champs de luzerne et de trefle, en juillet.
1009. — Antiquana Hb.
A. R. — Plusieurs exemplaires, ler août, en battant les joncs dé l'étang du Petit-Beaumont, forêt de Larivour.
La chenille vit jusqu'au printemps dans les racines de Stachys arvensis et palustris.
117. — EUDEMIS Hb. 1014. — Lugdunana Gn. = Bicinctana Dup.
C. — D'éclosion, fin août, septembre, de chenilles récoltées sur les coteaux de Gyé, le 4 août 1888.
La chenille vit dans les têtes d'ail sauvage, au pied des vignes. Des chrysalides écloses se trouvaient à côté de chenilles encore jeunes. Il y a donc plusieurs générations, ou, du moins, les larves n'arrivent pas toutes en même temps à leur grosseur.
M. Portier a obtenu l'espèce dans la Côte-d'Or, de chenilles récoltées sur la valériane rouge (Centhrantus ruber).
123. — GRAPHOLITA. 1071. — Nisella. y, Pavonana Hb. Un exemplaire pris à Larivour, le 19 juillet.
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154 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
1093. — Asseclana Hb.
Un exemplaire pris dans les environs de Troyes, par M. Giot. Vole, vers le 15 mai. autour des genêts.
1107. — Foenella L.
Cette espèce, regardée comme rare, est au contraire très commune. Tous les pieds d'Artemisia vulgaris qui poussent autour de la gare de Preize sont habités par la chenille. Il suffit de planter dans un pot les racines arrachées en mai pour obtenir en quantité l'insecte parfait,
1125. —Albersana Hb.
Deux exemplaires d'éclosion, 6 juin 1888, Lusigny.
La chenille, d'après les auteurs, vit en automne sur les chèvrefeuilles des bois (Lonicera periclimenum et caprifolium). Les exemplaires que j'ai obtenus proviennent de chenilles trouvées sur le bouleau, en octobre, dans mon jardin.
1135. Gemmiferana Tr.
Un exemplaire pris à Clairvaux, le 24 mai 1886. Les premiers états ne sont pas connus.
1139 bis. — Ulicetana Roeessl.
T. C. — Au commencement de mai et d'août, autour des ajoncs qui poussent dans la garenne de Bailly. La chenille vit en hiver dans les graines d'Ulea europaeus. Espèce confondue, jusqu'à ces derniers temps, avec Succedana.
1148. — Corollana Hb.
Cette espèce n'appartient pas à l'Aube et doit être supprimée du Catalogue.
1171. — Inquinatana Hb.
Un exemplaire, Lusigny, 26 juin. Premiers états inconnus.
1180. — Aurana F. V. Aurantiana Kollar.
A. C. — Avec le type, Clairvaux, Lusigny.
La chenille d'Aurana vit dans les graines de diverses ombelli-
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 155
fères, surtout d'Heracleum spondilium, en septembre et octobre. Elle quitte les graines avant de se chrysalider en terre.
1274. — Alpinana Tr.
J'ai trouvé la chenille en abondance dans les racines de Chrysanthemum leucanthemum, sur les bords de l'étang de Saint-Nicolas, forêt de Larivour (fin avril, mai).
1276. — Simpliciana Hw.
La chenille est abondante dans les racines d'Artemisia vulgaris, en compagnie de Gr. Foenella.
1283. — Plumbagana Tr.
R. — Lusigny, fin mai.
La chenille vit dans les racines d'Achillea millefolium, en hiver.
151.—TINEA Z. 1417. — Lapella Hb.
G. — D'éclosion, du 15 juin au 15 juillet, dans tous les environs de Troyes.
Cette chenille vit dans les nids d'oiseaux (chardonnerets, pinsons, etc.). J'ai obtenu cette Tinéite en quantité, du 15 juin au 15 juillet, de nids recueillis à Villechétif.
164. — ACROLEPIA Crt. 1535. — Granitella Tr.
Deux exemplaires, Troyes. Un exemplaire, Lusigny, 2 août 1888, La chenille vit, en juin, dans les feuilles radicales de diverses espèces d'Inula, mine plate, longue, d'un brun clair.
171. HYPONOMEUTA Z.
1554. — Mahalebella Gn.
C. — Bar-sur-Seine, en juillet.
Chenille, fin mai. commencement de juin sur le prunier Mahaleb (vulgairement : bois de Sainte Lucie).
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156 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
177. — ARGYRESTHIA Hb. 1606. — Pygmaella Hb.
R. — Lusigny, 15 juin.
Chenille, en mai, dans les bourgeons et les chatons du saule marceau.
182. - CEROSTOMA Ltr.
1641. — Parenthesella L.
Un exemplaire, forêt de Larivour, 25 juillet 1888. La chenille vit en mai, juin, sur le hêtre, le chêne et le charme, entre les feuilles attachées.
1643. — Sylvella L.
Un exemplaire d'éclosion, 20 juillet 1885, d'une chenille récoltée à Clairvaux. La chenille vit en juin sur le chêne.
189. — PSECADIA Hb. 1663. — Sexpunctella Hb.
Un exemplaire trouvé à la gare de Preize par M. Chazal, 15 juin. La chenille vit en août, septembre, puis en mai, dans les fleurs ou les pousses d'Echium vulgare, qu'elle attache avec de la soie,
1675. — Chrysopyga Z. = Flavianella Tr.
C'est par erreur de détermination que nous avons indiqué la Pyrausta de Pallas comme se trouvant dans l'Aube. L'espèce que l'on rencontre à Clairvaux est la Chrysopyga de Zeller. C'est à elle que doivent s'appliquer les renseignements que nous avons donnés dans notre Catalogue.
Les premiers états sont inconnus.
191. — DEPRESSARIA Hw. 1716 bis. — Cervariella Constant. Un exemplaire d'éclosion obtenu par M. Portier, d'une chenille
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 157
récoltée sur les coteaux de Bar-sur-Seine. Cette espèce, nouvellement découverte en Bourgogne par M. Constant, est indiqué par celui-ci comme vivant en mai-juin sur Peucedanum cervaria.
1725. — Liturella Hb. — Hypericella Tr.
A. C. — Clairvaux, Lusigny, en juillet.
Chenille fin mai, dans les pousses attachées de millepertuis.
1760. — Heracliana De Geer.
A. C. — Lusigny, en août, d'éclosion.
La chenille vit dans l'ombelle de la berce, entourée d'une sorte de tube de soie. Elle s'enfonce dans les tiges pour se chrysalider. Un trou à l'aisselle des feuilles, d'où découle un excrément noir, décèle sa présence. Elle n'est pas rare dans mon jardin, sur un pied de berce exotique.
194. — GELECHIA Z. 1830. — Lentiginosella Z.
A. R, — D'éclosion, 8 août.
La chenille vit, à la fin de mai, dans les pousses de Genista tinctoria : garennes de Bailly.
196. — BRYOTROPHA Mein.
1901. — Affinis Z.
R. — Troyes, en juin. Vient aux fenêtres dans l'intérieur des maisons. Chenille en mars, dans la mousse des toits.
198. — TELEIA Hein. 1995. — Dodecella L.
Un exemplaire pris en battant dans la forêt de Larivour,
1er juillet.
La chenille vit dans les bourgeons et entre les aiguilles des jeunes pousses du pin sylvestre, fin avril, mai.
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1 58 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
205. — PTOCHEDUSA Hein. 2010. — Subocellea Stph.
C. — Clairvaux, Arcis, Laubressel, en juillet, autour des fleurs d'Origanum vulgare.
La chenille vit en août, septembre, octobre, sur les fleurs d'origan, dans un fourreau formé de calices desséchés de la plante, de telle sorte qu'elle se confond avec celle-ci et qu'on ne peut la découvrir qu'en l'examinant avec une grande attention.
211. — LAMPROTES Hein. 2067. - Micella Schiff.
Un exemplaire, Clairvaux, 16 juin 1885. Il était posé sur une feuille d'yèble. Vole, d'après Roessler, sur les framboisiers et les ronces. M. Sand, le seul entomologiste français qui ait signalé cet insecte comme appartenant à la faune française, l'a pris au MontDore.
La chenille vit, au printemps, dans les bourgeons de framboisiers et de ronces, puis dans les jeunes pousses qui se flétrissent
214. — TACHYPTILIA Hein. 2092. — Scintilella F. R.
Quelques exemplaires d'éclosion, obtenus en juillet 1888, par M. Portier, de chenilles trouvées dans les environs de Bar-sur-Seine.
Cette chenille vit, en juin, dans les pousses d'Helianthemum vulgare, dont elle attache les feuilles de manière à former une sorte de boule. Elle se chrysalide dans la demeure qu'elle s'est ainsi formée. Elle ne paraît pas rare sur les coteaux de Bar-sur-Seine.
2094. — Subsequella Hb.
R. — Quelques exemplaires trouvés à Gyé, sur les coteaux, en battant les prunelliers, 4 août 1888.
La chenille en mai, juin, sur Prunus spinosa, entre les feuilles dont elle lie l'extrémité.
D'après Hofman, on la trouve aussi en septembre, sur le saule.
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 1 59
215. — CLADODES. 2115. — Gerronella Z.
Plusieurs exemplaires d'éclosion, 6,10 juillet, provenant de chenilles récoltées fin avril dans les garennes de Bailly.
Les premiers états de cette espèce assez rare sont peu connus. Je l'ai obtenue de tiges sèches.d'ajonc récoltées dans la localité ci-dessus, sans que j'aie pu observer la chenille.
225. - VPSOLOPHUS F.
2137. — Limosellus Schl.
R. — Troyes, Lusigny, 10 août, venant aux lumières. La chenille vit en mai, juin, dans les feuilles roulées de fraisier, Scabiosa arvensis, luzerne et trèfle.
262, — COLEOPHORA Z. 2388. — Solitariella Z.
A. C. — D'éclosion, Lusigny, fin juin.
La chenille de cette espèce, qui vit sur Stellaria holostea, est assez commune en automne, puis en mai après hivernage, dans la forêt de Larivour, sous les vieux taillis. Elle produit sur la feuille des taches allongées d'un blanc pur. Le fourreau est jaunâtre, droit, en forme de graine.
2407. — Albitarsella Z.
Le fourreau de cette espèce n'est pas rare, en mars, sous les feuilles de Glechoma hederacea poussant au nord contre le pont du chemin de fer traversant la Seine à Fouchy, et au pied des murs de la propriété de Foicy, du côté de la Seine. La chenille grimpe contre ces murs pour se fixer aux pierres faisant saillie et s'y chrysalider.
2411. — Melilotella Scott.
A. C. — D'éclosion, Lusigny, Arcis, juillet.
Fourreau brun, court, attaché aux graines de mélilot, fin août, septembre. Par sa couleur, il se confond avec les graines mures auxquelles il est fixé, et on ne peut le découvrir qu'avec une
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160 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
grande attention. Cette espèce, longtemps regardée comme une rareté propre à l'Angleterre, n'avait pas encore été signalée dans le bassin de la Seine.
2414. — Deauratella Z.
Un exemplaire, Clairvaux, volant avec Frischella, 28 mai, sur les graminées, le long de la route de la fontaine Saint-Bernard. La chenille, d'après Mühlig, vit en mai sur Centaurea scabiosa.
2415. — Fabriciella.
Un exemplaire pris sur les friches de Bailly, le 4 juillet 1885. Le fourreau, cylindrique, presque droit, se trouve en automne sur les graines de Trifolium arvense, dans les endroits stériles.
2454. — Conspicuella Z.
A. C. — Friches de Bailly, fin juin.
Fourreau noir, aplati, sans protubérances. Vit en automne sous les feuilles de diverses centaurées, puis, après hivernage, en avril, mai. Se chrysalide vers le 20 mai après s'être attaché à un brin d'herbe, souvent en compagnie de la Vibicella, très commune en cet endroit.
2474. — Wockeella Z.
Obtenue d'éclosion le 15 juillet, d'une chenille trouvée à Clairvaux le 28 mai.
La chenille vit sous la feuille de Betonica officinalis, où elle fait des taches brunes. Fourreau long, fauve, duveteux, un peu courbé à l'extrémité, avec des plis ou rides transverses.
2512. — Trogloditella Dup.
C. — D'éclosion, Lusigny, 15 juillet.
La chenille vit sous la feuille d'Eupatorium cannabinum, en mai, juin. Les taches brunâtres qu'elle y produit décèlent sa présence.
2512 bis. — Inulae Wocke.
A. C. — Lusigny, d'éclosion, fin juillet. La chenille est commune certaines années, sous les, feuilles d'Inula dysenterica. Elle y produit des taches grisâtres.
Fourreau semblable à celui de Troglodytella, mais presque deux
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SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 161
fois plus long. Il n'est pas rare sur les Inula qui poussent dans les champs récemment plantés (1887) sur la droite de la route forestière de la forêt de Larivour. Espèce récemment découverte et nouvelle pour la faune française.
2515. — Lineoela Hw,
A. C. — D'éclosion, Lusigny, 15 juillet 1888.
La chenille vit en automne, puis en mai après hivernage, sous les feuilles de Betonica officinalis. Elle est commune sous les vieux taillis de la forêt de Larivour.
Fourreau duveteux, analogue à celui de Wockeella, mais sans courbure.
264. — CHAULIODUS Tr.
2567. — Chaerophylellus Goeze.
C. — D'éclosion, Lusigny, 20 octobre.
La chenille vit en petite société sous les feuilles basses de la berce et d'Anthriscus sylvestris, qui se décolorent (du 10 au 15 septembre). Elle se chrysalide sur la feuille qui l'a nourrie.
271. — HEYDENIA Hofm. 2609. — Fulviguttella Z.
C. — D'éclosion, Lusigny, Arcis, commencement d'août.
La chenille est commune fin août, septembre, dans les semences d'Angelica sylvestris. Elle se chrysalide en terre, pour n'éclore qu'en août suivant.
COSMOPTERYX Hb. 2712. — Schmidiella Frey.
Un exemplaire pris le 26 juin 1885, forêt de Clairvaux.
La chenille vit fin août, septembre, dans les feuilles de Vicia sepium et Orobus niger. Mine plate sous la feuille qui devient transparente et paraît blanchâtre.
ELACHISTA Sh. 2783. — Taeniatella Stt. A, R. — D'éclosion, fin mai, juin,
T. LIII il
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162 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
La chenille vit dans les feuilles de Brachypodium sylvaticum, en septembre, octobre. Elle arrive à sa grosseur avant l'hiver, mais ne se chrysalide hors de la mine qu'au printemps, ce qui la rend assez difficile à élever en captivité. Elle est extrêmement commune dans certaines parties de la forêt de Larivour, sous les vieux taillis ou sous les futaies, et dans le parc de Gérosdot.
294. — TISCHERIA Z. 2913. — Heinemanii Staud.
R. — D'éclosion, dans tout le département.
La chenille est commune en septembre, octobre, dans les feuilles inférieures de l'aigremoine, dans lesquelles elle pratique une mine large, plate, transparente. Elle se chrysalide dans la mine, en mars; mais, pour l'obtenir, il est nécessaire de laisser les feuilles récoltées au grand air, ou mieux de les récolter en mars seulement.
NEPTICULA Z.
3003. — Fragariella Heyden.
La chenille de cette espèce n'est pas rare sur les lisières de la forêt de Larivour. Elle pratique dans les feuilles de fraisiers une mine très fine, longue, formant des sentiers très rapprochés à ligne centrale d'excrément noir.
3040. — Argentipedella Z.
s Un exemplaire, coteau de Jaucourt, 8 mai 1885, sur les jeune
bouleaux.
Chenille dans les feuilles de bouleau, fin septembre, octobre.
Mine large, en paque irrégulière d'un brun verdâtre.
3043. — Freyella Heyden.
J'ai observé plusieurs mines de cette espèce, à Arcis, dans les feuilles de Convolvulus arvensis, fin août, septembre.
312. — OEDEMATOPHORUS Wallgr. 3165. — Lithodactylus Tr. Un exemplaire élevé d'une chenille récoltée, le 15 juin, à Lusi-
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SUPPLÉMENT,AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE 163
gny, sur Inula dysenterica (route de la forêt de Larivour). Eclos le 15 juillet suivant.
314. — LEIOPTILUS Wallgr. 3174, — Microdactylus Hb.
A. C. — Bois de Lusigny, en mai et août.
Chenille en automne et en hiver dans les tiges d'Eupatorium cannabinum, dans lesquelles elle produit un renflement à l'aisselle des feuilles. Un trou décèle sa présence. Elle s'y chrysalide.
3176. — Pectodactylus Stgr.
R. — D'éclosion, Lusigny, 8, 15, septembre.
La chenille vit sur la verge d'or en octobre, novembre. Cette espèce n'a pas encore été signalée en France. N'est-elle pas une simple variété d'Osteodactylus Z.?
RÉCAPITULATION
Dans notre Catalogue publié en 1883, le nombre des espèces de Macro-lépidoptères est de 709, et celui des Micro-lépidoptères de 669 ; en tout 1378 espèces, sans y comprendre les variétés locales, ni les variétés accidentelles.
Nous donnons ci-après le tableau des espèces nouvellement découvertes dans l'Aube.
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164 SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE
Macro-lépidoptères
RHOPALOCERA
DIURNI (Diurnes), 2
HETEROCERA
SPHINGES (Crépusculaires), 3
BOMBYCES (Bombyx), 9
NOCTUAE (Noctuélites), 26
GEOMETRAE (Phalénites), 29
Micro-lépidoptères
PYRALIDINA (Pyralides et Crambides), 10
TORTRICINA (Tordeuses), 21
TINEIDAE (Tinéites), 37
PTEROPHORIDAE (Ptérophores), 2
139
Le nombre des Lépidoptères de l'Aube se trouverait ainsi porté à 1517. Mais deux espèces devant être supprimées comme ayant été indiquées par erreur, nous n'avons plus que 1815 espèces, savoir : 778 Macro-lépidoptères et 737 Micro-lépidoptères.
D'après le catalogue de Staudinger, publié en 1870, le nombre des espèces de la faune européenne qui comprend, suivant lui, tout le nord de l'Asie jusqu'au fleuve Amour, la Perse, l'Asie Mineure et le nord de l'Afrique, s'élève, savoir : pour les Macro-lépidoptères à 2849, et pour les Microlépidoptères à 3213, en tout 6062.
Il en résulte que le département de l'Aube possède environ le quart des espèces relevées sur cet immense espace.
On peut en conclure aussi que, la proportion entre les Macro et les Micro-lépidoptères étant à peu près la même en tous pays, il nous reste à découvrir chez nous un nombre assez considérable de petites espèces.
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TABLE ALPHABETIQUE
DES ESPÈCES ET DES GENRES 1
Abbreviata ............ 123
Abdominalis 172
Abietaria. s. 142
abietella....' ,...... 135
Abraxas ... 100
Absinthiata. 123
Absinthii.... s. 138
Acaciae...'....'.' . s. 129
Acanthodactyla ...' .. 218
Aceriana. 160
Acerifoliella 206
Achatana...'.' 153
Achatinata . 115
Aceraria...... 106
Aceris.... .. 58
Achilleae . . 36
Achroea...: 140
Acidalia,.... 95 et s. 140
Aciptilia.................... 219
Acis.. ................... 19
Acontia .. ..... 88
Acrobasis 137
Acrolepia.. .... 170 et s. 155
Acronycta 58 et s. 13 4
Acherontia.................,.. 30
Achine.......... : . 26
Actéon........... 29 et s. 130
Adornatella. 136
Adela.. 168
Adjunctana.. 116
Adippe .'.'.' 24
Adonis 18
Adusta . 70
Adustata 100
Advena 65
Advenaria 104
Aedia... 87
Aegon 17
Aegeria 26
Aenea 89
Aeneana 149 et s. 151
Aerifrons 34
Aerata.. ....... 71
Aeruginaria... , 95
Aescularia 106
Aesculi ... 45
Aerella.. 211
Aestiva 103
Aestivaria. 95
Aethiops Hw. (Hadena) 71
Aethiops O. (Aporophila) 68
Aethiops Esp. (Erebia) 25
Affinis Z. s. 157
Affinis L. 79
Agestis ............. 18
Aglaja .....' .. 24
1 Les noms de genres sont écrits en italiques, ceux d'espèces en caractères romains. Les chiffres précédés d'un s. renvoient à la page du présent Supplément; les autres à celles Au Catalogue des Lépidoptères de l'Aube, publié dans les Mémoires de la Société Académique de l'Aube, t. XLVII, 1883.
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166
TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Aglaope 35
Aglia., 51
Aglossa 125
Agrimoniella 216
Agrotera 132
Agrotis 60 et s. 135
Agrophila 89
Ahenella 136
Albersana s. 154
Albiceps 184
Albicillata 119
Albicolon s. 135
Albicosta 197
Albicostella 198
Albida 45
Albipapella 185
Albipuncta F 75
Albipunctata 123
Albipunctella 180
Albistria ; 172
Albitarsella 195 et s. 159
Albofascialis. s. 148
Albovenosa Gotze ... s. 134
Albula s. 132
Albulana 148
Alburnella 183
Albulata 119
Alceae. 28
Alchemillata Hb. 119
Alchemillata L 119
Alchimiella 191
Alchymista 90
Alcon.... 19
Alcyonipennella 195
Aleella. 129
Alexis 18
Algae F. (Bryophila) 60
Algae Esp. (Nonagria) 74
Alispa 138
Alnetella 215
Alniaria 102
Alniella 206
Alopecurus 71
Alpinana 163 et s. 155
Alsines 76
Alsus 19
Alstraemeriana 178
Altheae 28
Alucita 220
Alveolus Hb 28 et s. 130
Alveus Hb.; 28
Amata 100
Amataria 100
Ambigua 76 et s. 137
Ambiguana 149
Ambigualis 126
Ambiguella 148
Amblyptilia 218
Ameriana 143
Amethystina 85
Amphidasis 107
Ammoconia 68
Amphipyra 76
Amyntas 17
Amyotella 206
Anacampsis 185
Anachoreta 56
Anaitis 113
Anarsia , 188
Anastomosis. 56
Anarta 87
Anatipennella 196
Ancilla 37
Anguinalis . 128
Anerastia 139
Angelicella.. 179
Angerona 104
Antiopa 22
Anglicella.. 193
Angularia Bkh. (Eugonia) 102
Angularia Thub. (Boarmia) 108
Angulifasciella.. 216
Angustella 128
Angustalis 125
Angusticolella 210
Anisopteryx 106
Annulata 99
Anomala Hw , 75
Anomalella 214
Antispila — 202
Annulatella 198
Anthyllidella 185
Antiqua 47
Antiquana s. 153
Antiquaria 96
Antocharis,.. 14 et s. 129
Apamea s. 136
Apatura 20
Apiciaria 104
Apiforme Cl 32
Aphelia 154
Aphomia 139
------------------------------------------------------------------------
DES LEPIDOPTERES DE L AUBE
167.
Apicella. ........... 171
Aplasta............. 112 et s. 143
Aporia . .. .... ...... .. 13
Applana..... . .... 178
Apodia-.............. 184
Aporophyla.. ...... 68
Aprilina .............. 69
Aquata.... , 121
Aquilellus. 135
Aquilina....................... 64
Arbuti. .......,,:. . .. .87
Arcania... ,:.,,....... 27
Arceuthina....;........,... 173 Arctia ............;...... 42
Arcuana.. . ...... 353
Arcuella ............;.,... 153
Arenella.. ............... 177
Areola. ;. : ... ; ... . 84
Arethusa..................... 25.
Argentella.,. . . ; 205
Argentipedella............... s. 162
Argentula Hb. (Erastria) .... 88
Argentula Z. (Coleophora).. ... .198
Argiades ...:... .... 17
Argiolus... ........... 18
Argus..................... 18
Argynnis......;..;...;;. :.... 23
Argyrana ., 159
Argyrella ......., 135
Argyropeza ....... 216
Argyresthia .:....... 172 et s. 156
Arion.. ; .................. 19
Arsilonche Ld. ................ s. 134
Artemis............., ........... 22
Artesiaria...-. ..... ....... s.143
Aruncella............,.,..... 217
Arundinis 74
Asella..- 45
Asiliformis Schiff............... 33
Asiliformis Rott.,.,,..... 34
Asopia................... 125
Asclepiadis. 86
Asperana .. 142
Asperella...... ...,•.......•. 174
Asphalia .. 57
Aspidiscana ............ . 157
Aspilates . 113
Aspis,. ........ 153
Asseclana s. 154
Assectella...................... 171
Assimilata........... ...... 120
Assimilella ,. 175:
Asteris.. .., 85
Asteroscopus 84
Astrarche. ........ 18
Asychna............ :...... 200
Atalanta... 22
Athalia ............,..... 23
Athamanta .,.......... .... 37
Atomaria 110
Atomella .............,...... 177
Atra .......,.,.. ..,.. 199
Atralis ...................... 127
Atrata......... 113
Atratula. ;...;.... . ... 88
Atrella ......................... 185
Atricapitana s. 152
Atricapitella. .. :. ; 214
Atricomella.... :...;.;. ;... 203
Atriplicis.....;.;.. ....:... 72
Atropos ............... 30
Augustana .................... 161
Aurana ........... 159
Aurantiana...... s: 154
Aurantiaria...,.. ;...... 106
Aurata...... 128
Aurella.......... ....... 214
Aureola. .... 40.
Aureolaria .... ... 95.
Auricoma......... ...... .. . 59
Auriflua.. . ... 48
Aurifrontella... ..... ....... 200
Aurinia ......... '....... . 22
Aurimaculella . . .. 212
Auroguttella ........ .......... 192
Auroraria. . 96
Ausonia . 14
Automnaria. 102
Automnata ............ . s. 144
Avellanella ............ 193
Aversata Tr...... ..... 97
Aversata L. ............. 97
Aventia, .................... 91
Badiana... ............ 162
Badiata 115
Badüpennella.................. 194
Baja.......................... 62
Bajaria ....... 105
Bajularia' ...... 94
------------------------------------------------------------------------
168
TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Bankiana 88
Bapta 100 et s. 141
Barbalis 92
Basaltinella 182
Basilinea ,. 70
Batis 56
Baton 18
Batrachedra , 202
Baumaniana 149
Bedellia 205
Belia 14 et s. 129
Bella 63
Bellargus , 18
Bergmanniana 146
Berberata. 120
Betulae L. (Thecla) 16
Betulae Stt. (Ornix) 193
Betulaetana s. 152
Betularius 107
Betulifolia 50
Betulicola. 215
Betulina 46
Bicolorata 116
Bicoloria Schiff. (Notodonta) 54
Bicoloria Vill. (Hadena) 71
Bicolorana 38
Bicostella 188
Bicinctana s. 153
Bidentata s. 142
Bifida 52
Bifractella 184
Bilunana 156
Bilunaria. 102
Bifasciana 145
Bilineata 120
Bimaculata 100
Bimaculosa 69
Binaria 52
Binderella 195
Bipuncta , 57
Bipunctaria ,..,.. 112
Bipunctella 176
Biselliella 166
Bisetata 97
Biston 107
Blabophanes 165
Blandina 25
Boarmia 108 et s. 142
Boetica 17
Boleti 165
Boletobia 91
Bombyx 48
Bombyliformis O.,, 32
Boscana ,..., 142
Botys 128
Boyerella.. 212
Brachmia 182
Brachycrossata 186
Brassicae L. (Pieris) 14
Brassicae L. (Mamestra) 66
Brephia 137
Brephos 93
Bremiella 207
Briseis 25
Brockeella . 173
Brotolomia 72
Brunnea 63
Brunnichiana 157
Brumata 114
Bryophila. 59
Bryotropha. 182
Bucephala..., . 55
Bucculatrix 212
Buoliana 150
Bupalus 110
Buplevraria 95
Buplevrella 179
Butalis 200
C
Cabera , 101
Caecimacula 68
Caesiella 171
Cagnagellus 171
Caja 42
Calabraria s. 141
Calamotropha . s. 149
C-Album , ...;.. 21
Caliginosa . ,.,.... 163
Calligenia. 39
Callimorpha 42
Calophasia ,. 85
Calocampa 84
Calthella 217
Calvella , 45
Calymnia 78
Camelina, ....,.,.... 54
Camilla 21
Campanulata s. 147
Candidata 119
Canescens s. 136
------------------------------------------------------------------------
DES LEPIDOPTERES DE L AUBE
169
Caniola 40
Cannae 74
Canteneraria s. 140
Capitella 167
Capreolella 178
Capsincola , ..' 67
Cararia 101
Caradrina , 76
Carbonaria 91
Carbonariella 136
Carcina. , 188
Cardamines 15
Cardui...... 22
Caricaria. 98
Carlinella..... 184
Carnella 136
Carniolica 37
Carpinata 114
Carpini 51
Carpinicolella 208
Carpophaga... s. 136
Carpocapsa 159
Cartereauii. 220
Carthami 28
Carterocephalus 29
Castanea 62
Castigata 122
Cassinia 84
Castrensis 49
Cataclysta 132
Catax Esp. 49
Catax L 49
Catocala 90
Catephia ., 90
Caudana 141
Caudella ... 175
Cedestis. 173
Celerio 31
Cemiostoma 221
Centaureata 121
Centonalis 39
Centrago 79
Centifoliella 215
Cerago. 81
Cerasiella. 171
Cerasicolella 207
Cerasana 144
Ceratophora 186
Cereana , ....,,..., 139
Cerostoma ., 194
Cerri s. 129
Certata 114
Cerusella Hb 204
Cerusellus Schiff 133
Cervariella Constant : s. 156
Cespitalis 128
Cespitana. 153
Cespitis 65 et s. 135
Cespitellus 134
Chaerophylli. 180
Chaerophylellus... s. 161
Chaerophyllata 113
Chamaedryella. 198
Chaonia 54
Chariclea 87
Chauliodus.. ; 199
Cheimatophila................ 147
Cheimatobia.. 114
Chenopodiella........... ... 201
Chenopodii ...... 67
Chesias 113
Chi 68
Chilo... 133
Chilonella. :.......,.... 187
Chimmabache ... ; 175
Cloantha 72
Chlorana...... 38
Christiernana........... ..... 188
Chrysidiformis........ s. 131
Chrysitis ..:.. 86
Chrysonnuchellus..., 134
Chrysorrhoea, ........... 48
Chrysoclista 200
Chrysozona 67
Chrysopyga s. 156
Cidarella ..... 212
Cidaria . .... 115
Ciliella 149
Cilix............ ......... 52
Cinctalis.;...; ... 130
Cincta........................ 77
Cinctana .. s. 151
Cinctaria 108
Cineraria......... ............ 111
Cinerea ................... 62
Cinerella... 186
Cingulata 128
Cinxia.. 22
Circe F. (satyras) .... 25
Circe Schiff. (Polyommatus) ..... 17
Circellaris. 80
Circumflexa 86
------------------------------------------------------------------------
170
TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Cirroedia. , 79
Cirsiana , 156
Citrago....... 81
Citrana.. 157
Citraria 111
Citrinalis , 188
Cirsii. 28
Civica... 43
Cladodes s. 159
Clathrata 111
Clavis.. 64
Cleoceris 80
Cleodora , 186
Cledeobia. , — 125
Cleodoxa 24
Clerkella 210
Cloacella 166
Cloraria 95
Clytie 20
Cnaemidophorus 218
Cnetocampa , 55
C. nigrum 62
Cochylis 148
Coecana 158
Coecimacula 68
Coecimaculana 154
Caespitiella 199
Coeruleocephala 58
Coenonympha 27
Cognatella.. 171
Cognataria s. 141
Coleophora. 194 et s. 159
Colias.. , 15
Collix s. 145
Colonella 139
Combinella 171
Combustana 141
Comes 62
Comitana 155
Comitata s. 144
Comma L.(Hesperia) 29
Comma L. (Leucania) 74
Comparella 119
Complana ...... 40
Complanella 210
Compta 67
Complana. 162
Comparana 143
Compositella F. (Grapholita) 158
Compositella Tr. (Brephia) 137
Conchana 153
Confluens 36
Confusalis 39
Conformis 83
Conigera 75
Conopiformis , 34
Consociella 137
Consonaria. 109
Consortaria 108
Conspersa 67
Conspicillaris Gn 84
Conspicillaris L 84
Conspicuella s. 160
Contaminaria Hb s. 143
Contaminana Hb 143
Contigua 66
Convolutella 138
Convolvuli 30
Comvayana 145
Coptoloma 159
Coraciata 116
Coridon 18
Coriscium 193
Corollana s. 154
Corollaria 118
Coronata s. 146
Coronillaria 94
Coronillella 185
Coronillae 196
Corticana Hb. (Penthina) 151
Corticana Hb. (Steganoptycha)... 160
Corticea . 65
Corylana 144
Corylata 120 et s. 142
Coryli L. (Demas) 58
Coryli Nicelli (Lithocolletis) 208
Corylifoliella 209
Cosmopteryx , 202
Cossus 44
Cossus L 44
Costaestrigalis s. 140
Costalis 126
Costana 144
Costosa 176
Craccae , s. 139
Crambus 133
Cramerella 206
Crataegana 143
Crataegerella 127
Crataegi L. (Aporia)., 13
Crataegi L. (Bombyx) 48
Crataegi Z (Bucculatrix) 212
------------------------------------------------------------------------
DES LEPIDOPTERES DE L AUBE
171
Craterellus ...... .... 134
Crateronyx................ . 50
Crenata.. 55
Crepuscularia 109
Cribrella...................... 137
Cribrum L .. 41
Cribum Schiff....,:....,....... 137
Cribrumalis s. 140.
Cristana .. 141
Crocallis ........................... 103
Croceago... 81
Croesella.....,................ 168
Cruentana..... ............ .. 148
Cruciferarum .................. 174
Cruda, s. 137
Cubicularis , 76
Cucubali 68
Cuculla 54
Cucullia 85
Cucullatella. , 38
Cucullina ,.... 54
Cucullipennellum 193
Culiciformis s. 131
Culmellus .....'.' 134
Cuprella 169
Cuprealis., , 125
Cupriacellus 169
Curialis ........... 43
Currucipennella. .... 196.
Curvatula ............ s. 133
Curtisellus 172
Curtula .. 56
Cuspis 59
Cyclopides 29
Cydoniata 122
Cygnipennella. ,..., 205
Cyllarus. ..,,...... 19 .
Cymatophora 56
Cynipiformis., , 34
Cynosbana. 156
Cytherea .... ,.............. 69
Cythisaria. 94
Cytisi.. , 36
D
Daplidice 14
Dasychira 47
Dasycera .',. 189
Dasystoma 175
Deauratella s. 160.
Deceptoria . 88
Decimana ... 149
Decorella ........ ........ 199
Decorata 99 .
Defoliaria. 106
Degeerella 168
Degenerana. 38
Degeneraria 97
Deilephila — 31
Deiopeia.................. 41
Dejanira ..... 26
Delphinii............. 87
Demas 58
Dentalis .......... 127
Dentina 66
Depressaria 176
Depressella , 179.
Derasa. s. 134
Derasana......... ......... 162
Derivalis .:..... ,...... 92
Derivata................... 120
Designata 117
Desmodactyla. 220
Dia 24
Diasemia ...... ;.......... 132
Bichrorampha. . 163
dichonia 69
Dicycla , ,,.,.,,. s. 138
Dictaea .'.... ... 53
Dictaeoides.,........,...,.,..,. 53
Dictynna...............,,.,..: 23
Dianthoecia 67 et s. 135
Diastictes. , s. 143
Didyma 0. (Melitea) , 23
Didyma Esper. (Hadena) 71
Diffinis.. 78
Digitaliata s. 145
Diloba 58
Dilucidana s. 152
Diluta ........................ 57
Dilutana 38
Dilutaria Hb................... 97
Dilutata Bkh ,..;:......,.,... 118
. Dimidiata 96,
Diminutana.................... 162
Diomedes 19
Dioryctria ........ .. 135
Dipsaceus. 87
Discordella 197.
Dispar (Polyommatus).......... 17.
------------------------------------------------------------------------
172
TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Dispar (Ocneria). 48
Dispilella..... 205
Disertella.... 204
Dissimilis 66
Distans 218
Distentella 208
Ditrapezium 62
Dodecella s. 157
Dodonaea , 54
Dodonaeata. , 123
Dolabraria 103
Domestica 182
Dominula 42
Dorilis , 17
Dorylas 18
Dotata... 115
Douglasia 200
Drepana 51
Dromedarius 54
Drurella 202
Dryadella....... 182
Drynobia s. 134
Dryas 26
Dubitalis ; 126
Dubitana 149
Dubitata 114
Dumeriliellus 169
Dumetellus 134
Dumi 50
Dumeti , 50
Duplaris 57
Dryobota. 69
Dypterigia. 72
Dyschorista 79
Dysodea 67
E
Eborina 39
Eccopsis 154
Echiella 176
Edusa 15
Egerides 26
Elachista — 203
Elinguaria 103
Ellopia 101
Electa -, 91
Elocata 90
Elongella 192
Elpenor 31
Elutella 139
Emargana s. 150
Emarginata 97
Ematurga 110
Emberizaepennella 209
Empiformis 34
Emortualis 92
Emydia 41
Endotricha — 126
Endromis ...— 51
Endrosis 201
Enicostoma 188
Ennychia .. s. 148
Epelydella 138
Ephestia — 139
Ephippella 172
Epichnopteryx 46
Epigraphia..... ...... 175
Epinephele .,.. 27
Epione 104 et s. 142
Episema. ... 68
Ephialtes.............. 37
Epilobiella ... 199
Equitella ..... 190
Erastria ...- 88
Erebia.... 24
Ereptricula .... 60
Erias 38
Ericetella ... 181
Erminea .........: 52
Erosaria 102
Eryngiana................... s. 151
Erytrocephala. 82
Etiella Z s. 149
Eubolia , 111
Euchelia 41
Euclidia 89
Eucosmia......... , 114
Eudemis .. s. 153
Eugonia 102
Euplexia 72
Euphemus , 19
Euphrosyne 23
Euphorbiac L. (Deilephila) 31
Euphorbiae L. (Acronycta) s. 135
Euphorbiata 113
Euphrasiae , 59
Eupithecia 121 et s. 145
Eurhypara ,— 127
Eurycreon 130
Eurymene . .... 103
------------------------------------------------------------------------
DES LÉPIDOPTÈRES DE L'AUBE .
173
Everia........................... 49
Evonymella..,,, .... . 171
Evonymellus.. ... 171
Exanthemata .........;..... ;... 101
Exciamationis 64
Eximia...................... 202
Exiguata,..................... - 123
Expallidanâ 154
Exoleta........................ 84
Extersaria..,,,.,,.,.........,. 109
Extimalis,..., 131
Fabriciana,...-,......,,.........:.. 164
Fabriciella s. 160
Fagella..', 175
Fagi ,...,,..,..,, 53;
Faginella ,,.,...,..,.,.... 208
Falcataria 51
Falcella 175
.Falsellus 134
Farinalis 126
Farinatella 173
Fascelina 47
Fasciana, 89
Fasciaria 101
Fasciellus F. (Nemotois) 169
Fasciellus (Ypsolophùs) 187
Fastuosella ........... .... 217
Fausla. 37
Favillaceana 147
Fenestrella.......v.... 34 et s. 131
Ferrugalïs .......... 130
Ferrugata.. ..... 117
Ferrugana...... 143
Ferruginea... 80
Festaliella.... ..................... 201
Festiva...,V..............,... 63
Festucae 86
Fibulella...................... 168
Fidella................... 191
Filipendulae... ........ 36
Fimbria.... 61
Fimbrialis Se. (Thalera)....:... 95
Fimbriales Sehffi (Asopia)......, ". 126
Firmata....................... 117
Fischeriella. , 191
Fissana. 159
Fissipuncta 79
Flammeàlis... 126
Flavago F. (Xanthia)........... 81
FlaVago Esp. (Gortyna) . . 73
Flavalis. 129
Flavella Hb. (Depressaria)....,.. 176
Flavella D. (Rhinosla).......... 186
Flavella...................,... 176
Flavianella ................ 156
Flavicincta ... ....... 68
Flavicornis .............. 57
Fïavifrontella.................. 190
Flexula 91
Fluctuata .......... 117
Fluviata....... 118
Foeneana.. ........ 157
Foenella .............. 157 et s, 154
Forflcalis 131
Forficellus.............. 133
Formicaeformis. ...... ...... 34
Fornaosella,.......... 186
Forskaleana................... 143
Forsterana . 146
Forsterella ................... 191
Fractifaseiana..., .......... 161
Fragariella ......... ..... 162
Franckelia 191
Frangulella ..................... 213
Fraxini....... ..... 90
Frequentella..................., 127
Freyella ................. s. 162
Erischella Hl. (Adela) 168
. Frischella L. (Coleopbosa)...... 196
Eroelichiella.'.................,., 109.
Fuciformis. 32
Fulgidana. 153
Fulginaria 91
Fuliginosa,' 43
Fulvata ......... 115
Fulvago ..................'........... . 81.
Fulvalis.............. .. 129
Fulvescéns ...... 199
Fulviguttella..............,... s. 161.
Fwnea. ........... 6
Fuosa 64
unebrana 158
Fnesta,.'.., 8
urcula 5■
Furciera........ ............ 3
uruncula Hb 71,
Furuncula Tr ,;....., 71.
Furva ,., 69
------------------------------------------------------------------------
174
TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Furvata 109 et s. 142
Fusca Hw. (Psyché) 45
Fusca Hw. (Pempelia) 136
Fuscalis 129
Fuscantaria '. s. 141
Fuscedine!la 195
Fuscipunctella 166
Fuscoviridella , 190
Fuscula 89
Fuscus 219
G
Galathea 24
Galiata 118
Galii 31
Galleria......... 139
Gamma 87
Gangabella 204
Gelechia 180
Gemina...; 28
Gemmaria 108
Gemmiferana s. 154
Genistae Bkh. (Mamestra) 66
Genistae Stt. (Anarsia) 182
Gentiana.... 152
Gentianana :..... 152
Germarana 141
Gerningana 147
Gerronella.. s. 159
Geoffrella 189
Geometra 94
Gibbosella 180
Gilvago 81
Gilvaria 111
Glabra.. 82
Glandifera 60
Glarearia ,.... 111
Glaucata 52
Glaucina 68
Glaucinalis...,. ... 125
Gleichenella., 203
Globulariae 35
Gluphisia 55
Glyphica 89
Glypliipteryx. . 190
Gnophos 109 et s. 142
Gnophria. 40
Goedartella 173
Gonophora Brd.. s. 134
Gonostigma 47
Gortyna 73
Gothiça 77
Gràphana 155
Gracilaria. 191
Gracias 78 et s. 138
Grammesia .. 75
Grammica..................... 41
Granella 166
Granitana 1613
Granitella s. 155
Grapliolita .. , 154
Grisealis 91
Grisella 140
Griseola 40
Grossana.., 159
Grossulariata 100
Groliana.. ■. 146
Gryphipennella................. 195
Gundiana . 158
Gutta 86
Guttea. 193
Gysseleniellâ , 173
H
Hadena , 70
Halia.. 110
Halterata.......... 114
Hamana 148
Hamula ... .52
Harpagula 52
Harpana .,......., 162
Harpella 189
Harpyia ....... 52
Hartmanniana C : 149
Hartmanniana L.. 151
Hastata.... 119
Hastiana 141
Hebe 43
Hecta 44
Hedysari 37
Heegeriella 206
Heinemanii s. 162
Heliothis 87
Heliaca 87
Heliodines ............ 202
Hellerella. ....... 199
Reliothela 127
Heliozela 203
Hélix 46
Helvola 80
------------------------------------------------------------------------
DES LÉPIDOPTÈRES" DE L'AUBE
175
Hemerobiella 196
Hemidaetylella. ....... 191
Heparata..... ... .120
Heparana ....... 145
Hepatica..........-.., 71
Hepialus ... — 44
Herbariata.........,....-..-. 96
Eerminia ........ 92
Hermione . 25
Hero...,,.,,,.,. 27
Hera 42
Heracliana s. 157
Herbida...... 65
Heroldella. ....... 171
Hesperia ... ..... 29
Eeterogenea .... 45
Hexadactyla L. ,.,.... 220
Hexadaclyla Hb............... 220
Hexapterata. 114
Heydenia. s. 161
Hieracii ..;....... .218
Rimera 103
Hippocastanaria.. 109
Hippoerepidis. , 36
Hippothoe - 17
Hirsutella 45
Hirtarius 107
Hortella , 206
Hispidaiius. 107
Hoffmanni., 179
Hohenwartiana. 154
Holmiana 143
Holosericeata s. 140
Eomoeosoma. 138
Honorària. ......... 102
Horridella. ■.-. 174
Hortuellus. 134
Roporina............. 82
Hospita ....... ..:..., 42
Hubneri .■ 220
Humeralis...... 183
Humerella.... 187
Humiliata .... 97
Humilis 81
Hyalinalis ....... 129
Eybernia. 105
Eybocampa ,. .,... 53
Hybridalis ,,.,.. 131
Hybridana.......... 148
Rydroecia 73
Rydrocampa , 132
Hylas 18
Rylophila 38
Eypaena ........ 92
Eypenodes s. 140
Hyperanthus 27
Eypercalia — 188
Hypericella s. 157
Eyponomeuta 170.
Eypochalcia ■ • 136
Hyale..... ................ 15
Hypericana 157
I ' -
Icarus '. 18
I-cinctum 77
Ichneumoniformis. 34
Ignobiliella 215
Ilia 20
Ilicaria s. 142
Ilicis 16
Illunaria 102
Hlustraria. 103
Impluviata. 120
Impura ...................... s.' 137
Immutata. 98
Incanaria 96
Ineanata 98
Incarnatana .... 156
Incerta 78
Ineurvaria 167
Infausta 35
Infesta........:.. 70
Innuba ... 61
Ino ,35
Inopella........... 184
Inornata .' 97
Inquinatana ................. s. 154
Inquinatellus................... 134
Insignitella. ...... 207
Inspersella ...... 201
Instabilis ' 78
Institalis.......... ..... s. 148
Io 21
Iodis 95
Iota s. 139
Iphis 27
Iris 20
Irriguata................121 ,
Irrorella ..' 39
Intermediella.....,........,.,. 46
------------------------------------------------------------------------
176
TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Interpùnctella 139
Isogrammaria s. 146
Inulae s. 160
J
Jacobeae... 41
Janthina 61
Janthinana 159
Jantinella 135
Janira 27
Jaspidea s. 136
Juliaria 102
Juniperata 116
L
Laburnella 211
Lacertinaria 52
Lactearia , 95
Lacteella 201
Lactucae. ..,. 85
Lacunana. 153
Laetana 162
Laevigana. '. 144
L-Album:..: ... 75
Lampronia — 167
Lamproies 185
Lanceolàna ,. 154
Laneealis 131
Lanestris 49
Lantanêlla.. 208
Lapella L. (Parasia) ........ 184
Lapella Hb (Tinea) .......... s. 155
Laquaeàriâ. s. 146
Laria , ,. 47
Laricella 194
Lariciana 160
Lariperinëlla. , 198
Laswcâmpa 50
Laterella.. ' 178
Lathonia , 24
Latifasciana 154
Latruncula 71
Lautella 206
Laverna .., 199
Lechéana 145
Ledi 195
Legatella — 138
leioptilus 219
Lemnata '. 132
Lcmnieella 187
Lentiginosellâ s. 157
Leporina 58
Leucania ,.,,.,.. 74
Leucatella '. 183
Leucoma 47
Leueomelas Esp. (Melanargia) . s. 130
Leucomelas Hb. (Aedia)... .... 87
Leuçophaea... 65
Leucophaearia 105
Leucophasia , 15
Leuwenhoekella . 201
Levana ., ..... s. 130
Libanotidella 179
Libatrix 83
Lichénariâ 108
Lignella ' 136
Ligniperda 44
Ligula : 82
Ligulella 185
Ligustrata , 117
Ligustri L. (Sphinx) j 30
Ligustri F. (Acronyeta) ! 19
Limacodes 45
Limenitis. , 20
Limitata 112
Limosellus., s. 159
Limosipennella 194
Linariata ,.., s. 145
Linariaê 85
Linceus , , 16
Linea 29
Linearia ; 99
Lineatella 188
Lineola O. (Hesperia) ..................... 29
Lineola Curtis (Scopafia)....: 126
Lineolata 113
Lineoela Hw s. 161
Linneella... :...... 200
Linogrisea 61
Lipsiana 142
Literana 142
Lithocolleiis 205
Lithodactylus ... s. 162
Lithoriza ... 84
Lithosia.. ......... 40
Lithoxylea ....... 70
Litterata 132
Liturata 105
Liturella s. 157
------------------------------------------------------------------------
DES LEPIDOPTERES DE L AUBE
177
Livida...... ............... 77
Lixella.... ;.............. 197
Lobella..... 188
Lobesia...............154
Lobophora. ....... ... 114
Lobulata, ...... 114
Loeflingiana 146
Logiana. 141
Lonicerae 36
Lophopteryx.... 54
Lota , 80
Lotella 139
Lùbricipeda ..... 43
Lucella, 174
Lucida. , 88
Lucina 19
Lucipara 72
Luctuosa 88
Luculella. 183
Lugdunana s. 153
Lugdumella , 197
Lunaria. 103
Lunaris Schiff. (Pseudophia) 89
"Lonaris Hw. (coecophora)............. 190
Lundana..-.................... • 162
Lunula ... 85
Luperina. ....... 69
Lupulinus....... 44
Luridata 109
Lurideola. 40
Lusbria .......... ......... s. 139
Lutarella.................... s. 132
Luteata 120
Luteago s. 135
Luteellus.... ............ s, 149
Luteola............. s. 132
Luteolata . 104
Lutescens , 182
Luticomella 203
Lutipennella................... 195
Lutulenta 68
Lycaena.... 17
Lychnitis 84
Lygris 115
Lyonetia, 210
Lytargiria .........., 75
Lythria. .................. 112
M.
Macaria. 105
Machaon. 13
Maciîentaria, 96
Maera 26
Macroglossa 32
Maculania. 43 et s. 132
Maeularia 105
Maculosa ., 43
Madopa ...................... 92
Magniflcella 203
Mahalebella .,,, .............. s;: 155
Malacodactyla...... ........ 219
Malinellus 171
Mâlvae ... 28
Malella .....215
Malvella 181
Mamestra 65
Mania. 73
Manniana., s. 152
Margaritaria., 102
Margaritalis., 131
Margarotana ,. ..... 150
Marginata 88
Marginellus 187
Marginea 210
Marginaria 106
Marginepunctata 98
Marginicolella 214
Marginata 100
Marmorinaria 106
Matura.. 69
Màturna .......... 22
Maura........ 73
Medea ......... 25
Medon. ........... 18
Megacephala .58
Médusa 24
Melagona ., s. 134
Melaléuca 84
Melanella .... 165
Melanargia. 24
Melanella 136
Melitaea 22
Meliloti Esp... ... 36
Melilotella.. ..... s. 159
Mellonella. ...... 139
Mendica Cl. (Spilosoma) 43
Mendicà Hw. (Argyresthia). .. 172
Mensuraria. .;.... 112
T. LIII 12
------------------------------------------------------------------------
178
TABLE DU CATALOGUE- ET DU SUPPLÉMENT
Menthastri , 44
Mercurella 127
Meridiana . s. 151
. Mesomella 39
Mesotype 113
Metaxella 168
Metallicus 169
Meticulosa 72
Metrocampa 102
Mi 89
Miata 116
Micacea 73
Micella s. 158
Microdactylus s. 163
Micropteryx 217
Mierotheriella 215
Milhauseri 53
Millefoliata 122 et s. 146
MimaeseopTilus 219
Miniata 39
Minima.. 19
Miniosa. 77
Ministrana 145
Minoa 113
Minos. 35
Minutana 161
Minutella 190
Miselia 69
Mitterbacheriana 161
Mixta 82
Modestella. 200
Monodactylus 219
Moma... 60
Monacha 48
Moeniata., .... 112
Moneta s. 138
Moniliata. s. 140
Monoglypha 70
Montanata 117
Morpheus 29
Mouffetella 182
Mucronella 175
Muliuella 181
Munda 78
Mundana 39
Muralis 60
Muricata 96
Murina 39
Murinaria 111
Murinata 113
Muripennella .. 198
Muscalella ,.....,... 167
Muscaeformis 34
Muscerda 40
Muscosella 180
Musculana., 145
Musculosa. 74
Mutata 98
Matillaeformis.., ... 34
Myelois. 137
Myellus s. 149
Myopaeform:s 34
Myrtillana.. 162
Myrtilli 87
N
Nacliu.... ......... 37
Naenia — 73
Naevana 162
Nana 67
Nanâna 161
Kanata 122
Nanatella ....... 177
Nanella 184
Napeae 14
Napi ., 14
Nebritana 157
Nebulea s. 150
Nebulosa 65
Negleeta 62
Nemeobius 19
Nemeophila 41
Nemeophora , [ 167
Nemoralis F. (Zancbgnatha),..,, 91
Nemoralis Se. (Agrotera) .. ..... 132
Kemorella 174
Nemoria 95
Nemorivaga 161
Nemotois 169
Nepticula 213
Nepliopierix 135
Nerii s. 131
Nervosa 180
Neustria 49
Nicellii 209
Niçtitans Esp. (Hadena) .... 71
Nictitans Bkh. (Hydraecia) 73
Nigra 68
Nigrata , 128
Nigricans L. (Agrotis) 64
------------------------------------------------------------------------
DES LÉPIDOPTÈRES DE L AUBE
159
Nigricans .(Aspilates), ,,...... 111
Nigricomella. ... ... 211
Nigricoslana..... ........... 152
Nigrofasciaria .,..,.,...... 120
Kigromaculana ... .... 160
Nimbella........... 1.38
Nisella .... ........ 155
Nisodiades 28
. Nitida .. 81
Kitidella Hof. (Fumea)................ 46
Nitidella F. (Argyreslhia) 172
Niveana ,.,,......,.. 142
Nôctuella .,.,,.,,,,.., 131
Note......,..,.,,,.,.,,, 38
Nonagria 74
Notata. 105
Notatella ,.....,.,,., 183
Nothum 93
Nothris......... 187
' Nomophila , . 131
Notodonta, ,..,,. 53
Nubilalis : ..129
Nubilana......,., , 147
Nudaria '... 39
Nupta.. 90
Nymphaeata. 132
Nymphaealis. 132
o
Obductella. ,. s. 150
Obelisca ,,.. 64
Obeliscata. 116
Obliterata ...... 120
Obliqyaria, ,,.,...,.... 113
Oblougana 151
Oblongata................... 121
Obscura. .. 61
Obseuraria. 110 et s. 143
Obscurata. 118
Obscurus. 218
Ohtusella.,,,... , 137
Occlusa 69
Oeellana..... ................. 160
Ocellata L. (Smerinthus) 32
Ocellata L. (Cidaria) 116
Oeellana..., , 178
■Ocell.aris.; ,.,, 81
Ochracea,,.. ,,. , . 73
Ochrata, , s.140
,Oçhrearia • 111
Ochripennella.,.., ,.... 194
Ochroleuca. ..... 70
Ochroleucana...... 151 et s. 152
Ocnerostoma. 173
Ocneria 48
Ocnerpstomeila... 200
Oculea,,.............. ..... 71
Ocularis 56
Oculatella........; ............. 191
Ochsenheimeria 169
Octogésima. 56
Octomaculata 128
Oculata 83
Odezia 113
Odontia 127
Odontoptera.,............. s. 142
Oecophora.,..,,.,............ 189
Oedemalophorus s. 162
Oegoconia..........,,..,... 190
Oehlmanniella ,. 167
Oenophila. ,.. .. 205
Oleracea 66
Olerella .... 180
Olindia , 148
Olivacella .... 194
Olivana ........... 152
Olivata .. 117
Oliviella. ......... 189
Omicronaria 99
Oneratella.......,.,,. 191
Ononaria 112 et s. i43
Ononidis., ,,.-192
Onosmella. , .... 198
Oo L ,,,.,...,,..,,. s. 138
Ophtalmicana.., 155
Opostega. 213
Opressana 160
Or...,,,.....',................... 57
Orbicularia...,., 99
Orbona Hufn. 61
Orbona F, ,,.,,..........,,,-... 62
Orgya. 47
Orion. 60
Ornata 99
Ornatella 136
Ornitopus 83
Ornix 193
Orobena , 131
Orrhodia.........'......,...... 82
Ortholita. 112
Orthosia......... .......... 80
------------------------------------------------------------------------
180
TABLÉ DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Osseata 97
Osteodactylus 219
Ostrinalis 128
Oxyacanthae L. (Miselia) 69
Oxyacantbae Frey (Lilhocolletis). 208
Oxyaeanthella L. (Simaelhis) 164
Oxyacanthella Stt.; (Nepticula).... 214
Oxydata. s. 146
Oxyptilus 218
P
Pachnobia. 78
Pachycnemia 109
Pactolana '. 158
Padellus 171
Padi 171
Palaemon 29
Palealis 130
Palleago 81
Pallens 74
Palliàtella 196
Pallida 78
Pallidata 96
Pallifrontana. ,... 158
Palpina 55
Pailorella 176
Paludella s. 149
Paludum 204
Palustrana 152
Palumbella 136
Pamphilus 27
Pancalia 201
Pandalis 130
Paniseus 29
Panolis .... 78
Panlaria 100
Panzerella Hb. (Nemophora) 167
Panzerella Stph. (Oecophoraj 189
Paphia. 24
Papilio 13
Papilionaria 94
Par 60
Parallelaria s. 142
Paranympha 91
Pararge 26
Parasia 184
Parenthesella s. 156
Pariana 164
Parilella 179
Parisiana 142
Parisiella 208
Paroponyx 132
Parthenias 93
Parthenie 23
Parthenoides 23
Parvella 201
Parvidactylus 218
Pascuellus 134
Pasivana 147
Pastiuum 91
Pastorella 210
Pavonana s. 153
Pavonia 51
Pechipogon 92
Peclinataria 117
Pectinea 167
Pectodactylus s. 163
Petrificata 83
Pedaria 106
Pedella 202
Pedisequella 182
Pellionella 166
Pellonia 100
Pempelîa 136
Pendularia 99
Penkleriana, ........... 155
Pennaria 103
Pentadactyla 219
Peniliina 151
Perdicellum 200
- Pericalia 103
Perigraphia 77
Perinephele 131
Perla 60
Perlellus 135
Perlepidana . 158
Permixtana 154
Permutaria s. 141
Perochraria 95
Persicariae 66
Persicella 174
Perspicillaris 72
Petraria 110
Petiverella 163
Peucedani 37
Pflugiana , 156
Phaedra 26
Phaeodactylus 219
Phalera 55
Phasiane 110
------------------------------------------------------------------------
DES LÉPIDOPTÈRES DE L AUBE
181
Phasiauipennella 192
Phigalia... ........ .., .... ,106
Philautiformis ...... 34
Phlaeas 17
Phoebe 23
Phorodesma , 94
Phoxopteryx 161
Phragmitella 199
Phragmitellus ,„ .. 133
Phryganella...... 175
Phtoroblastis 159
Phtheochroa 150
Phyllocnistis 211
Pimpinella.,. 179'
Pictaria s. 141
Pieris 14
Pigra 56
Pilella.. 168
Pil leriana 146
Pilosaria 106
Pilosellae . 35
Pimpinellata 123
Pinastri L. (Sphinx) 30
Pinastri L. (Dypterigia) ,, 72
Pinetana 158
Pinguinalis 125
Pini ..................... s. 133
Piniariella..,,. 173
Piniarius ..... 110
Piniperda ........ 78
Piriivorana ... s. 152
Pionea 131
Piperata 122
Piri 51
Pisi... .. 66
Pistacina... 80
Plagiata........ ... 113
Plagicolella ..., 215
Plantaginis 41
Plastenis 79
Platyptilia :. 218
Platyptera. .".... 85
Pleeta .,.-. 63
Pleretes . 42
Pleurota 188
Plumbaria 112
Plumbellus 170
Plutella 173
Plumbagana s. 155
Plumbeolata .' s. 147
Plumbana 163
Plusia 86 et s. 138
Podalirius , 13
Podana 143
Poecilia 184
Polia.. 68
Politana. 145
Polita 83
Pollinalis ;.. 127
Polydactyla. ; 220
Polychloros 21,
Polyommatus , 17
Polyphaenis... , 72
Polyodon L ... 70
Polyodon CI.......... ... 72
Polyspérchon s. 130
Pomella 213
Pomifoliella 207
Pomonana 159
Pomonarius 107
Pomonella , 159
Pontificellus 199
Popularis F... s. 135
Populata : 115
Populella 185
Populeti 77
Populetorum 192
Populï S. (Limenitis) 20
Populi L. L. (Smerinthus) ... 32
Populi L. (Bombyx)., . 48
Populifolia.. 50
Populifoliella 210
Porata , s. 140
Porcellus 31
Porphyralis s. 148
Porphyrea .......... 60
Porrectella..., 173
Porthesia.. ... .48
Posterana.. , 150
Potamogata 132
Potatoria 50
Praeangusta, , 202
Praelatella , 167
Pratellus L 134
PratellusH. S 135
Prasina 65
Prasinana 38
Prataria .'. 99
Prays 172
Proboscidalis 92
Proboscidella 189
Procellata , , 119
------------------------------------------------------------------------
182
TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Procerella 190
Processionea 55
Prodromaria 107
Profundana. , 151
Progemmaria 106
Promissa 90
Pronuba 61
Propiignata.. 117
Propinquella 177
Prorsa s. 130
Prosapiaria ,. 101
Proserpina 25
Prospicua 72
Protea 69
Prothymia 89
Proximana 155
Proximella 187
Pruinata 94
Prunalis 130
Prunaria 104
Prunata 115
Prunetorum 214
Pruneticolana 151
Pruni L. (Thecla) 16
Pruni Schiff (Ino.) 35
Pruni S. (Lasioeampa) 50
Pruniana 151
Prunifoliella 211
Psamotis 131
Psecadia 176
Psoricoptera. 180
Pseudobombyecila 164
Pseudophia 89
Pseudoterpna 94
Psi 59
Psilura, . ....... 48
Psitlacata 116
Psyche. 45
Pterodactyla Hb 219
Pterodaetylus L 219
Pteropliorus 219
Pterostoma. 55
Ptocheuusa 184
Pudibunda 47
Pulchra 41
Pulchella.. 41 et s. 132
Pulla 46
Pullicomella 204
Pulveraria ., , ,. 101
Pulverulenta s. 137
Pulveralis 131
Pumilata 124
Punctana 38
Punctaria ,. 99
Punctularia 109
Punicealis ,.., 128
Purpurana 152
Purpuraria 112
Purpuralis 128
Purpurata 45 et s. 132
Purpurea L. (Chelonia) 42
Purpurea Hw. (Dépressaria). 178
Pusaria , 10
Pusillaria 96
Pussilata 94
Pustulata 94
Puta 64
Putridella 177
Putris.. ...,,..,.... 63
Pygarga 89
Pygaera. 56
Pygmaeana 170
Pygmaeella Hb. (Argyresthia) . s. 156
Pygmaeella Hw. (Nepticula) 213
Pyraliata 115
Pyramidea , 77
Pyrausla 176 et s. 156
Pyrella 171
Pyrina , 45
Pyrolana :.. s. 153
Pyrophila 63
Pyrrhulipennella 197
Q
Quadra 40
Quadrifasciaria 117
Quadripuncta J 190
Quadripunctata... ........ 76
Quercana Schiff. (Hylophila). L... 38
Quercana F. (Carcina). 18S
Quercifolia 50
Quercifolieila 208
Quercinaria Bkh , 102
Quercinaria Hb 102
Quercus L. (Thecla) 16
ftuercus L. (Bombyx) , 49
R
Raddaellus '169
Radiana (Teras) 141
------------------------------------------------------------------------
DES LEPIDOPTERES DE L AUBE
183
Radiatella. 174
Rapae 14
Ravida 61
Ravula 59
Reclusa 56
Reetangulata ....... . .. 122
Recurvaria:. -....• ..... 183
Repandalis 129
Repandata 108
Remutaria. ................ . 98
Reticularia. 146
Reticulata 67
Retinella 172
Retinia. 150
Retusa 79
Revayana..........-.- 38
Bhacodia 141
Rliamni 15
Rhamnifoliella. 213
Rhamnata.. 115
Rhediella 160
Rhenelïa. 135
Rhinosia 186
Rhizolitha 83
Rhodôcera ............. 15
Rbododaclylus 218
Rhombella ,. 181
Rhomboidaria ............. . 108
Rhomboidea. 62
Rhopobota 162
Ribeana 144
Ridëns 57
Riguata......... 118
Rimicola 49
Rivata. , 118
Rivula...-.,....- 93
Rivulana 153
Rivulata 119
Roborana 156
Roboraria 108
Roborella Zk........ 135
Roboricolella s. 133
Roboris B. (Dryobota) 69
Roboris Z. (Lithocolletis) 206
Roesella 202
Rorella 134
Rorellus ,. 171
Roseidana 142
Rosana 144
Rosea- . 39
Rosella.' , ...-, 137
Roserana .................. 148
Roseticolana 157
Rostralis ; 92
Rotaria 112
Rubetra 81
Rubi L. (Thecla) 16
Rubi L. (Bombyx) 49
Rubi View. (Agrotis) 63
Rubidata 129
Rubiginalis 120
Rubiginata Hufn. (Acidalia) ..... 98
Rubiginata F. (Cidaria) 116
Rubricata 98
Rubricollis , 40
Rubricosa 78
Rubrotibiella 137
Rufana Schiff. (Teras) 142
Rufana Se. (Penthina) -,. 152
Rufaria Hb. .\ 96
RufataF 113
Rufescens .......... 186
Ruflcapitella 214
Ruficinctana '. s. 144
Rufifrontella 168
Rufimitrella .. 168
Ruflna 80
Rufocinerea 204
Rufuncula s. 137
Rugosana... 150
Rumia 104
Rumicis 59
Rupestrana 153
Rupicapraria 105
Ruptata......... 120
Ruptella 181
Ruralis.. 130
Rurea 70
Ruris s. 135
Rusina 76
Russata 116
Russula. i 41
Rusticana : 146
Rusticata 97
Rusticella . 165
Ruticilla 80
Rutilus 17
s
Sabinella 117
Salaciella ......... 213
------------------------------------------------------------------------
184
TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Salicalis 92
Salicata s. 144
Salicella L. (Penthina) 151
Salicella Hb. (Dasystoma) 175
Saliceli 80
Salicicolella 207
Salicis 47
Salictella 207
Sambucaria 104
Sambucalis 129
Sanguinalis , 128
Sauguinana 149
Sanguinella. 136
Sao 28
Saponariae 67
Saportella 206
Sarrhoihripa 38
Saturnia 51
Satellitia 83
Satyrata 122
Satyrus 25
Saucia 64
Saxicola Vaughan s. 150
Scabiosata 122
Scabiosae 35
Scabiosellus 169
Scabriuscula 72
Scalella 181
Scardia 165
Scarodactylus 219
Schalleriana 142
Sckreckensteinia 201
Sohoefferella 190
Schloegeriella 188
Schiffermillerella 169
Sehmidiella s. 161
Schoenobius 133
Sehreberella 209
Schwarziella 167
Sciaphila 147
Sciapteron 33
Scintilella s. 158
Scitella 211
Scoliaeformis 33
Scoliopteryx 83
Scopelosoma 83
Scoparia 126
Scopariella 177
Scopolella 201
Scotosia 115
Scriptana 151
Seriptella 183
Scrophulariae s. 138
Scutulana... 156
Scululata 96
Segetum 64
Selasellus ;... 135
Selene 23
Selenalis ....... s. 149
Selenia 102
Seliniella 200
Sellana 152
Semele 25
Semiargus 19
Semialbana 144
Semibrunnea 83
Semifutvella 166
Semirubella 136
Sepiaria 109,
Sepium 46
Septembrella 216
Sequana 163
Serena 67
Serenella 196
Sericata 72
Sericealis 93
Sericiella 203
Sericopeza 216
Serratulella :... 196
Sesia 33
Setina 39
Sexalata 114
Sexalisata 114
Sexpunctella s. 156
Sibilla ... 21
Signum 61
Sigma 61
Silago .... 81
Silène 82
Silvellus 189
Simaethis 164
Similis 48
Similana 156
Simplana 160
Simpliciana , 163 et s. 155
Simplicella 166
Simploniella 192
Simulans 63
Sinapis 15
Sinuana 155
Sinuella 139
Siterata '.. 116
------------------------------------------------------------------------
DES LÉPIDOPTÈRES . DE LAUBE
185
Smeathmanniana ,... 149
Smerinthus 31
Sobrinata 124
Socia. • 83
Sociata. • 119
Sociella... 139
Solaris. 88
Solandrïana 155
Solenobia.. 165
Solidaginis. 170
Solitariella s. 159
Solulella... ,. 181
Somnulentella 205
Sorbiana. ..... 144
Sordiata s. 142
Sordida. 70
Sophronia ,... 187
Sororcula 40
Spadicea s. 138
Sparsata s. 145
Sparliella 188
Spartiata 113
Spartiifoliella 211
Spheciformis 33
Sphinx 0 30
Sphinx Hufn 84
Spisoloma 43
Spilothyrus 28
Spini. ..- 16
Spinicolella 207
Spinula 52
Spissicella , 135
Splendana 159
Spoliata... 97
Spoliatricula 60
. Sp.onsa.s, , 90
Spretella, ....... 166
Squamana 142
Stabilis 77
Stabilella ., 204
Stagnata 132
Stagaicola. : 75
Slathmopoda —. 202
Statices , 35
Statilinus 26
Stauropus 53
Stegania 101
Steganoptycha 160
Steinkellneriana .......... 175
Stellatarum 32
Steropes..., .., ... 29
Stibiana 152
Stiçticalis 130
Stigmatella 191
Stigmatica 62
Stilbia 75
Stramentalis...:... 131
Straminea Tr. (Leucania) 74
Straminea Hw. (Cochylis) s. 151
Straminalis 131
Straminata 96
Stratarius 107
Stratiotata 132
Striana 152
Striàta ............. 41
Striatella ............ 186
Strigaria ... 98
Strigata 95
Strigilaria 99
Strigilis 71
Strigillaria 111
Strigosa. , s. 134 ,
Strigula Schiff. (Nola) 39
Strigula Thnb. (Agrotïs) ........ 60
Strigulatella 206
Suavella. 138
Subbimaculella 216
Subbistrigella 199
Subfulvata., s: 146
Sublustris..., s. 137
Subnotala s. 145
Subocellana , 155
Subocellea s. 158
Subpropinquella , , 177
Subsequa 61
Subsequella s. 158
Subtusa .,... 79
Succedana , 158
Succentuariata 122
Suffusa 64
Suffusella. 211
Suffusana 156
Superstes s. 137
Sulphurella ,. 189
Sulphuralis 89
Sulzella 168
Sulzeriella., 168
Susinella 211
Swammcrdamia 171
Swammerdamella 167
Sylvanus 29
Sylvella L. (Cerostoma).. s. 156
------------------------------------------------------------------------
186
TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
Sylvella Hw. (Lithocolletis) 206
' Sylvestraria 98
Sylvinus , 44
Syngrapha 18
Syrichtus 28
Syringaria 103
Syringella.... 192
T
Tabaniforme 33
Tabulella 164
Taehyptilia 185 et s. 158
Taeniatella , s. 161
Taeniolella. 185
Taeniocampa. 77
Tages........ 28
Talaeporia 164
Taminata 100
Tânaeetella -.. 186
Tapetzella 165
Tapinostola 74
Taras s. 130
Taraxaci Hb .. 76
Tarnierella. 46
Tarsicrinalis s. 139
Tarsipennalis 92
Tarsiplumalis .. s. 139
Tau 51
Taurella. 169
Tedella 156
Teleia 183
Telesilla , 85
Temerata 101
Tenebrata 87
Tenebrosa 76
Tenella 206
Tenlhrediniformis, ■. 34
Ténuiata s. 146
Tephronia 109
Teras 141
Terrella 182
Tersata. 121
Tesserana 149
Tessella 182
Tessellaria 98
Testacea s. 136
Testata 115
Tètradactyla. .-. 219
Tetragonana :- 157
Tetralunaria 102
Tetraquetrana 156
Thalassina s. 135
Thalera 95
Thrasonnella 90
Thaumas 29
Thecla 16
Therislis 175
Tlvrenodes ... 127
Thunbergella 217
Thyatira 56
Thyris 34
Tiliae L. (Smerynthus)...'.., 31
Tiliae Frey (Nepticula) 214
Tiliaria 102
Timandra 100
Tinagma 200
Tincta 65
Tinctella., 189
Tinea 165
Tineola 166
Tipuliformis 33
Tiresias 17
Tischeria 210
Tithonus 27
Tmetocera . "160
Togata '. 81
Togatulalis L. s. 131
Torminella ...!... 207
Torquilella :... 193
Tortrix 143
Tortricella 147
Toxocampa 91
Torva s. 134
Trabealis 89
Trachea ......... 72
Tragôpogonis ....-... , 76
Transalpina , 36
Transversella s. 150
Trapezina , .. 79
Treitsehkiella ,... 202
Tremula 53
Tremulae Esp. (Limenitis) 20
Tremulae Z. (Lithocolletis) 210
Tremulifolia 50
Trépida. ... 54
Treuveriana 158
Triangulum ' 62
Triannulella ....... 186
Tridens 58
Trilinea -., -75
------------------------------------------------------------------------
DES LEPIDOPTERES DE L AUBE
187
Trilinearia , 99
Tilline.ata... 95
Trifasciata .............. .. 120
Trifasçiella 209
Trifoliana ..- : s. 153.
Trifolii Esp. fZygaena) ....,.,.-... . 36
Trifolii Rott. (Mamestra) 67
Trifolii Esp, [Bombyx)..,,, 49
Trigrammica ,..,...,..,,. 75
Trimacula , 54
Trimaculana. 161
Trimaculella 216
Trimaculata ' s. 141
Triparlila..........:... 86
Triphosa. 114
Triplasia. 86
Tripunctana ......;..... 156
Triquetrella 165
Trisignaria s. 147
Tristata.. 119
Tristelius... 135
Tristigma 62
Tristrigella 209
Tritici 64
Tritophus 54
Twchiliuiii .32
Troglodytella........ . ... s. 160
Truncalà................ 116
Truncicolella. 127
Tumidella...................... 137
'Tnrca....... 75
Typhaë... ... 74
Typica..... ....:... 73
u
Uddmanniana 153
Ulicetana , .... s> 154
Ulicicolella 208
TJliginosella.................... 133
Ulmella 212
Dlmifoliella 207
Dmbelaria ■ 98
Timbra....... 88
Dmbratica. 85
Umbrosa 63
Umbrosana 153
Dnca. 88
TJneana 162
Uncula 88
Cndulana ...., 38
Undulata. . 114
Unguicella..................... 162
Unicolor Hufn, (Psyché) ........ 45
Dnicolor Stgr. (Cirrhpedia)....... 80
Dnifasciana, ,....,,..,.,.. 145
Unïfasciata,,................. s. 144
Vr aptéryx. 104
Urticae L. (Vanessa) 21
Urticae Hb. (Plusia)............ 86
Urtieata....,,.,..'................ 127
Urticana 153
Ustulellus,..,,.............,., 186
V
Vaccinii 82.
Vaeeulella.... 170
taleria. s. 136
Valérianata s. 147
VanesSa , .21
Variabilis... 171
Variata 116
Yàriegana Hb. (Penthina) .151
Variegana Schiff. (Teras). 142
, Variegata 110
Vau-pùnctatuin. \. 82
Yenilià — '. ,:.. .105
Venosa Bkh... s. 134
Venosata.. :. 121
Venustula .............. 88
Verbascalis. s. 149
Verbascï. 85
Vêrbascèlla 187
Vernaria , 94
Versicolora.. 51
Verticalis 130
Vespertaria .. s. 142
Vetulata. , 115
Vetusta 84
V-FIavum 205
Vibicaria 100
Yibicella 197
Viburniana. .'. s. 151
' Viciae .36
Vigintipunctatus 170
Vilella 180
Villica 42
Viminalis 80
Vimineteila , 195
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TABLE DU CATALOGUE ET DU SUPPLEMENT
188
Vinctuncula 71
Vinula 52
Violella 168
Virens L s. 136
Viretata s. 143
Virgata 113
Virgaureae , , 198
Virgaureata s. 147
Virgularia 96
Viridaria F. (Cidaria) 117
Viridaria Cl. (Prothymia) 89
Viridana 116
Viridata , 95
Viridella 169
Viscerella 214
Vitalbata 121
Vittata s. 144
Vitella 174
Vitellina 75
Vorticella 185
Vulgata 123
Vulgelia 183
w
W-Album 16
Wahlbomiana 147
Wavaria 110
Wockeella s. 160
X
Xanthe 17
Xanthia 81
Xanthoceros 57
Xanthographa , 63
Xerampelina 79
Xylina 83
Xylocampa ,......,.,.. 84
Xylomiges 84
Xylostella L... 175
Xylosteana., 144
Xysmatodoma 165
y
Yeatiana 178
Ypsilon Rott. (Agrotis) 64
Ypsilon Bkh. (Dischorista).-....... . 79
Ypsolophus 186
Z
Zanclognatha 91 et s. 139
Zephyrana 148
Zephyrella 178
Zetterstedtii , 218
Zeuzera — 45
Ziczac .. , 53
Zinckenii , ..... 167
Zinckenella Tr s. 149
Zoegana 148
Zophodactylus 219
Zophodia. 138
Zonarius 107
Zonariella 204
Zonosoma 99
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NOTES BIOGRAPHIQUES
SDR
JACQUES-EDME REGNAULT DE BEAUCARON
Ces notes biographiques, qui redeviennent presque d'actualité au moment de l'anniversaire de 1789, n'offrent guère d'intérêt qu'au point de vue local, et à cause surtout des circonstances politiques de l'époque. Nous les présentons à la Société Académique de l'Aube, dont Jacques-Edme Regnault de Beaucaron fut un des membres fondateurs.
Quant à nous, nous avons éprouvé un certain charme à passer en revue un temps si éloigné déjà, et cependant encore si proche, à relire ces feuilles jaunies dont sortait comme la voix affaiblie d'un être humain, et à retracer son profil à demi-effacé dans l'histoire.
Nous serions heureux d'avoir réveillé quelques sympathies en faveur d'un de nos compatriotes dont la seule ambition fut de se rendre utile à sa patrie et d'être un honnête homme.
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100 REGNAULT DE BEAUCARON
L
Origine. — La société troyenne avant la Révolution. — Essais littéraires. — De Piis. — Rivarol et son petit almanach des grands hommes. — Académie des Arcades de Borne, de Rosati, etc.
Le nom patronymique de Regnault se rencontre dans les actes les plus anciens des environs de Troyes. Mais, sans vouloir essayer de remonter à des temps aussi reculés, disons seulement que la famille qui nous occupe s'était établie, au commencement du XVIIe siècle, à Lantages. Ses membres, qualifiés de nobles et honorables hommes, occupaient presque héréditairement les offices de judicature locale, possédaient, en dernier lieu, et habitaient la maison qui sert aujourd'hui de mairie, et avaient leur sépulture dans le choeur de.l'église.
À la fin du xviir 6 siècle, ils étaient venus s'établir à Chaource. C'est là que, le 1er septembre 1759, est né Jacques-Edme Regnault de Beaucaron.
Son père, docteur en médecine, jouissait d'une grande considération.
Sa mère, née Sollagesse, appartenait aussi à une vieille famille du pays.
La fortune de ses parents, au-dessus de la moyenne, se devinait à l'aspect de leur habitation confortable^ entourée d'un jardin clos de murs, ayant accès sur la rue par un large portail à voiture.
Le lendemain même de sa naissance, il est baptisé par un de ses cousins, le chanoine Jacques Boucherat, ancien curé de Mussy-l'Evêque. Sa marraine est sa grand'mère, Jïdmée Picardat, femme de noble Lazare Regnault,; procu-
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REGNAULT DE BEAUCARON 191
reur fiscal en la justice de Lantages, procureur et notaire royal en la duché-pairie d'Aumont. Son parrain est un des frères de son père, avocat en Parlement..
Elevé dans les principes d'une saine et forte éducation, il fait ses classes, d'abord à Chaource, au collège fondé par Amadis Jamin, ensuite à Troyes. L'histoire, surtout la littérature et la poésie, l'intéressent et le captivent. Il finit par en avoir une connaissance approfondie ; ne se bornant pas seulement aux auteurs français, il veut étudier aussi ceux des pays étrangers et, à cet effet, il apprend l'italien, l'anglais, l'espagnol et le portugais. Ses humanités terminées, il se dispose à embrasser la carrière judiciaire. Il va à Paris, est reçu avocat en Parlement à l'âge de vingt ans, et revient dans son pays avec l'intention d'y remplir, une charge de magistrature. Il fait alors son entrée dans le monde dans d'excellentes conditions pour réussir. Aux avantages que lui procurent son instruction, la situation et l'honorabilité de sa famille, il joint un visage agréable, une taillé élevée, des allures distinguées.
A la fin du xvme siècle, où les causeries de salon sont la grande affaire de la société, les bonnes manières et le charme de la conversation sont un moyen de faire son chemin. La société troyenne brille alors d'un assez vif éclat; pendant qu'à Paris, les courtisans, les financiers, les philosophes et les écrivains devenus une puissance, se réunissent chez Mesdames de Boufflers, de Beauveau, du Deffand, et Geoffrin, les beaux esprits de la province se donnent rendez-vous chez Mesdames Berthelin, Framageot, de Chavaudon, etc., dont un écrit du temps nous a conservé le portrait suivant : « Si la délicatesse de leur goût vous est un sûr ga» rantde leurs suffrages, leur humeur sociable et enjouée, » leur caractère plein d'aménité, justifieront dans votre » esprit l'opinion qui les place au rang des plus aimables » voisines de la capitale. Tous les charmes de l'amabilité, » unis aux grâces naturelles de leur sexe, vous feront sans
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192 REGNAULT DE BEAUCARON
» doute regretter votre printemps, mais leur politesse pré» venante consolera votre automne 1. » C'est dans ces réunions que Regnault de Beaucaron semant, de droite et de gauche, des bons mots, des madrigaux tournés avec aisance, sait rapidement se faire apprécier. « Ce jeune poète, écril» on dans les Affiches de Troyes 2, réunit dans toutes ses » chansons, à une grande facilité, un caractère de douceur » et d'aménité qui donne de son coeur et de son esprit » l'idée la plus avantageuse. On ne peut trop encourager » des talents qui contribuent chez lui aux agréments de la » société, sans l'empêcher de se livrer avec courage aux » travaux épineux et utiles du barreau. »
Dès 1781, il adresse des épîtres en vers à deux auteurs dramatiques très en vogue, Auguste de Piis et Barré, qui lui répondent dans le même style, d'une manière fort élogieusé.
Des événements journaliers, un envoi, un départ, un mariage, etc.... lui fournissent un sujet de bouts rimes « très spirituels et très piquants 3, » dont les allusions et la finesse nous échappent aujourd'hui, mais qui obtiennent un véritable succès d'à-propos dans
un temps où nos femmes Raffolaient de petits vers. Heureux qui, chantant ces dames, ;
Divinisait leurs travers : Même chez la plus discrète, Près d'un pot de vermillon, On voyait sur la toilette Un poète papillon 4.
1 Lettres d'E...mée Ma...rie Cl...de de Bo...on La..c..,de Troyes, 1791.
2 Numéro du 22 janvier 1783.
? Echo nogeniais du 31 mai 1866.
* Les Réflexions, par Regnault de Beaucaron.
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REGNAULT DE BEAUCARON 193
Mme G***, de Troyes, lui ayant fait l'honneur de l'appeler une bête, il riposte immédiatement par quelques couplets accueillant volontiers cette épithète et rappelant que jadis elle était donnée par Claudine de Tencin à ses familiers : Piron, Fontenelle, d'Argenson, Montesquieu, Voltaire, etc....... Il termine ainsi :
Près de vous un homme d'esprit
Serait volontiers bête; Près de vous la raison s'enfuit,
Q ue dis-je,....je m'arrête. . Ah! pardon, mille fois pardon
Si ce couplet vous blesse : Je perdais déjà la raison
Quand j'aperçus Lucrèce !
« Répondant ainsi avec beaucoup d'honnêteté à une « inculpation que plus d'un bel esprit aurait peut-être « repoussée avec toute l'amertume de la. satyre i. »
Parfois les dames se mêlent de versifier à leur tour. Regnault de Beaucaron reçoit de Madame de G*** un sonnet lui prédisant le sort d'Anacréon, etc., etc....
À cette époque où les hommes ne s'isolaient pas et recherchaient surtout le commerce des femmes du monde, on était d'autant mieux vu que l'on avait « l'âme plus sensible,-» et que l'on savait tourner avec plus de grâce un compliment agréable ou même une déclaration d'amour. Aussi Regnault s'exerce-t-il dans ce genre. Lui demande-t-on des couplets pour une fête :
Je réussirais sûrement
Si, grâce à la magie, L'amour, près d'un objet charmant,
Tenait lieu du génie : Vous voir et vous aimer, Zélis,
C'est bien la même chose ! Au mois de mai je vous offris
Et l'oeillet et la rose :
1 Numéro du 22 janvier 1783, 4ffiches de Troyes.
T. LUI - 13
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194 REGNAULT DE BEAUCARON
Mais que vous donner en ce temps?
L'hiver est sur nos têtes ! Ah ! je me trompe, le printemps
Est toujours où vous êtes.
Sommes-nous au premier janvier :
Il est une coutume ancienne Que vénéraient nos bons aieux. Elle veut que chacun étrenne Aujourd'hui l'objet de ses voeux. Que te donnerai-je, ma chère? Mon coeur? Mais il n'est plus à moi. Tu possèdes mon âme entière ; Je n'ai plus rien digne de toi.
Ses compositions ne sont pas uniquement anacréontiques, elles sont souvent très gauloises, romantiques parfois, caustiques dans beaucoup d'épigrammes, presque sentimentales dans quelques épitaphes. A plusieurs reprises, il peint l'inconstance de l'amour et des femmes ; il persiffle les modifications successives de leur toilette dans la Généalogie des Lanternes, espèces de crinolines qui ont été précédées des Guéridons, lesquels ont été engendrés par les Paniers, qui ont eu pour pères les Jansénistes, dont les nobles ancêtres se perdent dans la nuit des modes. Son caractère réfléchi se manifeste dans ses fables, dans une série dé moralités brèves et justes, et dans un certain nombre de pièces où, sous une apparence légère, il juge l'agréable frivolité de son siècle. M. Gontard remarque d'ailleurs que sa poésie devient plus sérieuse avec l'âge mûr, et que l'épître Sur les avantages de la vie champêtre « est l'expression la plus charmante et la mieux sentie de cette nouvelle phase 1. » Cette épître est dédiée à François de Neufchâteau, dont Regnault de Beaucaron resta toujours l'ami. Mais à l'époque où nous sommes, il est encore dans le feu de la jeunesse :
1 Echo nogentais, 31 mai 1866.
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L'amour, avec un doux sourire,
Nous offre aujourd'hui le bonheur;
Ce premier instant de délire
Doit être cher à notre coeur.
Nous sommés au printemps de l'âge,
Nous avons encor tous nos sens,
Sachons en tirer avantage,
Nous n'aurons pas toujours vingt ans!
Lorsque sous le poids des années Nous serons contraints de fléchir, Aux arrêts de nos destinées Il nous faudra bien obéir. Si, sur le soir de notre vie, Nous voyons le plaisir s'enfuir, 0 ma belle, o ma tendre amie, Nous jouirons par souvenir.
Des sujets religieux l'occupent quelquefois. Lors du passage à Chaource de Monseigneur l'évêque, duc de Langres (Pentecôte 1783) « circonstance aussi précieuse que particulière 1, » Regnault adresse à sa ville natale des vers « qui émanent de son coeur seul, » et que Sa Grandeur, comparée à Fléchier et Fénelon, daigne agréer avec bonté.
A l'occasion de Noël, il fait paraître des strophes dont voici les dernières :
Loin de nous, loin d'ici le faux sage, l'impie. AJi! ne le frappons pas; plaignons plutôt son sort. Oui, Dieu lui-même un jour, pour le rendre à la vie, Pourra l'arracher à la mort.
Ministres du Très-Haut, ô vous sa sainte image, Tous qui nous retracez ses actes vertueux, Présentez à Jésus notre encens, notre hommage, Et nos prières et nos voeux.
Ce sont des productions de ces divers genres que Regnault de Beaucaron envoie en grand nombre à plusieurs journaux et à tous les recueils de vers qui paraissent an1
an1 de Troyes, 18 juin 1783,
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196 . REGNAULT DE BEAUCARON
nuellement : l'Almanach des Muses, le Chansonnier des Grâces, l'Almanach des Grâces, les Etrennes lyriques et anacréontiques, les Etrennes de Mnémosyne, l'Esprit des Journaux, le Journal de Nancy, le Journal de Troyes, etc....
C'est même une de ses pièces, le Professeur d'Amour, qui inspire la gravure en tête des Etrennes lyriques de 17 8 2. L'amour y est représenté ayant à ses côtés les Jeux, les Ris et la Gaîté, distribuant des roses aux bergères qui l'entourent. Au-dessous est rappelée la fin du premier couplet :
Approchez avec confiance, Je tiens école de plaisirs.
Tous ces recueils, dont la littérature nous paraît aujourd'hui si fade, étaient, au contraire, extrêmement goûtés par nos pères.
Leur apparition est toujours suivie de comptes-rendus, d'articles critiques où, en général, les éloges ne sont point ménagés. '
« Il faut avoir fait une bien mauvaise digestion, lit-on « dans le Journal de Nancyl, ou avoir beaucoup à se plain« dre de sa maîtresse, pouf juger sévèrement cette collec«
collec« (Etrennes lyriques) Je doute que MM. Ducis,
" le Mierre, la Harpe, Débile, l'abbé Àubert, etc., figu" rassent plus avantageusement dans ces Etrennes que
« MM. de Piis, de Boufflers Regnault de Beaucaron,
« etc., etc., qui sont aussi des auteurs connus, mais dans « un genre plus analogue à celui des chansons. » Plus loin : « Entre les chansons décemment gaillardes, on distingue « La Moissonneuse ou les Amours de Roland, de M. Re« gnault de Beaucaron. » Une autre fois : « Parmi les « chansons gaies, genre malheureusement trop négligé de « nos jours, on distinguera sans doute Les Travers du
1 Année 1785, vol. 18; 1787, vol. 21. .
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" siècle, par M. Regnault de Beaucaron. » La ville de « Troyes et ses environs, lit-on dans les Affiches de cette « ville 1 , ont fourni leur tribut aux Etrennes lyriques et les - « Muses de nos cantons ne contribuent pas moins que les « autres à les embellir. M. Regnault, à qui nous avons sou« vent l'obligation d'enrichir de vers charmants ces Affiches « est un de ceux qui y paraissent annuellement avec le plus « d'avantages.» En parlant de Y Almanach des Grâces dédié à la comtesse d'Artois, le même journal 2 écrit : « Le nom « respectable qui décore ce recueil lyrique, annonce que « les Grâces ne peuvent s'y montrer que dans la compa« gnie de la décence et de l'honnêteté ; heureusement, ces « belles qualités n'excluent ni l'esprit, ni la gentillesse, et « les auteurs qui ont enrichi la collection que nous donne « M. Cailleau, depuis quelques années, soutiennent de la à manière la plus piquante ,et la plus agréable le choix du « titre qu'il lui a donné : Il suffit de nommer MM. le che« valier de Cubières, le marquis de Fulvy, Regnault de « Beaucaron,... etc., etc., pour être convaincu du mé« rite des morceaux qui le composent. On y verra peut« être avec plaisir quelques chansons qui ont déjà paru « dans ce journal, et.les auteurs de ce pays qui y contri« buent ne le déparent pas..... »
Nous pourrions multiplier des citations analogues, mais on ne s'adresse cependant pas toujours des compliments ; les journaux deviennent quelquefois « le théâtre de guerres polémiques et la source de combats judiciaires 3. » On voit sur certaines productions poétiques « le bras de l'envie « lever le vil fouet d'une basse critique. » Regnault de Beaucaron déclare, dans le style emphatique de l'époque,
1 22 janvier 1783.
2 3 janvier 1787.
3 Affiches de Troyes, 18 juin 1783 et 6 février 1782,
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qu'on doit y répondre par le silence le plus dédaigneux, que l'abeille ne délaissera pas « son foyer et son laboratoire, « dans la crainte des attaques du frelon parasite. » il faut reconnaître qu'il n'encourage pas ces polémiques, car, de son aveu même, « ennemi de la satire, il n'a jamais trempé « sa plume dans le fiel. »
Lui-même fait paraître dans les journaux de Nancy et de Troyes plusieurs articles en prose, sur les recueils annuels de poésie, sur les oeuvres de Simon de Troyes, de Beffroy deReigny, etc., et ses critiques ne sont jamais exprimées en termes blessants.
Simultanément il traduit en vers français les lettres d'une péruvienne, certains morceaux d'Anacréon, de Kotzebue, de Métastase, etc., et il écrit plusieurs biographiesi de ses compatriotes, de Grosley, qu'il vit peu de temps avant sa mort, de Jameray Duval, bibliothécaire de l'empereur d'Autriche, dont il connaissait la famille, d'Amadis Jamin, poète de la pléiade de Ronsard.
Associé à la direction et à la rédaction du Journal de Nancy, il y donne notamment une série de nouvelles en prose dans le genre de celles de Marmontel : Herminie et Florimond, récit' de chevalerie ; la Veillée bourgeoise, trilogie comprenant: 1° le comte de Château-Brillant, anecdote des croisades, contre la médisance ; 2° Basa, épisode de l'Inquisition, où il dépeint les bienfaits de l'amitié : 3° Tel père, tels enfants, où il expose les éléments d'une éducation virile : « Aimez le paysan, y écrit-il, il est né votre égal, et, si dans l'ordre social il ne marche qu'après vous, remerciez-en le sort dont l'arrêt l'a décidé
ainsi, etc Servir fidèlement son roi, se rendre utile à
ses concitoyens, voilà les plus beaux titres de noblesse,
etc » Amilda et don Salades ou le triomphe de
l'Amour sur la richesse, imité de l'Espagnol; Delson et Zéma, conte du temps de la guerre de l'Indépendance
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américaine où, sous le coup d'une déception amoureuse, il flétrit la dissimulation et la doctrine des Quakers, Remarquons en passant que ces sortes de nouvelles, qui paraissaient en plusieurs fois, sont l'origine de notre roman-feuilleton.
En 1787, Regnault de Beaucaron est reçu membre de la Société anacréontique des Rosati, où il a entre autres pour collègues Carnot et Robespierre. A ce propos, on lit dans le Journal de Troyes * : « L'éloge de ce corps littéraire se « trouve établi par les membres qui le composent, et dont « quelques-uns sont M. le marquis de Vaugremont, major « de la citadelle de la capitale de l'Artois; M. de Rufé, « avocat général; M. de Neuflieu, lieutenant-colonel du « corps royal du génie; MM. Carnot, le chevalier Dumé« nil, etc., capitaines au même corps; M. de Sacy, auteur « de l'Honneur français; M. le comte de la Roque-Riche« mont, l'auteur des Lunes; MM. Sylva, Roman, etc., etc.»
« La Société anacréontique des Rosati, prend, de jour « en jour, la plus heureuse consistance ; M. le chevalier « de Bertin et le chantre d'Eléonore y viennent d'être « agrégés. »
On se représente rarement aujourd'hui le sanglant révolutionnaire, Robespierre, et ce l'organisateur de la victoire,' » célébrant le vin et l'amour, en compagnie des plus fiers gentilshommes de l'Artois, et de la jeunesse aristocratique des diverses provinces.
Les réunions des Rosati avaient lieu à Avesnes, faubourg d'Arras, sur les bords de la Scarpe, et sous des berceaux de rosiers ornés des bustes de Chapelle, la Fontaine et Chaulieu. Elles commençaient au printemps et finissaient à l'automne.
Lorsqu'on parcourt les recueils anacréontiques de la fin du xviif siècle, on trouve ainsi à chaque instant les noms
1 7 novembre 1787,
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dé la plupart de ceux qui, dans la suite, se sont distingués d'une manière ou d'une autre pendant la Révolution et qui, peu de mois auparavant, couronnés de roses, semblaient ne devoir se consacrer qu'à la gaie science, et, comme l'écrit Regnault de Beaucaron :
:
En chantant, aimant et buvant, Peu jaloux d'autre gloire ; Voulant qu'un jour chaque passant Sur ma tombe dise en riant : « Ici gît qui « Gagna sur l'ennui « Une triple victoire. »
La même année, Regnault est reçu membre de l'Académie des Arcades de Rome et de l'Académie royale des Belles-Lettres d'Arras, membre associé correspondant du Musée de Paris. Ces succès lui attirent des épigrammes de Rivarol qui l'inscrit à deux reprises dans son Petit almanach des Grands Hommes, d'abord dans la préface, où il le cite comme rivalisant d'obscurité avec une foule d'autres auteurs, ensuite dans le corps même du dictionnaire, où il dit que plusieurs volumes de dissertations ont déjà essayé de découvrir si Regnault de Beaucaron et Regnault de Chaource sont deux noms sur une même tête. Regnault de Beaucaron avait, en effet, été désigné quelquefois sous le nom de son pays natal. Rivarol oubliait que, désireux de se faire connaître, il n'avait pas dédaigné d'emprunter la publicité des divers almanachs ou recueils remplis des oeuvres des petits auteurs obscurs; qu'en particulier, il s'était fait imprimer tout vif dans le Journal de Nancy, dirigé par Regnault de Beaucaron; que, de plus, il avait paru tout d'abord sous le nom de Parcieux, etc. Mais, ainsi que l'a fort bien défini M. Brunetière 1, ce sont des vengeances personnelles qu'exerce Rivarol. En disant cela, nous vouRevue
vouRevue Deux-Mondes.
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Ions seulement indiquer le véritable motif qui le fait agir. Ces petits auteurs, obscurs le gênent et lui prennent une part de sa popularité; on parle d'eux dans les salons, ils y lisent leurs vers, on les y fête, sans faire assez de différence entre eux et le Comte de Rivarol. « Aussi les « ridicules qu'il s'efforce d'attacher au nom de ces grands « hommes de sa façon, n'ont-ils pas du tout pour objet de « qualifier et de juger les oeuvres, mais d'étiqueter les « personnes. Ce qu'il veut, c'est quand Çubières entre « dans un salon, que l'épigramrne revienne à toutes les « mémoires: a On ne fait pas ces vers là sans son tapissier.» « C'est que, si l'on annonce quelque part Cérutti, tout « le monde murmure en souriant : « Cérutti, le limaçon a delà littérature.» C'est que, si Mirabeau montré ailleurs « sa face trouée de la petite vérole sur son encolure de « taureau, le mot circule sur : « cette grosse éponge toute « gonflée des idées d'autrui. » C'est que, ajoutons-nous, en voyant Regnault de Beaucaron, on se demande, en chuchotant, s'il y a deux bonnets pour la même tête.
L'admission de Regnault de Beaucaron parmi les Rosati, . est précédée, accompagnée et suivie d'une véritable avalanche d'épîtres en vers. Dans une première, il pose sa candidature. Le secrétaire Le Gay lui envoie en réponse une épître en forme de diplôme. Dans une troisième, Regnault de Beaucaron exprime ses remercîments. Dans une quatrième, il annonce à Simon de Troyes sa réception à l'Académie des Rosati. Dans une cinquième, il lui présente, en qualité d'ancien et au nom de ses confrères, lés trois emblèmes de la Société : la rose, le verre et le baiser. Dans une sixième, Simon de Troyes témoigne sa reconnaissance. Puis, Bérenger ayant été reçu membre de la Société, Regnault de Beaucaron lui en fait part dans une septième épître. Enfin, pour prix de ses succès, il reçoit de Joly de Plancy les vers suivants :
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Regnault, du fond de tes déserts, Ta voix harmonieuse et tendre Plus d'une fois a fait entendre Au fond du mien de doux concerts;
Et je relis ces vers Où l'on voit qu'un choix légitime, Pour prix des aimables chansons Que pour toi Polymnie anime, l'admet au rang flatteur de ces Anacréons Qui, toujours couronnés et de myrthe et de roses, Ayant près d'eux l'Amour, et la lyre à la main, Sont tels qu'est Erato quand tu pares son sein De mille fleurs fraîches écloses,
Et tel que tu serois (Car autrement tu ne peux être) Si jamais le Destin, à mes yeux satisfaits, Me flattait du plaisir de te faire paroître ; Mais, Regnault, il suffit à mon coeur enchanté
Que ta gloire me soit connue; Pour moi, tu ressembles â la Divinité Qu'on révère sans l'avoir vue.
Et Regnault de Beaucaron de répondre :
Vos vers flatteurs autant qu'ingénieux
Sont venus jusqu'en ma retraite;
Pour Tamour-propre d'un poète, Un'pareil piège est bien insidieux!
L'autre jour on disait qu'Horace,
En folâtrant avec Ninon, Perdit ce luth brillant, si célèbre au Parnasse, Qui, modulant jadis des hymnes pleins de grâce, De Lalagé souvent égara la raison.
Vous m'avez l'air un peu fripon, Trop civil troubadour (soit dit sans vous déplaire),
Et je crois même à votre ton
Que vous avez, en fin corsaire,
Du tendre ami de Mécénas
Dérobé la lyre légère. Pour moi, malgré les cris de plus d'un Marsyas
(Car, Dieu merci, l'univers en abonde), J'osai sur le Permesse, aux caprices de l'onde, Dans un esquif léger, confier mon honneur ;
Fort jeune, je bravai l'orage. Plus d'une fois je vis, de la Parque sauvage^ Sur ma tête briller le glaive destructeur.
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Mais, lorsqu'enfin je parviens au bonheur De mériter votre suffrage, Il me semble revoir le port consolateur, Je me crois sauvé du naufrage.
C'est ainsi que tous ces petits auteurs se décernent, à bon compte, des éloges qui doivent être aussi éphémères que leurs oeuvres, en attendant, que les événements qui sont imminents leur ouvrent une nouvelle carrière.
II.
Ouverture des assises du Bailliage de Chaourçe. Les approches de la Révolution.
Nommé procureur fiscal et général, Regnaultde Beaucaron prononce, le 25. novembre 1787, à l'ouverture des assises du baillage de Chaourçe, un discours retentissant qui est reproduit en partie dans le Journal de Troyes et de la Champagne méridionale, et dans lequel, tout en traçant leurs devoirs aux magistrats et aux avocats, il censure énergiquement les abus qui se sont introduits dans la justice : Il commence par rappeler l'origine et le but des assises; puis, s'adressant aux juges :
« Avant d'entrer dans le temple de la justice, dit-il, les « juges doivent se pénétrer des qualités nécessaires pour y « paraître comme ses dignes ministres. Une probité scru« puleuse, des moeurs pures, un respect sans bornés pour « les lois divines et humaines, telles sont les premières « dispositions qu'il faut apporter dans son sanctuaire. Un « jugement sain, un esprit impartial, une connaissance « profonde des lois et des hommes, telles sont les secondes « dispositions dont les juges doivent se munir, et sans le « concours desquelles les premières n'offriront qu'un germe «' stérile, etc.
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204 REGNAULT DE BEAUCARON
« Méditez les observations suivantes, ô vous qu'une « qualité, qui exige autant de délicatesse qu'elle est honoa rable, appelle au droit de peser les intérêts des hommes, « gardez-vous d'ouvrir vos avis dans les causes dont la « connaissance vous appartient; ne faites aucune exception « des personnes, écartez du malheureux surtout, que son « état de misère rend soupçonneux, l'ombre même de la « partialité,. .. faites tous vos efforts pour rendre la jus« tice en personne; confiez rarement ce soin à vos pra« ticiens : sans quoi vous serez exposés à voir la dignité de « votre ministère offensée, la fortune, l'état, quelquefois « la vie de vos justiciables sacrifiés, etc. .. »
A ce propos, il signale un fait survenu récemment dans un des sièges du ressort. En l'absence du juge, deux sergents, après avoir instrumenté dans une affaire, avaient ensuite usurpé le titre de praticiens et avaient plaidé l'un contre l'autre comme procureurs respectifs des parties. Puis, l'un d'eux s'était constitué juge, et l'autre, travesti en commis greffier, avait écrit le jugement sous la dictée de son adversaire.
« Quel étrange abus delà justice! s'écrie Regnault de
« Beaucaron; qu'il nous soit permis, avec l'immortel
« d'Aguesseau, d'adresser aux juges qui s'acquittent avec
« intégrité de leurs fonctions, les nobles et sublimes paroles
« que l'Ecriture consacre à leur gloire et à leur instruco
instruco : « Juges, vous êtes des Dieux et des enfants du
« Très-Haut. Ego dixi: DU estis, etfilii Excelsiomnes.»
" Qu'il nous soit également permis d'adresse
a même magistrat, à ceux qui, déposant les moeurs de leur
" état, ne craignent pas de se vouer à l'opprobre, à ceux
« qui apportent dans la tenue de leurs sièges la même
« dissipation que dans leurs parties de plaisirs, à ceux
« enfin dont la vie entière est un scandale public, ces
ci sévères et redoutables paroles de la même Ecriture :
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iREGNAULT DE BEAUCARON 205
« « Je vous ai dit que vous êtes des "Dieux, mais vous « mourrez comme les autres hommes ! Vos autem sicut « homines moriemini. »
Il harangue ensuite l'Ordre des avocats, puis il étend ses observations aux procureurs, aux huissiers et sergents, blâme leur conduite trop souvent inconsidérée, la taxe arbitraire qu'ils s'arrogent fréquemment, etc.
Tous les abus qu'il s'efforce avec chaleur de signaler existent, hélas, dans toutes les administrations et dans le gouvernement. Chacun le sent, et sous une apparente insouciance, on est au fond vivement préoccupé. Louis XV a laissé la France dans un état lamentable. L'avènement de Louis XVI, prince bon et animé des meilleures intentions, est salué avec bonheur. Regnault de Beaucaron le célèbre dans une pièce de vers qui concourt même pour le prix de l'Académie française, et d'où nous extrayons les passages suivants ;
Louis paraît : « Français, vivez en liberté, » Soyez heureux, dit-il, telle est ma volonté!
» Pour moi, je veux briller au nombre des bons rois;
» Les coeurs de mes sujets, ce sont là mes conquêtes, i
Il dit : « Un nouveau jour s'élève sur nos têtes.
2> Vous princes, et vous, rois, qui tenez en vos mains
» Les rênes de l'empire et le sort des humains,
" Imitez de Louis l'insigne bienfaisance:
" Louis fait en ce jour le bonheur de la France
" L'esclavage est détruit, ses temples sont vacâns ;
" La Liberté renaît sur ses débris sanglans.
" Rome, ne vante plus tes Trajans, tes Octaves :
» Ils sont grands, il est vrai, mais ils ont des esclaves!
" Louis a plus de droits aux respects des mortels,
» L'humanité lui doit un culte et des autels, etc. "
Malheureusement le Roi, malgré ses excellents sentiments, ne peut aboutir à prendre des décisions fructueuses. La cour, le clergé, les parlements, les philosophes, le tiraillent en sens contraires. Il voit le bien^ mais né peut
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206 REGNAULT DE BEAUCARON
l'exécuter. Sa faiblesse l'empêche d'imposer sa volonté aux divers partis. L'Assemblée des notables n'amène aucun résultat sérieux. Seuls, les Etats généraux semblent devoir donner la solution impatiemment attendue. Leur convocation est décidée ; ce sujet occupe maintenant, à côté d'une aventure de boudoir, tous les salons où la politique se mêle à la galanterie, la philosophie aux petits vers.
Présentement, nos aimables' Parlent Etats généraux; Dans leurs boudoirs, à nos tables, Elles tiennent leurs bureaux.... 2
La confiance générale accompagne Necker à son arrivée au Ministère. Sous son inspiration, le Roi rend l'ordonnancé du 27 décembre 1788, sur le doublement du Tiers. Un immense espoir naît dans tous les coeurs, et, comme tous les sentiments d'alors doivent se traduire en chansons, le Journal de Troyes imprime dés vers de Regnault de Beaucaron, sur
.... Cet immortel ouvrage
Dont, pour le bonheur des Français, La Sagesse elle-même esquissa tous les traits,
Grâces au Sully de notre âge! En ces jours solennels, pour défendre tes droits, Peuplé, ta voix enfin pourra se faire entendre; Et tu vas vivre heureux sous l'égide des lois,
Puisque le plus juste des rois Daigne t'ouvrir les bras du père le plus tendre !
1 C'est ainsi que l'on appelait les élégantes,
2 Les Réflexions, par Regnault de Beaucaron, 1789,
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REGNAULT DE BEAUCARON 207
III.
Cahier de remontrances des habitants de Praslin.
Les Etats généraux sont convoqués et chaque Ordre est invité à exprimer ses voeux et ses doléances. La haute noblesse de Champagne, résidant à Paris, et imbue des principes philosophiques, se montre nettement et loyalement libérale. Des réformes s'imposent à tous, urgentes, et les trois Ordres de la province, convaincus de leur nécessité, tendent, par un commun effort, à les réaliser. Regnault de Beaucaron, alors juge seigneurial et prévost de Praslin, est l'inspirateur et le rédacteur du cahier de ses justiciables ; aussi, ce cahier nous inléresse-t-il tout spécialement : « Il contient, dit M. Babeau, des idées qui méritent d'être applaudies, parce qu'elles indiquent le désir d'élever le niveau moral et intellectuel des populations 1. » Il débute par l'expression des sentiments de fidélité et de dévouement au Roi. « A l'ouverture des Etats généraux, le président du Tiers-Etat rendra à notre auguste Monarque d'immortelles actions de grâces, pour la justice qu'il lui a rendue, et au nom du peuple qui forme la partie la plus considérable des Français, il le proclamera sous le litre expressif de Louis le Bienfaisant, celui de Père du Peuple, qu'il mérite à tous les égards, ayant été décerné à Louis XII. » (Art. 1). En même temps, il demande le vote par tête et la détermination de la périodicité des Etats généraux (art. 2) : Pour alléger les lourdes charges qui pèsent d'une façon arbitraire et inique sur le peuple, il demande la limitation et le vote des impôts par les Etats généraux seuls; leur
1 Histoire de Troyes pendant la Révolution par M. Babeau,
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répartition égale entre tous les français (art. 3) ; la suppression ou la réforme des aides ; la suppression des droits de gros manquant et de droit réservé (art. 9) ; la réforme de la gabelle, cette machine infernale, suivant l'expression du comte de Provence ; par suite, l'unification du prix du sel dans toutes les provinces (art, 10); la réduction des droits de commissaires à terrier (art. 12) ; la suppression des impôts en nature et leur remplacement par un impôt unique en argent auquel chaque paroisse serait abonnée (art. 5).
En ce qui concerne la justice, il veut des juges inamovibles, rétribués par un traitement fixe, et non par des épices dont les abus étaient devenus déplorables (art. 14), soumis à l'élection et élus pour trois ans seulement, si possible, « de peur que par le laps de temps, comme on le voit tous les jours, le droit de la justice ne devienne le droit de l'oppression » (art. 15) ; une loi garantissant la propriété (art. 4), si exposée aux confiscations; une loi assurant la liberté individuelle (art. 4), si compromise par les lettres de cachet ; un code rural « qui, fait avec clarté et simplicité, mette les habitans des campagnes à même d'avoir quelques idées des lois et règlements » (art. 20) ; une nouvelle loi sur les hypothèques qui ne devront plus, à l'avenir, cacher « un trait perfide sous le masque trompeur de l'équité » (art. 16); le rachat et la prescription des droits seigneuriaux (art. 13) ; la simplification des droits de contrôle, et le même modèle de papier timbré pour toutes les généralités (art. H); une taxe uniforme pour tous les actes judiciaires (art. 30) ; enfin, la réforme de là jurisprudence française (art. 15).
De même qu'il demande une seule coutume, au lieu des 400 différentes qui existaient, il réclame une seule mesure pour tout le royaume (art. 30).
En ce qui concerne l'administration de la province, il sollicite la création d'Etats provinciaux, dans le genre de
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"REGNAULT DE BEAUCARON 20-9
ceux du Daùphiné, auxquels seraient attribuées les fonctions des intendants et des subdélégués (art. 6 et 7) ; en particulier,- ce sont eux qui devront recevoir les aumônes destinées aux incendiés et en faire la distribution (art. 24); il veut que l'argent des corvées soit employé à l'entretien et la réparation des routes à proximité des paroisses qui paient (art. 18); que chaque mois, il soit fait dans chaque paroisse une quête pour les captifs par des personnes spécialement autorisées à cet effet, et non par d'autres (art. 25).
Les membres du bas clergé étaient misérables, ceux du haut clergé, au contraire, et des communautés, étaient trop riches, aussi demande-t-il l'augmentation du traitement des curés à portion congrue (art. 21); par contre, il veut qu'on emploie les biens des ordres religieux, d'une part, à fonder des collèges, écoles et hôpitaux, d'autre part, à combler, dans une certaine mesure, le déficit du trésor public (art. 22). Un cinquième du territoire était en effet immobilisé entre les mains des ecclésiastiques qui atteignaient un nombre considérable; mais, en échange de leurs biens enlevés, il veut que chaque religieux reçoive une pension (art. 22); enfin, il demande la suppression des droits de mariage et d'enterrement accordés aux ecclér siastiques dont, alors « l'état sera pris en considération par la suite naturelle d'un dédommagement qui compense la suppression de cette partie de leur casuel (art. 30); » cette réforme est demandée également par les trois Ordres.
Pour remédier aux scandaleux abus qui accompagnaient le recrutement de la milice, soit par le sort, soit par les racoleurs, il propose que le tirage au sort se fasse sans frais, par devant le juge de paix, assisté du curé, du seigneur et du syndic (art. 29),
Pour développer le bon esprit des campagnes, ildemande qu'il soit fait un catéchisme de morale a que MM. les curés et les officiers de justice soient chargés de veiller à ce qu'il soit enseigné dans les écoles des deux sexes. »
T. LIII 14
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En même temps, pour détruire les idées fausses, il défend de parcourir les campagnes à ceux qui y répandent la superstition et le charlatanisme « ces deux protées qui arrachent aux peuples le métal précieux dont ils doivent la possession à la sueur de leur front (art. 26). »
Pour encourager l'agriculture, il veut instituer, dans chaque village, des fêtes céréales, où le meilleur agriculteur sera couronné annuellement (art. 27).
En ce qui touche Praslin en particulier, il demande que le village soit mis dans la dépendance de l'Election de Troyes (art. 28); que, pour veiller à la sûreté du pays, il soit placé trois cavaliers de maréchaussée, à Chaourçe, ville la plus proche (art. 17).
Enfin, il termine par l'énumération des charges qui grèvent la communauté; nous transcrivons cette dernière partie entièrement écrite de la main de Regnault de Beaucaron.
Observations particulières à la communauté.
Elle charge ses Députés de mettre sous les yeux de l'Assemblée de Troyes le tableau suivant des charges qui l'accablent :
Outre les impôts qu'elle paye au Roy, les babitans de Praslin paient aux gros déeimateurs la vingt et unième partie de leurs produits en tous genres.
Ils paient en outre au seigneur les lots et ventes à raison de trois sols quatre deniers pour livre. De même pour droits appelés Rachapt de main morte, il luy livrent annuellement par chaque habitant la quantité de deux boisseaux d'avoine. En outre, par chaque bête de trait, ils sont obligés de luy donner par chaque année la quantité de deux boisseaux de bled froment, celle de deux boisseaux d'avoine et la somme de deux sols.
Les manouvriers et autres habitans qui ne labourent pas, les clercs exceptés, payent annuellement pour ces droits, un sol en argent, ils donnent un boisseau de bled froment, un boisseau d'avoine.
Les laboureurs sont nécessités de faire deux charrois pour leur
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REGNAULT DE BEAUCARON
seigneur dans le temps de la fauchaison, et les manouvriers et' Veuves chacun une journée.
Ils lui payent pour droit d'usage ou plutôt lui livrent annuellement deux boisseaux d'avoine, mesure de chappe qui contient vingt six pintes de plus que celle du païs.
De plus, ils sont chargés de la redevance d'une somme assez considérable envers le procureur de la communauté pour proche soutenus pour elle.
La nef de l'eglise paroissiale de Praslain, son clocher, son crimetière, le puits commun, sont à leur charge, sans parler d'un pont sur le ruisseau de la, Marve, et du loyer du presbytère qui leur coûte par an une somme de trente livres.
Si on ajoute à ces charges les cinquante livres que la communauté donne à son garde, les différentes pièces de dix sols qu'extorque d'elle à l'infini le subdélégué à chaque exprès qu'il lui envoie, et mille et mille autres dépenses renaissantes à chaque instant à cause des abus nombreux, et qu'à tout cela on joigne l'impôt territorial en nature, que veut-on qu'il lui reste pour vivre?
Ils n'entendent point, il est vrai, refuser de venir au secours de la nation obérée et d'un Roi chéri, mais ils observent que le peuple ne doit pas être entièrement écrasé et que, s'il faut absolument imposer de nouveaux tributs, il serait de toute justice de reprendre aux religieux les biens qu'une superstition aveugle a mis en leurs mains, et dont ils abusent au point que, pour s'affranchir de fondations pieuses, certains d'entre eux ont converti en une vile écurie, une église et un monastère construits sur les bords de l'Oze par les soins d'un grand saint dont les vertus et la mémoire semblaient devoir éloigner un procédé aussi peu décent. Par ces moïens une partie des dettes nationales pourrait être payée, sans que.les pauvres peuples fussent foulés.
Le présent cahier des remontrances de la communauté de Praslain contenant huit pages cotées et paraphées par première et dernière par nous Jacques Edme Regnault du Beaucaron, avocat en parlement, prévost de Praslain, assisté de notre greffier ordinaire le treize mars mil sept cent quatre vingt neuf, et avons signé ' avec notre dit greffier ne mrietur,
. Signé ; REGNAULT DE BEAUCARON l.
Archives de f Aube, B. 18,12,168.
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212 REGNAULT DE BEAUCARON
IV.
Assemblées préliminaires de Troyes. Les cahiers des trois Ordres.
Une assemblée préliminaire devait se tenir à Troyes pour fondre les divers cahiers en un seul. Les habitants de Praslin désignent naturellement Regnault de Beaucaron comme député. Le 26 mars les députés des trois Ordres se réunissent dans la grande salle d'audience du Palais, sous la présidence du grand bailli, le comte de Mesgrigny-Villebertin. Le 28, après la vérification des pouvoirs, ils prêtent serment. Un même généreux sentiment les animé. Le grand bailli prononce un discours émouvant sur l'amour de la patrie; l'évêque de Troyes y répond en termes chaleureux, le duc d'Aumont s'écrie : « Chaque citoyen va jouir du premier de ses droits, de la liberté... Nous sommes assemblés, Messieurs, et c'est pour former une patrie. » Puis il propose à la noblesse, qui accepte immédiatement, de renoncer à ses privilèges d'exemption pécuniaire. Le clergé accepte le même principe.
En sortant de cette séance mémorable, Regnault de Beaucaron improvise des couplets intitulés les « J'ai vu d'un électeur, » que le Journal de Troyes imprime dans ses colonnes. En voici quelques-uns :
J'ai vu l'auguste piété Qui, sur la terre descendue, Avec un saint zèle est venue Au secours de l'humanité !
Aurait-on pu la méconnoître A son cortège, à son éclat? Elle avait pris, pour mieux paroître, La figure d'un saint prélat.
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REGNAULT DE BEAUCARON 213
J'ai vu la sublime Sagesse : De Nestor elle avait les traits 1. Et nous invitait à la paix En versant des pleurs de tendresse.
J'ai vu des grands sacrifier 2, Par esprit de philosophie, Leur intérêt particulier Sur les autels de la Patrie.
J'ai vu des magistrats savans A la vérité rendre hommage, Et des orateurs éloquens Mériter les palmes du sage.
Des utiles agriculteurs J'ai vu la respectable élite : Chez eux sont aussi le mérité, Le patriotisme et les moeurs.
Les cahiers de la Noblesse et du Clergé sont signés le 4 avril. Le premier est communiqué de suite au Tiers-Etat, qui l'écoute avec transport et reconnaissance et charge Regnault de Beaucaron et quatre de ses collègues d'être son interprète auprès de la noblesse pour la remercier de, sa justice et de son patriotisme. Le 6 avril, le cahier du TiersEtat est signé. Le 8, les trois Ordres se réunissent pour recevoir le-serment des députés aux Etats généraux. Les discours prononcés à cette occasion respirent la concorde et la sagesse : « Nous ne faisons qu'un même esprit et un « même coeur, dit Dubois, curé de Sainte-Madeleine; « même cause à plaider, mêmes intérêts à présenter. » Le Tiers-Etat partage les sentiments d'union et d'espérance, et Regnault de Beaucaron « s'en fait l'organe, » dit M. Babeau, que nous copions ici textuellement, dans une pièce de vers
1 M. le grand bailli s'est attiré l'hommage de tous les coeurs.
2 MM. les ducs d'Aumont, de Liancourt, marquis de Grillon, de Mesgrigny, baron de St-Brisson, etc. (Notes du journal du 9 avril
1789).
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qu'il inséra dans le Journal de Troyes, et dans laquelle il s'écriait :
L'aurore des beaux jours Commence à luire pour la France,
« Les hommes de ce temps, en effet, saluaient avec un « enthousiasme profond l'aurore d'une ère nouvelle, sans « crainte des orages qui pouvaient amener des désastres « au lieu des bienfaits attendus. Ils étaient heureux, car « ils avaient un idéal à la réalisation duquel ils croyaient. « L'avenir s'ouvrait plein de promesses devant eux; « l'humanité, la bienfaisance, la justice, la liberté, enflam« maient leurs âmes d'un zèle ardent et désintéressé ! Illu« sions généreuses ! Espérances superbes ! Ce fut l'honneur « de cette génération de les avoir éprouvées ; car la gran« deur du but auquel elle visait justifiait son enthousiasme, o Sans doute, il y avait dans ce mouvement sans précédents « un entraînement plus passionné que réfléchi. En France, « dans les moments de crise, on espère toujours dans les « remèdes nouveaux et l'on se laisse entraîner vers l'in« connu; mais dans ces jours admirables et malheùreusea ment trop courts qui précédèrent les Etats généraux, les « remèdes nouveaux paraissaient si efficaces, l'inconnu « avait tant de prestige, qu'il était naturel de s'y confier et « légitime de s'en éprendre. »
On comprend alors comment Regnault de Beaucaron pouvait chanter :
Oh! nos pères, sortez des tombes solitaires. Venez voir les Français, comme un peuple de frères, Tous embrassant la Liberté !
"Vous que des préjugés la horde ambitieuse Autrefois relégua dans l'ombre du mépris, Ayeux pauvres et chers, une réforme heureuse Vous venge aujourd'hui dans vos fils,
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REGNAULT DE BEAUCARON 215
L'habitant du hameau, .dans son humble chaumière, Jouira désormais du fruit de ses travaux; Hardiment il pourra parcourir sa carrière Et la finir dans le repos.
Quand l'inflexible mort, à notre dernière heure, Appellera' notre âme à l'immortalité, Heureux nous nous joindrons, en la sainte demeure, Au sein de la Divinité !
Qui de nous ne verrait la mort avec courage, Quant mourant nous laissons à la postérité Les sublimes vertus -pour premier héritage,- Et pour tuteur la Liberté!
Organisation de la Garde nationale. La Fédération à Troyes et à Paris.
Nous n'avons pas à rapporter ici les événements qui suivent l'ouverture des Etats généraux. Le grand mouvement d'idées qui devait s'effectuer perd son caractère pacifique. Le 14 juillet la Bastille est prise, l'armée se divise, les divers corps de troupes tirent les uns sur les autres, la populace se soulève, l'agitation gagne les provinces, les troubles sont imminents, les gardes nationales s'improvisent pour la défense commune. Regnault de Beaucaron, nommé capitaine aide-major de celle de Chaourçe, explique luimême aux gardes nationales leur origine, dans son discours du 9 mai 17901, sur lequel nous reviendrons plus tard :
« Il s'est élevé dans tout l'empire français, au cri du « patriotisme alarmé, des gardes citoyennes qui, ayant eu
1 Procès-verbal des séances de l'Assemblée des députés des municipalités et gardes nationales, imprimé à Troyes, Ve Gobelet, 1790,
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216 REGNAULT DE BEAUCARON
" part à la conquête de la liberté, de cette liberté précieuse, « dont l'Assemblée nationale a retrouvé et inauguré la « statue, en seront en tous temps les fermes soutiens. Sans « les courageux efforts de ces citoyens généreux, c'en était « fait de la Patrie. Vous n'avez pas désespéré de son salut, « Messieurs, des couronnes civiques seront le prix de votre « héroïsme. Depuis ces jours de trouble et d'effroi, vous « avez redoublé d'ardeur pour le soutien de la Constitution, « pour le maintien du bon ordre. Sentinelles vigilantes, « vous avez déjoué tous les efforts des ennemis du bien « public. Vous avez su vaincre; plus adroits que les soldats « de Carthage, sachez profiter de la victoire sans en abu« ser. »
On n'a pas encore perdu les illusions généreuses: Le roi déclare à l'Assemblée nationale qu'il est le défenseur de la Constitution et de la liberté publique : la France est enthousiasmée.
A l'occasion de la création du département de l'Aube, la municipalité et l'état-major de la garde nationale de Troyes provoquent une manifestation grandiose en invitant à une confédération générale les gardes nationales de tous les districts. Cet appel est entendu et 330 députés, au nombre desquels est Regnault de Beaucaron pour le district d'Ervy, arrivent à Troyes le 25 avril. Ils se réunissent dans la grande salle de l'hôtel de ville. Sur la proposition de l'un d'eux, ils se retirent dans des chambres séparées assignées à chaque district, et là, se forment en bureau, vérifient leurs pouvoirs, concertent un plan de fédération et chargent un commissaire par canton de le communiquer ensuite à l'Assemblée générale.
Regnault de Beaucaron est élu commissaire pour le canton de Chaource.
Les commissaires s'assemblent et nomment pour président de la confédération le comte de Dampierre, pour
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secrétaire le lieutenant-colonel Courtois, et pour orateur Regnault de Beaucaron.
On ne perd pas de temps, la séance avait commencé à deux heures de l'après-midi; les députés^ dans leurs différentes sections, ne s'étaient séparés qu'à dix heures du soir. Le lendemain (26 avril), ils se réunissent dès six heures du matin, puis à dix heures', pour arrêter définitivement leurs plans de confédération. Enfin, à deux heures, l'assemblée générale s'ouvre. Regnault de Beaucaron, en qualité d'orateur, proclame le comte de Dampierre président; celui-ci prend la parole et prononce un discours chaleureux sur l'amour de la patrie et de la liberté, puis Regnault de Beaucaron lui répond en ces termes :
« Messieurs et Camarades,
« En vous appelant à une confédération, les officiers « municipaux, ceux de l'état-major de la garde nationale « de la ville de Troyes, n'avaient que présumé âvantageu« sèment des grenadiers, volontaires, chasseurs et autres « corps, qui composent cette garde. En effet, l'amour du « bien public qui leur a fait prendre les armes, devait leur « faire adopter un plan d'association avec des citoyens, que « les mêmes motifs, les mêmes intérêts, réunissent « aujourd'hui. Aussi, pouvons-nous annoncer l'adhésion « de tous les corps qui forment la garde, aux vues conféa dératives de leurs chefs, et de ces. dignes représentans de « la commune qui ont donné le premier signal de cette « importante coalition. Puisse ce jour, qui n'est que « l'aurore du bonheur qu'elle nous prépare, ramener la « paix et voir éteindre tous les sujets de division ! Pùisse-t« il voir naître, parmi nos frères, nos camarades, l'heu« reuse harmonie qui doit régner entre des frères unis « pour le bien de la patrie, leur mère commune, harmonie « que, pour le malheur de la nation, des esprits inquiets, « malfaisans, cherchent continuellement à troubler,
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218 REGNAULT DE BEAUCARON
« Espérons, chers amis, que la révolution mémorable « qui rend à la nation française ses droits et son antique « énergie n'éprouvera aucune atteinte. Tout doit porter à « croire que les ennemis du bien public, si sous le ciel de o la liberté il en existe encore, gémiront dans le silence,, ce et n'oseront rien entreprendre contre un peuple libre, ce contre un peuple qui a reconquis les droits de l'homme. « La réunion de nos forces, en admettant cette opinion qui « doit être si chère à nos coeurs, aura donc alors moins « pour objet de combattre les ennemis de la constitution « que d'arrêter les désordres que doivent enfanter une « anarchie instantanée et la licence qui en est inséparable.
ce Vos commissaires, Messieurs et Camarades, ont rédigé « le plan de la confédération projetée d'après cette double « vue; puisse-t-elle n'avoir d'autre effet que celui de nous « lier plus intimement, de nous procurer l'avantage de « nous connaître les uns les autres et de nous apprécier.
"Puissent ces armes que vous portez, n'être jamais « dirigées que contre les ennemis extérieurs, s'il en est « d'assez téméraires pour oser nous attaquer. Nous faisons ce tous nos efforts pour que la paix règne à jamais entre « nous. Libres, sous un Roi bienfaisant, enfans d'une « même famille, vivons en frères; exécutons les loix avec ce la plus scrupuleuse exactitude ; couvrons de bénédictions ce cette auguste Assemblée, dont les travaux infatigables " vont enfin régénérer l'Empire François; aimons-nous « respectivement et soyons heureux. »
Puis, il propose d'inviter aux fêtes de la fédération les étrangers qui servent dans l'armée française, et il ajoute :
« Nous ne faisons que vous annoncer notre désir, et " nous osons nous flatter que c'est prévenir le vôtre.
" Ah ! si mes foibles accens pou voient attendrir tous les « coeurs, qu'il seroit doux pour moi, qu'il seroit doux « pour tous les députés présens à cette assemblée, de voir
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« l'uniformité des sentiments qui les animent, l'égalité des « rangs qui les confondent, devenir le gage de cette union ce qui doit régner entre les corps comme entre les « personnes.
« Qui, mieux que Monsieur le Président, peut donner " l'exemple d'une si belle union, lui à qui sa popularité a ce fait proscrire toutes les distinctions que d'anciens préce jugés avoient introduites parmi nous., et qui, méprisant « tout autre titre que celui de citoyen, ne connaît de félicité ce que celle de se rendre utile à l'humanité ?
« Hâtons-nous donc, chers Frères, chers Camarades, de « déterminer le jour auquel doit s'opérer l'oeuvre de notre " réunion. Anticipons même sur le bonheur qu'elle nous « préparé, et qu'un serment solennel, en nous liant à la « Constitution, soit le gage de notre fidélité à la Nation, à " la Loi et au Roi. »
Après une série de discours analogues, on détermine le plan d'une affiliation de toutes les municipalités et d'une confédération générale de toutes les gardes nationales, et l'on décide que chaque municipalité devra envoyer, le 7 mai, à Troyes, des députés pour élire un général, ainsi que les commandants de district, et conclure définitivement l'affiliation et la confédération.
Le 8 mai, les- députés des six districts, tous choisis parmi les hommes éclairés, se réunissent à l'hôtel de ville de Troyes, sous la présidence du comte de Dampierre. Après un discours de ce dernier et un autre du comte de Loménie de Brienne, ancien ministre de la guerre, jouissant dans le département d'une immense popularité, l'assemblée nomme par acclamation, pour président, le comte de Dampierre, et, pour secrétaires, Courtois et Regnault de Beaucaron. Le comte de Dampierre, puis, Dubourg, curé de Saint-Benoît-sur-Seine, se suivent à la tribune; enfin, on arrête le pacte d'affiliation. Le lendemain, 9 mai,
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nouvelle séance dès cinq heures et demie du matin ; discours de l'abbé de Champagne, chanoine de Saint-Pierre, du comte de Dampierre, de M. de Barbuat de Jurarivigny, avocat et procureur d'Ervy, et des deux secrétaires Courtois et Regnault de Beaucaron. L'impression de ces deux derniers discours est demandée par l'assemblée : « Il est « arrivé, s'écrie Regnault de Beaucaron, ce jour solennel " où, jouissant des prémices de la liberté, nous allons, par « le serment le plus sacré, contracter l'engagement de « vivre et de mourir, s'il le faut, pour sa défense.... Nous « ne formerons plus qu'une famille de frères liés ensemble ce par un intérêt commun, dont l'amour de la Patrie sera ce le premier mobile. »
Il rappelle ensuite les motifs qui ont amené la nouvelle constitution, les abus de l'ancien gouvernement, l'exagération du luxe, 3 cette hydre cruelle qui dévore les empires, » la déprédation des finances de l'Etat, le déficit du Trésor, la convocation des Etats généraux seuls capables ce d'entreprendre et de finir le grand oeuvre de notre régénération. »
Après avoir exposé l'origine de la garde nationale, il flétrit l'esclavage et exalte la liberté : ce Nous sommes " hommes aujourd'hui! Que cette réflexion m'annoblit à " mes propres yex! Elle agrandit mon être! Elle m'en" flamme! Qu'il périsse celui qui tentera de mettre les " Francs dans les fers. A l'insatar des Romainss, dévouons" le aux Dieux infernaux! Mais, pour cela, il faut que chacun sache sacrifier son intérêt particulier et imite le désintéressement du Roi: "Ne parlons donc plus des pertes " personnelles, puisque l'intérêt général les commande: " souvenons-nous de l'expression de celui qui, seul entre ce les hommes destinés au trône par le malheur de la nais" sance, a mérité le titre de Roi citoyen, Roi restaurateur " de la Liberté: " Et moi aussi, j'ai fait des pertes!" Il indique ensuite le but de la fédération: "Mais, à qoui
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ENAULT DE BEAUCARON 21
" servirait le patriotisme, lde quellle utilité serait la bravoure, " si ces deux qualités des grandes âmes étaient concentrées " en des hommes isoléss? Hélas! leurs germses ne pouvant " se développer, elles seraient absolument stériles; Il est " donc nécessaire d'opposer aux ennemis du bien public " une masse de lumières et d'activité, de force et de cou" rage. Tel est le but d'une double fédération entre les " municipalités et les gardes nationales." Il invite donc à 'nion qui fait la force, non seulemen pour veiller à la tranquillité intérieure, mais encor pour combattre les ennemis du dehors: ce h! Messieurs, dans le cas où " contre les principes 'une saine politique, contre les ce apparences présentées par 'état actuel de 'Europe, nos " voisins tenteraient, les torches de Bellone à la main, " d'embraserke superbe édifice de notre Constitution, est-il c aucun de nous qui, m par un fureu patriotique, ne ce versât pour sa défense jusqu'àla dernière goutte de son sang st-il assuré que la rance ne trouverait pas dans son sein trois cents partiates
Qui de nous, Camarades sous les drapeaux de la nation, ne se sentira pas pénétré 'un courage nvincible? Ah! si la liberté en dange besoin de nos ce secours, volons à la victoir o courons chercher la ce mort.
'Assemblée arrête ensuite la formule d serment et vote les adresses suivantes qui son envoyées, le 3 mai, à 'Assemblée nationale et au oi.
dresse l'Assemblée* ationale.
Du 13 mai 1790. Messieurs,
Nous vous adressons le pacte dératif qui vient de réunir ls muniipalités et les gardes nationales du départemen de l'ube. Nous y joignon les actes 'adhésion dés illes d ens, Langres
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22 EGNAULT D EAUCARON
Chauo.t, SainteMenehould, hetel, azarin, Vileneuve-le-Roi et Vileneuve-1'Archevêque, etc.
igné . E AMPIERRE, résident; OURTOIS et EGNAULT E EAUCARON, ecrétaires.
ettre u oi.
Du 3 mai 790. Sire,
Nous supplions votre ajesté de recevoir avec bonté le pacte de confédération qui réunit les municipalités et les gardes nationales du département de 'Aube plusieurs villes voisines ont adhéré à ce pacte.
Nous espérons que votre ajesté daignera remarquer le respect vee lequel nous nous sommes conformés aux ois faites par les représentants de la ation et sanctionnées par le estaurateur e a iberté rançaise.
Sire, 'obéissance est un devoir facile lorsque la vertu commande et que 'amour est le sentiment qui fait obéir.
Nous sommes, avec un profond respect,
Sire,
de votre ajesté, etc.
igné . E AMPIERRE, EGNAULT E EAUCARON et OURTOIS.
Le dimanche, mai, une cérémonie imposant réunit dans la cathédrale les autorités constituées, les députés, etc. Un groupe, représentant la ation, 'appuyant surla oi et sur le oi, qui la tiennent enlacée, surmonte un autel adossé au jubé. Après les discours du chanoine aumônier, amusat de Messon et de diverses autres personnes, et, après une messe en musique, le comte de ampierre monte à 'autel, et prononce le serment qui est répété par tous les assistants, au son des cloches, du canon et de la musique de la garde nationale.
Les , 0 et 1 mai, la ville est en fête: ce ne sont u'allocutions, bals, banquets, chants patriotiques, anfares, marches militaires où se mêlent les compagnies des
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REGNAULT DE BEAUCARON 223
chasseurs, de l'arquebus, des grenadiers, des gardes nationales, les chanoines de Sainte-Geneviève, les députés des villes voisines, etc. parmi lesquels ne cessent pendant trois jours de se manifester des sentiments de concorde qui, malheureusement ne doivent pas durer bien longtemps
Le procès-verbal de ces Assemblées est signé, le 11 mai 1790, par . de Dampierre, Regnault de Beaucaron et Courtois, et la minute en est confiée aux officiers municipaux de la ville de Troyes pour être déposée aux Archives du département.
A Paris, on prépare la fête de la fédération. Il y a un moment d'universelle confiance. Tout le monde travaille aux préparatifs avec un enthousiasme indescriptible : " Le " capucin dit Ferrières dans ses mémoires, traîne le c baquet avec le chevalier de Saint-Louis, le portefaix avec le petit maître du Palais Royal, la robuste harengère porte la brouette remplie par la femme élégante et à vapeurs, etc. " Le 12 juillet, Regnault de Beaucaron arrive à Paris, avec les autres députés de la garde nationale de l'Aube, sous la conduite de Guérin de ruslard, chevalier de Saint-Louis. Ils sont reçus avec des transports de joie. Le 4 juillet, ils se rendent au Chap-de-Mars, portant la bannière que leur avait donnée la ville de Paris. L'évêque d'Autun, entouré de trois cents prêtres vêtus d'aubes blanches coupées de ceintures tricolores, célèbre la messe, bénit l'oriflamme et les 83 bannières des départements, et entonne le Te Deum! La Fayette, à la tête de l'état-major et des députés, prête serment. Le Roi jure de maintenir la Constitution ; la Reine présente le Dauphin au peuple ; les cris répétés de : Vive le Roi, vive la Reine j vive le Dauphin\ se mêlent aux décharges de quarante, pièces de canon et aux chants patriotiques exécutés par douze cents musiciens.
Regnault de Beaucaron fait partie d'une députation
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envoyée auprès du Roi. Dans le discours que nous allons citer plus loin, il rend compte ainsi de cette entrevue : « Nous avons vu rouler dans les yeux du chef de la nation " ces larmes de tendresse, qu'un bon père tient en réserve « pour ses enfans chéris ; ayant l'honneur d'être membre " de la députation qui lui a été faite, qu'il me soit permis " de vous rapporter la substance de ses paroles : c< Des" cendez, nous a-t-il dit, dans la chaumière du pauvre^ « où j'ai le regret de ne pouvoir vous suivre; redites à " vos concitoyens que je suis leur père, leur frère, leur « ami, que je suis attaché à la Constitution, et que les plus " beaux de mes jours seront ceux, où, suivant le voeu de " mon coeur, je pourrai, avec ma famille, parcourir les " différentes contrées de mon royaume. »
" Nous avons entendu ces expressions touchantes, avec " une vive sensibilité ; je vous les rends avec une douce « satisfaction. »
Le 25 juillet, la députation des gardes nationaux de l'Aube revient à Troyes portant la bannière. Dampierre la salue comme le symbole de la liberté. On la porte à la cathédrale entre une double haie de gardes nationaux et de suisses. Après un Te Deum chanté par l'Evêque, et une messe dite par l'aumônier Camusat de Messon, on la porte à la maison du département où des discours enthousiastes sont encore prononcés. Regnault de Beaucaron s'exprime en ces termes :
« Messieurs,
" Nous remplissons en ce moment un devoir bien cher « à nos coeurs, celui de déposer, suivant le décret de " l'Assemblée nationale, la bannière des gardes citoyennes " de l'Aube, dans le chef-lieu et entre les mains de notre " département.
" Que ce jour soit inscrit en caractères de feu dans les « fastes de la Patrie ! La voilà, Messieurs, cette bannière
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" que nous ont donnée nos frères de Paris! Cette bannière " qui s'est pour la première fois, au Champ-de" Mars, sous les yeux d'une nation libre, sous ceux d'un « Roi restaurateur de la liberté! Au premier signal donné « par le patriotisme, nous devons tous nous rassembler « autour d'elle. Puisse-t-elle être le gage d'une paix inal« térable parmi nous, comme elle sera celui de notre ce réunion contre les ennemis de l'Empire françois?
« Nommés par nos concitoyens pour les représenter à la « fédération générale du royaume, nous avons volé avec « empressement au lieu qui devait réunir la.nation entière, " Là nous avoins éprouvé les plaisires les plus purs, ceux ce qu'une fraternité nombreuse porte avec elle : là, dans les o embrassemens mutuels, nous avons scellé le serment « d'être toujours unis, et de vivre libres ou mourir.
" Que ne puis-je vous tracer ici le spectacle auguste que « présentoient à la fois, ce premier Sénat de l'univers, « le meilleur des princes, et le rassemblement des forces « militaires du plus puissant des empires?
" Nous avojns été témoins des travaux infatigables de « nos sages représentants; admis à leurs séances, nous y " avons admiré les talens les plus distingés enflammés " par le patriotisme. "
Regnault de Beaucaron rapporte ensuite son entravue avec le Roi, et termine ainsi :
« Les députés des gardes nationales de l'Aube, par
ce l'ordre desquelles j'ai l'honneur de vous parler, finiront
« leur mission en réitérant ici avec moi. le serment du
ce civisme, celui d'être fidèles à la Nation, à la Loi et au
« Roi.
« Les gardes nationales saisissent avec plaisir cette cirée constance importante, pour assurer Messieurs composant ce le Département, et leur digne chef (le comte de Dàmx. tin 15
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« pierre), notre frère d'armes, de leur soumission et de ce leurs hommages 1. »
Pourquoi faut-il hélas! que cette fête de la fédération n'ait pas eu de lendemain ?
VI.
Organisation de l'Administration, des Municipalités et de la Justice.
La Champagne,par suite de son ancienne organisation administrative, du partage des biens depuis longtemps pratiqué, de la fusion existante entre la noblesse et la bourgeoisie, et du libéralisme du clergé, était assez bien préparée aux nouvelles institutions. Aussi, la création du département de l'Aube et des municipalités nouvelles s'effectue-t-elle d'une façon relativement calme. Partout les choix se portent sur des hommes capables; Troyes illumine, un Te Deum solennel est chanté à la cathédrale. La municipalité de Chaourçe s'organise les 31 janvier, 2 et 3 février 1790. Le père de Regnault de Beaucaron, nommé maire, prononce les paroles suivantes :
ce Messieurs,
ce Sensible à l'honneur que vous me faites, je m'efforce cerai dans toutes les circonstances, de répondre à la e< confiance que la ville m'accorde. A la tête de mes égaux « je ne m'écarterai jamais des principes de droiture et de « modération qui doivent présider à la conduite entière « des magistrats, soit civils, soit municipaux.
1 Procès-verbal du dépôt de la bannière, etc., Troyes, Ve Gobelet, 1790.
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" Veiller à l'exécution des lois sera mon premier soin ; " contribuer avec mes collègues au bonheur de ma patrie, ce sera le mobile de mes actions, et mériter l'estime de mes « concitoyens, sera ma plus chère récompense.
" Devais-je m'attendre, qu'au moment de la régénération « de l'empire, ce serait par mon organe que les premiers bienfaits de la liberté arriveraient jusqu'à vous? Une « plus belle aurore n'a pu se lever sur le déclin de mes " jours. »
Dans le Conseil des Notables de Chaourçe se trouve l'oncle et parrain de Regnault de Beaucaron, nommé par les 265 citoyens actifs de la ville réunis en assemblée primaire, le premier en tête des électeurs du second degré; il est élu ensuite par l'Assemblée des électeurs, par 378 voix sur 426 votants, membre de l'administration du Département ou Conseil général. Choisi par ses collègues pour faire partie du Directoire, présidé par le comte de Dampierre, il s'y fait promptement remarquer par la sagesse et la prudence de ses opinions.
Suivant les lois nouvelles, la justice de même que l'administration municipale et départementale, est désormais élective. Les bailliages et présidiaux sont remplacés par lés justices de paix et les tribunaux de 'district. Les juges, nommés pour six ans par l'assemblée des électeurs du district, sont rééligibles. C'est la réalisation du projet formulé dans le cahier de Praslin par Regnault de Beaucaron. Pour être élu, il faut avoir trente ans et avoir été cinq ans avocat ou magistrat. Le costume des juges du district se compose de l'habit et du manteau noir coupé par une écharpe tricolore en sautoir, à laquelle est suspendue une médaille dorée avec ces mots : la Loi; chapeau rond relevé sur le devant et surmonté d'un panache de plumes noires. Les élections ont lieu au commencement d'octobre 1790 et un Te Deum est chanté à Troyes,- en actions de grâces de cet heureux;
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événement. Les garanties exigées assurent des choix convenables. Regnault de Beaucaron est nommé juge pour le district d'Ervy, mais il ne doit pas en exercer longtemps les fonctions, car ses concitoyens lui confient bientôt un mandat plus important.
VII.
Assemblée législative. — Les Volontaires de l'Aube. — Défense des prêtres. — Tribunal spécial pour les faussaires. — Suppression des droits représentatifs de main morte, etc.
À la dissolution de la Constituante, le département de l'Aube, appelé à envoyer des députés à l'Assemblée législative, ne s'adresse qu'à des hommes modérés.
La notoriété de ses nombreuses productions littéraires, sa qualité de journaliste, ses études du Droit, la façon dont il a rempli ses fonctions de magistrat, et les mandats dont le peuple l'a déjà investi, désignent tout naturellement aux électeurs Regnault de Beaucaron qui, mû par un patriotisme éclairé, aurait voulu l'harmonie et la confiance entre le Roi et le Corps législatif, le respect de la Constitution et des lois, la protection de la propriété et de la liberté individuelle.
Voici, à titre de curiosité, les qualifications plus ou moins justes attribuées aux députés de l'Aube dans une liste critique de tous les membres de la nouvelle législature, imprimée à Paris en 1791 :
Courtois. — Patriote éloquent. De Mézières. — Citoyen instruit. Chaponnet. — Coq ayant bec et ongles.
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Regnault de Beaucaron. — Il est de son pays. Robin.— Renard sous la peau d'un mouton. Sixsous. — Gomme tantd'autres. Beugnot. — Parlant peu et n'en pensant pas plus. Hugot. — On le dit honnête homme.
Au moment où s'ouvre la session, les partis commencent nettement à se dessiner et les passions à se déchaîner. Les démarches des princes émigrés, les rassemblements armés de Coblentz, l'agglomération inusitée de troupes à la frontière, la révélation de complots royalistes, le départ des nobles, la formation de sociétés populaires, tous ces événements surexcitent au plus haut point les esprits, dans une contrée exposée une des premières, par sa position géographique, à l'invasion étrangère. Dans ces circonstances, dont la gravité s'accentue de jour en jour, Regnault de Beaucaron reste toujours fermement attaché à ses convictions. Fidèle à Louis XVI et à la Constitution, il siège parmi les monarchistes, dans le parti des Feuillants, à côté de Beugnot, aussi député de l'Aube, devenu par la suite comte de l'Empire et ministre de la Restauration, des comtes de Jaucourt et de Pozzo di Borgo, de Becquet, etc., etc., avec lesquels il défend constamment la cause du Roi, de la loi et de l'ordre. « M. Regnault de Beaucaron, dit M. Guenin, se fit remarquer par des votes courageux dont il faillit même être la victime1», ce Tous ses votes, dit M. Gontard, peignent parfaitement son caractère loyal et son patriotisme éclairé. » Pendant toute la durée de son mandat, il ne cesse de se tenir en rapports avec ses compatriotes ; aussi est-il fréquemment chargé de représenter leurs intérêts à Paris et défaire, lorsqu'il y avait lieu, en leur nom, des communications à l'Assemblée législative.
Lé 2 octobre, l'Assemblée, adoptant l'avis du Bureau,
1 Troyes et le département de l'Aube, 17889-1848, Troyes, 1856,
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valide son élection. Le 4, il prête le serment individuel prescrit par la Constitution. Le 9, les commissaires de la Trésorerie nationale, en exposant les comptes du mois précédent, déclarent que les recettes se trouvent insuffisantes de 7 .881.228 livres, que des dépenses particulières s'élèvent à 10.810.797 livres, et supplient l'Assemblée nationale de décréter que le déficit de 18.692.025 livres sera versé à la Trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire. Cette affaire est renvoyée à l'examen de dix députés nommés pour vérifier le Trésor public. On procède au scrutin, et Regnault de Beaucaron est élu au nombre des vérificateurs.
Le 28, il est nommé également au scrutin membre du Comité de la Féodalité, où ses connaissances juridiques doivent bientôt lui assurer une place prépondérante 1.
C'est le 17 novembre qu'il prend, la première fois, la parole pour signaler le démiment dans lequel le ministre de la guerre Duportail, malgré les observations déjà faites, persiste à laisser le premier bataillon de Volontaires de l'Aube (Ce bataillon, alors à la frontière, partit ensuite pour Saint-Domingue, où sa conduite fut digne de tout éloge). Il lit à la tribune une adresse qui lui est envoyée et dont nous extrayons le passage suivant :
ce Nous nous sommes rendus à notre poste, vous le savez, ee Nous n'avons cessé de demander des armes, on nous en ce a refusé. Nous avons imploré votre appui et vous avez « interpellé le ministre : Il vous a répondu qu'il avait donné ce des ordres : Il vous a encore trompé! Nous avons reçu, ce à la vérité, 250 fusils, la plupart mal conditionnés; mais « le ministre nous avait annoncé que l'arsenal de La Fèré ce devait nous armer, et le directeur de cet arsenal nous a
1 Le Comité féodal se tenait maison des Capucins, petit jardin des Capucins, près le passage des Feuillants. . ,
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ce écrit qu'il n'a reçu aucun ordre. Lisez la lettre du mice nistre, lisez celle du directeur de La Fère j et vous jugerez «de quel côté sont les coupables. Nous vous l'avons dit, ce nous vous le répétons, la mort n'a rien qui nous effraie, «mais la seule pensée de la'recevoir sans pouvoir nous ce défendre nous fait frémir. Encore si nos cadavres entassés « pouvaient être un rempart inaccessible aux traîtres, nous « péririons sans regret. »(On applaudit).
Il propose ensuite de donner lecture des lettres du directeur de l'arsenal et du ministre, et demande que cette adresse, contenant une articulation précise et motivée contre ce dernier, soit renvoyée, avec les pièces y jointes au Comité militaire, pour en faire incessamment son rapport. Cette proposition est votée aussitôt.
La question des prêtres est une de celles qui passionnent le plus l'Assemblée législative. A maintes reprises, des décrets sont présentés et votés sur ce sujet. Constamment nous voyons Regnault de Beaucaron s'interposer et soumettre des amendements pour adoucir la rigueur de ces lois et les rendre plus équitables.
Le 21 novembre, l'Assemblée discute les moyens de répression contre les prêtres perturbateurs. Elle veut que le Directoire de chaque département fasse deux listes : la première des ecclésiastiques sermentés, la seconde des insermentés, avec les plaintes formulées contre eux; qu'en outre, ces listes énoncent les obstacles qu'a pu éprouver l'exécution des lois, et la dénonciation de ceux qui les ont fait naître ou les ont favorisés. Enfin, elle demande au Conseil général de chaque département un rapport sur la conduite individuelle des prêtres non sermentés et sur leur coalition séditieuse, soit entre eux, soit avec les français transfuges ou déserteurs. Regnault de Beaucaron fait observer que les obstacles ont pu être causés aussi bien par les administrateurs des départements que par des prêtres
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factieux. Il demande alors, puisque l'on veut établir un système de dénonciation, que l'on dénonce et les prêtres et les administrateurs : ce Certainement, dit-il, la dénonciation du « procureur général du Calvados ou, si vous le voulez, celle « du procureur général de la Moselle, ne vous apportera « pas des renseignements fort étendus, à moins que ces ce messieurs n'aient la générosité de parler d'eux-mêmes ce (on applaudit); mais, puisque la série des articles du « projet du Comité est telle que, sans rompre quelques-uns « des anneaux qui en forment l'enchaînement, il n'est pas « possible de confier cette dénonciation à d'autresi qu'aux ce procureurs généraux syndics des départements,! je de« mande que l'obligation où ils seront de faire cette ce dénonciation soit expresse, qu'ils sachent que les admicc nisirateurs eux-mêmes n'en seront pas exemptés, et « qu'il soit, en conséquence, ajouté que le compte-rendu « présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécu« tion de ces lois, la dénonciation de ceux qui, depuis ce l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, et des « administrateurs qui les ont favorisés par prévarication ce ou par négligence. Il n'est personne de versé dans les déce tails de l'administration qui ignore qu'on peut attribuer « pour beaucoup, et la faiblesse des prêtres assermentés, et « l'insolence de leurs adversaires, à la faveur que des « administrateurs ont donnée aux uns, et à l'espèce d'insou" ciance, pour ne rien dire de plus, qu'ils ont 1 gardée « envers les autres. » Mais l'Assemblée décide que l'article proposé est suffisamment explicite, doit être accepté, et qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur l'amendement.
Chaque fois qu'il s'agit de rendre justice à qui de droit, Regnault de Beaucaron est sur la brèche. L'administration départementale de l'Aube avait été violemment et injustement attaquée par quelques citoyens, au sujet de la répartition des contributions. Le 30 novembre, Regnault de Beaucaron se charge d'exposer cette affaire à la tribune, et
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insiste pour qu'une réparation publique soit, accordée à
l'administration départementale :
« Nous devons sans doute, dit-il, appeler la vengeance « des lois sur les autorités constituées, quand elles cornée mettent des prévarications. Par ce même principe, nous « devons, quand elles n'ont pas mérité les inculpations « faites contre elles, leur tendre la main, et leur faciliter ce les réparations auxquelles ont droit tous ceux qui sont ce injustement accusés. »
L'Assemblée, prenant l'affaire en considération, en confie l'examen au Comité des contributions publiques.
Le 24 décembre, il prend la parole en faveur de Henrys, député de la Haute-Marne, dont l'élection est attaquée. Ramenant la question sur son véritable terrain, il demande et obtient, d'accord- avec le Comité de division, la validation des pouvoirs de ce député qui prête serment au milieu des applaudissements.
Le premier janvier 1792 « au nom de l'humanité, de l'intérêt de la chose publique, et des pays circonvoisins, » il appuie la motion du député Laureau qui demande qu'on s'occupe du canal de Bourgogne où environ trois mille ouvriers sont sans travail et sans ressources.
Le 7 janvier, le Comité de division propose de décréter une réunion extraordinaire des électeurs du Haut-Rhin, à l'effet de procéder à la nomination aux curés vacantes, Regnault de Beaucaron voudrait laisser ce soin aux évêques ; il explique que le contraire serait capable de créer des troubles à un moment où on doit surtout chercher l'apaisement; mais ses raisons, quelque bonnes et nettement exprimées qu'elles soient, ne sont pas admises, et le décret est adopté.
De faux assignats avaient été fabriqués: le public s'en était.ému. Le Gouvernement propose de faire juger les faussaires par un tribunal spécial. Le projet est présenté le 29
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janvier à l'Assemblée. Regnault de Beaucaron le combat et s'efforce de démontrer qu'il est contraire aux lois et à la Constitution :
ce Lorsqu'on soumet à votre discussion un projet de « décret sur quelque matière que ce soit, dit-il, la pre« mière chose à examiner est si vous pouvez porter le ce décret qui vous est proposé, sans heurter, de près ou de « loin, la Constitution que vous avez juré de maintenir en « son entier. . . etc. »
Nous devons conserver nos principes avec un respect religieux.
ce Tous puissans avec la loi, nous ne pouvons plus rien te quand nous nous en écartons. Or, l'une de ces lois les « plus fortement demandées, les plus expressément pro« noncées par la Constitution, c'est que des citoyens ne ce pourront jamais être distraits des juges que la loi leur ce donne par aucune Commission. »
Or, cette Commission que l'on veut établir est absolument illégale et prive l'accusé de ses juges naturels.
ce Si ce principe est rigoureux en matière civile, il l'est « encore bien davantage en matière criminelle où l'état de « citoyen est compromis. Il l'est bien davantage encore « lorsqu'il s'agit de la poursuite d'une action en faux, action « qui, comme vous le savez, est la plus délicate de toutes, « puisque le juge est presque toujours obligé de prendre ce des vraisemblences pour des moyens d'arriver à la vérité, c< et quelquefois de se contenter des autres aux dépens de « celle-ci. »
Commettre un tribunal pour juger des faits dont la connaissance ne lui appartient ni naturellement ni légalement, c'est faire acte de despotisme, c'est vouloir transformer quand même l'accusé en coupable; or, tant que la condamnation n'est pas intervenue, il doit être considéré comme innocent: puis, dévoilant le véritable motif du projet de
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décret, c'est-à-dire une excuse adroitement déguisée en faveur des tribunaux, qui ont mis dans la poursuite de ces affaires une lenteur si extraordinaire, qu'elle ne peut plus être légitimée que par le décret proposé, Regnault de Beaucaron conclut au rejet, mais, par contre, il invite l'Assemblée à décider que le ministre de la justice devra veiller, sous sa responsabilité, à ce que désormais les tribunaux n'éternisent pas les affaires et remplissent leur mission avec exactitude.
Malgré ces observations, le décret est adopté. On sait où doit bientôt conduire la création des tribunaux d'exception. Le premier février, il soutient le ministre de la marine Bertrand de Molléville, accusé de forfaiture parles députés Guadët et Grangeneuve, et mis hors d'accusation après des débats tumultueux. Le journal Les Révolutions de Paris, publie à cette occasion, un article fulminant sur « Bertrand déclaré honnête homme!... Bertrand a obtenu gain de cause... Quel échec pour le côté du Peuplé!... Quel triomphe pour le côté du Roi!... Quelle honte pour l'Assemblée nationale!.. .Nous avons besoin de savoir où placer notre confiance.. . » Le journal dénonce ensuite ceux qui ont voté pour le ministre.
Les assignats n'avaient pas facilement cours. Certains corps de troupe avaient refusé cette monnaie pour leur solde. Le 6 février, Regnault de Beaucaron annonce à l'Assemblée, que non seulement le bataillon des volontaires de l'Aube s'en contente, mais encore a adressé à l'armée une lettre pour l'engager à imiter son exemple.
A la demande d'un grand nombre de voix, il donne lecture de cette adresse signée par tous les officiers, sous-officiers et soldats, et qui se termine par ces mots : « Où est « le mauvais citoyen qui osera faire de honteuses spéculaee fions sur la subsistance des défenseurs de la patrie? ce Amis, déjouons encore une fois les manoeuvres impies « des traîtres. Après avoir bravé leurs menaces, bravons
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« aussi leurs perfidies. De quelque manière qu'ils veulent « nous attaquer, attendons-les de pied ferme, et apprece nons-leur que le sacrifice de notre vie n'est pas le seul « que nous ayons su faire, "
L'Assemblée vote la mention honorable et l'insertion au procès-verbal; sur la proposition de Regnault de Beaucaron, pour témoigner sa satisfaction, elle ordonne par acclamation l'envoi de son procès-verbal au bataillon de l'Aube.
Les 23 février et 9 avril, Regnault de Beaucaron vote pour l'affirmative dans les appels nominaux qui sont effectnés pour savoir si l'Assemblée siégera tous les soirs jusqu'à l'épuisement des rapports nombreux préparés par les Comités, et si les soldats de Châteauvieux seront admis à l'honneur de la séance.
Le 30, il fait voter des félicitations à la municipalité des Riceys pour avoir arrêté deux escrocs qui excitaient les populations à la révolte. Il remet 495 livres en argent saisies sur eux à la caisse de la marine pour être employé au rachat des captifs.
Le 4 août 1789,1a Constituante avait supprimé, sans indemnité, la main-morte réelle, personnelle ou mixte et toutes ses conséquences. Le décret du 28 mars 1790, proscrivant la main-morte, maintenait cependant, dans son article IV, certains droits qui en étaient représentatifs. On déclarait la cause illicite et les effets légitimes. Il y avait là une anomalie évidente qui avait soulevé de nombreuses réclamations.
Le 2 mai 1792, Regnault de Beaucaron fait un long rapport sur cette question. Remontant à l'origine des droits de main-morte, il en indique les diverses modifications suivant les époques et les provinces, et prouve que l'article IV du décret du 28 mars 1790, n'a fait qu'en dénaturer l'esprit. Il présente donc, au nom du Comité féodal, un
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projet de décret concernant la suppression, sans indemnité, des droits représentatifs de main-morte réelle et mixte conservés par lé décret sus-énoncé.
L'Assemblée ordonne l'impression du rapport, ce Quand " on a lu, dit M. Gontard, les poésies souvent très-légères " de Regnault, on est tout surpris de rencontrer un juris" consulte aussi distingué, son rapport est l'oeuvre d'un " homme érudit et des plus éclairés. »
Le 25 mai, il prend encore l'initiative d'une question qui a trait à la justice. Il demande et obtient que l'on fixe l'époque et le lieu du paiement des honoraires des hauts jurés rassemblés en haute cour.
Louis XVI avait dû déclarer la guerre. On attendait avec anxiété des nouvelles de l'armée. Le 28 mai, Regnault de Beaucaron donne à la tribune les détails de la bataille de Givet, qu'il connaît par une lettre d'un officier du 29e régiment en garnison à Philippeville.
Le 2 juin, il assiste, comme délégué de l'Assemblée nationale, aux fêtes en l'honneur de Simoneau.
Plusieurs personnes usurpant le nom de députés suppléants avaient, en donnant une fausse signature, assisté aux séances. Ce fait, qui s'était présenté en particulier pour Huguenin, premier député suppléant du département de l'Aube, est signalé, le 9 juin, à la tribune par Regnault dé Beaucaron, qui commence en ces termes : « Je vous rends " plainte (je ne me sers pas du mot dénonciation, parce « qu'il a été tellement prostitué depuis peu que je pense " que les hommes probes doivent dorénavant le bannir de « leur langue) ; je vous rends plainte d'un abus, etc. »
Le duc de Bourbon Penthièvre, se prétendant propriétaire exclusif du droit de pêche de la rivière d'Eure et l'ayant affermé en partie, Regnault de Beaucaron prend la parole , le 16 juin, pour montrer les imperfections du code féodal et demander la réglementation du droit de pêche qui
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doit appartenir aux propriétaires riverains. L'Assemblée ordonne qu'un rapport soit fait sur ce sujet le soir même.
Nous voyons que ce sont surtout les questions de droit et d'affaires qui occupent Regnault de Beaucaron. Sa ligne de conduite est sérieuse et sa politique n'est pas remuante, mais à mesure que les événements deviennent plus graves, son énergie monte avec le danger et il combat avec vigueur les empiétements de la Révolution. « Il vote avec courage, « dit M. Aufauvre 1 contre toutes les mesures qui tendaient « à faire dériver le mouvement de 1789 à l'anarchie. »
VIII. .
Le 20 juin 1792. — Défense de La Fayette et des prêtres. — Le 9 août. Les fédérés marseillais. — Organisation des milices dans l'Aube, etc.
Le 20 juin, Regnault de Beaucaron déploie une généreuse ardeur. A la séance du soir, il interrompt brusquement le rapporteur du Comité des finances qui entamait la lecture d'un décret, en s'écriant : " J'apprends que les " jours du Roi sont en danger, je demande que l'Assemblée « se transporte en corps auprès de lui pour sauver sa « personne 2. » Et comme la gauche vocifère que le Roi ne peut être en danger au milieu du peuple, Beugnot de riposter : « Mais ce n'est pas le peuple qui est chez le Roi, " ce sont des brigands ! » Il s'élève un tumulte indescriptible, qui finit par s'apaiser, et l'Assemblée décrète presque
1 Histoire de Nogent-sur-Seine.
2 Babeau, Histoire de Troyes ; Mortimer-Ternaux, Histoire de la Terreur,
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unanimement l'envoi, sur le champ, d'une députation de vingt-quatre membres aux Tuileries. «La séance, écrit le « journal Les Révolutions de Paris, a été remplie parce les rapports successifs des députations envoyées chez le « Roi par l'Assemblée; MM. Regnault Beaucaron, Beugnot, « Dumas, Adam et Baert ont eu beau crier que le Roi était « dans le plus grand danger, que le représentant hérédi" taire de la nation avait été insulté, menacé, avili,par la « foule armée qui était entrée au château, les différents ce rapports des députations se sont accordés pour prouver " que le Roi était tranquille.» Singulière tranquillité 1 !,
Le département de l'Aube partage l'opinion de ses représentants ; il espère,'encore que la monarchie peut se maintenir et écrit au Roi pour témoigner ses sentiments d'attachement à l'occasion des outrages qu'il avait subis le 20 juin.
Cependant la révolution s'affirme, les événements se pressent. Lafayette est attaqué avec une violence qui n'a' d'égale que la popularité dont il avait joui quelque temps auparavant. Le 2 juillet, il revient à Paris pour soutenir une adresse qu'il avait fait rédiger par son armée. On l'accuse d'avoir déserté son posté sans autorisation. On demande à interpeller le Ministre, pour savoir s'il a accordé un congé régulier. L'appel nominal a lieu. Regnault de Beaucaron vote contre l'interpellation..Le 8 août, on veut •décréter des poursuites contre Lafayette; Regnault de Beaucaron vote encore en faveur du général qui n'est mis hors d'accusation qu'après une seconde épreuve du vote par appel nominal. Le peuple, qui assiégeait les abords de l'Assemblée, se soulève à cette nouvelle, maltraite et insulte, à leur sortie, les courageux députés coupables
1 e< J'ai eu l'avantage, écrit Regnault de Beaucaron, de défendre l'infortuné monnarque avec MM. les comtes Pozzo, Beugnot, de Jaucourt, M. Becquet, dont je partageais les sentiments honorables, "
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d'avoir défendu le prétendu traître. Vaublanc, Girardin, Dumas, Calvet, Lacretelle, Quatremère, Mezières et Hugot, etc., sont frappés ou couverts d'injures. Regnault de Beaucaron est bousculé, terrassé, puis enlevé par des fédérés marseillais qui veulent le pendre à un réverbère. La garde nationale arrive à temps pour le soustraire à la mort, et le reconduit sous bonne escorte à son domicile, hôtel du Grand-Louis, rue de Grenelle-Saint-Honoré. Le lendemain, 9 août, séance des plus orageuses. Les représentants du peuple insultés la veille se plaignent en personne ou par lettre. Le président, Laffon-Ladebat, au début de la séance et à la demande de plusieurs députés, fait lire entre autres la lettre suivante de Regnault de Beaucaron :
Paris, 9 août 1792. Monsieur le Président,
Je sortais hier avec M. Lacuée. Arrivé à la porte de la rue Saint-Honoré, je me suis vu environné d'une multitude d'hommes en uniforme national, avec des bonnets rouges sur la tête. Là, j'ai entendu distinctement délibérer qu'on me mettrait à la lanterne (il s'élève de longs murmures d'indignation). Alors j'ai réclamé de mon inviolabilité et mis en évidence mon cordon de député; on m'a répondu que c'était pour cela qu'il fallait me pendre. En cet instant un homme en veste m'a pris par derrière et m'a soulevé (un mouvement d'horreur se manifeste dans l'assemblée). Alors est survenu un grenadier du bataillon de Sainte-Opportune, nommé Lavillette, qui, le sabre à la main, et secondé de quelques-uns de ses braves camarades, m'a dégagé, m'a conduit au Département, d'où un détachement m'a ramené chez moi.
Je supprime toute réflexion.
Je ne puis plus assister aux séances de l'Assemblée.
J'instruirai mes commettants de ma conduite.
ce Lorsqu'on rapporte, dit M. Thiers 1, que M. Beaucaron " allait être livré à la corde, un rire barbare éclate dans les
Thiers, Histoire de la Révolution française.
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« tribunes. Quand on ajoute que M. Girardin a été frappé, " ceux mêmes qui le savaient le mieux lui demandent « avec ironie où et comment « Eh ! ne sait-on pas, répond " noblement M. de Girardin, que les lâches ne frappent « jamais que par derrière. » Enfin, un membre réclame « l'ordre du jour. Cependant l'Assemblée décide que le « procureur syndic de la Commune, Roederer, sera « mandé a la barre pour être chargé de garantir, sous sa « responsabilité personnelle, la sûreté et l'inviolabilité des " membres de l'Assemblée.»
Le lendemain, Regnault de Beaucaron revient à son poste. Ce n'est pas le moment de le quitter : nous sommes au 10 août; la séance est commencée depuis minuit, l'agitation est extrême, on prévoit les sanglants événements de la journée. Le peuple attaque les Tuileries, le roi et sa famille viennent se réfugier au milieu des députés, qui continuent leurs délibérations au bruit de la mousqueterie et du canon. On rappelle ceux qui se lèvent : " C'est ici, leur crie-t-on, que nous devons tous mourir. »
La Commune du 10 août ne tarde pas à devenir plus puissante que l'Assemblée législative elle-même, la révolution triomphe, les Feuillants ou modérés sont en infime minorité. Regnault ne les abandonne pas et lutte courageusement avec eux. Malgré leurs efforts, le Roi et sa famille sont conduits au Temple, les biens des émigrés sont séquestrés ; le 18 août, Lafayette est décrété d'accusation; le 26, on expulse de France les prêtres non sermentés, sous peine de déportation à la Guyane, etc. La veille, Regnault de Beaucaron avait tenté un dernier effort en faveur de ceux qui avaient prêté le serment tardivement : « Puisque " l'Assemblée nationale, dit-il, semble avoir pris le parti de « déporter les prêtres non assermentés, je lui ferai une ce observation qui doit infailliblement la frapper. Depuis « l'époque de la révolution du 10 août, plusieurs de ces
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« prêtres, cédant à la volonté manifestée du peuple, ont
« prêté les serments exigés par les lois, et spécialement
« celui de liberté et égalité. Sans doute, Messieurs, il
« n'entre pas dans vos intentions de faire tomber sous le
« glaive de la loi ceux qui obéissent à la loi. Je demande
" donc une exception expresse en faveur de ces derniers.»
Bientôt les événements des frontières viennent compliquer l'agitation intérieure. Longwy ouvre ses portes à l'armée de Brunswick, et, le 1er septembre, on apprend que Verdun est assiégé. Tout Paris se lève en armes; la générale, le tocsin, le canon d'alarme, retentissent; sur l'Hôtel de Ville, un immense drapeau noir porte en lettres rouges ces mots : « Citoyens, la Patrie est en danger. » Danton s'écrie : " De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la Patrie est sauvée ! » On attend avec impatience les courriers des provinces. Le 3 septembre, Regnault de Beaucaron monte à la tribune pour donner des nouvelles de la Champagne et lire, en particulier, une lettre très détaillée écrite par un membre de l'administration de l'Aube. Cette lettre, assez longue, dépeint l'enthousiasme de la population à voler au secours de Verdun, et énumère toutes les mesures prises pour la défense du pays, ce On va dans toutes les maisons, y est-il rapporté, trouver les aimables du jour (c'est ainsi qu'on appelait les jeunes gens) et leur dire qu'il n'y a pas à s'en dédire, qu'ils soient de la Fête ! » (Applaudissements réitérés). Cette lecture se termine au milieu des applaudissements de l'Assemblée, qui ordonne l'impression de la lettre et fait mention honorable de la conduite du département.
Le 13 septembre, Regnault de Beaucaron demande la parole pour défendre encore une fois les prêtres non assermentés. C'est alors, au moment du massacre des prisons et de l'effervescence générale, un acte de courage peu commun. Il prononce les quelques mots qui suivent avec une
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énergie qui impressionne l'auditoire : « J'ai à faire part à « l'Assemblée d'un fait important qui intéresse à la fois la « législation et l'humanité :
« Plusieurs prêtres insermentés, domiciliés dans quelques « départements de l'empire, qui étaient précisément dans « le cas de la déportation par vous décrétée, ont demandé « des passeports.
« Un grand nombre de personnages, craignant qu'ils « n'aillent grossir l'armée des émigrés, s'opposent à ce « qu'ils partent. Il en résulte que les passeports leur sont « refusés et qu'ils sont consignés et gardés à vue.
« Si la loi est exécutée, ces prêtres insermentés courent « risque d'être immolés ; si elle ne l'est pas, ils courent « celui d'être déportés à la Guyane française. Certes, cette « alternative est cruelle, et il est de votre justice de la pré" venir.
« Rendez donc à la loi son énergie, aux autorités « constituées leurs pouvoirs, au peuple sa tranquillité, « aux prêtres insermentés la sûreté de leur existence.
« Ces objets sont dignes de votre attention surveillante. « Je demande donc que votre Commission extraordinaire « s'occupe des objets de mes observations et vous en fasse « son rapport demain. »
Cette proposition est adoptée.
Le 20 septembre, l'Assemblée législative est dissoute.
IX. Epoque de la Terreur. — La Justice à Ervy.
Désormais, les opinions de Regnault de Beaucaron ne sont plus en rapport avec celles de la députation que ses concitoyens envoient à la Convention. Tout ce qui se rat-
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tache, non seulement à l'ancien régime, mais encore au gouvernement constitutionnel de 1790, est en suspicion et éloigné des affaires. « Bientôt, écrit-il, des nuages nom« breux ont obscurci l'horizon révolutionnaire et nous ont « caché le soleil de la liberté. La délation a été érigée en « vertu, le vol en action civique; le crime a levé hautement « la tête, et l'innocence a été traînée à l'échafaud. »
Gémissant des excès, sa seule ambition consiste à reprendre à Ervy ses modestes fonctions de juge, et à les remplir avec une intégrité et un courage qui, dans les temps les plus désastreux, lui assurent l'estime générale. Il n'a pas fallu peu d'énergie pour continuer quand même à rendre la justice à un moment où plusieurs membres de sa famille étaient incarcérés, où Rousselin exerçait sa tyrannie révolutionnaire dans le département, et où Gachet, maire de Troyes, convaincu plus tard de faux et de vol et condamné aux fers, apostrophait ainsi des députés d'Ervy : « Dites à vos concitoyens que j'irai les voir sous trois jours et que j'apporterai ici leur blé, leur argent et leurs têtes. »
Se renfermant uniquement dans ses devoirs de magistrat, Regnault en impose par sa droiture et sa fermeté. Deux fois seulement, il est obligé, au plus fort de la Terreur, de sortir de la réserve sévère qu'il s'est imposée. Une première fois, en fabriquant, à la demande des gens d'Ervy et pour une fête publique, plusieurs couplets en style patriotique, afin de célébrer Fleurus et les victoires des armées françaises. Une seconde fois, en acceptant d'être délégué par la Société populaire d'Ervy, pour proposer aux habitants de Chaource « de fraterniser avec eux et de leur prouver qu'ils ne rivaliseront jamais avec eux que de civisme et de sentiments patriotiques. » La Société de Chaource remarque avec plaisir, en acceptant la proposition, que les frères d'Ervy ont député vers elle « un ci-devant concitoyen qui, dans tous les temps, avait joui, et à juste titre, de leur estime. »
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Pour quiconque comprend les difficultés de temps pareils, où, selon l'expression de Beugnot, « il fallait aux justes une force surhumaine pour se tenir debout, » les deux faits que nous venons de rapporter prouvent, par leur minime importance même, à quel point Regnault de Beaucaron a su se soustraire aux influences et aux menaces qui l'entouraient, s'isolant le plus possible.
Combien de fois, en ces grands jours de deuils, (dit-il),
Je m'enfonçai dans un asile sombre !
Un arbre épais me couvrant de son ombre,
Horace, Ovide, ou Tibulle à la main;
Là, j'oubliais le triste genre humain.
Me croyant seul dans la nature entière,
Loin des regards des Phalaris du jour,
Je vivais libre en cet obscur séjour
Et j'y bravais Marat et Robespierre !
Et pourtant, dans le district d'Ervy, l'effervescence était grande. On y commit de violents excès dont les auteurs furent d'ailleurs, dans la suite, traduits en justice.
Regnault de Beaucaron traversa cependant cette époque de bouleversements en se faisant oublier, quoique ses opinions fussent bien connues. « C'est que, au dire de M. Gontard, son patriotisme était également connu par ses anciens collègues de l'Assemblée nationale, » N'avons-nous pas, dans l'histoire de la Révolution, des exemples de ce genre, tel que celui, pour n'en citer qu'un extrêmement frappant, du duc d'Albert de Luynes, député de la Noblesse aux Etats-Généraux de 1789, qui, pendant la Terreur, n'émigra pas et ne fut pas inquiété, malgré son immense fortune et son illustre naissance ?
Au milieu des tristesses des temps, Regnault de Beaucaron éprouve une perte cruelle. Le 2 nivôse an II, sa femme, Elisabeth Chauvel, d'Ervy, après un an à peine de mariage, meurt à l'âge de dix-sept ans, lui laissant un fils Jean, né le 23 frimaire, et sur lequel il concentrera désormais toutes ses affections.
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X.
Les Chauffeurs. — Condamnation de Grison,
un des assassins du gouverneur de la Bastille et de la princesse de Lamballe. — Poursuites contre les Terroristes. — Répression du brigandage. — Affaire Teinturier.
Après la Terreur, lors de la Constitution de l'an III, Albert, député du Haut-Rhin, chargé de réorganiser le département de l'Aube, s'acquitte de cette mission avec sagesse et justice. Il place à la tête de l'administration des hommes d'une capacité reconnue. « L'assemblée électorale 1 atteste ses sentiments anti-révolutionnaires, dit M. Babeau, en nommant Regnault de Beaucaron au tribunal criminel de Troyes. » Une des affaires les plus importantes dont Regnault a alors à s'occuper est celle des chauffeurs, brigands qui terrorisent le pays. « L'humanité, écrit-il, gémit des « crimes que commet cette horde scélérate. » Héros d'expéditions nocturnes, incendiant, tuant et pillant sur leur passage, ils ont pour chef un des assassins de de Launay, gouverneur de la Bastille, et de la princesse de Lamballe, Pierre Grison, qui, monté sur un cheval ferré en sens contraire, dépiste toutes les recherches avec ses marches et contremarches brusques et inexplicables, sa rapidité à franchir les plus grandes distances, ses déguisements, son astuce et la crainte qu'il inspire.
1 L'Assemblée électorale s'était réunie le 20 vendémiaire, an IV, à Troyes. Regnault de Beaucaron avait été élu scrutateur par 78 voix sur 228 votants. Le soir même, il fut élu accusateur public par 170 voix sur 235 votants, formant plus que la majorité absolue (Arch. de l'Aube, L, 1573).
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La justice avait en vain essayé de réunir des preuves contre lui. Grison était libre et continuait ses sinistres exploits, répandant partout sur son passage une terreur superstitieuse. Cependant, à la suite de deux assassinats et d'un incendie, Regnault de Beaucaron le dénonce, le 24 pluviôse an IV, au Jury criminel, en en faisant le portrait suivant : « Il a les cheveux gris, les yeux gros et « rouges; son visage est gras et sa bouche est grande ; sa « taille est de cinq pieds environ ; il porte une carmagnole « couleur boue de Paris, un gilet rouge, et sa cravate est « un mouchoir à la nation. »
Grison finit, à force d'habileté, par se faire rendre la liberté. Mais après de nouveaux crimes, Regnault de Beaucaron, dont la vigilance était toujours en éveil, le fait mettre une seconde fois en arrestation avec ses acolytes, au nombre desquels se trouve Emery, qui correspondait avec Couriole, l'assassin du courrier de Lyon. Une laborieuse instruction, dans les détails de laquelle nous n'entrons pas, se poursuit pendant onze mois. Enfin, un Jury d'accusation reconnaît la culpabilité des accusés. Après des débats vifs et animés qui durent six jours sans désemparer, et après un réquisitoire des plus énergiques prononcé par Regnault de Beaucaron, le Jury de jugement condamne, le 21 pluviôse an V, Grison et Emery à la peine de mort. Ceux-ci tentent un pourvoi en cassation, qui est rejeté le 21 germinal, et, quelques jours après, vêtus d'une robe rouge, ils montent sur l'échafaud dressé place Saint-Pierre. « Fais ton métier, dit Grison au bourreau, d'une voix menaçante et en proférant un blasphème, fais ton métier, entends-tu, mais.... ne me manque pas ! "
Regnault de Beaucaron avait déployé une fermeté inébranlable dans cette affaire, et nous lisons dans le Moniteur du 5 pluviôse que tout le monde a applaudi à sa force et à son énergie.
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Ce procès célèbre, dont le souvenir est encore vivant à Troyes, a inspiré à M. Amédée Aufauvre un roman intitulé : Une histoire de Chauffeurs.
Poursuivant toujours avec un zèle infatigable la répression des crimes, Regnault rédige un mémoire qui est imprimé dans les Annales troyennes, sur la propagation du brigandage et les moyens de l'arrêter.
Après un aperçu sur l'origine du brigandage, issu des orages de la Révolution, il expose que les lois ne sont pas assez rigoureuses, et que les criminels en profitent pour redoubler d'audace et d'effronterie. « Comment donc arrê" ter ce torrent qui déborde de toutes parts ?
« 1° Il faut que la loi redouble de sévérité ; que les vols « du premier ordre, comme ceux de grand chemin, avec « effraction domestique, soient punis de mort, jusqu'à ce « que la paix amène un nouvel ordre de choses. En effet, « qu'est l'opprobre pour celui qui ne craint plus le déshon« neur ? Rien. Qu'est la peine des fers pour celui qui ne " craint que la mort, surtout quand il espère pouvoir, « quand il le voudra, briser ses fers sans courir risque « d'une plus grande peine? Rien...., etc.
« 2° Il faut, pour les grands crimes, accorder une com« mutation de peine à celui qui désignera ses complices.... « Par cette mesure, on dissoudra cette union si forte qui « lie entre eux tous les scélérats, qui est cause qu'ils se « cachent les uns les autres, qui enfin leur dicte en certaines « occasions des dévouements dignes peut-être d'une meil" leure cause.
« 3° Il faut salarier la gendarmerie, lui accorder des « récompenses en cas de capture, comme sous l'ancien « régime.
« Comment, en effet, voulez-vous que le service à cheval « soit bien fait par des hommes dont le traitement par mois « n'allait pas à six livres ?
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« 4° Il faut mettre les prisons sur un autre pied, etc.
« 5° Il faut qu'aucun crime ne soit impuni, et, pour cela « faire, que la responsabilité des fonctionnaires publics ne
« soit pas illusoire.
« Quelques-uns des fonctionnaires négligent l'observa« tion de la loi, se jouent de son exécution. Pour parer à « cet inconvénient, il convient que l'on mette à même les « fonctionnaires élevés en autorité de surveiller les infé«
infé« que chaque directeur du Jury visite au moins « tous les six mois les greffes de tous les juges de paix de « son arrondissement; que l'accusateur public visite au
« moins tous les six mois ceux des tribunaux de police de « son département. Alors, chacun se tiendra sur ses « gardes, et, craignant pour sa responsabilité, se mettra « en règle, etc.... Tous plieront sous la loi ou craindront « sa juste vengeance, etc ... Mais, dira-t-on, il faut des « fonds pour cela, etc.... »
Regnault de Beaucaron estime alors que le produit des amendes suffirait amplement si, au lieu de tomber dans la poche de quelques-uns de ceux qui ont l'initiative de la police, il était verse régulièrement dans la caisse du Trésor public.
« 6° Il faut remoraliser le peuple, si je puis parler ainsi. « Le Corps législatif, le Gouvernement, donnent le signal. « Que les instituteurs, lès fonctionnaires publics, les mi« nistres du culte y répondent. Semons l'instruction, le « respect de la religion, ou, ce qui revient au même, « celui de la loi divine, l'amour de la loi civile, le zèle pour « son exécution. Marquons l'immoralité du fer du mépris; « que la vertu reçoive nos hommages, que la probité soit « notre régulateur moral, comme la liberté est notre idole.
« Telles sont les observations que m'a dictées l'état « actuel des choses. Je n'ai pas entendu faire un ouvrage « éloquent. Je n'ai point puisé ces réflexions dans Brissot,
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« Montesquieu, Beccaria ou autres. Ecrites d'un seul jet, « réellement improvisées, elles ne réclament que l'honneur « de l'utilité. A quoi bon, en effet, l'éloquence et le système « quand on plaide pour la vie. et la propriété de ses sem« blables ? Alors, c'est au coeur à inspirer, c'est à la raison a à parler. »
Presque en même temps, le 17 messidor an V, Regnault de Beaucaron envoie aux ministres de la police générale et de la justice, à l'administration centrale du département, aux directeurs du jury, juges de paix, officiers de gendarmerie, commissaires de police et agents des communes du département, et aux accusateurs publics des départements environnants, une adresse énergique dans laquelle il leur enumère les crimes continuels des chauffeurs, et les exhorte de la façon la plus pressante et la plus convaincante, à s'unir pour abattre « cet hydre aux cent têtes » et " opposer une ligue sainte aux efforts combinés des « assassins. »
Il donne ensuite une liste longue et détaillée de tous les renseignements et signalements que ses recherches lui ont procurés et qui peuvent aider à la découverte et à la répression des crimes, puis il ajoute :
Soyez donc sur vos gardes, engagez les habitants des campagnes à veiller plus assidûment qu'ils ne font; à activer, aux termes de la loi, la colonne mobile, enfin, développez tous les moyens que là loi met en votre pouvoir pour conjurer cet orage et l'arrêter, s'il se peut, dans son principe. Qu'on ne croie pas que je cherche à jeter gratuitement l'alarme. Si, par cet avertissement donné à temps, je puis sauver la vie d'un seul homme, je croirai avoir mérité de la patrie.
Enfin, il termine en invoquant tous les arguments susceptibles de stimuler le zèle des autorités judiciaires.
En même temps, il exerce des poursuites contre les anciens terroristes. A ce genre de procès s'en rattache un que nous mentionnerons ici, non pas à cause de l'intérêt
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qu'il présente en lui-même, mais parce qu'il souleva les passions politiques. La terre de Vougré, appartenant au vicomte de Balathier, avait été confisquée à tort et vendue à un nommé Claude Teinturier, qui ensuite avait dénoncé au gouvernement Mme Julie de Balathier, dont il avait intercepté les lettres écrites à son fermier. Le 17 germinal an V, le Tribunal criminel de l'Aube, condamne Claude Teinturier à deux années d'emprisonnement pour violation du secret des correspondances, et le département annule la vente faite indûment; ces décisions qui satisfont les hommes d'ordre, surexcitent au contraire les anciens terroristes qui, appuyés par lés journaux de Paris, ne ménagent ni les réclamations ni les menaces. Ramenés au pouvoir par le 18 fructidor, ils en profitent pour exercer leurs vengeances. Ce n'est pas impunément, dit M. Babeau, que Regnault de Beaucaron les a combattus; il est destitué le 21 nivôse, ainsi que le président du Tribunal criminel, Parisot. La délibération du département concernant Teinturier est cassée. Teinturier fait paraître un libelle violent, conçu en termes insultants, contre le président Parisot et l'accusateur public, Regnault de Beaucaron, qu'il dénonce comme chargé d'affaires du vicomte de Balathier émigré, comme qualifié tel dans la correspondance interceptée, et comme coupable d'excès de pouvoirs dans le jugement du 17 germinal, an V. Parisot et Regnault de Beaucaron, ne pouvant pas à ce moment poursuivre le calomniateur devant les tribunaux, se voient obligés de le traduire au tribunal de l'opinion publique, et, à cet effet, le 7 ventôse an VI, font paraître un mémoire 1 qui, répandu dans tout le département, justifie facilement, preuves en main, la correction de leur conduite. Quant aux invectives, ils ne s'abaissent pas à y répondre : « Le témoignage constant de la confiance de
1 Imprimé à Troyes.
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« nos concitoyens, écrivent-ils, nous consolera facilement « des traits que la méchanceté lance, mais qui ne nous « atteindront jamais. »
XI.
Les « Annales troyennes ». — Le « Journal du département de l'Aube ». — La Société libre d'Agriculture et ses publications. — L'Ecole centrale de l'Aube. — Les bustes des illustres troyens.
Regnault de Beaucaron ne se contente pas de lutter pour le bien, l'ordre et la justice, en remplissant avec fermeté ses devoirs de magistrat, mais encore il aide le parti modéré à fonder, le 1er thermidor an IV, afin de combattre les tendances révolutionnaires, un journal paraissant trois fois par mois, intitulé: Les Annales Troyennes ou Décadaire du Département de l'Aube, et rédigé par une Société d'amis des lettres et des moeurs, « parmi lesquels, dit M. Babeau, se trouvaient des hommes de mérite, tels que le bibliothécaire Herluison, Regnault Beaucaron et Beugnot. » Ce dernier s'occupe surtout des articles politiques, et Regnault se consacre à la partie littéraire, préférant, à cause de ses fonctions publiques, ne pas s'occuper de polémiques irritantes, ainsi qu'il en avertit dans le numéro du 20 thermidor an V. Il fait paraître dans ces Annales le mémoire sur la propagation du brigandage et les moyens de l'arrêter, et la circulaire aux officiers de justice dont nous avons parlé plus haut ; quelques pièces de vers : Epître d'un père à son fils parvenu à l'âge d'étudier, Couplets pour le mariage de M. F., Les Incroyables; un article littéraire sur les Lettres à Emilie sur la Mytho-
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logie, de Dumoustier, enfin plusieurs articles sur l'instruction publique et l'école centrale.
Le Conseil des Cinq-Cents ayant ordonné la fermeture du club des Jacobins, les modérés redoublent leurs efforts avec l'espoir du succès. Les Annales troyennes se transforment, et prennent, sous la direction des mêmes écrivains, le nom de Journal politique et littéraire du département de l'Aube, avec un format plus grand, permettant d'élargir le cercle des informations eh tous genres. L'esprit de cette feuille est indiqué en tête du premier numéro, où il est dit que la vérité portera son flambeau sur toutes les branches de l'ordre social, et que les restes impurs de la jacobinière y seront surtout surveillés. Ce journal fait son apparition en l'an VI, au moment de la célébration de l'anniversaire du 9 thermidor. Il s'occupe de politique seulement jusqu'au 18 fructidor qui ramène les révolutionnaires au pouvoir. Ceux-ci ne tardent pas à supprimer la liberté de la presse, et, le 20 vendémiaire, le journal doit suspendre définitivement sa publication à son huitième numéro. Heureusement, les révolutionnaires ne restent pas longtemps les maîtres. Les rédacteurs des journaux disparus fondent bientôt à Troyes une Société libre d'agriculture qui prend plus tard le titre de Société libre d'agriculture, du commerce et des arts, de lycée du département de l'Aube, et est l'origine de notre Société académique actuelle. La Société se compose, tout d'abord, de 83 membres choisis parmi les notables du département et élus dans chaque canton. Regnault de Beaucaron représente le canton de Chaource. Un journal spécial, le Journal de l'Ecole centrale et de la Société d'agriculture, du commerce et des arts du département de l'Aube, commencé le 29 brumaire an VII, et terminé le 29 fructidor an VIII (67 nos in-8°), nous a conservé les travaux de la Société. Celle-ci s'organise ensuite d'une façon plus complète et plus sérieuse, en comprenant seulement 24 membres titulaires et 24 membres associés,
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divisés en quatre classes. Regnault de Beaucaron fait partie, comme membre titulaire, de la quatrième classe, consacrée aux beaux-arts. Les travaux de la Société paraissent alors dans les Mémoires du Lycée du département de l'Aube. Regnault de Beaucaron y fait imprimer, en l'an X, quelques fragments de son poème des fleurs qui ne sera terminé qu'en 1818, et, en l'an XI, une idylle, les Tableaux champêtres.
Nous venons de prononcer le nom de l'Ecole centrale de l'Aube. Sa création date de 1795. Pour l'organiser et en choisir les professeurs, le département constitue, par délibération du 7 floréal an IV 1, un Jury central d'instruction composé de trois membres : Charbonnet, ancien recteur de l'Université, Bosc, chimiste, correspondant de l'Institut national, et Regnault de Beaucaron, qui sont installés solennellement le 1er prairial, en présence de tous les fonctionnaires publics et d'une nombreuse assistance.
Après plusieurs discours, Regnault de Beaucaron annonce que les professeurs ne seront admis qu'à la suite d'un examen dont il indique les bases en parcourant, avec des développements érudits, les différentes parties de l'enseignement public, la grammaire, les littératures anciennes et modernes; l'histoire, la géographie, la physique, la chimie, l'histoire naturelle, la législation, les beaux-arts, etc. Nous regrettons que cette notice déjà longue ne nous permette pas de citer ici les nombreux passages intéressants de son discours qui, à côté de l'homme politique et du magistrat, nous révèle d'une façon frappante l'homme de lettres profondément instruit et imbu d'idées larges et justes, particulièrement sur la nécessité d'étudier, en même temps que les langues anciennes, les langues vivantes, l'anglais, l'allemand, l'italien, l'espagnol et même le portugais, qu'il a appris lui-même avec soin et dont il a lu et compris les
1 Archives de l'Aube, L, 25.
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divers auteurs. Parlant de l'allemand : « Quand même, « dit-il, on mettrait à l'écart les considérations de la guerre « et du commerce, qui, dans tous les temps, nous rendent « nécessaire l'étude de cette langue, elle offre d'ailleurs à « l'homme de lettres d'autant plus de ressources qu'elle « est comme une mine qui s'exploite tous les jours et d'où « il sort sans cesse de nouveaux trésors. » Il termine son discours, entremêlé de traductions d'Anacréon et de Kotzebue, en rappelant que la poésie ne doit pas être négligée dans un pays qui a donné naissance au dernier des troubadours, Thibaut de Champagne, dont il cite une pièce charmante. « Puis-je parler de la poésie, ajoute-fcil, sans jeter « des fleurs sur les urnes de Chrétien de Troyes, de Pas" serat, qui est né dans les mêmes murs, de Passerat qui « peut-être a ouvert au premier de nos poètes, à notre « compatriote, l'inimitable La Fontaine, les sources où il a a puisé cette naïveté, cette élégance que l'on n'atteindra « jamais ? Et toi, poète agréable, honneur de ma patrie, « Jamin, tu as également mérité de la République des « Lettres, etc.
« 0 vous, ombres illustres et chères des artistes célèbres, « des savants, des grands hommes auxquels Troyes a « donné naissance, Mignard, Girardon, frères Pithou, « docte Camusat, Eustache de Mesgrigny, Grosley, dont « l'érudition est plus que jamais regrettée, profond et « modeste Ludot; ombres illustres et chères, je vous « évoque en ce moment! Venez voir la renaissance des « lettres et des arts dans votre patrie ; planez, tant que « durera le concours, planez sur cette enceinte où le Jury " doit tenir ses séances; éloignez de nous le faux talent, la « médiocrité et l'intrigue ; que le mérite seul ait les hon« neurs de l'admission, et qu'en apprenant le nom de ceux " qui composeront le docte aréopage auquel on devra, en « ce pays, la régénération des sciences et raffermissement « des bonnes moeurs, tous disent : « Le talents et les vertus
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« sont donc enfin reconnus ! Le Jury a rempli son devoir, « puisqu'il a comblé nos espérances! »
" Ces discours, dit le Procès-verbal 1 de la séance, ont été entendus avec le plus grand intérêt et ont excité les applaudissements de l'assemblée, » qui s'est ensuite séparée, témoignant « par les expressions les plus touchantes la joie qu'avait fait éprouver ce premier acte public de la restauration des sciences et des arts dans le département. » Puis les administrateurs de l'Aube, " considérant qu'il est du plus grand intérêt de mettre sous les yeux des administrés les détails contenus dans ce procès-verbal, afin de rassurer les pères affligés de voir leurs enfants privés depuis trop longtemps de l'instruction, et d'inspirer à ceux-ci le dessein de venir puiser les lumières dans un établissement auquel l'administration ne cessera de donner tous ses soins, » arrête que ledit procès-verbal sera imprimé et distribué aux municipalités de tous les cantons.
A la séance publique de clôture du concours, Regnault de Beaucaron lit une épître en vers d'un père à son fils, parvenu à l'âge d'étudier à l'Ecole centrale, commençant par ces mots :
Déjà, mon fils, un douzième printemps A brillanté l'aurore de ta vie; Déjà ton coeur s'ouvre aux doux sentiments, On le voit battre au nom de la Patrie....
Il fait tout d'abord l'éloge du travail, qui seul procure le bonheur et permet de « terrasser la fortune ennemie. »
Heureux qui jeune a vécu pour l'étude ; Il en contracte et garde l'habitude, Et trouve alors, sans s'en apercevoir, Le doux plaisir en l'austère devoir.
Passant ensuite en revue les civilisations anciennes, il en donne les célébrités comme exemples en sciences, lettres,
1 Troyes, imprimerie Sainton.
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éloquence, philosophie, tragédie, comédie, poésie, sculpture, etc.... Puis il invite à voyager dans les pays étrangers et à en connaître les moeurs, le caractère et la littérature. Ici, l'épître reproduit pour ainsi dire en vers le discours du 1er prairial an IV, avec ses savantes dissertations sur les différents auteurs italiens, anglais; espagnols ; portugais et allemands, et s'étend sur la peinture, la sculpture, « cet art « attrayant, délicat, rival de là nature. »
L'histoire naturelle, la botanique, la chimie et la physique offrent aussi un vaste champ d'études. Après avoir dit que les grands hommes qui se sont illustrés dans ces divers arts et sciences se sont rendus, par leurs talents, presque les égaux des Dieux, il ajoute :
Et cette fleur qu'on voit s'épanouir, Dont la couleur est si douce, si tendre, C'est l'éphémère, elle est belle à ravir ; Mais las! un jour la voit naître et mourir. De son destin, mon fils, tu dois apprendre Ce qu'est là vie, un souffle du zéphir !
Il expose l'origine du langage, sa formation et ses développements successifs,, et arrive peu à peu à citer nos écrivains et nos orateurs religieux et politiques, qui l'ont porté à sa perfection. Il est amené ainsi à parler de Mirabeau, « qui a frayé la route d'un nouveau genre, » et de son ancien collègue Vergniaud :
Toi que trop jeune..... A moissonné la faux de Robespierre, Combien de fois, Vergniaud, avec transport', Je t'entendis foudroyer l'anarchie
Qui menaçait d'égorger ma patrie !
L'histoire des peuplés, enfin, doit être étudiée avec un soin tout particulier ; on doit en rechercher l'esprit, comprendre et dégager les conséquences des faits, et se rendre compte des causes de grandeur et de décadence :
T. LIII 17
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C'est là, c'est là ce qu'il te faut apprendre; Prends ton essor, et quand, à dix-huit ans, Tu reviendras embrasser tes parents, Qu'un homme en toi se fasse alors entendre, etc.
Cette épître « reçoit les applaudissements du public, qui lui accorde son suffrage. »
L'ouverture de l'Ecole centrale est fixée au 14 brumaire suivant. Quelques jours auparavant, Regnault de Beaucaron et ses deux collègues du Jury central rédigent une adresse pour faire part de cet évènement et engager les familles à envoyer leurs enfants aux écoles « avec une assi« duité qui préparera leur bonheur, sera la consolation « des maîtres, la joie de leurs parents et l'espoir de leur « patrie. »
L'année suivante, an VI, la distribution solennelle des prix de l'Ecole centrale a lieu le 10 germinal, jour de la Fête de la Jeunesse, en présence du Jury central, des parents et d'une nombreuse assistance. Elle se termine au son des fanfares, par une promenade où les élèves vainqueurs marchent en tête, un laurier à la main. Partout, aux termes du procès-verbal, la joie la plus pure éclatait. Des discours sont prononcés, et Regnault de Beaucaron compose pour la circonstance un chant patriotique :
Pour la fête de la jeunesse,
La France se lève en ce jour,
Et chante un hymne d'allégresse
De la Seine aux bords de l'Adour, etc.
Qu'elle est belle la perspective Que l'avenir ouvre à nos yeux : De bonheur une source vive Va donc jaillir pour nos neveux. Ceux qui jeunes l'auront suivie Pourront dire sur leurs vieux ans : Lorsque nous fondions la Patrie, Nous travaillions pour nos enfants, etc.
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A la suite de ces couplets est un hymne à la Paix (nous sommes après le traité de Campo-Formio).
Du Var jusqu'à la Lys, Muses nationales,
Fières du bonheur des Français, Prenez avec transport vos lyres triomphales,
Chantez le retour de la Paix, etc.
Qu'elle sèche ses pleurs, la mère impatiente :
Son fils revient les essuyer; L'amant va rapporter aux pieds de son amante
Le myrte enlacé de laurier.
Commerce, beaux-arts, abondance,
La Paix va rouvrir vos canaux.
On ne trouvera plus en France
Que des heureux et des héros.
Dans nos embrassements éteignons nos querelles, Des Français sont faits pour s'aimer;
Des paisibles vertus offrons tous les modèles
Que Clio saura proclamer.
Que la Licence et l'Anarchie
Laissent régner la Liberté, etc.
Nous avons vu Regnault de Beaucaron évoquer dans son discours du 1er prairial le souvenir des illustrations champenoises. Le culte des grands hommes est une des choses qu'il a le plus à coeur, et, chaque fois qu'il en trouve l'occasion, il s'efforce de faire partager ce sentiment à ses concitoyens. « Il est d'un gentilhomme bien né, dit-il dans un de ses contes, d'inspirer au peuple l'amour que tout citoyen doit avoir pour un prince bienfaisant. Il est glorieux de lui faire connaître les grands hommes défenseurs de l'état... Il est beau de chanter les héros de la patrie. » En 1793, les bustes en marbre des illustres troyens qui accompagnaient le médaillon de Louis XIV, par Girardon, à l'hôtel de ville, avaient été enlevés et avaient même failli être détruits. En 1797, Regnault de Beaucaron appuie la proposition de réunir ces bustes à la bibliothèque de Troyes, par une épître en vers insérée dans plusieurs journaux, supposée écrite des Champs-Elysées, par Grosley, et flétris-
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sant les actes de vandalisme, en particulier les mutilations faites au buste du chancelier Boucherat, à cause de ses insignes,
Comme s'il eût commis un crime, Ce magistrat du vieux régime, De n'être pas républicain !
Non seulement il est fier de ses concitoyens célèbres, et demande qu'on les montre aux enfants pour leur donner le désir de les imiter, mais encore il affectionne passionnément son pays natal. Semble-t-on le décrier, avec quel enthousiasme touchant il répond : « Est-il possible de trouver au monde un pays plus fertile que les environs de Troyes, c'est l'Ukraine de la France ! » Aimant par-dessus tout le bien, il s'attache toujours à prouver que c'est seulement en le pratiquant que l'on sent le véritable prix de l'existence. Cette pensée, qui domine toutes ses oeuvres, est exprimée dans une de ses premières poésies :
Ah! si ces faibles vers, enfants de ma jeunesse, Manquent ou de magie ou de délicatesse, Le lecteur indulgent me le pardonnera : J'admirai la vertu, ma voix la célébra.
XII.
Nogent-sur-Seine. — Le 15 août 4806. — Invasion de 1814. — Retour des Bourbons. — Ecole d'enseignement mutuel. — Mort de Regnault de Beaucaron.
Après la chute des Jacobins, Regnault de Beaucaron rentre dans la magistrature et est nommé substitut, puis président du tribunal à Nogent-sur-Seine. Sans ambition, il ne recherche pas de plus hautes destinées, et c'est dans
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REGNAULT DE BEAUCARON 261
cette ville où il est reçu avec joie, qu'il doit désormais vivre et terminer sa carrière; aimé de tout le monde. S'il n'appartient pas à Nogent par la naissance, dit M. Aufauvre, il lui appartient au moins par une longue résidence et de nombreuses affections 1.
L'Empire approche, Bonaparte étonne autant par ses institutions que par ses victoires. Dans le silence universel sa voix seule est entendue, rappelant sans distinction d'origine et de parti les exilés dans la patrie, les prêtres dans les églises, les hommes sages dans les conseils, la jeunesse dans les armées, et paraissant seule capable, après l'écrasement de la royauté, la catastrophe des fortunes, lé trouble des esprits, les bouleversements révolutionnaires, de procurer enfin une paix entourée de gloire. Aussi, Regnault de Beaucaron accepte-t-il sans arrière-pensée le gouvernement nouveau, sans en approuver cependant tous les actes. En particulier, il ne peut ni excuser ni pardonner l'exécution du duc d'Enghien :
Orgueil de Flore, orgueil de la nature, Les lys ailleurs étalent leur parure. Bardes, cueillons ces fleurs à pleines mains.
A son élan que le coeur s'abandonne; Tous, à l'envi, tressons une couronne, Volons ensemble à Vincenne, où d'Enghien Perdit la vie en héros, en chrétien.
Prions pour lui.
Bardes, voilà nos devoirs les plus justes, Les plus sacrés ; honorant ses vertus, Sacrifions à ses mânes augustes. Il devait être un autre Marcellus.
Le 15 août 1806, les habitants de Nogent se préparent à célébrer la fête de l'Empereur en jouant la comédie sur le théâtre de S. A. I. et R. Madame, qui résidait alors au
1 Histoire de Nogent-sur-Seine.
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262 REGNAULT DE BEAUCARON
château de Pont-sur-Seine. L'Empire est à son apogée : à l'intérieur, de remarquables décrets de réorganisation se succèdent, à l'extérieur les coups de foudre d'Ulm et d'Austerlitz mettent la moitié de l'Europe à notre merci, la France entière acclame Napoléon le Grand, empereur des français et roi d'Italie ! Regnault de Beaucaron compose pour cette fête un divertissement en vers qui sert de prologue et de suite à la pièce des Etourdis, jouée aux applaudissements de Mme Loetitia et du public, par des membres de la Société, M. et Mme Leloir, M. et Mme Lenoir-Jaumou, Mme Goyard, MM. Lenoir, Morin, Troussin-Delagneau, etc. Dans toute cette société nogentaise, il est l'homme du monde le plus recherché. Malgré les graves événements qu'il a traversés, son caractère est resté toujours affable, sa conversation intéressante et pleine de charme, son esprit vif et prompt à rimer des compliments de circonstance, pour la plupart insérés dans les recueils de l'époque. Nous n'en donnerons pas ici la liste trop longue. Citons seulement les vers pour la fête de Mme la comtesse de Flogny, l' Impromptu pour un dîner champêtre sur les bords de l'Armance, les couplets adressés à Mlle de Biencour, marraine d'une cloche à Gumery, etc.
Quelques années encore, le héros des temps modernes vole de triomphes en triomphes, mais peu à peu, les peuples lassés se soulèvent, une formidable coalition l'enserre, la France épuisée se retire, il tombe ébranlant encore l'univers dans sa chute... Nogent-sur-Seine doit subir non-seulement l'invasion, mais encore un siège terrible et toutes les horreurs de la guerre. Le 7 février 1814, Napoléon est dans la ville, fait démolir des maisons, construire des barricades, pratiquer des meurtrières et des créneaux. Les 9, 10 et 11 février, la garnison de 1200 hommes lutte contre une armée quarante fois plus forte. Pendant qu'un combat sanglant s'engage de maison en maison, les autorités civiles organisent les secours aux blessés avec un zèle
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REGNAULT DE BEAUCARON 263
et un dévouement dignes de tout éloge. Mais l'ennemi, rendu furieux par l'héroïque résistance qu'il rencontre, se livre aux plus cruels excès. Nous tirons les détails suivants d'un rapport fait le 7 mars, par M. Cochelet, auditeur, envoyé par le ministre de l'Intérieur, en mission à Nogent pour y recueillir les détails de l'invasion étrangère :
«..... Le signal de l'incendie a été celui du plus affreux pillage. Il a commencé le premier jour de l'arrivée des Russes et n'a cessé que lorsque la ruine et la dévastation de toutes les maisons qui composent la ville ont été entièrement consommées.. ., etc. .. Dans le grand nombre de déclarations faites à cet égard par les habitants, signées d'eux et des témoins, votre Excellence remarquera sans doute plus particulièrement les suivantes :
« C'est en présence des généraux et des principaux officiers Russes que les maisons de MM. Joseph-Louis Dufour, receveur de l'enregistrement ; Edme Regnault de Beaucaron, président du tribunal; Georges, maire; de Vanlay, greffier du tribunal; Antoine Blaque, négociant; Jacques-Armand Corps, procureur impérial, ont été livrées au pillage, et que les malheureux propriétaires ont vu des officiers supérieurs russes se mêler aux pillards, et s'emparer de leurs effets les plus précieux. C'est au milieu de l'incendie et du pillage, c'est au milieu des scènes de deuil et de douleur que des crimes inouïs et des actes de la plus grande férocité ont été commis. . Il n'est aucun habitant qui ait été à l'abri des insultes des soldats russes . . . »
À peine est-on délivré de la guerre, que.la disette, causée par la mauvaise récolte de 1816, fait son apparition. Des émeutes ont lieu à Nogent et aux environs. Regnault de Beaucaron est obligé de prononcer des condamnations sévères pour rétablir l'ordre et arrêter dès l'origine de plus graves soulèvements. Dans ces circonstances, comme dans toutes, il continue à exercer ses fonctions avec une inté-
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264 REGNAULT DE BEAUCARON
grité exempte de reproches. Comme exemple de sa droiture
et de son impartialité, M. Gontard cite son rapport adressé,
le 23 janvier 1814, au Préfet de l'Aube, en réponse à une
demande de renseignements confidentiels faite par ce
dernier, sur les différentes personnes de Nogent susceptibles
de remplir l'office de juges de paix dans cette ville.
Le 8 septembre 1814, Nogent reçoit la visite du comte
d'Artois, et, le 10 août 1816, celle de la duchesse d'Angoulême.
d'Angoulême. de Beaucaron, qui a toujours conserve
dans son coeur les mêmes opinions, salue avec joie le retour
des Bourbons :
Superbe lys, fleur à bon droit vantée, Garde longtemps ta première splendeur, La France un jour te devra le bonheur!....
C'est pour lui comme un rajeunissement, et il occupe ses loisirs à terminer un petit poème didactique en quatre chants, Les Fleurs, qui paraît en 1818, et dans lequel il chante l'avènement de Louis XVIII et les bienfaits de la Restauration. Commençant par d'ingénieuses fictions sur l'origine des fleurs, créées par les dieux de l'Olympe pour former une dot à Flore, il énumère, en suivant la classification de Linnée, les espèces propres à chaque saison, et accompagne leur description de digressions variées, et, comme le remarque M. Gontard, « de notes botaniques très curieuses témoignant de grandes connaissances de l'auteur dans cette partie de l'histoire naturelle1.» Il termine par les vers suivants :
Mais il est temps, ma Muse, de suspendre De tes pipeaux les champêtres concerts : D'autres sujets réclament d'autres vers. Dans les cités quel bruit se fait entendre? L'airain tonnant a grondé dans les airs Pour annoncer la paix à l'univers. Les jeux sanglans de Mars et de Bellone Font enfin place aux douceurs du repos.
1 Echo nogentais, 31 mai 1866.
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REGNAULT DE BEAUCARON 265
Ah ! bénissons la main qui nous les donné!
Quel calme heureux! A la voix d'un héros
Dont la louange occupe les échos,
Les Arts en foule ont revu leur patrie,
Et le Commerce, enfant de l'Industrie,
Aux nations ouvre tous ses canaux.
L'Instruction est rendue à l'enfance,
La Liberté rallume ses fanaux,
Et dans son antre à jamais la Licence
Se réfugie avec l'essaim des maux.
La piété reprend son premier lustre ;
Religion, antique autant qu'illustre,
Tu peux enfin mettre un terme à tes pleurs.
Ton deuil finit : un solennel hommage
Te rend ton temple, et ton sceptre, et tes fleurs!
France, un bon Roi succède aux oppresseurs !
En 1819, Regnault de Beaucaron est au nombre des fondateurs de l'école d'enseignement mutuel de Nogent. Cette Société, fondée pour la propagation de l'instruction , « témoigna, suivant M. Aufauvre, d'un zèle ardent et d'un esprit de suite qu'on ne saurait trop louer, car elle se préoccupa souvent d'ouvrir une carrière aux élèves dont les succès dénonçaient une aptitude d'exception. »
En 1821, Regnault de Beaucaron prend sa retraite de magistrat. Le 25 septembre 1828, dix jours après le passage de Charles X à Nogent, il meurt entre les bras de son fils, terminant sa carrière comme il l'avait commencée, sous la royauté, et regretté de la population entière, chez laquelle son nom, dit M. Gontard, « est resté un type d'honneur et de loyauté. »
Si, pendant les soixante-huit années que nous venons de parcourir, Regnault de Beaucaron ne s'est pas signalé par des actions d'éclat, s'il n'a pas occupé un premier rang parmi ses illustres contemporains, il n'en a pas moins eu, grâce à son zèle sincère et infatigable pour le bien de son pays et l'humanité, sa raison saine, ses connaissances étendues, son esprit éminent et ses talents très divers, une
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266 REGNAULT DE BEAUCARON
des existences les plus complètement et honorablement remplies. Comme magistrat, il fait passer le devoir avant tout, signale les abus de la justice, en impose par sa fermeté pendant la Terreur, déploie toute son activité pour réprimer le brigandage et l'émeute ; comme homme politique, il dénonce les réformes équitables et nécessaires, embrasse avec feu les idées généreuses, prêche la concorde et l'union, le respect des lois et du droit, défend sans relâche la royauté et la religion ; comme littérateur et poète, il répand l'instruction, participe à la fondation des journaux, des sociétés savantes et des écoles, se fait rechercher et aimer, et s'acquiert une notoriété qui lui survit et dure encore, si bien, qu'il y a quelques années, on invitait à rééditer ses oeuvres. Mais comment s'expliquer le succès de ces oeuvres littéraires qui nous paraît aujourd'hui peu en rapport avec leur mérite. C'est qu'à la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe, on remarque, chez presque tous nos auteurs dont la vue ne dépasse pas l'horizon d'un salon, l'abaissement des caractères, l'appauvrissement de la pensée, le dépérissement du style, l'amour de la phraséologie mythologique. Enfin, pendant les bouleversements successifs de la Révolution et sous la censure impériale, le champ est bien limité aux écrivains. Un almanach, une traduction, le moindre discours, obtiennent les honneurs d'un compte rendu comme un poème épique, et, l'instruction ayant été partout forcément négligée, un auteur ne craint pas d'apprendre à ses lecteurs des choses qui nous semblent élémentaires et même naïves. Voilà l'origine de la réputation littéraire qui entoure Regnault de Beaucaron, au point de faire presque oublier le rôle qu'il a joué d'autre part. Ce sont ces souvenirs à demi-effacés que nous avons voulu raviver, en remettant pour un instant en lumière un homme de bien dont nous saluons la mémoire avec respect.
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OEUVRES DIVERSES
DE
J.-E. REGNAULT DE BEAUCARON ( 1)
Poésies fugitives
TITRE DATE LIEU DE PUBLICATION
Epigramme 1780 Etrennes du Parnasse.
Bon mot d'un ambassadeur turc.... — —
Epitaphe sur un médecin — Almanach des Muses.
A Mme de ***, qui avait adressé à
l'auteur des vers lui promettant
le sort d'Anacréon 1781 —
Epître à une Parisienne qui avait
perdu.son petit chien. — Journal de Nancy.
Epître à MM. de Piis et Barré — Esprit des journaux.
Epître à M. de Piis. — Journal de Nancy.
Bon mot de Le Kain — Etrennes du Parnasse.
Triolet........... — —
Regrets d'une amante .... 1782 —
Réponse de MM. de Piis et Barré.. — Almanach des Muses.
Le professeur d'amour — Etrennes lyriques et anacréontiques,.
Le bien vient en dormant.... — —
L'heureuse soirée. .... — —
Le vrai bien... — —
Aux pèlerins de Cythère — —
Le gascon marchant au combat.... — Affiches de Troyes.
Villanelle — —
A la plus aimable de nos nymphes . — —
Epître à la grippe.. — —
Aux jeunes filles. — Affiches de Troyes et Etrennes lyriques
et anacréontiques de 1784.
A Zélis, le jour de sa fête — Affiches de Troyes.
Ode sur la naissance du Sauveur ... — —
1 Celle nomenclature est évidemment incomplète. En effet, nous n'avons entre les mains que le Chansonnier des grâces de 1802 à 1804, de 1806 à 1808, et de 1810 à 1812;
l'Almanach des Muses de 1780 à 1795; les Etrennes de Polymnie de 1785 à 1789; les Etrennes de Mnémosyne de 1789; les Etrennes du Parnasse de 1780 à 1783;
l'Almanach des Grâces de 1786 à 1789 ; les Etrennes lyriques et anacréontiques de 1780 à 1785 et de 1787 à 1790; l'Esprit des Journaux de 1781. D'autres recueils peuvent encore contenir des pièces de Regnault de Beaucaron.
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268 REGNAULT DE BEAUCARON
TITRE DATE LIEU DE PUBLICATION
La cour plénière de l'amour 1783 Etrennes lyriques et anacréontiques.
La fille du siècle — —
A Mme G*, de Troyes, qui faisait à
l'auteur l'honneur de l'appeler
une bête ....... - Etrennes lyriques et anacréontiques et
Affiches de Troyes. A la plus belle de nos nymphes, en lui envoyant les Etrennes lyriques de 1782 — Etrennes lyriques et anacréontiques.
Les dixmeurs de l'amour — —
Traduction de vers latins sur Venise — Etrennes du Parnasse.
Couplets à Sophie au 1er de l'an — Affiches de Troyes.
Eloge de Louis XVI (fragments) — —
A une belle en déshabillé ,... — —
Critique du Journal de Troyes — —
Vers à la ville de Chaource, à l'occasion du passage de l'évêque duc
de Langres — Journal de Troyes.
La généalogie des Lanternes 1784 Etrennes lyriques et anacréontiques.
L'heureuse palinodie 1785 —
Finissez-donc — —
L'horloge de Cythère ....... — - ;
L'amour prédicateur. .. — —
La morale d'amour... — —
L'angélique — —
L'amour financier. — Journal de Nancy et Almanach des
Grâces.
Epigramme . — Journal de Nancy et Journal de Troyes
de 1787.
A la mémoire de Jameray Duval... — Journal de Nancy et Journal de Troyes
de 1786.
Aux mânes de Court de Gebelin.... — Journal de Nancy. ..
Apophtegme d'un roi du Mexique .. — —
Sur la mort de Grosley — —
A la plus belle des Marie, en lui
envoyant les Etrennes lyriques — —
La semaine du François .... 1786 Almanach des Grâces.
Le tableau du siècle — Almanach des Grâces et Journal de
Nancy de 1787.
Le mariage forcé — Almanach des Grâces.
A Zélis (variante de la pièce parue —
en 1782) —
A Eléonore ..... — —
Epigramme — Journal de Nancy.
Madrigal — —
Les travers du siècle 1787 Etrennes lyriques et anacréontiques.
Le tablier. — — —
La province et la capitale — —
La piété filiale. — Almanach des Grâces.
La journée perdue — —
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REGNAULT DE BEAUCARON 269
TITRE DATE LIEU DE PUBLICATION
L'heure du rendez-vous 1787. Almanach des Grâces.
A une jolie marchande de fleurs ..... — —
A une belle voyageuse — Almanach des Grâces et Journal de
Nancy.
Sur la mort de M. de Guibert — Journal de Nancy.
Les jeux d'esprit in extremis — —
À MM. de la Société érotique des
Rosati... — —
Diplôme de Rosati à M. Regnault de
Beaucaron — Journal de Nancy et Journal de Troyes.
Remerciement à MM. de la Société
des Rosati .. ..... — — —
Diplôme de Rosati à M. Simon de
Troyes — Journal de Troyes.
A M. Simon de Troyes, en lui offrant
les emblèmes des Rosati — Journal de Troyes, Almanach des Grâces
de 1789 et Echo nogentais de1866. A M. Regnault de Beaucaron, vers
par Joly de Plancy .... — Journal de Troyes.
Réponse aux vers précédents ...... 1788 —
Le célibataire — Etrennes lyriques et anacréontiques.
Couplets bachiques — Almanach des Grâces.
Le sort de l'hymen — —
A une jeune mariée — —
A l'une des plus aimables naïades de
l'Aube — —
Mon système — —
La vérité dans le vin - Almanach des Muses.
Le coup de main 1789 Etrennes lyriques et anacréontiques.
Les nouveaux quand — —
Les nouvelles raretés — Almanach des Grâces.
Le goût du bonhomme — —
L'aveu sincère. — —
La plainte d'une bergère indécise... — —
Le choix des lectures — —
Impromptu d'un voisin à sa voisine. —- —
Sur le rapport de M. Necker — Journal de Troyes.
Les j'ai vu — —
Diplôme de Rosati à M. Berenger .. — —
Vers à Beffroy de Reigny — —
La double inquiétude — Etrennes de Mnémosyne.
La femme aux deux âges — —.
Qu'y faire ? 1790 Etrennes lyriques et anacréontiques
Les réflexions — —
Le sort des maris — —
Confession de la coquette - —
L'amour notaire — —
Romance. .... — —
Les ravages de l'amour ... — —
A Mlle E. C., d'Ervy........... 1791 Journal de Troyes.
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270 REGNAULT DE BEAUCARON
TITRE DATE LIEU DE PUBLICATION
Couplets pour les victoires des armées
françaises 1794 Journal de Troyes.
Epître d'un père à son fils, parvenu
à l'âge d'étudier.... an IV Annales troyennes.
Hymne à la Paix an V Imprimé sans nom d'imprimeur.
Chaut patriotique pour la Fête de la
Jeunesse — —
Couplets pour la noce de M. F — Annales troyennes.
Les incroyables — —
Epître pour les bustes des illustres
Troyens — Imprimé à part et dans les Ephémérides
de Grosley.
Ruth an IX Le Chansonnier des Grâces.
A Madame *** an X —
A Madame de Flogny — —
La perspective d'un amant — —
Fragments du Poême des Fleurs... an XI Mémoires du Lycée du dépt de l'Aube.
Les tableaux champêtres (idylle)... — —
La revue d'une promenade.... 1803 Le Chansonnier des Grâces.
La bouquetière — —
Les quatre saisons — —
Le repas bocager 1804 —
Les si — —
Les amourettes — —
A une belle négresse — —
Couplets pour un mariage — —
Les cinq sens — —
Mahomet 1806 —
La femme qui ne sait pas compter.. — — Divertissement en vers pour la fête
du 15 août (fête de l'empereur) . — Imprimé chez Lebeau, à Provins. Impromptu à Mme C. L. P., de Troyes,
sur son peigne orné d'antiques.. 1807 Le Chansonnier des Grâces. Romance faite au Paraclet, sur Héloïse
Héloïse Abeilard — —
Le maire de Gumery à Mlle de Biencour, le jour du baptême d'une
cloche — —
Couplets impromptus pour un dîner
de mi-carême 1808 —
L'abbesse de Chelles 1812 —
Ode sur la descente de Guillaume le Conquérant en Angleterre (couronnée par l'Académie de Caen) sans date
Hymne civique — Imprimé sans nom d'imprimeur.
Les aventures d'Erato — —
Les aventures de Roland — —
Epître à François de Neufchâteau Recueil de poésies philosophiques et
sur les avantages de la vie descriptives des auteurs qui se sont
champêtre — distingués pendant le XVIIIe siècle.
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REGNAULT DE BEAUCARON 271
Fables et Moralités
TITRE DATE LIEU DE PUBLICATION
Les serpents (fable)........ 1782 Affiches de Troyes.
Les hochets de tous les âges (moralité) 1786 Almanach des Grâces. L'origine des nobles — — —
La femme comme il y en a
beaucoup — — —
Le silence éloquent — — —
La différence du sot et du fat — — —
La manière dont on juge
les hommes — — —
Moralité — Journal de Nancy.
La coquetterie (moralité) .. 1787 Almanach des Grâces.
L'amour-propre — — —
L'honneur — — —
Aux riches — — —
La façon de plaire — — —
Le rossignol et le serin (fable)..... — Journal de Nancy. ..
La durée de l'amitié et de
l'amour (moralité) — Almanach des Grâces.
L'éducation — 1788 —
Le bal — — —
L'amour — — —
La bienfaisance — — —
Un Spartiate à un jeune homme— — Almanach des Grâces et Almanach des
Muses.
Le jeu — 1789 Almanach des Grâces.
L'argent — — —
La vie — — —
Aux femmes — — —
Le bibliomane — — —
Contes
Tant pis et tant mieux (en vers) ... 1782 Etrennes du Parnasse.
L'infortuné bienfaisant — ... 1785 Journal de Nancy.
La conquête du Pérou par les Européens (imitation en vers des
Lettres péruviennes) 1786 —
Herminie et Florimond (prose) 1784 —
La veillée bourgeoise —
a. Le comte de Châteaubrillant. 1785 —
b. Basa 1786 —
c. Tel père, tels enfants ... — — ..... Amilda et don Saladès, ou le triomphe de l'amour sur la richesse
(prose) — —
Delson et Zema 1787 -
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272 REGNAULT DE BEAUCARON
Articles littéraires
TITRE DATE LIEU DE PUBLICATION
Sur Amadis Jamyn 1781 Esprit des Journaux.
Sur la poésie française 1782 Journal de Troyes.
Sur l'Almanach des Grâces de 1785 1785 Journal de Nancy.
Sur les Etrennes lyriques et anacréontiques de 1785 — —
Sur les oeuvres de Jameray Duval.. — —
Suite... — —
Nécrologie de Grosley — —
Sur un livre de Simon de Troyes... 1786 —
Sur l'Almanach des Grâces de 1787 1787 —
Réponse à l'article précédent — —
Sur les Etrennes d'Apollon de 1787 — —
Sur la vie de Grosley — —
Sur les oeuvres de Beffroy de Reigny 1789 Journal de Troyes.
Sur les Lettres à Emilie, de Dumoustier
Dumoustier V Annales troyennes.
Discours
A l'ouverture des assises du bailliage
de Chaource (extraits) 1788 Journal de Troyes.
A l'assemblée des députés des municipalités
municipalités gardes nationales,
etc. 1790 Imprimerie veuve Gobelet, à Troyes.
id. - - - -
Pour le dépôt de la bannière du
département — Imprimerie Sainton, à Troyes.
Des 17, 21 et 30 novembre, et 24 décembre
décembre ; 1er, 7, 29 janvier,
1er, 6, 23 février, 9, 30 avril,
2, 25, 28 mai, 2, 16, 20 juin,
9, 25 août, 3 et 13 septembre 1792 Gazette nationale ou Moniteur universel;
universel; journaux de l'époque. À l'installation du Jury central d'instraction
d'instraction an IV Imprimerie Sainton, à Troyes.
Réquisitoire dans l'affaire Grison.
Mémoires
Cahier de remontrances des habitants
de Praslin....... 1789 Archives de Troyes.
Mémoire sur les droits représentatifs
de mainmorte réelle, personnelle
et mixte 1791 Imprimerie nationale..
Adressé aux officiers de justice .... an V Annales troyennes .
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REGNAULT DE BEAUCARON 273
TITRE DATE LIEU DE PUBLICATION
Mémoire sur la propagation du brigandage et les moyens de
l'arrêter..................... an V Annales troyennes.
Adresse aux parents pour l'Ecole
centrale (en collaboration avec ses
deux collègues du Jury central). —
Poème
Les Fleurs ... 1818 Imprimerie Lebeau, à Provins.
T. LIII 18
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SUR LES
POÈTES AUSTRALIENS
PAR
CHARLES DES GUERROIS
MEMBRE RÉSIDANT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L AUBE
Australian Poets, 4788-1888, London, 1888. — A Century of Australian Song, London, WALTER-SCOTT, 1888. — Australian Ballads and Rhymes, London, WALTER-SCOTT, 1888.— Australian Lyrics, Griffiths and Farran, London, WALTERSCOTT, 2e éd. 1885.
Il y a un siècle, l'Angleterre, qui venait de perdre ses colonies de l'Amérique du Nord, jetait sur une plage de l'Océan Pacifique quelques émigrants libres et quelques convicts destinés à cultiver les terres qui seraient concédées aux colons. La petite escadre, commandée par le capitaine Philips, portait en tout 1017 personnes, dont 757 condamnés, tant hommes que femmes. Le reste de l'expédition comprenait les autorités, les médecins, les officiers et soldats chargés d'organiser la colonie et de surveiller le personnel peu commode qui allait devenir pour les premiers temps la cheville ouvrière de l'établissement projeté. On amenait 50 vaches, 2 taureaux, 3 poulains, 29 moutons, quelques porcs.
C'était en 1788, sur une plage déserte. Aujourd'hui,
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276 ÉTUDE SUR LES POÈTES AUSTRALIENS
cent ans après, ah ! le beau centenaire! la petite colonie de Botany-Bay, immédiatement abandonnée pour Port-Jackson, situé un peu plus au nord et infiniment plus favorable, embrasse l'Australie entière, l'île continent presque aussi vaste que l'Europe ; des villes magnifiques, Sydney, Melbourne, Adélaïde, se glorifient de toutes les merveilles de la civilisation moderne, émules superbes, demain peut-être rivales victorieuses de Boston, de la Nouvelle-Orléans, de Saint-Louis, de Chicago, de New-York, de Manchester, de Liverpool et de Leeds. Sur ce territoire immense, défriché, fertilisé par d'ardents colons, les chevaux, les boeufs, se comptent par centaines de milliers; les moutons, dont la laine fournit des vêtements à une partie de l'univers, se comptent par millions; le bush, quelque chose qui ressemble à ce que dans le Far West de l'Amérique Septentrionale , on appelle « la Prairie, » fourmille d'une vie intense. Van Diémen au Sud et à une faible distance, la Nouvelle-Zélande à l'est et à 1100 milles, s'ajoutent aux cinq grandes colonies australiennes et complètent le groupe grandiose qui se glorifie du nom d'Australasia. L'Australie a dès longtemps rejeté de son sein les colonies pénales : depuis 1840, pas un convict n'a été déposé sur ces rives bordées de riches cités, de colonies florissantes, un monde qui déjà rêve de s'appartenir et qui s'appartiendra peut-être dans deux siècles, dans un siècle, dans cinquante ans, — qui sait le secret de l'avenir ? Ces colonies ont dès à présent leurs gouvernements et leurs gouverneurs:, leurs assemblées délibératives, qui ne regardent pas beaucoup vers Westminster, qui, si; elles regardent vers notre Occident, ne le font guère que pour nous interdire de jeter nos condamnés dans des îles voisines — voisines de douze pu quinze cents lieues dans les immensités du Pacifique : l'Australie est en train, de créer, d'édicter presque sa loi de Monroe, et mieux encore.
Cette terre, malgré ses sécheresses souvent meurtrières,
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ÉTUDE SUR LES POÈTES AUSTRALIENS 277
est une terre de bénédiction et de fertilité. Les mines d'or, découvertes en 1851, sont venues ajouter à toutes les richesses du sol, savamment, fructueusement exploitées, une nouvelle branche de richesses, et aussi, pendant un temps, une nouvelle source d'avidités dévergondées, de banditisme sauvage, de crimes quelquefois. Depuis des années déjà, la fièvre de l'or s'est calmée pour faire place à une exploitation plus scientifique et plus régulière des richesses minières. Mais ces choses ne sont pas de mon sujet, et c'est d'une autre richesse que je veux m'occuper. Mon sujet, c'est uniquement la poésie australienne ; car la poésie, elle aussi a germé dans ce pays privilégié qui produit le wattle, l'eucalyptus et l'oranger, l'or et les riches toisons. Admirable race anglaise! Rude pour le travail, colonisatrice par excellence, elle durcit ses mains à manier la hache dans les forêts, le marteau dans les usines, à poser des rails de chemin de fer, à dresser des pôteaux de télégraphes, à noyer dans les profondeurs des mers des câbles électriques, à défricher des sols rebelles, à faire onduler les moissons sur des espaces incalculables. Et en même temps elle aspire la poésie par tous ses pores, elle en vit comme de pain, elle lit Gowper et Tennyson comme la Bible. Voyez l'Australie au travail : le travail est rude en ces régions du soleil, en ce pays qui veut faire sa fortune et qui y réussit merveilleusement. Ce travail violent, épuisant, va-t-il faire obstacle à un autre travail, celui de l'esprit ? Nullement ; l'esprit s'ouvre à la poésie; de toutes parts germent les poètes, de toutes parts ils sont accueillis, les journaux; lés revues, leur sont ouverts, on leur permet d'y jeter à pleines mains leurs vers éclos de la veille ; on les laisse, sans les troubler, sans les railler, songer à leurs poèmes du lendemain. Partout, même dans les foules ; on sent instinctivement que ces rêveurs sont l'honneur d'une civilisation qui se fonde, qui veut tous ses ornements, qui se porte d'un élan généreux et ambitieux vers l'avenir.
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D'abord, nous apercevons dans ces pays du Sud des solitudes immenses où la lune, colon unique, répand l'éclat incomparable de ses rayons. Seuls, quelques hommes, noirs de; couleur, dusky, aux formes étranges, aux cheveux en désordre, penchés sur leurs canots, descendaient la rivière avec des chants plaintivement monotones, que le vent portait à la mer gémissante. Ces hommes sont les aborigènes. C'est alors que du vieux monde arrivent quelques colons, coeurs indomptés, mains vigoureuses. Ils s'attaquent à ce sol qui ne demande qu'à faire part de ses richesses cachées à ses aventureux possesseurs. Et voilà comment, cinquante ans après, un poète, J. F. Daniell (il a écrit sous le pseudonyme de A Long Fellow) peut, avec un juste orgueil, célébrer le « Jubilé de Melbourne 1 : « A cinquante ans en arrière, dit-il, sur les bords du Farra. un modeste hameau se fondait petitement. Quel esprit alors, jusque dans ses rêves les plus extravagants, se serait hasardé à se figurer dans l'avenir le prodigieux accroissement réservé à cet humble village? Quel voyant aurait pu prédire que ce nouveau venu, aux yeux du monde étonné, gagnerait à la course le prix du progrès?
« Et ce n'est point un rêve : Sur l'emplacement de ces chemins où poussait l'herbe, s'est élevée une ville grande et magnifique où l'étranger, dans des rues où se presse la foule, rencontre tout ce que le monde peut envoyer de plus rare et de plus précieux. Partout monte le murmure de l'effort nerveusement actif, le témoignage éclatant de la vie et de la santé.
« Là où les hommes robustes de la prairie (bush) s'attardaient au long des heures étouffantes, où les boeufs aux vastes os pliaient sous le joug, sont des parcs, des jardins riches de plantes et de fleurs, de hautes demeures cachées sous les dômes que leur font le frêne, l'orme et le chêne ;
1 Australian Poets, p. 115.
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des églises où le culte invoque l'aide du ciel, des tours et des clochers, des monuments aux brillantes coupoles s'élèvent au-dessus des maisons pressées, des habitations paisibles. »
Célébrer un jubilé au bout de cent ans, de cinquante ans, cela n'exige pas un grand effort d'imagination; il suffit d'avoir des yeux et de regarder. Prédire l'avenir d'un peuple à naître, d'une civilisation à éclore, voilà qui est plus extraordinaire, et c'est ce que dès 1789 faisait Erasmus Darwin, le grand-père de l'homme de génie qui s'est appelé Charles Darwin. Erasmus Darwin est l'auteur d'un poème bien oublié, le Jardin botanique. C'est lui qui écrivait, en 1789, je le répète, une petite pièce de 26 vers où il décrivait Sydney, naissant à peine, comme Sydney devait être cent ans après : « Là, disait-il, de larges rues feront monter leurs murs orgueilleux, là s'élargiront les théâtres; de là rayonneront des cités sur le pays en culture, de brillants canaux, des roules solides; là, le pont superbe, comme un colosse, enjambera les rivières, marquera sa borne à la marée en colère; des villes couronneront le paysage; des fermes feront onduler l'or des moissons, des jardins fleuriront; de hauts clochers, des tours coiffes de dômes (domecapt) s'élèveront; des môles et des quais mêleront leurs massives structures; avec les brises, les vaisseaux approchant glisseront sur le flot, et les trésors du Nord danseront sur la mer au flux montant. » En vérité, c'est de la seconde vue. Et c'est ainsi, ce semble, que ces vers furent considérés par les contemporains ; car, après une première publication, ils furent imprimés sous la forme de broadside, placard ou feuille volante de circulation facile. Dé ce même oeil profond qui, Charles Darwin venu, devait lire dans l'obscur passé de l'humanité, Erasmus, un demi-siècle auparavant, a lu dans l'avenir.
Un siècle révolu, les poètes australiens reprennent le thème qui n'était alors qu'une prédiction et qui est devenu
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une réalité tenant du prodige, du rêve. J'ai sous la main un; petit volume récent intitulé : Ballades et Rimes australiennes. Ce volume porte l'orgueilleuse Dédicace que voici : « Aux Anglais des trois Continents, » dédicace développée en des vers non moins orgueilleux, car le poète continue ainsi: « Nous sommes tous sortis de ceux qui combattirent à Crécy ; nous étions tous anglais quand Shakspeare écrivait. »
Ils n'ont pas de paroles assez enthousiastes, assez retentissantes, ces Australiens, pour célébrer l'avenir de leur Ile-Continent, le dernier né des enfants de la terre, celui qui se dit et se sait réservé aux destinées les plus brillantes 1.
Même dans la mort, ils ont l'orgueil de leur pays, de leur splendide nature : « Quand je serai mort, dit le poète John Bright 2, mettez-moi dans quelque vallée ombreuse où croissent les fleurs sauvages.... Pourquoi dormirais-je dans le tombeau d'un pauvre quand j'ai toute préparée une tombe faite pour un roi ? »
Vivants ou morts, ces poètes de là-bas ont également la fierté de leur pays et de leur oeuvre. Mais qu'ils savent bien associer dans leurs chants le pays ancien et le pays nouveau, la joyeuse Angleterre (Merry England), où fleurit la primevère, et la terre australe où le wattle répand en pluie serrée ses fleurs d'or, où le hochequeue d'eau (water-hoptail) égrène depuis l'aurore jusqu'au soir, et dans la nuit même, sa note babillarde. « Nos coeurs, s'écrie W. R. Wills, battent toujours comme des coeurs bretons, nous sommes fidèles aux deux pays, nous aimons d'un cher amour la vieille patrie, nous aimons tendrement la nouvelle 3. »
1 Austr. Ball., p. 262.
2 Douglas Sladen : To Australia. Austr. Ball., p. 205.
3 A Century of Australian Song, p. 536.
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Nouvelle-Galles du Sud , Nouvelle-Zélande, Tasmanie, nature grandiose, civilisation digne de ce milieu.
Parmi les ornements de cette civilisation destinée à grandir ou déjà grandissante, déjà très grande, Daniell comme Erasmus Darwin, Douglas Sladen comme Henry Kendall 1, ont oublié de mentionner le plus beau, le plus rare, la poésie. A nous de réparer cet oubli.
La poésie, sur ce continent favorisé, n'est pas un accident heureux : les poètes y sont nombreux, trop nombreux peutêtre. Il n'y a pas lieu de s'en étonner. L'Australie est jeune, et sa jeunesse appelle la poésie; il n'y a que les vieux, les très vieux pays qui la repoussent. Et puis, — c'est la conséquence naturelle — les journaux sont très favorables aux poètes; ils les accueillent, ils les recherchent avec le même empressement que les nôtres mettent à les écarter ; les grands journaux hebdomadaires de Melbourne, de Sydney, d'Adélaïde, de Port-Jackson, d'Hobart-Town, d'Albany, de toutes les grandes villes en général, tiennent lieu en Australie des magazines d'Angleterre. On les lit beaucoup. Patriotiquement, les éditeurs de ces feuilles encouragent l'éclosion, l'accroissement, la propagation d'une école australienne de poésie. Les poètes leur doivent beaucoup. Je ne sais pas si ces éditeurs, si ces propriétaires de journaux, généreux de papier, sont très généreux d'argent envers leurs poètes ; à vrai dire, j'en doute un peu ; mais qu'importe? Ils font bon visage à leurs hôtes, à leurs habitués : ils leur donnent beaucoup de renommée, et les poètes aiment encore mieux cela.
La liste des poètes australiens est nombreuse ; elle va du gardeur de moutons, du piqueur de boeufs, du bûcheron,
1 Dans A Century of Australian Song : After many Years " Après bien des années. En disant qu'il n'a pas écrit le poème entrevu, en confiant à l'avenir le soin de réaliser son rêvé, le poète jette aux échos un chant admirable. »
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jusqu'au solicitor, jusqu'à l'ingénieur, jusqu'au juge (l'honorable W. Forster), jusqu'au fondateur d'Universités, Charles Wentworth, qui, dès 1823, appelait sur sa chère Australie les bénédictions de la muse, dans un court et beau poème intitulé Australasia, jusqu'à l'homme d'Etat du plus haut rang (Sir Henry Parkes, premier ministre de la Nouvelle-Galles du Sud). N'est-ce pas lui, ce premier ministre, qui s'écrie dans un sonnet 1 : Qui ne voudrait être un poète ? Qui ne voudrait se mettre à part des hommes dans une solitude étoilée ? » Et cet homme d'Etat, ce poète, a joint à ce double titre celui, plus précieux encore et plus beau, de protecteur des poètes, ce titre qui le protégera le mieux contre l'oubli.
Bien des strophes, bien des poèmes, se sont échappés de ces demeures plus ou moins brillantes, plus ou moins pauvres, des villes d'Australie, de Nouvelle-Zélande, de Tasmanie, des colonnes des journaux de Sydney, de Melbourne, de ces buttes du demi-désert, de ces solitudes où chante l'oiseau lyre, où bruit l'oiseau cloche (bell-bird), où le magpie jette du haut du wattle floconneux le torrent de ses notes harmonieuses. Beaucoup de ces chants meurent ou semblent mourir inentendus, sans réponse dans le coeur des hommes; mais ceux qui les ont lancés peuvent répéter avec orgueil ce que dit l'un d'eux, qui se cache sous le nom du « berger chanteur 2 » : « 0 chants, allez votre chemin, sur les mers, sur les terres; quoique sans amis parfois, soyez sans crainte; un jour viendra où le monde applaudira mes vers errants de ses mains retentissantes. »
Parmi ces poètes, quelques-uns dominent : Adam Lindsay Gordon, Henry Clarence Kendall, Charles Harpur, Alfred Domett, Arthur Patchett Martin, Brunton Stephens. Ces noms, dans l'hémisphère Austral, sont presque aussi
1 Austr. Poets, p. 400.
2 A Century of Austr. Song, p. 403.
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familiers que ceux de Cowper, de Wordsworth, de Keats, de Shelley, de Tennyson et de Browning, en Angleterre, que ceux de Longfellow de Bryant et d'Edgar Poe; en Amérique.
Cette prodigieuse littérature anglaise, disons mieux et précisons davantage, cette grande poésie anglaise, à l'heure qu'il est, elle remplit l'hémisphère du Sud, elle élève la voix depuis le golfe du Mexique jusque vers les abords du Pôle ; de Londres même, d'Edimbourg et de Dublin, de NewYork et de Boston, de Calcutta, elle parle au monde entier.
Le dirai-je ? Pendant que j'ai vécu avec les poètes australiens pour composer celle Etude, j'ai senti courir sur moi un soufle de poésie tel que bien rarement je l'ai connu quand passent en m'effleurant les brises de la poésie de notre Europe, — je ne parle pas, bien entendu, de l'Angleterre, la grande fabricatrice de poésie, la grande Poétesse de l'univers.
Les poètes australiens ne sont pas des ciseleurs de poésie; ils ne nous convient pas à ces débauches d'art qui, ailleurs, en sont arrivées à étouffer la nature et le sentiment même des choses vraies, à refouler l'inspiration vitale, si bien qu'on finit par chercher la poésie et se demander : Où estelle ? Peu de sonnets chez les Australiens, et ce peu même de facture assez lourde. L'ère du sonnet, évidemment, n'est pas née sur les rives du Pacifique, dans les solitudes du bush austral. — Je signalerai de glorieuses exceptions. En revanche, les poètes du lointain hémisphère ont beaucoup de vérité, beaucoup de naturel, souvent beaucoup d'humour, quelquefois beaucoup de grâce, à défaut des grandes images, qui ne manquent pas cependant. Il y a bien de la grâce et de la douceur par exemple, dans ces strophes du poète qui se cache sous le nom charmant d'Alpha Crucis (Austr. Poets, p. 9-10) : « Qui dit que le grand Pan est mort, quand les myriades de chants que chante la nature, des feuilles murmurantes à l'appel des
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oiseaux sauvages, nous apporte quelque écho de son culte ?
« Les dieux antiques n'ont jamais connu la mort ? Ils ont vécu toujours, depuis que le temps a commencé d'être, déifiés sous plus d'un nom nouveau, à travers les croyances changeantes, par l'homme changeant.
« Parmi les feuilles de la vigne qui frémissent au-dessus de nos têtes, j'entends le grand Dionysos chanter, comme il chantait aux temps antiques, avant que l'art eût pris son vol loin de la terre, alors que la vie dans le jeune monde était dans son printemps.
« L'amour rit, murmurant dans la brise, oui! Aphrodite est toujours belle, et soudain entre les arbres j'aperçois sa chevelure d'or, sa chevelure éclatante !
« Le brillant crocus s'enlaçant à ses pieds d'une chaude et délicate blancheur, embrasse de ses fleurs d'or ces pieds couleur de perle qui viennent au-devant de lui.
« Dans sa grâce de déesse, elle passe comme la lumière vivante, à travers les fleurs. Comme un rayon du ciel, son visage sourit parmi les arbres du jardin.
« Une inexprimable douceur remplit l'haleine voluptueuse de l'été, et le plus intime de mon être palpite sous l'étreinte d'une vie qui semble trop grande pour la mort. »
Arrêtons-nous sur cette grande idée, quoique le poète continue encore pendant bien des strophes à verser cette riche, cette abondante poésie.
Les voix s'entendent difficilement de si loin; mais si de tels accents étaient partis de Piccadilly ou de Pater Noster Row, du Strand, de Soho-Square, des environs de Belgrave-Square ou du West-End de Londres, quel murmure d'admiration les aurait accueillis ! — peut-être, à moins que ce ne fût, hélas ! le murmure qui accueillit à l'origine les vers de Keats, dont le nom se présente ici naturellement à la pensée.
Quelle grâce passionnée encore dans ces vers de Francis W. Adam, intitulés Agnosta ! (Austr. Poets, p. 2.)
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« Ah Dieu ! mon amour incomparable, connaître une femme comme vous (ça été mon rêve souvent), aurait mis en feu mon âme, aurait envoyé le sang à flots, à flots, le sang précipité dans les veines gonflées de vie, de vie et de désir !
« Ah ! mais je ne vous ai jamais rencontrée, jamais, que dans mes rêves, et là, l'étreinte de vos bras, le baiser de vos lèvres ensorcelantes, éludaient mon désir, me rendaient fou, m'éveillaient dans les rayons des étoiles, de la lune, du soleil et de la terre, tourbillonnants, extravagants.»
Je disais tout à l'heure que les poètes étaient fort appréciés dans l'hémisphère austral. C'est vrai en général, et cela tend, je crois, à être vrai de plus en plus; mais il ne faudrait pas faire de cette assertion une règle trop générale. II en est souvent là comme ailleurs, comme chez nous. Plusieurs ont été négligés et sont morts à la peine, dans le désespoir. Un des plus connus, le plus populaire des poètes australiens, Adam Lindsay Gordon, nous est un exemple déploré. Gordon, né en 1833, à Fayal, aux Azores, élevé à Cheltenham College, venu à Adélaïde en 1853, membre du Parlement du Sud, jette par ses vers un brillant éclat sur son pays adoptif, puis il finit, comment ? Par le suicide, le 24 juin 1870. Il pouvait aborder la mort en paix ; il avait assuré sa gloire par la publication de plusieurs volumes de vers; de jour en jour, il est plus célèbre et grandit. Ses vers, qui ne se sont guère vendus de son vivant, font aujourd'hui entrer les guinées dans la caisse des libraires qui s'en sont assurés, à quelles conditions ! le copyright.
Henry Kendall, rival d'Adam Gordon en popularité, l'est aussi en infortune. Né à Ulladulla en 1842, peu favorisé des biens de ce monde, attiré par des invitations trompeuses, il quittait de bonne heure sa Nouvelle-Galles du Sud, et venait à Melbourne, portant à la main un mince paquet de vers sur lequel il comptait pour conquérir la renommée et nourrir une femme, une fille tendrement aimée. En 1869,
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il imprimait le volume à 1500 exemplaires, offerts au public pour cinq shellings; en 1882, treize ans après, il y en avait encore dans les magasins plusieurs centaines d'exemplaires, offerts maintenant à l'acheteur moyennant six pence. L'enfant pour laquelle ces vers, objet de tant d'espérances, ne gagnaient guère de pain, mourait toute jeune, et le père infortuné lui adressait des vers bien touchants, intitulés Persia. Quant à lui, son sort était enfin assuré, tardivement, hélas! par son ami le gouverneur sir Henry Parkes, qui le nommait inspecteur des forêts. II est mort en 1882 à Redfern, près de Sydney.
Plus heureux que ces deux est un troisième poète, Alfred Domett, honneur de la Nouvelle-Zélande, ce paradis des mers du Sud, qui ne paraît pas être encore, malgré cet exemple notable, le paradis de la poésie, mais qui le sera sans doute un jour, grâce à son climat élyséen. Alfred Domett, dont la fortune a été de bonne heure assurée par de hautes positions administratives en Zélande, a beaucoup travaillé, beaucoup peiné, beaucoup réussi. Heureux poète, chantre des Maoris natifs, sa carrière accomplie aux Antipodes, il est revenu mourir en Angleterre, à l'âge de soixante-seize ans. Il avait, depuis son retour, publié deux poèmes étendus, Ranolf and Amohia, d'abord, et, un peu plus tard, en 1877, Flotsam and Jetsam. Tennyson luimême, dans ses plus délicieuses pages, est à peine plus harmonieux qu'Alfred Domett en quelques passages du premier de ces poèmes 1. Heureux poète! quand il se retournait vers les jours de sa jeunesse, il pouvait revoir dans sa mémoire reconnaissante un Longfellow, de la lointaine Amérique, consacrant par son admiration la belle pièce du jeune poète d'avenir : Hymne de Noël 2.
1 Austr. Poets, p. 124-25. 2 Austr. Poets, p. 140-41.
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Bien curieuses parfois sont les vies de quelques-uns de ces poètes. Je ne citerai comme exemple — infiniment étrange vraiment — que l'existence de Thomas Bracken. Né en Irlande en 1843, venu dans la colonie de Victoria, en 1855, à l'âge de douze ans, il est d'abord apprenti chez un droguiste, puis il se fait tour à tour terrassier, gardemagasin, tondeur de moutons, coureur du bush (bushman), puis il devint membre du Parlement local, journaliste et propriétaire de journal; avec cela, auteur de plusieurs volumes de vers et conférencier fort apprécié.
Parmi ses poésies, j'en distingue une fort belle, The Temple (Austr. Poets, p. 67), et une autre encore : Not Understood (p. 69 du même volume), qui est une généreuse invitation à la sympathie.
La vie de ce poète nous fait entrevoir quelque chose de l'existence agitée de ces colonies qni s'emparent de l'avenir par la prise vigoureuse que des hommes trempés en acier exercent sur le présent. Au milieu de ce flux et de ce reflux d'hommes qui cherchent des pépites d'or, qui tondent les riches toisons de leurs innombrables moutons, quelques-uns, à la différence de Bracken, semblent ne rien entendre du bruit qui se fait autour d'eux; ils sont à leurs pensées, ils se font les interprètes de cette nature qui leur parle un langage grandiose, de cette vie qui pullule autour d'eux, en eux-mêmes sous forme de passions exubérantes ou contenues.
II
Ce qui manque surtout à ces poètes, c'est l'originalité, j'entends l'originalité locale, celle qui ferait dire à première vue, en lisant leurs poèmes : Cela né pouvait naître que dans l'autre hémisphère, sous le ciel brillant où l'on voit étinceler la Croix du Sud. Ils sont Anglais avant d'être Austra-
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liens; l'Australien disparaît en partie dans l'Anglais. En vain vous chercheriez dans leurs vers à presque tous la note personnelle de l'Australie : elle est absente, je ne dis certes pas toujours, et on le verra bien tout à l'heure, mais le plus souvent. Ces poésies, pour belles que soit un grand nombre d'entre elles, n'ont rien qui porte la marque décisive de leur origine; elles pourraient tout aussi bien, la plupart du temps, avoir été écrites sur les bords de la Tamise, de l'Humber ou de l'Hudson, qu'à quatre mille lieues de Windsor.
Cependant, comme je le disais il n'y a qu'un instant, cette règle est bien loin de recevoir une application générale, absolue. Alpha Crucis a trouvé de brillantes couleurs pour célébrer la splendeur incomparable des étoiles de l'hémisphère où tout est plus éclatant que dans notre pâle et vieux monde. Austral (pseudonyme d'une femme) nous donné bien l'idée de ces vastes étendues qu'on appelle le bush, de la majesté du Roi de la Neige (Snow-King1). La pièce, The Forty Mile Bush, est fort belle. Son auteur est un des plus originaux de cette littérature déjà considérable. J'aurais plaisir à m'arreter plus longtemps avec lui, ou avec elle, car sa poésie est en même temps une causerie vive et charmante. Austral cherche un jour le pays des fées, Fairyland. Traversant la forêt de pins aux émanations parfumées, elle arrive au sommet d'une haute montagne; de là, la vue se prolonge sur l'étendue incommensurable du Pacifique dormant dans l'azur; les îles enveloppées d'un brouillard de pourpre sont semées sur ce grand espace des eaux. Tout est si grand, si beau, si pur, que le poète ne cherche plus : le pays des fées, il est là sous ses yeux.
C'est bien australien aussi cette poésie, que j'appellerai l'hymne de la pluie : Rain. Le démon Sécheresse, terreur des colons, est vaincu : et quelle musique aussi dé1
dé1 Poets, p. 30.
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licieuse que celle de la pluie tombant à larges gouttes, à torrents en apparence inépuisables 1 ? Ces vers sont d'un poète nommé Pratt, du département de l'ingénieur en chef, Australie du Sud.
Un autre poète nous offre un tableau qui fait contraste avec le précédent. Dugald Ferguson 2 nous conduit sur les bords du haut Darling, le fleuve au cours sinueux : là, le soleil chauffe, dit le poète, comme un four céleste ; de sauvages régions s'offrent à perte de vue; de rares et maigres buissons accusent la sécheresse d'un été prolongé; les plaines salines récompensent mal les soins de l'éleveur de troupeaux; la nature est haletante au souffle brûlant du sirocco; au loin, l'oeil craintif, la forme agile, armé du redoutable bomerang et de la lance, apparaît l'aborigène, destiné à disparaître demain, qui, en attendant, ne connaît d'autre habitation que ses camps toujours changeants. Le tableau est vivement tracé : c'est comme une photographie du Sud.
Non moins australien est le poème de Henry Kendall, At Euroma 3. Le poète nous jette en pleine solitude, là où toutes choses sont tuées par la chaleur, où l'on n'entend que le chant austère des forêts effrayantes : nul pied humain, nulle trace de bêtes fauves ne se pose sur le tombeau de l'étranger qui a trouvé la mort dans ces parages de l'effroi.
Le grand poème d'Alfred Domett, Ranulf and Amohia, nous met en contact perpétuel avec les natifs de la NouvelleZélande, les Maoris, et ce sont des pages dignes d'étude, qui cependant ne peuvent nous retenir. Les poèmes plus courts nous attirent davantage. C'est bien une histoire, un drame du bush australien, ce récit qui nous fait faire
1 Austr. poets, p. 407.
2 A Century of Australian Song, p. 154.
3 A Century of Australian Song, p. 266.
T. LIII 19
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connaissance avec le serpent dukite. Un bushman tue un serpent dukite qui se rencontre sous ses pas : il ignore les moeurs de ce reptile terrible qui va toujours par couples. Malheur à qui tue l'un sans s'occuper de l'autre ! Il faut les tuer tous les deux, ou prendre garde à la vengeance du survivant. Or, David a tué un dukite, un seul. C'était loin, très loin de sa demeure. Il revient chez lui portant en triomphe la peau rouge du terrible ophidien. Le lendemain, il va à son travail. Quand il revient au soir, il trouve sa femme et sa fille mortes, le dukite qui avait fait à la suite de son ennemi inconscient des milles et des milles, comme s'il ne voulait pas laisser ignorer au meurtrier de son compagnon d'où part le coup, appuie encore sa tête plate sur le sein de la femme dont il a fait sa victime. Le malheureux David devient fou; jamais, depuis, il n'a prononcé une parole. Mais on peut le rencontrer dans les solitudes, porteur d'un sac où il entasse les peaux des dukites qu'il a tués; car il s'est voué, dans son obscure inconscience pour tout le reste, à la destruction de ces destructeurs de son bonheur 1.
Un beau trait du caractère australien est l'hospitalité qui, dans les solitudes immenses coupées de fermes rares et semées à longues distances, est de nécessité et de règle. L'auteur d'un volume intitulé Australian Lyrics, Douglas Sladen a bien exprimé cela dans une belle poésie 2. Je la cite, comme faisant contraste, tout en douceur, à la pièce précédente : « En route pour l'Ouest du Queensland : Coify, le prêtre du roi Edwin, comparait la vie de l'homme au vol d'un passereau battu par la neige et le vent de tempête, et soudain, hors du froid et des ténèbres, pénétrant dans la chaleur et la lumière qui remplissent le hall
1 A Century of Austr. Song, p. 359-65. Le poème est de J.-B. O'Reilly.
2 Australian Lyrics, p. 19.
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de la maison du roi, en un jour de réjouissance retentissante (Vassail).
« Type de la vie humaine, il séjourne là un moment, puis un vol le reporte dans le froid et la nuit. Nous aussi, émergés du sein de la nuit, nous retombons sur le sein de la nuit, ne sachant ni d'où nous venons ni où nous allons, tremblants sur le bord de l'abîme.
« Souvent, comme le vol d'un passereau, dans une nuit d'hiver, émergeant du froid et des ténèbres dans la chaleur et la lumière, un étranger, en route pour l'ouest lointain, arrive au soir, part au matin, après le repas et le sommeil.
« Chevauchant vers son logis éloigné, fatigué sur un. cheval fatigué, il demande comme chose due la nourriture et l'abri; une poignée de main, le souper, une pipe fumée, un lit. Puis la selle au cheval, et, avant le lever du soleil, l'étranger est parti, à la garde de Dieu. »
Parfois un poète de la Nouvelle-Zélande, Alexandre Bathgate, nous peint les aspects changeants du Mangatua, série de montagnes dont le nom signifie « la Chaîne de l'Esprit 1.» Une autre fois, le même poète nous fait entendre les simples notes de l'oiseau appelé Yellowhammer 2. Ou bien Jennings Carmichaël nous initie à la vie des buhsrangers, vie de crime et de banditisme, vie de sang et aussi de privations inouïes, d'alarmes à blanchir les cheveux et de repentirs tardifs. Nellie S. Clerk et quelques autres nous font voyager dans la forêt vaste comme l'Océan.
Disons-le ici, puisque l'occasion s'en présente : des colonies n'ont entamé le continent que par les bords, à une certaine profondeur; à l'intérieur, sont encore les vastes espaces réservés à la solitude ou aux hommes que la civili1
civili1 Poets, p. 47.
2 Austr.Poets, p. 50.
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sation ne connaît guère, promis après tout à l'avenir qui s'avance.
Malgré les réserves que j'ai dû faire, on voit qu'il reste encore à ces poètes des Antipodes une part assez notable d'originalité australienne. Parmi les traits caractéristiques qui s'imposent à l'observation, il en est un que je note tout particulièrement : c'est le grand nombre de poètes féminins qui se rencontrent là-bas. J'en cite quelques-uns : Mrs Anderson, Mrs Bode, Mrs Boyce, Austral, Australie, une Fille du sol, Caroline Leakey, Mrs Staniforth, Margaret Thomas, Agnès Neale, Mrs Wood, et bien d'autres encore que je pourrais nommer.
On pourrait se demander à quelle raison attribuer cette production féminine si abondante. Peut-être la trouveraiton dans la sensibilité naturellement plus éveillée et plus active chez les femmes en présence d'une nature aux traits grandioses et charmants, d'une civilisation qui se dégage dans le mouvement et la vie, qui laisse plus de place pour la rêverie en exigeant moins pour les relations mondaines.
Quoi qu'il en soit, le fait existe et me semble très digne de remarque et de méditation.
Parmi les femmes que j'ai nommées, j'en distingue particulièrement trois : Caroline Leakey, Agnès Neale et Margaret Thomas. Caroline Leakey a donné un volume intitulé Lyra Australis (1854). Il y a là un simple et charmant poème : My little Lamp, farewell 1. Le même poète a trouvé le moyen, dans une autre poésie, Sleep and Death, d'avoir sa note personnelle sur ce sujet si rebattu : la mort et le sommeil.
Un des plus délicieux poètes féminins est Agnès Neale, dont les poésies sont dispersées çà et là dans les journaux d'Australie.
Parmi ces femmes de talent, réservons un rang distingué
1 Austr. Poets, p. 319.
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ÉTUDE SUR LES POÈTES AUSTRALIENS 293
à Margaret Thomas, peintre, sculpteur et poète, qui a eu une fois à l'exposition de l'Académie, à Londres, jusqu'à six tableaux appendus à la fois. Elle n'a pas publié encore de volume; mais ses poésies ont émaillé souvent les colonnes de l'Australasian ; j'y recueille, et je veux traduire une pièce intitulée : Absent Friends 1. Cela n'a que trois strophes, douze vers en tout; mais l'émotion y est profonde, et l'art consommé en fait quelque chose d'admirable :
« Aux amis absents, je vide ce verre! A ceux d'abord qui dorment sous le gazon et qui goûtent la paix;, le sommeil tranquille que la mort seule peut donner. Aux amis absents !
« Je verse après ce vin éclatant pour ceux qui habitent par delà les flots de l'Océan, dans le travail sans espérance et sans fin, seuls, oubliés de tous. — Aux amis absents!
« Je bois le vin couleur de pourpre à tous ceux qui pleurent et peinent sur le globe sombre de notre terre. A tous ceux que la pauvreté accompagne! A tous ceux que l'amour n'a jamais consolés! Aux amis absents ! »
Un autre très beau poème de femme, consacré à une femme : Dirge, par Mme Creuvreur, dit merveilleusement cette terreur, ce mystère de la mort, qui va justement choisir ses victimes là où est la jeunesse avec la beauté 2.
C'est aussi une délicieuse poésie, celle de Mme Emma Fr. Anderson : Le Soir 3. « C'est le soir ; lentement, le jour a plié ses robes de lumière, et les a déposées d'une main légère sur le sein bleu de la mer; une à une les pâles petites étoiles qui tremblent, s'avancent, épient la dernière et faible bande de pourpre qui s'évanouit du côté de l'occident... »
1 Austr. Poets, p. 543. 3 Austr. Poets, p. 607. 3 Evening, dans A Century of Austr. Song, p. 44.
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294 ÉTUDE SUR LES POÈTES AUSTRALIENS
Le poète termine ainsi : « Si pleine de paix et de joie est cette heure tranquille, tout est si parfait dans son charme sacré, que je soupire presque en pensant qu'il n'y aura pas de nuit dans le ciel. »
Que ce dernier trait, un peu mignard, et qui fait sourire, est bien féminin !
Hommage rendu, justement rendu, aux femmes poètes de là-bas, je dois ajouter, pour rester dans la mesure, que l'Australie n'a pas d'Elisabeth Browning, pas même de Felicia Hemans ou de Mrs Norton. Ne demandez pas à Caroline Leake, à Agnès Neale, à Emma Anderson, la suite splendide des Sonnets Portugais, les Poèmes des Affections : de tels poèmes ne peuvent fleurir qu'à côté des Wordsworth, des Robert Browning, des Dante Gabriel Rossetti. Voilà pourquoi je ne m'attarderai pas sur cette poésie féminine. Si nous restions trop longtemps avec les poétesses, nous pourrions prendre une idée fausse de la poésie australienne et nous la figurer plus sentimentale qu'elle ne l'est en effet. Les poètes de l'autre sexe nous remettent dans le vrai. Les femmes qui vivent surtout dans la paix du home ont tout le temps de rêver aux étoiles, de s'endormir dans la jouissance berceuse du délicieux climat. Les hommes qui rêvent à leurs heures ont d'habitude autre chose à faire : ils ont à travailler, à batailler, ou, s'ils ne travaillent pas, s'ils ne bataillent pas au combat de la vie, ils se mettent du moins par la sympathie en communication avec ceux qui travaillent à dompter une nature rebelle à force d'exubérance même. De là, chez les hommes surtout, dans la poésie, un caractère généralement sérieux, et même un peu triste. Cependant, la note humoristique se rencontre aussi chez ces poètes (elle n'est jamais absente longtemps quand on se trouve en présence des poètes de race anglo-saxonne). Cette note humoristique nous est donnée par Robert Sealey dans la Philosophie du Cocher.(Cabman) dans la Fille du Cabaretier (publican). Tel poète,
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ÉTUDE SUR LES POÈTES AUSTRALIENS 295
parfois, dans un sujet triste, plaquera une teinte d'humour. Ainsi, dans Gobin Agace 1. Je cite en particulier ce poème de Douglas Sladen, parce qu'il me semble y entendre une note de sympathie pour notre France, victime de l'horrible traîtrise qui amena le désastre de Crécy.
La note humoristique, la voici encore, bien inattendue cette fois, dans une pièce du même poète 2. Douglas Sladen, dans cette pièce intitulée : Invicta, a fair Maid of Kent, commence par décrire la royale beauté de son « Invicta » aux tresses d'or éclatantes; puis il nous la montre, cette jeune fille que la nature avec complaisance a faite pour l'amour, repoussant l'amour avec hauteur, avec dédain; il termine par ces deux strophes, presque cruelles sous leur forme légère :
« Adieu, jeune reine, invaincue et si superbe; adieu, jeune reine si glorieusement belle, écartant les adorateurs, ceux-ci d'une façon tranquille, ceux-là d'un air froid, impérieux.
« Adieu, jusqu'au temps où vos yeux hautains s'arrêteront tout un jour d'été en un patient hommage, veillant, attendant que votre vainqueur (captor) lève un doigt pour vous faire signe de venir à lui, ou vous avertir de vous éloigner. »
Comme contraste à la tristesse plutôt calme, qui m'a semblé être tout au moins une des caractéristiques de la poésie australiane, je citerai une jolie pièce de Robert Richardson, intitulée Annette, et qui commence ainsi : « On dit donc, Annette, que vous avez brisé un coeur ou deux 3. »
Mais quelques pièces clairsemées, plus ou moins humoristiques, plus ou moins gaies, n'impriment pas sa marque
4 Austr. Poets, p. 475.
2 Austr. Lyrics, p. 30.
3 Austr. Poets, p. 414,
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296 ÉTUDE SUR LES POÈTES AUSTRALIENS
à là poésie d'un pays. Demandons bien plutôt aux poètes australiens de nous peindre la vie dans ses ardeurs fiévreuses ou ses retours songeurs ; laissons Arthur Patchett Martin saluer les « vieux camarades 1. » La pièce, animée d'un sentiment très humain, est fort belle ; elle a seulement le tort de rappeler de bien près une autre pièce plus belle encore du grand romancier Thackeray : la Bouillabaisse.
Laissons James L. Michael, le visage enfoui dans les herbes, écouter le murmure puissant du fleuve majestueux 2. Il y a dans son poème John Cumberland, des pages bien modernes, d'une poésie ravissante à l'oreille, au coeur, à l'imagination, celle où il dit la pensée d'amour qui source de toutes les choses de la création, contemplées sous le rayon du jour, dans la nuit étoilée 3, le passage où il peint l'agitation fiévreuse qui accompagne l'insomnie 4 ; d'autres passages encore, d'où montent, dans le même poème, de délicieuses notes d'amour.
Définir n'est rien ; montrer est bien meilleur. Montrons donc encore une fois ces poètes dans leur physionomie sérieuse avec grâce, dans leur beauté splendidement imaginative. Comme spécimen de cette poésie opulente, je ne crois pas pouvoir choisir mieux que deux sonnets magnifiques; je vais essayer de les traduire. Ils sont intitulés : Mort-Vie. L'auteur se nomme Victor J. Daley 5.
« MORT.
« Les voyants d'autrefois qui, en paroles de feu pareilles à des gouttes de sang, ont écrit de grandes pensées, brûlant
1 Austr. Poets, p. 383.
2 Old Comrades ; Austr. Poets, p. 367.
3 Austr. Poets, p. 386.
4 Austr. Poets, p. 384.
5 Austr. Poets, p. 113-114.
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ÉTUDE SUR LES POÈTES AUSTRALIENS 297
dans la nuit des âges comme des yeux de lion qui éclairent la nuit des jungles; qui, de leurs chants comme de pointes d'épée, ont frappé les cordes les plus secrètes de l'âme humaine; qui, du coeur de l'homme, ont fait une harpe que touche la main, où sont-ils ? Où est le vieil aveugle, le foi du chant parmi ces maîtres au front lauré ? Où sont les sphères chantantes qui ont éclaté au' sein du chaos comme les brises de l'été dans les mers enchaînées par la glace, ou jamais navigateur n'a poussé son vaisseau ?— Consumées par le feu, disparues. Nulle étoile ne se rappelle ces étoiles, ces voyants devenus silencieux dans le temps, dans les années sans voix de la mort qui n'a point de fin. »
« VIE.
« Que savons-nous des morts qui disent ces choses de la vie dans la mort sous la terre? Que savons-nous des lois mystérieuses qui gouvernent les antiques et obscurs royaumes fermés à nos pauvres rêves imaginatifs, de ces royaumes où la mort est la vie? L'oiseau aux ailes humides d'écume en sait plus long sur le contenu des abîmes qui s'enfoncent au-dessous de lui. Soit : les coeurs chauds ne se refroidiront jamais; ils brûleront dans les roses en d'éternels printemps; car toutes les fleurs, tous les fruits disparus dans le temps, sont des fleurs et des fruits en des mondes invisibles; tout ce que nous voyons n'est qu'une ombre des choses inaperçues; le temps qui fuit est semblable à l'écho brisé d'un vers dans le grand poème divin de l'Eternité. »
II me serait facile encore de recueillir dans les volumes que nous envoie la poésie australienne bien des pages brillantes, bien des chants admirables. Mais cette Etude est déjà assez longue, et je préfère vous laisser, en restant avec vous, sous l'impression des grandes et fécondes idées que doit faire naître une poésie aux accents si graves, si profonds dans le mystère. Mystère, c'est le nom suprême de la poésie.
23 Avril 1889.
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ED. TH. SIMON DE TROYES
D'après un dessin au physionotrace Gravé par QUENEDEY, rue Neuve-des-Petits-Champs, 15, à Paris (1810)
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UN POETE TROYEN AU XVIIIe SIECLE
EDOUARD-THOMAS SIMON
dit.
SIMON DE TROYES
(1750-1818)
PAR
M. AUGUSTE MARGUILLIER
Avez-vous jamais connulin médecin poète ? GEORGE SAND.
Avez-vous lu dans Taine 4 cette charmante description de la Champagne et de ses sites : paysages assez peu pittoresques assurément, sans âpre grandeur ni exquise poésie, mais si clairs et si gais sous le « joli soleil qui luit doucement entre les ormes, » avec les taches grises des terres ou l'or mat des moissons, et, là-bas derrière la ligne verte des saules et des peupliers qui bordent la rivière, les tons plus chauds des coteaux plantés de vignes ? Pas de grands bruits ni d'émotions fortes : sous le ciel calme, agrémenté de nuages légers, le village est tranquille, un chant d'alouette monte dans l'air, des travailleurs avec leurs charrettes rompent en l'égayant l'uniformité de la plaine, et la voiture criarde d'un roulier raie seule la ligne blanche du chemin : « Beautés légères qu'une race sobre et fine peut seule goûter.... Tout est moyen ici, tempéré, plutôt tourné
Taine, la Fontaine et ses fables.
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300 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
vers la délicatesse que vers la force Les grandes
lignes, les fortes couleurs y manquent, mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l'agile esprit qui les contemple, le toucher parfois sans l'exalter ni l'accabler.
C'est la vie douce et confiante, c'est la campagne par excellence avec tous ses charmes, presque la Campanie : Campania !
Or, « tout homme prend et garde l'empreinte du sol et du ciel. L'intelligence brille, non pas la verve pétulante et la gaieté bavarde des méridionaux, mais l'esprit leste, juste,
avisé, malin, prompt à l'ironie Telle est celte race, la
plus antique des modernes, moins poétique que l'ancienne, mais aussi fine, d'un esprit exquis plutôt que grand; douée plutôt de goût que de génie, sensuelle, mais sans grossièreté ni fougue; point morale, mais sociable et douce; point réfléchie, mais capable d'atteindre les idées, toutes les idées et les plus hautes à travers le badinage et la gaieté 1. »
Ses oeuvres s'en ressentent : « Pendant que le comte Thibaut fait peindre ses poésies sur les murailles de son palais de Provins, au milieu des roses orientales, les épiciers de Troyes griffonnent sur leurs comptoirs les histoires allégoriques et satiriques de Renart et Isengrin. Le plus piquant pamphlet de la langue est dû en grande partie à des procureurs de Troyes; c'est la satire Ménippée 2, » et plus près de nous, le bonhomme La Fontaine et notre malin Grosley continuent le renom de la grâce et de l'ironie champenoises. Un contemporain de ce dernier en a hérité aussi : le poète Simon de Troyes; quoique moins célèbre, il mérite pourtant une étude spéciale 3.
1 Taine, ouvrage cité, chap. Ier : L'esprit gaulois; p. 7, 8 et 18.
2 Michelet, Histoire de France, livre III (p. 99 de l'éd. Hachette, 1833).
3 N'ayant pu trouver nulle part, même à la Bibliothèque nationale,
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EDOUARD-THOMAS SIMON 301
I
Edouard-Thomas Simon, dit Simon de Troyes, naquit dans cette ville le 16 octobre 1740 1. Son père y exerçait avec beaucoup de distinction une charge de notaire royal 2. Il eut le malheur de le perdre, n'ayant encore que quatre ans; mais son éducation n'en souffrit point. Sa mère, restée veuve à vingt-deux ans, se dévoua entièrement à son fils unique, et, quoique peu fortunée, ne négligea rien pour tirer tout le parti possible des heureuses dispositions qu'il montrait. Quand vint l'âge de l'étude, elle le plaça au Collège de Troyes, alors dirigé par les Prêtres de l'Oratoire. En 1749, il figure sur les registres de l'établissement 3 parmi les élèves de sixième. « Il ne dut qu'à sa faute, à sa très grande faute, d'être compté parmi les élèves médiocres. Il était d'une intelligence égale à sa paresse : Viribus poquelques-uns
poquelques-uns ouvrages de Simon qui manquent à la Bibliothèque de Troyes, je me suis vu forcé, à mon grand regret, de me borner pour ces oeuvres à une simple mention.
1 " Du seizième octobre mil sept cent quarante. Edouard-Thomas, fils de M. Edouard-Thomas Simon, notaire royal et tabellion du Roy en la ville et baillage de Troyes, et de dlle Marie-Catherine Tellier, son épouse, né et baptisé cejourd'huy, a eu pour parrain monsieur Thomas Simon, bourgeois de ladite ville, son ayeul paternel, et pour marraine dlle Catherine Guillier, sa grande mère maternelle, épouse de M. Jean Tellier, aussi bourgeois de cette ville, soussignés avec lé père. Signé: Catherine Guillier, Simon, Simon et Le Roux pre curé. " (Registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de Sainte-Madeleine de la ville de Troyes, pour servir en l'année mil sept cens quarante.)
2 Au coin des rues du Mortier-d'Or et du Chaperon (aujourd'hui rues des Quinze-Vingts et de la Monnaie). Il occupa cette charge de 1739 à 1744.
3 Catalogus scholasticorum collegii (Treco-Pithoeani) Trecensis (necnon quidam ejusdem collegii usus), 3e volume. (Bibliothèque de Troyes; mss. n° 357).
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302 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
tens, proelium horret socors. Sa légèreté valait sa paresse : Ses maîtres néanmoins espéraient qu'il se corrigerait; mais rien ne venait justifier leur espoir : Quousque spes nostras levitate suâ eludet ? Il doubla sa troisième, se traîna péniblement jusqu'à la fin de sa rhétorique sans rapporter jamais aucun prix, aucun accessit. Il ébaucha une année de logique qu'il n'acheva pas. C'est là, il faut l'avouer, un singulier début littéraire pour un homme dont la vie se passa en grande partie dans le commercé des muses, qui traduisit les Grecs, les Latins et les Italiens, fut un bibliothécaire remarquable, et mourut professeur de belles-lettres 1.
A seize ans, Simon sortit du collège. J'imagine qu'il envisagea avec un plaisir mêlé d'espérance cette entrée dans le monde qui lui permettrait de suivre facilement ses goûts. Il fallait toutefois choisir une carrière. La profession paternelle était tout indiquée : Simon fut donc placé chez un notaire, Me Cligny, mais son esprit si éveillé, déjà tout plein de rimes et d'images gracieuses, ne pouvait guère se plaire au milieu des sombres paperasses juridiques, et sa vivacité naturelle ne pouvait s'accommoder de la gravité du métier et de cette vie sédentaire. Au bout de deux ans, il quittait tout et annonçait son intention de se livrer à la médecine.
A cette époque vivait à Paris un célèbre chirurgien, le frère Cosme 2. Simon alla étudier près de lui à l'hôpital de
1 G. Carré, Nos Grands hommes au collège (Mémoires de la Société Académique de l'Aube, année 1885, p. 148.) — Voici toutes les notes données à Simon durant le cours de ses études : 1749, sixième: Viribus potens, proelium horret socors; — 1750, cinquième : Ingenio non respondet labor; — 1751, quatrième : Pectus candidum levitas insignis deformat; —1752, troisième : Quousque spes nostras levitate suâ eludet dubius ? — 1753, troisième : Importunis calcaribus urgeatur. — De 1754 à 1756, son nom figure sans commentaires.
2 Jean Baseilhac, en religion frère Cosme, de l'ordre des Feuillants
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EDOUARD-THOMAS SIMON 303
la Charité pendant trois ans 1. A la fin du cours de 1765, il prononça un discours dans l'Ecole de Chirurgie de cet hôpital 2, puis il revint se fixer à Troyes 3. Il y fut reçu maître en chirurgie le 22 février 1766, et se maria le 5 août suivant, à la Chapelle-Saint-Luc, avec Jeanne-Françoise Gauthier. Trois enfants furent les fruits de cette union 4.
(1703-1781); renommé pour sa piété et son habileté chirurgicale, inventeur du lithotome caché pour l'extraction de la pierre, « instrument véritablement remarquable pour son époque. » (Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, par P. Larousse.)
1 « Je suis arrivé à Paris, dit Simon, le 29 janvier 1762, j'ai été « inscrit à la Charité le 15 février suivant, à St-Cosme dans le " courant du mois de mars. En philosophie le 24 avril, j'ai entré le « 1er juin 1763 en possession du tablier à la Charité pour en jouir « deux ans. J'ai commencé dans le courant du mois de mai un cours « de maladies vénériennes chez Mr Fabre, me en chirurgie. Je suis " retourné à Troyes le 1er juin 1765. J'ai été reçu maître en chirurgie « à Troyes le 22 février 1766, Marié avec Jeanne Françoise Gauthier, " le 5 aoust 1766, à la Chapelle-St-Luc, par M. Surget, curé de cette « paroisse. » Et plus loin : « J'ay été immatriculé à Troyes sur les « registres de la communauté des maîtres en chirurgie le 27 dé« cembre 1765. J'ay subi mes neuf examens pendant les mois de « janvier et de février de l'année 1766, et j'ay été reçu et prêté « serment le 24 février de lad. année. M. Desjardins, prévôt en « charge; Me Bergerat, lieutenant; Mr Picard, greffier; Mr Brassot, « doyen. " (Journal de tout ce qui m'arrive, des livres que je prête, que l'on me prête, et de l'argent que je reçois et dépense, commencé le cinq décembre mil sept cent cinquante-neuf. Manuscrit petit in-folio relié. Bibliothèque de Troyes, coll. A. Millard.)
2 Voir Journal encyclopédique, n° du 1er juillet 1765, p. 119 à 122.
3 En 1773, il habitait rue de la Monnaie; plus tard, il demeura place du Marché-au-Blé.
4 Inscription pour le portrait de ma première femme J. A. G.
Fidèle à l'hyménée ainsi qu'à la nature, Et loin d'un préjugé destructeur, inhumain, Ses trois enfants puisèrent dans son sein Et leur vie et leur nourriture. (Recueil manuscrit de poésies fugitives, épigrammes, madrigaux, fables, contes, etc., de tous formats, en un carton in-8°, — Bibliothèque de Troyes, coll. A. Millard.)
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304 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
II.
Ce fut pendant son séjour à Paris que Simon débuta
dans les lettres. Si c'était par dégoût qu'il avait abandonné le notariat, c'était par raison plus que par inclination qu'il s'était livré à la médecine ; sa véritable vocation était la littérature. Aussi, quel plaisir pour le jeune étudiant de se trouver au centre même de toute activité intellectuelle et d'y rencontrer toutes les facilités possibles pour réussir ! Et quelle ardeur à en profiter! A vingt-deux ans, il était déjà connu dans le monde littéraire par plusieurs pièces légères, genre alors très en vogue.
Désormais, les difficultés d'ordinaire si ardues du début lui sont aplanies.
En 1765, il publia son premier ouvrage marquant ;
L'Hermaphrodite ou Lettre de Grandjean à Françoise Lambert, sa femme; suivie d'Anne de Boulen à Henry VIII, roi d'Angleterre, son époux, héroïde nouvelle, et de Deux idilles1.
La première pièce, nous dit l'auteur, a été inspirée par l'arrêt qui venait de rompre le mariage de l'hermaphrodite Grandjean. Proscrit et humilié par sa condamnation, a il « n'est plus rien sur terre qu'un poids inutile aux autres « et insupportable à lui-même. C'est en réfléchissant sur « son malheur qu'il est censé écrire la lettre qui suit 2. »
Anne de Boulen, l'épouse infortunée d'Henri VIII, est l'héroïne du morceau suivant. « J'ai cru, dit le poète, que « la mort déplorable de cette Reine malheureuse pourrait « intéresser. Je me suis peint tout ce qu'une femme inno4
inno4 à Mlle G., signé : S*** ; Grenoble et Paris, Cailleau et Ve Valleyre, MDCCLXV. Une broch. in-8° de 48 pages.
2 Avertissement.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 305
« cente, condamnée à une mort ignominieuse par un « homme qu'elle a aimé, peut dire dans ces moments où « le crime même ne reçoit pas sans frémir la peine qu'il « mérite1.» Ces deux héroïdes, écrites en vers alexandrins assez élégants, montraient déjà là facilité d'exécution de l'auteur; mais il lui faut, pour réussir complétement, un ton moins élevé et des sujets plus riants.
Pour faire contraste avec les pièces précédentes, comme il en avertit lui-même, Simon a traduit, à la suite, deux poésies de Théocrite, tout à fait conformes à la tournure de son esprit : L'Amant malheureux et vengé et Le Raccommodement. Ce sont ses premiers essais imprimés dans ce genre folâtre qui fut trop souvent le sien, mais où, à vrai dire, il sait badiner avec grâce, et déjà on y admire la touche légère et vive qu'on retrouvera plus tard dans le Choix de poésies, où, du reste, existe une autre traduction en prose de la première de ces idylles, ainsi que dans l' Ami d'Anacréon.
Cette même année 1765, il apporte, lui aussi, sa note dans le concert des déclamations des philosophes sur le supplice de Calas, dont l'innocence d'ailleurs est loin d'être prouvée, et publie l' Histoire des malheurs de la famille de Calas, précédée de Marc-Antoine Calas, le suicidé, à l'univers, héroïde2, faite pour sa mère ; puis une Epître à M. C. D. V. D. S. J. [M. Courtalon Delaistre, vicaire de Saint-Jean] sur le respect dû aux grands hommes3.
1 Préface historique, p. 23 et 24.
2 S. l., 1765, 1 vol. in-8°. - La mort de Calas lui a encore inspiré une Inscription pour une estampe représentant les Calas au moment où ils trouvent leur fils mort,
Vois ces infortunés dont les tremblantes mains
Veulent sauver un fils de la nuit éternelle, Reconnais la nature et l'âme paternelle, Et si tu l'oses, dis qu'ils sont ses assassins.
(Recueil manuscrit de poésies fugitives, inscr. 10).
3 Amsterdam (Paris), 1765,1 vol. in-8°.
T. LIII 20
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306 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
satire où « il est question d'un P. B. C. Il s'agit du P. Bertin, capucin, auteur de la chanson des Petits trous, pièce assez jolie et peu connue 1. »
Ajoutons encore à ces premières oeuvres : Epître d'Héloïse à Abailard, traduction nouvelle 2.
III
C'est ainsi que Simon se délassait de l'étude aride de la médecine et cultivait avec succès deux arts si différents. Et pourtant, de 1765 à 1775, nous n'avons connaissance d'aucune publication importante de notre poète. Mais les ouvrages qui vont suivre vont nous dédommager amplement.
Aimant passionnément son pays et fier d'accoler à son nom celui de sa ville natale, Simon avait, en 1773, de concert avec Courtalon-Delaistre, curé de Sainte-Savinelès-Troyes, et dom Maréchal, religieux bénédictin, formé le projet de publier une Histoire ecclésiastique, civile, politique, physique et littéraire du diocèse de Troyes, aussi complète que possible, pour chaque paroisse, et tous trois s'étaient mis en quête de matériaux 3. A l'annonce de cette histoire, dit Simon, « Grosley, à qui ce zèle parut un « attentat aux prétentions qu'il avait d'être le seul historio« graphe de sa patrie, et déjà accoutumé au succès en ce « genre par la réputation que lui avait faite douze volumes « ides Ephémérides troyennes, publiées depuis 1757 « jusqu'en 1768, crut rendre ce zèle nul par le projet de « réunir en un seul corps les recherches laborieuses qu'il
1 Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes (3e édit.; 2e vol., col. 147.)
2 1767,1 vol. in-8°.
3 En voir le prospectus à la Bibliothèque deTroyes (coll. Carteron, n° 1547), une feuille in-4°, s. 1. n. d.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 307
" avait consignées dans ce recueil annuel; il manifesta « même cette intention d'une manière positive et non sans « quelque amertume dans l'avis qui précède les Mémoires « historiques et critiques pour l'histoire de Troyes 1. « Cette agression ne découragea point ses émules;.... « comme ceux-ci, en adoptant un système absolument « différent du sien, étaient pénétrés pour M. Grosley de « l'estime la plus sincère, et savaient bien que les sources « où leur prédécesseur avait puisé étaient également « ouvertes pour eux, ils continuèrent en silence leur entre« prise, et tâchèrent, autant qu'il leur fut possible, de « laisser à celui-ci ce qui était à lui, comme il le « demandait avec tant de sollicitude 2. »
Il en résulta la Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes, de Courtalon, histoire la plus complète qui eût parti jusque-là. Elle est divisée en six parties.
« Une septième partie, qui n'est pas la moins considérable, ni la moins intéressante, dit la préface, est celle qui concerne les hommes célèbres qui sont nés dans le diocèse, et qui se sont distingués dans le militaire; dans les sciences, dans les arts, ou qui sont parvenus à des dignités éminentes. Elle fera un ouvrage à part, et M. Simon, qui s'en occupe, n'omet rien pour la rendre complète et la plus parfaite qu'il sera possible 3. » Cette dernière partie ne fut jamais publiée.
Le mécontentement de Grosley ne fit que s'accroître à
4 Voir pages x, xi, xii, etc.
2 Avis sur cette nouvelle édition (des Mémoires historiques de Grosley), projet de préface adressé à l'éditeur, M. Sainton, par Simon, en 1811 (4 pages mss petit in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770.)
3 Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes, par M. Courtalon-Delaistre. Troyes, Ve Gobelet, MDCCLXXIII, Préface,
p.XIII.
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308 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
l'apparition de l'ouvrage de Courtalon, mais notre pays ne faisait que gagner à cette rivalité ; et, chose piquante; il était réservé à l'un des collaborateurs de Courtalon, à Simon lui-même, guidé avant tout par l'amour de sa patrie plus que par de vaines considérations personnelles, d'achever plus tard la publication de ces Mémoires historiques, entreprise par la susceptibilité de Grosley.
Il commença déjà à lui succéder dans la récolte des matériaux pour l'histoire de son pays : de 1776 à 1786, il se partagea la rédaction de l' Almanach de la ville et du diocèse de Troyes 1 avec Courtalon Delaistre; et, à la mort de ce dernier, en poursuivit seul la publication jusqu'en 1788 2. « C'est la continuation des Ephémérides dont Grosley avait suspendu la publication en 1769. On y retrouve le même plan, le même intérêt et le même esprit 3. » — « En donnant à la ville de Troyes, » dit l'Avis préliminaire, « un Almanach qui porte son nom, ce on ne s'est point proposé d'y consigner les monuments « historiques qui la concernent, mais de donner un tableau
1 troyes, chez la Ve Gobelet (jusqu'en 1782), chez André (de 1782 à 1791), in-32.
2 Voir Lettre de Simon à M. Sainton, imprimeur-libraire à Troyes, datée de Paris, 26 août 1787 (3 pages mss. in-8°. Bibl. de Troyes, lias. n° 2770), où Simon dit n'avoir pris aucune part à la rédaction de l'Almanach de 1788 et prie M. Sainton de le suppléer, — Voir aussi l' Avis de l'Almanach de 1789, où l'éditeur réclame la collaboration de ses lecteurs, son dernier rédacteur lui ayant déclaré " qu'il ne s'engageait que pour cette fois. » — « Quelle préface que celle de l'Almanach, de 1789 ! dit Simon ; et mon nom se trouve au privilège; et les Battologues de vos petites rues me croiront de moitié dans cette sottise. » (Lettre de Simon à M. Sainton, Paris, 6 avril 1789; 4 pages mss. in-8°, Bibl. de Troyes, lias, n° 2770.) — L'Almanach parut encore en 1790 et 1791, cette dernière année sous le nouveau titre d' Almanach du département de l'Aube séant à Troyes.
3 E. Socard, Esquisse rapide sur la vie et les travaux littéraires de Courtalon-Delaistre (Annuaire de l'Aube de 1854,2e partie, p. 44).
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EDOUARD-THOMAS SIMON 309
« fidèle de son état annuel, de son régime tant ecclésias« tique que civil, des juridictions qu'elle renferme.... On « y trouvera les noms de toutes les personnes que leurs « dignités, charges et emplois rendent utiles au public, et « autant qu'on l'a pu, leurs adresses,.... les renseigne« ments de tous les bureaux publics et particuliers néces« saires au commerce et aux affaires privées; un détail « sur les foires, tant de la ville de Troyes que des lieux « circonvoisins 1. » La devise était : Et prodesse volunt (Horace).
Cependant, là ne se borna pas le travail des deux rédacteurs : désireux d'accroître l'intérêt de leur publication, et réclamant à cet effet les avis, les critiques même de leurs lecteurs 2, ils y ajoutèrent des articles littéraires ou historiques. Courtalon, chargé du calendrier et de l'état ecclésiastique, y inséra, entre autres, des fragments de sa Topographie historique du diocèse de Troyes, les Annales troyennes, etc.
Simon, outre la partie civile, y écrivit des articles très intéressants de littérature et d'histoire, tels que : Mémoire sur la vie et les ouvrages de Christians ou Chrétien de Troyes3 ; Mémoire sur la vie d'Edmond Auger, jésuite, confesseur de Henri III, prédicateur célèbre, etc. 4 : Supplément au mémoire sur la construction de la cathédrale inscrit aux Ephémérides troyennes de 1761 5; Mémoire sur la vie et les ouvrages de Pierre de Larrivey, champenois 6; Notice sur la vie et les ouvrages de
1 Almanach de Troyes de 1776, Avis préliminaire.
2 Voir Almanachs de 1778,1779, 1780.
3 Almanach, année 1779.
4 Id., année 1780. 5 Id., année 1783.
6 Id., année 1784.
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310 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
M. Grosley3, dont je reparlerai plus loin, etc. Il avait aussi projeté d'y insérer des contes, comme nous l'apprennent deux de ces productions en prose, restées manuscrites : La Musette et L'Ane retrouvé, fournies, note-t-il, par « les Mélanges tirés d'une grande bibliothèque, composés " sur les mémoires manuscrits de M. le marquis de « Paulmy 2. »
C'est encore Simon qui relatait, dans l' Almanach, les événements intéressants survenus pendant l'année précédente dans le diocèse : faits historiques, curiosités, nécrologies, fêtes, distributions de prix au collège et à l'école de dessin, etc., y sont passés en revue et accompagnés de détails, de commentaires et même de poésies qui en rendent la nomenclature plus attrayante.
IV
C'était alors la mode, parmi les poètes, de consacrer quelques vers à tous les faits notables dont ils étaient témoins. « Nos pères aimaient à y lire la description des fêtes qu'ils avaient vues, l'éloge des magistrats qu'ils avaient choisis, et le récit de ces petits événements qui ont tant d'importance en province. Ils en faisaient l'objet de leurs
1 Almanach, année 1787.
2 Pour l'Almanach de Troyes, Contes (mss. de 6 p. petit in-folio. Bibl. de Troyes, coll. A. Millard). — Voir aussi à la Bibl. de Troyes, dans cette même collection, une copie de la main de Simon, pour l'Almanach de Troyes, d'une Lettre adressée au rédacteur des Affiches de Champagne, le 9 août 1780, tirée des Affiches de Reims du lundi 25 septembre 1780 (Description du jeu de l'oie, 4 pages in-folio), non imprimée dans l'Almanach, et plusieurs lettres manuscrites adressées au rédacteur de l'Almanach de Troyes (coll. A. Millard et lias. n° 2770).
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EDOUARD-THOMAS SIMON 311
conversations, et riaient volontiers des querelles qui agitaient souvent ces frères par Apollon 1. »
On peut croire que la plume facile de notre poète ne fit pas défaut en ces occasions.
En 1771, Simon compose pour les chirurgiens de Troyes, à propos de la création d'une salle pour leurs démonstrations et leurs assemblées, une inscription que le défaut de ressources empêcha de faire graver 2.
En 1774, ce sont des Couplets faits au nom de la compagnie des Chevaliers de l'Arquebuse de Troyes au prixgénéral tiré à Saint-Quentin 3.
En 1775, une ode pompeuse : Les Beaux-Arts rappelés à Troyes par la reconnaissance, célèbre la création, par M. dé Brunneval, de l'Ecole royale gratuite de dessin en 17734.
Le 3 septembre 1776, Simon compose des vers " aux « manes de M. Finot, ancien juge-consul de la ville de « Troies, bienfaiteur de l'Ecole de dessin, » pour le monument élevé par les professeurs de l'Ecole, et Soumet à leur choix deux inscriptions, l'une française et l'autre latine; ils adoptèrent la dernière. Mais ce fut pour le poète l'occasion d'une critique anonyme où on lui reprochait
1 Jaquot, Fragments de littérature troyenne (Annuaire de l'Aube de 1871, 2e partie, p. 22).
2 Mélanges de littérature de Simon, art. 21, folio 8 : Inscription pour les chirurg. de Troies (Bibl. de Troyes, mss. n° 2759, in-4°, relié parchemin).
3 Dans L'Ami d'Anacréon ou Choix de chansons, par E. T. Simon (de Troyes). A Paris, chez T. Johanneau, Palais du Tribunat, an XII, MDCCCIV, 1 vol. in-16 (avec frontispice gravé).
4 A Troyes, chez Sainton, 1775, in-8°; réimprimée dans Les Muses provinciales, ou Recueil des meilleures productions du génie des poètes de France. Paris, Leroy et Royez, 1788,1 vol. in-16, — En voir l'analyse dans le Journal de Troyes du 20 février 1788.
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312 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
d'avoir fait par flatterie l'éloge de la richesse ; Simon; en d'autres vers, présenta sa justification 1.
Une autre fois, il célèbre la nomination d'un nouveau maire, M. Berthelin 2.
Ou bien, ce sont des Couplets patriotiques chantés à Troyes à une fête publique pour le mariage de six filles que le corps municipal avaient dotées, en 17803.
Le 31 août de la même année, l'ouverture de la nouvelle salle de spectacles, on récita un prologue en prose composé par notre compatriote : Le retour de Thalie4. « La scène est dans la salle des spectacles. » Pamphagus, « docteur en science assassine 5, » Tartuffe et le chevalier de Ventillac, gascon, viennent exposer à Thalie leurs griefs et la prier de leur épargner à l'avenir ses satires. Celle-ci, pour empêcher de se plaindre, les enrôle dans sa suite. " Réformer les moeurs, donner des « ailes au génie, amuser l'esprit 6, tels sont mes droits ;
1 Almanach de Troyes, année 1778 (p. 145 et suiv.), et dans les Mélanges de littérature de Simon, n° 76, f° 35 : Epitaphes de M. Finot.
2 Hommage des habitants de Troyes à M. Berthelin, nommé à la mairie en 17** (1780) (Poésies diverses, recueil manuscrit petit in-4°. Bibl. de Troyes, coll. A. Millard).
3 Dans L'Ami d'Anacréon.
4 Prologue récité à l'ouverture, de la Comédie, le 31 août 1780, dans la sale des spectacles de Troyes (mss. in-4°. Bibl. de Troyes, coll. A. Millard).
5 En qui toute la ville, dit Simon, « s'est plu à reconnaître.... un médecin connu à qui j'ai donné plus d'un chapitre dans mes oeuvres, et que rien ne corrige de sa méchanceté et de sa gloutonnerie. » (le docteur Collet). — Dans le Recueil manuscrit de poésies fugitives de Simon, se trouvent encore d'autres malices à l'adressé de confrères
confrères Contre un médecin assassin et empoisonneur (ép. 11); Sur deux médecins qui dirigeaient l'hôpital de T.... (ép. 168).
6 « Ceci, " note Simon, « est l'explication de l'inscription latine « que j'ai donnée et qu'on a mise sur le rideau du Théâtre : Mores, « ingenium, mentem, castigat, acuit, recreat. »
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EDOUARD-THOMAS SIMON 313
« exercez-les avec moi. Poursuivez le vice avec courage ; « livrez sans réserve au sel de la plaisanterie les travers « des hommes, mais épargnez leurs personnes. Que votre « gaieté ne dégénère jamais en licence; vous les ferez « jouir et vous jouirez avec eux. » Ils acceptent, et tout se termine par des couplets de vaudeville.
Naturellement, la muse de Simon se met aussi au service de ses amis : le 16 novembre 1785, entre autres, à l'occasion de la cinquantième année de mariage de « M. Louis « Jacquin, procureur ès-juridiction de cette ville, et de « Mlle Jeanne Lévesque; son épouse, » ses vers élégants rappellent l'histoire de Philémon et de Baucis :
C'est une belle fable, Mais nous voyons tous, Qu'ici deux époux La rendent véritable 1.
Mais l'événement local qui eut le plus de retentissement fut la discussion à propos de l'inscription à composer pour le cadran que l'Ecole de dessin avait fait poser à l'Hôtel de: Ville, en 1784. « Nos concitoyens, » dit Grosley, « s'évertuent pour l'orner d'une devise ou inscription d'autant plus difficile qu'ils y veulent faire entrer l'Hôtel de Ville et le siège de la juridiction consulaire, contigus à l'Ecole de dessin. Les Affiches troyennes sont chamarrées depuis
1 Signé : I. O., un des garçons de la noce (Journal de Troyes du 23 novembre 1785).— Cette pièce a été aussi imprimée séparément ; Couplets pour la célébration de la cinquantième année de mariage de M. Jacquin et de Mlle Lévesque, Troyes, 1785, une feuille in-4°, avec encadrement. — Reproduite également dans l'Ami d'Anacréon, sous ce titre : Pour un renouvellement de mariage au bout de la cinquantième année.— Il existe dans cet ouvrage plusieurs autres pièces du même genre : Pour un mariage dont les époux étaient veufs l'un et l'autre ; Epithalame; Couplets chantés par M. P..., le jour de son mariage ; chansons de fête, etc.
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314 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
quelque temps d'inscriptions et de devises relatives à cette intention 1. »
Simon entra dans la lice et envoya de Paris, où il demeurait alors, quatre inscriptions françaises accompagnées d'une lettre où il explique les motifs de sa préférence pour la langue nationale :
Dieu du jour et des arts, je mesure le temps; Ici l'on m'asservit, et je règne au-dedans.
De tous mes attributs j'embellis ce séjour; J'y préside aux beaux-arts et divise le jour.
Pères du citoyen, magistrats, commerçants, Beaux-Arts, auprès de vous je divise le temps.
Sous ces murs où Bazin a réglé ma carrière, De l'heureux citoyen on protège les droits ; Le commerce y maintient sa splendeur par les lois. Et j'y donne aux beaux-arts la vie et la lumière 2,
Les réflexions de Simon furent la cause d'une longue polémique avec un professeur du collège de Montaigu 3, M. Crouzet, partisan de la devise latine 4. Quoique purement philologique, la querelle devint assez vive, surtout de
1 Lettre au rédacteur du Mercure, publiée dans le Journal de Troyes du 6 avril 1785. Voir dans les numéros des 10,17 et 24 novembre, 1er et 8 décembre 1784 du Journal de Troyes les inscriptions proposées.
2 Journal de Troyes,du 24 novembre 1784.
3 Actuellement Lycée Louis-le-Grand.
4 Voir les numéros des 5 janvier, 15 et 22 juin 1785 du Journal de Troyes et dans la liasse de manuscrits n° 2770 (Bibliothèque de Troyes) le brouillon d'une autre lettre de Simon à M. Crouzet : Réponse, etc... Paris, 11 mai 1785 (2 pages pet. in-4°). Cette intéressante querelle a été, du reste, racontée en détail par M. Jaquot, dans ses Fragments de littérature troyenne (Annuaire de l' Aube de 1871, 2e partie, pages 31 à 37).
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EDOUARD-THOMAS SIMON 315
la part de M. Crouzet, mais ne réussit à convaincre aucun des deux adversaires. A quelle langue d'ailleurs donna-t-on la préférence? Maigre les recherches faites dans les ouvrages locaux, on ne connaît pas l'issue de cette querelle.
Tel ne fut pas toujours le genre de polémique de Simon, et, en présence de certaines attaques, il ne conservait rien de ce ton courtois qu'il garda jusqu'au bout avec M. Crouzet. Ayant été accusé déloyalement et avec violence, dans un journal janséniste, la Gazette ecclésiastique, d'avoir colporté, lors de son apparition (1771), l'ouvrage impie de Sissous de Valmire 1 : Dieu et l'homme, alors qu'il n'avait fait que le prêter à un jeune homme sur sa demande, Simon, d'ailleurs peu disposé par caractère à goûter les sombres doctrines des solitaires de Port-Royal, répondit par une lettre indignée, dont le début peut donner une idée : « Monsieur le Gazetier, vous êtes, sans contredit, le « plus plat écrivain du XVIIIe siècle, et vous seriez le plus « déterminé coquin du roiaume, si mon païs et quelques: « autres villes de notre France ne renfermaient pas dans « leur enceinte un assés grand nombre de vos semblables.» Il finit ainsi : « Aimez-moi si vous le pouvez; répondez« moi si vous l'osez 2. »
1 Pierre-Louis Sissous de Valmire, né à Troyes, en 1741, mort à Troyes, en 1819, était alors avocat du roi au présidial de cette ville. Son ouvrage fut condamné plus tard par l'Evêque de Troyes.
2 Dans les Mélanges de' littérature de Simon (n° 25, folio 10 : Dieu et l'homme, histoire de ce livre), où l'histoire est racontée tout au long. — Voir également à la Bibliothèque de Troyes (mss dé la collect. A. Millard) la copie autographe de cette pièce : Lettre à l'auteur de la Gazette ecclésiastique..... (fragment déchiré) répanduesdans la feuille du...... 1771, contre M. M. S. et S.... (4 pages
pet. in-4°).
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UN POETE TROYEN AU XVIII SIECLE
V
Cependant, en dehors de son almanach-annuaire, Troyes n'avait pas d'organe particulier de ses intérêts. Simon résolut d'en fonder un. « Le 1er janvier 1782 parurent les Annonces, Affiches et Avis divers de la ville de Troyes, capitale de la Champagne.... Les Annonces, imprimées chez Garnier le jeune et ensuite chez Sainton, paraissaient tous les mercredis de chaque semaine. On connaît aussi cette publication sous le nom de Journal de Troyes et de la Champagne méridionale. Comme les Affiches de Reims, le Journal de Troyes étaitplus littéraire que politique ; on y traitait cependant des questions de toutes sortessur les sciences, les lettres, l'administration. Il cessa de paraître le 15 novembre 1795 ; du moins, nous n'en avons plus trouvé trace depuis cette époque1.»
Simon en fut le principal rédacteur jusqu'en 1789, Il y insérait de temps à autre dès poésies de sa composition 2 : fables, épigrammes, madrigaux, voire même charades et logogriphes, et des lettres sur différents sujets : biographies de compatriotes 3, faits historiques4, ou questions scienti1
scienti1 Socard, Le Journalisme à Troyes, 1877, 1 broch. in-8°, p. 7. —Le premier titre : Annonces, affiches et avis divers, etc., subsista jusqu'au 12 mars 1783 inclusivement. A partir] de cette date, la gazette s'appela Journal de Troyes et de la Champagne méridionale.
2 5 en 1782; 4 en 1783, 3 en: 1784, 2 en 1785, 4 en 1786, 3 en ; 1788 et 2 en 1789, Deux de ces pièces, Ce que l'on aime et la Mécontente, ont été réimprimées dans l'Ami d'Anacréon.
3 Lettre à M. C. R. D. L. sur Balthazar Bailly (n° du 13 décembre 1782).
4 Réflexions sur un passage de l'histoire de Troyes (signées I.O.), à propos des prétendus miracles opérés à la Belle-Groix de Troyes, en 1561.
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fiques; comme cette lettre fantaisiste qu'il suppose écrite par un Turc à propos de l'expérience aérostatique faite à Paris le 27 août 1783, par MM. Faujas de Saint-Fonds et Charles, et à laquelle Simon avait assiste ; l'étranger craint pour sa patrie l'audace de ces Français : « Je ne puis « m'empêcher d'admirer et de redouter un peuple qui « d'une main dirige les événements de la terre, et de « l'autre saisit au sein du ciel même une portion du " pouvoir de la Divinité 1.» Naturellement, la médecine l'occupe aussi, et il consacre des articles tantôt à se défendre lui-même quand on critique le traitement qu'il a fait suivre à des malades 2, tantôt à recommander l'usage de certaines pratiques, comme celle de l'inoculation en cas de petite vérole 3, ou bien, au contraire, à combattre des remèdes de charlatans, afin de « préserver ses concitoyens « des malheurs attachés à la crédulité, » quitte à être cité en justice par l'inventeur du spécifique qui fut d'ailleurs condamné lui-même, avec défense de débiter son eau médicinale4.
Mais la littérature l'intéresse davantage, et il aime à prendre part aux discussions soulevées en cette matière. La question des Anciens et des Modernes n'était pas encore bien vieille; zélé défenseur des derniers, tout en restant admirateur des premiers et eu reconnaissant l'utilité de leur étude pour développer le goût personnel, il déclare hautement, à propos d'un Avis sur l'utilité des études latines,
1 Lettre turque d'Osmin-Gerra à son ami l'Iman Kissa-Ajack, (n° du 29 octobre 1783).
2 Découverte (n° du 28 mars 1787).
3 Réponse à une lettre insérée dans le n° 5 de ces Annales (n° du 24 avril 1782). — Sur le caractère de cette inoculation basée sur le même principe que la vaccine et apportée d'Orient en Europe vers 1673, voir Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, au mot Inoculation..
4 Voir n°s des 30 avril, 28 mai et 4 juin 1783.
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318 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
paru dans le journal en 1782 1, les motifs de sa préférence pour la littérature française 2; un anonyme y répondit, par une lettre mordante où les poésies mêmes de Simon étaient critiquées 3; une réplique de ce dernier protestant contre la façon dont il avait été jugé 4, et demandant ironiquement à son contradicteur de lui servir d'Aristarque, fut pour celui-ci l'occasion de renouveler ses satires 5.
La dispute se termina par une note de Simon, placée au bas de la lettre précédente; et déclarant que « son respect « et la crainte que la prolongation de cette insipide que« relie ne soit pour le public le néant de l'ennui ont déter« miné Philotime à garder le silence. Il a lu quelque « part que le champ de la littérature était comme un beau « jardin dans lequel il ne germe pas une plante qu'il n'é« close en même temps une chenille pour la sucer : et « Philotime ne veut point priver Phylalèthe de l'avantage « d'être sa chenille 6. »
C'était le prélude de la fameuse discussion racontée plus haut au sujet de l'inscription du cadran de l'hôtel de ville.
1 N° du 3 avril 1782.
2 Lettre du 5 avril 1782 (signée : Philo-Gallicus) (n° du 10 avril 1782):
3 Lettre à un ami (non signée) (n° du 8 mai 1782).
4 A l'auteur anonyme de la Lettre à un ami (signée : Simon, chirurgien) (n° du 15 mai 1782).
5 Lettre à Philotime (signée : Phylalèthe) (n° du 19 juin 1782).
6 C'est probablement pour ce censeur que Simon fit l'epigramme suivante
Tu n'admires, Criton, que nos anciens auteurs, Et les morts seuls ont droit à tes faveurs. Tant pis, tu ne vaux pas, je le dis sans mystère, Que je me fasse enterrer pour te plaire.
(Epig. 475 dans Recueil manuscrit de poésies fugitives).
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EDOUARD-THOMAS SIMON 319
VI
Tous ces travaux combinés n'empêchent pas Simon d'exercer avec distinction l'art médical, et comme praticien et comme professeur d'anatomie à l'Ecole de chirurgie de Troyes, puis de prendre en 1783 sa licence en droit et le titre d'avocat au Parlement de Paris ; et en 1785 le bonnet de docteur en médecine.
Et, au milieu de ces occupations multipliées; il trouve encore le moyen de produire d'autres ouvrages, et de se tenir au courant du mouvement littéraire et des questions agitées en dehors de sa ville.
Le Journal de Paris reçut souvent et sur les sujets les plus divers des communications de notre compatriote. Tantôt c'est une lettre émettant des doutes sur la réalité des phénomènes de palingénésie 3, tantôt des recherches historiques sur l'origine des gilets à ramages 2; ou bien c'est la rectification d'une date erronée donnée par le marquis de Paulmy, dans ses Mélanges tirés d'une grande bibliothèque à la première traduction des Discours sur Tite-Live, de Machiavel 3, ce qui lui valut, de la part du marquis de Paulmy, une lettre de remerciements 4.
1 En réponse à une lettre de l'abbé de St L*** (l'abbé Mercier de Saint-Léger, chanoine régulier de Sainte-Geneviève), parue dans le Journal de Paris du 19 janvier 1781. — Voir Mélanges de littérature de Simon, n° 166, f° 110 : Sur la Palingénésie, et art. Palingénésie dans Simoniana (Recueil de pièces mss. de tous formats, en deux cartons in-8° Bibl. de Troyes, coll. A. Millard).
2 Journal de Paris, n° du 28 octobre 1787, et Journal de Troyes, n° du 14 novembre 1787.
3 Journal de Paris, n° du 21 juin 1781, et dans les Mélanges de littérature de Simon (n° 167, f° 113 : Erreur de M. le marquis de Paulmi).
4 Réponse de M. le marquis de Paulmy à ma lettre du 13 juin 1781, mise dans le Journal de Paris du 80 du même mois (Mélanges de littérature, n° 467).
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Une autre fois, il répond à une lettre adressée au rédacteur des Feuilles de Flandre, sur la traduction d'un passage ambigu d'Horace 1. Ou bien, à propos du sonnet de Malleville La belle matineuse, il se livre à une étude comparée sur les différents poètes qui ont traité ce sujet. Une épigramme du poète latin Catulle avait fourni la matière du concours entre Voiture et Malleville ; on sait que celui-ci l'emporta. Cependant, dit Simon, il « n'est qu'un traducteur très inférieur à Antoine-François Rainieri, poète italien, qu'il a imité, » et, en faisant ressortir la supériorité de ce dernier, il met sous les yeux du lecteur les poésies de chaque auteur 2.
Voulant s'essayer dans tous les genres, il avait encore écrit à cette époque une tragédie en cinq actes : Achille (en 17 78), et une comédie en deux actes en vers : L'avantageux (en 1779). « Je ne crois pas ces deux pièces imprimées 3, »
1 Dans la 8e ode du 3e livre :
Negligens, ne qua populus laboret, Parce privatus nimium cavere; ac Dona proesentis rape loetus horoe, et Linque severa.
Simon, avec justesse, pense que le mot privatus, objet de la difficulté, doit être pris dans.le sens conditionnel, et traduit ainsi : « Simple particulier, quittez les affaires, ne vous livrez point à des. soins excessifs pour les besoins du peuple, et, fuyant les occupations sérieuses, saisissez parmi les plaisirs la faveur du moment qui vous luit..» Il ajoute que Lambin, le savant commentateur d'Horace, Jean Boud et M. de Martignac sont du même avis. (Feuilles de Flandre; n° du 3 mars 1784, et dans Simoniana : Horace, question,de littérature latine à l'occasion d'un passage de ce poète.) C'est aussi la traduction de Léon Halévy dans l'édition Pankoucke.
2 Dans les Mélanges de littérature, n° 84, f° 41 : Sur le sonnet de la belle matineuse. Dans Simoniana se trouvent encore d'autres études comparatives du même genre : Racine et Ronsard ; - La Fontaine, remarque sur une fable de ce poète (La laitière et le pot au, lait, dont la source doit être un conte de Nicodème Solengi : De Luchinâ paupere), etc.
3 A. Beuchot, Bibliographie de la France (année 1825, p. 208). — La première seule de ces deux pièces existe manuscrite à la Bibliothèque de Troyes (coll. A. Millard), deux copies, petit in-4°, dont une avec corrections.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 321
mais la première fut « jouée à Troyes 1. » En voici le sujet :
Les Grecs viennent de prendre Troie, et Achille, pour venger la mort de son ami Patrocle, a tué de sa main le fils de Priam. Mais, par une cruelle ironie du destin, il est soudain tombé amoureux de la soeur d'Hector, Polixène, et cette passion fait son tourment; comment peut-il espérer d'être jamais son époux, lui, le meurtrier de son frère! Seule, la raison politique pourrait conclure une union qui répugne tant à la nature. Aussi, quand Hécube en pleurs vient réclamer au vainqueur le corps de son fils, et tâcher de le fléchir par la peinture de ses malheurs, Achille déplore les cruelles extrémités où l'a poussé la guerre, et propose à la pauvre mère un moyen de finir toutes ces calamités : qu'elle lui accorde la main de Polixène en échange du corps d'Hector. On conçoit l'étonnement douloureux d'Hécube ; sa suivante Erixe l'engage pourtant à ne pas exaspérer Achille par un refus ; après tout,
Ce n'est point un amant qu'on doive dédaigner.
Hécube a beau se désoler, elle sent bien qu'il faudra pour un instant faire taire sa haine et se résigner à cette dure nécessité. D'ailleurs, elle n'aura pas à vaincre les répugnances de sa fille : elle aussi, la malheureuse Polixène, brûle en secret d'un amour criminel, et son coeur, plein de l'image d'Achille, parle plus haut que sa conscience et sa raison. Cependant, quand le chef grec vient en personne lui annoncer ses projets, cet aveu d'un amour partagé, loin de la réjouir, l'irrite; l'amour de la patrie et de son frère se
4 Note de Simon sur une des deux copies manuscrites. — Cette tragédie fut probablement encore présentée à un autre théâtre, ainsi que semble l'indiquer cette autre note : « La pièce a été examinée, l'on y a trouvé des choses bien faites, mais elle n'est pas en état d'être jouée. "
T. LIII 21
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ranime en elle, et elle éclate en reproches amers contre celui qu'elle est forcée de maudire, alors qu'il lui serait si doux de l'aimer sans remords : l'union qu'il lui offre n'estelle pas pour elle le plus sanglant outrage ?
Ah! ne me forcez pas à détester ma gloire!
s'écrie Achille : qu'il l'eût sacrifiée de bon coeur, et à quelles faiblesses ne fût-il pas descendu s'il l'eût connue plus tôt ! Tout à coup Hécube paraît; la tendresse maternelle a vaincu : pour obtenir le corps de son fils, elle consent à toutes les humiliations.
Achille, au comble de ses voeux, n'ose pourtant trop se réjouir, ne voulant devoir qu'à l'amour le coeur de Polixène, et celle-ci, de son côté, est assaillie de nouveau par ses remords ; puis, que va dire son frère Paris ? Il arrive furieux : il a rencontré sa mère en pleurs, et il soupçonne Achille d'avoir encore causé ces larmes ; quand donc enfin aura-t-il disparu de ces lieux? Il faut bien lui apprendre qu'il ne partira pas et que la paix est conclue. — Quoi ! à son insu? à quel prix au moins? Hélas ! après bien des hésitations, la pauvre Polixène l'avoue en tremblant : « Je l'épouse, » dit-elle, et elle ajoute plus bas : « Je l'adore. » Les imprécations de Pâris éclatent terribles, les remords et la douleur écrasent Polixène:
Tu gémis : Ah ! ma soeur!
L'horreur qui me suffoque a passé dans ton coeur.
Brise d'indignes fers, renonce à son amour, Et sois digne du sang qui t'a donné le jour!
La malheureuse implore son pardon et se soumet pour l'obtenir à tout ce qu'il voudra.
Arrache-moi d'ici, profite d'un moment, Saisis mon désespoir, saisis mon trouble extrême, Sauve-moi de l'amour, de mes voeux, de moi-même. Cruel! es-tu content? je fais ce que tu veux. Mais qu'il en coûte, hélas! pour être vertueux !
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EDOUARD-THOMAS SIMON 323
Dans là demeure d'Achille, les mêmes combats se livrent, et son confident Tercé lui représente les répugnances morales et les inconvénients politiques d'un pareil mariage. La déception sera complète : Polixène elle-même vient, le coeur brisé, apprendre à Achille que, malgré qu'elle l'aime, elle ne peut consentir à cet hymen. L'impétueux guerrier n'en veut pas entendre davantage : on sentira le poids de sa vengeance. Pauvre Hécube, elle va apprendre de la bouche de sa fille la ruine de ses espérances, en même temps que l'aveu d'un amour qu'elle avait pris pour de la résignation : tous les malheurs l'accablent donc! Hélas! les douleurs ne sont pas épuisées; il en reste une, la plus cruelle, que vient annoncer la suivante Erixe : Achille, dans sa fureur, a attaché à son char le corps d'Hector et l'a traîné tout déchiré autour des murs de Troie. A ces horribles détails, Hécube s'évanouit, Pâris court venger son frère, et l'infortunée Polixène ne peut que prier les dieux de sauver à la fois son frère et son amant.
Cependant, Achille, rentré dans le palais et réfléchissant sur sa conduite, commence à se repentir de sa cruauté ; et, rencontrant Polixène, il se jette à ses genoux en implorant son pardon. Mais l'offense est trop grande, la jeune fille ne veut rien écouter :
Je déteste tes pleurs, j'abhorre tes regrets, Ta haine, et ton amour plus cruel que ta haine. Va porter loin de moi ta tendresse inhumaine.
Et de nouveau Achille ne respire plus que vengeance : heureusement Tercé est là pour modérer ce bouillant caractère et le supplier de donner au moins à son sang le temps de se calmer.
De l'amour à la haine on vient plus lentement. Vous l'aimez.
ACHILLE.
Hé! voilà son crime et mon tourment! Qu'il songe au moins à la postérité et ne souille pas sa gloire.
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324 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
— Achille se laisse enfin fléchir : son coeur, malgré tout, parle impérieusement, et l'arrivée d'Hécube en pleurs, venant implorer sa pitié et son pardon, ajoute encore à ses remords. Il oubliera tout et lui donnera ce qu'elle désire, pourvu qu'on lui accorde Polixène; sinon, il ne répond plus de son ressentiment. L'amour maternel d'Hécube se soumet à tous les sacrifices.
Rien ne l'intéresse plus désormais que les derniers devoirs à rendre à son cher Hector; le mariage de sa fille ne peut l'arracher à ses tristes pensées, et le seul enfant qui lui reste, Pâris, loin de consoler sa douleur, ne fait que l'augmenter : il lui reproche de ne l'avoir pas laissé faire; il aurait vengé Hector, ou du moins serait mort glorieusement. L'indignation aveugle le guerrier, et, à la fin, n'y tenant plus, entendant les chants de fête, il s'élance au dehors, malgré les supplications de sa mère,
Je veux troubler au moins cette joie inhumaine.
Des cris de fureur et d'effroi viennent bientôt augmenter les angoisses d'Hécube. Un officier troyen lui apprend ce qui se passe : Pâris s'est précipité sur Achille et l'a percé de son javelot, et les guerriers des deux nations se sont rués les uns sur les autres; Polixène, toutefois, a été respectée et est vivante ; mais
Pleurant sur son époux, tremblante pour un frère, Le coeur de toutes parts ouvert à la misère, Triste, désespérée, elle appelle la mort.
Des soldats apportent Achille mourant, suivi de son fidèle Tercé; il implore une dernière fois le pardon d'Hécube, puis demande Polixène pour pouvoir expirer sur son coeur. Hélas! Tercé a beau vouloir déguiser la vérité, il faut bien lui avouer à la fin qu'elle aussi a été tuée dans la mêlée : les Troyens ont voulu frapper en elle l'épouse de leur ennemi :
C'est de moi qu'est encor parti ce nouveau crime.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 325
s'écrie Achille; la douleur lui rend quelques forces et il se dresse encore menaçant, mais il retombe bientôt et expire, laissant à son ami le soin de le venger.
Telle est cette première oeuvre dramatique de Simon ; si elle n'a pas les qualités plus originales que nous trouverons dans ses comédies, ni dans les situations tragiques la chaleur et la vigueur nécessaires pour les faire valoir, les caractères toutefois sont bien tracés et le développement en est heureux et intéressant.
VII.
En 1784, Simon avait perdu sa femme; il résolut alors d'abandonner l'exercice de la médecine pour se livrer entièrement à la littérature et, dans ce but, il alla en avril 1787 se fixer à Paris. Cette même année, il publia un volume intitulé : Galanterie française, hommages de famille, d'amitié et de société1, « uniquement composé de complimens, de bouquets d'étrennes, etc., pour toutes les occasions 2, et réimprimé plusieurs fois dans la suite, sous le titre aussi de Bouquets de famille.
Il collabora encore à la Bibliothèque choisie de contes, facéties, bons mots, etc. 3. On trouve dans cette compilation des morceaux anonymes traduits du grec et du latin, de l'italien et de l'anglais. Plusieurs ont été composés en français, entre autres Clémence d'Argiles, par Simon de Troyes;
1 C'est le titre que lui donne Simon dans la lettre où il l'annonce à M. Sainton (Paris, 3 novembre 1787, 4 pages mss. in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770). A. Beuchot, dans la Bibliographie de la France (année 1825, p. 208), l'appelle Galanterie française, recueil de complimens, Paris, Royez, 1786, 1 vol. in-18.
2 Paris, le 3 novembre 1787 (Lettre mss. de Simon à M. Sainton, 4 pages in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
3 Paris, Royez, 1786 et années suivantes, 9 volumes in-8° et in-12.
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326 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
.... dans les tomes 3e et 4e, les Affections de divers amans, ouvrage nouvellement traduit du grec (ou plutôt composé en français l), par le même.. .. Les tomes 6e et 7e renferment des Contes traduits de Boccace, de Baligant 2, etc., » également par lui.
D'ailleurs, la langue italienne lui était familière, et il se complaisait à l'étude des écrivains qui l'ont illustrée autant qu'à celle des auteurs grecs et latins, jusqu'à s'exercer, comme on l'a déjà vu, — à l'art ingrat de la traduction, — art difficile entre tous, exigeant de celui qui s'y livre assez de conscience et de patience pour se rendre, coûte que coûte, esclave de l'idée d'autrui dans la recherche du mot propre, unique, qui en soit la fidèle expression. Réussir dans ce travail laborieux, faire difficilement de la prose facile, et, de plus, marquer de son cachet personnel cette traduction d'une pensée étrangère, c'est faire oeuvre d'artiste; c'est le mérite de Simon, dans le Choix de poésies traduites du grec, du latin et de l'italien, contenant la Pancharis de Bonnefons, les Baisers de Jean Second, ceux de Van der Does, des morceaux de l'Anthologie et des poètes anciens et modernes avec des notices sur la plupart des auteurs qui composent cette collection 3.
1 Simon, dans un ouvrage manuscrit intitulé : Notices sur différents auteurs (mss. petit in-folio relié en parchemin. Bibl. de Troyes, coll. A. Millard), consacre un article à l'auteur des Affections (Parthénius de Nicée, ancien auteur grec existant au commencement du siècle d'Auguste) et ajoute : « J'ai paraphrasé en 1786 douze des
contes de Parthénius ; elles (sic) composent une grande partie
des Contes grecs dans la Bibliothèque de contes, facéties, impr. chez Royez, à Paris. La Révolution, en suspendant les travaux littéraires, m'empêcha d'achever cet ouvrage. "
2 Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes (3e édit., 1er vol., p. 411).
3 Par M. E. T. S. D. T., Londres (Cazin), MDCCLXXXVI, 2 vol. in-18 (frontispice gravé. — Quelques-uns de nos compatriotes figurent dans ce recueil : F. Le Duchat avec six poésies, Passerat avec quatre
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EDOUARD-THOMAS SIMON 327
On a relevé quelques inexactitudes dans les notices : par exemple, d'après Simon, « les Catalectes furent publiées pour la première fois par J. Scaliger, avec un appendice des oeuvres de Virgile, et imprimées à Lyon en 1573. Or, le Virgilii appendix, donné par J. Scaliger en 1573, n'est qu'une réimpression des Catalecta imprimés plusieurs fois dans le xve siècle 1. » Mais c'est là faute légère, et c'est le cas d'appliquer la réflexion du poète :
Ubi plura nitent in carmine, non ego paucis
Offendar maculis.
« Peut-être objectera-t-on, » dit Simon, « qu'une traduc«
traduc« en prose de poésies légères affaiblit le mérite des
« sujets : je ne m'amuse point à discuter cette question
« rebattue. Que ceux qui ne connaissent que leur langue
« maternelle goûtent quelque satisfaction à lire sans diffi«
diffi« des morceaux agréables dont la jouissance leur était
« interdite ; que nos poètes faciles et superficiels, qui n'ont
« qu'un commerce très borné avec la vénérable antiquité,
« découvrent dans cette collection quelque diamant brut
« qu'ils mettront en oeuvre : voilà le seul prix que j'attache
« à ma production et la seule gloire que j'ambitionne 2. »
Il a atteint son but. Encore estimé aujourd'hui, et pour son
mérite littéraire et pour sa jolie édition, cet ouvrage, l'un
des principaux de notre poète, accrut sa réputation et fit
mieux connaître le côté gracieux et fin de son talent. Un
de ses compatriotes, Joly de Saint-Just, lui écrivait :
et N. Bourbon l'ancien avec deux. — Voir dans Simoniana la traduction d'une pièce de Bonnefons supprimée : Délire voluptueux (Pancharis, Baiser 33e). « Le censeur de mon Choix de Poésies érotiques traduites, etc., imprimé en 1786, chez Cazin, a retranché cette pièce. »
1 Biographie universelle ancienne et moderne, Paris, Michaud, 1825; art. Simon, signé A. Beuchot (tome 42e, p. 388 et suiv.).
2 Avis préliminaire.
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328 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
Du matin la fraîche rosée Distille un parfum moins flatteur, Le miel que l'abeille empressée Cherche sur le sein d'une fleur Des pleurs de l'Aurore arrosée N'eut jamais autant de douceur. 1
Disons plus simplement qu'il était difficile de rendre dans un style plus élégant les tendres peintures et le charme des modèles. Nous aurons encore l'occasion d'admirer ces qualités délicates sous une forme plus personnelle, dans ses poésies légères.
VIII
Même au sein de la Capitale, Simon, qui d'ailleurs était toujours rédacteur de l' Almanach et du Journal de Troyes, gardait au fond de son coeur l'amour du pays natal, et, à la mort de l'auteur des Éphémérides troyennes, il publia une Notice sur la vie et les ouvrages de M. Grosley2. Cette
1 Poésie à M. S. de Troyes sur sa traduction des Baisers de Jean Second, de Fontano, de la Pancharis de Bonnefons (Journal de Troyes du 19 juillet 1786).
3 S. l., 1786, in-8°, et dans l'Almanach de Troyes de 1787. Notice réimprimée en 1811 avec des notes en tête des Mémoires historiques et critiques pour l'histoire de Troyes, par Grosley (édition Sainton, en 2 vol. in-8°, achevée en 1812), et séparément en une brochure in-8° de 26 pages : Notice sur la vie et les ouvrages de Grosley, par M. Simon, professeur d'éloquence latine de la Faculté des Lettres de l'Académie de Besançon, membre de plusieurs sociétés littéraires, à Troyes, chez Sainton, 1812. — Cette notice fut publiée aussi dans l'Esprit des journaux de juin 1786 (p. 247 à 265). Voici ce qu'en dit l'abbé Maydieu dans sa Vie de M. Grosley, Londres et Paris, MDCCLXXXVII (p. 301 et 302) : " M. Simon, auteur du Journal de Troyes, citoyen que M. Grosley honoroit d'une considération méritée par beaucoup d'esprit, de connaissances littéraires et de talens, joints au savoir, à l'expérience et au désintéressement qu'il porte dans la pratique de la chirurgie, profession à laquelle il a bien voulu se borner jusqu'ici, est le seul qui, dans l'Esprit des Journaux du mois de juin de cette année, ait fait connoître tous les ouvrages de notre auteur et lui ait rendu la justice qu'il devoit en attendre. »
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EDODARD-THOMAS SIMON 329
biographie de l'humoristique littérateur, dictée par l'admiration respectueuse d'un de ses plus célèbres compatriotes, nous donne quelques renseignements sur les relations des deux écrivains. Je ne puis mieux faire que de laisser sur ce point la parole à Simon lui-même.
J'ai parlé du mécontentement de Grosley à l'apparition de la Topographie historique de Courtalon. Cette humeur, « il la manifestait également contre tous ceux dont, les tra« vaux lui semblaient dirigés au même but que les siens, et « ce fut par cette impulsion qu'un mois avant son trépas, « il légua par son testament à mademoiselle Collot, qui « demeurait chez lui à titre de confiance, tous ses manus« crits, jusqu'aux moindres brouillons. » La veille de sa mort, il prenait encore des précautions de ce genre. « L'auteur de cette Notice n'y était pas étranger. Quelque « confiance que lui témoignât le moribond, quoiqu'ils « fussent l'un et l'autre dans l'habitude de causer sur diffé« rentes matières d'érudition littéraire, jamais l'auteur des « Ephémérides n'avait rien communiqué au rédacteur de « l'Almanach de la ville de Troyes de ce qui pouvait con« tribuer à éclaircir quelque point de son histoire et de « celle de ses hommes célèbres. Cependant, ce dernier lui « donnait assez souvent, et avec franchise, des renseigne« ments qui n'ont point été inutiles à ses travaux. M. Gros" ley était intraitable sur cet article. Il échappait à l'enquête « la plus adroite par un faux-fuyant. S'il traitait l'auteur « de cette Notice avec plus de bienveillance et de ména« gement, c'est que, malgré les tentatives de ce dernier « dans le même genre que le sien, il croyait le voir plus « disposé à s'égayer avec Thalie qu'à s'asseoir sur le banc " de la sévère Clio; et, par conséquent, il présumait que « son émulation n'avait rien de redoutable. Il avait raison, « jamais il ne serait venu dans l'esprit d'un écrivain jaloux « comme je l'étais de contribuer à la gloire de mon savant « compatriote, de coudre un oripeau à l'étoffe brillante
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330 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
« fabriquée de la main d'un ouvrier de ce mérite1.» Aussi, quand un écrivain moins scrupuleux, l'abbé Maydieu, chanoine de Troyes, profitant d'une circonstance qui lui avait livré pour quelque temps les papiers de Grosley, se fit l'historien parfois peu exact de ce dernier en publiant; et en continuant son manuscrit : Commentarii de vitâ meâ2, il faut lire là-dessus les appréciations de Simon 3 : « Je ne « doute point que cet ouvrage ne fasse sensation à Troyes, « mais j'en suis fâché pour la mémoire de M. Grosley ; les « minuties de sa jeunesse dont il a voulu rendre compte à « l'imitation de J.-J. Rousseau, de qui les mémoires ont, je « crois, été connus à l'époque où l'historien de M. Grosley « prétend qu'il a rédigé les siens, ne méritent pas d'occu« per la plume d'un homme de lettres ni les loisirs d'un « lecteur curieux de bonnes choses. Plusieurs personnes de « votre pays ne seront pas même flattées de s'y reconnaître « ou d'y entendre citer des gens de leur connaissance, « morts ou vifs.
« Cette vie, dans la partie des Mémoires du héros, ne « fera qu'ajouter un trait plus vif au caractère de singula« rité dont il était entiché; mais quand on lira, après lui, « ou à côté de ses phrases forcées, mais serrées, pleines « de choses, durement écrites, mais vives, animées, faisant « tableau, peignant avec énergie, chargeant même les « objets d'un trait grotesque qu'il portait dans sa physio« nomie et dans toutes ses actions; quand, dis-je, on lira « ensuite les phrases cruelles, longues, ampoulées, char1
char1 (édit. des Mémoires historiques), p. XXXII et XXXIII.
2 Vie de M. Grosley écrite en partie par lui-même, continuée et publiée par M. l'abbé Maydieu, chanoine de l'Eglise de Troyes en Champagne, Londres et Paris, MDCCLXXXVII, 1 vol. in-8°.
3 Lettre de Simon à M. Sainton, datée de Paris, 22 juin 1787. (Copie manuscrite de la main de l'abbé Hubert, ancien bibliothécaire de la ville de Troyes, à la suite d'un exemplaire de la Vie de M. Grosley par l'abbé Maydieu. Bibl. de Troyes.)
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EDOUARD-THOMAS SIMON 331
« gées d'épithètes ou de superlatifs de son historien, on « jettera le livre avec dégoût.
« Il faut que M. Maydieu ait furieusement compté sur « l'indulgence des lecteurs pour imaginer qu'à la faveur « de quelques traits appartenant à M. Grosley, il leur ferait « avaler ses déclamations fades et exagérées, et surtout ses « continuelles répétitions ; qu'il grossirait impunément un « volume des deux tiers de sa substance avec des extraits « d'ouvrages connus qui sont entre les mains de tout le « monde, qu'on a depuis longtemps lus, jugés, appréciés « avec infiniment plus de goût, de choix et de critique que " lui; Je ne vois dans tout ce volume, indépendamment de « ce qui est propre à M. Grosley et sorti de sa plume, que « l'orgueil de l'abbé qui s'accroche à l'auteur comme un « rat à une bande de lard pour former son embonpoint de « la substance qu'il dévore. Il ment effrontément en s'an« nonçant l'ami, la liaison de M. Grosley, avec lequel il « n'a jamais eu l'intimité qu'il affiche; il ment encore « davantage et il vole en s'emparant de ses manuscrits, qui « ne lui ont été confiés que pour les remettre à Mlle Collot, « afin que dans les troubles que met ordinairement la jus« tice dans les actes de successions, ces tributs littéraires, « auxquels M. Grosley attachait quelque importance, ne « tombassent pas en propre à tous les officiers subalternes « qui dilapident les effets d'un testateur.
« Il est à souhaiter que Mlle Collot ne laisse pas le reste « entre les mains de M. Maydieu, car, s'il traite les autres " objets confiés avec la même prolixité, il achèvera de dis« créditer la mémoire de M. Grosley, que son testament a « déjà cruellement dépréciée. »
IX
Cependant la réputation de Simon s'étendait. En 1788, on applaudit, à une assemblée publique du Musée de Paris,
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332 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
dont il était secrétaire-adjoint, un nouvel ouvrage de sa composition : Les Brochures, dialogues en vers entre un provincial et un libraire1. Le titre sert de motif à l'auteur pour passer en revue, sous une forme enjouée, les nouvelles publications et les travers de l'époque. Tour à tour les avocats, les sorciers, le mesmérisme, etc., sont les objets de sa satire; mais en critiquant les erreurs, il ne néglige pas l'occasion de louer les artistes qui sont l'honneur de la patrie, et il termine en célébrant les réformes qu'on va introduire dans l'administration.
La même année, le théâtre de la Montansier 2 représenta une pièce dé sa composition : L'A-propos de la nature ou le Dédit confirmé, comédie en un acte meslée d'ariettes 3, avec musique de Foignet. En voici le sujet : Mr Bernard, procureur du roi, voudrait marier sa fille Colette à un jeune fermier du village, Justin, qu'elle aime de tout son coeur. Mais telle n'est pas la pensée de Mme Bernard, qui désire une union plus relevée avec M. Pesant, fils de l'ancien bailli du village. En vain son mari lui fait-il remarquer la sottise de son préféré, elle ne souffre pas qu'elle ait tort : Colette obéira et épousera M. Pesant. Aussi, quand il se présente, elle fait tous ses efforts pour décider sa fille à lui adresser quelques mots aimables, mais c'est peine perdue. Et cependant, les paroles gracieuses qu'elle ne trouve pas pour lui, Colette saura bien tout à l'heure les dire à Justin, mélan1
mélan1 M. S*** De M. — Paris, 1788, brochure in-8° de 75 pages, réimprimée dans le tome III des Satiriques du XVIIIe siècle.
2 Aujourd'hui théâtre du Palais-Royal.
3 D'après le manuscrit original de Simon (mss. petit in-4° de 77 pages. Bibl. de Troyes, coll. A. Millard). — La Bibliographie de la France (année 1825, p. 208), lui donne le titre de : L'A-propos de la nature ou la Boiteuse, comédie à ariettes, musique de Foignet, 1788. — Simon a reproduit, dans l'Ami d'Anacréon, trois ariettes et une romance tirées de cette comédie. Cette pièce a été quelquefois attribuée à tort au compositeur Victor Simon.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 333
gées toutefois de tristes appréhensions, car elle prévoit bien qu'il lui faudra quand même en passer par les volontés de sa mère. Sur ces entrefaites, une jeune fille de Paris, Louison, vient avec son père, M. Pique, s'adresser au procureur pour obtenir justice : elle se plaint d'avoir été séduite par M. Pesant, qui lui a promis en retour de l'épouser ou de lui payer un dédit de 20.000 fr. ; les pièces sont en règle, elle en demande l'application. M. Pesant a beau faire semblant de ne pas reconnaître Louison et traiter d'imposture cette ennuyeuse réclamation, il faut se soumettre au décret de l'huissier : payer ou épouser. Quel embarras! Mme Bernard commence à ouvrir les yeux et à délaisser son favori : il faudra donc qu'il épouse Louison; la vue de son jeune enfant l'y décide.
Oui, je sens bien qu'à sa promesse On voudrait manquer quelquefois, Mais là nature et la tendresse Ne perdent jamais de leurs droits.
Colette et Justin seront heureux.
Cette petite comédie est agréablement traitée. Mais où Simon excelle, c'est dans la poésie fugitive. « Il semblait, « au XVIIIe siècle, que Troyes, fière d'avoir produit Thibaut, « comte de Champagne, le premier connu des chansonniers " français, et Passerat, qui excellait dans le même genre, « voulût soutenir son ancienne réputation. 1» Antoine Belly, Regnault de Beaucaron, Joly de Saint-Just, et au premier rang Simon, pour ne citer que les principaux, forment une joyeuse troupe de poètes dont on admire partout la verve et la grâce.
« A cette époque, il existait dans la ville d'Arras une « célèbre confrérie de chansonniers qui s'intitulait : Société « anacréontique des Rosati,. dont Robespierre, chose
1 Jaquot, Fragments de littérature troyenne (Annuaire de l'Aube de 1871, 2e partie, p. 28).
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334 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
« étrange, était un des principaux membres. C'était un « honneur d'y être admis comme correspondant. Deux de « nos poètes obtinrent cet honneur : le premier fut Re« gnault de Beaucaron, en 17871.... Simon de Troyes « obtint son diplôme peu de temps après 2. » On y dit :
Nous dont le nombre est huit fois six (Ce nombre-là n'est point précix) Vu que le dieu du Pinde octroye Ses faveurs à Simon de Troye.
Témoin certains couplets gailliards Où sa Muse, pourtant honnête, Contente à la fois les regards De la prude et de la coquette.
Vu surtout qu'aimable docteur, Il donne le vin pour recette, Et que son doigt fait de Lisette Avec lé pouls battre le coeur.
Avons décidé, décidons
De vous élire pour confrère. 3
« Les statuts des Rosati étaient fort simples et fort simple « aussi la cérémonie d'admission. Le récipiendaire se pré« sentait devant la Société sous un berceau orné des bustes « de La Fontaine, de Chapelle et de Chaulieu. On lui « offrait une rose dont il respirait trois fois le parfum, puis « il l'attachait à sa boutonnière. Une coupe de vin rosat lui « étant présentée, il la vidait en l'honneur de la compa« gnie. Après quoi on lui délivrait un diplôme auquel il « répondait par des couplets 4. » En cas d'absence du réci1
réci1 dans le Journal de Troyes (n°s des 7 et 14 novembre 1787), le Diplôme de Rosati à M. Regnault de Beaucaron, et sa réponse.
2 Jaquot, ouvrage cité, p. 28.
3 Diplôme de Rosati pour M. Simon de Troyes (Journal de Troyes, n° du 28 novembre 1787).
4 Les Rosati d'Arras, par Hyppolyte Carnot, membre de l'Institut (Magasin pittoresque de 1886, p. 331).
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EDOUARD-THOMAS SIMON 335
piendaire, on suppléait à cette cérémonie par trois couplets analogues; Regnault de Beaucaron se chargea de ce soin envers son nouveau confrère 1, et Simon remercia en ces termes ses collègues de l'honneur qu'ils lui faisaient :
Ainsi vous couronnez de roses Un front méconnu d'Apollon; Ainsi parmi vos virtuoses Vous daignez admettre mon nom.
Vous me destinez une place Sous des berceaux qu'Anacréon, Théocrite, Catulle, Horace, Auraient pris pour leur Panthéon.
Ah! que ne puis-je sous vos treilles, Armé du verre consacré, Faire fumer de cent bouteilles Un nectar pur et coloré !
Si ce jour heureux pouvait luire Où, glorieux de vos faveurs, J'irais près de vous reproduire Tous les sentiments que m'inspire Le précieux don de vos fleurs, Le front orné de ma guirlande, Entre vos bras je volerois, Et dans mon transport je dirois A l'amitié qu'elle vous rende Les baisers dus à vos bienfaits. 2
Il fut encore nommé membre de l'Académie des Arcades, de Rome 3.
1 Couplets à M. Simon, mon nouveau confrère, pour lui tenir lieu de la Rose, du Verre et du Baiser de fraternité (Journal de Troyes, n° du 5 décembre 1787).
2 Réponse de M. Simon D. M., secrétaire-adjoint de la correspondance du Musée de Paris, à Messieurs les ROSATI d'Arras, sur son admission dans cette Société (Journal de Troyes, n° du 23 janvier 1788),
3 Ainsi nommée parce que chacun de ses membres portait le nom d'un berger d'Arcadie.
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336 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
C'est qu'en effet le rhythme ailé de là chanson sied à merveille à son esprit aimable et gaulois. Son petit vers leste et facile dit les choses le plus naturellement du monde, et quelle charmante désinvolture! De temps à autre, un galant madrigal ou une épigramme finement aiguisée prouvent qu'il ne trouve pas, comme Henriette, qu'
Il faut trop se peiner pour avoir de l'esprit.
Il aime tant débiter des fadeurs ou se moquer de ses voisins !1 Je cite au hasard :
CONTRE UN MÉDECIN ASSASSIN ET EMPOISONNEUR
Vous êtes, j'en conviens, messire Bonne main, Habile en chirurgie ainsi qu'en médecine; Car ceux qu'épargne encor votre drogue assassine, Vous les tuez avec la main. 2
CONTRE UN MAUVAIS LECTEUR
Métrologue, ces vers que tu lis sont les miens, Mais tu les lis si mal que je les crois les tiens. 3
Il semait un peu partout ses nombreuses productions. Les principaux ouvrages périodiques littéraires auxquels il collaborait alors, en dehors du Journal de Troyes, étaient : Les Etrennes du Parnasse, — Les Etrennes lyriques4, — L'Almanach des Grâces5. — L'Almanach des Muses
1 Voir dans les recueils auxquels il a collaboré, dans L'Ami d'Anacréon et dans son Recueil manuscrit de poésies fugitives, ses nombreux couplets à Zulmé, à Zulmis, à Eglé, et ses non moins nombreuses épigrammes.
2 Recueil manuscrit de poésies fugitives, épigr. 11.
3 Recueil manuscrit de poésies fugitives, épigr. 75.
4 Deux poésies : Le Dépit et la Ire ode d'Anacréon : Sur sa lyre, parues en 1785, ont été réimprimées dans L'Ami d'Anacréon.
5 Où parut en 1789, comme dédicace, une chanson intitulée : Les regrets d'un insensible, qui fut mise en musique par Victor Simon, l'auteur de la romance : Il pleut, il pleut, bergère; — publiée aussi dans le Journal de Troyes (n° du 30 janvier 1789), et réimprimée dans L'Ami d'Anacréon.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 337
surtout contient plusieurs de ces pièces fugitives 1, mais à la fin, Simon le quitta pour fonder lui-même un nouveau recueil. « Annoncez d'avance à vos connaissances, écrivait-il « à M. Sainton, le 3 novembre 1787, Les Muses provin« ciales 2, recueil de poësie pour opposer à l'Almanach « des Muses, où seront réunies les productions des poètes " de nos provinces, que dédaigne quelquefois trop mal« adroitement le rédacteur de l' Almanach des Muses. « C'est moi qui préside à la rédaction de celui que je vous « annonce 3. » Simon y figure avec dix pièces 4.
Pauvres poésies assurément au point de vue de l'inspiration que celles de toutes ces anthologies ! C'est bien là, mieux que partout ailleurs, cette « chose légère » dont parlent Platon et La Fontaine. Et Rivarol, dans Le Petit Almanach de nos grands hommes pour l'année 1788 5, où, de concert avec Champcenetz, il passait au fil de l'esprit le plus aiguisé les réputations littéraires de son temps, n'a pas eu tort de railler cette faiblesse et cette trop grande facilité de production : « M. Simon, de Troies. Ce poëte, ne pouvant se dissimuler son mérite et sa fécondité, est venu lui-même à notre secours, en publiant le recueil de
1 Une en 1778, quatre en 1779, deux en 1780, une en 1781, une en 1782, trois en 1783, et deux dans le volume intitulé : Pièces échappées aux XVI premiers Almanachs des Muses (s. d.). — Deux de ces poésies: La jeune Agnès et Le badinage ont été réimprimées dans L'Ami d'Anacréon.
2 Les Muses provinciales ou Recueil des meilleures productions du génie des poètes de France, Paris, Leroy et Royez, 1788, 1 vol.
in-16 qui se joint à la collection de l'Almanach des Muses, — Voir dans le Journal de Troyes du 20 février 1788 une étude sur ce recueil.
3 Lettre mss. de 4 pages in-8° (Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
4 Y compris Anne de Boulen à Henry VIII et Les Beaux-Arts rappelés à Troyes par la reconnaissance, réimpressions.
5 S. 1., 1788, 1 vol in-16.
T. LIII 22
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338 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
ses poésies; ce qui nous a évité le ressassement de vingt ou trente années de journaux et d'almanachs. M. Simon, de Troies, qui pourroit nier une foule de ses ouvrages, a la candeur de les avouer tous et de les signer ; tant ceux de son extrême jeunesse que ceux de son bon temps ; la franchise de cette muse troyenne fait la satyre du siècle qui l'admirel. » Pourtant, Simon n'avait pas trop à se plaindre de cette critique assez bénigne : elle lui procurait l'honneur de figurer en compagnie d'écrivains plus célèbres, tels que Marie-Joseph Chénier, Ginguené, Andrieux, Beaumarchais, etc. Et au surplus, la publication de L'Ami d'Anacréon, où il a recueilli les meilleures de ces nombreuses! pièces ainsi dispersées, sera l'occasion de montrer tout à l'heure plus longuement que, pour n'être pas des chefs-d'oeuvre ni des spécimens de vraie poésie, plusieurs de ces fantaisies n'en sont pas moins de délicates oeuvres d'art.
X
Maintenant, les muses vont se taire : la brutale réalité laissera peu de loisirs à la rêverie. Aux bergeries enrubannées de couleurs tendres va succéder la sanglante Révolution; après la riante idylle, la sombre tragédie.
Zélé partisan des doctrines philosophiques sur la bonté native de l'homme, l'égalité absolue, le progrès indéfini, Simon appelait la Révolution de tous ses voeux ; son esprit enthousiaste y voyait un retour à l'âge d'or et ne pouvait en prévoir les erreurs et les funestes conséquences. Les premiers effets qu'il en ressentit furent des atteintes à sa fortune: des placements faits en argent lui furent remboursés en assignats, et il dut suppléer par son travail à ces ressources ainsi enlevées.
1 Page 176.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 339
En 1790, il fut nommé secrétaire général du Conseil de salubrité, et successivement de ceux de mendicité et dé secours publics pendant les différentes assemblées nationales.
Les loisirs que.lui laissaient ces fonctions, il les employa à la publication des Contes moraux à l'usage de la jeunesse, traduits de l'italien de Francesco Soave1, sorte de « morale en action, » dont « la mère prescrira la lecture à sa fille » comme il en avertit en tête de l'ouvrage. Puis il fit connaître dans notre langue l'Essai politique sur les révolutions inévitables des sociétés civiles, par Antoine de Giuliani 1. Cet essai, tout d'actualité, dédié à Son Altesse Royale François II, grand duc de Toscane, « n'est point,' dit son auteur, la production d'un savant nourri de systèmes et de théories, mais celle d'un homme qui, abandonné à lui-même.... marchant dans les routes les plus difficiles, fut à même de sentir et de connaître les misères de la vie ; et qui, doué d'une sensibilité profonde, a porté un esprit d'observation sévère et constante jusque sur les moindres rapports des sociétés 3. » Il émet, en conséquence, ses vues sur leur avenir en montrant les causes morales et économiques des révolutions et les lois qui président à la grandeur et à la décadence des nations 4. D'autres ouvrages
1 Paris, 1790, 1 vol. in-12. — Réimprimés sous le titre de Nouvelles morales exemplaires et amusantes à l'usage de la jeunesse, traduits de l'italien de Francesco Soave par E.-T. Simon, de Troyes, bibliotliécaire du tribunat et membre de plusieurs sociétés littéraires. — Paris, Agasse, an XI, 1802, 2 vol. in-12.
2 Traduit de l'italien par E.-T. Simon, de Troyes, de plusieurs académies. A Paris, chez J. Claude Molini, MDCCXCI, 1 vol. in-12.
3 Page 105.
4 Grâce à sa compétence en ces matières; dit une noté de l'ouvrage (p. 106), Giuliani fut chargé par Joseph II de visiter les ports de la Méditerranée et d'étudier l'état de commerce des différentes nations qui l'avoisinent.
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340 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
politiques de Simon lui-même furent une adresse Aux Français sur le payement des contributions1 et une brochure intitulée: II est temps de fondre la cloche, projet patriotique pour remédier sur le champ à la rareté du numéraire2. Il y dénonce les desseins pervers des puissants d'alors, des financiers détenteurs du numéraire, qui voudraient encore asservir le peuple et entraver sa libre évolution en accaparant tout l'argent. Pour sauver son pays de cette crise économique et rétablir la confiance, et surtout la circulation des espèces, Simon expose le plan qu'il a conçu de créer immédiatement, sans avoir à acquérir le métal ni payer la main-d'oeuvre, une monnaie spéciale, à laquelle on enlèvera son prix réel de métal pour n'en faire plus qu'un signe représentatif et conventionnel d'une valeur quelconque. A cet effet, il propose d'employer les cloches des établissements religieux de toute sorte, " à la réserve d'une « cloche pour chacun des monastères, couvens et chapitres « qui seront conservés, sans préjudice de la remise de « cette dernière lors de leur extinction absolue, et sous la « réserve également de deux cloches pour chacune des « Eglises, Paroisses, comme nécessaires et suffisantes au « service divin... Je pense, dit-il, que lorsque dans un « besoin urgent, la patrie en réclame l'usage, la religion « charitable doit s'empresser de les accorder aux fidèles 3. » Le métal des cloches ne pouvant être frappé, il serait fondu en pièces d'une valeur idéale de 20 sols, et il calcule qu'on obtiendrait ainsi en France un accroissement de numéraire de 110.080.000 livres. Il expose ensuite un projet d'amortissement de cet emprunt, et il termine en exhortant ses concitoyens à la vigilance et à la confiance
1 Paris, 1791,1 vol. in-8°.
2 S. 1. n. d. (Paris, 1790), in-8° de 22 pages. 8 Page 12.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 341
dans les réformes qu'on élabore. « Pour moi, dit-il, « j'aurai, même en ne réussissant pas,.., la satisfaction « d'avoir rempli mon devoir patriotique et manifesté un « zèle ardent et juste que mes actions ne démentiront ja«mais 1. »
Et pourtant, malgré ces protestations et ces preuves de dévouement à la cause révolutionnaire, quoique entièrement réservé dans le choix de ses sociétés et dans ses paroles, quoique plus occupé de littérature que de politique, Simon ne fut pas à l'abri des soupçons et des accusations. Qui l'a été dans cette époque tourmentée? Le 5 décembre1792, le conventionnel Ruhl, rapporteur de la Commission des Douze, au sujet des pièces trouvées aux Tuileries, dans l'Armoire de fer, dénonçait à la tribune un projet de contre-révolution, sous forme de mémoire adressé au roi par le maître des requêtes La Porte, et fournissait à l'appui de son assertion plusieurs autres pièces indiquant comme chefs du mouvement : Talon pour Paris, Mirabeau pour la Province, et La Fayette lui-même. « La Commission, » disait Ruhl, « a trouvé les preuves de ce mouvement dans des états d'après lesquels il était établi un fonds d'abord de 184,000 livres, ensuite de 164,000 et enfin de 100,000 livres par mois. » Entre autres noms d'agents à payer sur cette somme figurait, « à Troyes, Simon, homme de lettres, 200 livres. 2 »
Celui-ci s'empressa, dès le lendemain, 6 décembre, de répondre à cette accusation accablante par la lettre suivante qui fut lue à la Convention par le président Barrère :
« Citoyen président, j'apprends, avec l'indignation d'une « âme honnête et mortellement blessée, qu'un scélérat « fameux m'a soupçonné capable d'épouser la cause des « tyrans et de trahir ma patrie ; mon nom vient d'être cité
1 Page 22.
2 Moniteur universel du jeudi 6 décembre 1792.
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342 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
« à votre tribune dans un projet tracé par un contre-révo« lutionnaire qui a déjà porté sur l'échafaud la peine de « son crime. Que ma tête tombe, si un seul individu peut « indiquer la moindre trace d'une correspondance avec " aucun des lâches ennemis de la Liberté nationale !
« J'étais Libre sous le despotisme ; je fus toujours ardent « défenseur de la liberté et dé l'égalité ; je rêvais la Répu« blique avant qu'on osât la créer.
« J'en atteste tous ceux de vos collègues qui me con« naissent, qui m'ont entendu ; j'en atteste jusqu'à ceux « des précédentes Assemblées dont le civisme douteux « luttait sans avantage contre mes opinions qu'ils traitaient « d'exagérées ; j'en atteste une société littéraire, le Musée « de Paris, qui, la première et la seule des associations « savantes, porta son serment civique à la commune de « Paris, démarche que je provoquai le 10 mars 1790, etc.
" J'ajoute, citoyen président, que ce qui prouve invinci«
invinci« l'absurdité de me faire tramer une conspiration
" à Troyes, c'est que, depuis le mois d'avril 1787 où j'ai
« quitté cette ville, j'habite constamment Paris, que je n'ai
« pas cessé d'y avoir mon domicile connu et un emploi
« sédentaire.
« SIMON, de Troyes, médecin, homme de lettres,
« 1er secrétaire commis du Comité de secours publies de la Convention nationale 1. »
Malgré cette protestation, l'obscurité de ses fonctions ne le mettant pas à l'abri des persécutions, Simon prit, pour s'y dérober, le parti de quitter Paris et accompagna, dans sa mission en Normandie, le conventionnel Bouret,
1 Moniteur universel du mercredi 12 décembre 1792. — Le Journal de Troyes du même jour, en reproduisant cette lettre, rappelle que, loin de conspirer avec Mirabeau, Simon avait fait à propos de ses pompeuses obsèques une epigramme se terminant ainsi :
" Français, attends, pour illustrer sa vie
Le jugement de la postérité. »
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EDOUARD-THOMAS SIMON 343
son ami. Celui-ci ne signala son passage que par son humanité et sa justice ; cette conduite, si différente de celle des Lebon et des Carrier en d'autres provinces, faillit devenir fatale à Bouret et à son secrétaire, et ils ne durent qu'à la chute de Robespierre la tranquillité dont ils jouirent à leur retour dans la capitale.
Une réaction anti-terroriste s'était enfin produite; lasse de détruire, la Convention essayait de relever les ruines et de fonder à son tour. Lors de rétablissement de la Constitution de l'an III, Simon fit adopter le plan d'une bibliothèque commune au Conseil des Anciens et au Conseil des Cinq-Cents, qui fut composée de 8.978 volumes, et il en fut nommé conservateur. Plus tard il devint bibliothécaire du Tribunat, après sa création, et en moins d'un an, dit-il lui-même 1, il parvint à y réunir « quarante mille volumes « d'ouvrages essentiels dans toutes les classes. La pluspart « ne brillèrent pas par leur extérieur : le soin des premiers « collecteurs m'avait privé de toute ressource de luxe ; « mais je réunis des livres précieux et utiles que la science " superficièle dès autres avait dédaignés. Ma collection « historique était aussi complète qu'on avait pu le faire. « Celle de la jurisprudence était très considérable. La « partie dès sciences était la moins riche, surtout pour les « modernes. On m'avait prévenu, mais la littérature était « féconde et variée. »
Une telle position, surtout à Paris, convenait pleinement à ses goûts et à son aptitude pour tout ce qui touchait aux sciences, à là littérature et aux arts, et malgré son affection constante pour sa ville natale, « que plus de quinze ans « d'absence ne peuvent me faire oublier 2, » écrira-t-il en
1 Dans Simoniana, art. Bibliothèque du Corps législatif, où il raconte la création de ces deux bibliothèques.
2 Paris, 20messidor, an 10e (Lettre mss. de Simon à M. Sainton, 1 page in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
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344 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
l'an X, il préféra cette situation à une place semblable qu'on lui offrait à Troyes : « C'est avec regret que je me « vois forcé par le plus impérieux de tous les maîtres, le « besoin, à préférer une existance sûre de 3.000 fr. bien « payés par quinzaine aux avantages qu'une place du même « genre aurait pu. me procurer à Troyes avec des appoin" temens inférieurs. Peut-être l'amour du païs, l'avantage « de diriger et d'arranger à mon gré l'établissement, « d'avoir plus de moments libres, auraient-ils pû détermi« ner mon choix, si les traitemens eussent été égaux; « mais moins d'argent et sans contredit moins de jouissan« ces, puisqu'il aurait fallu renoncer, à mes liaisons litté« raires, à l'avantage auquel je suis accoutumé de tenir la « première main à tous les mouvemens historiques et « politiques du monde, il ne m'est pas possible de tant « perdre au change 1. » Aussi les neuf années qu'il passa là furent les plus laborieusement employées de sa vie. Plusieurs des nombreuses comédies qu'il laissa manuscrites 2, ont été probablement composées à cette époque ; une, du moins, est datée de l'an VI : Le Mariage, comédie en cinq actes, traduite de l'italien3.
1 Paris, 2 prairial an VI (Lettre mss. de Simon à M. Sainton. 4 p. in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
2 V. Biblioth. de Troyes, coll. A. Millard. — En voir plus loin la nomenclature et la critique.
3 Mss. petit in-4° (Bibl. de Troyes, coll. A. Millard). — « J'ai tra« duit cet ouvrage », note Simon, " sur un exemplaire imprimé que « me transmit le libraire Molini, qui, disait-il, voulait faire réimpri« mer la pièce italienne, fort rare, avec une traduction ; il n'exécuta " point ce projet. Je lui ai rendu l'original italien, et j'ai oublié et le « titre de la pièce et le nom de l'auteur. En recherchant depuis, « dans la Dramaturgie de Leone Alacci, je n'ai trouvé que la « comédie désignée sous le nom de Sponsalitio, comedia, di Alfonso « di Battisto Guarini, in-4°, verso, à laquelle je puisse rapporter « ma traduction, mais je n'affirme pas que ce soit là son véritable « titre; d'autant que je crois (plus de 15 ans après la date de ma « traduction) que la pièce italienne que j'ai traduite était écrite en « prose et imprimée in-8°. "
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EDOUARD-THOMAS SIMON 345
Comme ouvrages politiques, il publia alors : Coup d'oeil
d'un républicain sur les tableaux de l'Europe, en
juin 1795 et janvier 1796 1, réfutation de l'ouvrage de
Calonne : Tableau de l'Europe en 1793 ; — puis: La
clémence royale ou Précis historique d'un soulèvement
populaire arrivé en Angleterre sous le règne de Richard II,
au XIVe siècle2. « Presque toutes les tentatives de ré«
ré« se ressemblent, dit-il. Trop souvent, après
" avoir brisé ses chaînes, le peuple donne sa confiance à
« des intrigants irréfléchis et impuissants à le guider. En
« cette occasion, la puissance observe, temporise, recueille
« ses forces, feint de céder, saisit l'à-propos, triomphe et
« se venge 3. »
C'est ce que fit Richard II en Angleterre, lors de la révolte de Wet-Tyler, en 1382. Simon veut mettre ses concitoyens en gardé contre ce danger : " Amis des lois, de « l'ordre et de la paix, lisez ce précis et considérez les « événemens qui vous pressent. La République et la vie, « la réaction et la mort. » Tous les républicains violents, ou modérés, « servent de point de mire à la contre-révolu« tion, tous sont ou peuvent être dévoués à la vengeance « royale. Rien ne la borne, rien ne l'arrête. Citoyens, que « l'exemple du passé profite au présent et nous garantisse " de l'avenir. » Et il ajoute en note ; « Des amis de la « royauté, en présence desquels cette pièce a été lue ont « prononcé que sa publication pouvoit nuire à la tranquil« lité publique ; j'en ai conclu qu'elle pourroit être nuisible « au royalisme, et je la publie 4. »
1 Bruxelles, 1796,1 vol. in-12.
2Par le cit.E. - T. Simon, B. D. C. L. - Paris, Lemaire, an 5 de la République. 1 broch. in-8° de 43 p.
3 Avis, p. 5.
4 Avis, p. 3 et 4.
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346 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
XI
Simon devinait juste, du moins quant au fond; Si les royalistes n'étaient pas alors très à craindre, quelqu'un allait venir à leur place balayer ce Directoire faible et corrompu, et la gloire naissante et l'ambition du jeune général en chef de l'armée d'Italie étaient alors pour la République le plus grand des dangers. L'expédition d'Egypte allait encore ajouter à son prestige. Tout le monde en sait l'histoire : les heureuses espérances du début, les premières victoires, l'occupation du Caire, — tous ces succès si brutalement interrompus par le désastre de. notre flotte à Aboukir.
Le cabinet anglais essaya alors de soulever contre nous les autres puissances d'Europe, et, pour dévoiler tout à la fois notre « perversité » et notre triste situation, publia la Correspondance de l'armée française en Egypte interceptée par l'escadre de Nelson. Ces lettres de toutes sortes, où figurent, entre autres, les signatures du général en chef, de Louis Bonaparte, de l'amiral Brueys, de Jaubert, commissaire de la flotte, de Tallien, « ont été interceptées à différentes époques, dit l'introduction de l'éditeur étranger, par les vaisseaux de guerre turcs et anglais ;... lettres officielles et pièces dont le contenu peut-être, comme celui de mille autres qui sont en divers temps tombées dans nos croisières, serait resté secret pour le public, si les Français, d'abord en assignant un motif mensonger à cette fameuse expédition, puis en répandant à leur avantage les récits les plus absurdes et les plus extravagants, n'avaient mis le gouvernement anglais dans la nécessité de détromper l'Europe, tremblante encore au bruit de ce conte oriental, en prouvant d'après leurs propres papiers officiels que ce qui a pour principe la fraude et la perversité, doit avoir pour résultat la misère et
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EDOUARD-THOMAS SIMON 347
le désespoir 1. » D'après l'Angleterre, le motif secret de l'expédition aurait été de se débarrasser de l'armée d'Italie à qui le Directoire avait promis un milliard. Mais la farce tourne en tragédie : la réalité n'a pas répondu aux espérances, et voilà la flotte française bloquée par Nelson. Et des déclamations sur l'impéritie, l'ambition, la cruauté même de Bonaparte et sur les malheurs des Français en Egypte ! L'abattement des soldats est habilement mis en lumière et les commentaires le font ressortir avec complaisance. « Il n'est pas un individu de l'armée... qui ne tourne des regards de tendresse et d'anxiété vers sa patrie et qui ne repousse avec horreur et désespoir toute idée de résidence, même pour quelques semaines, dans ce paradis terrestre2. »
Le patriotisme, de Simon s'indigne de cette joie des ennemis et de la perfidie qui a présidé à cette publication, et il joint à la traduction, de l'ouvrage anglais ses réflexions personnelles 3 : On a fait dire aux lettres tout ce dont on avait besoin pour semer la discorde; de même qu'on a supprimé dans les proclamations de Bonaparte en Egypte, citées à la suite de la Correspondance, les articles les plus sages, les plus modérés, ceux qui témoignent le plus de l'amour de l'ordre et du respect des personnes et des propriétés. Quant, à la question d'humanité, ce n'est vraiment pas aux conquérants des Indes et aux oppresseurs de l'Irlande à faire les moralisateurs. Et la réplique suit pas à pas l'attaque, des observations dans le style pamphlétaire accompagnent chaque note de la chancellerie anglaise. Et
1 Introduction de l'éditeur anglais, p. 27.
2 Id., p. 56.
3 Correspondance de l'armée française en Egypte, interceptée par l'escadre de Nelson publiée à Londres avec une introduction et des notes de la chancellerie anglaise, traduite en français, suivie d'observations par E.-T. Simon, avec une carte de la BasseEgypte. — A Paris, chez Garnery, an VII, 1 vol. in-8°.
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348 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
d'ailleurs, dit Simon en terminant, « l'imposture, les menti songes, les trahisons, les assassinats n'arrêteront, point « l'élan victorieux de la liberté . » En effet, la campagne de Syrie et la brillante revanche d'Aboukir, en 1799, répondirent aux Anglais d'une façon plus décisive encore.
C'est aussi à cette époque que Simon commença sa traduction de Martial, celle de Dictys de Crète et celle des contes de Morlini que nous retrouverons plus loin. Ces ouvrages importants ne l'empêchaient point toutefois de faire paraître dans des journaux ou des recueils nombre de poésies légères et même de se faire applaudir à des solennités publiques.
Le 10 fructidor, an VI, on lut à la Fête des Vieillards, dans un des arrondissements de Paris, un poème de sa composition : Sophocle devant l'Aréopage ou Respect à la Vieillesse, poëme en un chant 2. L'avant-propos et le début font allusion à l'apothéose de Voltaire à Paris, en 1778, à laquelle Simon avait assiste. A ce triomphe, le poète oppose l'humiliation du grand tragique grec accusé de folie par des rivaux jaloux et traîné devant le tribunal par des fils indignes. Sophocle se défend ainsi :
........ Je n'ai rien à répondre
On dit que je suis fou, je le crois. Cependant,
Avant de me juger, il est juste et prudent
De m'entendre vous lire une pièce nouvelle :
C'est OEdipe à Colonne; elle n'est pas trop belle,
Elle seule pourtant sera mon défenseur,
L'Aréopage écoute, il sera mon censeur.
À cette lecture, aux accents passionnés du vieil OEdipe maudissant ses fils dénaturés, les juges sont émus, puis enthousiasmés, et un jeune sénateur rend hommage à Sophocle et le venge des accusations de ses ennemis;.
Dernière observation du rédacteur, p; 244. 2 10 pages in-80. (Bibl. de Troyes, mss. n° 2757).
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EDOUARD-THOMAS SIMON 349
En l'an IX, Simon, en qualité de membre du Lycée ès-arts et de la Société des belles-lettres, sciences et arts de Paris, lit en séance publique de cette société un Essai sur un poème espagnol intitulé l' Araucana, avec l'extrait et la traduction des morceaux les plus saillants de cet ouvrage 1, sorte de résumé analytique de l'oeuvre de don Alonzo d'Ercilla.
Plus tard, il rend compte à l'Athénée des arts de Paris 2 de trois opuscules envoyés par le littérateur Chaudruc, « savoir : 1° Voyage de Sorèze à Auch, suivi d'une Elé« gie sur la mort de M. F..., et d'une Lettre à ma soeur...; « 2° Epître à M, Pieyre, préfet du Loiret...; 3° Satire « imitée d'Horace intitulée : Le valet philosophe 3. »
En l'an X, Simon publia une pièce de théâtre qu'il avait
composée en 1793, et essayé en vain de faire jouer :
Mutius ou Rome libre, tragédie en cinq actes, en vers 4.»
« Les comédiens français », dit Simon, « venaient de
_ « représenter un Mutius Scévola en trois actes ; ils avaient
« donné vingt-cinq louis à M. Ronsin pour recrépir le
« Scévola de Du Ryer ; telles furent les objections qu'ils
« opposèrent à l'admission de ma pièce.— Des hommes
« revêtus alors de l'autorité suprême, au suffrage desquels
« je soumis cet ouvrage, trouvèrent que je n'avais point
« assez avili la royauté dans le rôle de Porsenna ; les crises
1 Lu le 23 de l'an IX de la République française, par le
citoyen E.-T. Simon, membre du Lycée ès-arts et de la Société des Lettres, Sciences et Arts. — 1 brochure in-4°.
2 Nom que prit en 1803 le Musée de Paris. (V. dans le Recueil manuscrit de poésies fugitives de Simon et Inscription latine et française pour l'Athénée des arts, inscr. 64).
3 Simoniana, art. Chaudruc. (Extrait d'un compte rendu le 45 mars 1808 à l'Athénée des arts de Paris, de trois petits ouvrages envoyés à cette Société).
4 Par E.-T. Simon, D. T. — Paris, an 10,1 vol. in-16.
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350 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
« qu'éprouvèrent les acteurs du théâtre tragique, les varia« tions de l'opinion depuis cette époque, suspendirent les « efforts que j'aurais pu faire pour me montrer au grand jour de la scène. Applaudi dans quelques sociétés par « des personnes dont j'estime l'opinion et le goût, j'ai cru « qu'au défaut des honneurs bruyans et dangereux du « théâtre, je devais me contenter de l'épreuve modeste de « l'impression. Je suis vieux et je veux achever de jouir 1. »
Le sujet et les détails de cette pièce sont historiques 2. Tarquin, chassé de Rome par ses sujets, s'est allié avec' Porsenna, roi des Etrusques, et est venu assiéger les révoltés. Mais le dévouement d'Horatius Coclès vient de mettre en échec l'armée de Porsenna et décide celui-ci à traiter. Il offre la paix aux Romains, à condition que, tout en gardant leur nouvelle constitution, ils mettent un roi à leur tête : Tarquin ou tout autre. En cela, il est guidé par des desseins secrets et ambitieux: il espère séduire par l'offrande de la couronne le consul Publicola, dont il voudrait unir la fille Clélie, qu'il a reçue en otage, à son propre fils- Aron. Mais le consul ne se laisse pas facilement gagner par les avances d'Attale, l'envoyé du roi, et se contente de répondre que c'est au Sénat seul à décider. Le jeune Mutius, enthousiaste partisan du nouvel ordre de choses, plein d'une confiance sans bornes dans les vertus republicaines et le triomphe de la liberté, et d'ailleurs fiancé de Clélie, a assisté en cachette à cet entretien ; il est tout heureux de voir ainsi réfutés les soupçons qu'avait tâché de lui inspirer contre Publicola son ami Cimber. Malgré les raisonnements de ce dernier et les conseils de sa mère Mutia, restée comme Cimber fidèle à ses rois, il luttera de son côté, de tout son pouvoir pour le triomphe de la Répu1
Répu1 mes lecteur.
2 En tête de la pièce, Simon a cité les extraits de Tite-Live d'où il l'a tirée.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 351
blique contre les perfides menées du « despotisme. » La réponse du Sénat est nette : il préfère la guerre pour la liberté à une paix qui ramènerait un maître dans Rome. Mais Cela ne suffit pas à Mutius: il ne faut pas même que des soupçons divisent entre eux les vrais citoyens, et, quitte à dénoncer son ami Cimber et à être repoussé par sa mère, il s'en explique publiquement avec le consul et le force ainsi à déclarer ouvertement son dévouement à la cause de la République : maintenant; ils pourront combattre ensemble plus sûrement les ennemis du dedans et du dehors.
Cependant, Clélie est toujours au pouvoir de Porsenna,et celui-ci, furieux de la réponse du Sénat, lui dévoile ses projets ainsi anéantis et la vengeance qu'il va tirer des Romains. La jeune républicaine ne lui cache pas le refus qu'elle aurait opposé de son côté; à des desseins aussi funestes à la liberté; puis, pendant que les Etrusques se préparent au combat, elle entraîne ses compagnes à sa suite, se jette dans le Tibre et rentre ainsi dans Rome. Pendant ce temps, Mutius est parvenu sous un déguisement dans le camp ennemi avec l'intention de terminer la guerre d'un seul coup, et, croyant frapper le roi, il perce de son poignard le général de l'armée, Phanor. Arrêté, il comparait devant Porsenna et se fait gloire de son crime; d'ailleurs, trois cents autres bras sont prêts à frapper comme lui ; mais en apprenant sa méprise, il laisse éclater sa colère et son dépit et, pour se punir de son erreur, il plonge sa main droite dans un brasier ardent. Au même moment, arrivé le consul Publicola ramenant lui-même les otages, en loyal observateur de la 1 parole donnée; et Clélie, reconnaissant Mutius, se jette dans ses bras.Touché par le spectacle de tant de vertus,Porsenna, qui vient d'ailleurs d'apprendre la défection de son allié Tarquin, fait la paix avec les Romains. Les voeux de Mutius sont comblés, la liberté triomphe
Et le monde affranchi sous l'empire des lois, Maintiendra les vertus à là place des rois,;
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352 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
Cette tragédie, on le voit, était tout actuelle, et Simon y a mis ingénieusement en scène l'histoire et les personnages d'alors. La lecture en est doublement intéressante, et le mérite, rare chez Simon, d'une émotion réelle s'ajoute à de sérieuses qualités de composition et d'exécution: ne partage-t-il pas lui-même les croyances de Mutius ? Lui aussi a accueilli avec joie la nouvelle constitution de France
Lorsque, de ses tyrans détruisant les pouvoirs, Elle a rempli contre eux le plus saint des devoirs ;
il a été du nombre de ces républicains libéraux à l'enthousiasme facile et souvent irréfléchi, que Napoléon appelait des « idéologues; » peut-être même a-t-il été jusqu'à penser que
l'union, la paix
De la mort des tyrans sont les premiers bienfaits.
Pourtant, il est juste de citer là-dessus ses déclarations : « J'ai fait agir et parler chacun de mes personnages « d'après le rôle que lui donne l'histoire... Malheur à celui « qui ne démêlerait pas, au milieu de ce choc d'actions ou « d'idées opposées, l'attachement de l'auteur à l'ordre pu« blic, à l'autorité légitime, son respect pour les lois et son " amour pour sa patrie 1 ! » Dans tous les cas, il dédaignait les avis judicieux et les craintes de Cimber au sujet des ambitieux:
Oui, le peuple romain est facile à séduire;
On peut bien l'égarer, mais peut-on le réduire ?
Il a vu plus tard que fout était possible, et il a constaté lui-même sous l'Empire que « l'état de presse et d'anxiété « où se trouvent les esprits écarte prudemment les opi« nions philosophiques 2. » Au reste, dans la circon1
circon1 mes lecteurs.
2 Simoniana, art, Louis VII
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EDOUARD-THOMAS SIM0N 353
stance présente, « Napoléon ne pardonna jamais à Simon la publication de cette tragédie toute républicaine 1. »
XII
Les événements ont vite donné tort à Mutius, et les lauriers que le poète admire sur le front du premier consul 2 sont pour Bonaparte les prémices de la couronne impériale. Reposons-nous un moment entre les tempêtes de la Révolution et les courses victorieuses de l'Empire, dans la compagnie du chantre de Téos. La publication de L'Ami d'Anacréon3 dans lequel Simon a fait un recueil de ses plus jolies poésies, nous y invite justement.
« Beaucoup de questions que d'autres races aiment à agiter d'une façon tragique, nous n'aimons pas à les aborder, ni même qu'on les traite pour nous. « Etre ou ne pas être, » c'est assurément le moindre souci du peuple de Rabelais, de La Fontaine et de Béranger; nous sommes comme nous sommes et nous nous trouvons bien; nous avons jadis défrayé l'Europe de fabliaux, nous défrayons aujourd'hui le monde de vaudevilles, d'opérettes et de chansons 4. » Cette antique gaieté tend à disparaître; les uns le déplorent et disent que nous vieillissons, d'autres estiment que c'est le bon sens qui nous vient. A tort ou à
1 Paul Lacroix, bibliophile Jacob.
2 Distique pour le portrait du 4er consul Bonaparte:
Quem sicâ aggreditur, quem fulminai ignibus orcus Invictum hune servant laurus, oliva, décusi
(Recueil ms. de poésies fugitives, inscr. 47.)
8 L'Ami d'Anacréon ou Choix de chansons, par E.-T. Simon (de Troyes). — A Paris, chez E. Johanneau, Palais du Tribunat, an XII — MDCCCIV, 1 vol. in-16 (avec frontispice gravé).
4 F, Brunetière, La Poésie de Lamartine (Revue des DeuxMondes du-15 août 1886).
T. LIII 23
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354 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
raison, Simon, en bon champenois, possède, dans sa plénitude, le caractère gaulois. S'il a quelquefois essayé le ton pompeux de l'ode ou les accents vibrants de la tragédie et du drame, ce n'est pourtant pas là qu'il se plaît davantage : la comédie enjouée, la chanson joyeuse surtout, sont bien mieux son affaire. « La nature, » dit-il lui-même, « me « fait voir tout ce qu'elle produit du côté le plus beau et le « plus agréable 1. «Aussi sa muse aime à rire et à s'habiller
de rose :
Qu'assis près d'Homère au Parnasse Un rimeur affecte un haut ton, Moi, si j'y monte, je me place Sans faste aux pieds d'Anacréon 2.
La voilà, la muse champenoise : c'est la rieuse soubrette, à l'oeil mutin, « à l'esprit leste, juste, avisé, malin,! » pas bégueule, mais toujours élégante et coquettement troussée, telle que nous la montrent les estampes du temps.' Et ces poésies de toutes sortes et de toute date 3 : chansons gauloises, idylles, madrigaux, couplets de fête, chansons de
1 Lettre mss. de Simon à M. Sainton, du 13 août 1787 (2 pages in-8°. — Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
2 Ce que l'on aime, chanson par M. Simon (Journal de Troyes du 12 avril 1.786). — Réimprimée dans L'Ami d'Anacréon, sous le titre : Chacun son goût.
3 Cent trente-quatre poésies de Simon, dont deux déjà parues dans l'Almanach des Muses : La jeune Agnès et Le Badinage ; — une dans l'Almanach des Grâces: Les regrets, d'un insensible; — deux dans les Etrennes lyriques : La 1re ode d'Anacréon à sa lyre et Le Dépit; — deux dans le Journal de Troyes: Chacun son goût et La Mécontente ; — trois ariettes et, une romance, tirées de L'A-propos de la nature.— neuf chansons " ont été faites pour la Société Ana« créontique qui se réunit (à table).une fois par mois; les sujets de «: ces chansons se tirent au sort. » Ce sont : La Promesse d'amour, —-. Le Bosquet, romance, — Je vous aime, — Le Bonheur, — La Coloquinte, — La Force, — Religion n'est pas sottise, — Fadaise, — La Chanson. — A la fin du volume figurent cinq chansons de la femme de Simon et treize de « M. E. J., ex-professeur de belleslettres. »
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ÈDOUARD-THOMAS SIMON 355
table, imitations d'Horace, de Gatulle où d'Anacréon, toutes ces joyeuses inspirations à la touche; légère, qui placent Simon non loin des Dorat et des Bernis, sentent bien le siècle de la grâce, des pastorales de; Florian et des galantes peintures de Boucher et de Watteau. Quel dommage qu'il manque à ces jolies manières l'émotion et la vérité!
L'art ne fait que des vers, le coeur seul est poète,
et « jamais écrivains n'eurent moins et ne parlèrent plus de sensibilité que les poètes du XVIIIe siècle 1. » On peut leur appliquer le mot de Voltaire sur Marivaux : ce n'est pas la grande route du coeur qu'ils recherchent, ce sont ses chemins de traverse, ses sentiers. Et puis, même au point de vue de la forme, la rime est pauvre, et ce badinage élégant cache bien des vides ou des idées communes. Mais comme cela coule d'une veine aisée et aimable ! et quelle bonne grâce souriante dans l'exécution ! C'est la mollesse élégante, dont parle Horace : « Molle atque facetum. » Nous avons changé tout cela.. La chanson s'est démocratisée, elle aussi, l'ineptie et la grossièreté ont remplacé la finesse et l'élégance d'autrefois, et les cafés-concerts tiennent lieu de l' Almanach des Muses.
Peut-être le ton habituel de Simon paraîtra quelque peu folâtre ; hâtons-nous d'ajouter qu'il s'en est. aimablement excusé:
Lorsque je m'abandonne Aux ris, à là gaieté, Que votre coeur pardonne A ma frivolité.
Ma muse pour vous plaire S' oublie en certains cas,. Si ma lyre est légère,
Mon âme ne l'est pas.
1 L'abbé J. Roux, Pensées, p. 35.,
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356
UN POETE TROYEN AU XVIII SIECLE
Qu'une aimable folie
Déguise la raison;
Cette philosophie
Est toujours de saison.
Sous un joyeux emblème,
Elle a plus de douceurs,
Et le sentiment même
Se cache sous les fleurs 1.
Et d'ailleurs, sa femme elle-même ne s'en offensait pas.
Voyant citer dans mes écrits'
Les noms de Zulmis, de Zémire, Noms célèbres en tous païs, Ma tendre épouse vint me dire :
« Ils ne sont point dans ton coeur, je le croi, Ces amours-là ; mais c'est ta muse Qui les suppose et qui s'amuse. »
Tant elle compte sur ma foi 2.
Choisir parmi tant de charmantes bagatelles est difficile. Citons pourtant la chanson La Mécontente, composée en 1788 3, et qui eut alors quelque succès :
Monsieur Colas, soyez plus sage, Pour un garçon ça n'est pas beau.
Je n'irai plus près du bocage
Garder avec vous mon troupeau
Vous êtes cause qu'au village On rit de la simple Isabeau. Monsieur Colas, soyez plus sage,
Pour un garçon ce n'est pas beau.
Parce qu'à la dernière fête,
Quand vous me fîtes un bouquet, Je vous donnai cette rosette
Que je mettais à mon corset, Vite, devant tout le village
Vous en parez votre chapeau.
Monsieur Cotas, soyez plus sage,
Pour un garçon ça n'est pas beau.
1 Excuses.
2 La Confiance (Recueil manuscrit de poésies fugitives, madr.65).
3 La Mécontente, par M. Simon, membre de l'Académie des Arcades (Journal de Troyes du 24 septembre 1788).
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EDOUARD-THOMAS SIMON 357
L'autre soir qu'Aline et Clémence Se présentaient d'un air jaloux Dans le dessein d'ouvrir la danse Et de figurer avec vous, Vous les fuyez. Tout le village Vous voit me chercher sous l'ormeau. Monsieur Colas, soyez plus sage, Pour un garçon ça n'est pas beau.
M'offrir en passant la rivière
De me porter à l'autre bord,
Vouloir un baiser pour salaire
Et le prendre..... Vous aviez tort.
Heureusement, tout le village
N'était pas sur le bord de l'eau.
Monsieur Colas, soyez plus sage
Pour un garçon ça n'est pas beau.
Enfin, vous allez à ma. mère Tout raconter de bout en bout,: Parler de curé, de notaire, Et voilà qu'on sait ça partout. Jugez comme dans le village On jasera sur Isabeau. Monsieur Colas, soyez plus sage, Pour un garçon ça n'est pas beau.
Simon a dédié ce recueil à sa femme. Elle était bien à même de l'apprécier, car à la fin figurent cinq chansons de sa composition, assez joliment tournées 1.
XIII
En l'an VI de la République, Simon avait, en effet, contracté un second mariage ; alors il ne lui restait plus; que deux enfants. « Des revers de fortune qui furent la suite de cette seconde alliance, les malheurs de son fils, officier
1 La Sagesse, — La Beauté, — Le Fanatisme, — Le Délire (mots donnés),— La Laideur aimable.
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358. UN POÈTE. TROYEN AU XVIII 6 SIÈCLE
général, longtemps prescrit par Bonaparte1, la perte de son gendre, mort à Saint-Domingue , celle de sa fille qui, en mourant, laissa trois orphelins à sa charge, influèrent sensiblement sur son humeur douce et enjouée, sans cependant ralentir son ardeur infatigable pour le travail 2. »
La suppression du Tribunat, en 1807, le priva encore de son emploi de Conservateur de la Bibliothèque qu'il y
avait fondée : « J'ai eu la douleur, dit-il 3, de voir
« cette collection dispersée sans que personne y prît plus « d'intérêt qu'on n'en prit à moi-même et à mon collègue ; « et je me vis forcé, par l'ingratitude et l'insouciance des « hommes que j'avais si bien servis, à demander au res« pectable Fourcroi un emploi dans l'instruction publique, " Il obtint celui de censeur des études au lycée de Nancy.
Ses travaux dans cette ville se bornèrent à quelques oeuvres de peu d'importance : Le triomphe des armées françaises à Marengo, strophes «lues,en séance publique « dans une réunion de gens de lettres, mises ensuite en « musique par Fritzeri et chantées dans un concert d'amateurs 4 ; » — Napoléon le Grand, empereur des Français, ode pindarique traduite du portugais du Dr Soyé 5 ;
1 Puis prisonnier de l'Angleterre. (V. lettres mss. de Simon à M. Sainton, en date du 9 janvier et du 25 avril 1811, du 31 mai 1812, du 6 juin 1813. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770.) 11 devint maréchal de camp et fut tué dans la campagne d'Espagne, en 1823 (d'après une note de M. A. Millard).
2 Notice sur E. T. Simon, par E. F. S. (le baron Simon, Son fils), dans le lef vol., p. XXXVIII, de la Traduction..., des épigrammes de
M. Val. Martial, par E. T. Simon Paris, F. Guitel, s. d, (1819),
3 vol. in-8°.
3 Simoniana, art. Bibliothèque du Corps législatif.
4 Une feuille ms. pet. in-folio. (Bibl. de Troyes, coll. A. Millard).
5 1808, in-8°.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 359
Mathurin ou le Sage à la campagne, récit pastoral 1 lu le 1er septembre 1808 à la Société des belles-lettres de Nancy, dont il faisait partie.
XIV
En 1810, Simon fut envoyé à Besançon comme professeur d'éloquence latine, à la Faculté des lettres de cette ville 2. Cette nomination fut loin de lui sourire : elle le maintenait éloigné de Paris, « ce centre de là France, dit-il, où je « faisais tous mes efforts pour me réintégrer 3, » Ses nouvelles fonctions consistaient à faire « un ou deux discours « d'une heure que je débite, dit-il, les lundi et mardi de « chaque semaine devant un très petit nombre d'auditeurs, « auxquels il faut que je fasse de l'éloquence latine et « française comme si je parlais devant les premiers érudits « de l'empire; mais on me paye, et cela répond à tout. Je « fais compliment à M. Bégat de faire à Pau le même mé« tier. Etre à Pau, à Besançon, à Hambourg, quand on
1 Mathurin ou le Sage à la campagne , récit pastoral lu à la séance publique de l'Académie de Nancy, le Ie' septembre 1808, par E.-T. Simon de Troyes, brochure in-8° de 8 pages. — Réimprimée à la suite de Le Poète et le prétendu Savant, dialogue....: Besançon, 1810.
2 Et non au lycée de Besançon, comme on l'a dit quelquefois, entre autres Patris-Debreuil dans les OEuvres inédites de Grosley (Mémoires sur les illustres Troyens, 2e vol., art. Simon). — « Vous « avez fait de moi un vicaire au lieu d'un curé, » écrit Simon à M. Sainton, « en me faisant professeur d'éloquence latine au Lycée " de Besançon, tandis qu'il fallait mettre dans la faculté des lettres « de l' Académie ; il n'y a point de faculté dans les Lycées, 1 et les « Académies sont d'un ordre supérieur." Besançon, 13 févr.1811. (Lettre ms. de 2 p. in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
3 Paris, :1er.janvier 1810. (Lettre ms. de Simon à M, Sainton, 1 page in-8°. —Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
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360 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe'' SIÈCLE
« n'aimerait à être qu'à Paris, c'est à peu de chose près « habiter le Tartare ou les Champs-Eliséesl. » Ah ! qu'il aurait préféré alors revenir dans sa chère ville de Troyes ! « Que vos administrations, écrit-il à M. Sainton, en « apprenant la mort de M. Herluison, bibliothécaire de la « ville, m'assurent le traitement (que j'ai ici 3000 fr.) et « un logement convenable, j'irai en prendre soin et consa« crer mes derniers jours à ma patrie ; mais c'est ici velut « oegri somnia2.— Je le dis avec ma franchise accoutumée, « votre ville vaut encore dix fois mieux que celle que j'ha« bite; quoique vous n'ayez ni cour impériale, ni académie, « ni lycée, ni d'importuns tambours, ni de bruyans canons « qui vous réveillent en sursault, ni de vilaines fortifica« tions qui, pour sortir de la ville et y rentrer, exigent de « votre part le double du chemin qu'on ferait ailleurs, il « me semble qu'il y avait, dans mon ancienne patrie, plus « de bonhomie, de franchise et de gaieté. Au reste, c'est « peut-être parce que je suis vieux que je vois ainsi : à « mon âge on vit plus de souvenirs que de réalités 3. » Et plus tard encore : « Plaignez donc un peu votre vieil
« ami de vivre au milieu de cette Boeotie Je n'ai plus
« qu'un souffle ; mes yeux s'affaiblissent, mais ils regardent « toujours ma ville natale 4. »
Il essaya de se consoler de ,cet exil en se plongeant de plus belle dans l'étude et spécialement dans des travaux ayant son pays natal pour objet. Un des premiers et des
1 Besançon, 9 janvier 1811. (Lettre ms. de Simon à M. Sainton, 3 p. pet. in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
2 Besançon, 13 févr. 1811 (Lettre ms. de 2 pages in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
3 Besançon, 4 septembre 1811. (Lettre ms. de 4 pages pet. in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
4 15 avril 1813. (Lettre ms. de 2 pages pet. in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
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EDOUARD-THOMAS SIMON 361
plus importants fut la publication, en 1811,de concert avec M. Sainton, de la suite des Mémoires historiques et critiques pour l'histoire de Troyes,de Grosley, dont un volume seulement avait paru du vivant de celui-ci 1. « Un « grand nombre de personnes, » dit Simon, « aspirent à « voir cet ouvrage qu'ils estiment parvenu au terme où son «auteur devait le conduire. Cet auteur a laissé quelques« uns de ses matériaux que nous avons recouvrés et que « nous tâcherons de mettre en oeuvre de manière à ne lais« ser voir que le moins qu'il nous sera possible la trace « d'une main différente 2. » IL ajoutait du reste dans sa lettre à l'éditeur, en note de ce projet de préface. « Je ne « veux point que mon nom y paraisse, si ce n'est dans la « Notice sur la vie de Grosley 5 sur laquelle je vous « enverrai les changemens ou additions que je croirai « devoir faire à la leçon de l'Almanach de 17874 Je vous
1 V. à la Bibliothèque de Troyes (liasse n° 2770) lés lettres mss. de Simon à M. Sainton, relatives à cette publication (du 9 janvier 1811 au 31 mai 1812). :
2 Avis sur cette nouvelle édition, projet de préface adressé à M. Sainton par Simon (4 pages mss. pet. in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770);— Cette préface ne fut point imprimée, Simon ayant d'ailleurs donné carte blanche à l'éditeur pour y opérer les changements qu'il jugerait utiles, et elle fut remplacée par un Avis du Libraire-Editeur.
8 Réimprimée en tête des Mémoires historiques. — V. la lettre ms. datée de Besançon, 9 janvier 1811, où Simon dissuade Ml Sainton de mettre au commencement de ces Mémoires l'éloge de Grosley, par l'abbé Herluison, qui avait déjà paru en tête des Mémoires de l'Académie de Troyes ; il lui semble que sa Notice, avec quelques additions, « remplirait le même but et aurait pour elle une « ancienneté de vingt-cinq ans qui ne lui nuirait pas.... C'était lé « projet de M. Balestrier ; je ne serais pas fâché qu'il vous convînt. « Cela renouvellerait ma mémoire aux Troyens qui m'ont oublié. » (3 p. mss.;pet. in-4°.Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
4 V. à la Bibliothèque de Troyes (liasse n° 2770), jointes à la lettre mss. du 17 octobre 1811, les Réformes ou Additions à faire à ma notice sur la vie, etc., de M. Grosley. (7 pages mss. in-12).— Y voir
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362 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
« recommande entre autres de ne rien changer à ce que je « dis plus haut du petit Maydieu. Ce petit charlatan que je « ne nomme point, mais qu'on n'aura pas de peine à de« viner, mérite la légère flétrissure que j'imprime à sa « mémoire. » Dans ce même temps, un autre troyen, Patris-Debreuil, ayant appris ces projets et se prétendant aussi des droits sur ces Ephémérides Troyennes, dont les Mémoires historiques et critiques n'étaient qu'une réédition remaniée et augmentée, publia le recueil des Ephémérides de P.-J. Grosleyl, renfermant, dit-il, « tous les morceaux curieux et intéressans, rassemblés par P.-J. Grosley, sous le nom d'Ephémérides, et qui ont paru périodiquement, depuis 1757 jusqu'en 1768 2. » — « Il « n'a pas dû suer à cette besogne, » écrivit à ce propos Simon à M. Sainton, le 25 avril 1 811. « J'ai ri des petites « égratignures qu'il vous fait et à moi. J'en ai dit mon « avis tout au long dans ma réponse à une lettre de « M. Renaud de Beaucaron, que ce jeune homme avait «sans doute stimulé à m'écrire, pour me dissuader de « coopérer avec vous. Il prétend avoir des droits ; je crois « les vôtres meilleurs, et les premiers. D'ailleurs,) n'ayant « moi-même rien fait de ma vie par aucun principe de « cupidité, je ne m'aviserai pas de servir celle d'un autre « très inconnu, et de manquer à l'amitié qui m'attache à « vous pour la vie 3. »
également des notes pour l'impression des Mémoires historiques: Monumens des arts, curiosités et singularités de la ville de Troyes (12 pages mss. petit in-4o) ; — Remarques relatives aux hôpitaux et aux établissemens de charité (11 pages mss. petit in-4°), etc.
1 Ephémérides de P.-J. Grosley, ouvrage historique mis dans un nouvel ordre, corrigé sur les manuscrits de l'auteur, et augmenté de plusieurs morceaux inédits, avec un Précis de sa vie et de ses écrits,et des Notes; par L.-M.Patris-Debreuil, éditeur. A Paris, chez Durand et Brunot-Labbe, 1811, 2 vol. in-8° ou in-12.
2 Ouvrage cité, Préface de l'éditeur, p.l.
3 Lettre ms. de 3 pages peti. in-4°. (Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
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EDOUARD-THOMAS SlMON
363
Les Mémoires furent enfin publiés en 1812 1, précédés de la Notice de Simon et accompagné des portraits de ce dernier 2 et de Grosley, d'un plan de la ville de Troyes et
— Plus tard, M. Patris-Debreuil, dans son édition des OEuvres inédites de P.-J. Grosley (Paris, Patris, 1813, 2 vol. in-8°), a consacré dans le 2e vol. des Mémoires sur les Troyens célèbres (p. 389 à 395), un article, assez insignifiant du reste, à Simon : « Eu égard au mérite littéraire, cet article est un de ceux où nous pourrions nous étendre davantage, M. Simon étant, par son esprit, ses connaissances et ses talents, un des écrivains qui font le plus d'honneur à sa patrie. Cependant, nous sommes forcé de le faire très court, parce que M. Simon ayant quitté Troyes depuis longtemps, et publié la plupart de ses ouvrages, sans se nommer, sa vie politique et littéraire nous est peu connue, et nous craindrions de nous tromper à son sujet, " Le reste de l'article est consacré à relever une apparente contradiction entre des éloges donnés à Grosley par Simon dans sa Notice et une appréciation peu favorable sur ce même Grosley émise dans un article du journal de Troyes, dont Simon d'ailleurs n'est très probablement pas l'auteur, à propos d'une annoncé de l'Almanach des Muses, des Etrennes du Parnasse, et des Muses provinciales pour 1788, — recueils que Grosiley avait comparés quelque part à « ces cornets de. vermine qu'au Pérou les gueux payoient pour impôt. »
1 Mémoires historiques et critiques pour l'histoire de Troyes, ornés de plusieurs planches gravées ; par M. Grosley, de l'Académie des Inspriptions et Belles-Lettres de Paris, des Sociétés Académiques de Nancy, Chatons, etc. Edition donnée par lui-même et augmentée d'une Notice sur la Vie et les Ouvrages de l'auteur, par M. Simon, professeur d'Éloquence latine de la Faculté des Lettres de l'Académie de Besançon, membre de plusieurs Sociétés littéraires. —, A Paris, chez Vollard aîné, et à Troyes, chez Sainton père et fils, 1812,2 vol. .in-8°,
2Dessiné au physionotrace et gravé par Quenedey (des Riceys (Aube),: 1810., — Réimpression avec ce quatrain de Regnault de Beaucaron:
Esculape et Phébus se le sont disputé ,
Le génie au seuond donna la préférence.
Celui qui de La Fare a la facilité
De Chaulieu doit avoir l'aimable insouciance.
Ce quatrain; en remplaçait un autre adressé par Simon lui-même :
Sans crainte et sans espoir je vois sur cette terre
Couler le peu de jours'que m'a fixés le sort ;
Et dans l'incertitude, achevant ma carrière,:
Je n'aime que la vie et ne hais que la mort.
(Inscription pour mon portrait. —Recueil manuscrit de poésies fugitives, inscr. 62).
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364 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
de quelques gravures de monuments locaux tirées des Ephémérides 1. « Nous nous sommes étayés, » disait l' Avis du Libraire-Editeur 2 « des conseils et du secours d'un de nos compatriotes, aussi affectionné à son pays, aussi attaché à honorer la mémoire de M. Grosley que juste appréciateur de ses talens. Il a vécu assez longtemps dans la société de ce Savant pour s'être mis à même de pénétrer les dispositions de son esprit, les sentimens de son coeur, et pour être instruit d'un grand nombre de particularités
1 Voici les appréciations de Simon: «. Besançon, 31 mai 1812.. " Vous n'avez pas voulu de mon épigraphe philosophique pour mon « portrait, et je ne sais si je dois des remerciemens à la cageolerie " dont m'a gratifié M. Dubeaucaron. Il me semble qu'en me mettant " dans la famille des La Fare et des Chaulieu, il fait à mon esprit « plus d'honneur qu'il ne mérite. Et je crains qu'on ne nous en « punisse tous deux. Au reste, je suis très sensible à son extrême « Bienveillance. » Et sur le portrait de Grosley : " Je ne sais pour« quoi on a été chercher son portrait sur son masque maj jette en « plâtre par Herluison, et sur la copie sans doute très infidèle de « Baudemant. Il y avait dans son cabinet un grand portrait de lui, « à mi-corps, où son chat jouait son rôle. C'était ce portrait-là " qu'il fallait copier. Ce chat accessoire et ce chat figurant dans " son testament sont des traits de caractère précieux à conserver. « Qu'est-il devenu, ce portrait? il le peignait jeune; mais doit-on " compte, sur un portrait, de l'âge du portraié? Grosley fait ainsi, " et son chat, représentent particulièrement l'auteur des Mémoires « de l'Académie de Troyes, son meilleur ouvrage, celui qui le « caractérise le mieux... Votre plan dé la ville est fort beau, fort « net surtout..... mais je ne sais pourquoi vous vous êtes imposé « la double dépense de le faire en deux morceaux. Les réclames " sans le plan ne servent à rien, et le plan sans les réclames ne « serait d'aucune utilité. Vous n'avez pas employé, à beaucoup près, « tous les cuivres des Ephémérides. Je regrette de ne pas voir sur" tout le jubé de Sainte-Madeleine, moindre, quant au goût « moderne, que celui de Saint-Etienne, mais plus recommandable «dans sa forme gothique, par son élégance et sa légèreté. Id. un " portail de Saint-André, un autre de Saint-Frobert. Et pourquoi " la salière qui représentait ce chanoine gourmand, en est-elle « procrite? Je vous abandonne le reste, s (Lettre ms. de 4 pages pet. in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770.)
2 Mémoires historiques.,..., 2e vol., p. VI.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 365
qui tiennent au cours,de sa vie, et surtout à ses derniers jours, pendant lesquels il n'a presque pas quitté son chevet. Nous lui rendons, ici le tribut que méritent son amitié et son désintéressement. »
A la suite de l'ouvrage était imprimé un Recueil de pièces pour servir aux Mémoires historiques sur la ville de Troyes1 . Mais la publication n'en avait pas été faite complètement au goût de Simon : deux articles envoyés par lui : Anecdote relative au grand Bossùet, et une Autre Anecdote relative au duc d'Orléans, Régent2, avaient été supprimés par crainte de tracasseries ou de froissements, et M. Sainton avait tronqué pour les mêmes raisons le Mémoire de l'entreprise faite par plusieurs habitants de Troyes du parti du Roi, bannis de leur ville par les Ligueurs, pour la surprendre et en chasser les Rebelles, aumois de septembre de l'année 1590, — récit contemporain que Simon lui avait adressé 3 et qu'il tenait surtout à voir publié intact : « Il paraît par le ton qui règne dans le « contenu de ce mémoire qu'il a été écrit par un religio« naire ardent, mais sauf tout esprit de parti; il présente « des détails piquants 4! » Les observations pressantes de Simon tendant à l'impression de ces trois pièces 5 ne réusi
réusi historiques, etc., 2e volume, p. 577 et suiv.
2 V. à la Bibliothèque de Troyes (liasse n° 2770) les notes manuscrites envoyées par Simon à M. Sainton pour la publication de ces différentes pièces, et contenant ces articles supprimés (2 feuilles votantes et 11 pages, pet. in-4°).
3 En voir à la Bibl. de Troyes (liasse n° 2770) la copie manuscrite, de la main du petit-fils de Simon (11 pages pet. in-4°), jointe à la lettre datée de Besançon, 25 avril 1811.
4 Note pour M. Sainton, de la main de Simon, en marge de la copie indiquée ci-dessus.
" Besançon, 22 octobre 1811.
6 « Je, n'ai rien à répondre, mon très cher, à la futilité de vos
« objections. Grosley est plus croyable qu'un contemporain, je le
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366 UN POETE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
sirent pas à convaincre son éditeur 1.
"veux. Les, ligueurs qui sont, comme vos non-assermentés d'àu« jourd'hui, des gens de la meilleure foi, ont dit la vérité ; et vous " et moi qui venons plus de deux siècles après eux, puisque nous " somme plongés dans la fange des préjugés que nous ont laissés ces " gens-là, nous leur devons du respect et de.la croyance. Admira« blement raisonné.
« C'est du Basile tout pur; Je m'en lavé les mains. Je ne vous " ferai qu'une légère observation ; c'est que si vous vous servez du " récit de Courtalon, vous devez dire que n'ayant point retrouvé la; « pièce indiquée par Grosley, comme, un mémoire unique, vous « vous êtes servi tout bonnement des matériaux que vous avait tout " machés hauteur de la topographie (a). Replacez après: cela vos « quinze cents hommes sur la place de St-Pierre. Et appelez cela de « l'histoire. Il y a soixante ans que j'en lis de pareille, et c'est ce « qui fait que je n'y crois pas plus qu'à bien d'autres choses. »
Quant aux deux anecdotes sur Bossuet et le Régent, « Maydieu n'a « pas inséré ces matériaux très piquants dans la vie de Grosley par " ménagement pour les jésuites d'une part, et par ménagement pour " l'épiscopat de l'autre, à l'égard de Bossuet, et peut-être encore «par ménagement pour le d. d'Orléans, régent, quant à la fille de « l'abbesse de Chelles. Hors (sic) vous serez à l'égard de la vérité, « car je suis très persuadé que tout cela est vrai, vous serez à l'égard « de la vérité comme Maydieu, dis-je, l'était..... Je serais fâché « qu'on put dire ou croire que je voulusse transgresser ou violer " une seule des lois; du gouvernement, déranger en rien l'ordre « public ou m'opposer en paroles ou en actions à l'action de la loi; « mais sur tout le reste, aucune considération ne peut me faire " dévier de mon opinion. S'il n'y avait pas lieu de me faire soupçon« ner d'orgueil, je dirais comme J. J. vitam impendere vero. N'est" ce pas se jouer de la faiblesse des hommes que de coopérer à les " faire tomber continuellement dans l'erreur? N'est-ce pas les y " plonger que d'omettre, des; faits presque; autentiques? » (Lettre ms.de 3 pages in-18. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
(a) C'est ce que fît M. Sainton : « N'ayant pu; » dît-il, « retrouver la pièce indiquée par M. Grosley comme Mémoire.unique (voyez tome I, p.;318), nous nous.trouvons forcé de suivre ce récit imparfait d'un contemporain par celui donné par M. Courtalon. " (Mémoires historiques, etc , 2e vol, p. 644, note a). —Une copie de cette pièce signalée par Grosley, empreinte au plus haut degré de l'esprit ligueur, a été retrouvée plus tard et, publiée dans l'Annuaire de l'Aube de 1850 (2e partie, p. 11 à 22): Discours de l'entreprise sur Troyes, Faite le dix-septième jour de septembre 1590,à Troyes, Par Jean Moreau, Me Imprimeur du Roy. .....
1 Voici, au sujet, de toutes ces suppressions et, modifications,
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EDOUARD-THOMAS: SIMON 367
Dans ce Recueil publie à la suite des Mémoires historiques figuraient aussi des Pièces diverses inédites extraites du FARRAGO et des COMMENTARII DE VITA MEA de Grosley. M. Sainton, à la vente de ce dernier, avait fait l'acquisition du manuscrit connu sous le nom de Farrago. « L'intention que nous avions alors, » dit-il, « était de joindre ces restes précieux à ceux des manuscrits de M. le chan. Trémet, qui nous sont échus à la vente de M. Tr... Ch... (Truelle de Chambouzon, conseiller au bailliage 1) et d'en tirer le'
l'appréciation définitive de Simon
" Besançon, 31 mai 1812. " ...: .Vous avez bien fait quelques petits changemens et des « suppressions même aux articles que j'avais rédigés pour les « Mémoires ; et tout cela pour la plus grande gloire de Dieu,: et à « cause de la peur des sots et des méchans; mais je vous tiens " rancune pour l'article de la surprise de la ville par le parti » royaliste. Celui que je vous avais fourni était : 1° plus conforme « au mémoire annoncé par Grosley; 2° plus neuf et plus piquant « par ses détails et ses réflexions, 3° on y reconnaissait la manière « et le style du tems, de plus le cachet du parti qui portait Henri IV « sur le Trône. Vous y avez substitué celui de Gourtalon, soit dit « entre nous, très mal écrit, partial, ligueur, etc. Si vous m'eussiez « prévenu que vous ne vouliez point absolument de l'autre, j'aurais « tâché de vous faire une nouvelle rédaction de celui de la topogra« phie ; et en corrigeant la narration, sans rien changer aux faits, « vous ne courriez pas les risques de ne donner qu'une copie d'une «histoire, qui court les rues, au. lieu d'un mémoire original et « contemporain que vous deviez. Je n'aurais pas été homme à vous « refuser ce bon office, en dépit de mon opinion contraire, parce « que la chose vous appartient et que j'aurais eu mauvaise grâce en « ne vous obligeant qu'à moitié; C'est là la tache principale et peut« être la seule de votre ouvrage.... On pourrait ajouter à mes «.. reproches sur votre ouvragé quelques négligences typographiques, «,; rares à la vérité ; d'avoir tronqué le testament de Grosley dont il « ne fallait pas retrancher un iota, parce que là est, sa pensée, son «. caractère, mieux que sur la langoureuse physionomie que vous « nous donnez pour son portrait." Suivent les critiques; rapportées plus, haut au sujet des gravures. (Lettre ms. de 4 p. pet. in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
1 V. plus loin, p. 372, note de Simon à ce sujet.
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368 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
meilleur parti possible pour le bien et l'honneur de la ville de Troyes. Il a fallu, sur tous ces projets, s'en tenir à des regrets inutiles, mais sincèresl. »
Le premier de ces ouvrages était des plus curieux : «Anecdotes, traits d'histoire, saillies et bons mots, observations morales, réflexions philosophiques, récits de quelques événements de sa vie, passages d'anciens écrivains, portraits d'auteurs modernes, etc:, tout y était tellement mêlé que Grosley ne pouvait trouver un titre plus propre à caractériser ce recueil que celui qu'il lui a donné : Ineditorum incomposita Farrago2.» Grosley y avait inscrit sous le titre : Indication des mémoires et retailles de mes lectures la liste des dissertations et articles publiés par lui de 1736 jusqu'à sa. mort dans les recueils littéraires du temps : Journal de Verdun, Mercure de France, Journal de Trévoux, Journal encyclopédique, etc., souvent sous le voile de l'anonyme et du pseudonyme 3, et l'abbé Maydieu avait projeté de réunir en deux volumes in-8°, sous le titre de Mélanges d'histoire et de littérature, ces nombreuses publications 4.
En 1812, M. Sainton reprit son premier dessein et demanda encore à Simon sa collaboration pour ce nouveau
1 Mémoires historiques, etc., 2e vol., Avis du Libraire-Editeur, p. VI.
2 Perte du Farrago de Grosley. —Découverte d'un fragment de ce manuscrit, article signé : G (Gorrard de Breban), (Annuaire de l'Aube de 1850, 2e. partie, p. 3.)
3 « J'en ai compté quatre-vingt-quinze, » dit Simon, « dans « l'espèce de liste qu'il a placée au manuscrit intitulé : Farrago, et « je doute qu'elle soit bien complette. » Notice sur la vie et les ouvrages de M. Grosley (édit. des Mémoires historiques, p. XXI).— D'après Grosley lui-même, cité par l'abbé Maydieu (Vie de M. Grosley, etc., p. 306), ces dissertations étaient au nombre de quatre-vingtseize,
4 Fie de Grolsey, etc., p. 307, note I.
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travail. « Vos projets, tels qu'ils soient, » répondit ce dernier, « dès qu'ils auront Grosley et la ville de Troyes pour « objet, me seront toujours agréables, et vous pouvez « compter sur ma bonne volonté en tout point, plus que « sûr mes talens. Il y a trois ouvrages qui doivent entrer « en chef dans les Mémoires de littérature projetés : « 1° Son discours qui a remporté le 2e prix: à Dijon, en « 1750 ; 2° Celui sur les lois; à Nancy; 3° Celui sur la « conjuration de St -Réal, à l'Académie de Chaalons. Je ne « sais si la liste que j'ai débrouillée dans le farrago nous « mettra sur la voie pour tout ce qu'il a fait passer d'opus« cules au Mercure, au Journal de Verdun, aux Mémoires « de Trévoux, au Journal Encyclopédique, à l'Esprit des «journaux, au Journal de Paris et à celui de Troyes. « C'est dans ces sources qu'il faudra puiser. Si M. votre « bibliothécaire est à même de vous les fournir, ne perdez « point de tems à faire copier, et amassez promptement « vos matériaux. Que l'on soit attentif à la conservation « des dates de l'ouvrage, de son insertion au journal, et à « toutes ces circonstances qui paraissent minutieuses et « ne le sont pas. Indiquez-moi ensuite ceux qui auront « besoin de notes, d'éclaircissemens, ceux qui pourront « échaper, etc., etc. Une chose qui m'étonne, c'est qu'il ce ne paraît pas qu'on n'ait trouvé.parmi ses papiers, des « lettres de savans, d'amis, etc., qui devraient servir à « éclaircir des circonstances littéraires, ni quelques origi« naux de réponses de sa part. Ces. objets ont-ils aussi été « gobés par le Maidieu ? sont-ils enterrés parmi les livres « passés aux Sourdats? Des notes sur les livres de sa « bibliothèque peuvent encore fournir des lumières. « Qu'est-ce que tout cela est devenu ? Cherchez et reçueil« lez tant qu'il vous sera possible. En 1758 ou 9, je me « souviens qu'étant alors clerc chez Cligny, notaire, je « fus prié par M. Fromageot de copier des. lettres qu'il " avait écrites pendant son voyage d'Italie où il était
T. LUI 24
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370 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
« alors. Je ne sais à qui elles étaient adressées ; mais il y « en avait un assés bon nombre et elles Contenaient dès « anecdotes fort piquantes 1. »
Les deux éditeurs se partagèrent la copie des articles insérés dans les divers journaux ; à Simon échut la tâche de dépouiller le Journal encyclopédique qui contenait le plus grand nombre de dissertations 2. Il y releva ainsi 91 articles dont 80 de Grosley, et 11 y relatifs 3. « Je me suis assuré en « les copiant, » dit Simon, « qu'il n'en est presque pas un « qui ne pique la curiosité. Ce sera un ouvrage à mettre « avec les Mémoires de l'abbé d'Artigny, les Mélanges «littéraires, les Ana, livres toujours recherchés 1 et d'un « débit général, parce qu'il ne s'y agit pas de localités « comme dans les Mémoires ou les Grands hommes sur « Troyes, mais de traits ou de discussions ou historiques, « ou littéraires, ou polémiques, d'un intérêt bien plus « étendu et quelquefois remplis de singularités. Nous « n'aurons que le mérite de la compilation, mais peut-être « nous saura-t-on gré d'avoir sauvé de l'oubli beaucoup
1 Besançon, 31 mai 1812. (Lettre ms. de 4 pages petit in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
2 V. lettres de Simon à M. Sainton, en date du 11 octobre 1812, des 3 mars et 6juin 1813, relatives à ce travail.
3 En voir la nomenclature dans l' Annuaire de l'Aube de 1850 (2e partie, p. 3 et suiv.: Perte du Farrago de Grosley — Découverte d'un fragment de ce manuscrit): Liste des pièces copiées du Journal Encyclopédique, insérées dans ce journal par lui, ou servant de réponse aux siennes, sauf un petit nombre prises d'ailleurs ; depuis l'année 1764, jusqu'en 1785 inclusivement (pages 5 et suiv,). Dix autres articles du Journal Encyclopédique sur des personnages célèbres de l'Aube, n'ont pas été copiés, dit Simon, ayant dû être relevés dans l'ouvrage sur « les illustres concitoyens » alors sous presse (en v. la liste, p. 9). — V. en outre dans l' Annuaire de l'Aube de 1852 (2° partie, p. 3 et suiv.: Farrago de Grosley, supplément à la liste de ses pièces fugitives, art. signé : C) le relevé fait par M. Sainton: Notice des envois faits par M. Grosley aux différents journaux et critique des pièces insérées auxdits journaux.
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« de choses précieuses ensevelies dans des écrits périodi« ques qu'on a lus une fois et vers lesquels on ne revient « plus dansla suite des siècles 1. » Le dernier de ces articles était intitulé : Pièces relatives à la dénonciation et à la censure des Ephémérides troyennes. Sous ce titre, Simon avait copié au greffe du bailliage de Troyes, avec l'intention tout d'abord de les publier à la suite des Mémoires historiques avec les pièces supprimées2, les curieuses lettres échangées entre, le chancelier et les officiers du bailliage et siège présidial de la ville de Troyes à propos de la saisiedes Ephémérides troyennes de 176l 3. « Ne communiquez à personne votre Farrago, » écrivait Simon à M. Sainton; " car vous le verriez publier un beau « jour*. » Hélas ! il ne devait jamais l'être ni par lui ni par aucun autre. Ces projets n'aboutirent pas, et les relevés faits par les deux amis avec les quelques extraits publiés, dans les Mémoires historiques et dans la Vie de Grosley de l'abbé Maydieu, sont tout ce qui reste du précieux manuscrit : donné par M. Sainton au comte Beugnot, il dis1
dis1 du Farrago de Grosley, etc. (Annuaire de l'Aube de 1850, 2e partie, p. 10).
2 « Il serait très piquant de joindre et la sentence et les pièces « dont je vous parle à la suite de nos Mémoires. " (Note sur les articles supprimés par la censure dans les Ephémérides de 1761 (4 p. mss. in-12) ; V. aussi lettre datée deBesancon, 9 janvier 1811 (3 p. mss. pet. in-4°)
3 V. la copie de ces pièces au n° 157 des Mélanges de littérature de Simon : folios 78-961 (Bibl, de Troyes, mss. n° 2759).— Une
colonne avait été réservée par Simon pour inscrire ses « remarques particulières " en regard des observations des censeurs; elle n'a pas été remplie. — V. en outre lettre de Simon à M. Sainton, datée de Besançon, 17 septembre 1812 (3 pages mss. in-12), où il revient sur la publication de cette correspondance « que personne n'a plus " complette que moi. "
y. 4 Besançon, 11 février 1812. (Lettre mss. de 3 p. pet. in-4°, Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
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072 UN POETE TROYEN AU XVIIIe SIECLE
parut à la mort de ce dernier, et toutes les recherches faites depuis pour le retrouver sont restées infructueuses.
Comme on le voit, Simon avait raison de se dire « jaloux « de contribuer à la gloire de son savant compatriote » et, par delà la tombe, Grosley devait être enfin consolé de ses ennemis d'autrefois.
Simon annota encore les Annales troyennes de l'abbé Trémet, recueil de manuscrits restés inédits, s'étendant de juin 1754 à septembre 17581, « Ces cahiers, » dit-il en tête du volume, « contiennent une partie des notes histo« riques que faisait l'abbé Trémet, chanoine de Saintce Urbain, sur la ville de Troyes. Né en 1740, j'ai connu « tous les personnages qu'il cite, et j'y place des notes « en 1816; » et en marge: « Les autres mémoires de « Trémet, fort curieux, ont été dispersés à sa mort 2. Ceux« ci viennent de M. Truelle de Chambouzon, conseiller « au baillage. » Ces notes de Simon fournissent nombre
1 1 vol. relié pet. in-4° (Bibl. de Troyes, coll. A. Millard). — Ce titre est celui qui est imprimé au dos du volume formé par la réunion de ces notes, et n'est pas plus que la disposition de ce recueil, dû à l'auteur même, qui inscrivait ses notes sur des cahiers distincts par année avec des titres divers : Annales Ecclésiastiques et Séculières de la ville et dioceze de Troyes ou mémoires pour servire à l'histoire de Champagne pour l'année 1755. — Mémoires Ecclésiastiques et Séculiers pour servire à L'histoire de La ville et du Diocèze de troyes pour l'année 1757. — Mémoires pour servire à l'histoire De la ville de Troyes pour l'année 1758. — (11 n'y a pas de titres aux années 1754 et 1756).
2 Un de ces autres manuscrits est à la Bibliothèque de Troyes, catalogué sous ce titre : Notes historiques de ce qui s'est passé à Troyes, et sUr quelques points de la Champagne, depuis 1770 jusqu'à 1790, par l'abbé Trémet, chanoine de l'église Saint-Urbain dé Troyes. (In-folio dé 60 feuillets, plus une addition de 8 feuillets in-4°, n° 2322 du catalogue). Il a été l'objet d'une étude dans l'Annuaire de l'Aube de 1856 (2e partie, p. 107 et suiv.) : Le manuscrit du chanoine Trémet, par M. Magister, censeur des études au Lycée Impérial de Chaumont, membre de la Société Académique de l'Aube et de la Société archéologique de Langres.
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ÉDOUARD-THOMAS SIMON 373
de détails intéressants et: souvent satiriques sur les personnages mis en scène, et surtout sur les Jansénistes et leur adversaire, l'évêque Ponçet de la Rivière qu'il détestait tout autant 1.
XV
Il ne se bornait pas cependant à ces travaux sérieux, et « la sévère Clio, » comme il dit, ne l'empêchait pas de s'égayer avec les autres Muses. C'est ainsi qu'en 1810, il célébra en vers latins « le mariage de Buonaparte avec une princesse d'Autriche2, » et chanta l'année suivante la naissance du roi de Rome. « A cette époque, » dit Marco de Saint-Hilaire 3, « la manie versiculaire était si commune, qu'il n'y avait pas dans tout l'Empire français un seul chef-lieu d'arrondissement qui n'eût son poète de circonstance. Il n'est si petite commune qui n'adressât au foi de Rome une hymne,, une cantate, une ode, que sais-je? Jamais plus d'encens ne fut brûlé dans la cassolette impériale. Mais on ne se borna pas à inhumer ces poésies éparses dans le Journal de l'Empire (aujourd'hui le Journal des Débats), » des prix furent institués pour couronner les meilleures poésies 4. On adressa « en moins d'un mois
1 « Je ne devrais pas le traiter si mal, » dit-il ailleurs en parlant des événements où ce prélat fut mêlé en 1754, « car c'est lui, c'est " le tableau de l'intolérance de ses pareils et la sienne qui m'a " donné à réfléchir et qui m'a inspiré les principes que j'ai adoptés " et dont je ne me départirai jamais. » (Lettre de Simon à M. Sainton, datée de Besançon, 4 septembre 1811. (4 p. mss. in-4°). Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
2 A. Beuchot, art. Simon dans la Biographie universelle de Michaud:
3 Lés jeunes poètes de Napoléon.
4 D'après Marco de Saint-Hilaire (ouvrage cité), on devait décerner
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374 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
1263 pièces en langues française, grecque, italienne; allemande, espagnole, portugaise, anglaise, hollandaise et flamande 1, et plus de 500 furent imprimées dans deux gros volumes ayant pour titre: Hommages poétiques à Leurs Majestés Impériales et Royales sur la naissance de S. M. le Moi de Borne, recueillis et publiés par J. J. Lucetet Eckard2. Le poème de Simon: Le Congrès des fleuves obtint le 5° prix des poésies françaises 3. La nymphe de la Seine, suppose-t-il, voulant honorer l'enfant royal d'une façon digne de lui, charge les naïades de ses affluents d'aller apprendre l'heureuse nouvelle au dieu de l'Océan. Celui-ci, désirant humilier l'orgueil de, la Tamise, convoque tous les fleuves, ses tributaires, et. toutes ces divinités réunies vont offrir leurs voeux à César. Le Tibre, en particulier,
Supplie au nom de Rome, au nom de sa mémoire D'appaiser ses ennuis, de relever sa gloire.
Sa prière est exaucée,
Et le vieillard comblé d'un succès aussi beau Baise trois fois lé bord du fortuné berceau.
deux prix et quatre accessits aux six meilleures pièces de vers français, latins, grecs, italiens, etc. — D'après l' Avant-propos des Hommages poétiques à Leurs Majestés. Impériales et Royales sur la naissance de S. M. le Roi de Rome, recueillis et publiés par J. J. Lucet et Eckard, cinquante prix avaient été fondés par ceux-ci : trente-cinq pour les pièces" françaises, cinq pour les pièces latines, cinq pour les pièces italiennes et cinq pour les pièces allemandes.
1 Avant-propos des Hommages poétiques.
2 Paris, Prudhomme 1811, 2 vol. in-8°.
3 Imprimé aux pages 375 et suiv. du 2e volume des Hommages poétiques. — A la fin de ce volume figurent les « noms de MM. les auteurs auxquels ont été décernés les cinquante prix proposés par MM. Lucet et Eckard et dont la proclamation s'est faite publiquement, le 25 juillet 1811, à la Salle Olympique. — Distribution, Langue. française :... 5e prix : M. Simon de Troyes, Professeur d'Eloquence latine à Besançon, auteur du poème intitulé: Le Congrès des fleuves. »
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Quant a l'inspiratrice de ces hommages, elle sera largement récompensée:
La Seine recevra le prix de son amour : Des canaux sur ses bords s'ouvriront chaque jour, Du Nord et du Midi les mers et les rivières Apportant leurs trésors serontses tributaires. La Nymphe avec respect accepte ces présens, Excite ses amis à tenir leurs sermens, Promet de partager leurs soins et leur fortune Et les rend satisfaits, aux plaines de Neptune.
Le théâtre l'occupait aussi : « J'ai perdu le tems de « mes vacances, » écrit-il le 17 octobre 1811, « à faire « sur de la musique, dont je n'entends pas un mot, les « paroles d'un opéra, qui doit se jouer ici, duquel j'ai a déjà entendu exécuter différens fragmens et que l'ama« teur musicien qui en a fait la musique fait exécuter à « grands frais 1. »
Puis il fit représenter une des nombreuses pièces composées dans ses moments de loisir : Les défauts supposés, comédie en un acte, envers, « changée et reproduite sous « le titre de L'heureuse indulgence. Je l'ai fait jouer à « Besançon 2, » dit Simon ; elle fut présentée plus tard, en 1817, au directeur de la Comédie française.
Deux amis, Floricourt et de Noirterre, se sont promis de resserrer encore leur liaison par le mariage de leurs en1
en1 à M. Sainton (4 pages mss. pet. in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770). — Quel est cet opéra ? les renseignements ne sont pas assez précis pour aider à le reconnaître dans les nombreuses pièces de théâtre manuscrites de Simon qui figurent dans la collection A. Millard, à la Bibliothèque de Troyes.
2 Cinq copies mss. in-8° et pet. in-4°, dont trois primitives, avec corrections, sous ces titres : Les défauts supposés ; —L'heureuse indulgence ; — L'heureuse indulgence ou les défauts pardonnes ; — Deux définitives, avec d'autres noms de personnages, intitulés: L'heureuse indulgence ou là Ruse inutile (Bibl. de Troyes, coll. A, Millard);
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376 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
fants. L'heure est venue de mettre ce projet à exécutions; mais Floricourt fils ne se soucie pas d'aliéner déjà sa liberté, et quand, par obéissance à son père, il vient à Paris chez M. de Noirterre, il s'est affublé d'une fausse bosse et couvert l'oeil d'un bandeau, espérant ainsi rompre tout projet d'union. C'est en exprimant ses regrets et les appréhensions que lui cause sa mauvaise mine qu'il se présente à son futur beau-père ; celui-ci, tout étonné, ne peut croire à son identité, mais une lettre de son vieil ami retenu chez lui et les renseignements donnés par le jeune homme lèvent tous ses doutes : c'est bien là le fiancé de sa fille, mais quel fiancé! Enfin, Pauline décidera. Elle se prononce-, n'écoutant pas les humbles observations de Floricourt qui la supplie de réfléchif, et ne veut devoir qu'à l'amour une union dont il se sent indigne, la jeune fille déclare qu'elle est toute disposée à suivre les arrangements convenus. Sa suivante Laurette, puis son père, auront beau la supplier tout à l'heure de ne pas agir à la légère, et lui représenter les inconvénients d'un pareil mariage, auquel d'ailleurs rien ne saurait la contraindre en présence de la mauvaise foi de Floricourt père ; elle reste inflexible : qu'importe la beauté si le coeur est bon ? D'après ses lettres, ce jeune homme paraît heureusement doué, et de sots préjugés ne pourront l'empêcher de l'estimer et de l'aimer de préférence à un joli fat au coeur vide. Quel résultat différent de celui qu'espérait Floricourt fils ! Et pourtant, s'il le connaissait maintenant, combien n'en serait-il pas charmé ! Décidément, les choses vont parfois d'un tout autre train qu'on ne pense et déconcertent souvent nos projets : des remords naissent dans le coeur du jeune homme : si son père survenait et apprenait sa supercherie, quel mécontentement, et pour lui-même quelle honte!— Et puis.... Pauline est bien jolie et paraît fort aimable, réplique le rusé Germain qui devine bien la vraie cause des regrets de son maître. Allons I un bon
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mouvement! Le plus court et le meilleur est de se repentir et de tout avouer courageusement.
Voici justement Floricourt père qui survient tout rayonnant, pensant tomber en pleine fête; au milieu de ses effusions empressées et joyeuses, de Noirterre a peine à placer un mot, et quand il peut enfin parler, c'est pour laisser éclater son mécontentement et ses: plaintes. Accusé de mauvaise foi, Floricourt reste interdit, et quand il sait la vérité, il commence à trembler: : ce ne peut-être son fils qu'a vu de Noirterre; alors qu'est-il devenu? de sinistres pensées hantent son-esprit : si l'on se trouvait en présence d'un audacieux assassin usurpant le nom et les papiers de la victime? — Mais non, de Noirterre l'a interrogé: c'est bien le propre fils de Floricourt ; Germain vient le confirmer, et explique par une attaque dont ils ont été victimes en route, les infirmités, d'ailleurs peu graves, de son maître. Du reste, celui-ci, absent en ce moment, rentrera bientôt, et son père pourra juger de la vérité de ces dires. On devine où est.le jeune tomme :il a rencontré.Pauline et lui renouvelle ses craintes et ses excuses.
En approchant de vous, en offensant vos yeux, Je crains de plus en plus de vous être odieux. J'arrive aussi muni du sceau d'une promesse Qui doit inquiéter votre délicatesse ; Contraindre vos penchants, contrarier vos goûts. Je suis déjà tyran ayant que d'être époux. Que dis-je? un si beau titre est un bienfait insigne : Je sais m'apprécier et je m'en crois indigné.
PAULINE
Indigne ! Pourquoi donc? pourquoi, loin de vouloir D'un sort moins rigoureux envisager l'espoir, Vous traitez-vous vous-même en juge inexorable? Quelque agrément de moins rendrait-il moins aimable? Les talents de l'esprit, les qualités du coeur, Un caractère égal, une agréable humeur, L'amour de ses devoirs, le désir d'être utile, Voilà des attributs d'un genre moins fragile, Que ces dons du hasard, Ces superbes dehors Qui, sans enrichir l'âme, embélissent le corps,.
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378 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
FLORICOURT FILS
Tant de perfections sont sans doute admirables. A la beauté du corps je les crois préférables. Si je les possédais, je pourrais concevoir Qu'on s'accoutumerait à l'idée de me voir.
PAULINE
Et si depuis dix ans d'une douce habitude
J'ai fait de votre esprit une constante étude, , Si, sous le trait galant qui masquait leur froideur,
Vos lettres, sans dessein, m'ont ouvert votre coeur,
Si j'ai sçu démêler même dans ce langage Qui s'armait poliment contre le mariage,
La bonté, la droiture, un grand fond de raison |
FLORICOURT FILS
Quoi! mon élbignement pour l'hymen.....
PAULINE
Pourquoi non?
Peut-on apprécier un état qu'on ignore ?
Celui qui le redoute est celui qui l'honore.
Aspirant circonspect, vous serez sage époux ;
Telle est l'opinion que je conçois de vous. Quand par de tels motifs déjà persuadée,
D'une heureuse union je me suis fait l'idée,
Pensez-vous qu'un défaut à votre âme étranger Subjugue ainsi la mienne et m'excite à changer? Non, Monsieur : déposez une crainte frivole, Des injures du sort que l'hymen vous console. Ma main vous fût promise, et je viens confirmer Des sermens qu'en tremblant vous n'osez réclamer.
FLORICOURT FILS
Qu'entens-je? un tel bonheur Combien je suis coupable !
et, tombant aux pieds de sa fiancée et se débarrassant de son accoutrement, il lui confesse sa faute, ses regrets et son amour. Leurs pères qui surviennent ne peuvent croire à ce spectacle et à une aussi prompte guérison ; mais il n'en est pas moins sûr que les jeunes gens s'adorent, et c'est là l'essentiel. Le reste s'expliquera plus tard.
« Tel est,» dit le censeur de la Comédie française, « le
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ÉUOUARD-THOMAS SIMON 379
sujet et la Conduite de cette petite pièce, bien écrite, assés bien dialoguée, dont la versification est facile, le style fleuri, quoique généralement assés naturel, à l'exception peut-être d'une ou de deux tirades de Pauline avec sa soubrette et de quelques vers de Germain où il y a quelque peu de maniere.;
« On croit- devoir :faire observer à l'auteur que sortir d'embarras n'est pas l'expression qui convient à la situation de Floricourt père au moment où il peut Craindre que son fils ne soit assassiné ; mais ces légères fautes sont aisées à corriger. Il ferait peut-être bien de changer aussi quelque chose à ce qui est dit de la correspondance longue et suivie des jeunes gens ; car, à moins que Floricourt n'eût démenti sa froideur dans ses lettres, elles n'auraient pas dû lui attacher Pauline, et celles de Pauline lui faisant connaître et sa raison et les charmes de son esprit, auraient dû, pendant un si long espace de tems, détruire son aversion pour le mariage.
« On croit néanmoins devoir admettre cette pièce à la lecture, persuadé qu'avec les sages avis de ceux qui l'entendront, il sera facile à l'auteur de faire disparaître tous les défauts qui peuvent s'y trouver 1. »
Après la poésie et le théâtre, le roman : il n'est guère
4 Jugement du Censeur de la Comédie française sur la comédie des Défauts supposés, note manuscrite in-12 jointe à la comédie.— Il s'y trouve encore une autre note in-12 en date du 5décembre 1817, adressée à M. le baron Simon, « Nous ne dissimulerons pas à « l'auteur de la comédie en un acte intitulée : L'heureuse indulgence " ou la Ruse inutile, que le fond, en est un peu faible, même pour « un acte,: et qu'il est douteux qu'elle soit reçue au Théâtre Français. « Cependant, comme elle est écrite avec esprit, agréablement ver« sifiée et qu'il y a quelques détails comiques, nous ne croyons pas «qu'on puisse refuser d'en entendre la lecture. V— Y voir aussi la lettre, mss. de Maignien, secrétaire de la Comédie française, en date du 23 septembre 1818, prévenant l'auteur du jour fixé pour cette lecture (in-12).— Je ne sais quel fut le résultat définitif.
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380 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
de genre que Simon n'ait abordé. .« Si vous recevez des " romans nouveaux, » écrit-il à M. Sainton, « et qu'il « vous en arrive un sous le titre de l'Orphelin de la " Forêt-Noire ou le danger de ne pas se connaître, par « sir Edward Tom Yomns D. T. M.1 , 4 vol. in-12, « notez que c'est un de mes vieux d'élite qui était dans « mon portefeuille depuis quinze ans, et que Lerouge, « libraire à Paris, a acquis pour rien, dont il a défiguré « le titre, car je n'aurais point été emprunter à Madame « Radclife des forêts noires. Et surtout je me serais bien « gardé de noircir quatre volumes pour la matière de deux « petits2. »
Un nouveau titre était venu encore s'ajouter à tous ceux que Simon avait déjà : celui de membre de la Société Académique de Besançon, et c'est en cette qualité qu'il y fit plusieurs rapports sur divers ouvrages 1 et y lut en séance publique quelques pièces de sa composition, parmi lesquelles : Mathurin ou le Sage à la campagne, déjà applaudie à Nancy et une nouvelle oeuvre : Le Poète et le Prétendu Savant, dialogue 1. « Vous avez pu vous
1 (Pseudonyme anagrammatique dé Edouard-Thomas Simon, de Troyes, médecin). — Paris, Lerouge, 1812. 4 vol. in-12.
2 Besançon, 3 mars 1813 (4 pages mss. in-12. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
3 V. dans Simoniana, art. Charlemagne, — Louis VII, roi de France, — Louis IX ou Saint-Louis, — François Ier, roi de France (réflexions sur des travaux envoyés aux concours de la Société) ; — Académie des Jeux Floraux de Toulouze (« rapport sur " le recueil de cette Société pour l'année 1813, fait à l'Académie ,de " Besançon au mois de novembre de la même année ») ; —. Bérenger (rapport fait à l'Académie de Besançon, le 7 juillet 1814, sur une brochure intitulée : La Terreur et les terroristes, Philippique contre les premières horreurs de 1789 Jusqu'au règne du Directoire, par L. P. Bérenger) ; —Révolution française (critique en 1814 d'un ouvrage intitulé : Essais sur l'histoire de la Révolution française... par Héron de Villefosse).
3 Le Poète et le Prétendu Savant, dialogue suivi de Mathurin ou
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EDOUARD-THOMAS SIMON 381
« appercevoir, » écrit-il à ce sujet, à M. Sainton, le 13 février 1811, «combien les gens à science ont cru pouvoir « prendre et affecter la supériorité sur les gens de lettres. Ge « sont des prétentions de ce genre agitées dans une société « académique de Paris très nombreuse, et des hostilités « de classe à classe, qui ont donné lieu à cette petite « pièce que j'ai lâchée au nez des individus et qu'ils ont « avalée sans pouvoir la digérer. C'est un jeu; on s'en « est fort amusé ici quand je l'ai récitée; mais le Mathu« fin a plu encore davantage1. » — « Je vous envoyé, écrit-il encore le; 3 mars 1813, le procès-verbal des « séances de notre Académie, rédigé comme il peut l'être, « et où j'occupe la place pour deux pièces de vers: la « 1re une satyre, et la 2° le chant qui m'a procuré un « prix chez M. Lucet 2. » -— C'est là encore qu'il fit connaître une traduction en vers d'une partie du poème latin de Sannazar : De partu Virginis3, et en 181 4 et 1815, deux odes dont il va être question et qu'on n'est pas peu surpris de voir succéder au Congrès des fleuves.
le Sage à la campagne, récit pastoral, pièces qui ont été lues aux séances publiques de la Société Académique de Besançon, le 14 août et le 1er décembre 1810, par E.-T. Simon D. T. —
Besançon, 1810, une brochure in-8° de 16 p.
1 Besançon, 13 fév. 1811 (2 pages mss. in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770),
2 Besançon 3 mars 1813 (4 p. mss. in-12. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
3 II avait déjà étudié ce poème pour corriger une traduction en prose de Courtalon-Delaistre. — V.. à la Bibl. d Troyes (coll. A. Millard) Les Couches de la Vierge, poème traduit de Sannazar, suivi de La Vie de Sannazar, traduitte et abrégée de A. Vulpi (ms. in-folio de Courtalon-Delaistre, corrigé et annoté par E, T. Simon), et une copie in-4° de la main de Simon de cette même traduction corrigée (le livre 1er seul est Copié, préparé pour l'impression, et Simon y a interfolié les pages de l'original latin : Actii Synceri Sannazarii de partu Virginis libri tres. — Lamentatio de morte Christi. — Piscatoria. Parisiis, ex Officinâ Roberti Stephani e regione scholae decretorum. MDXXVII, in-12.)
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382 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
XVI
Illustre race des Bourbons,
Trop longtemps en butté aux tempêtes
Que rassemblèrent sur vos têtes
La haine et la rébellion,
Reprenez, augustes victimes,
Les titrés sacrés que des crimes
N'ont pu ravir à votre nom.
Peuple français, peuple idolâtre Du beau, du grand, du merveilleux, Comment souillas-tu le théâtre, Qu'avaient ennobli tes aïeux?
Repousse cet aigle barbare
Que lança sur toi le Tar tare
Et qui plane sur tes débris 4 ;
Revois la paix, la confiance,
La piété, la bienfaisance
Resplendir à l'abri des Lys 2,
Ainsi chantait Simon, le 27 octobre 1814, à l'occasion du passage à Besançon, de Monsieur, frère du roi, plus tard Charles X. Et une autre ode: Le Retour d'Auguste3 , célèbre la restauration des princes exilés.
Croirait-on entendre le démocrate de 1792, irrité à la
1 Simon rappelle à ce sujet l'épigramme qu'il fit " dans le temps où l'Aigle parut à la place des Lys » :
Stemma ferox aquiloe rabies cur corsica sumpsit?. Scilicet hoec Gallos arripit ut cruciat.
2 Le Monarque désiré, ode présentée par l'auteur à son Altesse Royale Monsieur, Frère du Roi, lors de son passage à Besançon, le 27 octobre 1814 (imprimé à la suite du Saint Louis, poème héroïque et chrétien, édité par E. T. Simon.... Paris et Besançon, 1816, p. 185).
3 Le Retour d'Auguste, ode traduite de la seconde du IVe livre d'Horace (à la suite du Saint Louis, p. 191).
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.EDOUARD-THOMAS SIMON 383
pensée qu'on ait pu le soupçonner capable d'épouser « la cause des, tyrans? » Et par quelle secrète transformation le chantre de Napoléon le Grand est-il devenu le poète enthousiaste des Bourbons? Est-ce dégoût à la vue des Crimes stupides de là démagogie et. haine. secrète pour l'autocratie de Bonaparte? Et son amour de la liberté, toujours déçu dans ses espérarices, lui inspirerait-il la même aversion pour ces deux extrêmes : M sanglante carmagnole des septembriseurs et la pourpre impériale de César? Après tout, n' est-ce peut-être que frivolité : « Homines postrema meminere, » disait Tacite, et de nos jours encore le présent fait vite oublier le passé. Montaigne a raison : « Certes, c'est un subject merveilleusement vain, divers et ondoyant que l'homme : il est malaysé d'y fonder jugement constant et uniforme, "2
La restauration des: Bourbons donna encore à Simon
l'idée du poème de Saint Louis 2. C'est un. abrégé de
l'ouvrage du P, Lemoyne, dont Boileau pensait qu'il était
« trop fou pour qu'il en dît du bien, et trop poète pour
qu'il en dît du mal. « Conséquemment, ajoute Simon,
; « j'ai cherche le. poète dans le Saint Louis ou là Sainte
" Couronne rec
« J'avais toujours imaginé qu'on pouvait avantageusement
« reproduire ce poème; en y portant largement et sans
« hésiter la hache du retranchement 3 et une abondante
1 Essais, livre leï,chap. 1er. ;
2 Saint Louis , poème héroïque et chrétien, publié par E. T. Simon, professeur d'éloquence latine à l'Académie royale de Besançon, membre de plusieurs académies et sociétés littéraires
(suivi de deux odes du même auteur). A Paris, chez BrunotLabbe, et à Besançon, ehe Deis, 1816; 1 vol. in-8°.
3" Les 18 livres du poème du P. Lemoyne contiennent 17.764 " vers; le Saint Louis, réduit à 8 chants, en renferme à peu près " 4.700." Ce chiffre de 17.764 vers donné par Simon est faux; d'après le P. Chérot (Étude sur la vie et les oeuvres du P.Lemoyne, Paris, Picard; 1887, 1 vol. in-8°, p. 441), le poème du P. Lémoyhe
ent contient 17.774
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384 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
« épuration dans le choix des pensées, dés tournures et dEs « expressions.. .. L'heureux rétablissement de l'auguste «famille des Bourbons sur-le trône héréditaire dEs Fran« çais a reproduit dans mon âme ces idées longtemps « mûries dans la solitude de la méditation. » Quoique cet ouvrage soit un fruit de sa vieillesse, Simon a facilement surmonté les difficultés de ce genre de travail, et on y sent une certaine verve.
« Je savais, il est vrai, ajoute-t-il, qu'en m'attachant « à ce travail, je ne pouvais tout au plus l'assimiler qu'à «celui d'un traducteur où d'un abréviateur; mais qu'im« porte, si par amour pour leurs Rois, pour l'antique et «: sainte mémoire du Chef révéré et du Père des Bourbons, « mes contemporains daignent accueillir avec quelque « indulgence les efforts d'un ami des lettres, presque octo« génaire, qui a voué à l'instruction publique les études « d'une longue vie, dont le terme avance au milieu dés «peines et de l'amertume, et sur laquelle ce léger exercice «est destiné à répandre quelque consolation 1. »
II n'est pas sans intérêt, ni malheureusement sans, quelque tache pour la mémoire de Simon, de rapprocher de ces belles phrases, auxquelles du reste un but commercial n'était pas étranger 2, les réflexions qu'à la même époque il
4 Avis préliminaire, pages ne et X.
2 Lettre de Simon à M. Sainton : " Besançon, 22 décembre 1815...
" Vous sentez bien que, quand on n'a pas le sou et qu'on vit dans un
« païs aussi étranger aux Muses que celui-ci, on en reste quitte
« pour la peine qu'on a pris. Cependant, comme le sujet est ana«
ana« à l'enthousiasme pour la famille qui vient de ressaisir le
«sceptre, que tout y roule à peu près sur l'éloge des Bourbons et
« des nobles qui l'ont accompagné dans son expédition d'outre-mer,
« que ce poème a quelques beautés de détail, un fond mystique et
« des épisodes intéressais, je suis très convaincu que s'il était publié
« avec les moyens de pousser cesvsortes d'ouvrages, si essentiele"ment
essentiele"ment aux circonstances où nous sommes, on en tireraitparti,»
(3 p. mss. in-12.) Le succès ne répondit pas à ces désirs. :
" Bezançon, 21 juin 1817. Je ne m'attendais pas; mon cher
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ÉDOUARD-TTHOMAS SIMON 388
écrivait sur ce même roi saint Louis, admiré des historiens de tous les partis 1 : « Prodiguer l'éloge, prostituer la " flatterie, accorder l'apothéose à un soi, dont le courage « et les vertus n'ont produit que des malheurs et des dé« sastres non seulement à lui, ce qui serait très indiffé« rent, mais à tin grand état, à une population entière, « désastres qui ont influé sur le sort de plusieurs généra« tions consécutives, c'est le comble de l'ineptie et de la « déraison, et je ne puis descendre jusqu'à donner mon « approbation à ceux qui ont fait un grand homme d'un « prince si peu digne de ce titre.... Ses opérations poli— « tiques intérieures, ses institutions, ses établissements de « police, d'économie judiciaire, d'instruction publique.... « méritent, il est vrai, quelque reconnaissance de la part « des amis des lois, de l'ordre et des lettres. Ses entre« prises pieuses pour la défense de la Palestine, ses deux « invasions, l'une en Egypte, l'autre à Tunis, mal combi" nées, mal exécutées, téméraires, ruineuses pour son état, « tendantes à la dépopulation de la France.... sont le « comble de l'extravagance de la part d'un souverain2. »
« compatriote, que le St Louis, si fort mal traité par Brunot-Labbe, « obtiendrait grâce à vos yeux.... Dans ce païs-ci les vers sont de " mauvais débit ; et l'on a beau être dévôt, chanter les saints, ils ne « veulent les fêter qu'en mauvaise prose. Vous pensez sans doute " que ce n'est pas sans des motifs un peu humains que j'ai exécuté « Cet ouvrage qui en deux mois m'a vieilli de six ans. Il est mal « exécute, parce que j'ai voulu économiser et que l'imprimeur a " voulu gagner sur le papier, sur etc. etc. Eloigné de Paris, je n'ai « pas pu susciter l'approbation des gens à journaux. M.. Brunot« Labbe en a confié le salut au Gazetier de Paris, qui en...a..fait un « extrait propre à le discréditer. Je ne sais ce qu'il y gagnera, mais « ce que je sais mieux, c'est que je perdrai mes peines et mon « argent. Le sacrifice est fait. Je me fiais sur le titre, l'importance " du sujet et les circonstances; j'ai mal icalculé. » (3.p.mss. petit « in-4°. Bibl. de Troyes, liasse no 2770.)
1 V. Michelet, Histoire de France, livre IV, chap. 8.
12 Simoniana, art. Louis IX ,ou saint Louis, reflexions :de Simon T. LIII .25
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386 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
Après le poète chrétien, voilà le philosophe voltairien; il n'avait plus de raison alors pour se contraindre, et, d'autres preuves aidant, on peut être sûr que, dans ces réflexions particulières est le fond de sa pensée plus que dans le Saint Louis : trop souvent poésie a été pour lui synonyme de fiction.
XVII
La fin approchait, comme le pressentait Simon : ce fut là sa dernière oeuvre éditée de son vivant. Ce travail, joint aux ennuis qu'il éprouvait depuis quelque temps, avait sensiblement diminué ses forces physiques ; il ne fit plus dès lors que languir, sans rien perdre toutefois de l'activité de son esprit. Dès 1813, il écrivait à M. Sainton : « Besan« çon, 6 juin 1813, par un froid d'hyver.... La capti« vité de mon fils, une banqueroute qui me retranche sept « cents fr. de revenu, l'inquiétude de sauver de la cons« cription celui des enfans de ma fille que j'ai mis dans « un bon train d'études et que je travaille à placer, cônfor« mément à son goût pour le militaire 1 ; c'en est, je crois,
au sujet de deux mémoires sûr l'Histoire du règne de saint Louis envoyés au concours pour le prix proposé pendant deux ans par l'académie de B.... (Besançon) et qu'il fut chargé d'examiner. Le premier travail eut une mention honorable, mais la seconde année, « la bienveillance religieuse; épuisée par le premier, ne voulut pas " étendre jusque sur le second sa main indulgente. "
Le 12 août 1813, il écrit : « J'ai obtenu du ministre de la guerre « une place d'élève du gouvernement au pritanée de La Flèche, «pour mon petit-fils qui m'a suivi dans ma carrière classique, et « que j'ai mis en état de gagner au concours cette place pour la « partie de l'artillerie.... Il est affligé de seize ans (que n'ai-je cette « maladie-là, je l'emploierais mieux que par le passé). » (2 p. mss. in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770.)
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EDOUARD-THOMAS SIMON 387
« bien assés pour mes soixante-trèize ans 1, « Et plus tard :
« Besançon, 22 décembre 1815. Je rejette... dans vos bras
« un vieil ami bien las de la vie et des revers qui affligent
«sa vieillesse, auquel on n'a pas encore; depuis le com«
com« de cette année, payé un sol de sa solde, qui
« a vu la fortune de son fils absolument renversée et dé«
dé« qui a maintenant auprès de lui son, pauvre petite
« fils, apprentif dans l'artillerie, licencié avec la demi-solde ;
« qui a essuie tous les désagrémens qu'homme, père, et
« ami des muses puisse éprouver, par les perfides inva«
inva« qui se sont succédées, et par l'invasion prochaine
« de la barbarie qui menace la littérature et les gens stu«
stu« sur toute l'étendue de notre régénération monar«
monar« J'ai beau en frémir, elle aura lieu, et j'aurai
« peut-être encore le malheur, d'essuyer quelque autre
« revers à son approche 2."
Sa dernière lettre, datée du 21 juin 1817, est plus triste encore. Le Saint Louis n'a pas réussi; il se sent oublié, même à Troyes : « Qui sait encore chez vous que « j'y ai vu la lumière en 1740 3? »
Il s'éteignit doucement le 4 avril 1818, âgé de 78 ans.
Il laissait une bibliothèque nombreuse d'érudit, composée en grande partie d'ouvrages curieux 4 et une foule d'ouvrages manuscrits.
3 p. mss, petit in-8°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770.
23 p. mss. in-12. Bibl.deTroyes, liasse n° 2770.
3 3 p. mss. petit in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770. .
4 V. dans le Journal de tout ce qui m'arrive, des Livresque je prête, que l'on me prête et de l'argent que je reçois et dépense (ms. petit in-folio relié. Bibl. de Troyes, coll. A. Millard) : Etat de mes Livres (classés sous sept titres : Pratique et Jurisprudence; — Théologie, histoire sacrée, bréviaires, etc. ; — Classiques et autheurs latins et grecs; —- Grammairet et dictionnaires étrangers (italiens, anglais, allemands, espagnols); Histoire, Littérature, Philosophie,
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388 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
À la tête de ceux-ci, il faut citer sa Traduction des Epigrammes de M. Val. Martial dont son fils; le baron Simon; entreprit la publication, de concert avec un littérateur; M. Auguis 1. Une étude de ce dernier, Sur Martial et ses écrits qui n'est qu'un centon assez mal disposé 2, commencé le volume. Elle est suivie d'une Notice sur le traducteur, due à la plume de son fils, où l'on trouve quelques renseignements intéressants sur là vie et le caractère de notre compatriote; Quant à l'oeuvre de Simon lui-même, c'est assurément une de ses meilleures. Ce n'était pas un mince travail que la traduction me quatorze livres d'un auteur tel que Martial, et il ne fallait rien moins que la persévérance dé Simon, jointe à la conscience et à la souplesse de son talent pour surmonter de pareilles difficultés de style et d'expression; sa traduction, la plus parfaite qu'on ait eue jusque-là, est restée une des meilleures qui existent du satirique latin. De plus, cent soixante-six imitations en vers sont signées de ses initiales, et nous font admirer une fois de plus son élégante finesse dans un de ses genres favoris.
Malheureusement, le texte latin, dans cette édition, est défiguré par un grand nombre de fautes d'impression. De plus, les imitations en vers de divers auteurs français qui
Géograffie, Calculs, Voyages; — Romans, Poésies, Théâtres, Mélanges, etc.; — Médecine; Chirurgie, etc. — Dans les Mélanges de littérature, f° 149 bis, se trouve une liste de Livres nouveaux et singuliers en 2783 (LXXX articles), où se lisent souvent en marge ces mentions : « J'ai cet ouvrage » ou « Je l'ai lu ." ■
1 Traduction en prose et imitations en vers nouvelles et complètes, avec le texte latin en regard, des Epigrammes de M. Val. Martial, par E. T. Simon, professeur de belles-lettres; enrichie de notes et des meilleures imitations en vers français depuis Clément Marot jusqu'à nos jours; publiée par le général baron Simon, son fils, et P. R. Auguis, membre de la Société des Antiquaires de France. Paris, F. Guitel, s. d. (1819), 3 vol. in-8°.
2 V. sur cette étude la critique de A. Beuchot dans la Bibliographie de la France, année 1825, p. 280.
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ÉDOUARD-THOMAS SIMON 389
y sont recueillies, ne sont pas, toujours imprimées sous les noms de ceux à qui elles appartiennent. Et cette critique s'applique surtout à M, Auguis qui a donné comme étant de sa composition, trente-huit imitations, alors que vingf-sept sont de Brébeuf, et que six autres sont tirées, du Mercure et d'autres recueils : « C'est donc à cinq qu'il faut réduire provisoirement les trente-huit traductions que M. Auguis a données comme siennes 1. »
Quoi qu'il en soit, le mérite de Simon reste intact, et il est très grand.
XVIII
Le nombre des oeuvres de notre compatriote restées manuscrites est considérable. Citons en premier lieu, outre les oeuvres dramatiques relatées précédemment : Achille, — L'avantageux, —Le retour de Thalie, — L'à-propos de la nature, — Le Mariage, — L'heureuse indulgence, — quarante-huit pièces de théâtre, parmi lesquelles trois traduites de l'italien, dont les manuscrits autographes sont à la Bibliothèque de Troyes 2; neuf pièces seulement sont achevées : deux drames et sept comédies. En voici l'analyse:
1° Colgar et Sulallin, ou les Guerriers d' Inistore, drame lyrique en quatre actes et en vers, tiré d'Ossian 3.
1 A. Beuchot, Bibliographie de la France (année 1825, p. 279).— V. aux pp. 223 et 279 le détail des plagiats de M. Auguis.
2 Dans la collection de M. A. Millard, qui contient la plupart des manuscrits provenant de Simon (en 18 partons in-folio, in-4° et in-8°) et où l'on devra se reporter toujours, sauf indication contraire..
3 Ms. petit in-4°. — Cette pièce a été probablement présentée à un théâtre : elle est suivie de réflexions de Simon ,sur certaines
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390 UN POÈTE TROYES AU XVIIIe SIÈCLE
« Lathmor, chef d'une horde de pirates, habitans d'une « contrée de l'ancienne Scandinavie nommée le Grumanar,
« a vu Sulallin, fille d'Hidallan, roi d'Inistore.... en
« Calédonie Il l'a demandée à son père qui la lui a
« refusée parce qu'elle est promise à Colgar, l'un des « guerriers les plus distingués de la Calédonie. Mortelle« ment offensé de ce refus, le chef Scandinave descend « pendant la nuit à la tête de ses pirates, surprend la ville « d'Inistore, massacre et met en fuite ses deffenseurs, s'em« pare de Sulallin et l'enferme dans une tour où il essaie « de la fléchir de gré ou de force. Hidallan est frère de « Fingal, qui domine en souverain sur le royaume d'Erin
« (l'Irlande) et sur la Calédonie Les guerriers
« d'Inistore, réfugiés sous des rochers d'un accès difficile, « sur le bord de la mer opposé à celle qu'ont franchie les « pirates de Grumanar, ont appelle Fingal à leur secours. « Ils l'attendent avec l'inquiétude que comporte leur situa« tion. C'est ainsi que s'ouvre la scène1.»
Colma et Flatal, compagnes de Sulallin, déplorent avec les guerriers d'Inistore le malheur de la princesse et forment des voeux pour sa délivrance. Mais le Ciel ne semble guère favoriser leurs souhaits; des soldats arrivent, apportant de fâcheuses nouvelles : écrasés par le nombre, ils ont été vaincus dans un récent combat, et Colgar luimême a disparu; que faire maintenant? Et voilà encore qu'on entend des pas se rapprocher : seraient-ils poursuivis jusque-là? Par prudence, jeunes filles et guerriers regagnent leur retraite. Ces nouveaux arrivants ne sont autres que
modifications possibles : " M. de Vienne fera de ces observations « l'usage qu'il voudra. » -- Autre version de la même pièce sous le titre de : Fingal libérateur ou Amadore reconquise, mélodrame en trois actes (ms. petit in-4° d'une autre écriture que celle de Simon, avec deux feuilles doubles contenant le plan.)
1 Avant-scène.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 391
Colgar et Hidallan, fuyant eux aussi, et espérant pouvoir; se reposer quelque temps en cet endroit. Mais, pour comble de malheur, le ciel s'assombrit, un orage terrible éclate, pendant que les prières des vaincus montent vers le ciel, implorant sa protection pour la flotte de Fingal, le sauveur attendu.
Au 2e acte, l'orage a cessé, mais on ne voit rien apparaître à l'horizon. Le choeur se lamente :
C'en est donc fait? Plus d'espérance? Le Ciel a parlé;... sort fatal! Des vents, des flots la violence De ces bords écarte Fingal.
0 Cieux ! ô mânes de nos pères ! Abandonnez-vous vos enfans? Comment survivre à nos misères? Comment triompher des tyrans?
Non, ils ne seront pas abandonnés : à peine leurs plaintes s'achèvent que les accents lointains d'une marche guerrière se font entendre. Bientôt on distingue des vaisseaux : c'est Fingal! Il arrivé, il débarque, et en même temps, attirés par les chants d'allégresse, Colgar et Hidallan sortent de leur retraite : tous se trouvent réunis, la joie et l'espoir succèdent aux angoisses, et Fingal enflamme encore leur courage en leur rappelant leurs anciens succès et en leur : assurant la protection des puissances célestes avec lesquelles il communique; comme preuve, un choeur aérien d'Esprits achève de les réconforter en leur promettant la victoire, et tous, jeunes filles, guerriers et princes, pleins de confiance en l'avenir, joignent leurs voix enthousiastes à ces chants et s'élancent au combat.
L'acte 3e nous transporte au pied de la tour où se lamente Sulallin. Lathmor confie au magicien Gaïrbar sa rage de ne pouvoir fléchir la fille d'Hidallan ; il se vengera. L'annonce de l'arrivée de nouveaux ennemis redouble sa fureur, et il prie Gaïrbar de recourir à de nouvelles conju-
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392 UN POÈTE TR0YEN AU XVIIIe SIÈCLE
rations pour perdre ses adversaires. A sa voix, les Esprits, les Furies tourmentent la pauvre Sulallin. Mais à l'arrivée du libérateur envoyé par le Ciel, Caïrbar et les Esprits infernaux s'enfuient terrifiés.
Les guerriers des deux partis s'excitent par des chants à la bataille. Avant le combat, Lathmor s'élance au devant de son nouvel ennemi et lui expose les raisons qui l'ont porté à déclarer la guerre : si ses voeux sont exaucés, il est tout disposé à faire la paix ; sinon, sa fureur n'aura pas de bornes. Le vaillant Fingal ne veut pas fléchir; Colgar arrive à son tour et après s'être mutuellement provoqués, les deux adversaires tirent leurs épées et engagent un combat singulier. Pendant ce temps, des guerriers de Colgar s'introduisent dans là ville par une issue secrète et mettent en fuite Caïrbar et les guerriers de Lathmor. Leur chef fait de vains efforts pour aller les secourir, il est entouré par les ennemis et se réfugie menaçant sur une éminence. Hidallan cependant a délivré sa fille et l'amène à sonfiancé; mais au même instant, Lathmor s'élance et va percer Sulallin de son épée, puis se tuer lui-même, quand les;soldats se précipitent sur lui, le désarment et l'enchaînent. Sulallin est rendue à Colgar, et, sur l'invitation de Fingal, les chants des habitants d'Inistore se mêlent au duo d'amour des deux époux.
2° L'Héroïne allemande et le Philosophe voyageur, pièce dramatique en trois actes, en prose 1.
La ville de Méhadie, située dans le bannat de Temeswar,
1 Ms. petit in-folio. — Une autre copie porte ce titre : L'Héroïne allemande ou le Siège de Méhadie, pièce dramatique en trois actes et en prose (ms. petit in-folio). — Sous ce dernier titre existe encore le même drame traité d'une autre façon (ms. petit in-folio dont le commencement est de la main de Simon et la fin d'une autre écriture, plus 10 pages petit in-4° du commencement de cette deuxième version, au brouillon, de ces deux écritures.
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en Hongrie, et que commande le comte Radasti, est assiégée depuis longtemps par le pacha de Roumélie ; la famine commence à régner à l'intérieur de la place, un convoi de vivres qui devait la ravitailler a été pris en route, et les malheureux habitants sont abattus; jusque dans le palais du comté Radasti ces angoisses se font sentir, augmentées encore pour sa fille Amélie par la pensée des dangers que court son fiancé, le marquis de Varadin, major de la place. Un philosophe français, Dargence, surpris par le siège et enfermé dans la ville, reçoit du comte et des officiers un bienveillant et cordial accueil qu'il paie à sa façon par les sages conseils et les précieux enseignements avec lesquels il remonte le courage d'Amélie et de ses hôtes. Un seul officier, Van Rauber, a ordonnateur des vivres, » grand adorateur de la fortune et du succès, et animé d'un dédaigneux mépris pour les savants et les raisonnements théoriques des philosophes, ne peut souffrir Dargence, dont la loyauté est d'ailleurs un perpétuel et secret reproche pour son âme pleine de projets perfides. En effet, le pacha lui a offert ainsi qu'au comte Radasti, d'immenses avantages s'ils voulaient lui livrer Méhadie, et Van Rauber, qui a déjà fait tomber aux mains des ennemis les vivres destinés à secourir la ville, est tout disposé à la trahison. Il profite du mécontentement causé au comte par une injustice dont il a été victime, pour triompher de ses remords et le décider enfin à signer le honteux traité.
La famine s'est déclarée ; le bourgmestre et les membres du Conseil viennent demander au gouverneur de faire sortir de la place les femmes, les vieillards et les enfants ; Varadin s'offre pour les escorter, mais se heurte au refus du comte et surtout de Van Rauber qui médite de livrer au pacha les fugitifs. C'est en vain qu'Amélie vient supplier son père de ne pas abandonner ces pauvres gens, Van Rauber est là pour fermer son coeur aux prières de sa fille et à tout généreux sentiment : il vient du reste de recevoir une lettre du
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pacha qui fixe à la nuit prochaine la livraison de la ville. Amélie elle-même ne fera que gagner en cette affaire : elle ne pourra, il est vrai, épouser Varadin, mais elle deviendra la femme du pacha, et la fortune séchera vite ses pleurs. L'arrivée de la suivante d'Amélie, tout en larmes; interrompt ces belles théories : sa maîtresse est partie avec les fugitifs après avoir tenté vainement de fléchir la consigne de Varadin; mais celui-ci n'a pu résister longtemps à la pensée de l'abandonner, il s'est élancé à sa suite pour les ramener; et Dargence, à son tour, que Van Rauber a essayé, mais en vain, de faire sortir de la place, a entraîné les soldats sur leurs pas pour les protéger. On juge de la fureur des deux officiers et tout à la fois des angoisses paternelles de Radasti. . Tout à coup, on entend des détonations de mousqueterie et un tumulte de combat auquel succèdent bientôt des cris de victoire de plus en plus rapprochés, et l'on voit enfin accourir Varadin, se dérobant aux félicitations enthousiastes dès habitants. Un tout autre accueil l'attend près du comte; mais à peine celui-ci laisse-t-il éclater sa colère qu'Amélie se jette à ses genoux : elle seule est coupable, et sa fuite a entraîné les autres ; puis, plaidant les circonstances atténuantes, elle raconte les péripéties du combat et les prodiges de valeur de Varadin qui ont décidé de la victoire : le pacha lui-même est prisonnier, et voici Dargence qui l'amène, le protégeant contre la fureur des soldats et apaisant la foule par des paroles d'humanité. Le pacha laisse échapper son étonnement de trouver tant de générosité dans une ville ou règne la perfidie : il s'explique en montrant la lettre de Van Rauber. Dargence ne peut; croire à tant d'infamie ; cependant, il fait éloigner les soldats et le peuple pour s'en expliquer avec sang-froid. Van Rauber nie d'abord, alléguant une ruse de guerre, mais le comte avoue la vérité et en exprimant le repentir qu'il ressent de son crime, il délie Varadin de ses engagements dont il se
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sent indigne; malgré les protestations du marquis, Amélie en fait autant : elle pleurera secrètement sa honte. C'est Dargence qui va conclure : il voit dans tout cela la main de la Providence qui s'est servie des bas instincts de vengeance et de cupidité des traîtres pour fournir l'occasion de vaincre les ennemis. Que les coupables se repentent et que tout soit oublié ; le pacha ne parlera pas : s'il rentre dans sa patrie, il y trouvera la mort que lui a méritée sa défaite ; qu'il reste donc au milieu d'eux, dans cette ville où règne la tolérance. Il accepte en se mettant sous la protection de Dargence, en qui seul il a confiance. Quant à Varadin et à Amélie, demain Radasti les bénira et ils oublieront dans le bonheur conjugal ces ennuis passagers. Et, pour terminer, Van Rauber entendra de la bouche de Dargence même la morale de tout ceci : « Apprenez enfin que là Philosophie « élève le courage, qu'elle inspire l'indulgence, et que les « plus grands maux dont les hommes éprouvent : les « atteintes , ne viennent que de l'orgueil, de l'ignorance et " de la cupidité 1. »
3° L'honnête homme, comédie en cinq actes2, en prose.
Ariste, ancien négociant ruiné, est entré, sous le nom d'Oronville, comme intendant chez un riche commerçant M. Dumont, dont l'associé, Damis, est un de ses amis ; et,
1 Cette pièce fut probablement présentée à un théâtre, car on y trouve cette note manuscrite (in-8°) : « En consultant les mémoires de l'Empire ottoman, on trouvera l'histoire de la trahison du comte Radasti, et, comme il n'est ici question que du crime de félonie, cette pièce est loin d'être à l'ordre du jour. D'ailleurs, plusieurs rôles, et surtout celui du philosophe, sont inutiles/ C'est un trait historique décrit avec les plus petites circonstances, et le mérite de tout dire n'est pas du ressort du poëme dramatique.» — « Jugemeht d'un " directeur de théâtre sot et ignorant, a ajouté Simon. La pièce est « d'invention et n'a aucune base historique. »
2 Ms. petit in-folio, en six cahiers.
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grâce à la protection de ce dernier, Senneval, le fils d'Ariste, est à son tour devenu secrétaire de M. Dumont. Seulement, ainsi que l'en avertit son père, il lui faudra, lui aussi, pour des raisons malheureuses qu'il saura plus tard, cacher son vrai nom sous celui de Damon et ne laisser soupçonner à personne quels liens étroits l'attachent à lui. D'ailleurs, ses conseils ne lui feront pas défaut pour lui permettre de réussir dans sa tâche, non plus que là bienveillance de M. Dumont et de sa fille. Le jeune homme a déjà été à même d'apprécier les bonnes dispositions de ceux-ci, et il laisse entrevoir qu'il éprouve en particulier pour l'aimable Emilie plus que de la reconnaissance; mais, quoi qu'il lui en coûte, il faudra qu'il étouffe ces sentiments secrets: ce n'est pas à lui qu'elle est destinée, et peut-être même fera-t-elle le bonheur d'un hôte de la maison, ce baron qu'il a sauvé l'autre jour d'une attaque nocturne, et dont la mère, astucieuse et perfide, est leur ennemie déclarée à tous deux. Elle a déjà insinué à M. Dumont que Damon osait aspirer à la main de sa fille, mais sa malveillance produit peu d'effet; le négociant vient simplement s'enquérir près dOronville de la vérité de ces allégations et lui dévoile ses projets : quoiqu'il soit décidé à ne pas contrarier sa fille, il a en vue pour elle un autre parti que Damon : ce n'est pas le baron (Damis, d'ailleurs, vient de lui écrire pour le mettre en garde contre ses intrigues et celles de la marquise sa mère), ce n'est pas non plus son associé, en qui cette lettre pourrait faire voir un prétendant jaloux; c'est un jeune homme inconnu qui jadis, étant encore enfant, lui a donné un secours qui a été le début de sa fortune ; c'est ce bienfaiteur ignoré qu'il a fait serment de rechercher pour lui donner la moitié de ses richesses et la main de sa fille, s'il en est digne. Mais Emilie, qui aime-t-elle? M. Dumont charge Oronville de l'interroger discrètement. La jeune fille lui avoue qu'elle ne prendra pour fiancé ni un fat, ni un ambitieux, adora-
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têur de la fortune, mais qu'elle ne recherchera que les qualités du coeur. Ainsi le baron lui déplaît ; reste ce bienfaiteur dont lui a parlé son père.— Mais d'autres peuvent se présenter, objecte Oronville : Damis, par exemple. — « Damis, dites-vous? ne vous trompez-vous point et n'avez-vous pas voulu dire Damon? » et, malgré les protestations d'Oronville qui blâmerait Damon d'avoir des vues si hantés, elle laisse échapper l'aveu de son amour pour lui et fait promettre à l'intendant de ne pas nuire à ce jeune homme dans l'esprit de son père à qui d'ailleurs elle reste soumise.
Cependant, de concert avec sa mère qui soupire après une union fortunée et renouvelle ses insinuations malveillantes à l'égard de Damon, le baron a demandé à M. Dumont la main d'Emilie ; mais, une affaire aussi importante ne se concluant pas à la légère, le négociant répond évasivement et s'en remet à la décision de sa fille. C'est la condamnation du baron : le pauvre garçon, puis sa mère, tentent vainement d'obtenir d'Emilie une réponse favorable. La marquise en est réduite à prier Oronville de faire valoir à M. Dumont les avantages de son alliance. C'est, en effet, le moment de jouer serré; Damis a encore écrit à son associé qu'il y va de l'intérêt et du bonheur de sa fille à écarter le baron, et que d'ailleurs il va venir en personne s'expliquer plus ouvertement et apporter une bonne nouvelle. Oronville, convaincu plus que jamais de ses prétentions à là main d'Emilie, conjure son fils de se sacrifier coûte que coûte pour son bienfaiteur. Le moment est décisif. Pendant qu'il achève son courrier avec son secrétaire, M. Dumont fait venir sa fille et l'interroge sur ces préférences : le baron ? elle ne l'aime pas, — Damis? elle n'éprouve pour M que de l'estime ; — en aimerait-elle donc un autre? Sur les signes pressants de Damon, à qui elle a confié tout à l'heure ses sympathies, elle répond négativement; — Reste donc alors ce bienfaiteur inconnu
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vis-à-vis duquel il s'est engagé moralement, et il écrit, pour avoir des renseignements à son sujet, une lettre qu'il remet à son secrétaire. Resté seul, Damon en regarde la suscription: ô surprise ! elle est adressée à M. Ariste, négociant à Nantes : c'est son père, dont M. Dumont ignore la présence en ces lieux. On juge de l'embarras et de l'anxiété du jeune homme. Enfin, le plus simple est de remettre la lettre à son père. Combien son étonnement redouble quand il en apprend le contenu : M. Dumont y demande à Ariste des nouvelles de son fils, cet enfant qui jadis lui rendit un service dont il désire aujourd'hui s'acquitter, et l'assure de sa reconnaissance. Le père et le fils ne peuvent croire à tant de bonheur : ne serait-ce pas un piège tendu par M. Dumont, informé de leurs noms et de la passion de Damon? Mais non, celui-ci n'a rien laissé paraître. Ils n'ont donc plus qu'à se nommer, mais ils ne le feront pas avant que Damis lui-même ne le juge convenable.
Enfin il arrive, et M. Dumont, ne voulant rien décider avant la réponse d'Ariste, et ennuyé d'un autre côté d'avoir à faire connaître à ce nouveau prétendant, qui est en même temps son associé, les sentiments peu encourageants d'Emilie à son égard, lui proteste de son amitié et lui raconte l'histoire de ses engagements secrets en le priant d'attendre, pour recevoir ses explications, une réponse à sa lettre. Emilie vient offrir ses respects à Damis, puis le baron et la marquise se présentent, mais font froide mine au nouvel arrivant : peuvent-ils aimer celui qui agit contre leurs intérêts en qualité d'ami intime de leur créancier Ariste? — «Comment! ami d'Ariste? » s'écrie M. Dumont. :— « Mais oui, très grand ami, répond Damis; madame a des affaires avec lui, mais je les ai arrangées. Au reste, puisqu'on le prend sur ce ton, il n'est plus besoin de feindre et voici Ariste lui-même. » C'est Oronville qui entre avec son fils. Etonnement de tous, et dépit de la marquise de s'être confiée tout à l'heure à son ennemi personnel. Elle part fu-
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rieuse avec le baron, non sans avoir promis de faire bientôt savoir de ses nouvelles. Voilà les importuns éloignés; il ne reste plus que des coeurs amis qui ont bientôt fait de se reconnaître et de s'entendre, et M. Dumont laisse éclater franchement sa joie. Ariste poussant jusqu'au bout la générosité et la délicatesse, veut le délier de ses engagements pour permettre à Damis d'exprimer ses désirs. Mais il n'est pas besoin de ce sacrifice : Damis n'a eu en vue que le bonheur de ses amis et d'Emilie en particulier, et c'est là tout ce qu'annonçait sa lettre. Le mariage avec Senneval ne comble-t-il pas les voeux de la jeune fille ? Elle l'avoue de bon coeur, et tous se réjouissent d'une si heureuse conclusion.
4° Le nouvel impromptu de campagne 1, comédie en cinq actes, en prose.
Déricour, riche châtelain de campagne, a chez lui ses deux jeunes nièces sous la direction d'une gouvernante, Mme Marcelle; mais ne se souciant pas d'avoir encore longtemps cette responsabilité, il songe à les établir, — sinon l'aînée qui est veuve et ne veut pas se remarier,—du moins Julie, la plus jeune, pour laquelle il a jeté son dévolu sur le chevalier d'Orville; il a mandé ce jour même le chevalier et le notaire. Pourtant, avant de rien conclure, il charge Mme Marcelle d'instruire Julie de sa résolution, et il apprend, non sans étonnement, qu'un autre amour pourrait, bien s'être glissé dans le coeur de ses nièces pour un brave et galant jeune homme qui, à leur dernier voyage, les a sauvées en route d'une attaque de voleurs. Cette supposition est vraie, du moins pour Julie, car, en apprenant la décision de son oncle, elle se récrie: Comment peut-on commander à deux jeunes gens de s'aimer sur le champ s'ils n'éprouvent aucun attrait l'un pour l'autre ? Or, quant
1 Ms. petit in-folio en sept cahiers.
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à elle, elle ne pense qu'au généreux jeune homme qui les a sauvées et pourrait bien aussi se souvenir d'elle, car il lui a dérobé son portrait-médaillon ; -— et puis, d'un autre côté, c'est sa soeur la comtesse, et non pas elle, qu'aime le chevalier d'Orville.
Et c'est la vérité: car ce dernier, à son arrivée, manifeste sa joie en apprenant du fermier Thibault qui les a entendus, ces aveux de Julie. Puis, aussitôt qu'il le peut, il va trouver la comtesse et la supplie d'accepter son amour. Elle est d'abord inflexible; puis, cédant à moitié à ses supplications, elle lui promet de l'épouser si, après avoir fait tous ses efforts pour se faire aimer dé sa soeur qu'on lui destine, il lui prouve que Julie ne l'aime pas. Celle-ci passe juste à point, et l'épreuve commence aussitôt au grand embarras du pauvre chevalier contraint de débiter des fadeurs qu'il ne pense pas et qui n'ont d'ailleurs aucun effet ; la comtesse s'en mêle, mais Julie lui renvoie les compliments qu'elle reçoit, et, rejeté de l'une à l'autre, le malheureux d'Orville, ahuri, finit, sur les instances de la comtesse, par tomber aux genoux de Julie. C'est dans cette posture qu'il est surpris par Déricour, tout joyeux de voir -s bien réussir ses plans de mariage. Le Voilà bien engagé, notre chevalier! Un seul moyen lui reste pour différer cette fâcheuse union : c'est d'envoyer Valentin prier le marquis des Vignes, qui doit être son témoin, de ne pas venir. Mais sa mauvaise chance le poursuit jusqu'au bout : Lisette, la suivante de la comtesse, poussée par la curiosité et se doutant que sa maîtresse est en jeu dans tout ceci, arrête Valentin et sait si bien l'enjôler qu'elle l'entraîne là l'office sous prétexte de se restaurer.
Pendant ce temps, le marquis arrive ; après l'avoir mis en deux mots au courant de son embarras, son ami convient, en désespoir de cause, de le faire passer pour un auteur dramatique célèbre : il tourne assez joliment les vers et les comédies, et on en raffole au château. Aussi sest-il bien
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accueilli par Déricour qui lui fait préparer une chambre, et le prie de composer un impromptu à l'occasion du mariage de Julie ; de plus, il pourra servir de témoin au chevalier en remplacement du marquis des Vignes empêché. Puis Déricour le présente à ses filles qui peuvent à peine retenir une exclamation en revoyant en lui leur sauveur; le marquis, de son côté, a bien inconnu celle dont il garde précieusement le portrait, et c'est à son tour d'être affligé en songeant que lui aussi va perdre celle qu'il aime ; mais il se sacrifiera, de bon coeur si Julie aime vraiment le chevalier et doit trouver le bonheur dans cette union.
Cependant, les valets se sont aussi reconnus, et Dubois, en rappelant à Mme Marcelle les péripéties de leur première entrevue, lui avoue son amour. Mais Dubois a un rival dans le fermier Thibault, et comment d'ailleurs peuvent-ils s'unir si le chevalier se marie avec Julie? L'indiscret Thibault, toujours aux écoutes, a tout entendu, et, pour en arriver à ses fins, il menace Mme Marcelle de dévoiler à Déricour tous ces complots, si elle ne se décide pas à rebuter Dubois. Mais la comtesse le devancera: mécontente que le chevalier ait voulu la tromper comme les autres sur le compte du marquis, elle raconte tout à son oncle, à condition, pourtant, qu'il pardonnera à tout le monde et que, feignant de ne rien savoir, il la laissera, elle seule, arranger une conclusion qui les vengera tous deux. Et pour commencer, Déricour la laisse s'entendre avec le notaire qui vient d'arriver, il signera tout aveuglément.
Le marquis, de son côté, a terminé son impromptu, et Déricour lui amène Julie pour répéter son rôle. Aussitôt seul avec elle, le marquis lui fait une ardente déclaration d'amour que la jeune fille feint d'abord de prendre pour un passage de la comédie, mais à laquelle elle répond bientôt par l'aveu de sa secrète affection. Que ne l'a-t-il su plus tôt? Il aurait arrangé autrement son impromptu et ne
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lui aurait pas donné le rôle d'amoureuse du chevalier ; enfin, qu'elle ne craigne rien et joue le plus naturellement du monde, tout pourra encore s'arranger. La comtesse arrive là-dessus et surprend le marquis aux pieds j de sa soeur : en vain essaient-ils de lui faire croire à une répétition, elle leur avoue qu'elle sait tout et les plaisante tellement que c'est pour la pauvre Julie un nouveau sujet de crainte.
!
On se place enfin pour la comédie ; elle est intitulée : La surprise des amants; chacun des acteurs conserve son nom, l'auteur prend le nom du marquis et le rôle de L4inconnu qui a sauvé autrefois les jeunes filles. Au moment où la pièce commence, il arrive pour le mariage du chevalier avec Julie et confie à son ami qu'il aime lui-même la comtesse. Après maintes démonstrations de part et d'autre auxquelles le chevalier, non initié au complot, se prête d'assez mauvaise grâce par crainte d'être pris au mot, les amoureux décident de mettre le sceau à leurs voeux : on mande le notaire qui se trouve parmi les assistants, il apporte deux contrats, fait signer Déricour, puis les quatre intéressés. On juge de l'anxiété du chevalier qui craint que tout cela ne soit sérieux et qui donne un peu à contre-coeur la main à Julie. Touchée de son embarras, et jugeant sa vengeance suffisante, la comtesse, qui, au fond, l'aime bien un peu, vient à son secours: les choses ne sont pas tellement avancées qu'on ne puisse y remédier ; qu'il prenne sa main et le marquis celle de Julie, le cas est prévu et elle a tout arrangé pour cela. Joie des amoureux, sincères cette fois dans leurs transports. C'est au tour de Déricour de demander si c'est là une fin de comédie ou une conclusion sérieuse. — Très sérieuse, lui répond-on, et tous en sont charmés. Il s'en réjouira donc aussi, malgré le renversement de ses projets, car il ne voulait que le bonheur de ses nièces. Il n'y à plus qu'à marier aussi les domestiques : Mme Marcelle, consultée, désire suivre l'exemple de sa jeune maîtresse et épousera
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Dubois; mais qui Thibault épousera-t-il alors? N'ayant pas à choisir, il prendra Lisette, la suivante de la comtesse ; mais celle-ci ne veut pas être épousée par dépit, elle suivra Valentin. L'accord est donc parfait entre maîtres et entre valets, et, sauf le pauvre Thibault, leur joie à tous est complète.
5° La male favorable, comédie en un acte et en prose 1.
Un vieil avocat, Tiremot, aussi voleur en procédure que son voisin Brocandeau l'est en vieilles nippes, vient acheter à ce dernier une malle d'occasion pour aller en voyage, et Brocandeau, en lui vendant 20 francs un meuble qui lui coûte cent sous, trouve que c'est justice de l'obliger ainsi à restituer en détail ce qu'il vole à ses clients. A peine Tiremot est-il sorti dé sa boutique, que Saint-Germain, amoureux dé Pauline, nièce et pupille de l'avocat, vient aux renseignements avec son valet Picard. Il met Brocandeau au courant de son amour, d'ailleurs partagé par Pauline, de l'esclavage où elle est tenue par l'avocat qui a d'ailleurs l'intention de l'épouser pour sa fortune, et enfin il le prie de l'aider de sortir de ces difficultés. Malheureusement le fripier ne peut rien pour lui, il ne connaît Tiremot que parce qu'il vient de lui vendre une malle. — Une malle! mais voilà le moyen de pénétrer en pays ennemi, pense le rusé Picard: son maître n'a qu'à s'y blottir et on va le transporter tout de suite chez son rival. Brocandeau fait d'abord des difficultés, mais une bourse bien garnie lève tous ses scrupules. Saint-Germain se cache donc au fond de la malle, et on la porte chez son nouveau propriétaire. La vieille servante Marinette, aussitôt que son maître à le dos tourné s'empresse de l'ouvrir: quelle n'est pas sa frayeur en voyant un homme en sortir! Elle s'enfuit
1 Ms. pet. in-4°, et deux feuilles volantes de même format contenant des scènes détachées, avec quelques noms changés.
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éperdue, appelant au secours ; heureusement, Tiremot est parti, et c'est Pauline qui accourt à ses cris. Les deux amoureux se reconnaissent ; vite Saint-Germain explique sa ruse, et, pendant que Marinette rassurée fait sentinelle à la fenêtre, il s'entend avec Pauline sur les moyens de réussir dans leurs projets : la jeune fille a une tante qui approuve leur union et la recevra chez elle, il ne s'agit donc que de la faire sortir de cette triste maison. Il ne peut en dire plus long : Tiremot revient et l'amoureux; aidé par Marinette, s'évade par une fenêtre. Il se met aussitôt en devoir d'obtenir le consentement des parents de Pauline, puis confie la réussite de l'enlèvement de Pauline au rusé Picard, aidé par Brocandeau, toujours prêt à rendre service en échange d'une large rémunération. Tous deux se déguisent et prennent des épées : à la faveur de la nuit, ils vont feindre d'attaquer Saint-Germain qui se réfugiera chez l'avocat ; une fois introduit dans la maison, ce sera à lui de déterminer Tiremot à en sortir, ils l'empoigneront alors, et la victoire sera gagnée. Chose convenue, chose faite : l'avocat finit par ouvrir sa porte aux appels pressants de Saint-Germain, puis, au bout de quelques instants, sur la demande de celui-ci, se décide à mettre le nez dehors pour voir si tout danger a disparu. Il est bien vite saisi par les deux compères qui feignent de le prendre pour le notaire, le bousculent et l'entraînent. Pendant ce temps, SaintGermain emmène Pauline et sa suivante. Tiremot revient enfin chez lui à tâtons, après avoir reçu les excuses des deux ivrognes ; il trouve la maison vide. Des doutes lui viennent alors sur ce jeune homme qu'il a accueilli tout à l'heure : ne serait-ce pas ce Saint-Germain à qui il avait refusé sa nièce ? Voilà qui va le tirer d'embarras : Picard revient, porteur d'une lettre de Pauline, où elle lui apprend qu'elle est chez sa tante avec Saint-Germain et qu'elle n'attend plus que son consentement pour couronner son bonheur. Tiremot les envoie à tous les diables; il va
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pouvoir du reste le leur dire lui-même, car amoureux et complices viennent tout avouer en le priant d'excuser leur sans-gêne : « Au bout du compte, dit-il, je m'apperçois que je suis seul de mon parti, et puisque vous êtes les plus forts et les plus nombreux, je ne puis manquer d'avoir tort. Quand j'enragerai, il n'en sera ni plus ni moins. Je consens à tout, à condition que je ne vous reverrai jamais. »
BROCANDEAU.
« Faites votre male, monsieur, et partez en Bourgogne. Vous n'y penserez plus à votre retour.
« (Au public) : Messieurs, si l'auteur en vous ouvrant sa male, n'obtient pas vos suffrages, il la fermera pour toujours. Mais si ses faibles efforts sont appuiés par votre indulgence, il tâchera d'en tirer de nouvelles ressources, pour que vous lui conserviez le titre de La male favorable."
6° Prologue d'une ouverture de spectacles1 (un acte en prose).
Le directeur d'un théâtre de province se lamente en constatant l'état de sa caisse : les recettes diminuent chaque semaine en dépit de ses efforts ; ses artistes ont cependant du talent, ils savent et jouent à merveille tout le répertoire classique, et, malgré tout, le théâtre est délaissé. Que représenter alors, si Corneille, Racine, Molière, Voltaire et Marivaux sont si peu goûtés? Peut-être des nouveautés réussiraient mieux, mais lesquelles ? « leurs tragédies font « rire, leurs comédies font pleurer, leurs pièces à ariettes « sont bêtes. » En voulez-vous des preuves? Voici un certain Oripeau, auteur d'une tragédie nouvelle à grand spectacle: Le Déluge: l'action se passe au ciel, sur la terre et dans les enfers et les scènes les plus grandioses et les plus terribles se déroulent dans un style pompeux et emphatique qui ne le cède en rien au sujet. Comment
1 Ms.pet. in-folio.
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représenter une pareille pièce sur un petit théâtre de province? Peut-être sera-t-on plus heureux avec ce nouveau venu, à l'air souriant? C'est un gascon, M. de Grispiniac, auteur d'une comédie de caractère : Le Brave sans affectation; il en expose le sujet, malheureusement, il est d'une ineptie rare. Alors que jouer ? De la musique? Cela fait encore courir les amateurs, il est vrai ; du reste « on l'aime « encore plus depuis qu'on en dispute sans s'y connaître » et chacun en fait, certain de trouver un plus sot qui l'admire ; c'est ainsi que le signor Fredonico a quitté l'Italie et son commerce de moutarde pour composer des opéras : cela rapporte davantage, et c'est si facile ! On ajuste « des « airs des maîtres d'Italie qu'on ne connaît pas en France « sur des paroles françaises ; on en est quitte affin de les y « adapter, pour les raccourcir ou les allonger de quelques « syllabes au besoin et cela va... Point d'intrigue, aucune « unité, pas l'ombre de vraisemblance, mais un mélange
« d'incidens singuliers et pendant une couple d'heures
« on amuse avec cela quatre ou cinq cent oisifs qui croient « que c'est beau et qui ont la bonté d'applaudir à vos « sottises, et, ce qui vaut mieux, de les païer. » Un élégant qui arrive de Paris, le marquis Fanfreluche, confirme ces dires: il n'y a que les théâtres des boulevards qui fassent des affaires avec ces fadaises. Le bon goût et la conscience du Directeur, d'abord révoltés, finissent par faiblir sous ces arguments : faire de l'art est très joli, mais si peu productif! Enfin, il va sacrifier au goût du jour, mais sans enthousiasme. « Ils ont beau dire, je ne suis pas « sans inquiétude. Cependant, je vais choisir ce que ce « théâtre a de plus épuré, de plus gai, de plus décent ; « abeille diligente, je cueillerai toutes les fleurs qui pour" ront produire un miel pur. Puissent mes efforts me « concilier la bienveillance du public, de qui j'ambitionne « le suffrage, et la mériter par mon respect proffond,. « autant que par ma reconnaissance. »
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7° Laurettede Voccy, comédie en trois actes, meslée d'ariettes 1
La scène est dans le bourg de Nerbrine, où demeure un brave ; fermier du nom de Basile, père de la gentille Laurette, renommée dans le village pour sa sagesse et sa beauté. Mais sous Cette humble condition se cache un gentilhomme de la famille des Voccy, qu'une affaire d'honneur a contraint de se déguiser ainsi, et le comte de Nerbrine qui s'intéresse à lui, en a acquis la preuve. Laurette est très courtisée par les invités du château: le folâtre chevalier de Tambrigny, et le marquis de Vompsi, plus sérieux et plus épris. Mais le comte et la comtesse veillent sur leur protégée et ne songent qu'à lui rendre, ainsi qu'à son père, le nom et la fortune qui lui reviennent.
Au milieu des fêtes qui se donnent au château, du bal champêtre où se divertissent les villageois, un orage, formidable éclate tout à coup et anéantit toutes les récoltes. Le bourg est en larmes, et le comte et la.comtesse essaient de calmer la douleur des pauvres gens en leur prodiguant des secours et des paroles de consolation; le marquis de Vompsi rencontre Basile éploré et lui donne sa bourse. Le pauvre fermier est confus de tant de générosité, puis en voyant la quantité d'or dont il se trouve possesseur, il croit à une erreur du marquis et envoie Laurette lui reporter son présent. Mais Vompsi ne veut rien reprendre et conjure la jeune fille d'accepter ce cadeau tout à la fois, comme un secours et un souvenir offerts à un homme de bien : il doit en effet partir le lendemain, et il n'a pas de peine à décider Laurette, qui l'aime en secret, à venir sur son chemin lui faire ses adieux.
La jeune fille se trouve au rendez-vous, et le marquis profite de son trouble et de ses larmes pour essayer de l'emmener avec lui afin de l'épouser ; malgré son refus, il
1 Ms. pet. in-4°, en trois cahiers.
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va faire approcher sa voiture. Heureusement, Basile ; passe en ce moment par là et apprend bien vite ce qui se passe : c'était donc à cela que tendait la générosité du marquis ? s'écrie-t-il indigné, et il entraîne sa fille, malgré ses timides protestations, auxquelles répondent les imprécations du père. Quand le marquis révient, la place est vide, et l'on n'entend que le bruit d'une voiture : c'est celle du chevalier de Tambrigny, son rival; aurait-il enlevé Laurette ? Sans s'inquiéter si ses soupçons sont fondés, le marquis le provoque et l'insulte, le chevalier a bien de la peine à lui démontrer son erreur ; pour l'en convaincre complètement, il faut l'arrivée de Laurette et de son père dont la colère n'est pas calmée. En présence des reproches de Basile, le marquis proteste de son respect et de ses sentiments de droiture, et le comte de Nerbrine vient les réconcilier et décider de leur bonheur à tous en révélant la noble origine du fermier et en prouvant que les deux amoureux sont dignes l'un de l'autre sous tous les rapports.
8° Une comédie de caractère, en trois actes et en vers, sans titre 1.
Claville, jeune fat à bonnes fortunes, a formé le projet de se marier. Il a jeté son dévolu sur une jeune fille nommée Lucile, et va demander sa main à sa tante Céphise ; celle-ci prend pour elle-même les déclarations un peu vagues de l'amoureux, et s'empresse de s'y montrer favorable ; aussi quel n'est pas son dépit en apprenant l'objet véritable de la démarche de Claville ! Cependant, les conséquences de sa déception sont tout autres qu'on pourrait croire : malgré que Lucile soit promise à un autre, le nouvel arrivant est accepté par la tante, et le pauvre fiancé, Saint-Prix, se voit congédier poliment; à l'expression de
1 Cinq cahiers mss. pet. in-,4° oblong et deux feuilles volantes pet. in-4° contenant quelques scènes au brouillon. — Le 2° acte est inachevé.
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sa douloureuse surprise, Céphise ne répond que par des consolations banales : il n'en reste pas moins ami de la maison, et d'ailleurs l'avenir pourra être meilleur qu'il ne pense.
Quelquefois le succès surpasse l'apparence.
Les valets suivent l'exemple des maîtres : pendant que Claville triomphe au salon, Germain courtise la soubrette Justine; celle-ci qui a déjà donné son coeur à Champagne, serviteur de Saint-Prix, et est d'ailleurs confidente des peines de sa jeune maîtresse contrariée dans son amour, se moque des prétentions conquérantes de ces nouveaux venus. Justement de fâcheuses nouvelles arrivent : Céphise a perdu un procès que Claville avait promis de lui faire gagner, grâce à ses hautes relations, et un ami du jeune homme, Dorlis, vient lui apprendre qu'on a donné à un autre le commandement d'un régiment qu'on lui avait promis. Mais il s'agit bien de cela pour Claville ! son mariage n'en est pas moins certain, et il est tout heureux de l'apprendre à son ami.
Cependant Saint-Prix, en vaillant capitaine qu'il est, ne se laisse pas si facilement vaincre, et il provoque en duel son rival ; Champagne vient apporter ce cartel à Germain, et, le trouvant en tête à tête avec Justine, il provoque à son tour son compétiteur qui s'enfuit bien Vite. Claville a plus de coeur et accepte le défi de Saint-Prix ; mais, dès les premiers coups d'épée, toute la maison accourt, aux cris du peureux Germain, et Saint-Prix ne peut qu'exprimer à sa fiancée la douleur dont son coeur est rempli ; Claville, lui, a plus de savoir-vivre et à ces explosions il n'oppose pour sa défense que ses avantages et ses billes manières. Voilà bien le moment pour Lucile de décider elle-même entre les deux rivaux, et c'est sa tante qui l'y invite. Claville ne doute pas de son succès ; les compliments que la jeune fille lui adresse lui en semblent d'ailleurs de sûrs garants ;
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mais hélas! c'est tout ce qu'il aura, et c'est à Saint-Prix qu'elle donne la main. La tante a fait payer à Claville la déception qu'il lui a causée; elle le lui dit:
Vous m'avez ce matin porté les premiers coups, Et c'était à ma nièce à se venger de vous.
et à Saint-Prix :
Le succès quelquefois surpasse l'apparence, Je vous l'ai dit, Saint-Prix. .......
Pour comble de mésaventure, Justine de son côté choisit Champagne. Heureusement, les vaincus sont philosophes : Claville se console tout de suite en pensant que cet échec lui rend sa chère liberté et les douceurs de la vie qu'il allait perdre, et il invite Germain à en faire autant. Tout est bien qui finit bien : amoureux et éconduits sont contents ; il n'y a peut-être que la tante qui soupire en secret et aurait, je crois, préféré pour elle-même une autre conclusion.
9° L'Androgyne ou les Charmes de la Sympathie ou l'Invention du mariage, comédie en un acte, en vers libres1.
« La scène est dans une isle consacrée à la déesse Astrée. » Celle-ci voudrait, de concert avec l'Amour, ramener l'heureux siècle de l'Androgyne, où le bonheur parfait était le résultat de l'accord complet des couples humains 2. Cet
1 Deux mss. in-4° dont un de la main du baron Simon, — Deux copies mss. pet. in-4°, du texte primitif de cette comédie avec.corrections, sous ce titre : L'Androgine, comédie en un acte et, en vers libres. — Trois brouillons mss., dont deux pet. in-4° et un pet. infolio, « conformes à l'original » intitulés : L'Androgine ou les Charmes de la Simpathie, comédie en un acte et en vers libres.
2 Cette fable est rappelée dans le passage suivant :
Quand il plut aux Dieux de tirer Les mortels comme vous du sein de la matière,
On leur donna quatre mains, quatre piés, Deux têtes et deux corps intimement liés Et réunis par un même assemblage.
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heureux temps n'est plus, et comment le mariage ramènerait-il cet âge d'or ? L'Amour se plaint de l'Hymen et raconte tous les tours qu'il lui joue et les maux innombrables qu'il cause ; Hymen, à son tour, vient se plaindre dans les mêmes termes de son rival. Mais peut-être l'amitié des deux malins enfants produirait de tout autres résultats : c'est la réflexion d'Astrée, et elle veut expérimenter l'effet de cette alliance sur deux bergers « de la plus simple et naïve innocence, » Olinde et Zulmé. Ceux-ci soupirent, chacun de leur côté, après l'autre moitié d'eux-mêmes; ils se rencontrent enfin et se plaisent bien vite. Mais Astrée les avertit de ne pas se lier à la légère, et comme preuve des dangers et dès tourments d'une union mal assortie, elle évoque devant eux les ombres d'Harpax et de Phryné : par delà la tombe, les deux époux continuent à se reprocher leur malheur. L'homme et la femme ont tous deux tant de défauts !
Avant que de s'unir, je veux qu'on se connaisse,
dit la déesse. A ses sombres peintures, les deux bergers craignent de faire leur malheur réciproque, et les doutes
Gomme le fol orgueil fut toujours le partage
De l'imbécile humanité, Ce nouvel être enflé d'un pareil avantage Osa se croire égal à la Divinité Dont il n'était pourtant que le plus bel ouvrage. De sa rébellion Jupiter irrité Montra plus de mépris qu'il n'en eut de colère, Et d'un seul coup de son tonnerre, Le divisa par la moitié,
. . . Cet être humilié Reconnut alors sa misère Et du maître du monde implora la pitié. Le repentir désarma la vengeance, Jupiter oublia tant de témérité,
Mais il limita sa clémence A lui laisser le goût de la société. Ainsi chaque mortel cherche à former l'ensemble Du tout dont il est séparé.
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412 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
dont ils souffrent sont la preuve de leur affection. Aussi, l' Amour et ensuite Astrée les rassurent bientôt :
J'ai voulu, mes enfants, par de sages terreurs, Aux dangers de l'hymen apprivoiser vos coeurs.
Soyez heureux enfin. C'est au sein des alarmes Que le bonheur s'épure et qu'il a plus de charmes.
et dieux et déesses conduisent les deux amants à l'autel de
l'Hyménée :
Soyez Androgyne
Et par l'esprit et par le coeur.
Quoique très élégamment écrite, cette gracieuse fantaisie ne fut « ni jouée ni imprimée », le Théâtre des Variétés, où elle avait été présentée, ne possédant pas d'acteurs capables de la rendre avec succès, ainsi que nous l'apprend une note de la Direction de ce théâtre, jointe à la pièce 1.
Toutes ces oeuvres sont intéressantes, mais il est à remarquer que les comédies sont en général mieux traitées, et surtout les passages où Simon peut marivauder à son aise : le drame n'est pas fait pour son humeur enjouée, et la force de conception et d'exécution n'est pas une de ses qualités.
Trente-neuf autres pièces sont restées inachevées. Ce
1 Une feuille in-12. Voici cette note : " La comédie de L'Androgyne ne peut que faire infiniment d'honneur au coeur comme à l'esprit de son auteur. Le théâtre des Variétés recevrait cet ouvrage charmant avec transport et reconnaissance s'il réunissait des talents propres à le représenter comme il faut qu'il le soit, avec le feu de l'esprit, du sentiment et les grâces de l'ingénuité... L'entreprise des Variétés, sensible à la distinction que l'auteur d'Androgyne veut bien lui accorder, le prie avec instance de ne voir dans ses observations que ses regrets et son insuffisance ; elle le prie de vouloir s'occuper pour elle de lui donner quelque ouvrage marquant, soit en vers, soit en prose, soit ouvrage moral, soit comédie d'intrigue ou pièce à caractère : par ses soins, son zèle et la célérité qu'elle apportera à monter l'ouvrage, elle tâchera de dédommager l'auteur d'Androgyne des faibles talents qu'elle peut lui offrir.
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sont : Cabestaing1, tragédie ; — Mélézinde2, tragédie ; — L'Amant transi, comédie-opéra 3 ; — Le mauvais plaisant, opéra-c. en un acte 1 ; — Le retour du soldat5; — Grâces au Mercure, com. 6; — Les Pères corrigés par leurs fils 1 ; — Le Philosophe de Campagne8;— Le baron Polaque 9 ; — Sujet de mélodrame : Pallène 10 ; —- Marie d'Arragon, sujet drammatique 11 ; — La sainte fille de Kent, sujet drammatique 12 ; — Adresse d'un visir pour convaincre un homme puissant, sujet drammatique13 ; — Timoléon14; — Plan d'Aristote amoureux15 — Le
1 Trois actes. — Deux plans différents : l'un de 10 p. pet. in-4°, l'autre de 6 p. pet. in—4°. — Deux actes seulement sont écrits (41 p. grand in-4° avec 6 feuilles détachées in-8° et pet. in-4° contenant l'avant-scène et le brouillon des premières scènes).
2 Plan de cinq actes (3 p. pet. in-4°) et deux scènes écrites en prose, sauf onze vers au commencement (8 p. pet. in-folio).
3 Plan de trois actes et quatre scènes écrites (24 p. pet. in-4° et 6 feuilles détachées pet, in-4° et in-4° de scènes au brouillon). — Deux autres plans avec d'autres noms (4 p. in-4° oblong et 7 p. pet. in-4°).
4 Plan de douze scènes avec un " divertissement » (4 p. pet. in-4°).
5 Plan de douze scènes en prose, dont une est écrite (6 p, pet. in-folio).
6 Deux feuilles volantes in-4° contenant les noms et le caractère des personnages, et le commencement de la première scène en vers.
7 Une scène écrite en prose (9 p. pet. in-4°),
8 Sujet de la pièce (8 p. pet. in-4°) et première scène en vers (2 p. pet. in-4°).
9 Cinq scènes écrites en prose (6 p. pet. in-4°).
10 Plan de cinq actes (4 p. pet. in-folio).
11 Sujet seul (1 feuille pet. in-4°).
12 Sujet seul (1 feuille pet. in-4°).
13 Sujet seul (1 feuille pet. in-4°).
14 Sujet historique (8 p. pet. in-4°) et deux feuilles volantes contenant les noms des personnages et le. commencement du plan du troisième acte,
16 Plan de onze scènes (4 p. in-12).
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414 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
temple de l'inoculation 1 ; — Le frère de campagne2 ; — Les Désespérés ou la bouteille à l'encre3 ; — Projet et cannevas de Leucippe, tragédie4 ; — puis treize fragments non dénommés qui pourraient s'appeler, des noms des principaux personnages : Les Araucaniens 5, — Fizolie 6, sujets dramatiques; -- Couvecendre7,— Mondor 8, — Suzette 5, — Rodrigue10, —Van, Lieben 11, —Dertville12, — Jocrisse13, —- Lisette14, —Une sorte de prologue en prose, dont le principal personnage est un comédien15, — Dorval 16, —Pauline 11, opéras-comiques ; puis trois tra1
tra1 de treize scènes (6 p. pet, in-4°).
2 Sujet seul,(2 p. pet. in-4°). ,|
3 Sujet seul (1 p. pet. in-4°).
4 Quatre scènes écrites (8 p. dans le Journal de tout ce qui m'arrive; etc., ms. pet. in-folio relié).
5 Trois feuilles in-4° contenant le plan de deux actes ; — une page petit in-4° contenant le commencement de la première scène en prose,—et une feuille volante in-8° où sont énumérés les noms des personnages.
6 Sujet seul, dont la source est indiquée : Livre de saigesse (XVIe siècle) (l p. pet. in-4°);
7 Sujet seul (1 p. pet, in-folio). 8 Sujet seul (3 p. pet. in-8°).
9 Plan de huit scènes en prose dont sept sont écrites (25 p. pet. in-4°).
10 ; Comédie en quatre actes en prose. --- Plan de trois actes (deux feuilles in-4°) et deux scènes écrites (trois feuilles pet. in-folio),
11 Une feuille pet. in-4° contenant les noms des personnages avec l'indication de leur caractère. (L'action se passe sous la Révolution).
12 Sujet seul (1 feuille pet, in-4°).
13 Plan de quinze scènes en prose, dont une est écrite (2 feuilles volantes grand in-8°).
14 Une feuille volante pet. in-4° contenant une scène.
16 Quatre feuilles double in-12 (le commencement manque).
16 Deux feuilles pet. in-4° contenant une scène; et trois feuilles volantes in-16 contenant les quatre couplets de la première scène.
17 Huit scènes écrites (15 p. pet. in-4°) et 10 p. in-12 contenant quelques scènes au brouillon.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 415
ductions : L'hipocrite, comédie en cinq actes traduite de l'italien de Pierre Arétin 1, en prose, — Alcippe, tragédie italienne d'Ansaldo Ceba 2, — La dame de faible tête ou la veuve devenue folle ou l'homme sincère, comédie de Goldoni 3; — et enfin un projet de développement de quatre scénarios de l'ancienne comédie italienne: La Dame diablesse,, — Ladre mule et médecin ignorant, — Arlequin roy par méprise, comédie italienne en cinq actes, et La constance récompensée, comédie en un acte ornée de feu et de spectacles 4.
Vingt-huit autres pièces de théâtre, dont vingt sont achevées 5, se trouvent — avec sept autres comédies ma1
ma1 acte et commencement du deuxième seuls écrits, sous le titre de Tartuffe (33 p. pet. in-folio). Cette comédie, remarquable d'observation, et d'où il n'est pas impossible que Molière ait tiré son Tartuffe, n'a pas été traduite en français, dit Larousse (Grand Dictionnaire universel du XIX*siècle, art. Arétin).
2 Argument, premier acte et commencement du deuxième (7 feuilles volantes pet. in-folio).
3 «. Peut, avec quelques changemens, en conservant presque tout " le plan et les personnages, donner lieu à une comédie fort pi«
pi« î dit Simon (1 feuille in-12 contenant le plan, l'indication des personnages et de leur caractère).
4 Réunis sous ce titre : Sujets de plusieurs comédies italiennes (3 cahiers pet, in-folio ; ne sont pas de l'écriture de Simon) avec une note in-12 où Simon expose la façon dont il entendait les traiter et le « grand parti " qu'il espérait en tirer.
5 Ce sont:
1° Un drame sous deux formes différentes, Alcanxor et Thélaïre, Drame en trois actes et en prose (ms. pet. in-folio signé: " Le 11 février 1825, Edouard, boulevard St-Martin, n° 14, » avec une autre copie pet. in-4° et une feuille détachée pet. in-folio) ; Thélaïre et Alcanzor, drame en cinq actes, en vers (ms. pet. in-folio).
2° Les Vieillards rajeunis, comédie en un acte et en vers libres avec un Divertissement ; « à arranger pour le Gymnase ou le Vaudeville, » a noté Simon (ms. pet. in-folio). 3° La mère ridicule, comédie en trois actes (en vers) (ms. in-folio).
4° La Boussole, comédie en un acte (en prose) (ms. pet. in-folio).
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416 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
nuscrites, dont les dates ou bien les noms d'auteurs sont
5° Les infortunes d'Arlequin (trois actes en prose) (ms. pet. infolio). 6° Le sénat femelle, comédie italienne en trois actes (en prose).
« On peut l'arranger pour les Variétés, « a noté Simon (ms.
pet. in-folio). . .
7° Les talents réunis ou Arlequin chevalier d'intrigue, comédie
en trois actes et en prose, mêlée de chants et de danses
(ms. pet. in-4°). 8° L'amour vengé, pièce en trois actes et en prose (ms. pet. in-4°). 9° L'amitier (sic) à l'épreuve du temps où L'amis (sic) reconnaissant, comédie en un acte, en prose, par *** (ms. pet.
in-4°). 10° L'isle de Babilary (comédie envers en trois actes) (ms. pet. in-4°), 11° La mascarade des Dieux, prologue (un acte en vers) (ms. pet.
in-4°). 12° Epilogue (en vers, en « deux entrées, » ms. pet. in-4°). 13° Jeannot phisicien ou la chute du ballon, comédie en un
acte (en prose) (ms. in-4°), 14° Sancho (comédie en 3 actes en vers). 15° La Soubrette maîtresse, comédie en trois actes en prose
(ms. pet. in-4°). 16° Les deux compères, proverbe en parade en prose (un acte)
(ms. pet. in-4°). 17° Romulus et Hersilie, opéra.(en cinq actes avec prologue) (ms.
in-folio). 18° Les Corses ou le comte d'Istria, tragédie (en cinq actes) (ms.
in-12). 19° Jeanne de Brie, tragédie en un acte, avec des notes pour
l'intelligence de la pièce; (ms. pet. in-4°). 20° Thérèse et Faldoni ou le fanatisme de l'amour 1, drame en
trois actes et en vers (ms, pet, in-folio).
Les pièces inachevées sont :
1° Prologue d'une petite comédie en proverbe (trois actes en prose) (ms, pet. in-4°).
2° Charles Martel (tragédie en 5 actes): quatorze scènes écrites (in-8°) et une feuille in-4° contenant le commencement d'une autre version.
3° Christophe Colomb (plan de cinq actes) (ms. pet. in-4°).
4° Cannevas de comédie en cinq actes, sous le titre de Triomphe de la nature et du sentiment. « Le titre est à changer si l'on veut. » (Comédie en prose dont le cinquième acte est inachevé. — Ms. pet. in-4°) avec plan des cinq actes (une feuille double pet. in-4°) et plan plus détaillé du premier acte (deux feuilles volantes pet. in-4°).
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EDOUARD-THOMAS SIMON 417
indiqués et ne peuvent être de lui— parmi les manuscrits de Simon. Elles ne sont pas de sa main, mais pourraient être de sa composition, ce qui porterait à quatre-vingt-deux, y compris les traductions, le nombre des oeuvres et des projets dramatiques de notre compatriote. Il n'y aurait pas à s'étonner de ce chiffre considérable : une étonnante facilité est, avec l'élégance, une des principales qualités de Simon.
Il a encore laissé inachevé une sorte de roman chevaleresque : Morgant, poème1.
On doit s'attendre à ce que l'auteur de tant de poésies légères dispersées dans les recueils de son temps en ait réuni beaucoup dans ses manuscrits.
En effet, outre plusieurs cahiers de poésies diverses 2
5° Les événements mémorables, pièce en un acte et en prose, à l'occasion de l'heureux accouchement de Son Excellence Madame la Duchesse de Matalon (trois scènes écrites—pet. in-4°).
6° L'homme à prévention (sujet.— deux feuilles volantes pet. in-4°).
7° et 8° Deux pièces sans titre qui pourraient s'appeler : Le jugement de Salomon (sujet - trois p. pet, in-4°), et Genèvre (plan de drame en cinq actes—quatre feuilles doubles pet. in-4°).
1 Dix chants écrits en prose (10 cahiers pet. in-folio et in.-4°) et un cahier pet. in-folio contenant le brouillon du deuxième ohant.
2 Un cahier petit in-4° de 24 p. contenant quatorze poésies, dont sept sont imprimées dans l' Ami d'Anacréon : Dépit, — A Mlle .... en lui envoiant la chanson : J'aime Rosette, etc., — Ce que l'on aime, — Le nouveau Démocrite, vaudeville, — A R., la veille de Saint-Nicolas, son patron, — Sur le mariage de M. et de Mlle Qu'elle est belle cette journée, — Couplet qui me fut adressé par Mme H., à qui j'avais dit, à propos d'une chanson qu'elle m'avait fait voir, que c'était du sentiment tout pur, et Réponse.
— Un autre cahier pet. in-4° de 8 p. contenant cinq poésies dont, trois imprimées dans l' Ami d'Anacréon: Religion ou sottise, mot donné, an XI, — Fanatisme, mot donné, an XI, — La Chanson, mot donné.
— Neuf feuilles détachées, pet. in-4°, contenant cinq poésies imprimées dans le même recueil : L'amour sourd et muet, — La laiT.
laiT. 27
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418 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
et d'Epigrammes 1, tout un Recueil de poésies fugitives: épigrammes, madrigaux, fables, contes, etc.2, comprenant plus de deux cent vingt pièces, nous rappelle le ton et le mérite de l' Ami d'Anacréon, dont il devait sans doute former le pendant : c'est le meilleur éloge qu'on en puisse faire.
Un autre volume manuscrit est intitulé: Mélanges de littérature contenant des notes, observations, pièces de vers ou de prose qui m'ont paru mériter une attention particulière, extraites de différents autheurs ou faites à l'occasion des passages de ces autheurs3. C'est, comme on le voit, une sorte de Farrago4. « L'ouvrage est divisé par
deur aimable, — Entendons-nous, — L'espoir, — A R., qui me chicanait sur mon âge.
— Deux feuilles pet, in-4° contenant la traduction des deux premières odes d'Anacréon imprimées aussi dans ce volume. — Enfin neuf autres pièces sur feuilles détachées in-12 et pet. in-4°.
— Une autre feuille pet. in-4° contient de la main de Simon huit madrigaux de divers chirurgiens poètes ; trois n'ont pas de nom d'auteur : deux adressés à Mlle du Coudrai et un à Mlle de Varenne : Sont-ils de la composition de Simon ? Ce n'est pas en tout cas son caractère galant qui démentirait cette supposition.
Un manuscrit composé de deux cahiers pet. in-4° dont les pages sont encadrées d'une vignette et contenant trente-cinq épigrammes en vers, dont vingt-deux sont de Simon, et treize imitées du latin (plusieurs de Martial).
2 Titre donné par A. Beuchot dans la Bibliographie de la France, année.1825, p. 222. — Ce recueil de pièces de tous formats, en un carton in-8°, semble avoir été préparé pour l'impression ; on y rencontre une poésie parue dans l'Almanach des Muses: Le Platane et la Vigne, et trois autres parues dans Les Muses provinciales; La douleur de Lisette,— L'amour joueur et dupé, —Les trois moyens.
8 Ms.in-4° relié en parchemin (Bibl. de Troyes, n° 2759).
4 On y trouve plusieurs articles concernant l'histoire de Troyes : Incendie de la Comédie ; —Bible écrite par un Troyen; — Vers mis à la Tour-Boileau ; — Tour de Saint-Mizier ; — Porte de Groncels ;—Livre imprimé à Troies;—Sur la,mort de M-Pidansat de Mairobert; — Vers mis au bas des Bustes des Troiens célèbres; donnés par M. Grosley au Sallon de l'Hôtel de Ville ; — etc.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 419
« articles portant chacun leur numéro qui est celui dans « l'ordre duquel ils sont placés par hazard ou tels qu'ils « se sont rencontrés dans mes différentes lectures, » dit Simon en tête du volume. « La pluspart de ces articles « sont fondus dans mes Miscellanea. » En effet, beaucoup de ces notes qu'il se plaisait, dit-il, « à consigner sur le « papier plus pour sa propre satisfaction que pour aucune « vue ultérieure » se retrouvent avec d'autres anecdotes, dissertations curieuses 1, coutumes bizarres, fragments d'auteurs anciens et modernes 2, études littéraires 3, appréciations de nouveaux livres 4, notes ou réflexions personnelles sur toute matière : religion, philosophie, histoire, science, littérature surtout 5, etc., — dans ces Miscellanea qu'il
1 Thèze importante sur le mérite rare et merveilleux du fromage;
— Nemo peregrinus ; — La rougeur est-elle signe de vertu ? question académique ; — Question politique (traduite de l'italien de Loredano) " Lequel est le plus avantageux à un souverain de commander à des hommes instruits ou à des ignorants ? ; " — etc.,
— dissertations auxquelles il faut joindre une pièce séparée : Commencement d'une thèse pour prouver, d'après l'Ecriture « que les femmes ne sont pas hommes. " (4 p. pet. in-4°).
2 Traductions d'extraits d'AEneas Silvius, Martial, Pontanus, Manille, Spagnoli, Amalthée, Guarini, Buchanan, Alcandre, etc.; — Traduction de trois scènes latines : Tarantara ou l'Entremetteuse (Hilario Drudone, auct., Francfurti, 1625) ; — Scènes extraites d'une comédie italienne ; — Dialogue des dieux aux enfers, trad. de Pontanus ; — etc.
3 Racine et Ronsard; — La Fontaine, remarque sur une fable de ce poète; — Horace, question de littérature latine; — de nombreux rapports sur des travaux envoyés à diverses sociétés savantes ;
— etc.
4 Notice de livres ; — Lassala; —- etc., — auxquelles on peut ajouter une étude séparée (liasse n° 2770). Livres nouveaux: oeuvres de Valentin Jameray Duval, précédées de Mémoires sur sa vie avec figures (4 p. pet. in-4°).
5 Chrétiens ; — Intolérance ; — Superstition ; — Palingénésie ;
— Sorciers, Sorcières; — Philtres; — Instruction publique ;— Révolution française ; — Jean Faust ;—Erasme ; — Pourpre ;
— Tapisserie des Gobelins ; — etc., etc.
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intitula définitivement : Simoniana, ou Débris, Fragmens et découpures des Etudes, Lectures, Remarques et opinions d'un homme libre dans ses fers 1. L'Avis préliminaire2 contient l'explication de ce titre : « L'homme est né bon, les hommes sont méchans; » les inégalités de toute sorte qui existent dans là société ont donné naissance à des lois, des conventions, des institutions souvent oppressives, des préjugés même auxquels on se soumet volontiers ; « mais « toi, ma pensée, ne cède qu'à l'immuable vérité, à l'in« corruptible raison. . . Tâche au moins de conserver cette « liberté qui seule te fait aimer la vie ;.. . reste pure et " imperturbable jusqu'au dernier moment. C'est toi qui « presque toujours as guidé ma plume dans un grand « nombre de passages de ce recueil. Je me suis abstenu de « le communiquer à mes semblables, tant que j'ai vécu au « milieu d'eux. Je ne sais si, quand je ne serai plus, il « percera les ténèbres, qui le couvrent aujourd'hui. S'il y' « parvient, puisse-t-il être utile ! S'il amuse, c'est déjà de « Futilité. Ceux qu'il offenserait doivent être convaincus « que, dans l'état où je serai, je me moque d'eux, et que « les ayant d'avance voués au mépris et à la haine, revenir « de ces sentiments n'est plus en mon pouvoir, et que j'y « persévère. » Cette lecture est en effet des plus intéressantes, tant à cause de la variété des sujets que pour la connaissance intime qu'elle nous donne du caractère de Simon. J'aurai plus loin l'occasion d'emprunter quelques traits à cette peinture sincère, et par là précieuse, et j'ose espérer que mes réflexions, sincères aussi, ne m'auraient pas mérité « le mépris et la haine » de mon galant compatriote.
Ces volumes de mélanges nous font admirer en particulier
1 Ce recueil d'environ sept cent soixante articles de tous formats, en deux cartons in-8°, semble avoir été préparé pour l'impressiqn,
3 N'est pas de l'écriture de Simon.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 421
cette érudition de bibliophile que j'ai déjà signalée et que Simon, secondé par une mémoire prodigieuse, avait acquise dans son vif amour pour les lettres et son long commerce avec les écrivains anciens et modernes 1. C'est dans ce genre tout spécial que peut être classé un autre recueil: Notice sur différents auteurs2 suivie d'un Extrait et relevé des Romans qui ont été emploies dans la Bibliothèque universelle des Romans, ouvrage périodique depuis le mois de juillet 1775, que cet ouvrage a commencé d'être publié, jusqu'au..., avec des notices sur la vie et les ouvrages des auteurs3....
Enfin, les notes les plus diverses se trouvent côte à côte dans le Journal de tout ce qui m'arrive, des Livres que je prête, que l'on me prête, et de l'argent que je reçois et dépense. Commencé le cinq décembre mil sept cent cinquante neuf 4; on y rencontre ainsi pêle-mêle d'intéressants détails autobiographiques, des formules médicales, des extraits littéraires, des anecdotes curieuses, des comptes rendus de séances de l'Académie des sciences et de l'Académie de chirurgie, des remarques chirurgicales, le catalogue de sa bibliothèque, des copies ou des traductions d'épigrammes, le commencement d'un traité d'ostéologie
1 V. dans les Mélanges de littérature : Livres nouveaux et singuliers en 1783; — Dépouillement de quelques-uns des volumes de l'ouvrage de M. de Paulmy, intitulé: De la lecture des Livres français, concernant les Romans ; — Extrait d'un Catalogue des livres rares, etc., de M. Firmin Didot, —Paris, Debure, 1810; —-etc.
2 Ms. in-4° relié en parchemin. — Quatre-vingt-sept notices sur Aristénète, Le Sage, Pétrone, Thomas Morus, Hamilton, BussyRabutin, Apulée, Héliodore, Mlle de Scudéry, Et de la Boétie, Robert Etienne, de Baïf, Nostradamus, Et. Dolet, etc.
3 Quarante-huit articles; la liste s'arrête après mars 1776. 4 Ms. petit in-folio relié,
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422 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
et d'une tragédie: Leucippe, mentionnée ci-dessus, etc 1.
Il a laissé aussi un manuscrit contenant des Formules de Médecine en usage à l'hôpital de La Charité de Paris2 et une sorte de lettre ou discours à propos d'une rivalité des médecins et des chirurgiens de Troyes, où,! tout en prenant la défense de ces derniers, il demande la réunion de deux assemblées de la communauté afin de délibérer sur ce sujet 3.
Une branche de littérature qu'a affectionnée particulièrement notre poète épicurien, c'est le conte. Son caractère essentiellement gaulois l'attirait vers ce genre et vers les auteurs qui l'ont pratiqué et il s'y exerça lui-même. C'est ainsi qu'il laissa, selon la Bibliographie de la France4, vingt-cinq contes en prose dont faisaient peut-être partie les deux cités précédemment: Pour l'Almanach de Troyes: La Musette et L'Ane retrouvé5'. Outre ceux-ci, ses manuscrits contiennent un conte en vers : Dévotion
1 Voici les principaux titres de ce recueil : Extraits des auteurs ; — Extraits d'Albert le Grand; — Notice des autheurs et des ouvrages dangereux à lire ; — Etat de mes Papiers concernans la chirurgie ; — Catalogue De Tous les Livres de chirurgie à l'usage des gens de l'art, par ordre alphabétique ; — Lettres qui désignent les noms de ceux qui ont travaillé à l'encyclopédie pour distinguer les articles de chacun d'eux ; — Choix d'une Bibliotecque utile à un élève en chirurgie; — Livres rares tirés du Catalogue de la vente d'une Bibliothèque, 1776; — Etat de mes Livres; — Mélanges de Littérature, histoire et poésies, fragments de divers autheurs français faits par .... A Troyes, l'an mil sept cent cinquante neuf ; — Epigrammes d'Owen de Buchanan, d'Ausone, de Politien, de Saint-Jean Chrysostome, du cardinal Bembo, etc. (texte) ;-— Epigrammes de Martial et autres (traduction) ; — Ostéologie; — Projet et cannevas de Leucippe, Tragédie ; — etc.
2 Ms. in-12 de 24 p.
3 Ms. in-8° de 4 p.
4 Année 1825, p. 222.
5 II n'en existe pas d'autres de Simon à la Bibliothèque de Troyes.
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EDOUARD-THOMAS SIMON 423
n'empêche point nature1 ; — un roman licencieux inachevé : Le docteur Pose ou Mémoires d'un homme qui a vécu au dix-huitième siècle2, —et la 1re partie d'un autre . ouvrage de ce genre : L'Apostat ou les Egaremens de la jeunesse, Mémoires du comte de Mareilles, rédigés par lui-même 3. Ayant étudié spécialement les oeuvres de cette sorte dans les différentes littératures 4, il commença la traduction des récits de Conon : Cononis narrationes 505, des Duecento novelle de Celio Malespini 6, -— de deux autres contes: El zeloso et Victor et Pauline (1720-1721) 7, des dialogues de l' Arétin : Pierre Arétin à son singe 8 et Dialogues de P. Larétin: Première journée9, — et donna enfin la Traduction des contes de Jérôme Morlini,
1 Ecrit au crayon, sur deux feuilles volantes, pet. in-4° oblong.
2 Sept chapitres seulement (18 p. in-4°). —Le brouillon comprend 19 p. in-4° sans titre. — Certains détails semblent être autobiographiques.
3 Quatre cahiers de 6 feuilles pet. in-folio — (traduction?).
4 V. à la fin des Mélanges de littérature la table et le résumé de plusieurs recueils de contes: les Hecatommithi de Ginthio, les Novelle de Baudello, le Ciento Novelle antiche, les Facettiae de Pogge (il a encore donné autre part (coll. A. Millard, ms. pet. in-folio de 3 pages) le résumé de onze de ces Facéties), les Porretane de Sabadino, les Proverbii de Cornazano, et les Facétieux devis des cent et six nouvelles nouvelles..... par le seigneur de la Motte Roullaut, lyonnois (1550). — Dans la coll. A. Millard se trouve encore la copie d'une nouvelle de Baudello : D'un Chevalier espagnol de Valence,... trad. par Boiteau au 1er vol. de ses histoires tragiques (4 feuilles doubles pet. in-4°),
5 Six récits traduits (six feuilles volantes pet. in-4°).
6 Seize nouvelles seulement sont traduites (94 p. pet. in-4°). .
7 Le nom des auteurs n'est pas indiqué (traduction complète ? — 10 feuilles in-8° pour El zeloso et. 6 feuilles in-8° pour Pauline).
8 Douze p. in-18.
9 Treize p. in-18 avec notes historiques. — Le brouillon contient 25 p. in-18. « Traduction imparfaite " a noté M, A. Millard.
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424 UN POÈTE TROVEN AU,XVIIIe: SIÈCLE
précédée du texte latin 1. « Cette traduction est inédite, et c'est la seule qu'on connaisse des contes de Morlini 2. Les éditions latines 5de 1520 et de 1799) ne renferment que quatre-vingt-un contes ; ici, il y en a cent tant en latin jqu'en français. Ces dix-neuf contes ajoutés ont-ils été découverts par Simon dans des manuscrits anciens ou composés,par lui à l'imitation des précédents ?. .. C'est ce qu'il est difficile dé décider. Toutefois, il les donne comme étant de Morlini. Quoi qu'il en soit, ce travail est fort curieux. Il corrige les fautes de l'original et supplée aux abréviations 3. » — 3 La version que nous joignons au texte latin, » dit Simon, « est aussi fidèle que le comporte la nature de « l'ouvrage et que l'exigent les égards dûs à l'honhêteté « publique. Le traducteur à dû sacrifier la propriété des 3 termes aux devoirs que lui prescrivent les convenances. « Le lecteur se souviendra que le livré dont nous pubLIons « cette première traduction est consacré à; Momus, et « qu'il n'est pas permis de regarder d'un oeil sévère des « facéties sans conséquence, toutes dévouées à la gaieté et « à l'amusement 4. » La traduction, on le voit, était une des principales occu1
occu1 1800. — Manuscrit in-8° relié, d'une belle écriture, texte encadré, orné de deux jolis frontispices en tête du texte latin, et de deux autres en tête de la traduction avec le portrait de Simon par Quenedey. (Bibl. de Troyes, ms. n° 2412). — Voir dans la collection A. Millard cinquante-cinq feuilles de tous formats contenant le brouillon de la traduction de plusieurs de ces contes.
2 J'ai trouvé dernièrement dans un catalogue l'annonce: d'une autre traduction : Contes et nouvelles de Jérôme Morlini, traduits pour la première fois en français, par M. W. — Naples, 1878, 1 vol. in-8°. L'auteur ne connaissait probablement pas lé manuscrit de Simon.
3 Catalogue des manuscrits des bibliothèques publiques des départements ; tome 2°: Manuscrits de la bibliothèque de Troyes, (n° 2412, p. 1003).
4 Avis au lecteur, en tête de la traduction française.
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EDOUARD-THOMAS SIMON; 425
pations de Simon, et peut-être est-ce dans l'exercice, de cet art difficile qu'il a acquis la facilité et; la souplesse de son style. Outre les oeuvres de ce genre dont j'ai déjà parlé, il a encore laissé : Contes, Facéties,. Bons mots, Traits plaisons, traduits de différents auteurs anciens et modernes, Latins, Allemands, Italiens, Espagnols, etc. " La plus« part, «dit Simon, « sont extraits dans mon Ana sous des « titres différensl ; » —- Dissertation I de Louis-Ant. Muratori sur les antiquités italiennes. Des nations barbares qui soumirent l'Italie et Dissertation 17e de Muratori. Des Juifs qui prêtaient à isure; des compagnies de soldats, des soldats ou voleurs de grands chemins, des lépreux; etc. des anciens temps2;— le commencement des Avantures d'Apollonius de Tyr 3, — du Poème de Musée sur Héro et Léandre 4 ; — un fragment de Xénophon : De la république et des Loix des Lacédémoniens 5; — Deux chants de La Thébaïde, Poème de Stace, traduit en prose française par E. T. S. M.E.A.E.E.C.E.L. E. L.A.T.6: — Le commencement du chant 1er de La
1 Cinquante-neuf articles (34 p. pet. in-folio),
2 Dix-huit p.pet. in-folio. — Traduction incomplète, a noté M. A. Millard.
3 Seize p. pet. in-folio, suivies de cette note de Simon: « J'ai « interrompu ici la traduction de ce roman. Le texte latin est dans « la Bibliothèque du collège dans un vol. in-4° en parchemin, sur le « dos duquel est écrit: Plinius, Trophoeus gallor. Budaei, vîta. « Suetonius. Princip. Sabaudise genealogia, et, au bas, ces lettres : « G. I. 39. — Ce qui me l'a fait arrester est la découverte que j'ai « fait dans un catalogue de livres de la Traduct. de ce Roman, im" primée à Amsterdam, chez J. Frédéric Bernard, in-8°, au commen« cément du 18e siècle. »
4 Cinq feuilles pet. in-4° obi.
5 Feuilles volantes numérotées de 1 à 17 ; manquent les feuilles 7,8 et9.
6 Trois cahiers pet. in-folio.
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426 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
Lusiade de Camoëns 1 ; —La traduction de quatre Lettres de l'abbé Pierre Métastase 2 ; — La Jalousie, imitation d'une cantate italienne de Métastaze3, et encore des traductions d'épigrammesl.
Enfin il existe dans les manuscrits de Simon une foule de pièces et d'extraits dont les sources ne sont pas toujours indiquées et dont plusieurs ne sont pas de sa main ; la plupart ont trait à l'histoire du département, entre autres quantités de notes qui faisaient probablement partie de cette « collection considérable de pièces tant imprimées que manuscrites qu'il avait réunies, » dit son fils, ce pour composer une histoire des Troyens célèbres dont il projettait de s'occuper et qu'il avait même, je crois, déjà commencée. Il a fallu sans doute un tems considérable et un soin infini pour réunir une collection aussi volumineuse qui, sans doute, n'existe nulle part 5. »
1 Une feuille pet. in-4° contenant la traduction littérale au-dessous du texte portugais, — et deux copies de cette traduction (une feuille double pet. in-folio et deux feuilles doubles pet. in-4°).
2 Quatre pages pet. in-folio.
3 Trois pages pet. in-4°.
4 Brouillon de traduction de seize epigrammes dont l'auteur n'est pas cité. (Trois feuilles simples pet. in-4° dont les pages sont encadrées d'un filet rouge).
5 Lettre ms. du " Baron E.-F. Simon, maréchal de camp, etc., » à M. Sainton, datée de Paris, le 7 décembre 182%, où il offre de vendre ces manuscrits renfermés s dans treize cartons assez épais. » (1 p. pet. in-4°. Bibl. de Troyes, liasse n° 2770). — Il y a trace de ce projet d'histoire dans la lettre de Simon à M. Sainton, datée de Besançon, 31 mai 1812, où il est question des « paperasses de Trémet » et des notes laissées par un M. de Marsilly avec qui il était lié à Paris, dans lesquelles " il doit se trouver sur nos illustres troyens un grand " nombre de choses utiles. » — Mais les notes de ce genre (de tous formats) qui figurent dans la collection A. Millard sont loin de remplir treize cartons, trois suffisant à les contenir (classés par ordre alphabétique) ; peut-être le baron Simon comptait-il avec elles les autres manuscrits de son père: pièces de théâtre, poésies, etc.,
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EDOUARD-THOMAS SIMON 427
Les notes relatives à la publication des Mémoires historiques et du Farrago de Grosley 1 et les annotations des Annales troyennes de l'abbé Trémet 2 complètent cette collection de manuscrits ayant trait à l'histoire locale.
Il faut encore ajouter à cette longue liste d'écrits, d'après
renfermés en cartons? Ces notes ne concernent pas que des hommes célèbres ; d'autres ont rapport aux événements locaux, par exemple Soumission de la ville de Troyes à Henri IV (avril 1594); — Le Parlement à Troyes, réflexions politiques sur l'arrêté pris à Troyes par le Parlement (27 août 1787) portant que LES ETATS
GÉNÉRAUX PEUVENT SEULS SONDER LA PLAIE DE L'ÉTAT, arrêté' qui
amena des " désastres si grands et si multipliés que le glorieux chef « du nouvel empire n'en voit pas même éteindre aussi vite qu'il le " voudrait le déplorable souvenir, quelque peine qu'il prenne, « quelque honneur qu'il mette à les réparer ; " — etc.
Parmi les autres notes éparses dans les manuscrits de Simon, les suivantes ont été copiées ou annotées par lui : Extrait d'un article du Journal littéraire de Naples (20 p. pet. in-4°) ; — Pour l'Almanach de Troyes : Lettre adressée au Rédacteur des Affiches de Champagne le 9 août 1780. Tirée des Affiches de Reims, du lundi 25 septembre 1780 (Description du jeu de l'oie) (4 p. in-folio) ; — Découverte de Physique à faire ou à perfectionner (pour pouvoir séjourner sous l'eau et y travailler sans manquer d'air). « Le cit. Feuilleton a résolu tous ces problèmes » (1 feuille in-12) ; —Du Tillet (directeur de la Monnaie de la ville de Troyes) : recette contre la nielle du blé (1 feuille in-8°); — Idée d'un républicain sur les moyens d'organiser le gouvernement de la Belgique, signée : Cosmophile (4 p. pet. in-4°).
Enfin, l'on trouve mêlés à toutes les pièces précédentes (liasse n° 2770 et coll. A. Millard) des manuscrits de toutes sortes et de différentes provenances : lettres et articles envoyés à Simon comme rédacteur de l' Almanach et du Journal de Troyes ; manuscrits provenant des papiers de Grosley et de Courtalon ; dissertations, pièces de théâtre, odes, fables, epigrammes, poésies légères de divers auteurs.
1 Avec les trente-trois lettres écrites à M. Sainton, de Paris et de Besançon (1787 à 1817), et la lettre du baron Simon citée plus haut. (Bibl. de Troyes, liasse n° 2770).
2 Un vol. relié pet. in-4° (Bibl. de Troyes, coll. A. Millard).
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428 UN POÈTE TROYEN AU XVIIle SIÈCLE
la Bibliographie de la France 1, un Cours de littérature ancienne en plus de cent leçons, ouvrage plein d'intérêt, paraît-il, et que d'ailleurs Simon était fait pour réussir; — Traduction de l'Histoire de la guerre de Troie par Dictys de Crète ; — Le Trésor de la Sardaigne, ou le ver à soie, traduction en prose d'un poème d'Antoine Purquerdu ;— Gollutiana ou paroles mémorables de quelques grands personnages, par Louis Gollut, avocat au Parlement de Dôle,traduction d'un ouvrage latin imprimé en 1589; — Bouhierana ou singularités, anecdotes, tirées d'un manuscrit qui avait appartenu au président Bouhier, suivies de quelques lettres, du même à l'abbé d'Olivet (deux cent trente-six articles); — et enfin Poésies de M. Letors, bailli de Chaource, recueil de contes.
XIX
Telle est, esquissée aussi fidèlement que possible, la vie littéraire de Simon. Il ne me reste plus qu'à parler du caractère de l'homme privé et du poète.
« Ami solide et sincère, » dit son fils 2, « citoyen franc et loyal et doué d'une volonté forte, M. Simon ne rêvait que la gloire et la prospérité de sa patrie et l'union de tous les coeurs... Ennemi des dissensions, il eut toujours une estime profonde pour ceux mêmes qui ne partageaient pas ses principes, lorsqu'il reconnaissait en eux de la droiture et des qualités sociales. Il ne voyait de mauvais oeil que les intolérants parce qu'ils lui paraissaient rigoureusement
1 Année 1825, pages 222 et 279, — Ces manuscrits ne se trouvent pas à la Bibliothèque de Troyes.
2 Notice sur E.-T. Simon (en tète de Traduction des epigrammes de Martial, p. XXXIX).
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ÉDOUARD-THOMAS SIMON 429
comme là félicité et lé salut des empires; » cependant, ajoute-t-il, «personne ne respecta plus qu'il ne fit l'opinion opposés à la concorde et à la paix qu'il regardait avec raison de chacun, lors même qu'il ne la partageait pas. » Et Simon lui-même a écrit: « Je regarde comme un noli me « tangere toute espèce de discussion ayant rapport à la « religion, aux prêtres, je ne veux alarmer d'aucune ma« nière la conscience de mes semblables,parce que je désire « qu'on laisse la mienne en repos,... parce que je suis « convaincu que toute dispute sur ces matières est inter« minable1.» Mais s'il a évité les discussions, il est contesfable qu'il ait toujours « respecte » les croyances qu'il ne partageait pas, et souvent il ne s'est pas fait faute de les attaquer.
Admirateur passionné de Voltaire au point d'oublier pour le défendre les qualités ordinaires d'élégance et d'esprit de ses épigrammes et de s'abaisser jusqu'à l'injure 2 ; fervent adepte de tous les enseignements du philosophisme : supériorité de la raison et de la morale naturelle, libre examen et le reste, il écrit : « Le danger de trop croire n-est-il pas " plus grand que celui de ne rien croire du tout ? un esprit «fort est toujours un esprit droit 3, » et conséquemment;, il ne manque aucune occasion de s'élever contre ce qu'il
Simoniana, art. Révolution française.
2 V. dans Recueil manuscrit de poésies fugitives l'épigr, 102: Contre un.feuilliste anti-voltairien (qui avait trouvé Tancrède ennuyeux), et cette épigramme puérile : A l'Etre des. Etres, sur la pluie qui seule a troublé le triomphe funèbre, de Voltaire conduit au Panthéon(ép,87);
Vainement on me dit de craindre la vengeance, Inconcevable objet de la crédule foi. Voilà donc tout l'effet de ta toute puissance; Tu pleus sur un cadavre.... il a tonné sur toi !
3 Simoniana, art. Contes dévots.
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430 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
appelle les préjugés et les excès du fanatisme 1. M.; de Bonald n'est pour lui qu'un « sophiste, adversaire effréné de la philosophie et de la paix du monde 2, » et c'est alors qu'aveuglé lui-même par l'esprit de parti qu'il déplore chez les autres, ce libéral se laisse aller à des déclamations injustes jet banales, dont la violence même cache mal la faiblesse
« C'est pourtant avec un levier pareil (le christianisme) « qu'on soulève le monde ! c'est par cet instrument habi« lement manié par de hardis imposteurs que des sectaires « barbares ont ameuté les rois contre les peuples, et!les « nations les unes contre les autres. C'est avec lui qu'au « mépris des saintes lois de la nature et de l'humanité, « l'on a fait couler à grands flots le sang des malheureux « mortels. Ainsi une religion qui pouvait être le lien de la « société, l'aiguillon des vertus, le code de la bienfaisance, « le pain du fort, la consolation des affligés, le plus sûr « préservatif contre les passions désordonnées, le supplé« ment de la morale naturelle, le dernier rempart de la « conscience, est devenue, par la faute des hommes qui « en ont saisi la direction, une source éternelle de divisions, « l'acheminement aux crimes les plus honteux, la désola1
désola1 dans Simoniana les articles intitulés : Dix-huitième siècle, — Intolérance, — Superstition, — Chrétiens, — Reliques, — Inquisition, — Persécutions, — Evénements miraculeux, — Papes,— Prédicateur (contre les croisades), — Ecclesia abhorret a sanguine, — Missionnaires, —- etc., etc., et dans Recueil manuscrit de poésies fugitives, l'épigr. 121 : Contre. d'impudens Théologastres (qui « m'avaient placé sur leur index pour avoir énoncé ces maximes, « pleines de raison, (qu'
" II faut tout voir, tout entendre et tout lire, Examiner, observer sainement Choisir le bon et rejelter le pire. »
« dans une de mes premières leçons à l'Académie s), et l'épigr. 155: Sur un mystère.
2 Simoniana, art. Intolérance.
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ÉDOUÀRD-THOMAS SIMON 431
«tion de la terre, l'aliment continuel des penchants les « plus dangereux, une école de dissimulation et d'hypo« crisie, et le plus ferme appui de l'inextricable politique « et de la tyrannie 1. »
Et il en arrive ainsi à traiter saint Louis de « sot 2 » et à pousser cette exclamation peu réfléchie: « Heureuse la " France si son père, ami des lettres (François Ier),... au « lieu de combattre la Réforme qui ne tendait qu'à abattre « l'autorité la plus insupportable de toutes,... eût laissé le " champ libre à l'opinion religieuse 3! » Et cependant luimême ailleurs n'a-t-ii pas reconnu dans les troubles religieux une cause fréquente de troubles politiques et observé.que « quand on accoutumé le peuple à quereler, le moindre « aliment sert de; prétexte à un incendie. » Seulement, il s'agissait alors des querelles entre Jansénistes et Molinistes, et, bien trop superficiel pour chercher sous les faits l'enchaînement des idées et remonter ainsi à leur. véritable source, c'étaient eux qu'il rendait responsables de nos discordes civiles, et il estimait « qu'on aurait dû fesser tous « ces gens-là ou leur cracher au nés 4. »
De même il était bien trop idéologue, comme les philosophes dont il était le disciple, pour prévoir l'issue fatale de cette voie où il les avait suivis avec tant d'ardeur, et plus tard les événements même ne lui ont pas ouvert les yeux sur la fausseté de ses belles théories à la Jean-Jacques 5.
1 Simoniana, art. Chrétiens.
2 V. ses réflexions citées plus haut.
3 Simoniana, art. François 1er (rapport sur des travaux envoyés à l'Académie de Besançon en 1811 et 1812). — V. encore des réflexions de même genre dans un autre rapport sur un travail présenté à la même Académie : Louis VII, roi de France.
4 Note dans les Annales Troyennes de l'abbé Trémet citées ci-dessus.
5 V. dans Simoniana, art. Révolution française, où il entreprend de réfuter un livre lu par lui en 1814 : Essais sur l'histoire de la Révolution française, par Héron de Villefosse, qui rend les doctrines philosophiques responsables des excès de la Révolution,
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432 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
D'ailleurs, sa nature spéciale de poète n'était pas faite pour lui donner un jugement plus exact.
Il serait à souhaiter pour l'honneur de sa mémoire qu'on pût donner aussi sa frivolité comme excuse à ses tristes défaillances de caractère et attribuer au poète seul ses incompréhensibles palinodies. Elles seraient encore bien assez flétrissantes pour un philosophe dont la pensée « pure et imperturbable » s'élève avec, tant d'indignation contre « l'hypocrisie et la dissimulation » de ses adversaires.
En réalité, les qualités viriles ont fait défaut ; en tout, dans le domaine moral comme dans le domaine littéraire, à cet esprit fort. Ah ! qu'il est bien de son siècle il élégant, spirituel, insouciant et frivole en dépit de ses grandes phrases! Voyez son portrait: telle qu'elle est, la vie lui semble bonne et c'est là l'essentiel 1 ; au-dessus des plis coquets de son jabot de dentelles, la figure est épanouie ; cependant, ne vous fiez pas trop à son air bonhomme : l'oeil est vif et le sourire de la lèvre promet une épigramme. Reconnaissez-vous là un enfanf de « cette naïve et maligne Champagne 2 » et l'ami d'Anacréon qui n'a cessé de faire déborder dans ses oeuvres son « aimable insouciance » comme dit l'épigraphe de Regnault de Beaucaron?
Comme La Fontaine, « il a erré parmi des milliers de sentiments fins, gais, et tendres ; son coeur lui a fourni une fête, la plus piquante, la plus gracieuse, toute nuancée de rêveries voluptueuses, de sourires malins, d'adorations fugitives. Il s'est promené à travers tous les sentiments humains, quelquefois parmi les plus nobles, d'ordinaire parmi les plus doux3. » Seulement, les qualités qui ont rendu l'inimitable fabuliste poète dans toute l'acception du
1 V. ci-dessus l' Inscription pour mon portrait.
2 Michelet, Histoire de France, livre III (p. 100 de l'édit. Hachette, 1833).
8 Taine, ouvrage cité, chap. II :L' homme, p. 42,
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EDOUARD-THOMAS SIMON 433
mot: l'émotion vraie et l'observation de la nature, ont manqué à ce « génie » , que son compatriote lui octroyait si généreusement. Il a trop abusé de sa facilité, et les sujets qu'il a traités n'ont trop souvent été pour lui que d'heureuses matières à développements, au lieu d'être les résultats de la conviction et de l'inspiration; comme presque tous les versificateurs du XXIIIe siècle, plus aligneurs de mots que poètes, il a suivi sans originalité la mode et les conventions de son temps et il s'est contenté d'une place distinguée parmi les auteurs de second ordre. Et le jugement qu'il a porté lui-même sur une de ses oeuvres me semble juste pour l'ensemble de ses écrits :
Si tout vous plaît dans cet ouvrage, Vous n'êtes qu'un sot à mes yeux ; ■ Si tout vous déplaît sans partagé, Lecteur, vous êtes envieux 1.
C'est souvent un agréable chanteur, rien de plus.
Depuis, nous avons entendu de grands artistes. Loin d'être éprouvée par « l'invasion prochaine de la barbarie » comme le craignait Simon 2, notre littérature s'est rajeunie aux sources mêmes de la nature; et, préludant à cette éclatante renaissance, Lamartine, « la poésie même 3, » a trouvé le premier sur sa lyre harmonieuse et dans son coeur des notes émues et exquises qui nous ont fait vite oublier les ariettes d'autrefois. D'autres ont chanté encore, et, après les accents inspirés de ces charmeurs, cette mièvre poésie du XVIIIe siècle, avec ses beautés de convention, son jargon mythologique et ses fadeurs sentimentales, peut nous laisser bien froids.
1 Au lecteur (Recueil manuscrit de poésies fugitives, inscr. 89).
2 V. ci-dessus lettre à M. Sainton, datée de Besançon, 22 décembre 1815.
3 J. Lemaître, Les Contemporains, 3e série, p. 263.
T. LII 28
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434 UN POÈTE TROYEN AU XVIIIe SIÈCLE
J'ai pensé pourtant qu'il, pouvait être d'un certain intérêt, à propos d'un compatriote en qui se reflètent bien l'esprit de sa race et l'image de son époque, de revoir évoqués pour quelques heures ces souvenirs et cette poésie d'antan, - comme on se plaît parfois à rêver devant un pastel de marquise poudrée
Tenant en mains des roses un peu pâles Comme il convient à des fleurs de cent ans 1,
et comme on s'intéresse curieusement à un ruban fané ou à une fleur desséchée trouvée dans quelque vieux livre, derniers vestiges de beautés évanouies et témoins muets de jours disparus.
1 Th. Gautier, Pasteh
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PROGRAMME
DES
PRIX MIS AU CONCOURS
PAR LA
S0CIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
Prix à décerner en 1891
1°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur Mémoire sur l'influence des machines agricoles sur la culture du département de l'Aube.
2°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur Travail sur les causes, ou une des causes principales âl'insalubrité de la ville de Troyes et sur les moyens de la combattre.
3°. Un prix, de la valeur de 400 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure Monographie d'un ancien édifice civil ou religieux du département de l'Aube..
4°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure Monographie d'une famille urbaine ou rurale du département de l'Aube.
PRIX BISANNUEL DELAPORTE
Un prix de la valeur de 300 francs, sera décerné à l'auteur.
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436 PRIX MIS AU CONCOURS
de la meilleure Histoire d'un établissement religieux du diocèse de Troyes.
Ce prix pourra être partagé.
Les concurrents, pour ces cinq prix, devront faire remettre leurs manuscrits, à Troyes, chez le Secrétaire de la Société, au Lycée, — au plus tard le 1er Mars 1891.
Prix à décerner en 1892
1°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur Mémoire sur l'Emploi des engrais chimiques dans le département de l'Aube.
2°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur Mémoire sur les insectes nuisibles aux arbres fruitiers et forestiers dans le département de l'Aube.
3°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure Monographie d'une station préhistorique, village lacustre ou atelier de fabrication.
4°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure Pièce de vers médite, dont le sujet est laissé au choix des concurrents. La pièce ne devra pas excéder 200 vers.
Les concurrents, pour ces quatre prix, devront faire remettre leurs manuscrits, à Troyes, chez le Secrétaire de la Société, au Lycée, — au plus tard le 1er Mars 1892.
Prix à décerner en 1893
1°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur Mémoire sur la production et fabrication du cidre dans un canton du département de l'Aube.
2°. Un prix, de la Valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur Travail sur les oiseaux de passage dans l'Aube, leurs moeurs et leurs migrations.
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PRIX MIS AU CONCOURS 437
3°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure Etude sur la juridiction consulaire a Troyes.
4°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure Etude sur un artiste du département de l'Aùbe.
PRIX BISANNUEL DELAPORTE
Un prix, de la valeur de 300 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur Travail sur les peintres: verriers de la Champagne. Ce prix pourra être partagé.
Les concurrents, pour ces cinq prix, devront faire remettre leurs manuscrits, à Troyes, chez le; Secrétaire de la Société, au Lycée, — au plus tard le 1er Mars .1893.
CONDITIONS COMMUNES A CES CONCOURS
Les Manuscrits devront être inédits. — Ils porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans et sur le billet cacheté joint à l'ouvrage, et contenant le nom de l'auteur. Celui-ci ne devra pas se faire connaître, sous peine d'être exclu du concours.
Les concurrents sont prévenus que la Société ne rendra aucun des ouvrages qui auront été envoyés aux concours. —- Les auteurs auront la liberté d'en faire prendre des copies.
La Société déterminera, avant les séances publiques, si les récompenses attribuées aux lauréats leur seront remises en médailles, en livres, en objets d'art, ou en argent.
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438 PRIX MIS AU CONCOURS
Indépendamment des prix sus-énoncés, la Société Académique de l'Aube décerne, tous les ans, des prix, des récompenses ou des encouragements dont le sujet n'est pas annoncé, et pour lesquels elle désire conserver son initiative.
Elle décernera, en outre, dans ses séances publiques, des médailles d'or et d'argent aux auteurs des perfectionnements introduits ou opérés dans le département, qui auront été jugés le plus utiles à l'industrie, au commerce et à l'agriculture.
Des médailles seront également remises aux auteurs des meilleures statistiques communales, rédigées conformément au questionnaire publié en 1876,
Troyes, le 1er Janvier 1890.
Le Président de la Société,
A. BABEAU. Le Secrétaire,
L'Abbé D'ANTESSANTY.
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DÈS
DONS FAITS AU MSÉE DE TROYES
AVEC LES NOMS DES DONATEURS Pendant l'année 1889 1
Article 34 du règlement de la Société Académique de
l'Aube :
« Chacun des Membres de la Société doit contribuer, autant " qu'il est en lui, à l'augmentation du Musée.
» tes dons faits à la Société par ses Membres, ou par des per" sonnes étrangères, sont inscrits sur un registre spécial, et » publies en outre dans les journaux de Troyes et dans l'ANNCAIRÉ " du Département, avec les noms des donateurs. "
PEINTURE
MM.
L'ÉTAT ; —- La mort de saint Pol de Léon, grande peinture à l'huile, par Duffaud.
L'ÉTAT, avec le concours pécunier de la SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE : — Vue de Djara (Tunisie), paysage peint à l'huile, par M. Pinel, des Riceys (Aube). Cette; toile a figuré au Salon de 1889 sous le n° 2154.
1 Pour les publications précédentes, voir les Mémoires de là Société de 1849 à 4888.
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440 LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES
L'ADMINISTRATION MUNICIPALE DE LA VlLLE DE TROYES : — La Logeaux-Chèvres,
Logeaux-Chèvres, à l'huile par Mlle Marie Léautez, élève de MM. Schitz, Ségé et A. Moreau.
Joseph AUDIFFRED, ancien juge au Tribunal de commerce de la Seine, membre correspondant de la Société Académique : — Un portrail déjeune femme, Provençale ou Espagnole, peint à l'huile par M. Magaud, directeur de l'Ecole des Beaux-Arts de Marseille; — Jésus enfant au bain, peinture à l'huile par Jules Romain, élève de Raphaël. Cette toile est entourée d'un riche cadre en bois sculpté; — Un portrait de Mme de Thianges, peinture à l'huile attribuée à Pierre Mignard.
DUBOIS, Arsène : — Une ondée (environs du Tréport), peint à l'huile par le donateur. A figuré au Salon de 1889 sous le n°, 887.
SCULPTURE
L'ÉTAT : — 1° En vedette, groupe en plâtre, par Mlle Mathilde Thomas, originaire de Troyes; — 2° Le Champagne, grand médaillon en plâtre, par Mlle Marcelle Lancelot, de Paris.
DURAND-ULBACH (et Mme), par l'intermédiaire de M. LACROIX, libraire à Troyes : — Louis Ulbach, buste en bronze, par PierreJoseph Chardigny, sculpteur français, né à Aix en 1794, mort à Paris vers 1866, auteur du buste de Gambey qui figure au Musée de Versailles.
Joseph AUDIFFRED : Deux bustes en marbre blanc : 1° La Marinière, par Louis Pagani ; 2° Une Tête de jeune femme, par C.- M. Benzoni.
PÉCHINÉ (Antide), statuaire à Paris : — Monseigneur Pierre Cortet. évêque de Troyes. Buste en plâtre, oeuvre du donateur exécutée en 889.
ARCHEOLOGIE
CHUCU, propriétaire illemorien ointes de flèches, couteaux, âcloirs, etc., en silex trouvés à illemorien, lieu dit a elle-Place.
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LISTEES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES 441
François GEISS, terrassier: — Un palstave ou celt en bronze, à ailerons, lunulé au sommet et portant une boucle sur le côté. Il a été trouvé sur le territoire de Rosay (Marne).
GROSDEMENGE, ancien notaire à Troyes: — Un fragment de sculpture en marbre blanc provenant des catacombes de SainteAgnès, à Rome.
VACHETTE, fabricant de serrures, à Troyes : — Un fond de vase en terre sigillée, trouvé lors des travaux de terrassement de son usine des Tauxelles. Il porte la marque bilinéaire CERDO (F?) ITI*
DET, bibliothécaire de la ville de Troyes,; membre résidant: — Un
petit godet en terre blanche:vernissée trouvé à 2 mètres
80 centimètres de profondeur dans les fouilles d'une cave,
chez M. Louis Migeont, entrepreneur, n° 3, rue de Preize,
à Troyes.
Mademoiselle TRUDON (Pauline), propriétaire à Pont-sur-Seine : — Un fragment de poterie en terre rouge dite terre de Samos, ayant porté une marque de potier, dont il ne reste que la lettre initiale 0 ; —Un autre fragment de vase de même nature, orné de personnages et arabesques en relief; — Un fragment de disque en terre cuite recouverte d'une couche d'émail translucide et d'un ton violacé, épaisse de 0,008; — Deux fragments d'un vase en terre blanche émaillée en jaune à l'extérieur. Ils représentent une tête d'homme dont, la barbe, teintée en brun, est indiquée par des hachures en
bâtons rompus; — Un fragment de fond de vase en terre blanche émaillée en jaune à l'intérieur, en vert foncé à l'extérieur, et orné sur cette face d'un cordon de pastillages juxtaposés et portant chacun l'empreinte du pouce du. potier; — Un fragment de plat en terre blanche recouverte d'un engobe d'argile rouge sur lequel on à peint des fleurons et des rinceaux à l'aide d'une couche d'argile blanche. Le tout est enduit d'un vernis jaune transparent et parsemé en divers endroits de macules verdâtres. — Ces divers objets ont été trouvés dans les fondations de l'ancien hospice de Pont-sur-Seine, connu depuis sous le nom de prieuré de Notre-Dame, et dont la fondation remonte au temps de Charlemagne; on peut donc considérer la plus grande partie
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442 LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES
de ces poteries comme étant des produits du IXe: siècle. —- L'ensemble de cette trouvaille a été présenté à la Société des Antiquaires de France.
Gustave LANCELOT, photographe à Troyes : — Deux fragments d'archivolte en pierre sculptée, provenant de l'ancien prieuré de Saint-Quentin de Troyes, XIIe siècle ;— Un fragment de pierre tombale portant de riches ornements gravés 'en creux et datant du XIVe siècle. Elle provient en dernier lieu du couvent des Capucins de Troyes.
Charles SAVETIEZ, membre associé : — Clous, boucles, bouclettes, ressort de fibule, etc., le tout en fer, trouvés à Breban (Marne), dans un ancien cimetière situé dans le lieu dit Le Préla-Guerre; — Deux fers de flèches, trouvés à Dampierre de l'Aube, dans le lieu dit Le Pré-Bataille, près de la ferme du Plessis.
PETIT-SÉNÉCHAL (Maurice) : — Une brique portant une inscription en caractères grecs anciens. Elle a été extraite, par le donateur, des anciens remparts de Constantinople (enceinte bysantine).
L'ADMINISTRATION MUNICIPALE DE LA VILLE DE TROYES : — 1° Une grande et belle pierre tumulaire gravée au trait et portant
l'effigie de Madame DE-VILLEMOIR-JADIX-FAME.
JEHAN • BONNET . DE-TROYES • QUI • TRESPASSA- LAN • DE •
GRACE MIL CCC SLIIII Cette pierre, qui était retournée,
retournée, de dallage dans l'ancien bûcher de la Bibliothèque;
Bibliothèque; 2° Une statuette avec sa niche en pierre, Elle
était placée au-dessus de la porte cochère de la maison
n° 65, rue de la Cité, récemment démolie pour taire place
aux bâtiments de la nouvelle Bibliothèque (XVIe siècle).
CLÉMENT-BAUDIN, propriétaire au Chêne (par l'intermédiaire de M.
FEYERSTEIN, capitaine de gendarmerie), et MM, Mathieu REDON et VITAL-FAYE, propriétaires à Vinets (par l'intermédiaire de M. l'abbé PETIT, curé du Chêne) : — Plusieurs pièces d'équipement ancien, en bronze, telles que : brassarts, boutons, stylet, anneaux, etc.-, et fragment de.casque en cuir bouilli. Ces divers objets ont été trouvés, en juin 1889, dans une sépulturej à 1500 mètres du village du Chêne, lieu dit Les Grèves, sur le territoire de la commune de
Vinets (Aube).
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LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES 443
Adrien MICHEL, 70, mail des Charmilles, à Troyes : — Une petite clé gothique, en bronze, trouvée dans les fouilles de la place de l'Hôtel-de-Ville, à Troyes, en octobre 1888.
DELOISY-HU, propriétaire à Bar-sur-Aube : — Une clé ancienne, en fer, trouvée à . Bar-sur-Aube, lors des fouilles pratiquées pour la construction du nouveau collège,
MAZURIER, antiquaire, à Troyes : — Un moule en ardoise ayant servi à couler des méréaux et des enseignes en plomb. Il semble dater de la fin du XIVe siècle.
PONCELET (Arsène), 20, rue Claude-Huez, à Troyes (par l'intermédiaire de M, Arsène THÉVENOT, membre associé) : — Deux petites plaques en bronze, découpées cîrculairement, ayant chacune un prolongement en forme de queue d'aronde et s'adaptant exactement l'une sur l'autre. Un rivet qui servait à fixer un ruban de soie entre ces deux plaques les maintient dans cette situation. Elles ont été trouvées sur le territoire de Faux-Fresnay (Marne) et semblent dater du XVe siècle.— Cet appareil était ordinairement attaché à là crête: d'un lutrin et servait à empêcher: les pages du livre de se retourner mal à propos. II pouvait aussi être emplôyé comme signet.
Gustave LANCELOT, photographe à Troyes, :— Un petit médaillon en
pierre sculptée, XVIe siècle, — Un carreau en faïence aux
armes dela famille Legrin, qui appartenait à la bourgeoisie
Troyenne. Il provient d'une maison, de la rue de la Cité,
située en face de la grille de l'hospice de Troyes, XVIIIe siècle.
siècle.
BAROTTE (Edmond), membre résidant : — Un remarquable mortier en pierre, sculptée, datant de la plus belle époque de la Renaissance. Sur un de ses côtés est placé, au milieu d'une couronne de fleurs et de fruits, un écu portant une croix alaisée, endenchée et accompagnée au 1 et 4 canton d'une feuille de
trèfle. Les trois autres côtés, qui sont délimités par des mascarons, ont pour ornements des cartouches composés de bandelettes et d'enroulements.
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444 LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DÉ TROYES
HOPPENOT (Georges), à Troyes : — Un moule à oublies en fer. La gravure est circulaire et représente sur une des plaques les armes de la ville de Troyes, au milieu d'un quadrillé; sur l'autre, un simple quadrillé. Ce moule paraît dater du XVIIe siècle. — On sait que les oublies ont figuré jadis au nombre des redevances féodales, A Paris, on les criait dans les rues dès le XIVe siècle ; elles étaient alors de forme ronde, plates et insipides. Les oublies de Lyon étaient fort renommées, et c'est dans cette ville que l'on a commencé à les rouler en forme de cornet.
DE PAILLOT (Armand), à Troyes : — Une très belle assiette en faïence
de Rouen, à décor polychrome, portant au centre deux écus,
l'un aux armes de la famille de Paillot, l'autre aux armes de
la famille de Poterat. On peut considérer cette assiette
comme sortant de la fabrique d'Edme Poterat, originaire de
Troyes, qui, dès l'an 1632, était à la tête de la première
faïencerie de Rouen.
Le CURE DE Courteranges : — Un : carreau vernissé représentant un cadran solaire avec la devise : POST: TENEBRAS SPEROLYCEM.
SPEROLYCEM. siècle. ! L'abbé LALORE, membre résidant : — Un carreau émaillé et peint. Il est armorié et porte dans le champ trois barils ou tonnelets. L'écu est surmonté d'une crosse mise en pal au milieu d'une couronne comtale (XVIIIe siècle).
DE LA BOULLAYE; membre résidant : —Un fleuron, en cuivre jaune' à l'usage de l'imprimerie ; type du XVIIIe siècle.
MAZURIEB, antiquaire à Troyes : — Six curieux, boutons d'habit datant de la fin du siècle dernier. Ils renferment, sous une lentille en cristal, des insectes et des coquillages posés avec art sur des mousses et des herbages.
L'abbé PINGAT, aumônier de l'Hôtel-Dieu de Troyes : — Un petit triptyque ou iconostase russe, en cuivre jaune. Il date de l'invasion de 1814, et a été trouvé sur le territoire d'Aubeterre-sur-Barbuise.
Madame TAVERNIER, rue du Cheval-Blanc, n° 4, à Troyes: — Une tabatière en noix de coco habilement sculptée.
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LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROXES 445 ■
NUMISMATIQUE ET SIGILLOGRAPHIE
Désiré PIAT, élève au Lycée de Troyes : - Un moyen bronze de Maximien Hercule, frappé après sa mort. Revers GENIO POP. ROM. — A l'exergue P. LN. Le génie coiffé du modius, debout, demi-nu, à gauche, tenant une patère et une corne d'abondance.
Victor AUDINOT, de Pâlis, officier militaire à Cessa (Tunisie) : — 24 petits bronzes romains du IVe siècle, recueillis dans les ruines (le Gafsa, l'ancienne Capsa des Romains.
Anatole DÉ BARTHÉLÉMY, membre correspondant (par l'intermédiaire de M. de LA BOÛLLAYE) : —Trente et un jetons en billon et en cuivre jaune, parmi lesquels : cinq des Etats de Bourgogne; six de divers maires de Dijon; quatre de divers maires de Tours ; un des Etats d'Artois, etc.
TOLMÉR (Louis), membre associé : — Un jeton en cuivre, daté de l'an 1560. Il porte sur une face la lettre F couronnée entre
deux cornes d'abondance, et, en exergue, la légende : FERTITITATI. FRANCIE. Sur l'autre face, Minerve, debout, tient d'une main sa lance et de l'autre une branche d'olivier. Près d'elle un écu aux armes de France i légende : PROVIDENTIA GALLIARVM.
Ernest BACQUIAS, propriétaire à Brienne: — Une pièce d'argent à l'effigie de Louis XÎV, 1677.
L'abbé MONTILLOT, curé d'Orvilliers: - Une pièce de 12 deniers, d'Aix-la-Chapelle, 1767;
Emile BONARD, demeurant à Loches : - Une médaille en bronze frappée en commémoration de l'inaugruration du chemin de fer de Strasbourg par le prince Louis Napoléou, le 17 juillet 1852 — Une pièce de cinq centimes, en nickel, à l'effigie de Léopold Ier; roi des Belges, 1861.
Le prince de BAUFFREMONT-COURTENAY, duc d'ATRisco : — Les reproductions galvaniques des sceaux : 1° de Gauthier VI,
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446 LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES
comte de Brienne; — 2° du sceau et du contre-sceau de Jean de Brienne, bouteiller de France, fils de Jean de Brienne, roi de Jérusalem ; — 5° du sceau et du contresceau d'Agnès de Brienne, comtesse de Joigny.
Paul L'HUILLIER, à Àrcis-sur-Aube :— L'empreinte sur cire d'un sceau portant la légende : SIGILLVM CAPITVLI SANCTT STEPRANI DE GRESSIBVS? La matrice de ce sceau, en bronze, a été trouvée dans des fouilles faites à la ferme de la Commanderie, commune de Tréfols, canton de Montmirail (Marne). Cette paroisse faisait partie de l'ancien diocèse de Troyes.
L'abbé PAILLÉ, curé de Dosches : — Un sceau circulaire, en bronze, au nom de Simon Manchin, trouvé en 1888, à Dosches, dans les dépendances de l'ancien prieuré-cure, derrière le chevet de l'église.
Charles BENOIT, receveur des postes, à Rosnay : — Un cachet armorié, en cuivre, portant la légende : SCEL- DE. LA.YVSTTCE. DEMPHON-UELLE. XVIIIe siècle. (Enfonvelle, Haute-Marne, arrondissement de Langres, canton de Bourbonne).
CHOÙLLIER, membre correspondant, à Ervy : — Les, empreintes sur cire de six sceaux et cachets dont cinq font partie de sa collection, savoir : 1° Le sceau de Renaut Roussiau, du XIVe siècle ; 2° le sceau d'Anthoine Le Carron, du XVe siècle ; 3° un cachet armorié, du XVIIIe siècle 3; 4° l'empreinte d'une intaille de style grec représentant Le Triomphe d'un César; 5° le sceau du Tribunal du district d'Ervy; 6° le sceau du Collège des maîtres chirurgiens de Troyes, 1140. Il porte sur un même cartouche, surmonté d'une couronne de comte, deux écus juxtaposés, le premier aux armes de la ville de Troyes, le second aux armes du Collège des maîtres chirurgiens, qui sont : d'azur au soleil d' en abyme, chargé
en coeur d'une fleur de lis d et accompagné de trois
coupes couvertes d..,.. Ce dernier sceau appartient à un habitant d'Ervy.
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LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES 447
ETHNOGRAPHIE
Le docteur HOFFMANN, membre honoraire de la Société Académique de l'Aube, à Washington : — Une petite, collection de pointés de lances, de pointes de flèches et de couteaux, trouvés près des bords de l'Eastern Brandi, affluent du Potomac, non loin de Washington, sur l'emplacement d'un campement d'Indiens Na-cotsh-tank.
VIEHHAEUSER, membre associé de la Société Académique, aux Riceys:
— Une poupée portant l'ancien costume Riceton.
Charles SAVETIEZ: — Une plaque de shako portant le coq gaulois;
— Une cocarde en fer blanc, aux trois couleurs ; — Une grenade en cuivre argenté et deux autres grenades brodées en or et en argent, sur drap noir ; le tout provenant d'un uniforme de grenadier de la garde nationale, 1830.
THERRIAT, conducteur des Ponts et Chaussées à Nouméa (par l'intermédiaire de M. GIRARDIN, principal clerc d'avoué à Troyes)-
— Une brochure chinoise illustrée de gravures sur bois.
HISTOIRE NATURELLE
LOMONT (Célestin), naturaliste-préparateur, 24, rue Voltaire, à Troyes : Un lagopède muet (Lagopedus mutus), habilement empaillé; — Un sanderling des sables, habilement préparé par le donateur.
SELLIER fils, à Troyes : — Un ophidien.
KAMM, Henri, propriétaire à Sainte-Savine : — Un oeuf de poule d'une forme bizarre.
L'abbé PINGAT : — Un lot de coquillages des côtes d'Afrique; recueillis par M. Jules Laloy, capitaine au long cours,
Elisée CADET, propriétaire à Montgueux : — Un nid de guêpes souterraines ou guêpes communes domestiqués, pris à deux mètres de profondeur.
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448 LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES
PALEONTOLOGIE
HUGUIER-TRUELLE : — Ossement fossile trouvé dans lés gravières de Polisot.
MINERALOGÎE
DÉ MAÙROY (Adrien), conservateur de la section de Minéralogie : — Une collection de soixante échantillons minéralogiques déposée à l'école communale de Celles-sur-Ource au nom du Musée de Troyes ; - Une météorite de Montignac, près Marmande (Lot-et-Garonne); poids, 1 gr. 2. Extrêmement rare (4 juillet 1848); — Une météorite
de Favars (Aveyron); poids, Ogr. 6. Très rare (21 octobre 1844); — Une météorite de Fayette C° S. W. bank of Colorado-River, Texas (Etats-Unis) ; poids, 7 gr. (1888); — Une collection de 60 minéraux destinée à l'école communale de Vosnon, canton d'Ervy.
BIBLIOTHEQUE DU MUSEE
Mme DE CÉAMPEAUX, née DE FONTENAY : - Deux ouvrages illustrés. Ils renferment, le premier, 39 planches gravées par Gaspard de Penner et offrant la reproduction dès peintures exécutées au palais de Caprarola par les frères Zuccari. Rome, M DCC XLVIII; le second, une suite de 48 portraits gravés par Antonio Pazzi, Carlo Gregori, Antonio Corsi, etc., d'après les portraits des plus illustres peintres, peints par euxmêmes, qui se trouvent au Musée de Florence. In Firenz, l'anno M DCC XLVIII, nella stampa di Francesco Moûcke.
LOMONT (Célestin), préparateur-naturaliste à Troyes :.— Zoologie, par MM., le docteur E. Berthier, D. Pierrat, Mougel, Lomont, etc.; — Extrait de l'ouvrage intitulé : Le Département des Vosges, Epinal, È. Bussy 1888.
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LISTE DES DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES 449
FELLRATH, ancien capitaine au 12e dragons, à Troyes: Une gravure sur bois, d'André Pfeffel, représentant l'arrière-garde de l'armée du maréchal Caraffa défilant devant les magistrats et les compagnies des gardes civils de Neustadt.
BROUARD, membre résidant:- Trois grandes photographies, par
M. E, Guyot, représentant: l'une, le reliquaire byzantin de
Jaucourt vu de face; l'autre, le même reliquaire vu en sens
contraire ; et la troisième,' le reliquaire émaillé de Villemaur
vu sons deux aspects différents.
Pour copie conforme au registre destiné à inscrire les Dons faits au Musée de Troyes.
Louis LE CLERT,
Ordonnateur de la Commission du Musée.
T. LIII 29
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LISTE
DES
0UVRAGES OFFERTS A LÀ SOCIETE ACADEMIQUE DE L'AUBE
PENDANT L'ANNÉE 1889 Avec les noms des Donateurs 1
SCIENCES. — AGRICULTURE. — HORTICULTURE
M. Marcel DUPONT, membre résidant : Expériences sur les engrais phosphatés et résultats obtenus. — Guide pratique de l'emploi des engrais chimiques dans le département de l'Aube.
M. Charles BALTET, membre résidant : Les Fruits populaires, 2e édition. — Traité de la Culture fruitière.
M. DE LA BOULLATE, membre résidant : Rapport sur << L'Art de Greffer", de M. Charles Baltet.
M. DE COSSIGNY, membre résidant : Les Irrigations, nouvelle édition.
M. le docteur BAZIN : Conférence sur Les Causes d'insalubrité de la ville de Troyes.— La Genèse.
M. DEVILLE : Notice sur L'Antiphylloxérique Muenier.
M. MARGUERITTE : Emploi du sulfate de fer en horticulture.
M. GATTA : Sur la Chlorose de la vigne.
M. C. SAILLARD : Observations météorologiques dans le département de l'Aube.
M. HUGONIN : Brochure sur Le Plâtrage des vins.
M. Louis HARIOT, membre associé : Les Poires.
1 Nous n'avons pas porté sur cette liste les envois des Académies et des Sociétés correspondantes, les publications périodiques, ainsi que les volumes de la collection des Brevets d'invention donnés par l'Etat.
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452 OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
ARCHÉOLOGIE. — ARTS
M. TAILLEBOIS, membre correspondant : Quelques marques de potiers. — Quelques monnaies romaines. — Recherches sur là Numismatique de la Novempopulanie. — Monnaie inédite en électrum.
M. DE BARTHÉLÉMY, membre correspondant : Monnaies mérovingiennes. - Légendes des monnaies gauloises.
M. le baron Joseph DE BAYE, membre correspondant : Les bijoux francs et la fibule anglo-saxonne de Marilles.
HISTOIRE
M. CHOTARD, membre correspondant : Le pape Pie VIl à Savone.
M. JEANDET : Recherches bibliographipues pour servir à l'histoire des sciences naturelles dans le département de Saône-et-Loire.
— Notice sur la vie et les travaux de Leschenault de la Tour.
— Chalon-sur-Saône pittoresque et démoli.
M. le prince DE BEAUEFREMONT : Pierre d'Aubusson. — Éloge funèbre de M. Paul de Beauffremont.
M. LABOURASSE, membre associé : Saint Bossange, apôtre d'Arcis, sa vie, ses reliques, son culte.
M. Albert BABEAU, membre résidant : Paris en 1789.
M. ROSEROT, membre honoraire : Notes sur quelques ouvrages de l'abbé Mathieu. — Quatre missives des rois François Ier, Henri IV et Louis XIV.
INSTITUT DE FRANCE : Recueil des lois, statuts et règlements de diverses académies, de 1635 à 1889.
BELLES-LÉTTRES & SUJETS DIVERS
M. GUILHAUMOU-JAVELLE : Chants fraternels.
M. CABAT : Étude sur Balzac, couronnée par l'Académie française.
M. Emile FORMONT : Études littéraires, offertes par M. Alphonse BAUDOUIN, membre associé.
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OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE 433
Mademoiselle Louise DÈLAHAYE : La Crimée, poème.
M. le docteur GUIBOUT, membre correspondant : Vacances d'un: médecin. Voyagera Jérusalem, au Caire, à Damas, dans la Palestine et la Syrie.
M. : Georges VIGNES : Manuel des opérations de banque et de placement.
M. PAPILLON, membre correspondant : Manuel français-anglais, Manuel français-espagnol sur Les Reconnaissances.
M. MANNEQUIN : Brochure concernant le Congrès monétaire qui s'est tenu pendant l'Exposition.
M. OMONT : Spécimens de caractères hébreux, grecs, latins et de musique.
M. BONVALOT, membre correspondant : Bu Caucase aux Indes, dessins de M. Alb. Pépin.
Pour extrait conforme : Le Secrétaire, L'Abbé D'ANTESSANTY.
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COMPTE RENDU SOMMAIRE
DES
SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ PENDANT L'ANNÉE 1889
Séance du 18 Janvier 1889. Présidence de M. G. HUOT.
La séance est ouverte à trois heures. M; le Président, dans une allocution vivement, applaudie, remercie la Société Académique de l'avoir appelé de nouveau à la Présidence.
M, le Président annonce à la Société que son Secrétaire, M. l'abbé d'Antêssanty, vient d'être nommé Officier d'Académie.
Correspondance.
Le..Secrétaire de la Revue de Champagne et de Brie demande communication des procès-vérbaux de nos séances, La Société décide qu'un exemplaire du procès-verbal lui sera adressé chaque mois.
La Société des Agriculteurs de France annonce l'ouverture de son Congrès, qui se tiendra du. 18 février au 2 mars, à l'HôtelContinental. MM. Ch. Baltet, Drouot et G. Huot sont délégués cour y assister.
Ouvrages offerts.
Par M, Marcel Dupont : Expériences sut les engrais phosphatés et le sulfate de fer, et résultats obtenus; renvoyé, à M. de. Mauroy.
Par M. Ch. Baltet: Les Fruits populaires, 2e édition. Ce travail, où l'on retrouvetoutes les qualités qui distinguent M. Ballet, est accompagné d'anecdotes qui en augmentent encore l'intérêt.
Par M. Guilhaumou-Javelle : Chants fraternels; renvoyé à M. Arnould;
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456 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
Travaux des Sociétés savantes.
Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Haute-Saône : Travail sur les alcools de prunelles. D'après les détails donnés par l'auteur, la culture spéciale du prunellier pourrait donner des bénéfices sérieux.
Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de Soissons. On y lit que le Christ de Girardon, que possède la cathédrale de Soissous, vient d'être placé honorablement dans la sacristie où il fait l'admiration des connaisseurs.
Bulletin de la Société nationale d'Agriculture : Prix de revient de l'élevage des poulets, au moyen des couveuses artificielles.
Bibliographie des travaux historiques et archéologiques. Il y est fait mention des recherches archéologiques dirigées par M. Fléchey.
Comptes rendus de l'Académie des Sciences : Etude chimique sur lés sols de l'Algérie au point de vue de l'acide phosphorique, par M. Ladureau. Le sol d'Afrique né renfermerait pas assez d'acide pliosphorique, ce qui expliquerait peut-être la fertilité moindre de l'Algérie. Expériences biologiques et thérapeutiques sur le choléra. On obtient, paraît-il, de bons résultats par l'administration du salycilate de phénol. M. le Dr Vauthier constate à cette occasion que l'on préconise chaque jour de nouveaux remèdes contre le choléra, mais que rien de positif n'est encore acquis à la science.
Lectures et communications des Membres.
M. Albert Babeau lit un rapport sur le livre intitulé : Recherches historiques et anecdotiques sur la ville de Sens, par M. Tarbé. Ce volume contient des faits très curieux et très intéressants. M.le Rapporteur donne lecture d'un avant-propos écrit par M. Camille Doucet, avec le talent délicat qui caractérise ce savant académicien. L'ouvrage est accompagné de belles planches, d'après Victor Petit, par Mlle Guyot, petite nièce de Théodore Tarbé.
M. l'abbé Chaumonnot, dans un rapport plein d'intérêt, analyse l'ouvrage dé M. Carré, intitulé : L'enseignement secondaire à Troyes, du Moyen-Age à la Révolution: L'auteur s'étend .surtout sur le collège de Troyes, dirigé par les Oratoriens; il cite les différentes écoles où l'on donnait l'enseignement secondaire et les méthodes qu'où y employait. L'instruction que donnaient les Pères
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PENDANT, L'ANNÉE 1889. 457
de l'Oratoire était fort complète, et l'histoire prouve qu'ils savaient former des hommes.
M. Le Clert communique la liste des dons faits au Musée pendant le dernier trimestre. La Société adressé ses remerciements aux donateurs.
M. de Mauroy annonce qu'il a fait, avec le British Museum de Londres, un échange de météorites avantageux pour le Musée de Troyes, dont la remarquable collection ne le cède qu'au Museum de Paris et occupe le quinzième rang dans celles du monde entier. La Société remercie M. de Mauroy du zélé qu'il à déployé en cette circonstance.
Élections et présentations.
Sur la proposition de la Section des Lettres, M. Dufour-Bouquot est nommé membre résidant, en remplacement de M. Emile Socard, démissionnaire.
M. de La Boullaye est nommé secrétaire-adjoint, en remplacement de M., de Mauroy.
M. Louis Leduc, professeur à l'école normale de Laon, et M. l'abbé François Martin, curé de Donjeux, sont nommés membres correspondants.
M. Simonot-Revolx, de Semur, est proposé comme membre correspondant.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Séance du 15 Février 1889. Présidence de M, G. HUOT.
La séance est ouverte à trois heures.
Correspondance.
MM. Dufour-Bouquot, l'abbé François Martin et Leduc annoncent qu'ils acceptent les prescriptions du Règlement et sont proclamés, le premier, membre résidant dans la section des Lettres, les deux derniers, membres correspondants.
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458 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
M. le Ministre de l'Instruction publique invite la Société à prendre part à une exposition spéciale des travaux des Sociétés savantes depuis 1879. M. l'Archiviste est chargé de prendre les mesures nécessaires pour répondre à cette invitation.
Le même Ministre demande si la Bibliothèque de la Société possède des documents météorologiques depuis 1784. Un travail d'ensemble résumerait tous documents envoyés,
La Société adresse à cette occasion un appel à toutes les personnes qui s'occupent d'observations de ce genre.
Le même Ministre envoie six exemplaires d'un questionnaire rédigé par le Comité des Travaux scientifiques sur l'histoire de l'Habitat en France.
Ouvrages offerts.
Par M. Bohvalot : Du Caucase aux Indes, dessins de M. Albert Pépin; renvoyé à M. Det.
Par M. le docteur Bazin : Conférence sur Les Causes d'insalubrité de la ville de Troyes.
Par M. Deville : Notice sur l'Antiphylloxérique Muenier. D'après l'auteur, le sulfure de carbone se volatiliserait trop vite dans certains terrains ; il propose de le mélanger avec la vaseline.
Par M. Taillebois, membre correspondant : Quelques marques de potiers. Quelques monnaies romaines, trouvées dans les; départements de l'Aude et du Cher; renvoyé à M. l'abbé Garnier.
Travaux des Sociétés savantes.
Répertoire des travaux de la Société statistique de Marseille : Comparaison du prix de revient de la lumière électrique et du gaz. D'après des calculs sérieux, la lumière électrique serait beaucoup plus économique. Etude sur le lait naturel et les laits médicamentaux.
La Provence agricole : Article sur l'utilité des abeilles. L'auteur dit qu'on a rendu la fécondité à certains arbres fruitiers au moyen des abeilles.
Revue des Sciences appliquées : Etude sur l'acclimatation du Pitch-pin (Pinus rigida). Le bois de cet arbre est plus dur que le chêne; on l'emploie avantageusement pour la construction des bateaux. M. Ballet dit qu'on pourrait essayer de le greffer sur le Pin sylvestre. Ce serait une bonne acquisition pour la
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PENDANT L'ANNÉE 1889 459
Champagne, car ce conifère a mieux résisté que les autres au froid du grand hiver.
Société des Sciences, Arts et Agriculture de la Basse-Alsace : Reconstitution, par le sable, des vignobles attaqués par le phylloxéra. M. Baltet dit que la tentative n'a pas réussi à Àigues-Mortes.
Bulletin de la Société du Var : Notice sur le danger de la fermeture des compteurs à gaz en cas d'incendie, par M. Em. Blondel. D'après l'auteur, il n'y a pas d'intérêt à fermer les compteurs, puisque le gaz, ne contenant pas d'oxygène, jouerait plutôt le rôle d'extincteur. Il y a, au contraire, de graves inconvénients à les fermer, à cause de l'obscurité qui peut causer de sérieux accidents.
Annales de la Société de Numismatique : Plusieurs travaux intéressants; renvoyé à M. l'abbé Garnier.
Lectures et communications des Membres.
M. l'abbé d'Antessanty rend compte d'un travail intéressant de M. Papillon, membre correspondant, sur les Mots français usités dans la langue allemande, et d'une brochure de M. Constant sur Quelques Lépidoptères nouveaux ou peu connus. Le travail dé M. Papillon est renvoyé à la Commission de publication.
A l'occasion de travaux insérés dans les Annales de la Société archéologique de l'Aisne, M. l'abbé Garnier communique à la Société des notes historiques intéressantes sur les lieux de sépulture anciens, et donne des renseignements utiles sur la manière de les bien explorer. Il signale certains noms de contrées qui indiquent ordinairement la présence de cimetières anciens, et indique les caractères que présentent les cercueils des différentes époques. La Société décide, à cette occasion, de rédiger un petit manuel archéologique pour les instituteurs, afin qu'ils connaissent la valeur des découvertes qui peuvent être faites dans leur pays. M. l'abbé Garnier est prié de résumer pour l'Annuaire les notes dont il a donné lecture.
M. de La Boullaye parle des fouilles qu'il a faites dans la HauteMarne et qui concordent avec les renseignements donnés par M. Garnier. Cependant, il a constaté que les cimetières ne suivent pas toujours la direction de la voie romaine.
Élections et présentations. M. Simonot-Revol, de Semur, est nommé membre correspondant.
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460 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
MM. Viehhaeuser, viticulteur aux Riceys, et Briden, sculpteur, sont proposés le premier comme membre associé, le second comme memhre correspondant.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Séance du 15 Mars 1889. - Président de M, G. HUOT, Vice-Président.
La séance est ouverte à trois heures.
Correspondance.
M, Simonnot-Bevol accepte les conditions du règlement et est proclamé membre correspondant.
Le Ministre de l'Instruction publique envoie une caisse de pierres taillées venant d'Amérique. Certaines de ces pierres ressemblent, comme forme, à celles de nos pays. Cet envoi provient de M. le docteur Hoffman, secrétaire du Smithsonian institut, qui est proposé par M. Le Clert comme membre honoraire.
Le secrétaire du Comité de préparation aux élections législatives appelle l'attention sur l'idée de représenter plus largement l'agriculture à la Chambre. La circulaire est accompagnée d'un questionnaire.
Le Ministre de l'Instruction publique annonce que l'ouverture de la 13e session des Sociétés des Beaux-Arts des départements a été fixée au mardi de la Pentecôte, 13 juin prochain. MM. Albert Babeau, Gréau et Brouard sont délégués pour y assister.
Le Comité départemental de défense contre le phylloxéra d'Alger demande à la Société de s'associer au voeu qu'il a formulé pour empêcher l'introduction des raisins secs destinés à la fabrication du vin.
Le vice-président de la Société Académique de Dunkerque écrit au sujet de l'ouvrage du colonel Protche, sur la résolution des triangles, et donne la formule de cette opération découverte par M. Ozanam,
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 461
Travaux des Sociétés savantes.
Bulletin de la Société géographique : Rapport élogieux sur le Voyage de M. Bonvalot, qui a valu à l'explorateur une. médaille d'or. Article sur l'origine du mot Amérique. Le mot Amérique aurait existé dans la langue indienne et signifierait :'..« Pays où souffle toujours le vent, » Ce serait donc l'Amérique qui aurait donné son nom à Vespuce, et non le contraire.
Bulletin de la Soeiété de Poitiers : Article surremploi du nitrate de soude. M. le Président dit que cette substance a causé des accidents. L'auteur du travail indiqué le moyen de sauver les animaux atteints par cet empoisonnement.
Bulletin de la Société Académique d'Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts de Poitiers : Florule des clochers et des toitures des églises de Poitiers, par M. Richard. Renvoyé à M, Briard.
Revue de Champagne et de Brie : Article nécrologique sur M. M. de Barthélémy;
Bulletin des Antiquaires : Article sur les courses de taureaux chez les Grecs et les Romains. On excitait les animaux au moyen de mannequins de paille; de là est venue la locution : Un homme de paille, — La polychromie dans la statuaire du Moyen-Age et de la Rénaissance par M. Courajod. Il paraît qu'à cette époque toutes les statues étaient peintes,
Bulletin de la Société de la Basse-Alsace : Article sur l'alcool et l'alcoolisme, par le docteur Daviley, médecin des eaux de plombières. L'auteur conclut que les pouvoirs publics devraient surveiller les débits et les procédés de fabrication. Il prétend que l'alcool n'est pas un aliment. M. le Président dit que c'est un aliment respiratoire.
Bulletin de la Société nationale d'Agriculture : Expériences de M. Janssen sur la destruction du charbon des céréales, On n'aurait pas besoin d'employer la chaux ni le sulfate de zinc ; il suffirait de tremper le blé dans de l'eau chauffée à 55 degrés. L'eau chaude ne détruirait pas, comme le sulfate de cuivre, la faculté germinative.
Bulletin de la Société d'acclimatation : Note sur la chaleur développée pendant l'incubation artificielle. Dans la première période, l'oeuf absorbe de la chaleur et la température s'abaisse; à la fin de Tincubation, l'oeuf rend la chaleur qu'il avait absorbée, et il faut diminuer la température.
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462 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
Journal de la Société d'horticulture de Seine-en-Oise : Article de M. Baltet, sur la Meilleure culture dés arbustes de pleine terre. Traitement de la vigne contre le phylloxéra. Tailler la vigne à très long bois et seulement tous les trois ans.
Ouvrages offerts.
Emploi du sulfate de fer en horticulture, par M. Margueritte. M. de Mauroy fait observer que le sulfate de fer n'est pas un engrais, mais un médicament.
Sur la chlorose de la vigne, par M. Catta, qui a fait de nombreux emprunts au travail de M. Marcel Dupont, dans le Bulletin du Comice départemental de l'Aube.
Décision de la Société.
La séance publique est fixée au 11 avril; la séance préparatoire
aura lieu lé jeudi 4 avril.
Elections et présentations.
M. Viehhaeuser, viticulteur aux Riceys, est nommé membre associé. M. Briden, sculpteur, est nommé membre correspondant.
La séance est levée à cinq heures.
Séance du 12 Avril 1889.
Présidence de M, G. HUOT, Président.
La séance est ouverte à trois héuresl
Correspondance.
M- le Président annonce qu'il à reçu l'acte de donation de
M. et Mme Audiffred à la ville de Troyes, et lit un extrait d'une
lettre particulière relative à cette donation.
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 463
La Société décide que, à la prochaine séance, elle prendra une délibération pour offrir à M. et Mme Audiffred des remerciements officiels.
M. Viehhaeuser accepte les conditions du règlement, et est proclamé membre associé. M. Briden est proclamé membre correspondant.
La Société géographique annonce qu'elle organise un Congrès à l'occasion de l'Exposition. Il aura lieu du 5 au 11 août.
La Société botanique de France prépare aussi un Congrès qui se tiendra dans la seconde quinzaine du mois d'août.
Le Ministre des Beaux-Arts demande si la Société désiré recevoir une carte d'entrée pour l'Exposition des Beaux-Arts.
M. Albert Babeau est délégué pour jouir de cette carte.
Ouvrages offerts.
M. Cabat offre son travail sur Balzac, qui a été couronné par l'Académie française.
M. Jeandet envoie trois fascicules intitulés : Recherches biobibliographiques pour servir à l'histoire des sciences naturelles du déparlement de Saône-et-Loire ; Notice sur la vie et les travaux de Lesckenault de la Tour; Châlons-sur-Saône pittoresque et démoli; fragment des annales de la ville de Verdun-sur-Saône et Doubs en Bourgogne.
Travaux des Sociétés savantes.
Revue de Champagne et de Brie : Notice sur l'histoire de l'enseignement secondaire à Troyes, de M. Carré, par M. l'abbé Chaumonnot. Notice sur le commerce des roses dans la Brie. 6.533 paniers de roses ont été expédiés pendant le mois d'août et représentent un poids de 70.000 kilos.
Société centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure : Moyen de produire des animaux gras ou maigres par le choix des aliments.
Lectures et communications des.Membres.
M. Le Clert lit la liste des dons faits au Musée pendant le dernier trimestre. Des remerciements sont votés aux donateurs.
M. Le Clert parle de l'Institut Smithsonien avec lequel correspond notre Société. Le Dr Hoffmann, qui en fait partie, nous a envoyé
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464 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ.
une petite collection de divers objets, recueillis sur remplacement d'un campement indien de l'époque préhistorique. M. Le Clert donne sur ces objets des détails intéressants. M. le Dr Hoffmann nous a encore adressé plusieurs brochures contenant le ieompterendu de ses dernières explorations, et annonce, d'autres envois ultérieurs. M. Le Clert demande que le Dr Hoffmann soit, nommé membre honoraire, La décision est renvoyée à la séance prochaine, après avis du bureau.
M. l'abbé d'Antessanty dépose un travail de M. Jourdlieuille qui complète son catalogue des Lépidoptères de l'Aube. Ce travail est renvoyé à la Commission de publication.
La séance est levée à quatre heures et demie.
Séance du 17 Mai 1889.
Présidence de-M. G.HUOT, Président.
La séance est ouverte à trois heures.
Correspondance.
La Société Nationale d'Agriculture de France envoie des instructions relatives à la destruction des hannetons. Le Congrès international des Accidents de chemins de fer adresse le programme de ses travaux et demande le concours actif de la Société.
Le Congrès international des Électriciens envoie des lettres de convocation pour assister à ses séances et demande des adhésions,
La Société française d'Archéologie invite au congrès qui sera tenu à Evreux, du 2 au 9 juillet..,.,,.
Le président du Comité départemental de l'Aube communique le règlement dressé pour l'envoi des délégués.
Ouvragés offerts,
Manueldes Opérations de banque, et de placement, par M; Georges
Vignes,
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 465
Etudes littéraires, par M. em. Formont, offert par M. Alphonse Baudouin;
La Crimée, par Louise Delahaye, poème. Renvoyé à M. Arnould.
Recherchés sur la Numismatique de la Novempopulaire, par M. Taillebois, membre correspondant.
Par M. de Cossigny : nouvelle édition de son ouvrage sur Les Irrigations, qui a obtenu naguère le grand prix de la Société dés Agriculteurs de France. Renvoyé à M. Marcel Dupont.
Par M. Chotard, membre correspondant : Le pape Pie VII à Savone.
Par M. le docteur Guibout : Vacances d'un médecin; Voyage à Jérusalem, au Caire, à Damas, dans la Palestine et dans la Syrie. Renvoyé à M. le docteur Vauthier,
Par M. le prince de Bauffremont : Pierre d'Aubusson; éloge funèbre de M. Paul de Bauffremont.
Par M. G. Saillard : observations météorologiques dans le département de l'Aube.
Travaux des Sociétés savantes,
Bulletin de la Société des Sciences de l'Yonne : Un mois en Tunisie, contenant de remarquables détails sur notre colonie, par M. Sicatier.
Société des Ingénieurs civils : Notice intéressante sur le chauffage des wagons au moyen de l'échappement de la machine passant dans des réservoirs placés sous les wagons. On obtient une température moyenne de 15 dégrés. — Détails sur les ascenseurs des deux étages inférieurs de la Tour Eiffel. Ces ascenseurs fonctionnent sur des plans inclinés et non pas verticalement.
Bulletin de la Société d'Agriculture, Arts et Sciences de la BasseAlsace : Etude sur l'utilisation de la neige pour remplacer là glace dans les années où celle-ci fait défaut. En comprimant de la neige et en la mêlant de se], on obtient un bloc compact qui fend les mêmes services que là glace. — Nouveau procédé pour la purification de l'alcool par l'emploi de l'huile de pétrole rectifiée.
Comice agricole de l'arrondissement de Rouen : Travail sur les pommes à cidre employées en France. L'importation de fruits sans valeur sût notre marché sera très nuisible à l'Agriculture française; l'auteur conclut à des droits sur les pommes. Journal d'Agriculture pratique du Midi de la France: Action de T. LIII 30
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466 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
la lumière électrique sur la végétation des plantes. Tant qu'une plante est soumise à l'action de la lumière électrique, elle végète, de isorte, qu'on peut, dans des serres, obtenir une végétation très préGpce.
Bulletin des séances de la Société Nationale d'Agriculture : On vient de découvrir que la luzerne loge dans ses racines des bactéries qui enmagasinent l'azote. M. Briard dit que les savants ne sont pas d'accord sur ce point.
Communications et lectures du Président et des Membres.
M, le Président fait les communications suivantes :
M, le général Chanoine, membre correspondant, est nommé grand officier de la Légion d'honneur.
Une portion du prix Audiffred a été attribuée à M. Carré, membre honoraire, pour son travail sur l'Enseignement secondaire à Troyes.
M. Bonvalot a reçu un prix de 2,000 ff. de l'Académie française.
M. Ch. Baltet a été récompensé à l'Exposition de Barcelonne, et nommé chevalier de l'Ordre d'Isabelle pour ses ouvrages sur l'horticulture. Il a reçu, il y a quelques mois, pour ces mêmes ouvrages, la rosette d'officier de l'Ordre du Cambodge. Un de ses ouvrages, l'Art de Greffer, vient d'être l'objet d'une souscription de la Direction des Colonies en faveur des bibliothèques! de nos possessions françaises.
La Société horticole de l'Aube a obtenu à Paris le premier prix pour sa collection de fruits.
M. le Président de la Commission du Musée annonce que les oeuvres d'art suivantes sont envoyées en dépôt au Musée de Troyes : La Vendange, de M. Suchetet ; Danton, statue plâtre de M. Laoust; Mort de St-Pol de Léon, par Dufot; En Vedette, groupe plâtre de Mlle Thomas.
M. l'abbé Garnier lit un intéressant rapport sur trois' études de M. Taillebois : Relevé des contre-marques antiques constatées par M. Taillebois sur des monnaies romaines; description de quelques marques, de potiers recueillies dans les départements des Landes et du Gers; inscriptions du XIe siècle qui se lisent sur les murs de l'église de Pouillon (Landes).
La Société prend à l'unanimité la délibération suivante : « La Société Académique de l'Aube,
« Vu l'acte de donation en date du 19 décembre 1888, par lequel
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» M. et Mme J. Audiffred ont offert à la ville de Troyes une somme » de 80,000 fr., plus les frais d'actes et d'enregistrement qui » montent à 10,000 fr. environ, pour le prolongement des galeries » des Beaux-Arts et l'installation de la Sotiété Académique au " musée,
». Vu l'acceptation de ce don fait au nom de la ville de Troyes, par » Me Gillet, notaire à Troyes, le 27 mars dernier, et communiqué » à la Société Académique dans sa dernière séance,
" Renouvelle à l'unanimité, à M. et à Mme Audiffred; les remer» ciements contenus dans les lettres de ses Présidents en juillet et » en avril dernier, et exprime aux généreux donateurs sa profonde » reconnaissance pour leur munificence à l'égard du musée de » Troyes et de la Société Académique de l'Aube. »
Élection.
M. le docteur Hoffmann, de Philadelphie, est nommé membre correspondant.
La séance est levée à cinq heures.
Séance du 21 Juin 1889. Présidence de M. G. HUOT, Président.
La séance est ouverte à trois heures.
Correspondance.
M. Plivard, ancien juge de paix de Châtillon, envoie sa démission de membre correspondant.
M. Douliot, ayant refusé sans aucune explication le volume des Mémoires, est considéré comme démissionnaire.
M. le docteur Hoffmann accepte sa nomination et remercie la Société; il est proclamé membre honoraire. Il offre en même temps deux ouvrages anglais.
La Société contre l'abus du tabac envoie le règlement d'un Congrès international qu'elle organise.
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468 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
La Société agricole et scientifique des Pyrénées-Orientales adresse la liste des prix qu'elle met au concours.
M. Brouardel, président du Congrès international d'hygiène, en Voie des bulletins d'adhésion et le programme du Congrès.
Ouvrages offerts.
Monnaies mérovingiennes; Légendes des monnaies gauloises, par M. de Barthélémy; renvoyé a M. l'abbé Garnier.
Rapport sur L'Art de Greffer, de M. Charles Baltet, par M. de La Boullaye.
Saint Bossange, apôtre d'Arcis, sa vie, ses reliques, son culte, par M. Labourasse, membre associé; renvoyé à M. l'abbé Lalore.
Guide pratique de l'emploi des Engrais chimiques pour le département de l'Aube, par M. M. Dupont; renvoyé à M. de La Boullaye. M.; le Président fait l'éloge de cet ouvrage essentiellement 'pratique et d'une grande utilité.
Travaux des Sociétés savantes.
Bulletin des travaux historiques et scientifiques : Statistique du prix de toutes les denrées, de 1501 à 1872.
La Provence agricole : Article sur la culture du noisetier dans la province d'Avelino, en Italie. On y récolte annuellement 80.000 hectolitres de noisettes, sur une étendue de 700 hectares.
Journal de la Société d'horticulture de France : M. Lefort parle d'un procédé de greffe de la pomme de terre; il opère la greffe en fente. Les résultats sont extraordinaires, Tantôt la greffe participe dès qualités du sujet sur lequel on greffe, tantôt c'est le contraire qui se produit.
Bulletin de la Société d'Anthropologie : Article de M. Beauregard sur des Caricatures égyptiennes faites 1500 ans avant notre ère; renvoyé à M. l'abbé Garnier.
Revue des sciences naturelles appliquées : Vignes géantes en Autriche, produisant 700 grappes.
Communications et lectures du Président et dès Membres.
M. le Président annonce que, à l'occasion du Congrès des Sociétés savantes, MM. Braquehaye et Natalis Rondot, membres correspon-
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 469
dants, ont été nommés officiers de l'Instruction publique, et M. Bourguignat officier d'académie.
M. Des Guerrois lit une étude d'un haut intérêt sur la poésie australienne, si peu connue en Europe. Les poètes sont honorés et bien traités en Australie; les journaux les accueillent avec bienveillance. M. Des Guerrois fait quelques citations de poètes australiens qui donnent une haute idée de leurs oeuvres. Il leur reproche cependant de manquer un peu d'originalité. Il y a en Australie un grand nombre de poètes féminins.
M. l'abbé Garnier parle de découvertes faites dans les fouilles pratiquées pour la construction d'une cheminée dans l'usine de M. Vachette, Ces découvertes intéressent l'histoire naturelle et l'archéologie. On a recueilli un vase portant l'empreinte d'une marque de potier. Cette marque est bilméaire et porte : Cerdo fecil, Depuis l'époque gallo-romaine, le sol s'est beaucoup exhaussé. Gela peut s'expliquer, pour l'emplacement de l'usine en question, par l'existence d'un petit bastion fortifié du XVe siècle, nommé la Bertoche. On a construit sur les ruinés, sans déblayer le sol. On a trouvé, au même endroit, des bois de cervidés très bien conservés. M. Garnier pense que l'on pourrait trouver aussi des objets intéressants dans les fouilles pratiquées au Musée.
M. l'abbé d'Antessanty dit, à cette occasion, qu'il a reçu pour le Musée, de M. Huguier-Truelle, un ossement fossile provenant dès gravières de Polisot, et qui paraît être la base d'une corne de bison.
M. Dufour-Bouquot annonce qu'une vente d'autographes aura lieu le 25 juin, à Paris. Une lettre du maréchal de Beurnonville, notre compatriote, serait intéressante pour la bibliothèque de la Ville. Cette acquisition sera recommandée à M. Albert Babeau.
Le travail de M. Des Guerrois est renvoyé à la Commission de publication.
La séance est levée à cinq heures dix minutes.
Séance du 19 Juillet 1889. Présidence, de M. G. HUOT, président.
La séance est ouverte à trois heures.
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470 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
Correspondance.
M. le baron J. de Baye demande à être délégué pour représenter la Société au Congrès international des Orientalistes, à Stoekolm. Il est délégué à cet effet.
La Société française pour l'avancement des sciences annonce qu'elle tiendra un Congrès du 8 au 14 août et demande à la Société d'y nommer des délégués. M. Arnould est désigné pour répondre à ce désir.
M. le Ministre de l'Instruction publique écrit qu'il accorde à la Société une allocation de 500 fr. pour l'acquisition d'un tableau de M. Pinel, à condition que ce tableau appartiendra par moitié à l'État et au Musée.
M. Arsène Dubois écrit à M. Ch. Baltet qu'il met un de ses tableaux à la disposition du Musée. La Société décide que des remerciements seront inscrits au procès-verbal. Elle remercie également M. Ch. Baltet de son utile intervention.
Ouvrages offerts.
Par M. Hugonin : Brochure sur le plâtrage des vins. L'auteur propose de remplacer le plâtre par le phosphate de chaux. ;
Par M. le baron J. de Baye : Les bijoux francs et la fibule anglosaxonne de Marilles.
Analyse des Travaux des Sociétés savantes,
Bulletin de la Société centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure : Rapport d'un vétérinaire au sujet des épizooties. Il indique des procédés pour reconnaître certaines maladies à l'état, latent. Ainsi, au moyen de l'inoculation pratiquée sur un cobaye, on serait fixé au bout de quatre jours sur la présence de la morve. M. le Président dit qu'il serait très utile de connaître l'existence de cette redoutable maladie avant qu'elle soit arrivée à une période avancée.
Revue de Champagne et de Brie : Essai sur les rapports de l'Art et de l'Histoire à Troyes, par M. Alb. Babeau. Seconde partie du travail de M. Savetiez sur La maison de Dampierre.
Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne : Théorie nouvelle de M. le docteur Frédet sur la morsure de la vipère. D'après lui, l'ammoniaque n'aurait aucune espèce d'action pour guérir
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 471
cette morsure. Il faudrait employer la potasse caustique étendue. M. le docteur Vauthier fait remarquer que l'ammoniaque n'agit pas comme médicament, mais comme caustique. M. Jourdheuille dit que l'ammoniaque guérit promptement les chiens mordus par une vipère.
La Revue des Sciences naturelles appliquées signale un fait extraordinaire. Une mule africaine a été fécondée, au Jardin d'acclimatation, par un étalon arabe pur sang.
Bulletin de la Société de Borda : Découverte de grottes de l'âge du renne.
L'Annuaire de la Société d'Histoire de France publie plusieurs documents importants empruntés aux Archives de Troyes.
Comptes-rendus de l'Académie des Sciences : Statistique d'un haut intérêt sur les résultats obtenus par l'Institut Pasteur. Sur 1673 cas, il n'y a eu que trois insuccès. M. le docteur Vauthier fait remarquer à ce sujet que lé chien auteur de la morsure peut n'être pas véritablement enragé, alors la contagion ne se produit pas.
Communications et lectures du Président et des Membres.
M. .le Président annonce que M. Ch. Baltet a été nommé chevalier du Mérite agricole, et M. Marcel Dupont officier d'Académie, et leur offre les félicitations de la Société.
M. Dupont-Saviniat a obtenu, au Concours d'animaux reproducteurs, trois prix pour les animaux de la race de Montbéliard. M. le Président, à cette occasion, dit que des progrès considérables, au point de vue des races, ont été accomplis depuis l'Exposition de 1878. Il constate que les animaux Durham français ont pris une grande valeur vénale. Les étrangers ont acheté de nombreux taureaux, dont 40 au même propriétaire; un lot de huit de ces derniers a été adjugé au prix de 25.000 fr.; une vache et un veau de 24 heures ont été vendus 2.800 fr. Les acheteurs sont des américains du Sud.
M. le Président annonce que M. Det vient d'être nommé conservateur de la Bibliothèque de la ville, et le félicite, au nom de la Société, d'une nomination si bien méritée.
M. Le Clert communique la liste trimestrielle des dons faits au Musée. Des remerciements sont votés aux donateurs.
M. F. Fontaine lit un rapport élogieux sur l'ouvrage de M. Georges Vignes intitulé : Manuel des opérations de banque et de
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472 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
placement. Cet ouvrage est écrit avec clarté et même avec élégance, malgré la sécheresse du sujet, M. Vignes se propose de mettre à la porlée de tous une foule de questions arides dont la solution demanderait de longues et pénibles recherches. Son livre sera très utile aux banquiers, mais surtout aux capitalistes. M. Vignes, dans un remarquable rapport, rend compte de l'étude de M. Cabat sur Balzac, couronnée par l'Académie française. M. Cabat fait ressortir l'originalité créatrice de Balzac, Le monde, qu'il décrit a été créé, par lui; il étudie tous les âges et peint l'homme dans toutes les situations; mais, pour cette étude, il puise surtout dans son imagination et il dépasse la mesure du vrai et même du vraisemblable. Le style de Balzac se ressent de ce qu'il n'a point fréquenté l'école des classiques. L'ouvrage de M: Cabat est écrit avec une rare élégance.
La Société, qui a écouté avec une vive attention le rapport de M. Vignes, le renvoie à la Commission de publication, moyennant quelques modifications à y introduire pour lui donner la forme d'un travail original.
M. le Président, sur la demande de M. Briard, donne d'intéressants détails sur les Écrémeuses et force centrifuge, qui sont d'une grande utilité pour la fabrication rapide du beurre. Mais le beurre ainsi fabriqué n'a pas ce bouquet de noisette que possède celui qui a été obtenu par les procédés ordinaires. On y obvie en ne levant le lait qu'au bout de six heures, quand la fermentation a déjà commencé.
Propositions.
M.Chadenet, agriculteur à Saint-Julien, M. Coudrot, juge de paix à Aix-en-Othe, M. de Fontenay, agriculteur à Vaux, Mi Lucien Lasneret, de Nogent-sur-Seine, sont proposés comme membres associés.
Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est levée à cinq heures un quart.
Séance du 16 Août 1889.
Présidence de M. Gustave HUOT, Président.
......
La séance est ouverte à trois heures.
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 473
Correspondance,
M. le baron J, de Baye, délégué de la Société au Congrès : des Orientalistes, envoie le programme de la session qui se tiendra à Stockholm et à christiana, du 2 au 13 septembre prochain,.
M.. le Ministre de l'Instruction publique et, des Beaux-Arts informe qu'il a pris les mesures nécessaires afip d'ordonnancer,, au nom de la Société Académique, la subvention de 500 fr, accordée par l'Etat pour l'acquisition de la statue de M, Briden; A fa Patrie.
M., Arsène Dubois annonce qu'il déposera au Musée; vers la fin de setembre, le tableau donné par lui.
M. et Mme Durand-Ulbach ont bien voulu offrir à la Société Académique le buste en bronze de M. Louis Ulbach, qui a été placé immédiatement dans les salles de sculpture. Il est décidé que des remerciements seront inscrits au procès-verbal de la séance et adressés aux donateurs.
M. le Préfet communique le projet dressé par l'administration municipale, relatif à l'installation provisoire de la salle de lecture de la bibliothèque dans une pièce dépendant du Musée. Toutes les mesures à prendre dans l'intérêt des collections ayant été prévues, la Société n'a aucune observation à présenter.
Ouvrages, offerts.
M. Albert Babeau offre à la Société son nouvel ouvrage : aris en 1789. Renvoyé à M. Dèt.
M. Hariot, membre associé, envoie un travail manuscrit intitulé : Les Poires, Renvoyé à M; Barotte.
Élections et présentations.
MM, Thierry-Pelanoue, membre du Conseil général; Spulaines, et, le baron Doé, président de la Société d'encouragement pour l'amélioration de la race chevaline, à Menois, sont présentés comme membres associés,
Sont élus membres associés : MM. Chadenet, agriculteur à Saint-Julien; Coudrot, juge de paix à Aix-en-Othe; de Fontenay, agriculteur à Vaux ; Lucien Lasneret, agriculteur à Nogent-surSeine.
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474 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
Communication de M. le Président.
M. le Président annonce la nomination de M. Bonvalot, membre correspondant, comme Chevalier de l'ordre de SaintStanislas de Russie. La Société lui en adresse ses félicitations.
M. le Président fait part du décès de M. le docteur Vauthier, membre résidant. Il rappelle les qualités et les services de ce collègue dévoué, la part active et importante qu'il a toujours prise aux travaux et aux réunions de la Société dont il a été le Président; suivant son désir formel, aucun discours ne sera prononcé à ses obsèques. L'Assemblé s'associe aux regrets exprimés par Son
Président et à la douleur de la famille de M. le docteur Vauthier.
La séance est immédiatement levée en signe de deuil.
Séance du 18 Octobre 1889. Présidence de M. 6. HUOT, Président.
La séance est ouverte à trois heures.
Correspondance.
MM. Lucien Lasneret, de Fontenay, Coudrot et Chadenet acceptent les conditions du Règlement, et sont proclamés membres associés.
M. le Ministre de l'Instruction publique envoie le programme du Congrès des Sociétés savantes pour 1890.
Ouvrages offerts.
Par M. Papillon, membre correspondant : Deux ouvrages, Manuel français-anglais, Manuel français-espagnol, sur Les Reconnaissances.
Par M. Roserot, membre honoraire : Notes sur quelques ouvrages de l'abbé Mathieu; quatre lettres missives des rois François Ier, Henri IV et Louis XIV.
Par M. Taillebois, membre correspondant : Monnaie inédite en Electrum.
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 475
Travaux des Sociétés savantes.
Société d'horticulture et de viticulture du Doubs : Article sur les ravages du Cochylis ; pour y remédier, l'auteur conseille de barbouiller les ceps avec de l'Eau céleste. A cette occasion, M. Thierry dit avoir réussi avec un mélange d'eau de savon et de nicotine.
Dans le même article, le docteur Sacc dit qu'il s'est débarrassé des puces au moyen d'une pommade composée d'axonge et dé menthe poivrée.
Reyue des Sciences appliquées : On y lit que les huîtres d'Arcachsn sont expédiées en Angleterre, et, après avoir subi un travail spécial, vendues comme huîtres d'Ostende.
Société d'agriculture de Poitiers: Influence de la température des boissons sur la production du lait. Avec des boissons à 15 degrés on obtient une augmentation d'un litre par vache.
Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais : Notice sur l'agronome Du Hamel de Monceau, qui aurait, paraîtil, devancé Franklin dans la découverte de l'analogie de la foudre et de l'électricité, et cultivé la pomme de terre avant Parmentier. Du Hamel se rattaché à une famille de notre département.
Bulletin de la Société d'apiculture de l'Aube : Le rédacteur se plaint énergiquement du Jury de l'Exposition universelle, qui n'était pas, paraît-il. composé d'hommes pratiques.
Revue de Champagne et de Brie : Suite du travail de M. Savetiez, sur la Maison de Dampierré. Répertoire historique de la HauteMarne, par M. Roserot.
Congrès des Sociétés savantes : Le compte-rendu cite, avec éloges, le travail de M. Le Clert, sur les carreaux vernissés conservés au Musée de Troyes. On y parle aussi de la statue de Jeanne d'Arc à Reims, par M. Paul D abois. Cette statue est admirable d'expression; on y lit l'inspiration qui anime l'héroïne ; le cheval lui-même semble enlevé.
Mémoires de là Société d'agriculture de l'Orléanais : Comment les médecins soignaient la santé des rois de France au XVIIe siècle. La saignée jouait un grand rôle dans, la médication de cette époque; on saignait pour toutes les maladies.
Bulletin de la Société des Ingénieurs civils : Article sur les constructions métalliques en Amérique. Dans ce pays, on boulonné; en Angleterre et en France, on rive. Ce dernier procédé est
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476 COMPTE RENDU; SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
beaucoup plus expéditif, mais peut-être est-ce au dépens de la solidité.
Autre article.sur les paquebots récemment construits ; l'auteur s'applique à démontrer que les paquebots français sont les plus perfectionnés,
Comptes-rendus de l'Académie des Sciences ; M. Pasteur avait entrepris des études pour trouver le microbe de la péripneumonie. M, Arlopin croit avoir découvert ce microbe qu'il appelle Èmumobacillus.
Vitalité des trichines. En la soumettant à une température de quelques degréscau-dessous de zéro, la viande devient saine ; c'est vrai, pour les viandes salées, mais non pour les viandes fraîches; à 25 degrés au-dessous de zéro, la trichine résiste.
Lectures et communications du Président et des Membres.
:M. le Président annoncé la mort de M. Charles Lasneret, membre honoraire, rappelle la part active que M. Lasneret a prise aux travaux de la .Société, et exprimé les regrets que cause sa perte prématurée.
M. le Président annonce ensuite les; récompenses décernées à l'occasion de l'Exposition universelle. La Société Académique a obtenu une médaille d'argent pour la collection de ses publications; la Société horticole à eu une médaille, d'or pour son exposition collective, et plusieurs autres récompenses pour des concours spéciaux; le; Comice agricole ne s'est vu décerner qu'une médaille d'argent, bien que sa collection fût de la plus grande importance. La décision du Jury s'est ressentie de la trop grande hâte avec laquelle les produits exposés par cette Association ont été examinés. Médailles particulières: Médaille d'or a M. Marcel; Dupont; pour ses expériences agricoles à l'Ecole normale ; médaille, d'argent à M. de la Boullaye, pour son exposition de sylviculture.; médaille d'argent à;M. Royer, pour l'enseignement du dessin, et médaille d'or à l'école de dessin dirigée par lui et M. Baudelle, médaille d'or à M. G. HUOT pour ses betteraves à sucre; mention honorable à M. Briard, pour ses remarquables travaux botaniques.
M. Le Clert; communique la liste dés dons faits au Musée pendant le dernier trimestre. Des remerciements sont adressés aux donateurs.,,
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PENDANT L'ANNÉE 1889, 477
M. l'abbé Lalore propose pour l'Annuaire un travail sur le vitrail du Christ au pressoir, à uns la cathédrale de Troyes. A cette occasion, M. Lalore étudie, avec son érudition habituelle, ce thème symbolique du Christ au pressoir. On connaît, du XIVe au XVIIIe siècle, dix compositions sur ce sujet, soit en peinture, soit en sculpture; deux appartiennent au diocèse de Troyes, l'une est à la cathédrale, l'autre dans l'église de Mathaux; une troisième, en marbre blanc, se trouve à la cathédrale d'Anvers. M. Lalore a étudié à fond aussi, la question des donateurs du vitrail que possède la cathédrale..Ce travail, d'un haut intérêt, est renvoyé à la Commission dé l'Annuaire.
M. Albert Babeau rend compte sommairement du travail de M. Roserot, sur Quelques ouvrages de l'abbé Mathieu, qui lui a été renvoyé au cours de la séance, et signale l'intérêt que présentent les quatre lettres missives envoyées par des rois de France aux habitants de Troyes.
M. Arnould, dans une communication pleine d'intérêt, raconte ce qui s'est passé de plus important au Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences.
M. de La Boullaye dépose sur le bureau les Leçons d'horticulture, par M. Berthier, instituteur à Plessis-Gâtebled, ouvrage que l'auteur soumet à l'appréciation de la Société. Ce travail est renvoyé à l'examen de M. Charles Baltet.
Le fauteuil de membre résidant dans la section des sciences, occupé par M. le docteur Vauthier, est proclamé vacant par suite du décès de son titulaire. L'élection aura lieu à la prochaine séance.
Elections et Présentations.
MM. Thierry-Delanoue et le Baron Doé sont nommés membres
associés.
MM. Augustin Cabat et le doeteur Millard, de Paris, sont proposés comme membres correspondants.
La séance est levée à cinq heures un quart.
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478 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
Séance du 15 Novembre 1889. Présidence de M. G. HUOT, Président.
La séance est ouverte à trois heures.
M. le Président annonce le décès de MM. Argence et Ed. Vignes, membres résidants. M. Argence était membre de la Société depuis 1840; M. Vignes a été deux fois président. M, le Président rend hommage a la mémoire de ces deux collègues distingués et exprime les regrets que leur perte cause à la Société. Celle-ci décide l'impression dans les Mémoires des discours, prononcés par M. le Président aux obsèques de MM; Argence et Vignes.
M. le Président annonce ensuite les distinctions accordées à plusieurs membres. M. Buxtorf est nommé officier de la Légion d'honneur; M. Paul Dubois est nommé grand officier de la Légion d'honneur; M. Natalis Roridot est nommé commandeur de la Légion d'honneur.
Correspondance.
M. le baron Doé écrit qu'il accepte les conditions du règlement et est proclamé membre associé.
Mme Léon Pigeotte fait savoir que son père, M. le Dr Carteron, avait manifesté l'intention que le portrait de son bisaïeul Ninet de Lestaing, peint par lui-même, fût donné au Musée de Troyes; elle communique à la Société l'assurance écrite de cette donation après son décès. Des remerciements sont adressés à Mme Léon Pigeotte.
La Société archéologique et historique du Limousin annonce qu'elle s'occupe d'un inventaire des émaux de Limoges et demande communication des renseignements qui pourraient lui être utiles pour ce travail.
M. Le Clert dépose sur le bureau un travail adressé pour le Concours et intitulé : L'Hermitage du Rayer. Renvoyé à la Commission d'histoire locale.
Ouvrages offerts.
M. Mannequin envoie quinze exemplaires d'une brochure concernant le Congrès monétaire qui s'est tenu pendant l'Exposition. Renvoyé à M. Deheurle.
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 479
M. Charles Baltet offre son Traité de la Culture fruitière, 2e édition, et M. le Dr Bazin un travail de lui intitulé : La Genèse.
Analyse des Travaux des Sociétés savantes,
La Provence agricole et horticole reproduit le travail de M. Ch. Baltet sur la Coulure des raisins.
L Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, près le Ministère de l'Instruction publique, reproduit avec éloges deux communications de M. Le Clert,
Comptes-rendus de l'Académie des Sciences : Mémoire de Mi Georges Ville sur un nouveau moyen d'apprécier la fertilité d'un sol par la couleur, le poids et la taille de ses produits. Article de M. Brial sur les tubercules des plantes légumineuses.
Société centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure : Expériences sur le rôle de l'azote des engrais. Renvoyé à M. Marcel Dupont.
Annales de la Société d'éimuation des Vosges : Travail de M. Arsène Thévenot sur une ancienne abbaye.
Mémoires de l'Académie de Stanislas : Etude sur l'instruction publique avant 1789.
Lectures et communications des Membres.
M. l'abbé Garnier annonce le don, par M. le curé de Dosches, d'un petit sceau trouvé près du presbytère de cette paroisse et portant le nom de Simon Manchin. Ce nom se retrouve encore dans la région.
A l'occasion du Christ au pressoir, M. Tabbé Garnier dit que M. de Longuemarre a signalé à la Société des Antiquaires de France une tapisserie du XIIIe siècle dans laquelle le Christ est représenté renversé à terre, avec la croix sur le dos. Au bas de la cuve, on voit un moine allongé et prosterné, et près de lui les initiales F. G. V., qui sont probablement celles du nom du moine, qu'on peut traduire par F. G. Vinot. N'y aurait-il pas là un jeu de mots faisant allusion à la légende : Lavabit in vino stolam suam, qu'on lit au bas de la cuve ?
Elections.
L'ordre du jour appelle l'élection d'un membre résidant dans la section des Sciences, en remplacement de M. le Dr Vauthier,
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480 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
décédé. Le Secrétaire de le section donné lecture du procès-vérbal de la séance tenue par elle, d'où il résulte qu'elle présente comme candidat M. le Dr Raoul Hervey. Il est procédé au scrutin, et M. le Dr Hervey, ayant obtenu là majorité des suffrages, est élu membre résidant dans la section des Sciences.
MM. Augustin Cabat et le Dr Millard sont élus membres correspondants,
Les travaux qui devaient être lus sont renvoyés à la séance de décembre, et M. le Président lève la séance à 4 h. 1/2, en signe de deuil, à l'occasion du décès de MM. Argence et Ed. Vignes
Séance du 20 Décembre 1889.
Présidence de M. G. HUOT, Président.
La séance est ouverte à trois heures.
M. le Président annonce la mort de M. Maréchaux, membre correspondant, et exprimé les régrets de la Société.
Correspondance.
M. le docteur Hervey accepte les conditions du règlement et est proclamé membre résidant dans la section des Sciences; M- le Président lui souhaite la bienvenue.
MM. Augustin Cabat et le docteur Millard acceptent aussi les obligations réglementaires et sont proclamés membres correspondants.
M. Gréau, dont là santé est mauvaise, donne sa démission de membre résidantv La Société espère qu'il reviendra sur cette détermination.
M. de Cossigny, fort souffrant depuis longtemps, envoie également sa démission; la Société ne l'accepte pas, et exprime le désir unanime de le voir conserver un titre qu'il est si digne de porter.
M. Flouest donne sa démission de membre correspondant. Elle est acceptée par la Société.
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PENDANT L'ANNÈÉ 1889 481
M. de Baye, qui a été délégué au Congrès des Orientalistes à Stoekolm, envoie le compte-rendu des séances de ce Congrès. On a protesté contre l'exclusion systématique dont les savants Français, Russes, Anglais et Italiens, ont été l'objet. Les membres du Congrès ont trouvé à Stoekolm une réception des plus flatteuses, mais les questions scientifiques ont été un peu négligées. Le roi Oscar, qui présidait le Congrès est lui-même un savant distingué et a prononcé un discours remarqué.
Une souscription est demandée à la Société pour l'érection d'une statue à Boussicault, Les précédents ne lui permettent pas de donner suite à cette proposition.
Ouvragés offerts.
L'Institut de France offre le Recueil des lois, statuts, et règlements des diverses Académies, de 1635-1889.
M. Taillebois, membre correspondant, offre un travail intitulé: L'Archéologie à l'Exposition universelle.
M. Omont fait hommage d'un spécimen de caractères hébreux, grecs, latins et de musique.
Travaux dès Sociétés savantes.
Bulletin de la Société des Sciences de l'Yonne : L'Yonne préhistorique, avec carte indiquant les monuments mégalithiques du département. Renvoyé à M. l'abbé Garnier.
Cinq volumes contenant les travaux dés Académies de; Lyon. On y remarque un article de M. Jean Cogniet sur l'absorption de l'azote. par les végétaux, un essai de M. Cornevin sur les moyens. de reconnaître l'âge des oiseaux de basse-cour, un travail de M. Cazenove sur le peintre Adrien Van der Kabel, dans lequel on trouve surtout des détails sur la vie infime de cet artiste. Renvoyé à M. Pron.
Société d'apiculture de Maine-et-Loire : Procédé employé en Russie pour conserver les raisins. Il consiste à les mettre dans une caisse contenant du liège pulvérisé.
Provence agricole : Virgile considéré comme viticulteur. On est surpris de trouver chez ce poète des prescriptions analogues à celles de la science toute nouvelle.
Bulletin de la Société archéologique d'Eure-et-Loir : Pièce de
T. LIII 31
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482 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
vers humoristique, composée par Bobespierre à l'occasion de sa réception comme franc-maçon.
Revue de Champagne et de Brie : On y lit que l'un des tableaux les plus importants de Millet, les Glaneuses, vient d'être acheté par Mme veuve Pommery qui l'a cédé au Musée du Louvre.;
Bulletin de la Société des Ingénieurs civils : Statistique du nombre des trains mis en action par la Société Deeauville. Le nombre des trains a été de 42.500, qui ont transporté 6.342.000 Voyageurs. Recette brute, par kilomètre, 530.000 francs.
Société industrielle de Saint-Quentin : Moyen de conserver le bois de sapin en le plongeant dans un lait de chaux. — Projet de pont sur la Manche. Le tracé aurait 38 kilom. de long; il partirait du cap Gris-Nez et aboutirait à Folkestone. Le pont reposerait sur des piles placées à des distances variables, suivant la profondeur. M. Hersant a imaginé d'établir chaque pile dans une caisse métallique de 25 mètres de largeur ; ces caissons seraient remplis de maçonnerie, mais pas suffisamment pour que la pile entre dans l'eau, et du port où on les préparerait, on les amènerait jusqu'à l'endroit où ils doivent être enfoncés ; on ouvrirait alors des compartiments qui s'empliraient d'eau et feraient descendre la pile dans l'endroit qu'elle doit occuper. Une fois la pile établie, on y adapterait des montants métalliques qui iraient rejoindre le pont à 70 mètres de hauteur. Il faudrait au plus 10 ans pour accomplir ce travail.
Société d'émulation de Cambrai : Flore du Cambrésis, par M. l'abbé Godon.
Société nationale d'agriculture de France: Rapport de M. de Fonlenay sur l'ouvrage de M. Portallier sur les Chiens. On voit que M. de Fontenay possède à fond la question de l'élevagei
Bulletin de la Société d'anthropologie de France : Conférence de M. Laborde sur le transformiste français Lamark, prouvant qu'il a été le précurseur de Darwin.
Comptes-rendus de l'Académie des Sciences : Travail nouveau de M. Dehérain, constatant que les engrais minéraux ne peuvent pas remplacer complètement les engrais organiques, sous peine de diminuer la fertilité du sol,
M. Thierry, à l'occasion d'un article de la Bourgogne agricole, dit qu'on préserve la vigne du Cochylis en passant les échalas à l'eau bouillante.
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 483
Lectures et communications du Président et des Membres.
M. le Président annonce que M. Carré, membre honoraire, vient d'obtenir une part du prix Audiffred pour son travail sur l'Enseignement secondaire à Troyes.
M. Le Clert annonce que M. Feuerstein, capitaine de gendarmerie, a offert au Musée de Troyes, de la part de M. Clément Baudin, des objets anciens trouvés à Vinets, en tirant de la grève.
On découvrit un squelette dont la tête était coiffée d'une matière tendre qui est devenue semblable à de la résine brune séchée au soleil; plusieurs objets en bronze accompagnaient le squelette, entr'autres un brassard, plusieurs bracelets, une sorte de stylet long de 40 à 50 centimètres. MM. Mathieu Redon et Vital-Faye, par l'entremise de M. l'abbé Petit, curé du Chêne, ont offert aussi au Musée d'autres objets intéressants. Il semble qu'il existait un immense champ de sépulture entre Vinets et le Chêne. D'après MM. Le Clert et Garnier, les objets découverts ne seraient pas antiques, mais remonteraient à l'invasion anglaise. Des remerciements sont votés aux donateurs, et la Société délègue MM. Le Clert et Garnier, pour aller sur place recueillir des renseignements sur ces curieuses découvertes.
M. Det lit un rapport sur l'ouvrage de M. Bonvalot : Du Caucase aux Indes, à travers le Pamir. Il résume avec un grand, intérêt ce voyage merveilleux et les péripéties qui l'ont accompagné. Les voyageurs avaient à lutter non plus contre les hommes, mais contre la nature. Le récit de M. Bonvalot et le crayon de M. Pépin font connaître les costumes, les moeurs des habitants de ces régions si peu connues. L'ouvrage de M. Bonvalot a obtenu de l'Académie un prix de 2,000 francs, et l'auteur a reçu la croix de la Légion d'honneur.
M. Barotte rend compte de l'ouvrage de M. Hariot intitulé Les Poires. M. Hariot fait l'historique de la Poire, chantée par Virgile et Horace, et suit cette histoire à travers les siècles. Il parle ensuite des nombreuses variétés obtenues par des semis, et fait un éloge mérité des travaux de M. Ch. Baltet sur cette matière.
M. de la Boullaye lit un rapport sur l'ouvrage de M. Marcel Dupont : Guide de l'emploi des Engrais chimiques en agriculture. C'est un livre lucide et à la portée de tous. L'auteur donne, pour chaque plante, les indications les plus précises sur l'engrais qui lui convient, suivant la nature du sol. M. Marcel Dupont dit que
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484 COMPTE RENDU SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ
l'Agriculture française subit une crise d'où elle sortira victorieuse. Des ouvrages comme le sien ne peuvent que contribuer a cet heureux résultat.
M. Le Clert, dans une seconde communication, dit qu'il a été vivement intéressé par un travail publié par M. de Saint-Genis, dans les Mémoires de la Société d'émulation du Havre, sut La vie à bon marche. L'auteur dit qu'il faudrait pouvoir supprimer les intermédiaires et les syndicats industriels, qui ne sont que des ligues formées pour l'exploitation des consommateurs. M; de SaintGenis prouve par des chiffres que les intermédiaires prélèvent des bénéfices énormes. Le remède serait de fonder des associations de consommateurs pour se défendre contre lés syndicats .et la fraude sur les denrées alimentaires. La conclusion de M. Le Clert est qu'il faut prier un membre de la Société de faire pour la ville de Troyes ce que M. de Saint-Genis a fait pour d'autres villes. Le travail de M. de Saint-Genis est renvoyé à M. Tolmér.
Présentations
MM. Trumet de Fontarce, membre du Conseil général, et le baron Legoùx, ancien magistrat à Paris, sont présentés comme membres assoeiés.
Le fauteuil de membre résidant dans la section des lettres, occupe par M. Argence, décédé, est déclaré vacant. L'élection aura lieu à la séance de janvier.
La séance réglementaire est fixée au vendredi 27 décembre.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Séance réglementaire du 27 Décembre 1889. Présidence de M. G. HUOT, président.
La Société approuvé les comptes de M. le Trésorier et lui vote des remerciements. ;
Il est procédé ensuite à la constitution du Bureau.
M. Albert Babeau, vice-président, devient président pour 1890.
M. Félix Fontaine est nommé vice-président; M. l'âbbé d'Antessahty secrétaire; M. de là Boullaye, secrétaire-adjoint; M. Drouot, trésorier; M. Le Clert, archiviste.
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PENDANT L'ANNÉE 1889. 485
Commission du Musée. — MM. G. Huot, Garnier, Ch. Baltet, Brouard, Royer, de la Boullaye, sont nommés membres de la Commission du Musée.
Commission de Publication. — MM. Pron, Forest, Det, Marcel Dupont, sont nommés membres de la Commission de Publication.
Les Bureaux des Sections pour 1890 sont constitués comme il suit :
Section d'Agriculture : Président, M. Ch. Baltet; vice-président, M. Marcel Dupont; secrétaire, M. Thierry.
Section des Sciences : Président, M. F. Fontaine; vice-président, M. le docteur Forest;. secrétaire, M. le docteur Hervey.
Section des Arts : Président, M. Brouard; vice-président, M. de la Boullaye; secrétaire, M. 0. Fontaine.
Section des Lettres : Président, M, l'abbé Lalore; vice-président, M. Le Clert; secrétaire, M. Arnould.
M. le Président, avant de quitter le fauteuil, prononce une allocution vivement applaudie.
La séance est levée à cinq heures.
Pour extrait conforme : Le Secrétaire, L'Abbé D'ANTESSANTY
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LISTE
DES
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
Au 31 Décembre 1889
MEMBRES RÉSIDANTS
MM.
1855. 20 Juillet. HUOT (Gustave) Agriculteur à SaintJulien.
SaintJulien.
1856. 14 Mars. GRÉAU (Julien) , Archéologue, 126, rue du
Bac, à Paris.
1858. 15 Janvier. PAILLOT (Victor), Propriétaire à Bumilly-lesVaudes.
Bumilly-lesVaudes.
1859. 18 Février. BALTET (Charles) Horticulteur-Pépiniériste,
Horticulteur-Pépiniériste, Troyes.
1860. 20 Juillet, LAPEROUSE (Gustave) ancien SousPréfet
SousPréfet Sens. 1866. 18 Mai. DROUOT (Ambroise), Directr de la Champagne. 1871. .21 Juillet. BABEAU (Albert), homme de Lettres. 1871. 20 Octobre. PRON (Hector), artiste Peintre. 1871. 15 Decemb. DES GUERROIS (Charles) homme de
Lettres.
1873. 25 Avril. L'Abbé LALORE (Charles), ancien Professeur
au Grand-Séminaire.
1874. 16 Janvier. L'Abbé D'ANTESSANTY (Gabriel) Aumônier
du Lycée de Troyes. 1874. 17 Avril. DEHEURLE; (Victor) Sous-Préfet de Beaune.
1874. 19 Juin. FONTAINE (Félix), ancien Manufacturier.
1875. 16 Avril. BOXTORF (Emanuel) 0. Ingénieur-Mécanicien.
Ingénieur-Mécanicien.
1876. 19 Mai. BRIARD (Pierre) 0, Major en retraite.
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488 MEMBRES .RÉSIDANTS DE LA SOCIÉTÉ
M M.
1878. 15 Mars. COSSIGNY (Charpentier de) Ingénieur civil, au Château de Courcelles-Clérey.
1878. 15 Novemb. PIGEOTTE (Léon), Avocat.
1879. 24 Mars. Le Comte DE LAUNAY (Adolphe), Agriculteur
Agriculteur Courcelles-Clérey.
1880. 18 Juin. THIERRY (Louis), Agriculteur à Saint-André. 1880. 15 Octobre. ROYER (Dieudonné) artiste Peintre, directeur de l'Ecole de dessin.
1882. 21 Juillet. L'Abbé GARNIER (Alphonse), Curé-Doyen de Lusigny.
1882. 20 Octobre, MAUROY (Adrien de). Agriculteur à Courcelles.
Saint-Germain, Ingénieur civil des Mines.
1883. 16 Mars. DET (Silvère), Bibliothécaire-adjoint.
1884. 15 Février. BROUARD (Auguste), Architecte, Inspecteur
des édifices diocésains.
1884. 21 Mars. JOURDHEUILLE (Camille), Juge au Trib 1 civil. 1884. 21 Novemb. FONTAINE (Olympe), Architecte.
1886. 18 Juin. LE CLERT (Louis), Propriétaire, à Troyes.
1887. 18 Février. FOREST (Charles) Docteur en Médecine,
à Troyes.
1887. 18 Mars. ARBELTIER DE LA BOULLAYE, Inspecteur des Forêts, à Troyes.
1887. 22 Avril. BAROTTE (Edmond), Pharmacien, à Troyes. 1888: 20 Janvier. ARNOULD Directr des Domaines, à Troyes.
1888. 16 Mars. DUPONT (Marcel) Professeur d'Agriculture,
d'Agriculture, Troyes.
1889. 18 Janvier. DUFOUR-BOUQUOT, Imprimeur, à Troyes. 1889. 15 Novemb. HERVEY (Raoul), Docteur en Médecine, à
Troyes.
BUREAU DE LA SOCIÉTÉ
Au 31 Décembre 1889
MM.
MASTIER Préfet de l'Aube, Président d'honneur. HUOT (Gustave) Agriculteur à SaintJulien,
SaintJulien, annuel. BABEAU (Albert), rue du Cloître -Saint -
Etienne, Vice-Président.
------------------------------------------------------------------------
MEMBRES RÉSIDANTS DE LA SOCIÉTÉ 489:
MM.
L'Abbé G, D'ANTESSANTY Aumônier du
Lycée, Secrétaire.
DE LA BOULLAYE, Inspr des Forêts à Troyes, Secrétaire-adjoint.
LE CLERT (Louis), Propriétaire à Troyes, Archiviste.
DROUOT (Ambroise), à Troyes, . Trésorier.
CONSEIL D'ADMINISTRATION;
MM.
MM. les Membres du Bureau.
Le Président de la Section, d'Agriculture, DE COSSIGNY
Le Président de la Seetion des Sciences, JOURDHEUILLE.
Le Président de la Section des Arts, L'Abbé GARNIER.
Le Président de la Section des Belles- ■
Lettres, Edouard VIGNES
COMMISSION DU MUSÉE
MM.
MM. BRIABD 0. major en retraite, Président.
BALTET (Charles) Horticulteur.
BROUARD, Architecte,
L'Abbé GARNIER.
GREAU ancien Manufacturier.
HUOT (G.) Propriétaire.
LE CLERT (Louis), Propriétaire, Ordonnateur.
ROYER Professeur de dessin. MM. les Conservateurs.
CONSERVATEURS DU MUSÉE
Au 31 Décembre 1889
FONDÉ ET DIRIGE PAR LA SOCIETE
Pour la Sculpture : M. BABEAU (Albert), rue du Cloître-SaintEtienne, 8.
Pour la Peinture : M. PRON (H.), à Bréviandes.
Pour l'Archéologie : ., M. LE CLERT (L.), rue Saint-Martin, 2,
à Troyes.
Pour la Zoologie : M. l'Abbé D'ANTESSANTY, Aumônier, au
Lycée de Troyes.
Pour la Botanique. : M, BRIARD O. Major en retre, à Troyes. t
------------------------------------------------------------------------
490 MEMBRES HONORAIRES DE LA SOCIÉTÉ
Pour la Minéralogie et le
Conservatoire industriel : M. DE MAUROY, à Courcelles-St-Germain.
Pour la Géologie : M. DE COSSIGNY à Courcelles-Clérey.
COMMISSION DE PUBLICATION
MM.
Les membres du Bureau.
Un membre de la Section d'Agriculture : M. DE COSSIGNY
Un membre de la Section des Arts : M. PRON.
Un membre de la Section des Sciences : M. FONTAINE (Félix).
Un membre de la Section des Belles-Lettres : M, DET.
COMMISSION DE L'ANNUAIRE DE L'AUBE
MM.
Le Président de la Société.
Le Secrétaire de la Société.
BABEAU (Albert), Homme de Lettres.
PRON, artiste Peintre.
DEHEURLE (Victor) Sous-Préfet de Beaune.
ROYER (D.) Artiste Peintre.
L'Abbé LALORE (Charles).
BRIARD (Pierre) Major en retraite.
MEMBRES HONORAIRES
MM.
1836. 21 Octobre. BARTHÉLÉMY, ancien Professeur de Rhétorique, à Bar-le-Duc.
1848, 21 Avril. SALMON, ancien Directeur de la Ferme-Ecole de Belley (Aube).
1852; 19 Mai. GUIGNARD (Philippe) Bibliothécaire de la
ville, à Dijon.
1854. 17 Février. EYRIES (Gustave), artiste peintre, à Meaux.
------------------------------------------------------------------------
MEMBRES HONORAIRES DE LA SOCIÉTÉ 491
MM.
1863. 15 Mai. DROUET (Henri) ancien Secrétaire génénéral,
génénéral, Dijon, rue Saint-Pierre, 19.
1873. 21 Novemb. CABAT (Louis) 0. Membre de l'Institut, à Paris.
1873. 21 Novemb. JULLY (Ludovie), Professeur au Lyece Louisle-Grand, rue Gay-Lussac, 28, à Paris.
1873. 19 Décemb. ASSOLANT (Nicolas), ancien Professeur, à Villers-Bretonneux (Somme).
1873. 26 Décemb. SOULARY (Joséphin) homme de Lettres, à
Lyon.
1874. 16 Octobre. DUBOIS (Paul) C. Directeur de l'École
des Beaux-Arts, à Paris, rue Bonaparte.
1876. 21 Juillet. QUILLIARD (Léon) Inspecteur général des
Ponts et chaussées, rue du Regard, 1, à Paris.
1877. 17 Août. SARDOU (Victorien) 0. homme de Lettres,
Membre de l'Académie française, à Marlyle-Roi (Seine-et-Oise).
1878. 18 Janvier. REYNAUD-PILLARD, ancien Industriel, rue des
Plantes, 103, à Bruxelles;
1878. 12 Avril. BONAMY DE VILLEMEREUIL (Eugène) 0.
ancien Conseiller général, Château de Villemereuil.
1879. 19 Décemb. BOUQUET DE LA GRYE ancien Conservateur
des Forêts, i 28, boulevard Pereire, à Paris.
1880. 20 Août. D'ABBOIS DE JUBAINVILLE (Henri) Membre
de l'Institut, boulevard Montparnasse, 84, à Paris. 1882. 21 Juillet. D'AMBLY (Marcel) Inspecteur général des Mines, rue Jouffroy, 81, à Paris.
1882. 17 Novemb. CABRÉ (Gustave) Agrégé des Lettres,
Professeur d'Histoire au Lycée de Sceaux (Seine).
1883. 19 Octobre. MILLOT (Ernest), Négociant, à Shang-Haï. 1883. 16 Novemb. TRUELLE (Auguste) ancien TrésorierPayeur général, rue Washington, 10, Paris.
1887. 21 Janvier. JOUBNÉ (Camille),Manufacturier, rue du Général-Foy, 39, Paris.
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492 MEMBRES; ASSOCIÉS DE LA SOCIÉTÉ
M M.
1887. 16 Décemb. ROSEROT (Alphonse), Archiviste à Chaur mont (Haute-Marne).
1889. 17 Mai. Le Docteur HOFFMANN (W. I-) Ethnologiste
Ethnologiste Bureau d'Ethnologie du Smithsonian; Institution, à Washington.
MEMBRES ASSOCIES
MM.
1843.. 17 Novemb.: RECOING (Ambroise), Propriétaire à Troyes. 1852. 16 Juillet. CHEBTIER Doeteur en Médecine, à Nogentsur-Seine.
Nogentsur-Seine.
1854. -8 Août. RAY (Eugène), Négociant aux Riceys. 1854. 15 Décemb. Le Baron DE VENDEUVRE (Gabriel) ancien
Représentant, à Vendeuvre-Sur-Barse. '
1856. 18 Janvier. L'Abbé SAUSSERET (Paul), Chanoine honoraire, Doyen à Méry-sur-Seine,
1856; 20 Juin. L'Abbé GEORGES (Etienne), Prêtre en retraite, à Rosriay-l'Hospital.
1857. 27 Novemb. BONAMY DE VILLEMEREUIL (Arthur) 0.
Capitaine de vaisseau en retraite, au château de Villemereuil.
1859. 21 Octobre, HARIOT (Louis), Pharmacien à Méry-surSeine.
Méry-surSeine.
1860. 16 Mars. L'Abbé RÉMION (Jean-François), Curé de
Saint-Nicolas, à Troyes.
1861. 15 Mars. THÉVENOT (Arsène), homme de Lettres. 1861. 19 Avril. ORRY (Armand), Propriétaire à BeaumontLa-Rivour
BeaumontLa-Rivour
1864. 15 Janvier. GUERRAPAIN (Nareisse) Propriétaire à
Bar-Sur-Aube.
1865. 17 Mars. PAILLOT (Adolphe), Propriétaire à Ervy.
1866. 17 Août. BERTHERAND (Arthur), Propriétaire au château
château Chacenay.
------------------------------------------------------------------------
MEMBRES ASSOCIÉS DE LA SOCIÉTÉ 493
MM.
1867 11 Avril, DUTAILLY (Jules); Propriétaire aux Riceys.
1871. 19 Mai. REMY (Ernest-Ambroise), ancien Notaire, à
Troyes. 4873. 21 Novemb. PETIT DE BANTeL (René), Propriétaire à
Mussy-sur-Seine.
1873. 21 Novemb. Le Comte ARMAND C. ancien Ministre plénipotentiaire de France en Portugal, Député dé l'Alibe, a Arcis-sur-Aube.
1874. 17 Juillet. MOUGEOT (Pierre), Docteur en Médecine, à Bar-sur-Aube.
1874. 20 Novemb. L'Abbé DEFER (Eugène), Curé de Maizièresla-Grande-Paroisse.
Maizièresla-Grande-Paroisse.
1875. 19 Novemb. AVED DE MAGNAC 0. Capitaine de
vaisseau, au château da Courcelles-SaintGermain.
1876. 18 Février. PEIGNÉ-CREMIEUX (Alfred), Propriétaire à
Méry-sur-Seihe.
1876. 16 Juin. JACOBÉ D'AREMBÉCOURT (Edouard), Propriétaire,
Propriétaire, Montmorency-les-Chavanges,.
1877, 16 Février. Le Général SAUSSIER (Gustave), G. C, Gouverneur de Paris.
1877. 46 Mars. L'Abbé CHAUVET (Paul), Curé à Unienville.
1877. 20 Juillet. SAILLARD (Ferréol) Imprimeur à Barsur-Seine.
1877. 20 Novemb, HORIOT (Amant)) ancien Agent-Voyer d'arrondissement) à Nogent-sur-Seinë. 1877. 21 Décemb. JEANNERAT (Eugène), à Pâlis.
1877. 21 Décemb. LENFANT (Gabriel), ancien Notaire à Romillysur-Seine.
1877. 21 Décemb. CASIMIR-PERIER (Jean) Député de l'Aube,
à Pont-sur-Siene.
1878. 18 Janvier. CHANOINE (Jules) 0. Général de brigade,
brigade, militaire, à Pékin.
1878. 18 Avril. CHANOINE (Anatole), Propriétaire à Gérosdot. 1878. 15 Octobre. GÉRAUX (Emile), Propriétaire à Landreville. 1878. 15 Novemb. GÉRARD (Ernest), Notaire à Estissac.
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494 MEMBRES ASSOCIÉS DE LA SOCIÉTÉ
MM..
1881. 18 Novemb. BERTRAND (Emile), Docteur en Médecine, à
Nogent-sur-Aube.
1881. 18 Novemb. ESTIENNE (Maurice), Maire à Montangon.
1882. 20 Janvier. MARTINET (Léonce), Docteur en Médecine et
Conseiller général, à Piney.
1882. 17 Février. MONNOT DES ANGLES (Ferdinand) Principal honoraire, à Méry-sur-Seine.
1883. 16 Novemb. L'Abbé BONNEMAIN (Félix), Curé de SainteMadeleine
SainteMadeleine Troyes. 1883. 16 Novemb. MILLOT (Jules), Docteur en Médecine à, Aixen-Othe.
1884. 25 Avril. BAUDOUIN (Alphonse), Vérificateur des Poids
et Mesures, a Bar-sur-Aube.
1885. 16 Octobre. SAVETIËZ (Charles), Notaire honoraire à
Dampierre dé l'Aube.
1886. 15 Octobre. DORMOY (Maurice), Architecte à Bar-surAube.:
1887. 17 Juin. LABOUBASSE ancien Inspecteur de l'Enseignement
l'Enseignement à Arcis-sur-Aube. 1887. 19 Août. GEBVAIS (Raoul), Propriétaire à Lusigny.
1887. 19 Août. HERMENT, Docteur en Médecine, à Vendeuvre.
1888. 20 Janvier. Le Prince DE BAUFFREMONT-COURTENAIY, duc
d'Atrisco G. rue de Grenelle, 87, Paris.
1888. 17 Février. L'Abbé GHAUMONNOT, curé-doyen d'Estissac.
1888; 16 Mars. BRUN, propriétaire à M ontigny.
1888. 18 Mai. : TOLMER (Louis), Inspecteur aux Chemins de fer de l'Est..
1889. 15 Mars. VIEHHAEUSER, Viticulteur, aux Riceys. 1889. 16 Août. CHADENET, Agriculteur, à Saint-Julien. 1889. 16 Août. COUDROT, Juge de Paix, à Âix-en-Othé, 1889. 16 Août. . LASNERET (Lucien), Agriculteur, à Nogentsur-Seine.
Nogentsur-Seine.
1889. 18 Octobre. THIERRY-DELANOUE, Député de l'Aube, à
Soulaines.
1889, 18 Octobre. Le Baron DOÉ, à Menois.
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MEMBRES CORRESPONDANTS DE LA SOCIÉTÉ 495
MEMBRES CORRESPONDANTS
MM.
1829. 23 Juin. THIRION 0. Ingénieur en chef des Ponts
et Chaussées, directeur du réseau central de la Compagnie d'Orléans, rue d'Amsterdam, 72, à Paris.
1830. 19 Mars. HÉRÉ, homme de Lettres, à Saint-Quentin.
1834. 21 Février. VALLIER (Jules), Propriétaire, Vice-Secrétaire
de la Chambre d'Agriculture, à Alger.
1835. 20 Mars. LHOMME, ancien Principal du Collège, à
Sarreguemines. 1835. 17 Juillet. BOILEAU, Botaniste à Bagnères-de-Luchon. 1835. 23 Octobre. VIRLET D'AOUST Membre de la Société
géologique de France, Ingénieur des Mines,
rue de Clichy, 152, à Paris. 1837. 20 Janvier. MINART Conseiller honoraire à la Cour
d'appel, à Douai.
1837. 21 Avril. PARIS (Louis) Bibliothécaire, à Epernay.
1838. 20 Avril. DUBUC, ancien Pharmacien, à Rouen.
1839. 21 Juin. Du PREUIL (Alfred), Propriétaire, à Constantinople.
Constantinople.
1839. 16 Octobre. AVENEL, Médecin à Rouen, rue de Crosne, 13.
1841. 16 Avril. PIROUX Directeur de l'Institut des SourdsMuets, à Nancy.
1841. 19 Novemb. FÉLIZET, Médecin-Vétérinaire, à Elbeuf-surSeine.
Elbeuf-surSeine. 45 Décemb. AUDIFFRED (Joseph), ancien Juge au Tribunal
de commerce, boulevard des Capucines, 8,
à Paris. 1843. 15 Décemb. GAUDRY père ancien Bâtonnier de l'Ordre
des Avocats de Paris, rue Neuve-de-l'Université,
Neuve-de-l'Université, 1843. 15 Décemb. DE LASSUS père Propriétaire à Fins,
commune d'Essey-le-Pont (Haute-Marne) 1849. 20 Avril. AUBINEAU (Léon) homme de Lettres, rue
du Cherche-Midi, 23, à Paris.
------------------------------------------------------------------------
496 MEMBRES CORRESPONDANTS DE LA SOCIÉTÉ
1851. 21 Février. FICHOT (Charles) artiste Dessinateur,
rue de Sèvres, 39, à Paris.
1851. 14 Mars. LE BEUF (Eugène), Sous-Directeur de la Ferme-Ecole du Beaufroy, à Mirecourt (Vosges).
1851. 19 Décemb. COTTEAU (Gustave) ancien Juge, à
Auxerre, 1854. 16 Juin. ANGENOUST (Ëlzéar), Propriétaire, rue de Bréda, 13, à Paris.
1854. 15 Décemb. SALMON (Philippe) Archéologue) rue Le Pelletier) 29, à Paris.
1855. 21 Décemb. TRUELLE SAINT-EVRON (Charles), Directeur de la Cérès et de la Garantie agricole, à Vannes (Morbihan).
1856. 19 Décemb. COEFFET-OLIVIER, ancien Négociant à Villeneuve-l'Archevêque.
1857. 16 Octobre. JEANDÉT (Abel), Docteur en Médecine, maison
maison Tuileries, à Verdun-sur-Doubs (Saône-et-Loire).
1859. 20 Mai. RONDOT (Natalis) 0. ancien Délégué commercial en Chine, à Chamblon, près d'Yverdon (Suisse).
1859. 16 Décemb. HENRY (César-Louis), Docteur en Médecine,
31, rue Malitox, à Paris-Auteuil.
1860. 20 Janvier. Le Marquis de SINÉTY, au château de Misy,
près de Montereau, par Villeneuve-laGuyard (Seine-et-Marne). 1860. 18 Mai. LENNIER (Gustave), Naturaliste, au Havre.
1860;. 21 Décemb. D'AMBLY (Frédéric) 0. Ingénieur de marine, rue Jouffroy, 94, à Paris.
1864. 20 Mai. RAMPANT (Auguste-Alexandre), Architecte, à Melbourne.
1864, 15 Juillet, BERTHELIN (Georges), Géologue à Paris, rue de Vaugirard.
1864. 15 Juillet, OLIVIER (Arsène), Propriétaire, boulevard Voltaire, 112, à Paris.
1865. 17 Novémb. VAN HOOREBEKË (Gustave), Avocat, quai des
Moines, àGand (Belgique).
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MEMBRES CORRESPONDANTS DE LA SOCIÉTÉ 497
MM.
1865. 15 Décemb. CHOTARD (Henri) doyen de la Faculté des
Lettres, à Clermont-Ferrand.
1866. 9 Mars. PARIGOT (Adolphe) Président du Tribunal
à Provins.
1866. 17 Août. MAILLABD (Paul), Premier Président de la
Cour d'appel, à Montpellier.
1867. 22 Février. CONSTANT (Alexandre), Banquier à Autun
(Saône-et-Loire).
1867. 15 Mars. SIMON (Eugène), Membre de Société Entomologique de France, avenue du bois de Boulogne, 56, à Paris.
1867. 15 Novemb. MANNEQUIN (Théodore), Economiste, rue d'Eghien, 12, à Paris.
1869. 19 Février. DE BABTHÉLEMY (Anatole) ancien SousPréfet, rue d'Anjou-Saint-Honoré, 9, Paris.
1869. 18 Juin. MARCILLY (Charles), Membre de la Société de
Numismatique, rue d'Assas, 78, à Paris.
1870. 21 Janvier. MARTIN (Edmond), homme de Lettres, rue
Léonie, 14, à Paris.
1870. 21 Janvier. VACHÉ (Ferdinand), ex-Chef de bureau à la Compagnie des Chemins de fer Paris-LyonMéditerranée, en retraite à Villenauxe.
1872. 19 Janvier. ROUSSELOT (Paul) Inspecteur d'Académie en retraite, à Versailles, boulevard de Reine, 79.
1875. 19 Février. CHOULLIER (Ernest), Juge de Paix, à Ervy.
1875. 18 Juin. HARIOT (Paul) Botaniste, rue Buffon, 63, à Paris.
1875. 19 Novemb. Le Baron DE BAYE (Joseph), Archéologue, au château de Baye (Marne).
1875. 19 Novemb. NICAISE (Auguste) Archéologue à Châlons-sur-Marne.
Châlons-sur-Marne.
1876. 18 Août. GUIBOUT (Eugène) Docteur en Médecine,
rue de la Banque, 1, à Paris.
1877. 16 Février. BRAQUEHAYE (Charles) 0. Directeur de
l'École des Beaux-Arts, à Bordeaux, cour d'Albret, 100. 1877. 20 Avril. L'Abbé PATRUT, Curé à Quincerot (Yonne). T. LIII 32
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498 MEMBRES CORRESPONDANTS DE LA SOCIÉTÉ
MM.
1877. 20 Avril. HÉRELLE (Georges) 5, rue de l'Aima, à Cherbourg.
1877. 20 Avril. DE MONTROL (Arthur), Propriétaire au château de Juzenneeourt (Haute-Marne).
1877. 18 Mai. PILLE (Philippe) ancien Ingénieur des Ponts et Chaussées, à Sens, rue de la Synagogue.
1877 20 Juillet. ALEXANDRE (Alfred) ancien Président de Chambre à la Cour d'appel, rue de l'Arcade, 25, à Paris.
1877. 17 août. PIET-LATAUDRIÉ (Charles), Archéologue, rue de Berlin, 43, à Paris.
1877; 20 Novemb. COLLIN DE PLANCY (Victor), Commandeur du Cambodge, 0. Commissaire de la République française en Corée, rue de Babylone, 58, à Paris.
1877. 21 décemb. TILLIER (Paul), artiste Peintre, boulevard de
Courcelle, 64, à Paris.
1878. 18 Janvier. TAILLEBOIS (Emile) Négociant à Dax (Landes).
1878, 15 Février. DRUJON (Ferdinand) homme de Lettres, rue du Vieux-Colombier, 17, à Paris.
1878. 16 août. HAST (Louis), Propriétaire, à Saint-Mihiel (Meuse).
1878 18 octobre. L'Abbé MILLARD (Aristide), Curé à Reuves (Marne).
1878. 15 Novemb. TUROT (Henri), Docteur en Médecine, à SaintDenis-du-Sieg (Oran).
1878. 20 Décemb. DE TAILLASSON (René) Inspecteur des Forêts, à Sens.
1879. 16 Mai. PLONQUET, Médecin, à Aï (Marne).
1880. 16 Avril. MULOT (Zéphirin), Employé d'Administration,
à Nouméa (Nouvelle-Calédonie).
1881. 18 Février. OUDRY Commandant au 2e bataillon
d'Infanterie légère d'Afrique, à Dustol (Maine-et-Loire).
1881 17 Juin. DOLFUS (Adrien), homme de Sciences, rue Pierre-Charron, 35, à Paris.
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MEMBRES CORRESPONDANTS DE LA SOCIÉTÉ 499
MM.
1881. 19 août. PERSON (E.), Météorologiste, à Sommesous
(Marne) 1882- 20 Janvier. QUINQUABLET (Félix), Conservateur du Musée,
a Garnac (Morbihan). 1883. 16 Mars. FLICHE (Paul), Professeur à l'Ecole forestière,
à Nancy. 1883. 18 Mai. BONVALOT (Gabriel), Explorateur de l'Asie,
rue Linnée, 31 bis, à Paris. 1883, 15 Juin. BERTRAND (Arthur) ancien Conseiller de
Préfecture, au Mans.
1883. 19 Octobre. DAGUIN (Arthur) homme de Lettres, rue
de la Pompe, 140, à Paris.
1884. 18 Janvier. BARBEREY (Maurice Bailly de), Propriétaire
avenue Bosquet, 7, à Paris. 1884. 20 Juin. MAUROY (Albert de), Propriétaire à Thivet (Haute-Marne).
1884. 17 Octobre. LEX (Léonce), Archiviste du département, à
Mâcon.
1885. 16 Janvier. BOUCHER (Alfred) Statuaire, 25, boulevard
boulevard Paris.
1885. 16 Décemb. PAPILLON (Jules-Alexandre), Professeur à la Société Polytechnique militaire, 27, rue Saint-Blaise, à Paris.
1885. 16 Décemb. VACANDARD (E.), Docteur en Théologie, second Aumônier au Lycée Corneille, à Rouen.
1887. 18 Février. VALTON (Henri) Ingénieur civil, 166, rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris.
1887. 18 Février. DOREZ (Léon), Licencié ès-lettres, rue Jacob,
29, à Paris. 1887. 22 Avril. HUGUENIN (A.), Professeur d'Allemand au
Collège de Vitry-le-François.
1887. 20 Mai. CHAPELLIER (Jean-Charles) 0. rue de
Grenelle, 87, à Paris. 1887. 20 Mai. COROT (Henri), rue Pelletier-de-Chambure, 4,
à Dijon. 1887. 15 Juillet. ASSIER (Alexandre) Chef d'Institution, à
Courbevoie (Seine).
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500 MEMBRES CORRESPONDANTS DE LA SOCIÉTÉ
MM.
1887. 21 Octobre. AUDIGÈ, Docteur en Médecine, à NeuvySautour
NeuvySautour
1887. 18 Novemb. DE POLI (vicomte Oscar) C. 0. Président
Président Conseil héraldique de France,
Avenue Garnot, 21, Paris.
1888. 17 Février. ROBERT aîné, Ingénieur civil à Aisy-surArmançon
Aisy-surArmançon 1888. 16 Mars. GILLET (Horace), Propriétaire à Joinville
(Haute-Marne). 1888. 20 Avril. BEAU (Léon), Ingénieur de la Société des Ateliers de Willebroock, rue des Marais, 90, à Bruxelles (Belgique).
1888. 18 Mai. PETIT DE VAUSSE (Ernest), Membre du
Conseil académique de Dijon, Conseiller général de l'Yonne, au château de Vausse,
canton de Noyers: (Yonne). 1888. 18 Mai; MARIN (Léon) Sous-Intendant militaire à Mostaganem (Algérie). ■
1888. ; 18 Mai. CHANTRIOT (Emile-Auguste), licencié ès-lettres. 1888.. 15 Juin. REGNAULT (Edmond), avocat, 26, rue du
... Mont-Thabor, à Paris.
1889. 18 Janvier. LEDUC (Louis), Professeur à l'Ecole Normale de Laon.
1889., 18 Janvier. MARTIN (l'Abbé François), Curé de Donjeux
(Haute-Marne).,
1889. 15 Février. SIMONOT-REVOL, à Semur (Côte-d'Or).. 1889. 15 Mars. BRIDEN, Sculpteur, 28, rue Liancourt, à
Paris.
1889. 15 Novemb. CABAT (Augustin), Magistrat, 140, boulevard
boulevard à Paris.
1889.: 15 Novemb. MILLABD, Docteur en médecine, rue Rembrandt, 4, à Paris.
On est prié d'indiquer les rectifications, radiations et changements de domicile à l'Archiviste de la Société.
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LISTE
DES
SOCIÉTÉS SAVANTES ET DES ÉTABLISSEMENTS SCIENTIFIQUES
AVEC LESQUELS CORRESPOND
LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
Aisne. — Château-Thierry : Société historique et archéologique. — Laon : Société académique. —Saint-Quentin : Société académique; Société industrielle de Saint-Quentin. — Soissons : Société archéologique, historique et scientifique.
Algérie. — Alger : Société d'agriculture.
Alpes-Martimes. — Nice : Société des sciences naturelles, lettres et beaux-arts des Alpes-Maritimes.
Aube. — Troyes : Archives de l'Hôtel de ville ; Archives de la Préfecture; Bibliothèque de la ville; Ecole normale; Société d'apiculture de l'Aube; Société horticole, vigneronne et forestière; Société d'hygiène. — Arcis-sur-Aube : Revue de Champagne et Brie.
Basses-Pyrénées. — Bayonne : Société des sciences et arts.
Bouches-du-Rhône. — Aix : Académie des sciences, arts et belles-lettres. — Marseille : Société de statistique.
Calvados. — Caen : Société Linnéenne de Normandie.
Charente-Inférieure. — Roche fort : Société d'agriculture belles-lettres, sciences et arts. — Saintes : Société des Archives historiques de l'Aunis et de la Saintonge.
cher. — Bourges : Société historique du Cher.
Corrèze. — Tulle : Société archéologique.
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502 LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
Côte-d'Or. — Beaune : Société archéologique, d'histoire et de littérature.— Châtillon-sur-Seine : Société archéologique du Châtillonnais. — Dijon : Académie des sciences, arts et belleslettres; Société d'agriculture et d'industrie agricole du département de la Côte-d'Or. — Semur : Société des sciences historiques et naturelles.
Deux-Sèvres. — Niort : Société centrale d'agriculture du département.
Doubs. — Besançon : Académie des sciences, belles-lettres et arts; Société d'émulation du Doubs. — Montbéliard: Société d'émulation.
Brome.-— Romans : Société d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des diocèses de Valence, Digne, etc.
Eure. — Evreux : Société d'agriculture, sciences, arts et belleslettres. Eure-et-Loir. — Chartres : Société archéologique. Finistère. — Brest: Société académique.
Grard. — Nîmes : Académie (ancienne Académie du Gard);
Société d'étude des sciences naturelles.
Gironde. — Bordeaux : Académie des sciences, belles-lettres et arts; Société archéologique; Société Linnéenne.
Haute-Garonne. — Toulouse : Académie des jeux; floraux; Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres; Société d'agriculture de la Haute-Garonne et de l'Ariège; Société d'histoire naturelle; Société académique franco-hispano-portugaise.
Haute-Loire. — Le Puy : Société d'agriculture, sciences, arts et commerce.
Manie-Marne.— Langres : Société historique et archéologique.— Saint-Dizier : Société des lettres, sciences, arts, agriculture et industrie.
Mante-Saôme. —Vesoul : Société d'agriculture, sciences et arts; Commission d'archéologie.
Haute-Vienne. — Limoges : Société archéologique et historique du Limousin.
Hérault. — Béziers : Société archéologique, scientifique et littéraire. — Montpellier : Académie des sciences et lettres.
Indre. — Châteauroux : Société d'agriculture.
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LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES 503
lndre-et-Loire. — Tours : Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres.
Isère.— Grenoble : Académie Delphinale; Société de statistique, des sciences naturelles et des arts industriels.
Jura. — Lons-le-Saulnier Société d'émulation du Jura. Poligny : Société d'agriculture, sciences et arts.
Landes. — Dax : Société de Borda.
Loire-Inférienre. — Nantes : Société académique de la Loire-Inférieure; Société archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure.
Loiret. — Orléans : Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts; Société archéologique et historique de l'Orléanais.
Maine. — Le.Mans : Société historique et archéologique.
Maine-et-Loire. — Angers : Société d'agriculture, des sciences et arts; Académie des sciences et belles-lettres; Société industrielle d'Angers et du département; Société Linnéenne de Maine-et-Loire.
Manche. — Cherbourg : Société académique; Société des sciences naturelles.
Marne. — Châlons-sur-Marne : Société d'agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne. — Reims : Académie. — Vitryle-François : Société des sciences et arts.
Meurthe-et-Moselle. — Nqncy : Société centrale d'agriculture; Société des sciences, lettres et arts (Académie de Stanislas); Société d'archéologie lorraine.
Meuse. ;— Bar-le-Duc : Société des lettres, sciences et arts. — Verdun : Société philomatique.
Morbihan. — Vannes : Société polymathique du Morbihan.
Nièvre. — Nevers : Société d'agriculture du département.
Nord. — Cambrai : Société d'Emulation; — Douai : Société d'agriculture, sciences et arts centrale du département du Nord. Dunkerque : Société dunkerquoise pour l'encouragement des sciences, des lettres et des arts. — Lille : Société des sciences, de l'agriculture et des arts.
Oise. — Beauvais : Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de. l'Oise. — Senlis.; Comité archéologique.
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504 LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
Pas-de-Calais. — Arras: Académie.
Puy-de-Dôme. — Clermont-Ferrand : Académie des sciences, belles-lettres et arts.
Pyrénées -Orientales. — Perpignan : Société agricole, scientifique et littéraire.
Rhône. —Lyon: Académie des sciences, belles-lettres et arts; Société d'agriculture, d'histoire naturelle et des arts utiles.
Saône-et-Loiré. — Autun : Société Eduenne; Société d'histoire naturelle. — Chalon-sur-Saône : Société: d'histoire et d'archéologie.— Mâcon : Académie des sciences, arts, belles lettres et d'agriculture.
Sarthe. — Le Mans : Société d'agriculture, sciences et arts;
Société historique et archéologique du Maine.
Savoie. — Chambéry : Académie des sciences, belles-lettres et
arts; Société d'histoire naturelle de Savoie; Société savoisienne
d'histoire et d'archéologie.
Seine. — Paris : Académie, des sciences, palais de l'Institut, quai Conti, 23 ; Comité des travaux historiques et scientifiques, près le ministère de l'instruction publique (5 exempl.); le ministère de l'agriculture et du commerce (Bulletin); le ministère de l'instruction publique; le ministère de l'intérieur; le muséum d'histoire naturelle, au Jardin-des-Plantes; Société centrale d'agriculture, rue de Grenelle, 84; Société d'anthropologie de Paris, à l'Ecole de médecine: Société centrale d'horticulture, rue de Grenelle, 84; Société de l'histoire de France,, rue des Francs-Bourgeois, 60; Société des antiquaires dé France, au palais du Louvre;: Société des ingénieurs civils, cité Rougemont, 16; Société de géographie, boulevard SaintGermain; Société géologique de France, rue des Grands Augustins, 7; Société française de numismatique et d'archéologie, rue de Verneuil, 46; Société nationale d'agriculture de France, rue de Bellechasse, 18; Société protectrice des animaux, rue de Lille, 19; Société zoologique d'acclimatation, rue de. Lille, 19.
Seinc-et-Marme. — Fontainebleau : Société historique et archéologique du Gâtinais. — Melun : Société d'archéologie, sciences, lettres et arts de Seine-et-Marne.
Seine et-Oise. — Versailles : Société d'agriculture et des arts ; Société des sciences morales, des lettres et des arts.
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LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES 505
Seine-ïnférieure. — Le Havre : Société hâvraise d'études diverses. — Rouen : Académie des sciences, belles-lettres et arts; Comité des antiquités; Société centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure; Société des amis des sciences naturelles; Société libre d'émulation du commerce et de l'industrie de la Seine-inférieure; Société Linnéenne de Normandie.
Somme. — Abbeville : Société d'émulation. — Amiens : Académie des sciences, commerce, agriculture et belles-lettres; Société des antiquaires de Picardie; Société Linnéenne du nord de la France.
Tarn-et-Garonme. — Montauban : Société des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne; Société archéologique de Tarn-et-Garonne.
Var. — Draguignan : Société d'agriculture, de commerce et d'industrie du Var; Société d'études scientifiques et archéologiques. — Toulon : Société académique du Var.
Vienne. — Poitiers : Société académique d'agriculture, belleslettres, sciences et arts.
Vosges. — Epinal : Société d'émulation des Vosges.
Yonne. — Auxerre : Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. — Avallon : Société d'études. — Sens : Société archéologique.
Alsace-Lorraine. — Calmar : Société d'histoire naturelle. — Metz : Académie. — Mulhouse : Musée historique. — Strasbourg : Société des sciences, agriculture et arts de la BasseAlsace.
Angleteterre. —Manchester : Société littéraire et philosophique.
Autriche. — Vienne : Le Musée impérial et royal d'Histoire
naturelle. Belgique. — Liège : Société royale des sciences.
États-Unis. — Boston : Société d'histoire naturelle de Boston.
— Washington : Institut Smilshonien; United States géological
géological Russie. — Moscou : Société impériale des naturalistes.
Suède. — Stockholm : Académie royale suédoise des sciences; Académie royale des belles-lettres, d'histoire et des antiquités de Suède.
T. LIII 33
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TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES
Dans le Tome LIII de la collection des Mémoires de la Société Académique de l'Aube.
ANNÉE 1889.
Pages Séance publique de la Société Académique de l'Aube du 11 Avril 1889 5
Discours prononcé à la Séance publique, — par M. Gustave HUOT, président annuel de la Société Académique de l'Aube 7
Compte rendu des Travaux de la Société Académique de l'Aube depuis la Séance publique du 29 Mars 1884, — par M. l'abbé D'ANTESSANTY, secrétaire de la Société 17
Rapport sur les Prix décernés par la Société Académique de l'Aube dans sa Séance publique du 11 Avril 1889, — par M. ARBELTIER DE LA BOULLAYE, secrétaire-adjoint de la
Société 35
Au pays, poésie de M. MARÉCHAUX 49
Nuit de Mai, poésie de M. L. MERCIER 51
Au fond des bois, poésie de M. L. MERCIER 53
La Chaumière, poésie de M. Ch. MANSO. 57
Récits d'une Bête noire. Histoire d'une Laie, — par M. DUFOUR-BOUQUOT, membre résidant de la Société Académique de l'Aube 61
Poésie lue à la Séance publique de la Société Académique de l'Aube du 11 Avril 1889, — par M. C. ARNOULD, membre résidant de la Société 81
Histoire de la Baronnie de Poussey, — par M. l'abbé DEFER, membre associé de la Société Académique de l'Aube 87
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508 TABLE
Pages
Supplément au Catalogue des Lépidoptères de l'Aûbé, — par M. Camille JOURDHUILLE, membre de la Société Entomologique de France et de la Société Académique de l'Aube, 127
Notes biographiques sur Jacques-Edme Reghault de Beaucaron 189
Étude sur les Poètes australiens, — par ..M. Charles DES GUERROIS, membre résidant de la Société Académique de
l'Aube . ........ 278
Un poète troyen au XVIIIe siècle. Edouard-Thomas Simon,. dit Simon de Troyes (1740-1818), — par M. Auguste MARGUILLIER 299
Programme des prix mis au concours par la Société Académique de l'Aube 436
Liste des dons faits au Musée de Troyes, avec les noms des donateurs, pendant l'année 1889...................... 439
Liste des ouvrages offerts à la Société Académique de l'Aube pendant l'année 1889, avec les noms des donateurs .. 45I
Sommaire des séances de la Société pendant l'année 1889 ■ — par M. l'abbé D'ANTESSANTY, secrétaire de la Société...; 455
Liste des membres de la Société Académique de l'Aube au 31 Décembre 1889 .................:............. 487
Liste des Sociétés savantes et des établissements scientifiques avec lesquels correspond la Société Académique de l'Aube 501
TROYES. — IMP. ET LITH. DUFOUR-BOUQUOT
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MEMOIRES
de la
DU DEPARTEMENT DE L'AUBE 1822-1889. - 53 volumes in-8°, avec planches et cartes
Il parait un volume à la fin de chaque année.
Ces Mémoires sont livrés au public par souscription. Le prix est fixé, par année, à CINQ FRANCS, pour les distributions qui se font à Troyes— à six FRANCS, franc de port, pour la France.
Depuis le 1er janvier 1851, le Règlement impose aux Membres correspondants : l'obligation des abonner aux Mémoires, au prix de 5 fr. par an, franc de port. -Les Membres associés sont tenus déverser une cotisation annuelle de 10 francs, et reçoivent les Mémoires.
On souscrit, à Troyes, chez M. le Trésorier ou chez M. l'Archiviste de la Société Académique.
Les tables générales des matières contenues dans les deux premières séries des Mémoires ont été imprimées séparément; la table des vingt premières années de la troisième série est également publiée elles se vendent 1 franc 50 chacune. Adresser les demandes àl' Àrchiviste de là Société.
RELATIFS A LA VILLE DE TROYES ET A LA CHAMPGNE MERIDIONALE
1878-1882-1886. - 3 volumes in-8°.
Papier vergé, 8 fr. - Papier vergé supérieur, 12 fr.
IMPRIMERIE DUFOUR-BOUQOUT, A TROYES
EXPOSÉS AU
MUSEE DE TROYES Fonde et dirigé par la Société Académique du département de l'Aube. Une volunie in-l2, 0,75 cent.
CATALOGUE DES SCULPTURES : DU MUSÉE DE TROYES
4e Edition 1888
Un volume in-12, 0,75 centimes.
1826-1890. -- 64 volumes. — Prix : 3 fr. 50 ; -.par la poste, 4 fr.
Depuis l'année 1835 , l'Annuaire de l'Aube est publié sous les auspices et sous la direction de la Société Académique de l'Aube, et renferme des mémoires historiques,
historiques, notices archéologiques et des documents statistiques. — A partir deTannée 1854, l'Annuaire est du format in-8°, et contient des lithographies.
Se trouve à l'imprimerie DUFOUR-BOUQUOT, à Troyes.
TROYES, DUFOUR-BOUQUOT, IMPr DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE