------------------------------------------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------
FERDINAND BRUNOT —
Professeur d'Histoire de la Langue française à l'Université de Paris.
HISTOIRE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
DES ORIGINES A 4900
TOME III
la Formation de la Langue classique
(1600-1660)
PREMIÈRE PARTIE
PARIS
LIBRAIRIE ARMAND COLIN
5, RUE DE MEZIÈRES, 5
------------------------------------------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------
HISTOIRE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
DES ORIGINES A .1.9.00.
TOME III
PREMIÈRE PARTIE
------------------------------------------------------------------------
LIBRAIRIE ARMAND COLIN
Histoire de la Langue française, des Origines à 1900, par M. FERDINAND BRUNOT, professeur à l'Université de Paris :
TOME I : De l'Époque latine à la Renaissance. Un volume in-8°, 548 pages,
broché . 15 fr.
Relié demi-chagrin, tête dorée 20 fr.
TOME II : Le Seizième siècle. Un volume in-8°, 510 pages, 8 planches hors texte,
broché 15 fr.
Relié demi-chagrin, tête dorée 20 fr.
TOME III : La Formation de la Langue classique (1600-1660) :
Première partie : Un volume in-8°, 156 pages, broché 12 fr. 50.
Relié demi-chagrin, tête dorée 17 fr.
(Le Tome III de l'HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE formera deux volumes.)
------------------------------------------------------------------------
FERDINAND BRUNOT
Professeur d'Histoire de la Langue française à l'Université de Paris.
HISTOIRE
DE LA
LANGUE FRANCAISE
DES ORIGINES A 4900
TOME III
La Formation de la Langue classique
(1600 — 1660)
PREMIERE PARTIE
PARIS
LIBRAIRIE ARMAND COLIN
5, RUE DE MÉZIÈRES, 3
1909
Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.
------------------------------------------------------------------------
Copyright 1909 by Max Leclerc and H. Bourrelier, proprietors of Librairie Armand Colin
------------------------------------------------------------------------
PREFACE
Voici mon Tome III. Il est gros, si gros que j'ai dû le diviser en deux parties. Encore ne contient-il pas tout le nécessaire, et causera-t-il la même déception que le précédent à certains de mes lecteurs : il ne « remplacera pas tout ». Peut-être au contraire devra-t-il être lui-même remplacé bientôt, car on ne saurait étudier avec trop de précision cette période de 1600 à 1660, pendant laquelle la langue classique s'est constituée.
J'ai essayé de montrer ici quels ont été les réformateurs, célèbres ou anonymes, qui l'ont marquée de leur empreinte, comment des individus et des groupes, des grammairiens et des écrivains, des courtisans et des femmes ont mêlé et associé leurs idées et leurs sentiments pour faire une langue littéraire à leur goût, et l'imposer.
Les caractères généraux de cette langue sont si connus, que je n'y ai point insisté. Mais il m'a paru nécessaire de faire une analyse minutieuse de ce travail de détail auquel toute une génération s'est passionnément attachée. Sur chaque point, je me suis efforcé de suivre l'élaboration de la règle naissante, de découvrir la date approximative où l'usage observé, codifié, sanctionné, est devenu loi. Pour y parvenir, j'ai interrogé avant tout les grammairiens qui, tout en se défendant de rien imposer, faisaient d'un usage une règle dès qu'ils le déclaraient seul reçu à la Cour, dont tout le monde acceptait l'autorité. Un texte, même signé de Descartes ou de Corneille, ne compte pas devant une remarque que Vaugelas a rapportée d'un cercle, et à laquelle il laisse ce modeste nom de a remarque ». Si donc je cite aussi souvent Malherbe ou Vaugelas, ce n'est pas par goût personnel, ni pour avoir eu avec eux une particulière familiarité, c'est que la bonne méthode l'exige. Au fond ce n'est point eux que je cite, ils ne sont que des témoins, c'est le monde qui parle par leur bouche.
Assurément j'aurais pu, et cela m'eût évité bien des difficultés de toute sorte, conduire d'un seul coup mon exposé jusqu'à la fin du siècle. J'ai préféré, après réflexion, l'arrêter en 1660. Les
------------------------------------------------------------------------
VI HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
écrivains de la première moitié du XVIIe siècle ont alors à peu près terminé leur oeuvre. Ceux de la seconde moitié commencent seulement la leur. Vaugelas est mort et consacré, ses remarques sont entrées dans les livres et dans l'usage, Corneille se révise pour se mettre au goût du jour. Il y a désormais une langue littéraire, que d'autres essaieront encore de corriger ou de « fixer », mais dont la physionomie ne changera plus de longtemps. Le but du présent volume étant d'en montrer la formation, je puis le clore à cette date, sans m'interdire bien entendu, ou d'empiéter à l'occasion sur l'époque qui suit, ou au contraire de renvoyer au tome IV l'étude de certaines questions, telle que celle de l'évolution phonétique, ou de la formation d'une orthographe. J'y reviendrai plus tard pour les exposer d'ensemble.
J'ai essayé de lire les textes avec critique ; cependant j'ai dû me tromper bien des fois sur l'interprétation de divers faits. Plus on avance dans l'histoire de la langue, plus les écrivains font du matériel linguistique qui est à leur disposition un usage réfléchi et conscient, moins on est sûr, malgré l'apparence, de pouvoir pénétrer leur intention. Voici un mot qui passe pour hors d'usage en 1650. Il se rencontre chez un burlesque. Là, il a été sûrement employé pour faire un effet bouffon. Point de doute. Mais tous les textes n'ont pas un caractère si net, et un même texte ne garde pas toujours d'un bout à l'autre un caractère unique. Dès lors, y trouver un mot dans un endroit particulier, c'est preuve que ce mot est démodé, mais le trouver quelques images plus loin, ce serait une preuve du contraire. Avec des gens comme Sorel, qui font de la parodie verbale, l'incertitude est souvent extrême. Je m'excuse à l'avance des méprises où je n'ai pu manquer de tomber. Je m'excuse aussi d'avoir laissé encore tant de dates incertaines, tant.de faits inexpliqués. Sur bien des points j'ai dû me résigner à ignorer. Mes lectures ne me fournissaient pas les précisions suffisantes: Elles ont été cependant très variées et très vastes, on en pourra juger aisément. Encore faut-il ajouter que ces lectures s'augmentaient de celles d'un autre. Lorsque j'ai acquis la bibliothèque de feu Ch. L. Livet, j'ai en effet acheté, en même temps que ses livres, un nombre considérable de fiches lexicologiques, qui m'ont été d'une grande utilité dans certaines parties de mon oeuvre, et je ne voulais pas manquer au devoir de le dire ici.
On me pardonnera les fautes qui se sont glissées dans l'impression. J'espère qu'aucune ne sera assez fâcheuse pour tromper ceux qui étudieront dans ce livre. En tous cas, chacune des références a
------------------------------------------------------------------------
PREFACE VII
été vérifiée sur épreuves, l'exactitude des textes (dont je reproduis scrupuleusement l'orthographe, sauf pour l'i et l'u) a été minutieusement contrôlée, et ce seul travail de révision m'a pris plus d'une année.
J'aurais bien voulu, malgré toutes les difficultés, faire paraître ce livre en 1908, comme je l'avais promis. Mais il m'a été impossible de suffire à tous mes travaux. Depuis longtemps en effet, j'étais tourmenté du désir qu'eut autrefois mon maître A. Darmesteter, de donner aux enfants des écoles primaires une nouvelle méthode, qui arrachât l'enseignement du français à la routine scolastique. Je suis donc descendu — non pas de la tour d'ivoire, j'ai toujours refusé de m'y enfermer — mais de ma chaire de Sorbonne, pour monter dans l'humble chaire de l'école de village, de l'école pauvre, où l'élève n'a et ne peut avoir qu'un livre de français, et j'ai essayé de faire ce livre. J'ai tenté de montrer aux écoliers et aux maîtres ce que c'est que notre langue, comment on peut en apprendre les éléments et quel profit on peut tirer de cette étude pour la culture intellectuelle et morale. Bonnes ou mauvaises, les méthodes que j'ai données en collaboration avec M. Bony, le livre de Méthodologie dont je les ai fait suivre seront lus et discutés. Que mes idées soient adoptées ou non, j'ai l'assurance qu'elles feront naître un mouvement, qu'elles susciteront des travaux qui seront meilleurs peut-être que les nôtres, mais qui s'inspireront du même esprit. Puissent les désirs de rénovation que mes critiques et mes propositions auront éveillés devenir trop vifs pour que mes petites méthodes puissent les satisfaire! Alors le branle sera donné, on sortira de l'ornière.
En tout cas — mes lecteurs me rendront justice sur ce point — je n'ai pas perdu mon temps en polémiques ; je n'ai pas une seule fois répondu aux attaques que m'a values le rapport dont la Commission de réforme de l'orthographe m'avait chargé. Ce n'est pas que je fusse à court d'arguments, comme bien on pense.
Mais, s'il m'eût été agréable de discuter avec quelques rares adversaires courtois et informés, si même, à la rigueur, j'eusse accepté d'exposer la question aux ignorants qui se pressaient de juger avant de savoir, à quoi bon riposter aux professionnels de l'insulte ? Il y a en France un parti de conservation qui travaille à restaurer la grandeur nationale en couvrant de boue et d'ordures tous ceux en qui il reconnaît ou soupçonne des adversaires politiques. L'oeuvre nécessaire de l'amélioration de l'orthographe, toujours poursuivie, toujours abandonnée depuis plus de trois siècles,
------------------------------------------------------------------------
VIII HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
qui a eu pour protagonistes et pour ouvriers Ronsard, Corneille, Voltaire, l'Académie du XVIIIe siècle, Daunou, Sainte-Beuve, Littré, Didot, Gréard, Gaston Paris, cent autres moins illustres, étant une oeuvre de progrès intellectuel et social, devait tôt ou tard être reprise par ceux qui ont la charge des intérêts de la démocratie. Mais il était certain aussi que du jour où un gouvernement maudit y mettrait la main, elle serait présentée comme une des inventions infernales qui menacent la « tradition française ».
Je savais donc quelles injures et quelles calomnies m'attendaient quand j'ai accepté de rédiger le projet de réforme de la Commission. Ses propositions n'étaient pas exactement les miennes, mais si, pour des divergences sur des questions spéciales, je m'étais refusé à servir dans une occasion importante une cause que je sers depuis vingt ans par la plume et par la parole, il m'eût semblé que je manquais à un devoir.
------------------------------------------------------------------------
ABREVIATIONS
Principales abréviations usitées dans les citations de textes, avec indication des éditions auxquelles ces citations sont empruntées.
(Il n'a pas été fait mention ici des textes qui sont cités d'après les Dictionnaires de Godefroy (G.), de Hatzfeldt, Darmesteter et Thomas (H. D. T.), et de Littré (L.). Les signes conventionnels adoptés dans le Lexique sont expliqués p. 104, n. 1 ; 124, n. 1 ; 145, n. 1.)
A
A. Dict. = Académie, Dictionnaire, 1re éd., 1694. Paris, Coignard, 2 vol. f°. — Quand il est question d'un avis de l'Académie sur une remarque de Vaugelas, se reporter à l'édition de Vaugelas de Chassang (voir à Vaugelas).
Actes du Clergé = Actes, Tilires, el Mémoires concernant les affaires du Clergé de France, recueillis, mis en ordre par commandement de l'Assemblée generale, tenuë à Paris ès années 1645-1646. Paris, Vitré, 1646, f°.
A. d. B. (ou quelquefois And. de B. R.) = [Andry de Boisregard], Reflexions sur l'usage present de la langue françoise. Paris, Laurent d'Houry, 1689, 8°; — Suit. = Suite des Reflexions critiques sur l'Usage present de la langue françoise. Paris, Laurent d'Houry, 1693, 8°.
Adv. de Charl. à Col. = Les advis de Chariot à Colin sur les temps présents. S. 1. n. d., 8°. V. H. L., VIII, 237.
Adv. de Guil., hol. ès Halles = Advis de Guillaume de la Porte, holleux ès halles. S. 1. n. d. V. H. L., III, 311.
Airs el Vaud. de Cour = Airs el vaudevilles de Cour, Dediez à son Altesse Royale Mademoiselle. Paris, Charles de Sercy, 1665, 2 vol. 8° ; (le tome 2 (1666) a pour titre Vaudevilles de Cour, Dediez à Madame).'
AL, Guer. civ. = Alemand, Nouvelles observations ou guerre civile des François sur la langue. Paris, chez Jean-Baptiste Langlois, 1688, 8°.
Alc. de St Maur. = [Alcide de Saint-Maurice], Remarques sur les principales difficultez de la Langue françoise... Paris, Est. Loyson, 1674, 8°.
Almahide. Voir à Scudéry.
Amb. de la Cour = Le tableau des ambitieux de la Cour... par maistre Guillaume, à son retour de l'autre monde, 1622. V. H. L., IV, 33.
------------------------------------------------------------------------
X HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Amours du brave Lydamas et de la belle Myrtille. Toulouse, Ant. Sève, 1594.
A. th. fr.= Ancien théâtre françois... publié par Viollet le Duc. Paris, 1851, 10 vol. 8°. Bibl. elzévirienne. Je cite le tome et la page, après avoir donné le nom de la pièce.
Arnould, Racan. Paris, A. Colin, 1900, 8°. C'est l'édition complète, présentée comme thèse à la Faculté de Paris.
Anon. de 1624 = Le Grand Dictionnaire des rimes françoises... Cologny (en surcharge : Genève) ; Mathieu Berjot, 1624, 8°.
Anon. de 1657 = Grammaire françoise avec quelques remarques... Lyon, Mich. Duhan, 1657, 8°.
Ass. des Dames de Paris = Le conseil tenu en une Assemblée faite par les dames et bourgeoises de Paris. Ensemble ce qui s'est passé. S. 1. n. d. V. H. L., V, 299.
Astrée. Voir à d'Urfé.
Att. sur le corps de N. S. J. C. 1649 = Recit véritable de l'attentai fait sur le precieux corps de Nostre Seigneur Jesus-Christ, entre les mains du Prestre disant la Messe, le lendemain de la Pentecoste 34e May de ceste présente année 1649, commis en l'Eglise du Village de Sannois, a une petite demy-lieüe d'Argenteuil, par un grand laquais agé de 36 à 37 ans. Paris, 1649. V. H. L., III, 11.
B
Bachot, Err. pop. = G. Bachot, Erreurs populaires touchant la medecine et le regime de santé. Lyon, Barth. Vincent, 1626, 8°.
Ball, des dames d'Am. = Le Ballet nouvellement dancé. . . par les dames d'Amour. Paris, 1625, 8°. V. H. L., V, 321.
Balzac. Quand ce nom est simplement suivi du chiffre du tome et de la page, on renvoie, aux OEuvres. Paris, Th. Jolly, 1665, 2 vol. f°. — On renvoie ailleurs, en l'indiquant, aux OEuvres, publiées par Moreau. Paris, Lecoffre, 1854, 2 vol. 8°.
J'ai cité aussi les Entretiens, d'après l'édition de Leyde, Jean Elzévier, 1659 ; les Lettres choisies, d'après l'édition de Paris, Courbé, 1647, in-12 ; et les Lettres à Chapelain. Paris, Courbé, 1659, in-16.
Baro, Clorise. Paris, Fr. Pomeray, 1631, 8°.
Bary, Rhel. fr. = La Rhetorique françoise où l'on trouve de nouveaux exemples sur les Passions et sur les Figures. Où l'on traitte à fonds de la matière des genres oratoires. Et où le sentiment des Puristes est rapporté sur les usages de nostre Langue, par René Bary, Conseiller et Historiographe du Roy. A Paris, Pierre le Petit, 1653, 4°.
Bellegarde, Réflexions, sur l'élégance et la politesse du stile. Amsterdam, Schelte, 1706, 12°.
Benss., OEuv. = Bensserade, Les OEuvres. Paris, Ch. de Sercy 1697 2 vol. 12°.
------------------------------------------------------------------------
ABREVIATIONS XI
Bérain = Nouvelles Remarques sur la langue française, par M. N. B. Rouen, Viret, 1675, 8°.
Bernhard = Sam. Bernhard, Grammatica gallica. Argentorati, P. Ledertz, 12°, 1607. (Cette édition ne s'étant pas retrouvée à la Bibliothèque de l'Arsenal, où je l'avais dépouillée, j'ai cité aussi l'édition de 1614 (n° 52 de Stengel), qui me paraît du reste identique à la première.) Bert. = Les OEuvres poétiques de M. Bertaut. .. Dern. édition. Paris, Du Bray, 1620, 12°.
Th. de Bèze. V. au tome II, p. VII.
Boisrob. ou Boisrobert, Ep. = de Boisrobert-Metel, Les Epistres en vers et autres oeuvres poétiques. Paris, Courbé, 1659, 8° ; — Les appar. tromp. = Les apparences trompeuses dans le Théâtre françois ou Recueil des meilleurs pièces de théâtre, t. VI. Paris, 1737, 8° ; — La folle gageure, ib.
Boit., Merv. du Mond. = Le tableau des Merveilles du Monde, recueillies par P. Boitel. Paris, 1617, 8°.
Borel, Trésor des recherches... françoises. Paris, Courbé, 1655.
Bossuet, éd. Leb. = OEuvres oratoires de Bossuet, éd. Lebarcq. Paris et-Lille, 6 vol. 8°. — Les autres oeuvres de Bossuet, accidentellement citées dans ce volume, sont citées d'après les éditions originales, dont on trouvera la liste dans le volume suivant.
Bouh., Entr. = Bouhours, Entretiens d'Arisle el d'Eugène. Paris, Cramoisy, 1671, 4° ; — D. = Doutes sur la langue françoise proposes à Messieurs de l'Académie françoise par un gentilhomme de province. Paris, Cramoisy, 1674, 12° ; — Rem. = Remarques nouvelles sur la langue françoise, 2e éd. Paris, Cramoisy, 1676 ; — Suit. = Remarques nouvelles sur la langue françoise. Amsterdam, George Gallet, 1693, 12°.
Bouquet de la Feintise, lié d'une soye desliee par la constance, et que l'Amour a fait d'un lis et d'une rose sans espine... par Bernard Astier. Lyon, Rigaud, 1610.
Bourg. Poli = Le Bourgeois poli, où se voit l'abregé de divers complimens selon les diverses qualités des personnes, oeuvre très utile pour la conversation. Chartres, 1631. V. H. L., IX,145.
Boursault, Es. à la Cour = Boursault, Esope à la Cour, dans le Théâtre. Paris, Veuve de P. Ribou, 1725, 3 vol. 8°.
Brébeuf, Luc. trav. = Le Lucain travesty (1er livre). Rouen, Maurry, Sommaville, 1661, 8° ; — Po. div.= Poésies diverses. Paris, A. de Sommaville, 1658, 4° ; — OEuv. div. — Les oeuvres diverses. Paris, J. Ribou, 1664, 2 vol. 8°.
Bruit qui court = Le bruit qui court de l'espousée, 1614, 8°. V. H. L., I, 305.
Marg. Buff., N. O. — Nouvelles observations sur la langue françoise... par Damoiselle Marguerite Buffet. Paris, J. Cusson, 1668, 12°.
------------------------------------------------------------------------
XII HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
G
Cam., Div. ou Camus, Divers. = Camus, Les Diversitez. Paris, Cl. Chappelet, 1612, 8° (on cite le 1er vol.); — Alcime, relation funeste où se descouvre la main de Dieu sur les Impies. Paris, Mart. Lasnier, 1625, 8° . - Issue aux Censeurs, à la suite du précédent ; — Homel. dom. = Sermons relevez ou Homelies dominicales. Douay, Balt. Bellere, 1618, 8°; — Iphigène. Lyon, Ant. Chard, 1625, 8° (on cite le 1er vol.).
Caq. de l'Acc. = Les Caquets de l'Accouchée, éd. Ed. Fournier. Paris, 1855, Bib. elzév., 8°.
Caq. des Poisson. = Le Caquet des Poissonnières sur le département du roy et de la cour. V. H. L., II, 131.
Carah. et mal. sold. = Le Carabinage et maloiserie soldatesque... Paris, Veuve de Cl. de Monstroeil, 1616, réimpr. par Philomneste Junior. Genève, Gay, 1867, 12°.
Caractères des Auteurs anciens et modernes et les jugements de leurs ouvrages. Paris, Greq. du Puis, 1704, 8°.
Cauchie. Voir au tome II, p. IX.
Cayet. Voir au tome II, p. X.
Cens, de la Doctr. cur. = Jugement et Censure du livre de la Doctrine curieuse de François Garasse. Paris, 1623, 8°.
Ceremonie de Bissestre = Les ceremonies faites dans la nouvelle chapelle du Chasteau de Bissestre. Paris, 1634, 8°. V. H. L., VII, 271.
Cél et Maril. Voir à Desfontaines.
Ceris., Phil. fr. = De Ceriziers, Le philosophe françois. Lyon, Ant. Valançot, 1649, 8°.
Chap., Let. = Chapelain, Lettres, pub. par Tamisey de Larroque. Paris, Imp. Nat. 1883 (Coll. Doc. inédits), 2 vol 4°. — Je cite quelques-unes de ces lettres, qui n'ont pas été jugées dignes de l'impression, parce qu'elles étaient grammaticales, d'après le ms. de la Bib. Nat. ; — Guzm. d'Alf. = Les gueux ou la vie de Guzman d'Alfarache. Lyon, Sim. Rigaud, 1630. Je cite par volume et page ; le second volume n'a pas de titre spécial, mais une nouvelle pagination ; — Lect. des Rom. = La lecture des Vieux Romans, éd. Alph. Feillet. Paris, Aubry, 1870, 8°.
Les observations grammaticales sur les Remarques de Vaugelas renvoient au Vaugelas de l'édition Chassang.
Chass. au v. grognard = La chasse au vieil grognard de l'antiquité, 1622, 8°. V. H. L., III, 27.
Chevreau, Rem. sur Malh. = Remarques sur les oeuvres poetiques de Monsieur de Malherbe, par M. Chevreau. Saumur, J. Lesnier, 1660, 4° ; — OEuv. mesl. = OEuvres meslées. La Haye, Adr. Moetjens, 1697, 2 vol. 8° ; — L'adv. dup. = L'advocat duppé. Comédie. Paris, Toussainct Quinet, 1638, 12°.
------------------------------------------------------------------------
ABRÉVIATIONS XIII
Chifflet, Gram. = Le P. Laur. Chifflet, Essay d'une parfaite grammaire de la langue françoise, 9e éd. Bruxelles, Lamb. Marchant, 1692. Je cite ailleurs, en l'indiquant, l'édition de 1680 du même libraire.
Cléobuline ou La vefve inconnue, par Mme L. B. d. M. (la baronne de Marcé). Paris, P. L'Ancey, 1658, 8°.
Cl. Le Petit, Chron. scandai. Voir à Paris ridicule.
Clytie. Voir à Lasserre.
Coeff. = Coeffeteau, cité d'après le travail de l'abbé Urbain, Nicolas Coeffeteau. Paris, Thorin, 1893, 8°. J'ai cependant rectifié l'orthographe d'après le texte original.
Coif. = Coifeuse à la mode. Voir à D'Ouville.
Colletet, Esc. des Muses = L'Escole des Muses par le sieur C. Paris, Louis Chamhoudry, 1656, 12° ; — Juven. burl. = Juvénal burlesque. Anvers, 1657, 8° ; — Traité de l'Epigramme, 2e éd. Paris, de Sommaville, Chamhoudry, 1658, 12°.
Colomby, Justin = L'histoire universelle de Trogue Pompée, réduite en abrégé par Justin. Traduction Colomby. Paris, du Bray, 1617, 8°.
Com. d. Acad. = Comedie des Academistes pour la Reformation de la langue françoise. Piece comique. Avec le roole des presentations, faites aux grands jours de ladite Academie. Imprimé l'an de la Reforme, 12°. Je cite quelquefois cette pièce, dont il n'existe aucune édition critique, d'après le texte de Livet, dans son Hist. de l'Académie, I, 405 et suiv.
Com. des Prov. Voir Montluc.
Com. de Chans. = La Comédie des Chansons. A. Th. fr., IX.
Conférence d'Antitus, Panurge et Guéridon. S. 1. n. d., 8°. V. H. L., VII, 279.
Conf. des Serv. = La Conference des servantes de la ville de Paris. Paris, 1636. V. H. L., I, 313.
Conf. Ren. = Conférences du Bureau d'adresse (de Renaudot), Troise Centurie, 11 fév. 1636-17 janv. 1639. Paris, 1641, 4°.
Cont. et mescont., 1649 = Les Contens et mescontens sur le sujet du temps. Paris, 1649, 4°. V. H. L., V, 335.
Coquillart. Voir au tome I, p. XXVIII.
Cordier. Voir au tome II, p. XI.
Corn. Ant. = Antoine Corneille, Poésies, éd. Blanchemain. Rouen, 1877. Société Rouennaise de Bibliophiles.
Corn. = P. Corneille, OEuvres, éd. Marty-Laveaux. Paris, Hachette (Coll. des Gr. Ecrivains). Je cite le plus souvent par le tome et la page, suivis de l'indication du poème avec renvoi soit au vers, soit à l'acte et à la scène.
Corn. Th. = Th. Corneille, Théâtre. Amsterdam et Leipzig, Arskstée et Merkus, 1754, 12°.
Les observations grammaticales de Th. Corn, sur les Remarques de Vaugelas, renvoient au Vaugelas de l'édition Chassang.
Corrozet. Voir au tome II, p. XI.
------------------------------------------------------------------------
XIV HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Cost., Let. = Costar, Lettres. Paris, Aug. Courbé, 1658, 2 vol. 4° ; — Apologie à M. Ménage. Paris, Courbé, 1657, 4°.
Cotgrave. Voir p. 266. L'édition citée est celle de 1632, identique du reste à celle de 1611, en ce qui concerne la partie franco-anglaise.
Cotin, Théoclée = Theoclee ou la vraye philosophie des principes du monde. Dédié à Monseigneur le duc d'Enguyen, par M. Charles Cotin, conseiller et aumosnier du Roy. Paris, Anthoine de Sommaville, 1646, 8°; — Suite des oeuvre galantes. Paris, Loyson, 1663, 8° ; — Critique désintéressée, 1666 (Nouv. coll. Moliéresque), 12°.
Le Cour, de Nuict = Le Coureur de nuict ou l'Aventurier nocturne. Lyon, Cl. La Rivière, 1648, 8°.
Le Court. à la mode = Le courtisan à la mode selon l'usage de la Cour de ce temps, 1625, 8°. V. H. L., IX, 351.
Le court, parf. = Le courtisan parfait, enrichi de plusieurs belles et rares lettres de compliments, et d'un bouquet de marguerites et fleurs d'élite, choisies dans leur jardin. Finalement multiplié de plusieurs belles et exquises sentences, propos, rodomontades espagnoles et autres. Amsterdam, Boudenyn de Preys, 1640, 12°.
Cresme des b. vers = Le sejour des Muses ou la Cresme des bons vers. Rouen, Mart. de la Motte, 1627, 8°.
Cyr., Péd. joué = Cyrano de Bergerac, Le Pedant joué. Paris, de Sercy, 1664, 8°. A la suite de la première partie des OEuvres diverses. Paris, de Sercy, 1663.
Cyre Fouc, Ep. d'Arist. Voir au tome II, p. XII.
D
D'Arsy. Voir aux Dictionnaires p. 266.
Dassoucy ou d'Ass., Ov. en b. hum. ou Ov. = L'Ovide en belle Humeur, de M. Dassoucy. Paris, Charles de Sercy, 1650, 4°.
D'Aubigné (Agr.). Voir au tome II, p. VI.
D'Audig. = d'Audiguier. Son rajeunissement d'Amyot est cité d'après la thèse latine de M. Huguet. Voir à ce nom . — D'Audig., Six nouv. = Six nouvelles de Michel Cervantes. Paris, Jean Richer, 1618, 8°.
D'Avaux, Let. à Voit. = Lettres du comte d'Avaux à Voiture, publiées par Am. Roux. Paris, Durand, 1858, 8°.
G. de Bezançon, Les medecins à la Censure. Paris, 1677, 8°.
Deff. des Dames. Voir à La Deffense des Dames.
Deffence pour Est. Pasquier, contre les impostures et calomnies de Fr. Garasse. Paris, 1624, 8°.
Def. des Croquans. Voir à La Nouvelle deffaite des Croquans.
Deim., Acad. — L'Académie de l'Art poétique,.. . Dediee à la Royne Marguerite. Paris, 161,0, 8°.
De la Chambre, Les Caractères des Passions. Paris, Rocolet, 1661 8° ;
------------------------------------------------------------------------
ABRÉVIATIONS XV
— Lettres de M. De la Chambre, avec ses Epistres dedicatoires et ses Prefaces. Amsterdam, Blaew, 1651.
De la Motte, Trad. des Dial. de Vives = Les Dialogues de Jean Loys Vives, traduits par P. De la Motte. Rouen, L. Cossé, 1611, 32°.
Ant. de la Vallée, Parentheses = Parentheses et Documents militaires... par Ant. de la Vallee, Sieur de Montissac. Lyon, P. Drobet, 1622, 8°.
Del. de la po. fr., 1615 = Les Delices de la Poesie francoise. Paris, Toussainct du Bray, 1615, 8°. Je cite sous le nom de Rec. Rosset, 1618, l'édition de 1618 de ces mêmes Délices (Lachèvre, t. I, 52-55). Voir à Rosset et à Recueil.
Dél. de la Camp. = Les Delices de la campagne. Suit le du jardinier François, où est enseigné à preparer pour l'usage de la vie tout ce qui croist sur la Terre et dans les Eaux. 2e édition. Amsteldam, Raphael Smith, 1655, 8°.
De l'Estang, De la Trad. = De la traduction ou Regles pour apprendre à traduire la langue latine en la langue Françoise. Paris, Jean Le Mire, 1660, 8°.
Desc. ou Descartes, Méth. = Descartes, Le discours de la Méthode, éd. Brochard. Paris, 1892, 12° (l'orthographe est moderne); — OEuv., éd. Cousin = Les OEuvres de Descartes, publiées par V. Cousin. Paris, Levrault, 1825, 8° (l'orth. est moderne). Descartes, OEuv. (sans autre indication) = éd. Adam et Tannery. Paris, Cerf, 1897 et suiv., 4°.
De Scudéry, Almah. = Almahide ou l'esclave reyne, dediée à Mademoiselle par M. de Scudéry, gouverneur de Nostre Dame de la Garde. Paris, 1663, 8° ; — Clélie. Paris, Courbé et Jean Blaen. Amsterdam, 1660, 12° ; — Poés. div. = Poésies diverses. Paris, Courbé, 1649, 4°.
De Scudéry (Mlle), De la poésie françoise, éd. Michaut. Paris, Sansot, 1907, 12° ; — Mathilde. Paris, Edme Martin, 1667, 8°.
Des Escut., Adv. fort. = Fin des advantureuses fortunes d'Ypsilis et Alixee. Poictiers, Ant. Mesnier, 1623, 12°; — Les Amours de Lydiam et Floriande. Paris, du Bray, 1605, 12°.
Desfont., Cél. et Maril. = Les heureuses infortunes de Celiante et Marilinde, vefves pucelles, par le Sr Des Fontaines. Paris, Nic. Traboullict, 1638, 8°.
Desmarets, Vision. = Desmarets, Les visionaires, comédie (dans le t. VII du Théâtre françois ou Recueil des meilleures pièces de théâtre. Paris, 1737, 8°) ; — Clovis ou la vie chrestienne, poème héroïque. Paris, Augustin Courbé, Le Gras, et Roger, 1657, 4°.
Desniaisé. Voir à Gillet de la Tessonerie.
De Saint-Paul, Tab. de l'Eloq. fr. = Tableau de l'Eloquence françoise... par le R. P. Ch. de Saint-Paul. Paris, 1632, 8°.
Des Per. = Des Périers. Voir au tome II, p. XII.
Histoire de la Langue française. III. B
------------------------------------------------------------------------
XVI HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Desrues (François), Les Marguerites françoises ou Thresor des fleurs du bien dire. Rouen, Reinsart, 1609, 12°.
De Templery, Entr. à Mad. = Entretiens sur la langue françoise à Madonte. Aix, Guil. le Grand, 1698, 8°.
De Visé, La Veuve à la Mode. Paris, Jouaust (Nouv. coll. Moliéresque), 12°.
Dial. de deux March. = Dialogue fort plaisant et recreatif de deux Marchands... A Lyon, par Benoist Rigaud, 1573, 8°. V. H. L., I, 75.
Dialogue de la mode et de la nature. Paris, 1662, 12°.
Diane de Poitiers. Voir au tome II, p. XII.
D. des bois = Diane des Bois, par le sieur de Préfontaine. Rouen, Jacques Cailloüé, 1632, 8°.
Disc, de M. Guil. et Jacq. Bonhomme = Discours de M. Guillaume et de Jacques Bonhomme, paysant... 1614. V. H. L., IX, 137.
Disc, sur la Mort du Chap. = Discours sur la mort du Chapelier avec son testament et tombeau... Paris, chez la veuve du Carroy. S. d., 8°. V. H. L., V, 31.
Disc, prod., 1610 = Discours prodigieux et espouvantable de trois Espaignols et une Espagnolle,... Paris, jouxte la coppie imprimée à Bordeaux, 8°. V. H. L., I, 87.
Discours veritable de la vie, mort, et des os du geant Theutobocus. Lyon, 1613. V. H. L., IX, 241.
Doctr. = F. Brunot, La doctrine de Malherbe d'après son commentaire sur Desportes. Paris, Masson, 1891, 8°.
Dolet. Voir au tome II, p. XIII.
Dorimon, Fest. de P. = Dorimon, Le Festin de Pierre avant Molière. Texte publié avec introduction, lexique et notes par G. Gendarme de Bévotte. Paris, Société nouvelle de Librairie et d'Édition, 1907, 8°.
D'Ouv., Contes = L'élite des contes du sieur d'Ouville, réimprimée sur l'édition de Rouen, 1680, avec une préface et des notes par G. Brunet. Paris, Librairie des Bibliophiles, 1883, 2 vol. 8° ; — Coif. à la m. = La Coifeuse à la mode. Paris, 1649, 32° ; — L'Espr. fol. = L'Esprit follet (dans Théâtre françois ou Recueil etc., t. VII).
Du Bartas, Judith. La Rochelle, Hiérosme Haultin, 1591, 8°.
Dub. Mont. = Dubosc Montandré (dont les pamphlets sont naturellement anonymes) : A. = Anatomie de la Politique du Coadjuteur... 1652. Catalogue Moreau 83, Maz. 12.448 ; — Al. = Les Allarmes de la Fronde, 1650. Cat. Mor. 59, Maz. 12.437 ; — Ex. = l'Exorciste de la Reine, 1652. Cat. Mor. 1332, Maz. 10.126; — Ex. P. = Excommunication Politique lancée sur le clergé, 1652, Cat. Mor. 1324, Maz. 12.915 ;
F. M. = La Franche Marguerite, s. 1. n. d. Cat. Mor. 1447, Maz. 10.975 ;
— Fo. = Le Formulaire d'État, 1652, Cat. Mor. 1401, Maz. 12.941 ;
— P. O. = Le point de l'Ovale, 1652. Cat. Mor. 2808, Maz. 10238 ; — Tu = Le Tu autem, 1652. Cat. Mor. 3900, Maz. 14.010.
Duez, 1663, Voir aux Dictionnaires p. 265 — Ce nom, suivi simple-
------------------------------------------------------------------------
ABRÉVIATIONS XVII
ment du numéro de la page renvoie à Le vray et parfait Guidon de la Langue françoise. Amsterdam, 1669, 8°.
Du Perron. Voir à Perroniana, et à Tableau de la parfaite amitié.
Du Pesch., Com. des Com. = La Comédie des Comédies, traduite d'italien en langage de l'orateur françois, dans E. Fournier, Le théâtre français au XVIe et au XVIIe s. Paris, Garnier, s. d., 2 vol. 8°. Cf. A. th. fr., IX, 237.
Dupl. ou Dupleix, Lib. = Liberté de la Langue françoise dans sa pureté, par Messire Scipion Dupleix, Conseiller du Roy en ses Conseils d'Estat et Privé, et Historiographe de France. Paris, Den. Bechet, 1651, 4°; — Lum. = Les lumières de Mathieu de Morgues, dit Saint-Germain, pour l'histoire, esteintes. Condom, Arnaud Manas, 1645; - Eth. = L'Ethique ou Philosophie morale. Paris, Laurent Sonnius, 1617, 12°.
Du Port (F.), Tr. du Mess. = F. du Port, Le Triomphe du Messie. Paris, Fr. Jacquin, 1617, 8°.
D'Urfé, Astrée, ou simplement Astrée, renvoie à l'édition de Paris, 01. de Varennes, 8°. Le 1er volume, qui renferme la 1re partie, est daté à la fois de MDCXIV et de 1615. Il est folioté, et je le cite, soit en indiquant la date 1615, soit sans cette date, par f°, recto et verso. Le 2e volume, de 1614, qui renferme la deuxième partie, est paginé, donc toute citation par page se réfère à ce volume, même si la date n'est pas indiquée. J'ai cité à quelques endroits une édition ultérieure. Paris, Touss. du Bray, 1630, 8°; — Ep. mor. = Epistres morales. Paris, Jean Micard, 1608, 12°.
Du Ryer, Les oraisons de Cicéron. Paris, Ant. de Sommaville, 1650, 12°; — Les vendanges de Suresne (1635), dans le recueil de E. Fournier, Le théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle. Paris, Garnier, s. d., 2 vol. 8°.
Du Tertre (Jean Macé), Méthode universelle pour apprendre facilement les langues. Paris, Jean Just, rue Saint-Jacques, 1650, 12°.
Du Vair. Voir au tome II, p. XIV.
Du Val ou Duval, L'Esch. fr. = L'Eschole françoise. Paris, Eust. Foucault, 1604, 8°.
E
Effr. ou Effroy. pact. = Effroyables pactions faites entre le diable et les prétendus invisibles, 1623. V. H. L., IX, 275.
Elom. hypoc. = Elomire Hypocondre, par Le Boulanger de Chalussay, éd. Livet. Paris, Liseux, 1878, 12°.
Emprison. = L'Emprisonnement D. C. D. présenté au Roy. S. L n. d. V. H. L., VIII, 211.
Entr. de la Reyne = L'entrée de la Reyne et de Messieurs les enfans de France... le XXVII de juillet. V. H. L., VIII, 247.
------------------------------------------------------------------------
XVIII HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Espad. sat. = L'Espadon satyrique, par le sieur d'Estemod. Réimpression faite sur l'édition de Lyon, 1626. Bruxelles, A. Mertens et fils, 1863, 12°.
Espines d'amour = Les Espines d'amour, où sont traitees les infortunees Amours de Philadon et Caulisée, par Estienne Durand. Paris, 1604, 12°.
Espr. Aub., Marg. poet. = Esprit Aubert, Les Marguerites poétiques. Lyon, Barth. Ancelin, 1613, 4°.
Estr. tromper. = Les estranges Tromperies de quelques charlatans... Paris, 1623. V. H. L., III, 273.
Ëstrennes du Gros Guillaume à Perrine. Paris, s. d. V. H. L., IV, 229.
Estr. rus. d'un fil. = L'estrange ruse d'un filou habillé en femme. S. 1. n. d. V. H. L., IV, 59.
Etrennes de Herpinot = Les étrennes de Herpinot présentées aux dames de Paris. Paris, 1618, 8°. V. H. L., VI, 41.
Estiene (Robert et Henri). Voir au tome II, p. XIV-XV.
Eventail satyr. = L'éventail satyrique, fait par le nouveau Théophile, 1628. V. H. L., VIII, 131.
Exam. sur l'inc. et nouv. Caballe = Examen sur l'inconnue et nouvelle Caballe des frères de la Rozée-Croix... 1624. V. H. L., I, 115.
Exec. du cap. Carref. = Récit veritable de l'exécution du capitaine Carrefour. V. H. L., VI, 321.
Ex. punition d'un assass. = Exemplaire punition du violement et assassinat, commis par François de la Motte, 1607. V. H. L., III, 229.
F
Fantast. repent. des m. mar. = Le fantastique repentir des mal mariez. S. 1. n. d., 8°. V. H. L., IV, 311.
Faret, L'hon. hom. = L'honeste homme ou l'art de plaire à la Cour. Paris, Pierre David, 1640, 8°.
Fauchet., Or. de la l. fr. Voir au tome II, p. XV.
Felib., Arch. = Des principes de l'Architecture, de la Sculpture, de la Peinture et des autres arts qui en dépendent, avec un dictionnaire des termes propres à chacun de ces arts par M. Felibien. Paris, Baptiste Coignard, 1676, 4°.
Fleurs de l'éloq. fr. = Les fleurs de l'éloquence françoise. Extraictes des Epistres héroïques d'Ovide. Tant par les sieurs du Perron et de Renouard, qu'autres des plus relevez esprits de ce temps. Paris, 1615 12°-.
Forcadel. Voir au tome II, p. XV.
Former, Or. de l'âme = Raoul Fornier, Discours académiques de l'origine de l'âme. Paris, Den. Langlois., 1619, 12°.
François. Voir à R. Franc.
------------------------------------------------------------------------
ABRÉVIATIONS XIX
Fr. de Sales = OEuvres de Saint-François de Sales, pub. par les soins des religieuses de la Visitation. Annecy, 1894 et suiv., 8°.
Frem. d'Abl., Dict. de rim. = Nouveau Dictionnaire de Rimes. Paris, Th. Joly, 1667, 12°. On ne sait pas au juste quelle est la part de Fremont d'Ablancourt et celle de Richelet dans ce travail.
Furetière. Sans autre indication, ou avec la syllabe Dict., renvoie au Dictionnaire en 3 vol. f°. La Haye et Rotterdam, 1690; — Rom. bourg. = Le Roman bourgeois, éd. Jannet. Paris, Picard, 1868, 2 vol. 12°.
G
Gantez, Entr. des mus. = L'entretien des musiciens, par le Sr Gantez... Paris, Claudin, 1878, 8°.
Gar., Doctr. cur. = La Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou pretendus tels. Contenant plusieurs maximes pernicieuses à la Religion, à l'Estat, et aux bonnes moeurs. Combattue et renversee par le P. François Garassus de la Compagnie de Jesus. Paris, chez Sébastien Chappelet, 1624, 4° ; — Rab. réf. = Le Rabelais réformé par les ministres et nommément par P. Du Moulin. Brusselles, Christophle Gérard, 1620 ; — Rech. des rech. = Les Recherches des Recherches et autres oeuvres de Me Estienne Pasquier, pour la defense de nos Roys, contre les outrages, calomnies, et autres impertinences dudit autheur. Paris, Sébastien Chappelet, 1622 ; — Mém. = Mémoires, éd. Nisard. Paris, Amyot, 1861, 8° (en orthographe moderne).
Garn., Praec. = Ph. Garnier, Praecepta gallici sermonis. Argentorati, Laz. Zetzner, 1618, 8°.
Gelée (Th.), L'anatomie françoise... Rouen, Ant. Ferrand, 1658.
Gello, Circé. Voir au tome II, p. XVI.
Gherardi, Le Théâtre italien. Amsterdam, Adrien Braakman, 1701, 6 vol. 8°.
Gill. de la Tessonn. = Gillet de la Tessonnerie, Le Desniaisé, Imp. à Rouen. Se vend à Paris, Guil. de Luyne, 1658, 12° ; — L'Art de régner, tragi-comédie. Paris, Touss. Quinet, 1643, 4°.
God., Lex. de Corn. = F. Godefroy, Lexique comparé de la langue de Corneille et de la l. du XVIIe s. en général. Paris, Didier, 1862, 2 vol. 8° ; — God. ou G. = le Dictionnaire de l'ancien français, déjà cité aux tomes I et II.
Godard, L. fr. = Jean Godard, La langue françoise, 1620, 8° ; — Les Desguisez. A. Th. fr., VII, 335.
Gomb., Endim. = Gombault, L'Endimion (A l'intérieur du livre Endymion), 2e éd. Paris, Nic. Buon, 1626, 8° ; — Les Epigrammes divisées en trois livres. Paris, Augustin Courbé, 1657, 12°.
Gougenot, La Comédie des Comediens. Paris, 1633. A. th. fr., IX, 313.
Gourn., O. = L'Ombre de la Damoiselle de Gournay, oeuvre composé
------------------------------------------------------------------------
XX HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
de meslanges. Paris, J. Libert, 1627, 8° ; — Adv. = Les Advis ou les Presens de la damoiselle de Gournay. Paris, Touss. du Bray, 1634, 4° ; — Adv.' 2 = la 2e édition du même recueil. Ib., 1641.
Gr. Propr. des Bot. = La grande propriété des bottes sans cheval en tout temps. Paris, 1616. V. H. L., VI, 29.
Grands jours tenus à Paris = Les Grands jours tenus à Paris par M. Muet, lieutenant du petit criminel, 1612. V. H. L., I, 193. Gr. Dict. fr. flam. Voir aux Dictionnaires, p. 266.
Grenaille, Mode = de Grenaille, sr de Chatonnières, La Mode ou charactere de la religion. Paris, Nic. Gasse, 1642, 4° ; — Plaisir des dames. Paris, 1641, 4°.
Guéret, Guerre des auteurs anciens et modernes. Paris, 1698, 8°. Guerson, Anal, du verbe = Sermons ou analogies divines du Verbe, fils de Dieu, et de Joseph, fils de Jacob, mocqué et vendu par ses Freres. Preschés en l'Advent de l'an 1619, en l'Eglise S. Jean en Greve. Par ,F. Guerson, Docteur en Theologie, Conseiller et Predicateur ordinaire du: Roy. Paris, Sim. Le Febvre, 1620, 8°.
Guyon (L.), Div. lec. = Les diverses leçons de Loys Guyon, Dolois... suyvans celles de P. Messie, et du Sieur de Vauprivaz. Lyon, Cl. Morillon, 1610, 8° ; — Mir. de la beauté = Le miroir de la beauté et santé corporelle. Lyon, 1615, 8°.
Guzm. d'Alf. Voir à Chapelain.
H
Haase, Syntaxe française du XVIIe siècle, traduit par Mlle Obert. Paris,. Picard, 1898, 8°.
Har. de Turl. = Harangue de Turlupin le Soufreteux, 1615. V. H. L., VI, 51.
Hardy, Le Théâtre, éd. Stengel. Marbourg, 1883, 8°. Quand le renvoi: est suivi de R., il est emprunté à la thèse de M. E. Rigal, Alexandre Hardy et le théâtre français. Paris, Hachette, 1889, 8°.
Hauteroche, OEuvres. Thom. Guillain, 1696, 12°.
Henri IV, Lettres missives. Paris, 4° (Coll. des Documents inédits) ; — Lettres inédites à M. de Villiers, 1599, 1600, 1601, éd. Halphen.. Paris, Champion, 1885, 3 vol. 8°.
Her., Journ. = Journal de Jean Héroard sur l'enfance et la jeunesse de Louis XIII (1601-1628). Paris, Didot, 8°.
Hiérosme Victor. Voir aux Dictionnaires, p. 264.
Hindret = L'art de bien prononcer... par le sieur J. H. Paris Vve de Claude Thiboust, 1687, 12°.
Hist. adm. d'un favor. = Histoire admirable et declin pitoyable advenu en la personne d'un favory de la cour d'Espagne. Paris 1622 V. H. L., I, 95.
------------------------------------------------------------------------
ABRÉVIATIONS XXI
Hist. de l'A. = Hist. de l'Académie, par Pellisson, réimprimée au tome I de l'Histoire de l'Académie de Ch. L. Livet. Paris, Didier, 1852, 2 vol 8°.
Hist. joy. de Bassev. = Histoire joyeuse et plaisante de M. de Basseville. Rouen, 1611. V. H. L., III, 83.
Hug. = Huguet. Dans le chapitre sur le Lexique, comme cela est indiqué à la note de la page 124, ce nom renvoie au Petit Glossaire des classiques français du XVIIe siècle. Paris, Hachette, 1907, 8° ; — Les exemples empruntés à l'Amyot de d'Audiguier sont cités d'après la thèse latine de M. Huguet : Quomodo Jacobi Amyot sermonem quidam d'Audiguier emendaverit. Paris, Noizette, 1894, 8°.
I
Incend. du Palais = Accident merveilleux... lequel a bruslè et consommé tout le palais de Paris. Paris, 1618. V. H. L., II, 159.
Introd. char, en la cosm. = L'Introducteur charitable en la Cosmographie, divisée en traicté de la sphère et de la geographie, par G. I. B. D. R. (de Renty). Paris, Alliot, 1639, 8°.
Iphigène. Voir à Camus.
Irson, Nouv. méthode = Irson, Nouvelle methode pour apprendre facilement les principes et la pureté de la langue françoise. Paris, chez l'auteur et chez Gaspard Meturas, 1656, 8°.
J
Jacquinet (P.), Des prédicateurs du XVIIe siècle avant Bossuet. Paris, Didier, 1863, 8°.
Jard. fr. = Le jardinier françois. Qui enseigne à Cultiver les Arbres et Herbes Potagères ; Avec la maniere de conserver les Fruicts, et faire toutes sortes de Confitures, Conserves et Massepans. Dedié aux Dames. Amsteldam, chez Raphael Smith, 1655, 12°.
J. B. P. = Journal d'un bourgeois de Paris. Voir au tome II, p. XIX.
J. d'Auton. Voir au tome II, p. XIX.
J. de Schel., Tyr el Sid. = Jean de Schelandre, Tyr et Sidon, tragicomédie. A. th. fr., VIII, 31. La nouvelle édition, de M. Haraszti, n'a pu être utilisée.
Jeux de l'Incognu. A Paris, Au Palais, 1630, 8°. A la suite : le Herti ou l'Universel, où par des saisissements lumineux, il se traicte de toute sorte de matières. Dans l'édition de 1637 (Rouen), le Herti est paginé à la suite des Jeux, 181-338 (cf. à Montluc).
J.-J. Bouch., Conf. = Les Confessions de Jean-Jacques Bouchard, Parisien, suivies de son voyage de Paris à Rome en 1630, publiées
------------------------------------------------------------------------
XXII HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
pour la première fois sur le manuscrit de l'auteur. Paris, Liseux, 1881, 8°.
Jodelle. Voir au tome II, p. XIX.
Journal d'un voyage à Paris, 1657-1658, éd. Faugère. Paris, Duprat, 1862, 8°.
J. Trenchant, L'arithmétique. Lyon, J. De Gabiano et S. Girard, 1605, 8°.
L
La Caballe des filoux = Reigles, statuts et ordonnances de la Caballe des filous reformez depuis huict jours dans Paris. V. H. L., III, 147.
La Com. des Com. Voir à Gougenot.
La critique du Tartuffe, dans Petites comédies rares et curieuses du XVIIe s., avec notes et notices par Victor Fournel, tome L Paris, Quentin, 1884.
La Deff. des dames = La Deffence des dames ou bien reponse au livre intitulé Question chrestienne touchant le Jeu par le Sr de la Franchise. Paris, P. Targa, 1634, 8°.
L'Adieu du Plaid, à son arg. = L'Adieu du Plaideur à son argent. S. 1. n. d. V. H. L., II, 197.
L'advocat duppé. Voir à Chevreau.
La Mesnard. = [La Mesnardière, Panégyrique de Trajan par Pline Cécile. Paris, Ant. de Sommaville, 1642, 12° ; — Po. ou Poés. = Les Poésies. Paris, Ant. de Sommaville, 1656, 4°.
Le Vayer ou La Mothe le V. = La Mothe le Vayer, OEuvres, 3e éd. Paris, Aug. Courbé, 1662, 2 vol. f°. — J'ajoute souvent le renvoi à l'édition originale des Lettres touchant les nouvelles remarques sur la langue françoise. Paris, Nic. et J. de la Coste, 1647, 12°.
Def. des Croquans = La nouvelle defaitte des Croquans en Quercy par M. le mareschal de Themines. Paris, 1624, 8°. V. H. L., VII, 323.
Lanoue, Dict. de rimes. Voir au tome II, p. XX.
Lanson, Choix de Lettres du XVIIe siècle. Paris, Hachette, 1891, 8°.
La Pinel., Parn. = Le Parnasse ou la Critique des Poetes, par De La Pinelière, Angevin. Paris, Toussainct Quinet, 1635, 8°.
La Pretieuse ou le Mystere des Ruelles, Dédiee à Telle qui n'y pense pas [par M. l'abbé de Pure]. Paris, P. Lamy, 1656, 8°.
La Quintinie, Instruct. p. les jard. = Instruction pour les jardins fruitiers el potagers. Paris, Comp. des Libraires, 1697, 2 vol. 4°.
La Roch. = La Rochefoucauld, OEuvres, éd. Gilbert et Gourdault. Paris, Hachette, 1881, 3 vol. 8° (Coll. des Grands Ecrivains).
Lasphrise, Poésies = Les gaillardes poésies du capitaine Lasphrise, publiées d'après les éditions de 1597 et 1599 par un membre de la Soc. des Bibliophiles gaulois [Pr. Blanchemain]. Turin, J. Gay et fils, 1870, 16°.
Lasserre, Clytie, ou simplement Clytie = La Clytie ou Romani de la Cour, par le sieur de Lasserre. Paris, chez Martin Collet, 1636, 2 vol. 8°.
------------------------------------------------------------------------
ABRÉVIATIONS XXIII
Laval (Antoine de), Dessein des professions nobles et publiques, 1612. 4°.
Le Desniaisé. Voir à Gillet de la Tessonnerie.
Légende de saint Anthoine. Voir au tome I, p. XXXIII.
Lejeune (le P.), Le Missionnaire de l'Oratoire ou Sermons pour les advents, caresmes et festes de l'Année, 2e partie. Rouen, Richard Lallemant, 1677, 8°.
Le Maire de Belges. Voir au tome II, p. XX.
Le Maistre, Les Plaidoyers et Harangues, éd. Issali. Paris, P. Le Petit, 1669, 4°.
Le Moyne, OEuv. = Les oeuvres poetiques du P. Le Moyne. Paris, Louis Billaine, 1671, 4°.
Le Parterre de la Rhétorique françoise. Lyon, Claude de la Rivière, 1659, 12°.
Le Pays, Am. am. et amour. = Le Pays, Amitiez, amours et amourettes, 3e éd. Paris, Sercy, 1665, 8°.
Les Estrennes du Gros Guillaume. Voir à Estrennes.
Les six couches de Marie de Médicis, racontées par Louise Bourgeois, dite Boursier, Sage-femme. Editées par le Dr Achille Chereau. Paris, Willem et Dams, 1875, 8°.
L'Estoile. Voir au tome II, p. XXI.
Lettre d'écorn. = Lettre d'écorniflerie et déclaration de ceux qui n'en doivent jouyr. Paris, s. d. V. H. L., IV, 47.
Lettre du sieur du Rivage contenant quelques observations sur le Poème de la Pucelle. Paris, de Sommaville, 1656, 8°.
Lettre de Tartarie = Lettre ...escrite de Tarlarie... sur le subject de l'enlevement de la fille du Roy de Narsingue. Paris, Chr. Touchart, 1612, 8°.
Let. de Phyll. = Letres de Phyllarque à Ariste, où il est traité de l'Eloquence françoise. Paris, Nic. Buon, 1628. Le tome II (2e partie) est daté de 1629.
Lettres de Vineuil à M. d'Humières, sur la conspiration de Cinq-Mars. V. H. L., VIII, 119.
Le vray orth. fr. = Le vray orthographe françois, par Palliot. Paris, 1608, 4°.
L. Guyon. Voir à Guyon.
Livet, Hist. de l'A. = Histoire de l'Académie française de Pellisson et d'Olivet, éd. Ch. L. Livet. Paris, Didier, 1858, 2 vol. 8° ; — Lex. de Mol. = Lexique de la langue de Molière comparée à celle des écrivains de son temps. Paris, Imp. Nat., 1897, 3 vol. 8°.
Loret = La Muse historique ou Recueil des Lettres en vers (16501665) par J. Loret. Paris, Jannet, 1857 et suiv., 4 vol. 8° ; — Poés. = Poésies burlesques... Et autres oeuvres. Paris, Ant. de Sommaville, 1647, 4°.
Loyal Serviteur. Voir au tome II, p. XXI.
------------------------------------------------------------------------
XXIV HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
M
Mair., Gal. du duc d'Oss. = Jean Mairet, Les Galanteries du duc d'Ossonne, 1636, dans le Recueil de E. Fournier, Le théâtre français au XVIe et au XVIIe siècles. Paris, Garnier, s. d., 2 vol. 8° ; — Sylv. = Sylvie, Tragi-comédie-pastorale, éd. de Marsan. Paris, Soc. des textes modernes, 1905, 8° ; — Théât. = Théâtre, éd. Volmoeller. Heilbronn, 1888, 8°.
Maison des jeux. Voir à Sorel.
Maison académique = Maison académique, contenant un Recueil general de tous les Jeux divertissans... par le Sr de L. M. [de la Marinière]. Paris, Rob. de Nain, et Marin Leché, 1654, 8°.
Malh. = Malherbe, OEuvres, éd. Lalanne. Paris, Hachette, 1862 (Coll. des Grands Ecrivains) ; — Les OEuvres de François de Malherbe, avec les observations de M. Ménage et les Remarques de M. Chevreau suites Poesies. Paris, chez Antoine Urbain Coustelier, 1722, 3 vol. 8°. Les Observations de Ménage sont au tome II.
Mallev., Po. = Poésies du sieur de Malleville. Paris, Aug. Courbé, 1649, 4°.
Man. de parl. = Maniere de parler la langue françoise selon ses diferens styles ; avec la critique de nos plus celèbres écrivains, en prose et en vers ; et un petit traité de l'orthographe et de la prononciation françoise. Lyon, chez Claude Rey, 1697, 12°.
Manifeste de P. du Jard. = Manifeste de Pierre Du Jardin, capitaine de la Garde, prisonnier en la conciergerie du Palais à Paris. 1619, 8°. V. H. L., VII, 83.
Marguerites de la Marguerite. Voir au tome II, p. XXII.
Marguer. franc. Voir à Desrues.
Marivaux, L'Homère travesti, ou l'Iliade en vers burlesques. Paris, 1716, 2 vol. 12°. ... Marot, Voir au tome II, p. XXII.
Martin (Daniel), La Parlement nouveau ou Centurie interlinaire. Strasbourg, Ev. Zetzner, 1660, 8°.
Martin, Ec. de Sal. = L'Ecole de Salerne en vers burlesques. Paris, J. Hénault, 1650, 4°.
M.-L. ou Marty-Laveaux, Lex. de la Pléiade = La langue de la Pléiade. Paris, Lemerre, 1896, 2 vol. 8°; — Lex. de Corn. = Lexique de Corneille dans la collection des Grands Écrivains, Corneille, t. XI et XII.
Martyre d'Amour = Le Martyre d'Amour, où... est tesmoigné le miserable evenement d'un amour clandestin, par J. Corbin. Lyon, 1603, 12°.
Maup. ou Maupas = Grammaire françoise, contenant reigles tres certaines et addresse tres asseuree à la naïve connoissance et pur usage
------------------------------------------------------------------------
ABREVIATIONS XXV
de nostre langue : en faveur des estrangers qui en seront desireux, par C. M. Bl. A Bloys, Philippes Cottereau, Libraire et Imprimeur du Roy et de la ville, 1607, in-16°. Je cite aussi une édition de 1618. Orléans, 16° (Bib. mun. de Lyon).
L'édition de 1638, Rouen, 16°, est due à son fils, quoique rien ne l'indique, mais cela résulte de la préface des Desguisez, qui commence : « Comme deffunct mon pere a employé toute la pluspart de sa vie, aussi lui ay-je succedé... » ; — Les Desguisez = Les Desguisez, comédie françoise, annotée par Ch. Maupas. Blois, 1626 (Ars. B. L. 11053).
Masset, Achem. = Exact el tres-facile Acheminement à la langue françoise, par Jean Masset, à la suite du Thresor de Nicot, 1606.
Mayn. ou Maynard, 1646 = Les OEuvres de Maynard. Paris, Courbé, 1646, 4°. Les renvois avec indication de tome et de page se référent à l'édition des OEuvres poétiques, par G. Garrisson. Paris, Lemerre, 1885, 3 vol. 12°. D'après les recherches de M. Drouhet, les poésies contenues au 1er volume de cette édition appartiennent à un autre François Ménard, de Nîmes 1.
Mélante = La Melante du sieur Videl. Paris, Sam. Thiboust, 1624, 8°.
Meigret. Voir au tome II, p. XXIII.
Mél. Brunol. Voir Ibid.
Mellema. Voir aux Dictionnaires, p. 266.
Mem. r. Marg. = Mémoires de la reine Marguerite. Voir au tome II, p. XXII.
Ménage, O. = Observations de Ménage sur la langue françoise. 2e éd. Paris, 1675, 2 vol. 8° ; — Pour ses Observations sur Malherbe, voir à Malherbe ; — Orig. = Les origines de la langue françoise. Paris, Courbé, 1650, 4° ; — Voir à Requête des Dict.
Menippée de Franc. = Ménippée de Francion, ou response au Manifeste anglois. Paris, 1627. V. H. L., X, 267.
Merv. de Nat. = Voir à R. Franc.
Michel David de la Bigardière, Caractères des Auteurs Anciens et Modernes, 1704, 8°.
Mich. Le Long, Le Reg. de santé = Michel Le Long, Le Regime de Santé de l'Escole de Salenre. Paris, Nic. et J. de La Coste. 1643, 8°.
Misères de la fem. mar. = Les Misères de la Femme mariée, où se peuvent voir les peines et tourments qu'elle reçoit durant sa vie, mis en forme de stances par Madame Liébault. Paris, Pierre Menier, 8°. V. H. L., III, 321.
Molière, OEuvres, éd. Despois et Paul Mesnard. Paris, Hachette, 1873 et suiv. (Collection des Grands Écrivains.)
Monet, Abrégé, Invant. Voir aux Dictionnaires, p. 262.
Montaigne. Voir au tome II, p. XXIV.
1. Voir Ch. Drouhet, Le poète François Mainard. Paris, 1909, à paraître.
------------------------------------------------------------------------
XXVI HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Montchr. = Montchrestien, Les Tragédies, nouvelle édition d'après l'édition de 1604, avec notice et commentaire par L. Petit de Julleville. Paris, Plon, 1891. Bib. elz.
Montfleury, suivi de l'indication d'un titre de pièce, renvoie à : Théâtre de Messieurs de Montfleury, père et fils. Nouvelle édition. Paris, chez les libraires associés, 1776, 4 vol. 8°.
Montluc. Voir au tome II, p. XXIV.
Montluc, Com. des Prov. = Ad. de Montluc, Comédie des proverbes, 1633. A. th. fr., IX, 5.
Montreuil, Les OEuvres. Paris, Sercy, 1666, 8°.
Morel. Voir aux Dictionnaires, p. 263.
N
Nerv., Am. div. = Nervèze, Amours diverses. Rouen, Cl. Le Villain, 1621, 12° ; — Amours de Filandre et de Marizee. Paris, Anth. du Brueil, 1602, 12° ; — Haz. am. de Palmelie et de Lirisis = Les hazards amoureux de Palmelie et de Lirisis, 2e éd. Paris, Anth. du Brueil, 1601, 12°.
Nic. = Nicot. Voir aux Dictionnaires, p. 262.
Nisard (Ch.), Etude sur le langage populaire ou patois de Paris et de sa banlieue. Paris. A. Franck, 1872, 8°.
Noel du Fail. Voir au tome II, p. XIII.
Nouveau recueil des pieces les plus agreables de ce temps. En suite des Jeux de l'Inconnu, et de la Maison des Jeux. Paris, Sercy, 1644, 8°.
Nouveau Chasse-Peste, descouvert par Marcellin Bompart, docteur en medecine. Paris, Phil. Gaultier, 1629, 8°.
Nouv. rec. de let. = Nouveau Recueil de Lettres. Paris, Toussainct Quinet, 1638, 8°. Les let. pol. (lettres politiques) forment la 1e partie, les let. mor. (lettres morales), la seconde, et les let. am. (lettres amoureuses) la troisième.
Nouvelle allég. = Discours sur la Nouvelle Allégorique et sur la relation faite en suite, à la suite de Relation veritable de ce qui s'est passé au royaume de Sophie. Paris, Ch. de Sercy, 1659, 12°.
Nouvelles françoises. Voir à Segrais.
O
Ogier, Apol. p. Balzac = Apologie pour M. de Balzac. Paris, 1663, 12°.
Onophage, 1649 = L'onophage ou le Mangeur d'asne. Paris 1649 4° V. H. L., III, 67.
------------------------------------------------------------------------
ABREVIATIONS XXVII
Oud. ou Oudin. Sans autre indication, ce nom renvoie toujours à Anthoine ou Antoine Oudin. Rech. = Recherches italiennes et françoises. Paris, Ant. de Sommaville, 1643, 4° ; — Cur. franc. = Curiositez françoises pour supplément aux Dictionnaires, ou recueil de plusieurs belles proprietez, avec une infinité de proverbes et quolibets, pour l'explication de toutes sortes de livres, par Anthoine Oudin, Secretaire interprette de Sa Majesté. Paris, Antoine de Sommaville, 1656, réimprimé dans le 10e tome du Dict. historique de l'ancien langage françois, de La Curne de Sainte-Palaye ; — Phrases = Petit recueil de Phrases adverbiales, el autres locutions.. par A. Oudin. Paris, A. de Sommaville, 1646, 12° ; — Gr. = Grammaire françoise. Rapportée au langage du temps. Par Antoine Oudin, Secretaire Interprette de sa Majesté. Reveuë et augmentée de beaucoup en cette derniere Édition. Rouen, Jean Berthelin. 1645, 8°. (Je cite, quand cela est nécessaire, l'édition originale : Grammaire françoise rapportée au langage du temps. Par Anthoine Oudin... Paris, chez Pierre Billaine, 1632, 8°).
C. et A. Oudin = Seconde partie du Tresor des deux langues françoise et espagnolle, par César Oudin, nouvellement revue et augmentée par J.-M. Bruxelles, Jean Mommart, 1660, 4°.
P
Paliot. Voir à Le vray orthographe françois.
Paris ridicule et burlesque au XVIIe siècle, éd. P. L. Jacob. Paris, Delahays, 1859, 8°.
Parnasse. Voir à La Pinelière.
Pascal, Prov. Provinciales, éd. Faugère. Paris, Hachette, 1866, 2 vol. 8° (Coll. des Grands Ecrivains) ; — Pensées, éd. Havet. Paris, Delagrave, 1887, 2 vol. 8°. — Je cite quelquefois, en marquant éd. Mol., l'édition Molinier. Paris, Lemerre, 1877, 2 vol. 8°.
Pasquier (Est.). Voir au tome II, p. XXV.
Pasq. de la Court = Pasquil de la Court pour apprendre à discourir, dans Le Salyrique de la Court, 1624, 8°. V. H. L., III, 241.
Pass. du Card. de Rich. = Passage du Cardinal de Richelieu à Viviers. V. H. L., VII, 339.
Patru. Les notes qu'il a données sur les Remarques de Vaugelas sont dans Vaugelas, éd. Chassang ; — Plaid. = Les Plaidoyers. Lyon, Hil. Baritel, 1698, 4°. — Je cite exceptionnellement une édition de 1681. Paris, Cramoisy, 8°.
Peir., Let. à Dup. = Lettres de Peiresc aux frères Dupuy, publiées par Philippe Tamizey de Larroque. Paris, 4° (Coll. des Doc. inédits).
J. Peleus, Histoire de Henry le Grand. Paris, Fr. Huby, 1613, 8°.
Pellisson, Hist. de l'A. Voir à Livet.
------------------------------------------------------------------------
XXVIII HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Perm. aux Serv. = La permission aux servantes de coucher avec leurs maistres... S. l. n. d. V. H. L., II, 243.
Perrault (Ch.), Paralelle des Anciens et des Modernes. Dialogue. Paris, Vve J.-B. Coignard et Coignard fils, 1692, 3 vol. 12°.
Perroniana. Col. Agrippinoe, 1691, 12°.
Perrot d'Abl., Apopht. = Perrot d'Ablancourt, Les apophtegmes des Anciens. Paris, Th. Jolly, 1664, 8°.
Petit, Dial. sat. et mor. = Dialogues satyriques et moraux. Amsterdam, P. Mortier, 1688, 8°.
Pichou, Fol. de Card. = Les Folies de Cardenio. Tragi-comédie. Dédiée à Monsieur de Sainct Simon, par le sieur Pichou. Paris, chez Franc. Targa, 1633, 8°.
Plaisant galim. = Plaisant Galimatias d'un Gascon et d'un Provençal... Paris, 1619. V. H. L., II, 275.
Plais, ruses = Les Plaisantes ruses et cabales de trois bourgeoises de Paris, 1627, 8°. V. H. L., VII, 29.
Poésies choisies de M. M. Corneille, Bensserade. Paris, Ch. de Sercy, 1653,12°.
Poisson, suivi du titre d'une pièce, renvoie à Les OEuvres de M. Poisson, nouv. éd. Paris, Vve Ribou, 1723, 12°.
Pont-Breton des procur. = Le Pont-Breton des procureurs, 1624. V. H. L., VI, 253.
Portraict de la la vray e Amante, contenant les Estranges avantures de Calaris et la Parfaicte contenance de L isbye, par Jean d'Intras, 1604, 12°.
Pot aux Rozes = Le Pot aux Roses decouvert du plaisant voyage fait au Bois de Vincennes. Paris, s. d. V. H. L., VII, 199.
Pres, des fiev. = Le preservatif des fievres malignes de ce temps, par Rodolphe Le Maistre. 2e éd. Paris, Abel L'Angelier, 1620, 12°.
Promen. du Cours, 1630 = La Promenade du Cours à Paris. V. H. L., IX, 125.
Prom. du Cours, 1653 = La Promenade du Cours à Paris, en 1653. V. H. L., X, 25.
Purg. des prison. = Le Purgatoire des Prisonniers, envoyé au Roy. V. H. L., VIII, 201.
Q
Quatrains au Roy sur la façon des harquebuses et pistolets. Paris Rocolet, 1631. V. H. L., VI, 131.
Quinault, suivi du titre d'une pièce, renvoie à : Le Théâtre de Monsieur Quinault, contenant ses tragedies, comedies et operas. Nouvelle édition. Paris, Comp. des Libraires, 1739, 5 vol. 8°.
------------------------------------------------------------------------
ABREVIATIONS XXIX
R
Racan = OEuvres complètes de Racan, nouvelle édition, revue et annotée, par Tenant de Latour. Paris, 1857, 2 vol. 8°. Bibl. elzév.
Ramus. Voir au tome II, p. XXVII.
Rec. de Rond., 1639 = Recueil de divers Rondeaux. Paris, Courbé, 1639, Comp. des Libraires, 16°.
Recueil de quelques vers burlesques de M. Scarron. Paris, Toussainct Quinet, 1645, 8°.
Recueil des Enigmes de ce temps. Paris, Loyson, 1661, 12°.
Recueil Rosset, 1618. Voir à Del. de la po. fr.
Recueil des plus beaux vers de M. M. Malherbe, Racan, Maynard... Paris, Mettayer, 1638, 8°.
Reg. des Merc. de Paris = Registre des délibérations et ordonnances des Marchands merciers de Paris, 1596-1696, éd. Saint Joanny. Paris, Willem, 1878, 8°.
Regnard, OEuv. = OEuvres complètes. Paris, Ad. Delahays, 1854, 2 vol. 8°. (La Foire St Germain de Regnard et Dufresny se trouve au tome II de cette édition.)
Regn., Sat. = Régnier, OEuvres, éd. Courbet. Paris, Lemerre, 1875, 8°. Je cite quelquefois la XIIIe Satire, d'après l'édition que j'en ai donnée avec mes élèves. Paris, Société Nlle de Librairie et d'Édition, 1-900.
Rej. des fem. sur la def. des tavernes = La réjouissance des femmes sur la deffense des tavernes et cabarets. Paris, 1613, 8°. V. H. L., X, 175.
Relation veritable de ce qui s'est passé au royaume de Sophie, depuis les troubles excitez par la Rhetorique et l'Eloquence. Avec un discours sur la Nouvelle Allegorique. Paris, Charles de Sercy, 1659, 12°.
Remontrance aux Femmes et aux Filles de la France. V. H. L., IV, 361.
Renc. et nauf. de trois Astr. = Rencontre et naufrage de trois astrologues judiciaires... Paris, 1634. V. H. L., II, 211.
Rep. du Cap. Guil. = Reproches du capitaine Guillery faits aux Carabins, Picoreurs et Pillards de l'armée de Messieurs les Princes. Paris, 1615, 8°. V. H. L., 71.
Resp. des Serv. = La responce des Servantes aux langues calomnieuses qui ont frollé sur l'ance du panier ce caresme. Paris, 1636, 8°. V. H. L., III, 101.
Req. des Dict. = La Requeste des Dictionnaires [de Ménage]. Au tome I de l'Histoire de l'Académie, éd. Livet. Les chiffres indiquent la page de ce tome.
Retz = OEuvres, édit. Alph. Feillet. Paris, 1870 (Coll. des Grands Ecrivains).
------------------------------------------------------------------------
XXX HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Reynier, Rom. Sentim. = G. Reynier, Le roman sentimental avant l'Astrée. Paris, A. Colin, 1909, 12°.
R. Franc., Merv. de Nat. = Essay des Merveilles de nature et des plus nobles artifices, pièce très necessaire à tous ceux qui font profession d'Eloquence par René François, predicateur du Roy (pseudonyme d'Etienne Binet). Rouen, Jean Osmont, 1636, 8°. Comme l'auteur a beaucoup emprunté, il est possible qu'un certain nombre des formes de langage que j'ai relevées dans son livre appartiennent à ses modèles, il n'en est pas moins vrai qu'il a cru possible de les conserver.
Rhétor. fr., 1615 = La Rhétorique françoise par P. B. Paris, 1615, 12°.
Rich. ou Richel. = Richelet, Dictionnaire françois. Genève, Herman Widerhold, 1680,4°.
Richel., Mém. = Mémoires et testament du Cardinal de Richelieu, dans la Nouvelle collection des Mémoires relatifs à l'Histoire de France, par Michaud et Poujoulat, tome XXIII. Paris, 1854, 4°.
Richer, Ov. bouf, ou Ov. = L'Ovide bouffon ou les Métamorphoses travesties en vers burlesques. Paris, Est. Loyson, 1662, 12°.
Rôle des présentations. Voir à Sorel.
Rom. du Chev. de la gloire = Le Romani du Chevalier de la Gloire, dédié à la Reine Régente, par Fr. de Rosset. Paris, Fr. Huby, 1613, 8°.
Rom. bourg. Voir à Furetière.
Rosset, Délices de la p. fr. Voir à Délices.
Rotrou, OEuvres. Paris, Desoer, 1820, 5 vol. 8°. — Je cite aussi le Théâtre choisi, éd. L. de Ronchaud. Paris, 1882, 2 vol. 12°.
S
St-Am. = Saint-Amant, OEuvres complètes, éd. Livet. Paris, Jannet, 1855, 2 vol. 12°. Bibl. elz.
Sarasin, OEuv. = Les OEuvres de M. Sarasin. Paris, Aug. Courbé, 1656, 4°. A la suite: Poésies.
Sat. de la Court — Le Salyrique de la Court, 1624, 8°. V. H. L., III, 241.
Les Satires de Juvenal et de Perse en latin et en françois de la traduction de M. D. M. Paris, Guillaume de Luynes, 1653, 8°.
Scaliger, Lettres. Voir au tome II, p. XXVIII.
Scarr. ou Scarron, R. C. ou Rom. com. = Scarron, Roman comique, éd. Fournel, 2 vol. 12°, Bib. elz. ; — Virg. = Virgile travesti en vers burlesques. Paris, Mich. David, 1705, 2 vol. 12°; — OEuv. = Les OEuvres. Paris, ib., 1700, 2 vol. 12° ; — Dem. OEuv. = Les dernières oeuvres de Monsieur Scarron, Divisées en deux Parties. Contenantes plusieurs Lettres amoureuses et galantes, Nouvelles histoires, plusieurs pieces tant
------------------------------------------------------------------------
ABREVIATIONS XXXI
en vers qu'en prose, Comedies et autres. Le tout rédigé par un de ses amis. Paris, 1700, 2 vol. 12°. Scudéry. Voir à De Scudéry.
Le Secrét. de la Cour = Le secrétaire de la Cour ou la manière d'escrire selon le temps. Augmenté des compliments de la langue françoise. A M. de Malherbe. Paris, Adrian Bacot, 1647, 12°.
Segr. ou Segrais, OEuvres. Paris, Durand, Damonneville, 1755, 2 vol. 12°; — Nouv. franc. — Les Nouvelles françoises ou les divertissemens de la princesse Aurélie. Paris, Antoine de Sommaville, au Palais, 1657, 2 vol. 8°. On cite les numéros des nouvelles, et la page (la deuxième nouvelle seule est paginée à la suite de la première, les autres ont une pagination à part).
Séjour des Muses. Voir à Cresme des bons vers.
Senecé, OEuv. = OEuvres choisies de Sénecé, éd. Em. Chasles et P. A. Cap. Paris, 1855, Bib. elz.
Sentiments de l'Académie sur le Cid. Je cite d'après Corneille, t. XII, 441 et suiv.
Sercy. Voir à Poésies.
Serm. du Cordel. aux Soldats = Sermon du Cordelier aux Soldats, ensemble la Responce des Soldats au Cordelier. Paris, 1612, 8°. V. H. L., II, 334. Six nouv. Voir à d'Audig.
Sr Chantai, Let. = Lettres de Ste Mere Rabulin-Chantal, éd. Barthélemy. Paris, 1860, 8°. Toutes les lettres citées sont dans le tome I.
Som. = Somaize, Le Dictionnaire des Précieuses, éd. Ch. L. Livet, 1856, 2vol. 8°. Bib. elz. Les chiffres romains renvoient au Grand Dictionnaire ou Clef des ruelles, les chiffres arabes au Grand Dictionnaire., historique, poetique, 1661, qui lui fait suite, au tome I de l'édition citée.
Sorel, Berg. extr. ou extrav. = Le Berger extravagant. Où parmy des fantaisies amoureuses on void les impertinences des Romans et de la Poésie. Rouen, Jean Osmont, 1639, 3 vol. 8° ; — Bib. franc. = La Bibliotheque françoise, de M. C. Sorel Premier Historiographe de France. Seconde édition, reveüe et augmentée. Paris, par la Compagnie des Libraires du Palais, 1667, 8° ; — Conn. d. bons liv. = De la connoissance des Bons livres ou examen de plusieurs auteurs. Amsterdam, chez Henry et Theodore Boom, 1672, 12°. Je cite aussi, en le marquant, l'édition de Paris, André Pralard, 1671, 12° ; — Franc. = La vraye histoire comique de Francion, composée par Nicolas de Moulinet, Sieur du Parc, gentilhomme lorrain, soigneusement revûë et corrigée dans cette nouvelle édition. Leyde, Henry Drumond, 1721, 2 vol. 8°; — Mais. d. Jeux = La Maison des Jeux. Paris, Le Roy, 1642, 8° ; — Loix de la galant, dans le Nouveau Recueil des Pieces les plus agreables de ce temps. Paris, de Sercy, 1644, 8° ; — Polyand. = Polyandre, Histoire comique, où l'on voit les diverses humeurs et actions de plusieurs personnes agreables, qui sont entre autres. Le Poëte grotesque. L'Amoureux universel. Le fils de Par-
------------------------------------------------------------------------
XXXII HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
tisan. L'Alchymiste trompeur. Le Parasite ou Escornifleur. Paris, Courbé, 1628, 2 vol. 8° ; — Rôle des presentations aux grands jours de l'éloquence françoise, 1634, d'après la réimpression contenue dans le tomel de l'Histoire de l'Académie, éd. Livet (je cite cependant quelquefois le texte des Variétés historiques et littéraires I, 127). Il n'est pas absolument sûr que cette pièce soit de Sorel ; — Disc, sur l'A. = Discours sur l'Académie françoise, d'après l'Histoire de l'A., éd. Livet, I, 468 et suiv. Le chiffre indique la page de ce tome 1.
Soulas. Voir au tome II, p. XXIX.
Stille de l'Orateur, où se voient les marques par lesquelles les anciens et les modernes se sont rendus éloquens,... Paris, 1644, 8° (Maz. 20491).
Style des Courtis. = La descouverture du style impudique des courtisannes de Normandie à celles de Paris. Paris, 1618, 8°. V. H. L., I, 333.
Slimmimachie, ou Carneau, Stimm. = La Stimmimachie ou le grand combat des medecins modernes touchant l'usage de l'antimoine. Poëme historicomique, dedié à Messieurs les medecins de la Faculté de Paris. Par le sieur C. C. Paris, Jean Paslé, 1656, 8°.
Sur l'enlèvement des reliques de Saint-Fiacre, aportées de la ville de Meaux pour la guerison du derrière du C. de R. V. H. L., VII, 231.
T
Tab. = OEuvres complètes de Taharin avec les rencontres, fantaisies et coq-à-l'âne facétieux du Baron de Gratelard et divers opuscules publiés séparément sous le nom ou à propos de Taharin., éd. Gustave Aventin. Paris, Jannet, 1858, 2 vol. 12°. Bib. elz.
Le tableau de la parfaitte amitié, mis en françois par feu M. Du Perron, Archevesque de Sens... Dédié à Mr par R. L. M. Parisien. Paris, René Le Masuyer, 1624, 12°.
Tall., Hist. = Tallemant des Réaux, Les Historiettes. 3e éd. Montmerqué et Paulin Paris. Paris, Techener, 1854, 8°.
Temp. d'Apoll. = Le Temple d'Apollon. Rouen, Raph. du Petit Val, 1611, 12°.
Thaulère, Inst. div. = Les Institutions divines et salutaires enseignements du R. P. Thaulère. Rouen, chez Jacques Besongne, 1643, 8°.
Théât. d'Eloq. = Theatre de l'Eloquence françoise, ou recueil choisy de Harangues, Remontrances, Panegyriques, Oraisons funebres, Plaidoyers ; et autres actions publiques les plus curieuses de ce temps. Lyon, 1656, 4°. Les Harangues, les Remontrances, etc., sont paginées à part.
1. Si à une citation de Sorel, j'ajoute le nom Roy, c'est que j'emprunte la citation au livre de M. Roy : La vie et les oeuvres de Ch. Sorel, sieur de Souvigny, 1891, 8°.
------------------------------------------------------------------------
ABRÉVIATIONS XXXIII
Théoclée. Voir à Cotin.
Théoph., 1641 = Les oeuvres de Théophile, revues, corrigées, et augmentées en cette dernière édition du sieur de Mayret. Paris, Ant. de Sommaville, 1641, 12°. — Je cite d'ordinaire Théophile d'après les OEuvres. éd. Alleaume. Paris, Jannet, 1856, 2 vol. 12°. Bibl. elz.
Th. Corneille. Voir à Corneille.
Tristan l'Herm., Vers hér. = Les vers héroïques, du sieur Tristan Lhermitte. A Paris, se vendent chez l'autheur, 1648, 4°.
Trompeté françois (Le). S. L, 1609, 12°.
V
V. den Ende. Voir aux Dictionnaires, p. 266.
Vaudevilles de Cour. Voir à Airs et vaudevilles.
Vaugelas, Remarques sur la langue française, éd. Chassang. Paris, 1880, 2 vol. 8°. — Les remarques posthumes commencent à la page 375 du tome II. Je cite quelquefois ces Remarques posthumes d'après l'édition donnée par Aleman. Paris, 1690, 12°.
Vavassoris (Francisci) societ. Jesu, De Ludicra dictione Liber in quo tota jocandi ratio ex veterum scriptis aestimatur. Lutetiae Parisiorum, Apud Sebastianum Cramosium, architypographum regium, 1658, 4°.
Vér. des Fab. = La Vérité des Fables, ou l'histoire des Dieux de l'Antiquité. Paris, Henry Le Gras, 1648, 2 vol. 8°.
V. H. L. = Variétés historiques et littéraires. Recueil de pièces volantes rares et curieuses, en prose et en vers, revues et annotées par M. Edouard Fournier. Paris, P. Jannet, 1885, 10 vol. 12°. Bib. elzév. Je cite toutes les pièces de ce vaste recueil par un abrégé de leur titre, qu'on trouvera expliqué à son ordre alphabétique.
Videl, Mêlante. Voir à Mélante.
Vie genereuse des Mercelots, Gueuz et Boesmiens, par Pechon de Ruby, avec un Dictionnaire en langage Mesquin. Lyon, Jean Jullerion, 1596. V. H. L., VIII, 147.
Vigor, Sermons. Voir au tome II, p. XXVIII.
Vivante Filonie (La) par M. Faure. Paris, Jean Gesselin, 1605, 12°.
Voiture, OEuv., éd. Roux = OEuvres de Voiture, nouvelle édition revue et corrigée, augmentée de la vie de l'auteur, de notes et de pièces inédites, par Amédée Roux. Paris, Firmin-Didot, 1858, 8°; — éd. Uz. = Lettres de Voiture, éd. Octave Uzanne. Paris, Jouaust, 1880, 2 vol. 12° ; — Po. = Les Poésies, à la suite des OEuvres. 4e éd. Paris, Courbé, 1654, 4°. — Le mot List, ajouté à une citation de Voiture, signifie que l'exemple est pris à List, Syntaktische Studien ueber Voiture (Franzoesische Studien, 1881).
Vr. oronos. de M. Gonnin = Vraye Pronostication de Me Gonnin pour les mal-mariez, plates-bourses et morfondus, et leur repentir. Paris, Nicolas Alexandre, 1615, 8°. V. H.L., V, 209.
------------------------------------------------------------------------
XXXIV HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Y
Yrion et Pasithée = Les tragiques amours du fidel' Yrion et de la belle Pasithée, où se voit combien peut un' amour honorablement et sainctemenl poursuyvie. Paris, J. Canut et Helie Mareschal, 1601, 12°.
z
Zelinde, comédie, ou la veritable critique de l'escole des femmes, et la critique de la critique (1663), éd. Bib. Jacob. Genève, Gay, 1868, 12°. (Nouv. coll. Molièresque).
------------------------------------------------------------------------
LIVRE PREMIER
LA RÉFORME DE LA LANGUE. LES HOMMES, LES INSTITUTIONS, LES OEUVRES
CHAPITRE PREMIER
LA LANGUE AU DÉBUT DU XVIIe SIÈCLE. MALHERBE
Quand la science sera plus avancée, quand des éditions critiques permettront de suivre, chez un Ronsard ou un Amyot, les remaniements de la forme écrite, quand des dépouillements comparatifs auront montré ce qu'il faut tenir pour général et ce qu'il faut considérer comme personnel dans la langue des divers écrivains, le jour où en particulier il sera possible de démêler les influences dialectales, le français du dernier tiers du XVIe siècle apparaîtra bien différent du tableau qu'il m'a fallu en donner.
On a surtout jusqu' ici montré les aspirations, les audaces des novateurs de 1550, tout l'élan d'une génération jeune, éprise d'art et enivrée d'antiquité. Comment et quand cet élan se brisa, après quels échecs les maîtres lassés battirent en retraite, alors que la foule des disciples se ruaient encore à l'assaut, en répétant les formules des chefs comme cris de guerre, cela reste à exposer eu détail. Car s'il est facile d'apercevoir les effets et les résultats, les causes sont beaucoup moins visibles, étant souvent négatives. Ce ne sont point des adversaires qui ont triomphé des prétentions de la Pléiade, c'est l'opposition sourde d'un public anonyme, lassé et dégoûté, que toutes les satires du goût du « Poète courtisan » n'ont pu convertir à l'idée de faire une langue littéraire accessible aux seuls « doctes ».
On se figure trop volontiers que c'est après les guerres civiles, une fois la paix religieuse et la paix politique rétablies, que
Histoire de la Langue française. III. 1
------------------------------------------------------------------------
2 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
commença la réaction. On la fait coïncider avec le retour de l'ordre qui suivit le triomphe définitif de Henri IV. Que cette restauration ait été favorable à la reprise de la vie de société et par suite à la grammaire de salon, cela ne fait point question.
Mais le besoin de sagesse dans la langue, le sentiment de la « démesure » où s'étaient laissé entraîner les poètes de la Pléiade est bien antérieur. Desportes, du Perron, Bertaut l'ont eu très net. Si l'analyse de leur « écriture» laisse voir des négligences, tout au plus des libertés, elle ne montre plus d'audaces voulues, ni de hardiesses systématiques, comme celle d'un du Bartas ou d'un d'Aubigné. C'est que tous trois sont trop de la Cour pour ne pas savoir où en est le goût public, et ils n'ont ni le courage ni le désir de le choquer. Ils sont prêts à obéir à des tendances qu'ils sentent sans les analyser. En revanche, l'idée ne leur viendrait point d'ériger en règle les opinions exprimées autour d'eux et de s'astreindre à une discipline rigoureuse. Du Perron avait fait une grammaire, dit-on ; elle est perdue, et c'est dommage, mais à voir les retouches qu'il apporte à son oraison funèbre de Ronsard dans l'édition de 1611, il n'était pas homme à dresser le nouveau Code de la langue, il lui manquait la férule et les lunettes de Malherbe.
En 1605, Malherbe fut présenté à la Cour, et les choses changèrent. La réaction, un peu vague jusque-là, acheva de se dessiner, elle avait trouvé un chef.
Peu d'hommes ont été mieux faits que celui-là pour prendre la direction d'un mouvement. Sans respect d'aucune sorte, même pour les gloires les mieux assises, d'une brusquerie native, à laquelle il ajoutait encore par calcul, gardant dans sa maturité l'humeur agressive des débutants, il eût été, même pour des adversaires solides et organisés, un ennemi redoutable ; l'ombre de la Pléiade et Desportes vieilli ne comptaient pas devant lui. En outre, ce qui en faisait un révolutionnaire complet, il était doué non pour détruire seulement, mais pour reconstruire. A peu près en pleine possession d'un talent qu'il avait fortifié et corrigé longtemps par un travail réfléchi, de principes qu'il avait appliqués lui-même à un art où jusque-là on n'avait guère compté que sur la fantaisie, confiant dans la valeur de son esprit et de sa méthode jusqu'à l'orgueil, il apportait deux choses essentielles à un maître : une doctrine et l'assurance nécessaire pour l'imposer. Aussi le jour où, pour un méchant mot, il rompit avec Desportes, éclata une querelle qui ne pouvait pas ne pas éclater.
Force m'est d'isoler ici ce que j'ai essayé de synthétiser ailleurs.
------------------------------------------------------------------------
LA LANGUE AU DEBUT DU XVIIe SIÈCLE. MALHERBE 3
Toutefois, je suis obligé de le rappeler, les mille et une remarques détachées, que Malherbe a jetées dans son Commentaire sur Desportes et qui tiennent à peu près lieu des traités qu'il n'a jamais voulu donner, constituent une méthode poétique complète, où les observations sur la versification, le style et la langue se fondent dans une unité si parfaite qu'il est souvent difficile de savoir dans quelle catégorie les ranger. Je ne retiendrai naturellement que celles qui concernent le langage ; Malherbe n'eût pas admis qu'on fractionnât ainsi son oeuvre réformatrice.
Qu'on doive écrire en français et non plus en latin, ce n'est plus une question pour Malherbe. A l'Université quiconque parle français est passible du fouet. Sur le Parnasse, Malherbe eût voulu qu'on établît la règle inverse et que les latiniseurs fussent passés par les verges (cf. II, 91). Mais précisément il lui paraît si simple qu'on use en tous les genres de la langue nationale, qu'il n'en subordonne l'emploi à aucune condition préalable 1.
Ses prédécesseurs avaient déclaré la langue pauvre et cherché à l'amplifier; il la juge, lui, assez et même trop riche, et s'étudie à l'épurer. Sur ce premier point essentiel, il les renie complètement ; ils avaient rêvé d'une règle, lui aussi en veut une, mais il la veut obligatoire, et ici il continue les hommes de la Pléiade en les dépassant, si bien qu'il en arrive presque à se mettre, là aussi, en contradiction avec eux. Son avènement marque un changement complet de régime pour le langage comme pour les lettres.
ÉPDRATION DU VOCABULAIRE. — Pour Malherbe, le principal mérite d'un écrivain, mérite auquel non seulement on doit subordonner mais même sacrifier tous les autres, consiste à écrire avec pureté. Il existe une règle du langage, elle s'applique à tous sans exception; personne, pas même le roi, n'a le droit d'y rien changer; aucun écrivain, pas même le poète, ne peut s'en licencier; loin que les prétendues licences soient quelquefois une grâce, aucune nécessité ne saurait les excuser. Règle infaillible, faute sans réplique, ces formules reviennent constamment sous la plume de Malherbe ; elles disent assez combien les temps avaient changé. Pour la première fois, depuis que la langue existait, on retournait le vieux brocard : verbis
1. Voir Doctr. Je cite sous ce nom le livre que j'ai publié à Paris, en 1891 : La Doctrine de Malherbe d'après son Commentaire sur Desportes.
L'histoire de la réforme grammaticale a été esquissée avec assez de bonheur et d'exactitude par Mlle Marie Minckwilz sous le titre de Beitroege zur Geschichte der franzoesischen. Grammatik im XVIIten Jahrhundert, Berlin, 1891.
Ajoutez-y lès recherches de Mlle Samfiresco sur Conrart grammairien (Mél. Brnnot, p. 303 et s.).
------------------------------------------------------------------------
4 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
imperare, non servire debemus. Le fait ne peut être assez mis en pleine lumière, il ouvre le règne de la grammaire, règne qui a été, en France, plus tyrannique et plus long qu'en aucun pays.
On comprend tout de suite, d'après ce qui précède, pourquoi Malherbe a voulu arrêter le débordement des nouveautés par lesquelles on avait cru jusqu'à lui développer la langue. Il y avait impossibilité absolue d'arriver à quelque stabilité, en tolérant ces apports incessants, incompatibilité complète entre la liberté d'inventer et le régime d'ordre qu'il prétendait instituer. J'ajoute qu'un autre eût peut-être eu scrupule de tarir les sources de la richesse ; Malherbe, pauvre d'invention, avait moins besoin que personne d'un vocabulaire abondant. Il transportait ses métaphores d'un endroit à l'autre comme les six chaises de paille de sa chambre, et ce déplacement suffisait à ses besoins de variété.
Aussi abandonne-t-il un à un les procédés que nous avons vu appliquer avant lui à l'amplification de la langue. Il réprouve d'abord, bien entendu, les emprunts, qu'il s'agisse de mots comme alme, cave, d'expressions comme larges pleurs, de constructions comme accuser pour un dieu, faire perdre la selle étendu contre terre qui sont.« bonnes en latin, mais ne valent rien en françois ». On n'est pas non plus en droit de dire attendre dans le sens de l'italien attender i faitti suoi, ni je vous veuille encherir mon amoureux soucy ; c'est une phrase espagnole (Doctr., 295 et s.).
De même jà, gonflé, paure iou, maint et maint, poursuivir, serrer la porte sont des mots de dialectes à rayer du langage courtisan (Ibid., 301 et suiv.). Le premier travail de Malherbe consiste à écarter tous ces éléments étrangers ; mais, quoique quelques-unes de ses boutades contre les Gascons soient restées célèbres, et que, suivant la tradition, il se fût donné pour mission de dégasconner la cour, il ne faut pas comprendre, suivant moi, qu'il s'est spécialement préoccupé des quelques mots qui se pouvaient entendre à Paris et qui venaient du pays d'« adiousias ». Purger la langue des éléments étrangers n'a même pas été sa principale affaire : le moment de l'importation systématique était passé. Il faut ajouter toutefois, pour être exact, que si l'invasion ne put recommencer avant deux siècles, le mérite en revient en grande partie à Malherbe, qui avait donné la direction. Après lui, écorcher les langues étrangères passa peu à peu pour une marque d'ignorance, au lieu d'être comme auparavant un signe de distinction.
Les mots de formation française proprement dite n'ont pas trouvé Malherbe plus indulgent. Il n'a pas eu l'occasion de se prononcer
------------------------------------------------------------------------
LA LANGUE AU DÉBUT DU XVIIe SIECLE. MALHERBE 5
sur les composés de Du Bartas, tels que babattre, ni de charger sur les épithètes chères à Ronsard : porte-ciel, aime-terre; Desportes y avait déjà à peu près renoncé, mais nul doute que ces « sottises » n'aient été les premières barrées dans l'exemplaire annoté de Ronsard que nous avons malheureusement perdu. Malherbe n'accepte même pas empourprer, qui n'a survécu que malgré lui, ni blonddoré, qui lui paraît ridicule dans ce joli vers :
Moissonnant tout joyeux les espis blons-dorez.
Les dérivés, même les plus conformes à l'analogie, sont proscrits avec la même rigueur. Il élague en particulier dans les adjectifs, dont la langue était cependant assez pauvre. Au premier moment il semble avoir pardonné aux diminutifs, sauf à quelques-uns, tels que doucet, pourpret, sagette, qu'il trouvait usés ou mal faits ; mais Un peu plus tard, revenant à son Desportes, il les condamne en bloc, (Doctr., 283-293).
Malherbe n'admet même pas qu'on fasse des substantifs avec des adjectifs, quoique ce soit à peine innover. On disait ma belle, ma cruelle, il n'en résulte pas le droit de dire ma dure, cette dure. De même, au clair de la lune n'autorise pas au vif de la flamme. Quoi qu'en ait dit Du Bellay, « ces adjectifs pour substantifs ne sont pas tous indifféremment recevables » (Ibid., 352). Ainsi de quelque côté qu'on se tourne, les bornes sont fixes et les limites étroites. On ne peut ni emprunter, ni créer, le règne du néologisme est fini.
Mais Malherbe pousse plus loin. Il ne lui semble pas supportable que tous les mots reconnus français soient reçus indifféremment dans la langue littéraire. Il faut écarter d'abord les termes techniques: comme caler, qui est de la marine, le niment, entamer, ulcère, qui appartiennent aux médecins, idéal, qui est un mot d'école. D'autres sont sales. On verra que c'est à lui que le mot poitrine dut d'être presque rejeté de l'usage.
Surtout il répète à satiété qu'il y a des termes ou des expressions « plébées », ainsi : faire conte, coup de fouet, fallace, etc., et. il les rejette. Il y aura désormais des mots nobles et d'autres bas dont certains genres pourront s'accommoder, non la haute poésie. Les distinctions des délicats des ruelles s'imposaient et devenaient loi (Ibid., 237 et s.).
Enfin, au lieu que l'ancienneté d'un mot le recommandât aux préférences des écrivains, elle le déclasse. Etre vieux, aux yeux de Malherbe, est presque même chose qu'être bas ; c'est en tout cas
------------------------------------------------------------------------
6 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
aussi infamant et aussi funeste (Doctr., 249 et s.). Ce « qui est banni du langage, doit l'être de l'écriture ».
Les mots du Palais ont à la fois ces deux derniers défauts. Ils sont vieux, étant figés dans des formules, et bas. En outre ils ont un caractère beaucoup trop technique pour entrer dans la langue littéraire, qui est la langue de la Cour (Ibid., 307).
On voit assez qu'il ne faut pas se tromper, comme l'a fait Vaugelas lui-même, à la fameuse boutade par laquelle Malherbe déclarait que ses maîtres pour le langage étaient les crocheteurs du Port-au-Foin (Ibid., 223 et s.). Voici ce qu'elle signifie, suivant moi. Malherbe n'admettait pas qu'on pût écrire un mot que les crocheteurs ne comprissent et ne connussent pas ; mais jamais il n'eût supporté qu'on écrivît, même en prose, même dans des genres familiers, certains des termes qui étaient le plus usuels dans le langage « ponceau » ; loin d'accepter en bloc dans sa crudité ce parler du Port-au-Foin, l'écrivain devait choisir, et se montrer très scrupuleux dans son triage.
Ainsi toute la doctrine de Malherbe sur le vocabulaire est essentiellement restrictive. Là, surtout, il a bien été un « docteur en négative ». Sans abandonner l'idée qu'il doit exister une langue littéraire distincte de la langue courante, il veut qu'on la constitue de tout autre façon que faisaient ses prédécesseurs : ce ne sont pas des additions, ce sont des retranchements qu'il s'agit d'y faire.
RÉGLEMENTATION DE LA LANGUE. — On verra en détail dans les chapitres qui vont suivre comment Malherbe a essayé d'ordonner ce qu'il ne supprimait pas dans les mots, les formes et la syntaxe ; il est descendu pour cela jusqu'aux dernières minuties. Sans doute on peut dégager de l'ensemble de grandes règles très importantes. Ainsi l'une commande de toujours faire suivre ne de pas et de point, sauf dans certains cas très spéciaux (Ibid., 467) ; l'autre, tout analogue, ordonne de toujours exprimer le pronom sujet des verbes (Ibid., 378). Préparées depuis longtemps par l'évolution de la langue, ces deux prescriptions devenaient pour la première fois absolues. Avec ce caractère elles sont toutes nouvelles. Je pourrais citer aussi, dans un autre ordre de faits, la condamnation des formes de temps périphrastiques : être tenaillant, aller couronnant, rendre soulagé. Depuis Malherbe, la périphrase avec aller a pu seule survivre, avec une nuance de sens spéciale (Ibid., 417).
Voilà des faits considérables. Mais ils ne sont pas plus caractéristiques de la nouvelle langue et de la nouvelle règle que d'autres plus minces, et tout à fait isolés. Quand, par ordre, on cessa d'em-
------------------------------------------------------------------------
LA LANGUE AU DÉBUT DU XVIIe SIÈCLE. MALHERBE 7
ployer à possessif (la fille à Galafron, Docfr., 473), que ni fut définitivement substitué à ne (Ibid., 487), que quand cessa de remplacer que, comme il le fait constamment en vieux français (Ibid., 490), la rupture avec la vieille langue, moins apparente, ne fut pas moins nette. Malherbe tenait autant à ces minuties qu'au reste. S'il eût dû classer ses observations par ordre d'importance, les plus spéciales n'auraient probablement pas tenu la dernière place. Ses adversaires lui reprochaient de regarder les textes avec des lunettes ; il était en effet avant tout un homme de détail.
Il est possible cependant de retrouver dans les préceptes qu'il a donnés les diverses tendances qui dominaient son esprit. Il est bien vrai que souvent il n'impose la règle que parce qu'elle est la règle, et qu'elle a en soi sa vertu propre. Mais souvent aussi il tend, ou au moins contribue, sans s'en rendre compte, à donner à la langue les qualités qu'il aime avant toutes.
La première de ces qualités est la clarté. Il la veut complète ; hésiter sur un texte équivoque, choisir entre deux sens est encore une peine, le lecteur doit pouvoir lire distraitement : « Je ne vous entends point, » dit-il souvent à Desportes, et la critique est des pires (Doctr., 185). Beaucoup de ses observations grammaticales se sentent très visiblement de ces préoccupations. Aucune exigence ne lui paraît excessive ; sur des vers aussi clairs que ceux-ci : Et par ma contenance, Mes pleurs et mes soupirs, Elle auroit connaissance, Que je sens bien ma faute... Malherbe fait semblant d'être arrêté, de ne savoir si mes pleurs n'est pas nominatif, et réclame la répétition de la préposition, comme il demandera ailleurs celle de l'article, de la conjonction ou du pronom, au risque de donner aux phrases une insupportable lourdeur (Ibid., 400, 471, 492).
En second lieu, pour écrire clair, il faut écrire juste. Malherbe s'en rend très bien compte, et une grande partie de son travail grammatical a consisté à donner à tous les éléments de la langue un rôle et une valeur bien précise. Le XVIe siècle avait laissé sous ce rapport à peu près tout à faire ; les confusions les plus grossières ne sont pas rares dans des poètes très soignés. Desportes écrira ses pour ces (Ibid., 389), soy pour lui : Un seul mauvais penser n'a place aupres de soy (Ibid., 388). Malherbe non seulement met fin à ces erreurs, mais applique toute sa finesse à distinguer, classer et définir sans relâche.
Malherbe a le sentiment très vif qu'il n'y a pas de synonymes : aspect n'équivaut pas à spectacle, ni même débile à faible, ou dormir à sommeiller. Toute cette partie de sa critique est très pénétrante, très solide, et inaugure dignement le beau travail que
------------------------------------------------------------------------
8 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
les analystes du XVIIe siècle devaient faire sur la sémantique, travail positif et fécond celui-là, puisqu'en distinguant les sens on multipliait en réalité les moyens d'expression.
Malherbe a apporté le même désir de classification rigoureuse dans l'examen des formes et des tours grammaticaux. Balzac se moquait qu'on fît de si grandes affaires entre pas et point. Je ne sache pas qu'en fait le « bonhomme » ait dogmatisé par écrit sur la vertu de ces deux particules, mais il s'est rattrapé sur une foule d'autres points. De quelque catégorie grammaticale qu'il s'agisse : genre, nombre, cas, degrés des adjectifs, personnes, voix, temps, modes, il n'en est pas une où le maître n'ait cherché à remettre quelque chose en sa place :
" Quand on lui disoit que quelqu'un avoit les fièvres en plurier, il demandoit aussitôt : Combien en a-t-il, de fièvres ? » Il n'admettait pas en effet qu'on usât du pluriel pour le singulier, comme on l'avait fait au XVIe siècle pour les besoins de la rime (Doctr., 354).
Dans ce genre d'observations, on pourrait citer et citer encore. Malherbe descend jusqu'aux subtilités ; il inaugure la fameuse distinction des passés, suivant qu'ils sont construits avec être ou avec avoir : « j'ai demeuré, dit-il, a un autre sens que je suis demeuré » (Ihid., 415); il cherche à élever la barrière, toujours franchie, entre les verbes transitifs et les intransitifs (Ibid., 426 et s.), ou même entre deux constructions du même verbe : éclairer quelqu'un et éclairer à quelqu'un. Il pose que la conjonction concessive bien que s'entend d'une chose douteuse, quand on l'accompagne du subjonctif : bien que vous fussiez ; qu'avec l'indicatif, au contraire, elle s'entend d'une chose certaine : bien que vous fûtes (Ibid., 440). Il analyse comme la grammaire classique les régimes des pronominaux : « Pour bien parler, il faut dire : ils se sont élu des rois. Si l'action fût retournée à l'élisant, il eût fallu dire : ils se sont élus, comme ils se sont blessés, ils se sont chauffés. Mais puisque l'action va hors de l'élisant, il falloit dire se sont élu » (Ibid., 456).
Enfin il prépare la séparation des participes et des gérondifs. Cette affaire, dit Balzac, était pour lui comme une question de frontière entre deux peuples voisins. Tout ironique qu'elle est, la comparaison exprime bien l'idée que Malherbe se faisait des classifications grammaticales ; elles étaient destinées à déterminer des possessions entre rivaux. A quelques exigences qu'ait donné lieu cette conception étroite, qui dure encore, il faut considérer qu'elle a assuré à la langue moderne un de ses mérites les moins discutés.
Je dois ajouter que Malherbe a entrevu ce que ses successeurs appelleront la netteté. Il a poursuivi les phrases sans construction.
------------------------------------------------------------------------
LA LANGUE AU DÉBUT DU XVIIe SIÈCLE. MALHERBE 9
même celles qui n'étaient qu'en apparence irrégulières (Doctr., 508) ; il a voulu les périodes suivies, symétriques, formées de membres égaux en valeur et de nature semblable. Mais je n'insiste pas sur ces remarques, qui sont plutôt de style que de langue.
,Le caractère commun de toutes les observations que j'ai citées jusqu'ici, on a pu le remarquer, et celui des centaines d'autres que j'ai dû omettre, est qu'elles ne constituent pas à proprement parler des nouveautés. Malherbe ne crée pour ainsi dire jamais. Sans doute il développe quelquefois. Son esprit logique l'entraîne de temps en temps à des généralisations excessives ; ainsi quand il simplifie la règle d'accord d'un verbe avec plusieurs sujets, jusqu'à vouloir que l'accord en pluriel soit toujours obligatoire (Ibid., 366). Mais en général il se borne à suivre l'usage, et c'est là le secret de son succès. On le voit clairement, lorsqu'on compare sa doctrine à celle des grammairiens contemporains, comme Maupas (1607), qui n'ont pu subir en aucune façon son influence. Ils sont par endroits plus archaïques que lui, mais les différences qui résultent des conditions respectives de chacun mises à part, l'accord entre Maupas et Malherbe est presque constant.
Le système de Malherbe serait présenté ici trop avantageusement, si je n'y signalais de graves défauts. Presque dans toutes les directions, Malherbe est allé trop loin. Sous prétexte de régularité, il impose à la phrase un tracé géométrique, supprime l'imprévu, tout ce qui fait par moments la hardiesse et le bonheur du tour. Il demande la clarté et ne s'inquiète pas des répétitions et des surcharges. Parce qu'il veut qu'on écrive avec précision, il irait jusqu'à rayer les nombres indéterminés, et voudrait empêcher de dire qu'on s'en est repenti vingt ou cent fois. Il épluche le lexique, mais avec une telle sévérité qu'il laisse tomber bien des mots nécessaires, qu'on regrettera pour la plupart de n'oser ramasser et qui seront perdus. Il se soumet à l'usage, mais jusqu'au point de se mettre parfois dans une posture fort gênante, comme lorsqu'il préfère supprimer le pluriel des mots en euil, indispensable cependant, pour la raison que les anciennes formes sont mortes et les nouvelles non encore approuvées (Ibid., 352). C'étaient là des exagérations incontestables. Il n'est pas jusqu'à la conception même de la règle et de son empire absolu qui ne fût discutable. Il semblait que la langue ne pût jamais échapper aux excès. Après avoir subi les inconvénients de l'anarchie, elle allait connaître ceux du pouvoir tyrannique ; on l'avait chargée d'ornements fastueux; maintenant, elle devait renoncer au luxe, et apprendre à faire grande figure avec une petite aisance, toute proche de la pauvreté.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE II L'OPPOSITION A MALHERBE
On pense bien qu'une doctrine d'une pareille austérité ne fut pas reçue sans protestation, quoique l'inclination des contemporains les fît en général pencher vers la règle et l'ordre. Tout le monde connaît la satire de Régnier à Rapin contre les regratteurs de mots ; Berthelot, Cl. Garnier, Théophile, Hardy, plusieurs autres refusèrent aussi de se soumettre (Doctr., 523-562).
Un opposant dont il n'a point été question jusqu'ici est Camus, qui, dans l'Issue aux Censeurs 1, ne ménage pas les novateurs, cette « secte langagère qui s'attaque au style », ces « puristes » qui prétendent « réformer la langue françoise » en la « purgeant des mauvais mots ». Au lieu d' « enrichir » l'idiome, ils l' « appauvrissent ». Sous prétexte d'en « oster les superfluitez », ils en « raclent le bon avec le mauvais, ainsi que font les médecines violentes ». Ils « vont tellement retranchans » que, « s'ils sont creus », ils « réduiront notre langage à la bezace et à une honteuse disette et mendicité ». Ils « abattent » en effet tant de mots qu'au lieu d' « édifier » ils ne visent qu'à « démolir », « comme si d'un païs de forest ils avoient entrepris de faire une Beausse ». « Il semble qu'ils aient juré la guerre aux Synonimes », et que « pour dire une chose il soit arresté dans leur privé conseil qu'il n'y aura plus qu'un mot ». « Esprits pédans », qui « croyent que chacun doit estre soumis à leur férule, ils veulent régenter l'Univers et y exercer une Pédagogie en forme d'empire ». Sous le nom spécieux de « Pigneurs 2 de notre langue, ne veulent-ils pas estre creus comme des Oracles, et faire passer sans contredict leurs censures pour des Arrests souverains » ?
Encore, « s'ils prenoient la peine de dresser une Rhétorique nouvelle avec une liste de bons ou mauvais mots ! » Mais non, ils jugent au nom de maximes imaginaires, qui n'ont substance que dans le creux de leurs cerveaux. Ils prétendent « passer leurs opinions pour
1. L'Issue aux Censeurs fait suite à Alcime, par M. l'Evesque de Belley, à Paris, chez Martin Lasnier, 1625. Voir p. 32, note 2.
2. Pigneurs est une correction. Le texte porte Pingeurs.
------------------------------------------------------------------------
L'OPPOSITION A MALHEBBE 11
règles de l'usage, et non pas recevoir l'usage pour règle de leurs opinions ». Non contents de « hocher la tête » si on leur cite Ronsard, du Bellay, Desportes, Bertaut entre les Poëtes, MM. le cardinal du Perron, du Vair, Coëffeteau, entre les Orateurs, ils « se désavouent eux-mêmes », « quand on leur allègue contre leur opinion présente quelque passage de ce peu qu'ils ont escrit par le passé ».
Toutefois, le seul adversaire qui ait discuté en détail les prescriptions et les arrêts de Malherbe, c'est une femme, la « fille d'alliance » de Montaigne, Mlle Le Jars de Gournay. Elle se constitua le défenseur des hommes du XVIe siècle, de leur style et de leur langue, contre ceux qui prétendaient les « déterrer du monument ».
Ses oeuvres se composent d'une trentaine de courts traités, réunis en un recueil qu'elle intitula d'abord l'Ombre et qu'elle réédita ensuite sous le titre d'Advis et Présens 1. Six seulement de ces traités nous intéressent ici : Du langage françois ; Sur la version des Poètes antiques, ou des Métaphores ; Des Rymes ; Des Diminutifs françois ; Deffence de la Poésie et du langage des Poetes ; De la façon d'escrire de MM. du Perron et Bertaut.
De ses griefs, le principal est que les nouveaux poètes ne s'o cupent qu'à « recribler la langue » (O., 594), « rejettans infinies choses en elle et n'en édifians aucune » (O., 190, Adv., 75).
C'est qu'à ses yeux, la qualité essentielle d'une langue n'est pas la clarté : « Si nous proportionnons un Escrit ou un Poësme pour « bien achevé qu'il soit, à toutes sortes d'esprits, la plus grande « part sont si bas, qu'il faudra que la compagnie nous remercie de « luy avoir servy un beau bouillon d'eau pure et claire » (O., 192) ; ce n'est pas non plus la pureté : « La simplicité ou pureté « n'est qu'une partie de la perfection d'une langue » (O., 186. Adv., 72), « tout ce qui n'est point de droict fil contre une langue « croissante encores, comme la nostre, est pour elle s'il luy peut « servir » (O., 575. Adv., 369) ; ni la douceur : « Leurs Poëtes... « coiffent du nom de douceur, la basse et foible estoffe d'une autre « phrase équivalente de sens qu'ils vous proposeront, moulée sur « le parler vulgaire : ne sachant pas, que « la vraye douceur des « langues, comme celle du vin, consiste en leur esprit et vigueur » « (O., 605-6, Adv., 394). Le grand mérite, c'est la richesse : « l'im« perfection en nostre langue, et la perfection en celles qu'ils par1.
par1. de la demoiselle de Gournay, oeuvre composé de meslanges, à Paris, chez Jean Libert, in-12, 1626. Les Advis ou les Présens de la demoiselle de Gournay,- à Paris, chez Toussaint du Bray, in-4°, 1634 ; id. 1641. (Nous désignons par Adv. la seconde édition des Advis).
------------------------------------------------------------------------
12 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
« loient, c'est-à-dire au Grec et au Latin, sont causes que l'inno« vation et l'augmentation sont necessaires pour nostre langue » et ne l'étaient pas pour ces deux autres antiques (O., 187-8 ; Adv., 73).
Accueillons donc les mots nouveaux, « l'estrangeté en est ordinairement passée en dix jours, à la faveur de l'accoustumance » (O., 571, Adv., 366).
Au lieu de biffer comme suspectes de vulgarité là moitié des « plus ordinaires, civiles et necessaires manières de parler », Mlle de Gournay n'en retrancherait pas une, « reservé demy douzaine que la seule lourde peuplace employe » (O., 587).
Telle est pour elle la théorie du vocabulaire : elle la résume d'un mot : « d'adjouster sans retrancher, c'est ce que nous cherchons » (Adv., 392).
Elle n'est pas plus sévère en matière grammaticale. A l'en croire, on n'a même pas besoin d'apprendre la syntaxe, « en laquelle... on ne peut broncher sans quelque effort..., tant son impression est naturelle ennous 1 » (O., 439, Adv., 269). Elle s'indigne alors des règles que les nouveaux poètes veulent imposer ; ce sont là détails « qui ne meritent pas le parler » (Adv. 2, 455). A quoi bon s'acharner à distinguer de si près dans et dedans, de ceste sorte et de la sorte, à déterminer si exactement le genre des mots? « Singulier repas que celui où on convie les modernes, devant une belle nape blanche, lissée, polie, semée de fleurettes, couverte de beaux vases clairs et luisants, mais pleins d'eau pure » (O., 439) ! Tout travail est vain, là où manque la « splendeur de liberté » (Ib., 636).
Les autorités en matière de langue ne sont point les regratteurs de mots, mais l'usage « maistre en de telles choses, j'entends... maistre devant la volée des grands Autheurs » (Adv. 2, 400). Une fois ceux-ci parus, il est bon de se souvenir que « la langue vulgaire est un joug roturier et servile » (Ib., id., 406). Aussi Mlle de Gournay veut-elle « escrire, rymer, et raisonner de toute sa puissance, à la mode de Ronsard, Du Bellay, Des Portes et leurs associez et contemporains..., et conséquemment à la mode aussi de M. le Cardinal du Perron et de M. de Seez, premiers reformateurs de cet art depuis ces trois fondateurs » (O., 942, Adv., 628).
Il est certain que Mlle de Gournay observe, qu'elle est informée, et qu'elle ne manque ni de clairvoyance, ni de raison. Dans son
1. « Je nomme en ce lieu syntaxe ou construction, l'air et la méthode d'un parler noble et majeur, espuré par un grand Siècle, un Siècle fort et magistral, sur les précédents inférieurs et foibles et s'il se peut dire, mineurs » (Adv. 2,400)
------------------------------------------------------------------------
L' OPPOSITION A MALHERBE 13
style, elle sème, malgré les longueurs et les redites, les mots vifs et les images heureuses. Mais où il eût fallu faire des réserves et des distinctions, elle s'enferme dans un absolutisme intransigeant, et souvent elle a moins l'air de défendre la liberté en elle-même, que de tenter l'apologie du passé, en se couvrant de la liberté.
Au reste, elle s'est sentie elle-même vaincue et elle a cédé. Si on compare le texte de l'Ombre à celui des Advis, on s'aperçoit qu'elle s'est corrigée. Assurément ces corrections n'étaient point faites avec minutie ; on voit la même faute, redressée ici, subsister là et ailleurs ; et si par exemple la vieille demoiselle ajoute, dans sa dernière édition, un nouveau paragraphe à ses anciens traités, elle retrouve naturellement sous sa plume, sans songer à les proscrire, les mots et les tours anciens, qu'elle pouvait employer sans scrupule dans sa jeunesse. Mais ce qu'elle a rédigé autrefois, ce qu'elle peut relire aujourd'hui et critiquer à tête reposée, elle essaie de le rajeunir.
Dès 1634, disparaissent quelques archaïsmes : appendances, estre adheurté à, mettre à jubé ; par avant, ouy, ains deviennent auparavant, voire, ouy bien ; je disais d'entrée est parfois remplacé par je disais tantost ; partout au rebours disparaît devant au revers. Elle efface aussi quelques anciennes constructions : ceste qualité mienne, ceste vostre prudence, quelque tel vice, dont est question. Enfin son maistre ou maistresse est changé en son. maistre où sa maistresse, à quoy sont ces doctrines commodes en à quoy ces doctrines sont-elles commodes, ne permets pas naistre une union, en ne permets pas qu'on voie une union.
En 1641, elle biffe toute une autre série de mots trop vieux, trop latins, ou trop bas : adonc, arroy, benignité, hienheurer, coulpe (mot qu'elle défend ailleurs Adv., 745), deterrer, au sens de détourner), dol, duire, emerveillable, emparer, floridité, jà (défendu ailleurs) se jacter, lors, las, matière (terme bas remplacé en plusieurs endroits par sujet, texte, substance, condition, etc.), moyenner, nature (sans article, remplacé par la constitution ou la naissance), opposite, ores, plani, polisseure (dans le sens de politesse), rais, revenger, riottes, rosoyer, souëf, tiers et quart, uherté et d'autres.
Elle raye aussi une dizaine de fois le mot maint pour lequel elle avait plaidé, elle remplace nul par aucun, durant par pendant, outre plus, par ensuite ou au surplus, d'abondant par davantage, cependant que par tandis que, néantmoins (d'abord très fréquemment employé) par toutefois, sauf par excepté, etc.
------------------------------------------------------------------------
14 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Les corrections grammaticales de 1634 sont aussi poursuivies et développées; l'article, absent de tant de constructions de l'ancienne langue reparaît là où le réclame l'usage moderne ; les mots estime, pleurs, caprice, d'abord féminins, passent au genre masculin, et les mots épithète, duché subissent la conversion inverse ; demander que c'est que est corrigé en demander ce que c'est que, quoi que c'en soit en quoiqu'il en soit ; l'usage des relatifs se restreint, et les formes assez lourdes lequel, duquel, auquel, tombent souvent ; parfois elle fait précéder l'adjectif tel de la préposition de, quoiqu'elle ait dit dans cette même édition de 1641 : « C'est faillir de dire : Il ne fut jamais en de telles affaires : puisque le babil superflu d'un de. se rend importun en tels endroits, quoy que puissent prescher nos Critiques » (Adv.2, 762). Même il lui arrive de devancer l'usage de son temps en ce qui concerne la place des pronoms ; elle corrigera par exemple je le leur vais enseigner en je vais le leur enseigner. L'emploi du participe présent, si libre encore au XVIe siècle, est fort restreint. La revision s'étend jusqu'à l'orthographe ; enfin l'auteur a tâché en beaucoup d'endroits d'éclairer ou d'alléger une phrase obscure et embrouillée. Il y a plus. En 1635, dans l'édition qu'elle donne de Montaigne, elle fait aux imprimeurs une concession contraire à tous ses principes, elle change quelques mots au texte de son père adoptif, qu'on eût cru inviolable 1.
Aucun de ses mérites réels n'a suffi à sauver Mlle de Gournay des quolibets et des farces des contemporains. Elle avait le tort d'être vieille fille et laide, elle parut vite ridicule. Avec sa « mie Piaillon », et sa servante Jamyn, fille naturelle du page de Ronsard, elle amusait les gens des cercles, de Boisrobert à Richelieu. Dans les pamphlets littéraires, la Requête des Dictionnaires ou la Comédie des Académistes, elle reparaît invariablement, comme un personnage de la comédie italienne. C'est elle qui tient le rôle grotesque de revenante de l'autre siècle. Étant intelligente, elle avait conscience de la vanité de ses efforts, et disait d'elle-même : « Je sens la deffaveur où je vis en mon siecle » (O., Adv. au lecteur, 3).
1. Voici comment elle essaie d'excuser ou d'atténuer le sacrilège : « Leur mesme priere expresse (des Imprimeurs) m'a contrainte, non pas de changer, ouy bien de rendre seulement moins frequens en ce livre, trois ou quatre mots à travers champ, et de ranger la syntaxe d'autant de clauses : ces mots sans nulle consequence, comme adverbes ou particules, qui leur sembloient un peu revesches au gousl de quelques douillets du siecle : et ces clauses sans aucune mutation de sens. » (Mlle de Gournay, Préface aux Essais de Montaigne, 1635 C. iij.)
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE III INFLUENCE CROISSANTE DE MALHERBE. SES CONTINUATEURS.
Au contraire, l'action de Malherbe alla toujours croissant. Bien au delà de sa petite école, du groupe formé par Racan 1, Maynard, Yvrande, Du Moustier, Colomby, quoiqu'il fût « comme une cabale où le vulgaire avait peine à pénétrer », son enseignement se répandait et agissait sur les esprits ; Malherbe devenait le pédagogue de la cour et des salons, le tyran, universellement reconnu, des syllabes.
Peu à peu les libraires écartent de leurs recueils les vers « à la vieille mode » pour faire place aux siens et à ceux de ses disciples 2. On rajeunit les anciens textes : en 1609, d'Audiguier publie un Amyot, revu et corrigé 3, les auteurs s'épurent eux-mêmes.
Partout triomphe la loi nouvelle, dont Malherbe est le prophète. D'Urfé, Coeffeteau viennent à lui comme à la source de toute pureté, Gombauld lui soumet ses doutes grammaticaux, Balzac l'avoue pour son père intellectuel, Vaugelas se forme à ses leçons. Bref, sa règle est généralement adoptée comme base de la langue qu'on doit écrire. L'idée même qu'il se fait de cette règle, de son y importance devient l'idée commune : désormais, quand on se séparera de lui, ou qu'on le censurera, ce sera d'après sa propre méthode, dans l'intérêt de cette pureté du langage qu'il avait tant aimée, en s'appuyant sur ce bon usage, dont il avait incarné le
1. Sur l'usage grammatical de Racan, et les libertés qu'il prend avec la doctrine de son maître, voir Arnould, Racan, Paris, A. Colin, 1900.
2. Après 1610, Desportes ne figure plus dans les recueils. Dans les Délices de la poésie françoise (1615), Rosset conserve encore quelques survivants du siècle précédent : du Perron, Bertaut, des Yveteaux : mais ceux qui tiennent la plus large place, c'est Malherbe et ses suivants : d'Urfé, de Coulomby, d'Avity, de Lingendes, Maynard, Touvant, du Moustier. Dix ans plus tard, ils seront seuls dans le Recueil des plus beaux vers de du Bray (1626), renforcés encore de Racan, Boisrobert, l'Estolle, Tristan, de Méziriac, Monfuron. Le Séjour des Muses ou la Cresme des bons vers (1627) contient des vers de Ronsard, mais avec un avis significatif de l'éditeur : « Jay voulu mesler ces pieces du Sieur de Ronsard, pour faire voir la différence du stile du passé au présent » (p. 201).
3. Cf. Huguet, Quomodo Jacobi Amyol sermonem quidam d'Audiguier emendaverit. Paris, 1894. 8°.
------------------------------------------------------------------------
16 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
respect. On ne sera plus contre lui qu'au nom de ses propres principes.
DEIMIER. — Un des premiers qui suivent le mouvement est ce Pierre de Deimier, arrivé de Provence peu de temps après Malherbe, dont l'Art poétique a paru en 1610 1. J'y retrouve, avec quelques divergences, beaucoup de règles chères à Malherbe sur l'omission de l'article (466), des pronoms (113, 446, 468), les constructions irrégulières du gérondif (445), les transpositions trop rudes (Ibid.), etc. J'y reconnais aussi sa haine, quoique atténuée, des archaïsmes et des néologismes, son sentiment que le français est suffisamment riche (369). Mais ce qui est plus significatif que ces rencontres de détail, c'est l'idée d'introduire toutes ces règles dans un livre de poétique, et le soin pris pour limiter la liberté du poète en matière de vocabulaire et de grammaire. Des chapitres entiers, le VIe et le VIIe, sont consacrés à combattre la licence et les prétendus droits des poètesBref ce livre fait un contraste complet avec ceux qui l'ont précédé.
Trois ans plus tard, dans une sorte de Gradus français, les Marguerites poétiques d'Esprit Aubert, Deimier est blâmé (au mot poème), mais l'auteur n'en suit pas moins son exemple, étudiant les vices de langage parmi les défauts des poèmes.
Il y avait eu au XVIe siècle un purisme théologique, désormais il y a un purisme grammatical. Camus proteste contre ce nom prétentieux de puristes que se donnent les nouveaux venus 2, mais il est bientôt universellement reçu 3, étant utile pour désigner' la nouvelle religion. Chapelain l'accepte (Guzm. d'Alfar., 1630, III, 7).
En dehors des ouvrages théoriques, les témoignages qui marquent l'importance croissante accordée à la pureté du langage abondent. Avant que Scudéry discute grammaire avec Corneille, et Dupleix avec Mathieu de Morgues, le P. Garasse est blâmé par ses censeurs pour ses métaphores et ses crudités. La grammaire est partout.
Balzac, tout en raillant Malherbe, dogmatisait aussi à ses heures. Il dit quelque part : « Quoy que Platon ait disputé des syllabes et des mots, ses disputes n'alloient pas à l'infini. Ils ne séjournoient pas. Ils n'habitoient pas dans la Grammaire, ils y passoient » (II, 594). Il a voulu lui aussi, « s'establir dans une plus heureuse contrée »r
1. L'Académie de l'art poetique... Paris, J. de Bordeaux. Priv. du 20 oct. 1609.
2. « Desja le nom de Puristes qu'ils se donnent mérite d'estre repurgé; que si leursjugements sur la langue Françoise (de laquelle ils se disent rechercher l'éloquence en la purgeant des mauvais mots] sont aussi mal bastis que leur tiltre, que se peut-on promettre de leurs censures qu'une pure extravagance » (Issue aux Censeurs p 582)
3. Les dictionnaires de Cotgrave, Monet, Oudin l'ignorent. Richelet l'acceptera, mais il fait encore scrupule à quelques-uns en 1687. Voir les Disloques satyriques et moraux de Petit, Au lecteur.
------------------------------------------------------------------------
INFLUENCE CROISSANTE DE MALHERBE 17
mais le Socrate chrestien, et déjà les Lettres prouvent que ces questions n'ont jamais cessé de préoccuper beaucoup le maître des beaux esprits. S'il plaisantait en demandant à Chapelain des préservatifs contre la contagion du galimatias et du gasconisme, c'était du moins très sérieusement qu'il surveillait sa diction et la pureté de son style 1. Fallait-il oser dire intrépide, introuvable ? Lequel valait le mieux de point ou de pointe du jour ? Comment prononçait-on eu : u, ou eü, comme à Paris 2 ? La crainte de perdre le bel air de la cour le remplissait de souci 3.
Voiture lui-même, adonné, semble-t-il, à des sujets plus légers, se laisse surprendre plusieurs fois à émettre, tout en se jouant, son avis sur des questions de langue. Une première fois, en 1631, il écrit à MUe de Rambouillet sa jolie lettre sur la suppression du car, que Gomberville avait affecté d'éviter dans son roman de Polexandre, ce qui donna lieu à une véritable guerre, célèbre dans l'histoire grammaticale 4.
Le Rôle des présentations s'amuse de cette rage de grammaire, qui a pris les gens du monde. Une « recommandaresse de nourrices » vient se plaindre qu'à son bureau on demande des femmes qui sachent bien la langue, « ce qui n'est pas de leur état 5 ».
De telles protestations n'avaient aucune portée. Dans les salons se continuait avec acharnement l'oeuvre de Malherbe. Un calme relatif des affaires en laisse le loisir, le sentiment que la beauté du langage est une des principales distinctions en donne le goût. On se passionne pour les mots ou les tours de phrase comme à
1. Voir plus loin les opinions qu'il a exprimées sur la superbe, affectueusement (ib.), brave (ib.), restes et reliques, sur le pluriel des abstraits, sur rendre et le participe passif, sur les verbes « neutres u, etc.
2. A M de la Roche-Hély, 15 nov. 1640 ; à M. de Bourzeys, 23 juin 1639; à Chapelain, 20 janv. 1640.
3. Le P. Goulu, quoique moins bien armé que son adversaire, n'en a pas moins porté la lutte plusieurs fois sur ce terrain (voir Lett. de Phyllarque, I, 332, II, 162 et ailleurs). Il reproche en particulier à « Narcisse » ses comme je sui, comme je fai : si je n'estoy pas vostre serviteur, comme je fay, tour que Vaugelas s'est cru obligé de défendre. De son côté le censeur était menacé d'une recherche exacte de ses fautes, « dont on avait recueilli un assez grand nombre pour en faire un juste Dictionnaire » (II, 703).
4. Voilure, OEuvres, édit. Roux, Paris, 1858, p. 180. Cf. sur cette histoire la Morphologie, chap. de la conjonction.
5. S'est presentée Guillemine, la revenue recommandaresse de nourrices, exposant que, quand elle presente quelqu'une de sa cognoissance pour estre nourrice en bonne maison, la première demande qu'on fait a ladicte exposante est si la nourrice qu'elle recommande sçait bien parler françois, ce qu'elle ne peut ny ne doit garantir, mais seulement, ce quy est de soi etat, que la nourrice a bon laict, est et sera tousjours, si Dieu plaist, de bonne vie, et mourra sans reproche : de quoi ne se conte tent pas les monsieux, disant qu'il faut à leur enfant une nourrice quy parle françois, et encore immatriculée au secretariat des Grands Jours de l'eloquence françoise, quy sont qu'elle n'entend point (Role des Presentations, 1634, V. H. L., t. 1, 137).
Histoire de la Langue, française. III. 2
------------------------------------------------------------------------
18 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
d'autres époques pour les idées philosophiques ou les doctrines littéraires. Tout un travail grammatical s'accomplit dans le monde, auquel la cour et la ville, les hommes et les femmes, les écrivains et les gentilshommes, Richelieu et Faret collaborent 1.
L'hôtel de la grande Arthénice donnait l'exemple ; au milieu des jeux et des futilités de la vie mondaine s'y glissaient des discussions sur le langage. Dans les autres cercles, on traitait des mêmes questions. Petit, dans ses Dialogues satiriques et moraux (1687), nous a conservé l'histoire plaisante d'une discussion chez Mlle de Gournay sur raffinage. Vraie ou fausse, l'anecdote peint bien une scène qui a dû se renouveler plus d'une fois dans ce monde, où la préciosité, sous d'autres noms, régnait déjà en maîtresse 2.
On ne saurait trop marquer l'importance de cette collaboration des grammairiens et des gens du monde. Elle est si grande qu'il est tout à fait impossible de séparer ce qu'ont fourni, d'une part la masse anonyme des gens de cour, de l'autre les écrivains et les théoriciens proprement dits, à la langue nouvelle qui s'élaborait. Jamais la fusion entre ces divers éléments n'a été si intime. Une opinion reçue dans un cercle a souvent fait loi à l'Académie, fréquentée par les mêmes hôtes ; elle a enfin été exprimée par Vaugelas, qui n'a fait que la rédiger 3. Aussi quand le Corpus de la grammaire française se fera, faudra-t-il tenir le même compte d'une digression prise à une lettre ou à un roman que d'une remarque de Vaugelas. Faute d'avoir ce Corpus, qui devra paraître un jour, la grammaire du XVIIe siècle appartient encore dans l'opinion à des hommes qui cependant ne l'ont pas faite. Personnelle, au XVIe siècle, l'oeuvre est, au XVIIe, collective, et ceux dont nous citons les noms ne doivent pas en être considérés comme les auteurs, mais seulement comme les rédacteurs.
1. On se rappelle que la tradition attribue à Richelieu l'introduction de la phrase Je lui ai dit d'aller au Louvre au lieu de je lui ai dit qu'il allât au Louvre. Mais nous savons de façon précise, et autrement que par la création de l'Académie, qu'il était parmi les puristes. Dupleix nous rapporte que lisant son Histoire, le Cardinal y trouva le terme d'avoler et le rejeta, puis « après avoir ouï ses raisons » il l'approuva (cf. plus loin, au Lexique, Des mots vieux).
2. Il y a dans les papiers de Conrart une bouffonnerie sur ce sujet, qui avait visiblement occupé une société. Voir ms. 4126, 10°, p. 204. Bibl. de l'Arsenal.
3. Voir par exemple dans Vaugelas., I, 352, sur la prononciation de arroser. Cf. I, 391 sur sarge. Patru a ajouté en note : « La grande Artenice m'a dit elle-mesme qu'elle est cause de la Remarque ; car l'auteur qui estoit pour sarge, voyant que ces trois consultans dont il parle dans sa préface, estoient pour serge, il en parla à cette Dame, qui alors estoit pour sarge, et qui maintenant a changé d'avis ».
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE IV LA THÉORIE DU BON USAGE
LE LANGAGE PÉDANT. — D'après le milieu où a été faite la nouvelle langue, et le caractère de ceux qui l'ont faite, on peut deviner déjà ce qui fut considéré alors comme le vrai français. Ce ne pouvait être que la langue de la Cour.
De la langue des savants il ne pouvait même être question. Leur montagne était un pays étranger, le pays latin. Quand ses habitants voulaient se servir de la langue vulgaire, il semblait qu'ils la parlaient comme on parle une langue qui n'est pas à soi, et on s'amusait de leur jargon, fait à la fois d'inexpérience et de sottise prétentieuse. Depuis des années, le pédant était un personnage classique de comédie 1, qui venait divertir le public, loin de pouvoir lui en imposer : lui attribuer une autorité quelconque sur le français, c'eût été à peu près la donner à un Bas-Breton ou à un Auvergnat. Le recteur Roze régentant l'usage, quelques années après la Ménippée 2, l'idée eût paru bouffonne à quiconque, et aux membres de l'Université plus qu'à personne.
En avançant, l'autorité du pédant ne s'accrut point, tout au contraire. Il faut entendre Garasse et les fils de Pasquier définir ce pédant
1. Voyez les Comédies de Larivey, le Laquais, le Fidèle, etc.
2. On se rappelle le doyen de Sorbonne se levant : Humiliate vos ad benedictionem, et postea habebitis haranguam, Pelvé incapable de parler français, et le recteur débitant son discours macaronique :
« Tres illustre, tres auguste et tres catholique synagogue, tout ainsi que la vertu de Themistocles s'eschauffoit par la considération des triomphes et trophées de Miltiades : Ainsi me sens-je eschauffer le courage en la contemplation des braves discours de ce torrent d'éloquence, monsieur le chancelier dé la lieutenance, qui vient de triompher de dire
« Or je ne veux icy refriquer les choses passées, ny capter votre benevolence par un long exorde, mais sommairement vous diray, messieurs, que la fille aisnée du roy, je ne dy pas du roy de Navarre, mais du roy que nous eslirons icy, si Dieu plaist et en attendant je diray la fille aisnée de Monsieur le lieutenant de l'Estat et couronne de France, l'université de Paris, vous remonstre en toute observance que depuis ses cunabules et primordes, elle n'a point esté si bien morigenee, si modeste, et si paisible qu'elle est maintenant par la grace et faveur de vous autres messieurs. »
Et à chaque instant les mots latins ou grecs lui viennent tout crus : « vous avez, inquam, si inquiné et diffamé..., se saouloient usque ad guttur.., ergo gluc... probo minorem a majori ad minus..., en conclure in modo et figura... faire royne in solidum, etc. »
------------------------------------------------------------------------
20. HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
et essayer de s'appliquer réciproquement la définition 1. Bientôt la qualification de pédant se généralisa encore. Ce ne fut plus seulement l'animal indécrottable dont parle le Francion (liv. IV, p. 21 ), ou l'homme qui affecte une science badine et qui s'en glorifie démesurément (Polyand., II, 413), ni même l' « instructeur de jeunesse » ridicule ou non (Ibid., I, 300-301, cf. Racan, I, 320), ce fut « à la mode des législateurs nouveaux », tout « écrivain » ou tout « sçavant » qui « n'espousoit pas la suitte de la Cour ou son goust » (de Gourn., O., 635). Si bien qu'il vint un moment où Sorel se demanda si vraiment tous les gens qu'on en accusait étaient nécessairement les « suppôts du prince Galimatias ».
La « Nouvelle allégorique » contient une satire aiguisée et plaisante de la « Rhétorique à la mode du siècle » : « Sans doute, c'est ce que l'autheur de la Nouvelle allegorique entreprend de faire lorsqu'il feint une Rhetorique à la mode de nostre Siecle, qui n'a autour d'Elle que des Madrigaux, des Ballades et des Bouts rimez, des Vers galants et des Billets doux ; qui tient pour Partisans du Galimatias tous les Gens de College avec la pluspart des Advocats et des Prédicateurs et qui principalement fait regner. l'Eloquence dans les Alcoves des Dames. Nous ne pretendons point oster à ce beau Sexe la gloire de la vivacité des pensées et de la pureté du Langage, mais encore permettra-t'il que nous croyions que les Loix de la Rhetorique sont assez bien entenduës aux Lieux où l'on les apprend ordinairement, et que les forces de l'Eloquence ne sont point mises en pratique plus heureusement que par les grands Prelats ou par les Hommes d'Estat et d'affaires, et que les belles Harangues qui se font devant les Roys et dans les Compagnies Souveraines, valent bien les Conversations des Ruelles, où l'on ne debite gueres que des Galanteries et des Jeux d'Esprit, et où d'estre Galand et d'estre Badin, c'est souvent mesme chose 2. » Et il retourna le compliment aux précieux, en les traitant de Pédants français 3.
1. Garasse, Rech. des rech., 110-111 ; cf. Défense d'Est. Pasq., 393-409.
2. Discours sur la Nouvelle allégorique et sur la Relation faite en suite (1659, p. 121-122, à la suite de la Relation du royaume de Sophie).
3. L'Allégorie est « une subtile invention pour se moquer de certains Hommes de nostre Siècle qui préfèrent quelques Bagatelles agréables à tout ce qu'il y a de sçavant et de curieux dans le Monde, et qui d'ailleurs pour deux ou trois petits Mots qui ne sont pas à leur goust dans un ouvrage le condamnent entièrement. Ces gens-là appellent Pedans, non seulement ceux qui s'amusent aux Vétilles de la Langue Greque et de la Latine, mais ils condamnent en général tous ceux qui s'apliquent à quelque étude curieuse; cependant ils ne prennent pas garde qu'ils méritent bien le titre qu'ils donnent aux autres, puis que toutes leurs occupations et toute leur Science
------------------------------------------------------------------------
LA THÉORIE DU BON USAGE 21
Toutefois, le siège des gens de Cour était fait. Il faut entendre Racan concéder aux pédants et aux Bas-Bretons d'écrire en prose française « comme l'on fait aux impotens de se promener au cours et aux Tuileries (II, 340) ». Vainement La Mothe le Vayer essaya de démontrer à Vaugelas que savoir les langues anciennes n'était ' pas inutile pour parler la nôtre. Même s'il eût bien posé la question, sa manière de voir n'eût pu prévaloir.
LE LANGAGE DU PALAIS. — Etait-ce le Palais qui allait donner le ton ? On eût pu le croire cent ans plus tôt.
Une des conséquences de l'ordonnance de Villers-Cotterets, qui prescrivait l'usage exclusif du français dans tous les actes de procédure et d'administration (cf. t. II, 30-32), fut que la langue technique de la justice dut se compléter immédiatement de tous les mots et formules nécessaires à la pratique, de façon à se suffire à ellemême, sans le secours du latin. Elle était seule, autour de 1530, parmi les langues techniques des sciences, qui se trouvât dans une si avantageuse nécessité. D'autre part, les gens de robe qui recevaient l'ordre de se servir de la langue commune dans l'exercice de leurs diverses professions constituaient l'élite intellectuelle du royaume. Presque seuls ils écrivaient et lisaient ; tôt ou tard, quelles que fussent leurs répugnances, ils devaient s'accommoder à écrire et à lire en' français. Dès lors la langue littéraire n'allait-elle pas être la leur, c'est-à-dire l'idiome commun pénétré de leur idiome professionnel, marqué par eux d'une forte empreinte parlementaire et judiciaire ?
Diverses causes empêchèrent ce résultat. D'abord, pour grand que fût le nombre des gens de lettres parmi les hommes de judicature, le souci d'avoir un style et d'écrire avec élégance était suspect parmi eux. Pasquier l'avoue tout franc : « Je ne dy pas que le bien dire ne soit une proprieté et vertu qui deust estre annexée à nostre estat : mais je ne sçai comme le malheur veut que la plus part de nous non seulement ne s'estudie d'user de paroles de choix, mais, qui pis est, le faisant il y a je ne sçay quelle jalousie qui court entre les AdvoCats mesmes, d'imputer non à louange,
ne s'étendent qu'autour de quelques menues observations de notre Langue et qu'ils peuvent estre véritablement appeliez Nos Pedans François ».
... Eux « qui se contentent de critiquer ne faisant que fort peu de choses eux mesmes, et de qui toute l'Eloquence ne consiste qu'à s'abstenir de quelques Paroles anciennes ; qui sçavent détruire plutôt qu'édifier; qui sont des Imitateurs serviles de ceux dont ils celent le mérite et la Gloire ; qui ne sont que des Entasseurs de lieux communs et des Larrons du bien d'autruy ; et enfin ceux dont les Escrits ne sont propres qu'à plaire sans aucune utilité » (Ibid., 124-127).
------------------------------------------------------------------------
22 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ains à une affectation, l'estude que l'on y veut apporter » (Pasquier, Let., 1586, 1. II, 12, L 51 v°).
En outre, au XVIe siècle, la langue judiciaire était déjà non seulement figée, mais figée dans un état archaïque. Le berger de Pathelin, le roué Thibaut l'Agnelet avait déjà pu faire semblant de ne point comprendre le jargon des gens de loi :
(Un) ne scay quel vestu de roié, Mon bon seigneur, tout desvoié, Qui tenoit ung fouet sans corde ...M'a parlé de vous, mon maistre Et ne scay quelle adjournerie Quant à moy, par saincte Marie ! le n'y entens ne gros ne gresle.
Et Marot, qui n'est point comme lui illettré, un jour qu'il avait été « fait confrère au diocèse de St. Marry, en l'eglise Sainct Pris », a affecté, pour amuser le roi, la même ignorance ingénue (Ep., XXVII, éd. Jannet, I, 191).
En vérité, vers 1550, un homme même instruit s'embrouillait déjà dans le grimoire du Palais, et c'est très sincèrement que Montaigne se demandait : « Pourquoy est-ce que notre langage commun, si aysé à tout aultre usage, devient obscur et non intelligible en contract et testament » (Ess., III, 13) ?
Les poètes ne furent point favorables au langage des gens du Palais. Quand Pasquier veut qu'on « les haleine par la praticque », il ajoute ceci de son cru, ce n'était point la doctrine de l'école. Ronsard, si friand des langages des diverses professions, a beaucoup plus pris aux autres qu'à celui-là. De-ci de-là tout juste une métaphore, à peine de quoi montrer que rien ne doit être étranger au véritable écrivain :
Vous estes defendeur et je suis demandeur (III, 268, M. L.). Les mortels ont ça bas pour usufruit la vie (VI, 355, ib.).
Et Jodellé est franchement hostile. Il parle de. la maison à peu près aussi méchamment que Rabelais (II,. 375) ; pis que cela, il traite avec impertinence les gens de justice qui se mêlent d'écrire l'histoire ; il raille l'esprit « aux Muses contraire » :
Qui, nourri seulement aux plaids, Apporte du creu de sa terre, Et souvent parlant de la guerre, Du pur jargon de son palais (II, 200).
On recueille bien de temps en temps une opinion moins sévère,
------------------------------------------------------------------------
LA THÉORIE DU BON USAGE 23
mais dès 1550 les préférences sont nettement accusées en faveur de l'usage de la Cour. Il n'y a guère que dans la maison des Estienne où on soit obstinément attaché à l'usage du Palais. Encore lorsque Robert Estienne prétend s'appuyer sur des gens qui ont tout le temps de leur vie « hanté ès cours de France », cela signifie peut-être aussi bien la Cour du roi que son parlement, sa chancellerie et sa chambre des comptes (Préface de la Grammaire, 1557). Il ne sépare point ces deux sources de « parler exquis ».
Il est vrai que son fils Henri a professé des opinions plus exclusives. S'en fier à la Cour était à ses yeux bon autrefois, non de son temps (Ryp., 18, 127). Il l'a dit, répété et a cru le démontrer d'un bout à l'autre des Dialogues du françois italianisé. Mais les haines politiques et religieuses ont tant influencé son jugement, que quand on écoute parler en lui le philologue, on n'est jamais sûr de ne pas entendre le protestant. Je n'en donnerai qu'une preuve, c'est qu'il se dément ailleurs, au moins en partie : « J'ay toujours eu ceste opinion, que la cour estoit la forge des mots nouveaux, et puis le palais de Paris leur donnoit la trempe » (Conform., 14).
Sur ces questions, ce qu'on doit retenir des textes de ce passionné, ce sont moins ses jugements à lui que les témoignages qu'il apporte. Et plusieurs de ceux-ci sont très significatifs. Nous y apprenons que les courtisans étaient aux écoutes, et raillaient dès lors les expressions de praticien. Quelques-uns parlaient-ils avec un peu de soin et de raison, risquaient-ils un « soubs correction », on les traitait de " clercs ou de secretaires, ou encore de pedants, de scholarés » (Dial., I, 58). Est-ce à la même cause qu'il faut attribuer l'observation pourtant bien sérieuse et calme de Th. de Bèze : « Il fut un temps, dit-il, celui du roi François Ier, qu'on peut appeler à bon droit le père des lettres, où la bonne prononciation française devait être cherchée à la cour. Mais on sait que, depuis sa mort, en France, le langage a peu à peu changé avec les moeurs, au point qu'on voit de moins en moins où il se trouve en sa pureté. Tout ce qui en reste se conserve en partie dans quelques familles fidèles aux anciennes traditions, en partie au Parlement de Paris, quoique là aussi pénètre la contagion d'une prononciation incorrecte » (Defr. linguae recta pronunciatione, 1584, éd. Tobler, 8).
Cette opposition s'accentua de plus en plus, et dès la fin du XVIe siècle, on voit très clairement que l'usage qui va devenir dominant n'est pas celui des hommes de loi. L'avantage que leur donnaient les conditions dont j'ai parlé plus haut n'avait pas suffi.(
Ce n'est pas à dire qu'au commencement du XVIIe siècle l'usage
------------------------------------------------------------------------
24 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
du parlement fût uniformément sacrifié par tous à l'usage de la Cour. Deimier recommande aux poètes de chercher la perfection du langage aux harangues des avocats célèbres i, comme Palliot leur conseille d'y chercher l'orthographe 2. Et Maupas s'emporte à diverses reprises contre les courtisans « singes de nouveautés ». Mais là n'étaient pas les maîtres du langage.
Malherbe était bon procureur normand. Des pièces de procédure rédigées par lui le font voir. Malgré cela, dans les lettres comme dans le monde, il se piquait d'être un Malherbe Saint-Aignan, homme d'épée et de cour. Et il poursuit dans les vers de Desportes tout ce qui sent la chicane. J'ai donné ailleurs ses arrêts contre nonobstant, vu, à cet égard, donner sentence, notoire, joint que, ce disant, etc.
Après lui quiconque traite du bel usage se croit obligé de reprendre et d'aggraver ces condamnations. « Celui qui escrira d'une affaire de chicane, ne sera pas blasmable pour se servir des mots du Palais : mais qui doubte que l'on ne passast pour impertinent, si on en vouloit user en d'autres matieres où ils ne sont point receus par la coustume » (Tabl. de l'éloq.. franc, par le R. P. Ch. de Saint-Paul, 1632, p. 29) 3.
Mlle de Gournay présenta, à son ordinaire, sur le mode lyricoélégiaque, la défense du langage « palatial », qui avait, à ses yeux, l'incomparable mérite d'être traditionnel. Nous la verrons lutter en faveur des mots du formulaire : debouter, licite, etc. La Comédie des Académistes lui répond nommément :
1. Acad., p. 432.
2. Le vray orth. fr., 1608, p. 4.
3. Comparez : « Un jeune chirurgien de Paris que je reconnu qui avoit un peu estudié, et qui m'avoit prié de voir de ses vers un malin qu'il m'estoit venu friser les cheveux (car ces messieurs donnent maintenant à la Poësie les heures de divertissement qu'ils donnoient autrefois au cistre et à la mandore) l'oüit et s'approcha de luy et luy dit: Allez Ciceron, allez vous en à la grande Chambre plaider une cause et disputer de l'Eloquence avecque Jobert et Gautier; vous aurez beau présenter des requestes à Apollon, il ne les recevra jamais : A quoy faire avez vous passé tant d'années au pied de cette montagne; on ne vous laissera.jamais monter jusques au haut; on n'a que faire d'Advocats sur le Parnasse ; quand les Poëtes ont quelque différend, ils plaident eux-mesmes leurs causes et ne treuvent que trop de juges qui ne demandent point d'épices...
« En effect (dis-je à mon guide), ce sont deux mestiers qui n'ont gueres de liaison et qui ne s'accordent pas beaucoup, que de plaider et de faire des vers; le langage ordinaire de la chicane est bien esloigné de celuy qu'on parle dans les Cabinets des grands ou dans l'Académie des polis; le style de l'hostel de Bourgogne n'a guere de rapport avecque celui du Barreau ; Homere et Virgile avoient bien d'autres genies que Cujas et Barthole ; et tel trouve des beautés particulieres dans l'article d'une coustume ou dans le paragraphe d'une loy, qui ne voit que des syllabes et des mots dans une Ode ou dans un Sonnet de Malherbe » (Le Parnasse ou Critique des Poètes par de la Pinelière, Angevin, 1635, p. 45-47).
------------------------------------------------------------------------
LA THEORIE DU BON USAGE 25
Comment, vieille Gourné, vous aimez la vindicte ?
Qui vous fait detracter encor, où pensez-vous (Acte III, sc. dern.).
Toute cette scène grossière est à dessein farcie de mots vieux, encore en usage au Palais.
La Mothe le Vayer reprit la thèse, et traita les courtisans de haut: « Parmi eux, écrit-il, c'est estre vieux Gaulois de dire, lequel, duquel, eu égard, aspreté, avec une infinité d'autres paroles qui sont dans l'usage ordinaire ; et si vous vous servez d'une diction qui entre dans le style d'un Notaire, il n'en faut point davantage pour vous convaincre que vous n'estes pas dans la pureté du beau langage. Je n'oserois m'expliquer en François de ce que je pense de tant de belles maximes, les termes de Cicéron serviront pour m'excuser de m'y estre tant arresté, ne l'ayant fait, sinon, ut hujus infantiae garrulam disciplinant contemneremus 1 » (La Mothe le Vayer, De l'éloquence française, dans les OEuv., 1662,1, p. 142).
La réaction irait-elle plus loin? Au Palais même, la mode allaitelle forcer la loi sinon à porter perruque, du moins à prendre le vêtement du jour ?
Dans le Rôle des présentations, la question était déjà posée d'une façon plaisante. Devant le tribunal comparaît d'une part un avocat, qui demande le maintien de son grimoire, de l'autre un homme de guerre qui prie qu'on lui explique le papier qui lui a été remis 2. Sans aucun doute le capitaine devait alors l'emporter. Dans le monde où se faisait l'opinion littéraire, ce n'était point en montrant sa robe, mais en faisant blanc d'une épée qu'on se faisait valoir. Le Menteur de Corneille en sait bien le secret :
CLITON. Qu'a de propre la guerre à montrer votre flamme ?
1. Sorel proteste de son côté contre la théorie du bon usage telle qu'elle est définie par Vaugelas :
« Le bon usage des mots ne sera-t-il point connu ailleurs que parmi les gens d'épée pour la plupart ? Ne s'observera-t-il point dans les synodes des prélats et dans les conférences ordinaires de quelques ecclésiastiques, ou dans les sermons des prédicateurs ? Ne se trouvera-t-il point dans les assemblées des parlements et autres juridictions, où il se fait tant de harangues et de remontrances?.... Le bon usage ne se rencontrera-t-il point aussi dans les conversations de tant d'officiers ou de notables bourgeois et de tant d'honnêtes gens qui habitent aux villes? Quoi, le plus grand nombre ne doit-il pas l'emporter sur le moindre ?» (Sorel, Disc. s. l'A. fr.. 1654, dans Livet, Hist. de l'A., I, 468-70).
2. « S'est presenté le sieur Rouillard, syndic des advocats, requerant qu'il soit déclaré que, sans desroger à la pureté de la langue, les advocats auront droict de continuer à se servir de tous les mots de pratique, surtout de salvation, forclusion et autres en ion, même d'intimation avec son O, quy est ny en grec, ny micron, mais notoirement bon françois (Role des presentations, 1634, V.H.L., t. I, 131)... »
« S'est presenté un capitaine licencié apportant sa lettre de licenciement, quy commence par : Nostre amé et feal, desquels mots il demande l'interprétation (Ib. 130). »
------------------------------------------------------------------------
26 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
DOUANTE.
Oh ! le beau compliment à charmer une' dame,
De lui dire d'abord : « J'apporte à vos beautés
Un coeur nouveau venu des universités ;
Si vous avez besoin de lois et de rubriques,
Je sais le Code entier avec les Authentiques,
Le Digeste nouveau, le vieux, l'Infortial,
Ce qu'en a dit Jason, Balde, Accurse, Alciat ! »
Qu'un si riche discours vous rend considérables !
Qu'on amollit par là de coeurs inexorables !
Qu'un homme à paragraphe est un joli galant!
On s'introduit bien mieux à titre de vaillant.
Corneille (Le Menteur, Acte I, sc. VI).
Vaugelas décida comme on sait : Les termes de l'art sont bons dans l'exercice de la profession, ils ne doivent point en sortir... « Ils (c'est de le Vayer qu'il s'agit) finissent leurs plaintes par ces mots, qu'il n'en faut pas davantage pour vous convaincre que vous n'estes pas dans la pureté du beau langage, que de vous servir d'une diction qui entre dans le stile d'un Notaire. Les termes de l'art sont tousjours fort bons et fort bien receus dans l'estenduë de leur jurisdiction, où les autres ne vaudraient rien, et le plus habile Notaire de Paris se rendroit ridicule, et perdroit toute sa pratique, s'il se mettoit dans l'esprit de changer son stile et ses phrases pour prendre celles de nos meilleurs Escrivains : Mais aussi que diroit-on d'eux s'ils escrivoient iceluy, jaçoit que, ores que, pour et à icelle fin, et cent autres semblables que les Notaires employent ? Ce n'est pas pourtant une conséquence comme ces Messieurs nous la veulent faire faire, que toutes les dictions qui entrent dans le stile d'un Notaire, soient mauvaises : au contraire la pluspart sont bonnes, mais on peut dire sans blesser une profession si necessaire dans le monde, que beaucoup de gens usent de certains termes qui sentent le stile de Notaire, et qui dans les actes publics sont tres-bons, mais qui ne valent rien ailleurs » (Vaugelas, Rem., I, p. 35-36). On ne pouvait guère s'attendre à un autre arrêt 1.
1. Au contraire, à l'étranger, où on ne suit la mode que de loin, La Mothe (ne pas confondre avec La Mothe le Vayer) écrit encore à la même date :
« S'ils n'ont ou fréquenté la cour, ou hanté la noblesse, ou aprins de quelque homme de lettres, il leur est impossible ny de bien prononcer, ny de bien parler... il n'y a ny province, ny ville, ny place en France où l'on parle le vray et parfaict françois, tel qu'on le lict par les livres ; excepté parmi les courtisans entre les gentils hommes, dames et damoiselles, et generalement parmi ceux qui font profession des lettres, comme aux courts de Parlements et Universitez : qui seuls se sont reservez la naïfveté de la langue françoise » (The french Alphabet teaching in a very short time by a most easie way to pronounce French naturally, to read it perfeclly, to write it truly, and to speak it accordingly, 1647, p. 95).
------------------------------------------------------------------------
LA THÉORIE DU BON USAGE 27
Les événements politiques qui suivirent, et qui amenèrent l'abaissement du Parlement devant le pouvoir royal rendirent la prééminence de la Cour définitive.
LE LANGAGE DE LA VILLE ET L'USAGE DE LA COUR. — Les pédants mis hors de cause, l'autorité du Palais ruinée, où la mode pouvaitelle et devait-elle chercher l'usage ? Dans l'usage général de ce qu'on appelait alors la Ville ? Le caractère même de la société et de la littérature du temps ne permettaient pas seulement d'y penser. Le bon langage ne pouvait être que celui d'une aristocratie, quelle qu'elle fût. J'ai dit plus haut ce qu'il fallait penser du mot de Malherbe « parler comme les crocheteurs ». Il n'a pas combattu la suprématie de la Cour, mais d'autres l'ont fait 1.
Parmi ceux-ci, se trouve naturellement Camus qui, en 1625, discutait encore cette tyrannie injustifiée : « Et à quel tribunal estce que l'on traîne la pauvre eloquence pour estre jugée? Comme si les courtisans (gens pour la pluspart sans litterature, et qui tiendraient à honte le filtre de sçavans) estoient establis pour donner le cours aux frases aussi bien qu'aux fraises...'; à la Cour, rien n'est de longue durée, et il en est des mots comme des airs : quand ils ont esté chantez quelque temps, ils importunent autant qu'ils ont pleu 2. »
Mlle de Gournay refusait aussi jusqu'au bout de reconnaître pour règle de l'usage « l'opinion de trois douzaines d'aygrettes et d'autant de bien coiffées qui vont au Louvre » (O., 598). Le langage des courtisans change comme les plumes qu'ils portent sur la tête. Ce sont « les nobles cousins de l'Arc-en-Ciel » (Ibid., 603).
En 1647, il n'y avait plus deux manières d'entendre le bon usage. C'était pour Vaugelas « la façon de parler de la plus saine partie de la Cour ». Par Cour il ne faut pas, naturellement, entendre seulement le roi, les princes, leur entourage immédiat, mais ceux qu'ils reçoivent, « les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le prince réside, qui par la communication qu'elles ont avec les gens de la cour participent à sa politesse... 3 ». Vaugelas ne s'est pas lassé de le répéter : « C'est un des principes de notre langue... que lorsque la cour... parle d'une façon et la ville d'une autre; il faut suivre la façon de la cour ». La règle est absolue.
1: Voir A. de Laval, Dessein des professions nobles et publiques, 1612 (4°), f° 209 et 348, et Richer, De analogia , p. 73 (le premier de ces livres est à la Mazarine sous la cote 17554, le second sous la cote 20224, 8° de l'ancien catalogue).
2. Camus, Issue aux censeurs, 1625, p. 596-597.
3. Vaugelas, Rem. Préf. I, 13.
------------------------------------------------------------------------
28 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
« Il n'y a pas à délibérer si l'on parlera plustost comme l'on parle à la cour que comme l'on parle à la ville... L'usage de la cour doit prévaloir sur celuy de l'autre, sans y chercher de raison 1. »
Après lui, et d'après lui, Bary conclura : Il y a trois sortes de langage.
1° Celui des pédants ou de l'Université, de ceux qui ayant étudié plusieurs idiomes n'ont pas toute la netteté que leur langue requiert.
2° Celui du vulgaire, des gens qui ont été nourris dans la chicane, le commerce, des « mechaniques ».
3° Celui des Puristes, des gens qui paraissent au Cercle, chez les Ministres, dans les Académies, à la Cour (Réth. fr., 226-227).
Ainsi, vers 1650, la séparation est faite, complète, absolue. Il y a désormais une langue vulgaire et une langue littéraire, d'origine aristocratique.
La première disparaît presque de la surface, et nous la négligerons un moment, pour en reparler le jour où toujours mouvante, toujours croissante, elle reviendra jeter son flot trouble, mais puissant dans l'étroit canal où on avait cru endiguer, régler pour toujours le cours de la langue classique.
En attendant, la séparation allait produire toutes sortes de résultats. C'est l'événement capital de ce siècle. L'apparition d'une littérature supérieure, écrite presque exclusivement dans la langue dela Cour achèvera bientôt de donner à cet événement toute sa portée.
UN TÉMOIN : ANTHOINE OUDIN (1595-1653). — Un des premiers grammairiens qui essaie de recueillir et d'enseigner la langue ainsi réformée est Anthoine Oudin 2, « secretaire interprète de Sa Majesté pour les langues allemande, italienne et espagnolle ». Sa Grammaire françoise rapportée au langage du temps a paru à Paris chez P. Billaine, en 1632 3. L'oeuvre entière de ces Oudin, celle de César et celle d'Anthoine, son fils, mériterait d'être étudiée en détail. Quant à la Grammaire, si elle est inférieure en étendue à la plupart des travaux des deux érudits, elle n'en tient pas moins le tout premier rang parmi les productions analogues, françaises ou étrangères, de cette époque... Originairement, comme il est dit dans une note aux curieux, le dessein de l'auteur « n'estoit que d'augmenter la grammaire du sieur
1. Vaugelas, Rem. II, 260, II, 25.
2. Anthoine Oudin, d'après les documents trouvés par Jal (Dict. crit.), est le fils ainé de César et de Marie de la Vaquerie. Né le 26 février 1595, il est mort, suivant Moreri, le 21 février 1653. Il eut la charge d'interprète, vraisemblablement à la mort de son père César (1er oct. 1625), et en 1651 fut choisi par Louis XIV comme maître de langue italienne. Cf. Morel-Fatio, Etudes sur l'Espagne, 1re série, 2e éd., Paris, 1895.
3. Cette première édition est fort rare. On la trouve à la Bibliothèque Mazarine, n° 45560, rés. Tous les renvois de ce chapitre se rapportent à la 1re édition.
------------------------------------------------------------------------
LA THÉORIE DU BON USAGE 29
Maupas », toutefois « y ayant recogneu force antiquailles à reformer, et beaucoup d'erreurs à reprendre, outre la confusion », Oudin se résolut à en faire une moderne, où il pût en même temps corriger des erreurs relevées dans d'autres livres. Il ne s'en cache pas, il s'est rencontré avec Maupas fort souvent, et « lui a pris le meilleur » de son ouvrage ; mais il s'en sépare aussi sur beaucoup de points. Il fait un effort véritable pour « rapporter sa doctrine au langage du temps », et cet effort, tenté par un homme que ses études et ses connaissances, même en langue française, mettaient hors de pair, nous a valu un document très précieux sur l'évolution grammaticale de la période qui sépare Malherbe de Vaugelas, d'ailleurs si mal connue.
D'abord nous voyons Oudin mettre en règles un certain nombre des observations que Malherbe avait faites. C'est déjà une manière de se tenir au courant. Mais, il y a plus, et on trouve chez Oudin pour la première fois certaines nouveautés, que Vaugelas consacrera. Ainsi il abandonne la distinction que Malherbe avait faite entre un étude et une étude, et accepte que, même dans le sens de cabinet où l'on étudie, le mot peut être féminin (57 ; cf. Doctr., 358, et Vaug., I, 309). Il déclare qu'il faut user le moins qu'on peut d'iceluy et d'icelle (98; cf. Vaug., II, 418) ; que fors n'est guère élégant (311 ; cf. Vaug., I, 398), etc.
Depuis Molière la règle qui ne souffre pas que « de pas mis avec rien » on « fasse la récidive », est attribuée par la voix commune à Vaugelas. Elle est déjà dans Oudin (288 ; cf. Vaug., II, 127). On y trouverait d'autres observations, que Vaugelas lui-même a omises, et qui ne se rencontreront que chez ses successeurs 1.
En outre, sur bien des transformations qui se sont opérées dans la langue, sans qu'on en sache positivement la date, Oudin est un témoin, souvent unique, à consulter. Bernhard, Maupas, Garnier conservaient encore d'après les traditions du XVIe siècle un certain nombre de conjugaisons archaïques. C'est Oudin qui les condamne. Il biffe ainsi je cueuls (157), je fiers (158), je gerray (158), j'is, j'istray (159), je sail (161), je deuls, je doulus (165), je bray (169), espardre (173), je souls (180), tout semondre (180), je trais, « bon pour les paysans » (182), etc.
C'est encore lui qui nous avertit que certains mots ont vieilli, dont Malherbe n'avait pas parlé : aga (297), amont (268), enda et manenda (293), etc.
1. Ainsi des conseils sur l'abus de et (Oud., 301 ; cf. Bouhours, Doutes, 255), et une règle de syntaxe, relative au tour suivant : il a fallu que j'aye fait, il 3 voulu qu'on aye dit. Oudin en donne la règle (196).
------------------------------------------------------------------------
30 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Des tours usuels au XVIe siècle étaient encore admis par Maupas, comme le conditionnel : nous aimassions mieux. Oudin relève « cet erreur extreme » (200) ; il signale comme antique la construction je vous ay m'amour donnée, qui semble s'éteindre à l'époque de Corneille, sans être condamnée par personne (264). C'est encore lui qui nous apprend quand il a été mieux de dire il est à moi que il est mien (95), ainsi de suite. Sans poursuivre plus loin cette analyse, que je ne puis en aucune façon faire ici complète, on voit comment et pourquoi Oudin doit être consulté. Sa grammaire n'est pas un chef-d'oeuvre, tant s'en faut 1. Elle est un document utile, elle précise des dates pour une période où nous n'en connaissons guère, et montre comment le travail de réforme de la langue s'y poursuivait.
1. Elle est incomplète, sur certains points inexacte. J'y signalerai surtout un défaut si intéressant qu'il se transforme à nos yeux en un mérite. Oudin, ayant l'oreille ouverte aux scrupules des puristes, enregistre des décisions tout à fait curieuses. Par exemple la proscription de sinon (303). Cette phrase ne « lui agrée pas » : Je n'ai veu personne en France, sinon vous. Oudin restreint aussi beaucoup l'emploi de l'indicatif de narration au milieu d'un récit ; et Vaugelas a dû réagir contre cette tendance, venue on ne sait d'où (185, Vaug., II, 185).
On devra prendre garde, en étudiant Oudin, que les éditions postérieures ont été remaniées et ajoutent des observations, souvent fort intéressantes du reste, qui ne sont pas dans la première.
J'ai l'intention d'en donner prochainement une édition critique, après l'édition de Maupas, qui est en préparation.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE V L'ACADÉMIE FRANÇAISE
FONDATION DE L'ACADÉMIE. — Anciennes étaient déjà l'idée et l'institution des Académies littéraires. Outre que l'Italie en possédait de célèbres, comme celle de la Crusca à Florence, en France même on avait vu, sous Charles IX et Henri III, une Académie fondée par J. A. de Baïf et Joachim Thibaut de Courville, tenir des séances au Louvre. Plus récemment encore avaient lieu chez Mlle de Gournay, chez Colletet, chez Chauveau le graveur, au bureau d'adresses de Théophraste Renaudot, des réunions régulières de gens de lettres.
Grâce à la relation de Pellisson 1, complétée par les lettres des contemporains 2, nous savons comment « quelques particuliers »
1. Pellisson, Histoire de l'Académie françoise, dans Livet, Hist. de l'A. fr.. Paris, Didier, 1858, tome I.
2. Voir notamment les lettres de Chapelain (Pellisson, éd. Livet, I, Pièces justificatives, p. 361-390). « Vous viendrez donc assurément, écrit-il à Godeau, le 8 décembre 1632, et nous rendrez par votre présence le contentement que Dieu nous a retenu si longtemps ; vous nous rendrez même l' Académie de laquelle vous êtes le prince et le chef, chacun ayant remis à votre retour l'assemblée de nos conseils, et la tenue de nos états. » — Il écrit à Balzac le 26 mars 1634 : « Ce serait ici le lieu de vous parler de l'Académie dont Monseigneur le Cardinal s'est depuis peu rendu le promoteur, et qu'il autorise de sa protection... je puis dire sans vanité que nous ferons quelque chose de mieux et de plus utile que toutes les Académies ensemble... » Comparez ce texte, qui bien probablement se rapporte aussi à la Compagnie : « Les habiles sont en petit nombre... Entre ceux que je tiens tels, il se parle d'une vertueuse assemblée de gens doctes, faisant profession particulière d'examiner et indiquer les livres, pour le langage notamment, et y met-on telles personnes et de tel renom, qu'il y auroit conscience à ne pas adjouster foy en tout et par tout à ce qu'elles resoudroient de ces matières, s'il paroissoit quelque chose d'escrit d'eux dessus. On me les a nommez Puristes, comme gens qui recherchent la pureté de la langue françoise, et qui sont sur le desseing de la repurger de mille superfluitéz affectées, lesquelles en offusquent la grâce et la beauté. Je ne sçache rien de plus ressemblant à l'Academie Florentine de la Crusca, sinon qu'il y a plus de modestie et de bénignité » (Chapelain, trad. de Guzman d'Alfarache, 1630, t. III, Adv. an lect., p. 7).
Balzac se moque d'abord de l'Académie des beaux esprits : « Et moi je voudrais vous demander qui a reçu les beaux esprits qui vous ont reçu ? D'où vient le principe de l'autorité et la source de la mission ? Qui sont ces grands personnages, qui ont fait grâce à M. Chapelain ? De quelles contrées nouvellement découvertes viennent ces hommes extraordinaires... ? J'auray de la peine à adorer le Soleil Levant (l'Académie)... On m'en écrit comme d'une chose terrible et plus redoutable
------------------------------------------------------------------------
32 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
avaient pris l'habitude de s'assembler « un jour de la semaine » chez l'un d'eux, M. Conrart ; comment, averti de ces réunions par Boisrobert, Richelieu « qui avoit l'esprit naturellement porté aux grandes choses, après avoir loué ce dessein, demanda à M. Boisrobert, si ces personnnes ne voudraient point faire un corps et s'assembler régulièrement, et sous une autorité publique » ; comment enfin, après quelque résistance des hôtes de Conrart, fut fondée l'Académie françoise.
Ainsi, une réunion privée devenait compagnie, officielle, et les hommes qui, chez Conrart, « s'entretenoient familièrement, comme ils eussent fait en une visite ordinaire, de toute sorte de choses, d'affaires, de nouvelles, de belles-lettres 1 » allaient avoir un objet précis et un rôle défini : réglementer et gouverner la langue.
A vrai dire, depuis Malherbe, ce besoin d'ordre était général, mais sait-on assez que c'est contre lui et de son vivant même que ses adversaires ont demandé une institution qui fixât la règle officielle du langage? Il y a là un fait de première importance, et qui n'a jamais été,, je crois, mis en lumière. C'est par révolte contre « l'injustice » et la « tyrannie » de Malherbe, que dès 1625, Camus en appelle aux « Etats généraux pour régler le langage » 2 : on les assemble pour des choses « et moins nécessaires, et moins sérieuses » (588-589). Certainement " il seroit à désirer... qu'il y eut parmy nous des Académies pour les exercices de l'esprit comme il y en apour ceux du corps, et qu'on y donnast quelque place à l'examen du langage. Ces assemblées contiendraient dans leur devoir ces esprits amoureux de la nouveauté, tempéreraient cette arrogante tyrannie qu'ils exercent, et donneraient un grand poids à leurs préceptes et décisions, de sorte qu'elles passeraient pour des règles inviolables. Ce seraient
que la sainte Inquisition. On me mande que c'est une tyrannie qui se va établir sur les esprits, et à laquelle il faut que nous autres, Faiseurs de livres, rendions une obéissance aveugle. Si cela est, je suis Rebelle, je suis Hérétique, je vais me jeter dans le parti des Barbares. Voici un grand mol, mais il est très véritable. Vous êtes le seul que je puis préférer à ma liberté ; et s'il n'y a pas moyen de vivre indépendant en ce monde, je vous prie que je ne reconnoisse, en prose et en vers, d'autre jurisdiction que la vôtre (Balzac, I, p. 727-728, lettre XV) ».
Mais bientôt après il se ravise. « J'avois été mal informé de l'état de votre Académie. Cette nouvelle société fera honneur à la France, donnera de la jalousie à l'Italie, et, si je suis bon tireur d'horoscope, elle sera bientôt l'Oracle de toute l'Europe civilisée (Ibid., p. 728, lettre XVI) ».
1. Pellisson, o. cit., I, p. 9.
2. L'Issue aux Censeurs, à la suite d'Alcime, Paris, chez Martin Lasnier, 1625. On ne saurait mettre en doute la date de cet opuscule, si intéressant et si peu connu: l'Issue aux Censeurs est paginée à la suite d'Alcime (p. 557); elle commence au milieu d'une feuille (Aa iiij) ; en outre il y a, au début du volume, après l'Épître dédicatoire d'Alcime, un Renvoy à l'Issue.
------------------------------------------------------------------------
L' ACADÉMIE FRANÇAISE 33
comme de petits conciles qui reduiroient les particuliers à des formes de s'expliquer plus universellement receues » (619-622).
« C'est ce qu'on peut espérer de cette grande et fameuse Academie qui se commence à Paris, theatre de la France. Entre les profits qui en peuvent revenir au public, cestui-cy ne sera pas des moindres, puis qu'il nous apprendra comme il faut bien parler, afin que nous ne soyons plus estrangers en notre propre terre, et que la France soit toute d'une levre et d'un idiome » (622-623).
Le texte est très curieux, et montre que c'est dès 1625 et 1626, et non, comme l'indiquait Pellisson « environ l'année 1629 1 » que l'établissement d'une Académie officielle apparaît comme une nécessité. Richelieu, dès le début de son ministère, intervint pour la créer.
En effet, la réglementation de la langue, souhaitée par tous, était voulue par lui. Il « aimoit la langue françoise », en laquelle il " écrivoit lui-même fort bien 2 » ; surtout, il aimait l'autorité, prétendait donner, au langage comme à l'État, une loi officielle. Cent ans auparavant, c'était tout autrement qu'un autre ami des lettres entendait les servir : contre la Sorbonne latine, François Ier fondait un collège de recherches plus libres, ouvert aux langues proscrites, aux sujets les plus controversés; Richelieu instituait, lui, une Faculté de langue française, un corps destiné à devenir le maître, mais en même temps le juge du langage et des productions littéraires. Dès le début, il impose sa volonté, très nette. Si l'Académie consume son temps aux discours hebdomadaires, il témoigne « qu'il attend de ce corps quelque chose de plus grand et de plus solide 3 » ; et plus tard encore, quand chacun boude à l'ouvrage du Dictionnaire, le Cardinal se fâche : « l'Académie ne fait rien d'utile pour le public 4 ».
Les hommes à qui fut confiée cette mission, il faut leur rendre justice, ne témoignèrent aucun enthousiasme, quoiqu'il y eût de quoi flatter leur vanité. Ils se laissèrent constituer en Académie plus qu'ils ne le demandèrent. Quand Sirmond leur proposa de s'engager par serment à suivre leurs propres règles, ils ne voulurent pas même pour eux de ce sacrifice solennel de la liberté. Lorsqu'il s'agit de faire, vis-à-vis de Corneille, acte d'autorité, il fallut presque les contraindre. Mais, quelque répugnance que la compagnie témoignât à accepter et à exercer le pouvoir, elle n'en prenait pas mo ns,
1. Pellisson, o. c, I, S.
2. Ibid., I, 13.
3. Ibid., I, 80.
4. Ibid., I, 107.
Histoire de la Langue française. III. 3
------------------------------------------------------------------------
34 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
bon gré mal gré, le gouvernement de la langue. En existant, elle agissait, fût-elle demeurée impuissante à produire. Personnifiant l'idée de la règle, elle la consacrait, et devait par conséquent l'imposer tôt ou tard aux esprits comme une loi d'Etat.
Aussi bien, l'objet spécial de l'Académie apparaît-il dès les premières délibérations. Faret, dans un discours qui contenait « comme le projet de l'Academie » disait explicitement « qu'il sembloit ne manquer plus rien à la félicité du Royaume que de tirer du nombre des langues barbares cette langue que nous parlons, et que tous nos voisins parleroient bientôt, si nos conquêtes continuoient comme elles avoient commencé ;... que notre langue, plus parfaite déjà que pas une des autres vivantes, pourroit bien enfin succéder à la Latine, comme la Latine à la Grecque, si on prenoit plus de soin qu'on n'avoit fait jusqu'ici de l'élocution, qui n'étoit pas à la vérité toute l'éloquence, mais qui en faisoit une fort bonne et fort considérable partie 1 ». Quelles seraient donc les fonctions des académiciens ? — Ce serait « de nettoyer la langue des ordures qu'elle avoit contractées, ou dans la bouche du peuple, ou dans la foule du Palais et dans les impuretés de la chicane, ou par les mauvais usages des courtisans ignorants, ou par l'abus de ceux qui la corrompent en l'écrivant, et de ceux qui disent bien dans les chaires ce qu'il faut dire, mais autrement qu'il ne faut : que pour cet effet il serait bon d'établir un usage certain des mots ; qu'il s'en trouverait peu à retrancher de ceux dont on se servoit aujourd'hui, pourvu qu'on les rapportât à un des trois genres d'écrire, auxquels ils se pouvoient appliquer ; que ceux qui ne vaudraient rien, par exemple, dans le style sublime, seraient soufferts dans le médiocre, et approuvés dans le plus bas et dans le comique ; qu'un des moyens dont les Académiciens se serviraient pour parvenir à la perfection serait l'examen et la correction de leurs propres ouvrages ; qu'on examinerait sérieusement le sujet et la manière de le traiter, les arguments, le style, le nombre, et chaque mot en particulier 2 ». Dès la seconde assemblée, Chapelain, en approuvant le projet « de travailler à la pureté de notre langue, et de la rendre capable de la plus haute éloquence » représente que « pour cet effet il falloit premièrement en régler les termes et les phrases par un ample Dictionnaire et une Grammaire fort exacte, qui lui donnerait une partie des ornements qui lui manquoient ; et qu'ensuite elle pourroit acquérir le reste par une Rhétorique et une Poétique, que l'on com1.
com1. o. c, 1,21-22.
2. Ibid., I, 23.
------------------------------------------------------------------------
L' ACADÉMIE FRANÇAISE 3 5
poserait pour servir de règle à ceux qui voudroient écrire en vers et en prose 1 ».
Aussi les statuts et règlements de l'Académie établirent-ils en trois articles le programme de son travail linguistique :
24. La principale fonction de l'Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possible à donner des règles certaines à notre langue, et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences.
25. Les meilleurs auteurs de la langue françoise seront distribués aux Académiciens pour observer tant les dictions que les phrases qui peuvent servir de règles générales, et en faire rapport à la Compagnie, qui jugera de leur travail et s'en servira aux occasions.
26. Il sera composé un Dictionnaire, une Grammaire, une Rhétorique et une Poétique sur les observations de l'Académie 2.
TRAVAIL DE L'ACADÉMIE. — Comme on sait, l'Académie tenait registre de ses décisions. Mais ces précieux documents ne nous sont pas parvenus 3. Pellisson nous dit seulement : « L'Académie faisoit fort souvent des décisions sur la langue dont ses registres sont pleins ; elle en faisoit aussi quelquefois de semblables sur la simple proposition de quelque Académicien, et lorsqu'à la cour, comme il arrive souvent, un mot avoit été le sujet de quelque longue dispute, on ne manquoit pas d'ordinaire d'en parler dans l'Assemblée. Telle fut, par exemple, cette plaisante contestation, née à l'hôtel de Rambouillet, s'il falloit dire muscardins ou muscadins, qui fut jugée à l'Académie en faveur du dernier 4 ». Pellisson a lu aussi dans les premiers registres l'examen des Stances de Malherbe pour le Roi allant en Limousin : il en donne un court résumé où l'on voit comme l'origine des Observations de Ménage sur les Poésies de Malherbe 5.
Les pamphlets des adversaires de l'Académie ne peuvent nous servir à remplacer ce qui nous manque. Elle a été moquée, il eût mieux valu pour nous qu'on la discutât 6. Tout d'abord, il faut écarter le libelle que Sorel a intitulé : Le rôle des présentations aux grands jours de l'Éloquence françoise. Il est daté du 13 mars 1634.
1. Pellisson, o. e.,1, 28.
2. Pièces justificatives dans Livet, Hist. de l'A., I, 493.
3. Sur la publication des procès-verbaux de l'ancienne Académie française, cf. Tourneux et Marty-Laveaux dans la Revue d'histoire littéraire, I, 231 et 396.
4. Registres, 1er février 1638 dans Pellisson, o. c, I, 118-119.
5. Registres, 9 avril-6 juillet 1638, Ibid., I, 120-126.
6. Pellisson, o. c, I, 50. Cf. Pièces justif. 1, 455-467 et encore Discours sur l'Académie françoise, establie pour la correction et l'embellissement du langage ; pour sçavoir si elle est de quelque utilité aux particuliers et au public. Paris, 1654, ib., 468.
------------------------------------------------------------------------
36 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
A ce jour l'Académie se constitue, elle n'a rien fait, rien commencé ; on ne peut lui faire qu'un procès de tendances.
La Comédie des Académistes 1 et la Requête des Dictionnaires 2 de Ménage sont un peu plus instructives. On y trouve différentes allusions à la querelle de car, à la proscription de vieux mots, tels que milice, los, du tout, etc..
Il est très possible qu'il se soit trouvé à l'Académie des puristes pour réclamer la suppression des mots partant, d'autant, cependant, néanmoins, pour discuter le genre alors contesté de poison,, épigramme, navire, duché, mensonge, doute ; on y a sûrement débattu l'orthographe à adopter dans le futur dictionnaire. Mais toutes les moqueries facétieuses de Ménage, même en admettant qu'elles se rapportent à des délibérations réelles, ne nous apprennent que bien peu de chose sur l'application du programme de Faret. Des définitions de sens par exemple les railleurs ne font aucune mention.
En outre, c'est à peine s'ils laissent voir dans quel esprit étaient prises les décisions. On peut croire d'après eux que la Compagnie n'était pas tendre aux archaïsmes et aux mots judiciaires ou pédants. On l'aurait deviné par le seul nom de ses membres. Quant à la grammaire, on ne nous dit jamais de quels principes elle s'inspirait. En somme, si nous n'avions que ces textes, nous serions exposés à juger l'Académie comme une réunion à la fois pédantesque et mondaine, occupée surtout à ratifier les dégoûts injustes de quelques puristes. Ce n'est pas du tout, semble-t-il, ce qu'elle a été 3.
LES SENTIMENTS DE L'ACADÉMIE SUR LE CID. — Nous avons heureusement, pour mieux connaître le travail de l'Académie, ses Senti1.
Senti1. o. c, I, 48-49. Cf. Pièces justificatives, 1, 405-454.
2. Id., ibid., I, 51. Cf. Pièces justificatives, I, 477-488.
3. « Ces trois écrits et tous les autres qu'on a faits contre l'Académie, remarquait déjà Pellisson, prennent pour fondement une chose qui n'est pas, et dépeignent les Académiciens comme des gens qui ne travaillent nuit et jour qu'à forger bizarrement des mots, ou bien à en supprimer d'autres, plutôt par caprice que par raison : cependant ils ne pensent à rien moins, et dès qu'une question sur la langue se présente, ils ne font que chercher l'usage, qui est le grand maître en semblables matières, et condure en sa faveur. Pour moi, qui ai vu fort exactement tous leurs registres, je puis leur rendre ce témoignage que j'y ai bien rencontré plusieurs belles et raisonnables décisions, dont M. de Vaugelas a tiré une partie de ses Remarques ; mais que je n'y ai point trouvé de trace d'un seul de ces grotesques arrêts qui leur sont attribués dans ces satires. » Pellisson, o. c, I, 51-52.
Il convient de rappeler qu'un article spécial des Statuts de l'Académie interdisait aux membres (de répondre aux écrits dirigés contre eux; sans une délibération publique. — Cf. Chapelain à M. de Balzac. Novembre 1634 : « Pour la dernière Académie, sans vous la prétendre faire aimer, je vous assurerai qu'elle n'est pas si étrange qu'on vous la fait, et qu'il a suffi que ce fût une nouveauté pour soulever force monde contre elle. » Ib., I, 1364-5.
------------------------------------------------------------------------
L'ACADÉMIE FRANÇAISE 37
ments sur le Cid 1, autrefois si favorablement jugés, aujourd'hui un peu trop décriés, au moins en ce qui concerne la seconde partie,, la seule dont j'ai à m'occuper ici. L'oeuvre de Chapelain a été tant de fois remaniée qu'elle a bien reçu l'impression de l'esprit commun. En ce qui concerne le lexique, il est sensible qu'on poursuit avec sévérité les mots vieux : honte dans le sens de pudeur, ou les mots bas (à présent, au surplus, etc.), qu'on essaie de préciser le sens de plusieurs termes (ferveur, équipage, funérailles), qu'on examine plus scrupuleusement encore les expressions, dont certaines étaient acceptables (rétablir le désordre, gagner un combat). Les arrêts rendus sont sévères sans doute ; aux condamnations justifiées par le soin de la clarté et de la justesse se joignent des concessions fâcheuses aux puristes, et la suite a donné souvent raison à Corneille. Mais il est juste de remarquer néanmoins que l'Académie, avec toutes ses exigences, résistait à propos de plusieurs mots à Scudéry.
Elle considère qu'il a tort de reprendre s'abat et fondez-vous en eau, qui ne donnent aucune vilaine idée. La Compagnie dément ainsi ceux qui l'accusaient de rejeter cependant, pour la raison qu'il sonnait presque comme ce pendart. L'Académie refuse encore de considérer que du premier coup soit une locution basse. Elle ne reconnaît pas que chef, choir, endosser le harnois soient vieux, et cependant leur décadence avait commencé. Elle accepte même que la poésie se permette certaines expressions comme ennuis cessés, pour apaisés ; quitter l'envie, qui se peut au moins souffrir ; esprit flottant, qui se justifie par une image juste. Il y a plus : sur le seul néologisme en question, elle témoigne de l'indulgence, constatant qu'offenseur n'est pas en usage, mais prononçant qu' « étant à souhaiter qu'il y fût, la hardiesse n'est pas condamnable ».
Je ne voudrais pas me fonder sur cette décision unique pour soutenir ce paradoxe que l'Académie témoigne une véritable largeur de vues ; elle est évidemment ce que l'on attendait qu'elle fût, la gardienne fidèle des mots en usage, de leur sens et de leurs combinaisons. Toutefois ses décisions prouvent de la prudence ; elle tient la mesure qui convient à une autorité souveraine, et se garde avec soin des exagérations qui, venant d'autres, menaçaient la langue littéraire, venant d'elle, l'eussent compromise.
Les observations grammaticales sont, elles aussi, intéressantes à leur façon. Des minuties y sont observées : élever en un rang,
1. Pour l'historique, voir Pellisson, o. c, I, 81-100.
------------------------------------------------------------------------
38 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
pour élever à un rang ; instruire d'exemple, pour instruire par l'exemple ; offrir sa vie à une chose, au lieu de pour une chose, par vos commandements Chimène vous vient voir; tant que employé dans le sens de jusqu'à tant que. Tout cela, qui n'a pas grand intérêt en soi, montre tout au moins qu'on a appris à faire cas de la pureté du langage. Vingt-cinq ans auparavant on ne savait pas ainsi « dogmatiser des particules ». L'Académie a été à l'école de Malherbe, elle a pris ses scrupules.
D'autres critiques appliquent directement les règles qu'il a données ; telles sont celles qui concernent l'emploi intransitif des verbes transitifs devoir, venger et punir. L'Académie a gardé aussi de lui le souci d'empêcher l'abus du pluriel, elle le montrera plus tard à propos de la stance bien connue :
O Dieu ! dont les hontés de nos larmes, touchées .
D'autres rapprochements seraient possibles, qui montreraient quel prix on attache à éviter les équivoques. Des vers maladroits sont relevés :
Cethyménée à trois également importe (Corn., XII, 485). Les autres, au signal, de nos vaisseaux répondent (Ib., 496).
Mais il est temps d'ajouter que, si l'Académie suit une voie qui était toute tracée, elle y a fait quelques progrès, et qu'on trouve dans ses Sentiments trace de règles toutes nouvelles. Malherbe proposait une solution brutale à la question de savoir si devant chaque nom, chaque verbe, il fallait reprendre les articles, prépositions, etc. L'Académie en adopte une autre, qu'on trouve là pour la première fois, si je ne me trompe, dans l'histoire de la grammaire française : à savoir qu'on répète les particules quand les noms, les verbes, etc., sont de signification différente, qu'on ne les répète pas, quand ils ne contiennent pas deux sens différents. (Voir à la Syntaxe, le chapitre de la phrase.)
Ici un rapprochement avec Vaugelas s'impose, mais cela ne va pas à dire que la doctrine grammaticale de Vaugelas soit celle de l'Académie. Elle en est voisine seulement en 1647, nous le verrons. Si nous avions des textes, antérieurs de dix ans, qui nous permissent une comparaison un peu ample, il est probable que loin de constater partout un accord parfait entre Vaugelas et ses confrères, comme il se trouve que nous l'avons ici, nous décou-
------------------------------------------------------------------------
L' ACADEMIE FRANÇAISE 30
vririons aussi des dissentiments. En fait nous en apercevons déjà : quitter l'envie n'est pas français, aux yeux de Vaugelas, l'Académie l'accepte (cf. Vaug., I, 35, et Corn., XII, 494). En outre, il est probable que sur bien des points la Compagnie a hésité, qu'elle s'est même contredite, comme Vaugelas l'a fait lui-même, mais cette première pensée grammaticale nous sera toujours inconnue. En tous cas l'Académie n'a pas été une école où quelqu'un enseignait. Elle a été un petit Parlement, dont les membres discutaient librement, Parlement malheureusement un peu étroit et trop aristocratique, trop exposé par suite à sanctionner les décisions des gens de Cour dont il partageait à peu près les préjugés.
LE PREMIER PROJET DU DICTIONNAIRE. — La publication des Sentiments sur le Cid n'avait été qu'occasionnelle ; au contraire, une tâche longue et durable s'imposa de bonne heure à l'Académie : le Dictionnaire.
Dès 1634, Chapelain assignant à la Compagnie le rôle « de travailler à la pureté de notre langue et de la rendre capable de la plus haute éloquence » avait déclaré que « pour cet effet il falloit premièrement en régler les termes et les phrases par un ample Dictionnaire ». On suivit cet avis qui, partagé par la plupart des Académiciens 1, répondait au désir formel de Richelieu ; et les statuts en décidèrent, à l'article 26, ainsi que nous l'avons vu.
Chapelain dressa 2 le plan : « Il falloit faire un Dictionnaire qui fût comme le trésor et le magasin des termes simples et des phrases reçues... » « Pour le dessein du Dictionnaire, il falloit faire un choix de tous les auteurs morts qui avoient écrit le plus purement en notre langue, et les distribuer à tous les Académiciens, afin que chacun lût attentivement ceux qui lui seroient échus en partage, et que sur des feuilles différentes, il remarquât par ordre alphabétique les dictions et les phrases qu'il croirait françoises, cottant le passage d'où il les auroit tirées ; que ces feuilles fussent rapportées à la Compagnie, qui, jugeant de ces phrases et de ces dictions, recueillerait on peu de temps tout le corps de la langue, et insérerait dans le Dictionnaire les passages de ces auteurs, les reconnoissant pour originaux dans les choses qui seroient alléguées d'eux,
1. Il faut excepter Voiture qui « fut un des premiers à dire qu'il ne falloit faire ni Dictionnaire, ni harangues » (Lettre de Chapelain à M. Bouchard, 6 janvier 1639).
2. Sur le détail de l'établissement de ce projet, et, en particulier, sur la collaboralion de Vaugelas, cf. Pellisson, o. c, I, 101, 102.
------------------------------------------------------------------------
40 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
sans néanmoins les reconnoître pour tels dans les autres, lesquelles elle désapprouverait tacitement, si le Dictionnaire ne les
contenoit. »
Le Dictionnaire devait suivre « l'ordre alphabétique des mots simples »; chaque mot simple serait suivi « des composés, des dérivés, des diminutifs », plus les «phrases qui en dépendent avec les autorités ». On y pourrait ajouter « l'interprétation latine en faveur des étrangers ». On marquerait « le genre masculin, féminin ou commun de chaque mot » ; on distinguerait « les termes des vers d'avec ceux de la prose » ; ceux « du genre sublime, du médiocre et du plus bas » ; on se tiendrait « à l'orthographe reçue, pour ne pas troubler la lecture commune ; et n'empêcher pas que les livres déjà imprimés ne fussent lus avec facilité ; on travaillerait pourtant à ôter toutes les superfluités qui pourraient être retranchées sans conséquence. »
Dans une seconde partie « tous les mots simples ou autres seroient mis en confusion dans l'ordre alphabétique, avec le seul renvoi à la page du grand Dictionnaire, où ils seroient expliqués ». On pourrait même y marquer « tous les mots, toutes les phrases hors d'usage, avec leur explication, pour l'intelligence des vieux livres où on les trouve », avec cet avis que ces noms ou phrases sont de la langue, mais qu'il ne faut plus les employer.
Enfin " pour éviter la grosseur du volume » on exclurait du Dictionnaire « tous les noms propres », comme aussi « tous les termes propres qui n'entrent point dans le commerce commun, et ne sont inventés que pour la nécessité des arts et des professions, laissant à qui voudrait la liberté de faire des Dictionnaires particuliers pour l'utilité de ceux qui s'adonnent à ces connoissances spéciales 1 ».
Tel fut le projet de Chapelain qui, approuvé par l'Académie, reçut un commencement d'exécution. On fit un catalogue des livres les plus célèbres en notre langue, qui seraient à dépouiller 2. «Pour la prose, Amyot, Montaigne, du Vair, Desportes, Charron, Bertaut, Marion, de la Guesle, Pibrac, d'Espeisses, Arnauld, le Catholicon d'Espagne, les Mémoires de la reine Marguerite, Coëf1.
Coëf1. o. c, I, 102-104. On remarquera que c'est de celte liberté que Furetière prétendit se servir pour faire le dictionnaire qui lui attira tant de démêlés. (Voir au vol. suivant).
2. Saint-Amand demanda et obtint d'être exempt du discours hebdomadaire à l'Académie « à la charge qu'il feroit comme il s'y étoit offert lui-même, la partie comique du Dictionnaire, et qu'il recueilleroit les termes grotesques, c'est-à-dire,, comme nous parlerions aujourd'hui, burlesques' » (Pellisson, o. c, I, 79).
------------------------------------------------------------------------
L'ACADÉMIE FRANÇAISE 41
feteau, du Perron, de Sales, évêque de Genève, d'Urfé, de Molière 1, Malherbe, du Plessis-Mornay ; ce qu'il y avait en lumière de M. Bardin et de M. du Chastelet, deux Académiciens qui étaient déjà morts : le cardinal d'Ossat, de la Noue, de Dammartin, de Refuge et Audiguier. »
Pour les vers on mit dans le catalogue : Marot, Saint-Gelais, Ronsard, du Bellay, Belleau, du Bartas, Desportes, Bertaut, le cardinal du Perron, Garnier, Régnier, Malherbe, Lingendes, Motin, Touvant, Monfuron, Théophile, Passerat, Rapin, Sainte-Marthe.
Dans ce premier projet, on le voit, il s'agissait nettement d'un Dictionnaire, fondé sur des dépouillements de textes. Mais bientôt « l'Académie commença d'appréhender le travail et la longueur des citations ». Le projet avait été adopté au mois de février 1638: dès le 8 mars, on résolut « qu'on ne marquerait point les autorités dans le Dictionnaire ».
Puis, pour « avancer l'ouvrage », l'Académie décida de se décharger sur « une personne ou deux ». Vaugelas et Faret n'étaient-ils pas tout, désignés? Mais il fallait de l'argent, et le cardinal de Richelieu ne répondait pas. Alors, on ne fait plus rien : « chacun avoit ses affaires et ses pensées particulières, dont il ne vouloit point se départir ». On reste « huit ou dix mois sans parler du Dictionnaire 2 ».
Le Cardinal se fâche. Pour la seconde fois, on lui propose Vaugelas : il accepte, et Vaugelas se met au travail, moyennant une pension de 2.000 livres qu'on lui rétablit 3. Il dresse les cahiers du
1. Il s'agit de François de Molière, auteur des romans de Polyxène et de la Semaine amoureuse, mort assassiné en 1628.
2. Pellisson. o. c, I, 105-106. Cf. une lettre de Chapelain à M. Bouchard, du 6 janvier 1639 :
« Nous avons résolu de commencer le Dictionnaire aussi : mais sur ce que c'est un ouvrage de tout le corps, les membres ne s'y portoient que lâchement, pour ce qu'ils n'en attendoient ni honneur, ni récompense particulière, et les trois quarts regardoient ce travail comme une corvée.Ainsi il est demeuré suspendu jusqu'à une meilleure saison : et, afin que vous voyiez que je n'étois pas des lâches, et que j'eusse volontiers donné ce bien à mon pays, je vous envoie le plan que j'avois dressé, de l'ordre de Son Éminence et par le choix de la Compagnie, pour compléter ce Dictionnaire en la forme la plus parfaite et la plus utile qu'il se pouvoit, et je m'assure que vous jugerez avec le cabinet de MM. Du Puy, que si nous avions suivi cette méthode, notre vocabulaire auroit quelque avantage par dessus les Grecs, Latins et Italiens. »
3. Pellisson, o. c, I, 107-108. Cf. les Lettres de Chapelain :
" Pour engager son Éminence à cette générosité, nous lui avons fait promettre que M. de Vaugelas composeroit le Dictionnaire, à quoi il va travailler » (à Balzac, 30 janvier 1639).
" C'est une pension à titre très onéreux, et pour une chose longue et pénible à faire... J'ai eu pour fondement de mon entreprise la passion que son Eminence avoit que l'Académie fût utile, et que ce Dictionnaire fût fait » (à M. de Chives, 16 fév. 1639).
« Pour nouvelles, je vous dirai qu'enfin, à ma sollicitation, et, je puis dire, par mon
------------------------------------------------------------------------
42 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Dictionnaire, qu'il rapporte ensuite à la Compagnie 1. Mais le travail avance lentement 2, et l'on n'achève la lettre A qu'en neuf mois 3. Tout devait être remis en question, dès le milieu du siècle, par la mort de Vaugelas, et nous retrouverons le Dictionnaire toujours à l'état de projet dans le volume suivant.
Quant à la grammaire, dès la deuxième assemblée de l'Académie, Chapelain réclamait, à côté d'un « ample Dictionnaire, une Grammaire fort exacte 4 ». Son projet reprenait et précisait cette idée, en souhaitant « une Grammaire qui fournirait le corps de la langue, sur lequel sont fondés les ornements de l'oraison et les figures de la poésie » : elle devait être « un traité exact de toutes les parties de l'oraison, et de toutes les constructions régulières et irrégulières, avec la résolution des doutes qui peuvent naître sur ce sujet 5 ». Il ne semble plus en avoir été question pendant bien longtemps.
industrie, l'Académie françoise est engagée à faire le Dictionnaire sur le plan que je vous ai envoyé, et que j'ai fait rétablir la pension de M. de Vaugelas, perdue et rayée depuis dix ans, pour y travailler et défricher les matières, afin que la Compagnie se résolve. Nous sommes déjà bien avant dans l'A, et, sans cette guerre qui confond tout, nous l'aurions bien avancé en peu de te mps, et mis en état de faire honneur et profit à la France » (à M. Bouchard, 26 juin 1639).
1. Pellisson, o. c, I, 108.
2. Pellisson, ibid., I, 108-109. Cf. encore les Lettres de Chapelain :
« Au reste, vous pourriez toujours assurer son Éminence de la continuation des travaux de M. de Vaugelas, qui fournit aux trois bureaux qui se tiennent toutes les semaines avec assiduité pour l'avancement du Dictionnaire ; et je vous proteste qu'il ne s'y peut rien ajouter, et que si l'ouvrage réussit un peu long, ce n'est pas par la négligence des ouvriers, mais par la nature de la matière qui, comme vous le savez par expérience, est épineuse et de grande discussion pour la bien traiter. En un mot, on n'y perd pas un moment, et son Eminence le peut croire d'un homme comme moi, qui en ai été le promoteur, qui y donne le plus cher, de mon temps, et qui en passionne l'accomplissement comme y ayant un plus particulier intérêt d'honneur que personne » (à M. de Boisrobert, 20 juillet 1639).
« L'Académie travaille toujours au Dictionnaire, et avance comme dans les compagnies, c'est-à-dire lentement » (à M. Bouchard, 23 mai 1640).
3. 7 février, 17 octobre 1639. Pellisson, o. c, I, 109.
4. Pellisson, ibid., I, 28.
5. Projet de Chapelain, ibid., I, 102.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE VI L'OPPOSITION. LA MOTHE LE VAYER
Pendant que la « vieille Sibylle » de Gournay remaniait son Ombre pour en faire Les Advis ou les Presens, elle trouvait un auxiliaire dans la personne d'un homme âgé, lui aussi, mais qui ne craignait point non plus la controverse, c'est La Mothe Le Vayer. En 1637, il publia des Considérations sur l'Eloquence françoise de ce temps (OEuvres complètes, Paris, Courbé, 1662, I, 430). Malgré l'abus qui y est fait des citations et de la « doctrine », ce livre mérite d'être signalé. Il n'y en a point, en effet, où les tendances du temps fussent attaquées avec plus d'esprit, de clairvoyance et de vigueur.
La Mothe Le Vayer, quoique en retard sur le mouvement contemporain, a le bon sens d'abandonner les anciennes théories de liberté absolue en matière de langage ; il sait ce qu'il en coûte, quand l'oreille est choquée d'un mauvais son, ou touchée de quelque mot que l'usage n'a pas encore poli ni approuvé (437). D'une manière générale ces mots sentent l'affectation, jettent de l'obscurité, déconcertent l'oreille (436-437). Les poètes n'ont pas innové avec succès ; il n'y aurait point d'apparence de l'entreprendre communément en prose (444). Une mauvaise parole a de temps en temps son mérite, et l'orateur imite parfois les dames qui ont souvent plus de grâce dans le mépris qu'elles font de se parer que dans leurs plus curieux ornements (438) ; mais il ne faudrait pas pour cela leur conseiller ni à lui, ni à elles, de négliger tout soin d'eux-mêmes. Les trois vertus de l'éloquence sont d'être claire, correcte et ornée.
Ces concessions faites, La Mothe est sur un terrain très solide, ce n'est plus que l'abus qu'il attaque. Aussi ne le ménage-t-il point. Presque tous les travers des contemporains sont passés en revue : Ce serait faire perdre la moitié du langage, que d'accepter cette servile contrainte, que beaucoup de personnes s'imposent et voudraient donner au reste du monde, de ne point dire s'abat, face, pendant 1,
J. Cf. Vaugelas, I, 33. L'Académie n'y voit « aucun mauvais équivoque » (Corn., XII, 490). Dupleix, Lumières de Mathieu de Morgues (281), combat ceux qui ne voudraient plus qu'on dit gîte, à cause de gîte de lièvre. Il est bon de noter que, dès 1627, Sorel attaque des raffineurs, qui prétendent substituer pensée à conception, et répètent à tout propos : cette pensée me heurte ; voir Roy, Sorel, 149.
------------------------------------------------------------------------
44 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
sous prétexte que par des équivoques mal prises ces mots portent à des sens peu honnêtes (440). On en voit rêver vingt-quatre heures comment ils éviteront le mauvais son de ce seroit (441). D'autres ont donné au public de gros volumes, où ils ont eu la curiosité de se passer de l'une des plus ordinaires conjonctions, dont ils avaient conspiré la perte (Ibid.). Pourquoi encore la fantaisie de nous priver des adverbes : aucune fois, aujourd'hui, soigneusement, au surplus (Vaug., I, 34 ; II, 106), généralement, quasi (Vaug., I, 82), affectueusement, et de beaucoup d'autres ? Laissera-t-on faire des règles qu'il ne faut pas dire quitter l'envie (Vaug., 35 ; Acad. dans Corn., XII, 494), mais la perdre ; ennuis cessez (Acad., dans Corn., XII, 494), mais ennuis finis ou terminez ; eslever les yeux vers le Ciel, mais lever les yeux au ciel (Vaug., I, 35) ? Bientôt, si nous en croyons ces Messieurs, Dieu ne sera plus supplié, il faut qu'il se contente d'être prié (Vaug., I, 355). Il n'y aura plus de souveraineté au monde, mais seulement une souveraine puissance. Il ne faudra plus parler de vénération, mais seulement de révérence (Vaug., I, 34). C'est être vieux Gaulois que de dire lequel, duquel, eu égard, aspreté (Vaug., II, 443), avec une infinité d'autres qui sont dans l'usage ordinaire ; et si vous vous servez d'une diction qui entre dans le style d'un notaire, il n'en faut point davantage pour vous convaincre que vous n'êtes pas « dans la pureté du beau langage » (441-442). Les petits esprits croient mériter beaucoup par ces subtilités.
Au reste le jugement du langage ne peut appartenir aux seuls hommes de cour, dont tout le monde avoue « qu'une infinité de dames et de cavaliers parlent excellemment, par la seule bonté de leur nourriture et de l'air de la Cour. » Il y a assez de personnes à qui les seules grammaires vulgaires suffisent pour se rendre très entendus en ce qu'elles enseignent. Néanmoins, là où il sera question de donner son avis aux choses douteuses, que le peuple n'a pas encore déterminées, et qui peuvent avoir quelque rapport à la langue grecque, celui qui possédera le grec et le français sera tout autrement capable de juger; « nous ne sçavons bien les choses, que quand nous les connoissons par leurs causes » (459-460) 1.
Il ne faut pas attribuer à la loi grammaticale un caractère absolu. C'est là l'erreur de l'école, de croire que, parce qu'une chose est bien dite d'une sorte, elle est forcément mal dite de l'autre (442).
1. Le dernier mot fait allusion au livre de Scaliger sur les causes de la langue latine. L'avènement de la grammaire raisonnée ne commence pas encore, mais certains pensent déjà à en appliquer les méthodes au français.
------------------------------------------------------------------------
L OPPOSITION. LA MOTHE LE VAYER 43
Imposer cette doctrine, c'est gêner à tort le véritable talent et sacrifier, comme on le fait trop souvent, le fond à la forme. L'éloquence ne peut pas être réduite à une « vaine curiosité du langage, jointe à quelque petit nombre de regles grammaticales » (463). « Ceux qui veulent triompher de quelques mots bien arrangez, ce leur semble, bien qu'ils n'aient aucune conception raisonnable, qui nous pensent debiter de la cresme foittée pour une solide nourriture, et qui écrivent à la mode, comme ils disent, mais sans science et sans jugement, ressemblent à ceux qui chantent sans paroles, pour n'avoir encore que la simple connoissance des nottes de la Musique » (464).
Où est l'homme de bon sens qui voudrait « condamner une oeuvre de grande recommendation, pource qu'on y aurait trouvé quelque diction à redire? » (444). « Ceux dont le génie n'a rien de plus à coeur que cet examen scrupuleux de paroles, et j'ose dire de syllabes, ne sont pas pour reussir noblement aux choses serieuses, ni pour arriver jamais à la magnificence des pensées. Nihil est acutius arista, sed nec futilius » (442-443).
La Mothe Le Vayer avait eu soin, dans ce traité adressé à Richelieu, d'afficher le plus profond respect pour l'Académie (460), dont la création était aussi glorieuse pour le Cardinal que le mérite « d'avoir applani les Alpes et rendu à la France ses anciennes limites du costé du Rhin ». Il profitait de ce qu'elle n'avait presque rien publié encore pour professer qu'il' estimait l'avoir avec lui, choisissant des exemples qu'elle avait elle-même donnés, se résignant du reste, à l'avance, à quitter ses opinions, si elle venait à les condamner. L'Académie lui tint compte de cette déférence, et le reçut parmi ses membres. Néanmoins des doctrines si manifestement en opposition avec celles de tant de gens, précieux, puristes ou grammairiens de cour, ne pouvaient rester sans réponse. Cette réponse se fit attendre dix ans, mais elle vint, signée de celui qui avait toute raison de se croire particulièrement visé 1, c'est la Préface des Remarques de Vaugelas 2.
1. Outre que diverses remarques de Vaugelas, qui circulaient dès celle époque, sont attaquées par Le Vayer, il y a, dans cet opuscule, plusieurs malices à son adresse. C'est en partie parce qu'il n'est pas helléniste, qu'il est si fort recommandé aux grammairiens français de l'être, et le conseil ironique adressé aux raffineurs de langage de s'appliquer aux traductions est en partie pour lui.
2. Il n'est pas impossible que Le Vayer ait amené Vaugelas, qui se remaniait toujours, à changer certains détails. C'est pourquoi j'ai donné ici les renvois à des passages de Vaugelas, qui forcément seront encore cités dans la suite de cet exposé.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE VII
VAUGELAS
Claude Favre, baron de Péroges, seigneur de Vaugelas, est né à Meximieux en Bresse, le 6 janvier 1595. Son père, Antoine Favre, premier président du Sénat de Savoie, commandant général du duché, s'était déjà occupé de belles-lettres en même temps que de droit, et avait fondé à Annecy l'Académie florimontane, dont François de Sales fut aussi président.
De l'éducation et de la jeunesse de son fils nous savons peu de chose. Aleman prétend 1 qu'ayant eu en partage la pension que les rois de France accordaient à sa famille, Vaugelas se crut obligé de s'attacher à la France et de quitter la Savoie, qui du reste venait de changer de maîtres. Quoi qu'il en soit, nous savons qu'il vint de fort bonne heure à Paris. Il n'y eut pas une fortune bien brillante. Timide et gauche, crédule et même naïf, suivant Tallemant, il n'avait point ce qu'il fallait pour s'y pousser dans la faveur des grands. Et comme il eut en outre la mauvaise chance de s'attacher à Gaston d'Orléans, sa pension lui fut supprimée. Obligé de suivre son maître dans ses pérégrinations, mal payé, il tomba dans la gêne, et s'endetta pour toujours. On a vu dans l'histoire de l'Académie comment Richelieu, pour aider la Compagnie à venir à bout du Dictionnaire, rétablit la pension de Vaugelas, qui n'en mourut pas moins insolvable. Nous savons encore que, peu auparavant, il s'était fait gouverneur des princes de Carignan, fils de Thomas-François de Savoie ; singulière destinée, comme le remarquait Mme de Rambouillet, pour un homme qui parlait si bien, que d'être chargé de deux élèves dont l'un était sourd et muet, l'autre bègue !
Vaugelas eut du moins la consolation de vivre dans le milieu dont les goûts et le langage lui agréaient le plus. Il fréquenta tous les salons du temps, et fut un des habitués de l'Hôtel 2, avant de devenir un des premiers membres de l'Académie. « Vénérant les dames »,
1. Préf. des Remarques posthumes. Paris, Desprez, 1690.
2. M. Chassang, dans son édition dés Remarques, a reproduit l'éloge posthume donné à Vaugelas par Mme de Rambouillet (I, IX).
------------------------------------------------------------------------
VAUGELAS 47
écoutant plus qu'il ne parlait, observant et s'enquérant toujours, il poursuivait en silence cette éducation grammaticale qu'il avait commencée sous Malherbe, et qu'il ne trouvait jamais assez complète. Enfin les Remarques parurent en 1647, chez la veuve Jean Camusat.
. C'est toute l'oeuvre de Vaugelas, car la traduction de QuinteCurce, qui devait appliquer les règles du bon langage, avait été tant de fois reprise, que l'auteur mourut avant d'avoir pu se décider à la donner au public. Elle ne parut qu'en 1653, par les soins de Chapelain et de Conrart 1. « Il n'y a jamais eu de langue, dit Vaugelas, où l'on ait escrit plus purement et plus nettement qu'en la nostre, qui soit plus ennemie des équivoques, et de toute sorte d'obscurité, plus grave et plus douce tout ensemble, plus propre pour toutes sortes de stiles, plus chaste en ses locutions, plus judicieuse en ses figures, qui aime plus l'elegance et l'ornement, mais qui craigne plus l'affectation... Elle sçait temperer ses hardiesses avec la pudeur et la retenuë qu'il faut avoir, pour ne pas donner dans ces figures monstrueuses où donnent aujourd'huy nos voisins... Il n'y en a point qui observe plus le nombre et la cadence dans ses periodes, en quoy consiste la veritable marque de la perfection des langues » (Préf., 48-49).
On voit à ces éloges qui n'eussent pu, je crois, être signés de personne avant lui, comment Vaugelas a aimé la langue française. Ils expliquent qu'il lui ait consacré sa vie. Sa préface achève, avant même qu'on ait ouvert les Remarques, de montrer quels services il a prétendu lui rendre. Rarement auteur a analysé et exposé avec une plus grande sincérité et une. conscience plus complète, son objet, son plan et sa méthode.
Le titre même est significatif. Vaugelas ne légifère en rien : c'est pour cela qu'il s'est gardé des mots de lois ou de décisions ; il ne prétend passer que pour « un simple tesmoin qui depose ce qu'il a veu et ouï », non pour un juge (11). « Il n'y a qu'un maistre des langues, qui en est le roy et le tyran, c'est l'Usage. »
Nul. ne peut acquérir, quelque réputation qu'il se fasse à - écrire, « l'authorité d'establir ce que les autres condamnent, ny d'opposer son opinion particuliere au torrent de l'opinion commune » (18). La raison même doit s'incliner. Sans doute cette religion-là, pas plus que la foi chrétienne, n'exclut ni la raison ni
1. On trouve, dans la même édition, quelques mauvais vers de Vaugelas. Les papiers de Conrart lui en attribuent quelques autres. Voir en particulier ms. 415, p. 891 : « De M. de Vaugelas à des dames qui faisoyent une queste à Nevers, et qui estoyent venues en son logis un jour qu'il avoit pris un lavement. »
------------------------------------------------------------------------
48 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
le raisonnement, mais ni l'un ni l'autre n'ont autorité sur elle. L'usage fait beaucoup de choses par raison, d'autres sans raison, beaucoup contre raison. Il faut tout croire sans distinguer (2324)'.
(2324)'.
Encore moins peut-on opposer à l'usage français l'usage d'une Tangue quelconque. La connaissance du latin et du grec peut servir à donner une forme simple à une règle 2, elle ne la détermine en aucune façon; même en matière d'orthographe, ce n'est qu'à défaut d'autre raison qu'on a recours à l'étymologie. L'usage n'en dépend qu'autant qu'il lui plaît (I, 194) 3. Vaugelas « venere la venerable antiquité et les sentimens des doctes » ; mais d'autre part, il ne peut « qu'il ne se rende à cette raison invincible, qui veut que chaque langue soit maistresse chez soy, surtout dans un Empire florissant et une Monarchie predominante et auguste, comme est celle de France... » Que « pour faire voir qu'on n'ignore pas la langue Grecque, ny l'origine des mots, et que pour honorer l'Antiquité, il faille aller contre les principes, et les elemens de nostre langue maternelle..., il n'y a nulle apparence », et il n'y peut consentir (I, 338) 4. Nous avons dit comment il va chercher le bon usage exclusivement à la Cour.
Ceci n'était point nouveau, mais ce qui l'était plus, c'était la distinction ferme d'un bon et d'un mauvais usage. Après Vaugelas elle est devenue définitive ; pour lui elle était déjà « sans doute ». « Le mauvais usage, dit-il, se forme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes choses n'est pas le meilleur. Le bon au contraire est composé de l'élite des voix (I, 12). C'est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d'escrire de la plus saine partie des autheurs du temps » (1,-1 3). La Cour, en y comprenant les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville, est « comme le magasin de la langue », c'est elle qui contribue pour la plus grande part à former l'usage. Le langage des bons auteurs en est comme une vérification, qui autorise et dans certains cas décide. Il faut y joindre encore l'avis des gens savants en la langue, important en cas de doutes et de difficultés (Ih:). Or, « il n'y a pas à deliberer si on parlera plustost comme on parle à la Cour que comme on parle à la ville » (II, 25). Même
1. Qu'ainsi ne soit est une locution sans raison ; on devait dire qu'ainsi soit (II, 339). Communis error facit jus, malgré Priscien et toutes les puissances grammaticales (I, 421).
2. Voir I, 332, une règle de prononciation de h muette, dont « ceux qui sçavent le latin pourront seuls se prevaloir ».
3. Cf. II, 295.
4. A plus forte raison l'espagnol et l'italien, que Vaugelas cite et semble avoir connus, ne régissent-ils pas le français (II, 110, et I, 332).
------------------------------------------------------------------------
VAUGELAS 49
quand il s'agit de mots spéciaux, qui semblent être la propriété du peuple, il les faut recevoir sous la forme que la Cour leur a donnée : tous les gens de mer disent naviguer, la Cour et les bons auteurs naviger, c'est de cette dernière façon qu'il le faut dire (I, 144). Les gens qui travaillent l'ébène font le mot des deux genres, la Cour J le fait seulement féminin ; c'est à ce genre qu'il faut se tenir.
Vaugelas espère, il le laisse sentir en s'en défendant, être arrivé à observer cet usage, « ayant eu l'avantage de vivre depuis trentecinq ans et plus à la cour 2 », d'avoir fait son apprentissage auprès du grand cardinal Du Perron et de M. Coeffeteau, d'avoir eu « un continuel commerce de conference et de conversation avec tout ce qu'il y a eu d'excellens hommes à Paris en ce genre, enfin d'avoir vieilli dans la lecture de tous les bons Autheurs » (I, 16). Il a même tiré de sa naissance en Savoie ce profit, qu'il s'est défié continuellement des vices de son terroir. Sur beaucoup de points, il n'a eu qu'à enregistrer, l'usage était déclaré. Sur d'autres, nombreux aussi, l'usage était douteux.
La prononciation n'indiquait pas s'il fallait une s dans je vous prends tous à tesmoin, c'est une des plus belles actions qu'il ail jamais faites ; ni si on disait un ou une épigramme. Devait-on employer vesquit ou vescut ? Dans cet embarras, sa méthode est la suivante : « s'adressera ceux qui n'ont point estudié, et non aux sçavans en la langue grecque et en la latine » (II, 284) 3. Pour savoir si on dit : elle s'est faite peindre, « je dirais : il y a une Dame qui depuis dix ans ne manque point de se faire peindre deux fois l'année par des peintres differens. Je vous demande, si vous vouliez dire cela à quelqu'un, de quelle façon vous le luy diriez sans repeter les mesmes paroles que j'ay dites » (II, 287). Si cela est possible, ne pas indiquer à ceux dont on veut avoir l'avis, quel est le doute dont on veut être éclairci, de manière à ne pas les influencer ; si on est obligé de s'en éclaircir, s'en remettre à « des autheurs vivans et à des gens qui ont une particuliere connoissance de la langue » ; ils jugent d'après leur usage ou au besoin d'après l'analogie 4, qui n'est qu'une application de l'usage. Y a-t-il doute, l'usage reste libre (I, 18 et s.).
1. Bien entendu Cour doit s'entendre ici dans son sens le plus large. Ce n'est ni chez le roi, ni même dans son entourage immédiat que Vaugelas a vécu ; il s'agit du monde, de la société, comme on a dit à d'autres époques, où fréquentaient des personnages qui avaient leur entrée à la cour. (Voir plus haut, 27-28).
2. Il parle avec un certain dédain des grammairiens qui l'ont précédé ; il n'a du reste pas l'air, de se considérer comme un véritable grammairien (II, 179). Ses adversaires ne le considèrent pas non plus comme tel (voir Dupleix, Lib., 268).
3. Sur la déférence que Vaugelas montre pour les dames, voir II, 74.
4. Voir un exemple caractéristique de raisonnement analogique, II, 178 et suiv.
Histoire de la Langue française. III. 4
------------------------------------------------------------------------
50 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
En cas contraire, la majorité décide. L'usage une fois déclaré. Vaugelas n'admet pas que jamais on puisse refuser de s'y soumettre. Oui bien, quand il est encore particulier. Ne pas vouloir dire que quelque chose sabbat, à cause de l'allusion au sabbat des sorciers, lui paraît ridicule. Mais telle est la force de l'usage, que, ces fantaisies d'un particulier une fois acceptées généralement, il se faut soumettre. C'est pour une raison pareillement extravagante et insupportable qu'on s'est abstenu de dire et d'écrire poitrine. Toutefois, « par cette discontinuation qui dure depuis plusieurs années, l'usage a enfin mis ce mot hors d'usage pour ce regard ». Vaugelas 1, tout en condamnant la raison pour laquelle on « a osté ce mot dans cette signification, ne laisse pas de s'en abstenir et de dire hardiment qu'il le faut faire 2 » (I, 33).
Seuls les genres burlesque, comique et satirique peuvent s'accommoder du mauvais usage. Le bon doit comprendre tout le reste, « c'est-à-dire tous les stiles des bons escrivains » — qui ne s'occupent point de ces genres trop vils — et même « le langage des honnestes gens ». Ainsi, même en style bas, même en conversation, la règle ne se relâche pas. Fût-ce par plaisanterie, il est dangereux d'employer des termes comme boutez-vous là, ne demarrez point. Ceux qui les entendent ne doutent point qu'on ne sache que c'est mal parler, et avec tout cela, ils ne veulent pas souffrir ces fausses galanteries (I, 26). Un mauvais mot est capable de faire plus de tort qu'un mauvais raisonnement, « car il y a une certaine dignité, mesme dans le langage ordinaire, que les honnestes gens sont obligez de garder, comme ils gardent une certaine bienséance en tout ce qu'ils exposent aux yeux du monde » (II, 171) 3.
Un bon style a des qualités diverses, variant avec chaque genre, mais il doit toujours en avoir qui sont essentielles, cardinales : la pureté, la netteté. Vaugelas a un tel désir de les assurer à la langue, que, parvenu au terme de son livre, il récapitule les différents vices qui y sont contraires, et s'attache particulièrement à la
1. Cf. I, 133-134.
2. Vaugelas semble parfois, au premier aspect, forcer l'usage, malgré des principes si arrêtés. Il n'en est rien. Ainsi (I, 215) il proscrit l'usage de quatre pour quatrième, dans chapitre IV, Henri IV. Et comme il s'écrie immédiatement : « Quelle grammaire et quel mesnage de syllabes est cela ? » on pourrait croire qu'il s'inspire de la raison. Mais à y regarder de près, c'est l'usage de la chaire et du barreau qu'il défend contre un solécisme que le grand usage semble autoriser. Il en est de même dans la remarque sur pluriel. Il semble tout d'abord que ce soil l'étymologie qui lui fasse substituer pluriel à plurier ; mais il montre que l'usage est douteux, et que par conséquent le choix reste libre (II, 200. Cf. encore 1, 174). S'il est un reproche qu'on peut faire à Vaugelas, c'est d'avoir été trop conséquent et trop fidèle à des principes trop absolus.
3. Cf. I. 240 et 214.
------------------------------------------------------------------------
VAUGELAS 31
netteté, qu'il sait nouvelle, puisqu'« un homme qu'on consultait comme l'oracle de la pureté ne l'a pas connue » (II, 351, à la fin). On trouvera, plus loin, étudiées dans les différents chapitres, les remarques publiées par Vaugelas ; elles sont fort nombreuses, car l'auteur voulait « qu'il ne pût se proposer de doute, de difficulté ou de question, soit pour les mots, soit pour les phrases, ou pour la syntaxe, dont la décision n'y fût rapportée ».
VALEUR DES « REMARQUES 1 ». On peut dire de l'ouvrage de Vaugelas, comme de tant d'autres, qu'il est plus célèbre que connu. L'auteur, qui écrivait pour des gens du monde, a voulu éviter de se donner des airs pédantesques, et, dans cette préoccupation, il est allé jusqu'à diviser en plusieurs remarques placées à grande distance l'une de l'autre des conseils qui se complètent. D'autre part il n'a pas eu peur de se répéter ; aussi, sans parler de ses réflexions sur la toute-puissance de l'usage, qui reviennent comme un refrain, retourne-t-il souvent à des questions déjà traitées 2. Encore n'est-ce là qu'un des petits défauts de son plan. Le pis, c'est qu'à rédiger sans ordre, Vaugelas a observé sans méthode, suivant que les hasards
1. Je réimprime, à peu près textuellement, cette appréciation de Vaugelas, telle que je l'avais donnée dans l'Histoire de la langue et de la littérature françaises de M. Petit de Julleville. L'article de M. Brunetière, paru dans la Revue des Deux Mondes (1901, p. 562 et s.), ne me semble en effet rien apporter de nouveau qui soit juste. Il est l'oeuvre de quelqu'un qui a étudié la Préface, mais n'a guère fréquenté le livre, qui a pris pour argent comptant ce que Vaugelas dit de sa propre méthode, et n'a pas pris le soin d'en constater les défauts. A plusieurs endroits, suivant un usage qui lui était trop familier, M. Brunetière réfute mes opinions en les faussant, pour se donner le plaisir d'une facile victoire; ainsi je suis fortement tancé pour avoir reproché à Vaugelas de ne pas user de la méthode historique, qui n'existait pas. Pour un peu, je l'aurais repris de n'avoir pas lu Diez. J'ai dit seulement, comme je le répète ci-dessus, que Vaugelas s'est exposé à commettre de grosses bévues, faute de traiter les questions avec quelque considération du passé de la langue, et quelque intelligence des transformations qui étaient en cours, ainsi que Ménage ou même Patru le faisaient.
On comprendra pourquoi je ne voudrais point paraître attaquer ici un homme qui ne peut plus se défendre, je préviens seulement ceux qui liront son article de prendre garde à un grand nombre d'erreurs sur les faits, ainsi p. 567 : « Nous voilà dûment avertis. Ce que l'on trouve dans les grammaires françaises, il l'y laisse, lui, Vaugelas, et les étrangers ou les écoliers iront l'y chercher. » Vaugelas n'a point parlé d'écoliers dans le passage auquel il est fait allusion, et il ne pouvait en parler, puisqu'il n'y avait à peu près point d'écoles où on enseignât méthodiquement aux enfants la grammaire française, ni par suite de grammaires faites pour ces écoles. Au reste il est faux que les Remarques de Vaugelas ne touchent pas aux questions élémentaires de grammaire, tout l'exposé qui suit le prouvera. P. 573 : « L'opinion de Malherbe semble avoir été que le peuple est maître de la langue ». P. 571 : « Il n'y a point de locutions, dit Vaugelas,... qui aient si bonne grace que celles que l'usage a établies contre la règle et qui ont comme secoué le joug de la grammaire »... De là, ajoute M. Brunetière, « rien ne serait plus aisé, si l'on le voulait, que déduire une théorie de l'incorrection de génie ». Ce serait je crois, prendre exactement à contresens une phrase qui signifie autre chose, etc.
2. Voir en particulier, I, 120, et I, 347 ; I, 190, et II, 140 ; etc.
------------------------------------------------------------------------
52 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
de ses conversations ou de ses lectures lui faisaient remarquer quelque faute. Nulle vue d'ensemble ; il s'est fondé sur l'accident.
Aussi, quoiqu'il ait pris soin de rejeter hors de son recueil quelques remarques qui lui paraissaient superflues, les fautes étant par trop grossières, s'attarde-t-il à reprendre des solécismes ou des barbarismes déjà incontestablement condamnés et devenus rares. D'autres, au contraire, qui étaient plus intéressants à critiquer, passent sans être aperçus de lui. De très grosses questions, on le verra plus loin, ne sont ni tranchées ni même posées, comme celle de l'emploi du prétérit défini ou celle de la syntaxe des modes. Ainsi conçu, le livre non seulement ne satisfait pas toutes les curiosités, mais ne répond même pas à tous les besoins.
Toutefois il a d'autres défauts plus graves que celui d'être incomplet et fragmentaire. Même comme livre pratique, il est loin d'être parfait. Assurément Vaugelas avait des qualités très sérieuses, et, tout d'abord de la patience et de la conscience. S'il y a des inadvertances dans son oeuvre 1, elles ne viennent point d'un manque d'application ni de volonté. Les Remarques subirent presque autant de retouches que le Quinte-Curce. Faites avec une attention concentrée, rédigées avec un soin méticuleux, contrôlées par des expériences et des observations répétées, revisées par des collègues 2, reprises, corrigées au besoin, refaites pendant de longues années, elles sont l'oeuvre d'un scrupuleux et d'un laborieux.
Seulement Vaugelas ne semble pas avoir une sûreté parfaite dans l'observation. Des amis même et des admirateurs, comme Chapelain 3, Patru 4, qui aiment comme lui le bon usage, le recueillent avec le même soin et aux mêmes sources, ont pu lui
1. Ainsi Vaugelas a condamné les néologismes, et, néanmoins, il en hasarde deux au moins, adverbialité et substantifier. Il a déclaré épithète féminin, et l'a fait malgré cela masculin (I, 260). Après avoir établi la fameuse règle (cf. II, 127) que Molière a rendue immortelle, il a fait pourtant la récidive de pas avec aucun (II, 77). Mais il reconnaît ses inadvertances avec une candeur qui désarme : « J'avoue, dit-il, que j'ay failly et que je n'ay connu la faute dont j'avertis les autres que depuis peu, tellement qu'il faut en user selon cette Remarque, et non pas selon le mauvais exemple que j'en ay donné » (11,341). Aussi La Mothe Le Vayer ne lui reproche-t-il que trop de sincérité et de modestie.
2. Quelquefois Vaugelas ne fait qu'enregistrer des décisions de l'Académie. Souvent, en tout cas, il fait allusion à des discussions relatives aux règles dont il traite ; voir I, 383, 388, 399 ; II, 48, 81, 83, 96, 180, 259, 336, 346.
3. Il faudrait bien recueillir et publier les observations grammaticales de Chapelain Il y en a dans ses Lettres en plus grand nombre que le texte imprimé des « Documents inédits » ne le laisse supposer, soit dans des lettres que M. Tamizey de Larroque déclare avoir passées, soit dans d'autres au sujet desquelles il n'a donné aucun avertissement. J'en dirai autant des remarques.qui se trouvent éparses dans les recueils de Conrart. Mlle Samfiresco a donné un essai sur Conrart grammairien dans les Mélanges Brunot (303 et suiv.).
4. V. Rem., I, 125, 126, 129, 168, 249, 284.
------------------------------------------------------------------------
VAUGELAS 53
faire de graves objections. Sans doute, il est difficile d'affirmer qu'ils ont raison contre lui. L'exemple des auteurs, l'usage de l'époque postérieure, même quand ils sont en leur faveur, ne prouvent pas positivement contre l'opinion qu'ils contredisent. Mais nous avons cependant un témoignage irrécusable, qui montre que Vaugelas n'est pas, tant s'en faut, un observateur impeccable. Il affirme plusieurs fois qu'une chose est mauvaise, et qu'elle ne se trouverait pas dans M. Coeffeteau. Or elle y est : c'est donc que l'attention et la mémoire de Vaugelas ont des défaillances 1.
Il semble par suite que sur bien des points où Vaugelas a été en désaccord avec Chapelain, Patru, ou d'autres même, il ait eu au moins le tort de considérer comme usage déclaré ce qui n'était que l'usage douteux, et l'erreur était considérable, puisque l'usage déclaré, c'était la règle pour lui.
En outre, il ne faudrait pas croire Vaugelas plus constamment passif qu'il ne l'est ; il prend sa matière au public, c'est vrai, mais il la transforme, lui aussi, en l'interprétant. Il reçoit le fait particulier, mais c'est lui qui en fait une loi, qu'il formule, et qu'il explique même parfois, et c'est dans cette partie de sa tâche surtout qu'il a été insuffisant, étant homme de goût, mais médiocre grammairien.
Ainsi il entend qu'on dit: elles sont toutes sales, elle est toute telle, elle est tout autre ; il ne songe qu'à classer ces différents cas, sans même se demander si l'e du féminin de toute n'est pas élidé devant au de autre (I, 179). Il remarque qu'on ne peut pas dire : j'ay parlé à un tel de vostre affaire, il s'y portera avec affection. Celle que vous m'avez tesmoignée ces jours passez. . ., sans se souvenir que celle, suivant une règle qu'il a posée lui-même ne saurait se construire avec affection, dépourvu d'article, il s'égare dans des considérations sur les démonstratifs ainsi placés au commencement des phrases, et déclare qu'ils n'y peuvent pas représenter des mots abstraits (II, 237). Une fausse interprétation de faits réels le conduit ainsi à bâtir souvent des règles imaginaires.
Ailleurs, quand il tient une règle juste, il lui arrive de la fausser par une généralisation excessive. Ainsi approcher, suivant lui, ne régit pas l'accusatif avec un nom de chose. Il eût fallu dire : quand le
1. Vaugelas (1,143) affirme que Coeffeteau dit et écrit toujours je peux ; c'est inexact, il écrit aussi je puis. Il dit que résoudre (I, 136), dans le sens de prendre une résolution, n'a jamais été employé transitivement par Coeffeteau, et il l'a été ; ainsi de suite. Tous ces rapprochements entre les règles de Vaugelas et l'usage de son maître sont développés dans le livre de M. Urbain : Nicolas Coeffeteau (Paris, Thorin, 1893), ch. v. II, p. 309 et suiv. ; voir particulièrement p. 314 et 315.
------------------------------------------------------------------------
54 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
verbe signifie s'approcher de, puisque, lorsqu'il veut dire amener près de soi, on dit fort bien : approcher la table (I, 259). Il déclare ailleurs que c'est écrire à la vieille mode que de mettre le verbe substantif à un temps quelconque devant le nom qui le régit. Cela est vrai de l'exemple qu'il donne : fut son avis d'autant mieux receu ; mais faux de certains autres : ainsi fut tué ce grand homme; telle fut la fin de ce prince. Vaugelas eût certainement trouvé ces tours excellents, il n'y a pas songé (II, 27).
De ces faiblesses il résulte qu'il y a dans le livre des Remarques un certain nombre de règles fausses, dont quelques-unes ont été écartées par les grammairiens postérieurs, mais dont plusieurs pèsent encore sur la grammaire française actuelle.
J'arrive à un autre ordre de réflexions, qui concernent moins personnellement Vaugelas, qu'il est cependant nécessaire de présenter ici, car elles portent sur les tendances et la méthode de l'école dont il a été le principal représentant.
Tout d'abord Vaugelas, comme la plupart de ses contemporains, ne sait à peu près rien de la langue antérieure. Il a lu Amyot, il cite Du Bellay, mais évidemment le français des siècles précédents lui est moins connu, je ne dis pas qu'à Ménage, mais même qu'à Patru 1. Et il ne faut pas croire que cette ignorance, et le parti qu'on avait pris de négliger ce qu'on pouvait savoir du passé fussent sans danger-, même pour dresser une grammaire purement dogmatique. Comment fixer des règles, sans connaître les tendances de la langue, et par quel moyen démêler ces tendances, si on ne les a observées que pendant le court espace que dure une vie d'homme ? Faute de se souvenir de l'histoire, non seulement on explique mal, mais on ne peut guère déterminer l'état exact d'une langue; la notion du changement s'obscurcit, le présent apparaît sinon comme ayant toujours été, du moins comme devant toujours être. En fait, Vaugelas et les siens n'ont nullement compris que certaines transformations étaient en train de s'accomplir. Égarés par là, ils ont cherché à fixer l'état instable qu'ils constataient, s'évertuant à classer et à distinguer des cas, quelquefois même à rendre raison des différents usages. Et ainsi s'est introduite, et pour longtemps, une extrême confusion, là où l'instinct populaire, tout grossier, abandonné à luimême, eût apporté l'unité et la clarté. A n'être pas du tout historique,
1. Il condamne sans hésiter les grammairiens qui ont dit que puissamment et les adverbes analogues avaient été faits sur la forme du masculin, alors que, par suite des progrès de la langue, m s'est tout simplement substitué à nte (II, 169) ! Le « génie » de l'étymologie lui fait visiblement défaut. Cf. une erreur sur faillir et falloir (I 421).
------------------------------------------------------------------------
VAUGELAS 55
la grammaire dogmatique a ainsi perdu. Elle s'est hérissée de prétendues règles et d'exceptions, que des sous-exceptions venaient encore souvent contredire.
Il y a plus, et on peut se demander si Vaugelas et ses collaborateurs n'ont pas outrepassé la mesure, en soumettant la langue, comme ils l'ont fait, à l'autorité de la Cour. Je reconnais que ni Vaugelas lui-même, ni ceux sur lesquels il s'appuie : Godeau (II, 40, 217), Gombauld (II, 217, 305), Habert de Cerisy (II, 217), Conrart (II, 285), Chapelain (IL 345), Patru (I, 45, 49), Coeffeteau (II, 249), Balzac (I, 172, 269), d'Ablancourt (II, 54), n'étaient hommes à conduire le troupeau, au lieu de le suivre. J'accorde aussi qu'il n'était pas aisé de réagir, puisque Corneille même essaya de se plier à la doctrine, sacrifiant de bons vers pour en faire de mauvais, plus corrects. Toujours est-il que cette abdication des droits légitimes des écrivains a eu de graves inconvénients. Ce n'est pas répondre à la critique que de montrer qu'un magnifique épanouissement littéraire a suivi Vaugelas. La question n'en reste pas moins entière, et les principes n'en sont pas moins discutables.
Or je ne voudrais pas paraître injuste pour les premiers académistes. J'accorde qu'ils ont fait beaucoup pour acquérir à la langue la clarté, la netteté, la justesse, la sobriété élégante et la simplicité harmonieuse qui lui ont donné sa popularité. Il est bien vrai que les dames de la Cour, qui étaient les oracles du temps, avaient gardé l'essentiel du génie de la race, toujours attirée par les idées et les images claires, correctes, bien ordonnées et mesurées. Il n'en reste pas moins que présenter l'écrivain comme uniquement propre à recevoir les mots et à les combiner suivant des règles strictement prévues, lui défendre de chercher et de trouver du nouveau, poser en principe que rien ne plaît à l'oreille que ce qu'elle a « accoustumé d'ouïr » en matière de phrase et de diction (I, 163), c'était méconnaître les droits de l'imagination et de la pensée. Les mots paraîtront peut-être gros. Ils sont justifiés par de nombreux excès. Sans doute Vaugelas déclare ne pas vouloir mettre l'écrivain à la gêne ; il affirme à plusieurs reprises son affection pour la naïveté du langage, qui fait une grande partie de sa beauté (I, 341, 238) ; il ajoute même qu'elle doit être placée au premier rang (I, 189). On ne lui arracherait pas pour cela une concession sur une règle, même d'importance secondaire. Comme Malherbe, qui engageait Racan à jeter au feu de bons vers où se trouvait une incorrection impossible à ôter, Vaugelas conseillait de ne pas exprimer certaines choses, plutôt que de les exprimer d'une manière qu'il jugeait mauvaise.
------------------------------------------------------------------------
36 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Qu'on se reporte par exemple à ce qu'il dit du mot presque (I, 445). Il lui paraît irrégulier d'écrire : j'ay suivi en cela l'avis de tous les Jurisconsultes et de presque tous les Casuistes. De se joint immédiatement au nom. Et il ajoute : Si on demande « mais que deviendra presque? où le mettra-t-on ? car il le faut dire nécessairement. Je respons que ce sont deux choses, de condamner une façon de parler comme mauvaise, et d'en substituer une autre en sa place, qui soit bonne. Les Maistres m'ont appris que cette façon d'escrire est vicieuse ; je m'acquitte de mon devoir, en le déclarant au public, sans que je sois obligé de réparer la faute ».
Il paraît difficile de ne pas trouver cette résignation excessive ; si elle eût été acceptée, ce n'était plus seulement la richesse qu'on sacrifiait, mais la justesse même de la langue. J'ajoute enfin que l'importance donnée à la correction grammaticale, même là où elle ne gênait point l'expression de la pensée, n'était pas sans quelques dangers pour la littérature d'abord — je laisse ceux-là de côté, — ensuite pour la grammaire même. Vaugelas avait encore eu la sagesse de faire deux catégories de ses remarques, les unes essentielles, d'autres destinées à ceux-là seuls qui avaient souci de perfectionner leur langue et leur style (I, 161). Mais une tendance invincible devait pousser à mettre les unes et les autres sur le même rang. De là des subtilités, des discussions interminables, où répliques et dupliques se croisaient entre grammairiens pour arriver à déterminer si on disait : jusques aujourd'huy ou bien jusques à aujourd'huy 1. De là surtout la croyance que ces minuties, une fois réglées, devaient être observées, comme les grandes règles, et que sur tous les points il n'y a qu'une manière de dire correcte, par suite obligatoire.
1. Cf. I, 220, sur intrigue; II, 116, sur sous les armes, etc.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE VIII L'OPPOSITION A VAUGELAS. SON SUCCÈS
Pris assez rudement à partie par Vaugelas, La Mothe Le Vayer ne pouvait pas rester coi. Il répliqua dans quatre Lettres touchant les nouvelles remarques sur la langue françoise, adressées à Naudé, et publiées dès 1647 1 . En beau joueur, il commençait par protester qu'il n'était aucunement blessé des citations de la Préface, qu'au contraire il était heureux que l'auteur « se fust deschargé de ce qu'il avoit sur le coeur, et qui le devoit incommoder depuis dix ans » (p. 9). La matière ne vaut point qu'on se mette fort en peine, et eût-il tort, qu'il se soumettrait sans effort, et sans croire pour cela montrer une vertu héroïque, mais une simple docilité (11). En somme on l'avait souffleté en lui disant Ave (74) ; il a le mérite de se souvenir néanmoins que « ce serait une grande foiblesse d'esprit de ne pouvoir souffrir la moindre contradiction sans en venir pour le moins aux mauvaises paroles » (31), il n'insulte pas, il raille, et encore très poliment : Vaugelas ne lui inspire qu'estime, et il n'y a rien qu'il ne pense à son avantage (7). Il est très capable de dire de bonnes choses, et il en dit beaucoup (86). Les Remarques sont d'un très grand prix. Leur style est excellent dans le genre didactique. Elles contiennent mille belles règles, et on ne peut reprocher à l'auteur que l'excès et le scrupule, « comme en ceux qui ont tant d'ardeur pour une maîtresse, qu'ils passent de l'amour à la jalousie » (92 et 93) ; toutefois, il s'en faut bien qu'elles représentent les idées de l'Académie, qu'il faudrait respecter comme des oracles. Ce sont des sentiments particuliers, sur lesquels il y a beaucoup à redire (9 et 10).
En fait la longue fréquentation des maîtres du bel usage n'a point ôté à La Mothe une de ses idées générales. « Il nous fasche quand nous devenons vieux de quitter la mauvaise doctrine de nos jeunes années. » Peut-être insiste-t-il un peu plus qu'en 1637 sur la nécessité de conserver la pureté du langage, contre laquelle il était accusé d'avoir déclamé. Mais il s'obstine à croire qu'il faut
1. Paris. Nic. et J. de la Coste. Je les cite d'après l'édition originale.
------------------------------------------------------------------------
58 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
préférer le fond à la forme, et s'élève contre ce dangereux aphorisme qu'il suffit d'un mauvais mot pour décrier un prédicateur, un avocat, un écrivain, qu'il est capable de faire plus de tort qu'un mauvais raisonnement (27-28). Il continue à trouver qu'un homme qui travaille dans une crainte perpétuelle de pécher contre la grammaire ressemble à ceux qui marchent sur la corde, que l'appréhension ne quitte jamais, et qui ne songent qu'à faire pas à pas le chemin qu'ils ont entrepris (113). La rudesse d'un terme, la négligence d'une phrase lui paraissent parfois avoir du goût (110). Et il cite les Anciens pour prouver que dans l'éloquence poétique ou oratoire on a usé de la plus grande liberté, qu'Homère a mêlé les dialectes, rappelé les vieux mots, fait de nouveaux composés (109 et suiv.). Le style même, qu'on prétend perfectionner, souffre de cet excès de polissure, il perd sa vigueur à mesure qu'on repasse dessus (114). Quant au langage, on le réduit à la mendicité (115). Que penser enfin de ces censures si scrupuleuses, quand le propre auteur des Remarques n'a pu se garder de pécher contre ses préceptes? (116) Cela fait croire qu'en somme il n'y a rien de plus contraire à la véritable éloquence que cette multitude de ponctualités grammaticales, « sous lesquelles on la veut injustement opprimer » (125). C'est par une contradiction inconciliable en effet qu'on proclame qu'il faut garder à la langue quelque richesse, la possibilité de dire une même chose de plusieurs façons, et qu'on condamne toujours une manière de dire, comme si elle était absolument mauvaise, parce qu'il y en a une meilleure (63 et 98). Il est également inconséquent de présenter sans cesse la naïveté comme une des plus grandes perfections du style, et d'empêcher toute naïveté en mettant l'auteur à la gêne. Ainsi sur les tendances mêmes de l'école, La Mothe n'est nullement converti.
Les autorités dont Vaugelas semble vouloir l'accabler ne l'effraient pas, car, s'il demeure convaincu qu'on ne saurait mieux faire que de suivre l'usage reconnu, encore se demande-t-il si les Remarques, malgré les distinctions de la Préface, ne confondent pas souvent l'usage reconnu et l'usage douteux. Est-il à douter que les grands auteurs contemporains qui y sont censurés n'aient cru suivre l'usage? Or s'ils l'ont cru, c'est donc que l'usage qu'on leur oppose n'est pas assuré, et dès lors vouloir le leur opposer, c'est tomber dans une pétition de principe. La vérité est que Vaugelas s'en est trop rapporté à la Cour et à de prétendues oreilles délicates (44), à des femmes qui, s'il avait retardé sept ou huit jours à leur poser la question, auraient été d'un tout autre sentiment (59).
------------------------------------------------------------------------
L'OPPOSITION A VAUGELAS 59
Ces contestations générales ne sont pas ramassées contre Vaugelas dans une préface doctrinale comme la sienne, elles sont en grande partie éparses dans le livre, où elles perdent quelque force à être isolées, où elles gagnent en revanche à jaillir d'observations de détail, qui les appuient et les justifient.
Sans reprendre ici l'exposé des objections particulières que j'ai signalées plus loin, je me bornerai à dire que la critique de La Mothe est souvent serrée et judicieuse. S'il s'abaisse à corriger une faute d'impression, ce n'est là qu'une tache ; il a quelquefois lu superficiellement (55, 70) ; en général il a bien vu les faiblesses de la doctrine. Il y a plus, il ne semble pas, quel que fût son âge, qu'il fût trop attaché à la manière de dire ancienne ; il défend bien certains tours qui vieillissaient : et si (70) ; par sus tout (83) ; possible = peut-être (48) ; il ne voit pas le progrès fait par la langue dans la régularisation de l'emploi de l'article, et prétend réfuter la règle de Vaugelas sur l'impossibilité de rapporter un déterminatif à un nom sans article (64), en quoi il a tort, cette règle étant une des meilleures du livre. Mais, si l'on pourrait citer encore quelques erreurs de ce genre, on doit néanmoins reconnaître que La Mothe s'est défait pour la circonstance de beaucoup des préjugés que l'habitude avait dû lui donner. Peut-être était-ce habileté de sa part ; en tout cas ses remarques sont plus jeunes que son style.
Ce qu'il relève, c'est la forme trop absolue donnée à certaines observations, qui s'en trouvent faussées. Déjà en 1637 il soutenait qu'on pouvait dire supplier Dieu ; comme Vaugelas n'a pas compris, et a proscrit la locution sans distinction de cas, il lui explique qu'il n'y a rien de plus usuel que de dire : Mon Dieu ! je vous supplie d'avoir pitié de mon âme (52). Ailleurs il aperçoit un autre gros défaut de Vaugelas : sa tendance à imaginer ou à recevoir tout au moins de subtiles distinctions, toutes contraires à l'usage. Il conteste les restrictions qu'on veut apporter à l'emploi de séant (84), les nuances qu'on voit entre fureur et furie (69), ainsi de suite. Le grand principe de la synonymie, sur lequel est fondée la liberté de ne pas répéter les particules, et auquel Vaugelas tient tant, n'est pas plus solide à ses yeux, et il conseille ce que l'Académie conseillera plus tard, à savoir, s'il y a deux mots synonymes, d'en ôter un (50). Enfin, comme on pouvait s'y attendre, il maintient le droit de se servir de termes injustement rebutés. Du reste, nous avons un témoignage plus direct, prouvant que La Mothe avait l'usage pour lui sur certains points. En effet Chapelain ou Patru, quelquefois tous deux, Thomas Corneille même, prennent son parti.
------------------------------------------------------------------------
60 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
C'est le cas, lorsqu'il défend taxer (51), aviser = apercevoir (68), entaché (84), le malheureux qu'il estoit (47), courroucé (57) ; ou lorsqu'il condamne jamais plus (49), die pour dise (56), etc.
Il est visible que La Mothe Le Vayer a choisi adroitement les points contestables; peut-être y a-t-il été aidé par les conversations que le livre des Remarques provoquait, et auxquelles il fait plusieurs fois allusion 1. En tout cas, cette sagacité lui a valu d'être honorablement cité par les disciples et les continuateurs de Vaugelas parmi les commentateurs plutôt que parmi les adversaires du maître. Ce serait presque là le plus grand défaut de ses Lettres. La critique de détail y est bien dirigée, elle n'est pas poussée assez loin, et reste beaucoup en deçà de la critique générale. Celle-ci en pâtit, et on se demande si l'auteur ne l'a point reproduite uniquement pour ne pas se dédire. La Mothe méritait d'avoir moins de succès. Son livre compterait plus dans l'opposition qui fut faite à la grammaire hypercritique.
SCIPION DUPLEIX. — Scipion Dupleix était en 1650 à Paris, dit Niceron, âgé de quatre-vingt-un ans, pour solliciter des affaires qu'il avait au Conseil, lorsque, jaloux de la réputation de Vaugelas, et cherchant à s'amuser d'un nouveau genre d'études, il sollicita un privilège pour publier quelques remarques sur la langue française. Il l'obtint le 14 avril 1651, et fit paraître à Paris, chez Denys Bechet, un gros in-quarto de 704 pages (sans les tables) sous le titre de Liberté de la langue françoise dans sa Pureté. Le titre était beau, il réunissait deux qualités, liberté et pureté, que l'idéal eût été de concilier ; mais l'entreprise semblait périlleuse pour un Gascon, jusque-là surtout occupé d'histoire, de droit, et de philosophie morale et naturelle 2. Dupleix y échoua.
Après une préface où il justifie son dessein « d'impugner ces Remarques » par le désir d'ôter « à tous les grimaux syllabaires et raffineurs de style » le bouclier dont ils se couvrent, il commence, en homme rompu à la méthode philosophique, par dégager, tant de la préface que du corps même de l'ouvrage de Vaugelas, vingt-six principes, qu'il discute successivement.
Le premier n'est autre que la définition de l'usage. Dupleix voit
1. Il dit par exemple à propos de herondelle que c'est une mauvaise forme parisienne, du franc badaudois, et que dans une grande compagnie on trouva que Vaugelas avait choisi le pire (p. 79 ; cf. p. 67).
2. Il y a cependant des remarques grammaticales dans le livre que Dupleix a fait contre M. de Morgues et qui est intitulé : Les lumières de Mathieu de Morgues, dit S. Germain, pour l'histoire, esteintes. Condom, Arnaud Manas. 1645.
------------------------------------------------------------------------
L'OPPOSITION A VAUGELAS 61
bien que là est la clef du livre de Vaugelas, et il élève toutes sortes de doutes. Comment saura-t-on quelle est la plus saine partie de la Cour et des auteurs ? La déférence montrée aux femmes est trop grande, et conduit l'auteur à se contredire. Dans le principe 2, sur la prépondérance de la Cour, mêmes inconséquences. Tantôt Vaugelas est obligé de corriger les courtisans par les auteurs, tantôt il abandonne ceux-ci en faveur des premiers. Alors où est la règle ferme? Tout est fondé sur le caprice et le sentiment.
En dehors de l'usage, Vaugelas ne connaît que l'analogie (principe 5). Il oublie l'anomalie, qui lui eût expliqué les choses prétendues faites contre raison. Les principes 17 et 18 : qu'il n'est jamais permis de faire des mots, sont deux des plus discutables. Dupleix objecte que Vaugelas se contredit, en acceptant quelques nouveautés ; que c'est une maxime des jurisconsultes que celui qui a le droit de détruire l'a pareillement d'édifier ; qu'il y a des choses naturelles qu'on découvre, et plusieurs artificielles que l'on fait de nouveau, pour lesquelles il faut de nouveaux termes ; qu'Horace a autorisé ces créations ; que les gens qui ont connaissance des choses, ont le droit de leur imposer des noms ; que notre langue étant plus stérile que la latine a bien le droit de l'imiter ; que Ronsard, Du Perron, Du Vair, Vigenère y ont travaillé heureusement ; que si on évite même les phrases nouvelles, il n'y aura plus qu'un style.
Il suffirait de lire un article comme celui-ci pour voir, tout à nu, les défauts Comme les mérites de Dupleix. Mais ce n'est là pour ainsi dire que la préface de son livre. Les bases posées, il examine, dans l'ordre alphabétique, une grande quantité des Remarques, qu'il reproduit, jusqu'au moment où, abandonnant la critique, il extrait celles qui lui paraissent bonnes et utiles (p. 635 à la fin). Beaucoup de ses objections lui sont inspirées par La Mothe Le Vayer, qu'il copie quelquefois sans le nommer 1, qu'il cite loyalement en beaucoup d'endroits. Beaucoup sont originales, et celles-là sont de nature et de valeur très différentes. Il serait facile de présenter Dupleix comme tout à fait ridicule : il ne lui en coûte pas d'en appeler à l'Ecriture et de remonter au déluge, plus haut même, pour prouver par exemple la force de la lettre a (115, 85, etc.); il serait possible d'autre part de trouver dans le pêle-mêle de son livre quelques observations fines d'un grammairien supérieur ; ni l'un ni l'autre de ces aspects ne serait le vrai, et s'il fallait porter un jugement sur lui, on devrait y faire ressortir avec soin les contradictions.
Il lâche quelques gros mots, mais, en général, malgré les démê1.
démê1. par exemple, p. 162.
------------------------------------------------------------------------
62 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
lés que la grammaire lui avait déjà causés avec Saint-Germain, il est sans rancune contre Vaugelas, et discute sans passion, approuve même certaines de ses Remarques les plus contestées 1. Il a gardé de sa jeunesse l'habitude de l'interminable digression 2, et cependant il lui arrive de bien serrer une question, de remettre même en ordre ce que Vaugelas avait exposé indistinctement. Il est pédant, mais possède sa logique, au point de montrer à son adversaire qu'il n'est pas assez familier avec elle et ne sait pas définir.
Quant à sa critique grammaticale, il est certain qu'elle n'est pas sans valeur. Il a vu une partie des défauts de Vaugelas, s'est aperçu qu'il ne savait guère le grec 3, et rien de la langue antérieure 4, qu'il n'était pas, à tout prendre, un grammairien.
Il lui a reproché d'avoir accepté sous le nom d'usage, des caprices de dégoûtés, de « flestrisseurs de mots » (p. 228), de s'être séparé trop facilement de bons termes 5 ; d'avoir enfin par tous les moyens appauvri la langue 6.
Il a répudié la tendance à vouloir toujours condamner une manière de dire au profit d'une autre. Sa conclusion à lui, même quand il tombe d'accord avec son contradicteur, est très souvent : je serais d'avis néanmoins de laisser la liberté à chacun.
Mais Dupleix a le tort grave d'être infidèle à ses propres principes. Il attaque les puristes, et il reprend dans Vaugelas des fautes de langage 7. Il y a plus, il invente, lui aussi, des raffinements, distingue des nuances entre rien tel et rien de tel (543), dépenser et dépendre, etc. (233). Il attaque la mode, et on dirait qu'il veut la suivre. Soutenir que l'usage devait parfois se ranger devant la raison était utile, prétendre qu'il devait se soumettre à la grammaire latine était explicable 8 chez un homme de cet âge,
1. Voir asseoir au sens d'établir (150), pas et point (432), commença à avouer (207).
2. Voir p. 212 sur conjuré ; p. 166 sur le barbarisme, et un peu partout.
3. A chaque instant Dupleix lui montre qu'il s'est trompé dans ses rapprochements avec le grec (voir p. 210, sur féliciter, et particulièrement sur les gérondifs, p. 412)..
4. Il lui explique bien pourquoi on dit enclin et incliner " qui est près du latin », et comment on ne peut fonder là-dessus une règle, « qu'il n'y a aucun rapport des simples aux dérivés » (245).
5. Voir p. 452, au sujet de poitrine.
6. Parmi les meilleures discussions, je citerai celle qui concerne ès (p. 252) et celle qui concerne pour ce que Dupleix voit très bien ce que perd la langue à n'avoir plus pour ce que répondant à pourquoi, quand par ce que répondait à parquoi (396).
7. Une de celles qu'il relève le plus complaisamment, c'est l'un employé au lieu de un , quand il s'agit de plusieurs : l'un des dix, pour un des dix. Page 185. dans une seule remarque, il compte cinq fautes.
8. Dupleix voudrait que doute eût deux genres : l'un représenterait duhium, l'autre dubitatio (241) ; qu'on dit : il n'y a point de loy qui nous apprenne qu'est-ce que l'ingratitude, pour rendre quid sit (500).
------------------------------------------------------------------------
L'OPPOSITION A VAUGELAS 63
qui continuait la tradition du XVIe siècle, mais ce que Dupleix semble vraiment avoir essayé, c'est à la fois de se conformer au goût du temps et de garder les principes de l'époque précédente; or cela était contradictoire et absurde. Il semble qu'il ait cru avoir rajeuni et épuré son style d'après cette méthode 1. Il n'a fait qu'ôter à son livre toute raison d'être.
Il n'y eut pas. à ma connaissance, d'autre censure des Remarques ; du moins il n'en fut pas publié. Sans doute, suivant le mot de Pellisson, chacun « y trouvoit quelque chose contre son sentiment », mais il ne s'agissait que de certains points de détail ; l'ensemble de l'oeuvre, avec sa méthode, ses principes, ses tendances, fut généralement accepté, et la mort de Vaugelas ne compromit en rien son autorité. En 1652 on reconnaissait que « ses décisions s'establissoient peu à peu dans les esprits, et y acquéraient de jour en jour plus de crédit ».
Dès cette époque on voit des metteurs en oeuvre faire passer la substance du livre de Vaugelas dans les leurs. Un des premiers est le carme Jean Macé, frère de Léon de Saint-Jean, qui sous le pseudonyme de sieur du Tertre, a publié, en 1650, sa Méthode universelle pour apprendre facilement les langues, pour parler purement et escrire nettement en françois 2. Toute la troisième partie de son livre n'est qu'un Recueil alphabétique des Remarques, auquel l'auteur a ajouté des signes pour indiquer celles qui sont contestées par La Mothe Le Vayer et par un autre auteur qu'il ne nomme pas, dont les manuscrits lui ont également fourni la matière du reste de son livret.
Irson a également profité des Remarques dans sa Nouvelle Méthode pour apprendre facilement les principes el la pureté de la langue françoise 3, particulièrement au livre III qui traite de la
1. Voir p. 6.
2. Paris, Jean Jost, rue Saincl-Jacques, au Sainct-Esprit.
3. Paris, chez l'auteur, rue Bourg-l'Abbé, à l'école de Charité, et chez Gaspar Meturas, 1656 A. P. (Bibl. Mazar. 20249). Dans cette école, tout exceptionnellement, on attachait à la grammaire française un intérêt véritable. La méthode d'orthographe, qu'on y suivait avait été publiée par Choiseul, fondateur de l'école, peu auparavant, sous le titre suivant : « Nouvelle et ancienne orthographe françoise. Mise au jour en
faveur du bien et utilité publique, par une méthode autant facile qu'abrégée. Pour apprendre plus d'orthographe françoise en trois mois de temps, qu'en dix années entières, par l'usage et pratique ordinaire de ce temps. Avec les préceptes et enseignemens de la taille de la plume, de sa tenue, et posture du corps, pour bien et diligemment escrire. Ensemble un abrégé de grammaire françoise, pour apprendre en bref à decliner, et coniuguer toutes sortes de Verbes, tant reguliers qu'irreguliers ou Heteroclites, et à parler bon françois. A Paris. Chez l'auteur ruë Bourg-l'Abbé, à l'escole de la Charité, où le livre se distribue, aux Pauvres pour rien, aux Riches au poids de l'or. — De l'imprimerie de F. le Cointe, ruë Saint-Jacques, au College du Plessis-Sorbonne. — M.DC. LIV. »
------------------------------------------------------------------------
64 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
syntaxe. Le chapitre V : des mots et des phrases qui sont en usage, et le chapitre VI: listes de quelques noms dont le genre est douteux, ne sont à vrai dire qu'un résumé de Vaugelas. Avec le livre d'Irson, petite encyclopédie grammaticale, destinée à un enseignement élémentaire et pratique, Vaugelas fait son entrée dans l'école.
Le succès n'était pas moindre dans les provinces. Je n'en veux pour témoin que la très curieuse grammaire publiée à Lyon, sans nom d'auteur, chez Michel Duhan, en 1657 1, sous le titre de Grammaire françoise avec quelques remarques sur cette langue selon l'usage de ce temps. D'auteur n'est pas tout à fait converti à la doctrine de Vaugelas, et il lui arrive de le discuter 2, comme il discute Malherbe 3, mais ce qui fait l'intérêt de ce livre rarissime, c'est que la substance en est empruntée au Commentaire de Malherbe sur Desportes 4, encore inédit, et aux Remarques 5. L'anonyme ajoute, et souvent, des choses justes 6 ; le fond est fait des règles de Vaugelas.
A l'étranger le succès n'était pas moindre. En 1659, le P. Chifflet, de la Compagnie de Jésus, donne d'après Vaugelas son Essay d'une parfaite grammaire, imprimé pour la première fois à Anvers. Venu de Franche-Comté à Paris, avant d'aller à l'étranger, peutêtre Chifflet avait-il eu quelques relations avec l'auteur des Remarques « qui, dit-il, lui fit l'honneur de le visiter ». En tout cas, tout en affichant qu'il n'était pas idolâtre de ses opinions, il a pour lui une extrême admiration, déclare que son livre vivra dans l'estime des bons esprits, et transporte dans son essai tout ce qu'il y a trouvé de plus beau, sous forme d'observations annexées à chacun des chapitres.
Bref, à partir de la publication des Remarques, les grammaires de la langue française changent, en général, complètement d'aspect. On sent que la matière vient d'en être profondément modifiée.
Quant aux écrivains, on sait avec quel soin ils se sont appliqués à « parler Vaugelas ». Racine a commenté quelques passages de la traduction de Quinte-Curce, et son fils nous apprend
1. Cette édition existe bien réellement. Gouget l'avait vue, Thurot s'en est servi, et je l'ai eue moi-même en mains. Elle est cotée O. 145. 15730 à la Bibliothèque municipale de Lyon.
2. Voir p. 22, 28, 43, 56, 57, 59, 63, 75, 77, 106.
3. Voir p. 24.
4. Voir p. 36, 42, 46, 57, 69, 80, 83, 90, 94, 111, 113, 119, 126.
5 Cf., par exemple, p. 19, et Vaug., II, 6, sur les articles ; p. 25, § 16 et Vaug I, 154, sur l'article avec le superlatif ; p. 26, § 17, et Vaug., II, 253, sur la répétition des articles ; p. 35 et Vaug., I, 145, sur la forme des noms propres: p. 36 et Vau- I 163, II, 90, sur l'accord de l'adjectif, etc., etc.
6. Voir, par exemple, sur les genres, 29-34.
------------------------------------------------------------------------
L'OPPOSITION A VAUGELAS 65
qu'il emportait un exemplaire des Remarques à Uzès, craignant d'y désapprendre son bon français. Boileau en appelle plusieurs fois à la sagesse de Vaugelas. Des libertins comme Saint-Evremond le rangent parmi ceux qui ont mis notre langue dans sa perfection. Bref, son livre devient en peu de temps le bréviaire de tous ceux qui ont la religion de la pureté. Une preuve suffit à elle seule. C'est pour obéir aux Remarques que Corneille, revisant ses pièces, se soumet à remanier des vers devenus incorrects. Pareille condescendance, montrée par lui, en dit plus qu'aucun autre fait sur l'autorité acquise par Vaugelas.
Histoire de la Langue française. III.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE IX LA PRÉCIOSITÉ
Le génie de Molière a fait aux Précieuses ridicules une renommée, fâcheuse sans doute, mais en même temps immortelle. Il est bien vrai que le travers dont il se moqua a existé, mais il serait tombé, sans l'existence de cette comédie, dans l'oubli où se confondent tant d'autres modes semblables. Seule la curiosité qui s'attache à toutes les oeuvres du maître a fait connaître les documents concernant lelangage des Cathos et des Madelon. Sans cette circonstance, il est probable qu'ils tiendraient leur place entre les Doutes du P. Bouhours et le livre Du bon usage de M. de Caillières.
Toutefois si le développement de la préciosité ridicule n'a été qu'un petit épisode, accidentellement mis en lumière, de l'histoire littéraire et linguistique, il en est autrement de la préciosité ellemême, de la préciosité sans épithète, qui n'est pas autre chose que la recherche de l'élégance et de la distinction dans les moeurs, les manières, le style et le langage. Je n'ai à m'occuper ici que de la dernière partie du sujet, j'en voudrais un peu fixer les limites.
La préciosité a des racines lointaines, pour la raison que gorriers, mignons, affetés, précieux, incroyables, dandys, gens sélects, etc., se tendent la main à travers les siècles, que leurs tendances générales se ressemblent, si leurs goûts passagers diffèrent, et que leur niveau d'esprit est en somme à peu près constant.
Dès lors il n'y a pas à s'étonner, du retour de certains phénomènes. Lorsque la Précieuse, nous dit l'auteur du Portrait de la coquette 1, a fait un recueil de quinze ou vingt mots nouveaux, elle s'imagine avoir fait un fonds admirable, pour paraître agréable et spirituelle dons le monde. C'est une illusion qui est de tous les temps. Au XVIIe siècle, les mots qui revenaient ainsi étaient des mots vagues : air, bon air, bel air, air de la cour 2, mine 3, je ne
1. 1659, p. 235.
2. Voir Livet, Lex. de Molière, v° air. Molière s'en est moqué : « Vous devriez un peu vous faire apprendre le bel air des choses » (Préc. rid , sc. IV).
3. Voir Mol., Préc. rid., sc. IX : « Je vois ici des yeux qui ont la mine d'être de fort mauvais garçons ». Cf. Sorel, Conn. des bons livres, 1672, p. 455 : « Nos Eloquens à la
------------------------------------------------------------------------
LA PRÉCIOSITÉ 67
sçay quoy 1, des mots inutiles : ma chère 2, car enfin 3, à n'en point mentir 4, comme je suis, comme je fais 5, des mots exagérés: dernier 6, furieux, terrible 7, ravissant 8. Parmi ces mots, il faut citer particulièrement les adverbes servant à former les superlatifs. L'un des plus usités est furieusement 9, mais tous ceux du même
mode sont aussi tous gens de mine; ils ne parlent d'autre chose; ils disent : « Vous avez bien la mine de faire une telle chose ; j'ai bien la mine de cecy ou cela ». De le dire à un autre, cela se peut souffrir, s'ils connoissent les gens à leur physionomie, et s'ils observent bien toutes leurs grimaces ; mais de le dire d'eux-mêmes, je voudrais donc qu'ils se regardassent dans un miroir au mesme temps qu'ils parlent pour sçavoir quelle mine ils ont ».
1. Voir Roy, Sorel, 149. On trouve cet italiano-hispanisme : je ne sçay quoy à l'état de substantif composé dans le Rerger extravagant, 1. VII, 57, dans Ogier, Apol. p. Balzac, II, 133 : « soit qu'on cherche cette grâce et cette Vénus qu'Apollon inspirait en ses tableaux et que les Italiens nomment le je ne sçay quoy » ; dans Gombauld, Endimion, 101-102: « Le silence et la solitude avoient, je ne sçay quoy d'horrible. » En 1635, le même Gombauld prononcera à l'Académie un Discours sur le je ne sçay quoy. Bouhours y revient longuement dans les Entretiens d'Ariste et d'Eugène (V).
2. Voir Livet, Lex. de Mol., et Mol., Préc. rid., sc. VI : « Ah ! ma chère, un marquis! » ; cf. Carl. du Roy. des Préc. dans le Recueil de Sercy : « On s'embarque sur la rivière de Confidence, de là on passe par Adorable, par Divine, et par Ma chère, qui sont trois villes sur le grand chemin de Façonnerie, qui est la capitale du Royaume ».
3. « Les dames se persuadent de bien parler quand elles disent des paroles qui sont fort à la mode. La pluspart se servent de toute sorte de mots sans en considérer la signification. Elles disent : car enfin dès le commencement de leur Discours » (Sorel, Du nouv. lang. franc., ch. IV, 459-460).
4. « Quant aus passages d'une période à l'autre, si tu en retranches son à n'en point mentir, son véritablement et après tout, tu n'y trouveras rien qui ne soit commun à toutes les femmes qui écrivent «(Let. de Phyll., I, 289).Cf. : « Si je voulois commencer la pluspart de mes périodes par un A n'en mentir point, un véritablement, un après tout, un à tout le moins, mais pour le moins, un certainement et certes, Monseigneur,... ne seroi-je pas le plus ridicule écrivain de France? Et néantmoins, c'est ce qu'on appelle aujourd'huy parler B (Balzac) » (Ib., 335-337 et 11,372).
5. Celui-ci est une des « excrescences » du discours les plus amèrement reprochées à Balzac: « Ceci est ordinaire à l'auteur des Lettres, comme: « Quand la paix ne cultiverait pas les deserts, comme elle fait. » En un autre lieu : « Faisant profession, comme tu fais... Estant sorti, comme vous estes, de la plus belle source... » A quoi ce comme est-il bon, à quoi sert-il, pour exprimer davantage sa pensée ? (Let. de Phyll., II, 162). Vaugelas entreprit de justifier Balzac en montrant que cet appendice est quelquefois nécessaire à la phrase (II, 48-49).
6. Voir Livet, Lex. de Molière ; cf. Mol., Préc. rid., sc. 4 : « Ce que vous dites là est du dernier bourgeois » : et Somaize, dans son Grand Dict., v° grand : Il signifie tantôt grand, comme l'on voit dans celle phrase: « Je vous en ay la dernière obligation » ; tantôt il signifie tout a fait, comme l'on peut voir par cet exemple : « Cela est du dernier galand ». Et enfin il signifie premier.
7. Vaugelas accepte des expressions aussi bizarres : il a une mémoire effroyable, il fait une dépense horrible (II, 62).
8. « Se sont présentées plusieurs dames expressement revenues du cours pour requérir qu'elles peussent s'approprier le mot de ravissant et l'appliquer à tout » (Rôle des présent., V.H.L.,I, 132) ; Ravi, en ce sens, est ancien. V. Astrée, 1614, I, 250A. Sorel avait déjà parlé de ravissant dans le Rerger extr.: « Il te faudra dire à tout propos que ta maistresse est ravissante. Cela seroit bon à dire de Synope, repartit Carmelin, elle prend tout ce qu'elle trouve : elle m'a ravy mon vieux chapeau ; elle est ravissante comme un oyseau de proye, et comme un loup. Cecy ne se prend pas d'un tel biais, dit Lisis, quand l'on dit qu'une fille est ravissante , c'est à dire qu'elle a des charmes, des apas, des attraits, et si tu veux tu pourras dire aussi que ta Bergere a un visage à ravir » (t. I, 385, liv. VI. Cf. Let. de Phyll., II, 364).
9. Voir Livet. o. c, Mol., Préc, rid., sc. IV et sc. IX : L'abus des adverbes était du
------------------------------------------------------------------------
68 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
goût étaient à la mode, ainsi terriblement 1. Ajoutons aussi 1'exclamation : est-ce qu'on n'en meurt point, très fréquente dans les premiers temps, bientôt devenue ridicule 2. se piquer de 3, etc.
On trouverait sans peine à faire une liste correspondante sous le règne de Henri III, ou de nos jours. Les mots choisis diffèrent, ils sont plus prétentieux ou plus vulgaires, plus pédants ou plus « rosses », l'abus qu'on en fait est semblable, et cet abus, bien connu dans l'histoire du snobisme, se renouvelle à chaque époque. C'est une conséquence naturelle du désir de paraître, joint à la paresse ou à l'impuissance de l'esprit, un mélange de vanité et de psittacisme suggestif.
Mais, outre ces rapprochements généraux, il serait facile de saisir des rapports plus étroits et plus caractéristiques entre le langage recherché de l'époque précieuse et celui du siècle précédent. On en
reste général. Somaize en fait la critique dans son Dictionnaire (I, 40) : « Ces mots: tendrement, furieusement, fortement, terriblement, accorlement el indiciblement, sont ceux d'ordinaire qui ouvrent et ferment tous ses sentimens, et qui se fourent dans tous ses discours. Si bien que l'on peut dire d'elle qu'elle parle furieusement, qu'elle écrit tendrement, qu'elle rit fortement, qu'elle est belle terriblement, qu'elle dit des mots nouveaux frequemment, et qu'elle est pretieuse indiciblemenl, au moins c'est une vérité, si point on ne me ment. » Furieusement était ancien. D'Aubigné dans le baron de Faeneste (1. II, ch. 22) note qu'on va jusqu'à dire : il est sage, il est doux furieusement. On trouve en effet cet adverbe jusque dans les Let. de Phyll. (I, 193). Cf. les Loix de la galanterie et Sorel, Connoiss. des bons livres, 1672, 406. Il est dans Chapelain, Guzm. d'Alfar., III, 468, et même dans Molière, Av., I, 5. Il se conserva longtemps (Le Pays, Nouv. OEuvr., II, 105, let. du 10 avril 1667 ; Regnard, Hom. a b. fort., I, 4 ; Légal, univ., III, 8). Cotin, dans la Suite des Lettres gal., 1663, 275 dit: « Elles disoient dernièrement en leur langage de la belle Cour Qu'une femme estoit furieusement agréable. J'eus beau reclamer au contraire et protester que c'estoit confondre les furies avec les grâces, je passay pour un homme de mon pays ».
1. Molière s'en moque : « Pour moy, j'aime terriblement les énigmes » (Préc, sc. IX): cf. Sorel, Disc, sur l'Ac, dans Livet, Hist. de l'Ac, 1,472, et Gonn. des bons livres, 1672, p. 396 ; Marg. Buffet, Obs., 185, et Scarron, Dern. oeuv., I, 69 : une telle bonté me donne à vous terriblement, pour parler à la mode.
On trouve aussi terribilité : « Véritablement que je ne croy qu'il y ait chose au monde qui puisse égaler l'horrible, espouvantable et furieuse terribilité de mon courage » (Le courtisan parfait, in-32, 1640, Rodomontades espagn., 107).
2. Elle est clans les Précieuses ridicules (sc. IX). Le valet du Menteur l'emploie déjà ironiquement (I, 2) et Scarron s'en moque (Quatrième gazelle, 9 fcv. 16 55). Voir Roy, 0. c, 277, cf. n. 6.
3. Mol., Préc. rid., sc. I : « il se pique de galanterie et de vers ». Sorel se moquait déjà de l'expression dans le Francion, en 1623 (éd. 1721, t. 1,341). Mlle de Gournay signalait l'expression se piquer de brave et de bonne mine (O., 597 et Adv., 386). L'Inventaire de Monet donne se piquer avec de nombreux exemples, et Vaugelas en avait fait une remarque qu'il n'a pas publiée, sans doute parce qu'elle n'était plus à propos. « Je ne voudrois pas écrire pour rien du monde, il se pique de bravoure, qui est une façon de parler de nos Courtisans. Il n'est supportable que dans une lettre, et encore faut-il que ce soit en raillant ; ny je ne voudrois jamais escrire, Il se pique de chanter ou de faire mieux des vers que personne du monde, parce que cette phrase est encore trop moderne : et il seroit à craindre que dans les Provinces on ne m'entendist pas, ou que les hommes doctes qui ne hantent point la Cour, ne m'entendissent point non plus » (II, 455).
------------------------------------------------------------------------
LA PRÉCIOSITÉ 69
trouverait en grand nombre. La fureur des adverbes, qui sévissait en 1650, amusait déjà Henri Estienne. Et quelquefois les rencontres sont plus piquantes encore : ce n'est plus un procédé qui se retrouve, mais des phrases qui se ressemblent étonnamment d'un temps à un autre. Mascarille prie Madelon d'attacher sur ses gants la réflexion de son odorat (Préc. rid.), mais l'Athènè de Jean Lemaire disait déjà à Paris d'une manière assez analogue : Sejourne les pupilles de ta circonspection discrète au miroir de ma spéciosité céleste. Cent ans avant que Somaize recueillît la célèbre périphrase les maistres muets, pour dire les livres, Pontus de Thyard écrivait à Ronsard : « [Je] vois accompagnant ma morne solitude Des biens disans muets, hostes de mon estude. »
Il ne faudrait pas néanmoins se fonder sur ces coïncidences pour soutenir que la préciosité du XVIIe siècle se retrouverait telle quelle au XVIe. Sans doute l'Hôtel de Rambouillet n'a fait que reprendre avec plus d'éclat des tentatives que la société française a renouvelées constamment pour se créer un langage distingué. Il n'en est pas moins vrai que ces tentatives ont pris alors une dir ection bien particulière.
La Cour, au XVIe siècle, comme les écrivains eux-mêmes, accepte dans son langage toutes les nouveautés ; si elle protes te contre les mots grecs et latins, c'est qu'on l'en surcharge ; elle italianise autant et plus que les poètes les plus infectés de pétrarquisme. Au contraire, depuis le siècle nouveau, les tendances vont au rebours ; les auteurs italiens et espagnols sont lus et goûtés, la langue échappe à peu près à leur influence ; quant au grec et au latin, c'est d'un pédant d'y recourir. Voilà, pour ne pas pousser plus loin la comparaison, une différence essentielle : la langue courtisane du XVIe siècle est tout ouverte, la nouvelle est rigoureusement fermée ; la première était touffue et pédantesque, celle-ci est « gueuse et délicate 1 ». Une nouvelle mode est née, celle de la pureté du langage ; une nouvelle haine, celle du barbarisme.
A quelle date à peu près se fait ce grand changement ? Très probablement à la fin du XVIe siècle. C'est ici le mot qui trompe. Comme celui de précieux n'apparaît guère avec le sens avantageux qu'on lui connaît, qu'aux environs de 1650 2, on reporte générale1.
générale1. I, 802.
2. Littré l'a trouvé dans Eust. Deschamps. Il est aussi dans Molinet : Les faictz et dicts, 1531, f° 40. Voir l'abbé de Pure: La Précieuse, 1re p., 1656, p. 25 : « C'est un mot à la mode... comme autrefois celuy de Prude, et depuis, celuy de Feuillantine. Ainsi, aujourd'huy, on appelle les Pretieuses certaines personnes du beau sexe qui ont sçeu se tirer du prix commun des autres » (Cf. Somaize, Procès des Précieuses, t. II, 114).
------------------------------------------------------------------------
70 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ment la naissance de la chose vers cette époque. C'est une erreur grave. En 1650, la préciosité finit de se répandre et de dégénérer, loin qu'elle commence à régner. Elle existe quand Malherbe arrive à la Cour en 1605, et j'ai déjà dit qu'il obéit à la mode, plutôt qu'il ne lui commande. Son système d'épuration de la langue est conforme à l'amour de la pureté qu'on professe parmi les gens élégants ; ses retranchements se fondent sur leurs dégoûts.
L'expression de « châtier son style » est d'eux, elle exprime bien le régime de pénitence auquel ils entendaient mettre la langue. C'est d'eux que viennent toutes les proscriptions de mots vieux, bas, obscènes, vulgaires, pédants ou « palatiaux ». Cette grammaire fantasque, sans lois, mais hérissée de règles et de distinctions, « ambigu » de puérilité et de finesse, c'est la leur, ou à peu près.
LES CRÉATIONS DES PRÉCIEUX. LES MOTS. — Toutefois il n'était pas possible qu'on se bornât à chercher l'élégance dans la pureté, la netteté, la clarté, qui sont, à tout prendre, des vertus presque négatives. S'abstenir peut être, en matière de style comme en morale, une règle excellente, ce n'est pas une méthode pour briller et se faire une place parmi les gens d'esprit. Au reste, même en dehors de toute visée ambitieuse, ne pas créer, c'est ne vivre qu'à moitié. Il fallait donc que la littérature mondaine au XVIIe siècle se signalât par quelques innovations ; elle n'y manqua pas.
On a fort souvent accusé les Précieux d'avoir inventé et employé de nouveaux mots. J'avoue que je ne trouve à peu près rien qui justifie cette affirmation, souvent répétée. D'abord, je ne vois pas comment cette habitude eût pu se concilier avec l'horreur du barbarisme qu'il était de bon ton de professer. Puis, si elle a réellement existé, comment Somaize n'a-t-il pas rapporté ces mots alors nouveaux, pourquoi Molière ne s'en est-il pas moqué, pour quelle raison Vaugelas les a-t-il passés sous silence ? Tout cela doit nous mettre en garde, et il nous faut souvenir en outre qu'on accusait l'Académie aussi d'être une fabrique de mots nouveaux, ce qu'elle n'a jamais été, nous le savons de science certaine.
Au reste, quand on va à la recherche de ces mots nouveaux, spéciaux aux Précieux, force est toujours de revenir les mains à peu près vides. Il convient en effet d'écarter tout d'abord ces adjectifs substantivés, tels que les aimait Balzac, après Du Bellay : ainsi du profond de mon esprit. J'en reparlerai plus loin, mais remarquons tout de suite que la plupart de ces adjectifs permettaient d'éviter des mots abstraits ; de l'inouï (Som., I, 63), du sérieux (Préc. rid., sc. IX),
------------------------------------------------------------------------
LA PRÉCIOSITÉ 71
empêchaient de dire de la sériosité, de l'inouïsme. Vaugelas eût accepté le premier, il eût eu évidemment horreur du second. Je confesse que la mode s'étendit, et Somaize a raillé les amoureux qui parlaient d'être dans leur bel aimable, de ne pas exciter son fier contre quelqu'un. Néanmoins, il semble bien qu'on soit parti ici précisément du désir d'éviter un nouveau vocable l.
Restent alors quelques mots cités par Vaugelas, et dont il sera parlé : le feliciter de Balzac, le debrutaliser de Mme de Rambouillet (Vaug., I, 346, II, 230). M. Roy a collectionné ces nouveautés, et il énumère : anonyme, hasardé par Scudéry (278) ; bravoure (279), qu'on dit rapporté par Mazarin ou par M. de la Calprenède ; s'encanailler, de la marquise de Maulny (290) ; importamment de Mlle de Scudéry (289) ; pommadé (303) ; encendrer (Sont., I, 42) ; encapuciné (Id., Ib.) ; enthousiasmer (Mol., Préc. rid., sc. IX) ; incontestable (Id., Ib.) ; incuit (Som., I, 64), intercadent (Id., 63), soupireur (G. Cyrus,X, II, 895).
Cette liste s'allongerait facilement, mais fût-elle dix fois plus étendue, qu'elle ne signifierait rien. Si la fabrication des mots nouveaux eût été une des occupations des Précieux, ces mots seraient à foison dans les romans, et ils n'y sont pas ; il faut lire des pages et des volumes pour en trouver un. La création en est si lente qu'on note leur origine et qu'on sait leur histoire. Ils se rencontrent, il est vrai, plus nombreux dans les Lettres, comme ils devaient l'être dans la conversation, mais c'est qu'ils s'y improvisent, et Vaugelas lui-même reconnaît qu'on ne saurait condamner les audaces de la conversation, orale ou écrite, avec la même sévérité que les barbarismes d'un ouvrage composé à loisir. Il se peut que chaque Précieux de marque se soit cru obligé de hasarder un mot nouveau, deux peut-être, pour faire apprécier l'invention ingénieuse de son esprit, mais il est sûr qu'il se gardait avec soin de répéter l'essai, de façon à ne pas risquer sa réputation de pureté.
Ainsi, quand Tallemant dit de Mlle de Scudéry : « Elle a autant introduit de méchantes façons de parler que personne ait fait il y a longtemps 2 », il fait surtout allusion, je crois, à des assemblages de mots, non à des vocables nouveaux. Et je dirai de même des autres textes analogues 3. Un assez grand nombre de vocables entrent
1. On trouve aussi quelques noms concrets dont il sera parlé plus loin: des desha. billes (Sorel, Berg. extrav., Rem. du 1. VII, p. 217, Roy, 150). Somaize en a raillé plusieurs : Quels sont les particuliers de votre âme? (I, 202) un inquiet (I, 42).
2. VII, 59, cité par Roy, Sorel, 288.
3. Sorel, sur cette question, se contredit absolument à quelques pages d'intervalleDans sa Connoissance des bons livres, 1672, p. 389, il dit : « Jamais il n'y eut une telle
------------------------------------------------------------------------
72 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
au XVIIe siècle dans la langue, mais ce n'est pas du tout grâce aux Précieux. En tout cas, le néologisme n'est pas une caractéristique de leur manière.
LES PHRASES. — Si Précieux et Précieuses ont été très réservés à inventer des mots, ils se sont exercés à donner à ceux qui existaient de nouveaux emplois et de nouveaux sens, à les faire entrer dans de nouvelles combinaisons.
C'est d'abord un fait important, que de répéter un mot à tout propos, cela le fait sortir, souvent pour peu de temps, quelquefois pour toute une période, d'une obscurité relative. Le mot prend ainsi plus de vie, il a chance d'entrer dans un plus grand nombre d'expressions, et d'être fécondé par la dérivation et la composition.
En outre, la société du temps a créé, accepté, ou vulgarisé un nombre appréciable de locutions nouvelles. Ce fut l'échappatoire par laquelle l'esprit précieux put sortir du langage courant, sans que les innovations ainsi tentées parussent autant faire violence aux règles et à l'usage de la langue que le néologisme proprement dit.
Je rapporterai donc les expressions précieuses, quand je traiterai de la création des expressions nouvelles. Ne les citant point ici, je ne les jugerai pas non plus. J'avertirai seulement qu'elles ne se présentent pas exactement dans les textes, comme on les trouve chez Molière et chez Somaize, de sorte qu'avant d'en porter un jugement, il faut prendre garde de les remettre d'abord dans leur contexte. Ainsi Balzac a dit (I, 86) : Les parfums que je brusle m'empeschenl de trouver à dire la saison des fleurs, et un grand feu, qui est de la couleur de celles qui sont les plus belles, et que j'appelle le soleil de la nuict et des mauvais jours, veille tousjours dans ma chambre. Ce n'est pas du tout la même chose que s'il avait dit le soleil de la nuit, pour dire un feu, dans une phrase toute simple comme : apportez-moi de quoi faire le soleil de la nuit. Le P. Le Moyne, à bout de veine sans doute, a écrit que les stances estoient les chevalets des esprits et les roues des oreilles. On n'est pas pour cela en droit de dire qu'il écrivait : j'ai composé de fort beaux chevalets des esprits 1.
licence comme celle qu'on a prise depuis quelques années (vers 1659) ; les mots ne se font plus insensiblement, mais tout exprès et par profession. »
Et un peu plus loin (471) : « Nous n'ajouterons plus de foi à ceux qui nous veulent faire croire que pour deux ou trois méchants mots qu'on a mis en crédit, notre langue va être dans sa perfection, et que les mots qu'on a retranchés ne nous rendent point plus pauvres, parce qu'on en remet d'autres à leur place. »
1. 1640, in-4, p. 81 (cité par Roy, Sorel, 315). Cf. Grenaille. Plaisirs des dames (1641, p. 78, cité par Livet, Préc. rid., 160) : « Je pourrois adjouster icy que l'excellence du
------------------------------------------------------------------------
LA PRÉCIOSITÉ 73
Or c'est là le procédé de Somaize. Pour être plaisant, il extrait et isole, faisant des métaphores véritables de ce qui n'est encore quasi que des comparaisons en chemin vers la métaphore. Et avec ce procédé on ferait passer facilement n'importe qui pour grotesque. Victor Hugo a dit : Le possible est une matrice formidable ; la guerre est une pourpre où le meurtre se drape ; cette cuirasse écaillée que nous appelons la mer ; les systèmes sont des échelles au moyen desquelles on monte à la vérité. Qu'on en fasse un dictionnaire à la manière de Somaize : une matrice formidable = le possible ; une pourpre où le meurtre se drape = la guerre ; une cuirasse écaillée = la mer ; les échelles au moyen desquelles on monte à la vérité = les systèmes. Les Précieux, par ce procédé, seront bientôt dépassés.
En second lieu, il faut se souvenir que telle image qui nous semble baroque, l'était moins aux yeux des gens du XVIIe siècle, en raison de l'existence de locutions voisines où elle était déjà entrée. Rien ne nous paraît plus absurde que : Voiturez-nous ici les commodités de la conversation. Il est probable du reste que Molière a inventé la phrase telle qu'elle est, suivant le procédé de Somaize. Mais il me semble qu'on comprend bien une phrase comme : les fauteuils sont les commodités de la conversation, si on se souvient qu'on appelle alors commodités ce qu'il faut pour être à l'aise dans son ménage, vaisselle, batterie, etc., et qu'on dit d'un objet : c'est une commodité nécessaire dans un logis.
Enfin, quoiqu'on nous rapporte de l'affectation de certaines gens, seuls, les niais ont entassé l'un sur l'autre ces mots spécieux. Pour parodier leur langage, des railleurs les accumulent, mais c'est là un procédé de polémique, non la reproduction d'un usage quelconque. On sait comment Molière en use, il n'est point le seul : « Avoüez avec les gens de la belle volée qui sont nos veritables Juges, que c'est ce qui vous manque, et que vous donnez rarement dans la veuë, si vous n'empruntés de moy un certain je ne sçay quoy, sans lequel vos plus grandes perfections sont terriblement en désordre : Et qu'il vous souvienne que je suis en passe de faire vos honneurs ; Et si l'art qui vous embellit chaque jour a besoin de mon passe-port pour s'introduire de la belle manière, je vous laisse à juger si vous pouvés de vous mesme rendre vos ouvrages achevez, et leur donner le bel air » (Dialogue de la mode et de la nature, Paris, 1662, p. 5-6).
Ces réserves faites, je n'ai pas l'intention de défendre les invenmiroir
invenmiroir encore en ce qu'il est le fidelle conseiller de la beauté, ainsi que le poète l'appelle ».
------------------------------------------------------------------------
74 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
tions de tous ces Figuriborum. Ils ont quelquefois joliment rencontré. Trop souvent on sent dans ces nouveautés le souci de se distinguer, de trouver des rapprochements inédits, et la recherche amène de véritables rébus.
Faut-il croire, avec M. Livet, que les expressions heureuses sont en général des Précieuses de l'aristocratie, tandis que les ridicules seraient celles des Précieuses bourgeoises? Quelle que soit l'autorité de celui qui a été de notre temps l'historien de la préciosité, et quelque abondantes qu'aient été ses lectures, je crois impossible a priori toute classification fondée sur cette base. Inutile d'abord de démontrer que l'aristocratie ne pouvait avoir le monopole de l'esprit et du goût. En outre, nous savons de science certaine que, malgré toutes les barrières, les salons du XVIIe siècle ont été fréquentés par une société déjà mêlée. Voiture n'était-il pas l'âme de l'Hôtel de Rambouillet ? Que la mode, en descendant de petites sociétés choisies à des réunions quelconques, se soit dégradée en s'étendant, c'est chose qui va de soi, et qui est ordinaire. Mais de, chercher à établir une ligne de démarcation, de se représenter aussi le développement de la sottise prétentieuse comme régulièrement progressif, au fur et à mesure de la diffusion de la préciosité, c'est une conception contraire à la nature des choses, comme on eût dit alors, et au développement ordinaire des faits. En vérité, la préciosité ridicule me semble avoir côtoyé l'autre partout, et cela dès les premiers jours. Elle n'en est que l'exagération et on sait que, dans toutes les compagnies, il se trouve toujours des membres pour forcer le ton. Au reste, à certains jours, on outre soi-même sa manière. N'est-ce pas le cas de Balzac ou de Voiture eux-mêmes? Il est bien vrai qu'autour de 1650 les Précieux ridicules sont plus nombreux, et, pour parler comme eux, renchérissent sur le mauvais goût. Mais Sorel a eu parfaitement raison de ne faire, dans ses critiques, aucune distinction entre les sottises dont il s'était moqué dans le Berger extravagant, et celles qu'il reprenait dans la Connoissance des bons livres.
A dire vrai, la préciosité ne finit pas non plus sous les coups de Molière. Sa pièce fit rire, et amena un retour sensible à la simplicité, cela est exact. Mais Boileau et Molière lui-même n'eurentils pas à reprendre la lutte contre ce « style figuré » dont on continuait à " faire vanité »? Le P. Bouhours, qui écrit aux environs de 1670, discute plus d'expressions précieuses que Vaugelas.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE X LE BURLESQUE
A la préciosité s'opposa le burlesque, né sous l'influence de l'Italie et de l'Espagne. Favorisé par les désordres de la Fronde, il a une histoire définie et restreinte 1. Il apparaît déjà chez Théophile, Maynard, Voiture. Saint-Amand se charge d'en faire le Lexique pour l'Académie. Mais le burlesque proprement dit date de Scarron. Alors le mot, assez rare jusque là, et vaguement synonyme de grotesque, goguenard, bouffon, naïf, enjoué, se vulgarise et devient l'étiquette du genre. Le Typhon (1644), suivi de l'Enéide travestie (1648), provoque, pendant dix ans, une véritable « fureur du burlesque » 2. A la suite de Scarron, on parodie Virgile, Ovide, Horace, Lucain, Juvénal ; on va chercher Homère, Hippocrate, l'École de Salerne. Récits, descriptions, gazettes ou courriers, tout, jusqu'à un Abrégé de la grammaire françoise 3 et une Passion de Notre Seigneur, subit l'influence de la mode. Puis Scarron s'en fatigue lui-même, et le burlesque meurt avec lui.
Réaction générale contre les grands genres 4 et les nobles sentiments, le burlesque devait s'attaquer au beau langage. En fait, tous les mots et les tours que réprouve la délicatesse des puristes vont trouver place dans son vocabulaire. Ainsi se constitue, en face de la langue épurée et appauvrie de Malherbe, des Précieuses et de Vaugelas, un langage factice, singulièrement mêlé, mais d'une extraordinaire richesse, où pullulent, entassés à plaisir, mots réalistes et bas, archaïsmes et néologismes, condamnés ou méprisés par les gens du bel air.
1. On consultera avec fruit, sur ce sujet, la thèse de M. Morillot sur Scarron (Paris, 1888). Cf. p. 386-396 : De la langue et du style de Scarron. — Pour la bibliographie du burlesque en général, on trouvera d'utiles indications dans le livre de V. Fournel, La littérature indépendante et les écrivains oubliés. Paris, Didier, 1862.
2. Pellisson, Hist. de l'Académie, éd. Livet, I, 79-80.
3. Lautrige, Abrégé de la grammaire françoise en vers burlesques, Paris, chez l'auteur, 1652, in-12°. Bibl. Nat., X, 443.
4. Le Virgile travesti et les Poésies diverses de Scarron montrent ce que deviennent chez les burlesques, épopée, odes et stances, élégies et épithalames, satires et épîtres, sonnets et rondeaux.
------------------------------------------------------------------------
76 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Ajoutons que les théoriciens de la langue noble tolèrent, par mépris, ces libertés : pour eux, le burlesque est un genre à part. Malherbe, dans sa distinction des genres, accordait des licences spéciales à la satire et à la comédie (IV, 326). Vaugelas y ajoute le burlesque nouveau-né. Ce sont trois genres inférieurs (Préface, I, 26). Ainsi c'est trop peu de dire que le burlesque échappe à la règle, il est fait contre la règle. Quand on déclare d'un mot qu'il est burlesque, on déclare qu'il est ou vieux ou bas, ou que, pour une raison quelconque, il est hors de l'usage.
Un double procédé permettra de s'en rendre compte. Il suffit de contrôler, en premier lieu, un texte burlesque par les grammaires ou les dictionnaires de l'usage. Voici quelques vers de Scarron, tous les mots soulignés sont exclus du bel usage :
Pyrrhus d'une hache tranchante
Sur la porte à grands coups charpente.
Ce maître faiseur de coupeauoe,
En tranche bientôt les poteaux,
Tout ainsi qu'il eût fait des raves.
Son père le patron des braves,
En bonne foy n'eût pas fait plus.
Priam, et son-monde reclus,
A chaque coup que sa main donne,
Dont le vaste palais resonne,
Fait de pitoyables helas,
Priant Dieu qu'il soit bien-tôt las,
Et n'achève point la besogne.
Luy, si bien taille et si bien rogne,
Qu'à la fin dans le Royal huis,
Il fait un grand vilain pertuis.
(Le Virgile travesty, I, 152-153.)
Inversement, si l'on applique les théories des grammairiens à l'usage burlesque, on voit le burlesque admettre tous les mots condamnés.Il use,— jusqu'à en faire un procédé comique — des mots réalistes qui choquaient le goût des raffinés. Malgré Vaugelas, il emploie poitrine. Il reprend, contre Malherbe, barbier, charogne, onguent, ulcère, ventre... Tous les mots « deshonnêtes » lui sont familiers : craché, crapuler (Scarron, Virg. trav., II, 213), dégohiller (Id., ihid., 1,217), rendre gorge (Richer, Ov. bouffon, p. 275).
Même liberté à l'égard des mots bas. Tandis que les puristes s'évertuaient à voiler par la noblesse des termes la vulgarité des. choses, le burlesque — et c'est là son essence même — applique aux objets les plus nobles les termes les plus vulgaires. Il garde vitupère, entaché, mal gracieux, taxer, à l'endroit de, quasi, etc. Les mots
------------------------------------------------------------------------
LE BURLESQUE
bas abondent dans le Virgile travesty ; Morillot (o. c, 386), en relève une foule dans le quatrième chant.
Mais c'est surtout l'archaïsme où se complaît le burlesque. Scarron s'appelle lui-même « petit poète suranné 1 ». En fait, genre populaire, le burlesque était, par nature, hospitalier aux mots que les théoriciens déclaraient veillis, mais que le peuple conservait encore ; à cette tendance naturelle du genre s'ajoutait le désir d'étonner par la rencontre de mots désormais rejetés. Aussi voiton d'abord le burlesque reprendre des mots qui vieillissent et qui sont condamnés par Vaugelas : complainte, prouesse, température au sens de tempérament, cettui, aviser au sens d'apercevoir, bailler, souloir, devers, lois, meshuy, premier, quantesfois au sens de une première fois, et si, voire. Par plaisanterie on se sert de mots plus vieux encore, condamnés déjà par Malherbe : brandon, chef au sens de tête, confort, jouvenceau, jouvencelle, liesse, rondache, bénin, pers, ardre, duire, grever, guerdonner, ains. Surtout, et c'est là que se marque définitivement son caractère archaïque, le burlesque garde en foule des mots du XVIe siècle, qui mouraient d'eux-mêmes au XVIIe. C'est ainsi qu'on trouve dans les textes de Scarron ou de son école des substantifs comme arroi (Scarr., Virg. trav., II, 31), avète (Id., Ihid., I, 43), baye (Id., ibid., 1,308), carme (Id., OEuv., I, 10), conil (Id., ibid., II, 8), coupeau (Richer, Ov. bouff., p. 463), forcenerie (Scarr., Virg. trav., II, 224), jouvence (Id., OEuv., II, 64), maignie (Scarr., OEuv., VII, 19), malengin (Id., ibid., VII, 77), maltalent (Richer, Ov. bouff., 525), mésaise (Id., ibid., VII, 3), noise (Id.. ibid., I, 341), pourpris (Id., ibid., 1,138).
On voit reparaître des adjectifs comme bragard (Dassoucy, Ov. en belle humeur, p. 137), brehaigne (Richer, Ov. bouff., 192), dépit (Id., ibid., p. 543), pantois (Dassoucy, Ov. en belle hum., p. 44), recru (Brébeuf, Lucain travesti, 1656, p. 109).
Des Acerbes aussi : s'accagnarder (Scarr., Virg. trav., I,279), accroupir (Id., OEuv., I, 191), s'apelisser (Richer, Ov. bouff., 150), bouquer (Il fera houquer les Romains. Scarr., Virg. trav., II, 183), chaloir (Id., OEuv., I, 404), décheveler (Id., Virg., trav., 1,294), déprendre (Richer, Ov. bouff., 552), giboyer (Scarr., Typh., V), gripper (Dassoucy, Ov. en belle hum., p. 106), meshaigner (Scarr., OEuv., VII, 127).
I. OEuvres, VII, 50. P. Borel, dans son Trésor des Recherches et antiquités gauloises et françoises (Paris, Augustin Courbé, 1655), dit de son dictionnaire : « Il sera aussi extrêmement utile à ceux qui voudront composer des vers burlesques, puisqu'ils y trouveront des mots très propres à leur dessein ».
------------------------------------------------------------------------
78 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Enfin abondent les archaïsmes de sens : faquin, giffte (= joue : ce qui fait leurs giffles enfler. Scarr., Virg. trav., 1, p. 145), gredin (= gueux: Qu'on n'y vienne point en gredins. Id., ibid., II, 7), offense (= tache ; Id., ibid.. IV), visière (= vue : Lyncus qui n'avoit pas tant d'yeux qu'Argus, Mais dont la visière aussi nette N'avoit pas besoin de lunette; Richer, Ov. bouff., 615); narquois (= fourbe : Ulysse le narquois. Scarr., Virg. trav., I, 253) ; braire (= crier, Id., ibid., I, 103). excroquer (= tromper, Id., ibid., IV), gaster (= dévaster, Id,, OEuv., I, 291), huer (= appeler : En vain la pauvrette... hue sa pauvre mère à son secours ; Richer, Ou. bouff., 572), navrer (= blesser : Persée navre enfin Molphée à la cuisse ; Richer, Ov. bouff., 528 1).
Ainsi se mêlent dans le burlesque tous les mots que dédaignait la délicatesse du temps. La langue burlesque n'est pas néanmoins la langue Amlgaire, avec laquelle il ne faut pas la confondre. C'est un mélange artificiel, comme sera plus tard le poissard.
Le succès du burlesque fut grand, mais passager. Dès 1649, Scarron lui-même, effrayé des audaces de ses mauvais imitateurs, blâmait tous « ces compilateurs de mots de gueule », prévenait contre eux « les beaux esprits qui sont gagés pour tenir notre langue saine et nette », et se déclarait « tout prêt d'abjurer un style qui a gâté tant de monde 2 ». Et ce n'était point là simple boutade : l'étude de ses poésies diverses dans l'ordre chronologique nous le montre joignant l'exemple à la théorie. A comparer l'épître à Madame de Hautefort, datée de 1646, et l'épître à d'Elbène, écrite en 1660, on mesure le chemin parcouru : la truculente peinture des Manceaux aux galoches de cuir ou des Mancelles « aux très redoutables aisselles » fait place au portrait tout classique d'un fâcheux qui « chante en entrant je ne sais quel vieux air », « s'appuie d'une canne », « marche du bel air » et « fournit une vaste révérence ».Dans l'intervalle, Scarron a renoncé aux vulgarités voulues du langage. Parti du burlesque, il aboutit à l'épître morale, tout près de Boileau. M. Morillot a noté justement que les archaïsmes les plus marqués se rencontraient surtout dans le Typhon et les Poésies, qu'au contraire dans le Roman comique, les Nouvelles, les Lettres et les Dernières Poésies, la langue de Scarron n'est presque plus archaïque 3. Il y a là une transformation du genre qui suit l'épuration du goût public.
Aussi, tandis que Dassoucy, Richer, Barcier, et autres « insectes
1. Pour les néologismes burlesques, voir au livre II, Lexique.
2. Scarron, Dédicace du Ve livre de Virgile.
3. Morillot, o. c, p. 389, note 1.
------------------------------------------------------------------------
LE BURLESQUE 79
du Parnasse », entraînés par l'exemple, et séduits par la facilité du genre, s'écartent de plus en plus de la règle, Scarron en arrive à prononcer la condamnation du style burlesque. Plus de mots déshonnêtes ou bas :
Ils ont pour discours ordinaires Des termes bas et populaires, Des proverbes mal appliqués, Des quolibets mal expliqués, Équivoques à choses sales, En un mot, le jargon des halles, Des crocheteurs et porteurs d'eau, Nommé langage du Ponceau...
Plus de mots vieux :
Ils font des vers en vieux gaulois N'eu pouvant faire en bon françois, Et disent que c'en est la mode. Quand l'article les incommode 1, etc..
Dès lors, c'en était fait des Virgile goguenard, des Ovide en belle humeur ou des Épîtres burlesques de Pénélope à Ulysse. Dès 1652, Pellisson blâme cette « fureur du burlesque dont à la fin nous commençons à guérir2.»
Balzac, qui s'était peut-être essayé aussi dans le burlesque 3, et dans son XXXVIIIe Entretien une condamnation formelle du style burlesque : " Ne sçauroit-on rire en bon François?... Faut-il aller chercher un mauvais jargon dans la mémoire des choses passées et tascher de remettre en usage des termes que l'usage a condamnez ?. . . » Et en même temps que cette manie « de desenterrer une langue morte », il reprochait aux burlesques « d'amasser toute la boue et toutes les ordures du mauvais langage ». Il concluait : « On peut se travestir et se barbouiller au Carnaval, mais le Carnaval ne doit pas durer toute l'année 4 ». En 1658, le P. Vavasseur prouva, en un énorme in-quarto de 462 pages, que les Anciens n'avaient pas connu le burlesque 5. Tous alors se déclaraient contre ce style et ce langage : l'Art Poétique n'eut qu'à prononcer sa déchéance 6.
1. OEuv., I, 152-3
2. Hist. de l'Académie, éd. Livet, I, 79.
3. C'est ce qu'on peut conclure d'une lettre de Chapelain, qui écrit à Balzac: « J'ai vu de vous une lettre en style familier et burlesque qui me sembla très digne de Balzac » (CCCLXVIII). La lettre de Balzac ne nous est pas parvenue.
4. Balzac. Entretien XXXVIII. Du stile burlesque.
5. Le P. Vavasseur. De ludiera dictione, 1658.
6. Au mépris du bon sens le burlesque effronté Trompa les yeux d'abord, plut par sa nouveauté ; On ne vit plus en vers que pointes triviales ;
Le Parnasse parla le langage des halles.
(Art Poétique, I, 82-86.)
------------------------------------------------------------------------
80 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
On ne prétendait pas pour cela tuer le genre. Les frères Perrault essayèrent de distinguer un vrai et un faux burlesque en disant que le premier « est aussi différent d'une suite ennuyeuse de quolibets et de proverbes, que l'héroïque est éloigné du style obscur et ampoulé qu'on appelle galimatias l ». Colletet réclama, dans le burlesque comme dans le sérieux, « le beau tour » et le « choix des mots » en déclarant que « les Muses, qui sont des filles chastes, doivent être traitées avec modestie 2 ». Enfin Boileau donna la formule du burlesque nouveau dans l'avertissement du Lutrin : « C'est un burlesque nouveau dont je me suis avisé en notre langue : car au lieu que dans l'autre burlesque Didon et Enée parlaient comme des harangères et des crocheteurs, dans celui-ci une horlogère et un horloger parlent comme Didon et Enée 3 ». L'héroï-comique prenait ainsi le contre-pied du burlesque : pour faire rire, il ne s'agissait plus d'abaisser au langage vulgaire de grands personnages, mais de prêter le beau langage aux gens du commun 4. C'était le triomphe du style noble jusque dans le domaine des genres bas 5.
1. Les Murs de Troye ou l'Origine du burlesque, 1653. Cf. aussi le Parallèle des Anciens et des Modernes, 1692 : « Il y a un burlesque qui n'est point effronté, qui ne parle point le langage des halles... qui sent le galant homme et a l'air de la Cour et du beau Monde » (p. 291-292).
2. Le Tracas de Paris en vers burlesques, 1665. Avis au lecteur. Paris ridicule et burlesque au XVIIe s., par P. L. Jacob, 1859, p. 189-190.
3. Le Lutrin. Avertissement. Cf. Chant II, v. 38-52, une imitation de Virgile, Énéide livre IV, v. 333-360 (Boileau, OEuvres, éd. Berriat Saint-Prix, II, p. 315-316).
4. Sur les deux styles, cf. Mich. Dav. de la Bigardière, Caractères des Auteurs Anciens et Modernes, 1704, p. 231-232.
5. Marivaux déclarera que le burlesque de Scarron « est plus dépendant de la bouffonnerie des termes que de la pensée » et tentera de travestir seulement la pensée d'Homère, sans parler une autre langue que Madame Dacier (L'Homère Travesti ou L'Iliade en vers burlesques, Préf., p. II-IV).
------------------------------------------------------------------------
LIVRE DEUXIÈME
LE LEXIQUE
CHAPITRE I LA LEXICOLOGIE ET LES LEXIQUES
M. Ch. Beaulieux (Mél. Brunot, 371 et suiv.) a donné une liste des Dictionnaires du XVIe siècle, où figure le français. Mais lui-même commence son répertoire en disant : « Le Thresor de la langue françoise, de Nicot, est véritablement le premier dictionnaire français. Avant Nicot, personne n'avait éprouvé le besoin de réunir en un corps les richesses de notre langue trop longtemps dédaignée. » Quiconque étudiera la matière portera, je crois, le même jugement, bien que le Dictionnaire de Nicot ne soit qu'une suite et une révision de livres antérieurs. Au XVIe siècle, les dictionnaires nous fournissent des matériaux, somment utiles, aucun ne peut être considéré comme l'inventaire de la langue du temps. A partir de 1606, il en est tout autrement, et l'étude des lexiques s'impose par conséquent avec une tout autre nécessité à qui veut suivre l'histoire du lexique.
J'ai donc donné, à la fin de ce livre, une liste des lexiques parus jusqu'en 1660, dont j'ai pu avoir connaissance. Quelques-uns ne sont que des réimpressions, mais il est impossible de n'en pas tenir compte jusqu'à ce qu'une étude comparative critique ait autorisé à négliger définitivement tel ou tel recueil. Cette étude, que je souhaite qu'on entreprenne le plus tôt possible, réduira sans aucun doute, et considérablement, le nombre des ouvrages utiles.
Il arrive en effet que les rééditions sont pires que les éditions anté1.
anté1. livre II devrait traiter de la phonétique et de l'orthographe. Il m'a paru difficile et inutile de morceler à l'excès l'histoire de l'évolution phonétique. Pour l'orthographe, mieux vaut aussi, semble-t-il, attendre l'époque où une orthographe officielle sera adoptée. Je renvoie donc ces deux éludes au tome IV.
Histoire de la Langue française. III. 6
------------------------------------------------------------------------
82 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
rieures l. Il arrive aussi et surtout, à cette époque où la contrefaçon est d'usage, pour ne pas dire de règle, qu'un ouvrage ne soit qu'un long plagiat, sans un mot original; vous croyez trouver un dictionnaire, et vous en retrouvez un autre, copié mot pour mot. D'autres fois on aura pris un dictionnaire bilingue, comme ils le sont tous, on y aura ajouté la traduction en une troisième langue. C'est ce qu'a fait Hierosme Victor : son Dictionnaire est celui de César Oudin démarqué lettre pour lettre 2. Il y a simplement joint une traduction italienne 3.
Le plagiat une fois commis, il peut arriver deux choses : ou le contrefacteur révisera sa contrefaçon, ou il la laissera réimprimer chaque fois telle quelle. Dans le premier cas, son livre, originairement sans valeur, en prend une, dans le second, il est négligeable. Il semble bien, pour reprendre l'exemple de Hierosme Victor, que ses réimpressions se reproduisent l'une l'autre, de sorte qu'en 1637 l'oeuvre est moins au courant que son prototype, car C. Oudin, lui, a revu son travail et l'a corrigé peu à peu.
En dehors de la recherche des contrefaçons, il faudra essayer
1. «Plusieurs bonnes pièces de livres, dit le P. Monet dans l'Avis au lecteur de son Abbregé du Parallèle, après la mort et du vivant des auteurs, se treuvent aujourd'huy vilainement ulcerees par la main disgraciée de ces gens là (les regratteurs de livres), qui s'amusent importunement à refourbir la besoigne d'autruy, pour accrocher quelque lipee de la main d'un Libraire abusé, et prendre occasion de marquer leurs noms sur l'ouvrage qu'ils ont gasté en qualité d'additionans reformateurs. » Et à la fin, il suppliait Messieurs de la Chancellerie de lui accorder en son privilège cette clause : « Qu'il ne soit permis à personne d'additionner à mes livres susdits, qui n'y adjouste cinq cens mots, bien choisis, et proufitables à la jeunesse... »
2. Dans le Parallèle des Langues françoise et latine, le même P. Monet et son imprimeur lyonnais Guillaume Valfray avertissent le public des « indices de notre Edition Lyonnoise » la seule bonne, pour « garantir d'équivoque au chois de la légitime Edition de ce Livre et afranchir de perte manifeste en l'achet du falsifié » qui est imprimé à Genève. Ils avaient même été menacés par les falsificateurs et par « leurs adherans de Lyon » de voir les premières pages de la bonne édition contrefaites el ajoutées pour couvrir l'ancienne marchandise « mauvaise tout à fait ».
3. Il se pose pour Victor un petit problème d'éditions. On donnait ordinairement comme première édition': 1606 Tesoro de las tres lenguas francesa, italiana y espanola, Thresor des Trois langues françoise, italiene et espagnolle auquel est contenue l'explication de toutes les trois respectivement l'une par l'autre, divisé en deux parties, le tout recueilli des plus célèbres auteurs qui jusqu'ici ont écrit aux trois langues, françoise, espagnolle et italiene par Hierosme Victor Bolonois, Dernière édition reveue et augmentée en plusieurs endroits, à Genève pour Samuel Crespin MDCVI. Cette première édition n'est pas en réalité la 1re édition. Elle est copiée de C. Oudin, qui le déclare formellement dans son édition de 1616. La première édition de Victor ne peut donc être que postérieure à 1607 (achevé d'imprimer de la 1re édition de César Oudin, 16 janvier 1607) ; le temps de recevoir le dictionnaire à Genève, de songer à le falsifier, d'y ajouter l'italien, de l'imprimer, il faut bien deux ans et alors la première édition serait celle de 1609 chez Philippe Albert et Alexandre Pernet ; cette édition ne porte pas la mention Dernière édition, commecelle de 1606. La date 1606 serait donc une erreur ou un mensonge ; MDCVI serait pour MDCXVI ; c'est d'ailleurs la date que porte dans le même livre la seconde partie, qui a un titre spécial : A Cologni [raturé et remplacé p r : A Genève] par Pierre de la Rovière, 1616.
------------------------------------------------------------------------
LA LEXICOLOGIE ET LES LEXIQUES 83
de rétablir la filiation des divers Recueils. Dans l'édition de 1618 du Grand Dictionnaire François-flamand chez Jean Waesbergue à Rotterdam, Waesbergue a eu la probité de nommer les hommes qui, successivement, travaillèrent à la même oeuvre : Luiton, Meurier, Sasbout, Mellema. Mais d'autres ont gardé le silence, et il faudra découvrir ce qu'ils ont cru de leur intérêt de dissimuler. On peut, dès maintenant, distinguer trois grandes séries.
1° Dictionnaires français-latins. — Du travail de Robert Estienne proviennent deux suites de lexiques.
A. — A la fin du Dictionariolum puerorum (1342), il avait imprimé Les mots françois selon l'ordre des lettres, ainsi que les fault encore escrire, tournez en latin pour les enfans, à Paris (1543); ce recueil est réédité en différentes villes jusqu'en 1612, sans nom d'auteur.
L'édition de 1664, qui porte le nom de Federic Morel (II) a pour titre Petit thresor des mots françois selon l'ordre des lettres. . . ; il y en a encore une édition en 1673 ; mais les additions sont peu importantes ; ce sont des corrections de fautes d'imprimerie : contrepoins corrigé en contrepois, des rajeunissements d'orthographe : controler au lieu de contrerouler, de ci de là une expression nouvelle : contentement d'esprit par exemple; le plus souvent on y trouve les mêmes mots, avec les mêmes omissions : esprit manque jusqu'à la fin. Il faudrait une vérification mot à mot des 196 pages des diverses éditions pour savoir quels mots ont été ajoutés et quand. Mais jusqu'à la fin c'est bien le même dictionnaire.
B. — La deuxième suite des Dictionnaires Estienne procède du Dictionnaire françois-latin publié en 1539 ; celle-là est plus riche; à partir de 1564, Jacques Du Puy, puis Jehan Thierry dirigent des rééditions, jusqu'en 1572 ; après Thierry, Nicot se met à l'oeuvre; après Nicot, Beaudoin en 1607 ; ici il y a bien un vrai travail de révision et d'augmentation. Toutefois ce dictionnaire se ressentira toujours de ses origines ; il y a des lacunes qui auront passé inaperçues.
Dans cette série des français-latins, apparaissent, au début du XVIIe siècle, quatre ouvrages importants d'un jésuite, le P. Monet; il semble bien qu'ils soient le résultat de recherches originales, et ces livres ont une très grande valeur, ce sont : Abbregé du Parallèle des Langues française et latine, 1620, Parallèle, etc.. 1636, Invantaire des deus langues françoise et latine, 1636, Abbregé du précédent, 1637. Le P. Monet était un esprit très ouvert, avec des idées neuves, partisan judicieux de la réforme orthographique, capable
------------------------------------------------------------------------
84 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
d'appliquer ses théories réformistes, bon latiniste, travailleur consciencieux et méthodique. Ses dictionnaires sont très importants, et ils ne sont pas une suite d'ouvrages du XVIe siècle. Toutefois il faut prendre garde qu'ils se reproduisent quelquefois l'un l'autre, mot pour mot.
2° Dictionnaires français-flamands. — Cette série a peut-être commencé au XVIe siècle, avec un lexique de Claude Luiton 1. En tout cas, elle est riche et importante. En 1562, Meunier commence une suite d'éditions, continuées après 1579 par Sasbout, après 1589 par Mellema, qui profite des travaux des lexicographes comme Du Puy et Nicot, après 11543 par d'Arsy, après 1669 par Van den Ende. Précisément parce qu'ils témoignent un souci d'être au courant des travaux contemporains, ces lexiques, avec leurs nombreuses rééditions, seront très utiles à étudier comparativement.
3° Dictionnaires franco-espagnols. — La série des dictionnaires français-espagnols est ancienne; en 1565 Liano o Ledel a donné le premier lexique français-espagnol ; en 1599, paraît le dictionnaire de Hornkens ; en 1604, le dictionnaire de Pallet ; en 1607, le dictionnaire de César Oudin. Ici la suite des dictionnaires est moins sûre ; que les plus récenls aient profité des plus anciens, cela est possible ; mais il semble assuré que ce n'est pas le même livre réédité et augmenté.
Avec le livre de César Oudin commence la série des dictionnaires franco-espagnols du XVIIe siècle. Il est traduit par Hierosme Victor en italien en 1609; il est complété par Ant. Oudin en 1645, et par Montmarte en 1660 ; la série va jusqu'en 1675. Mais ces éditions complétées par A. Oudin n'ont pas pour nous une très grande valeur, car il n'a fait qu'ajouter au recueil de son père les mots; qu'il avait lui-même insérés dans son Dictionnaire français-italien.
4° Dictionnaires franco-italiens. — En 1584, Jean Antoine Fenice avait publié un dictionnaire français-italien ; en 1598, Canal l'avait augmenté ; en 1634, Venuti en publie une nouvelle édition ; il semble bien que la partie italienne ait été la plus améliorée. En 1640, Antoine Oudin donne ses Recherches italiennes et françoises. On ne peut pas dire à simple vue ce qu'il doit à ses devanciers ; mais c'est un ouvrage très important ; il a été traduit en allemand, à deux reprises (1660 et 1674), en latin (1677), « pour que tous pussent en profiter », et Antoine Oudin a eu de son temps une très grande
1. Ce Luiton m'est inconnu. Son oeuvre est portée par erreur au Catalogue de la Bib. Mazarine. Vérification faite, il s'agit d'une édition de Mellema publiée cher. Waesbergue en 1624. C'est Waesbergue qui indique le nom de Luiton.
------------------------------------------------------------------------
LA LEXICOLOGIE ET LES LEXIQUES 85
autorité. C'est une des sources pour l'étude du vocabulaire français.
5° Dictionnaires franco-anglais. — En 1567, d'après les registres des imprimeurs de Londres, aurait paru un dictionnaire françaisanglais de Lucas Hary[s]on ; en 1571, d'après Brunet, aurait paru A dictionarie french and english, in-4° ; ils n'ont pas été retrouvés, mais en 1572 Huloets, en 1573, Baret, en 1579 Holyband (SaintLiens), ont publié aussi des dictionnaires. Miss Farrer vient d'étudier les rapports des deux derniers. En 1611, se place le Dictionnaire de Cotgrave. Miss Farrer a démontré que ce dictionnaire si célèbre est inspiré de l'oeuvre de Saint-Liens ; le lexique de Cotgrave serait donc bien, comme la plupart des travaux lexicologiques de cette époque, une refonte des travaux du XVIe siècle ; mais c'est un livre très important, qui eut pendant longtemps un très grand succès; il fut réédité jusqu'en 16731.
En 1660 Howell publia An English-French-Italian-Spanish Dictionnary qui n'est guère qu'une édition revisée du texte primitif. Il y a cependant un effort dès 1650 [pour distinguer les mots vieillis et corriger certaines fautes 2.
6° Dictionnaires franco-allemands. — Les dictionnaires francoallemands proprement dits ne sont pas nombreux au XVIe siècle. On trouve un bien plus grand nombre de dictionnaires latins-français-allemands et allemands-français-latins. Mais c'est une question à élucider de savoir si ces lexiques ne sont pas seulement des lexiques françaislatins auxquels on a ajouté la traduction allemande ; ou au contraire des lexiques franco-allemands, auxquels, pour les rendre universels, on aurait ajouté la traduction latine.
Le premier type de cette série est du XVe siècle ; la date est indécise, car le Dictionarius Latinis Gallicis et Germanicis vocabulis conscriptus in-4° goth. ne porte aucune indication de lieu ni de date ; en 1507 paraît à Lyon un Vocahularium Latinis Gallicis et Theutonicis verbis scriptum, puis en 1514, Mosimmanuel publie le Dictionarium trium linguarum Latinae Gallicae et Germanicoe ; en 1574, Kilian publie un Dictionnaire latin-allemand-français, qui est encore édité en 1605; en 1575, à Bâle, est imprimé un Vocahularium Latino-Gallico-Germanicum.
Cette série ne dépasse guère le XVIe siècle; elle est remplacée par les lexiques de Stoer, qui ont eu plusieurs éditions dans le premier
1. L'édition de 1632 reproduit lettre pour lettre l'original de 1611, en y ajoutant seulement une contre partie anglo-française ; 1650 est encore semblable.
2. Voir Vaganay, 2000 mois inconnus a Cotgrave, dans Congrès International pour l'extension et la culture de la langue française, Paris, Champion, 1906.
------------------------------------------------------------------------
86 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
tiers du XVIe siècle: Dictionnaire français-allemand-latin. Peutêtre le Dictionnaire françois-allemand-latin de Nathanael Duez en est-il la suite? La première édition est de 1642 et la dernière de 1671.
En somme ces lexiques n'ont abouti à aucun ouvrage important, comme le Nicot ou le Cotgrave.
Les dictionnaires français-allemands proprement dits n'apparaissent que tout à fait à la fin du XVIe siècle, en 1596, avec le Dictionnaire françois-allemand de Hulsius, dont Brunet connaît une édition de 1647.
De cette revue rapide, quatre noms, quatre oeuvres demeurent: Nicot, Cotgrave, Monet, A. Oudin. Regardons-les de plus près. — Le Thresor1 de Nicot a fait l'objet d'une bonne étude de M. Lanusse 2. Si on le compare aux recueils dont il procède, on voit que la partie française y est singulièrement augmentée ; il y a des explications en français du sens des mots, des observations grammaticales sur les genres, la prononciation, l'orthographe, l'étymologie. Mais le dictionnaire de Nicot n'est pas le dictionnaire de la langue de son temps. Il ne renferme pas tous les mots du XVIe siècle, tant s'en faut, il en garde encore beaucoup ; non seulement l'auteur n'a pas songé à faire disparaître ceux qui étaient tombés en désuétude depuis Robert Estienne 3, mais il en conserve d'autres, de parti pris, qu'il savait archaïques, et qu'il lui paraissait pour cela utile d'expliquer 4. En outre, il s'en faut bien que tous les mots alors vivants s'y trouvent : il en est une foule que, sans raison valable, Nicot a écartés, ou qu'il a omis 5. Il en a même oublié pas mal qu'il employait lui-même 6.
1. Thresor de la langue françoyse, tant ancienne que moderne, auquel entre autres choses sont les mots propres de marine, vénerie et faulconnerie, cy-devant ramassez par Aimar de Banconnel... Reveu et augmenté en ceste dernière impression de plus de la moitié ; par Jean Nicot, vivant conseiller du roy et Me des Requestes extraordinaire de son hostel. . A Paris, chez David Douceur, 1606, in-f°
2. De Johanne Nicolio philologo, Gratianopoli, 1893. On y trouvera, consciencieusement étudiés, les défauts elles qualités du livre. Ce n'était pas la première transformation que Nicot faisait subir à l'oeuvre d'Estienne, déjà révisée par Thierry. L'édition du Dictionnaire françois-latin, publiée par Jacques du Puy, en 1573. et plusieurs fois réimprimée, porte son nom.
3. Degasler, se délibérer, disparer (disparaître), etc.
A. Je citerai antan, greigneur, endementiers, grever, enherber.
5. Athéisme, solécisme, géométrie, archevêque, catégorie, épithète, adoptif, fugitif, inséparable, mémorable, fécond, alliage, lavage, bonnetier, fendeur, grondeur, singerie, sonnerie, verrerie, chatouilleux, nuageux, colleter philosopher, dogmatiser, barbariser, latiniser, exact.
G. 0. Bloch a lu la lettre A du Dictionnaire de Nicot, et clans les 62 pages qu'occupe cette lettre il a trouvé 367 mots employés dans le corps des articles, qui ne figurent pas à leur ordre alphabétique, 6 mots français oubliés en moyenne par page ; cela fait pour les 666 pages du dictionnaire 3996, autant dire 4000 mots oubliés. Parmi ces mots, les uns nous paraissent sans importance comme colliligant, fluvia-
------------------------------------------------------------------------
LA LEXICOLOGIE ET LES LEXIQUES 87
Le Dictionnaire de Cotgrave, qui parut en 1611, doit beaucoup à Nicot et à Holyband, mais c'est une oeuvre originale et capitale. On y trouve des mots qu'on chercherait vainement ailleurs :
bicque, causerie, charbonneux, clignotement, coloration, constitutif, déchirant, dépenaillé, émarger, exproprier, immangeable, imperforation, incongelable, inculper, incurie, inflexibilité (employé par Bossuet), interversion, irrespectueux, etc.
On y trouve surtout enregistrés quantité de termes qui vont se maintenir dans la langue, et que les recueils antérieurs ne connaissent pas :
Appréciateur, armateur, armorial, babeurre, bagatelle, hasard, belle-fille, béquilles, bigarreaus, botanique, brouhaha, bucheron, burlesque, bouffissure, cafardise, cagnard, campagnard, canonicat, carguer, carton, cervelet, chanceux, chiffon, chafouyn, chaumine, clientelle, colleter, cochere (porte), qui n'est que dans Danet, colossal, contact, concis, coquet, culte, complaisant, dada, débarrasser, desbourser, desgobiller, desgrossir, desmenagement, desgueniller, desabuser, désintéresser, destromper, dévolution, dilatable, disgracier, dodu, droguer, dispensaire, effronterie, eliminer, embarras, émissaire, équilibrer, equippée, esquisse, esquiver, facture (=note), fadeur, filtration, frugal, griffonner, hableur, homonyme, impie, incendie, incontestable, incompétent, indecrotahle, indiquer, insurmontable, insurger, intarissable, intelligent, intercepter, intimement, intolérance, invectiver, inverse 1, etc.
Mais, en revanche, il cite pêle-mêle une foule de mots qui n'étaient pas ou qui n'étaient plus dans la langue littéraire. Ceux de Rabelais et ceux de Ronsard, les mots dialectaux, vulgaires, les vieux, les écorchés du latin ou du grec, il recueille tout, sauf à donner parfois une courte indication relative à la provenance 2.
tile, que donne cependant Cotgrave. Mais il en est que nous sommes étonnés de voir oubliés : malsain, mangeoire, manille, matois, matrimonial, métaphore,métathèse, molosse, momie, monosyllabe, mortaise, musical, etc. (Voir Mélanges Brunot, 1 et suiv.).
1. Cette liste, comme plusieurs de celles qui suivront, s'arrête aux mots commençant par J. Bien que j'eusse des observations isolées sur beaucoup de mots qui viennent après, et que j'aie pensé devoir les alléguer quelquefois, je me suis cru autorisé à citer de préférence la partie du vocabulaire pour laquelle j'ai fait une comparaison minutieuse et systématique des lexiques. Des conclusions fondées sur le dépouillement des lettres A, B, C, D, E, F, G, H. I, m'ont paru devoir être à peu près les mêmes que celles où conduirait un dépouillement total ; d'autres pourront reprendre la tâche où je l'ai laissée ; si j'avais choisi à travers tout le lexique, on n'eût pu compléter qu'en recommençant tout.
2. Je citerai s'alouser, allerquer, acarer, acaser, acomparager, amasse-miel, chassecrainte, chasse-ennui, chasse-erreur, chasse-fièvre, chasse-mort, chasse-nue, chassepape (terme des dernières guerres civiles), collauder, cressiner, dougé, doux-amer, doux-glissant, emutissement, s'embadurnoser, esclop (tholosain), esclaire-tout, fier-
------------------------------------------------------------------------
88 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Nous ne pouvons que nous féliciter que Cotgrave ait suivi cette méthode, tout en regrettant qu'il n'ait pas coté les endroits où il avait relevé tant de mots rares, comme il en avait d'abord eu l'intention. Ses compatriotes ne pouvaient non plus qu'être satisfaits de posséder un recueil si vaste, ceux du moins qui voulaient lire nos écrivains. Mais pour les Français du temps, et l'auteur s'en rendait compte, son livre n'était nullement le lexique de l'usage 1.
En 1636, le P. Monet, publie l'Invantaire des deus Langues française et latine, assorti des plus utiles curiositez de l'un et de l'autre Idiome... (Lyon, chez Ant. Pillehotte, la veuve de Cl. Rigaud et Phil. Borde, in-f°). On a d'autres recueils de lui, celui-ci, est à la fois le plus volumineux et, à différents égards, le plus intéressant. Monet est le premier à donner beaucoup de mots assez nouveaux :
Avant-gout (qui manque encore à Richelet), * bigarreau 2, * bilan,
* bucheron, * carabin, complimant, consultant, * conviction,
* decrediter, * deferance, * derangemant, * desabuser, * desagreablemant, * disgracié, * fastueus, *genereusemant, * halte, imaginable, impatroniser, impénitance, * indéçance, inespérément, intemperie, irreconciliable, irresolu, * isoler.
Enfin on en trouve, chez lui, qui manqueront aux dictionnaires les plus complets, Oudin, Richelet, Furetière, l'Académie. Citons cartable, desharnachement (repris par le P. Pomey), desaccointance, *effactuellement (Peir., Let. à Dup., I, 184). Mais il s'encombre de mots surannés : Ains, avesprer, aconsuivre, bloutre, bobeliner, bragard, brodure, buquer, chaloir, chiqueté, cogitation, colomb, desaccointer, dedication, delire (= deligere), depris, desappetissance, deshait, etc., que Nicot gardait. Il en a d'autres que son
humble, infrasquer, indulgenlieux, ingamber, ingargouillat, inidoine, inscrophiez (Rab.), jectigation, mansuet, etc., etc.
1. Dans un Avertissement « au favorable lecteur François, 1. L'Oiseau Tourval, parisien», s'en explique ainsi : « Il te supplie bien fort, si lu trouves icy quelques mots qui te sonnent mal aux oreilles, ou mesme qui n'y ayent encore jamais sonné, de croire, qu'ilz ne sont point de son invention, mais recueilliz de la multitude et diversité de noz Auteurs, que possible tu n'auras pas encore luz, et qui, tant bons que mauvais, désirent tous d'estre entenduz. Il pouvoit bien citer le nom, le livre, la page et le passage ; mais ce n'eut plus icy été un Dictionaire, ains un Labirinte. Permis à qui voudra d'en user, ou de les laisser. Bien entendu, toutefois, que ce ne seroit pas le pis qui nous pût arriver, que de remettre suz certains mots sur-annez, que nous avons mieuz aimé laisser perdre, quoy que tres propres et significatifs; Et autres de notre propre cru, bien que de divers terroir, allans plutot mandier chez les Etrangers pour nous exprimer, ou bien nous taisans du tout, ou parlans par un long contournement de paroles, que d'ouvrir un peu la bouche pour en prononcer quelques uns qui sembloyent trop revesches pour la douceur du palais de noz Damoiselles, ou grater l'oreille delicate de Messieurs nos Courtisans de ce temps-cy. »
2. Les mots précédés d'un astérisque sont ceux qui ne sont pas signalés avant le XVIIe siècle.
------------------------------------------------------------------------
LA LEXICOLOGIE ET LES LEXIQUES 89
devancier lui-même avait laissés tomber : bellique, bouteroue, carrousser, infamation, inhonneste, etc.
Antoine Oudin a la même importance comme lexicographe que comme grammairien. Non seulement il perfectionne le lexique franco-espagnol de son père, mais il y ajoute des oeuvres nouvelles, riches d'information et originales : ses Recherches italiennes et françoises (1640), et ses Curiositez françoises pour servir de supplément aux dictionnaires... Le deuxième de ces ouvrages a pu être réimprimé avec fruit à la suite du Dictionnaire de l'ancien langage françois de Lacurne de Sainte-Palaye. C'est une source unique pour les expressions triviales et même populacières, qu'on trouve dans certains textes, et dont l'explication est donnée là. Dans ces recueils, Oudin est très complet ; il est seul à enregistrer certains mots :
*Brancade (troupe de forçats attachés à la chaîne), dadais, desbridement, * divertissement, *doucher, duumvirat, * exorbitance (qu'on lit dans Chap., Let., II, 720); estiver ; eslochement = effondrement (que Dupleix signalait comme devant être français, Lum. de Mat. de Morg., 295) ; grimauderie (Peir., Let. à Dup., I, 215) ; heurtade (qui se rencontre dans Chapelain, Let., I, 528) ; peregrinité (Rabelais, aussi dans Charp., Excell. de la l. fr., 811) ; * poetastre (Chap., Let., II, 388).
Il donne aussi des mots nouveaux, que les lexicographes ont recueillis après lui, mais que ni Monet ni Nicot n'avaient donnés auparavant, et dont quelques-uns étaient alors si rares qu'on n'en a pas jusqu'ici trouvé d'exemples antérieurs dans les textes :
* Capricieusement (1640); *desblay (1642); * descoulourer (1642);
* desagreement (id.); deplorable (qui est dans Malherbe) ; * deshabillé (subst., 1642); * destachement (1642) ; *disneur (id.) ; docilement (id.); *esluder ; embryon (qui est dans Chapelain, I, 392);
* errata (1642) ; escarpoulette (qui est dans Desportes, mais qui manque encore à Richelet) ; expectative (Peir., Let. à Dup., I, 343) ;
* fatuité (encore contesté par Bouhours, D,, 7); * fourberie (1640) ; galimatias (que Chapelain, Let., I, 284, emploie après Montaigne et Malherbe) ; * gazettier (Chap., Let., I, 278); * gazette (1642),
* glacière, etc.
Il en cite qui étaient chez Cotgrave :
* Délectable, *détergent, *éliminer, *émissaire, *enmitouflé, *équipée, *esquisse, frottée, ou chez Monet : houteroue, brifaud, canage, et qui ne sont pas dans les autres lexiques.
Mais précisément Oudin est trop complet. Il sait la langue de son
------------------------------------------------------------------------
90 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
temps, il la sait trop tout entière, il se rappelle que grimelin est dans Mlle de Gournay, que chiquet, folichon se disent dans la ville. Il garde de vieux mots, tels que tribouiller, bellique, dodeliner, emperiere, desaccointer, desaccorder, desaise, despit (adjectif ; cf. Vaug., II, 481); diamantin (encore dans Chap., Let., I, 587), excuseur, infrequence, immisericordieux. C'était un excellent interprète pour étrangers. Pour les Français, il n'a rien fait qui fût l'équivalent de sa Grammaire rapportée au langage du temps.
Quoi qu'il en soit, ces livres auxquels je me suis arrêté un instant, sont ceux où, dans l'état actuel de nos travaux, les travailleurs doivent chercher des renseignements et des explications. Mais il faudra prendre garde que l'on ne peut rien conclure ni de l'absence ni de la présence d'un mot, quand il s'agit de déterminer si ce mot est alors en usage.
En attendant qu'on ait constitué un Trésor critique des lexiques du XVIIe siècle, il sera bon de ne négliger aucun auteur, si obscur qu'il soit, aucun recueil, si insignifiant qu'il paraisse. J'en voudrais donner la preuve. D'abord un mot sera pour la première fois dans un recueil qui semble n'avoir aucune valeur. Tel est le cas de fadaise (oublié par tous les lexiques du XVIe et tous les Nicot 1573, 1606, 1618, 1625). On le trouve en 1,604 sous la forme fadesse dans Pallet. Forfan, sur lequel il y a une longue remarque de Estienne dans le Lang. fr. it. (Lis., I, 93), est oublié par Oudin, H. Victor, Monet, et donné par D'Arsy en 1643 ; mazette, mot nouveau, apparaît pour la première fois dans le Dict. des rimes, 1648 ; de même pour exactitude. De même encore pour vertigo; réussite (= succès) est mentionné dans une seule édition de C. Oudin, celle de 1660, revue par Montmarte, et cette édition n'est point bonne. Cela suffit, il me semble, pour avertir d'être prudent.
Je donnerai en outre ici quelques-unes des observations que la fréquentation de ces ouvrages m'a suggérées. En général les dictionnaires franco-étrangers sont trop faits de manière à permettre l'étude de la langue étrangère, quand ils sont composés par des Français comme Oudin. Ils sont trop faits ou pour un but pratique ou pour permettre aux étrangers d'étudier tout : le droit comme la littérature, quand ils sont faits par des étrangers.
Les dictionnaires français-latins sont surtout latins, c'est-à-dire que leurs auteurs sont particulièrement enclins à donner les mots qui n'ont pas un correspondant bien connu en latin, ceux dont la traduction est difficile ou ceux seulement qui ont un correspondant bien évident; et puis ils oublient des sens ordinaires, pour ne don-
------------------------------------------------------------------------
LA LEXICOLOGIE ET LES LEXIQUES 91
ner que la traduction latine d'un sens rare ou ancien. Enfin ils sont très traditionnalistes, et un peu fermés ; ce n'est pas chez eux naturellement qu'on trouvera la langue française vivante, celle qu'on parlait tous les jours ; ce sont toujours des livres un peu scolaires.
Les dictionnaires comme le Thresor de Nicot ou le Parallele de Monet, qui sont vraiment les premiers inventaires de la langue française, ont encore l'inconvénient de définir les sens en donnant la traduction latine, ce qui est un moyen commode, et à l'usage de tous les hommes instruits, quelle que soit leur langue maternelle, mais ce qui est aussi un procédé un peu vague et trompeur.
En outre, tous ces recueils ont un défaut commun et particulièrement grave, ils visent surtout à l'abondance ou à la commodité. Personne ne s'est encore donné pour tâche de démêler l'usage vrai de la langue. Quelques exemples en feront foi.
Chaloir est un mot qu'on trouvera condamné plus loin. Il était dans « les mots françois » de 1542 ; il se retrouve encore en 1664 dans le Petit Thresor. Il était dans Rob. Estienne en 1539 ; il se retrouvera dans toutes les éditions posthumes de Nicot. Il est dans Mellema (1618), V. den Ende (1654), dans Duez (1660-1678), dans Canal et toute la série, dans Pallet et jusque dans Oudin 1675, dans les Cotgrave, dans les Monet et les Dictionnaires de rimes. Aucune mention nulle part de son flétrissement.
Prenons un mot plus archaïque encore, comme endementiers. Littré ne le donne pas, il est donc absent des textes modernes qu'il a lus ; au XVIe siècle il était déjà vieux ; H. Estienne disait qu'on ne le trouvait qu' « es romans » ; Pasquier déclarait qu'il avait été en vogue jusqu'à Lemaire de Belges ; et à titre de vieux mot, la Pléiade essaya de lui rendre un peu de vie; au début du XVIIe siècle, c'était un mot bien mort.
Or tous les lexiques jusqu'aux Recherches d'Ant. Oudin l'ont conservé (1640). Quelques-uns observent que c'est un vieux mot : Monet (Par., 1636 ; Invant.), Cotgrave, d'Arsy, par exemple. Toutefois aucun n'ose le supprimer ; Antoine Oudin l'avait rayé de ses Recherches en 1640 et en 1643, mais il le laisse subsister dans les rééditions du dictionnaire paternel en 1645, 1660 ; il le fait précéder d'un astérisque, il est vrai, mais il le conserve. Avant 1660, Pallet (1604) et Pajot (1643) seuls l'ont supprimé, ou oublié.
Autre vieux mot : isnel que Littré n'a pas trouvé au XVIIe siècle, et que la Pléiade affectionnait, au sens de léger, rapide (Baïf, II, 68, du Bell., I, 46 etc.). Tous les lexiques le présentent; seules
------------------------------------------------------------------------
92 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
les Curiosités de Oudin l'ont omis, et cette omission confirme le témoignage des autres lexiques : isnel n'est pas une « curiosité ». Donc, à en croire le témoignage des lexiques, isnel serait très courant ; en fait c'est un mot dont tous se moquent, et que personne n'emploie.
Voyons maintenant un autre cas : clergesse est le féminin de clerc. Les Dictionnaires omettent en général cette vieille forme ; seuls Cotgrave, Nicot et Duez l'ont acceptée. César Oudin ne l'avait pas (1607-1617), mais dès 1640, le même A. Oudin, qui supprimait endementiers, introduit clergesse non seulement dans les Recherches, mais jusque dans les rééditions du Dictionnaire de son père, où il figure jusqu'en 1675. C'est très vraisemblablement une restitution. Inspirée par quoi? Par un vers de la Satire XIII de Régnier ? Peutêtre. En tous cas pas par l'usage.
Voici un autre mot, friper. Il est courant au XVIe siècle; c'est un mot qui a confondu en lui deux anciens mots très différents : friper (origine inconnue), avaler goulument, et freper (frepe, guenille), défraîchir en chiffonnant. Ce mot friper existe au XVIIe siècle ; c'est un mot populaire, que Littré a trouvé dans Saint-Amant et Sorel ; Loret l'emploie sans cesse dans sa Gazette (14 mai 1651, 24 juil. 1655, 14 fév. 1654, 16 août 1664, etc.); et Oudin (Curiosités) le signale d'un astérisque, c'est-à-dire qu'on ne s'en sert « qu'en raillant ».
Tous les Dictionnaires le donnent, mais il faut voir exactement ce qu'ils en donnent.
1° A. Chiffonner, user, gâter. Il est en ce sens dans Cotgrave, Monet (Abr. du Par. et Inv.), A. Oudin, Thesaur. nov., Duez, mais manque à C. Oudin.
B. Remettre à neuf en grattant : vestimentum interpolatione in speciem renovare (Monet, Abr. du Par., Parall, et Invant.); du drap aisé à friper ; est aussi dans Thesaur. nov. ; fripé, vestement fripé est dans tous les dictionnaires.
C. Revendre (d'où fripier), C. Oudin : regastear (1607-1617). II° A. Manger, dévorer (très usuel chez les burlesques : Le Temps
qui frippe tout, ce gourmand immortel St.-Am., I, 206; cf. II, 410) est dans Cotgr., A. Oudin, 1642, d'Arsy. Il manque à tous les autres.
B. En particulier: devorer son bien. Il est dans Thesaur. nov., Duez, 1660, (oublié dans les autres).
III° Derober, friponner (Littré donne des ex. de Sorel, Franc). Il est dans Cotgrave : to rob.
------------------------------------------------------------------------
LA LEXICOLOGIE ET LES LEXIQUES 93
IV° En particulier : dérober le temps dû à qq.c. : friper sa leçon. Il est dans A. Oudin (Rech.), Duez, 1660-1671.
Il faut ainsi réunir les renseignements de tous les lexiques pour avoir une idée à peu près exacte de l'emploi de ce mot, vraiment très répandu. Sans César Oudin on ignorerait que friper veut dire revendre, sans Cotgrave on ignorerait qu'il veut dire dérober.
Les mots techiques sont aussi fort souvent omis. Entre tous, les plus usuels étaient peut-être ceux du blason ; ce n'est pas qu'ils fussent très employés, mais ils étaient de ceux qu'un homme bien né ne rougissait pas de connaître ; c'étaient mots de nobles, et on s'attendrait à les voir enregistrer par un dictionnaire, précisément parce qu'ils sont un peu rares d'usage, tout en étant vivants, et qu'ils intéressent une société aristocratique où l'on parle armoiries. Prenons le mot badelaire, baudelaire, bazelaire, qui signifie une épée courte, large, recourbée comme un cimeterre, un des meubles du blason ; Nicot en 1606 (seulement), Cotgrave, Monet, Van den Ende en 1669, Duez en 1663 le donnent'; tous les autres l'ont ignoré.
Les lexiques sont incomplets aussi par trop de concision dans les articles : un adjectif devient substantif ; ils le donnent comme adjectif, et ne le donnent pas comme substantif. Est-ce oubli, est-ce confiance au savoir de leurs lecteurs ? Voilà le mot politique qui est partout comme substantif de personne : un politique, les politiques. Seuls Monet (Abr., Inv., Par.), A. Oudin dans ses Recherches et dans les rééditions de C. Oudin, Duez et Van den Ende (1654) le donnent comme substantif. Tous les autres l'ont omis. Et certes, c'est bien un mot courant, puisque c'est le nom d'un parti, du parti qui a triomphé dans des circonstances célèbres.
Quelle attitude prennent enfin les recueils en face du néologisme ? Considérons le mot exact, qui est dans Du Bellay (Def. p. 121, éd. Person), dont Vaugelas a fixé l'orthographe (I, 377) et qu'il a employé (I, 220). C'est un mot qui, malgré ses origines savantes, est alors usité et accepté.
Il est dans la série espagnole : Pallet, César Oudin ; la série italienne ne le donne pas avant Antoine Oudin ; mais celui-ci l'emprunte à son père et le met en 1642 ; d'autres ailleurs l'avaient donné déjà : Monet (1620, 1636), le Dictionnaire des Rimes de Lanoue et de Fremont d'Ablancourt ; c'est peut-être dans l'un de ses prédécesseurs que Van den Ende l'a trouvé ; il l'a ajouté en 1654 et 1669 aux Mellema qui ne l'avaient pas, non plus que Nicot et Cotgrave.
Complimenter est un dérivé français de compliment, mot
------------------------------------------------------------------------
94 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
emprunté comme le précédent à l'Italie. Au XVIe siècle on le rencontre avec le sens de : accomplissement d'une formule de politesse. Au XVIIe, la famille est en plein succès.
Monet est le premier qui le donne (1636) ; puis Oudin (1642) dans ses Rech. et dans le Dict. esp. (1645), puis N. Fr. d'Ablancourt en 1648, puis Van den Ende en 1654, puis Duez en 1660. Tous les autres l'ont oublié; ce n'est qu'après 1660 qu'il est partout. Il semble bien que pour ce mot le même fait se soit produit que pour d'autres, incendie par exemple ; à la suite de Monet et de Oudin. les lexicographes en ont grossi leurs livres ; seulement ici ils sont d'accord avec l'usage, parce que, grâce aux circonstances, ce mot est entré dans le vocabulaire quotidien aussi rapidement que dans les lexiques.
D'autres fois, certains d'entre les lexicographes au moins sont en avance, ils s'empressent d'accueillir un mot qui apparaît. C'est la course au nombre. Cortege est un mot presque introuvable avant 1660. A. Oudin l'accueille, en ajoutant dans la partie française : mot italien. (Cf. le Dict. espagn.). En 1660, il entre chez Duez. avec la même réserve, en 1669, chez Van den Ende.
Encore le lecteur est-il ici averti, et cela n'arrive pas toujours ; on se demande alors qui croire. Les lexicologues ont-ils raison contre nous ? Ce serait parfois mon sentiment. Je ne donnerai qu'un exemple, c'est celui du mot carton. Littré ne l'a pas trouvé avant Bossuet. Le Dictionnaire général cite Cotgrave. En réalité le mot est en 1596, dans Lanoue, qui le rapporte comme italien. Il est dans tous les Monet, dans Ant. Oudin, 1642, dans la réédition de C. Oudin, 1645, dans Duez, etc. Y a-t-il lieu de supposer que tout ce monde se copie? Cela est de toute invraisemblance. Le mot devait, être usuel, ce sont nos dépouillements qui sont insuffisants. Ici. je ferais confiance entière à nos recueils.
On devine mes conclusions. De même qu'on ne peut point toujours les croire, même quand ils sont à peu près unanimes, on ne peut pas non plus systématiquement récuser les témoignages de tous ces Lexiques. Trouvera-t-on une règle de critique? Je le souhaite, sans en être fort sûr. En tous cas il est certain que ce n'est point là qu'il faut aller chercher les témoignages sur le travail d'épuration ou d'enrichissement que l'époque fait subir au lexique français.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE II LES MOTS VIEUX
Ronsard, qui avait ou tout au moins professait n'avoir que peu d'estime pour la poésie de ses devanciers, considérait du moins que leur langue pouvait lui fournir de bons et beaux mots. Malherbe et son temps tiennent également à mépris les vieux mots et les vieilles oeuvres. Assurément ils ne vont pas à cette absurdité de vouloir abolir la langue qu'on leur lègue, pour s'en faire une à eux, mais ils n'en gardent que ce qui vit dans la mémoire commune, ce qui vole sur les lèvres des gens de cour. C'est à propos de benin que Malherbe a posé l'aphorisme « je serois d'avis de bannir ce mot de l'escriture, il l'est du langage » (IV, 313).
A distance, et parce qu'ils sont pour nous les classiques, nous nous figurons souvent ces hommes-là comme les représentants de la sagesse conservatrice. En fait, dans toute notre histoire littéraire, il n'y eut pas de pires iconoclastes ; soit ignorance, soit infatuation, l'autorité d'aucun nom ne leur reudit un mot sacré. Qu'il fût dans Anryot ou dans Montaigne, s'il s'éloignait de l'usage des cercles, il était suspect, et le reprendre, essayer de l'utiliser, c'était se compromettre pour lui. « Alléguez leur Ronsard, du Bellay, Desportes, Bertault entre les Poètes, Messieurs le Cardinal du Perron, du Vair, Coëffeteau, entre les Orateurs, ils les récusent aussitost en hochant la teste, environ comme les errans » (Camus, Issue aux Cens., 608).
Assurément les tentatives faites par les poètes de la Pléiade pour rajeunir de vieux mots étaient vaines. Mais elles avaient échoué, et dès la fin du siècle, l'idée de les continuer était à peu près abandonnée de tous, sauf de quelques disciples attardés de l'école, si bien qu'il n'y avait plus lieu de réagir. Au reste autre chose est de ressusciter des mots disparus, autre chose de conserver de beaux et bons mots qui sentent un peu le vieux, mais qui sont encore en usage. Pour Malherbe et les siens, tout cela est au même titre de l'anti-
------------------------------------------------------------------------
96 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
quaille. Aux mots comme aux vers on applique le proverbe dédaigneux :
Il eût passé du temps de Henri III.
Le langage comme les moeurs sont en progrès, dit-on, et cette prétention naïve s'affirme non seulement chez Malherbe qu'on pourrait suspecter de vanité personnelle, mais chez un Deimier, incapable de traduire autre chose que l'opinion commune : « Si l'opinion de Ronsard estoit reçue, dit-il, il faudrait remettre en pratique toute la vieille légende des mots dont les anciens François s'exprimoient. Ce qui seroit justement aller de mieux en pis, au lieu que despuis cent ans on a veu que d'un lustre à l'autre la langue Françoise s'est perfectionnée de mieux en mieux, en s'espurant des mauvaises phrases des anciens, aussi bien que de plusieurs de leurs mots qui n'estoient pas si propres de beaucoup comme ceux qui ont esté introduicts en leur place » (Acad., 368, cf. 372, 373, 105). Le Perroniana prête à du Perron un propos analogue : « les vieux mots ne valent pas les neufs, comme des monnaies usées qui ont perdu entre tant de mains leur beauté et leur poids. Ceux qui veulent leur redonner cours sont des esprits chagrins qui croient que le français s'est corrompu avant de venir à maturité. »
Il faut ajouter que des mots vieillis se conservent souvent ou dans le peuple, ou dans les provinces. C'était là une raison de plus pour les délicats du Louvre de se montrer sévères à leur égard, on le verra par la suite. On ne sait souvent si tel mot est vieux ou s'il est bas, on conclut dès lors qu'il y a deux raisons de le condamner.
Ces idées, malgré les résistances d'un certain nombre d'écrivains que leur âge, l'éloignement de la Cour, leur genre même rendait fidèles à l'ancienne manière, furent bientôt indiscutées. En dehors de l'école satirique, des Regnier et des Berthelot, je ne vois guère qu'il y ait eu de protestations sérieuses 1.
Ce n'est pas que Mlle de Gournay n'ait tenté l'impossible pour lutter contre ces dédains et retenir tout ce qui pouvait être retenu de la langue du XVIe siècle, je l'ai montré plus haut. Presque dans chacun de ses opuscules elle y revient ; je ne puis pas dire, c'est là tout son sujet, mais au moins c'est le coeur de son sujet. Elle voudrait « couper broche à ce fletrissement » qui menace ses auteurs favoris et en particulier son père adoptif. Sa colère éclate en voyant qu'on s'en prend à des mots auxquels
1. Qu'en tête du Dictionnaire de Cotgrave I. L'Oiseau Tourval, qui se proclame Parisien, fasse entendre une voix qu'on dirait du XVIe siècle, le lieu le voulait, puisque le recueil de Cotgrave est surtout un Dictionnaire de la langue du XVIe (voir p. 88, note 1).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 97
on ne sait quoi reprocher, les accusant d'être « qui vieux, qui laid, qui rude, qui malsonnant, et qui d'avoir mangé la luné » (0., 956).
« Vieux mot, dit-elle, est celuy dont aucun homme d'importance n'a usé depuis cinquante ans. A vingt ans, à trente, à quarante^ neuf et unze mois d'exil ou de rebut, ce mot n'a pas encore perdu ses Lettres de naturalité, si dans le douziesme mois de cette dernière année, la faveur d'un autre personnage de mérite le daigne rappeller et par son rappel renouveller ses Lettres pour un autre terme de cinquante années » (.4., 384). Se moqua-t-on de cette amusante définition de l'archaïsme ? On peut le supposer, car Mlle de Gournay la biffe de sa dernière édition, et se contente de dire que « pour prescrire contre une diction... il faut qu'elle ait eu la bouche fermée avant le Règne de Charles Neufiesme » (A 2, 457). En tout cas, il ne faut pas « rebutter... un seul des mots ou dictions d'Amyot ny de Ronsard,... si ce n'est d'adventure cestuy homme ou celle femme du premier, et moult s'il y est ; et du second o pour avec, et jeleuse pour jalouse... Accordons encore aux criards d'effacer honny des papiers de Ronsard et de ceux d'Amyot, s'il s'y rencontre » (O., 616 ; Adv., 403). Mais elle voudrait qu'on retînt et elle emploie ains, ardre, erres, ferir, ja, jaçoit, maint, ores, ost. Quand elle entendait dire « hypocritement » : on ne parle plus ainsi, — c'est vrai, répondait-elle, on ne parle plus si bien.
Mais c'était une boutade, non un argument. Evoquer en faveur des proscrits Du Perron, ou Bertaut, ou M. de Sées n'avait d'autre effet que d'augmenter le ridicule de la pauvre fille, qui avait l'air de pleurer sa jeunesse en même temps que ceux qui en avaient été les Dieux.
Malgré elle, depuis 1610 environ, c'est désormais un précepte banal de toutes les rhétoriques : « Eviter comme des roches périlleuses les parolles qui sont hors d'usage et que le temps et la longue desaccoutumance a fait, devenir rances et moisies » (Rhet. fr., par P. A., advocat au Parlement, Paris, 1615, p. 40). Dans le Parnasse de La Pinelière (1635, p. 74-75), Sylvie prie un poète de Cour d'examiner un sonnet de sa composition. Le premier quatrain ne lui inspire que des éloges, mais quelque galant que soit ce confrère, quelque indulgence qu'il montre à ce « galimatias » qu'il loue « avec les mesmes termes dont il eust parlé de la plus belle pièce de Malherbe », voici qu'il trouve au second quatrain « un vieux mot qui n'est plus en, usage dès il y a longtemps : Mademoiselle, lui dit-il, je vous conseille de mettre un autre mot en la place de celuy-là ; ce n'est pas qu'il ne soit bon François, et qu'il ne signifie parfaitement la chose Histoire de la Langue française. III. 7
------------------------------------------------------------------------
98 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
que vous voulez exprimer, mais on le chocqueroit sans doute. — Comment, dit-elle, Monsieur, on le chocqueroit ? je l'ay leu dans le Théâtre de Hardy, et il me semble qu'il est aussi dans l'Astrée, et dans les Esclaves de Perse. — Cela peut bien estre, dit-il, mais nos Messieurs ne le veulent plus recevoir ».
Parmi « nos Messieurs » était Balzac : « Quoy que die nostre vieux***, ni M. du Plessis, ni M. du Vair ne sont pas deux Autheurs fort reguliers. C'est un vice de leur siècle et non pas le leur ; car d'ailleurs ils valent infiniment l'un et l'autre. Sans les chicaner, on peut les reprendre en une infinité d'endroits, soit pour les mots, soit pour les locutions : Et j'ay veû un Grammairien à la Cour, qui disoit de leurs Livres, ce que les Romains disoient de l'Afrique, que c'estoit pour luy une moisson de triomphes » (Balzac, Dissert, crit., II, 633-634).
Il ne faut donc point s'étonner, si on voit peu à peu les libraires s'accommoder au goût du jour, en faisant disparaître des recueils les auteurs de l'âge précédent, ceci se répète à toutes les époques, mais, chose plus significative, et qui montre mieux la rupture accomplie, il se publie des textes rajeunis. La gloire d'Amyot n'a point vieilli, il se trouve dès 1619 un d'Audiguier pour tenter de « faire parler Heliodore un peu plus doucement que celuy qui l'avoit traduit » ; et il ajoute cette phrase où perce toute la suffisance des nouveaux venus : « ce n'est pas que ce ne fut un fort habille homme, mais le temps ne luy permettoit pas de mieux faire 1. » On verra dans la suite à quels mots le redresseur s'en prend : blandissemens, jouvenceau, nuysance, chevalereux, cuider, pieça, etc. Mais que vaut cet exemple à côté de celui que donnera Mlle de Gournay elle-même? Or, bien qu'elle en eût, elle céda, je l'ai prouvé.
Le seul théoricien qui compte avant Vaugelas, Oudin, est pleinement d'accord avec Malherbe. Letitre seul de la grammaire nouvelle : Grammaire rapportée au langage du temps en marque le caractère. C'est moins pour corriger les fautes des prédécesseurs que pour donner l'usage de ses contemporains qu'il s'est décidé à publier son oeuvre, c'est là ce qui en fait la valeur. Aussi verra-t-on à chaque chapitre, mais particulièrement au chapitre des mots invariables, quelle sévérité il montre à tous les mots suspects de désuétude.
Une seule autorité peut-être eût réussi, si telle avait été son inclination, à s'opposer sinon aux justes condamnations, du moins aux
1. Voir E. Huguet, Quomodo Jacobi Amyol sermonem quidam d'Audiguier emendaverit. Paris, 1894, 8°.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 99
fantaisies exclusivistes des gens de cour, c'est l'Académie. Elle eut le procès à juger, puisqu'elle avait un dictionnaire à faire.
En fait, il ne semble pas qu'elle s'en soit beaucoup occupée. Mais le peu que nous savons de précis nous montre la Compagnie comme relativement conservatrice. Dans les Sentiments sur le Cid, elle ne, blâme que honte dans le sens de pudeur (Corn., XII, 495, cf.. Vaug., II, 320) ; et elle ne concède pas à Scudéry que chef, choir, endosser le harnois (486, 489, 498) soient hors d'usage ; cependant ils étaient décriés déjà, nous le savons par ailleurs, et la suite a montré que leur décadence était irrémédiable.
L'Académie, sans s'en rendre compte peut-être, allait faire mieux, si elle eût suivi, dans la confection de son Dictionnaire, le plan qui avait été adopté en février 1638. En insérant, comme elle le projetait, « tous les mots, toutes les phrases hors d'usage, avec leur explication, pour l'intelligence des vieux livres où on les trouve », elle faisait un Dictionnaire historique, dont l'esprit même était contraire aux idées contemporaines sur le cas qu'il fallait faire du passé. Mais si même, renonçant à ce plan trop vaste, elle se fût bornée à donner un Dictionnaire « qui fût comme le trésor et le magasin des termes simples et des phrases reçues », et que pour réunir ce trésor elle eût confié à ses membres le soin de lire une liste d'auteurs où figuraient tant d'hommes du XVIe siècle, le résultat était certain. Même avec la volonté de n'extraire de leurs oeuvres que les mots encore vivants, il devait presque infailliblement arriver que ceuxlà en entraîneraient d'autres, beaucoup d'autres, qu'on n'oserait pas déclarer morts, parce qu'on les trouverait dans ces livres estimés 1. Malheureusement, dès le 8 mars 1638, le projet était abandonné.
Vaugelas resta seul arbitre. Il est visible, il le laisse entendre et il le dit, qu'il trouve excessives et injustes bien des condamnations : « J'ay tousjours regret, confesse-t-il, aux mots et aux termes retrenchézde nostrelangue, que l'on appauvrit d'autant » (II, 5). Et ailleurs : « J'ay une certaine tendresse pour tous ces beaux mots que je vois ainsi mourir, opprimez par la tyrannie de l'Usage, qui ne nous en donne point d'autres en leur place, qui ayent la mesme signification
1. Un obscur grammairien, J. Godard, exprimait au commencement du XVIIe siècle des idées qui auraient pu servir de considérants au premier projet de l'Académie : « Quelque vieux motz françois qu'ilz soient, ils sont toujours motz françois, et leur connoissance nécessaire pour l'inteligence de nos anciens auteurs, qui, selon l'industrie et la culture de leur tans, ont les premiers labouré et semé le cham de la langue françoise : non sans quelque récolte et moisson. Et puis si je ne represantois l'arbre avec sa racine ce ne seroit pas un arbre : mais un tronc que je représenterais » (Lang. franc., p. 113). Ces idées sont le dépôt qui était resté du XVIe siècle, une fois le torrent passé.
------------------------------------------------------------------------
100 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
et la mesme force » (I, 223). Mais l'attitude passive qu'il a adoptée en face de l'Usage l'empêche d'aller au delà de ces regrets platoniques. Il a pour Anxyot une vénération mêlée de reconnaissance. « Tous les magasins et tous les thresors de notre langue sont dans les OEuvres de ce grand homme ». Mais « on a pu retrancher la moitié de ses phrases et de ses mots » sans qu'il vienne à l'idée de Vaugelas que peut-être il y a là des sacrifices inutiles, injustifiés, et qu'on pourrait essayer de sauver une partie de ces richesses (Préf. I, 36-37). Des maîtres plus proches de lui, un Malherbe, un Coeffeteau ne suffisent pas à autoriser l'emploi d'une expression. Tant pis pour celles qui sont tombées « comme les feuilles des arbres ». Magnifier est un mot excellent, qui a une grande emphase pour exprimer une louange extraordinaire, M. Coeffeteau en use après Amyot et tous les anciens. Mais avec tout cela, il faut avouer qu'il vieillit (I, 222). Et sitôt qu'un mot en est là, il s'en faut garder. Toutes et qualités fois est une phrase qui est encore en usage. Toutefois cette façon de parler sent le vieux et le rance. « Elle ne s'escrit plus par les bons Escrivains » (II, 388).
La Mothe Le Vayer 1 et Scipion Dupleix virent l'abus et le signalèrent. On trouvera plus loin les protestations qu'ils élevaient en faveur de tel ou tel mot. Quelques-unes de leurs observations sont fort judicieuses. La Mothe prend la défense de prouesse, d'esclavage, de futur, de bien d'autres qu'on verra par la suite. Mais est-il vraiment d'avis de retenir du vieux langage ce qu'on peut en conserver? En dehors de sa haine des écrivains à la mode, a-t-il une doctrine ? J'en doute, car dès le début du Traité sur l'éloquence, il a lâché la phrase suivante : « Si le traité de l'Éloquence de M. du Vair se pouvoit lire sans ces rudes paroles d'empirance, de venusté, d'orer pour haranguer, de los pour louange, de contemnement, de fleurs suaves, d'esprits tarez, et sans quelques autres dictions aussi fascheuses : qui doute que ce bel Ecrit ne parust sans comparaison plus agréable? » (I, 437). Or parmi ces « rudes paroles » il en est qui sont simplement anciennes, et si Le Vayer accorde qu'elles lui gâtent le texte de du Vair, ne se trouve-t-il pas, en fait, en conformité de doctrines avec les gens qu'il combat ?
Dupleix lui-même, malgré son âge et ses habitudes, ne peut pas être considéré à proprement parler comme un « contretenant » sérieux de Vaugelas sur ce point. Il défend des archaïsmes, quelquefois d'une façon juste et brillante, comme il le fait pour ès (252),
1. Voir les Considérations sur l'éloquence françoise, I, 442, et les Lettres, II, 653.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 101
pour parce que (396) ; il défend mal l'archaïsme. S'il conteste à Vaugelas (10) son principe qui est le IIIe, et qui consiste « au retrenchement du grand nombre de vieux mots qu'il tasche d'abolir », Dupleix ajoute tout de suite : « sans leur en. subroger d'autres meilleurs ou du moins aussi bons et de pareille expression ». C'est là son véritable grief, Vaugelas détruit sans remplacer 1.
Tout le développement qui suit vise ce défaut. Or, se bornera protester quand on abolissait des mots sans en donner d'autres, c'était restreindre singulièrement la portée de la protestation et admettre implicitement que, chaque fois que la mode donnait cours à un mot neuf, la suppression de l'ancien, sans s'imposer, pouvait s'accepter.
Il faut donc conclure que la thèse a été par tous deux faiblement soutenue. Que dire d'un argument comme celui de Le Vayer qu'Homère a rappelé les vieux mots? (109 et suiv.) Affirmer qu'on réduisait le langage à la mendicité était trop vague (115). Montrer aux adversaires leurs inconséquences, leur faire voir que l'application de leur système les conduirait à devenir eux-mêmes très rapidement archaïques, étaient des menaces qui eussent fait réfléchir les chefs, grammairiens et écrivains, si les chefs avaient fait autre chose que suivre leurs troupes. Mais sur ces troupes, ramassis confus de femmes et d'hommes de cour, ne connaissant de règle que leur caprice, heureux d'appliquer au langage, comme au reste, la fantaisie de la mode, quelle influence pouvait avoir le souci d'être démodé un jour? Ils n'écrivaient rien. Et quel sentiment eût-on pu leur donner de la continuité nécessaire d'une langue qui allait devenir le dépôt de la pensée nationale ? Ils ne savaient rien de ces choses et se fussent moqués de ceux qui auraient pu essayer de les leur faire comprendre. Ni la philosophie, ni l'histoire, ni la littérature n'avaient encore dans l'éducation de la nation une place telle qu'on dût s'interdir de rajeunir brusquement la langue qui en était l'organe au point de la rendre méconnaissable.
Aussi est-ce au milieu des railleries et des quolibets que se fait la chasse aux mots « gothiques ». La Comédie des Académistes y revient plusieurs fois. A la scène II de l'acte III, il y a échange d'injures entre Boisrobert, Serisy, Sillon et Mademoiselle de Gourné.
La Résolution de l'Académie est enfin prononcée par le président Serisy :
1. Voici la suite : « Car sans cette condition il n'y a point d'apparence qu'on les doive supprimer : puis-que ce seroit appauvrir d'autant nostre langue. Cela, dit-il, me semble aussi peu tolerable que de destruire un edifice pour cette seule considération qu'il est vieux, sans en rebastir un autre à la moderne, aussi logeable, aussi commode et aussi fort, si la fortification y est nécessaire. »
------------------------------------------------------------------------
102 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Grâce à Dieu, compagnons, la divine Assemblée
A si bien reüssy, que la langue est réglée.
Nous avons retranché ces vieux et rudes mots
Introduits autrefois par les barbares Gots ;
Nous les avons ostés, et, de pleine puissance,
Faisons aux escrivains une juste defense,
Qui devra leur servir d'une très forte loy,
Qu'ils n'usent pour jamais de car ni de pourquoy ;
Parce que ny parfois ne sont plus à la mode ;
Combien que n'est pas bon; or est très incommode ;
Jadis semble trop vieux pour vouloir s'en servir ;
Nous banissons d'autant aussi bien qu'à ravir;
Et, quoyque la coustume en ceci soit bien forte,
On dira désormais que l'on pousse la porte.
Nous cassons sans appel l'importun effectif;
Nous mettons agissant à la place d'actif.
Nous souffrons neantmoins ; pour le mot d'empirance
Personne n'ignoroit qu'il falloit descadence.
Voicy ce qu'à peu près nous voulons reformer;
Soit nommé libertin qui voudra nous blasmer.
Qui ne recognoistra la trouppe Académique,
Soit estimé chez nous pire qu'un hérétique 1 !
Les autres pamphlets contemporains reviennent aussi à ce sujet et sur le même ton. Le Roole des Présentations (8) fait allusion aussi à la proscription de ains, jadis, pieça et jaçoit, bons vieux Gaulois. Quand Sorel entend dire aux gens qui ignorent ce qui se passe à l'Académie que la Compagnie est occupée à créer des mots et à en bannir d'autres, « Si elle consent, dit-il, à supprimer des termes comme jaçoit, ains, illec, piéça, issir, ferir, cuider, maltalent, encombrier, destourbier, et autres semblables, l'on ne se sauroit fâcher justement,... puisque même la populace les condamne, ne sachant plus qu'à peine ce qu'ils signifient » (Disc, sur l'A. fr.).
Ménage s'en mêle à son tour dans la Requeste des Dictionnaires. Il n'y a pas lieu de prendre très au sérieux les plaintes de ce pamphlet. Il est certain toutefois que, seul de son temps, Ménage a eu le sentiment qu'on rompait trop délibérément avec le vieux langage. La familiarité qu'il avait avec les textes du XVIe siècle et qu'on lui a suffisamment reprochée (All., Nouv. Obs., 4) le mettait un peu dans l'état d'esprit d'un La Fontaine, et l'empêchait de par1.
par1. cite d'après l'édition originale « imprimée l'an de la reforme » avec un avantpropos signé Des Cavenets. Mais le texte d'autres éditions est bien différent. Il est à désirer que d'après les imprimés et les mss. conservés tant à Paris qu'ailleurs, on nous donne un texte critique de ces opuscules.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 103
tager le dédain général, cela est vrai. L'auteur des Origines cherchait non seulement à éclaircir les vieux mots, mais parfois à les sauver. Dans ses Observations sur Malherbe, il a déclaré que ire, parentage, etc., pourraient être conservés, il reprend même à son compte la parole des anciens « que les mots vieux employez sans affectation rendent les vers et plus merveilleux et plus majestueux ». Mais il est ridicule de prétendre que « l'autorité de Nicod ou de J. du Bellay l'ait emporté dans son esprit sur celle de Vaugelas et de l'Académie » (Manière de parler, 511). Comme nous le verrons, à aucun moment il n'a eu la ferme volonté de s'opposer aux entraînements de ses contemporains, même là où il les jugeait dans l'erreur.
Le « vieux gaulois » appartenait pour quelque temps à la farce et à la parodie 1, en attendant qu'il devînt objet de recherche et de science, ce qui ne tarda pas, du reste. De toutes les parodies, celle de Cyrano est non seulement une des plus lestement troussées, mais une de celles où les mots sont le mieux choisis. A la rigueur, elle remplacerait une liste choisie des mots démodés :
« Et déa, Royne de haut parage, Mie de mes pensées, Cresme, Fleur, et Parangon des Infantes, vous qui chevauchez par illec du fin feste de cestuy vostre magnifique et moult doucereux palfroy, jouxte lequel gesir souliez en bonne conche ; prenez émoy de ma déconvenuë. Las ! oyez le méchef d'un dolent moribond, qui crevé d'anhan sur un chetif grabat, oncques ne sentit au coeur joye. Point ne boutez en sourde obliviance cil à qui pieça Fortune porte guignon. Las ! helas ! réconfortez un pauvret en marisson, à qui il conviendra soy gendarmer contre soy, s'occir, ou se déconfir par quelqu'autre tour de malengin, se ne vous garmantez de lui donner soulas ; car de finer ainsin pieça ne luy chaut. Or soyez, ma Pucelle aux yeux vers, comme un Faucon ; quant à moy je seray vostre coint Damoisel, qui par rémuneration d'une si grande mercy, se aucune chose avez à besogner de son avoir, à tout son tranchant glaive il redressera vos torts, et defera vos griefs ; il déconfira des chevaliers felons ; il hachera des Andriaques ; il fera des Chapelis inénarrables ; il martellera des Paladins ores à dextre, ores à senestre ; bref tant et si beau joustera qu'il n'y aura pièce de fiers, orgueilleux, outrecuidez, et démesurez Geans, lesquels en dépit des armes Fées, et du Haubert de fine trempe, il ne pourfende jus les
1. Voir dans les Rec. de Conrart, à la Bib. de l'Arsenal, 4127, p. 333, des vers où on imite Je langage de Marie Touchet ; 4115, p. 893, une pièce de Voiture, en vieux langage ; 4123, p. 857, des rondeaux pour Richard sans peur, Pierre de Provence, Galien restouré, Ogier le Danois.
------------------------------------------------------------------------
104 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
arçons. Quel ébaudissement de voir adonc issir le sang à grand randon du flanc pantois de l'endémené Sarasin ; et pour festoyement de cas tant beau, se voir leans guerdoné d'un los de pleniere Chevalerie » (Pédant Joué, A. III, Sc. II).
Je donne ci-dessous une liste de mots que j'ai dressée avec soin, mais il est bien entendu que pour avoir l'état total de ce qui a été alors déclaré vieilli, il faudrait se reporter à tous les chapitres du mouvement grammatical. Bien d'autres choses ont été condamnées que des mots. En outre, pour certains de ces mots, il était loisible de les classer ici ou là, pieça pouvait se trouver ou au Lexique ou à la Morphologie, chapitre de l'adverbe. Après réflexion, c'est parmi les autres adverbes que j'ai préféré qu'il prît place, comme à l'endroit où son histoire se trouverait plus facile à rapprocher de l'histoire de ses voisins 1.
MOTS CONSIDÉRÉS COMME VIEUX PAR LES THÉORICIENS.
Abrègement — corrigé par Du Perron dans l'édition de 1611 de son Or. fun. de Ronsard, cf. p. 70 de l'éd. de 1586. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., 1660. — Le mot sera encore employé par Port-Royal et discuté par les grammairiens du temps qui le considéreront comme une nouveauté (Bouh., Doutes, 16, N. Rem., Suite, 287 ; Andr. de B. R., Suite des Réfl., 409; Alem., Nouv. obs., 18-21).
Absconse — d'Audiguier substitue couché (Huguet, 45); * Nic, Cotgr.; — ©Mon.; — *Oud., Rech. + C. A. Oudin; — © Rich. ; — est chez les burlesques : l'Astre du Monde Eut absconcé sa face ronde (Loret, 4 sept. 1660, t. III, p. 250, éd. Livet).
Absenter — Du Perron et Bertaut écrivent : la mort m'absente d'elle au lieu de m'esloigne d'elle ; ce mot est proscrit par la nouvelle École en ce sens (de Gourn., O., 955 ; cf. Adv., 635). — * Cotgr. : to send away ; Oud., Rech. : dilungare ; C. A. Oud. : apartar ; — © Rich.
Accousiumance — « commence à vieillir », suivant Vaugelas (II, 98) ; — * Nic, Cotg., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.; — il se trouve partout : j'ai vu un aveugle... ayant acquis cela par une longue accoutumance (Astrée, 1614, II, 332-333. Cf. Almahide, t. I, 252). L'observation de Vaugelas, contestée par La Mothe et Dupleix, sera discutée par la génération suivante. Cf. Rich. 2.
1. On comprendra facilement le système adopté pour les références. Après le mot vient la mention de la condamnation, ensuite une. indication relative aux dictionnaires: * Nic. signifie: est dans Nicot; © Nic. signifie: manque à Nicot: + Nic. signifie: marqué d'une croix dans Nicot.
On s'étonnera peut-être que j'aie fait figurer clans cette liste des mots que Mlle de Gournay seule met au nombre des mots condamnés. Mais son témoignage est si souvent ailleurs corroboré par d'autres, il est si généralement vérifié par l'histoire ultérieure de la langue, que ces raisons m'ont semblé suffisantes pour accepter les assertions de cette ennemie très ardente, mais très informée des réformateurs.
2. Acomparer est barré, probablement comme vieux, par Malherbe (cf. Doclr., 275).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 105
Actif — raillé par Baudoin qui lui préfère agissant, dans la Comédie des Académistes (V, sc II) ; il est visé aussi dans la Résolution finale de la même pièce. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech.,C. A. Oudin. — Aucune restriction dans Richelet. Y a-t-il là une simple fantaisie comique ?
Adolescent — doux et beau nom, préférable, suivant Mlle de Gournay, à jeune homme ou à garçon (Adv., 260). Cette défense s'explique sans doute par des discussions dont nous retrouvons l'écho dans Chapelain (Let., 1,108) et dans Balzac (I, 729-731). Nous y apprenons que Lemaître remerciait Balzac de la complaisance qu'il avait eue pour lui en ordonnant la suppression de ce mot qui lui donnait des scrupules « en ce sens que ce terme en notre langue ne se met plus et ne se dit qu'en façon de parler ironique ». — * Nic
Cotgr., Mon., Oud., Rech. — Richelet le considère comme un mot de raillerie.
Allegresse — « mot commun et poli, proscrit par la nouvelle école » (de Gourn., O., 959 ; Adv., 638) ; * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., Rich. ; — commun dans les textes.
Alme — souligné par Malherbe, dans les ira, d'H., 75, f° 107 r° de son Desportes. Mlle de Gournay le défend contre Malherbe. « A quelle fin perdrions nous ceste diction aime, laquelle se peut loger en la Poësie, au rang des nécessaires, puisqu'elle a tant de grace et de bienseance » (O., 428, cf. 965 et Adv. 260). — *Nic, Cotgr. ; — + Oud., Rech. — Hulsius l'indiquait déjà comme suspect et propre à Ronsard. — © Mon., — C. A. Oud., le donne sans réserve. — Soit que l'aime Phebus sorte au matin de l'onde (Montchr., Am., a. I, sc 1, cf. ib. a. I, choeur). Cf. Hardy, Corine, V, 3, III, 542, R.
Angoisse — « supprimé, dit la Requête des Dictionnaires, sans respect de l'usage » Mlle de Gournay confirme qu'il est proscrit par la nouvelle Ecole, (O., 958 ; cf. Adv., 637) ; reproché à Malherbe par Chevreau (Rem. s. Malh., 5).— *Nic, Cotgr.,Mon., Oud., Rech. — Rich. : « un peu vieux». Toute la génération des grammairiens qui va venir le discutera.
Angoisseux — blâmé par Malherbe dans Desportes (IV, 392, note 1. Cf. IV, 443). — *Nic. Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oudin; — © Rich.; —Hardy, Corn., IV, 4, II, 272, R. Cf. chez les burlesques : Plaignant ses angoisseuses peines (Loret, 9 fév. 1659, cf. 26 janv. 1664, 9 fév. 1664, etc.).
Anxiété — Sorel rapporte dans sa Bibl. franc., éd., 1664, p. 108, que Balzac reprochait l'emploi de ce mot à certains auteurs qu'on croit être du Vair, Coeffeteau, Malherbe. C'est une allusion à un passage de Balzac, I, 30. Oudin, Rech., donne le mot comme vieux. — * Nic, Cotgr., Mon., C. A. Oud. ; — © Rich.
Ardre — « tout ce verbe est hors d'usage. Il n'y a que le participe ardant qui vaille rien » (Malh., IV, 275 ; cf. Doctr., 255). Mlle de Gournay le défend (O., 954). — *Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. ; Richel. — Il est burlesque : Argent ard gens (Courtisan parfait, 1640, 256). Ardre bouquins, gaupes tenter, asnes baster, cornes planter (d'Assoucy, Ov., 1650, 93-94).
Ardu — « on ne peut rien loger en la place » (de Gourn., O., 427 ; cf. Adv., 259 : c'est un gros mot qu'il faut oser dire pour ne pas prendre ce long tournant de dire un mont hault, droict et. coupé). Serisy l'affecte, dans.
------------------------------------------------------------------------
106 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
la Comédie des Académistes, pour exciter Mlle de Gournay (a. III, se II).
— © Nic, Mon.; — * Cotgr. ; — + Oud., Rech., Rich. — Il est en général burlesque : Douze d'entre eux, des plus ardus, — Si l'on a quelque inimitié Pour ardus et pour mauvaîtié, Et si ces deux mots trop antiques Choquent l'oreille des critiques, Loin d'en être le défenseur, Je les abandonne au Censeur (Loret, 29 sept. 1657).
Atour — proscrit par la nouvelle École (Gourn. O., 958; cf. Adv., 636).
— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — + Rich. très fréquent chez les burlesques (Lor., 1er fév. 1653, 10 oct. 1654, 24 déc 1655, 8 janv. 1656) ; se trouve aussi ailleurs : Tout ainsi le petit frivole... Chargé d'essences et de fleurs, De galons de toutes couleurs Et de tous les atours de teste, Que vous mettez aux jours de feste (La Mesnard., Po., 1656, 119b).
Attoucher — également proscrit, au dire de Mlle de Gournay (O., 954; Adv., 635).— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ;— © Rich. — Ceux qui attouchent de parentage à la personne aimée (Astrée, II, 176).
Attraire — « est un mauvais mot, attrayant et attraits me plaisent, non attraire » (Malh., IV, 337, 375). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oudin ; — © Rich. — Se trouve dans le style comique : ma bellemère dont la bonne grace avait attrait les chalands (Chap., Guzm. d'Alf., III, 424, cf. 294) ; Vous faites bien de ne pas escouster tous ces muguets qui vous veulent attraire (Sarasin, OEuv., 1656, II, 83).
Bailler — a vieilli, suivant Vaugelas (II, 39). C'est aussi l'avis de Patru, mais non celui de La Mothe Le Vayer (56) qui entraîne Bary (Rhet. fr., 1653, p. 224). Chevreau le censure dans Malherbe, 4. — * Nic, Cotgr., Mon. ; — Mais Oudin ne donne dans ses Rech. que les expressions la bailler belle, en bailler à garder. — Rich. : « n'est pas du bel usage hors du sens de bailler à ferme. » Il est encore dans bien des textes : Cette bonne nouvelle lui bailla de la consolation (Sorel, Franc, I, 15) ; ils lisent les premiers les lettres qu'on lui baille (Racan, I, 28). — Mais les burlesques le compromettent en en faisant un usage constant, et presque tous les grammairiens de la fin du siècle se déclareront contre lui.
Banquet — ce mot est vieux, et n'est plus guère en usage (sauf quand il s'agit des choses sacrées : le banquet des élus) Vaug. II, 197. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oudin. — Rich. confirme Vaugelas.
Beneficence — * Cotgr. — © Nic, Mon., Oud., Rech., Richel. — Mlle de Gournay le défend comme très nécessaire (O., 427, Adv., 259) ; par leur beneficence (Malh., II, 710).
Benin — « je serois d'avis de bannir ce mot de l'écriture, il l'est du langage » (Malh., IV, 313). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud.
— Vaugelas en avait fait une remarque qu'il n'a pas publiée, où il le jugeait vieux et peu usité par les bons auteurs (II, 382). — Rich. : « se dit en parlant des Astres et des Cieux, hors de là, il ne se dit guère qu'en raillant. » Il est dans Corneille, V, 85 (Theod., 1545), V, 379 (Andr., 1403), etc.. Mais il devient bientôt familier et burlesque.
Bienheurer.— « n'est plus du monde. Il faut dire qui l'avait rendu bienheureux »
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 107
(Malh., IV, 400 et 331). Cf. Mlle de Gourn., O., 954, Adv., 635. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Rich. Il estoit en toy seul de tous points bienheuré (Montchr., Dav., II, choeur). Les exemples sont très rares.
Bienvienner ou bienveigner — proscrit par la nouvelle École (de Gourn., O., 954, Adv., 635). — Nic : bienvienner et bienveigner, de même Cotgr. et Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. : bienveigner ; — © Rich. — Quand ce vieillard déjà cassé A nous bienveigner s'évertue (Racan, I, 177). Le mot était encore commun â la fin du XVIe siècle (Passer., I, 108, l'Estoile, Journ. de H. III, 39). Au XVIIe, les exemples sont rares, sauf chez les comiques et les burlesques (ainsi Tabarin, II, 38).
Blandices — tourné en ridicule par la Com. des Acad., V, 2. La Requête des Dictionnaires regrette aussi qu'on l'ait supprimé. — * Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Nic et Rich. — Il est dans Hardy, Theag. et Ch., 5e j., II, 318; R. Bary cite sans observation une phrase où il figure (Rhét., 248).
Blandissemens — supprimé par d'Audig. dans Amyot (Hug. p. 76). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Rich. Je n'en ai pas d'exemple du XVIIe siècle.
Blondissant — proscrit par la nouvelle École (de Gourn., O., 935, Adv., 635).
— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Rich.
Boursoufler — proscrit par les mêmes (de Gourn., O., 954, Adr.., 635). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. ; et C. A. Oud. ; — Rich. le marque d'une croix au sens figuré. Les exemples sont en général du style burlesque : un gros boursouflé de gendre (Breb., Luc. trav., 99 ; cf. Loret, 3 mars 1652 ; Saint-Amand, II, 406).
Brouir (brûler) — dans le cas des précédents (de Gourn., O., 954, Adv., 635).
— * Nic, Cotgr., Oud., Rech., et C. A. Oud.; Rich. le considère comme un mot technique. — © Mon.
Calamiteux — est changé par d'Audig. dans Amyot en misérable (Hug., 45).— © Nic. ; — * Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oudin. —Le mot, encore fréquent dans du Vair (p. ex. 404, 31) paraît surtout chez les burlesques, en particulier chez Loret : en si calamiteux etat (3 mars 1657). Rich. lui-même l'acceptera sans observation.
Caut — blâmé par Chevreau, Rem. s. Malh., 7 ; — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — © Rich. — Combien qu'elle fust très caute et très rusée (Chap., Guzm. d'Alf., III, 474); cf. Martin, Ec. de Sal., 1650, 22, Loret, 29 avr. 1656, 241.
Chaloir — proscrit par la nouvelle École (de Gourn., O., 954, Adv., 635).
— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech.; — + dans C. A. Oud. — Il était encore commun chez Malherbe, II, 295, 641, etc. On le retrouve chez Régnier (Sat. VI), chez Garasse, Doctr. cur., 243, dans le Rec. de Rondeaux, 1639, p. 73, dans la IXe Provinciale. Mais il apparaît toujours sous les mêmes formes, ce n'est plus un vrai verbe variable.
------------------------------------------------------------------------
108 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Chastiable — proscrit (Gourn., O., 955, Adv., 635). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich.
Chevalereux — corrigé par d'Audig. (Hug., 16). — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich.
Clameur — blâmé par Malh., IV, 384 et 340. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — Cf. Corn., Méd., V, 4, et : Je pretens vous venger par leurs propres fureurs, Et remettre ce soin au cours de leurs clameurs (Dorimon, Fest. de Pierre, V, 387).
Clore — Chevr. trouve que Malh. en abuse (Rem. s. Malh., 11). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — Rich. ne le donne que comme terme du Palais et expression de vannier. — II est dans Corneille, Nicom., IV, 1, et ailleurs. Rare cependant au sens propre.
Coint — supprimé par d'Audig. (Hug., 16). — * Nic, souvent joint à joli, Cotgr.; — + Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. Il est burlesque : les filles cointes et jolies (Richer, Ov. bouf., 49); cf. ib., 203 et Loret (18 oct. 1653,177).
Compagnée — blâmé (Vaug., II, 15). — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. — Rich. reproduit Vaugelas. — Luy faire compagnée (Diane des bois, 14).
Complainte — blâmé (Vaug., II, 54, cf. Chevr., Rem. s. Malh., 5).—* Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — Il est dans Costar : Gardez, s'il vous plaist, vos complaintes et vos regrets pour des accidents plus fâcheux (Let., II, 482). Surtout burlesque (Richer, Ov. bouf., 516-7; Loret, 1er nov. 1664, 204). Rich. le blâme en tous sens.
Condoléance — « estrange mot » (Vaug., II, 12). — © Nic, Cotgr. et Oud., Rech. ; —*Mon. sous condoloir, C. A. Oud. — Rich. le soutient.
Gondouloir (se) — encore toléré par Vaugelas (II, 12, blâmé dans l'Erratum) ; condouloir est dans Nie, Cotgr., Oud., Rech.; se condouloir, Cotgr., Mon., C. A.Oud. — Rich. : hors d'usage. — se condolut avec elle (Loret, 12 juil. 1653, 33 ; cf. 12 déc 1654, 87, 4 mars 1656, 151), etc.
Confort — « hors d'usage et fâcheux » (Malh., IV, 394, 277, 324). Cf. Corn. : Vain et triste confort ! soulagement léger ! .(Méd., 1428). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud. Rech., C. A. Oud. — Rich. : vieux mot.
Conforter — blâmé (ib.). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — + Rich.
Conjouir (se) — « on dit plustost se rejouyr » (Vaug., I, 246). — * Nic Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. —Burlesque (Loret, 28 juil. 1657, 70). — Rich. confirme Vaug.
Contemner — d'Audig. lui substitue mespriser (Hug., 46).— * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Richel.
Contempteur — « bien rude » (Vaug., II, 227). —* Mon., contamteur.— © Nic, Cotgr., Oud., Rech., et C. A. Oud. — Rich. confirme Vaugelas. — Nous devenons aussi contemptibles, comme nous faisons les contempteurs en la
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 109
maison (Malh., II, 77) ; cf. Racan, II, 327, 364, 373, etc. ; c'est un mot très familier à cet auteur. On le retrouvera plus tard.
Contemplible — « commence à vieillir » (Vaug., ib. ; cf. Gourn., Adv., 406 et Chevr., Rem. sur Malh., 9). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.
— Rich. soutient ce mot. — Comme il méprise ceux qui le méprisent et les abbaisse pour les rendre roturiers et contemptibles (Théât. d'Éloq. fr., 1656, 172). Il sera encore discuté plus tard.
Contendre — d'Audig. substitue combattre (Hug., 46). — * Nic, Cotgr., Mon. ;
— + Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich.
Contraymer — proscrit (Gourn., O., 954, Adv., 635). — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.
Contumélie — * Nic, Cotgr., Mon. ; — © Rich. + Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — Mlle de Gournay le déclare employé par les meilleurs écrivains (O., 591).
Convice (reproche) — © Nic, Rich. ; — * Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., et C. A. Oud. — « Ne les blameriez-vous pas et avec conviées ne les contraindriez-vous pas a faire l'office que la nature et la charité leur commande? » (du Vair, 334, 14).
Convoiteux — d'Audig. substitue desireux (Hug., 46). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — + Rich. — Cf. convoitable. — Burlesque et comique (Loret, 2 mars 1658, 235 ; 15 juil. 1656, 169. Th. Corn., Am. à la mode, IV, 7, don Bertrand, IV, 4).
Corrival — « plus guère en usage » (Vaug., II, 34) ; — © Nic et Cotgr. ; —
* Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — Rich. adopte l'opinion de Vaugelas. Il était encore commun au temps de Régnier (Sat. VIII, 95). C'est le titre d'une pièce de Troterel parue en 1612 (A. Th. fr., VIII, p. 235).
Couard — blâmé (Chevr., Rem. sur Malh., p. 5). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — © Rich. — Cf. Richer, Ov. bouff., 1662, 353-4.
Courir sus — expression vieillie (Vaug., II, 159). —* Nic, Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Mon.
Crimineux — « blâmé dans Pasquier comme vieux » (Gar., Rech. des rech., p. 554). — © Nic, Mon. ; — * Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Rich.
— La liberté est capitale et la vérité crimineuse (du Vair, 351, 4).
Cuider — proscrit (Gourn., O., 934, Adv., 635), regretté par la Req. des Dict. et Sorel, Disc. s. l'A. fr., 470. — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud.; Rich. : vieux mot burlesque. — II est encore dans du Vair, 387, 6; Montchr., Dav., V, choeur. Les exemples se prolongent jusqu'en 1650. Voir à la Morphologie.
Cuissot — Malherbe lui préfère tassètes (IV, 403). — © Nic, Mon. ; —
* Cotgr., Oud., Rech., et C. A. Oud.
Cupidité — « Nos bons escrivains disent convoitise » (Vaug., II, 23). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.; — Rich. le considère comme propre à la théologie.
Dam — blâmé par Chevreau (Rem. sur Malh., 7). — * Nic, Cotgr., Mon.
------------------------------------------------------------------------
110 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Oud., Rech. : à son dam, C. A. Oud., id. — + Rich. — L'expression à ton dam, à leur dam est extrêmement commune : Ils verront à leur dam qu'il n'estoient eslevez Que pour rendre en tombant leur cheute plus profonde (Racan, OEuv.,II, 177; cf. Chapel., Guzm. d'Alf., III, 152, St-Am, II, 451, etc.). Décrépitude — Traité comme anxiété d'après Sorel (Conn. d. bons liv., 108, cf. Mén., Obs., 465) — © Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — * Cotgr. Admis sans réserve par Rich. Il est chez Sarasin : « les bagatelles... consomment souvent nostre vie et nous durent jusques à la decrepitude » (OEuvr., I, 149 ; cf. Loret, 20 sept. 1659).
Defermer — blâmé par Malh., IV, 425. — *Nic., Cotgr.. Mon., C. A. Oud. ; — © Oud., Rech., Rich. — Repris par Boursault : « Je croi, par les efforts que vos bontez feront, Si mes yeux son! fermez, qu'ils se défermeront » (Es. à la cour, III, 3).
Desanimer — proscrit (Gourn., O., 954, Adv., 635). — * Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Nic, Mon., Rich. — De sorte qu'à présent deux corps desanimés Termineront l'exploit de tant de gens armés (Corn., I, 300, Clit., 419).
Destourbier — Sorel souhaite que l'A. consente à supprimer ce mot (Disc. s. PA.fr., 1654, p. 470). —* Nic, Mon., Cotgr.; — + Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. — Je promets à M. Fontanier de ne luy nuire ny apporter aucun destourbier (Gar., Docl. cur., 151 ; cf. Chap., Guzm. d'Alf., II, 105).
Dell-acier — raillé dans la Com. des Académ., III, 2.— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — Rich. : moins usité que médire.
Dextre — proscrit (Gourn., O., 958, Adv., 637); —* Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — Corneille le corrige en 1660, dans Médée ; cf. Veuve, 835 et Poés. div., X, 211. Il est dans Monchrestien, Dav., I, 1, Racan, II, 404, et souvent chez les burlesques : Scarr. (OEuv., I, 428). Pour Rich. c'est un mot de piété : la dextre du Tout-Puissant.
Diffame — * Nic, Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Mon. Rich. — De ce larcin d'amour couvrant tout le diffame (Montchr., Dav., I, 1). Est burlesque : tout ce qu'il disoit de moi à mon diffame (Chap., Guzm. d'Alf. ,III, 514 et 287).
Effectif — raillé dans la Com. des Acad.,a. V, 2; cf. la résolution finale, qui le rejette. — © Nic, Cotgr. — * Mon. : efficace, réel, Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — Un ami effectif (Chap. Let., II, 23); cf. chez les burlesques, Loret, 19 fév. 1651, 168; 18 août 1657, 56, etc. et Montfleury, Genlilh. de Beaucc, IV, 11, Crisp. genlilh., I, 5. — Pascal, Pens., XV, 19, emploie d'effectif = effectivement.
Elabourer — vieilli d'après une remarque inédite de Vaugelas (II, 404). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Rich. — Il était chez du Vair, 370, 44, on le rencontre chez Descartes. Mais les exemples sont surtout burlesques : (Loret, 24 mars 1652, 12; 5 janv. 1658, 46 ; 6 avr. 1658, 212; etc.).
Emoi — « hors d'usage» (Malh., IV, 462, 328). — * Nic, Cotgr., Mon.; — 9 Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — Cf. Régnier: Compagne de mon mal assiste mon emoy (Plainte).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 111
Empirance — L'A. le rejette dans la Com. des Acad. La Requête des Dict. le regrette. — * Nic, Cotgr. ; — © Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud. — Rich. ne le conserve que comme mot technique de la monnaie.
Encombrier — Sorel, Disc, sur l'A., espère que la Compagnie supprimera le
mot (470). —* Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — © Rich. — Les
exemples sont burlesques : la fit passer jeudi dernier, Sans affront et sans
encombrier (Loret, 30 juin 1652, 168 ; cf. 21 avr. 1652, 195; 3 fév. 1657, 253
22 fév. 1659, 106).
Encommencer — condamné par Malh., IV, 379. — * Nic, Cotgr., Mon. — + Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich.
Endosser le harnois — A propos du vers 1620 du Cid, Scudéry dit qu il est du temps de moult, de pieça et d'aincois. L'A. n'est pas de cet avis (Corn., XII, 460 et 498). Cf. : Pallas, beaucoup moins belle que si elle eust eu son harnois (Fleurs d'Ëloq., 17 bis). — Corneille a corrigé son vers. — Burlesque est vieux, selon Richelet.
Envieillir — Vaugelas préférait vieillir. Mais il n'a pas publié la remarque (II, 420). C'est dans Malherbe qu'il l'avait trouvé. Il y est très commun (11,38,444,481,585; I, 71). — Cf. du Vair, 357, 15; Pasc, Prov., 10 et 16; Corn., IX, 246, 248, 249.— *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.
— + Rich. : il ne se dit bien qu'au figuré.
Époindre — proscrit (Gourn., O., 954, Adv., 635). — *Nic, Cotgr., Oud., Rech.,C. A. Oud. ; — © Mon., Rich. — Il était encore dans Régnier, Dial.
Erres — " Les mignardes oseroient produire au jour ceste loquution : « il suit ou reprend ses erres ! n'estans pas abreuvées d'une jolie censure des gens en question que le verbe errer est recevable, mais que le nom d'erres ne veut rien dire » (Gourn., O., 619, Adv., 404). —* Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — Rich. n'accepte plus que aller grand erre. En dehors de grand erre, belle erre (Th. Corn., Geôl. de soi-même, III, 3), on ne trouve guère le mot que chez les burlesques (Loret, 31 déc 1662, 158).
Escient (à bon) — La nouvelle école veut qu'on dise « tout de bon » (Gourn., Adv., 392). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. —© Rich.
Esclaver — « mauvais mot » (Malh., IV, 335). — * Nic, Cotgr. ; — © Mon. ;
— + Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Rich.; s'esclaver (de) — est encore dans Hardy (Corinne, I, IV, III, 485, R.).
Essourder — proscrit (Gourn., O., 954, Adv., 635).— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.;— © Rich. — Il est dans Hardy : Theag. et Char., 2e j., III, III, 111, R.
Estour — proscrit (Ead, O., 958. Adv., 636). — * Nic, Cotgr., Mon.; — + Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Rich. — Cf. Hardy, Alex.,V, I ; IV, 131, R.
Estourdiment (= étourdissement) — blâmé par Malh. (IV, 406). — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; Rich.
Estranger (verbe) — supprimé dans Amyot par d'Audig. (Hug., 18). — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech.,C. A. Oud. ; — © Rich.
------------------------------------------------------------------------
112 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Estuyer — même témoignage (Gourn., 0., 954, Adv., 635). — *Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich.
Excogiler — « ne vaut rien, non pour estre trop latin, mais parce qu'il n'est pas en usage (Vaug., Rem. posth., II, 482). — * Nic, Cotgr. ;—+ Oud. Rech., C. A. Oud. — © Mon., Rich. — Littré cite Saint-Simon. — Quelle peine eut-on pu excogiler qui eût autant géhenne ce catulle que faisait sa conscience? (Du Vair, 389, 16). Tabar., 11,107.
Felon — proscrit (Gourn., 0., 958, Adv., 637). — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. CT. Malh.: L'âme qui lui est commise, Félonne, ne sait pas fuir (I. 288) et Voit., Let., 40. Il est fort rare, sauf chez les burlesques : Scarr., Virg., II, 255 ; Loret, 15 oct. 1651, 4 juil. 1654. etc.
Père — « c'est un mot qui se trouve assez dans Ronsard, mais il ne vaut rien » (Malh., IV, 266).— *Nic, Cotgr., Mon. — + Oud., Rech., C. A. Oud.;
— © Rich.
Ferir — proscrit (Gourn., O., 427, 654 ; Adv., 259, 635).) Sorel déclare que personne ne le comprend plus (Disc. s. l'A., 470). — * Nic, Cotgr., Mon., C. A. Oud. — © Oud., Rech., — + Rich. : « verbe défectueux ». Il est surtout chez les comiques et les burlesques ; Loret, 3 oct. 1654, 30 mars 1658, 25 mai 1658, etc.. cf. Mol., E. d. f., I, 6: peut-estre en avez-vous déjà féru quelqu'une (voir à la Morphologie).
Fortuner — blâmé par Malh., IV, 461. — *Nic : bien fortuner : fortunare, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich.
Fuitif — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Rich. Était encore dans Fauchet, les païs de ces fuitifs (Or. de la l. fr., 535 v° ; cf. 536 r°). Il devient burlesque : des pauvres brebis fuitives (Scarr., Virg., I, 129. OEuv., I, 368). Cf. Baro, Clorise, III, 1, p. 60 : On ne voit plus le cours de ses ondes fuytives, et Cyrano, Ped. joué, p. 11.
Gaudir — d'Audiguier le remplace par moquer (Hug., 18). —* Nic, Cotgr., Mon.;
— + Oud., Rech., C. A. Oud.; Rich.: vieux mot. — Il est burlesque: j'estois tout le jour sur le pavé pour paroistre et pour me faire voir, laissant les bonnes gens rire et gaudir en liberté (Chap., Guzm. d'Alf., III, 438).
Gel —condamné par Malherbe (IV, 409). — * Cotgr., Mon., Oud.,Rech. et C.A. Oud.; — © Nic, Rich. — Sans craindre gel, ni degel (Loret, 17 déc 1661).
Gratification — proscrit (Gourn., Adv., 638). — * Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; — © Nic Il est dans Malh., II, 13, 608, 709, etc.
Gratitude — les poètes critiques et hypercritiques ont tort de regratter gratitude (Gourn., O., 574) ; cf. Sorel, Disc. s. l'A., et Conn. des b. liv., 384. — * Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.— © Nic ; — Pour vous expliquer toute ma gratitude (Corn., Héracl., II, 5).
Grever — blâmé par Malh. (IV, 402). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech.. C. A. Oud., Rich. — Il est fréquent chez les burlesques : Poire crue l'estomac grève, La mesme, cuite, le relève (Martin, Écol. de Sal., 1650, p. 40) ; cf. Saint Am., II, 466, Loret, 8 oct. 1651, 72; Tabar., II, 379.
Grief — proscrit (Gourn., O., 958, Adv., 637). — Andry de Boisreg. (Suite des réfl. crit., 131) le trouve encore bon, malgré quelques précieux. Il est approuve par Ménage. — * Nic, Cotgr, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. Sa déca-
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 113
dence commence seulement, et il est fréquent dans les textes : voudroit-il bien à ce coup leur faire un si grief outrage? (Astr., II, 79) ; Non qu'il me soit grief que la terre possède ce qui me fut si cher (Malh., I, 43). Il se retrouve chez Bossuet et Bourdaloue.
Guerdon — proscrit (Gourn., 0., 958, Adv., 637). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. Il est dans l'Astrée, I, 375 B, dans Montchrestien, Aman, I, 1, dans le Recueil de Rondeaux de 1639 : enfin reçoive son guerdon (p. 103). Fréquent chez les burlesques, Scarr., Virg., 11,30 ; Loret, 11 mars 1656, 9 fév. 1659, etc.
Guerdonner — blâmé chez Desportes (Malh., IV, 389, n. 4 ; cf. Gourn ., O., 954, Adv., 635). — * Nic, Cotgr., Mon,, Oud., Rech., C. A. Oud. — Rich. : vieux mot burlesque. — Scarr., I, 31, 211, Virg., 1, 336; Loret, 17 mars 1652, 19 sept. 1654, etc.
Haineux — blâmé comme adjectif dans Desportes (Malh., IV, 341), comme substantif (Id., IV, 394, note 2). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich.
Heaume — proscrit (Gourn., O., 958, Adv., 637). —* Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — Il commence à n'être plus qu'un mot technique :1e heaume timbré à la royale (Malh., III, 199). — Cependant chez les burlesques : Soit gens de plume ou gens de heaume (Loret, 27 juin 1654).
Héberger — blâmé au figuré par Malh., IV, 262. — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., et C. A. Oud., Rich. — Le participe est déclaré vieux et burlesque : Hebergé comme un pied d'écot (Scarr., OEuvr., 1, 386 ; cf. Loret, 16 mai 1654, 5 août 1636, 28 oct. 1656.
Hélas (subst.). — « Les écrivains critiques refusent ce mot que les mignardes même ne refuseraient pas d'employer » (Gourn., O., 618; Adv., 403). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — Il est chez Corneille : Hélas! que cet hélas a de peine à sortir (III, 545, Pol., 1253; cf. I, 463, Veuve, 1237). Même emploi chez Scudéry, Poés. div., 327 ; Racan, I, 356.
Herhageux — « le valon herbageux » proscrit (Gourn., O., 967; Adv., 643.) — * Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Nic, Mon., Rich.
Honny — « Accordons aux criards d'effacer honny des papiers de Ronsard et de ceux d'Amyot, s'il sy rencontre » (Gourn., O., 616). — * Nic, Cotgr.,Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — Il est burlesque : honnis de males crotes (Loret, 13 mai 1656; cf. 23 nov. 1658).
Housse — « Lorsque la mode a voulu que les Seigneurs allassent à cheval par Paris, il estoit honeste d'y estre en bas de soye sur une housse de velours. D'un qui paraissoit dans le monde financier ou autre, on disoit : il ne va plus qu'en housse, maintenant cela n'est plus guère propre qu'à ceux qui ne sont pas des plus relevez ». (Loix de la Galant., Rec de Sercy, 1544, p. 10-11). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich., ; — Et va, comme un banquier, en carrosse et en housse (Régn., Sat., Il, 12) ; se promener en housse (Malh., II, 620).
Humblesse — proscrit (Gourn., O., 964 ; Adv., 641). — * Nic, Cotgr., Mon., + Oud., Rech. ; C. A. Oud. : vieux ; — © Rich. Histoire de la Langue française, III. 8
------------------------------------------------------------------------
114 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Idoine — d'Audiguier le supprime dans Amyot (Hug., 19). — © Nic ; — * Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. Il est burlesque: Le seigneur cardinal Antoine A toute bonne affaire idoine (Loret, 3 mai 1653, 159 ; cf. 10 av. 1660, 230 ; Scarr., Virg., II, 289).
Immense — « On ne peut rien loger en la place de ce mot » (Gourn., O., 427 ; Adv., 259) ; « mot unique en son genre, a faute de quoy il faudra nous contenter d'escrire qu'Atlas porte le fardeaudu ciel sur ses grandes espaules. La belle peinture et vigueur héroïques!» (Ead., Adv., 259). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — La nature de Dieu est immense (Desc, Médit., 4).
Impiteux — (barré dans Desportes, Im. Ar. Rod., 234 r° ; cf. Doctr., 279).
— *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — + Rich. — Il est dans Théophile (Fur.), mais surtout chez les burlesques : Monsieur le Baron de Marré... Est mort enfin, non de migrène, Mais d'une impiteuze gangrène (Loret, 5 mai 1652 ; cf. 22 mai 1655, 30 juill. 1650) ; Ennemy de ma flame, impiteux aversaire (Baro, Clorise, I, 5, p. 28). Impitié disparut en même temps (Doctr., 279 ).
Incoupable — condamné par la nouvelle école, qui ne veut qu'innocent Gourn., O., 959 ; Adv., 638). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich.
Ire — proscrit (Gourn., O., 958 ; Adv., 637). Plus tard Ménage et A. de B. en reprendront l'examen). — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. '— Chez Monchrestien encore au sens général : Plain d'ire et de regret (Carth., I, 1) ; Tousjours à la santé l'ire porte nuisance (Id., Aman, I, 1). Mais peu à peu il se restreint à « la colère de Dieu ». Déjà dans du Vair : les vices desquels (des gens d'églises) ont autant qu'autre chose, embrasé l'ire de Dieu sur nous (381, 1); Racan : malgré l'ire des Dieux (I, 189; cf. I, 209; II, 159, 162, 183,205, 214,271, 291). — C'est en ce sens que Richelet voudrait le conserver.
Isnel — La Req. des Dict. regrette plaisamment qu'on l'ait rejeté « sans respect de l'usage ». Scudéry, blâmant offenseur, pense qu'on le renverra avec isnel (Corn., XII, 457). —* Nic, Cotgr., Mon. — + Oud., Rech., C. A. Oud. ;
— © Rich.
Jeteuse — Mlle de Gournay reconnaît qu'on ne peut plus l'employer (O., 616) ;
— © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.
Jouvenceau — d'Audiguier le remplaçait par damoyseau dans Amyot, Malherbe le remplace par jeune homme dans Desportes (IV, 401). —* Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — + Rich. — Il est burlesque et comique ; Scarr., OEuvr.. 1, 231,292 ; Dern. oeuv., I, 263; Loret, 23 fév. 1638, etc. Brébeuf, Poés. div., 308.
Larmoyable — condamné par Malherbe (IV, 444). — * Nic, Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Mon., Rich. — Il est dans Hardy, Mar., II, 1; II, 414, R.
Larmoyer — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 954; Adv., 635. — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. — Burlesque : Scarr., OEuvr., 1,71, 11,13 ; cf. tout Milan en a larmoyé (Loret, 30 sept. 1656).
Liesse — même observation (Gourn., Adv., 638), « vieil » (Malh., IV, 300). —
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 115
* Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud;, Rech., C. A. Oud., Rich. — Il devient burlesque : Coeur de porc engendre la tristesse, la rate, au contraire liesse (Martin, Ec. de Sal., 46) ; cf. Loret, 23 avr. 1651, 10 déc. 1651, etc., etc.
Loisible — « sent le vieux » (Vaug., I, 380 ; cf. Rich.). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — Soumis et aisé à condescendre en toutes choses loisibles (Franc, de S., VI, 17) ; le courtisan songe mille folies qu'il n'est loisible d'écrire (Guerson, Anal, du verbe, 106).
Los — proscrit (Gourn., O., 958; Adv., 637). — © Nic ; — * Cotgr., Mon. : louange, Oud., Rech., C. A. Oud. ; — + Rich. — Burl. : Scarr., OEuv., 1, 339; Loret, 24 août 1658, 2 nov. 1658, 22 mai 1660, etc.
Magnifier — « excellent, a une grande emphase pour exprimer une louange extraordinaire », mais « vieillit, et auroit de la peine à passer » (Vaug., I, 222; cf. Rich.). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — Burl. : Dont les estomacs et les yeux Amplement se rassasièrent, Et le Banquet magnifièrent (Loret, 23 juin 1657, 34 ; cf. 11 sept. 1660, 160)..
Maintenant — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 956; Adv., 636). — Mlle de Gournay ne se sera-t-elle pas méprise ? Le mot est dans tous les dictionnaires et dans tous les textes.
Manoir — proscrit (Gourn., O., 958; Adv., 637). — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — La dame sort du creux manoir (La Mesnard., Po., 39) ; cf. Régnard, Menechm., IV, 2.
Matinier — « matineux est le meilleur, matinal n'est pas si bon. L'un et l'autre ne se disent que des personnes. Matinier ne se dit plus sauf dans l'estoile matiniere » (Vaug., I, 253 ; cf. Rich.). — © Nic, Mon. ; —* Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud.
Mauvaistié — banni des romans, des madrigaux, des élégies, des sonnets et des comédies (Req. des Dict.). — *Nic, Cotgr., Mon., C. A. Oud. ; — + Oud., Rech. ; — © Rich. — Vous ne descouvrirez que trop les mauvaistiez et infidelitez de l'un (L'Aslrée, II, 581); cf. Loret : Si l'on a quelque inimitié pour ardus et pour mauvaistié, Et si ces deux mots trop antiques, Choquent l'oreille des critiques, Loin d'en être le défenseur, Je les abandonne au Censeur (27 sept. 1657).
Mescontentement — la nouvelle École lui préfère — mauvaise satisfaction (Gourn., Adv.,. 392). Est-ce exact? — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — Eh bien ! vos mecontentemens Me seront-ils encore à craindre? (Corn., VII, 90, Agés., 1995).
Mignarder (son enfant) — proscrit (Gourn., Adv., 403). — * Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich., — Si quelquefois ses yeux, d'un saint zele emflambez, Vont mignardant le Ciel, toute ame elle mignarde (d'Urfé, Astrée, I, 309 A) ; Les enfans qui l'uyent l'escole pour la crainte du fouet s'en vont chez leurs tantes ou chez leurs grands mères, où l'on les flatte et les mignarde (Chapel, Guzm. d'Alf., III, 417; cf. ib., III, 474, 261), Quinault, Les Rival., II, 1.
My — proscrit (Gourn., O., 966, Adv., 642). — © Nic ; — * Cotgr. : mi chemin, Mon. : mi jour, micheval, Oud., Rech., C. A. Oud. — Les chassant my-
------------------------------------------------------------------------
116 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
morts (Régn., Sal. X) ; des os mi-mangés (Malh., II, 637) ; cf. Scarr., OEuv.,
I, 432.
Nave — mauvais mot (Malh., IV, 371). — © Nic. ; — * Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich.
Navrer — proscrit (Gourn., O., 954; Adv., 635). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — Burlesque d'après Rich. — De l'amour de son Dieu navree (Com., IX, 596, Hymn., 5) ; Et mon malheur extrême auroit du reconfort Si, navré dans les flancs d'une playe incurable, J'estois assuré de la mort (Racan, II, 231) ; cf. Loret, ils se navrerent ainsy. A grands coups d'épée ou de lame (3 sept. 1651, 47 ; cf. 20 mars 1635, 56, etc.).
Nettir — désapprouvé par Voiture (OEuv., Roux, 283 ; cf. une rem. inéd. de Vaug., II, 443). — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. et Rich.
Nuisance — supprimé dans Amyot par d'Audiguier (Hug., 19). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud ; — © Rich. — Tousjours à la santé l'ire porte nuisance (Montchr., Aman, I, 1).
Obsèques — mot commun et poli, proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 959 ; Adv., 638). — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — Mlle de Gournay n'avait pas inventé ce qu'elle rapporte, son témoignage est confirmé par celui de Richelet, qui soutient le mot..
Occire — d'Audiguier le remplace par tuer (Hug., 50), proscrit (Gourn., O., 954; Adv., 635). — *Nic, Cotgr., Mon.;— + Oud., Rech., C. A. Oud. ; Rich. : vieux mot. — Alors ses équitables mains Occirent avec les humains Les animaux dans leurs pascages (Racan, II, 352) ; — Burl. : Scarr., Virg.,
II, 1. Exemples innombrables dans Loret.
Ocieux — proscrit (Gourn., O., 958, Adv., 637) ; cf. Chevreau, Rem. s. M., 8, à propos des vers : Et ne tiens point ocieuses Ces âmes ambitieuses (Malh., I, 93). — © Nic, Mon. — * Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud. — © Rich. Ce n'est que le discours d'une fable importune, Et le faible entretien d'un esprit ocieux (Théoph., I, 37).
OEillade — « nom interdit chez les mignardes affectées de Paris et de la Cour » (Gourn., O., 618). — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. Ne permettons pas que... Mon sceptre soit le prix d'une de ses oeillades (Corn., IV, 55, Pomp., II, 4) ; Si d'une adroicte main vous traitiez les malades Vous en faisiez mourir par vos seules oeillades (Mallev., Po., 239) ; cf. Rec. de Rond., 1639, 103 ; Trist. l'Herm., V. hér., 1648, 233 ; Tabarin, I, 272.
OEillader — ce mot ne me plaît point (Malh., IV, 410). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — + Rich. — L'une, en vous oeilladant d'un regard ridicule (Le Desniaisé, IV, 5) ; Mais lorsque j'ay l'heur et la grâce De les oeillader face à face (Loret, 12 mai 1657 ; cf. 19 juin 1655, 3 mai 1653) et Thom. Corn., Charme de la voix, II, 2 : j'oeillade la suivante.
Opportun — « ce mot n'est guère bon » (Malh., IV, 432), employé par les mignardes. Les écrivains critiques prétendent qu'opportunité est recevable, mais non pas l'épithète opportun (Gourn., O., 619 ; Adv., 404). — * Cotgr., Nie, Mon., Oud., Rech.,C. A. Oud. ; — © Rich. — Fille qui sait son monde a saison opportune (Regn., Sal., XIII).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 117
Oppresse — « ne vaut rien » (Malh., IV, 471). — © Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. et Rich. — * Cotgr. — Il est dans Hardy, Corinne, II, 3, III, 498. R.
Ost — à quel dessein banniroit-on ost ? (Gourn., O., 428 ; cf. 958; Adv., 260 ; cf. 636). — Massinisse suivi d'un grand ost (Montchr., Carthag., 1, 1 ; cf. Aman, l, 1. Voilà de quoi est composé cet ost de maux que nous redoutons tant (du Vair, 347, 9). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ;
— © Rich. Commun chez Loret : 12 mai 1652, 15 fév. 1653, 31 juill. 1655.
Oubliance — proscrit (Gourn., O., 958 ; Adv., 637). — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. — L'art d'oubliançe (Balzac, 1. III, let.
II) ; les voeux qu'ils avoient faits sont mis en oubliance (Racan, II, 211); l'oubliance du Sommelier (Sorel, Polyand., II, 494; cf. Mais, des jeux, 1642, p. 416).
Outrecuidance — « je voy peu de gens, de ceux mesmes qui ne sont pas des plus délicats au choix des mots, approuver celuy-cy, non plus qu'outrecuidé » Vaug., II, 404 (Rem. inéd.).—* Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.;
— 7 Rich. — Sans outrecuidance je me puis donner le nom d'amant sans reproche (L'Astrée, II, 616) ; je sçay bien que l'outrecuidance Qui nous porte à l'impiété Nous figure leur Providence Sans pouvoir et sans volonté (Racan, I, 68).
Parentage — vieux, suivant Chevreau, Rem. s. Malh., 10. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. Très commun dans l'Astrèe ; cf. : ceux de mon pays et de mon parentage (Racan, I, 34) ; Mayn., OEuv., 1646, 67, Chapel., Guzm. d'Alf., III, 262.
Paroir — Noté par Malh. (IV, 357). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C, A. Oud. — © Rich. — Il est conjugué par Maupas. V. à la Morphologie.
Paroy — proscrit (Gourn., O., 966 ; Adv., 642). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A Oud. ; — Rich. : « hors d'usage ».
Pavois — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 958 ; Adv., 637). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. C. A. Oud.; — Rich. : « vieux mot ».
— Scudéry, Mathilde, 402. — Commun chez Scarron : L'autre avoit peint sur son pavois Deux camisolles de chamois (Virg:, II, 263 ; cf. ib. 124).
Penser (subst.) — même mention (Gourn., O., 955 ; Adv., 635). Mlle de Gournay n'a-t-elle pas ici fait confusion ? Il est vrai que les Dictionnaires n'ont pas pris soin d'enregistrer cet emploi, mais il est tout à fait commun dans les textes. Malh., I, 15, 26, 59, 131, 157, 159, 174, etc. Corneille s'en sert à cent endroits : N'écoutons plus ce penser suborneur (Cid, I, 9). Cf. Hor., 1352. De même Racan, I, 35. — Cependant il est possible que Mlle de Gournay ait entendu blâmer le mot, car en 1660, Corneille le fait disparaître à plusieurs endroits': Cinna, 796, Pol., 725. — Richelet ne le croit utile qu'en vers.
Perdurable — blâmé par Malh. (IV, 439). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., . Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. — telle soit-elle (ta gloire) à jamais perdurable (Corn., IX, 87 ; cf. Imit., III, 35) ; du tourment perdurable (Racan, I, 121 ; cf. II, 328).
Permanent — proscrit par la nouvelle École (Gourn., Adv., 403). — *Nic,
------------------------------------------------------------------------
118 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — Et rien que Dieu n'est permanent (Malh., I, 225) ; La gloire des mortels n'a rien de permanent (Racan, II, 112). Pers (bleu, livide) — ne vaut rien (Malh., IV, 376). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — © Rich. — Portune aux cheveux pers (La Mesnard., Po., 225); elle se guinda dans l'air perse (Scarr., Virg., II, 55).
Piteux — souligné par Malh. (Desp., Diane, I, son. 16) ; regretté plaisamment par la Req. des Dict., blâmé par Chevreau Rem. s. Malh., 5. — * Nic, Mon., Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — + Rich. — Burl. : On doit avoir l'ambition de faire une mine pileuse (Scarr., Virg:, II, 13) ; cf. Loret, 21 déc. 1652, 181.
Plaint — blâmé par Malh. (IV, 371). — Mlle de Gournay, « depuis un an, l'a ouï dire a deux dames de cette Cour pertinentes et relevées, et si ne l'avoient pas appris de livres, car elles ne lisent point » (O., 620, Adv., 405 ; cf. O., 427; Adv., 260). — © Nic; — * Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Rich.
Pleuvir — « Pasquier emploie trop librement et avec trop d'affectation de vieux termes décriés pour les remettre et fourbir comme de vieilles allumelles. Tel est le mot de pleuvir » (Gar., Rech. des Rech., 554). — * Nie, Cotgr. ; — Monet : vieux mot gaulois peu usité, hors en Bretagne, Picardie et Hainault ; — Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. Mettre en main la marchandise, sans la pleuvir belle, bonne, franche, et quitte de la douane (Chap., Guzm. d'Alf., 461).
Point (piqué) — mauvais (Malh., IV, 413 ; cf. 289, 312, 334, 359.) — * Nic., Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — Richelet dit que poindre est français, mais peu usité. — Le regret du passé cruellement me point (Regn., EL).
Preux — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 967 ; Adv., 643). — *Nic, Cotgr. , Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud. et Rich. — Toujours de
preux le renom ils ont eu (Rec. de Rond., 1639, 7) ; Très fréquent chez Loret. Le sieur chevalier de Créqui, Si preux, si hazardeux (8 juill. 1656 ; cf. 31 juill. 1655; 8 août 1654).
Prime — ne vaut rien (Malh., IV, 470). — Nicot donne quelques locutions : prime entrée, prime barbe; Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. citent les locutions : de prime face, prime barbe. — © Rich. — Les textes donnent surtout la locution conservée : de prime abord. Les burlesques disent aussi prime jeunesse : En sa belle et prime jeunesse (Loret, 6 mai 1662 ; cf. 17 déc. 1651) ; durant sa prime verdeur (22 mai 1660).
Procure — contesté par Voiture (éd. Roux, 283). — © Nic Cotgr. Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.
Profonder — était condamné par Vaugelas dans une remarque inédite (II, 485). — © Nic— * Mon., Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud ;— © Rich. Elle se traînera et profondera beaucoup plus que ne fait le chiendent (Jard. fr., 234); des paroles qui confondoient plus-tos les riches inventions qu'elles ne les produisoient ou profondoient (Duval, Esch. fr., Av. prop.).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 119
Prouesse — vieux, n'entre plus dans le beau style (Vaug., II, 123). La Mothe aurait voulu le conserver (Cons, s. l'éloq. fr., 67). —* Nic, Cotgr.; Mon., Oud. Rech., C. A. Oud. ; — + Richel. (Il le conteste contre un bel esprit de l'A.), Il est comique et burlesque : je n'ai pas fait grande prouesse (Scarr., Virg., II, 175) ; L'un étant plein de politesse, L'autre d'honneur et de prouesse (Loret, 24 mai 1653, 198) ; cf. 13 déc. 1653, 119.
Qualité — « selon la nouvelle École, il vaut mieux dire homme de condition que homme de qualité» (Gourn., Adtv., 392). —* Nic : de même qualité, nature, ou condition; * Mon. Rich.; — © Cotgr., Oud., Rech. — Molière l'emploiera : les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris (Préc, 9) ; avait approuvé ce que j'avais dit d'elle et de Mlle de Guise qu'elles étaient des beautés de qualité (Retz, Mém., 1, 1) ; il se faisait seulement passer pour gentilhomme de qualité (Segrais, Nouv. franc, 5e nouv., 6; cf. Id., ibid., 3e nouv., 80 ; Ie nouv., 50 et 51 ; 3e nouv., 4).
Rainceaux — Malherbe préfère rameaux (IV, 377). — *Nic, Cotgr., Mon. C. A. Oud. ; — + Oud., Rech. ; — © Rich.
Rancoeur — d'après Mlle de Gournay, les beaux esprits l'affectaient pour rancune (O., 622) ; Une remarque de Vaugelas le déclarait vieux. Est-ce pour cela que l'auteur la laissa inédite? (II, 412). — *Nic, Cotgr., Mon. :
— + Oud., Rech., C. A. [Oud. ; — © Rich. — Il est burlesque : Quelle rancoeur ! Quelle furie! (Loret, 10 févr. 1663) ; Et je, parmy tant de rancoeurs, Seray toujours souffre-douleurs (Richer, Ov. bouff., 447).
Randon (à grand) — regretté par la Req. des Dict. — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. (cf. randonnée); — © Rich. — Il est burlesque : Les autres de grande randon,... Gagnèrent au pied (Scarr., Virg., II, 153; cf. ibid., 1, 288).
Ravir (à) — la Résolution finale de la Comédie des Académistes le rejette, mais c'est là peut-être une invention plaisante. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. C. A. Oud. —© Rich.— Le mot est partout, au moins chez les comiques et les burlesques : Le vain esclat d'une large dentelle, Riche à merveille et dressée à ravir (Saint-Amant, I, 429) ; En un caillou [dur à ravir (Richer, Ov. bouffon, 427). Ce passant qu'on méprise est homme de mérite, Qui sent son grand seigneur et qui parle à ravir (Quinaull, les Rivales, II, 7).
Refreindre — même observation (Gourn., O., 954) ; — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Richel. — Hardy, Théag. et Ch., 4° j., V, II ; 287, R.).
Regeste — rejeté par Voiture (OEuv., Roux, 282). — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.
Remordre — Chevr. blâme chez Malh. : Sa faute le remord (Rem. s. Malh., 7) ;
— * Nic (dans un autre sens), Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; —
— Rich.
Ressouvenance — ne vaut rien, quoique M. de Malherbe s'en soit servi (Vaug.,
II, 390, Rem. posth.) ; — * Mon., Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Nic;
condamné par Rich. Ridicule — considéré comme scolastique (de Gourn., O., 598) ; — * Cotgr.,
Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud., Rich. ; — © Nic ; — Il est partout dans
les textes.
------------------------------------------------------------------------
120 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Rondache — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 958 ; Adv., 637). * Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud., Rich. ; — © Nic — Il est dans des fragments de Malherbe (I, 414 et 416), et chez Régnier (Sat. X) ; cf. Scudéry : Muse qui, seule du Parnasse, Portes le casque et la cuirasse, La rondache et le coutelas ; (Poés. div., 295) ; cf. Racan, II, 67 ; SaintAmant, I, 359; Scarr., Virg., I, 156 ; Quinault, Am. indiscret, IV, 10.
Rouer d'après Mlle de Gournay, Malherbe conseillait d'écrire que Didon
tournoye fièrement sa prunelle, pour n'écrire pas qu'elle la roue (O., 428 ; Adv., 260)... Pourquoi les dames prononceraient-elles plutôt roue de chariot, d'orloge, de paon, que rouër, puisqu'on dit aussi rompre sur la roue, si elles ont l'horreur du verbe rouer à cause de l'expression rouer un homme (Adv., 260-262). Chapelain n'était pas du même avis. Il écrivait à Mlle de Gournay qu'il refusait d'employer rouer la prunelle « qu'elle aimoit tant, mais que lui ne pouvoit approuver » (Let., 10 déc. 1632). — *Nic, Mon., Cotgr. : torne round, Oud., Rech. : rotare, C. A. Oud. : rodar ; —© Rich.
— J'avois les yeux ouverts et rouans dans la teste (Astrée, I, 137b) ; rien n'estoit si estrange que ses yeux : car, en tout le visage, il n'y paraissoit rien de blanc que ce qu'il en découvrait quand il les rouait dans sa teste (Ib., I, 188 b).
Rougissante — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 955; Adv., 635). — * Nic, Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Mon., Richel.
Sauvement (salut) — même observation (Ead., O., 966 ; Adv., 642). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Richel.
Senestre — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 958 ; Adv., 637). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. Il est (en dehors des emplois techniques) burlesque : Je ne scay... Si ce fut à la cuisse dextre, Ou si ce fut à la senestre (Loret, 3 sept. 1651 ; cf. Id., 9 août 1653 ; Scarr., OEuv. I, 218).
Sens dessus dessous — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 956 ; Adv., 635). Vaugelas ne conteste que l'orthographe : Je voudrais sans ; (I, 113). (Maupas écrivait sens et rappelait même l'orthographe c'en dessus dessous, 362). — © Nic, Mon.; — * Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. —Je crois... qu'il a la tête vide et sens dessus dessous (Régnier, Sal. XIV); Ha! dans quel siècle sommes nous ! Tout y va sens dessus dessous (Colletet, Juvénal burl., 1657, 41 ; cf., Th. Corn., Gedi. de soi-même, V, 7).
Servant — la Req. des Diction, désapprouve l'exclusion de ce mot. — * Cotgr. ;
— © Nic, Mon. ; — Oud. Rech., et C. A. Oud. ne donnent que le pluriel et l'expr. frères servans (cf. servante) ; — © Rich.
Simplesse — noté par Malh. (IV, 422). — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. —. Il était dans Régnier : C'est erreur de la simplesse humaine (Dial.) ; cf. : Leur entretien n'est qu'amour et simplesse (Rec. de div. Rond., 1639, 62). Cette expression est toute faite (Scarr., Virg., I, 58). C'est la seule que Richelet accepte. On retrouve le mot en dehors d'elle chez les burlesques : Il vouloit, par simplesse extresme, Gouverner un bateau luy-mesme (Loret, 26 juil. 1653, 49) ; Les nouvelles qu'elle rapporte Auraient trop, à la vérité De simplesse et de nudité (Id., 10 sept. 1661, 16); cf. Dassoucy, Ov. en belle humeur, 1650, 18.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 121
Sollicitude — proscrit par la nouvelle École (Gourn., Adv., 638). On se rappelle les vers de Molière : Ah ! sollicitude à mon oreille est rude, Il put étrangement son ancienneté (Fem. sav., II, 7). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Rich. — Il a supporté tous les ennuis et toutes les solicitudes que la nourriture des enfans peut donner (Astrée, II, 69) ; La sollicitude... est un bien qui amende de vieillir (Malh., II, 318; cf., II, 619) ; tant... de peine et de sollicitude (Racan, I, 223).
Soucieux — blâmé par Malh., IV, 390 (note 1).— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — « sent le vieux », dit Rich.
Souvenance — Vaugelas dit qu'il l'avait employé dans son Quinte-Curce, mais que ce terme a été depuis condamné comme vieux par l'Académie, et qu'il n'est bon qu'en vers (II, 459, Rem. posth.). —* Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — Richelet ne l'admet que dans le bas style, « et encore fort rarement ».
Suader — blâmé par Vaugelas dans une remarque posthume (II, 449). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. Maupas le donne également (Gram., 1607, 320).
Sueux — souligné par Malherbe dans son Desportes (Rod., f° 242 v°). — *Nic, Cotgr., Oud., Rech., et C. A. Oud.; — © Rich.
Superbe (subst.) — condamné par Vaugelas et Patru, malgré les prédicateurs (I, 92). Il est blâmé par Balzac, dans le Socrate chrestien (II, 262). — © Nic, Cotgr. ; —*Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — Rich. partage l'avis de Vaugelas. — Bouffi de superbeet d'arrogance (Tabar., 11,92). Ménage (Obs., I, 122) ; Andry (S. des refl., 353), reprendront la discussion. Le mot devient particulier au style de la dévotion.
Surhausser — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 954 ; Adv., 635). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud.; — © Richel.
Tardité — entièrement hors d'usage (Vaug., II, 421, Rem. posth.). — © Nic, Mon. ; — * Cotgr., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Rich. — Mais elle a encore une autre ardente occasion de tardilé (Du Vair, 390, 11) ; mon précepteur a accommodé sa patience à ma tardité (Malh., II, 185).
Targe — d'Audiguier le supprime dans Amyot (Hug. 19). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — + Rich. — Le courageux Urie ombragé de sa targe (Montchr., David, IV). Les ministres huguenots font à tout propos une large fort honorable du texte de la Bible et appellent cela le bouclier de la foy (P. Garasse, Doclr. Cur., 851); Du débris desdards et des termes... Nous avons comblé leurs fossés (Racan, II, 48 ; cf. Scarr., OEuv., I, 241; Virg. trav., II, 45; Richer, Ov. bouffon., 487).
Tendreté, tendreur — rejetés par Vaugelas (II, 466, Rem. posth.). — Nic,
Mon., donnent tendreté, non tendreur ; — Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud.
donnent les deux; tendreur se trouve dans le Jardin, fr., 51 ; Qui décolent
les escussons à cause de leur tendreur ; — © Rich. Termer — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 954 ; Adv., 635); —
© Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. Titrer — proscrit (de Gourn., 0. 954; Adv., 635). — © Nic, Cotgr., Mon.;
— * Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. — C'est une gueuse qui... se
titrera marquise (Th. Corn., Gal. doublé, I, 1).
------------------------------------------------------------------------
122 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Triomphateur — même observation (Ead., 0., 967 ; Adv., 643). — © Nic Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — Les lâches courtisans qui sont les triomphateurs n'ont pas été les victorieux (Balz., de la Cour, 7).
Troublement — souligné par Malherbe dans Desportes (Cléon., st., f° 136 v°). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. — © Rich. — La Reine, entendant ces paroles, fut si transportée que, de peur de montrer par sa contenance le troublement de son esprit, s'en alla se promener en un jardin (D'Ouville, Contes, II, 51).
Unissement pour conjonction — proscrit (Gourn., O., 964 ; Adv., 641). — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.
Usance — d'Audiguier le change en manière dans Amyot (Hug., 51). — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. La Requête des Dictionnaires (31) regrette le mot. Richel. le donne comme terme technique de finance et de contrat.
Valeureux — proscrit par la nouvelle École (Gourn., Adv., 403). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — Rich. : poét. — Par quels faits d'armes valeureux, N'as tu mis ta gloire en estime? (Malh., I, 114).
Value — condamné par Deimier (Acad., 373). —* Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. — © Rich. (cf. plus value).
Vergogne — Pellisson, rapportant l'examen de la célèbre strophe de Malherbe où se trouve ce mot, dit que l'Académie n'a rien trouvé à y redire, mais que certains feraient difficulté de se servir de vergogne (Hist. de l'A., I, 123). Et en effet Chevreau estime qu'il faut laisser ce mot aux anciens (Rem. s. Malh., 4). Il était dans Maynard, 1646, p. 101 et ailleurs, ainsi Traduction des Dialogues de Vives, 1611, 212a. Mais presque tous les exemples sont burlesques (Brébeuf, Luc. trav., 1656, 80; Richer, Ou. bouf., 290, 490 ; SaintAmant, I, 371, etc.). * Nic, Cotgr., Mon., Oud. Rech., C. A. Oud. — + Rich.
Vergogneux — « honteux est beaucoup meilleur » (Vaug., II, 435, Rem. posth.). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Rich. —Il est burlesque. Et sembloit la première un Lion Libien, Qui trainoit à son col un vergongneux lien (Montchr., Carth., I, 1) ; les visages vergogneux (Scarr., Virg., 11,71) ; O que ces noms, au lieu de gloire, Seront vergogneux dans l'histoire (Loret, 13 sept. 1653 ; cf. Id., 10 juill. 1655).
Viol — condamné au profit de violement (Vaug., Rem., II, 136). Cf. Rich. — * Cotgr., Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. Veux-tu amasser le vol sur le viol (Ex. punition d'un assass., V. H. L., III, 237).
Virer — condamné par Malherbe (IV, 458 et 402). * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. — Pour Richelet, c'est un terme technique. — Je les voyois après s'en aller accoustrés en Sainct Martin, avec un reste de capot, lequel ils viroient et tournoient, estonnés et esbaubis... (Chap., Guzm. d'Alf., III, 171) ; La girouette, Laquelle au gré du moindre vent, Vire et revire si souvent (Loret, 14 juill. 1652, 88 ; cf. Richer, Ov. bouffon, 453, 139).
Vitupère — Mlle de Gournay le citait comme un mot à la mode (O., 622 ; Adv,. 406). Suivant Vaugelas « il commence â vieillir » (II, 135) ; cf. Chevr. Rem. s.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 123
Malh.,5. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. — C. A. Oud. Rich : très vieux Si de nos discords l'infâme vitupère A pu la dérober aux victoires du père (Malh., I, 74, v. 124) ; Regrettant dans mon coeur la douleur que ma mère Posséderoit de moy, sçachant ce vitupère (Disc, sur la Mort du Chap., V. H. L., V, 35) ; Et sur un rien leur faire un vitupère (Rec. de Rondeaux, 1639, 60 ; cf. Scarr., Virg. trav., II, 141 ; Loret, 28 avril 1652; 24 janv. 1654 ; 5 août 1656).
Vitupérer — vieux (Vaug., II, 135); cf. Richel. —*Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.
Voisiné — blâmé dans Pasquier, comme une diction ternie et rouillée par la révolution des années (Gar., Rech. des Rech., 554). — mot provincial, dit Vaug., (II, 160). — © Nic, Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. —* Cotgr.; — Rich. reproduit Vaug.
Ces exclusions appelleraient bien des observations dont le lecteur n'aura pas manqué de faire les plus importantes.
Incontestablement, parmi les mots ainsi condamnés, un bon nombre, quoique usités à l'époque antérieure, n'avaient jamais vraiment pris racine : alme, bénéficence, contemner, contemptible, convices, excogiter, fère, fratricide, sueux. D'autres étaient vraiment vieux : ardre, atoucher, attraire, bailler, bienheurer, bienveigner, blandices, chaloir, chevalereux, coint, conjouir, contendre, crimineux, cuider, destourbier, empirance, époindre, estour, ferir, fuitif, guerdon, idoine, impiteux, incoupable, ire, isnel, jeleux, los, nave, nettir, nuisance, occire, ocieux, oppresse, ost, oubliance, pers, plaint, pleuvir, point, profonder, refreindre, regeste, targe, usance.
Mais ce qui prouve que beaucoup pouvaient vivre, c'est qu'en réalité, malgré le fâcheux discrédit qu'on jetait sur eux, ils ont vécu. Je citerai : actif, adolescent, allégresse, angoisse, anxiété, ardu, banquet, clameur, condoléance, contempteur, cupidité, décrépitude, effectif, élaborer, à bon escient, félon, gel, gratification, gratitude, grever, haineux, humiliation, obsèques, outrecuidance, paroi, pavois, raviver, sollicitude, soucieux, surhausser, triomphateur, valeureux, vénération. L'échec de la campagne menée contre eux montre assez qu'il y avait des raisons de les laisser vivre.
Toutefois, il ne faudrait pas juger ces jugements d'après les suites qu'ils ont eues. Combien de mots méritaient de vivre, qui, sans périr précisément, ont été comme fanés, et se sont trouvés rejetés du beau style : atour, benin, complainte, emoi, heberger, honni, jouvenceau, larmoyer, liesse, manoir, navrer, oeillade, prouesse, souvenance ! Bons pour le burlesque, ou plus tard, la romance et l'opéra-comique, bien peu sont parvenus à une com-
------------------------------------------------------------------------
124 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
plète réhabilitation. Parmi ceux qui sont tout à fait sortis de l'usage, il en est dont la perte est si sensible qu'on en mesure du premier coup l'importance : se condouloir, se conjouir, convoiteux, erre, etuyer, étranger, fortuner, humblesse, magnifier, mauvaiseté, nettir, oeillader, pers, rouer la prunelle, tendreté, et d'autres ne se traduisent guère facilement, et sont mal rendus par des expressions ou des périphrases. Dans d'autres cas, il semble que le mot perdu est remplacé, et avantageusement quelquefois : beneficence par bienfaisance, chevalereux par chevaleresque, conforter par réconforter, corrival par rival, crimineux par criminel, defermer par ouvrir, desanimé par inanimé, envieillir par vieillir, esclaver par asservir, essourder par assourdir, impiteux par impitoyable, incoupable par innocent, loisible par licite, los par louange, rancoeur par rancune, sauvement par salut, simplesse par simplicité, souvenance par souvenir, suader par persuader, troublement par trouble, vitupère par blâme. Sans doute l'expression ne manque pas à l'idée, mais on sait aujourd'hui assez de l'histoire des mots, pour affirmer que, même en admettant une complète identité de sens et d'emplois entre les mots condamnés et ceux que l'on conservait, si le goût public eût alors souffert qu'on ménageât un peu plus les richesses acquises, des différenciations se seraient produites dans le développement ultérieur, de précieuses nuances se seraient marquées, et le lexique s'en fût trouvé à la fois augmenté et affiné.
B. MOTS QUI VIEILLISSENT ET SORTENT DE L'USAGE SANS ÊTRE CONDAMNÉS PAR AUCUN THÉORICIEN, A MA CONNAISSANCE 1.
abuller (s') (se diriger vers un but, se proposer) — Mont., Ess., I, 4, t. I, 25.
— © Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich ; — * Cotgr. : abutter ; — * H. D. T. ; — © L. et Hug.
accoiser — * Nic, Cotgr., Mon.; — + Oud., Rech.,C. A. Oud. ; — © Rich. — Mais au lieu d'accoiser mon âme toute émue (Montchr., Carth., 1, 1) ; les puissances s'accoisent à guise de chastes avettes (Franc, de Sales, VI, 138).
— Cf. Hug., H. D. T., et L. — Encore dans Molière et Bossuet. acomparager (comparer) — *Nic., Cotgr., Mon.; — © Oud., Rech. ; —
+ C. A. Oud.; — © Richel. — © H. D. T., L., et Hug.
1. © Hug. signifie que M. Huguet ne l'a pas noté chez les classiques dans son Petit Glossaire des classiques français, Paris, 1907. + Hug. signifie qu'on trouvera là des renseignements sur la destinée ultérieure du mot. Dans la même intention, il m'a paru bon d'indiquer si le mot se trouve ou non dans H. D. T. et dans Littré. Voir suivi de l'abréviation d'un de ces lexiques indique qu'on y peut trouver des exemples intéressants.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 125
acomparer — © Nic, Oud., Rech., Rich.; — + C. A. Oud. ; — * Cotgr., Mon.; — © Hug., H. D. T., L.
acomptèr — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; —*Maupas, Gram., 266. — © Hug., H. D. T., L.
accroches — © Nic, Cotgr., Rich. — * Oud., Rech., et C. A. Oud. : heurt, empeschement; —Mon. : difficulté retardant une affaire. — Trouvant des accroches aux offres qu'on luy faisoit (J. J. Bouch., Conf., 68); — © Hug., L.; — Voir H. D. T.
acertainer (acertener = certifier) — * Nic, Cotgr., Mon.; — + Oud., Rech., et C. A. Oud.; — © Rich. — Ce que je vous peux acertener (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 307) ; — © Hug., L. ; Voir H. D. T.
acouardir (rendre lâche) — © Nic, Mon., Oud., Rech., Rich.; — * Cotgr., C. A. Oud. — Il est dans Hardy (Theag. et Chariclée, 6e j., II, 1 ; 388, R.).
achoison (occasion) — * Nic, Cotgr., Mon.; — © Oud., Rech.;—+ C. A. Oud.;
— © Rich. — faits de raisins d'élite et d'achoison (R. Franc, Merv. de nat., 300) ; — © Hug., L., H. D. T.
aconsuivre (atteindre) — Nic, Cotgr., Mon. ; — © Oud., Rech., Richel.; — + C. A. Oud. ; — © Hug., L., H. D. T.
acravanter (écraser, briser) —* Nic : accrevanter, Cotgr., Mon.; — + Oud., Rech.; — * C. A. Oud.; — © Rich. — et nous, les consciences chargées, surchargées, acravantées de pechez énormes (Camus, Divers., I, 345, v° ; cf. Hardy, Theag., 5e j. I, 1, 301, R.). Plusieurs furent acravantés (Loret, 7 juill. 1652 ; cf. 5 nov. 1651); — © Hug., L. Voir H. D. T.
alaschir — * Cotgr., Mon.; — s'allachir, Nic, Oud., Rech., C. A. Oud. — © Rich. — Afin qu'il ne se rompe en alaschissant l'écorce (R. Franc, Merv. de Nat., 292). — © Hug., L., H. D. T.
alangourir — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. : s'alangourir ; Rich. — Je suis sialangourie (Fr. de Sales, VI, 116) ; — © Hug., L., H. D. T.,
alumelle — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. — © Hug., L. ;
— *H. D. T. — Il est burlesque : qui fut un beau coup d'alumelle (d'Assouc , Ov., 1650, 136; cf. Scarr., Virg., II, 248 ; Loret, 20 fév. 1655, 23 nov. 1652. De Villiers, Fest de Pierre, v. 636, etc.).
altère (perplexité) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. — © Rich. — Comme il était en ces altères (Ex. punition d'un assass., V. H. L., III, 236) ; La Grèce s'est trouvée en ces altères plusieurs fois (Guerson, Anal, du Verbe, 96) ; — © Hug., L. ; — Voir H. D. T.
appeler — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — © Rich. — Toutes les choses qui sont soumises aux sens appelenl ce qui est égal (Theoph., I, 42). Le mot se retrouvera dans Buffon. — * L. et H. D. T.; — © Hug.
appiler — © Nic, Mon., Oud., Rech., Ç. A. Oud., Rich. ; — * Cotgr.; — cf. Mont., Ess., III, ch. 9, VI, 213 : — © Hug., H. D. T. ; — L. : mettre en pile.
artiste (syn. de artistique) — © Nic, Cotgr., Mon., — * Oud., Rech., C. A. Oud.; — © Rich. — © Hug., L.; —Voir H. D. T. — consiste en un artiste meslange de couleurs (R. Franc., Merv. de Nat., 344); cf. Loret, 5 juin 1655:
------------------------------------------------------------------------
120 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
invention artiste ; 26 juin 1661 : un dénombrement artiste, etc. — Repris de nos jours.
Atterrassement- — © Nic, qui donne aterrer, Cotgr., Mon., qui donne atterement ; — + Oud., Rech. ;— * C. A. Oud. — © Rich. qui donne atterer : il
vieillit. © Hug., L., H. D. T. — des chasses et des atterrassements de
bestes (R. Franc, Merv. de nat., 341).
Avant-courier — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.; — Rich. donne le féminin. — © Hug.; — * L. et H.D.T. ; — On avançoit de semblables discours qui n'etoient que des avant-courriers d'une rébellion (Gar., Mem., 63); à la fin les ombres des forests et des montagnes commencèrent à croistre, et l'avancourière du jour et de la nuit, qui paroist tousjours la première (Gomb., Endim., 82).
Aveindre — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; — * H. D. T. et L.,qui cite Hauteroche ; — © Hug. ; — d'où il est nécessaire de les aveindre (Let.,Phyll., 11,224).
Avesprer — © Cotgr., Oud., Rech., Rich. ; — * Nic, Mon., C. A. Oud.: avesprir ;
— © Hug., H. D. T.
Avoler — * Nic, Cotgr.; — © Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; — © H. D.T., L.,Hug. — Dupleix nous dit (Lum., 297) : Il est plus expressif qu'accourir. " Leroy advola de Paris en Italieau secours du duc de Mantoue. » La course seroit prise de trop loin. M. le Cardinal, lisant mon histoire, rejeta ce terme, mais après avoir ouï ces mêmes raisons, il l'approuva, et sans son approbation, je l'aurais biffé. — Cyrano le met dans la bouche de Granger (Ped. joué, a. I, se 2) : Va-t'en dire à Chariot Granger qu'il avole subitement ici.
Bandon — * Nic, Cotgr., Mon.; — © Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © Hug., H.D. T., L.
Biberon (qui aime à boire) — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.;— l'enluminure du visage des biberons (R. Franc, Merv. de nat., 399).
— *H. D. T., L. ; — © Hug. Il est resté populaire.
Bladier — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. — © L., H. D. T., Hug.
Blasonner — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. — © Rich. — La bouche des méchants blasphème contre moi, Blasonne ma puissance et taxe ma justice (Montchr., Dav., V). — © Hug. ; — * L., H. D. T.
Bloutre (motte de terre renversée par le soc) —* Nic, Cotgr., Mon.; — © Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; — © L., H. D. T. et Hug.
Bluetter — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.— © Rich. — Mesme il bluette parmi la nuit (jette des étincelles, R. Franc, Merv. de nat., 176).
— © L.,H.D. T., Hug.
Bobeliner (rapiécer) — *Nic, Cotgr., Mon.; — + Oud., Rech., C. A. Oud. — © Rich. ; — © L., Hug. ; — * H, D. T.
Boivin — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A, Oud. ; — © Rich. — © L, H. D. T., Hug.
Bragard — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — © L., H. D. T., Hug. — Cette braguarde Junon (d'Assoucy, Ov. en b. h., 137).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 127
Braverie — * Nic. : bravade et pomposité d'habits, Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Mon. — + Rich. — Est-il possible que l'Amour souffre si long temps cette braverie (Melante, 1. I, 79) ; elles tiennent que c'est resverie De syndiquer la braverie (Eventail satyr., V. H. L., VIII, 133 ; cf. 136) ; L., H. D.T. et Hug. donnent des exemples classiques.
Bril — © Nic, Rich.; — * Cotgr., Mon.. C. A. Oud.; — + Oud., Rech. — Sans le bril qu'il doit avoir (R. Franc, Merv. de nat., 208). — © L., H. D. T., Hug.
Brulemenl — * Nic, Cotgr., Mon.. Oud., Rech., C. A.Oud. — © Rich.; —* L., H. D. T. ; — © Hug. — le brulement de la ville de Lyon (Malh., II, 725).
Burelé — * Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. — © Nic, Rich.; — *L., H. D. T. ; — © Hug. — Ces considérations diligemment et meurement pesées, burelées et justifiées (Gde Propr. des Bot., 1616, V. H. L., VI, 38). Le mot est aujourd'hui de la langue technique : un timbre-poste burelé à l'envers.
Cadene — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Rich. — * L., H. D.T. ; — © Hug.
Cas (cassé) — © Nic, Rich. ; — * Cotgr., Mon. : voix casse, chant cas ; Oud., Rech. ; C. A. Oud. : sonner cas. — *L., H. D. T. ; — © Hug. — D'une voix rauque et casse (Regn., Dial.).
Cassade — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — + Rich. — * L., H. D. T. : — © Hug. — payé d'une cassade. (sornette) (Regn., Sal., XI) ; qui fut assez fin pour juger que cette servante lui donnoit une cassade (Cour. de Nuict, 74) ; vous m'estes suspect de donner une cassade (Scudéry, Po. div., 158); cf. Brebeuf, Po. div., 354, Luc. trav., 164.
Cautelle — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. — © Rich. — Faisant ainsi la prude et la craintive Du loyer de ta caulelle me prive (Rec. de Bond., 1639, 164).
Cerne — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * L.,H.D. T. ;
— © Hug. — Autour de moy ses gens estoient en cerne [Emprison., V. H. L., VIII, 213); Il... fait un cerne à l'entour de luy (d'Ouv., Contes, I, 155) ; cf. Racan, I, 75, 57, 31 ; Saint-Amant, I, 321 ; Loret, 16 juin 1652.
Chalemeler — * Nic, Cotgr., Mon., C. A. Oud. ; — © Oud., Rech., Rich. ; —
© L.,H. D. T. Hug. Charlater — © Nic, Rich.; — * Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; —
il sait si bien charlater (Pont Breton des Procur., V. H. L., VI, 270).
Chémer (se) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich.
— * L., H. D. T. ; — © Hug. — En telles occasions il nous faut chemer et ennuyer (du Vair, 356, 19).
Chevance — * Nic, Cotgr., Mon.; — + Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich.
— Voir L., H. D. T. et Hug. ex. de La Font.
Chevir — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich.
— Evitent-ils les métaphores, s'ils en peuvent chevir (Gourn., O., 622). Voir dans L., H. D. T. et Hug. un ex. de Mol., Don Juan, IV, 3. Cyrano le met dans la bouche de Gareau (p. 41).
------------------------------------------------------------------------
128 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Chinfreneau — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud. ;
— * L. H. D. T. ; — © Hug. — Ce fanfaron de Ferrandine Qui pare son affreuse mine D'un grand et vilain chinfreneau (Saint-Amant, I, 303).
Chinquer (boire et manger) — © Nic, Mon. ; — * Cotgr. ; — + Oud., Rech., C. A.Oud., Rich. — * L. ; — © H. D. T., Hug.— Les valets... beurent comme Templiers et chinquèrent à ventre desboutonné (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 281); cf. Saint-Am., I, 331.
Chiqueté — *Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud.— © Rich. ; —
* L. H. D. T. ; — © Hug. — Il luy ouvre la poitrine qu'il avoit toute chiquetée (Duval, Esch. franc., 120) ; nostre oyseau chiquetant les airs (Richer, Ov. bouff., 480) ; cf. déchiqueté.
Clergie — © Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., et Rich.; — * Cotgr. ; —
* L., H.D. T.; — © Hug. Cogitation — * Nic, Cotgr., M n. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; © Rich.
— * L., H. D. T. ; — © Hug.
Colérer (se) — * Nic, Mon., C. A. Oud. ; — © Cotgr., Oud., Rech., Rich. ; — *L., H. D. T. Voir Hug. — Ne vous coterez point pour si peu d'importance (Montchr., Aman, I, 1) ; cf. Tabar., II, 385 ; Corn, l'a corrigé en 1660 au vers 1319 de Mélite.
Collauder — * Nic, Cotgr. ; — © Mon., Rich. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © L.,H.D. T. et Hug. — Je ne sçaurois assez vous collauder, Messieurs (Serm. du Cordel aux soldats, V. H. L., II, 334).
Colliger — © Nic, Mon. ; — * Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud. — © Rich. —
* L., H. D. T. ; — © Hug. — Tout cecy escoutoit le second hoste... colligeant par les raisons qu'il avoit ouyes (d'Audig., Six nouv., 60) ; cf. soeur Chantai, Let. 374, p. 531 ; Loret, 5 fév. 1656.
Concurrer — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., © Rich. — © L., H. D. T., Hug. — Mlle de Gournay affirme qu'il est employé par les meilleurs écrivains (O., 591). — Mais j'estime qu'elle (cette maxime) sert beaucoup à fonder une véritable unité d'action, par la liaison de toutes celles qui concurrent dans le poème (Corn., I, 42 ; cf. 44).
Conniver — © Nic, Mon. ; — * Cotgr., Oud, Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.
— * L., H. D. T., Voir. Hug. — Et voyant que Deffunctis qui est le prévost ordinaire de Paris, connivoit avec ces jeunes seigneurs, il s'en plaignit au Roi (Gar., Mem., 49) ; conniver en lâche à ce nom qu'on me vole (Corn., Heracl., 1171). Bossuet l'emploiera encore.
Contre-eschange — © Nic qui donne contreschanger ; — * Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — *L., H. D. T. ; — © Hug. — Et lui en contreschange, ne pense qu'à la substanter (Fr. de Sales, VI, 105). Corneille l'avait employé dans la Veuve, v. 647. Il le corrige en 1644.
Contre foudroyer — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; —
© L., H. D. T. — Ils font jaillir des eaux qui se lancent et dardent, et quasi
contrefoudroyent l'air (R. Franc, Merv. de nat., 456). Contreposer — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * L.
au sens technique du commerce ; — © H. D. T., Hug. — Gouffres contreposez
contreposez destroits de Sicile (Montchr., Carth., I, 1).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 129
Contreprojeter — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Du temps de Luther parut pour le contre projecter ce flambeau navarrois nouvellement canonisé (Effroy. pact., V. H. L., IX, 277).
Corps d'homme — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © L., H. D. T., Hug. — L'evesque, lequel escoutoit ces discours, comme c'est un fort bon cors d'homme, tasche à les consoler tous (Caq. des Poisson., V. H. L., II, 143); cf. : De façon que teste d'homme n'auroit le courage de s'en approcher (R. Franc., Merv. de Nat., 550).
Couverte (= couverture) — © Nic, Mon.; —* Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. ; — *. L., H. D. T. ; — © Hug. — L'herbe et la fueille verte S'offrent à nous servir de lict et de couverte (Mairet, Sylvie, 438) ; cf. Saraz., OEuv., II, 128.
Cuiseur (= sensation de cuisson) — © Nic, Mon., Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © L. et H. D. T. — De cette affliction, comme de la bruslure, naist une si aspre cuiseur (d'Urfé, Ep. mor., II, 240 v°).
Dandrille — * Cotgr. ; — © Nic, Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.
Reconnaître — © Cotgr., Mon. ; — * Nic, Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; — * L. ; — © H. D. T. et Hug. — Des enchantemens d'Urgande la déconnuë (Lett. de Phyll., I, 60. Il s'agit ici d'un nom ancien, tout fait).
Decroire — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Nic, Mon. ; — Rich. :
« d'usage fort borné; » —* L., H. D. T. ; — © Hug. — Nous en reculons le
plus loin que nous pouvons la pensée, et, qui pis est, beaucoup la décroient
du tout (Du Vair, 405, 52) ; Souvent un témoin a fait décroire les dépositions
véritables de tous ses compagnons (Malh., II, 177).
Dedormir — * Nic, Cotgr., Mon.; — + Oud., Rech., et C. A. Oud.; — © Rich,
— encore dans Scarr., Virg. trav., II, 246.
Défavoriser — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud.; — © Rich. — encore dans l'Astrée, 1614, I, 70B.
Defluxion — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — Rich. : hors d'usage. — * L. ; — © H. D. T., Hug. — Destourne les defluxions qu'elles ne coulent sur les parties malades (R. Franc., Merv. de nat., 397) ; cf. Malh., II, 501, 582 ; Brébeuf : Si les grandes defluxions Et la sciatique cruelle Livrent la guerre à cette belle (Po. div., 352).
Defortuné — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. ;
— * L. ; — © H. D. T., Hug.
Degasler — * Nic, Cotgr., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — ©Mon., Rich.; — 0 L., H. D. T. Le mot paraît disparu depuis le XVIe siècle (cf. devaster).
Dehait — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich.; — * L.;
— © Hug. — Voir H. D. T., qui cite Saint-Amant.
Delascher — * Nic, Cotgr., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Rich. ; — encore dans Chapel., Let., 1, 394.
Departie (= séparation) — © Mon., Rich. ; — * Nic, Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. : — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Me laisser résoudre à cette départie Histoire de la Langue française. III. 9
------------------------------------------------------------------------
130 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
(Malh., I, 129) ; touchez de regret de ma departie (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 94) ; je t'offrirois mon coeur à cette départie (Mallev., Po., 357).
Deracher — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — encore dans Chapel., Let., 1, 50.
Desaffubler — ©. Nic, Cotgr., Mon.; — + Oud., Rech., et C. A. Oud. ; © Rich.; — Scarr., Virg., 1,34.
Desagreer— © Nic, Cotgr ; —* Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Le silence me desagreoit (Fr. de Sales, VI, 9) ; luy fit enfin congnoistre qu'elle ne les desagreoit pas (Des Font., Heur. inf. de Cel. et Maril., 81) ; la licence vous dêzagrée et vous ofense (Loret, 29 janv. 1651).
Desembarrasser — © Nic, Mon. ; — * Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — ©
Rich. ; © H. D. T., Hug. ; — Voir L. — Quelque méchante affaire dont il
falloit essayer de le desembarasser (Cour. de Nuict, 77) ; Son oeil m'a répondu de sa pudicité, Et dedans son cristal mon aiguille enfoncée, Attirant ses deux mains, m'a desembarrassée (Corn., Clit., sc. I. L'auteur a supprimé ces vers en 1660) ; cf. Balzac, édit. Moreau, 1,214 et Scarr., Virg., 1, 112, 305, 323.
Devotieux — © Nic, Rich.; — * Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © H. D. T., Hug. ; —Voir L. — Voilà comme j'ai été dévotieuse pour autruy (Fleurs d'eloq. fr., 19b) ; Et dont les soins devotieux font vivre vos corps dans son temple (Racan, II, 351 ; cf. Il, 226 et souv.). Encore dans Loret, 24 déc. 1665.
Discourtoisie — © Nic, Rich. ; — * Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Hug. ; —Voir L. et H. D. T. — Cestuy-cy, aux faveurs receues de Laonice rend des discourtoisies (Astrée, I, 215 A); La discourtoisie et la sauvage humeur des habitans du bourg (Sorel, Berg. extr., II, t. I, 100) ; cf. Loret, 1er janv. 1656.
Donaison — * Nic, Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Mon., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Les sots parens et sots oysons Qui font de sottes donaisons (Scarr., OEuv., 1, 111 ; cf. I, 357).
Dorelol — * Nic : picard, Cotgr., — + Oud., Rech., et C. A. Oud.; — © Mon., Rich.; — © L., H. D. T., Hug. — Tantost flustant ton dorelol (Richer, Ov. bouff., 230).
Duit — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * H. D. T., Hug. ;— voir L. — Durs au travail, duits à combattre (Scarr., Virg., II, 80). En dehors du burlesque, c'est un terme technique de la chasse : un oyzeau bien duit (Almah., V. 974).
Ebouillir — © Mon. ; — * Nic, Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. : s'esbouillir ; — * H. D. T. ; — © Hug. — Quand ils viennent à se rasseoir et à ébouillir cette ardeur inconsidérée (du Vair, 335, 40).
Effectuellement — © Nic, Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; —* Mon.; — Peiresc, Let. à Dup., I, 184.
Embesogné — * Nic., Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Il nous reste l'espée, il faut l'embesoigner (Mont. chr., Dav., III); elle commença de s'embesongner de Lycidas (Astrée, I, 106A).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 131
Embler — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; Rich. : vieux mot;
— © Hug., L ; — Voir H. D. T. — Ses bleds Que les soldats n'ont point emblez (Scar., Dern. oeuv., I, 202).
Emerveillable — * Nic., Cotgr., Mon., Oud., Recl,. et C. A. Oud. ; — © Rich. — © H. D. T., Hug. ; — Voir L. — C'est à la vérité une promesse emerveillable (Malh., III, 34 ; cf. I, 78 et 112 ; II, 184). Sa prevoyance emerveillable (Mayn., OEuv., 347); un art emerveillable (Bensserade, I, 318) ; une valeur emerveillable (Tristan l'Herm.,. Vers Hér., 79).
Emmantelé — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; Rich. : se dit d'une sorte de corneille. — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Nos ministres sont emmantelés de panne de soye (Ménipée de Francion, V. H. L., X, 273).
Endormissement — * Nic, Cotgr.. Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Mon., Rich.;—© L., H. D. T., Hug. — (vostre lettre) m'a réveillé d'un endormissement où j'estois (Malh., II, 568); celuy qui revient d'un endormissement epileptique (Des Font., Cel. et Maril., 93).
Engignier — * Nic, Cotgr. + Mon. ; Oud., Rech. : enginier et enginer, C. A. Oud. : id. ; — © Rich. — La Fontaine l'a cité comme un mot proverbial (Fab., IV, 11).
Engraver — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; Rich. ne le donne que comme terme de batelier: demeurer sur le gravier. — Voir L., H.,D. T. ; — © Hug. —Il est impossible que... l'Amour n'en engrave en mesme temps le visage bien avant dans le coeur (Astrée, II, 180) ; cf. d'Assoucy, Ov. en b. hum., 136.
Enhasé (= affairé) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud.;— + Rich. : mot bas et vieux. — © L., H. D. T., Hug. — Il fait bien l'enhazé quand il parle d'une pauvre servante... (Caq. de l'Ace, Bib. elz., 253 ; le sens est ici: il fait bien des embarras).
Enherber — * Nicot (qui le considère comme archaïque et l'explique), Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — * H. D. T. ; — © Hug.
Enhorter — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.
— © L., H. D. T., Hug.
Enragerie — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. C. A. Oud., Rich. ; —* L.; — © H. D. T., Hug. — Elle se met aux injures, se veut tuer, se frappe le visage, bref fait des enrageries (Astrée, II, 857).
Entrebattre (s') — * Nic, Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; — © Mon. ;
— * L. Voir H. D. T. ; — © Hug. — Tous s'entrebattoient (Scarr., Rom. com., éd. Fournel, I, 19).
Entresuite — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — © L. H. D. T. et Hug. — Je refusois de luy raconter quel en a esté le cours et l'entresuitte (Astrée, II, 680) ; cf. Malh. : l'ordre et l'entresuite des choses (II, 519 ; cf. 192, 599).
Equipoller — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; — * L., H. D. T.; — © Hug. — Ils équipollent le passif (Maupas, Gram., 284). Y a-il rien de delectable au joug du mariage... qui equipole aux eternelles douleurs d'un triste et miserable veufvage ? (Camus, Divers., I, 388 v°).
------------------------------------------------------------------------
132 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Escamper — * Cotgr. ; — © Nic, Mon., Rich. ; + Oud., Rech. et C. A. Oud. ;
— * L. H D. T. ; — © Hug. — Sans s'expliquer plus clairement, il estoil escampé (Cour. de Nuict, 194). Commun chez les burlesques (Tabar., II, 107 ; P. Carneau, Stimmimachie, 60.; Loret, 3 juill. 1655; Scarr., Virg., I, 127 ; cf. décamper).
Eschaufaison — © Nic ; — * Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. —
* L. H. D. T. ; — © Hug. — L'eschaufaison du vin (Camus, Divers., 1, 123 r°). Escheller * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich.
— * L. ; — © H. D. T., Hug. — Ils entasserent des montagnes pour escheller les cieux (Videl, Le Mélante, 329). Eschever — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ;— © Rich.
— © L., H. D. T., Hug. — Le plus grand mal ne se peut point autrement eschever (Du Vair, 403, 22).
Eslocher — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. —
* L., H. D. T. ; — © Hug. — Ce tonnerre orageux qui menace et qui gronde Elochera bientôt la machine du monde (Desmar., Vision., I, 3, L.) 1.
Esmaier (s') — * Nic, Cotgr. ; — © Mon., — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — © L., H. D. T., Hug.
Espardre (s) — * Nic., Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Rich.
— © L., H. D. T., Hug. — Une partie de ses cheveux s'estoit esparse (Astrée,. 11,547).
Epaulu — * Nic, Cotgr., Oud., Rech., et C. A. Oud. ; — © Mon., Rich.; — © H. D. T., Hug. ; — Voir L. De voir l'autre tant épaulu, Ossu, membru, fessu, velu, (Scarr., Virg., II, 45).
Espie — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C.A. Oud.; — © Rich. — *L.,voir H. D. T. ; — © Hug. — Il a des espies qui veillent sur ses actions (Sorel,. Francion, 71).
Espiner (s') — © Nic, Mon., Rich. ; —* Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © L., H. D. T., Hug.— Le dernier exemple que j'en aie est de Passerai, I,. 26 : Desirant vous cueillir, bien souvent on s'espine.
Espluyer — © Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud, Rich. ; — * Cotgr. ; — © L., H. D. T., Hug. — On les espluye avec du vin de dattes (R. Franc, Merv.. de Nat., 266).
Espoinçonner — * Nic, Cotgr., Mon., Oud.,.Rech. et C. A. Oud.; — © Rich.
— * L., voir H. D. T. ; — © Hug. — Ressentant son courage espoinçonnéd'amour (Monchr., David, I, 1 ; cf. Regn., Sat., III ; et Sorel, Francion, 128, H. D. T.).
Essorer (s') — * Nic, Cotgr., Mon., Oud.. Rech. et C, A. Oud. ; — © Rich. —
* L., voir H. D. T. ; — © Hug. — L'ingenieuse abeille s'essorant de sa ruche rustique (Guerson, Anal, du Verbe, 107).
Estoquer — * Nic, Mon., Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.— © L., H. D. T., Hug. — Il ne pensoit qu'à me voler quelqu'un de mes habits
1, Dupleix atteste qu'il existe encore de son temps : " eslochement et effondrement doivent estre français, puisque les verbes sont dans le commun usage » (Lum., 295). Quant à eslochement, il n'est que dans Oudin, il manque aux autres Dictionnaires.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 133
ou à m'estoquer quelqu'une de mes bagues (Chapel., Guzm. d'Alf,, III, 88 ; cf. Hardy, Am. vict., IV, 1 ; V, 522, R.).
Estriver — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. — * L. Voir H. D. T. qui cite Furetière ; — © Hug. — Avecque tes voisins jour et nuict estriver (Regn., Sal. XIII) ; Allez donc, sans plus étriver Chercher ailleurs votre aventure (Scarr., Virg., II, 141) ; C'est enfin assez êtrivé (Loret, 3 mars 1663).
Exercite — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Surtout burlesque: pour exercer leurs exercites (Loret, 15 mars 1659) ; Cet exercite Royal... Se monte à plus de dix milliers (Id., 9 août 1664).
Extoller — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — God. cite deux ex. du XVIIe s. — C'est ainsi que les cabalistes extollent leur Escriture (Camus, Divers., I, 379 v°).
Fagoue — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; — * L., H. D. T.; — © Hug. — Il ne reste plus qu'à parler des fagouës ou ris de veau (Dél. de Camp., 275).
Faisser — © Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; —* Cotgr. ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Il faut bien bander et fesser ledit écusson enchassé (R. Franc, Merv. de nat., 292).
Fantastiquer — * Nic, Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Mon., Rich. ; — * L. ; — © H. D. T. et Hug.— Des demons qui, soubz des habits apparens, fantastiquent une invisibilité (Effr. pact., V. H. L., IX, 278).
Feal (= fidèle)— * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud.,.Rech. et C. A. Oud.; — Rich.: terme de chevalerie ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Allez, amis feaux, Couronner vos chefs de rameaux (Scarr., Virg., II, 9) ; Comme amy féal et sincère (Loret, 4 sept. 1660, v. 109).
Feintise — * Nic. Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — Rich. : un peu vieux. — Voir L., H. D. T. ; — © Hug. — Nostre maistresse sera avertie de vos faintizes (Astrée, II, 24) ; vous n'avez point de déguisement au visage, de flatterie en la bouche, ni de feintise au coeur (Malh., I, 469) ; Charmante Cythérée, à parler sans feintise, J'ay fait une grande sottise (La Mesnardière, Po., 262 ; cf. Loret, 23 mai 1654, 138).
Feneslrage — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ;— * L., H. D. T. ; — © Hug. — Percé de grands fenestrages (Mélante, I, 67) ; de riches fenétrages (Tristan l'Herm., Vers Her., 175).
Fiance — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. — * L. ; — © H. D. T. et Hug. — Il n'y a rien qui oblige tant à se taire que de faire paroistre une entière fiance (Astrée, 1, 82 B) ; souvent, il me donne les clefs, pour la grande fiance qu'il a en moy (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 192 bis).
Floc (= touffe de laine) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. — * L.,H. D. T. ; — © Hug. — Les autres ne jettent aucune flamme, ains ont un feu caché comme en un floc (R. Franc, Merv. de nat., 177 ; cf. 332). Cf. aujourd'hui l'expression : des flots de ruban.
Fluer — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud ; — Rich. : terme de
------------------------------------------------------------------------
134 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
médecin. — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Cette fluante mortalité du corps
(du Vair, 410, 42). Foulis — * Nic, Cotgr., Mon., et C. A. Oud. : — © Oud., Rech., Rich. ; —
© L. H. D. T., Hug. — On leur donne un autre foulis (R. Franc, Merv. nat.,
301). Foupir — © Nic, Mon., Rich.; — * Cotgr. Oud., Rech. et C. A. Oud.;— * L.,
H.D. T. ; — © Hug. — Hé ! Jesu ! vous me foupissez toute ! (Rourg. Poli, V.
H.L., IX, 206); Le colet fouppy d'accolades, Et les bras froissez d'embrassades, Il cria : c'est trop de moitié (Scarr., Virg., II, 5). Fouque (=troupeau) — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.—
Charogneuse pasture aux fouques vagabondes (Hard., Did., IV, m; I, 58, R). Fruition — * Nic, Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Mon., Rich.; —
* L. ; — © H. D. T. et Hug. — La sainte fruition de toutes les beautez et
bontez du monde (Du Vair, 393, 18).
Gagne — © Nic., Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © L., Hug.;— * H. D. T. — Je recevois les liberalitez de mes amis du temps passé, quand ils se trouvoient en gaigne (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 434).
Gazouil — © Nic., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * Cotgr. ; — © L., H. D. T., Hug. — Le gasouil emmiellé de leur reflux (Tabar., II, 7); Une fontaine naturelle Dont le gazouil et la cascade Auroit fait danser un malade (Richer, Ov. bouffon, 188).
Géniteur — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * L.; — © H. D. T., Hug.— La perte de ses geniteurs (des Escut., Adv. d'Yps., 63).
Gestes (resté dans : faits et gestes) — © Nic, Cotgr. ; — * Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Vaugelas le croyait nouveau et en train de s'apprivoiser (II, 176 ; La Mothe le Vayer le trouvait très beau). La longue suitte de ses gestes mémorables (Fleurs d'éloq. franc., 1615, 7) ; les gestes guerriers de Jean des Entomures (Gar., Rab. réformé, 70) ; après avoir escrit le nombre de ses gestes (Malleville, Po., 231) ; et que par leur moyen tes gestes esclatants Persent de longs rayons l'espaissenuit des temps (Saraz., II, 137 ; cf. Loret, 10 mai 1659).
Gloul — * Nic. Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.;
— * L., voir H. D. T.;— © Hug. — Bref que j'estois si gloute (Espad. salir., 36).
Gogue — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; — * L., H. D.
T.; — © Hug. — Je n'ai pas d'exemples après la Reconnue (A. th. fr., IV, 343). Goulée — © Nic, Mon., Rich.;— * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ;—* L.'
H. D. T. ; — © Hug. — Afin que le pauvre animal en attrapast quelque goulée
(Sorel, Polyandr., 1, 333); Hé ! qu'à la première goulée Ne t'es-tu plutost
étranglée ! (Richer, Ov. bouffon, 402).
Gouliafre — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; —Voir L. ;
— © H. D. T., Hug. — Ha ! Que ce fut bien à la malheure que ton maistre amena gouster ceans ces goüilliaffres ! (Chapel., Guzm. d'Alf., 1, 193).
Grève (= jambe) — * Nic, Cotgr. Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; —
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 135
© Rich. ; — © H. D.T., Hug. ; —Voir L. — La grève longue et droite, et le pied petit et mignard (Astrée, 1, 135 B)
Grimauderie — © Nic, Mon., Rich.; — * Cotgr., Oud., Rech. et C.A. Oud. ; — Voir L., H. D. T. ; — © Hug. — Nous commandant d'apprendre mille grimauderies les plus pedantesques du monde (Sorel, Francion, IV, 199).
Grimelin — © Nic, Cotgr., Mon. ;— * Oud., Rech., et C. A. Oud., Rich.; —
* L., H. D. T.; — © Hug. — Vous m'excuserez de vous faire voir celle-ci,
quelque grimeline qu'elle soit (Malh., III, 308) ; Chapelain emploie ce mot
(Let., 1,310 ; cf. Loret, 24 sept. 1651 ; 29 juill. 1656 ; 22 sept. 1657 ; 1er déc.
1657, etc.).
Haim — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; — * L., H. D. T. ; — © Hug.
Havir — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C.A. Oud.; — © Rich.; —* L., H. D. T., Hug. — Les autres ont un feu havy (R. Franc., Merv. de Nat.,, 177 ; faut la greffe bien boutonnée et non tarie ou havie et sechée du soleil... (Id., ib. 291).
Haye au bout (= et qq. c. en plus) — © Nic, Cotgr., Mon.; —* Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © L., Hug.; — Voir H. D. T. — Nous estions gens de bien et d'honneur autant qu'eux et hays au bout (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 179) ; Aimable autant que vous, et aye Au bout (Bensserade, I, 185) ; c'est un démon et haye au bout (Scarr., Virg., 1, 237).
Hommageable — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich; — © L., H. D. T., Hug. — Reputent à grand honneur de se tenir homageables (Peiresc, Let. à D. 1,593).
Huis — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C.A. Oud.;— + Rich. — * H.D.T. ; voir L.— © Hug.; — vous n'en sortirez point que par l'huis du tombeau (Malh., I, 2) ; d'huis en huis (Maupas, Gram., 363); Contre vostre huis (Rec. Rond. 1639, 119 ; cf. Chapel., Guzm. d'Alf., III, 151 ; Saint-Amant, II, 454; Scarr., OEuv., 1, 429, 92; Id., Virg., I, 153, II, 155, 188 ; Ex. innombrables dans Loret).
Hurlerie — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © H. D. T. et Hug. ; — * L. ; — Scarr., Virg., II, 291.
Impérer — * Nic, Cotgr.; — © Mon., Rich. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © L., H. D. T., Hug.
Imprévoyable — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * L.; — © H. D.T., Hug.— La fortune, cette puissance de Dieu imprévoyable aux hommes (Du Vair, 334, 39) ; un effect autant utile à luy que dommageable et imprévoyable à ses ennemis (Let. écrite de Tartarie, 1612, 14).
Inconcussément — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Suivant Dupleix « il est très énergique », et se trouve dans l'usage pour marquer l'inviolable observance des Loix et des Ordonnances politiques (Lum., 295).
Indoctemenl — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.
— *L.,H. D. T.; — © Hug. Indication — * Nic, Cotgr. ; — © Mon., Rich.; — + Oud., Rech. et C. A.
Oud.; — © L., H. D. T., Hug; — Avec tant d'intrication et obscurité
(Camus, Divers., I, 380 v°).
------------------------------------------------------------------------
136 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Inquilins — © Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; — * Cotgr.; —
La pluspart des locataires et inquilins des maisons voisines (Le Cour, de
Nuict., 115). Jacler (se) — © Nic, Mon., Rich.; — * Cotgr. ; — + Oud. Rech. et C. A.
Oud. ;— © H. D. T., Hug.; — Voir L. Laidanger —* Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C A, Oud. ; —
© Rich. — © L., H. D. T., Hug. ...
Langueier — * Nic ; Cotgr. : langayer, Mon. : languoier ; Oud., Rech. : langayer,
langayer, langoyer; C.A. Oud..: languayer, Rich. — Voir L., H. D. T. ; —
© Hug. — Un advocaceau qui la visitoit et la langueoit souvent (Grands jours
tenus à Paris, 1622, V. H. L., I, 201). Malement — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; — © Rich. ; — * L.,
H. D. T. ; — © Hug. — Tant j'y suis malement cloué (Scarr., OEuv, I, 259);
et nous eust malement contraints (Id., Virg., II, 219).
Mansuel — © Nic ; — * Cotgr. ; — © Mon., Rich. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © H. D. T., Hug.; — Voir L. — Le Verbe Homme estoit doux, béning, mansuet, misericordieux (Guerson, Anal, du Verbe, 50).
Marmileux — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud.; — Rich. : vieux mot; —* L., H. D. T. ; — © Hug. — Le Diable faisant du marmiteux, cajolla nostre lre mère (Gar., Doct. cur., 832; cf. Id., ib., 356, 599, 999) ; sans paraître marmiteux (Sarraz., OEuv., II, 63).
Melioration — © Nic, Mon., Rich.; —* Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud.;
— C'est le plus grand ouvrage de tous les philosophes, duquel l'on espère la melioration de tous les corps (Sorel, Polyand., II, 93).
Memorieux — © Nic, Mon. Rich., ; — * Cotgr., Oud., Rech. ; — + C. A. Oud. ; — © L., H. D. T., Hug. — Cf. Montaigne, liv. III, ch. 8.
Mercadant — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr. ; — + Oud., Rech. et C. A Oud. ; — © L., H. D. T. et Hug. — Un des plus vilains usuriers et mercadans du monde (Sorel, Francion, IV, 250 ; cf. V. H. L., III, 155.
Meschef— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — Rich.: burlesque;
— Voir L., H. D. T.; — © Hug. — Pour se garantir de méchef (Malh., I, 287, v. 50) ; L'instrument de tout ce meschef estoit couché dans une garde robe (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 284) ; Dis moy, la fis-tu de ton chef Ou si tu la fis par méchef (Scarr., Virg., II, 137; Id., OEuv., I, 294; on le trouve à chaque page chez Loret).
Mescroire — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — Rich. : peu usité — * H. D. T. ; voir L. ; — © Hug. — Mes jeunes veaux qui mescroyent. tout ce que l'Eglise nous propose (Gar., Doctr. cur., 823); mescroire ce qui se raconte du Paradis et de l'Enfer (Id., ib., 312 et 893).
Mestive (= moisson) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud.; — © Rich. ;— * L., H. D. T. et Hug. —Au temps des mestives (d'Aubigné, 11,247).
Meureté — * Nic, Cotgr., Mon. ; — © Oud. Rech., C. A. Oud., Rich.; — © L., H. D. T., Hug. — L'estude, l'aage et l'expérience vous ont apporté une grande suffisance et meureté de conseil (Du Vair, 333, 43).
Mire — * Nic, Cotgr. ; — © Mon.,Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; — © L.,H. D. T., Hug. — Le plus nécessaire estoit de trouver quelque bon myre (médecin) pour panser ses playes (Astrée, II, 396 et II, 29, 45, 46,182, 676).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 137
Milan — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr. ; — + Oud., Rech, et C. A. Oud.; — © L., H. D. T. et Hug. — Le bon-heur tousjours au beau mitan (R. Franc. Merv. Nat., 198); par le fin beau mitan (Du Vair, 355, 20) ; avant qu'il soit venu au mitan de la course de ses pretensions (Camus, Divers., 1, 43 r°).
Moleste — * Nic, Cotgr.. Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Ce qui nous serait aussi moleste (Let. miss, de Henri IV, III, 825).
Monde — * Nic : mondifier c'est faire monde ou munde et net; Cotgr. : la conscience monde ; — © Mon., Rich.; — * Oud. Rech. et C. A. Oud.; — * L., H.D. T.;— © Hug.
Musser (se) — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; Rich. : se musser, vieux mot ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Qui plein d'estonnement, leve à peine le front, Qui se musse de peur (Monchr., Carth., 1, 1) ; S'estant musse' dans une roche (Dassoucy, Ov. en belle humeur, 134) ; Et chercherent pour se musser, Qui quelque rocher, qui quelque antre (Scarr., Virg., II, 70).
Naquel — * Nic, Cotgr., Rich. ; — © Mon. ; — + Oud., Rech., C. A. Oud.; —
* L. ; — © H.D. T. et Hug. — Les seigneurs ausquels vous servez maintenant de naquel (Gar., Doctr. cur., 458) ; Orphée et d'autres qui ne sont que des naquets auprès de luy (Costar, Let., II, 576) ; Sous la loy d'un naquel que le monde baffoüe (Sarraz., II, 153).
Naqueter — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. — * L. ; — © H. D. T. et Hug. — Je jure qu'il ne me fait que nacqueter (D'Ouville,
(D'Ouville, II, 128). Navigage — © Nic, Mon., Rich. ; —* Cotgr. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ;
— © L., H. D. T., Hug. — Si jamais ta faveur servit au navigage (Tristan
l'Herm., Vers héroïq., 218) ; L'heure veut qu'au havre où je tens, J'aille
finir mon navigage (Saint-Amant, II, 421) ; Deviendra propre au navigage
(Loret, 22 janv. 1661). Vice (= simple) — * Nic, Cotgr.. Mon. ; — + Oud., Rech. et C A. Oud.; Rich. :
vieux ; — Voir L., et H. D. T. ; — © Hug. — Quoy donc ! me croyez vous si
nice ? (Richer, Ov. bouffon, 309). Nocent — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech.,C. A. Oud., Rich.;— © L.,H. D.
T., Hug. — D'une illicite amour defend l'acte nocent (Rotrou, Saint-Genest,
III, 2 ; éd. pet. class., 1,201). Noiser — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.; — © L.,
H. D. T., Hug.; — cesse de noiser (de la Mothe, Trad. des Dial. de Vivès,
104 r°). Nouvelleté — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; —
© Rich. — * H. D. T., voir L. ; — © Hug. — (Persuadé qu'il) desseignoit
quelque nouvellelé (Astrée, II, 379). Nubileux — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr. ; — + Oud., Rech. et C. A.
Oud. ; — * L. ; — © H. D. T. et Hug. — Ceste région obscure et nubileuse
(Du Vair, 411, 22) ; pour la même raison qu'il tonne en temps nubileux
(Malh., 1,477). Nuitée — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C A. Oud. ; — © Rich. ; —
* H. D. T., voir L. ; — © Hug. — Ce sont, Père tres-doux, nos voeux pour
------------------------------------------------------------------------
138 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
la nuictée (La Mesnardière, Poès., 443); je reçoy le trépas comme une
autre nuictée (Id., ib., 372); elle y demeura la nuitée (Loret, 21 nov. 1654). Occision— * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C.A. Oud.;— © Rich.;
* H. D. T. ; voir L. ; — © Hug. — Occasion à grande occizion (Loret,
10 juill. 1655); il se fit trop d'occizion (Id.,15 juill. 1662). Oculé — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech. et C.A. Oud.; — © H.
D. T. et Hug. ; Voir L. qui cite J.-J. Rousseau. — Les escrivains sont
plus oculez que Homère (Gar., Rech. des Rech., 198). Ondeux — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., Rich. ; — * C. A. Oud.;— © L.,
H. D. T., Hug. — Les larmes de mes yeux par une ondeuse suite Coulans
dessus ma face (Mayn., I, 15). Opugner — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; —
© L., H. D. T., Hug. — Je n'ai pas d'exemple après Amyot.
Ord — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C A. Oud., Rich. ; — * H. D.T.; voir L. ; — © Hug. — Les bêtes les plus ordes et les plus vilaines (Malh., II, 80) ; quelque impudicité plus orde (Id., II, 647 et 671) ; sa vie extrêmement orde (Loret, 20 août 1651 ; cf. Id., 4 fév. 1651); leurs ordes babines (SaintAmant, II, 399).
Orgueillir — * Nic. ne donne que s'orgueillir, de même Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — © L., H. D. T., Hug. — Il est dans Hardy, Théag. et Ch., 8e j., III, 32, R.
Orne — © Nic, Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. —* Cotgr. ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Il faudra bescher une orne (Jard. fr., 167).
Palud, palus — * Nic, Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. : palu ;
— Rich. ne donne que :1e Palus Meotides. — * L. — © H. D. T. et Hug.
— Dans certains marêts ou palus (Loret, 1er oct. 1662).
Parentelle — © Nic, Mon., Rich.; — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Mesme sans la parentelle Ma maison je vous offrirais (Scarr., Virg., II, 218; cf. ib., I, 38, 104 ; II, 293); elle avoit une dent mortelle Contre toute la parentelle (Richer, Ov. bouffon, 298).
Parfournir — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.
— * L., voir H. D. T. ; — © Hug. — Cf. Maupas, 1638, 246.
Parlement — © Nic ; — Cotgr. : partiment ; — * Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — Rich. : vieilli.; — * L. ; — © H. D. T. et Hug. — Que vous ai-je fait que vous souhaitiez que mon retour soit de pire condition que mon parlement (Malh., II, 207 ; cf. I, 157 ; III, 4) ; à la veille de mon partement (Voit., Let., Uzanne, I, 101; cf. Théoph., 1,65 ; Rec. des plus beaux vers, Nettayer, 1638, 214); c'est parler inutilement De vous dire, à ce parlement, De mon regret la violence (Racan, I, 227) ; Amour que vostre jeune orgueil Menace de mettre au cercueil N'attend que vostre partement (Tristan l'Hermite, Vers héroïq., 267); à ce parlement qui m'alarme (Brébeuf, Poés. Div., 310; cf. Loret, 12 déc. 1654; 29 janv. 1656).
Péneux, peineux — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. — * L., H. D. T. ; — © Hug. — je le rendis aussi pesneux qu'un fondeur de cloches (Sorel, Polyand., II, 327).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 139
Pennage — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Elles ont toujours leur pennage lis (Fr. de Sales, VI, 103).
Penne (= plumage) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; —* L., H. D. T. ; — © Hug. — Ce fut en ce temps qu'il reprit la devise qu'il avoit portée durant tous ses voyages, d'une penne de geay voulant signifier: peine j'ay (Astrée, 1, 45 B).
Pertuiser — *Nic, Cotgr. ; — © Mon. Rich., ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Espargne ce qui est pertuisé (R. Franc., Merv. nat., 589); les tuyaux de ses plumes estans pertuysez (Sorel, Polyand., II, 205).
Perturber — * Nic., Cotgr., Mon., Oud., Rech, et C. A. Oud.; — © Rich.
— © L., H. D. T., Hug.— Le roy dit, l'âme perturbée (Scarr., Virg., II, 207) ; Dont son esprit fut perturbé (Richer, Ov. bouffon, 420 et 398).
Poilu — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — * L.;
— © H.D. T. et Hug. — Suis-je pollue de quelque crime ? (Fleurs d'Eloq. franc., 1615, 15) ; tes bras pollus et sacrileges (Ib., 13 bis) ; Il renonça au siècle, aux honneurs périssables, Les regarda comme poilus (Corn., IX, 580) ; au tombeau poilu (profané) (Scarr., Virg., 1, 200 ; I, 350 et Loret, 16 janvier 1655).
Prépostérer — © Nic, Mon., Rich. ; —* Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ;
— © L., H. D. T., Hug. — Et qui veut faire bien, Ne doit l'ordre establi preposterer en rien (Montchr., Aman, 1, 1).
Pristin — © Mon., Rich. ; — * Cotgr., Nic : pristine — + Oud., Rech. et C. A. Oud. : pristine ; — © L., H. D. T., Hug. — Leur pristine faveur (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 518).
Privance — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * H. D.T., voir L. qui cite Saint-Simon. — © Hug. — Seigneur de la plus grande privance du roy (Hist. admir. d'un favory, 1622, V. H. L., I, 97).
Proditeur — * Nic, Cotgr. ; — + Oud., Rech. et C. A, Oud. ; — Mon. ne donne que prodition. — © Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Ils estoient tous des proditeurs et traitres à leur patrie (L'Est., Journ. Henri III, 223).
Profondité — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.
— © L., H. D. T., Hug. — Si j'osois vous descouvrir la profondité de nos saints misteres (Astrée, II, 542) ; non pas sans incommoder la profondité de ma pensée (Pont-Breton des Proc, 1624, V. H. L., VI, 277).
Profus — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * L. ; — © H. D. T. et Hug. — Visiblement charmé de te voir si profus (Loret, Poés. burl., 136); de ce banquet grand et profus (Id., Gaz. 9 fév. 1658 ; 16 juill. 1651 ; 14 déc. 1658).
Progeniteur — * Nic, Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Mon., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug.
Provident — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © H. D. T., Hug. — Voir L. — Quand son oeil provident rit à tous nos souhaits (Rotrou, Saint-Genest, V, 6, 1,244) ; Le soin provident (Id., Sosies, II, 3).
Psallette (— lieu où l'on exerce les enfants de choeur) ; — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Ayant ren-
------------------------------------------------------------------------
140 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
contré dans une psallette de bons enfants de choeur (Gantez, Entr. des Mus., 90).
Purpuré — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud. ; tous donnent purpurin, — © Rich. — © L., H. D. T., Hug. — Ces fleurs sont vermeilles ou purpurées (R. Franc., Merv. de Nat., 256) ; qu'il n'ait la veste purpurée (Loret, 5 nov. 1651).
Radresser — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.
@ L., H. D. T., Hug. — Un ange me radresse (Rotrou, Saint-Genest, IV,
7, 1, 227 ; cf. Id., ib., V, 5, I, 243) ; Malh. emploie radresse au sens de redressement (ce qui remet dans le droit chemin) ; Des coupeaux de rocher de qui la hauteur étoit la radresse des mariniers (II, 729).
Ravigorer — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — © L., H. D. T., Hug. — Par les doux entretiens duquel peut-être ma chétive âme se pourra ravigorer (s. Chantai, Let., 239, p. 347) ; pour les revigorer (Jard. fr., 160).
Recamer — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech. et C, A. Oud. ; — © L., H. D. T., Hug. — Robbe d'or recamée en belle variété (Fr. de Sales, Am. de Dieu, II. 6, éd. 1610) ; on dit aussi recamer, c'est-à-dire broder et ce mot vient de l'Hébreu, car Racam vaut autant à dire que Recamer, peindre à l'éguille et à la soye (R. Franc., Merv. de Nat., 337).
Rechigneux — © Nic, Cotgr., qui donnent rechignard ; — © Mon., Rich. ; — Oud., Rech. donne rechignard, et C. A. Oud. les deux; — © L., H. D. T., Hug. — Ce n'estoit plus ce vieillard rechigneux (Gar., Doctr. cur., 929) ; une femme importune et rechignarde (Chapel., Guzm, d'Alf., III, 516).
Reciprocation — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — * L., H. D. T. ; — © Hug. — De là vient une mutuelle reciprocation d'affection (Godard, L. fr., 30) ; Le bienfait et la revanche ont une reciprocation qui n'est point en un homme seul (Malh., II, 147) ; Et tu n'as pour ma passion Nulle reciprocation (Loret, Poés. burl.; 163).
Recommandaresse — * Nic, Cotgr. ; — © Mon. ; — * Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; —* L., H. D. T.; — © Hug. — Servantes, recommanderesses, nourrices (V. H. L., II, 237) ; il faut aller aux recommandaresses (Ib., III, 107).
Recordation — * Nic, Cotgr. ; — © Mon., Rich. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — * L. ; — © H. D. T., Hug. — Comme la mémoire de ce personnage vous est fort chère, vous désiriez de la rafreschir par la recordation d'une si belle fin (Du Vair, 406, 11).
Relent (adj.) —* Nic, Cotgr., Mon., C. A. Oud., Rich. ; — Oud., Rech, ne donne que le substantif. — © L., Hug. ; —* H. D. T. — Cette tombe relante (Astrée, 1, 375 B) ; au creux de ma tombe relente (Ib., II, 717) ; ils sentent je ne sçais quoi de relent (Malh., IV, 74 ; cf. Id., II, 189) ; Errez durant la nuict par les tombes relantes (La Mesnardière, Poés., 130 ; cf. Richer, Ov. bouffon, 501, 196).
Remhellir — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C.A. Oud., Rich. ; — © H. D. T.,Hug. ; — L. cite un texte du XVIIIe siècle. —Avoir tant faict rembellir nostre Eglise (Sorel, Berg. extr., I, 44).
Remembrance — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — Rich. : fort vieux ; — * L., II. D. T., citent La Font. ; — © Hug. — Hier, on fai-
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 141
zoit remembrance (Loret, 15 mai 1660) ; Toute remembrance ou fabrique De la Défunte République Est en mépris continuel (Id., 7 oct. 1656; 10 mai 1659 ; 22 mai 1660 ; 16 oct. 1660). Remembrer (s'en)—* Nic, Cotgr. ; — © Mon., Rich. ;—* Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © L., Hug. ; — voir H. D. T. — Si bien je m'en remembre (Loret, 7 déc. 1658) ; si ma Muze bien s'en remembre (Id.,18 janv. 1659 ; cf. 22 nov. 1653).
Renchûte — * Nic, Cotgr. ; — © Mon., Rich. ; — * Oud., Rech., et C. A. Oud.; — © L., H. D.T.,Hug.
Rencliner — © Nic., Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug.
Renfondrer (= recreuser) — * Nic, Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Mon., Rich. ; — © L., Hug. ; — * H. D. T. — Renfondrement est encore dans Almah., V, 1640.
Rengréger (se) —* Nic Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; Rich.: rengrégé. — Voir L., H. D. T., Hug. — Le déplaisir du médecin qui voit rengréger une maladie dont il a trop hardiment espéré la guérison (Malh., IV, 225) ; en se rengrégeant quelque jour (Loret, 14 déc. 1652).
Reste (à toute) — © Nic, Mon. ; — * Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — *L., H. D. T. ; — © Hug. — Mlle de Gournay disait que la locution était employée par les meilleurs écrivains (O., 591).
Rescourre — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — © L., H. D. T., Hug. — Pluzieurs fainéans ramassez, Dont cette ville abonde assez, Avoient dessein de le recourre (Loret, 5 av. 1653, 115 ; cf. 18 août 1650, 78).
Retardation — © Nic, Cotgr., Rich.; — * Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — * H. D. T. ; — © Hug. — Voir des ex. du XVIIIe s. dans L. — La retardation Qu'on fait de son élection (Loret, 29 juin 1658).
Retivé — * Nie, Cotgr., Mon., Oud.,Rech. et C. A. Oud.; — © Rich.; — © L.,
H. D. T., Hug. Riolé piolé — * Nic : riolé piolé il pense que la forme riolé est la vraie ;
Cotgr., Mon., Rich. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — * L. ; — © H.
D. T. et Hug. — De petits riole-piolez qui peuplent infiniement (R. Franc.,
Merv. de Nat., 257) ; d'habits riolez, piolez (Loret, 3 juill. 1655 ; cf. Richer,
Ov. bouffon, 32). Rongeard — © Nic, Mon., Rich. ; —* Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud.; —
© L., H. D. T., Hug.— Il n'y a rien en ce monde que le temps rongeard
et la vieillesse ne consume (Tabar., II, 65).
Salisson — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — * H. D. T. ; voir L.; — © Hug. — Il faut retirer quelque" salisson pour en former une servante (Pasq. de la Court, V. H. L., III, 270).
Satiable — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Ma curiosité est si mal satiable (Peiresc, Let. à Dup., 1, 383).
Sauveté — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © Rich. — Voir L., H. D. T. ; — © Hug. — Ils sont en lieu de sauveté (Malh., II, 582) ;
------------------------------------------------------------------------
142 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
mener à sauveté (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 266) ; hors de la ville, en sauveté,
(Scarr., Virg., II, 112) ; voyans en sauveté leur ville (Loret, 1er sept. 1657). Signifiance — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; —
L. cite l'ex. où Molière le met dans la bouche d'un paysan (Mol., Don Juan,
II, 1) ; — © H. D. T. et Hug. Seigneurier — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; —
© L., H. D. T., Hug. — Hardy, Alcm., III, IV ; V, 419, R. Simpliste — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; —
* L. ; — © H. D. T. et Hug. — Qui la font nommer par les simplistes Le petit Montpellier (Délices de Camp., 191).
Solu — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech,, et C. A. Oud.; —
© L., H. D. T., Hug. — De vivre en état solu (Scarr., Virg., 1,274) ; cf. deux
vers plus loin : Après avoir été solue. Songeard — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; —
© L., H. D. T., Hug. — Dieu toujours songeard et dormant (Loret, 4 mars
1662) ; Ma Muse quelquefois songearde (Id., 21 déc. 1652). Souef— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ;— © Rich. — © L.,
H. D. T., Hug. — Une paste de musc fort souefve (R. Franc., Merv. de Nat.,
268) ; on sent une odeur souefve et agréable de musc et d'ambre (Coméd. des
Coméd., A. Th. Fr., IX, 241). Souefveté — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C.A. Oud. ; — © Rich. —
© L., H. D. T., Hug. — En beauté, souefveté, variété (R. Franc., Merv.
de Nat., 256); cf. : une après disnée que je dormois fort souefvement (Chapel.,
Guzm. d'Alf., III, 475). Soulas — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ;—Rich. : burlesque ;
— * H. D. T., voir L.; — © Hug.; — Corneille l'a corrigé en 1660, voir I, 199 et 1, 461. — J'en jure vos douceurs qui sont tout mon soulas (Astrée, II, 224) ; mon soulas (terme d'amitié, Segrais, Nouv. fr., 2e nouv., 284). — Il devient familier et burlesque,: mon unique joye et soulas (Scarr., Virg., 1, 177) ; en joye et soulas (Loret, 29 mars 1659 ; 26 août 1656 ; 6 oct. 1657).
Suasoire — © Nic ; — * Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich.— L.cite Balzac et H. D. T. Scarr. ; — © Hug. — Cette harangue suasoire (Scarr., Virg., II, 68).
Superficiaire — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; —
* L. ; — © H. D. T., Hug. — L'escorce de pin est excellente pour les ulceres superficiaires (R. Franc., Merv. de Nat., 404).
Suppediter — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud:, Rech. et C. A. Oud.;
— ©L., H. D. T., Hug.— Un tel roy qui en l'aage de 20 ans a suppedité les rebelles (Caq. de l'Ace, 260).
Surfondre — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © L., H. D. T., Hug. — Les surfondant avec du vinaigre (R. Franc., Merv. de Nat., 325).
Taisible (= tacite) — © Nic, Mon. qui donnent taisiblement, Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © L., H. D. T., Hug. — Nous contractons une taisible société (Du Vair, 391, 18-19).
Tanson — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Nic, Mon., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Hardy, Mar., V ; II, 488, R.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 143
Tard (adj.) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ;
— © L., H. D. T.,Hug. — Bardy, Bel. Eg., V, 5 ; V, 286, R. ; cf. : Soit bon matin, soit heure tarde (St-Am., II, 78).
Tedieux — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug.
Tepidité — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. — L., H. D. T., Hug. citent le même ex. de Corn.. Im., 1, 11. — Dieu mesme sera traitté et gardé avec indevotion, irreverence, tepidité (Camus, Divers., 1, 345 v°).
Tordion — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. ; — et par de certains tordions (Scarr., Virg., II, 11 et 12) ; fit mille tours et tordions (Richer, Ov. bouffon, 460).
Touzer — * Nic : Usez des formules de tondre; Cotgr., Mon. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Il se fait plus souvent touzer. Le vray mot, pourtant, c'est raser (Loret, 23 juill. 1651 ) ; De son chef tous les mois touzé (Id., 29 avril 1656 ; 27 oct. 1657).
Trac — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.;— © Rich. ; — * L., H. D. T. ; — © Hug. — Et le trac le mena droit au pied de l'arbre (Astrée, I, 104 B) ; ceux qui suivent le trac de la vertu (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 506 ; cf. Id., ib., III, 39) ; Monsieur de Polignac, Qui des vertueux suit le trac (Loret, 15 avril 1662, 93-4).
Trepelu — © Nic, Mon., Rich. ; — * Cotgr. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ;
— © L., H. D.T ., Hug. — Un beau chevre-pied trepelu (Dassoucy, Ov. en belle hum., 134).
Vaunèant — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. — © L., H. D.T. Hug. —Tous discours de faquins et devauneans (L'Est., Journ. de H. III, 292, 2).
Vefvier — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich. ; — © L., H. D. T., Hug. — Voyant son père vefvier pour la seconde fois (Hist. admir. d'un favori, V. H. L., I, 98).
Vegetable — © Nic., Mon. ; —* Cotgr., Oud., Rech., C. A. Oud., Rich.; —
* L., H. D. T. ; — © Hug. — Si des sujets inanimés nous passons aux vegetables (de Grenaille, La Mode, 17).
Vermolissure — * Nic, Cotgr., Mon.; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; — © L., H. D. T. et Hug. — La racine est caustique, et bruslante, sujette à vermolissure (R. Franc., Merv. de Nat., 262).
Villette — *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © Rich. ; —
* H. D. T. ; voir L. ; — © Hug. — Combien de villettes et de bourgades (Malh., Tite-Live ; 1,427); en une villette d'Andalouzie (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 133) ; Blumorris est une villette (Loret, 30 août 1659, 139).
Vilotter — * Nic, Cotgr. ; — © Mon., Rich. ; — + Oud., Rech. et C. A. Oud. ;
— © L., H. D. T., Hug. — Ou il faut que l'on aille vilotter (Resp. des Serv., V. H. L., III, 104).
Voisinance — © Nic ; — * Cotgr., Mon. ; — © Oud., Rech,, C. A. Oud., Rich. ; — * H. D. T. ; voir dans L. un ex. d'une lettre de Louis XIV à Cromwell ; — © Hug. ; — bonne voisinance (P. Cayet, Chr. Sept., 7, col. 2).
------------------------------------------------------------------------
144 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Rien n'est plus aisé que d'allonger cette liste. D'abord on trouvera dans certains travaux modernes, par exemple dans la Thèse de M. Rigal sur Hardy, une liste d'archaïsmes relevés chez l'auteur. Des ouvrages anciens permettent aussi d'apercevoir pour ainsi dire du premier coup d'oeil toute une série de mots disparus. Oudin, dans la partie française des Recherches, marque d'une étoile ce qui est antique et hors d'usage 1 : Aorner, abrier, accolerette, s'accoter, accresté, accul, acerbité, acoursier, addouber, adestrer, s'adjourner, affoler, affrontailles, affrontement, affubler, aggreger, s'agrouper, aux aguets, d'aguet, ahan, s'aheurter, ajoliver, aire, aisements, aissils, aluté, amatir, amignarder, s'ammignonner, amplier, amusoire, anate, ancelle, angourie (= melon d'eau), annombrer, s'annonchalir, antiphonnier, aousteron, apenser, apercher, s'aplomber, s'apoltronnir, appalir, s'apparesser, appariation, apparoissance, appertise, applausement, arbuster, argenteux, argolet, armaire, aronde, s'arroller, arroy, asservagir, ast, attenurir, attremper, avant-cour, auhain, aubour, aumosner, averlan, avertin, s'aviander, avictuailler, avier, avigourir.
Et le travail, facile à faire, qui consisterait à relever ces indications, ne serait pas vain, car on est surpris de trouver marqués de l'étoile : acariâtre, accelerer, accroissance, acuité, adaptation, alourdir, alpestre, altercation, alterner, alveole, ambulatoire, aménité, amputation, amputer, anguleux, annichiler, s'arroger, arroser, assermenier, assertion, assimiler, assimilation.
Tout cela parmi les mots commençant par A !
Une étude comparative faite sur des dictionnaires différents et surtout sur des textes de même nature, mais de plusieurs époques successives, serait plus significative encore.
C'est seulement quand on aura systématiquement mené cette étude jusqu'au bout qu'on pourra mesurer les pertes subies alors par le lexique français. Mais dès maintenant on peut dire que si un assez grand nombre de mots devaient mourir à cette époque, puisque c'est là un fait normal de la vie des langues, même abandonnées à elles-mêmes, la proportion ordinaire du déchet a été beaucoup dépassée. La faute en est a ceux qui avaient créé cet état d'esprit qui faisait considérer un mot un peu vieilli comme capable de nuire à l'écrivain qui oserait s'en servir et tenterait de le sauver.
1. Il est utile d'ajouter que l'étoile signale aussi des mots qui sont nouveaux, ou trop latins, ou vulgaires : affiquets, affres (vulg.), adjuration, arable (lat.), apparat, atterrassement (nouv.). Il faut donc manier l'instrument avec certaines précautions.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 145
MOTS QUI PERDENT UN OU PLUSIEURS SENS ANCIENS
A, Le sens ancien est proscrit par un théoricien 1.
Bénéfice (= bienfait) — (Malh., IV, 267, et Doctr., 326). Cf. beneficence.
Chef (= tête) — condamné à cause du chef Saint-Jean (Gourn., Adv., 637). L'A. n'accorde pas qu'il soit vieilli (Corn., XII, 486) ; * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C.A. Oud. — Il est dans Racan, II, 292, mais devient bas et burlesque (Scarr., OEuv., 1,294 ; Loret, 21 fév..1654, 37, 5 déc. 1654,19, etc.).
Cohorte — proscrit (Gourn., O., 958, Adv., 637); * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. — C'est sans doute le sens imagé qui déplaisait, et non le mot. Rich. dit : Ce mot pris burlesquement veut dire une troupe de monde.
Contourner (les yeux)— mauvais mot (Malh., IV, 404); * Nic, Cotgr., Mon. Oud., Rech. et C.A. Oud. donnent le mot, mais sans indiquer expressément ce sens.
Convertir (= changer) — suivant Mlle de Gournay, quelques-uns de la nouvelle Ecole se consultaient si on pouvait dire « convertir la tristesse en joie ", alléguant que cette diction convertir est affectée à l'amendement d'une vie. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C.A. Oud. — Il resta classique. Voir L. et H.D. T. ; Il veut que sa houlette, en sceptre convertie, Rende des factieux la discorde amortie (Racan, II, 212) ; Il sut, ainsi que vous, convertir en fumée L'orgueil des ennemis, et rabattre leurs coups (Corn., X, 32).
Courroucé — vieux au propre, fort bon au figuré (Vaug., II, 78). * Nic, Cotgr., Mon. ; — Oud., Rech. et C. A. Oud. donnent l'infinitif.
Courtisane (adj. = de la Cour) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ;
— © H. D. T., Hug. ; — voir L. — Balzac plaisante le Père *** qui emploie courtisane dans le sens de femme de la Cour, et applique ce mot à Livie (Socr. chr., II, 261). On en trouve encore des exemples : (La vertu...) se masque et devient courtisane (Régn., Sat., V); ame double et profane, Et, pour tout exprimer en un mot, courtisane (Mairet, Sylvie, éd. Marsan, v. 1049). Mais c'est le sens moderne qui prévaut : Les Courtisanes qu'on appelle en Italie de ce nom, exercent leur mestier comme feroit une couturière le sien (d'Ouv. Contes, 1, 272).
Dépendre (= dépenser) — blâmé par Malh., IV, 290 ; cf. à la Morphologie. * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. — Commun dans l'Asirée, 1,271 A, 261 B. Cf. Gar., Doctr. cur., 902, 995 ; Racan, I, 16 et Malherbe lui-même, 11,331, 439, etc.. Se retrouve chez les burlesques (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 148).
Dévol (= vénérable) — corrigé par Du Perron, dans l'oraison funèbre de Ronsard, éd. 1611, p. 14. — © Nic, Cotgr., Mon.. Oud., Rech. ; C. A. Oud. ;
— © H. D. T., Hug.; — L. cite Montaigne.
Doléance (= douleur) — corrigé par Malherbe, IV, 264.— © Nic, Cotgr., Mon., Oud.,Rech.;— + C. A. Oud.— Car il mourut cinq jours après, Comblant de pleurs et de regrets, De tristesse et de doléance, Tout Paris, la Cour et la France
1. Les signes © et * indiquent ici que ce sens est ou n'est pas donné par un lexique. Histoire de la Langue française. III. 10
------------------------------------------------------------------------
146 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
(Loret, 17 mars 1657, 25) ; Dès hier, le sort fut finy De Madame de Manciny, Dont, sans mentir, la cour de France Témoigne grande doléance (Id., 30 déc 1656,103 ; cf. 16 mai 1654, 125 ; 20 oct. 1657, 8 ; 23 sept. 1662, 117).
Durer — ne signifie pas ce que signifie le durare des Latins (Malh., IV, 462 ; cf. IV, 289). — Il ne pouvoit durer ny couché ny debout (Chapel., Guzm. d'Alf., II, 106). Voir L. durer 6°.
Durer inhumaine — est également blâmé (Malh., IV, 307). C'est sans doute à la construction que se rapporte cette critique.
Endurer de la souffrance — blâmé par Malherbe (IV, 362). On se demande pourquoi. C'est une expression usitée depuis le XIe siècle.
Étrange (= étranger) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. Mais Vaug. dans une remarque non publiée (II, 427), faisait la distinction moderne, et défendait qu'on dît : pays étranges. — Les nations étranges (Du Vair, 346, 41) ; Tu m'as dans Sion sauvé des ennemis Comme aux terres estranges (Racan, II, 156 ; cf. II, 359) ; ne soiez non plus estrange que si vous estiez chez vous (Sorel, Polyand., II, 338) ; Mais, étant d'étrange lignage (Loret, 21 mai 1651, 93).
Humilité — ne peut, suivant Vaugelas, se dire qu'au sens chrétien, et ne peut signifier ni modestie, ni déférence envers ses supérieurs (1, 373). Le sens de modestie est encore donné par Nie, Cotgr., Mon., Oud.,.Rech.et C. A. Oud.
Imaginations — condamné par la nouvelle École qui ne veut que pensées (Gourn., O., 959 ; Adv., 638). Est-ce Malherbe que vise ici Mlle de Gournay ? C'est douteux, car le mot revient très souvent avec ce sens dans le Cre sur Desportes (IV, 276, etc.).
Fier (= méchant, farouche) — souligné par Malherbe dans Desportes, Am. d'H. st., f° 99 v° (cf. Doctr., 324). Ce sens est donné partout et se retrouve chez les classiques (voir L. et Hug.).
Honte (= pudeur) — L'A. blâme dans le Cid : Epargne ma honte (Corn., XII, 495) ; cf. Vaug., II, 320.— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech.; — Cf. vergogne. Ce sens se retrouvera encore chez Chevreau, Avoc. duppé, 1,2: Et vous serez perdue, ayant perdu la honte, Tout mal doit arriver à qui n'a plus d'honneur.
Meurtrir (— tuer)— Malh., IV, 472. Cf. Doctr., 325. — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech, et C. A. Oud. — J'ay meurtry, j'ay volé, j'ay mes voeux parjurez (Régn., El., IV) ; Luc dit s'estre evertué A meurtrir les infidèles, Mais je croy qu'il n'a tué que le temps et les chandelles (Saint-Am., II, 70) ; pour meurtrir un rai débonnaire (Loret, 10 janv. 1654,174 ; cf. 14 déc. 1652, 87; 3 janv. 1654,201 ; 5 juin 1655, 148).
Milice — Serisay l'emploie pour aviver la colère de Mlle de Gournay dans la Com. des Acad., III, 2 : On observoit aussi les loix de la milice, Mais ne les gardant point, il ne faut point de los. — Monsieur, tout alloit bien du temps de ces vieux mots. — © Nic. ; — * Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.
Offenser — n'a pas le sens de offendere. La douleur n'offense point, elle afflige, tourmente, trouble;... une injure, une mauvaise parole offense (Malh., IV, 301 et 3051. C'est un sens tout commun au XVIe siècle.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 147
Partir (= diviser, répartir) — noté par Malherbe (IV, 398). — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. — Ne croyez point que je veuille avoir à partir avec quelque autre (Astrée, I, 48 B) ; quand les opinions se trouvent parties (Malh., II, 628) ; Comparez : Le courretier partissoit au gasteau (= avoir part à, Chapel., Guzm. d'Alf., III, 344, cf. 493).
Raviver (un flambeau) — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 954 ; Adv., 635). — * Cotgr., Oud., Rech.; — © Nic, Mon., C. A. Oud.;— © Rich.
Sonneur (= poète) — proscrit par la nouvelle École (Gourn., 0., 958 ; Adv., 637). — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. — Colletet (en tête de l'Ec. de Sal.en v. burl): Auprès de ce docte sonneur Scarron, dont le style burlesque Du sérieux fait du grotesque.
Temperature (= temperament) — est dans Amyot et Malherbe, mais ne se dit plus (Vaug., I, 153). Ce sens est dans Ni, Cotgr., Mon., Oud., Rech.
B. Le sens ancien tombe en désuétude, sans être condamné par les théoriciens. Voici quelques exemples parmi des centaines :
Adresser (= dresser, redresser) — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et
C. A. Oud. (cf. radresser). L., H. D. T. citent Pascal : adresser, des embûches. — © Hug.
Agencer, s'agencer (= parer, attifer) — * Nic. : decorare, Cotgr. : to dress, Mon. : capillum componere. — * L., H. D. T. ; — © Hug. — On a beau s'agencer et faire les doux yeux (Régn., Sal., XIII, 91) ; Dorinde desireuse d'estre remarquée, ne faillit de s'ageancer de tous les meilleurs artifices... (Astrée, liv. IV, II, 228 ; cf. ibid., 734); quoy que je me fusse efforcé D'estre vu là bien agencé (Scarr., OEuv., 1, 359).
Apologue (= apologiste) — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — © L., Hug. — Voir H. D. T. — Un des traducteurs du Tasse qui a choisi pour son apologue le Prince de Conty (D'Aubigné, OEuv., II, 236).
Carrossier (= cocher)— *Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. ; — © C.A.Oud.; — © L. — * H. D. T., Hug. ; — Le carrossier mesme étoit honteux des indignités que l'on commettoit en sa personne (Gar., Mémoires, 93).
Censer (= compter) — © Nic, Mon. ; — * Cotgr. ;— © L.; — * H.D.T. cite Saint-Simon. — © Hug. Cf. recenser. — Quiconque déserte un parti doit être censé parmi les apostats (Dub. Mont., Ex. P., 10) ; sans qu'il puisse désormais plus être censé parmi les membres du Tiers Etat (Id., ibid., 4).
Débaucher (= déranger) — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © L., H. D. T., Hug. — Débaucher le balancier (d'une horloge) (Du Vair, 373, 2) ; les organes et instruments, lesquels estant détraqués et débauchés (Charron, I, 14) ; il prit tant d'eau et se desbaucha tellement l'estomach qu'il lui en vint une forte fièvre (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 268) ; Le rabillage est de grand frais Lorsque la Montre se débauche (Bensserade, Bail, de la Naiss. de Vénus, 1re Entrée, Convers. des Néréides, Mme de Rochefort Heure).
Démarcher (— marcher, reculer) — * Nic : pedem referre, faire — gradu movere ; Cotgr., Mon. : reculer, ne démarcher d'un travers de doigt; C. A.
------------------------------------------------------------------------
148 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Oud. — © Oud., Rech. ; — © L., Hug.; — * H. D. T. cite d'Aub. — Il faudrait bien à ceste heure de semblables reproches pour me faire démarcher d'un pas Astrée, I, 251 B ; cf. Peiresc, Let., à Dup., I, 509).
Departir (se) (= quitter) — * Nic : emigrare, Cotgr. ;— © Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud.; — © L.,H.D. T., Hug. — Comment m'avez-vous fait cela de vous départir d'ici sans m'en dire un petit mot (sr Chantal, 1. 123,176) ; Que s'il ne se départ D'une place chez nous par surprise occupée (Corn., I, 454, Veuve, 1082)1.
Détraquer (= déranger de son chemin) — * Nic. : detraquer aucun de sa façon de vivre; Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C A. Oud. ; — © L., Hug.; — * H. D. T. cite Richelieu, 1619. Cf. : Elles se sont desfigurées et detraquées du chemin que la nature leur avoit tracé (Du Vair, 372, 5).
Discrétion (= discernement) —* Nic, Mon., Cotgr., Oud., Rech. et C.A. Oud.; — © Hug.; — * voir L. qui cite Bourdaloue.— Si la discrétion et vaillance du très chrestien... roy ne l'eust garantie (P. Cayet, Chr. Sept., 7) ; Je ne sais ce qu'il veut dire, mais je le devine par discrétion (Malh., IV, 255).
Douter (= redouter) — Monet ne donne que doute = crainte. * Nic, Cotgr.; — © L., H. D. T., Hug. — Ce que vous doutez qui vous advienne vous adviendra (Malh., II, 354 ; cf. autre exemple dans la même page) ; n'y a rien à douter tandis que vous demeurez dans la totale dépendance de sa providence (sr Chantal, let. 184, p. 262); j'ai lieu de douter, Qu'il n'ait, s'il faut tout dire, ordre de l'arrêter (Corn., VII, 507, Sur., 1059).
Driller (= briller)—* Nie, Cotgr., Mon., Oud., Rech. ; — © C. A. Oud. ; — © L., Hug.; —*.H. D. T. — Comme le fer, qui dessous le feu drille et flamboyé (R. Franc., Merv. de Nat., 179).
Fantastique (= fantasque, fou)— * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C.A. Oud.; — * L.,H.D.T., voir Hug. — (Ronsard) avoit le cerveau fantastique et rétif (Régn., Sal. IX) ; je pensois qu'il n'y eust que ce fantastique (fou) Sylvandre qui deust avoir cette opinion (Astrée, II, 435).
Lame (= tombeau) — * Cotgr., Mon.; — © Nic, Oud., Rech.; — * L. ; — © H. D. T. et Hug. — Pour le repos de sa belle ame, Depuis qu'il est sous une lame (Loret, 15 janv. 1656, 165).
Magistrat (= magistrature,fonction) — * Nic ; — © Cotgr., Mon., Oud., Rech., el C.A. Oud.; — © L.; voir H. D. T. et Hug.— Prenez le cas que, pour arriver à quelque magistrat, il m'ait fallu racheter 10 prisonniers (Malh., II, 180) ; Et dans les magistrats parents fourrent parents (Espadon Sat., 17) ; Les honneurs sont rendus au plus ambitieux, Les magistrats donnés aux plus séditieux (Com:, III, 407, Cinna, 512 var., il corrige en 1660 : l'autorité livrée aux plus séditieux).
Mestier (= besoin) — * Cotgr. — Nic et Mon. donnent la locution si mestier est. — © L., H. D.T., Hug.
Monopole (= complot) — * Nic, Cotgr., Mon.., Oud., Rech., et C. A. Oud. — © Rich. — vainqueurs des monopoles (Racan, II, 255, cf. 161); pour les engager (les religionnaires) dans leurs monopoles (Dubos Mont., Ex. P., 14).
Mouvoir (— faire naître) —* Nic : mouvoir procès, Cotgr., Mon., Oud., Rech.; — 1. Chevreau relève départie dans Malherbe Rem. s. Malh, 9).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS VIEUX 149
© H. D. T. et Hug.; — voir L. — Bary mentionne qu'on dit « sans mouvoir à Pompée une guerre » avec le sens de sans susciter, et que Coeffeteau en use (Rhet. fr., 1633, 246).
Nativité (= naissance, en général) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; —* L., H. D. T. ; — © Hug. — Ne déteste l'heure de sa nativité (Du Vair, 352, 33) ; quand nous célébrerions leurs nativités (Malh., II, 501) ; La nativité de J.-C dans la pauvreté (Corn., VIII, 351 ; Imit., III, note 1); d'un beau petit fils accoucha Dont la nativité... (Loret, 24 janv. 1660, 100 ; cf. 19 nov. 1661,118 ; 29 avril 1662, 45).
Offenser (= attaquer) — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. ;— Marc-Antoine occuppé à se défendre et à offenser, ne print garde à ce qu'elles avoient dit. (d'Audig., Six nouv., 87) ; Qui le fer en la main le viennent offenser (Malh., I, 6; cf. au Lex.) Le sens de blesser survivra longtemps. Cf. Hug.
Parfumer (= fumer à outrance) — * Nic : fumigare et fumificare, Cotgr., Mon. et C.A. Oud.; — © Oud., Rech.;— © L., H.D. T., Hug. — Son estude est aussi seiche qu'une langue de boeuf parfumée (Caq. de l'Acc, 187).
Passionner (se) (= se tourmenter) — * Nic, Cotgr., Mon. : immoderatius animo conturbari, C.A. Oud. — © L.,H. D. T., Hug. — Vaugelas blâme passionner qq. c. dans le sens de l'aimer avec passion (Vaug., 11,33). — Il reçeust les nouvelles asseurées du naufrage sans se passionner autrement ny faire le malade (Har. de Turl., V. H. L., VI, 51-52). Cf. Passionner son ame et s'emmaigrir de peine (V. H. L., IX, 76).
Pendre (= suspendre, fig.) — © Nic, Cotgr., Mon. ; — © L., H. D. T., Hug.— La Fortune les a pendus entre la crainte et l'espérance (Du Vair, 334, 38).
Pie (= pieux; resté dans oeuvre pie) — © Nic, Mon. ; — Cotgr., Oud., Rech. et C.A. Oud.; — © L.,H. D.T.,Hug. —Elle fait mine d'estre pie et religieuse (Du Vair, 344, 6) ; sous des aparences pies (Loret, 23 mars 1658, 113) ; s'il étoit rigoureux ou pie (Id., 30 janv. 1655, 33).
Pontifical (en grand pontificat = avec pompe)— © Nie ; — * Cotgr.,Mon. : pontificii apparatus more, en pontificat = en appareil de pontife. — * L.; — © H. D.T.,Hug. — Et six langues de boeuf qui, depuis mainte année, en grand pontifical ornoient sa cheminée (St.-Am., 204).
Recueil (= accueil) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C.A.Oud.; — © L., H. D. T., Hug. — A peine sceut le seigneur de Bentivogli respondre à une si douce salutation, ny à un recueil si courtois (d'Audig., Six nouv., 137).
Retourner de (= revenir de) — * Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud. ;— © L., H. D. T., Hug. — Marc-Antoine retournant alors de sa pasmoison (d'Audig., Six nouv., 95) ; Corneille l'a corrigé en 1663 au vers 1104 de Cinna : à peine du palais il a pu retourner (III, 433 var. ; cf. IV, 89). Cf. Loret : Quelqu'un retournant de la Cour (24 oct. 1654, 183); et Racan, I, 153.
Réussir (= devenir, avoir une issue) — © Nic, Mon.; — * Cotgr., Oud., Rech. et C.A. Oud.; — © H.D. T., Hug.; Littré n'en cite plus d'exemple après Lanoue. Il reüssit un des bons Chevaliers de son temps (Astrée, 1, 39 A); Si l'ouvrage réussit un peu long (Chapel., Let. à Bois Robert, 20 juil. 1639).
Roule (= déroute) — © Nic ; —* Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; — 9 L., H. D. T., et Hug. — Pompée sera mis en roule (Malh., II, 548).
------------------------------------------------------------------------
150 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Sanguinaire (= sanglant) — © Nic, Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud.; — * Cotgr. ; — © H. D. T., Hug. ; — Littré ne cite que des ex. antérieurs. — Et la verdure meslée parmy, en ceste masse sanguinaire, nous voyons le sang qui est l'humeur la plus bénigne (Guerson, Anal, du Verbe, 133).
Seminaire (= pépinière, plantation) — © Nic, Cotgr. ; — * Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud.;— * L., 'H. D.T. ; — © Hug. — Vos peschers que vous leverez de vostre seminaire (Jard. fr., 37); Cet appetit est dit concupiscible, séminaire de nos plus terrestres passions (Chapel., Guzm. d'Alf., 111,417); Le Val de Grâce, Séminaire de pureté (Loret, 11 oct. 1664, 145).
Solennel (= énorme) — © Nic, Cotgr., Mon., Oud., Rech., et C. A. Oud.; — © L., H. D. T., Hug. — Efface pour jamais de ce peuple barbare... les crimes solennels (Racan, II, 366).
Solliciter (= blesser, attenter à) — * Cotgr., Nic : attentare pudicitiam, Mon. ;
— © L., H. D. T., Hug. — Soliciter l'honneur des filles (Lelt. Phyl., II, 157).
Symboliser (= s'accorder avec ; employé en parlant de toutes sortes de choses)
— Nic n'indique aucun sens. *Mon., Cotgr.; —*L., H. D. T., Hug. — Vos inclinations pourront simbolizer aux miennes (Sorel, Polyand., II, 585) ; je ne doute pas qu'il ne symbolisât comme il le doit avec les volontés de ses princes (Dub. Mont., Ex., 15) ; un esprit de révolte avec laquelle le Roi ne pouvoit simboliser sans choquer tout le général de l'État (Id., ibid., 12); nous symbolisons avec les bestes (Tabarin, I, 200 ; cf. II, 434) ; une belle maison, bien bastie, peut, en quelque chose symboliser et convenir avec les beautez de la femme (Id., II, 165).
Vacation (= métier) — * Nic , Cotgr., Mon. ; — il est encore dans Richelet. — * L. sans exemple, H. D. T.; — © Hug. — Nostre principale vacation consiste en la contemplation des oeuvres de Dieu (Astrée, II, 534) ; Théopompe qui estoit Historien de sa vacation. (Gar., Doctr. cur., 649) ; plusieurs de pareille vacation (Sorel, Polyand., II, 555) ; cf. Chapel., Guzm. d'Alf., III, 338-339 et 424; d'une vacation plus honorable (Tabarin, II, 287 ; cf. II, 82) ; cf. plus tard Montfleury, Mar. de Rien, 4 : Quelle est vostre vacation ?
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE III LES MOTS DÉSHONNÊTES ET RÉALISTES
Tout le monde sait que le commencement du XVIIe siècle a encore vu éclore une riche flore de publications d'une obscénité et d'un réalisme grossiers. Mais, si on met à part cette littérature pornographique, comme on dirait aujourd'hui, l'ensemble de la production du temps témoigne d'un accroissement rapide des sentiments de délicatesse. Ce n'est pas qu'ils aient été étrangers à la société du XVIe siècle. Elle a même poussé, à certaines heures, les scrupules fort loin 1. Il est certain, néanmoins, qu'à regarder l'ensemble, les écrivains ont pris moins de précautions dans le choix des mots, et cela prouve que leur public était moins chatouilleux qu'il ne le fut plus tard. Les pimbèches dont parle Marot, et qui n'osaient dire vicomte, ni vigueur (éd. Jannet, I, 226), n'étaient pas en nombre. Pourtant Desportes s'était étudié déjà à plaire aux plus raffinés. S'il est souvent lascif, il n'est jamais inconvenant. La Mascarade des chasseurs est un morceau de haute graisse, mais savamment voilée. Vaugelas dit que ce poète a le premier mis en vogue le mot de pudeur, il ne s'est pas contenté de rebaptiser la honte, il a su la respecter le plus souvent. Ceux qui manquaient aux convenances sans bonnes raisons devenaient de plus en plus rares. J'ai raconté (II, 52-53) comment des médecins, Paré, Joubert, devaient défendre leur droit d'employer les mots propres en matière médicale. Que ces scrupules fussent vrais ou affectés, ils indiquent où en était le goût public aux environs de 1580 2.
Malherbe se fait, comme d'habitude, l'organe des idées régnantes.
1. A force d'abuser du mot de gauloiserie, le XIXe siècle a fini par lui donner le sens de grivoiserie, de sorte que des gens peu avertis se figurent que la gaudriole est le genre national par excellence, peut-être depuis Brennus, en tout cas depuis Vercingétorix. Rabelais, des Périers et les autres conteurs ont valu à leur siècle une place de faveur dans l'histoire du genre. Ce n'est pas ici le lieu de remettre les choses au point.
2. En 1595 parait l'OEuvre de chasteté de Nicolas de Montreux (Paris, 12°). Un an avant, l'auteur des Amours du brave Lydamas et de la Belle Myrtille (Toulouse, Ant. Sève) vante la chasteté de son oeuvre qui invite les plus délicates oreilles à ouyr ses beaux discours (p. 5). Toutefois il convient qu'avant lui déjà la « douceur du langage de nos François, a malicieusement desguisé le poison de mil macquerellages italiens et espagnols ».
------------------------------------------------------------------------
152 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Singulier maître de chasteté que le Père Luxure, dont Racan nous a raconté les propos orduriers. et dont la correspondance rappelle par endroits la conversation ! Malgré cela, il est le premier lecteur français qui ait dit qu'il voulait être respecté. Une équivoque l'offense, même lorsqu'il faut la chercher pour la découvrir : O vent qui fais mouvoir cette divine plante Te jouant amoureux, parmy ses blanches fleurs. « Sale », dit-il, et il ajoute comme si tout le monde avait son imagination dévergondée « chacun sait assez ce que je veux dire » (IV, 313 ; cf. IV, 467). Ainsi non seulement il ne faut point parler de choses déshonnêtes, mais il ne faut employer aucun terme dont le sens ou la forme puisse porter l'imagination vers des images fâcheuses.
En outre il faut fuir le mot réaliste, comme nous dirions de nos jours, qui éveille des visions malpropres ou désagréables : ulcères ou onguents ne sont pas faits pour la poésie.
Je ne crois pas que Malherbe ait trouvé ces idées dans la tradition des anciens. Assurément on avait connaissance des théories de Longin et de Quintilien. Dans la querelle entre Balzac et le P. Goulu, c'est avec les préceptes de l'antiquité que l'auteur des Lettres de Phyllarque condamne les paroles « basses et déshonnêtes » (II, 211 et suiv.), et qu'il emprunte une longue théorie sur la manière de parler de certains sujets sans choquer son lecteur (II, 153). Mais l'influence des Latins et des Grecs n'a dû avoir qu'une action lointaine, probablement très inférieure aux conseils tirés de la morale chrétienne, vulgarisés par le catéchisme et la civilité puérile. Je la ferais même passer bien loin derrière celle des Italiens. Pour expliquer les progrès d'une délicatesse qui va jusqu'à la bégueulerie, il faut d'autres causes.
Les Jésuites y ont-ils contribué ? Plus tard oui, assurément ; à l'époque de Malherbe, c'est douteux. Je vois bien que le P. Garasse part en guerre contre les mots bas. Les plaisanteries des protestants sur Notre-Dame des Crottes l'ont exaspéré au point qu'il demande le feu pour les expier, mais en attendant que « leurs immondices » aient couvert ses ennemis d'ignominie, c'est, lui qui la leur jette par pelletées 1.
Je pense, que la cause véritable de la disparition des mots crus,
1. « Ce passage, et ce mot de Crottes vous plaist si fort que vous le redites en ceste mesme matière plus de vingt fois en vostre livre de la Cene, sans nombrer vos repetitions ennuyeuses de vos autres traictez, esquels vous ramenez tousiours ces crottes, et parlez si souvent de latrines, d'estrons, de chaires percées, de privez, de chambre pour les necessitez et autres meubles de gadoüarts, que vous faictes soulever l'estomach à vos lecteurs » (Le Rabelais réformé, 1620, 112 ; voir toute la suite).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DÉSHONNÊTES ET RÉALISTES 153
c'est la reprise de la vie de société, et l'obligation de ménager les oreilles des femmes qui se trouvaient dans les salons. Dans la Preneuse de l'abbé de Pure, deux dames se félicitent du progrès obtenu. Elles ont raison, et elles eussent pu y mettre un peu de vanité, ce succès était le leur 1. Sous peine de choquer et d'encourir la disgrâce qui attend celui qui heurte dans le monde un goût ou un préjugé', il avait fallu éviter les mots malséants dans la conversation et dans les genres de pièces destinées à être lues à haute voix : madrigaux, sonnets, vaudevilles, etc.. En glisser ailleurs, dans les oeuvres qu'on lisait chez soi, restait possible, mais il était tout naturel de supposer que les lectrices conserveraient les goûts des auditrices ; du reste, même si elles avaient pu chez elles se plaire à un autre langage, elles n'eussent pas osé approuver dans le monde le livre qu'elles auraient goûté en secret, et dès lors, leur hypocrisie eût assuré l'échec de l'oeuvre tout comme leur vertu. A côté des sages, il y avait sans doute bien des prudes, comme on commençait à dire 2. Les unes et les autres collaborèrent à la même oeuvre.
Dans le Rôle de la présentation au grand jour de l'Éloquence française, on voit paraître une marquise qui demande que pour « éviter les occasions de mal penser que donnent souvent les parolles embiguës, le mot de conception ne soit tenu pour françois qu'une fois l'an, et ce seullement à cause de l'épithète immaculée, et que pour le surplus de l'année à yceluy mot de conception soit subrogé celuy de penser (V. H. L., 1,129). Sorel prétend ailleurs que certaines bégueules eussent cru commettre un péché mortel, si elles eussent lu l'Astrée ou
1. " Il est vray, dit Philonime, que l'on a corrigé deux choses dans le monde avec un succès bien heureux : c'est la Comédie et le Roman ; et on peut dire qu'en nostre France seulement cette reforme a lieu : car toutes les autres Nations ont encor l'impureté des premiers siecles, où la liberté se donnoit essort, sans avoir aucun égard à l'honesteté ny à la modestie ; et c'est un bonheur où a sans doute contribué le plus bel esprit qui ait paru dans la fortune de nostre Nation, par le choix et l'estime qu'il a fait des Lettres et de ceux qui les cultivoient...
Pour moi, dit Aracie, « je ne ferois point de difficulté, de donner à lire les derniers Romans aux plus religieuses et aux plus délicates personnes du monde, sans craindre qu'ils trouvassent chose qui pût blesser ou la modestie ou les beaux sentimens et donner alarme ou à leur scrupule ou à leur raison» (La Prétieuse, 1656, 375-378).
2. « La Prude est une femme entre deux âges, qui a toute l'ardeur de ses premières complexions ; mais par le temps et le bon usage des occasions s'est acquis l'art de les si bien déguiser qu'elles ne paroissent point ou qu'elles paroissent correctes ; de sorte qu'elle est toujours la mesme dans la vérité, mais neantmoins toute diférente dans l'aparence et dans l'opinion » (La Prélieuse, 163). Le mot est sans histoire dans le Dictionnaire général. Le P. Pomey, premier des lexicographes qui donne ce mot après Cotgrave, dit que l'on hésite encore entre le vieux sens de forte et le sens nouveau de sérieuse, modeste. Il ne donne pas le sens de qui fait la modeste. On verra dans le Lexique de Molière de Livet que les exemples où le mot a ce sens sont tardifs. Les Précieuses paraissent avoir contribué à lui faire prendre la nouvelle acception. C'est pourquoi j'ai cru devoir rapporter la définition ci-dessus, qui n'est pas donnée par Livet.
------------------------------------------------------------------------
154 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
le Cid (Mais, des jeux, 1642, 335). Et de fait, il se trouvait même des hommes, ainsi M. de Plassac-Méré,pour souhaiter que « quelque esprit délicat et nourry parmi les dames comme M, de Voiture purifiât les trois beaux volumes d'Astrée » (Lelt., 1648, 525)1.
Un des auteurs favoris des cercles, Balzac, se montra sur ce point d'une susceptibilité raffinée. Il critiqua amèrement le fameux sonnet de Job souillé d'une expression aussi osée que « sa misère nue » 2. Les mots réalistes ne lui agréaient pas mieux. Il a rencontré un traducteur qui ayant à rendre un passage de l'oraison pour le roi Dejotarus, recule devant le vomere du latin et écrit : « pour vous soulager d'une légère indisposition que vous eustes apres avoir souppé ». Désireux de ne pas faire mal au coeur à Madame **, et d'éviter un évanouissement à Madame ***, le traducteur a voulu cacher au monde que César « faisoit quelquesfois après souper ce que Gilot faisoit règlement tous les soirs ». Balzac en plaisante, parce que le sens est faussé, mais quelques lignes plus loin il se prononce contre un autre qui, reprochant à l'homme « sa miserable humanité », dit avec Épictète qu'il est tout morve et tout crachat. « Il me semble, ajoute-t-il, qu'il pouvoit dire la mesme chose plus honnestement, en disant qu'il est tout flegme, et tout pituite. La bienséance exige que nous voilions la defformité des choses de l'honnesteté des paroles ». (Entret., éd. J. Elzevier, 1659, 338-339).
Malherbe passa bientôt par l'étamine. Et Saint-Amant, qui l'eût cru ? déclara qu'un hémistiche lui déplaisait dans la fameuse strophe pour le Roi allant en Limousin 3. Voiture, l'idole de l'hôtel d'Arthénice, dut à son tour être défendu.
1. Colin (dans la Suite des OEuvres galantes, 1665, 260) prétend qu'une de ces raffinées s'évanouit en voyant un bichon tondu, par suite tout nu, et qu'une autre ne voulait point entrer dans la chambre de Cléonice où Diane et ses nymphes se baignaient sans voiles, affirmant que si la Reine s'entourait de pareils tableaux, elle n'irait point lui faire sa cour.
2. « De quel front peut-on dire à une femme, quand on lui parle d'un homme, qu'elle verra sa misère nuë ? Le mot de misère ou de pauvreté appliqué à un homme nud, n'est-il pas capable de recevoir une salle interprétation ? ne représente-t-il pas à une femme, quelque chose qui lui offense la veue ? Je sçay bien que la sage Livie a dit autrefois, que les hommes nuds estoient des statues aux yeux des femmes de bien. Mais c'est la vertu de ces femmes qui fait cela, et qui cache les mauvaises pensées : Et c'est nostre effronterie qui présente ces pensées à leur imagination par la nudité qu'elle descouvre à leurs yeux. Quoy que leur pudeur se conserve, nous ne laissons pas de l'attaquer. Elles ne reçoivent pas le scandale, mais nous le donnons... (Dissert. crit., t. II,592).
3. Je ne veux point souligner l'équivoque de syllabes prétendues sales, je laisse au lecteur le soin de la découvrir :
Quand un Roy fainéant, la vergogne des Princes, Laissant à ses flateurs le soin de ses provinces, Entre les voluptez indignement s'endort, Quoique l'on dissimule, on n'en fait point d'estime, Et si la vérité peut se dire sans crime, C'est avecque plaisir qu'on survit à sa mort.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DÉSHONNÊTES ET RÉALISTES 158
Il faut rendre cette justice aux grammairiens qu'ils n'ont pas été favorables à ces excès de délicatesse. Mlle de Gournay s'indignait : « Voicy d'autres merveilles, s'écrie-t-elle : ce sonnet, disent-ils, est bien pensé, lorsqu'ils veulent avertir qu'il est bien conceu... Leur raison de cette insigne manière de parler, c'est que le terme conceu met de laides images dans l'esprit. O personnes impures ! faut-il que les ruisseaux argentez clairs et vierges du Parnasse se convertissent en cloaques tombant en vos infâmes imaginations » (Adv., 1641, 271272). Sorel ne parle pas autrement de cette même manie dans le Berger extravagant 1.. Enfin Vaugelas avait fait sur la matière une remarque d'une grande élévation, et tout à fait digne de son caractère d'honnête homme. « Je connois un homme de grand esprit, et reconnu pour tel de tout le monde, dit-il, qui n'escrit jamais chose, parce que c'est un mot qui fait de sales équivoques. Mais il y a en cela plus de pureté de coeur que de pureté de langue ; n'y ayant pas de doute que c'est un scrupule et une vraye superstition en matière de langage, de vouloir condamner pour une semblable raison un mot receu d'un chacun, et dont l'usage est si nécessaire que l'on ne s'en sçauroit passer sans user de circonlocutions importunes, et tomber dans ce défaut signalé de ne dire pas tousjours les choses de la meilleure façon dont elles doivent estre dites : outre que s'il y a de la louange à éloigner les sales objets de son coeur, il y en a encore davantage à éloigner son coeur de ces objets-là : c'est à dire à ne daigner pas seulement tourner les yeux de la pensée vers eux, ni leur faire tant d'honneur que de se mettre en garde contre ces vains fantosmes qu'if faut mépriser et non pas combattre, et ausquels aussi-bien personne ne songe. Ce que j'ay bien voulu dire pour guérir les scrupules de beaucoup de gens qui pour la mesme raison s'abstenans de quelques mots et de quelques façons de parler excellentes, se
1. « Nous voicy bien mieux, dit Clarimond, je voudrais bien sçavoir ce que vous entendez par vostre mot de pensée. Il est vray que pour m'accomoder à vostre humeur, j'ay parlé plusieurs fois de ces belles pensées aussi bien que vous : mais cela me desplaisoit assez, et je ne puis plus attendre d'avantage à vous le descouvrir. Apprenez-moi si ce seroit un crime maintenant parmy vos Poëtes que de parler d'une conception. N'usent-ils plus de ce mot, de peur que l'on ne croye qu'ils parlent de la conception d'une femme ? Je ne rejette pas ce mot de conception, repartit Lysis, il veut représenter la chose lors que l'on la conçoit : mais le mot de pensée semble estre plus général, car il signifie toutes les choses auxquelles nous pouvons penser » (2e p., 255-256).
« C'est un abus insupportable, disait de son côté le P. Ch. de Saint-Paul, de souffrir la liberté que certains demy-sçavants prennent de retrancher aujourd'huy de fort bons mots comme ceux de « face », et de « poitrine », en parlant d'un homme, à qui les habiles gens ont de tout temps donné cours, sans y trouver à redire. Seriez-vous point d'advis, que quant on imprimera d'oresnavant des Dictionnaires, on ne le face plus sans leur approbation, et que les mots ne soient plus de mise, si auparavant ils n'ont donné jugement en leur faveur » (Tabl. de l'Éloq. fr., 33).
------------------------------------------------------------------------
136 HISTOIRE DIS LA LANGUE FRANÇAISE
donnent des geines non seulement inutiles, mais qui les empeschent bien souvent de dire une bonne chose ; ou s'ils la disent, ils ne la disent pas si-bien qu'elle se pourrait dire » (Vaug., II, 409). Malheureusement Vaugelas n'a pas publié cette remarque décisive. A-t-il craint de heurter le goût du jour? ou bien n'en est-il vraiment venu à apercevoir le mal que trop tard, après la publication des Remarques? Je penche pour la première hypothèse. On verra quelle condescendance exceptionnelle il montra pour le néologisme de débrutaliser, parce que ce mot avait pour auteur Mme de Rambouillet (II, 229). Il n'aura point voulu contrecarrer Arthénice dans une oeuvre qu'il lui accordait de baptiser à son gré.
Avec Chevreau la maladie commence à arriver à son dernier période. Qu'on lise les pages 62-63 de ses Remarques sur Malherbe, on verra que tout lui est suspect, mots et syllabes. Il voudrait donner un avis à l'oreille à celui qui, en toute innocence, a lâché cet hémistiche : On le vit au combat, tel qu'estoit autrefois...
C'est plus tard seulement que Molière s'en prendra à ce défaut des Précieuses. Il n'y touche à peu près point dans les Précieuses ridicules. En revanche le Dictionnaire de Somaize nous a collectionné des périphrases plaisantes destinées à voiler, faites le plus souvent . pour souligner des choses qui, dites simplement, n'éveilleraient pas l'attention. Dans la catégorie des mots indécents on remplace : crotter par imprimer ses souliers en boue ; être en couches par sentir les contrecoups de l'amour permis ; la chemise par la compagne perpétuelle des morts et des vivants ; se marier, par donner dans l'amour permis.
Dans la catégorie des mots trop réalistes : le balai devient l'instrument de la propreté ; disner : donner à la nature son tribut, accoutumé ; la jupe de dessus : la modeste; la seconde jupe : la friponne; la jupe de dessous : la secreste; un lavement : un agrément ou le bouillon des deux soeurs ; estre enrhumé : avoir un escoulemenl de nez; une médecine : une phisique, etc.
Assurément on a prêté aux Précieuses peut-être un peu plus de ridicule qu'elles n'en ont eu dans cette campagne. Toutefois, certains dégoûts montrent qu'il était temps de commencer la lutte contre la bégueulerie. Rien n'est plus instructif à cet égard que l'histoire de la disgrâce du mot poitrine. Le mot paraît déjà bien matériel à Malherbe 1 : « Je serais bien aise, dit-il, que l'on n'usât point de ce mot de poitrine, que rarement il n'est guère
1. Notez qu'il barre en même temps pis (Doctr., 240).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DÉSHONNÊTES ET RÉALISTES 157
bon en vers » (EL, II, Av. prem., IV, 386). Et il le souligne jusqu'à dix-sept fois dans son exemplaire de Desportes. En vain Régnier l'employait dans des vers de genre élevé (Ep., II, 164). Mlle de Gournay rapportait qu'elle l'avait « ouï » depuis un an, en plus de quatre bouches des dames pertinentes et relevées de la Cour (O., 621 ; cf. 958 et Adv., 637, 958). Vaugelas, tout en le regrettant, enregistre la condamnation : « Poitrine est condamné dans la prose comme dans les vers, pour une raison aussi injuste que ridicule, parce, disent-ils, que l'on dit poitrine de veau ; car par cette mesme raison, il s'ensuivrait qu'il faudrait condamner tous les mots des. choses qui sont communes aux hommes et aux bestes, et que l'on ne pourrait pas dire la teste d'un homme, à cause que l'on dit une teste de veau... Neantmoins ces raisons là tres impertinentes pour supprimer un mot ne laissent pas d'en empescher l'usage, et l'usage du mot cessant, le mot vient à s'abolir peu à peu, parce que l'usage est comme l'ame et la vie des mots. On ne laisse pas pourtant de dire encore poitrine aux maladies, comme la fluxion luy est tombée sur la poitrine, il est blessé à la poitrine » (I, 133-134).
Dupleix s'éleva contre cette fantaisie (Lih., 453), Chapelain aussi (Vaug., I, 134). Mais Sorel répliqua à Dupleix qu'il était Gascon et avait gardé le langage de son pays (Bib.fr., 1667, 21). Il fallut plus tard l'intervention de Ménage (O., 1675, 231 et Ohs. sur Malh., II, 27-28) pour décider un changement d'opinion et sauver un mot contre lequel on n'avait que de sottes raisons à donner. En 1660, il était en passe de disparaître 1. N'ayant plus pis, qui était devenu vieux et burlesque 2, Corneille s'arrangeait de son mieux avec estomac : offrir ton estomac ouvert à son épée (III., Var. 4, II, 487), je vais lui présenter mon estomac ouvert (Cid, 1499, III, 183).
Cette débauche de chasteté durera longtemps encore. Nous aurons à en reprendre l'histoire.
MOTS CONDAMNÉS COMME INDÉCENTS 3
B. — Phyllarque renonce à s'en servir, bien que Salvian et les autres s'en soient servis (Lett. de Phyll., II, 701). Claveret a reproché à Cor1.
Cor1. exemples qu'on peut citer sont surtout du début du siècle : un vif ruisseau de sang arrosant la poitrine (Montchr., Escoss., 87); depuis que sa beauté loge dans ma poitrine (Discret, Alison, I, 3. A. th. fr., VIII, 407).
2. Je mettois la main sur le pis (Scarr., OEuv., I, 152).
3. Je ne ferai pas, pour des raisons de convenance, la liste des mots orduriers ou indécents qui paraissent avoir été écartés de la langue littéraire sans une décision expresse. On les trouvera du reste pour la plupart dans les Curiositéz françoises d'Antoine Oudin.
------------------------------------------------------------------------
138 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
neille de l'avoir mis dans un rondeau que les honnêtes femmes ne sauraient lire sans honte (Corn., X, 79 et III, 22) ; cf. Malh., II, 375, 487. C... — blâmé indirectement par Mlle de Gournay qui dit, en parlant de ceux qui condamnent le mot rouer : Ces insolents ont une bonne grâce à ce comte de nommer vingt ans un vertugadin leur c... (Adv., 262) ; Les exemples foisonnent. Mais ou bien ils sont dans des textes populaires : estans cuits, on les tire, et les met on égouter le c.. . en haut (Del. de Camp., 133). — Ou bien dans les pièces comiques et burlesques : Nous nous entretenons Sur le c. .. comme des guenons (Racan, I, 177). Scarron, Loret, Richer, en ont usé et abusé. — Je ne parle pas des expressions toutes faites comme cul-de-sac. Le moment n'est pas venu où on les proscrira.
Conception (v. plus haut, p. 153 et 155, II. 1) — Il était clans l'Astrée : Rien souvent diverses personnes tombent en un même sujet sur une même conception (II, 132); cf. Racan, I, 159.
Condescendance — Qui sont ces gens qui treuvent à dire à ce mot de condescendance en admettant celuy de condescendre (Camus, Issue aux Cens., 589). — Cette répugnance ne paraît pas avoir duré. Le mot est dans les textes les plus sérieux, ainsi dans la 6e Provinciale.
Enceinte — défendu par Mlle de Gournay, qui allègue que du Perron et Berlaut l'ont employé pour grosse [Adv., 637). A noter le masculin dans Chapelain, Guzm. d'Alf., III, 239 : j'estois enceint du désir de vengeance. Hardy a employé le substantif : Fondant du mur Troyen le merveilleux enceint (Achille, 846).
Excrément — Le mot d'excrément (de la [terre) est d'ailleurs assez vilain et d'assez mauvaise odeur. En sa plus honnête signification, il ne peut signifier que les rats, les mouches, les vermisseaux et autres créatures imparfaites qui se forment de la corruption de la terre (Balzac, II, 258 ; cf. Mén., Obs. s. Malh., 241). — Le mot est ailleurs que chez Malherbe, ainsi : Excremens animez qui rampez sous nos pas (Racan, II, 383) ; sont travaillées d'une avidité insatiable de certains excremens (La Pinel., Le Paru., 9).
MOTS CONDAMNÉS COMME RÉALISTES
Appareil — Malherbe ne veut pas qu'on dise métaphoriquement : qu'une plaie guérit par l'appareil d'un autre amour favorable (IV, 373). Il avait cependant écrit lui-même : Souffrir sans murmure est le seul appareil Qui peut guérir l'ennui dont vous êtes atteinte (I, 191). On trouve dans Mairet (Sylvie, 14, v. 39) : Hélas ! donne à ma playe un premier appareil.
Barbier — blâmé par Malherbe dans Desportes (IV, 336). — Il écrit lui-même : une apostume où les barbiers n'avoient osé mettre la main (II, 33). — Le mot est commun chez les burlesques : barbier barbant (Lorel, 27 octobre 1657, 182 ; cf. Scarr., OEuv., 1, 228).
Cadavre — blâmé par le même (IV, 413). — Il est dans René François : Voyez ce pauvre cadavre (Merv. de Nat., 492 ; cf. 550 et Balz., Entret., 296, éd. Elzév.). A vrai dire c'est plutôt comme terme de médecine que Malherbe le réprouve. Je l'ai mis ici pour le joindre au suivant.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DESHONNETES ET RÉALISTES 159
Charogne — Corneille avait écrit dans Clitandre (I, 337) : Et va sur sacharogne achever sa colère. En 1644, il a corrigé : Et va par ce spectacle assouvir sa colère. — Le mot était encore commun, non seulement chez d'Aubigné ou chez Montchrestien qui en fait ce beau vers : Entraîner à miliers les charognes retantes (Aman, I, 1), mais chez les divers prosateurs et poètes, Gar., Doct. cur., 902; Racan, II, 199 ; Sorel, Polyand., II, 363 ; Remonst. aux Femmes et aux Filles, V. H. L., IV, 363 ; Har. de Nicolaï, 1648, dans le Theat. de l'Eloq., 89. — — Mais il paraît peu à peu grossier, et on voit Corneille s'ingénier à le remplacer par corps, ou même forcer le sens de funérailles : Se faire un beau rempart de mille funérailles (III, 120, Cid, 277, 1637).
Ceston — blâmé par Malherbe (Desp.,D., II, 66).— O Nic, Mon., Oud.,.Rech et C. A. Oud. ; — * Cotgr.
Cracher — le mot de cracher n'est pas assez beau, pour en tirer des translations et des images. Ces sortes d'images offensent l'imagination (Balz., Entrel., 386, éd. Elzév.) ; c'est aussi l'avis de Chevreau, Rem. sur Malh., 28. — D'Urfé disait encore : je la fis cracher trois fois en terre (Astrée, I, 133A) ; cf. P. Carneau, Stimm., 96 ; Maynard, 1646, 134; Corn., I, 425, Veuve, 515 : je te ferai cracher cette langue traîtresse. — Le souvenir de la Passion obligeait à le conserver dans les ouvrages religieux.
Estomac — n'est pas goûté par Malherbe, qui le barre dans Desportes (Epit. sur la mort de Diane ; cf. Doctr., 240). Ce mot est cependant très fréquent dans son oeuvre en prose (II, 351, 407, 486, 619). On le retrouve dans l'Astrée : Lycidas... partit l'estomach si enflé (I, 13B), le coeur me tressailloit en l'estomac (Ib., 1, 87A, 211A, 250A, 252B, 294A, etc.); dans son estomach sa voix est estouffée (Baro, Clorise, 1631, III, 3, 65). Un tranchant souspir de son estomac (Camus, Alcime, 166). Corneille en use fréquemment (voir p. 157).
Gueule — Corneille l'a corrigé en gorge dans le vers 425 de Médée : vomissant mille traits de sa gueule enflammée (II, 362). C'était un mot cher au P. Garasse (Rab. réf., 88 : Lors de la gueule d'un ministre ; cf. Doctr. cur., 140, 102; Rech. des Rech.,181, 304, 959). Il se retrouve dans Maynard (1646, 207). A chaque instant, de la langue populaire, où il est resté si commun, il rentre dans la langue comique et burlesque, chez Loret ou chez Scarron.
Flux (de nos larmes) — blâmé par Chevreau dans Malh. (Rem. sur Malh., 12). Richelet ne donne pas ce sens. — L'expression faire flus est burlesque ; valet de pique, faites flux (St-Am., I, 173) ; cf. Dassoucy, Ov. en b. hum., 1650, 64.
Mammelles et seins — proscrits par la nouvelle Ecole (de Gourn., O., 964 et Adv., 641). — Le premier n'est pas commun dans les textes littéraires : ne voulut pas insister davantage de peur de tirer du sang de la mammelle et du nez à force de sucer et de mouscher (Camus, Alc., 251-252). Racine a eu du mérite à le sauver. — Est-ce parce que le mot sein ne paraissait plus assez-chaste, pris au sens propre, que Corneille a corrigé le vers 211 de la Veuve : vous portez sur le sein un mouchoir fort carré ? Cela est possible. — D'Urfé l'employait sans aucune réserve, Astrée, II, 596, 609, 837. — Il est devenu noble, au moins dans le sens de ventre, pendant que dans son sens propre il était remplacé par gorge ou même par poitrine, alors réhabilité.
------------------------------------------------------------------------
160 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Oindre, onguent — blâmés par Malherbe (IV, 283 et 432). Balzac à son tour, plaisante le Père ***, qui parle des onguents de Sainte Marie Magdeleine, et prend une invention de la Volupté pour une composition de la médecine (Socrate chr., II, 251). — Le premier est fort rare en dehors de la langue religieuse. Cyrano le met dans la bouche de Gareau (Ped. j., II, 2). Le second ne se rencontre pas seulement chez les burlesques (Scarr., OEuv., 1, 385; Loret, 8 août 1654, 114 ; il est dans Théophile (voir le texte cité p. 176, et jusque dans Bossuel).
Pouls — Je ne dirais jamais être sans pouls à cause de l'équivoque de ce nom de vermine (Malh., IV, 457). Il le raye clans Desportes plusieurs fois. —Maynard a employé le mot, mais dans des pièces familières (III, 82 et 216) comme Malherbe lui-même (I, 423, Tite Live) ; qui me fist bien tost cognoistre, que son coeur estoit le poulx qu'il falloit taster en cette maladie (Des Fontaines, Cél. et Maril., 30).
Rhume — blâmé par le même (IV, 425) ; cf. Scarr., OEuv., 1, 357 et souvent.
Ulcère — Malherbe n'admet pas qu'un amant appelle ainsi sa plaie (IV, 3.72; cf. 355). Mademoiselle de Gournay défend le mot (O., 967 ; Adv., 643) ; Vaugelas en dissertant sur le genre de ce nom, montre qu'il se disait à la Cour. — Cependant on ne le trouve guère que dans les burlesques (Scarr., OEuv., I, 357).
Ventre — Malherbe condamne : le ventre crie (IV, 407). Mais c'est l'association du mot avec un tel verbe qui a motivé sa censure, car le mot se trouve couramment. Il n'est pas noble sans doute, cependant certaines expressions sont reçues : passer par dessus le ventre (Corn., I, 227) ; remettre le coeur au ventre (R. Franc, Merv. de Nat., 511). Il est employé par les burlesques (Colletet, Juv. burl., 1657, 34).
Vomir — le mot est à rejeter, il éveille des images insupportables (Vaug., 1, 221); Bary opine que vomir des injures, s'il n'est pas une des meilleures phrases du monde, peut être reçu, puisque toutes les métaphores ne peuvent pas être tirées des objets les plus nobles, qu'on appelle vipère un méchant homme, bête ou slupide (Rhél. fr., 240). — Chevreau connaît des personnes qui ne peuvent souffrir vomir des blasphèmes, quoy qu'elles souffrent vomir du feu. Quoy que regorger ne soit pas plus beau que cracher, on peut dire : nous regorgions de biens (Rem. s. Malh .,29).— Vomir est souvent chez Racan, où il fait bonne figure : S'ils ont contre ton nom vomi tous les blasphèmes (II, 187, 290). Il est aussi chez Corneille (II, 362, Médée, v. 425), et y a été maintenu lors de la révision du texte 1.
1. Je ferai ici la même observation que plus haut, au sujet des mots déshonnêtes. Si l'on veut, pour une raison quelconque, se rendre compte de ceux qui sont spontanément mis à l'écart, qu'on parcoure Oudin, où s'étalent bedaine, dégobiller, boyaux. et cent autres dont on ne trouvera pas trace dans la langue littéraire.
J'attribue à celte même sévérité de goût la répugnance que Malherbe montre pour certaines images : baillonner ses maux (« drôlerie », Malh., IV, 257), tirailler le coeur, souligné par lui dans son Desportes (D., II, De la jalousie) ; tonneaux d'amertume (IV. 423), etc.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE IV LÈS MOTS « BAS »
Nous savons par Henri Estienne que dès le XVIe siècle certains prétendaient « parquer les mots en castes ». Dans la Conformité, à deux reprises, il nous parle de gens qui se récriaient : « ce motla- sent sa boulie, ce mot-la sent sa rave, ce mot-la sent sa place Maubert » (p. 32). Un jour, conte-t-il plus loin, il avait soumis à une réunion un passage traduit de Virgile, qui commençait par piéça : « On commença, dit-il, incontinent à s'attacher à ce mot piéça, comme indigne de tenir un tel lieu ; et alleguoyent pour toute raison que c'estoit un mot vil, et (s'il estoit licite d'ainsi parler) roturier, pource que le populasse en usoit. Sur quoy ayant faict plusieurs replicques, et quelques questions joyeuses touchant les degrez de noblesse qui estoyent entre les mots (à propos de ce qu'ils appeloyent cestuy-la roturier), pour toute response ils me renvoyerent à la cour : et cependant pour ce seul mot condamnerent cette traduction... 1» (Ib., 56). Quelle pitié sera-ce, conclut avec raison H. Estienne, si nous voulons bannir autant de mots que nous trouverons estre en usage entre le populaire. Et il voit bien que seul le caprice de gens qui ne sont pas d'accord entre eux fera loi.
Ces critiques si judicieuses ne pouvaient empêcher des distinctions que l'évolution même de la société rendait fatales. Malherbe commence à trancher au nom des muguettes de Cour. J'ai montré plus haut ce qu'il fallait penser de son mot célèbre sur les crocheteurs du Port-au-Foin, et comment, loin de prendre ces gens du peuple pour ses maîtres de langage, il. a des premiers contribué à assurer le triomphe du bel usage sur l'usage populaire. La haine qu'il portait aux mots « plébées » était célèbre, et Balzac y fait allusion. Au reste la liste qui va venir, où une moitié environ des condamnations prononcées porte sa signature, en dit assez.
Mlle de Gournay protestait eh vain : « Où est donc ce vierge ser1.
ser1. pourrait citer bien d'autres témoignages. L'« Avant-jeu » des Napolitaines, présentant un des personnages, un enfant de Paris, dit : « Il parle bon courtisan pour un homme de sa sorte, car au temps qui court chascun veut prendre un peigne et s'en mesler; chacun veut ecorcher le renard » (A. th. fr., VII, 242).
Histoire de la Langue française. III. 11
------------------------------------------------------------------------
162 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ment, ce serment que les nouveaux Poetes tympanisent si haut, de parler la langue toute pure? Est-elle pure, quand non seulement on luy tronque la robbe à demy, comme à quelque drollesse, mais encore le nez et les oreilles? Ou comment protestent ceux-cy, d'user purement d'un langage si fort impur, qu'il faut biffer la moitié de ses plus ordinaires, civils et nécessaires mots et manières de parler, qui ne veut diffamer ses ouvrages? » (0., 983).
Tous les successeurs de Malherbe sont d'accord avec lui 1. Balzac a beau trouver un jour que la délicatesse de la Cour va jusqu'au dégoust et à la maladie (Dissert. XX, II, 661, éd. f°), ailleurs, il s'effraiera, comme si les compagnons de la matte allaient faire la loi à l'Académie 2.
Le P. Ch. de Saint-Paul, dans son Tableau de l'Eloquence, française, fait un long exposé d'idées analogues, qui, il est vrai, s'applique aussi aux mots réalistes 3. « Je viens, dit-il, à la troisiesme qualité des paroles, qui consiste en ce qu'elles soient esloignées de la bassesse populaire. Il est vrai que l'on souffre dans la conversation certains mots à qui l'usage a donné cours, et qui signifient mesme assez clairement les subjets pour l'intelligence desquels ils sont dits : mais pourtant comme ils ont de la bassesse, il n'est pas permis de les escrire. J'estime qu'il faut observer une mesme loy pour les paroles que pour les comparaisons, veu que tout de mesme que celles-cy sont estimées vicieuses, lorsqu'elles sont prises de subjets trop bas et trop chetifs : ainsi celles-là ne peuvent estre approuvées, qui ressentent tant soit peu le baragoin du petit peuple. Je ne peux approuver que l'on dise : tenir les resnes de l'Empire : que d'importuner les Grands pour chose qui n'en vaille pas la peine, c'est se rompre les dents pour casser une noix vereuse : et que les vers groüil1.
groüil1. est tenté tout d'abord de faire une exception pour Sorel, mais il se contredit. Ainsi dans les Remarques du Berger extravagant, il a l'air de poser un principe : « Il n'y a point de mots qui valent moins les uns que les autres, car ils sont tous bons quand l'usage les reçoit » (III, 121) ; mais à la page 87 il a marqué comment le mot populaire avilit. " Il faut souffrir que la Satyre use des mots populaires quand elle veut avilir quelque chose. Si le Soleil n'a pas le loisir de se moucher, c'est un mot vulgaire, qui se dit pour monstrer qu'un homme est fort empesché. »
2. «...Amasser toute la boue et toutes les ordures du mauvais Langage pour salir du papier blanc, c'est ce que je ne sçaurois trouver bon en la personne du meilleur de mes Amis. Si cette licence n'estoit arrestée, elle iroit bien plus avant. A la fin, il se trouveroit des esprits si amateurs des vilaines nouveautez qu'ils voudraient introduire à la Cour la langue des Gueux et celle des Bohemes ; nous verrions des Requestes et des Epistres en l'une et en l'autre de ces deux langues. Ce qu'on appelle le Narquois auroit ses Poëtes et ses Autheurs » (Dissert. XXIX, II, 687).
3. Toutefois l'auteur proteste contre la « liberté que certains demy-savants prennent de retrancher aujourd'huy de forts bons mots, comme ceux de face et de poitrine » (33) et propose plaisamment que désormais on n'imprime plus de dictionnaires sans leur approbation.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS « RAS " 163
loient dans la galle de Job ainsi que dans un fromage ppurry : car ces termes et ces pensées sont trop basses. Ce n'est pas que les paroles ne doivent estre entendues des simples, aussi bien que des esprits plus relevez, mais c'est que le peuple a de certains termes, qui estans indignes de la majesté de l'Eloquence pour leur bassesse, ne sont pas bien receus quand ils sont mis par escrit. Ne voyez vous pas que celui qui fait estat d'entretenir son jardin dans l'estime d'une curiosité extraordinaire, prend garde à en arracher les fleurs qui se trouvent chez les païsans, quoy que peut-estre certaines personnes plus qualifiées ne les rejettent pas entièrement. De mesme ceux qui aspirent à la gloire de l'Eloquence, ne peuvent donner place dans leurs discours aux paroles viles et populaires, qu'ils sçavent estre semblables aux pailles des diamants, qui pour petites qu'elles soient, en diminuent fort l'esclat et la beauté » (p. 37-40).
On se rappelle l'anecdote rapportée par Pellisson : Colletet se débattant contre Richelieu pour ne pas écrire barboter dans la bourbe de l'eau. Quoiqu'il s'agît d'une cane, s'humecter lui paraissait mieux, et non content de l'avoir soutenu verbalement, il en écrivait une longue lettre au Cardinal, ce qui faisait dire à celui-ci qu'il trouvait dans Paris même des personnes pour lui résister (Hist. de l'A., Liv., I, 85). Vers la même époque, les pamphlets de Scudéry, les Sentiments de l'Académie sur le Cid nous apportent l'écho de discussions sur la bassesse de divers mots, aussi disqualifiés que en si bon équipage ou traits d'amour. La Mesnardière, dans sa Poétique (390), le Style de l'Orateur répètent une même recommandation, « que les mots ne sentent pas la lie du peuple ni l'air que tient le vulgaire à s'en servir » (394).
Vaugelas donna aux faiseurs de classes l'appui de son autorité. On a vu plus haut ce qu'il entend par le bon usage. Il faut citer ici ce qu'il dit de l'importance qu'il y a à se garder des mots bas : « Il ne faut pas croire, comme font plusieurs, que dans la conversation, et dans les Compagnies, il soit permis de dire en raillant un mauvais mot, et qui ne soit pas du bon Usage ; ou si on le dit, il faut avoir un grand soin de faire connoistre par le ton de la voix et par l'action, qu'on le dit pour rire ; car autrement cela feroit tort à celuy qui l'auroit dit, et de plus il ne faut pas en faire mestier, on se rendroit insupportable parmy les gens de la Cour et de condition, qui ne sont pas accoustumez à ces sortes de mots. Ce n'est pas de cette façon qu'il se faut imaginer que l'on passe pour homme de bonne compagnie... et j'ay veu souvent des gens qui, usant de ces termes et faisant rire le monde, ont creu avoir réussi, et neantmoins
------------------------------------------------------------------------
164 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
on se rioit d'eux, et l'on ne rioit pas de ce qu'ils avoient dit... Par exemple ils disoient : boutez-vous là, pour dire mettez-vous là, ne démarez point, pour dire ne bougez de vostre place ; et le disoient en raillant, sçachant bien que c'estoit mal parler, et ceux qui l'oyoient ne doutoient point que ceux qui le disoient ne le sceussent. et avec tout cela ils ne le pouvoient souffrir. Que s'ils repartent qu'il ne faut pas dans la conversation ordinaire parler un langage soustenu, je l'avoue ; cela seroit en quelque façon plus insupportable, et souvent ridicule; mais il y a bien de la différence entre un langage soustenu, et un langage composé de mots et de phrases du bon Usage, qui, comme nous avons dit, peut estre bas et familier, et du bon Usage tout ensemble ; Et pour escrire, j'en diray de mesme, que quand j'escrirois à mon fermier, ou à mon valet, je ne voudrais pas me servir d'aucun mot qui ne fust du bon Usage, et sans doute si je le faisois, je ferois une faute en ce genre » (Préf., I, 26-27).
Malgré Dupleix et La, Mothe le Vayer, les flétrisseurs de mots eurent gain de cause. L'honnête Chapelain se voit reprocher par un sieur du Rivage, « quantité de meschants mots indignes de la sublimité du Poème héroïque » (47), — des " manières de parler basses » (56) et la messéance d'une comparaison où le « roy Charles » est comparé à un taureau embourbé. Il est vrai qu'Homère avait « comparé l'opiniatreté d'Ajax à celle d'un estrange animal » ; mais c'était « en un siècle qui n'avoit pas la délicatesse de nos derniers temps » (45) 1. Il y a mieux. On vit un jour Scarron se plaindre à M. d'Aumale d'Aucourt, du langage de ceux qui compromettent le burlesque, des « rimailleurs Bibus nommés poètes par abus » 2. Inversement,
1. Lettre du sieur du Rivage contenant quelques observations sur le Poème de la Pucelle, Paris, de Sommaville, 1656, 8°.
2. Ils ont pour discours ordinaires, Des termes bas et populaires,... Des mots tournez en ridicule Que leur sot esprit accumule, Sans jugement et sans raison, Des mots de gueule, hors de saison, Allusions impertinentes Vray stile d'amour des Servantes, Et le patois des Païsans Refuge des Mauvais-plaisans ; Equivoques à choses salles, En un mot le jargon des Halles, Des Crocheteurs et Porteurs d'eau : Nommé langage du Ponceau. Il n'est chose dont moins l'on rie Que de cette plaisanterie Chez le beau monde de la Cour, Où la politesse en son jour, Tres difficilement tolere Le jargon de la Harangere.
(OEuv., I, 152-3.;
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS « BAS » 165
il ne fallait plus que des mots pleins de noblesse et de poésie fussent ravalés à de vilains usages. C'est une honte, aux yeux d'une Précieuse, que de dire « j'aime le melon » 1.
Ainsi il y a des classes de mots, et il n'y en a pas deux seulement : d'une part des mots nobles, de l'autre des mots bas. Dans la première catégorie point ou peu de divisions, mais dans l'autre que de degrés, (on eût dit plutôt que d'étages) 2 !
Il y a d'abord les mots bourgeois, car bourgeois, dans la bouche des gens de cour, est un terme d'injure, dès le commencement du siècle, on le voit à certaines plaisanteries 3. A l'époque des Précieuses,
1. « Il s'agissoit de sçavoir la force d'un mot dont on se sert ordinairement à table, et s'il faut dire j'aime le fruit, j'aime le melon, je hay le sucre... Je fis valoir la beauté de la metaphore, et la force de l'usage autant que je le pûs. Je monstre que le mot d'aimer estoit plustost appliqué à l'action qu'à l'objet. Que comme cette action estoit pleine d'ardeur et de désir, et suivie de satisfaction et de plaisir, on l'avoit confondue avec celle qui nous emporte à cherir les bons morceaux, à aimer les bons fruits ; et voulant faire grace à la liberté du bien dire, je m'eschapé jusques là, que si tous les mots dont on se sert dans le langage familier estoient fondez en raison, comme ceux des anciens Hebreux, on pourroit banir le mot d'aimer plustost de la Ruelle que de la table, parce qu'il y a dans l'une des choses aussi peu aimables que dans l'autre... Elle voulut charitablement m'enseignerce que c'estoit que le mot d'aimer, et la ridicule application qu'on en faisoit à table à propos des fruits et des morceaux exquis qui peuvent bien estre objets du goust, mais non pas d'amour. Qu'il est aussi extravagant d'apeller un bon morceau aimé que de l'apeller aimable. C'est traitter, disoit-elle (d'un ton de triomphe et de victoire) le vin de Cloris et de maistresse. Ah l'aimable citrouille! ah l'adorable lard! ô miracle d'amour, saupiquet de guille!... Je luy dis seulement, Madame, de grace, donnez nous donc un mot qui valle celuy que vous nous ostez... Usez, dit-elle, si vous voulez, du mot de gouster, du mot d'approuver... Mais le mot d'aimer est infiniment au dessus de celte basse expression que le peu de soin de bien dire laisse appliquer avec tant d'injustice et si peu de raison aux actions des sens et du goust « (La Prétieuse, 196-204). —
2. « Il y a, dit un poëte greccité par Aristote, trois étages d'espris, dont le plus haut est de ces espris sublimes et relevez qui voient tout, qui penetrent tout et qui jugent de tout, par la force et la grandeur de l'entendement dont l'auteur de la nature les a doüés à leur naissance. L'étage du milieu est des espris médiocres... Au dernier et plus bas étage sont logez ces espris mal faits qui ne sçauroient se conduire ni par eus mesmes ni par les avis des autres, etc.. Richelieu, ce divin esprit qui est du plus haut étage ; Balzac, cet esprit de bas étage » (Let. de Phyll., t. II, 1. IV). Balzac emploie le mot, tout comme son adversaire (Entret., VI, chap. I) : Quand je m'éleveray au dessus de toute la Nature connue, et de tout le bas estage du Monde. Cf. La Mesnard., Po., 1656, 171, Discours de réception à l'Académie et 91 : nostre ame en cet ordre estant du moindre Estage ; cf. aussi 218 : Un noble orgueil, un dégoust du vulgaire, Un fier mépris pour l'estage ordinaire ; Loret, Po. burl., 1617, 168 : Je serois un ingrat et du plus haut estage. La Gazette a souvent l'expression : 14 mai 1661, 3 déc. 1661, 21 janv. 1662, etc. Ainsi Molière ne fait que suivre l'usage en écrivant : Mon Dieu, que vostre esprit est d'un estage bas (F.sav., I, 1).
Ne pas croire à une figure vue dans les reverences à double ou à triple étage. C'est une expression banale. N. Du Fail, Contes, I, 211, bib. elz. ; Sorel, Berg. ext., 1627, 112, Courtisan parfait, 1610, 258. On dira aussi bien un « maussadas à triple étage » (Cyrano, Péd. joué, III, 2).
3. Le Savetier commença en ceste sorte : Nostre femme, messieurs... Ce commencement fit esclater de rire Belles-Oreilles et Poltronesque ; le Savetier leur demanda ce qu'ils avoient à rire ; ils respondirent : De ce que nous avons part à ta femme. Vous avez tous menty, dit-il, respect à la compagnie; ma femme est femme de bien et ne se communicque pas à trois. Nous autres bourgeois, avons accoustumé de dire nostre
------------------------------------------------------------------------
166 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
il est hors de doute qu'être du dernier bourgeois 1 est un crime, user d'un mot de ce monde est bon pour les sottes qui vont au Cours et aux Tuileries avec leurs maris ou leurs frères, ainsi que dit le Polyandre 2. J'aurai à revenir sur ces mots bourgeois ; dans les couches élevées, ils se confondent presque avec les mots des gens de robe. Ailleurs ils descendent jusqu'aux termes des marchands de la rue Saint-Denis.
Viennent ensuite les expressions réservées au menu peuple, aux « mécaniques ». Malherbe disait être plébée, Balzac lance l'expression : paraître peuple 3.
Enfin tout au plus bas, rampent certains mots « de la lie du peuple ». comme les appelle Vaugelas (II, 378) 4.
femme pour donner à entendre qu'elle n'est pas celle de la communauté ny des voysins. Or, puisque c'est la façon de parler en bourgeois, excusez-nous, dirent BellesOreilles et Poltronesque, et continuez, s'il vous plaist (Le carabinage et matoiserie soldatesque, 1616, 85). Cf. Sorel, Francion, 1641, 282 : c'est l'injure que cette canaille (les pages) donne à ceux qui ne suivent point la Cour.
1. Préc. rid., sc. 4.
2. 1648, II, 574 : « L'on se moquoit de celles qui estoient si badines, d'aller en ces lieux là avec leurs maris ou leurs frères ; que d'aller ainsi en famille, il n'y avoit rien de si bourgeois que cela, et que c'estoit estre encore des bonnes gens du temps passé; Qu'estant en une telle compagnie, cela congedioit les galands de plus de trois-lieuës, et que par ce moyen l'on n'avoit aucune part aux gentillesses du Monde. »
3. On l'attribue, dit-il, à Mme la Mareschalede Rais. Ils avoient si bonne mine, ces Princes Lorrains, qu'auprès d'eux les autres Princes paroissoient peuple. Cette façon de parler est un peu hardie, et un Grammairien scrupuleux diroit : paroissoient bourgeois. Mais la Cour est au dessus de l'Ecole, et ne reconnoît point, non plus que l'Eglise, la juridiction de la Grammaire (Diss. IX, t. II, 491).
4. Quant à l'argot, il est encore vraiment séparé de la langue littéraire. On n'en trouve guère au XVIe siècle dans les textes. A citer cependant le second livre des Serées de Guill. Bouchet (juge poitevin) paru en 1597, dont le recueil est réimprimé en 1608, 1615,1634,1635. Une partie est consacrée aux larrons, voleurs, picoreurs et mattois, et contient un petit glossaire d'argot (188-190 de l'édition originale). Ensuite les Gaillardes poésies du capitaine Lasphrise (1599), qui contiennent un sonnet en " authentique langage soudardant ». On a vu plus haut avec quelle horreur Balzac entrevoit le jour où quelque hardi novateur apportera à la Cour du roi des oeuvres dans le langage de celle du grand Coesre. Avait-il eu connaissance que ce langage venait d'être recueilli? En tout cas, c'est à ce moment qu'on en fait un Dictionnaire : le Jargon ou Langage de l'Argot réformé, comme il est à present en usage parmi les bons pauvres. Tiré et recueilly des plus fameux Argotiers de ce temps. Composé par un Pillier de Boutanche, qui maquille en mollanche, en la Vergne de Tours, 2° édition (vers 1628), réimprimé en 1660, 1690, 1700 et au XVIIIe siècle. — Cf. aussi le Pasquil du Rencontre des Cocus à Fontainebleau (1623) où se trouve la chanson d'un cocu argotier qui prêche le maquerellage en jargon narquois (7-9, environ 40 vers) — et la Comédie des proverbes (1634) par Adrien de Montluc, prince de Chabannais, comte de Cramail ; la scène première de l'acte III est argotique. Pour plus amples détails, cf. Yve-Plessis, Bibliographie raisonnée de l'argot et de la langue verte du XVe au XXe siècle, Paris, 1901, 59-77 et Lazare Sainéan, L'Argot ancien, Paris, 1907.
La pénétration très lente de quelques mots semble se continuer. Je cirerai matte : le R. P. General ayant appris cette nouvelle matte, écrivit à nos Pères qu'on en empêchât l'exécution (Gar., Mém., 17) ; le P. Garasse connaît du reste les enfants de la malle et en parle : Les chevaliers de la Courte Espee et les confreres de la Matte seroient bien aises d'authoriser les couppe bourses dans Paris (Doctr. Cur., 607) ; Chapelain aussi
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS « BAS " 167
On imagine bien que je ne puis pas présenter les mots rangés suivant cette classification. Il faudrait pour cela accepter la qualification que l'un ou l'autre des théoriciens, de son chef, donne à un terme. Or on a rarement deux témoignages qui concordent assez pour que l'étiquette proposée soit la même. Plus tard la hiérarchie s'établira mieux, comme nous le verrons 1.
Je me bornerai à énumérer un certain nombre de mots et de locutions déclarés bas ou vulgaires. Mais je rappelle qu'il faudrait ajouter à la liste une bonne partie des mots déclarés vieux. Le plus souvent, comme nous l'avons vu, un mot vieux se réfugie dans les genres bas, le comique et le burlesque 2, quand il n'y est pas relégué d'office par ses proscripteurs.
Mots déclarés bas par les grammairiens :
Allécher — proscrit (ainsi que alléchement) par la nouvelle École (Gourn., O., 954 ; Adv., 63b). — Les allechements de l'ambition (Astrée, 1, 321A ).
Que leur avint-il — expression basse suivant Chevreau (Rem. s. Malh., 25). — On verra dans le Lex. de Corn, des exemples très nobles : quoi qu'il en avienne (Nicom., 1700) ; cf. Racan, II, 290 : quelque mal qui m'avienne.
Aviser (= apercevoir) — est bas et de la lie du, peuple (Vaug., II, 12b). La Mothe le Vayer affirme que les Princes et les Princesses le disent tous les
(Guzm. d'Alf., III, 460). Le mot est visiblement répandu, celui de matois également : Artephius qui estoit un des plus grands matois de la terre (Sorel, Polyand., II, 79) ; Mlle de Gournay affirme que mathoiser a été inventé par les plus célèbres Courtisans (Adv., 386) ; matoiserie, en tout cas, existait. Littré a cité le mot au XVIe siècle, H. D. T , en 1610. Il est dans Chapelain : le bon homme avoit l'oeil si fiché à ce que luy dictoit sa matoiserie (Guzm. d'Alf., III, 200). Ce fait ne prouve rien. On peut dériver sur ce nom ou sur le nom de gueux, on n'a pas pour cela la clef du langage particulier de la corporation. Garasse le dit très bien, dans un passage qui n'a pas été étudié par M. Sainéan, qui a dû considérer que c'était là un argot de fantaisie: " Il est certain que ces gens ont une secrette caballe parmy eux, qui ne s'enseigne qu'aux frères de la besasse, et de mille qui lisent le Picaro, soit en Espagnol, soit en François, je m'asseure qu'il n'y en a pas quatre qui l'entendent ; car il y a des termes mystérieux et des locutions de maraudailles, qui sont de vrays énigmes à qui n'a pas faict son apprentissage en gueuserie ; et qui entendroit ces locutions sans commentaires : ringer sur le pelat, et cahier à la bistorte ? il n'y a Calepin à dix langues, ny grand Etymologique qui en puisse venir à bout, ce sont paroles de cabale, et qui ne se disent qu'à l'oreille entre les belistres ». (Gar., Doctr. cur., 68).
1. Il serait plus facile de dire quels sont les genres nobles et les genres bas. On ne doit pas oublier que la comédie est du nombre de ces derniers. C'est ce qui explique par endroits le « jargon » de Molière.
2. Sorel indique dans sa Préface d'un des livres du Francion qu'il a voulu user de toute la langue :
« N'est-il pas vrai que c'est une très agreable et très utile chose que le stile Comique et Satyrique ? L'on y voit toutes les choses dans leur naïveté. Toutes les actions y paroissent sans dissimulation, au lieu que, dans les Livres sérieux, il y a de certains respects qui empêchent de parler de cette sorte, et cela fait que les Histoires sont imparfaites... Que si l'on est curieux du langage, comme en effet l'on le doit être, où le peut-on considérer mieux qu'ici ? Je pense que dedans ce livre on pourra trouver la langue françoise toute entière, et que je n'ai point oublié les mots dont use le vulgaire, ce qui ne se voit pas partout, car dans les ouvrages trop modestes l'on n'a pas la liberté de se plaire à cela » (Sorel, Francion, 1721, II, 217, début du 1. X).
------------------------------------------------------------------------
168 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
jours (67). Malgré cela Bary confirme la sentence de Vaugelas (Rh. fr., 244). — Je les avisois par le trou de la serrure (Ass. des dames de Paris, V. H. L., V, 303) ; il advise Ydalie au milieu de la plaine (Racan, I, 76). Il est burlesque : Il se met sur un mont où vainement il tasche, Planté sur ses orteils, d'aviser Saint-Eustache (Tabarin, II, 499); ayant la Sibylle avisée (Scarr., Virg., II, 172). Molière le met dans la bouche des paysans (D. Juan, II, 1).
Barguigner — mot si bas et si abject que Vaugelas « se feroit un scrupule d'en user en une lettre qu'il escriroit à son fermier ». On le remplace par hésiter, marchander (II, 378, Rem. posth.). — L. cite Molière. Je n'en ai point d'exemples dans le style relevé : Pourveu qu'il sceust surfaire ou barguigner (marchander) (Sarasin, OEuv., II, 60) ; Le mauvais payeur... né barguigne point (Chapel., Guzm. d'Alf., I, 58) ; prenez-le moy sans barguigner (Scarr., Virg., I, 277); mais, en fait d'un mari, ne barguignez point tant (Th. Corn., Bar. d'Albik., 1,5).
Besogne — « J'ai vu tout le monde s'arrester à ce mot de besogne pour travail ou ouvrage, et on le trouve bas» (Chapel., Let. à Balz., 3 juil. 1639). Balzac répond (I, 801) : « Besoigne dont je me sers métaphoriquement en cet endroit a une signification plus étendue qu'ouvrage ni que travail, le dernier se pouvant dire à la guerre, d'une tranchée ouverte et d'un peu de terre remuée. Que si on fait scrupule de se servir de besoigne, à cause de sa bassesse, par la mesme raison, il faut s'abstenir de tasche, de boutique et d'artisan, qui, à monadvis, ne sont pas plus relevez ». — Plus il a d'ouvriers en besogne (Du Vair, 371, 6); chercher de la besogne (Malh., II, 207) ; l'art et le fruit de la besogne (Id., II, 47).
Brandon — la nouvelle Ecole l'interdit, et cependant les mignards ne refuseroient pas de l'employer (Gourn., O., 618 ; Adv., 403 ; cf. Malh., IV, 374). — Un feu subtil s'allume, et ses brandons épars Sur votre don fatal courent de toutes parts (Corn., II, 405, Méd., 1307). — Il est burlesque : Bien qu'il n'ait point de bougie , De falot ni de brandon (Brébeuf, Luc. trav.., 108-109); ses yeux ardens comme un brandon (Scarr., Virg., II, 239).
Bride (au figuré) — Régnier en plaisantait déjà (Tallemant, Histor., I,95). Chevreau trouve que c'est une vilaine chose pour un grand Roi (Rem. s. Malh., 70).
Brocher — au sens de effacer ou faire des ratures est de la lie du peuple (Vaug., Rem. posth., II, 384). — Burlesque (au sens de fait à la hâte, bâclé) : le neuf de juin, fait et broché (Loret, 9 juin 1663, 257); cette lettre en hâte brochée (Id.,29 sept. 1652, 217).
Carquois — proscrit par la nouvelle École (Gourn., O., 958). L'amour dans son carquois me présente des fleurs (Racan, I, 125; cf. Id., II, 342). — Burlesque: portant la flèche et le carquois (Loret, 28 janv. 1662, 68); cf. Scarr., Virg., I, 289.
Cesse (avoir) — façon de parler fort rude dans les vers de Malherbe (I, 49), quoique le vulgaire dise d'un enfant toujours en action, qu'il n'a point de cesse (Vaug., II, 432, Rem. posth. ; cf. Chevr., Rem. s. Malh., 7) ; O cruauté du sort, qui n'a jamais de cesse (Raean, I, 47).
Le commun des satisfactions — façon de parler des. plus basses (Acad., S. suile Cid, Corn., XII, 488). L. cite Mol. et La Bruy. Mais dans ces exemples, le
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS « BAS » 169
nom régime est un nom d'homme, amants, hommes. De même Racan : du commun des mortels (II, 250).
Compte (faire) — plébée (Malh., IV, 272). Oudin (Curios. fr.) donne aussi comme populaire faire conte de = se proposer. Malherbe a employé dix fois la locution faire conte de ou que (voir le Lex. de Lalanne).
Contrefaire le triste — (Corn., Cid, 1337, var.). Scudéry veut : feignez d'être triste ; il trouve ce mot de contrefaites trop bas pour la poésie (Corn., XII, 460). Corneille corrige : montrez un oeil si triste.
Cotillon — porterons-nous nostre argent à leur escole pour apprendre à dire une juppe de femme en lieu de cotillon! (Gourn., O., 604; Adv., 392); — Le cottillon un peu retroussé (Astrée, II, b46). — Burlesque : et sa belle, en noir cotillon (St-Amant, I, 4b3); cf. Brébeuf, Lucain trav., 161; Scarr., Virg., I, 53).
Coup — Scudéry trouvait basse la phrase : Les hommes valeureux le sont du premier coup. L'A. refuse d'accepter cette opinion (Corn., XII, 489).
Coup de fouet — paraît à Malherbe « bas et plus que plébée » (IV, 435).
Délice — au singulier, est une façon de parler très basse (Vaug., I, 390; cf. II, 352). L. cite un exemple de Rotrou à la rime : Je vous retrouve enfin, o bonheur, o délice (Belis., II, b). — Burlesque : c'est un délice (Poisson, Fou de qual., 4).
Demeurer pour certain — Scudéry trouve bas ce vers : Je veux que ce combat demeure pour certain; l'A. également (Corn., XII, 490). Corneille a changé le vers.
Diable — le diable m'emporte, n'est pas une imprécation de bonne maison (Gourn., O., 605; Adv., 393). L. au mot diable 5° cite Molière. Comparez dans la langue burlesque et comique : que le diable m'emporte ! (Gombauld, Épigr., 19) ; Le grand Diable d'Enfer m'emporte ! (Scarr., Virg., I, 69).
Digne — « Le plus digne roy qui soit en l'Univers. On ne dit pas, ce me semble, le plus digne Comte, le plus digne Marquis qui soit au Monde, mais on peut bien dire le Prince du Monde le plus digne de l'Empire, le plus digne d'estre loué... Le Peuple dit neantmoins : c'est un digne homme. Mais M. de Vaugelas ne reçoit pas ce digne homme dans le bel usage, et Malherbe mesme le mettoit entre les Locutions plebées » (Balzac, Entretiens, XXXII, 1657, p. 315). Cf. Racan : Mais moy, qui du malheur suis la digne victime (II, 186).
Empaulmer (un homme) — est condamné à tort par la nouvelle Ecole (Gourn., Adv., 385). Il est dans Molière (Éc. des F., III, 5) et à ce propos Livet a donné des exemples. Ils sont tous, sauf celui de Jean de Schelandre, de la langue comique.
Entaché (d'un vice) — mot extrêmement bas (Vaug., II, 326). La Mothe le Vayer (éd. or., 84) et Chapelain soutinrent l'expression, qui resta. — Le mal dont je suis entaché (Racan, I, 209) ; pour moy, qui suis de crimes entaché (Id., II, 125; cf. I, 84, 145; II, 14). — Burlesque : cet homme, de crime entaché (Loret, 25 sept. 1655,219); cf. Scarr., OEuv., I, 129.
Etre plus que suffisant — façon de parler basse et populaire (Scudéry d. Corn., XII, 458). Corneille a gardé le vers.
------------------------------------------------------------------------
170 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Être pour — dans le sens de courir fortune, façon de parler tres-françoise, mais basse (Vaug., II, 27).
Face — l'histoire de ce mot est presque aussi étrange que celle de poitrine. Il était, dit Mlle de Gournay, refusé du nouveau jargon parce qu'on parle de la face du grand Turc. (O., 958 ; Adv., 638). L'Issue aux Censeurs (386) confirme ce témoignage. Dans le Rôle des présentations il est résolu qu'il « sera escrit à M. de Marcheville pour le supplier d'en conférer avec le premier vizir, pour tascher de savoir si le Grand Turc se le veut approprier privativement » (V. H. L., I, 133). C'est donc probablement à Malherbe et à son école que remonte cette bizarre proscription. Vaugelas n'ose pas dire « la raison ridicule et extravagante » qui le fait rejeter. Néanmoins il conseille de s'en abstenir (I, 134). Et Bary est de son avis (Rhet. fr., 228 ; cf. Chevreau, Rem, s. Malh., 70). Dupleix au contraire défend le mot (Lib., 451). Avant 1630, face est commun : Les trente mille avoyen tosté l'air à vos faces (d'Aubigné, Trag. Lal., 303) ; je jetterais vostre vergogne sur vostre face (Camus, Alcime, 213) ; sur les traits de la face (Espad. sat., 36) ; sur la face de Leocadie (d'Audig., Six nouv., 91) ; la face doucement riante (R. François, Merv. de Nat., 492); si tous ses appas' sont encore en sa face (Malh., I, 59) ; avec la face descouverte, laquelle il montra assez vénérable (Hist. adm. d'un favori, V. H. L. 1,1061.— Après cette date il devient rare : Corneille ne l'emploie au sens de visage que dans ses premières pièces : un fantôme pareil et de taille et de face (II, 403, Méd., 1285 ; cf. VIII, Imit., 387, 550, 616, etc.); Quand lui, la face ouverte et nullement émue (Rotrou, Antig., 1, 2). — Je ne tiens pas compte des expressions mises à part par Vaugelas : face à face, regarder, résister, soutenir, reprocher en face, et de la formule religieuse, la face de Dieu.
Fascherie — Mlle de Gournay le défend (O., 591). — Estant dans cette fascherie (Sorel,Polyand., 1,126 ; cf. id., ib., 230, 340; vivre avec quelque fascherie, d'Ouville, Contes, 1644, II, 48) ; cf. Courtisan parfait, 44 et 130 ; Sarasin, I, 190. — Il est encore chez Pascal : les grands et les petits ont mesmes accidents, mesmes fascheries et mesmes passions (Pens., 1, 9).
Fallace — peu courtisan (Malh., IV, 380). Il est dans Régnier, Sat. VII ; cf. ayant à parler de la tromperie et de la fallace (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 29).
Fausse tresse — bas et populaire (Malh., IV, 437).
Faux jaloux — plébée (Id., IV, 280).
Finalement — n'est pas du beau style (Vaug., I, 93).
Se fondre en eau— Scudéry le trouvait bas dans le vers 799 du Cid : pleurez, pleurez, mes yeux et fondez-vous en eau. L'Académie refusa de condamner l'expression (Corn., XII, 492).
Fortuné — Malherbe blâmait fortuner dans le sens de rendre heureux. Mais il ne parlait pas de fortuné au sens de malheureux (IV, 461). Vaugelas ajoute : « Quand fortuné signifie heureux, il est plus noble que le mol d'heureux et n'est pas tant du langage familier : un prince fortuné. Mais dans la signification de malheureux, il est bas, comme ce pauvre fortuné (II, 17b). Ce n'était pas l'opinion de La Mothe le Vayer (70). Mais l'usage approuva Vaugelas.
Gagner au pied — bas et populaire (Malh., IV, 403). — Elle print la fuitte et
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS « BAS » 171
gaigna au pied (Caq. de l'Acc, 216); gagne au pied le timide lièvre (Scarr., Virg., 1, 48; cf. Id., ib., I, 334; II, 153; II, 256). — Plus tard : Mendoce gagne au pied de peur qu'on ne l'accuse (Montfleury, Coméd. Poète, IV, 4); gagnons au pied (Th. Corn., Am. à la mode, III, 8).
Geindre — n'est pas à fuir en poésie (Gourn., Adv., 260). Monet le considère comme vieux et Oudin le marque d'une f. — Quand ils ahanent ou font semblant d'ahaner, je les oy geindre (Malh., II, 465).
Gîte — Morgues ne voulait pas qu'on en usât, sous prétexte qu'on dit gîte de lièvre (Dupl., Lum., 281; cf. A. de B., 241). L. cite Molière. Je n'ai comme lui que des exemples du style familier ou comique. — De faire un mauvais giste (Airs et Vaud. de Cour, I, 286); Vers où seramon dernier giste (Scarr., OEuv., 1, 144) ; elle fut au gîte, à Moret (Loret, 2 nov. 1658) ; au Louvre il prendra son gîte (Id., 21 avril 16b2; cf. Id., 6 sept. 1683; 6 nov. 1660).
Grommeler — proscrit par la nouvelle École (O., 954) ; S'ils gromellent quelque impieté (Gar.,Doct. Cur., 802; cf. 336) ; Ouïr... grommeler sa conscience (Brébeuf, Luc. trav., 116) ; Tout bas le drille grommelle (Id., ib., 135 ; cf. Bensserade, I, 327; Scarr., Virg., II, 222; Loret, 15 mars 1659).
Hurler — proscrit par la nouvelle École, en parlant d'une lamentation des Nymphes (Gourn., O., 954; Adv., 63b). L. cite Despréaux, Lutr., VI. — Comique et burlesque : je hurlois avec ces loups (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 489; cf. Scarr., OEuv., I, 397).
Mâchonner — employé par les plus honnêtes gens (Gourn., O., 506; Adv., 328).
Malgracieux — est bas (Vaug., II, 306), sauf dans le burlesque (Scarr., Virg., 1,142). Contesté par La Mothe le Vayer (83). Je n'ai point d'exemple à ajouter à celui de Molière (Av., II, 1), cité par Littré. Vaugelas n'est guère plus favorable à gracieux, qui est aussi défendu par La Mothe le Vayer.
M'amour, m'amie — ne se disent qu'en termes de caresses (Vaug., II, 43). Patru trouve cela même bien vieux et bien enfantin. Ce sont des termes de petits bourgeois. Ailleurs, on ne dit m'amie qu'aux servantes. Les exemples réunis par Livet (Lex. de Mol., MIE, M'AMOUR) sont tous comiques et familiers 1.
Meffait — blâmé par Chevreau (Rem. s.Malh.,5) — *Nic., Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; Richelet considère méfaire et méfait comme des mots usés.
Mettre bon ordre — lâche et populaire (Malh., IV, 379). Il est dans Régnier, Sal. X, 32. On le retrouve chez les comiques : Tu me verras, Cliton, mettre bon ordre à tout (Th. Corn., Am. à la mode, II, 10).
Mettre (ne mettre guère = ne pas être longtemps) — C'est une phrase que Vaugelas ne voudrait pas employer même en parlant, car des femmes de la
1. Mymy — La Cour nous a forgé une mymy de la coiffe mignarde des Damés du Cours, par double diminutif de m'amye (Gourn., O., 502; Adv., 325). A l'approche des amis, Les masques et les mimis Se donnent à )a soubrette (Promen. du Cours, 1635, V H. L., X, 27).
------------------------------------------------------------------------
172 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Cour ne pouvaient souffrir de l'entendre dire à certaines femmes de la ville (II, 171). Muguet — bas et plébée. Il peut avoir lieu aux satires et comédies (Malh., IV, 326 et 369). — (Ma femme) entre les mains de ce jeune muguet (d'Ouville, Contes, II, 115) ; tous ces muguets qui vous veulent attraire (Sarasin, OEuv., II, 83). — Plus tard : aux entretiens de ces doctes muguets (Montfleury, Dupe de soi-même, 11,1 ; cf. Id., Éc des Filles, II, 11) ; Et bien loin d'imiter mille jeunes muguets (Th. Corn., D. R. de Cig., IV, 1; cf. dans le burlesque, Richer, Ov. bouf., 381).
Peste — la peste m'étouffe, employé par les mignardes, n'est pas de bonne maison (Gourn.. O., 605; Adv., 393). On trouve divers jurons avec ce mot, particulièrement la peste soit de, peste de (Airs et Vaud. de Cour, II, 229) ; la peste soit la sotte (Th. Corn., Gal. doublé, I, 2).
Pétulance — Mlle de Gournay se demande comment on remplacerait ce mot qui comprend l'insolence et l'impudence ensemble (O., 427, Adv., 259). L. cite Maucroix.
Pièce, faire pièce — Vaugelas trouve la locution basse (I, 430). Dupleix l'estimait fort bonne (Liberté, 445) ; vous avez fait pièce à nostre bonne mere (Sorel, Polyand., II, 382); nous sommes bien aises de lui faire pièce (Id., ib., II, 114) ; Clarice m'a fait pièce et je l'ai su connoître (Corn., IV, 237) ; il fait pièce nouvelle, écoutons (Id., IV, 194). Et luy faire pièce pour rire (Scarr., Virg., II, 31) ; et fait toujours pièces nouvelles (Loret, 26 nov. 1651 ; cf. 28 déc. 1652).
Pouvoir (il y peut = il y tient) — est du style bas (Vaug., I, 245). Dupleix soutient cette locution (Liberté, 464).
Serf ( = serviteur') en termes d'amour : je suis serf de Madame, déplaisait à Malherbe (IV, 413; cf. Gourn., Adv., 403). Mlle de Gournay ajoute que servant est dans le même cas (Adv., 637) 1.
Solliciter ( = soigner, secourir) — comme on le dit à Paris, est du plus bas usage (Vaug., I, 129). La Mothe le Vayer est d'un avis contraire (42).
Taxer (= blâmer) — n'est plus reçu dans le beau langage (Vaug., I, 354). Chapelain et La Mothe le Vayer (51) ne partageaient pas cette opinion. —Il est très commun : ces méchans dont l'insolence Taxe nos plus justes desirs (Racan, II, 98). Livet, à propos d'un vers de l'Étourdi, 1, 2, a rapporté de nombreux exemples (Lex. de Mol., III, 677).
Tintamarre — mot de comédie ou de satire (Malh., IV, 404) ; cf. Gourn., Adv., 403. — On verra dans Littré des exemples de Pascal et de Bossuet. Toutefois la masse des exemples appartient au genre comique : ne pouvant aussi plus endurer le tintamare (Plais. Ruses de 3 bourg., V. H. L., VII, 29); En ces perplexitez et premiers tintamarres (Eff. pact., Ib., IX, 303); L'estrange bruict et les grands tintamarres (Purg. des Prison., Ib., VIII,208); Le Lamarre de la nuée (R. François, Merv. de Nat., 588); par un merveilleux tintamarre (Merc. de Fr., 1631, 790; cf. 794); le tintamarre de ses rouës (Coureur de nuict, 46); un tintamarre espouventable (Gombauld, Épigr., 76) ; quel desordre, quel tintamare! (Airs et Vaud. de Cour., II, 183) ; cf. Chapel.,
1. Servage reste usuel (Malh., I, 98, Rec. de Rond., 1639, 179, Malleville, Po., 294).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS « RAS " 173
Guzm. d'Alf., II, 9 ; III, 175 et St. Amant, I, 448, 397. Cyrano le met dans la bouche de Gareau (Péd. j., II, 2).
Tout son monde — se dit en parlant, mais est de la lie du peuple : il fit avancer tout son monde, ne serait pas souffert dans le style noble pour dire, tous ses domestiques, moins encore pour toutes ses troupes (Vaug., I, 281).
Traits — Scudéry le trouve bas dans ce vers de Corneille : aux traits de ton amour ni de ton desespoir (Cid, 956, Corn., XII, 459). Mais l'Académie (ib., 494) repousse cette censure. Le mot est resté tout à fait classique. Voir L., 28°.
Trogne — des plus hautes et polies dames de la Cour appelloient n'agueres leur trongnette une fort belle peincture de jeune fille, logée en leur cabinet où je me trouvay (Gourn., O., 507; Adv., 328). L. cite le passage célèbre des Pensées de Pascal. Mais presque tous les exemples appartiennent au style familier et burlesque. — Il ne faudroit que regarder sa trogne (Gar., Doctr. Cur., 769); Reprend ta trogne rubiconde (Rec. Rond, div., 1639, 122); Et tous en différentes trognes (Scarr., Virg., I, 84); d'une joviale trongne (St. Amant, I, 226; cf. 11,434); cf. Chapel., Guzm. d'Alf, III, 440; Colletet, Juv. burl., 20. Ex. innombrables dans Loret.
Troquer — au lieu de ce commerce que je troque, je dirais que j'exerce ou que je fais (Chapel., Let. à Balzac, 28 déc. 1640). — Pour la troquer (sa doctrine) contre quelque bon repas (Sorel, Polyand., 1,323-324); pour se troquer avec un Prince (Maynard, OEuv., 1646,221); Troquons, je le veux bien (Bensserade, I, 329); cf. Scarr., OEuv., 1, 29; 104; Virg., II, 276,288).
Tympaniser — mot de raillerie qui ne doit jamais être employé en une matière sérieuse (Vaug., II, 467, Rem. posth.). Livet, dans son Lexique de Molière, a cité des exemples, tous pris au style familier et comique.
Vaillant comme son espée — c'est le peuple qui dit ainsi (Chevr., Rem. s. M., 67).
Je n'ai voulu dans ces listes faire entrer que des mots dont nous savons par des textes précis qu'on les a rejetés, ou qu'on a tenté de les rejeter dans le langage vulgaire. Mais on s'est détourné sans en rien dire de bien d'autres: daho, débraillé, démarrer, escarhouiller, être sur des épines, passer l'éponge, pleurerie, etc., etc., dont on rencontre encore un exemple chez Godeau, chez Chapelain ou chez Corneille, puis qui disparaissent des oeuvres sérieuses et du style noble 1. Aussi qu'il s'agisse des mots déshonnêtes ou des mots bas, il ne faut point s'en tenir aux maigres listes que je viens de donner. Elles doivent servir plutôt à caractériser l'esprit puriste qu'à mesurer les ravages qu'il a faits. Rejeter un mot de son oeuvre est en effet une autre façon, non moins décisive, de le condamner.
1. C'est parce qu'elles sont basses qu'on abandonne des images telles que : baillonner ses maux (Malh., IV, 257), tirailler le coeur, des tonneaux d'amertume, faire la sourde oreille, gagner au pied (cf. Doctr., 244).
------------------------------------------------------------------------
174 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Il faudrait donc pour se faire une idée de la masse des termes qui sont exclus de la langue littéraire, parcourir un vaste recueil, comme les Curiositez françoises d'A. Oudin 1, et y relever la multitude de termes qui sentent le vulgaire, c'est-à-dire presque tous, puis les comparer, soit à un lexique de puriste, comme Richelet, soit à des lexiques complets d'écrivains, quand nous en aurons.
Dès l'abord, le résultat est frappant.
Par exemple sont donnés par Oudin et condamnés dans Richelet : mijaurée ; quenotte ; sabbat (bruit) ; sac à vin ; sobriquet (« un surnom de raillerie », vulg. Oudin — burlesque, Rich.) ; tape ; tintouin ; touillant (un bon compagnon) ; trantran (ce mot est du petit peuple de Paris, et il signifie la manière ordinaire de faire une chose) ; baptisé (vin) ; salé (vendre bien salé, bien cher); torticolis (adj.) ; aller (le commerce ne va pas; — cela s'en va sans dire) 2 ; dauber ; détaler ; rembarrer ; se remplumer (redevenir riche) ; se requinquer (se dit des personnes vieilles qui se parent et s'ajustent proprement) ; taper ; de guingois (d'une manière malpropre, mal arrangée, tout de travers) ; rondement (aller rondement en besogne) ; en tapinois; prendre, tenir le haut du pavé, se mordre les pouces ; chanter pouilles ; courir la prétentaine ; se mettre, se tenir sur son quant à moi; être à quia; faire rafle ; saigner du nez (c'est manquer à sa parole, ne pas tenir ce qu'on avoit promis) ; faire le tacet ; laver la tête ; enfiler la venelle.
Plus nombreux sont encore les mots populaires que mentionne Oudin et qu'ignore Richelet. Citons, parmi d'innombrables exemples : un chinfreneau (coup sur la tête) ; du quibus ; de la quincaille (de l'argent) ; le rastelier (les dents) ; souleur (une peur subite, vulg.) ; saligaud ; faire des siennes (faire des actions inconsidérées selon sa coustume, vulg.) ; tabuler (tourmenter); taner (mot vulgaire « tourmenter ») ; tapotter; tarabuster ; toupier (tourner de côté et d'autre, travailler lentement, vulg.); cahin-caha (vulgaire, avec peine et par secousses) ; porter une dent, l'eschapper belle ; je vous promets que cela est ainsi (je vous asseure, vulg.) ; se mettre en quatre ; avoir rosty le balay ; faire un beau service (beaucoup de bruit, vulg.) ; faire le sibilot (le badin, le bouffon, vulg.) ! gagner le taillis ; donner une talemouse (un soufflet, vulg.) ;
1. Les Recherches donneraient d'abord d'utiles indications, car parmi les mots marqués d'une étoile, beaucoup sont vulgaires : s'adonner, il m'est advis, afaner, affiquets, affres, ange de grève, avalleur de pois gris, avalloire, etc.
2. Oudin donne en outre comme vulgaire aller pour « estre bien seant » : ce rabat va bien. Mais Richelet cite l'expression sans la condamner. *Aler , être bien séant (habit qui va bien).
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS « RAS » 175.
cet habit a fait son temps (il est usé, vulg.) ; un tour de reins (un effort, vulg.) 1.
Mais cette méthode, si rigoureuse qu'elle paraisse, devra être maniée avec précaution, car elle a quelque chose d'arbitraire. De ce qu'un mot d'Oudin ne sera pas dans Corneille, il ne s'ensuivra pas qu'il est écarté par Corneille. Il peut être, et depuis longtemps, rejeté de la langue écrite et littéraire. La comparaison du lexique de Corneille et de celui de Scarron pécherait par le même défaut. Elle prouverait qu'à côté de la langue officielle, il existe un vaste matériel linguistique, elle ne montrerait que d'une manière bien incertaine le développement du goût puriste.
Ce qui donnerait l'idée la plus juste de l'épuration pratiquée, ce serait peut-être de comparer des vocabulaires d'auteurs successifs, s'ils existaient. Jusqu'à la fin du XVIe siècle, il n'y a guère de changements essentiels. On retrouverait dans les poètes les mots les plus hardis de Ronsard : boyau, panse, trogne, charogne. On se rappelle le passage si caractéristique cité par Marty-Laveaux :
...alors Jupiter du traict de sa tempeste Aux Geants aveuglez escarboüilla la teste, Leur faisant distiller l'humeur de leurs cerveaux, Par les yeux, par la bouche et par les deux naseaux : Comme un fromage mol, de qui l'humeur s'esgoutte Par les trous d'un panier à terre goute à goute.
(Ronsard, VI, 141.)
1. Deux exemples feront saisir toute la richesse de cette langue populaire du XVIIe siècle. Nous avons relevé dans Oudin les équivalents de boire. Les voici : chinquer; churlupper : entonner ; souffler; trinquer ; abbreuver le mors; arrouser le porte-mors ; croquer la pie ; envoyer au pays bas ; fleuter pour le bourgeois ; hausser le coude, le cul, le gobelet, le godet, le temps; se laver les tripes; plier le coude; prendre patience (boire du vin; les bonnes femmes appellent ainsi le vin, vulg.); prendre par la bouche; rincer le godet; siffler; souffler à l'encensoir, au bourrabaquin; trousser un verre de vin; en mettre un en prison; faire un prisonnier. — Pour s'enivrer on se bride, on charge, on coiffe Boline, on se coiffe, on deschausse Bertrand, on s'emburelucoque, on s'enlumine, on fesse ses poules, on se gaste de vin, on s'imprime, on met de la paille dans ses souliers, on se peint, on se prend de vin, on se saoule. Un homme ivre est bridé de vin, chargé, coiffé, enfariné, enluminé, imprimé, pion, plein, rond, saoul. Il rend, rend compte, rend gorge, rend tripes et boyaux, déboit, escorche le renard, jette du coeur, jette des fusées, appelle huet, lire du coeur, renonce à la triomphe.
Voici maintenant les diverses façons de traduire s'enfuir: arpenter; desloger; desloger sans trompette; faire Jacques Desloges; enfiler la venelle; faire hau le gigot ; faire hault le corps; gaigner pays ; gaigner le haut; gaigner aupied; gaigner la coline; gaigner les champs; gaigner la guérite; gaigner le taillis ; gaigner la porte ; jetter les jambes à son col ; prendre les jambes a son col ; pendre les jambes à son col; plier ses chemises ; plier bagage ; plier son paquet ; tirer ses chausses; tirer païs ; trousser bagage; trousser son paquet ; trousser ses quilles; jouer du manicordion à double semelle; se sauver par les marets ; faire un peigne ; lever le piquet ; se remuer d'un lieu ; sonner la retraite; montrer les talons ; jouer des talons ; vuider le pays ; vuider.
------------------------------------------------------------------------
176 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Du Bartas n'écrit point d'un autre style :
Sa prière achevee, elle oit soudain comment L'yvrongne Prince ronfle, et puis tout bellement S'approchant du chalil, saisit le cimeterre, Qui, cruel, a trempé dé sang toute la terre.
(Jud., VI, 95.)
Bagos oyant le cri d'Isaac se renforcer,
Se prend à coups de pied contre l'huis enfoncer :
Puis là dedans entré, dessous la couche sale,
Trouve non Holoferne, ains sa charong ne pasle (98) 1.
Montchrestien dira aussi tout simplement, pour marquer la fragilité de la pauvre nature humaine :
La vie est un air chaud
Qu'un pepin de raisin peut soudain estouffer.
(Escoss., 87.)
Et il y a bien d'autres vulgarités dans l'épopée de d'Aubigné, dont les tableaux vigoureux et les apostrophes virulentes empruntent à notre lexique tout ce qu'il peut fournir de mots violents et d'images truculentes.
C'est une tradition qui va bientôt se perdant. L'ode d'abord, s'ennoblit. Il faut un Théophile pour parler à une coquette de casser ses pots de terre où elle renfermait ses onguents, et lui dire que plus tard seulement, quand les rides auront coupé son front, elle pourra encore excroquer l'amour et se faire de cire ou de plâtre (II, 61; cf. I, 209). Les Colomby, les Monfuron parlent désormais d'un autre style.
Dans la tragédie, Hardy est à peu près le dernier qui ose employer des mots tels que abruti (Mar., III ; II, 455), et ronfler
1. Cf. ib., 92. Tant que Rome eut pour Chefs les Cures, les Fabrices. A qui les cuits naveaux servoient d'exquis delices : Et que le seul cresson à la Perse servit De délicat repas, et l'une et l'autre vit Tout heur chez soy loger, et redoutee en guerre De trophées remplit presque toute la terra. Mais clés que ceste-ci apprit des successeurs De Nine Assyrien les sucrées douceurs, Et dés que l'autre encor à la gueule adonnée, Fut par Galbe, Neron et Vitel gouvernée, Cerchant non moindre gloire en un prodigue plat, Qu'en un conflit gaigné sur Pyrrhe ou Mithridat, Toutes deux justement se virent saccagees Des nations jadis par elles outragees. Nature vit de peu, et les mets superflus Rendent les esprits lourds, et les estomachs crus...
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS « BAS " 177
(Didon, IV, 1; I, 46). On ne verra plus sur la scène une héroïne appeler son mari mâtin carnassier (Mar., II, 1 ; II, 415; cf. 419), ou un héros apostropher une femme du nom de paillarde (Mél., IV, 2; I, 253)1.
Cependant le mouvement est en somme assez lent. Dans l'épopée, on l'a vu, Chapelain n'est pas encore partout vraiment noble. Le P. Lemoyne non plus. Son Saint-Louis renferme bien des hardiesses. Il peint sinon les hommes, du moins les animaux de couleurs assez vives, et mêle à ses périphrases pas mal de mots propres : Voici par exemple un crocodile « qui traisne De son ventre pendant la sanguinaire masse » :
D'un double rang de dents sa gueule estoit ferrée ; Et deux enfans par jour à son ventre il destine ; Le sang frais en tout temps coule par sa demeure : Sa machoire écumante en degoutte à toute heure; Sur les restes des morts, il ronge les mourans, De ses ongles ouverts, dans sa gorge expirans : Les os, les intestins autour de lui pourrissent.
(liv. III, p. 33.)
Ailleurs, il n'a pas peur d'écrire, en parlant des débris affreux des cadavres (liv. XV, p. 191) :
Et ce debris sanglant de testes enlevées, De membres écrasez et d'entrailles crevées.
Il faut, pour trouver le mot vague et la périphrase continuelle, descendre jusqu'au Clovis de Desmarets (1657).
Je dirai même chose des genres que Racan a cultivés. M. Arnould a eu raison de montrer que les mots techniques, qui circulent surtout sur les lèvres paysannes, ne l'ont pas effrayé : coupeau, écarer, égail, escalier, gagnage, outiron, pelu, teiller du chanvre 2. Ce n'est point là encore le fade et incolore lexique de Mme Deshoulières.
Toutefois on a donné déjà à l'âge suivant de bien mauvaises doctrines, et de déplorables exemples. Les textes même des anciens poètes n'ont plus paru inviolables, on les a mis au goût du jour. Le traducteur de Juvénal déclare qu'il « a un peu biaisé le sens et la force des paroles, pour n'offencer pas les oreilles chastes » (Les Sat. de Juvén., 1653, Préf.). Un autre a émondé Plaute : « J'y ay gardé plusieurs façons de parler proverbiales, et j'y en ay mesmes
1. Cf. Rigal, Alex. Hardy,617.
2. Arnould. Racan, 662.
Histoire de la Langue française. III. 12
------------------------------------------------------------------------
178 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
employé quelques-unes de triviales, quand je m'y suis trouvé oblige, mais non pas dans cette bassesse infâme, qui donnerait du dégoût aux Esprits les plus médiocres, et qui ne. seroit capable de plaire qu'aux Ames les plus viles » (Les Comédies de Plaute, 1658, Préface). L'heure des belles infidèles a sonné.
Il n'est pas jusqu'à la prose, qui ne se purifie. Il suffit de considérer un seul genre, l'éloquence de la chaire, pour suivre les exigences croissantes du purisme. Les mots déshonnêtes ou réalistes abondent au début du siècle dans les Sermons dé Camus : « C'est vomir contre le Ciel un crachat, qui retombe sur le nez de celuy qui l'y lance... Ce sont les rosses qui ne vont qu'à force de coups de gaulle ou d'esperon... Il faut deschausser ses souliers, comme Moyse, pour monter sur la montagne de l'Oraison 1. » Coeffeteau use de termes d'un réalisme puissant : « Cet homme... n'amasse que de l'ordure. Vous le recognoistrez entre mille à une main seche et sale et qui sent toujours la sueur des linceuls ; à une barbe rebourse et malle (lire: matte), des yeux chassieux et des oreilles crasseuses 2. » Dans ses Sermons, prononcés de 1625 à 1660, le P. Le Jeune peint familièrement la vie du paysan; il parle du marché, du ménage, nomme par son nom un bout de chandelle, conseille aux fidèles de ruminer ses paroles 3. Et les comparaisons familières du Père André sont restées célèbres. Il comparait la charité à l'échelle de Jacob, qui n'est point échelle de chêne ou de hêtre, mais dont le premier échelon est hareng, le second morue, etc. « Le christianisme, déclarait-il, est comme une grande salade : les nations en sont les herbes ; le sel, les docteurs ; le vinaigre, les macérations ; et l'huile, les bons Pères Jésuites 4. »
A l'extrémité de la période qui nous occupe, avec Bossuet, on assistera à la métamorphose de la langue oratoire. Dans ses premiers sermons, comme le second Panégyrique de saint Gorgon, il osait encore peindre le martyr sur un gril de fer, au milieu des exhalaisons infectes qui sortaient de la graisse de son corps rôti 5. Mais bientôt on le verra corriger et épurer son langage. Un sermon pour le Vendredi Saint, en 1660, montrait Jésus, au milieu des sol1.
sol1. Sermonsde Camus, 1618, p. 16, 34, 67. — Cf. encore p. 16, 18, 19, 23, 39, 63, 64.
2. Coeffeteau, Tableau des affections humaines, 1629, liv. IV, p. 499.
3. Le P. Lejeune, Sermon de la spiritualité de l'âme, éd. de Paris, 1669, t. I, p. 38. Voir aussi t. IX, p. 209.
4. P. Jacquinet, Des prédicateurs du XVIIe siècle avant Bossuet. Paris, Didier, 1863, in-8, p. 291-293. On raillera plus lard le petit P. André de son réalisme. Cf. la Guerre des Auteurs Anciens et Modernes, par G. Guéret, 1697, p. 157-159.
5. OEuvres oratoires de Bossuet, éd. Lebarq, t. I, p. 578. Cf. encore p. 580.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS « BAS » 179
dats, présentant sa face, droite et immobile, aux crachats de cette canaille : la même phrase, prononcée devant la Cour, en 1666, lui fera présenter son visage à toutes les indignités dont s'avise une troupe furieuse 1. Il en est de même des autres termes que réprouve la délicatesse du siècle. Ordure employé le troisième dimanche d'un carême, est remplacé, le cinquième dimanche, par infamies 2. A cinq ans d'intervalle, la « vaine gloire » n'est plus « une femme qui se prostitue », mais « qui s'abandonne » à tous les passants 3. Il n'est pas jusqu'au prince d'Aquitaine qui, d'abord enragé 4, ne devienne, par bienséance, simplement violent 5. Bossuet garde désormais sa simplicité et son parler franc pour les cas où il ne parle pas devant les gens du monde.
1. OEuv. oral, de Bossuet, éd. cit., t. III, p. 374-375.
2. Carême des Minimes, 1660, éd. cit., t. III, p. 268.
3. La vaine gloire ressemble à une femme qui se prostitue à tous les passants. Sermon sur l'honneur du monde, 1660, éd. cit., t. III, p. 337. Var. : qui s'abandonne, 1665. Prostituer n'est condamné par personne.
4. Témoin cet enragé prince d'Aquitaine. St. Bernard, 1653, éd. cit., t. I, p. 416. Vulg. : ce violent.
5. Je ne dois pas oublier de dire que Vaugelas considère au contraire comme appartenantà la poésie ou aux genres très élevés un certain nombre de mots; on remarquera que plusieurs de ceux-là sont déclarés bas dans le style ordinaire. Ainsi :
Avoisiner, « il y a des poètes qui ne s'en voudraient point servir » (Vaug., I, 410, mot du XVIe siècle, rare au XVIIe).
Discord, mol ancien, encore usité par Malherbe, mais qui ne vaut rien en prose (Vaug., II, 234, approuvé par Patru, ib.) ; Dupleix l'accepte implicitement (237); discord est dans Racan, I, 150, 224, II, 88; Maynard,1646, 304, dans l'Artde regner de Gillet de la Tessonnerie, 1645, p. 32; tout à fait commun chez Loret, 29 sept. 1652, 1er oct. 1650, etc.
Face peut être conservé dans face de Nostre Seigneur (Vaug., I, 134, approuvé par Patru, discuté par Dupleix, 451).
Futur est du Palais; cependant les poètes s'en servent magnifiquement (Vaug., II, 192), cette opinion est contestée par La Mothe le Vayer (71) et Dupleix (279). Futur est en effet chez tous les classiques.
Maint pourrait peut-être être employé dans un poème héroïque et encore bien rarement (Vaug., I, 252) ; défendu bien mollement par Dupleix, 322.
Le vouloir employé par ceux qui excellent en poésie (Vaug., II, 167), soutenu comme bon en vers et en prose par La Mothe le Vayer (69).
Quantesfois a très bonne grâce et il est très commode en vers, mais pas un de nos Poetes n'en voudroit user aujourd'hui (Vaug., II, 214). Dupleix le croit très mauvais, tout à fait gascon, même chez Malherbe (495).
Pour fors, maintefois, voir à la Morphologie.
De l'Estang, lui, ira jusqu'à poser en doctrine que certains mots sont « tabou », ainsi croix, qui est un mot honorable pour les chrétiens, et se trouve profané quand on en use pour désigner le supplice des infidèles. Et il recommande à l'admiration l'habileté de celui qui le traduit par potence ou gibet (Trad., p. 131-332).
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE V LES MOTS DIALECTAUX
Je crois avoir montré que l'idée de faire une langue commune par une combinaison de dialectes n'avait jamais été vraiment adoptée, ni mise en pratique, par personne. A la fin du XVIe siècle, il n'est même plus question de mêler intentionnellement au fonds français des éléments dialectaux. Vauquelin de la Fresnaye, si peu personnel, veut que le futur poète apprenne :
L'idiome Norman, l'Angevin, le Manceau,
Le François, le Picard, le poli Tourangeau (A. poét., ch. I, V. 361-2).
Soit ! C'est la tradition. Mais ailleurs il revient aux idées de son temps qui sont de :
...ne recevoir plus la jeunesse hardie A faire ainsi des mots nouveaux à l'estourdie, Amenant de Gascongne ou de Languedouy, D'Albigeois, de Provence, un langage inouy : Et, comme un Du Monin, faire une parlerie Qui, nouvelle, ne sert que d'une moquerie (Ib., II, 907 et suiv.).
L'âge précédent avait fait au profit du parler de Paris, l'unité de la langue. Désormais, les dialectes vaincus vont être méprisés, et comme la vie littéraire, ainsi que la vie politique, se concentrera à Paris, on se gardera de tout provincialisme, comme d'une tache.
Des Gascons venus à la suite de Henri IV emplissent la capitale mais ils l'infestent, et il n'est pas de railleries dont, depuis d'Aubigné, on n'accable leur accent et leur parler 1. Du Perron, si l'on en croit le Perroniana (p. 93), donnait une justification politique à cette forme du purisme, en affirmant que non seulement c'était à Paris que se trouvait tout ce qu'il y a de politesse dans le Royaume, mais en soutenant que les dialectes ne pouvaient être « en usage es Estats monarchiques, mais seulement es estats populaires et aristocratiques ».
1. Voir ce que Tallemant dit du maréchal de Roquelaure (I, 36 ; cf. sur La Force et ses ils allarent, ib., 254). La Reine Marguerite écrit sa Ruelle mal assortie en francogascon (ib., 152):
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DIALECTAUX 181
Malherbe, quand il se vantait d'avoir dégasconné la cour (voir Balz., Diss. crit., XX. OEuv., II, 661-662), s'attribuait donc, à son ordinaire, un rôle trop important. Mais il est exact qu'il fut parmi les proscripteurs acharnés des mots et des tours qui ne sentaient point exclusivement le dialecte du Louvre. Deimier n'est pas moins hostile aux gens qui « comme pauvres en la connoissance du langage françois, inventent à tout propos des verbes du tout estranges et barbares, et introduisent à tout coup des termes Gascons, Provençaux, Bourguignons, Bretons, et autres idiomes Macaroniques parmy la richesse et la bonté d'un si beau langage » (Acad., 127-128). Vingt fois il est revenu à la charge au sujet de divers détails (Ib., 133,159, 328, 368, 405).
Ce défaut eut un nom consacré, il s'appela le gasconisme 1. Désormais, ce sera pour s'amuser qu'on fera du langage de paysans, comme Sorel dans Francion2. Il n'y a plus guère que Mlle de Gournay qui se croie obligée de ne pas renier Montaigne et ses mots qui tiennent un filet du Gascon (O., 574). Encore accorde-t-elle que l'écrivain ne doit pas être « le Poète Angevin, Auvergnac, Vandosmois ou Picard... ouy bien le Poete François » (Ib.,
489).
Au temps de Vaugelas, cela ne fait plus question. Le provincialisme est un des pires défauts dans lesquels un auteur peut tomber. « Il ne faut pas se laisser corrompre par la contagion des Provinces, en y faisant un trop long séjour » (I, 15). Balzac a peur
1. « Par usage nous appelions Gascon tout ce qui n'est pas purement François et qui a du barbarisme. Voicy quelques exemples de ces belles Phrases prises d'Autheurs tres-celebres. Je croy de pouvoir faire cecy : Il sortit de son doigt une bague: Il se prit garde de cela : Il marcha un peu plus en là (Sorel, Berg. extr., Rem., t. 111,492).
2. Hen ! ma mère m'a parlé de vous ; et voyant qu'elle ne lui répondoit, il lui repeta ces mêmes mots quatre ou cinq fois, en lui tirant la main pour les lui faire entendre, croyant qu'elle dormît ou qu'elle ne songeât pas à lui. Je ne suis pas sourde, dit-elle, je vous entends bien. C'est à cause de vous que j'ai mis une aiguillette de var de mar à mon chapeau, poursuivit le villageois ; car ma couraine m'a dit, que c'est une couleur que vous aimez tant, que vous en avez usé trois cotillons. ' Ce dernier jour en allant aux vignes je me détourni, par le sangoi, de plus de cent pas pour vous voir,
mais je ne vous avisy point ; et si toute la nuit je n'ai fait que songer de vous, tant je suis votre serviteur : par la vertigué, j'ai voulu gager plus de cent fois contre mon biau frère Michaut Croupière, qu'à une journée de la grande haridelle de sa charrue il n'y a pas une fille, qui soit de si belle regardure que vous, qui êtes la parle du païs en humidité, et en doux maintien. C'est que vous vous mocquez, reprit la servante, cela vous plait à dire. Ho non fait, lui dit le païsan. Ho si est, répondit-elle. Ho bien, reprit-il, revenant toujours à ses moulons, ma mere, hen ma mere m'a parlé de vous, comme je vous dy, si vous voulez vous marier vous n'aurez qu'à dire (II, 13).
Comparez dans les papiers de Conrart, Bib. de l'Arsenal, 4123, p. 336, un sonnet en Angevin : C'est un dangeleu mau que le mau dé l'amour. Dans ce même recueil p. 1251, il y a une lettre en langage normand; cf. une autre, p. 1255 : Glaude men povre lieux, etc. Nisard arecueilli un certain nombre de pièces en patois des environs de Paris. M. Th. Rosset se propose de leur consacrer une étude d'ensemble.
------------------------------------------------------------------------
182 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
d'être exposé à cette peste : « Un homme qui est assiégé des mauvais exemples, qui est esloigné du secours des bons, pourroit-il estre assez fort, pour se deffendre tout seul, contre un Peuple tout entier, contre sa Femme, contre ses Parens, contre ses Amis, qui sont autant d'Ennemis du bon François ? » (II, 661. Cf. I, 732). Vaugelas avait eu la pensée, il le dit dans les Remarques inédites (II, 424, 459), de faire une liste des fautes spéciales à chaque province. Est-ce celle qu'il a donnée dans la Remarque qui va de la page 231 à la page 234 du tome I, ou bien a-t-il eu le premier l'idée d'un livre de Gasconismes corrigés ? En tout cas, il est à remarquer que ce n'est point à ce genre d'erreurs qu'il croit bon en général de s'appliquer, tant elles sont grossières (I, 46). Quiconque veut bien parler doit se défaire de cette rouille, avant tout apprentissage.
Je n'insisterai donc pas sur les quelques mots dialectaux condamnés par les théoriciens. Ici leurs avertissements sont de détail, ceux de Malherbe pouvaient avoir une portée générale, ceux de Vaugelas n'en ont aucune.
Accueilly de la tempeste — se dit le long de la rivière de Loire (Vaug., II, 10). Cf. Garasse : Pour un chetif advantage... il se verra accueilly d'une centaine de mal-heurs (Doctr. cur., 992).
Avoir deuil — normand (Malh., IV, 469).
Avoir à la rencontre — « sans doute de quelque province de France » (Vaug., II, 112).
Déteinte — au sens de éteinte, normand (Malh., IV, 468).
Fier — au sens de joyeux, normand (Id., IV, 253).
Filet — petit fil, appartient à quelques dialectes (Id., IV, 453). C'est une erreur ; le mot est partout (Racan, I, 66, 43, cf., Pichou, Fol. de Carden., 1633, IV, 5).
Gonflé — est provençal (Malh., IV, 401).
Gracieux = qui a bonne grâce à faireqq. c. — se dit dans quelques provinces (Vaug., II, 306).
Introuvable — ce Un Gascon diroit que vous estes introuvable, moi, qui ne suis pas si hardi, je me contente de dire que vous estes impossible à trouver » (Balzac, Let., I, 732, 15 mai 1636).
Languir — au sens de s'ennuyer, mot de delà la Loire (Vaug., I, 232).
Pache pour pacte — n'est pas français (Id., II, 351). Il est dans la Bel. Eg. de Hardy (II, 4, V, 229, R. 570).
Paure iou — provençal (Malh., IV, 425).
Plustost — au sens de auparavant, du même pays (Vaug., I, 232).
Religionnaire — dit Balzac, n'est pas français. Ce mot vient du même pays que celuy de Doctrinaire, et ce fut sans doute un Prédicateur Gascon qui le debita le premier dans les chaires de Paris... il doit estre condamné comme
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DIALECTAUX 183
Barbare et renvoyé à Sarlat ou à Cadenac, d'où il est venu (édit. Moreau, II, 72).
Rester — au sens de demeurer, normand (Vaug., I, 232). — C'est un emploi très usuel : Dans Paris a toujours resté (Loret, 29 déc. 1657, 26).
Serrer — au sens de fermer est provençal (Malh., IV, 382). Il est commun chez d'Urfé (Astrée, 1614, II, 678).
Sortir — au sens de partir, sortir de Paris pour aller à Dijon, bourguignon (Vaug., 1,232)1.
Il est certain que dans le langage parlé de Paris, on devait retrouver bien des traces de ces barbarismes des « provinces », puisque la province commençait, pour les puristes, à Vaugirard et à Montmartre, et que les mots exclus de la langue noble se perpétuaient là librement. Des faubourgs de la ville ils rentraient continuellement à Paris avec les diverses denrées. Le peuple, de cette façon, les eût réappris, s'il les avait oubliés. En réalité, il ne les oublia pas. Mais il ne peut être question dans ce livre que de la langue littéraire.
Là, c'est à peine si quelques mots d'origine paysanne se glissent de temps en temps dans un écrit : Quand Peiresc lâche un se desraper (Let., I, 112), cela ne tire pas à conséquence. lia été noté que carguer (les voiles), chafouin, se requinquer n'apparaissent pas dans l'usage général avant Cotgrave, que bourrique est pour la première fois dans Oudin (1642, cf., Loret, 18 juil. 1654,29). Ce sont des accidents. Ajoutât-on vingt mots à cette liste, la proportion des mots dialectaux qui ont pénétré dans la langue littéraire au XVIIe siècle n'en est pas moins absolument insignifiante.
1. Pour jà, à la réservation, poursuivir, il fut fait mourir, pour que, quand c'est que je suis malade, sortir un cheval, voir à la Morphologie et à la Syntaxe.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE VI LES MOTS DE MÉTIER
A. MOTS DU PALAIS.
J'ai dit, au chapitre de la formation de l'usage, comment et pourquoi l'usage de la Cour l'avait emporté sur celui du Palais. Je me réserve d'étudier plus tard comment le discrédit du style de notaire s'accrut, au point qu'on se demanda si les gens du métier ne devaient pas renoncer à ce jargon. La question commença à se poser avant 1660, mais c'est dans la suite surtout qu'elle fut discutée, et je la traiterai au volume suivant.
Je me borne donc ici à réunir quelques mots dont la condamnation remonte au commencement du XVIIe siècle.
Avéré — (blâmé par Malh., IV, 466). Il est commun dans l'Asirée : il avéra que ceste entreprise venoit de luy (1614, II, 774) ; cf. Racan : vostre crime est assez avéré (1, 94). Il est souvent chez les burlesques (Chap., Guzm. d'Alf., III, 203, Segrais, Nouv., 1er nouv., 221).
Débouler — Mlle de Gournay le défend (O., 591), mais Furetière le raille (Jeu de boule des procureurs, 1655, 45). — Cf. Bossuet, Pens. chrét., p. 7 : debouté de cette défense par la raison de la justice de Dieu.
Futur — s'emploie en style de notaire et de grammairien. Mais en prose, Vaugelas ne sait point, d'endroit dans le beau langage où il puisse être employé (II, 192; cf. au contraire La Mothe le Vayer, Eloq. fr., 71); — il est l'avant coureur de quelque vérité future (Guerson, Anal, du Verbe, 106);
Licite — condamné par la nouvelle Ecole, qui permet illicite seulement (de Gourn., Adv., 403).
Notoire — blâmé par Malherbe, comme sortant de l'usage (IV, 384, 415).
Submission — est un terme de Palais, il y a vingtans, on le disait, prononce Vaugelas, maintenant on dit et on escrit soumission (I, 83) ; commun chez Corneille : notre submission à l'orgueil la prepare (I, 400, Veuv., 30 ; cf. Lex., M. Lav., II, 347).
Susdit — mot que n'épargnent pas les meilleurs écrivains de la Cour (de Gourn., O., 591).
La liste est courte, mais il faut y ajouter un grand nombre de mots qualifiés de vieux ou de bas, et un nombre appréciable de termes ou d'expressions, dont j'ai cru meilleur de faire l'histoire au chapitre de la morphologie :
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DE MÉTIER 185
à ce faire, ce disant, en ce faisant, à celle fin, à icelle fin, à l'encontre de, attendu que, comme ainsi soit; eu égard à, à cet égard, iceluy, jaçoit que, joint que, nonobstant, ores que, outre ce, au préalable, préalablement, au surplus, vu, ce jourd'hui1.
B. MOTS DES DIVERS MÉTIERS.
Ronsard, tout en écrivant pour une aristocratie, avait le sentiment profond que du langage des artisans montait une sève vivifiante, que le poète devait le connaître et en profiter. « Quant aux comparaisons, prescrit-il, ...tu les chercheras des artisans de fer et des veneurs, comme Homère, pescheurs, architectes, massons, et brie.f de tous les mestiers dont la nature honore les hommes » (III, 528). D'instinct il préfère, lui, les arts du feu, il veut hanter les orfèvres, fondeurs, mareschaux, minerailliers, mais en réalité il ne veut « oublier les noms propres des outils d'aucun mestier ». Il tient à « s'enquerre des mots techniques le plus qu'il le peut ». M. Marty-Laveaux a montré en détail, dans son Lexique de la Pléiade, quel usage l'école avait fait de ces recommandations (voir I, 360-419 et particulièrement 382). La nature, les bêtes, les végétaux sont peints avec les mots vrais et précis. Dans leurs vers, l'hirondelle pousse son cossi (Rons., II, 43) ; la pie craquette (Jod., II, 314) ; les grillons criquent (Baïf, II, 45) ; le pinson fringotte (Bell., II, 67) ; le rossignol gringote (Rons., IV, 59); le marcassin hongne (Baïf, V, 138); le boeuf mugle (Rons., I, 401); les petits oiseaux pépient, (Baïf, II, 63) ; l'âne rincane (Id., III, 3); l'alouette pousse son tirelire, etc. On sent que ces hommes ont vécu dans les campagnes, parmi des hommes occupés « de vin et de blairie » (Baïf, V, 219).
Rabelais était dans les mêmes idées ; il semble qu'il ait le secret de la plupart des métiers, non seulement il parle de l'anatomie en
t. C'est sans doute parce qu'il était entré anciennement déjà dans le style figuré que s'inscrire en faux, loin d'être proscrit, fut à la mode. Il est dans les Précieuses : Ah ! Je m'inscris en faux contre vos paroles (se. IX). C'est une expression de roman : Vous estes une médisante, luy répondit Abindarrays, et je m'inscripts en faux contre vostre calomnie (Almahide, IV, 708). Furetière s'en moquera.
Au commencement du siècle, les métaphores étaient encore prises, à l'occasion, au style judiciaire et administratif : Ce jeune bachelier d'Amour qui se veut enregistrerai! greffe de Cupidon (Bouq. de la Feint., 60) ; on ne le pouvoit juger amoureusement passionné, puisqu'Amour ne l'avait encore mis au roolle de ses tailles (Ibid., 61); A la vérité, comme vous avez attaqué ci-devant ma pudicité, je ne puis guère bien souffler aux oreilles de ma créance que voire foi soit marquée du seau de l'intégrité (Lict d'honneur de Chariclée, 1609, f° 90 b) ; Ayant délégué des prières vers son consentement pour le ranger au pli de sa cupidité.... (Portraict de la vraye amante, 78).
------------------------------------------------------------------------
186 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
anatomiste, mais s'agit-il de décrire l'abbaye de Thélème, il s'en acquitte en architecte consommé, avec des termes d'une précision telle qu'on pourrait reconstruire le plan de la maison d'après ses indications (I, 53). Or il connaît de la sorte dix autres lexiques techniques.
Henri Estienne, lui, démontre dans la Précellence qu'une des supériorités du français est de posséder en abondance des mots artisans, qui non seulement ont un emploi métaphorique, mais valent par eux-mêmes, car « les autres nations ne sont pas semblablement fournies de mots nécessaires pour exprimer tout ce qui appartient aux mestiers ». Si la fabrication des monnaies a seule fourni à la démonstration, avec la vénerie et la fauconnerie, c'est que la rapidité avec laquelle fut rédigé l'essai ne permettait pas à l'auteur de faire une revue plus générale. La « méchaniquerie des vêtemerits, des marchands et fabricants de drap » tient sa place dans l'Apologie pour Hérodote (II, 130). Pareille doctrine se retrouve chez Pasquier (OEuv., I, 107). Elle est banale durant tout le siècle. C'est qu'en effet, l'homme de lettres n'existe point ; seulement, parmi les gens qui vivent de la vie commune, il y en a quelques-uns qui s'occupent de lettres. Ni la centralisation à Paris, ni la domestication à Versailles n'ont commencé. D'autre part il ne se fait encore, dans les divers arts dont l'époque est éprise, aucune séparation entre celui qui conçoit et celui qui exécute. Les palais sont toujours construits par des « maîtres massons ». Le « praticien » est inconnu. L'imagier de Limoges dessine, mais il émaille aussi. Ce dédain stérilisant de la matière, ce mépris de la main sale et calleuse, que des époques de faux spiritualisme littéraire ont connu, n'a pas encore sévi. Enfin on a toujours les yeux fixés sur les Anciens, et on ne sent point de raison de fermer son livre à des idées et à des mots qu'Homère, Virgile ou Lucrèce ont enchâssés dans leurs oeuvres.
Comment se fait-il que dès le commencement du XVIIe siècle, mécanique devienne à peu près synonyme de bas, vilain, sordide? C'est sans doute que quelques-unes des conditions dont je viens de parler ont cessé d'exister. Toutefois une influence extérieure semble avoir contribué au changement. Malherbe n'a pas joué ici son rôle ordinaire, pour la raison que Desportes fait déjà des mots des métiers un usage plus que réservé. Il se pourrait que les théories des Italiens y eussent fortement contribué. Dès 1570, on trouve dans la Poétique de Castelvetro ce conseil: « se garder d'user d'aucune partie des sciences et des arts en un endroit quelconque du
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DE MÉTIER 187
poème ». Et le critique d'outremonts n'hésitait pas à signaler que Lucain, Dante aussi, étaient tombés dans ce défaut.
Quoi qu'il en soit, on peut considérer que le livre du jésuite Etienne Binet (+ 1639), publié sous le nom de René François, et intitulé Merveilles de la Nature, quand il parut en 1626, était le type du livre arriéré et publié à contretemps. Les idées qui l'inspirent sont justement celles que tout le monde abandonne 1. Certes le livre est curieux. Quoique diffus, il est par endroits écrit de verve, plein d'une érudition naïve et sincère. Et c'est à cela sans doute qu'il dut d'avoir une vingtaine d'éditions. Mais il ne pouvait rien changer au goût public.
Malherbe a barré dans son exemplaire de Desportes caler au lieu de céder (El., I, 14, cf. Doctr., 306) 2. Caler devint burlesque: Vous avez bien-fait de parler, Vous avez bien-fait de caler (Loret, 8 sept. 1663, v. 93-94).
Patru, nous l'avons vu, s'en est pris à un autre mot de marine, appareiller, que Vaugelas acceptait dans l'usage commun (I, 442), et qui en faisait partie en effet : Pour leurs fantaisies, ils sont prests et appareillez de se jeter dans le feu (Gar., Doct. cur., 801) ; aussitost Iris s'appareille (Scarr., Virg., II, 63) 3.
Pour cette époque, on ne pourrait citer qu'un petit nombre d'exemples analogues. L'impulsion est donnée, voilà tout. Toutefois il faut prendre garde qu'une partie des mots réputés bas sont précisément renvoyés aux « idiots et mécaniques ». C'est pour amu1.
amu1. l'Episitre nécessaire au lecteur judicieux :
« Pour instruire un homme qui doit bien parler, c'est assez qu'il sçache les choses principales et les plus nobles; les choses plus menues et roturières demeurent en la boutique. »... « Il y a mille choses où pensant faire merueille de bien dire, certes on ne dit chose qui vaille, et les gens du mestier s'en moquent tout leur saoul. C'est bien pis, quand faute de scavoir le propre mot de quelque chose, ils vont tournoyant tout autour du pot, et par une perifrase languissante, ou une grande traînée de paroles, ils font pitié à l'auditeur qui reconnoit assez qu'ils sont au bout du monde et au bout de leur François. »
Qu'ont fait tous les grands orateurs ? « Ils ont prins une peine incroyable pour seavoir cette science qui les a rendus aimables aux gens du mestier, et admirables à tout le monde. On les a veus dans les simple[s] boutiques, les tablettes au poing, prendre leurs leçons, et disputer avec les compagnons, à dessein de leur ouvrir la bouche, el les faire parler, là ils remarquoient les mots, les maximes, les ouvrages, les proverbes, mille et mille secrets, de là ils tiroient des comparaisons si naïfves, si bien prises, si riches, que l'auditeur d'aise ne pou voit se tenir de rire, et par ce sousris tesmoigner son contentement. »
2. Il était ancien en ce sens : La prudence est caller, n'entreprendre ou ne continuer l'oeuvre (Let. Briç., 24 fév. 1524, Herm., Corr., I, 199).
3. La Mesnardière après avoir écrit en parlant du diamant : Il a plus de splendeur et plus de poliment, ajoute en note : C'est le terme de l'art, ainsi que celui de brillement (Po., 1656, 97). Je ne crois pas qu'on trouvât beaucoup de semblables hardiesses dans la poésie du temps. Cf. superins dans Sorel, Berg. extr., III, 278.
------------------------------------------------------------------------
188 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ser le public que Corneille entasse tout un vocabulaire technique dans un passage de l'Illusion :
Ce fer a trop de quoi dompter leur violence. Oui, mais les feux qu'il jette en sortant de prison Auroient en un moment embrasé la maison, Dévoré tout à l'heure ardoises et gouttières, Faîtes, lattes, chevrons, montants, courbes, filières, Enrretoises, sommiers, colonnes, soliveaux, Parnes, soles, appuis, jambages, traveteaux, Portes, grilles, verrous, serrures, tuiles, pierre, Plomb, fer, plâtre, ciment, peinture, marbre, verre, Caves, puits, cours, perrons, salles, chambres, greniers, Offices, cabinets, terrasses, escaliers.
(Com., II, 472-73, Illus., 746-757. Cf. Préf. du Lex. de Marty-Laveaux.)
Chez Scarron, ce qui n'est ici qu'accident va devenir une manière. Mais la langue noble se gardera des mots des métiers, qui seront, en règle générale, rejetés du Dictionnaire projeté par l'Académie.
C. MOTS DES SCIENCES.
Les gens de science n'étaient pas, je l'ai expliqué, ceux qui allaient faire la langue nouvelle. Mais était-ce à dire que cette langue nouvelle ne dût rien leur emprunter ? On se rappelle les théories que Ronsard avait professées à [ce sujet. Le poète devait être médecin et anatomiste, comme ailleurs philosophe et jurisconsulte. Du Bartas, comme d'Aubigné, avait prolongé jusqu'au XVIIe siècle l'application de ces théories. Le tableau qu'il 'trace des souffrances où tombe l'homme après sa chute ressemble à une nomenclature médicale :
Le second Régiment par ses forces lethales
Attaque furieux les parties vitales
Du père des humains. Jà l'Asthme panthelant -
Va d'une grosse humeur son poulmon opilant.
Le Phlise seche-corps ses esponges ulcere
Par le flux corrosif d'une lente goutiere.
La Peripneumonie un brasier consumant
Va dans ses trous venteux, inhumaine, allumant,
Le cracheur Epienle, impiteux, l'assassine,
D'apostume emplissant le creux de sa poitrine,
La Pleurésie encor le dague par le flanc,
Faisant toujours bouillir sous ses costes le sang.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DE MÉTIER 189
L'Incube après l'estouffe, et d'une Phlegme espesse Comme opportun Daemon, le sein panthois lui presse.
(Les Furies, 1er jour de la IIe sepmaine, p. 215.)
Deux de ces vers eussent suffi à la Cour en 1620 pour y ridiculiser un poète. En effet, Malherbe avait commencé à expulser du Lexique les mots techniques des sciences, particulièrement ceux des sciences naturelles et médicales, qui avaient le défaut d'être « sales ». La raillerie contre le langage de collège est partout *. C'est en termes ridicules que les Pédants vivent et surtout font leur cour. On sait comment après avoir appris à baiser dans le livre de Jean Second et à aimer dans l'Art d'Ovide, Hortensius harangue sa Fremonde ; son style non seulement sent l'huile, mais l'huile rance 2. Il y a dans les Jeux de l'inconnu vingt bouffonneries de ce genre ; ainsi le chapitre : De la douleur ravissante et du plaisir douloureux 3. Un autre est intitulé : De la velleité, ecceité, mesmeté, identité des hétérogènes (Ib., p. 98).
Balzac, si pédant lui-même, fait de ces manières de parler un des principaux ridicules de son Barbon. Pour complimenter, le bonhomme donne du chrysostome, du trismégiste et du thaumaturge,
1. Je ne dirai rien des farcissures dont il était de mode de remplir les écrits français. On trouvera les indications nécessaires sur la campagne menée contre les citations dans l'édition que M. Radouant a donnée de l'Eloq. franc, de du Vair, p. 115 et suiv.
2. « Comme ainsi soit que vos attraits prodigieux ayent deprehendé mon esprit, qui avoit auparavant blasphémé contre les empanons des flèches de Cupidon, je dois non seulement implorer les autels de votre douceur, ains encore essayer de transplanter cette incomparable influence du ciel, où séjourne votre divinité, en la terre caduque où m'attachent mes défauts. Partant ne pouvant qu'injustement adresser mon coeur qu'à vous : dès l'instant que je devins merveilleusement amoureux de si amoureuses merveilles que vous êtes, je résolus de le faire sortir de sa place, et l'offrir à vos pieds, bien qu'il fût fait rebellions générales en mon jugement et en ma raison, qui penserent qu'à la fin de vos attraits ils meneroient les mains si basses, et que ma liberté auroil sibien sur les doigts, qu'il lui seroit force de se rendre. » (Sorel, Francion, t.1er, p.212213, éd. de 1721).
3. « La nature qui ne se lasse jamais de concevoir dans les caverneuses concavitez des abysmes infinis de la puissance produisante, la generifique succession de l'innombrable diversité des formes essentielles, cognoissant la muable inconstance des changeants appétits des animaux, a creu devoir conjoindre par des indivisibles liens, et attacher par la nécessité d'une dependence infaillible, les extrêmes bornes de tous les contraires, qui peuvent sans destruction et dissipation du suppost, subsister alternativement en quelque subject : afin que les extases d'une volupté continuée ne rendissent le sentiment stupéfié, et par un excez de plaisir, ne le privassent du moyen de joiiyr des delices et des chatouillements, qui procèdent de l'application proportionnée, et mariage du sens au sensible : ou par raisons et rapports de convenances et conformitez s'engendre le plaisir qui dissout l'ame et la frappant doucement d'une molle et languissante foiblesse, l'anéantit presque en elle-même et fait que pour se retrouver, elle s'efforce de se réunir pour s'opposer à la crainte qu'elle a de perdre son estre » (Le Herti ou l'Universel, p. 37-39).
------------------------------------------------------------------------
190 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
il divise le temps par ides et calendes, il compte son âge par lustres et par olympiades, il suppute son argent par sesterces romaines, par drachmes et par mines attiques (II, 696, 710) 1. Cette satire facile n'était pas usée encore du temps de Boileau 2. Elle charmait visiblement les gens de la première moitié du siècle, car on la répète à satiété. L'abbé de Pure, en raillant les grands mots d'antiperislase, antithèse, apocryphe dans la Prétieuse, ajoute qu'il ne trouve rien d'importun comme un homme qui, dans une conversation française, ne parle que grec et latin (460-61). A la fin d'Almahide, Mustapha, devenu fou, étale avec force termes techniques tout ce qu'il sait des sciences et des arts (VIII, 344 et suiv.). D'un bout à l'autre du Pédant joué, Granger débite ses pédanteries. C'est le fond de la comédie, sujet inépuisable.
Provisoirement la science, l'érudition surtout, n'était plus à la mode. Mlle de Scudéry, par la bouche de la Duchesse de Villanuova, tout en faisant l'éloge des poètes du XVIe siècle, affirme plusieurs fois qu'elle « se passe de grec en amour 3 ». Au premier mot latin ou grec ou d'un idiome inconnu, le dégoût prenait une vraie précieuse (La Prêt., 1656, 346). Gélasire a entendu « le Père des Plaisirs » lui dire les stances célèbres de sa Comédie des Visionnaires, et elle les sait par coeur :
1. Un jour le Barbon « fit un effort pour parler comme les autres hommes. II voulut s'accommoder à nostre commune intelligence, et begayer, à ce qu'il disoit, comme les enfants. Ce fut dans une Harangue qu'il composa pour le Juge de la Ville où il estoit, à l'entrée qu'y devoit faire le Gouverneur de la Province... »
Il dit " que depuis que le Temple de Janus a été ouvert par le Metéeore chevelu, qui menaça le genre humain l'année mille six cens dix-neuf, on a veû des Iliades de maux et des Cataclysmes de sang, non moins es Gaules qu'en Germanie. Que le Grand Dapifer de sa Majesté Cesarée se fust bien passé de remuer cette dangereuse Caiharine dè: la couronne de Boëme : Que sans ce mauvais conseil qui luy fut donné par le Docteur des Ardennes, nos jours seroient encore des jours Alcyoniens, et les Colombes nicheroient encore dans les casques des Gendarmes, comme elles faisoient sous l'Empire fortuné de Henry-magne. Que... etc. etc. Qu'il ne faut pas pourtant desespérer... Qu'à l'advenir, les grandes Puissances seront justes et les petites seront modestes. Et pour commencer par le Régule d'Auslrasie, et par le Tétrarque des Allobroges, qu'ils se contiendront dans les bornes de leurs Estats, au lieu de se perdre dans l'infinité de leurs pensées. Que l'un et l'autre ne se fiera plus aux promesses des Genethliaques ; que l'un et l'autre doutera de l'omnipotence du Roy Catholique ; que l'un et l'autre observera comiter la Majesté du Roy Très-Chrétien.. ».
« Il appelle cela descendre du ciel en terre, paroistre sous une forme humaine, s'apprivoiser avec les pauvres Mortels. Il parle ainsi, quand il veut parler populaire ment. »
2. Voir la Sat. IV.
3. Voir Madeleine de Scudéry, De la Poésie françoise jusques à Henry quatrième, curieux extrait d'un roman, publié par G. Michaut. Paris, Sansot, 1907, p. 70.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DE MÉTIER 191
I
Doncques rigoureuse Cassandre, Tes yeux entre-doux etagards, Par l'optique de tes regards, Me vont pulveriser en cendre : Toutefois parmy mes ardeurs Tes heteroclites froideurs Causent une antiperistase. Ainsi mourant, ne mourant pas, Je me sens ravir en extase Entre la vie et le trépas.
II
Mon coeur devint pusillanime Au prime aspect de ta beauté ; Mais ta scitique cruauté Rendit mon esprit cacochime : Tantost dans l'Euripe amoureux, Je me crois le plus malheureux Des individus sublunaires ; Tantost je me sens transporté Aux espaces imaginaires, D'une excentrique volupté.
III
Aussi ton humeur apocriphe
Fait que l'on te nomme en tout temps,
Des hypocondres inconstans,
Le veritable hierogliphe :
Les crotesques illusions
Des fanatiques visions
Te prennent pour leur hypotese :
Et dedans mes calamitez,
Je n'entens que la synderese
De tes froides neutralitez.
IV
Autrement la metamorphose
De mon bonheur en tant de maux,
Fait que l'espoir de mes travaux
N'est plus qu'en la metempsycose :
La catastrophe d'un Amant
Ne trouve point de sentiment
Dans ton ame paralitique;
Faut-il, lunatique Beauté,
Que tu sois le Pole antartique
De l'amoureuse humanité? (p. 349-351)
Bary énonce même avec précision cette idée vraiment neuve que la connaissance des langues anciennes est un empêchement à qui veut posséder la sienne 1.
L'homme qui a eu à cette époque le plus sincère désir de franciser les sciences, le médecin Cureau de la Chambre, n'a point rêvé qu'elles pussent pénétrer la langue littéraire, mais tout au contraire il espère qu'elles revêtiront le vêtement que celle-ci leur fournira 2.
Voici quelques mots de médecine exclus de la langue littéraire : on en a vu d'autres aux mots réalistes.
1. « Sans doute les Esprits qui sont chargez de Grec et de Latin ; qui sçauent tout ce qui est inutile à leur Langue ; qui accablent leurs discours de doctes Galimatials et de Pedanteries figurées, ne peuvent jamais acquérir cette Pureté naturelle, et cette Expression naïve qui est Essentielle, et qui est nécessaire pour former une Oraison vrayement Françoise. Tant de diverses Grammaires ; tant de Locutions differentes se combattent dans leurs Testes : il se fait un Chaos d'Idiomes et de Dialectes ; la construction d'une Phrase est contraire à la Syntaxe de l'autre; le Grec souille le Latin et le Latin gaste le Grec : Et le Grec et le Latin meslez ensemble corrompenlle FrançoisIls ont l'habitude des Langues mortes, et ils n'ont pas l'usage de la vivante » (Rhet. fr. Disc, prélim., û).
2. " Combien penses-tu que les Sciences seront glorieuses, quand elles se pareront des mesmes ornemens qui ont enrichi ces fameuses Harangues que toute la France a entenduës avec admiration : Quand elles se serviront des mesmes termes dont se forment ces sages Conseils, qui font la paix et les victoires, qui renversent et relèvent les Couronnes, et qui ont affermi les fondemens et la grandeur de cette Monarchie. Ce sera lors qu'elles n'auront plus de honte de se trouver dans la Cour ; qu'elles partageront avec les armes les occupations de la Noblesse ; et qu'elles feront mesme la plus agreable partie de toutes les conversations... (Préface du Traité sur la Digestion, p. 274, à la suite des Lettres de M. de la Chambre, 1651).
------------------------------------------------------------------------
192 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Entamer — Malherbe le remplacerait par blesser (IV, 272) ; il le relève dix fois dans Desportes (Doctr., 306, n. 3) ; cf. La Mesn., Po., 1656, p. 149 : Croiriez-vous pas qu'une Pucelle... Peut avoir le coeur entamé? Loret l'emploie aussi, 8 juil. 1662, v. 31. Mais ces exemples sont burlesques.
Leniment — langage de médecins (Malh., IV, 281); du Vair en écrivant à la marquise de Montlor disait qu'il n'y voulait porter le Uniment de sa main (Let. de Rosset, p. 137B); le mot est rare, lenitif est plus commun, même dans la comédie et le burlesque (Loret, 23 juin 1657). Malleville a introduit lenitif dans ses vers : Il est vray que ta lèvre à mon aide s'avance... Et d'un doux lenitif les miennes arrousant, En adoucit le mal (Po., 338).
Anonyme, enthousiasme, synonyme — ne sont prononcés dans l'Almahide qu'avec toutes sortes de réserves. Ce sont de terribles mots et Aminte fait semblant de ne pas entendre le premier d'entre eux (II, 1065-1067).
Analyse, catachrèse, cacozèle — sont mis par Balzac au nombre des « animaux, qui n'avoient jamais esté veûs en ce Royaume » (H, 342).
L'exemple le plus caractéristique de mot alors réputé pédant est celui de idéal : Malherbe en juge ainsi : « mot d'école et qui ne se doit point dire en choses d'amour » ! (IV, 334). Il faut dire qu'idéal ne semble pas avoir existé avant Desportes, et qu'il dut perdre de son sens avant d'entrer — lentement — dans le lexique courant.
On pourrait réunir quelques autres condamnations. Malherhe repoussait scintiller (Desp., 254 r°). Et Mlle de Gournay se vit obligée de défendre consequution, impugnation, impugner, inepte, infaillibilité, ininterprétable, insolubilité, invisibilité, et même précautions, prestation de foy (O., 591); languide était contesté (Ib.,. 621, Adv., 605), mélodie aussi (Adv., 638). Prurit donnait des scrupules à Dupleix lui-même (Lum., 331).
Malgré cela, la liste est courte, et je n'essaierai point d'en cacher la pauvreté, quand au contraire il convient de la faire ressortir. Assurément on pourrait la grossir, en feuilletant Oudin. En 1642, il marque de l'étoile bien des mots dont le vice est d'être latin ou grec. Voici des exemples pour la lettre A :
Adapter, adjuration, adjurer, adjutoire, adminicule, adombrer, adscrire, adventif, aduste, adustion, agnation, agreste, anheler, annexe, aprique, arable, argutie, assentation, assentir, assuefaction, aure (vent).
Mais, en somme, les maîtres ordinaires des salons n'ont pas été sévères aux mots pédants 1.
1. Mlle de Gournay se désolait de voir proscrire le nom de Cupidon (O., 618, 958 ; Adv., 413, 637), d'Erycine (O., 958), du courrier Athlantide (958). Il est vrai que quelques pièces du déguisement à l'antique étaient démodées (Deim., Acad., 262). Mais la Mythologie n'était pas compromise. Elle allait, pour un temps, devenir un peu moins pédante. Mais, si un Théophile la traitait avec irrévérence (I, 234), personne ne songeait à se priver de son secours.
------------------------------------------------------------------------
LES MOTS DE MÉTIER 193
Et si on compare ce chapitre à celui où sera examiné l'apport grec et latin, on sera frappé de voir que la langue littéraire prend beaucoup plus qu'elle ne rejette. C'est un mal congénital. Une génération s'en croit guérie, et le mal y continue ses ravages. Les railleurs du pédantisme comme Balzac sont parmi les pires pédants. Grands et petits tombent dans les mêmes contradictions. Un Bary fait une rhétorique pour précieux. Dans les questions de langue, il suit Vaugelas, et voici des exemples de ses « prosopopées » : Soit que par l'effet prodigieux d'une Vertu inconcevable, mon Ame soit devenue Matérielle, ou que le feu Central dans lequel je respire soit devenu Spirituel, je puis dire avec autant de vérité que de douleur, que le mesme Element qui embraze mon Corps, embraze ce qui l'anime, et que la chaleur Sublunaire ne s'unit pas plus intimement aux choses Combustibles, que la chaleur Infernalle s'unit à mon Essence (Rhét. fr., 297).
Histoire de la Langue française. III. 13
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE VI LE NÉOLOGISME
C'est le grammairien Duval, qui, au début du XVIIe siècle, me paraît avoir conservé le plus fidèlement la doctrine du XVIe, sur la liberté d'inventer des mots. D'après lui, si les conceptions sont plus subtiles que les dictions, alors il faut recourir à l'invention et au choix des paroles, voir si les mieux parlans n'y ont desja point pourveu, et se servir après eux des mots mieux choisis soit du Grec, Latin, Italien ou Espagnol.
Il ne veut pas toutefois que l'on emprunte un mot, quand notre langue nous en fournit de même signification, ainsi baslant, aposter (pratiquer), risque, et craint « que le discours delaisse d'estre bon françois » ; « il faut glisser peu à peu dans leurs belles pointes et en saillir au petit pas, l'honneur sauve » (Esch. franc., 145-146).
Malherbe n'a jamais écrit de théorie générale à ce sujet, il n'en avait point l'occasion, mais l'hostilité qu'il montre à tous les procédés par lesquels l'époque antérieure avait prétendu enrichir le lexique, en dit assez sur ses opinions.
Chez Deimier, nous trouvons nettement exprimées les idées nouvelles : « Puis que nostre langue est assez riche et copieuse de bons mots à l'endroit de ceux qui la connoissent bien, et qu'il ne peut arriver que tres-rarement que l'on ait faute de quelque mot pour exprimer une conception, il faut estre retenu extrêmement d'en vouloir inventer. Et sur tout il n'est point raisonnable d'en affecter de nouveaux comme a fait Du Bartas » (Acad., 433).
Mlle de Gournay est, bien entendu, pour la liberté. « Tout ce qui n'est pas de droict fil contre une langue croissante encores, est pour elle, s'il luy peut servir » (O., 575). " En matière d'enrichir des langues, il ne faut presques que la resolution des esprits bien nais : d'autant que quand elles ont receu quelque nouveau pty de main saine ou seulement authorisée, pour hardy qu'il soit, l'estrangeté en est ordinairement passée en dix jours, à la faveur de l'accoustumance, sa maistresse souveraine » (Ib., 571-572).
------------------------------------------------------------------------
LE NEOLOGISME 195
Faut-il croire qu'une aristocratie quelconque, tout en professant cette doctrine pour les autres, se réservait à elle le privilège d'inventer ? Deimier fait allusion à un certain courtisan Limousin, « qui pour soustenir la cause de ces inventions, disôit ces jours passez, qu'on devoit ordinairement inventer des mots pour enrichir le langage, et que cela estoit permis à la Cour. Mais où est-ce que ce courtisan treuve. la raison, ou l'authorité qui luy fait dire que cela est permis à la Cour? veu que l'on n'a jamais dressé aucun Edict ou Previlege qui traicte de cest affaire en aucune sorte et que d'ailleurs suivant le droit une telle chose pourroit estre permise en plusieurs autres parts aussi bien qu'à la Cour? » (Acad., 433).
Il n'y a pas, je crois, à tenir grand compte de ce texte, à peu près isolé 1. J'ai déjà dit, à propos de la préciosité, qu'on accusait les cercles d'être des fabriques de mots, mais que les dépouillements faits jusqu'ici ne confirment pas ces accusations.
Le Tableau de l' éloquence françoise semble réserver à une autre aristocratie, celle des maîtres écrivains, le droit au mot nouveau. « Ceux qui passent généralement dans l'esprit des doctes pour Maistres de l'Eloquence, dit le P. Charles de Saint-Paul, peuvent quelquefois inventer un mot dans la disette de nostre langue, mais cela doit estre aussi rare que les Comètes » (30-31). Ici nous sommes à peu près sûrs. Les « maistres de l'éloquence » auxquels on fait :cette faveur ne sont pas les moins réservés; il n'y a, pour s'en rendre compte, qu'à voir les hésitations d'un Balzac sur le point de savoir si l'on pouvait dire intrépide, introuvable (I, 681-682 et 691).
Sorel a persisté jusqu'au bout dans l'accusation portée contre l'Académie, que la Connoissance des bons livres reproduira encore en 1671 (362-364). Dans son Discours sur l'Académie françoise, pour sçavoir si elle est de quelque utilité au public, imprimé en l'année 1654, on lisait : «En ce qui est des mots nouveaux, on tient de vray que l'Académie, en a quelques-uns par lesquels elle veut qu'on reconnoisse ses Confrères ou Aggregez... Aujourd'huy l'on met en credit Exactitude, Gratitude et Quiétude. On ne parle que d'estre obligé indispensablement et par une nécessité indispensable. On ne dit plus un Transport d'Esprit, on dit un Emportement. On forme à toute heure plusieurs noms nouveaux tels qu' amusement, accablement et abandonnement... Nous voyons par là que des Hommes sçavans ont inventé plusieurs belles manières de parler. »
En réalité l'Académie, si fort accusée par Sorel, n'est point cou1.
cou1. cependant: Qui peut trouver un mot qui n'est pas usité Est attentivement de chacun escoulé (Sat. de la Court, 1624, V.H.L., t. III, 262).
------------------------------------------------------------------------
196 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
pable. Elle montra, il est vrai, une certaine indulgence à l'offenseur de Corneille qu'elle croyait nouveau (Cid, I, 6) ; mais elle se borna à souhaiter qu'il fût dans l'usagé; l'audace n'était pas grande et rend bien suspectes les accusations de Sorel.
Il faut reconnaître toutefois que, même chez Vaugelas, la doctrine n'est pas d'une netteté parfaite. Les principes paraissent d'abord absolus, la condamnation du néologisme sans réserve. « Il n'est jamais permis de faire des mots » (I, 35). Si un mot ancien existe encore dans la vigueur de l'usage, il est incomparablement meilleur qu'un nouveau, il est plus noble et plus grave (II, 13). S'il n'en existe pas, peu importe : un particulier ne saurait, essayer de faire des mots, non pas même « celuy qui d'un commun consentement de toute la France seroit déclaré le Pere de l'Eloquence françoise, parce que l'on ne parle que pour se faire entendre, et personne n'entendroit un mot qui ne seroit pas en usage » (1,213). Il faut laisser ces hardiesses à quelques téméraires. Le sage en use pour les mots comme pour les modes : il suit l'approbation publique (I, 39 ; cf. La Mothe Le Vayer, 1,443-4).
Mais en plusieurs endroits, Vaugelas semble faire des restrictions à sa propre doctrine. J'aurai d'abord à citer des mots qu'il approuve. Toutefois, comme il les reçoit sans pour cela conseiller de suivre ceux qui ont osé les risquer, cela ne tire pas à conséquence.
Il est au contraire tout à fait intéressant d'examiner pourquoi il est enclin à excuser les dérivés ou les composés avec de, des, car il est probable, comme je le montrerai, que c'est en faveur de certaines personnes plutôt qu'en faveur de certains mots qu'il a fait ployer la rigidité de la doctrine. Il y a même un passage tout dogmatique de sa préface, où il montre comment en fait certains personnages jouissent du privilège qu'ils n'ont pas en droit, de faire passer leurs hardiesses. « Il n'est permis à qui que ce soit de faire de nouveaux mots, non pas mesme au Souverain », voilà la thèse. Mais en hypothèse « si quelqu'un en peut faire (un mot) qui ait cours, il faut que ce soit un Souverain, ou un Favory, ou un principal Ministre... cela se fait par accident, à cause que ces sortes de personnes ayant inventé un mot, les Courtisans le recueillent aussi-tost, et le disent si souvent que les autres le disent aussi à leur imitation ; tellement qu'enfin il s'establit dans l'Usage, et est entendu de tout le monde » (1,40)1.
1. En outre Vaugelas distingue écriture et conversation, el se rend compte qu'on dit, en improvisant, des mots comme brusqueté, inaction; qu'on fait des substantifs verbaux comme criement, pleurement (II, 352). Ce sont des mots aventuriers.
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 197
Regardons de près maintenant quelles sont les catégories de mots nouveaux pour lesquels il montre une certaine tolérance.
Il accepte plumeux ; « Desmarets l'a si bien placé que, s'il en faut recevoir quelqu'un, celui-ci merite son passeport » (I, 39) :
Dedale n'avoit pas de ses rames plumeuses Encore traversé les ondes escumeuses.
Nous nous demandons un peu avec Dupleix ce qui a pu charmer ici Vaugelas. Est-ce bien le mot lui-même 1 ?
Je pense qu'il a surtout le mérite de lui fournir à propos un exemple qui le tire d'un embarras assez gênant. Horace avait écrit « licuit semperque licebit », on sait le reste. C'était la permission de faire des mots et d'en emprunter. Vaugelas n'était pas homme à rompre en visière avec les Anciens, dans sa préface au moins, car ailleurs il soutiendra que ce qui convenait aux langues anciennes ne convient point à la nôtre (II, 352). Ici il se borne à réduire la portée du précepte d'Horace, en n'en citant que la moitié, de sorte que Horace n'a plus Pair de concéder que le droit de dériver des mots, « producere verbum». Plumeux est un type heureux de cette formation. Vaugelas le rapporte, mais en conseillant aussitôt de ne pas imiter ces belles hardiesses.
Ailleurs il en dira plus nettement encore son sentiment. « Il n'est pas permis de faire des verbes à sa fantaisie, tirez et formez des substantifs. Beaucoup de gens neantmoins se donnent cette authorité, mais il n'y a que les verbes, que l'Vsage a receus, dont on se puisse servir, sans qu'il y ait en cela ny reigle, ny raison » (I, 211).
Il n'est vraiment qu'une catégorie de mots qui l'aient trouvé favorable, ce sont les composés en de (II, 228). Là il a été visiblement de parti pris. Il voudrait que le devouloir de Malherbe, fort commode, fort significatif, mais qu'il n'a jamais « oûy dire ni veu ailleurs » fût en usage. Il cite toute la série detromper, decroistre, deshabiller, confondant tout d'ailleurs, les mots formés de de et les mots formés de des. Il compare l'italien, si heureux, se deshumaniser. Tout cela tranche avec sa manière ordinaire, et doit probablement amener la fin de la remarque : « On a fait un mot en nostre langue depuis peu, qui est debrutaliser, pour dire oster la brutalité, ou faire qu'un homme brutal ne le soit plus, qui est heureusement inventé,
1. Malherbe paraît avoir été particulièrement hostile aux adjectifs en eux, si chers à la Pléiade. Il a barré, outre angoisseux, calamiteux, soucieux, qui sont de vieux mots, suenx qu'il a trouvé f° 242 v° de son Desportes, et aussi larveux dans la Masq. des visions, f° 319 v°.
------------------------------------------------------------------------
198 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
et je ne sçaurois croire qu'estant connu, il ne soit receu avec applaudissement. Au moins tous ceux à qui je l'ay dit, luy donnent leur voix, et pas un jusqu'icy né l'a Condamné pour sa nouveauté, comme on fait d'ordinaire tous les autres. Aussi a-t-il esté fait par une personne, qui a droit de faire des mots, et d'imposer des noms, s'il est vray ce que les Philosophes enseignent, qu'il n'appartient qu'aux sages d'eminente sagesse d'avoir ce privilège. »
Ceci est un compliment sans doute, c'est aussi une application du principe énoncé plus haut. En fait, une personne éminente peut créer des mots, parce qu'on les reçoit d'elle. Le mot droit, est même prononcé 1.
La Mothe Le Vayer présenta une défense sérieuse et très mesurée des droits de l'écrivain. Il sait ce qu'il en coûte quand l'oreille est touchée de quelque mot que l'usage n'a pas encore poli ni approuvé (I, 437). Il faut éviter les paroles trop nouvelles : les fruits verts ne peuvent plaire à cause de leur amertume (Ib.). Mais on ne saurait toujours éviter les néologismes, sans un grand danger. « Si l'on veut considérer combien il se perd de mots tous les jours que l'usage abolit, il sera bien aisé de juger ensuitte, que n'en remettant point d'autres en la place de ceux-là, nous tomberons bien-tost dans une extrême necessité de langage » (Ib., 443).
Il ajoute que trop de scrupules conduirait à un résultat singulier. Comme le peuple y donne bon ordre et fait valoir les dictions nouvelles, c'est donc que seuls les habiles hommes n'auront point de part en cela ! Ils seront privés d'un droit qu'a le public, alors que tout au contraire on ne pourrait recevoir les nouveautés de meilleures mains que des leurs. La vérité est que la liberté d'innover doit être réservée aux meilleurs, qui n'en useront que fort rarement, en des endroits privilégiés, comme les médecins se servent de poisons, les maîtres du concert de dissonances, quand la nécessité d'exprimer un bon sens, ou une pensée importante, qui ne peut être rendue en termes communs, y obligera (Ib., 443-444). L'Elo1.
L'Elo1. hypothèse paraîtra moins hasardée si on rapproche de la théorie de Vaugelas ces lignes de Chapelain : « Alerte est un fort bon mot au jugement du bel esprit à qui vous flstes hier si bonne chère. Il est vray qu'autresfois, il n'estoit entendu que de là les Monts, qu'il passoit pour estranger en France et qu'il a eu besoin de Lettres de naturalité. Mais, quand il seroit arrivé tout fraischement d'Italie, il suffiroit que vous Teussiés employé dans la vostre pour luy donner droit de bourgeoisie parmi nous et le légitimer, puisqu'estant le pere nourricier des bien disans, vous pouvés bien avoir authorité sur leur langue, et que les grâces qu'ils reçoivent tous les jours de vous méritent bien que vous trailtiés en Maistre chés eus et que vous y ayés des passe-droits qu'on n'accorderoit pas si facilement à tout le monde... » (Chapelain, Lettre au comte de Belin, 1635, entre février et avril).
------------------------------------------------------------------------
LE NEOLOGISME 199
quence fait profession d'être quelquefois irrégulière, comme les plus belles femmes, par l'application d'une mouche, relèvent l'éclat de leurs beautés naturelles (Ib., 443).
Quant à Dupleix, la question lui parut fondamentale, comme celle dont dépendait la « Liberté de la langue », et il discuta longuement (voirie principe XVII, le pr. XVIII, le pr. XXI). Ce n'est pas en faveur de quelques-uns, c'est pour tous qu'il réclame des droits. Il commence par affirmer que la loi posée par Vaugelas est d'autant plus erronée et plus absurde qu'elle est absolue (princ. XVII, p. 92). Et il fait une série d'objections : I. d'abord les « Remarques » approuvent quelques mots nouveaux, cf. VI, p. 95 ; III. « c'est une maxime des Jurisconsultes que celuy qui a droit de destruire, l'a pareillement d'édifier » (93) ; IV. il y a « plusieurs choses naturelles qu'on descouvre de nouveau, et plusieurs artificielles que Ion fait de nouveau : toutes lesquelles il faut marquer et signifier par des nouveaux termes » (94) ; V. c'est une maxime reçue en toutes les langues, et Horace le confirme (94) ; Vaugelas fausse Horace en tronquant la citation (princ. XVIII, 99) ; inventer des mots « est plus necessaire en nostre langue, à cause de sa sterilité et defectuosité, qu'en la Latine et en la Grecque, qui sont tres-fecondes et trescopieuses en termes » (100) ; Ronsard, du Vair et autres grands personnages, tout au contraire de ce que dit Vaugelas, s'y " sont acquis autant de louange que ces nouveaux Reformateurs de langage se sont chargés de blasme par l'abolition et retrenchement de plusieurs termes énergiques et utiles » (Ib.).
Est-ce parce qu'il est le rhéteur des précieux que Bary, d'habitude si fidèle disciple de Vaugelas, n'accepte pas sur ce point la doctrine nouvelle dans toute son intégrité ? « Il faut remarquer.., dit-il, que la nature est plus fertille en Choses, que nous ne sommes fertilles en Termes ; que nostre langue est deffectueuse ; qu'on peut inventer des opposez ; et que c'est par ce moyen qu'on peut éviter les Circonlocutions et les Rudesses. Il faut remarquer encore, que le temps perfectionne les mots ; que l'Estude r'afine les Esprits, et que si Ronsard, du Vair et Viginere. n'ont pas reüssi en l'invention de quelques Mots, l'on peut trouver ce qu'ils ont cherché. » (Rhét. fr., 1653, 222).
Il me semble qu'on peut conclure de ce qui précède que le mot nouveau n'est peut-être pas considéré par tous les théoriciens comme devant être interdit uniformément à tous ceux qui se servent de la langue. Quelques privilégiés sont autorisés à créer un mot « en un besoin « Mais cela n'est recommandé à personne, tout au contraire.
------------------------------------------------------------------------
200 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Le règne du néologisme est fini pour un temps l.
MOTS NOUVEAUX
I. DÉRIVATION IMPROPRE. - ADJECTIFS SUBSTANTIVÉS. — On ne peut guère dire, au jugement de Malherbe : Si tu es juste, Amour, tu me dois délier Ou par un doux effort cette dure plier, mais on peut fort bien dire : la belle, la cruelle, etc. (Doctr., 350). Deimier essaie de préciser, et compte quatorze adjectifs que l'usage fait indifféremment substantifs ou adjectifs (Acad., 414-415) 2.
1. La liste qui suit n'est que toute provisoire. Ainsi beaucoup de mots étaient donnés par le Dictionnaire général avec un premier exemple du XVIIe siècle, dont on a trouvé depuis un exemple plus ancien. A lui seul, le Complément de Godefroy oblige à considérer comme plus anciens une foule de mots qui étaient donnés par le Dictionnaire général comme du XVIIe siècle, ainsi pour les seuls mots d'origine latine : culte, évolution, fusion, grade, intelligent, intercadent, lucre, malivole, morose, pécule, perfidie, scrutin, succession, virago; parmi les italiens : isolé, pédale, prestance; parmi les espagnols : arzel, parages, patagon.
Les recherches de M. Vaganay ont donné et donneront des résultats analogues.
Il faut avoir une défiance particulière pour les mots qu'on signale comme donnés par Cotgrave. Ce Dictionnaire est bien de 1611, mais la langue qu'il contient estcelle du XVIe siècle. Ainsi j'ai pu m'assurer, grâce à la complaisance de mon collègue et ami M. Muguet, qui a bien voulu consulter pour moi le Dictionnaire françois anglois de Saint-Liens, conservé à la bibliothèque de Caen, que ce recueil contient des mots dont la première mention était d'après H. D. T. dans Cotgrave. Il y en a peu toutefois. Je citerai : clientele, drogué (vin), frugale, intercepter,patienter, rapsodie, saugrenu. C'est une de mes étudiantes, miss Farrer, qui a bien voulu me signaler le rapport entre les deux recueils, rapport que sa thèse a mis depuis en lumière.
Intelligent peut servir d'exemple. Il est dans Cotgrave, on le retrouve dans Monet, Oudin, etc. Il y a toutes chances pour que le mot soit antérieur, et en effet Godefroy, dans son Compt, cite deux exemples, pris tous deux, il est vrai, au même texte. Des lectures minutieuses le feront découvrir ailleurs.
Enfin et surtout il faut bien prendre garde que beaucoup des mots énumérés ci-dessous sont risqués dans une lettre, dans un écrit non littéraire. Je n'avais pas le droit de les exclure, tout « aventuriers » qu'ils fussent. Mais il ne faudrait pas y voir des essais pour enrichir l'idiome, on ferait là un véritable contresens. J'ai pour ces raisons écarté les mots purement burlesques, inventés en vue d'un effet de cocasserie.
En revanche j'ai voulu mettre ici de faux néologismes dont je sais que l'on a des exemples antérieurs, mais que les gens du temps prenaient pour des nouveautés. Offenseur est dans des textes, avant Corneille. Mais l'y a-t-il pris? Ce n'est pas sûr. L'Académie qui relève le mot ne fait aucune allusion à ces autorités, qu'elle ne connaît visiblement point. La date de 1637 n'est pas celle de l'apparition du mol assurément. Mais c'est la date où je crois qu'il faut en parler, puisque tout le monde alors le considère comme une production contemporaine.
Fratricide est tout à fait dans le même cas. Si bien que Vaugelas parle des gens qui le composent (II, 22). Et Scarron, tablant sur le petit effet d'étonnement qu'il cause, imagine des analogues burlesques : Romulus qui fut allaité d'une Louve, fut Fratricide; Horace fut Sororicide (OEuv., I, 364). Cf. louvicide (Loret, 9 octobre. 1655, 203); monslricide(ld., 1er oct. 1662, 165); prestricide (Id., 27 août 1651, 53).
2. Le texte mérite d'être cité : c'est à propos de ce vers de Du Bartas : Afin que son plus beau se montre encore plus beau. « Son plus beau, dit Deimier, cela n'est pas bien dict en François, car il ne faut point user de verbes adjectifs au lieu des substantifs. Du Monin s'en est accommodé au long et au large, car c'estoit son plaisir d'escrire
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 201
C'était, en théorie, la fin du procédé de style qui permettait de remplacer à la manière latine un pronom ou un nom quelconque par une épithète accompagnée de l'article ou d'un de ses équivalents, adjectif possessif, adjectif démonstratif, etc. Mais il ne faudrait en aucune façon généraliser ni croire que désormais les adjectifs ne passent plus à l'état de substantifs. Rien ne serait plus faux.
Il me paraît impossible toutefois de distinguer, dans l'état actuel des recherches, ce qui est vraiment nouveau et du temps. Je me bornerai à donner des exemples, en les classant 1.
A. SUBSTANTIFS DÉSIGNANT DES PERSONNES. — 1° Le substantif est précédé d'un possessif : A la fin ma rebelle a cogneu ma constance (Racan, Berg., V, 4, I, 125) ; lorsque d'une plaintive voix Il reclamoit son inhumaine (Mayn., II, 9) ; le sombre des melancoliques, l'esprit empaté des gages (Almah., V, 954) ; comme le lys dans les espines, ma bien-aymée, comme l'orange entre les fruicts des forests, mon choisy, ô que de douces douceurs (Guerson, Anal, du Verbe, 78) 2.]
2° Le substantif est précédé d'un article défini : Ce Dieu ne permet pas que le victorieux Triompbe insolemment et raille ma deffaite (Racan, II, 93, ps. 29) ; si bien que les habiles découvrent assez (Cotin, Théoclée, 1646, Av.-prop.) ; Tu as menty, respondit alors un des contraires (d'Audig., Six nouv., 110) ; L'oreille des polis et celle des barbares (Mayn., OEuv., 1646, 23); voyons avec tous les sensez qu'est ce que tyrannie (Dubos Mont., Fo., 10).
3° Le substantif est précédé d'un article indéfini ou d'une expression de quantité : une triste (Almah., V, 952); combien à les ouyr je fais de lancontre la reigle.... c'est changer sans raison et sans nécessité le naturel des vocables. C'est ainsi qu'on dit ma belle ou la belle, ma rebelle, ma cruelle, mon inhumaine, l'ingrate, l'infidelle. Les amoureux des siècles passez ont mis en lumière et reputation une telle façon de parler. On en trouve encore quelques autres : amie, ennemie, amante, amoureuse, rigoureuse, guerrière, homicide, inconstante. Mais c'est le vray que ces quatorze noms passent, en vertu de l'usage, aussi bien pour substantifs que pour adjectifs. Tous peuvent estre changez en l'estat du masculin hors le premier (beau), mais on peut dire le beau de sa beauté... Mais ces quatorze termes doivent tousjours estre employez en condition d'estre referez en ce qui est proprement à la seconde ou troisième personne, car e'estun mauvais propos de dire ma belle, mon inconstante, pour vouloir faire entendre la beauté, l'humeur ou la fortune qui est propre à soy mesme... On a veu de nostre temps quelques Poëtes licencieux qui ont voulu donner cours à plusieurs termes de ceste façon, disant ainsi parlant de leurs maistresses, ma divine, ma loyauté, ma beauté, ma brave, ma parfaite, mais cella estoit si galimatias et hors de mesure que rien plus, aussi on l'a rejecté comme chose non moins impropre que nouvelle... » (413-416). Suivent un certain nombre d'exemples où Desportes en a bien usé.
1. Il faut d'abord mettre à part bien entendu tous les adjectifs passés à l'état de substantifs véritables : un blondin, lacamarade, une coquette, le défunt, des délicats, les doctes, un drôle, ladure, un factieux, un fascheux, les fidèles, une folle, le galant, les grands, les gueux, les humains, les incrédules, les infidèles, les justes, les libertins, un malheureux, un malin, un mignon, la mignonne, les mondains, les mystiques, les naturels du pays, un niais, les orgueilleux, les originaux, un particulier, un patient, le pauvre, un pénitent, un plaisant, les rebelles, le sage, les simples, les sots, les superbes, les timides, etc.
2. Je ne tiens pas compte du cas où les verbes faire, rendre précédent ; Rosidor garanti me rend sa redevable (Corn., Clit., III, 1).
------------------------------------------------------------------------
202 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
guissans (Rotr., S. Gen., a. II, se. 3; cf. Scudéry, Almah., V, 1104).
4° Le substantif est précédé d'un démonstratif : Cela ne se peut plus, ceste desespérée... Rend de son deplaisir le suject trop cognu (Racan, Bergr., IV, sc. 4,1, 95); Rassure cette craintive (Id., II, 320) ; Le bras toujours vainqueur du grand Dieu des Armées Fera mordre la poudre à ces audacieux (ld., II,73, ps. 29).
Ici la liste des exemples s'allongerait indéfiniment, rien n'est plus facile que d'employer en guise de substantif un adjectif quelconque précédé d'un démonstratif.
Il n'est point facile de dire à quel moment un semblable emploi transforme l'adjeclif en véritable substantif. Nul doute cependant que notre époque ait vu la naissance de substantifs tels que précieuses, prudes, illustres, etc. 1.
B. SUBSTANTIFS DÉSIGNANT DES CHOSES CONCRÈTES. — On peut citer grotesques, impériale : Quand j'ay veu les extravagances de Remond Lulle, les grotesques de Goropius Becanus (Gar., Doclr. cur., 21) ; le carrosse estoit tout tremblant de vieillesse ; les quenouilles ne tenoient point, l'impériale estoit fracassée (Sorel, Polyand., II, 423).
Comparez : la pareille (Malleville, Po., 1649, 4°, 198); à l'utile ajouté l'ornement (Racan, II, 74) ; en luy seul l'impossible est possible (Id. II, 296) ; Aujourd'huy qu'un chaud vebement Nous importune extremement (Rec. de Rond , 1639, 165; cf. Racan, I, 210); ni les uns ni les autres ne nous conseilloient pas tousjours le meilleur (Desc., Méth., 28) ; je voy le futur sans besicles (Scarr., Virg., 11,209); tondre le riche émail qui fleurit sur le vert (St.-Am., II, 170) 2.
C. SUBSTANTIFS DÉSIGNANT DES CHOSES ABSTRAITES. — Je n'oserais pas affirmer que. les adjectifs substantivés au sens de substantifs abstraits ont été aussi communs au XVIIe siècle qu'au XVIe Mais il est certain qu'ils étaient en très grande vogue. De quelque côté qu'on se tourne, vers Etienne Binet comme vers Balzac, pour des raisons différentes sans doute, mais également efficaces, on les trouve en abondance. L'Essay des Merveilles de Nature dira : Qui se peut imaginer comme sur le bout d'une langue musicienne on peut renfermer toute la melodie du monde ? enfilant d'une tirade le pesant, l'aigu, l'enroué, le fendant, l'argentin, le tonnerre, les fuites, le soupple, l'arrogant (p. 522). Mais Balzac écrit: Je ne cherche plus autre chose, depuis que mes cheveux gris m'ont adverty de chercher le solide et le serieux (Let. chois., 1647, 124). Il ne tiendra qu'à vous que le simple et le provincial de mes escrits ne soit préféré au poli et au courtisan des escrits des autres (cité par Bouh., D., 47).
1. En langue burlesque les exemples de toul ordre fourmillent : je finiray donc tout court la dedicatoire (Scarr., OEuv., I, 271) ; Vous parleray-je des Aises Qui sont un peu scandalisez (Id., OEuv., I, 230) ; au pied des coteaux Les gens logeoient comme bru taux (Id., Virg., I, 205; cf. Racan, II, 78, ps. 21); Comme en nos jours feroit rire le monde Quelque fantasque (St.-Am., OEuv., II, 49); A ce beau son, vingt dodelues Serrent la patte a vingt lourdauts (Id., II, 402).
2. On dit encore beaucoup : lamarine (= la mer, Trist. l'Herm., Vers her., 212; Saras., OEuv., II, 65, 139, etc.).
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 203
L'extension de ce procédé peut même être considérée comme étant en rapport direct avec le développement de l'esprit précieux. L'anonyme de 1657 pose l'usage en règle, sans réserves, presque comme Du Bellay. On emploie les adjectifs neutres sans substantifs, ditil, pour exprimer les qualités des arts ou des personnes. Il lui fit froid (froide mine), Il se mit sur son sérieux (37) ; on dit se piquer de docte, de vaillant (Id., ib:). L'analyse des textes montre que l'auteur dit vrai :
Tu sçais que je connoy nostre divin Mestier Et que j'en voy d'abord le Foible et le Solide (Mayn., 1646, 4b); je.n'ignore pas le fin et le delicat (La Mesnard., Po., 1656, préf., p. 7) ; vous sçavez combien est rare dans l'amour le moment dû reciproque (Segrais, Nouv. fr., 1656, 3e nouv., 144) ; de l'attention et de la seconde veuë, qui polissent le rude et démeslent le confus (Balz., IIe Disc, I, 245, éd. Moreau); vostre sombre (Almah., V, 964, cf. 934) ; de l'agréable, du solide et du delicat (Costar, Let., II, 28) ; il fut difficile de remettre cette conversation dans le serieux (Segrais, Nouv. fr., 4e nouv., 248 ; cf. Mais, des jeux, 198, Loret, Po. burl., 1647, 101); il t'aime, tu connois son tendre (Scarr., Virg., I, 327). Sorel (Conn. des b. livres, 1672, p. 408) recommande : il y a du tendre en cela.
On rencontre aussi les tours chers à Du Bellay : le frais du bocage (Racan, I, 72) ; un caractère qu'on leur à gravé dans le plus beau de l'âme(Dub. Mont., Ex. P.; 5). Voici quelques exemples :
Dieu qui a plus d'égard au formel de la malice qu'au matériel de l'action (Garasse, Doctr. cur., p. 940) ; le burlesque de leur dance (Segrais, Nouv. fr., 6e nouv., 140); le haut du jour (d'Urfé, Astrée, II, 165; cf. Racan, I, 39) ; l'obscur des vallons (Chapel., Guzm. d'Alf., 111,469) ; lepoly d'une enclume (d'Urfé, Astrée, II, 563); le plus retiré du bois (Id., ib., I, 106 B); le plus sauvage du bois (Id. ib., 11,457); le sombre de la nuict (La Mesnard., Po., 45); le tout de vos affections (Secret, de la Cour, 1647, 34); le vague des airs (Racan, II, 268); le vague des idées et imaginations (Camus, Divers., 1605, 1. IV, 303A) 1.
INFINITIFS SUBSTANTIVÉS. — Vers le milieu du XVIIIe siècle, Malherbe scandalisait ses admirateurs puristes pour avoir osé écrire le flatter pour la flatterie (Chevreau, Rem. s..M.,71). Cependant à aucun moment, il n'y a eu condamnation d'ensemble des substantifs formés par ce procédé. Malherbe lui-même, dans le Commentaire, n'en a souligné qu'un exemple : O douteus espérer (f° 93 v°, Doctr.,
1. Je ne parle pas d'expressions devenues tout usuelles : an fort de la chaleur (Tristan, Vers Her., 95); le profond des flots ou des bois (Racan, Berg., 23; Rotrou, La Célimène. V, 3), te commun des mortels (Racan, II, 250); le commun des femmes (Mlle de Scudéry, Mathilde, 44); le general de l'État (Dubos Mont., Ex. 11 et 12).
En revanche, je crois fort rare un féminin comme : ils estoient cause de la continue de la guerre (Cont. et Mescont., 1649, V. H. L., V, 339).
------------------------------------------------------------------------
204 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
442); Mlle de Gournay n'indique comme proscrit que un bel oser ; Vaugelas n'a écarté que le vouloir pour la volonté, et l'analogie du grec l'a décidé à reconnaître que c'est une chose ordinaire en nostre langue de substantifier les infinitifs (II, 167).
Dans les textes, on trouve non seulement tous ceux que nous avons aujourd'hui et qui forment de véritables substantifs : le boire, le manger, l'estre, le lever, le coucher, le rire, le pouvoir, le savoir, mais encore d'autres, qui ne disparaîtront que peu à peu. Sans parler de ceux de ces infinitifs qu'on rencontre chez Camus, chez d'Urfé ou chez Montchrestien, où se perpétue la tradition du xvie siècle 1, on n'est point embarrassé de citer des exemples :
Le croire est une chose personnelle (Gar., Doctr. cur., 111) ; l'usage de son vivre (Théoph., II, 50) ; mon âme parlera du penser (Hardy, Did., 126) ; en son proceder (J. J. Bouch., Conf., 79) ; un dernier désespérer (Dubos Mont., Am., (16); donner un démentir (Id., A., 9) ; pour ne retomber pas dans son premier non estre (Id., Al., 8) ; un marcher seur et ferme (Racan, II, 301).
Chose plus notable, il arrive encore souvent que l'infinitif ainsi substantivé est suivi d'un complément déterminatif 2. Voilà son mesme sousris et son mesme tourner de teste (D'Urfé, Astrée, II, 714); Au briller de tes yeux (Mayn., I, 121); Au seul estinceler de l'Aurore crineuse (Id., I, 122, cf. 59) ; pour le seul flamber du soleil qui m'esclaire (Id., I, 46); il ne me resta rien qu'un vouloir de te plaire (Id., I, 40).
Ce qui prouve qu'on n'a pas là à faire à une fantaisie individuelle, c'est que les raffinés du temps en usent aussi : l'alteration de son ame qui s'accreust grandement à l'ouyr des discours que le Prince luy tient (Des Escut., Adv. fort., 16); un simple esloigner de vostre Ipsilis (Id., ib., 21); par le souffrir d'un million de peines (de La Serre, Clytie, 24).
Visiblement, il y a là un procédé à la mode. Il semble toutefois que le goût en ait été vite passé, et je n'ose point à ce propos, malgré l'abondance relative des exemples, parler de néologisme.
AUTRES DÉRIVÉS. — SUBSTANTIFS DEVENANT ADJECTIFS. — Le substantif employé comme adjectif ne plaisait pas toujours à Malberbe. Il doutait que le pouvoir tyran d'un oeil rigoureux fût de bon langage. Le XVIe siècle avait connu ces appositions, mais il est difficile de savoir si la langue parlée en a jamais fait grand usage en dehors des noms de couleurs.
1. Le commander est l'âme, l'obeyr c'est le corps (Camus, Divers., 1. V, 433B); le dormir (Astrée, I, 405 B); le partir (ib., II, 472) ; l'oser (Montchr., Dav., I, choeur).
2. Très rarement on trouve un régime direct : l'apprendre est comme un eschauffer et allumer Vaine (Camus, Divers., 1. I, 285B).
------------------------------------------------------------------------
LE NEOLOGISME 205
En tout cas je retrouve l'analogue chez Maynard : le tiran pouvoir de la fatalité (1,130). L'Essay des Merv. de Nature affectionne encore celte construction : ce séraphin homme S-Paul (p. 500). Un ange homme condamné aux flammes (505). Cf. le front d'une fille amante mais princesse (Rotrou, S. Gen., a. I, sc. 3); un port si soldai (Scudér., Almah., VI, 268) .
ADJECTIFS TIRÉS DE PARTICIPES PRÉSENTS. — Ils sont très nombreux, ainsi caressant (Oud., H.D. T.); — complaisant (Cotgr., 1611, ib.); cf. Il faut qu'on vous contente Et qu'on soit complaisant à qui fut complaisante (Boisrob., Foll. Gag., IV, 10); — consultant (Monet, 1636, H. D. T.) ; — dechirant (Cotgr., 1611, ib.); — degoûtant (Oud., 1642 ib.) ; — exagérant : je vis bien... que les témoignages d'affection étoient affectés et exagérants (sr. Chantai, Let., 205, p. 296) ; — figurant : afin que ceux qui aimoient les choses figurantes s'y arretassent (Pasc., Pens., XV, 3 bis); —grugeant : le Bled nouveau fait toujours le Pain plus agréable en couleur, plus grugeant (Del. de la Camp., p. 3);— infamant (Patru, Plaid., 5, H. D. T.); — philosophant : La Philosophie la moins philosophante de toutes, il faut que ce mot passe (Cotin, Théocl., 84) ; — rasant (Cotgr., H.D. T.).
ADJECTIFS ET SUBSTANTIFS TIRÉS DE PARTICIPES PASSÉS. — Considéré : prudent, réfléchi (Cotgr., H.D. T.) ; cf. vos charmes ne sont sans doute pas si considérez dans leurs conquestes qu'il faut que nous le soyons dans nos respects (Segrais, Nouv. fr., 5e nouv., 61) ; — défilé (Rotrou, Bel., III, 1, H. D. T.); deshabillé : Philiris parle des femmes qu'il voyoit en leur deshabillé, au lieu de dire estant deshabillées : C'est que pour rendre son histoire douce et naïve, il use de ce mot que les Dames de Paris ont inventé, lequel je ne desapprouve point en ce lieu là (Sorel, Berg. extr., Rem., III, 217) ; couverte seulement d'un deshabillé de taffetas bleu (Desfont., Cel. et Maril., 83) ; — raffiné (H. D. T. cite Cotgr.; cf. Rec.de Rond., 1639, 170 ; Maynard, 1646, 223 ; Malleville, Po., 1649, 292; Saras., OEuv., 1656, I, 208) ; — frottée (Cotgr., H. D.T.); — trouée (ib.).
ADJECTIFS ET SUBSTANTIFS TIRÉS DU RADICAL VERBAL. — Malherbe condamne accroist qu'il prend pour un néologisme. Il a bien entendu surcroisl, non l'autre (IV, 327). On peut citer de l'époque :
Chiquet (Oud., 1642, H. D. T). ; — coquet (Cotgr., H. D. T. ; cf. Rec. de Rond., 1639, 103, Maynard, 1646, 263, etc.) ; — déblai (Oud., 1642, H. D. T.) ; — début (ib.) ; — entrechat (Oud., 1642, sous la forme entrechas; cf. d'Ouv., Cont., 1644, II. 261) ; — pari (Oud., 1642, H. D. T.) ; — ragoût (ib.) ; cf. Mes ouvrages pour vostre table Sont des ragouts trop delicas (Mayn., OEuv., 1646, 302). — defroque (Cotgr., H. D. T. ; cf. : sçavoir mon si l'on ne m'avoit point tué pour... m'oster quelque defroque, Chap., Guzm. d'Alf., III, 263); — gigue : Je ne passois pas mal mon temps, Et comme j'estois un peu gigue (Richer, Ov. bouf., 1662, 209) ; Sa petite mère a beau luy crier tantost : allons, preste, et tantost, ça ça, la grande gigue n'en branle pas, et achevé a loisir... ses complimens et ses reverences (Arasp. et Sim., 1672,11, 36).
1. Les écrivains burlesques font passer les mots avec la plus grande facilité d'une classe à l'autre et tirent parfois de la confusion des effets comiques.
O qu'un brave est incommode S'il a l'humeur antipode (Bréb., Luc. trav., 1656, p. 77); A peine d'un son glapissant Eut-il sonné farlarirette, Qui veut dire en langue Trompette « Nobles seigneurs, retirez-vous ! » (Dassouc, Ov. en b. hum., 4°, 1650, 77-78).
------------------------------------------------------------------------
206 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
II. DÉRIVATION PROPRE. — DIMINUTIFS. — On se rappelle que tout un chapitre du livre d'Henri Estienne cherche à prouver ce paradoxe-, que notre langue a la précellence sur l'italienne dans la création de ces sortes de mignardises (96-104). Maupas étudie encore la manière dont se dérivent les diminutifs, car les « Poètes employent d'assez bonne grace, ces noms rustiques és Eglogues, Pastorelies et chansonnettes champestres » (98). Godard, poète en même temps que grammairien, en fait grand usage (Voir dans les Desguisez, A. th. fr., VII, 347, 349, etc.). Deimier, rapportant les inventions burlesques d'un fabricant de mots renvoie bien coeuret au billon, mais sans aucune censure particulière (471). Malherbe lui-même n'avait d'abord relevé dans Desportes faire la doucette, que parce qu'il le jugeait bas 1 ; pourprette était mal dérivé, venant d'un substantif, sagette était bouffon. Mais aucune condamnation générale n'accompagnait ces sentences. Plus tard, au contraire, reprenant son Desportes, il prononce : « Ces diminutifs n'ont guère bonne grâce en français " (Doctr., 286).
Mlle de Gournay ne se contenta pas de montrer que les diminutifs entrent dans le matériel linguistique des deux Prélats, dont elle fait son bouclier (O., 975), elle en donna un traité exprès : Des diminutifs françois (O., 499-510). Et c'est certainement un de ses meilleurs opuscules 2.
1. Commun dans la comédie et le burlesque (Corn., Suite du Ment., IV, 290; Mol. Tart., I, 1 ; Scarr., Dern. oeuv., 1,232, Virg., II, 199).
2. « Quelqu'un encore faict il la bouche sucrée, pour n'oser dire, qu'une telle est accouchée n'aguere du plus bel enfançon, et qu'il ayme bien son petit frerot, et sa petite soeurette? Dire aussi, qu'vn tel garçon est le plus vray folet ou doucet, le plus vray fretillon, folion ou follichon, et cestê fille de mesme ? sans épargner finet et finette, simplet et simplette, maigrelet ou maigrelette
« Suiuamment, chacun donne aux villes et aux Cours, ces diminutions de nom aux enfans par tendresse, Madelon, Catin, Margot, Janon, Annichon ou Annette, Marotte, Claudine, Francine, Lysette : ouy parfois Elon et Suson pour Hélène et Susanne : plus,Pierrot, Janot, Carlin, et tant d'autres : outre celuy que monsieur le Cardinal du Perron a trouvé dans le nom d'Ascagne. Pour le regard de la campagne, elle a ces mesmes diminutifs de noms, et maints autres pour la bonne mesure. Les champestres et les polis mondains encore par dessus, sçauent dire, si le cas y eschet, le bergerot, la bergerette. Au reste les plus honnestes gens aussi profèrent à tous coups, se marier par amourettes, aller aveugleltes, dire par épaulettes, mener au tabourinet : ils n'espargnent point une fine-minette, une humeur enfantine, une camuzon, une menon, une pauvre petiotte, un peton, une menotte ; nomment: en suitte leur incarnadin et leur camelotin, aussi volontiers que leur incarnat et leur camelot : ny les dames n'obmettent pas aussi de leur part le crespon qui sonne évidemment, crespe leger. Ils disent frioler et friolet, issus par diminution du verbe friarider : comme ils disent encores grignotter et buvotter, tirez de grignon et de boire. Nous adjousterons qu'ils employent, morsiller vne pomme, poinctiller un homme, sauteler, sucçotter, machonner, vivotter, voletter, baisotter, tastonner : verbes diminutifs comme les trois précédents, et desquels on void assez les sources : et davantage ils sonnent par fois, babilsaulcet, et qu'un tel porte la mine d'un compagnon à la tassette, quand ils sont en humeur comique
« Consequemment, il faudroit entonner, petite courbe d'un cheval en lieu de cour
------------------------------------------------------------------------
LE NEOLOGISME 207
Assurément il ne serait point difficile de trouver le point faible de ce plaidoyer, où l'« autrice » mêle sans scrupule les diminutifs employés comme tels : maisonnette de maison, et ceux qui font fonction de noms ordinaires : roulette ou cachette. A ce compte, elle donne un peu trop facilement l'illusion que ces mots « font le quart du langage françois ». Mais l'exposé est des plus brillants. La richesse des matériaux, une connaissance de la langue vraiment profonde pour le temps, une méthode où la recherche systématique des mots à citer n'a rien ôté à la fantaisie de l'imagination et à la verve du style mettent ce traité bien au-dessus du chapitre de H. Estienne.
Quoi qu'il en soit, le goût du temps n'allait pas vers ces gentillesses. Et si Vaugelas n'en a point parlé, c'est sans doute parce qu'il n'y avait plus lieu de s'en défendre l.
On en trouve encore fréquemment au commencement du siècle : tandis que leurs brebiettes broutoient (Camus, Iphig., I, 1, 248) ; ils examinerent l'appareil de sa malette (d'Audig., Six nouv.de Cerv., 57) ; sur mon toict estendu seulet je me pourmene (Montchr., David, I, 1). Mais ils sont surtout dans des écrits familiers ou burlesques :
Ce sont des chosettes et menus fatras (Gar., Rab. ref. 39); de petits Ministrillons que vos femmes vous jettent sur les bras (Id., ib., 32) ; combattre une si chetive creaturetle (R. Franc, Merv. de N., 495) , le burin grave des figurettes (Id., ib., 207); la Perle est tendrelette dans le Nacre (Id., ib., 175); il s'exempta des attaintes de certains petits mangereaux d'officiers de justice (Cour, de Nuict, 61).
Bientôt ils seront burlesques. César, qui juge qu'on fait De César un Cesarel (Bréb., Luc. trav., 1656, p. 67); quenouillette (Airs et Vaudev.de Cour, II, 218); j'estois un jeune fripponnet, menuet, deschargé d'encouleure et de graisse (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 170); Scarron en offre de très nombreux exemples : durette (Virg. II, 165); femmelette (ib., Il, 132); herbette (ib., II, 171)) ; ivrognelle (ib., II, 237); maigrelet (ib., II, 294).
Il serait fort difficile de citer des diminutifs de l'époque qui soient vraiment nouveaux. Presque tous ceux qu'on peut relever dans le Dictionnaire général sont antérieurs ; blanquette, cervelet, tourniquet, se lisent dans Cotgrave. Bridon, chiffon, sont dans le même
bette, petite lance d'un chirurgien pour sa lancette, petite poelle pour sa poelette, petite rue d'un lict, petite toille à se deshabiller, petites dents de colets, eneschange de ruelle, toillette, dentelles : et la palette à jouer, se debvroit appeler petite paelle. Quoy plus? petits chapeaux de table, petite cuve de salle, petite fosse de joue, debvroient gagner la place de chapelets, cuvette et fossette : sans oublier les burettes de l'Eglise qu'il faudroit nommer petites buyes, en siècle de si haute reformation » (O., 505 à 508.)
1. Il dit à propos d'islette dans les Remarques posthumes : « Il est fort bon. M. Coeffeteau en use, quoique les diminutifs ne soient pas fort en usage en nostre Langue. Car lors mesme que l'on s'en sert, on les adoucit d'ordinaire avec l'épilhète de petit » (II, 412-3).
------------------------------------------------------------------------
208 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
cas; guignon est déjà dans Régnier (Sal. XI). Pour les autres, des recherches ultérieures les feront probablement retrouver plus tôt. Ainsi poetereau est donné par H. D. T. comme de Scarron. Je l'ai rencontré dans le Recueil de Rond, de 1639, p. 46. Est-ce le premier exemple ?
SUBSTANTIFS. — en able : cartable (Monet, 1630).
— en ade : cassonade (Colgr., II. D. T.); Scarron dit déjà castonnade (Virg.,
II, 50); — heurtade (Chap., Let., I, 528; cf. Oud., 1642); — hurlade (Voit. Uz. p. 88, 1.28); orangeade (Oud., 1642, H.D. T.);— pantalonnade: qui faisoient en hurlant mille pantalonnades (St.-Am., I, 203 ; cf. Loret, 22 janv. 1651) ;
— repassade (Chap., Let., II, 99)i.
— en âge : gargotage (Oud., 1642, H. D. T.) ; cf. tous ces degouts ne proviennent que de ce gargolage-Va (Del. de la Camp., 212); — pliage (Cotgr.,H.D. T.); — raffinage (ib.); — treillisage : un — attaché au Mur (Jard. fr., 15) ; — cirage (Lebrun, Merv. de la peint., 1635, H. D. T.).
— en aille, gueusaille : combien de fois encore ay-je fait assembler à ma porte une troupe de gueusaille (Chap., Gusm. d'Alf., III, 470 ; cf. Scarr., Virg., I, 5) ;
— valetaille (Nicot, H. D. T.).
— en ain, republicain (d'Aubigné, H. D. T.) ; cf. Au milieu de la France un fameux Escrivain A l'esprit si républicain (Bréb., Po. div., 4°, 191) 2.
— en aire : commissionnaire (Montchrest., Delb. Bec); — dispensaire (Cotgr., H. D. T.).
— en al : armoriai (Cotgr., H. D. T.).
— en ance : exorbitance (il ne se lamente point de voir pourry et gasté... par vos exorbitances a despenser et et à dissiper (Chap., Guzm. d'Alf., III, 354 ; cf. Id., Let., II, 720, et Oud., 1642)3.
— en ard : campagnard (Cotgr., H. D. T.); cf. Segr., Nouv. fr., 1656, 5e nouv., 267 ; — lisart : vous autres lisarts, n'avez-vous point leu certain petit fatras qui se nomme le Caquet de l'Accouchée? (Caq. de l'Acc., 264).
— en ateur : appréciateur (Cotgr., H. D. T.) 4 ; — présentateur (Chap., Let., I, 465); — H. D. T. cite les Rech. de Pasquier.
— en ation : felicitation (d'Aubigné, 1623, II. D. T.). Mais en 1690, Th. Corneille employant compliments de felicitation, ajoute : « s'il est permis de parler ainsi » (ib.).
— en âtre : poetastre (Chapel., II, 388 ; Loret, 18 av. 1654, 133).
1. En burlesque : en jambade (Scarr., Virg., II, 161) ; platassade (Scarr., Virg., II, 251); cf. Richer, Ov. houf., 1662, 519 ; secouade : la — passee (Chapel., Guzm. d'Alf.,
III, 506) ; souffletade : les — non feintes (Scarr., Virg., I, 359) ; Scaronade: Je vous envoyé... quelques — (Costar, Let., I, 578).
2. Burlesque : manuscrivain : les — ou Copistes (Loret, 26 janv. 1658, 93).
3. Le Complément de Godefroy cite le mot dans d'Ossat, en 1595.
4. Burlesque : dessicateur : Mais des Cieux le miroir ardent, Maistre dessicatenr des crottes... Donna remede à l'accident (Scarr., Dern. oeuv., 1, 238).
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 209
— en eau : bigarreau (Cotgr., H. D. T.) ; cf. puissay-je êtouffer d'une nefle Ou m'êtrangler d'un bigarreau (Loret, 14 mars 1654, 191).
— en ement : assujettissement (Delb., Rec, H. D. T.); — caïmandement (Cotgr., ib.); cf. hors de train et au caïmandement de leur infame vie (Espad. sat., Déd., p. 4); — clignotement (Cotgr., ib.) ; — cautionnement (Delb., Rec, 1616, ib.);—debarquement (Oud., 1642, ib.) ;—demenagement (Cotgr., ib.); — desinteressement (Pasc, Prov., 16, L.) ; —dessaisissement (Monet, Invent.) ; —detachement (Oud., 1642, H. D. T.); — discernement : avec discernement punit et récompense (Corn.. Cin., II, 1) ; — dodelinement (Cotgr., H. D. T.) ; — effondrement doit estre reçu puisque le verbe est dans le commun usage (Dupleix, Lum., 295); —empressement : A pareil air ils rebuttent ce mot d'empressement (Issue aux Censeurs, 589) ; repeuplement (Cotgr., H. D. T.).
— en ence : deference (Peiresc, Let., 1628, H. D. T.).
— en erie : bahillerie : la rusticité et la — (Fr. de Sales, VI, 132); — causerie (Cotgr., H. D. T.); — coadjutorerie (Merc. fr., 1617, Delb., Rec. H. D. T.); — griffonnerie (Chap., Let., l, 397; cf. Loret, 22 juil. 1663, 220, 9 oct. 1660, 260, etc.) ; — gueuserie (Nic, H. D. T.) ; Je ne fais point de tort aux beaux Esprits prétendus de nos dogmatisans, de les loger parmy des gueux, d'autant que tout leur fait n'est que gueuserie (Gar., Doctr. cur., 67; cf. Sorel, Polyand., II, 420, 605); — hablerie (Chapel.,Let., II, 50) ; cf. Sorel, Polyand., II, 388 et Scarron, Virg., II, 292. H.D.T. ne le signale pas avant Furet. Rom. bourg. ;— minauderie (Cotgr., H. D. T.) ; — penderie (ib.) ; cf. Je n'ay pû empeschermon Heros d'estre condamné à estre pendu dans Pontoise; et cette penderie-là est si vray-semblable, que je ne croy pas la pouvoir changer en aucune autre avanture (Scarr., OEuv., I, 422); — piaillerie (Oud., 1642, H. D. T.) ; cf. Le pere entrant en furie Redoubla sa piaillerie (Richer, Ov. bouff., p. 81) ; — ravauderie (Cotgr., H. D. T.); cf. Pour moy, si j'avois fait des Chapitres exprez de telles ravauderies (Gar., Rech. des rech., 73) ; — romanserie : l'air de ce païs-là... porte quasi généralement un chascun à la romanserie (Peir., Let. à Dup., I, 417) 1.
— en esse : justesse (Cotgr., H. D. T. ; cf. Sorel, Disc, sur l'Acad., et Racan, I, 346, 356).
— en et : plumet (homme qui porte un chapeau à plumes). « Il me conta qu'ils étoient dans Paris grande quantité qui vivoient de ce métier-là (le métier de voleur), et qui avoient entre eux beaucoup de marques pour se reconnoître, comme d'avoir tous des manteaux rouges, des collets bas, des chappeaux dont le bord étoit retroussé d'un côté, et où il y avoit une plume de l'autre, à cause de quoy l'on les nommoit Plumets » (Sorel, Francion, liv. II, p. 83). H. D. T. cite le mot pour la première fois dans Oud., 1642.
— en été : exacteté, « vient trop tard, » alors qu'exactitude commence à être reçu. Ce dernier, que Vaugelas a vu naître « comme un monstre » a déjà le droit d'une longue possession tout acquis (I, 377). On trouve exaclesse dans Peiresc, Let. à Dup., I, 126; — souveraineté est au contraire approuvé par Vaugelas (I, 34). Le mot est en réalité très ancien.
1. Burlesque : pesterie : Tu ne pouvois mieux rencontrer Dans ton humeur de pesterie (St. Am., II, 410); — scaronnerie (Scarr., Dern. oeuv. I, 89) ; — catonnerie : n'en déplaise à sa Catonnerie (Scarr., Dern. oeuv., 1,194).
Histoire de la Langue française. III. 14
------------------------------------------------------------------------
210 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
— en eur : offenseur est attesté depuis le XVe siècle. Mais Scudéry déclare, en le trouvant dans le Cid (a. I, sc. 6), qu'il n'est point français; l'Académie souhaiterait qu'il fût en usage (Corn., XII, 487). En fait, Corneille l'avait trouvé sans doute ou dans Garnier (v. Lex. de Corn, de Marty-Lav., II, 127) ou dans l'Astrée, car il y est, comme Ménage avait raison de l'affirmer (1614, II, 97 100); — bredouilleur (Oud., 1642, H. D. T.); — diatribeur (Balz., Let. inéd.', Tam. de Lar., IV, 415) ; — exciteur : Mais vostre Altesse, qui le vit, Sans savon lava bien les testes De ces exciteurs de tempestes, Et renvoya ces soufflencus aussi penauts que les cocus (Scarr., Virg., 11,84). — gobloteur (Richer, Ov. bouff., 1662, 382); H. D. T. le signale comme né de nos jours; — hableur (Cotgr., H. D. T.); cf. Brébeuf, Luc. trav., 1656, p. 119, Po. div., 251 ; — soupireur (Gr. Cyrus, X, n, 898); — subtiliseur (Chap., Let., I, 419) ; — fadeur (Cotgr., H. D. T.).
— enier : bijoutier (qui aime les bijoux, Retz, H. D. T.) ;— brigadier (Oud., 1642) ; — chiffonnier (ib.) ; — douanier (Cotgr., ib.) ; — epistolier. H. D. T. cite un ex. du XVIe Le mot n'est dans aucun des dict. Nic, Cotgr., Mon., Oud. ; cf. Balzac, Let., à Conr., 16 août 1649 et Scarron, OEuv., 1,426 : par la leclure de quelques Epistoliers Modernes que je ne nomme point de peur de noise; — gazetier (Chapel., Let., 1,278); — grimacier (Cotgr., H. D. T.); cf. Loret, Po. burl., 1647, 179 ; — safranier (d'Aubigné, H. D. T.); cf. Quand Atropos, la Parque safraniere A fait tomber Voiture dans la bière (Sarasin, Pomp. fun. de V., 299); cf. Loret, 5 nov. 1650, 44; 12 nov. 1650, 96, etc.
— en ille : béquille (Cotgr., H. D. T.).
— en in : plaisantin : Martin Luther s'appelloit en langue Saxonique Martin Luddar, qui signifie un bouffon, un plaisantin (Gar., Doctr. cur., 1021; cf. 1005, 306); H. D. T. le donne pour un néologisme ; — trotin : des clercs, survenans à douzaines se ruèrent sur les Trotins (Loret, 28 juin 1659, 229) ; — vertugadin Cotgr., H. D. T.) ; cf. c'estoit de ceux (des étuis) que nous coupions aux Dames qui en portoient sur leur vertugadin (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 170).
— en ine : chaumine (Cotgr., H, D. T.).
— en is : degobillis : Le net et franc dégobillis... Est un recipé salutaire (St. Am., II, 90 ; cf. 393) ;— margouillis : le visage et les vestemens si pleins de vase et de margouillis, qu'il sembloit que je sortisse tout frais du ventre de la Balleine (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 63 ; cf. 310. H. D. T. cite Oudin, 1646);
— tricotis (Chapel., Let., I, 383).
— en ise: cafardise (Cotgr., H. D. T.) ; — galantise (mot inventé par les plus célèbres courtisans, de Gourn., Adv.,386) ; nos beaux esprits disent par galanlise (Gar., Doctr. cur., 74).
— en isme : protestantisme (Delb., 1623, dans H. D. T.).
— en iste : casuiste (Cotgr., H. D. T.) ; — cavaleriste : Cain fut le premier cavaleriste du monde (R. Franc, Merv. de Nal., 570) ; — elogiste (attribué à Richelieu) ; Qu'en peut dire son elogiste ? (P. Carneau, Stimmimachie, 1656, 75) ; — libelliste (Chapel., Let., I, 664) ; — machiniste (Delb., 1643, H. D. T.) ; — nouvelliste (E. Binet, 1620, Delb., H. D. T.), très commun chez Loret, 18 oct. 1653, 21, 27 nov. 1655, 239, etc. Chapelain (Let., I, 557) disait nouvellanl et (ib., I, 235) nouvellier ; — princiste : Guérin cria : « Je suis princiste » (Loret, 22 sept.
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 211
1652, 127; cf. 2 juin 1652, 169, etc.); — romaniste : quelque romaniste (romancier) de ce siècle n'aura-t-il point desja entrepris de mettre mes amours, par escrit? (Sorel, Berg. extr., 1. III, t. I, p. 200).
— en ité : adverbialité (Vaug., II, 347) ; — jansénéité : quelle force, quelles machines contre le Chef-de-part et la faction contre Jansenius et la Jansénéité (Balz., I, 1055) ; — ponctualité, mot inventé par les plus célèbres courtisans (Gourn., Ado., 386. Cf. Peir., Let. à Dup., Delb., Rec.) ; — provincialité (Chap., Let., II, 234) ; —sériosité, lancé par Balzac au lieu de sérieuseté : la seriosilé des Grecs a-t-elle rien qui vaille cette raillerie fiere et impérieuse de vos , Romains ? (OEuv. div., Quinet, 1664, p. 40; Convers. des Rom.) ; le mot est approuvé par Vaugelas (I, 400). Il était déjà ailleurs : vous tenant es termes de la seriosité (Gar., Rab. réf., 69) 1.
— en itude : esclavitude, dit Vaugelas, était préféré par Malherbe à esclavage2. Lui, n'aimerait à employer ni l'un ni l'autre, quoique ce dernier soit plus usité (II, 124). Chapelain, Le Vayer (Eloq. fr., 67) furent de cet avis, et le mot ne passa pas. Bary, Bouhours constatent sa chute ; — exactitude : Sorel le signale comme nouveau dans les Loix de la Galanterie (1644), puis dans son Discours sur l'Académie (1654), et ailleurs ; Vaugelas l'a vu naître comme un monstre contre lequel tout le monde s'ecrioit, mais enfin on s'y est apprivoisé (I, 377). Il triomphe en effet d'exactesse (Peiresc, Let. à Dup., I, 126) ; cf. Bouh., Ar. et Eug., 1671, 84 et Doutes, 1674, 50. Il est fréquent dans Corneille. — Burl. : lestitude : Il a, dit-on, fort affecté La lestitude et propreté (Loret, 16 juil. 1650, 32; cf. 23 fév. 1658. 18 ; 9 oct. 1660, 63, etc.).
— en ure : chamarrure (Cotgr., H. D. T.). — Burl. : versificature (Scarr. OEuv., I, 34. God. cite Ferry Julyot).
ADJECTIFS. — en able : censurable (Pasc, Prov., III) ; — concevable (Corn., Her., V, 7, H. D.T.);cf. Montfleury, Dam. med., II,5; —dilatable (Cotgr., ib.).
— en aïque : gueusaïque (la secte) (Tabar., II, 430).
— en al : colossal (Cotgr., H. D. T.); — dental (ib,).
— en anée : instantané (XVIIIe s. dans H. D. T.) ; le present, pour ce qu'il est instantanee, c'est à dire passant en un moment (Duval, Esc. fr., 200).
— en ard : goguenard (Oud., 1642, H. D. T. ; cf. mauvais plaisans, francsgauguenars, Tels que, dans le pays du Maine, Est le bon Monsieur de Vilaine,. C'est de luy que ce mot je tien (La leg. de Bourbon de l'année 1641, dans le Recueil deqq. v. burl. de Scarron, 1645, p. 129; cf. Scarr., Virg. trav., II, 242, Loret, 30 av. 1651, 67).
— en aud : pataud (Cotgr., H. D. T.) ; cf. Avec leurs pataudes de mains (Loret, 1er sept. 1652, 90).
— en é : intentionné, « mot inventé par les plus célèbres personnes de noble condition » (Gourn., O., 597 ; cf. Adv., 386) : H. D. T. cite Lanoue; cf. Scarr., Dern. oeuv., I, 62).
1. Il est à noterque bientôt l'adjectif substantivé le sérieux prévalut (Cf. Segrais, Nouv. fr., 4e, p. 248, Le Boul. de Chalussay, Elomire hypoc, 1670, act. IV, Divorce
comique, se. IV; Poisson, L'aprèsdîné des auberges, sc. II, etc.
2. Le Lexique de la Collection des Grands Ecrivains n'en cite aucun exemple.
------------------------------------------------------------------------
212 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
— en esque : chevaleresque (Oud., 1642) ; — gasconesque (Peir., Let. à Dup., I, 823); — romanesque : avoir l'esprit aussi romanesque et aussi poétique que Lysis (Sorel, Berg. extr.,Rem., t. III, 142; cf. 187).
— en eux: Vaugelas les tolérait, cf. p. 197; charbonneux (Cotgr., H. D. T.); — comateux (J. Duval, 1656, dans Delb., Ib.).
— en ien : gnathonien : je suis soul jusqu'à la gorge de cette viande gna.- thonienne (Balz., Let. inéd., 451) ; — scaligerien (Id., II, 489) ; — cf. Aristotelicien (Chap., Let., Il, 632), Ovidienne (Balz., Let. inéd., LXI).
— en ier : printanier était dans Ronsard. Malherbe le blâme dans Desportes, IV, 450 ; cf. Doctr., 285. Cependant il se répandit, mais fort lentement ; — trésorier : il fureta si bien les chambres de son logis qu'il trouva le cabinet trésorier (Le Cour, de nuict, 182) ; cf. Loret : de condition Trézoriére (2 mars 1658, 162).
— en if : edificatif (Chap., Let., I, 51) ; — lentatif (Id., ib., II, 731); cf. rejetter des offres tentatives (Bary, Rhet. fr., 170).
— en in. Il y avait dans la vieille langue des adjectifs en in. Mais le XVIe siècle en avait fait de nouveaux, en grand nombre (cf. t. II, p. 192). Malherbe, à propos d'ivoirin, donne d'un seul coup congé à ovin, marbrin, « et autres telles drôleries » (IV, 322). Ce fut le coup de grâce. Déjà la langue n'avait point d'inclination vers ces sortes d'adjectifs, et préférait employer un équivalent formé de préposition + substantif.
On en trouvait encore, même dans la prose de Camus ou d'Etienne Binet : une Espouse d'un coeur tout colombin (Cam., Iphig.,I, 36) ; leur glace est plomhine (R. Franc, Merv. de Nat., 186); sa bouche sucrine (Id., ib., 498).
Quelques-uns traînent au XVIIe un reste de vie, ainsi diamantin (Chap., I, 587). Dans le coeur d'un chrestien lavé dans le sang pourprin du Sauveur (Guerson, Anal, du Verbe, 1620, p. 103). Ils sont le plus souvent burlesques : Aux coeurs si doux et colombins (Loret, Poes. burl., 4°, 1647, 149); Vous avez dedans la poictrine Une dureté diamantine (Id., ib., 158); Ce prodigieux animal... Avec sa taille gigantine (Scarr., Virg. trav., 1,256-257).
VERBES. — Vaugelas n'est guère favorable aux verbes qu'il croit nouveaux. En dépit de affectionner et se passionner, il rebute ambitionner (I, 211 et II, 33) ; conditionner (II, 33) ; intentionne? (ib.); mentionner (ib.), occasionner (I, 211). Il n'est pas plus bienveillant à invectiver (I, 211) ni à pretexter (ib.) ni à se medeciner (ib.)1
1. Voici la réponse de Sc. Dupleix : Je considere bien qu'aucuns de ces verbes formés des noms substantifs, comme ambitionner, et les autres estalés en cete Remarque, ont moins de douceur que beaucoup d'autres de pareille derivation : toutesfois je n'en voudrais pas condamner l'usage eh autruy : et particulièrement j'employe, à l'imitation de plusieurs doctes Escrivains, le mesme verbe ambitionner, d'autant plus franchement que nous n'en n'avons point d'autre qui responde en force d'expression au Latin ambire : faisant estat que telles dictions contribuent beaucoup à l'enrichissement de nostre langue, et qu'elles doivent estre preferées aux périphrases, qui marquent souvent l'indigence et le defaut qu'elle a de termes propres à une claire et naïfve expression de nos conceptions. Je tiens aussi que se medeciner est une bonne locution : et que nostre Auteur la con-
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 213
Voici quelques verbes qui peuvent être considérés comme nouveaux :
— en er : apothéoser (Balz., Let. inéd., LVI, 559);— bombarder (Cotgr., H. D. T.); — capuchonner (d'Aub., Trag., H. D. T. ; cf. Loret, 16 août 1659, 57) ; les pauvres capuchonnez Furent, tout-à-fait, mal-menez ; — caracoler (Oud., 1642, H. D. T. ; cf. Corn., X, 199, Poés. div., 74 et Loret, 29 juin 1658, 29); — cloîtrer (Cout, de Lux., 1623, H. D. T.); — colleter (Cotgr., ib.); — complimenter, « mot inventé par les plus célèbres courtisans» (Gourn., Adv., 1634, 386; H. D.T., cite Oud., 1642); — contagier: L'Egypte, l'Arrabie et la Caldée furent seules jadis contagiées de ceste peste (1624, V. H. L., I, 118); —dégohiller (Cotgr., H. D. T.); — droguer (ib.) ; — enthousiasmer : je suis enthousiasmée de l'air et des paroles (Mol., Préc rid., sc. IX) ; le mot est commun chez Loret, 7 juill. 1652, 176 ; 17 janv. 1654, 10; 30 déc 1656, 8, etc., (on prononce entousiâmer); — expectorer (Chapel., Let., II, 348); — fanfaronner (Oud., 1642) ; — filouter : S'il quitte son habit pour une cause honteuse, comme pour aller filouter (Pasc, Prov., VI) ; — goinfrer (Oud., 1642); cf. Qui n'aura goinffré de sa vie, Doit commencer dés aujourd'huy (Mayn., OEuv., 1646,271, et Sorel, Pol., II, 528, Gomb., Epigr. 1657, 144) ; — griffonner (Cotgr., 1611, H. D. T.) ;
— gueuser (Nicot, 1606 ; H. D. T. ; quelque pauvre Quaymand qui s'en va gueusantde porte en porte (Gar., Rech. des Rech., 781) ; cf. : St. Am., I, 370 et Chapel., Guzm. d'Alf., II, 16 ; — hutter (God. cite Sully); cf. : voicy la grange Où le destin m'a hutté (St. Am., II, 414; cf. Loret, 22 juil. 1663, 3 juin 1656); — loucher (Cotgr., 1611, H. D. T.); — maquiller (Dav. Ferrand, Mus. norm. dans Delb., Rec, H. D. T.); — morceler (Cotgr., H. D. T.); — naïfver : ce poinct refendu a si bien naïve les cheveux (R. Franc, Merv. de Nat., 337, cf. 340 et 498); — nigauder (Cotgr., 1611, H. D. T.; St. Am., I, 225); — patiner (Cotgr., H. D. T.) ; cf. : je veux patiner a mon aise tes grosses joues (Sorel, Polyand., I, 58; et Colletet, Juv. burl., 1657, p. 10); — piécer (faire pièce à) : faire le Brave à toute outrance, Piesser les Mareschaux de France, Et faire l'Amoureux transy, C'est estre fat en cramoisy (Airs et Vaud. de Cour, I, 123) ;
— pointiller (Cotgr., H. D. T.) ; cf. : les soeurs, quoique fidèles à se faire la charité, ne se pointillent ni surveillent les unes les autres (sr Chant., Let., CCCLXXX, 540) ; — précautionner : Sorel note ce mot parmi ceux que Mlle de Scudéry aurait la première employés par écrit (Con. d. b. liv., 1672, 401; cf. Bouh., Ar. et Eug., 2e éd., 1671, 88); — proser (proser de la rime et rimer de la prose, Regn., Sat., X); — regaler « mot inventé par les plus célèbres courtisans » (Gourn., Adv., 1634, 386) ; H. D. T. cite Cotgr. Mot très fréquent dans les textes : A M. Taleman pour le remercier d'une petite bibliodamnant
bibliodamnant que je rapporte icy la raillerie de son Contre-tenant) n'aura pour luy ny les sains ny les malades. J'y veux adjouster medicamenter, qui se dit plus proprement de l'application des remedes aux playes ou aux douleurs des parties extérieures, comme medeciner se dit des remedes ordonnés par les Medecins aux douleurs ou infirmités des parties intérieures (Liberté, 300).
Ambitionner est déjà dans d'Aubigné(H. D. T.). Mlle de Gournay le déclare inventé par les plus célèbres personnes de la noble condition (O., 597, Adv., 1634, 386). La discussion continue après Vaugelas (Mén.. O., II, 475, Marg., Buff., N. O., 73, Alemand, Guerre civ., 119-121 ; encore désapprouvé par Richelet, le mot est adopté par Fur. et A.) : —conditionner est un vieux mot ; — mentionner est cité au XVIe siècle par H. D. T. ; — occasionner, refonte d'un vieux mot français, remontait à plusieurs siècles ;
— invectiver est dans Cotgrave (cf. de la Croix, Guerre com., 1664, éd. Gay, p. 17) ;
— se medeciner est dans Racan (1,222); — prétexter, dans Corneille (OEd., III, 4).
------------------------------------------------------------------------
214 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
theque dont il avoit regalé l'Autheur (Mayn., OEuv., 1646, 23, cf. 209, et : j 'ay déja esté regalé du 9e vol. de Cyrus, Balzac, Let. à Conr., 17 mars 1653) ; —
reqouler : Ny les remparts bien escarpez Ni la résistance des armes Ne
purent regouler les charmes de ce monstre aux regards affreux ( Rich., Ov.bouff, 543) ; — renfroquer (Chap., Let., 1,738) ; — rucher : vous mangez le travail et le miel des abeilles Et ne ruchez jamais ny d'esté ni d'hyver (Espad. sat., 12) ; — siéger (assiéger) : de mesme façon que sy c'eût été pour siéger Nancy (Loret, 7 av. 1657, 201; cf. 23 oct. 1660,153, etc.); — supplicier, ne vaut rien, d'après Vaug., II, 457, Rem. posth. ; — sottiser (St. Am., OEuv., I, 149); — se syntaxer : tous (les pronoms indéfinis) se syntaxent d'articles indéfinis (Maup., 1638, 172) ; — tressaulter (ex. du XVIe s. dans G.) ne fait que très lentement sa place. Il est dans Bertaut : A ce commandement mon coeur tressauta d'aise (p. 524 de l'éd. 1620). Mais il manque à tous les dictionnaires '.
— en iser : bistouriser (Gherardi, Th. ital., I, 263, H. D. T.; cf. Hauter., Crisp. med., III, 1); — chimeriser (Oud., 1642; cf. Chapel., Let., I, 697); — druyser (parler en druide, d'Urfé, L'Astrée, 1614, II, 436) ; — galantiser, fait sur galantise, cité dans la Coméd. des Acad., I, 1 ; cf. : Pour me galantiser, il ne faut qu'un miroir (Corn., Gal. du Pal., II, 1, 1re éd.); il s'adore, il se galantise (Mayn., OEuv., 1646, 222) ; tu galantises mal et tu fais mal les plaintes (Rotrou, La Célim., I, 5, var.); — impersonnaliser : Il n'est question que de courir par toutes les tierces personnes singulières des verbes impersonnalisez (Maup., 1638, 246); — ironiser (Boisrob., Ep., 1647, 137); — romaniser : Il m'a découvert tous vos secrets, et m'a dit à l'oreille que vous estes l'homme du monde qui sçavez le mieux romaniser (Le Pays, Amit., 1665, 145) 2.
— en fier : missifier : plus de Prestres missifians (Gar., Rab. ref., 87 ; — substantifier (Vaug., II, 167) 3.
— en ir : tripolir (Dassoucy, Ov. en b. hum., 1650, 61).
ADVERBES. — L'abondance des adverbes est une caractéristique de la langue précieuse.
Vaugelas recommande précipitamment, (il est déjà dans Cotgrave, 1611, et d'après Vaganay, dans divers textes du XVIe siècle. On le trouve par exemple dans les Lettres de Peiresc à Dup., I, 376). Mais ce n'est à vrai dire qu'un changement de forme, on disait précipitément, que Vaugelas ne condamne pas. La discussion dura jusqu'à la fin du siècle. Chapel., Ménage (O., I, 252), Marg. Buffet (N. O., 78), Th. Corn. et l'Ac. furent de l'avis de Vaugelas. Bary (Rhet., 228) tenait pour précipitément.
Capricieusement (Oud., 1640, H. D. T.); — cavalièrement (Id., 1642, ib.); —
1. Burl. : alectonner (Scarr., Virg., II, 254); — eau-benister (Id., ib., 167); — jeanguillaumer (Dassouc, Ov. en h. hum, 1650, 131): — zinzoliner (Scarr., Virg., I, 243).
2. Burl. : dulotizer (St.-Am., I, 325);— mérautiser (Scarr., Dern. oeuv., I, 191); — qnichotiser (St.-Am., OEuv., I, 149) ; — scaronizer (Loret, 26 oct. 1658, 8).
3. Burl. : crotifier (Scarr., Virg. trav., II, 39); — diablifier (se) (Id., ib., II, 109); — foudrifier (Id., OEuv., I, 432); — héroïfier (Id., Dern. oeuv., I, 21); — meurtrifier (Scarr., Virg., II, 44) ;— obscurifier (Id.. ib., II, 187);— prélatifier (Id.. OEuv., I, 269);— tendrifier (Id., Virg.., I, 345).
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 215
docilement (Id., ib.) ; — explicitement (texte de 1628, H. D. T.) ; — flouemeni (avait existé dans le sens de pauvrement, misérablement) : il faut que la chose soit peinte floûement (R. Franc, Merv. de Nal., 317) ; —hermétiquement (texte de 1615 dans Delb., Rec, H. D. T.) ; — immanquablement (Chap., Let., II, 348, 1664, avec ces mots : « pour parler stilo novo ») ; — importamment (Scudéry, Almah., VII, 393). D'après Sorel il serait de Mlle de Scudéry (Roy, Sorel, 289); — lestement (Cotgr., 1611) ; Monsieur, lestement ajusté, Etoit prés de Sa Majesté (Loret, 16 fév. 1658, 59) ; — méprisamment (Scudér., Almah., VII, 508; cf. 647, 759) ; — mesquinement : des espluchures d'herbes que son valet alloit ramasser mesquinement par toutes les rues voisines (Sorel, Polyand., I, 333 ; cf. La Mesnard., Po., 1656, 374) ; — plagiairement (Chap., Let., I, 276) ;
— ponctuellement (Cotgr., 1611, Balz., 1. III, let. V, I, 76) 1.
III. COMPOSITION PAR PARTICULES. — Debarbariser 2 (Chapel., Let., I, 268); cf. :Et Dame Anne Olivier, dont l'espritdoux et rare Desbarbariseroit l'ame la plus barbare (Loret, Po. burl., 1647, 35); — debarrasser (Cotgr., H. D. T.) ; cf. : la Musique qui ne touche pour l'ordinaire qu'un esprit debarrassé (Sarasin, OEuv., I, 138) ; — debridement (Oud., 1642); — deduper : je vous remercie de m'avoir deduppé (Chapel., Let., II, 236 ; cf. Montreuil, OEuv., 1666, 502, 257) ;
— degrossir (Cotgr., H. D. T.); — desentraver (Oud., 1642, ib.) ; —desinfection, (texte du XVIIe dans H. D. T.) ; — desinteresser (Cotgr, 1611, ib.) ; — detromper (Dochez donne un ex. de Sully, mais Mlle de Gournay (Adv., 1634, 386) le considérait comme « inventé par les plus celebres courtisans » ; — detrosner (dans le même cas) ; L. et G. citent des ex. du XVIe s., mais Mlle de Gournay le donne comme nouveau (O., 597, Adv., 386); cf. : Mon rival occupe ma place Et rit de me voir détrôné (Mayn., OEuv., 1646, 320) 3.
Malherbe a barré empourprer dans son Desportes (f° 234 r°) i.
Encapuciné (Som., I, XLII) ; — engoncer (Cotgr., H. D.T. ; cf. St.-Am., II, 49 et 412); s'encanailler (serait de la marquise de Maulny, Roy, Sorel, 290; tous les ex. que j'en ai sont postérieurs) ; — en mitoufflé (Cotgr.) ; tu le verras enfourré, emmitoufflé (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 145 ; cf. Peir., Let. à Dup., I, 308)5.
Emarger (Cotgr., H. D. T.).
Epoudrer (Ib.) ; cf. : une brosse semblable à celles dont on époudre les Tableaux (Jard. fr., 75).
1. En burlesque : moustachiquement (Tabar., OEuv., II, 489) ; — Sarrazinesquemenl, (Loret, 19 déc. 1654, 214) ; — Salomoniquement (Chap., Let., I. 236).
2. Voir p. 197 l'opinion de Vaugelas sur debrutaliser et les mots de cette espèce.
3. En burlesque déberoïser (Scarr., Virg., II. 68): — debredoüiller (d'Assouc., Ov., 1650, 4°, 8); — decouroucer (Id., ib., 77); — demariner (Scarr., Virg.. I, 60); — se dèpacifiquer (Id., ib., II, 279): —dépatronner (Id., Ib., 91); — déquenouiller (Id., OEuv., I, 430); —se désausser (Id., Virg., Il, 82) ; — desembâtonné (Id., ib., I, 49);
— desembalconner (Scarr., La f. appar., II, ) 8; — dessuprimer (Id., OEuv., I, 334) ; — detapisser (Id., Dern. oeuv., I, 172).
4. Sur les composés avec contre (contre répondre), entre (entr'imiter) outre (outre passer) il est seulement fait des observations tendant à en réprimer l'abus (v. Doctr., 320).
5. En burlesque : enganimeder (Scarr.. OEuv., I, 70) ; — empotironner (Gar., Doclr.cur.. 707) ; — encitrouiller (ib.);— en nabucodonosorder (Dassoucy, Ov., 1650, 142): — enquadrupeder (Scarr., Virgr., 11,198): — enserpenter (Id., ib., 233).
------------------------------------------------------------------------
216 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Inconcevable (J. Oliv., 1617, dans Delb. Rec.) ; — incontestable (Cotgr., H. D. T.). Le mot fit très lentement son chemin; cf. Sorel, Conn. des b. liv., 1671, p. 400 et Mol., Préc. rid., IX; — indispensable (Sorel le cite dans son Disc, à l'A., 1654, 471) ; cf. Id., Conn. desb. liv., 385; —indispulable (quatre raisons indisputables, Balz., II, 226) ; — insepullure : errer cent ans, à cause de son insepullure (Tabar., II, 332); cf. Id., II, 327, les insepullurez 1.
Non valeur (Cotgr., H. D. T.) ; cf. : Si vous les consultez sur la bonté ou la non valeur d'un mot (Camus, Issue aux Cens., 612).
Roublier : je roubliela grâce (Sorel, Berg. extr., . VI, t. II, 387); — remourir: Et remourir ce traistre après sa sepulture (Rotrou, S. Gen., II, 6).
Suréminent : entre tous nos désirs il y en a un qui est suremineni (Fr. de Sales, VI, 106, 1682) ; — suradmirable : marques veritables de la grande charité, amour, pureté et saincteté sur-admirable de la tressaincte Vierge (Guerson, Anal. du Verbe, 1620, 70-1).
Avant-goût (texte de 1610, H. D. T.); — avant-train (traité d'artil. dans Delb., Rec).-— Contrebiais (Pasc, Imag., 5, L.) ; — contrepeur (R. Franc, Merv. de Nal., 180) ; — Entr'acte (Gar., 1623, H. D. T.); — entreconcilier (Chapel., Let., 11,209);— entre-ramener (ld.,ib., I, 645).
IV. COMPOSÉS PROPREMENT DITS. — COMPOSÉS RÉSULTANT DE LA COMBINAISON D'UN ADJECTIF ET D'UN SUBSTANTIF. — havolet (Cotgr., H. D. T. ; cf. V. H. L., II, 243 (une bavolette), Sarasin, OEuv., 1656, I, 287); — bel esprit: Gar., Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps; cf. Sorel, Berg. extr., 1. II, 1, 98: certaines gens qui se font apeller les beaux esprits du siècle. Est-ce parce que ce composé se forme avec le sens qu'il va avoir pendant cent ans que dans l'Oraison funèbre de Ronsard, du Perron change partout en 1611 bel esprit en pur, libre, genereux, on divin esprit? — billet-doux, mot récemment créé, dit Sorel (Bib. fr., 1664, p. 102) ; il est dans la Carte du Tendre;
— bout-rimé (mot attribué à Dulot en 1648, cf. Scudéry, Po. div., 4°, 1649,298, Sarasin, OEuv., 1656, t. II, 137); — petit-maître (créé à l'époque de a Fronde contre les princes révoltés).
COMPOSÉS RÉSULTANT DE LA COMBINAISON DE DEUX ADJECTIFS. — Type blond-doré. Malherbe trouve ce mot ridicule dans ce vers pittoresque: Moissonnant tout joyeux les espis blonds dorez (IV, 307 ; cf. Doctr., 290).
Malgré cet arrêt, on trouve un certain nombre d'analogues : Et la chesne d'un bleu mourant Qui tue le coeur de l'amant (Pasq. de la Court, V. H. L., III, 269);
— une humeur noir-bilieuse (cf. atrabile, Gar., Rab. ref., 92) ; — rouge-clair, jaune-doré (R. Franc, Merv. de Nat., 225); — une substance claire-nette, qui s'appelle le sel Alcali (Id., ib., 222); — Comment, traistre-faussaire, disoit-il (Le Cour, de Nuict, p. 143).
Maynard prend même la défense de ces composés, et écrit à de Flotte qu'il espère qu'on donnera leur passeport à ses vaillans héroïques, comme on souffre les amoureux passionnés et les sçavans mélancoliques (Let., CCXIV, 639).
1. Insoustenable, qui est dans Balzac (II, 583), et autour duquel on a disputé, est en réalité plus ancien ; — intolérance est dans le même cas, malgré les assertions de Bouhours (Ar. et Eug., 1671, 139).
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 217
COMPOSÉS ANTITHÉTIQUES. — humble-fier. Il en sera question dans le chapitre concernant les figures.
COMPOSÉS RÉSULTANT DE LA COMBINAISON D'UN PARTICIPE ET DE SON RÉGIME. —Type tout voyant. C'était le seul que Malherbe eût rencontré dans Desportes, il l'a barré (f° 248 r°) 1. Mlle de Gournay défendait ces composés, tels que tout pouvant (O., 967, Adv., 1634, 642). Sauf tout puissant, ils ont tous disparu 2.
ADJECTIFS FORMÉS D'UN VERBE ET DE SON RÉGIME. - Type chassenuit. Malherbe n'a plus rencontré chez Desportes que le mouton porte laine 3. Il l'a noté sans s'expliquer autrement (IV, 398) ; mais Deimier a parlé très sévèrement de cette mode grecque, introduite par Ronsard, qui n'a jamais été reçue du peuple ni pratiquée aux Sermons des excellents Prédicateurs, « ny moins aux plaidoyez et harangues des célèbres Advocats de la Cour » (432) et Mlle de Gournay a entendu l'écho des railleries qu'elle provoquait (O., 964, Adv., 641). C'est un des ridicules du Barbon de Balzac de croire que l'enthousiasme de la poésie française a cessé depuis qu'on ne dit plus la terre portemoissons, le ciel porte-flambeaux (II, 702). On remarquera que Hardy fait encore usage de cette sorte d'adjectifs.
Scarron en emploie et en invente pour amuser son lecteur : Ainsi, dit la Dame courtoise D'une bouche exhale-framboise (Scarr., Virg. trav., I, 71) ; — cette Dame port ambassade (Id., II, 63) ; — Déjà l'hyver porte-mitaine (Id. ,ib., I, 222) — chef du Soldat porte-braguette (OEuv., I, 288) ; — maint Avocat portehonnel (Id., Virg. trav., II, 146);— Lors, ô Phoebus porte-lumière (Id., ib., 108); — ce Soudrille souffle-petun (Id., ib., 229). On comparera le galimatias de Granger dans le Pédant joué: l'Aurore porte-safran ne se sera pas plutost jettée... qu'il te faudra fier à la discretion de Neptun Guide-nefs (I, sc v, 26).
Peut-être faut-il rapporter au XVIIe siècle quelques autres composés, tels que justaucorps (Oud., 1642, H. D. T. ; cf. Loret, Po. burl., 1647, 58 ; Scarr., Virg., I, 73); — chantourner (Cotgr., H. D. T. ; le mot n'est-il pas antérieur?) ; — saugrenu (Cotgr., 1611), cf. : des propos si saugrenus (Sorel, Polyand., I, 503) ; il se mit à en conter des plus saugrenues (Chapel., Guzm. d'Alf., II, 98). Mais le XVIe s. avait saugreneux, peut-être prononcé saugrenu.
En tout cas, ce ne sont pas là des produits de la langue littéraire. Les burlesques seuls se livrent, on sait pourquoi, à la formation systématique des composés : le chien triple gozier (Scarr., Virg. trav., II, 145); le Dieu doubleleste (Id., ib., 259).
V. MOTS D'EMPRUNT. — LATIN ET GREC. — Malherbe n'a guère eu l'occasion de sévir contre le latinisme. Desportes n'est pas un latiniseur, Deci delà son censeur a cependant glané dans son oeuvre. Il barre aime (f° 107 r°) ; cave (IV, 3S1 ; cf. f° 5 r°); fère (IV, 266) ; opportun (IV, 432) ; scintiller (f° 254 r°) ; vaciller (f° 136 v°) ; incité
1. Il est dans Du Vair, 372, 21, 387, 37.
2. Je ne trouve aucune condamnation de composés d'autres types, tels que les ïambes doux-coulans (René Franc, Merv. de Nat., 521), son oeil doux esclairant (Maynard, II, 64). Ils disparaissent spontanément.
3. Il va sans dire que les substantifs de ce genre sont très nombreux.
------------------------------------------------------------------------
218 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
(f° 90 v°), auxquels on peut ajouter quelques expressions comme larges pleurs (f° 323 v°).
Je ne vois point que Vaugelas traite spécialement du latinisme. Il se borne à blâmer quelques mots, comme fratricide. Ce qu'il pense et dit en général de la raison invincible, qui veut que chaque langue soit « maistresse chez soy » (I, 338), lui paraît suffire. C'était bon du temps de Deimier de protester encore contre les latiniseurs et les grécaniseurs, qui éprouvaient le besoin de dire le sol pour la terre (480-481). Vaugelas n'examine plus que des cas particuliers et en général sa décision est favorable. Voir à expédition, féliciter, incendie, insidieux, insulter, sécurité, transfuge, vénération.
LATIN. — Agenda : Faites-en, s'il vous plaist, un article de votre agenda (Chapel., Let., 1640, I, 623); — appetence (texte de 1603, H. D. T. ; cf. Cotgr.); — armateur (Cotgr., H.D. T.); — aversion (attesté auXVIe s.); Mlle de Gournay le dit inventé par les Courtisans (Adv., 386) ; cf. Corn., Cid, V, 1, Racan, I, 264; — balsamique (1636, H. D.T.);— haptistaire (Cotgr., ib. ; cf. papier baptistaire, Cost., Let., II, 41); — bilieux (Oud., 1642, H. D. T.; cf. Chapel., Guzm. d'Alf., III, 302) ; canonicat (Cotgr., H. D. T.); — circonvallation (Voit., ib.);— circonvaller (Chapel., Let., I, 552); — cismontin (Id., ib.. I, 621); — compotation (Chap., Let., II, 304) ; — concis (Cotgr., H. D. T.); — consternation (Id., ib.) ; — contact (Id., ib.) ; — conviction (Qud., 1642, H. D. T.) ; — cooptation (Chap., Let., I, 385); — credibilité (Balz., I, 905, H. D. T.) ; — culte (Cotgr., H. D. T., God. cite un ex. du XVIe s. ; cf. Vaug., Rem. posth., II, 469); — curritoire (Gar., Mém., 51) ; — detectant (une clause —) (Peir., Let. à Dup., I, 145); — delire (Oud., 1642, H. D. T.) ;— detergent (Cotgr., H. D. T.) ; — diffusion (texte de 1610, H. D. T.); — digladation (Chap., Let., II, 17) ; — dissertation : A vostre exemple je l'appelle icy ma Dissertation, parce que nous vivons en pays de liberté, et que les crimes de cette nature ne sont pas de la jurisdiction des Grands Jours. Mais je n'aurois garde d'estre si temeraire à la Cour, où il n'y a plus de grace pour les mauvais mots, ni de seureté pour les Innovateurs de la langue (Balz., Let., 1. VI, let. 45, 243 ; c'est un titre que portent beaucoup de ses opuscules) ; — duumviral (Oud., 1642, H. D. T); — elumbe (Chap., Let., I , 390) ; — eluder (Oud., 1642, cf. Leurs Arêts, en de bonnes formes, Eludans des profits énormes, Loret, 18 mars 1662, 32) ; enodation (Chapel., Let., II, 332) ; — exact que Vaugelas croyait nouveau, et dont H. D. T. ne cite pas d'exemple avant Cotgr. est dans Du Bellay (Deff. et ill. éd. Person, 121); — explanateur (Chap., Let., II, 100) ; — exsibiler (Id., I, 686) ; — extemporanéité (Balz., Let. inéd., LXXVI, p. 619-620); cf. : Je maudis de bon coeur ce que vous appeliez extemporanéité, et que je me contenterais de nommer un inpromptu (Costar, Let., 1,968); — fortitude (qq. ex. au M. A., L.) c'est aussi la fortitude ou courage, la tempérance et justice (Théoph., I, 32; cf. Loret, 9 fév. 1659, 14); — fratricide (voir plus haut) : fratricide execrable (Onophage, 1649, V. H. L., III, 75); cesse d'aspirer au nom de fratricide (Corn., Hor., II, 5); — generique (Desc, H. D. T.) ; — gladialrice : je voy avec horreur ces furieuses gladiatrices (Balz., Let., 1. VII, lett. 43, I, 311) ; — graveolence : je creus qu'il falloit que sa nasinerie et sa graveolence ne vous eussent pas esté trop fidel-
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 219
lement rapportées (Chap., Let., I, 264, 1638); — graveolent, commun dans les Let. inéd. de Balzac (Mel. hist., I, 592, 642, 658, 695); — halluciné (1611, H. D. T.); — helluon : ces helluons de livres (Chap., I, 338); — humiliation : Un prédicateur de la Cour osa se servir du mot humiliation, « mot fondé d'analogie expresse en la mesme langue, et tres-necessaire à elle et à luy prescheur... les dames s'en estomaquoient. » (Gourn., O., 594) ; oNic, Cotgr., Mon., Oud., Rech. et C. A. Oud. ; Richel. : terme de piété; H. D. T. cite des exemples du XIVe, L. du XVIe. Néanmoins le mot apparaissait comme un néologisme ; — incendie (Cotgr., H. D. T.; cf. Chap., I, 503, Vaugelas l'admet, I, 220) ;— infaligabilité (Scarr., Dern. oeuv., I, 150; cf. Chap., Let., II, 562, note et le Dict. de Richelet) ; — insidieux, mot attesté depuis le XIVe siècle, mais considéré par Vaugelas comme nouveau (I, 107 ; cf. ib., Chapel. et Bouh., D., 50). Ménage seul lui était vraiment favorable. Il passa, malgré l'A. Il est dans Richelet !
— insulter est dans le même cas ; fort ancien, il est approuvé comme une nouveauté par Vaugelas (II, 320 ; cf. Bary, Rhet. fr., 235); — judicatrice : « Si j'avois assez de crédit, j'introduirois en nostre langue le mot de judicatrice parce que celui de critique effarouche le peuple qui ne l'entend pas » (Balz., I, 1016) ;
— jugurthine (Balz., I, 765) ; — marrucinite (Balz., Lett. inéd., CXXVIII, 741);
— nausée (Cotgr., H. D. T.); — obérer (Ib.); cf. Je Paul Scarron, pauvre corps oberé (OEuv., I, 369); — nasinerie (cf. à graveolent) ; — officiosité (Malh., III, 132) : l'officiosité même, s'il m'est permis d'user de ce mot; — patavinité = les admirateurs de Tite Live (Chap., Let., I, 224; le sens latin est dans Balzac, Le Barbon, II, 704); — petulque : cet animal petulque et ennemy de ses présents (Menipée de Francion, 1627, V. H. L., X, 284); — perfunctoirement (Peir., Let. à Dup., I, 354); — phehus : il lui parloit tousjours phebus (Sorel, Franc., 218, H. D. T.);— plénipotentiaire (Balz., Disc, à la reg.,
II. D. T.; cf. plénipolentiairerie, Chapel., Let.,1, 622); — populo (= enfant, Cotgr., H. D.T.) ; cf. ils ont un petit Populo (Resp. des Serv., 1636, V. H. L.,
III, 106); Occire, en punissant la mere Un populo qui n'en peut mais (Richer, Ov. bouff., 217); — preliminaire (texte de 1648, H. D. T.); — proscrastiner (Chap., Let., I, 527) ; — propense : des choses où naturellement elles sont propenses (Tabar., II, 82) ; — puléane (Balz., I, 805) ; — putide (Chap., Let., 1,383);— sécurité, existait depuis le XVIe siècle. Il est dans Malherbe, Vaugelas l'y a lu (I, 112) et il l'a entendu dire à des femmes de la Cour, il prévoit son succès, sans osers'en servir ; — selectes: un volume de lettres selectes (Balzac, Lett. inéd., LVII, 564); — sévir (Cotgr., H. D. T.) ; — spirer (cf. v. fr., espirer) : ces deux ont spire un esprit sainct (Guerson, Anal, du Verbe, 33) ; — subordination (P. Gar., 1624, H. D. T.); Peiresc écrivait suhordinement (Let. à Dup., I, 734) ; — surreption : pour ne point tomber en oubli, inadvertance et surreption (Fr. de Sales, VI, 11);—temperie: la timidité des femmes... leur est ordinaire et comme donnée en partage de la nature, à cause de l'imbécillité deleur sexe et de la froideur de la temperie qui domine en elles (Tabar., II, 7677) ; — transfuge (avait paru au XIVe s.) ; Vaugelas l'approuve (II, 175) ; cf. Bary, Rhet. fr., 234) ; — ursine : il me seroit aisé de prouver que mesme en qualité d'asne, de figure ursine... il devoit estre moins massif (Balz., Let. inéd., CXXVIII, 741 ; cf. Cotgr.) ; — vecordie (Id., ib., let. X, 435) ; — vertige (Cotgr., H. D. T.); — vestibule: on prendroit aisement cette belle place pour une agréable anti-cour, ou pour un superbe vestibule (Segrais, Nouv. fr., 6e nouv., 120).
------------------------------------------------------------------------
220 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
GREC — anachronisme (Balz., II, 378);— analyse (d'Aubigné, H.D.T. ; cf. Let. dePhyll., II, 379) 1; — anecdote (adj.) : cette histoire anecdote fut depliée (Balz., Let. inéd., XXXVI, 509) ; — anonyme (d'Aubigné, H.D.T., cf. plus haut, p. 192); — apologiste (d'Aubigné, L., cf. Pasc, Prov., II, H.D.T.) ; — archaïsme (Chapel., Let., II, 74); — botanique (Cotgr., H. D. T.) ; — cetacé (Cotgr., H. D. T.); — chorarque, maistre de musique, est si propre, si significatif, qu'il mérite d'estre receu de l'usage, aussi bien que monarque, exarque, toparque (Dupl., Lum., 296); — didascalique (Balz., I, 1054) ; — entousiastique(Chapel., Let., I, 574) ; — époque (texte de 1636, H.D.T.) ; — eutrapelie : il constitue es jeux ceste vertu que nous appelions Eutrapelie, laquelle n'est autre chose qu'une certaine joyeuseté (Tabar., II, 275); — galactophages: la pluspart Pasleurs, Galactophages (Gombauld, Endim., 250) ;— glyconique (Balz., I, 844);
— gryphes (Id., II, 694); — helleniste (texte de 1651, H.D.T., cf. Balz., I, 541); — hemerocentons (Id., II, 328); — homonyme (Cotgr., H.D.T.) ; — mateologie : ce ne seroit plus une vraie théologie, mais une pure maleologie, (Gar., Menu, 267); panegyriser (Balz.,Let. inéd., CXXI, 723; cf. Loret, 26 janv. 1658. 103); —paraphrastique (Chapel., Let., 11,790); — polémique (attesté en 1578, G.), le genre polémique ou pour parler françois, dans le stile de combat (Balz., I, 1054); — polyglotte (Chapel., Lel.,l, 358); — prolégomènes (d'Aubign. H.D.T., cf. Peir., Let. à Dup., I, 683); —protreptique (Balz., Let. inéd., XII, 444) ; —pyrauste (Gar., Rab. ref., 29) : comme unepyrauste sortit de la fournaise ; (cf. Hardy, Arist., V, 3, IV, 213, R.);— pyrrhonisme (Balz., II, 213. cf. Pasc, Pens., VIII, 9); — rhapsodie (Cotgr., H.D.T.); — thymelique (Peir., Let. à Dup., I, 637) 2.
ITALIEN. — Deimier protestait encore contre l'emprunt inutile de mots tels que se chesmer (Acad., 480). Malherbe n'a guère blâmé qu'un mot, encore n'est-il pas sûr que ce mot soit italien : il pourrait être une dérivation française sur un primitif italien, c'est parangonner (v. Doctr., 298). Il est remarquable que Vaugelas n'a point publié les quelques remarques qu'il avait faites sur à poste = à dessein (II, 375); defalquer (II, 389), tandis qu'au contraire, dans la courte liste des mots qu'il accepte, se trouvent conjoncture, incognito, intrigue, jamais plus. Entrent alors dans l'usage :
accaparer (Peir., Let., 1628, H.D.T.); — alerte (Caq. de l'Acc, 8, ib., cf. : et tousjours se tenoit à l'erte, Saras., OEuv., 1656, II, 28) 3 ; altitude (Oud., 1653); —
— bagatelle (Cotgr., 1611; le XVIe siècle avait connu bagatellerie); — balustrade (Oud., 1653, H.D.T.), cf. : Adieu la chambre à balustrade (Loret, .26 sept. 1654, 98);— bandit(Oud., 1640, H.D.T.); — Inscottins : La cour.. .. nous aforgé depuis trois jours « biscoilins de biscuits «(Gourn., O., 502; H.D.T. cite Furet. 1701):
1. Gar. (Rab. réf., 48), dit Analisie.
2. En burlesque on a des francisations bizarres : catexoquin : El du sieur Mahomet parlant calexoquin (Espad. salir., 113). Il faudrait aussi ajouter d'aureux mois hybrides faits en partie d'éléments grecs : anticompliment, anticourtisan (Balz., I, 811); antiraison (Id., I, 469, II, 642).
3. Vaugelas, dans une remarque posthume, le déclarait usité, mais barbare (II, 455).
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 221
— bilan (texte de 1617, H.D.T.) ; — bombe (Oud., 1642); —bravoure (qu'on •disaitrapporté par Mazarin ou La Calprenède, Roy, Sorel, 279); — café (texte de 1633, H.D.T.); — carafe (Oud., 1642, ib.);—carton (Cotgr., ib.); —cascade: Là mille et mille Nayades... Laissenttomberen cascades Le mobile argent des eaux (Scudér., Po., 4° 1649, 117); — caver(— miser, Oud., 1642, H.D.T.); — coloris, (Ib.); — compliment : comme ils sont forcés d'advouer,quand ce ne seroit que par compliment (Gar., Doctr. cur., 1624, 877, cf. 109); — conjoncture (attesté au commencement du XVIe siècle, H. D. T., considéré comme nouveau par Mlle de Gournay, Adv., 386); Sorel (Disc. s. l'A.) sait qu'il est admis depuis longtemps {cf. Vaug., I. 345). Il est commun (Segr., Nouv. fr., 1er Nouv., 148, 213 ; Mlle de Scudéry, Mathilde, 264, 343, etc.); — cortège (Oud., 1642, H.D.T. ; cf. des ex. anciens dans C.); — corteger (Scarr., Virg., II, 87) ; — doge (Oud., .1642); cf. : l'on vous donnera des eloges, Plus que n'en recoivent les Doges : C'est un mot signifiant Duc (Le P. Carneau, Sfimmim., 1656, 37); — esquisse (Cotgr., H. D. T.); — esquiver (Id., ib.), cf. : au premier coup que je luy voulus donner, il esquiva (d'Urfé, Astrée, 1614, I, 389A); le Grand Dict. des rimes de 1624 le donne comme nouveau et tiré de l'italien; — faïence (on le trouve dans l'Estoile, cf. Oud., 1642, et Scarr., Virg.,Il, 297); — fourniment (Cotgr., H. D.-T.) ; fronton (Oud., 1653, ib.) ;— gabatine : donner de la gabatine = faire un bon tour (de Monluc, Com. d. Prov., H.D.T. Cf. d'Ouville, Contes, II, 176; Sarasin, OEuv., II, 35,119: Loret, Po. burl., 1647, 85,etc.); — gamelle (Cotgr , H.D.T.);
— ganache: mâchoire de cheval, ci.gamache : Le capitaine, en les voyant,... Il dit : Bon, pour ma ganache (St-Am., 1,455) ; — girandole (Oud., 1642, H.D.T.) ;
— gobin (Brantôme. H.D.T.) ; cf. : Puis ta Rome moins ingrate Au boiteux, au cude-jate, Au gobin, à l'éhanché (Bréb., Luc. trav., 1656,134); — gourdin (Oud., 1642, H.D.T.); — gourgandine (Id., ib.); — à l'improviste (H.D.T. le cite dans Rabelais, mais il ne remplace vraiment à l' impourveue qu'au XVIIe siècle) ; Vaugelas (I, 323) le trouve très bon; — incognito Vaugelas (II, 194) l'accepte; cf. : ledit Personnage... N'est à la Cour qu'incognito (Loret, 28 av. 1663, 128); — intermesse (Littré cite d'Aub.; cf. Peiresc, Let. à Dup., I, 80); — intrépide, qu'on trouve en réalité plus anciennement, est noté par Balzac, qui l'aime fort, mais n'est point sûr que M. de*** (Vaugelas) le laisse passer (Let. chois, 1647, 371, 15 nov. 1640). Vaugelas le condamnait, mais il ne publia pas sa remarque (II, 443). Cf. : Ton neveu, Cléomede, est un brave intrepide (Mayn., OEuv., 1646, 361, et Segr., Nouv. fr., 5e nouv., 146); — intrigue ou intrigue (Cotgr., H.D.T.). Sorel, dans le Disc, sur l'A., le donne comme nouveau. Cf. Polyand., I, 241, Le Cour, de Nuict., 196, etc. ; il signifie souvent tracas : il quitte pour un temps l'intrigue des affaires (Ant. Corn., LePresh. d'Henouville, 104); — joindre (= arriver à) : C'est un cas estrange... que je ne puisse vous faire joindre à parler de ce que vous me devez (Gar., Doctr. cur., 901); — lazaret (Cotgr., 1611 ; cf. les Conf. de J. J. Bouchard, 218 et ailleurs); — loterie : un Commerce assez hazardeux, Intitulé la Loterie (Loret, 10 nov. 1657, 199); — loterizer (Id., 18 mai 1658, 219; cf. 25 mai, 256) ; — macaroni (texte de 1650, H.D.T.); — majordome (Regn., Sal. X); — malandrin (Cotgr.,H.D.T.); — manege(ld., ib.); — mercantile (Id., ib.); — mesquin (Id., ib. ; cf. ce qui eust esté mesquin et indigne de luy (Sorel, Polyand., I, 365); — mesquinement (Sorel, Francion , H.D.T.); — miniature (Oud., 1653, ib., cf. la peinture En excélente mignature... De la Reine des Polonois. Loret, 18 déc. 1655, 64, et : Il est fait à ravir... Certes, sa mignature est parfaite-
------------------------------------------------------------------------
222 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ment belle. Mignature! Mon Dieu! que ce mot est bien dit, Et qu'il faut, pour le dire, avoir bien de l'esprit ! Je suis au desespoir de ne pas le comprendre, Boursault, Portr. du peint., 1663, sc. 4); — mousseline: J'ay le Voile de Mousseline, Qu'avoit la Reyne Catherine (La Mesnard., Po., 1656, 80-81); — négociant (Oud., 1653, H.D.T.) ; — opera (= oeuvre capitale) : Vos deux lettres sont des choses admirables, dignes d'estre apprises par coeur, et en un mot ce qu'on appelle des opera (Scarr., Dern. oeuv., I, 150); — orvietan (Oud., 1642, H.D.T.); — papeger (être candidat à la papauté, Chapel., Let., I, 517); — paravent (Oud.. 1642, H.D.T.); — piane (marcher pian, Cotgr., 1611); cf. Puis la Nation castillane Va toûjours piane, piane, C'est-à-dire, en François, toutdoux (Loret, 10 janv. 1660, 138; et Scarr., Virg., I, 121, 243); — polichinelle : c'est un mot que la Fronde a répandu. Il entre dans le titre de plusieurs mazarinades : Le songe burlesque de Polichinet, 1649 ; cf. : Tous ces Romains, jadis si solemnels, Ne sont plus rien que des Polichinels (Scarr., OEuv., I, 145); — rebuffade (Oud., 1642, H.D.T.) ; — redoute (d'Aub., Let., I, 287, H.D.T., 1616); — remoulade (Oud., 1640, H.D.T.); — réussite (Chap., Let., I, 465, avec ce correctif: « voyés qu'il m'a eschappé une fraze italienne », et en effet Balzac, en 1622, l'emploie pour railler les Français qui affectent l'italianisme (Let., I, p. 13); le mot sera encore discuté par Bouhours, Suite des Rem., p. 153, et par Caillières, Bon et mauv. us., 1693, p. 132; — reussible : le biais le plus réussible (Chapel., Let., II, 709); — riposte (Chapel., Let. de 1636, H.D.T;; cf. St-Am., II, 415) ; — riposter (Scarr., OEuv., I, 246); — saltimbanque (Oud., 1642, H.D.T.); cf. Il n'est Saltinbanque en la Place, Qui mieux ses affaires ne fasse (Scarr., OEuv., I, 27, cf. Tabar., Il, 249); — saltinbanquer (Chapel., Let., I, 482); — solde (Cotgr., H.D.T.); — simarre (la forme samarre est ancienne) : comme la chimarre de Paris à longues manches (Guers., Anal, du Verbe, 61); l'on me feroit servir de simarre aux anchois, ou d'envelope au pain d'espice (Sorel, Polyand., II, 580; cf. St-Am., OEuv., I, 397, 448, Scarr., Dern. oeuv., I, 239, etc.); — savantas : Si quelque scavantasse s'élève contre luy, vous le battrez en ruine par vos bons mots (Costar, Let., I, 852, cf. 968); on trouve plus souvent scavantas (Scarr., OEuv., I, 25) ; — tartane (Peir., Let. à D., H.D.T.); cf. : Les grandes Forces Otomanes Consistoient en trente Tartanes (Loret, 19 août 1656, 102); — lavaiolle (Cotgr., H. D.T.); cf. : Le Bedeau de l'oeuvre luy avoit rapporté sa lavaiolle (Berg. extr., I, t. I, p. 17); — veste (Oud., 1640, H. D. T.); cf. Iris, prenant sa riche veste (Dassoucy, Ov., 1650, 65); se couvrans de superbes vestes (Loret, 9 mars 1658,15); — voiturin (Chapel., Let., I, 722); —volteface : Monseigneur le comte d'Harcour A fait depuis peu volte-face Vers le noble pays d'Alsace (Loret, 1er av. 1656, 199; cf. 18 sept. 1660, 88);— vortice : a cause des grandes ondes et vortices qui font faire des sauts perilleux au basteau (J. J. Bouch., Conf., 101).
ESPAGNOL.— Deimier est seul à donner une théorie, et fort courte, à propos d'un sot jeu de mots bilingue sur mas (Acad., 367). Vaugelas n'a pas publié ce qu'il avait écrit sur quelques tours tels que matar a un hombre. Cela ne signifie point assurément qu'on s'est accommodé des hispaniseurs mieux que des italianiseurs, mais on peut conclure tout au contraire que rien n'était plus à craindre
------------------------------------------------------------------------
LE NEOLOGISME 223
de leur part. Ils ne pouvaient plus gâter la langue. Comme dit Chevreau, « nostre Langue n'a rien a démesler avec les Langues étrangères » (Rem. s. Malh., 60).
alcôve (Trist. l'Herm., 1648, H. D. T.); — alfange (Corn., Cid, IV, 3); — arrobe (Cotgr., H. D. T.) ; — navire d'avis (= aviso) (d'Audig., Six nouv., 1618, p. 19); —baroque (Monet, Abr. du parall., 1631, H.D.T.); bigotere; l'autre se bridoil de la bigolere (Saras., OEuv., 1656, I, 28? ; cf. Scarr., OEuv., I, 50, 338) ; — chaloupe (Cotgr., H. D. T.); — disparate Chapel., Let., I, 468, 532); — duègne : Quelques doë- gnas, branlans la teste Disent que le coup est honneste (Richer, Ov. bouf., 1662, 296); — encastillé de pointes de cristal (R. Franc, Merv. de Nal., 352); — engolfer (d'Audig., Six nouv., 1618, p. 50); — mandille (Cotgr., H. D. T.); cf. Infâme porteur de mandille (Loret, 27 août 1651, 171); tel qui porta mainte année La mandille galonnée (Brébeuf, Luc. trav., 1656, 91); — matamore : le Rodomont piettine encore Comme un capitan matamore (Rich., Ov. bouf., 1662, 520; cf. Scarr. OEuv., I, 241); —sarabande (texte de 1605, H. D. T.); cf. le blond Phoebus porte-carquois, Inventeur de la sarabande (Scarr., Virg.,l, 280, et Chapel. Guzm., d'Alf.,II, 59); — seguedille: L'on void de ce temps que les esguidilles ont osté le cours à la sarabande, et d'autres viendront apres qui les chasseront encore (Chap., Guzm. d'Alf., II, 59 ; cf. : Seguidille. C'estoit des airs nouveaux du temps qu'il escrivoit cecy (son roman), ainsi nommez pour la façon des paroles qui estoient en coupletes, comme sixains ou quintins, qui se disent seguidilles (Id.. ib., notes sur le IIIe Livre); sergent, major : grand prevost et sergent mayeur, concierge de la prison royale (Hist. adm. d'un favory, 1622, V. H. L., I, 112) ; il est commun dans les Documents miliaires du Sr de la Vallée, 34 r°, 68 r° et v°,etc) ; — tabac qui remplace peu à peu petun. Voyez Sorel, Berg. extr., 1627,188-189; Martin, Ec. de Salerne, 1650, 29; La Mesnard., Po., 1656,189 ; Scarr., Virg., I, 82; — tabagie est attesté dans H. D. T. en 1612, cf. Gar., Doctr. cur., 1624, 282; — toper (Oud., 1642); Les fameux biberons, a tauper invaincus (St-Am., I, 281, cf. 240)1.
EMPRUNTS AUX A UTRES LANGUES2. — L'anglais donne quelques mots : balast (= lest, Oud., 1642); contredanse (Bassomp., Mém., 111,274, 1626, H. D. T.); paquebot (1634, ib.), rhum (Léger, Nouv. mais. rust.,ib.).
L'allemand donne calèche (Saras., OEuv., I, 233, 1656 ; cf. Lor., 14 août 1660, 223) ; dasticotter (= parler allemand Oud., 1642); halte, approuvé par Vaugelas, II, 334 ; il est attesté au XVIe s., H. D. T. cf. Montluc, V, 54: la troupe des ennemis fist hallon. On trouve halle chez Chapel., 1,698; Loret, 29 sept. 1657, 134, 18 sept. 1660, 89, etc.; — nouille (all. nudel ??) : on lit dans les Delices de la Campagne, 1655, p. 182: Nullio a esté l'inventeur de ce mets, dont il porte le nom de Nulle; — sabre, vint le sable à la main comme pour fendre en deux Iphigene (Camus, Iphig., I, 133).
MOTS D'ORIGINE INCONNUE OU INCERTAINE. — bagarre: ce fut un nouveau bagarre (Sorel, Polyand., I, 478); Des le point du jour, j'estois à
1. Le portugais donne mandarin, mousson.
2. De ces autres langues on ne parle qu'avec mépris : un discours de renegal..., qui faitleçon publique en anglois, afin, par le barbarisme d'une langue baltique, de profaner la pureté de la nostre (Ménip. de Franc, 1627, V. H. L., X, 271).
------------------------------------------------------------------------
224 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
un coing de rue... pour assister à la bagarre (Chap., Guzm. d'Alfar., III, 463); — bariolé (texte de 1617 dans Delb., .Rec, H. D. T.); cf. La belle Iris bariolée. Et riolée et piolée comme la Chandelle des Rois (Richer, Ov. bouf., 1662, 32); — blesche (argot? Cf. Sainéan, A. anc, 5, 53, 35, 185, 189. Cotgr. 1611, hypocrite: ainsi, si nous croyons à ces blesches, V. H. L., I, 1.19,1624) ; — bourriche (Voit., Let., H. D. T.) ; — cuistre (Sorel, Francion, H. D. T.); cf. Voulez-vous sçauoir pourquoy et à quoy tous ces larcins s'employent ? Mon amy, à l'entretien de monsieur leur Quistre bien aymé (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 398) ; — dadais (Oud., 1642, H. D. T.);— degringoler : on pourrait bien dégringoler (Rich., Ov. bouf., 1662, 115); — dodu (Cotgr., H. D. T.); — frisquette : outre la Frisquette qu'on rabat dessus (R. Franc, Merv. de Nat., 306, H. D. T. cite Richelet); — gredin (Oud., 1642; cf. Scarr., Virg., II, 7, 228); — guymbarbe : accoururent après lui en chantant la guymbarbe (Sorel, Berg. extr., 1. IV, t. I, 240); la mode en 1624 exigeait un colet à la guimbarde comme nous l'apprend le Pasquil de la Court (1624, 29, V. H. L., I, 217); — hardos : Les Suisses, ces vaillants hardos (Loret, 20 mai 1650, 35, cf. 19 mai 1652, 23, 28 déc. 1658, 157); — lubie (Rich., Ov. bouf., 1662, 147); — matou (Cotgr., 1611, cf. : Vous devez bien mourir de honte De faire si long-temps le fou, Et de passer pour le matou D'une chatte de Barbarie (Scarr., Virg., I, 307-8); cf. Saras., OEuv., 1656, II, 28) ;— mazette (texte de Courval 1626, dans Delb., Rec.) ; cf. : Mainte mazette en hannissant Repond au bouveau mugissant (SaintAm.,
(SaintAm., 403, cf. 1,324, 355, 365); — micmac : Grands sont les dons de la cerise
Premièrement, de l'estomac, Elle chasse le micquemac (Martin. Ecol. de Sal., 1650, 39, 1660, 66-67; cf. Brébeuf, Luc. trav., 1656, 25); — mijaurée (Oud., 1642, H. D. T.) ; — mitonner (Ib., cf. : Bref, Amour dans ce Logement Peut se milonner joliment (La Mesnard., Po., 210); niche (d'Aub., H. D. T.) ; cf. : Tout le monde m'en monstroit au doigt et m'en faisoit des niches (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 459); les forçats vous font mille niches (J. J. Bouch., Conf., 152); Si mes vers t'ont fait quelque niche, Fortune, tu me l'as rendu (Gomb., Epigr., 1657, 142) ;— nippe (Cotgr., H. D. T.); cf. je pers tout en Angleterre, Poil, nippes et liberté (Saint-Am., I, 469 et 306, II, 402, cf. Scarr., OEuv., I, 324, Virg.,1,74, etc.); —pecque: il vid bien que je disois vray, comme celuy qui sçavoit assez pour l'avoir desjà veu, ce que la pecque pouvoit faire (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 321; cf. Scarr., Virg., II, 244); — pretantaine (Saint-Am., I, 365 ; cf. Collet., Juven. burl., 1657, 7, Scarr., OEuv., I, 283, Dassoucy, Ov. en b. hum., 1650, 24. Innombrables exemples dans Loret, toujours avec le verbe coyrir. Le sens n'est pas grivois, courir la — est à peu près courir les aventures et cela se dit des vers, des vents, etc.) ; — ratatiner (Cotgr., H. D. T.) ; cf . Leur corps se change et ratatine (Richer, Ov. bouf., 445) ; — ratine (Oud., 1642); cf. La mort estant à l'affust, Luy coule sous sa ratine Le fer de sa javeline (Brébeuf, Luc. trav., 1656, 63) ; Un gros serpent, qui se cacha sous une juppé de ratine (Scarr., Virg., II, 233); — roquentin : Tu cognois bien cette rieuse? Son roquentin n'est pas mal faict (Promen. du Cours, 1630, V. H. L., IX,129); Pour te louer, ma petite Câlin, Je voudrois bien te faire un Roquentin, Une Elégie, un Sonnet ou une Ode (Rec. de Rond. 1639, 51);cf. Scan-., Virg., I, 313 et Loret, 24 décembre 1651,47);— sabrenaud (savetier. Cf. Sainéan, A. anc, 222): Le savetier dit au gentilhomme : « quand ce seroit Monsieur, le frère du Roy, qui voudroit être de mon métier, il faudroit qu'il fût obligé cinq ans. » Ce qui fit rire le gentilhomme, et conclud le marché avec le sabrenaut (d'Ouv., Contes,
------------------------------------------------------------------------
LE NÉOLOGISME 225
II, 71); on en tirera plus tard sabernauderie; — salope (Cotgr., 11. D. T.); cf. Nostre Mégère d'autre part, Vilaine, Salope et Teigneuse (Richer, Ov. bouf., 1662, 456);— soudrille (1615, H.D.T.) ; cf. Scarr., OEuv., I, 256,196, 173, 88, Virg., II, 229, 227, 234, etc. Innombr. ex. dans Loret, 28 mai 1651, 137, 13 août, 113, 12 mai 1652,142, 28 juin 1653, 182. Partout le sens est soudard ; — sournois (Oud., 1642, H. D. T.); — tarare pompon (Montluc, Com. des prov., 1616, H. D. T.) ; cf. Champmeslé, Parisien, V, 3 : Oüy, malgré vos « bons, bons, » vos « zestes » vos « tarares » ; — timbale (Cotgr. : attabale cf. un texte de 1646, dans Delb., Rec, H. D. T.).
Il faudrait ajouter qu'on trouve attestés alors quelques mots issus d'onomatopées, ou de déformations. Sont-ils nouveaux ?
dada (Cotgr., H. D. T.) ; patati et patata : Bref tous palatin patatac, Font un si furieux vacarme, Qu'enfin... Jupin leur dit (Dassoucy, Ov., 1650, 61) ; — patatras : on a mis le grand corps par terre, Qui, trêbuchant par gros plâtrais, Fit horriblement patatras (Loret, 22 octobre 1651, 22); — toutou : vous m'avez promis un Toutou (Scarr., OEuv., 1,207);—trelantantan : ayant faict trelanlantan avec une certaine brunette (Pont Breton des procur., 1624, V. H. L., VI, 274); — turlututu : Le choc faizoit un bruyant son, Les tambours, pata, pata-pon, Les clairons, fanfare, fanfare, Les trompettes, taran-tarare, Et les flûtes, tur-lu-tu-ltu (Loret, 18 av. 1654, 183), de ce dernier est né turlutaine.
fanfan : Son noble Pere Luy dit par-fois : Fille tres-chere, Daphné, ma petite fanfan (Dassoucy, Ov., 1650, 99); cf. Scarr., Virg., II, 212, 85, etc.; nanan (Richer, Ov. bouf., 447); — pignocher(de epinocher) :je n'ayme pas tant pour aymer, que pour frigoler, comme on fait en nostre pays, je pignoche par
tout, et suis une pierre mouvante qui n'accueille point de mousse je ne me
tourmente de rien et ne m'acoquine à rien (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 72).
En somme c'est, comme on en a pu juger, par les procédés appelés procédés de dérivation impropre que la génération dont nous étudions la création verbale s'est permis d'introduire quelques nouvelles façons de parler. Il est difficile d'en mesurer la richesse, on s'aperçoit du moins que la répugnance est moins grande à innover de cette façon. Là du moins, on risque de timides audaces. La raison en est que, malgré tout, détourner un mot de sa fonction usuelle, ce n'est pas à proprement parler faire un mot nouveau, la surprise n'existe pas, au moins pour l'oreille.
Mais qu'on fasse, en tenant compte des observations que j'ai mises en tête de ce chapitre, la somme des néologismes proprement dits introduits dans la langue littéraire, ou pour être plus exact encore, de ceux que les écrivains ont créés avec l'intention de les répandre, on arrivera à un nombre singulièrement restreint.
Il faut ajouter toutefois qu'un très grand nombre de nouveautés moins apparentes s'introduisent dans le vocabulaire. Beaucoup des mots qui restent changent plus ou moins complètement de sens. Histoire de la Langue française. III. 15
------------------------------------------------------------------------
226 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Se captiver (= se renfermer). Je vouldrois bien que Mr de Saulmaise se voulust captiver dans les termes de modestie que l'on a stipulez de M. Godefroy (Peir., Let. à Dup., I, 350) ; — colle (= mensonge, tromperie) : Belle Iris, qu'il seroit doux De ficher une colle (Airs et Vaudev. de Cour, II, 102); vous les aurez, ce n'est point colle, je vous en donne ma parole (Richer, Ov. bouf., 234) ; — coqueluche (le mot avait désigné au XVIe siècle, la grippe épidémique que nous nommons influenza). Il prend le sens de passion, béguin : Il y eut durant l'hiver... une maladie qui donna des atteintes presque à un chascun, elle s'appelloit la coqueluche, et parce qu'il se voyoit peu de Dames à la Cour qui n'eussent rauissemens pour Iphigene, et qui n'en parlassent en termes d'admiration, un bel Esprit le nomma la coqueluche de la Cour (Camus, Iphigène, I, 68) ; cf. Mais quand Belide s'apperceut que son frere avoit pris la coqueluche pour Almerie (Ib., I, 275; —feliciter avait le sens de rendre heureux, il commence à signifier faire des compliments : je vous felicite la jouyssance de ce bel ouvrage (Peir., Let. à Dup., I, 31). Balzac est favorable à cette nouveauté (Let. chois., 1647, 146), et Vaugelas, qui le lui avait promis, l'approuva (I, 346)1 ; — gringalet (Cotgr., H.D. T.) ; — meurtrir (= gâter par un coup, une tache) : Au lieu que la couleur m'en semble un peu meurtrie (Rotrou, St. Gen., II, I, Théât. chois., I, 181); — mortifier, mortification : de longtemps il ne m'arriva une plus grande mortification (Peir., Let. à Dup., I, 428; cf. Bouh. Ar., et Eug., 98, Suite,des Rem., 233) ; opinion (= volonté) : « on trouve j'eus opinion de faire pour j'eus volonté, chez les bourreaux à gages qu'ils sont de leur langue maternelle » (de Gourn., O., 604); cf. il eut opinion de les sauver (Malh., I, 409); Tullius Marcellinus prit opinion de se faire mourir (Id., II, 596) ; — peigner (= laver la tête) : il avoit merité d'estre bien plus rudement peigné (Peir., Let. à Dup., I, 704) ; — parens (= aïeux) Chapelain ne croit pas qu'il puisse se dire (Let. du 12 sept. 1638 ; cf. 26 sept.) ; — proches (= parents) Coeffeteau ne pouvait le souffrir, Vaugelas est indécis (I, 176). Des exemples nombreux sont donnés par L. et H.D. T.; —rabinage (lambinerie, perte de temps) : mais ce rabinage ne lui empescha pas de dire ses heures (Chapel., Let., I, 717) ; — religion. : La religion de n'employer que le pur texte (Peir., Let. à Dup., I, 447).
D'autres exemples pourraient facilement être fournis. Mais nous allons avoir à reparler du sens des mots.
1. Cf. ensuite Mén.. O., 1675, 438, Bouhours, D., 59, Ar. et Eug., 1671, 84 ; Sorel, Conn. des bons liv., 1672, 421, etc.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE VII TRAVAIL SÉMANTIQUE
Une génération qui eut un sens si fin de la psychologie, pour qui se concentrer sur soi-même et faire ou son propre portrait ou celui des autres fut un agrément et une distraction, devait aller jusqu'au fin du fin dans la détermination exacte des sens des mots. On prit d'abord le soin d'éviter quelques erreurs grossières :
A. LES SIMPLES ET LES DÉRIVÉS OU COMPOSÉS. — C'était une confusion assez fréquente que celle des simples avec les dérivés correspondants en age1. Malherbe condamne fruitage pour fruit (IV, 436), herbage pour herbe (IV, 450 et 457). Il n'y avait en effet aucune raison d'écrire : J'ai cultivé la plante, un autre a le fruitage, ni: étendue sur l'herbage. On trouve encore quelques exemples de confusions analogues au XVIe siècle : Mon frère doit passer dedans ce jardinage (Mair., Sylv., v. 258, p. 29) ; si je passe en un jardinage (Théoph., I, 40) ; Et demeure tout resolu Sans aucun ombrage de doute (Id., I, 45) ; il nous faut retirer et nous mettre à l'ombrage De ce bocage espais (Racan, I, 61). Un pédant me dira, écrit Malherbe, qu'on emploie le composé pour le simple, je lui accorderai, mais il m'accordera que c'est une sottise (IV, 400). Contre cette sottise, il a fortement réagi.
Nous avons vu complainte condamné au profit de plainte. Malherbe ne veut pas non plus qu'on abuse de complaindre au lieu de plaindre (IV, 268 ; 352). C'était un mot cher à la Pléiade (Lexique de Marty-Lav., II, 268). Il distingue aussi complaire de plaire. On ne doit pas dire : un bois fait pour complaire, le mot s'emploie seulement en parlant des personnes (IV, 417). C'est le commencement de distinctions qui vont aller se multipliant.
Délaisserun propos est mal pour laisser (Malh., IV, 400) ; l'exemple
1. On peut voir dans le Lexique de la Pléiade de Marty-Laveaux (II, 59) que Marcassus faisait déjà des réserves sur l'emploi que se permettait Ronsard de banquetage pour banquet. C'est chez lui que Desportes avait pris fruitage pour fruit ; de même ombrage dans le sens d'ombre était très usuel : il tient l'estre veritablement bon et heureux n'appartenir qu'à Dieu, et l'homme sage n'en avoir qu'un ombrage et similitude (Mont., II, 12, t. IV, 33, note de 1595, cf. IV, p. 47, note 2). Rigal a donné des exemples analogues chez Hardy.
------------------------------------------------------------------------
228 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
venait de la Pléiade : Si ne veulx-je pourtant delaisser de chanter (Du Bel., II, 172). Departir est autre chose que partir (Malh., IV, 395). Ronsard disait : Des l'heure que mon coeur du sien s'est departi (IV, 16). Il ne faut même pas mêler trancher et détrancher, détrancher le pied ne vaut rien : il signifie couper en morceaux (Malh., IV, 440). Les deux verbes n'en faisaient qu'un pour les gens de la Pléiade : le chef luy détrancha (Rons., V, 284, cf. Du Bel., I,
369) .
Entre était très employé au XVIe siècle à la formation de verbes à idée réciproque. Les amants de ce temps-là ne se baièent pas, ils s'entrehaisent, en attendant qu'ils s entredisent adieu, ou s'entr engagent pour toujours 2. Malherbe ne critique pas cette formation, mais il juge qu'on abuse de entre au sens de à peu près, à moitié, quand on emploie le composé comme équivalent du simple, entrouïr n'est pas ouïr. A quoi bon écrire qu'on prend la caille entr'imitant son chant (IV, 361, et 452)?
On abuse aussi des composés avec outre: m'outre perçant le coeur. Malherbe proteste (IV, 444). Percer suffit.
Il était plus difficile d'empêcher les composés avec re d'éliminer les simples. Ceci durait depuis les temps les plus lointains. Desportes allait jusqu'à se servir à contresens de raffoler, il parle du mal qui raffolle les amoureux jaloux. Le mot est barré par Malherbe (IV, 412). Ailleurs Malherbe corrige retombent employé abusivement pour tombent (IV, 407), replisse le front pour plisse (IV, 351) et referme pour ferme (IV, 328). Il pose la différence entre reluire et luire : « Les astres ne reluisent point, le feu, ni la chandelle. Il faut dire luire en ces lieux-là. L'or, l'argent et autres telles choses luisent et reluisent, l'un et l'autre se disent là indifféremment (IV, 373) » 3.
La distinction faite par Malherbe servit de base à des règles ultérieures. Elle ne tranchait pas la question en ce qui concernait les sujets abstraits : nous verrions en sa vie reluire une equalité de meurs (Mont., liv. II, ch. I, t. III, p. 5) ; J'aurois par mon tres pas fait reluire mon zele (Mallev., Po., 1649, p. 253). Vaugelas y revient. Il n'aime pas qu'on dise jaillir pour rejaillir
1. Malgré la propension à user des mots commençant par de, le XVIIe siècle suit en général les indications de Malherbe. Cf. cependant : Comment m'avez-vous fait cela, de vous départir d'ici sans m'en dire un petit mot (sr. Chant., Let., CXXIII, p. 176) : Vieux corps tout épuisé de sang et de moüelle D'où l'ame se départ (Racan, I, 185).
2. Voyez encore du Vair, 380, 43 : Les habitans s'entrevoient, s'entrepillent s'entremangent les uns les autres.
3. Le XVIe siècle n'y regardait point de si près: raffoler est dans Ronsard (I, 7); Jodelle écrit sans scrupule : quand le Ciel à ton corps remes la Ton ame (II, 322) ; Ils renflent les tetins (II, 128) ; et reluire se dit fréquemment du jour (du Bell., II, 193).
------------------------------------------------------------------------
TRAVAIL SÉMANTIQUE 229
(II, 328), pas plus que tasser pour entasser et siéger pour assiéger (I, 156). Et il ajoute cette observation générale : « Il y a des verbes simples, qui ne sont gueres en usage, et l'on se sert des composez en leur place, qui ne laissent pas de retenir la signification du simple et non pas du composé, comme, par exemple refroidir est beaucoup mieux dit que froidir, dont je doute mesme s'il est bon, quoy que plusieurs le dient, et ce re, bien qu'il denote une répétition, ou reïteration, ne luy donne point une autre signification que celle du simple. Il en est de mesme de rejaillir, il y en a quelques autres de cette nature, qui ne se présentent pas maintenant à ma mémoire» (Rem., II, 328) 1.
J'ai dit ailleurs combien cet effort de Malherbe était utile et de nature à conserver la richesse de la langue 2.
B. FIXATION DU SENS DE DIVERS MOTS. — Malherbe relève toutes les imprécisions de Desportes : continu au travail pour assidu, contraire pour différent, enflammer pour éclairer, portail pour porte, simple pour unique. Et tout le monde va continuer ce travail.
Dans le fatras des observations, il yen a qui paraissent vraiment superflues, ainsi quand Vaugelas enseigne que propriété n'est pas le soin qu'on a de la netteté de son corps, qu'en ce sens-là il faut dire propreté (I, 56) 3, qu'il ne faut pas dire survenir à la nécessité de quelqu'un, mais subvenir (I, 104). Mais les meilleurs écrivains du XVIe siècle s'étaient parfois montrés si négligents, que nulle correction n'était déplacée, nul avertissement n'était inutile. Voici quelques-unes des observations qui m'ont paru les plus intéressantes :
accroistre ne peut se dire dans ce vers : Ils ont beau vers le Ciel leurs murailles accroistre. Il faut hausser (Chevr., Rem., s. M., 18).
adjurer quelqu'un de faire quelque chose est mal parlé, il faut dire conjurer
1. Vaugelas établit ailleurs une distinction entre le simple emplir, et le composé remplir (I, 255).
2. La portée générale de ce travail d'analyse n'est pas moins facile à apercevoir. Ici, chose rare, l'effort de Malherbe a un résultat positif. En ayant l'air de retrancher, il ajoute ; je veux dire qu'en interdisant à certains mots d'empiéter sur d'autres, il les empêche de devenir des doubles de ces autres mots, il leur garde une valeur spéciale, plus considérable que celle qu'ils auraient eue à l'état de substituts, il conserve des ressources à la langue.
En défendant qu'on abuse des dérivés, Malherbe sauve de l'usure les préfixes ou suffixes qui servent à les former. Avec le système qui consistait à se servir des particules comme de simples chevilles de remplissage, on n'allait a rien moins qu'à user ces particules par l'abus, â effacer, tout au moins à rendre confuse, leur valeur dérivative. Chose étrange ! c'est l'homme qui est le plus opposé aux créations de mots qui. sauve, sans s'en douter, les procédés pour les créer. Il prêche pour la langue la pauvreté et c'est lui qui lui garde le moyen de s'enrichir (Doctr., 322).
3. Cyrano fait faire à Gareau cette bévue populaire : les naissances (essences) ont dé marveilleusés propretés (Ped. j., II, 2, p. 46).
------------------------------------------------------------------------
230 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
(Malh., IV, 339). C'était une construction très usuelle au XVIe siècle (L. et G. Compt).
à la légère ou légèrement conviennent tous deux avec armez (Vaug., I, 270).
aspect n'est pas synonyme de spectacle. On ne peut pas dire A cet horrible aspect mon âme épouvantée (Malh., IV, 383).
aviser une flamme ne plaît pas à Malherbe, « un feu bon ». Et puis le vent n'attise point (IV, 331).
bonne grâce au singulier se mettait dans toutes les lettres, il y a cinquante ans, mais ne se dit plus, suivant Vaugelas (I, 390). Au pluriel, il a un tout autre sens. En ce sens il ne faut pas mettre le singulier gagner la bonne grace du peuple. On le trouve : Ne sçavez vous point si je suis maintenant en la bonne grace de Valentin (Sorel, Francion, I, 39). Balzac attaque un écrivain qui parle de la bonne grace de saint Paul (Socr. chr., II, 263).
brave, d'après Balzac (Socr. chr., II, 262) ne se dira que de quelqu'un qui fait la guerre. On ne dirait brave écrivain ou vaillant prélat que de gens soutenant leur opinion avec l'épée. Les exemples de ce sens ancien fourmillent, mais tous les théoriciens approuvèrent Balzac (Chevr. Rem. s. M., 71, Bouch., Ren., Man. de parl., 50, etc.)
chaire et chaise font désormais deux mots différents. Vaugelas règle l'emploi de l'un et de l'autre : la chaire de saint Pierre, la chaire du prédicateur, chaire de droit (II, (167). La confusion durera néanmoins encore très longtemps 1.
consommer et consumer vont se séparer après n'avoir été si longtemps que deux écritures. Malherbe dit que c'est une sottise de les prendre l'un pour l'autre (IV, 384, 252, 267, etc.. Cf. Doctr., 312). Mais comme l'erreur persiste chez tous les écrivains, Vaugelas y revient et étudie longuement la question (I, 408) 2.
1. Voici chaise pour chaire : Il n'est jamais plus aize Que quand il monte dans la chaize (Loret, 17 mars 1652, 48); Les prédicateurs dans leur chaize (Id., 2 août 1653, 35) ; Monte souvent, dit-on, en chaize, Dans Rouen, son cher Diocéze (Id., 4 décembre 1655, 65). Loret en offre d'innombrables exemples ; cf. : Elle auroit pu prescher en chaise (Richer, Ov. Bouff., 223). Vous pensiez estre grans Docteurs A bien leurrer vos Auditeurs, Quand vous estiez juchez en Chaise (La Mesnardière, Po., 72-73).
Voici maintenant chaire pour chaise : On luy mit ses habits seculiers sur une chaire auprès de son lit (d'Ouville, Contes, II, 252); ... se vit Coronné D'un bassin de chaire percée (Maynard, 1656, 181) ; Jupiter arrive à grands pas, Se niche dans sa chaire à bras (Richer, Ov. bouff., 21) : Nous ...N'avons le plus souvent, alors qu'il faut souper, Ni chaire pour s'asseoir, ni Cousteau pour couper (Loret, Poés. burl., 13).
2. Consommer veut dire accomplir : consommer le mariage. L'un et l'autre comportent la signification d'achever, mais consumer, c'est achever en anéantissant le sujet, consommer c'est l'achever en le mettant dans sa dernière perfection.
L'usage ordinaire des écrivains est de mettre consommer pour consumer : Leur coeur purifié ne se remplit de rien Que de son saint amour, qui par tout le consomme (Racan, II, 115); Je voy que ces beaux yeux seront si mal-faisans, Qu'avant qu'elle aye atteint l'âge de quatorze ans, Ils auront consommé le reste de la France (Maynard, 1656, 58). Les langueurs d'une fievre lente qui nous consomme et qui nous dévore à petit feu (Dub. Mont., P. O., 15 ; cf. Sarasin, OEuvr., I, 149) ; Celle qui tient mon ame Brûle de mesme (lame Dont je suis consommé (Airs et Vaudev. de Cour, I, 284, et ibid., I, 117; ibid., II, 174) ; Mais enfin s'il faut plaire au feu qui le consomme (Bensserade, OEuvr., I, 297, cf. ibid., 308).
On trouve aussi consumer pour consommer : G. en donne des exemples du XVIe. Au XVIIe R. François écrit encore : en faisant un consumé (Merv. de Nat., 595).
------------------------------------------------------------------------
TRAVAIL SÉMANTIQUE 231
créance et croyance se confondaient presque dans une même prononciation. En attendant qu'il n'y eût plus qu'une orthographe, ce que Vaugelas souhaitait, il distinguait les deux mots ; une lettre de creance, avoir de la creance en quelqu'un étaient des expressions où il fallait toujours creance, ailleurs il fallait user de croyane (II, 325). On s'explique, par ce qu'il rapporte, que les textes ne fassent aucune différence : Je ne parlay jamais plus selon ma creance (Astrée. 11,223); Ah ! dit-elle, en me monstrant ses lettres, ressouviens toy à qui tu as donné ces tesmoignages de ma facile creance (Ibid., II, 252); Il se fautbien garder de forcer ou contraindre la creance des hommes (Gar., Doctr. cur., 233) ; La creance qu'on a des peines éternelles... (Racan, II, 193; cf. 1,38; II, 408)1.
debile. Ne se dit pas d'un ennemi, mais faible (Malh., IV, 390, cop. B).
descouverte et descouverture du nouveau monde sont tous.deux bons (Vaug., 11,224). Le XVIe siècle avait ainsi employé descouverture.
élever les yeux au ciel ne peut pas se dire, il faut lever (Vaug., II, 222) ; elevant ses yeux humides vers le ciel (Dest., Cel. et Maril., 93).
embrasement, incendie. Un des oracles de la langue a appris à Vaugelas que « le second se dit d'un feu quia esté misa dessein, le premier convient mieux au feu qui a esté mis par cas fortuit » (Vaug., I, 220). On trouve quelquefois embrasement avec le sens donné par Vaugelas à incendie : Et faut dire que l'embrasement (la mise au feu de certains écrits) en a esté fort heureus (Let. de Phyll., I, p. [53). Mais le voici dans l'autre sens : qu'au reste on a sauvé ceci de l'embrasement (Lettr. de Phyll., 1e part., 44) ; cf. : d'autant que les lumières qu'ils y cherchent sont des estincelles d'un grand embrasement (Att. sur le corps de N. S. J. C, 1649, V. II.L., t. III, 15). incendie est commun au sens de feu d'artifice, feu de joie. Loret en use constamment : Festin, balet et comédie, Avec une belle incendie Qui fit courir, monter, voler Quantité de beaux feux en l'air (13 août 1651, 60), cf. Id., ibid., 24 juin 1651, 172 ; 17 avril 1660, 62 ; 12 février 1661, 33, 19 juillet 1664, 141.
effroyable, redoutable, terrible, horrible. D'après Chevreau (Rem. s. Malh., 14) effroyable est toujours pris en mauvaise part, quand il se dit des personnes ; il n'appartient qu'aux furieux d'être horribles, d'être effroyables, mais un [héros est terrible ou redoutable. M. de Vaugelas s'est trompé en disant que les épithètes d'effroyables et horribles s'appliquent quelquefois aux choses bonnes et excellentes : il a une mémoire effroyable, il fait une dépense horrible (Vaug., II, 62).
ériger une statue avait été employé par Balzac (I, 2). Il en est vertement repris dans les Lettres de Phyllarque, I, 337. En réalité le mot se trouvait ailleurs : Si je viens ériger un autel (Baro, Clorise, 1631, IV, 3, p. 96) 2.
. 1. Et donnant aisément sa créance à ma feinte, Lâche son ame au dueil et sabouçhe à la plainte (Malleville, Poésies, 104); Faut-il croire une circonstance Qui surpasse toute créance? (La Mesnardière, Po., 59) ; J'ajoute une entière creance au commencement de vostre discours (Segrais, Nouv. franc., 5e Nouv., 141) ; Elle n'ajoûtoit pas une entiere creance à ses excuses (Id., ibid., 6e Nouv. 81); Vous ne leur attribuez pas ces erreurs dans la créance qu'ils les soutiennent, mais dans la créance qu'ils vous font tort (Pasc., Prov., 16) ; créance continuera du reste longtemps encore à s'écrire avec le sens de croyance (Hug., Pet. Gloss., 102).
2. « Si l'anxieté et la decrepitude ne sont pas de mise, pourquoi Eriger passera t'il pour bon François ? Et pourquoi, dira Narcisse (Balzac) : ériger des statuës? puis que
------------------------------------------------------------------------
232 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
éternel, immortel. Malherbe maintient la distinction théologique : immortel peut se dire au regard de l'avenir, non du passé (IV, 316).
faire croire se dit pour des choses vraies, faire accroire pour des choses fausses. D'autres pensent « que faire accroire emporte tousjours que celuy de qui on le dit, a eu dessein de tromper » (Vaug., I, 402).
faisable ne signifie pas ce qu'il est permis de faire, mais seulement ce qui est possible (Vaug., II, 228).
fatal se prend le plus souvent en mauvaise part : l'heure fatale ; mais il ne laisse pas de se prendre quelquefois en bonne part : dans le fatal accouplement, c'estoit une chose fatale à la race de Brutus de delivrer la République (Vaug., II, 193) 1.
ferveur est plus propre pour la dévotion que pour l'amour (Sent, de l'A sur leCid (I, 1, Corn., XII, 483).
fond et fonds. Suivant Vaugelas fonds est la terre qui produit les fruits, et aussi ce qui rapporte du profit, il s'estend à beaucoup d'autres choses encore, qu'il n'est pas à propos de dire icy (II, 35). C'est en réalité une question d'orthographe : on trouve quelquefois fonds pour l'autre ; et continue en suite sa lamentation dans le fonds de sa barque, (Saras., 1656, I, 164) ; il semble que le Ciel soit dans le fonds des eaux (Racan, I, 26).
fureur et furie. D'après Vaugelas ces deux mots signifient une même chose, pourtant il ne faut pas toujours les confondre : « Il semble que fureur denote davantage l'agitation violente du dedans, et le mot de furie les actions violentes du dehors... Fureur se prend quelquefois en bonne part, comme fureur poétique, fureur divine, et furie se prend ordinairement en mauvaise part... » (II, 172). Les exemples ne sont pas conformes à ces distinctions rigoureuses : A cet object la furie se mesla à la valeur, et fit agir son courage de telle sorte (Des Font., Cet. et Maril., 319). Il faut ajouter que le sens de folie demeure commun : Pichou, Fol. de Cardenio, IV, 1, p. 66. O dieux ! à quels excès nous emporte l'erreur, Depuis que la raison fait place à la fureur; cf.: Saras., I, 210 : (ce défaut) qui les fait tomber dans la fureur et dans les douleurs de la mauvaise Venus.
gravité est mal pour pesanteur (Malh., IV, 296). Ni L. ni G. n'en ont rencontré d'exemples. Je n'en ai point non plus.
jouet. On peut dire « nous sommes le jouet du sort » et au gré, au plaisir du hasard, non au jouet du hasard (Malh., IV, 377-378).
nous pouvons dire dresser des statues, et user d'un terme François receu et approuvé de tout le monde, ou celui d'eriger est pedantesque et de nul usage en nostre langue, si ce n'est lorsqu'on parle des choses qui n'ont qu'un estre imaginaire et moral, comme quand on dit ériger une terre en Duché, en Pairie, en Comté, etc. Mais non jamais de celles qui ont un estre naturel ou physical. Je ne dirai pas que j'ay erigé mes bras, mesmains et mes yeus; mais j'ai dressé mes bras, mes mains et mes yeus vers le Ciel. Non plus aussi devons-nous dire, eriger des statues, mais dresser des statues, n'estant point necessaire d'introduire des termes étrangers en nostre langue, quand elle nous en fournit de propres, de naturels et d'élégans. »
1. Vaugelas avait été sans doute influencé par l'usage de Malherbe qui se sert de fatal dans le 2° sens : O bienheureuse intelligence, Puissance, quiconque tu sois, Dont la fatale diligence Préside à l'empire françois (I, 80, v. 133) ; De ce fatal accouplement (de cette union voulue par le Destin) Célébrer l'heureuse journée... (I, 112 v. 123) ; N'est-ce pas toy dont le pouvoir fatal... Entre deux murs de liquide cristal Fit un chemin aux troupes des fidelles? (Racan, II, 199 : cf. Il, 201).
------------------------------------------------------------------------
TRAVAIL SÉMANTIQUE 233
juste. Sorel, en 1654, rapporte comme une nouveauté la locution raisonner juste. Etil la condamne, c'est une expression de tailleur, trop basse pour l'appliquer au raisonnement ; chanter juste, tirer juste se disent, mais ne sont pas des exemples valables (Disc. s. l'A., 471 et Conn. des b. liv., 1672, 403, 421, 429). Sorel a tort, juste s'applique alors à toutes sortes de verbes : je ne sçaurois en parler juste (Loret, 3 juin 1662, 232).
libéralités au sens de présents se dit de supérieur à inférieur, d'égal à égal, non d'inférieur à supérieur (Vaugel., II, 401, Rem. posth.).
mânes ne se dit pas comme en latin, mais seulement de l'âme d'une personne (Vaug., I, 378).
monde ne se dit guère bien qu'en parlant des personnes dans le sens d'une infinité. Vaugelas n'oserait pourtant le condamner dans un autre usage (Vaug., I, 280). Patru note que c'est l'usage populaire (Ib.). A un monde d'ennemis (Pichou, Fol. de Carden., III,6, p. 62) ; cf. : L'homme est un esprit transcendant... qui se persuade un monde de merveilles (Tabar., II, 92).
moi, employé pour parole est une « sottise » suivant Malherbe (IV, 375).
mutuel se dit de plusieurs ou de deux, réciproque seulement de deux (Vaug., II, 113), cf. Bary, Rhet., 229.
neuf ne peut pas se mettre partout à la place de nouveau, ainsi : une amitié neuve, une saison neuve sont impropres (Malh., IV, 299 et 260). Mlle de Gournay défend l'usage antérieur : neufve puissance, neufve jeunesse, neufve Déesse, neufve flamme, neufve servitude, neufve playe, neufve esperance (O., 989).
nourrir et paître. « Pour representer une action d'un moment, et non une longue, il faut dire paître » ; s'en nourrir signifie en faire sa nourriture habituelle (Malh., IV, 419).
onguent se prend tousjours pour medicament, il ne s'en faut jamais servir pour parfum (Vaug., II, 236; voir plus haut p. 160).
plaisant ne peut pas s'employer en parlant de la lumière: plaisante aux mortels. Il faut dire agréable (Malh., IV, 394). C'était un archaïsme : Le loton, qui est un plaisant et délicieux fruict (du Vair, 394, 4) ; il continue à se dire en parlant de la nature : je contemple ce bois si plaisant (Racan, I, 75) ; les douceurs de ce plaisant sejour (Mallev., Po., p. 19). La Mesnardière définit la « manière plaisante » qui a été attribuée à Virgile. « Les anciens ont infailliblement voulu dire par ce mot l'air agréable, libre et galant (Po., préf., p. 6) ».
pardonnable ne se dit jamais des personnes, mais seulement des choses, comme cette faute n'est point pardonnable, tandis que excusable se dit des personnes et des choses, que consolable, inconsolable se disent et de la douleur et de la personne affligée (Vaug., II, 349).
pas ne doit s'employer au sens de passage que. pour exprimer quelque détroit de montagne, et il est si bien consacré à cet usage que ce ne serait pas bien de dire: le passade des Thermopyles (Vaug., II, 318, cf. Bary, Rhet. fr., 1653, 228); cette personne charmante... A, peu s'en-faut, franchy le pas, Autrement le mortel passage (Loret, 1er janv. 1661, 96); cf. en un autre sens: Déjà la campagne se noyé, On ne voit plus chemin ny voye, Ny pas, ny route, ny sentier (Dassouc, Ov. en b. humeur, 1650, 67).
------------------------------------------------------------------------
234 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
planer, aplanir : « planer se dit des oiseaux qui volent sans branler lesailes. » Il faut donc dire aplanir, non planer les monts (Malh., IV, 410).
plier, ployer. Le premier signifie faire des plis, ou mettre par plis, commeplier du papier. Ployer signifie céder, obéir, ainsi ployer sous le faix. La Cour où on prononce player les confond. Toutefois il ne faut accepter plier que dans une seule phrase où l'usage a décidé. On dit en termes de guerre : La cavalerie a plié (Vaug., II, 133). On en trouve des exemples avant Vaugelas : je plie les espaules à ces jugements d'Amour (Astrée, I, 25A) ; Je rompray plustost que de plier (Ibid., I, 48B) ; Bienheureux sont les coeurs pliables, car ils ne rompront jamais (Fr. de Sales, t. VI, p. 17). Après Vaugelas : Et, sans vraiment suplier, J'aime mieux rompre, que plier (Loret, 1er novembre 1664, v. 195) ; il eût rompu dès-lors, plutôt que de plier (Montfleury, Coméd. Poète, II, 3).
la pointe du jour et le point du jour sont tous deux bons et ne sont meilleurs l'un que l'autre que dans l'enchassement. Il semble que la pointe soit plus universellement bon, pour ce qu'on dit la petite pointe du jour avec grâce, et que l'on ne pourroit dire bien le petit point du jour. Voilà ce que m'a dicté ma mauvaise grammaire (Chapelain, Let. à Balzac, 4 sept. 1639).
prodigieux et monstrueux donnent lieu a une longue dissertation de Balzac (Socr. chr., t. II, 250). Il a lu chez un prédicateur prodige de devotion et prodigieuse piété, il en a été effrayé. Prodigieux ne peut être pris en bonne part. Sans « un épithete bien particulier et bien efficace », il ne peut avoir une signification favorable.On ne le trouve ainsi que chez le Père***,qui dit prodigede sagesse, de saincteté, etc.
rais, rayons. Le premier ne se dit plus des rayons du soleil, mais de ceux de la Lune (Vaug., I, 324). Il se dit aussi d'une roue. Racan a dit les rais du jour (II, 269), Maynard, les rais victorieux de ce bel oeil (I, 13); Corneille, l'aube de ses rais (I, 277, Clit., 39). On trouvera dans Littré des exemples pris, à Balzac et Scarron de rais en parlant de la lune. Ajoutez-y Corn., IX, 183.
reliques, restes. Balzac attaque un écrivain qui se sert de reliques en disant les reliques de la guerre, sauver les reliques de sa fortune. Il y a apparence qu'il dit ailleurs les Restes de Saint Pierre, aller à l'adoration des Restes. Reliques est un. des mots consacrez à la Religion, qu'il ne faut pas profaner (Socr. chr., Il, 263). Vaugelas avait fait une remarque où il réfutait celte opinion, il ne l'a pas publiée (II, 395-6, Rem. posth.). Reliques était encore commun en ce sens : parmy les tristes reliques des embrazemens (Gomb., Endim., 98) : un vieux tronc relique de l'orage (Racan, I, 110). C'est une discussion qui sera reprise ensuite par Chevreau (Rem. s. M., 55 ; cf. Ménage, O., 204,1675, Alcidede Saint-Maurice, Rem., 50, A. de Bois Reg., 546). Tous donnent tort à Balzac, qui cependant avait raison, comme la suite des faits le montra.
rangé. « Un qui a été fou et est devenu sage s'appelle rangé », non celui qui n'est pas sorti de la sagesse (Malh., IV, 363).
rebelle donne lieu à une observation analogue : « Je serois bien d'avis d'user de ce mot de rebelle plus religieusement. Une personne est rebelle à uneautre, quand elle oublie ce qu'elle lui doit ; mais quand elle ne lui doit rien, de quelle rébellion la peut-on accuser ? (Id., ib., 424); cf. la rebelle pastourelle de Passerai. C'était vouloir retirer aux poètes d'amour une de leurs expressionsfavorites. La règle ne passa point. Corneille et Racine ont sauvé l'expression..
------------------------------------------------------------------------
TRAVAIL SÉMANTIQUE 235
regarder, voir, regard, vue. Ils étaient souvent confondus au XVIe siècle. Malherbe observe : « Il y a bien différence d'avoir mauvais regard et d'avoir mauvaise vue. Qui a mauvaise vue a de mauvais yeux, mais qui a mauvais regard les a bons, et par dépit ou par quelque autre raison, il en regarde de travers (IV, 253 ; cf. IV, 440, 430) ; elle panchoit sur moy sa veuë, en la mesme façon qu'elle regarde les sacrifices (Gomb., Endim., 30).
se resouvenir a un usage extraordinaire qui neantmoins « est extrêmement françois et élégant. Il se prend pour considérer, songer» (Vaug., I, 201).
seulement. Vaugelas condamne l'habitude de certaines gens qui disent : il ne m'enblasme pas, il m'en loüe seulement, pour signifier tant s'en faut qu'il m'en blasme, quemesme il m'en loue (II, 122). Cf. avec une négation il ne m'a pas seulement regardée.
signe, signal. Vaugelas fait cette remarque : « Les signaux dont on a accoustumé de se servir à la guerre, ce sont le feu, la fumée, le canon, les cloches, les estendarts, le linge blanc, et autres choses semblables. Que si, quand on se sert de quelqu'un de ces signaux, on appeloit cela faire signe, ce ne seroit pas bien parler, il faut dire donner le signal, ou donner un signal. Faire signe, est toute autre chose, tant parce qu'il ne se fait que des mains ou de la teste, ou du corps, qu'à cause qu'il se fait pour quelque sujet ou accident inopiné, et dont il n'a point esté convenu entre celuy à qui on fait le signe, et celuy qui le fait, au lieu que les signaux se font ordinairement de concert (II, 122). On trouve dans Malherbe faire signe employé pour donner le signal. « Chrysippus en fait comparaison aux coureurs qui sont à l'entrée d'une barrière, qui n'attendent sinon qu'on leur fasse signe de partir » (II, 39). Inversement, on trouve, après Vaugelas, signal usurpant la place de signe. Cf. Quinault : « Vous êtes, je le sçai, du nombre des bons drôles; Ces yeux fins et brillans en sont un grand signal » (Les Rivales, IV, 1).
sommeiller, dormir. Sommeiller, c'est avoir envie de dormir ou être assailli du sommeil. Il ne faut pas dire : que toujours je sommeille (Malh., IV, 257).
songer, penser. Il y en a qui ne le peuvent souffrir, mais ils n'ont pas raison; l'Usage le fait dire et escrire ainsi à tout le monde (Vaug., I, 165).
son. Le mot est trop général pour être employé en place de cri : Et demeure cruelle au son de mes douleurs (Malh., IV, 318).
soudainement, soudain. Soudain serait à sa place, soudainement n'y est pas dans ces vers : s'il m'en prend fantaisie, aussi soudainement, Confus et repentant, mon vouloir se dément (Malh., IV, 366) ; voici un exemple analogue : n'esclaire plus que d'une flamme languissante, si, incontinent qu'on voit qu'elle s'esteind, l'on n'y distille soudainement de l'huile (F. Guerson, Anal, du Verbe, 147-148).
soupçonneux, suspect. Le premier est toujours actif, le second toujours passif. On ne peut pas dire ce juge-là est soupçonneux (Vaug., II, 120).
supplier. Bien que ce terme soit beaucoup plus respectueux que prier, si est-ce qu'il ne faut jamais dire supplier Dieu ; prier est particulièrement consacré à Dieu en cette façon de parler (Vaug., I, 355). Cette remarque fait l'objet d'une longue protestation de La Mothe le Vayer, qui déclare que jamais personne n'a prétendu qu'il fallait dire : Mon fils, allez supplier Dieu, mais qu'on dit très bien: mon Dieu, je vous supplie (éd. or., p. 51).
------------------------------------------------------------------------
236 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
souillé, taché. A propos d'une remarque sur entaché (Vaug., II, 326, Dupleix observe que souillé dit plus (Lib., 251), c'est aussi l'avis de Bary (Rhet. fr., 226).
Terroir, terrain, territoire. D'après Vaugelas, » terroir se dit de la terre, entant qu'elle produit les fruits; territoire, eu tant qu'il s'agit de jurisdiction, et terrein en tant qu'il s'agit de fortification. Le laboureur parle du terroir, le jurisconsulte du territoire, et le soldat ou l'Ingénieur, du terrein " (Vaug., I, 153). Malherbe employait terroir en parlant du soldat : Les Romains se logèrent à Erethrie, au terroir de Phtie (1,404) ; voici un exemple de Corneille, mais plus douteux : Maxime, je vous fais gouverneur de Sicile : Allez donner mes lois à ce terroir fertile (Corn., III, 413, Cin.,634). De même chez les burlesques: le preux maréchal de Grancé S'êtant tout-de-bon avancé Avec son armée aguerrie Vers le terroir d'Alexandrie (Loret, 24 octobre 1654).
tirer en longueur, aller en longueur sont des expressions toutes différentes de tirer de longue et aller de longue ; « car tirer ou aller en longueur veut dire qu'il se passera beaucoup de temps avant que l'on voye la fin de la chose, qui lire en longueur, au lieu que tirer ou aller de longue, marque un progrès fort pront, par le moyen duquel on parvient bien tost au but que l'on se propose (Vaugelas, Rem., II,296). Cf. Scarron : « Pardonnez-moy si j'apprehende, Que le Procès tire en longueur » (OEuv., 1,215).
voisiner le but est souligné par Malherbe (IV, 352).
Toutes ces définitions, si serrées qu'elles soient, paraissent grossières auprès des efforts faits pour arriver à caractériser des types généraux tels que la prude, la précieuse, le bel esprit. Faret a fait un livre pour peindre l'honnête homme 1, et il n'en avait pas terminé
1. Voici un raccourci de l'honnête homme ou « de l'art de plaire à la Cour». Paris, 1640.
Il faut que « celuy qui veut entrer dans ce grand commerce du monde soit nay gentilhomme, et d'une maison qui ait quelque bone marque » ; — il faut qu'en outre la naissance soit « heureuse », c'est-à-dire « accompagnée des dons de l'âme et du corps » ; — comme profession « il n'y a point de plus honeste, ni de plus essentielle à un gentilhomme que celle des armes ».
L'honnête homme doit être « homme de bien », " soigneux de son honneur », sans être querelleur, ni vain, ni fanfaron.
Avec tous ces avantages de la bonne naissance et du bon courage... je trouve encore très nécessaire... des membres bien formez... et faciles à s'accommodera toutes sortes d'exercices de guerre ou de plaisir ; l'honnête homme doit même n'ignorer aucun des jeux de hasard qui ont cours parmy les Grands. Avant tout, de la grâce « naturelle » sans affectation ni négligence.
Des qualitez de l'esprit. Rechercher la vertu, suivre les bonnes lettres, étudier les sciences, en tâchant d'être « passablement imbu de plusieurs sciences » plutôt que « solidement profond en une seule » ; apprendre les mathématiques, l'économie, la politique, la morale et l'histoire. Faire des vers, s'occuper de peinture et de musique. Étudier les langues, « et s'il trouve les mortes trop difficiles, et les vivantes en trop grand nombre, que pour le moins il entende et parle l'Italienne et l'Espagnolle. »
Avec ces avantages du corps et de l'esprit, être doué des vrais ornements de l'Ame, c'est-à-dire des vertus chrétiennes, qui comprennent toutes les morales. Le fondement de toutes est la Religion.
Muni de toutes ces qualités, il peut hardiment s'exposer dans la Cour. Mais qu'il
------------------------------------------------------------------------
TRAVAIL SÉMANTIQUE 237
le portrait, puisque La Rochefoucauld (I, 111) et La Bruyère (II, 99) l'ont retouché. Pour donner un aperçu de ce travail psychologico-linguistique, il faudrait reprendre un à un les types du temps. Je n'en prendrai qu'un, le galant1 : le mot galant est d'autant plus intéressant qu'il est plus vague, ayant à la fois dès le XVIe siècle le sens de gaillard, de capable, de vaillant 2, ou au contraire de négligent, vaurien ou garnement 3.
Au XVIIe s. aussi, galant signifie tout cela : fripon, garnement 4, déluré, éveillé, joyeux 5, vaillant 6.
El Mon et, en 1636, donne les acceptions suivantes : 1° metable an ce dont il se mêle : praeclarus, insignis, praestans, galant capitaine, galant philosophe, galant médecin ; 2° honnête, de belle humeur et de bonne convantion : voilà un galant homme à mon gré : c'est bien le plus galant jeune homme de son âge (excellentissimus, praestantissimus, praeclarissimus, juventutis flos lectissimus, decus ornatissimum) ; 3° garnemant : improbus, nequam, nebulo. Venés ça galant (huc ades, improbe). C'est un galant, ne vous-i fiés pas; 4° arrogant : arrogans, praesidens. Dès trois jours, il commance à faire le galant (arrogantem agit, arrogantius se gerit).
Oudin ajoute le gallant ou galland d'une dame : drudo (1642).
se fasse une vie tranquille, sans inquiétudes ambitieuses et qu'il traverse la corruption sans en être souillé. Agir avec courage et rendre de bons offices. Parler avec réserve, surtout devant le Prince : vis-à-vis des égaux, moins de contrainte, mais pas de familiarité. S'accommoder de toutes les humeurs. Avec les femmes, soigner le geste, la voix, les habits ; pas de blasphème ni de médisance. Avant tout, du jugement.
1. Galant homme, scilus, graphicus homo (Rob. Est., 1549), reproduit dans Thierry, (1573) et Nicot.
2. Tout le monde appelle galand, galande ou galante un homme ou une chose remarquable... C'est depuis peu d'années... Car peu de temps auparavant nous appelions ■ces hommes et ces choses vaillents et vaillentes, et le mot s'est perdu, excepté quand il est question d'art militaire (Joach. Perion, De linguae Gallicae cum Graeca collatione, 1554, p. 95 a).
3. He is the most neglygent folowe that ever I sawe... c'est le plus negligent galantque je vis jamays (Palsgrave, 681).
. Ce pauvre idiot croyant trop de leger deschargea un grand coup de pierre sur le front de cet homme riche, lequel, faisant saisir le galand, luy fit donner l'estrapade (Garasse, Rech. des rech.. p. 172). Le premier fut un certain belistre nommé Theophile... Ayant entremis quelques paroles qui ne sont pas beaucoup favorables à l'Empereur Michel, pour avoir advancé ce galand, il adjouste... (Id., Doctr. Cur., p. 7). Soubs le regne d'Edoüard,., il y eut une treze ne de maraux qui se disoient estre les nouveaux Apostres, et adoroientun galand de leur trouppe, nommé Guillaume Hacquet, comme s'il eust esté Jesus-Christ (Id., ibid., p. 81). L'un d'eux me dit : Tirez-vous à quartier, galand; hors d'ici (Chapelain, Guzm. d'Alf., I, 157).
5. Une l'a dit que pour faire le galant et pour rire (Pasc, Prov., XI; cf. Th. Corn., Am. à la mode, IV, 1).
6. Ce sens est plus rare, c'est surtout chez Malherbe qu'on l'observe : Chacun se laisse emporter : les sots et les poltrons, comme les galants et les braves (II, 362); cf. I, 289, II, 390.
------------------------------------------------------------------------
238 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
C'est exact. Un galant c'est aussi un amant 1, une galante c'est une fille portée aux intrigues 2.
Aucun de ces sens n'est positivement abandonné puisqu'on les retrouve à peu près tous chez Richelet, et cependant au milieu des autres, se dégage un sens favori, qui devient le plus fréquent. Rien de plus complexe que la caractéristique d'un galant de cour3 ou d'une chose galante. Comme tous les termes d'éloge ou de blâme en vogue à une époque quelconque, celui-ci ne se prête à aucune délimitation précise 4.
Un homme ou une femme « du haut étage » ne s'y trompe pas, et saura ce qui mérite ce titre, ce qui l'usurpe, mais les théoriciens ont le courage d'aller plus loin et de vouloir interpréter le mot de tout près. Pour en faciliter l'entreprise, Vaugelas essaye d'abord d'une distinction extérieure et orthographique entre les significations fâcheuses et les avantageuses, distinction d'après laquelle galant n'aurait que les dernières. Mais cette distinction sans portée, et du reste à peu près nulle pour la langue parlée, ne paraît pas avoir fait fortune; eût-elle réussi que le problème fût resté presque entier 5.
1. « Galant signifie amant, ce qui emporte presque tousjours qu'on est favorisé: c'est son galant. En ma jeunesse on disoit amy, témoin la Chanson,
Car un mary Sans un amy Ce n'est rien faire qu'à demy. Depuis, galant prit sa place, et maintenant amy est revenu à la mode, galant, qui se dit pourtant encore, ayant paru dire les choses un peu trop ouvertement, au lieu qu'amy, qui est equivoque, parle plus couvertement » (Note de Patru sur Vaugelas II, 209; cf. Mol., Ec. d.f., V, 9, Impr. de Vers., sc. 1).
2. « De vous dire que cette fille-là mène une vie déshonnête, cela seroit un peu trop fort : cherchons, pour nous expliquer, quelques termes plus doux. Le mot de galante aussi n'est pas assez; celui de coquette achevée me semble propre à ce que nous voulons» (Mol.. Pourc, II, 4; cf., 11,6. etc.).
3. «Durant votre séjour à Paris, vous avez fait bien des conquêtes de qualité. — Vous pouvez bien croire, Madame, que tout ce qui s'appelle les galants de la Cour n'a pas manqué de venir à ma porte, et de m'en conter... Il n'est pas nécessaire de vous dire leurs noms : on sait ce qu'on veut dire par les galants de la Cour » (Mol., Escarb., sc. 2 ; cf. Tart., III, 3 ; Ec. d. mar., I, 1).
4. Un Roi d'une taille galante (Mol., Impr. de Vers., sc. 1): un deshabillé pour faire le matin mes exercices. Il est galant (Id., Bourg. gent.,l, 2); la lettre m'a semblé fort galante (Voit., Let., 25, éd. Uzanne, I, 77); Le succès a été joli et galant, tout étoit vif (Sév., IX, p. S) ; cette harangue est une des plus belles pièces d'Homère et des plus galantes (Racine, VI, 114).
5. « Au reste, quoy qu'en une autre signification on die galand, et galande, avec un d, aussi bien qu'avec un t, si est-ce qu'en celle que nous traitons, il faut dire galant et galante avec un t, et non pas avec un d". (Vaugelas, Rem., II, 210-211). Patru complète la doctrine: galand et galande avec un d ne se dit communément que des jeunes personnes, et il marque qu'il y a dans leur manière de vivre quelque chose de trop éveillé, et approchant du fripon, sans aller au criminel : c'est un galand, c'est une galande, c'est un bon galand, c'est une bonne galande ; c'est ce qu'on dit autrement : c'est un éveillé ou un bon éveillé ; c'est une éveillée ou une bonne éveillée. Quand on dit : c'est un petit galand ou petit éveillé, une petite galande ou une petite éveillée, celamarque une plus grande jeunesse, et qui n'est pas loin de l'enfance.
Au reste, ce que notre Auteur semble dire que galand et galande en cette signi-
------------------------------------------------------------------------
TRAVAIL SÉMANTIQUE 239
Sorel faisait le portrait d'un galant 1, Vaugelas essaie d'une définition. Rien ne montre mieux l'héroïsme de cette époque dans une analyse sémantique : « Galant a plusieurs significations, et comme substantif, et comme adjectif. Je les laisse toutes pour ne parler que d'une seule, qui est le sujet de cette Remarque. C'est dans le sens qu'on dit à la Cour qu'un homme est galant, qu'il dit et qu'il fait toutes choses galamment, qu'il s'habille galamment, et mille autres choses semblables. On demande ce que c'est qu'un homme galant ou une femme galante de cette sorte, qui fait et qui dit les choses d'un air galant et d'une façon galante. J'ay vu autrefois agiter cette question parmy des gens de Cour et des plus galans de l'un et l'autre sexe, qui avoient bien de la peine à le définir. Les uns soustenoient que c'est ce je ne sçay quoy, qui differe peu de la bonne grace ; les autres, que ce n'estoit pas assez du je ne sçay quoy, ny de la bonne grace, qui sont des choses naturelles, mais qu'il falloit que l'un et l'autre fust accompagné d'un certain air, qu'on prend à la Cour, et qui ne s'acquiert qu'à force de hanter les Grands et les Dames. D'autres disoient que ces choses extérieures
fication s'écrit avec un t aussi bien qu'avec un d, je ne le croy pas. Il est vray que galand avec un t ou un d viennent tous deux du vieux mot palier, qui signifie piaisanler, se réjouir, faire la débauche, honnestement néanmoins : comme galles, au pluriel, signifie réjouissance, plaisanterie ou débauche honneste. Mais l'usage qui a distingué la signification de galant avec un t et de galand avec un d, semble désirer qu'on les distingue par l'orthographe ; et d'autant plus que nous n'avons point de verbe ni de substantif qui vienne de galand avec un d au lieu que de galant avec un t nous avons galantiser et galanterie (Patru, Note sur le passage cité de Vaug. Cf. d'Aisy, Gén. de la l., 1685, p. 324). Et Patru ajoute : galant signifie encore fourbe et fripon: et en ce sens il se dit de toutes personnes : mon galant n'y a pas manqué, le galant homme m'a fait le tour, c'est-à-dire le fourbe, le fripon m'a fait le tour; la galande m'en a donné à garder, c'est-à-dire la fourbe qu'elle est m'a trompé (Ib.).
1. J'en rapporte ici les traits principaux. Ils aideront à comprendre la remarque de Vaugelas. Un galand néanmoins est à Paris, il est riche, il est noble; il va en carrosse, il a des éperons.
Il s'est lavé au pain d'amandes, s'est rasé, a les cheveux frisés, la moustache fine « comme un trait de sourcil », fort peu au menton, toujours mis à la mode « sauf à se captiver un peu », Les bottes, par exemple, sont trop larges et le font marcher en esearquillant les jambes. Qu'il n'aille pas à pied. Soigner les canons, au besoin triple rang de point de Gênes, la petite oie, le jabot laissant voir la chemise à dentelles,
De petits détails très caractéristiques, un beau ruban d'or ou d'argent au chapeau ; au devant des chausses, sept ou huit rubans satinés (les galands), un petit bout de ruban noir au poignet, cela fait paraître les mains plus blanches, quand on ôte son £ant. Une mouche sur la tempe, au besoin, si la perruque devait la cacher, sur la joue.
Se trouver aux sermons, connaître les promenades de saison, les réduits, les jeux à la mode, avoir les premières fleurs, les bonnes feuilles du livre qui va paraître, une copie de ceux qui circulent sous le manteau, savoir offrir bal, musique ou collation, parler en termes choisis et courtisans.
Louer les dames, les gens dont on attend quelque chose, apporter des nouvelles d'intrigues, de mariages, de querelles, accueillir bien même ceux qu'on méprise, mais ignorer les gens qui sont d'un monde inférieur : « je ne le connoy point » ; si on répète leur nom, se servir de termes comme n'entendez-vous pas ce qu'il dit? en un mot « garder une noble fierté ».
------------------------------------------------------------------------
240 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ne suffisoient pas, et que ce mot de galant avoit une plus grande estenduë, dans laquelle il embrassoit plusieurs qualitez ensemble: qu'en un mot c'estoit un composé où il entroit du je ne sçay quoy ou de la bonne grace, de l'air de la Cour, de l'esprit, du jugement, de la civilité, de la courtoisie et de la gayeté, le tout sans contrainte, sans affectation, et sans vice. Avec cela, il y a de quoy faire un honneste homme à la mode de la Cour. Ce sentiment fut suivi comme le plus approchant de la vérité ; mais on ne laissoit pas de dire que cette definition estoit encore imparfaite, et qu'il y avoit quelque chose de plus dans la signification de ce mot, qu'on ne pouvoit exprimer ; car pour ce qui est par exemple de s'habiller galamment, de danser galamment, et de faire toutes ces autres choses qui consistent plus aux dons du corps qu'en ceux de l'esprit, il est aisé d'en donner une definition ; mais quand on passe du corps à l'esprit et que dans la conversation des Grands et des Dames, et dans la manière de traiter et de vivre à la Cour, on s'y est acquis le nom de galant, il n'est pas si aisé à definir., car cela présuppose beaucoup d'excellentes qualitez qu'on auroit bien de la peine à nommer toutes, et dont une seule venant à manquer sufliroit à faire qu'il ne seroit plus galant » (Rem., II, 208-211) 1.
On pourrait en ce genre faire des monographies de mots, tant les exemples et les observations sont abondantes. Elles jetteraient la plus grande clarté sur l'état mental de l'époque, et seraient d'une réelle portée, non seulement pour l'histoire du langage 2, mais pour l'histoire de la littérature et des moeurs.
1. " La définition d'homme galant, que M. de Vaugelas donne dans cette remarque, nous en fait voir le vrai caractère. Il y a cependant sujet d'admirer la bizarrerie de notre langue, en ce que galant mis après homme, signifie toute autre chose que quand il est mis devant. On dit, c'est un homme galant, pour dire qu'il a de la bonne grace, et qu'il cherche à plaire aux Dames par ses manières complaisantes et honnestes, et on dit, c'est un galant homme, pour dire qu'il fait les choses avec honneur et qu'il sait bien se tirer de toutes sortes d'affaires» (Th. Corneille dans Vaug., ib.).
L'Académie a donné trois acceptions à ce mot de galant homme. Il se dit d'un homme civil, honneste, poli, de bonne compagnie et de conversation agréable. C'est un galant homme. On le dit aussi pour faire entendre un homme habile dans sa profession et qui entend bien les choses dont il se mesle, qui a du jugement et de la conduite, Vous luy pouvez confier votre affaire, c'est un galant homme. On l'emploie encore par flatterie ou par familiarité pour louer une personne de quelque chose, Vous estes un galant homme d'estre venu disner avec moy (Ib.).
2. Comme c'est elle qui nous intéresse ici, j'ajoute à titre d'indication, qu'il faudrait suivre en même temps que le développement de galand, celui de galamment, galanterie, galantise, galantiser, segalantiser.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE IX
EXPRESSIONS ET FIGURES
Créer une expression nouvelle paraît avoir été aux yeux de Malherbe une hardiesse presque aussi grande que faire un mot ; souvent en effet elle entraîne une altération légère du sens d'un des termes, elle aboutit en tous cas à produire quelque chose d'inaccoutumé.
Mettre en peine est bon, dit-il, mettre en souci, non, (IV, 409) ; on dit bien l'oeil en pleurs, non la bouche en regrets (IV, 310); ma fièvre m'a repris n'autorise pas à dire ma peine m'a repris (IV, 270). Désiré de mon coeur, l'air embasmé de fleurettes lui fournissent l'occasion de reprendre Desportes (IV, 382, et Desp., 304 v°) ; et on peut voir dans ma Doctrine (330-336) comment Malherbe entend réduire le poète à ne se servir que des locutions reçues. Dix ans après sa mort, ceux qui s'inspirent de lui chicanent Corneille sur ordonner une armée (XII, 486), gagner un combat (ib.), rétablir le désordre (ib., 496), pousser à la honte (ib., 495), etc.
Au premier abord, Vaugelas paraît plus libéral : « Qu'on ne m'allegue pas, dit-il, qu'aux langues vivantes non plus qu'aux mortes, il n'est pas permis d'inventer de nouvelles façons de parler, et qu'il faut suivre celles que l'Usage a establies ; car cela ne s'entend que des mots, estant certain qu'il n'est pas permis à qui que ce soit, d'en inventer, non pas mesme à celuy qui d'un commun consentement de toute la France seroit déclaré le Pere de l'Eloquence Françoise, parce que l'on ne parle que pour se faire entendre, et personne n'entendroit un mot, qui ne seroit pas en usage-: Mais il n'en est pas ainsi d'une phrase entiere, qui estant toute composée de mots connus et entendus, peut estre toute nouvelle, et neantmoins fort intelligible, de sorte qu'un excellent et judicieux Escrivain peut inventer de nouvelles façons de parler qui seront receües ■d'abord, poûrveu qu'il y apporte toutes les circonstances requises, c'est à dire un grand jugement a composer la phrase claire et éleHistoire
éleHistoire la Langue française. III. 16
------------------------------------------------------------------------
242 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
gante, la douceur que demande l'oreille, et qu'on en use sobrement et avec discretion » (I, 213).
Voilà, semble-t-il, la liberté assurée, mais qu'on cherche un peu attentivement plus loin, et on lit ceci : « La plus grande de toutes les erreurs en matière d'escrire, est de croire, comme font plusieurs, qu'il ne faut pas escrire comme l'on parle. Ils s'imaginent que quand on se sert des phrases usitées, et qu'on a accoustumé d'entendre, le langage en est bas, et fort esloigné du bon stile », Même « pour les phrases, leur opinion est tellement opposée à la vérité, que non seulement en nostre langue, mais en toutes les langues du monde, on ne sçauroit bien parler ny bien escrire qu'avec les phrases usitées, et la diction qui a cours parmy les honnestes gens, et qui se trouve dans les bons Autheurs. ... Ce n'est pas que parmy les façons de parler establies et receuës, on ne puisse faire quelquefois des phrases nouvelles.. . . mais il faut que ce soit rarement et avec toutes les precautions que j'ay marquées » (II, 289). Et dans la théorie du barbarisme, il rappelle que c'est y tomber que d'user « d'une phrase qui n'est pas Françoise » : eslever les mains vers le ciel, pour lever les mains au ciel; c'est aussi « un barbarisme pour l'ordinaire de quitter celles qui sont naturelles et usitées par tous les bons Autheurs pour en faire à sa fantaisie de toutes entières, ou changer en partie celles qui sont de la langue et de l'Usage ». C'est un même vice « d'user de celles qui ont esté en usage autrefois, et de celles qui ne font que de naistre » (Ib:, 352-353).
Les censeurs des Précieuses leur reprocheront des expressions aussi simples que donner le bal (Préc. rid., sc. 15), être d'une vertu sévère (Som., II), ou accuser juste (Sorel, Disc. s. l'A. fr., 296), etc. Et Chevreau, reprenant contre Malherbe la tradition du maître lui-même, lui contestera les expressions : faire des assauts (qui ne se dit qu'en termes d'escrime, Rem. s. M., 41) ; avoir l'espace de faire une chose (ib., 44) ; trouver de l'éternité en quelque chose (ib., 54-55) ; plein de moeurs et de courages ; et même : plein de merites et de marques qui jamais ne furent ailleurs (ib., 56-57); faire une erreur (ib., 65-66), etc.
Il me paraît donc inexact de répéter, comme on l'a dit si souvent, que, si les réformateurs ont détruit la liberté de faire des mots, ils ont laissé subsister du moins le droit de combiner ceux qui existaient. On a pu voir, et par ce qui précède, et par ce que j'ai dit en parlant du sens des mots, que, là aussi, ils posaient en règle qu'il fallait se servir du matériel existant, sauf des cas exceptionnels.
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 243
J'avoue toutefois que cette intransigeance me paraît expliquée et justifiée par la nécessité où ils se sont trouvés de combattre les expressions figurées. Nervèze et des Escuteaux passent pour avoir été les représentants du mauvais goût au commencement du XVIIe siècle. Je ne les défendrai pas 1. Comme chez du Monin, on croirait chez eux lire des parodies : « Il faut... que je recherche en vostre pitié ce que je n'ay. peu trouver en vostre bienveillance, quoy que mes peines et ma servitude l'ayent souvent conjurée, ainsi que voz yeux l'ont peu remarquer au temps que vous me fistes cognoistre vos rigueurs ; mais ces ingrattes lumières qui esclairoient à vos desdaings, ont refusé mes hommages, et lors que j'en ay voulu approcher, se sont esvanouyes aux ombres de mon innocence; car vous craigniez que forçant vostre cruauté (qui tenoit l'Empire en vostre coeur) vous fussiez obligée d'y remettre mon nom, et le loger auprès de vostre repentance » (Nervèze, Haz. am. de Palmelie et de Lirisis, 2e éd., 1601, 102 A et 102 B). Des Escuteaux n'a rien à envier à Nervèze : « Ses heautez, un peu couvertes du hasle... reprirent le blanchissant vermeil de leur naïfve couleur. Et l'amour qui sembloit mescognoistre celle par les attraits de laquelle il avoit d'autrefois conquis tant décourages, se reveut encore mirer dans les rayons, où ses feux avoient jadis fait tant d'ésclairs, au brillement desquels, admirant son pouvoir, il en veut faire preuve sur des ames qu'il sçait avoir mesprisé son authorité » (Am. de Lydiam et de Flor., 155 A et 155 B) 2.
On ne sait auquel donner le prix. Les voici, par exemple, qui embarquent leurs amants : Nervèze dit: Filandre... s'aidoit tousjours du vent de ses artifices pour souffler les voiles de ses infidelitez (Amours de Filandre et de Marizée, 1602, 17A et 17 B). Mais son rival a des phrases équivalentes : Nous retournerons à nos amans qui nageoyent dans un fleuve de felicité. La nuit survenant allenlit un peu le cours de ceste douce navigation, obligeant ces cavaliers de se retirer (Des Escuteaux, Am. de Lydiam et de Flor., 203A).
1. Ce chapitre était composé, quand a paru l'excellent livre de M. G. Reynier, Le Roman sentimental avant l'Astrée, Paris, Librairie Armand Colin, 1908. On y trouvera sur le style précieux un chapitre très documenté, p. 318-340.
2. J'aurais voulu appuyer ce chapitre d'une histoire du mot galimatias, qui commence alors à se répandre. On sait qu'il est dans Mont., 1,24. Malherbe en gratifie cent passages de Desportes, IV, 262, 306,319, 335, etc. Malheureusement, il en est des termes de ce genre comme des mots d'éloge. Le même s'applique à des choses très différentes, à des coq-à-l'ânde incohérents (V.H.L.,II, 275), à de grands mots qui veulent avoir un sens et n'en ont point (Sorel, Berg. extr., III, 310-11), au style prétentieux, à la subtilité qui devient obscurité, dont Balzac trouve un échantillon duns honorer quelqu'un de toutes les passions de son âme (II, 589-90). Bref, il n'y a rien de précis à tirer de ces textes pour l'histoire qui nous Occupe.
------------------------------------------------------------------------
244 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Il ne faudrait pas croire toutefois que ces belles choses fussent des inventions personnelles d'hommes particulièrement doués. Les exemples foisonnent partout. Écoutez un amant « emprisonné » dans les rets d'une maîtresse. Il ne fait pas comme ces oiseaux engluez, qui chantent des piteuses complainctes dans leur treillissee prison, estonnez d'avoir perdu la clef des champs et l'effrénée liberté de leur gaye volée ; au contraire, se promenant à l'aise dans l'estroicte conciergerie de sa geoliere, ne cerchant point à forcer les grilles ou la porte, il desgoise d'amoureuses chansons composées au subject d'une aimable servitude et se delecte ainsi en son ramage pour aggréer à celle là qu'il ayme (Bouquet de la Feintise, 1610, 62). En voici un qui supplie : Devois-je succer le laict de vostre cruauté, et porter ma bouche auprès de ses mammelles pour en tirer aliment à mes regrets ? (Ib., 197). Celui-ci sort de la Garonne, d'où il a eu le bonheur de tirer sa bien-aimée, il lui dit ce qui a animé son courage : « Je n'ai rien faict aujourd'huy, que ce qui estoit de mon devoir,puis qu'animé de laseule clarté de vos beaux soleils, douces et agréables lumières de mon jour, je ne pouvois refuser à l'ardeur de mes flammes d'aller secourir dans l'eau ce brasier qui sembloit se vouloir esteindre dans la froideur de ses ondes humides » (Yrion et Pasithée, 1601, 67-68).
Les dames du Martyre d'Amour (1603), font naistre des flammes du choquement de leurs oeillades, pour les estouffer ensuite sous la cendre du mespris (f°5 A). Aussi dans les Espines d'amour un amant exalle-t-il la fiction de ses desseins par l'alambic de sa rage (98). Que devenir quand on a affaire à un fer qui résiste entièrement au marteau de vos impressions (Portr. de la vraye Amante, 78), ou à des attraits qui ne sont eux-mêmes que des marteaux dont elles savent si bien qatre le clair acier de nos internes affections (Bouq. de la Feint., 64)? Le plaisir d'amour n'est plus qu'un- mets d'une douce viande dont on savoure à lesche-plat les restes (Ib., 45). Et on comprend que, sûr de se voir préférer un rival, un désespéré prenne congé : « Si vostre feu est pris à quelqu'autre paille, je brusle icy la mienne pour neant, et sans esperance de vous pouvoir eschauffer » (Ib., 71).
Donnons encore une petite scène empruntée au Portrait de la vraye Amante de Jean d'Intras, 1604, 113-115 : « C'estoit en la saison que ces petits chantres bocagers renouvellent leurs ramages et ouvrent par leurs accords printanniers les portes des villes aux Dames, pour aller au bal de leur melodie champestre. Lishye s'y achemine avec quelqu'unes de ses amies Ores elles alloient
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 245
confrontans les roses de leurs heautez aux fleurs des jardins... tantost elles repaissoient leurs yeux de la variété des champs, que mille différentes couleurs peignoient à la semblance du Printemps; puis gratifians les ombrages de leurs visites, elles prestoient leur oüye aux airs des Syrenes emplumees, hostesses de leurs branches, et descendans où ses sources montent pour submerger les feux de l'altération, elles y plongeoient les flammes de leur soif i. »
Les romanciers ne sont pas les seuls à donner dans la métaphore. M. Radouant a montré que les orateurs les plus sévères lui sacrifiaient 2; desthéologiens même s'adonnent à cet exercice dangereux: « Sera-il dit qu'en la métropolitaine de vostre royaume, à la barbe du plus auguste de voz parlemens, sejour ordinaire de Vostre sacrée Majesté... » (Exam. sur l'inc. et nouv. Caballe, 1624, V. H. L., I, 120); « Ceste ame a volé entre les flammes des erreurs Paganesques sans brusler les aisles des sacrez discours de la divinité » (Guerson, Anal, du Verbe, 1620, 44). C'est le même Guerson qui montre les Philosophes navigans sur les ondes baveuses de l'Océan payen (ib., p. 47), et définit le coeur, le louvre de la faculté irascible (ib., 141). Garasse, lui aussi, donne fréquemment dans ce travers ; sur le modèle de du Perron, qui voulait « dechausser les souliers de sonâme» (Rons., Bl., VIII, 220), il enfilait des patins d'impudence 3 ». Ailleurs il parle du capusson de l'Apostasie (Rab. ref., 32), ou se demande à quel propos le recteur va mettre les doigts sur les touches de nos intentions (Mém., 151).
Evidemment les plus mauvais livres eux-mêmes ne sont pas écrits de ce style, mais il en est beaucoup qui en offrent des échantillons et multiplient les images absurdes pour s'insmuer par là, comme le dit la parodie de Gros Guillaume, « dans le trou de soury du cabinet de nos bonnes grâces 4 ».
Si le mal était grand, la lutte contre lui fut aussi très active. Quelques-uns des protestataires sont obscurs, comme Antoine de Laval 5 ; d'autres seront toujours inconnus, ce sont les courtisans qui, par réaction contre le genre figuré, voulaient le style plat et nu. Malherbe prit le parti de ceux-ci.
1. Cf. ibid., 120 : Pendant que ces airs escumoienl les âmes qui flolloient su (sic) leurs sons, celle de Carthagene estoit a l'abry de ces doux pirates, encore qu'elle prestast ses rames à cest Ocean musical.
2. Guill. du Vair, De l'Eloquence française, éd. Radouant, 29.
3. Cf. Cerf. de la Doctr. cur., 49. 4. V. H. L., IV, 233.
5. L'abbé Urbain, dans sa Thèse sur Coeffeteau (331-334), a déjà cité Ant. de Laval, Dessein des professions nobles, 1612, dont les censures du style figuréont été écrites en 1594.
------------------------------------------------------------------------
246 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
On peut diviser les images de toute sorte qu'il discuta en quatre grands groupes : antithèses, périphrases, métaphores, hyperboles.
Antithèses. — Malherbe condamne sagesse ignorante, malade raison qui sont des drôleries (IV, 349), une âme heureusement contrainte (IV, 262), divinement brûlé (IV, 261). C'étaient des rapprochements alors communs, et Mlle de Gournay cite de ses deux Prélats des tristement doux, innocemment coulpable, sombrement esclairci (O., 966). Il faut y joindre les adjectifs composés, du type humble fier. Malherbe a barré : le doux poignant souci (f° 226 v°) 1.
Périphrases. — Malherbe fait souvent semblant de né pas comprendre : Je verse de mes yeux une angoisseuse pluie. « Qu'estce », dit-il (Am. d'Hipp., s. XX, IV, 303) ? Ailleurs Desportes avait écrit : Qui foudroie en tombant les tresors d'un bocage; il foudroie quelque buisson, remarque Malherbe ironiquement (IV, 405, cf. au son. LIV des Am. d'Hippol.). Au lieu de l'air refrappé, il mettrait sans doute l'Echo, en attendant il note : Vent (IV, 430).
Ce sont en particulier des périphrases mythologiques qu'il a barrées : l'enfant Cyprien (Desp., Epit. sur la mort du jeune Maugiron, 328 v°) ; l'archer Papthien (Id., Berger., 301 r°) ; la flamme etheree (Eleg. II, la Pyr., 206 v°) ; les enfans de Mars (Masq., pour leroy Henry III, 320 r° ; cf. Doctr., 192).
Métaphores et allégories. — Malherbe a blâmé de simples métaphores chez Desportes : il condamne les flammes qui ruissellent (IV, 359), les regards qui respirent la pitié (IV, 259), un poète qui est qualifié de riche d'inventions (Desp., Diane, 1. I, s. 1). Mais ce n'est pas pour ces expressions-là qu'il a été le plus sévère. Ce qu'il a poursuivi surtout, c'est la métaphore « continuée », ce que d'autres ont appelé l'allégorie, dont il donne lui-même un exemple dans les vers suivants : « Les voici de retour, ces astres adorables, Où prend mon Océan son flux et son reflux » (I, 156). J'ai montré dans ma Doctrine (208-211) les ravages faits au XVIe siècle par cette manie italienne? Qu'unemaîtresse fût un soleil passe; mais qu'on prît ensuite le soleil pour une réalité, et que, filant une longue allégorie, on en retrouvât chez sa maîtresse les rayons, la chaleur, la course quotidienne, etc., c'était un moyen presque infaillible de tomber dans le ridicule, et Desportès n'y a point manqué.
1. Toutefois, l'antithèse n'était pas nécessaire dans ces composés, et l'on relève des exemples nombreux du genre de : sanglamment severe, vaillamment furieux, sçavamment joincts (cf. Gournay, O., 966).
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 247
Je veux bastir un temple à ma chaste Déesse :
Mon oeil sera la lampe, et la flamme immortelle, Qui m'ard incessamment, servira de chandelle : Mon corps sera l'autel, et mes soupirs les voeux.
(Diane, I, 43, cf. Malh., IV, 257.)
Vingt fois le poète est allé ainsi, comme ses contemporains, aux limites du grotesque. Son censeur l'a fortement marqué.
Hyperboles. — Enfin, sans attaquer l'Arioste, Malherbe a, par endroits au moins, condamné l'enflure. Il a senti combien il est ridicule de comparer, comme il le fait lui-même, le torrent des pleurs à « la Seine en fureur qui déborde son onde Sur les quais de Paris ». Desportes avait dit que ses yeux étaient deux torrents. « C'est trop peu, raille Malherbe, devenez deux mers, car à moins de deux mers, une douleur comme la mienne ne se sauroit dignement pleurer » (IV, 327). Les mots « niaiserie, drôlerie, imagination bestiale » disent son sentiment sur quelques-unes de ces imitations de la « singerie italienne ».
Plusieurs de ces pratiques trouvèrent leur défenseur. Les illustres malheureux eurent Maynard, le propre disciple de Malherbe. Les heureux cachés et les vaillants héroïques le « ravissaient » (Let., CCXLI-CCXIV), et il eut avec lui Costar qui jugeait l'image contenue dans le triste blanc supérieure aux plus belles images d'Horace (Let., II, 427-429). Il n'est pas jusqu'au grammairien anonyme de 1657 qui n'accorde droit de cité à ces expressions, si le rapprochement des mots amène quelque antithèse (37).
Mademoiselle de Gournay voyait avec un déplaisir extrême s'en aller : la barque Acherontée (O.., 964), le rond habitable (pour le monde, ib.) ; elle en appelait à ses poètes qui nommaient les Cieux voûtes etherées et plages etherées. Croyait-elle vraiment que là périphrase allait périr?
Pour la métaphore, le danger lui parut si grand qu'elle ne s'en tint point à quelques phrases détachées. Elle leur consacra un traité entier, et, comme on pense, un traité tout d'indignation, où sont malmenés ces pauvres d'esprit qui se réduisent aux seules images que « lès artisans pelotent depuis cinquante ans », qui n'ont que faire du verbe « orienter », n'offrant à la Muse que « les bijoux de verre d'une espousée de village » (O., 596-7, 425-430). En manière de protestation, sans doute, elle offre d'un bout à l'autre de l'opuscule à la « haute, magnanime et puissante impératrice » les plus fines pierreries du langage ». Et par là elle donne barre à ses adversaires, car tout n'est pas de premier choix dans ces ornements,
------------------------------------------------------------------------
248 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
tant s'en faut : être ferré à glace de doctrine et de sens (O., 422), le levain que brassèrent du Perron et les auteurs du XVIe siècle, étaient de nature à faire « éclairer et tonner » les gens de la nouvelle école, ceux qui prenaient la correction comme « auriflamme ».
Les arguments se devinent : Si Ronsard et les vieux poètes eussent, comme eux, « rebutté » les images, quelle matière eussentils fourni à ces ingrats qui les copient aujourd'hui? L'absence de métaphores entraîne la monotonie, la banalité du style. Il est faux que notre langue se prête moins qu'une autre à l'emploi des expressions figurées. « Le langage simple nous fait voir que c'est un François qui parle ; la figure et la metaphore nous monstrent que c'est un homme qui raisonne et discourt » (O., 433). La métaphore rend sensible l'idée qui n'était que compréhensible ; elle crée des O, associations d'idées, des rapports imprévus. Par elle l'écrivain fait sienne l'idée, puisqu'il l'accommode au gré de son imagination, là réside la véritable personnalité. Et elle cite comme exemple un passage de Du Perron qui n'est qu'un tissu de figures (Ib.), où la mer devient le miroir calme, le cristal liquide, où les vents percent l'enclos de leurs grottes profondes, etc. Chez les « poètes frisés » le poème devient un exercice artificiel, un pur arrangement de mots. A quoi bon dès lors la pureté du style ? A quoi sert de raffiner, là où il n'y a rien à raffiner. « Que nous profite d'être riches en polissure, si nous polissons une crotte de chèvre ? » Qu'ils ne posentpas en règle leur impuissance, et ne prétendent point que « chacun aille à pied, pour ce qu'ils n'ont point de cheval ».
Mlle de Gournay avait sans doute raison contre certaines exagérations de doctrine i. Mais le danger n'était point où elle le croyait. La métaphore n'était pas encore en péril, et Sorel, plus avisé, plus au courant des vices de certains genres, voit bien qu'il faut s'appliquer d'abord à assurer le goût. En 1627-1628, il publie le Berger
1. On comparera les railleries de Loryot (Fleurs des secrets moraux, 1614, 4°, p. 71) contre ce « langage de nourrices » qui doit être pur et net comme le lait sucé par leurs nourrissons.
Deimier se rangeait à cet avis, quand il disait : « Il ne faut pas affecter si ardamment la simplicité d'un discours que de le rendre tout vuide de periphrases, de métonymies et autres figures qui sont legitimes et de valeur : Car si les vers ne sont embellis de fleurs de quelques figures propres qui relèvent les paroles, le Poëme ne sera nullement Poétique, ains il ne sera autre chose qu'une Prose en rime... Ronsard a esté le premier des Poëtes François qui, pour le sçavoir et gentillesse de son esprit si bien né à la Poësie, a eslevé la langue Françoise en la majesté d'un langage qui justement peut estre comparé avec les plus estimez » (Acad., 279-80). Toutefois il est plus réservé que Mademoiselle dé Gournay, et ne tolère pas chez du Bartas des descriptions du goût de celle-ci :« Ce cercle, honneur du ciel, ce baudrier orangé, Chamarré de rubis, de fil d'argent frangé, Bouclé de bagues d'or, d'un bandeau qui rayonne, Le Ciel biaisement nuit et jour environne » (Ib., 425 et suiv.).
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 249
extravagant. Ce livre, jugé à mon sens un peu sévèrement par M. Marsan 1, n'eût pas été la satire complète d'un genre, s'il n'eût contenu la satire d'un style trop commun. Sorel le savait. A chaque instant reparaît la parodie verbale : « Laissez-moy, disoit-elle à tous, coups, je veux que l'on ne me touche non plus que si j'estois une Vestale. Arrestez-vous : vous me deffleurerez; voulez-vous attenter sur la candeur de ma pudicité, et faire encourir le naufrage à la nef de ma continence ? » (L. IV, I, 252). « Voulez-vous toujours estre un Crocodile qui attire les hommes et les devore, ou une Gorgonne et une Meduse qui transforme les coeurs en un rocher de constance, au lieu que le sien est un rocher de mespris? » (Ibid., 266).
Ailleurs Carmelin enseigne à Lysis les locutions à la mode, et les réflexions de l'élève ressemblent déjà aux remarques qui accompagnent le livre. Enfin, souvent, c'est Sorel lui-même qui fait directement la critique 2.
Les résultats de cette première campagne furent peu décisifs. Nervèze et des Escuteaux « exterminés », le style figuré trouva refuge chez leurs successeurs. Les heureuses infortunes de Celiante et Marilinde, vefves pucelles, du sr Des Fontaines 3, ne le cèdent en rien aux Adventureuses fortunes d'Ypsilis et Alixee. Dès la page 3 on lit que le front de la desolée Celiante fut le quadran, où il vit
1. La pastorale dramatique en France, 418 et suiv.
2. « Nostre Medée ne se sert que de metaphores, qui sont très-propres pour une magicienne comme elle, qui ne voudrait pas parler en termes communs. S'il y a des metaphores qui sont bonnes, au moins ne sont-ce pas celles dont elle use, lesquelles outre cela se rendent vicieuses pour estre trop fréquentes. J'ay veu les Travaux d'Aristée et d'Amarille, qui sont quasi de ce stile; vous y voyez en un certain endroit que le desespoir, qui comme un guerrier obstiné, avoit assiégé avec une armée de travaux le coeur de ceste bergère, emporta finalement ceste roche ferme, se rendant maistre de ceste ame, à l'entrée de laquelle il couppe la gorge à son courage inflexible, estouffe sa patience, massacre ses furieuses resolutions, et précipite le reste de ses pensées qui avoient eschappé la fureur du cousteau, dans un grand feu tout bruslant d'un désir de mourir. Si quelque esprit facétieux avoit fait un livre tout exprès pour le faire mal, à peine y auroit-il pû reüssir comme l'Autheur de ces Travaux d'Aristée, qui pensant faire un ouvrage sérieux, a fait le plus grotesque livre du monde. Neantmoins il y a huict ans que le Palais ne retentissoit que de son nom, et l'on fit une seconde partie pour ce livre, au tiltre de laquelle on voyoit que les amoureux Diesis d'une Bergère y estoient representez, ce qui estoit une belle metaphore, prise d'une feinte de musique. Chacun achetoit cela, tant le peuple estoit sot alors. Mais les livres d'Amour ne sont pas les seuls qui sont remplis de galimathias, et d'autres stiles extravagants. Le Soldat François, l'Avant-Victorieux, et tant d'autres beaux ouvrages tiennent icy leur partie. Il y en a encore aujourd'huy qui parlent en public de ce beau stile, et qui sont favorisez des applaudissemens de la Commune (t. III, Rem., 313-314). — Comparez les remarques sur le livre II : « Lysis voulant faire une pierre à fuzil du coeur de Charité, ou bien allumer la chandelle à ses yeux, dit tout ce qui se peut imaginer de plaisant sur les façons de parler qui sont ordinaires aux Poëtes » (t. III, p. 72 des Remarques).
3. Paris, Nicol. Traboulliet, 1638, 8e.
------------------------------------------------------------------------
250 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
marquer les dernières heures de sa liberté; comparez : sa naturelle vertu, et le devoir de son honnesteté, servoient de rempart à la naissance de ce feu (25) ; son coeur estoit le poulx qu'il falloit taster en celle maladie (30) ; voila des esperances toutes en fleur, les plus belles du monde, mais elles furent soudain greslées par un accident aussi estrange que nouveau (51) ; ou enfin : Celiante commençoit à peine à communiquer sa lumière au pauvre Meriphile, quand l'astre du jour declinant tout bellement, se disposa à cacher la sienne; ou de honte de ceder à cette jeune merveille, ou de haste d'aller voir si l'autre hemisphere n'avoit point quelque autre beauté dont elle pût souffrir la comparaison (84).
On s'attendrait à trouver chez Vaugelas une censure sévère de ce ridicule travers. Pas une remarque n'est consacrée à ce sujet. La question du style figuré n'est pas traitée. L'auteur dit son sentiment de quelques images, nulle part du style imagé 1, sauf dans une courte phrase de la Préface, où il se félicite que la langue « ne donne pas dans ces figures monstrueuses où donnent nos voisins degenerans de l'éloquence de leurs Pères » (I, 49). Entre lui et ses adversaires la controverse se poursuit, comme s'il n'y avait nul abus, et s'il s'agissait seulement de discuter le droit des écrivains à se servir de quelques images, fort peu audacieuses.
C'est que, si la préciosité continue à exister, il ne faut pas s'en exagérer l'importance. Comme je l'ai dit plus haut, je ne nie pas la réalité du mal, je rappelle seulement que les manifestations en furent sporadiques et intermittentes. Il ne m'appartient pas d'énumérer les livres, assez nombreux, où on peut les chercher. Ils vont de certains maîtres, comme Balzac, aux pamphlets obscurs d'un Dubosc Montandré, qui allie quelquefois le précieux au poissard 2.
Je me bornerai à quelques indications qui permettront de classer les figures employées. D'abord on use de périphrases. Ce n'est plus l' estoilé chasteau, mais l'aîné de la nature (l'homme), les partisans de l'efficacité de la grâce (les jansénistes), des taches avantageuses (les mouches). Avec les idées qu'on professait sur l'impossibilité de l'expression directe en certains cas, la périphrase s'imposait, n'eûtelle pas été dans le goût du temps. Assurément le mot pape n'avait rien de déshonnête, et rien n'obligeait Desmarets à l'appeler : le Pontife sacré de la Chrestienne Loi (Clovis, XI, 185). Mais il devait
1. Au tome II, 289, il remarque seulement « qu'on peut employer quelques nouveaux ornemens, qui jusqu'icy estoient inconnus aux meilleurs Escrivains ».
2. « La vraisemblance... ne peut estre considérée que comme une seductrice qui sert de maquerelle à la prostitution de la verité » (A. 4).
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 251
arriver forcément, malgré de sages préceptes, qu'on brouillerait le cas où il fallait appeler Paris Paris et celui où on devait le nommer la capitale du Royaume. Le « Parterre de la Rhetorique francoise de 1659 » fournissait de longues listes, destinées à ceux à qui l'imagination manquait (10-12).
En outre, on se sert de la substitution bien connue de l'abstrait au concret : Il faut le surcroist d'un fauteuil (Som., XLVI). Ce bocage prochain nous invite à propos A la commodité du frais et du repos (Mair., Sylv., 435-436). Ailleurs le nom de la partie est pour celui du tout (comme si souvent chez Corneille) : « Je viens d'être en conversation avec des visages de bonne humeur (Voir Roy, Sorel, 152, où on trouvera d'autres exemples).
Ces figures classiques ne pouvant suffire aux Précieux, ils ajoutaient des métaphores. On connaît assez celles de Balzac qui, déjà de son temps, ont été l'objet de vives critiques. Vaugèlas lui-même en présente d'assez hardies. Somaize a recueilli un grand nombre des expressions figurées alors en usage, et nous en a laissé deux Dictionnaires. Voici comment on peut les classer :
1° A. Le nom d'un objet ou d'un être matériel est appliqué à un autre objet ou à un autre être matériel. — Les oreilles deviennent les portes de l'entendement (Som. LII), le nez, la porte du cerveau (ib.), la nuit, la mère du silence (ib.), les pieds, les chers souffrants (LIII), laiguerre, la mère du désordre (XLIX), les peintres, les poètes muets (202), un sergent, le mauvais ange des criminels (LVI), un chapeau, l'affronteur des temps (XLV), un chapelet, la chaîne spirituelle (62), un fauteuil, le trône de la ruelle (XLVII), un balai, l'instrument de la propreté (XLIII), l'eau, le miroir céleste (94), une belle fille, l'aliment d'amour (102), un laquais, un nécessaire (L), un verre d'eau, un bain intérieur (XLVI), etc., etc.
B. L'adjectif exprimant une qualité matérielle d'un objet ou d'un être est appliqué à un autre objet ou à un autre être. — On parle ainsi de billet doux Sorel, Bib. fr., 1664, p. 102), de soûris amer (Som., 227), de lèvres bien ourlées (Id., 47), de cheveux bien plantés (Id., LVII), de cheveux d'un blond hardi (Id., 63). Mlle de Gournay nous rapporte qu'on disait un corps confisqué pour dire atteint d'une maladie incurable (O., 597).
2° A. Le nom d'un objet ou d'un être matériel est appliqué à un
être ou à un objet spirituel. — Un des plus célèbres de ces mots,
c'est tour, emprunté suivant Sorel aux tourneurs, et qui se dit alors
de l'esprit, comme du visage ou des vers : Il a un tour admirable
------------------------------------------------------------------------
252 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
dans l'esprit (Préc. rid., sc. 9) 1. Il y en a d'autres : incongru en galanterie (Ib., sc. 4 ; Balzac avait déjà dit incongruité en architecture 2); ambigu de prude et de coquette (Ib., sc. 1) ; n'avoir que le masque de la générosité (Som., 110) ; sécheresse de conversation (Préc. rid., sc. 4); vermillon de la honte (= la pudeur, Som., 201).
B. L'adjectif exprimant une qualité matérielle est appliqué à une qualité spirituelle. — Avoir l'âme paralytique (Desmar., Vision., III, 4) ; ame roide au soucy (Som., 63) ; ris fin (Id., 211).
C. Un verbe signifiant une action matérielle est appliqué à une action spirituelle. — Je citerai : parer l'esprit (Mme de La Fayette; cf. Roy, Sorel, 288) ; travestir sa pensée (Som., 227), renchérir sur le ridicule, le sérieux, etc. (Roy, Sorel, 301, n. 1), avoir les gouttes à l'esprit (Som.., LIV), chastier sa poésie (Id., 201), baiser les mains au succès (Roy, Sorel, 152) 3. — Quelques-uns appliquent inversement une expression concernant les choses spirituelles aux choses matérielles : Ne soyez donc point inexorable à ce fauteuil qui vous tend les bras (Préc. rid., sc. 9).
Toutes ces expressions avaient des origines diverses. D'abord, malgré le mépris qu'on affectait du pédantisme et des pédants, un certain nombre étaient reprises directement ou indirectement aux Anciens : le conseiller des bonnes grâces (Préc. rid., sc. 6, cf. Mart., Ep., IX, 12); les inclémences de la saison pluvieuse (Préc. rid., sc. 5, cf. Justin, IX, 3) ; c'est d'après Cicéron que le papier devient l'effronté qui ne rougit point (Som., LIII) ; que l'histoire est nommée le témoin des temps. Marquer de noir une journée était dans Horace, longtemps avant que Balzac le reprît (I, 714). C'est dans Philostrate que le P. Le Moyne avait trouvé que les yeux étaient les hôtelleries de la beauté (Roy, Sorel, 318).
Il se trouvait d'autre part que, dans ce langage si choisi, se glissaient des expressions toutes populaires, mais, il faut le dire, elles étaient en petit nombre. Si on écarte ardent pour chandelle, qui sent l'argot, et que Somaize, s'il l'a trouvé réellement, a dû prendre de
1. Sorel dit en 1671 : « Les mots de Tour d'Esprit et d'Esprit bien tourné sont assez approuvez par l'usage. C'est une Metaphore prise de ceux qui tournent le bois, l'ebeyne et l'ivoire » (Conn. desb. liv., 386). En 1654,11 prétendait que les Académiciens se reconnaissaient à certains mots nouveaux dont avoir l'esprit bien tourné, donner un certain tour aux choses (Disc, sur l'A. fr.). Cf. Almahide, III, 1674 et V, 1518.
2. Il n'y a pas une pierre qui soif en sa place, pas un endroit où il n'y ait une incongruité en architecture, I, 561 (Let. à M. de Zuylichem, 25 janv. 1640).
3. Sorel applique cet hispanisme à la musique.
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 253
quelque pecque qui imitait les illustres, il ne reste guère dans son Dictionnaire qu'une ou deux phrases comme celle-ci : mitonner les plaisirs (Som., I, 110). Ce qui est vrai, et Sorel l'a déjà remarqué, c'est que les périphrases des élégants ressemblaient souvent aux quolibets populaires. Ainsi, on ne sait trop si une nymphe potagère (une servante de cuisine) appartient à l'une ou l'autre classe (Roy, o. c, 323).
Quelques images, malgré le discrédit de la mythologie, sont empruntées à la fable : les bras de Vulcan (= les chenets, Som., XLV) ; une dedalle (= un peigne, Id., LIII).
La médecine en a donné aussi. Somaize a rapporté faire l'anatomie d'un coeur. En voici d'autres analogues : c'est une pierre d'achoppement et une taye et glaucome d'aveuglement, voire une grande stupidité, de chercher des raisons... ès choses de la foy (Att. sur le corps de J.-C, 1649, V. H. L., III, 15) ; les plus judi cieux qui fondent (lire : sondent) toutes les considérations qui peuvent eschoir sur ce sujet avec le dioptre de la raison (Ib., 14).
On a de même puisé dans la philosophie naturelle et morale : avoir la forme enfoncée dans la matière (Som., XLII, cf. Préc. rid., se. 5), le troisième élément tombe (Id., LIII), les antipodes d'un logis (Balz., II, 324), rendre son sensible spirituel (Som., XLVII). L'Almahide de Scudéry parle de coeurs d'abeste (amiante), de hithume et de naphte, qui prennent si aisément feu (V, 1496), de personne evaporée (Ib., 917).
Mais, bien entendu, les plus nombreuses de ces figures rappellent lés objets familiers à la société qui les crée.)
Au premier rang, figurent les termes de guerre, dont les " cavaliers » ont eu de tout temps l'habitude d'entretenir leurs « belles guerrières ». Les vrais hommes de guerre, les faux surtout, ont alors envahi les salons. Dès le début du siècle, c'est une habileté que de parfumer ses poulets de l'odeur des mousquetades. Les « Marguerites françoises », qui donnent un « Thresor du bien dire », n'ont eu garde de négliger cette élégance : même ceux qui ne « faisoient que faire marcher leurs actions soubs l'estendart de chasteté, et ne combattoyent en la guerre amoureuse, que sous la charge de modestie » (78) « prenoient les armes de la necessité pour combatre cest infini nombre de regrets qui les assailloient pour l'absence de leurs belles » (Ib., 7 et 8) ; ce n'étaient qu'assauts, défenses, victoires, gens qui rendoient les armes, et perdoient leur franchise.
------------------------------------------------------------------------
254 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
C'est que les dames élèvent devant elles le rempart de leur chasteté (Chasteté violée, f° 42 A). On se lance une artillerie d'oeillades (Bouq. de la Feint., 61). Et voici comment les lecteurs du Courtisan parfait (1640, 167) apprenaient à tourner une plainte : « Les Escopettes de vostre beauté bruslent assez le propoint de mon Ame; sans que le Canon de vostre rigueur brise les os de mes pretentions. Vous avez assez fourragé le plat Pays de mon coeur, sans que; d'abondant vous y logiez le regiment du desespoir. »
Mascarille et Jodelet n'avaient donc pas à écouter longtemps aux portes pour prendre le style de leurs maîtres. Aussi ontils profité de la leçon, et le vicomte se présente comme un « brave à trois poils ». Ils se sont vus tous deux dans « l'occasion », et. dans des lieux où il faisait « fort chaud ». Mais la Cour récompense mal les « gens de service », et Mascarille veut « pendre l'épée au croc ». Evidemment les deux chercheurs d'aventures ne se souviennent plus très bien si c'est une demi-lune ou une lune qu'ils emportèrent, mais ils ont bien pris le genre, et s'ils n'étaient pas dérangés, ils sauraient assez bien « faire jouer la mine de leurs malheureuses intentions » (Des Font., Cel. et Maril., 68). Même ailleurs que devant des pecques provinciales, ils auraient du succès, puisque c'est là un des moyens sûrs de plaire. Le Dorante de Corneille en a fait la théorie (cf. p. 25-26) :
On s'introduit bien mieux à titre de vaillant :
Tout le secret ne gît qu'en un peu de grimace,
A mentir à propos, jurer de bonne grâce,
Etaler force mots qu'elles n'entendent pas,
Faire sonner Lamboy, Jean de Vert, et Galas,
Nommer quelques châteaux de qui les noms barbares
Plus ils blessent l'oreille, et plus leur semblent rares,
Avoir toujours en bouche angles, lignes, fossés,
Vedette, contrescarpe, et travaux avancés :
Sans ordre et sans raison, n'importe, on les étonne ;
On leur fait admirer les bayes qu'on leur donne,
Et tel, à la faveur d'un semblable débit,
Passe pour homme illustre, et se met en crédit.
(Corn., Le Ment., a. I, sc. 6.)
A dire vrai, il y a dans les textes peu d'expressions de cette catégorie, dont on ne pût trouver un exemple antérieur. Mais beaucoup n'ont jamais eu pareille vogue :
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 285
rendre les armes : ma raison va — (Mayn., 1646, 36) ; Leur haine à nos douleurs auroit — (Corn., Rod., 1100); arsenal : mes yeux étoientl'— d'amour (Sorel, Francion, éd. Colombey, 63); assaut: Ce n'est qu'en ces— qu'éclate la vertu (Corn., Pol., 167) ; brèche : S'il fait la moindre —à la foi conjugale (Corn., Illus., 1433) ; conquête : De voir sous les lauriers qui vous couvrent la tête, Un si grand conquérant estre encor ma — (Id., Nicom., 4) ; retranchement : la chaise est un merveilleux — contre les insultes de la boue (Mol., Préc. rid., sc. 9) ; arborer des broderies. 1 ; ne faire que blanchir : J'ay envoyé complimenter M. de Rochefort. Cela n'a — ; à nôtre tour, nous lui tiendrons rigueur (Scarr., Dern. OEuv., I, 52; cf. Virg., II, 282); leurs pleurs ne — (Loret, 9 août 1653, etc) 2 ; donner dans : — le vray de la chose (Mol., Préc. rid., sc. 4) ; au lieu de — le dous et dans le majestueus où ils visent (Let. de Phyll., II, 198) 3 ; faire bannière d'une chose, « métaphore commune à la Cour pour : s'en orner et s'en glorifier » (de Gourn., 0., 597, Adv., 385) ; de but en blanc : en venir — à l'union conjugale (Mol., Préc. rid., sc. 4) ; j'estois le but et le blanc des traicts du malheur (Secret, de la Cour, 400) ; Le but et le blanc de mes pensées estoit de faire naistre une occasion plausible, pour conduire à chef mon dessein ; et sur tout j'avois la mire à bien prendre mon temps (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 239).
Ce vocabulaire se retrouve jusque chez Corneille : Un damnable escadron de sentiments honteux (VIII, 500, Imit., 4935) ; Mon génie au théâtre a voulu m'attacher ; Il en a fait mon fort, il sait m'y retrancher (X, 177, Po. div., 32) ; Et cet heureux hymen, qui les charmoit si fort, Devient souvent pour eux un fourrier de la mort (II, 144, Suiv., 348); Dis que sans cet hymen ta puissance t'échappe, Qu'un vieil amour des rois la détruit et la sape (VI, 34, Perthar., .360).
On sait quelle fut alors la fréquence des duels, qui amena Richelieu à prendre et à appliquer des mesures rigoureuses. Tous les termes de l'escrime à peu près ont été transportés à l'amour, je ne puis les suivre ici dans leurs sens réalistes 4. L'assaut n'est quelque
1. Mlle de Gournay croit l'expression nouvelle (O., 597, Adv., 385). Littré en cite des exemples anciens. Cf. Espad. sat., 11 : arboriser des panaches. L'expression arborer des lauriers a été discutée dans Corneille (Voir Sent. de l'A., Corn., XII, 490. Mén., O., 1675, 473 et Alemand, G. civ., 150-154).
2. Sorel a expliqué l'expression (Conn. des b. liv., 1671, 412, cf. Roy, Sorel, 292).
3. L'expression devient très commune, et elle est reçue par les théoriciens, non seulement par Sorel, mais par Bouhours.
4. Je renvoie au Cabinet satirique (88-9). Une métaphore y est filée trois strophes durant ; cf. 115, 170, etc. Voir aussi Régnier, Macette, et Sat. XVI.
------------------------------------------------------------------------
256 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
fois donné qu'à l'insensibilité de la belle, et cela prête déjà à de belles figures : « Quoi, s'écrie Mascarille, toutes deux contre mon coeur, en même temps ? M'attaquer à droite et à gauche ! Ah ! c'est contre le droit des gens, la partie n'est pas égale, et, je m'en vais crier au meurtre » (Préc. rid., sc. 9). On s'escrime de tout. Malherbe accusait déjà du Bellay de s'être fort escrimé du mot ores (IV, 463) ; d'autres s'escriment maintenant du style pointu (Berg. extrav., Rem. sur le IXe L, III, 311), les amants de Cathos et de Madelon s'escriment de vers (Préc. rid., sc. 9). Et ces dames se mettent sur leur garde meurtrière (ib.), il faut bien « garder ses mesures 1 ».
Un homme d'épée se passionne presque obligatoirement pour les chevaux, et par suite emprunte les images aux termes techniques du manège. Bride, frein, dix autres, entraient depuis longtemps dans des expressions métaphoriques 2, mais je ne sais si on trouverait avant notre époque : faire perdre les estriers à ma patience (St.-Am., II, 454), ni le terme de ramingue (rétif) appliqué à une personne (Almah., I, 604); ces images me paraissent du temps où l'éloquence du barreau pouvait être appelée « une milice de robe longue » (Disc, à Bary par Legrand, dans la Rhétorique de Bary).
L'histoire du mot cavalier à elle seule est instructive 3. Ce n'est plus le Cid seulement qui est un cavalier, mais Polyeucte et Néarque (Abregé du mart. de Pol., Corn., III, 476), et bientôt la tyrannie de la mode décidera Corneille à substituer partout cavalier à chevalier 4. On ne s'étonne plus si l'un des galants des Précieuses déclare: Tout ce que je fais a l'air cavalier (sc. 9). La danse, comme l'équipage d'un homme, devra être cavalière, puisque cavalier veut dire " aisé, libre, galand, honnête, noble, qui n'est point assujetti aux règles » (Richelet). Les vers aussi ont la mine cavalière (Loret, Muse hist,, 20 sept. 1664), c'est à ce prix qu'ils sentent leur monde. Molière avait beau se moquer, il n'importe, tout est à la cavalière. En
1. Tu vas sortir degarde et perdre les mesures (Corn., Ment., 901). On avait mis à la mode : prendre ses mesures, ne point garder de mesures (Sorel, Conn. des bons liv., 401). Cf. Merv. de Nature (XVIII : le tirage des armes) : Il faut estre en mesure pour donner, ou recevoir le coup, c'est à diré il faut planter le pied droit devant, bien ferme, et en posture asseurée mais isnelle. Estre hors de mesure, c'est quand on est ou trop advancé en danger de tomber, ou pancher et donner prise à l'ennemy, ou trop reculé, ou le pied en l'air et le corps en balance et peu affermy.
2. Voir les termes usités chez les poètes de la Pléiade dans le Lex. de MartyLaveaux, I, 399.
3. H.Estienne le discutait déjà (Dial. du fr. ital., I, 110, Liseux). Il apparaît dans le Dictionnaire de C. Oudin en 1607 et, en 1611, Cofgrave signale déjà l'emploi figuré : also a gallant, a noble or worthie fellow.
4. III, 110, 130, 178, 179.
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 257
1660, la fortune du mot ne fait que commencer, elle grandira encore « furieusement " 1.
Une des distractions favorites de ces gens de « haute volée » avait été longtemps la fauconnerie et la vénerie. Mais l'une et l'autre avaient tant fourni déjà à la langue qu'elles semblaient ne pouvoir rien donner de plus. On se rappelle le catalogue que Henri Estienne dresse fièrement de ces ornements de notre langage (Précel., éd. Hug., 117-135): rendre les abois, mettre aux abois, retourner sur ses brisées, aller sur les brisées d'autrui, prendre le change, dessiller les yeux, prend l'essor, se leurrer, être à l'affût.
Le Bouquet de la Feintise (85,) admire les amants, comparés aux chasseurs, qui savent tenir en lesse leurs passions attachées au collier de leur attente, pour les lascher à point, et il compare en une page la poursuite amoureuse à une chasse à courre (p. 86) 2.
Assurément en « se mettant en chasse » bien longtemps, et en « battant beaucoup de buissons », on trouverait pas mal de phrases dans ce goût. On emploie à de nouveaux usages des expressions anciennes : Il n'y a empeschement qui puisse mettre du plomb aux aisles d'un bon courage (Marg. fr., 224) ; le sommeil s'enfuit de mes paupières, quoy que par leur langage, en se sillant et en se desillant, elles l'appellent sans cesse (Le Secret, de la Cour, 139). Et il y a au moins une expression de métier qui semble nouvellement entrée dans le langage de la conversation galante, c'est fauxfuyant. Avant d'être employé chez Molière (Tart., V, 1 ; Fem. sav., I, 4), elle a dû avoir cours dans les cercles, elle est chez Sarasin : Je ne scay pas mesme si vous ne trouverez point encore quelque faufuyant pour cacher le dernier dereglement où Aristote tomba, lors qu'il sacrifia à la concubine de l'Eunuque Hermias (OEuv., I, 170).
Mais en réalité, dans cette société qui se concentre à Paris, et ne vit plus au milieu de la nature, l'image qui se présente spontanément
spontanément plus celle-là, on garde le matériel acquis, on ne l'augmente guère ; quand Bouhours écrira sur cette matière, il ne fera que copier Henri Estienne (Entret., 74-76).
Les jeux praticables en ville, dans les hôtels, les paumes et les mails, les jeux de cartes, d'échecs, les divertissements de
1. Voir dans le Roman bourgeois de Furetière, Bibl. elzév., 288-289, la satire des vers la cavalière.
2. Cf. : Ses blonds cheveux estoient les rets où toutes les plus belles libertés venoient se rendre captives (Vivante Filonie, 1605, f° 3 et suiv.).
Histoire de la Langue française. III 17
------------------------------------------------------------------------
258 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
salon, voilà la source où un esprit ingénieux trouve de temps en temps l'image destinée à sortir du vocabulaire technique.
Cathos et Madelon parlent de faire pic, repic et capot, tout ce qu'il y a de plus galant dans Paris (Préc, rid., sc. 9) ; le Berger extravagant se vantait de donner eschec et mat à tous les amants de l'Europe (I, 51). Bary écrit: mon Supplice seroit bien moins Cruel qu'il n'est, si mon Corps estoit le seul Tablier de la Guerre qu'on me livre (Rhet. fr., 295). Il y a plus ridicule que cela. Un théologien ne parle-t-il pas de. personnes qui sont pires que diables, et qui se jouent à la plotte de l'immortalité de l'âme (Effr. pact., V. H. L., IX, 306, 1623). Donner son reste 1, être en passe 2 devaient faire fortune.
On organise aussi des parties. Les amoureux donnent aux dames des cadeaux3; c'est-à-dire des fêtes galantes, ce qui est une obligation, si l'on veut se mettre sur le pied d'amant 4.
Une des principales élégances de ces gens qui n'avaient rien à faire, était de se poser en connaisseurs de tout. Mais les arts plastiques, et en particulier la peinture ne paraissent pas avoir eu la vogue parmi eux. Les images empruntées au vocabulaire des arts du dessin ne sont pas fréquentes : Il prit une plume pour crayonner sur l'innocence du papier la cruauté de son ame (Espines d'amour, 1604, p. 98). Votre sexe sait colorer une infidélité et representer sur la toile de la trahison une conscience nette (Portrait de la Vraye amante, p. 20).
Dans les fêtes, c'est la musique qui joue avec la littérature le rôle principal. Aussi c'est de musique que se piquent surtout Cathos et Madelon. Notons toutefois qu'il y a des expressions empruntées au vocabulaire musical qui appartiennent au burlesque, telles chanter sa gamme. En revanche d'autres sont en pleine faveur, comme prélude, qui vadonner préluder. Deux me paraissent avoir com1.
com1. son reste, c'est ce qu'on doit pour les cartes qui restent en main : « Lorsqu'il vous reste dix cartes en mains, vous payez vingt jettons, à onze, vingt deux, à douze, vingt-quatre. » (Mais, académique des Jeux, p. 30.) Cf. Mal. imag., II, 6.
2. Nous ne sommes pas encore connus, mais nous sommes en passe de l'être (Préc. rid., sc. 9). Au mail, au billard, un homme était en passe, quand sa bille était assez proche de la passe ou petit arc de fer, pour pouvoir la traverser du premier coup (Voir Sorel, Nouv. lang.fr. dans Conn. des b. liv., 1671, 408: cf. Almahide, III, 1478).
— 3. C'est proprement le trait de plume que les maîtres à écrire font autour des
exemples. Puis c'est un repas, une fête : Une marquise de la Place Royale donnoit un
cadeau aux dames de son quartier, où les marys et les galands n'étoient point reçus
(d'Ouville, Contes, II, 57). Vous trouverez un badaut... qui constituera sa souveraine
galanterie à donner des cadeaux à Saint Clou (Sarasin, I, 484).
4. Cf. Sorel, Conn. des bons liv., 1671,403, 404, 372. Il me semble que le grand développement de cette expression est postérieur à notre époque.
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 259
mencé alors à se répandre, d'abord pousser 1, dont Molière s'est moqué, ensuite à la sourdine 2, dont il n'a rien dit, sans doute parce que cette phrase n'appartenait guère qu'au style comique. C'était une nouveauté, ce n'était pas un mot à la mode.
Je ne pousserai pas plus loin cette revue. A dire vrai, le reste des expressions qu'on pourrait cataloguer n'est point aisé à classer, tout y fournit, les choses et les personnes, les êtres de chair et les êtres d'imagination.
La coiffure à la cadenette 3, le vert Céladon 4 sont le type des expressions faites sur des noms propres. Il y en a beaucoup d'autres. A l'époque de Louis XIII, Guéridon a un tel succès que son nom, qui prête au refrain : don, don, don, daine, devient synonyme de chanson et de vaudeville, en même temps qu'il sert à désigner un meuble 5. Peronnelle, sans avoir cette vogue, est aussi très répandu, autour de 1650 6. Chez les Précieux, un homme enjoué est un Hamilcar 7. Madelon, à la vue d'un ruban, s'écrie : « c'est Perdrigeon tout pur » (Préc, sc. 9). Nous savons par Scarron qu'on disait aussi : « Ah! ma chère, Bastonneau tout pur 8. »
1. «Il faut qu'un amant, pour être agréable, sache débiter les beaux sentiments, pousser le doux, le fendre et le passionné » (Mol., Préc. rid., sc. 4). L'expression est partout :pousser des soupirs (Corn., III, 283, Hor., v. 9). Elle est prise à la musique : Après les avoir veus (les martyrs) d'un visage serain Pousser des chants aux cieux dans des taureaux d'airain (Rotrou, S. Gen., III, 5); des flûtes, des hautbois Qui tour à tour dans l'air poussoient des harmonies (Corn., IV, 155, Ment., 269). Comparez les railleries de Scarron : Mon chien de destin m'emmeine dans un mois aux Indes Occidentales, ou plûtost j'y suis poussé par une sorte de gens fâcheux, qui se sont depuis peu élevez dans Paris, et qui se font appeller pousseurs de beaux sentimens. On ne demande plus parmy eux si on est honeste homme, on demande si on pousse les beaux sentimens. Quantité de personnes de bon sens entreprendroient de les pousser ; mais on leur a dit que les plus pointus d'entre eux se vantent d'estre approuvez d'une grande Princesse... et qu'ils sont assez vains pour s'autoriser de son nom à chaque beau sentiment qu'ils poussent ; ce qui empêche, sans doute, qu'il ne se forme un party contre eux (Dern. OEuv., I, p. 9-10).
2. A la sourdine est déjà dans Nicot. On le retrouve dans St.-Amant, II, 414, et dans Scarron (Virg., I, 122).
On pourrait ajouter la chromatique, dont il est question dans les Précieuses. L'expression est dans Almahide, V, 1307.
3. Du sr de Cadenet (époque de Louis XIII) : Et si le vent n'eut fait voler Ses cadenelles parmy l'air (Rich., Ov. bouf., 488) ; cf. St.-Amant, I, 174, Brébeuf, 1658, p. 266, etc.
4. « Puisque l'on dit bien des jarretières de Céladon et des roses à la Parthenice " (Sorel, Franc, éd. Colombey, 196). Inutile de rappeler que Céladon est un personnage de l'Astrée.
5. Voir Conf. d'Antitus Panurge et Gueridon, V. H. L., VIII, 279, note 1.
6. Depuis le chat de Peronnelle Jusqu'au chien de Jean de Nivelle (D'Ass., Ov. en b. hum., 11) ; cf. : Jusqu'au chasteau des Peronelles (au château de Peronne, (Sarazin, I, 295) ; N'as-tu point veu la Péronnelle (Richer, Ov. bouf., 269); Qui me chantez la peronnelle (Id., ib., 468) ; la Perronelle Luy dit : Vous me la baillez belle (Scarr., Virg. II, 167). H. D. T. cite Mol., Fem. Savantes.
7. « Je vois bien que c'est un Amilcar » (Mol., Préc. rid., 9). S. Let. à Marigny, 8 mai 1659, Dern. oeuv., I, 54.
------------------------------------------------------------------------
260 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Il me reste à ajouter que quelques-unes des expressions nouvelles sont passées dans la langue classique du XVIIe siècle. On en trouvera quantité dans Molière : pousser les choses assez loin (Ec. des Maris, I, 4); têtes éventées (Éc des femmes, III, 3); s'attacher furieusement (Tartufe, préf.); donner dans le marquis (Avare, I, 4); témoigner les dernières tendresses (Misanthr., I, 1); traiter du même air (Ib.), etc. Et beaucoup sont conservées dans notre usage : tour d'esprit, beau monde, grand air, etc. On a pu noter au passage un certain nombre de ces nouveautés.
Ce fut Cyrano de Bergerac qui, reprenant la manière de Sorel, parodia le premier le baragouin à la mode. Il avait commencé dans les Lettres 1, il continue dans le Pédant joué. Granger cultive l'antithèse chère à Maynard : amis ennemis de l'esclave liberté des hommes. Devant sa pitoyable inhumaine, il réclame la santé mortelle d'une aigre douce maladie, qu'on rendroit incurable, si on la guerissoit (Ped. j., a. III, sc. 2) ; il affecte le ton du cavalier : Je voy déjà la sentinelle avancée de vostre bonté paroistre entre les cresneaux et sur la platte-forme de vos graces, qui crie à mes soupirs : Qui va la ? (Ibid.) Ce n'est pas seulement Chasteaufort qui transporte en tout le langage de l'escrime (II, 2), c'est Granger aussi qui se plaint que la prude plastronne sa virginité contre les estocades de ses perfections (I, 3). Toute la scène 9 de l'acte II n'est qu'une suite de coq-àl'âne sur la métaphore si usuelle des feux de l'amour. Tout cela est outré, bouffon, mais l'intention en est claire. Au style ordinaire des pédants, Granger mêle autre chose, que Molière et Somaize auront le mérite de démêler. Et alors commencera une campagne en faveur du goût. A divers symptômes, on voit que ce temps est proche. Chevreau examine les images de Malherbe à la loupe : fertile de peines, sterile d'hommes ne sont que des locutions mal construites, la figure peut passer (Rem. s. M., 64-65) ; mais le critique ne tolère point nud d'espée et de courage (40) ; et des phrases comme : la réputation de quelqu'un est malade, la santé de vos affaires (51), la main de cet esprit farouche, sorti des Ombres d'Enfer (57), dissoudre un Empire (73) sont tour à tour notées et critiquées.
Si on regarde de près cet opuscule, on y trouve des exigences bien intéressantes. Il n'est pas jusqu'à la vieille comparaison
1. « La province où j'ai eu l'honneur de vous voir est devenue une seconde île flottante que le vent de mes soupirs pousse et fait reculer devant moi. » « Vous tirez des larmes de mon coeur pour le rendre plus combustible, ayant osté l'eau d'une maison où vous vouliez mettre le feu » (Cf. Brun, Savinien de Cyrano Bergerac, 101).
------------------------------------------------------------------------
EXPRESSIONS ET FIGURES 261
d'un orgueil brisé comme verre qui ne soit examinée. Chevreau n'est pas sûr qu'elle soit juste, et, le serait-elle, elle est banale. Ce n'est pas à dire que pour échapper à cette banalité un auteur puisse rien hasarder. L'exemple des anciens ne suffit pas. Laissons-leur leur nuit aveugle, leur fleur du feu, leurs vents qui frizent la Mer. Disons les fentes d'un Navire, non ses plaies; chaque langue a ses phrases propres et naturelles (49-51). Apprenons surtout, quand un mot est mis par image pour un autre, à ne pas lui rapporter d'autres mots qui conviennent à cet autre. Balzac en avait déjà averti Maynard. Le soleil est un flambeau, bien. Ne pas dire: « Le grand flambeau qui l'embellit Fera sa tombe de son lit. » Malherbe a écrit, parlant aussi du soleil : Et ton alleure vagabonde... N'ayant aucune connoissance Na point aussi d'affection. Une alleure qui a de l'affection est ce qu'on appelle du galimatias (58-60) 4. Corneille luimême pouvait faire son profit de l'avertissement.
1. Il ne s'agissait pas d'ôter au style classique l'image qui lui est la plus familière, et lui tient lieu des autres, savoir la substitution de l'abstrait au concret, mais on n'allait plus permettre que l'esprit fût ballotté tout le temps entre le mot abstrait et celui qu'il remplaçait.
------------------------------------------------------------------------
APPENDICE AU LIVRE II
DICTIONNAIRES PUBLIÉS DE 1600 A 1660
1re SÉRIE. Français — Langues mortes.
Dictionaire françois-latin augmenté... recueilli des observations de plusieurs hommes doctes, entre autres de M. NICOT. Paris, J. du Puys, 1573, f° (Ec. Norm. ; Fac. Lett. ; Bib. Brunot, etc.).
— Ibid., 1584, f° (Institut; B.N., X, 595).
— S. 1., 1593.
Le grand dictionaire françois-latin, revu par BAUDOIN. Lyon, Morillon, 1607, 4° (Lyon, B. mun.).
— Ibid., 1608.
— Rouen, P. L'Oyselet, 1609, 4° (Maz, 10170 A).
— Lyon, Morillon, 1613.
— revu par Guill. Poille. Paris, Cottereau, 1614, 4° (Nantes).
— Paris, Nie. Buon, 1614, 4° (B. N., Inv., X, 2451 ; Arras).
— Paris, Gesselin, 1614, f° (Le Mans, Tours).
— Paris, F. Gueffier, 1614 (Bib. Vaganay, Lyon),
— revu par P. DE BROSSES. A Cologny, par Alex. Pernet, 1614, 8° (Bib. Beaulieux).
— Rouen, Nie. Le Prévost, 1618, 4° (Bib. Brunot).
— Rouen, L'Allemant, 1618 (B. N., X, 2452; B. U., LP, f, 11, 4°).
— Paris, Buon et Chapelet, 1618 (Nantes ; B. N., X, 2453).
— Paris, Cramoisy, 1618, 4° (B. N.).
— Paris, F. Gueffier, 1618 (Amiens).
— revu par P. DE BROSSES. Yverdon, 1621, 2 part, en 1 vol. 8°.
— Rouen, L'Allemant, 1625, 4° (B. N., X, 2454 ; Bib. Brunot).
— — Jacq. de Beauvais, 3 625, 8° (Chateauroux).
— revu par P. DE BROSSES. Lyon, Larjot, 1625, 8° (B. N., X, 14080).
— Rouen, J. Osmont, 1628 (B. N., X, 2455; Sainte-Gen., X, 307) 1. NICOT, Thresor de la langue francoyse Paris, David Douceur, 1606, f°. 2
— David Douceur, 1621, f° (Maz., 113 H 2). (Même édition rafraîchie).
MOXET (Le P.). Invantaire des deus langues françoise et latine. Lyon, veuve Rigaud, 1635, f° (B. N. Inv. Rés., X, 251; Ars., BL, 632B).
— Lyon, Cl. Obert, 1636, f° (B. N. Inv., X, 597; Ars., BL, 632A).
— Lyon, Ant. Pillehotte, 1636, f" (Bib. Brunot).
— Abrégé du précédent, 1637 (B. N., X, 1383, 4°).
— Abrégé du parallèle des langues françoise et latine. Lyon, Rigaud, 1620, 8° (Bib. Brunot).
— Lyon, veuve J. Abel, 1624.
— 4e édition. Paris, Mathurin Hénault, 1630, 4° (Paris, B. U., LP, I, 43, 4°).
1. Beaucoup de ces dictionnaires sont accompagnés d'un Compendinm gallicae grammatices et d'un Essay des proverbes.
2. Je néglige les réimpressions du Dictionarium puerorum de Robert Estienne, de Tuscanella, etc. (Cf. Beaulieux, o. c, 385, 397).
------------------------------------------------------------------------
APPENDICE AU LIVRE II 263
— Lyon, L. Muguet, 1630, 4° (B. N. Inv., X, 2553).
— Paris, M. Henault, 5° éd., 1635, 4° (B. N. Inv., X, 2554).
— Rouen, Rom. de Beauvais, 1637 (B. N. Inv., X, 2555; Sainte-Gen., 4°, X, 3882).
— Genève, Est. Gamonet, 1635, 4° (B. N. Inv. X, 5132).
— Rouen, Jean Le Boulanger, 1638, 4° (B. N. Inv., X, 5133).
— Parallele des langues françoise et latine. Lyon, Guil. Valfray, 1636, 4° (identique à l'Abrégé du parallèle. Lyon, Guil. Valfray, 1636, 4° (Bib. Brunot).
— Ibid., 1641 (Bib. Beaulieux).
— Ibid., 1642, 4° (Ars., BL, 632, 4°).
— Nouveau et dernier dictionnaire des langues françoise et latine. Paris, Le Bau, 1645, 4°.
MOREL (Éd.). Dictionariolum latino-graeco-gallicum, avec les mots fr. selon l'ordre des Lettres. Rouen, L. du Castel, 1658, 8° (Bib. Brunot).
— Rouen, 1664, 8°.
— Rouen, Clem. Malassis, 1667, 8° (Bib. Brunot).
— Rouen, Pierre Amiot, 1673, 8°. (Paris, B. U.).
— Dictionarium triglotton latino-graeco-gallicum, in duas partes divisum, avec le Petit Thresor des mots françois. Leodii apud Joannem Mathiam Hovium, 1675, 8 (Bib. Beaulieux).
— Trilingue dictionarium latinum, graecum et gallicum avec un Brief recueil des dictions françoises. A Lyon chez Delajat, 1701, 8° (Bib. Beaulieux).
MOREL (Guillaume). Thesaurus vocum omnium latinarum... quibus Graecae et Latinae respondent. Lyon, 1573, 4° (Nice).
— Lyon, Barth. Honoré, 1586, 4° (Bib. Brunot). (Voir les réimpressions du XVIe siècle dans Beaulieux, o. e., 393).
— Genève, de la Rovière, 1603, 4e (Le Mans); 1608, (B. N., X, 2105); 1612 (Nantes) 1615, 8°, (Amiens, Bayeux, Béziers, Sens).
— Ebroduni, ex typis Caldorianae societatis, 1620, 4° (Bib. Beaulieux).
— Ibid., 1621, 4°.
— Paris, Morelius, ou Mestais, ou Pigoreau, ou E. Foucault, 1622, 4° (B. N., X, 2106 Sainte-Gen., 4°, X, 3693 ; Angers).
— revu par R. D. S. Aubert. Lyon, Ant. Chard, 1624 (Bib. Brunot).
— Rothomagi, 1647, 8°.
— 1656 (Nantes).
Thesaurus novus Jacob Besongne. Rouen, 1666, 8° (Bib. Brunot).
MAGNES. Novilius seu dictionarium latino-gallicum. Paris, 1621, 2 vol. 4° (Maz., 10156
A. B.). COMENIUS (J. A.). Vestibulum linguae latinae, et dictionarium vestibulare cum interpretatione
interpretatione Regiomonti, 1644, 8° (Sainte-Gen., 8°, X, 510).
— Lutetiae, 1664 (Sainte-Gen., 8°, X, 293; Maz., 20213).
PAJOT (Le P.). Dictionnaire nouveau françois-latin... enrichi de plusieurs façons de parler communes et ordinaires qui ne se trouvent point aux autres... Dern. éd.: La Flèche, 1643, 8°. Ni le P. Sommervogel ni moi n'avons trouvé la 1re édition.
— La Flèche, Griveau, 1644 (Maz., 10171 ; B. N., X, 2556).
— 1647 (B. N., Rés., X, 942).
— Rouen, 1653, 4° (Ars., B L, X, 1384).
— Lyon, N. Gay, 1655, 8° (B. N., X, 14070).
— La Flèche, 1659, 4° (Ars., B L, 458 terA).
— Ibid., 1663 (B. N., X, 2557).
— Lyon, 1666 (Maz., 20211 ; B. N., X, 14071).
— Rouen, pour la Société, 1666, 8° (Bib. Brunot).
— Paris, J. d'Houry, 1669, 8° (B. N., X, 14072).
— Lyon, 1673 (B. N., X, 2558).
PAJOT (Le P.). Dictionarium novum lat.-gall.-graecum, Flexiae apud G. Griveau, 1645, 4° (B. N., X, 2193; Maz., 10084D).
------------------------------------------------------------------------
264 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
— Ibid., 1648 (B. N., X, 2194).
— Ibid., 1658 (B. N., X, 2195).
— Rothomagi apud Societatem, 1658 (B. N., X, 2196).
— Lyon, imp. de Guillimin, 1664 (B. N., X, 9117).
— Rothomagi apud J. de Manneville, 1666, 4° (B. N., X, 2197).
— Rothomagi apud Jo. Viret, 1666, 4° (B. N., X, 2198).
— Rothomagi apud Cl. Malassis, 1671, 4° (B. N., X, 2199).
— Flexiae, G. Griveau, 1684, 4° (B. N., X, 2200).
DELBRUN (Le P.). Le grand apparat françois, 1657. Tolosae, 12°.
— Paris, 1669, 4° (Ars., BL, 866bis A, 4°).
2e SÉRIE. Français — Langues vivantes. A. Français-espagnol.
OUDIN (César). Thresor des deux langues françoise et espagnolle. Paris, Marc Orry, 8°(B.N., X, 2694; Maz., 10201A).
— 2e éd. Paris, veuve Marc Orry, 1616, 8° (B. N., X, 2695).
— Paris, A. Tiffaine, 1621, 4° (B. N., Rés.,X, 949 ; Ars., B L, 911A, 4° ; B. U., L P, ee. 28, 4°).
— Bruxelles, 1625, 4° (Ars., B L, 911B, 4°).
— Augmenté par Antoine Oudin. Paris, A. de Sommaville et A. Courbé, 1645, 4° (B.N.,X, 2698).
— Paris, Jean Dupuis, 1660, 2 vol. 4° (B. N., X, 2682-2683).
— Bruxelles, 1660, 4° (B. N., X, 2697 ; Ars., B L, 911, 4°).
— Paris, 1661, 4° (Ars., B L, 911 bis, 4°).
— Lyon, Bourlier et Aubin, 1675, 2 vol. 8° (Ars., B L, 911 ter, 8°).
— Thresor des trois langues espagnole, françoise et italienne. Cologny, Jaques Crespin, 3 part, en 1 vol. 4°, 1627 (B. U., L P, ee, 29, 4° ; Sainte-Gen., 4°, X, 404).
— Genève, pour Jean, Antoine et Samuel de Tournes, 3 part, en 1 vol., 1671 (B. U., L P, ee, 32, 4° ; Sainte-Gen., 4°, X, 405).
— Le grand dictionaire et tresor des trois langues, françois, flameng et espaignol. Anvers, 1639, 4° (Maz., 10201E).
VICTOR (Hierosme). Thresor... des trois langues, françoise, italienne et espagnole... Genève, S. Crespin, 1606, 8° (Bib. Brunot).
— Cologny, 1606, 4° (Ars., B L, 911 ter, 4°).
— Genève, Ph. Albert, 1609, 4° (Ars., BL, 911 quater, 4° ; Bib. Brunot ; B. N., X, 2685).
— Anvers, Lectin, 1614, 8° (Bib. Brunot).
— Genève, J. Crespin, 1627, 8° (B. N., X, 2686).
— Genève, J. Crespin, 1637, 8° (B. N., X, 2690 ; Bib. Brunot).
— Ibid., 1644 (B. N., X, 2691 ; B. U., L P, ee. 31, 4° ; Bib. Brunot).
— Cologny, A. et S. de Tournes, 1671 (B. N., X, 2692). Genève, mêmes libraires, 1671 (B. N., X, 2693).
B. Français-italien.
CANAL. Dictionnaire françois et italien. Genève, Chouet, 1598, 8° (Sainte- Gen., X, 452, 8°).
— Paris, Denys Langlois, 1603, 8° ; et Genève, Chouet, même date (Ars.,B L, 606 A, 8°; B. N., X, 9663).
— Paris, 1611, 8° (Ars., B L, 606B, 8°;B. N., X, 14171-2).
— Cologny, Chouet, 1614, 12° (Épernay).
— F. VENUTI (nom inscrit seulement sur la partie italienne-française. Sur le titre C. P. G. d. M.). Dictionaire françois-italien et italien-françois, dern. éd., Genève, P. et J. Chouet, 1626, 8° (B. N., X, 14173; Bib. Brunot).
------------------------------------------------------------------------
APPENDICE AU LIVRE II 265
— Dern. éd., ibid., 1634, 8° (Bib. Brunot).
— Ibid., 1635 (B. N., X, 14174).
— Ibid., Jac. Stoer, 1638 (Ars., B L, 543A, 8°; B. N., X, 14175 ; Bib. Brunot).
— Genève, P. et J. Chouet, 1644 (B. N., X, 14176 ; B. U. ; Bib. Brunot).
— Samuel Chouet, 1649 (B. N., X, 14178; Ars., B L, 543B, 8°).
— Genève, Pierre Chouet, 1650 (Nantes).
A. OUDIN. Recherches italiennes et françoises. Paris, A. de Sommaville, 1640, 4° (B. N., X, 2316; Ars., B L, 543, 4° etc.).
— Ibid., 1643, 4° (B. N., X, 2317; Ars., B L, 543 bis, etc.).
— Seconde partie des recherches italiennes et françoises. Paris, A. de Sommaville, 1642, 4° (mêmes Bibliothèques).
— Recherches..., 2e éd., Paris, A. de Sommaville, 1653, 4° (B. N., X, 2318).
— Ibid., 1655, 4° (B. N., X, 2319 ; B. U.).
— Seconde partie.... Paris, A. de Sommaville, 1662, 4° (B. U.).
— Dictionnaire italien et françois, contenant les recherches de tous les mots italiens, expliquez en françois avec plusieurs Proverbes... Reveu par L. Ferretti. Paris, A. de Sommaville, 1663, 2 part. en 1 vol. 4° (B. N., X, 2330 ; B. U., L P, ei, 18, 4°; Sainte-Gen., 4°, X, 4194; Ars., B L, 543ter, 4°).
C. Français-allemand.
HULSIUS (L.). Dictionnaire françois-alemand et alemand-françois... avec une briefveinstruction en forme de grammaire... Noribergae, 1596 (Sainte-Gen., 4°, X, 4263).
— Francofurti, P. Brachfeld, 1600, 4° (d'après Draudius et Brunet).
— Noribergae, impensis auctoris, 1602, 8°(B.N., X, 14292 ; B. U., R, 144, 12°; Grenoble).
— Ibid., 1605 (Vienne, Autriche).
— Francofurti, 1607,12° (Cahors).
— 1614 (Troyes).
— 1616 (Vienne, Autrichel.
— Genève, 1621 (Halle).
— 1655 (d'après Brunet).
— Dictionnaire francois-allemand-italien, 3 part, en 1 vol., 4°, 5e éd. revue par RAVELLI. Francfort, 1616 (B. N., X, 2589 ; Ars., B L, 604 bis, 4°).
— 7e éd., Moguntiae, Nie. Heyle, 1659, 4° (B. N., X, 2324-2325).
— Dictionarium teutsch-französisch-italienisch-lateinisch, 1606, 4° (d'après Brunet).
— 1628 (d'après Brunet).
— 6e éd., Francfort, par les héritiers de l'auteur, 1631, 4° (Bib. Brunot).
— 1644 (d'après Brunet).
— Dictionnaire françois-allemand-latin, et allemand-fr.-latin avec un petit abrégé de la grammaire françoise. Genève, 1610, Jac. Stoer, 2 t. en 1 vol., 8° (Bib. Brunot).
— Ibid , 1621 (B. N., X, 14293 ; Le Mans).
— Ibid., 1628 (B. N., X, 14294).
— Genève, Chouet, 1636, 8° (B. N., X, 14291).
— Genève, P. Chouet, 1637, 8° (Bib. Brunot).
DUEZ ou DHUEZ (NATHANAEL). Dictionaire françois-alleman-latin et Alleman-françoislatin, avec un petit abbregé de grammaire françoise. Leyde, chez François de Hegher, 1642, 2 part, en 1 vol., 8° (Bib. Beaulieux).
— Amsterdam, 1644, 4° (Ars., B L., 945 ter, 4°).
— Ibid., 1647.
— Amsterdam, 1650, 8° (Maz., 20293 G).
— Leyde, 1660.
— Genève, Ant. et Sam. de Tournes, 1663, 8° (Maz. 20293).
— Genève, pour les hoirs de J. Stoer, 1663 (Reims).
------------------------------------------------------------------------
266 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
— Leyde, L. et D. Elzevier, 1664, 4° (Maz., 10170e; B. U., L P, eg, 33, 4°; SainteGen., 4°, X, 426 2, 2= partie seule).
— Amsterdam, 1671, 8° (Ars., B L., 945 quater, 8°).
D. Français-néerlandais.
MELLEMA. Dictionaire ou promptuaire françoys-flameng. Anvers, 1589, 4° (SainteGen., 4°, X, 4168).
— Rotterdam, Waesbergue, 1591, 4° (B. N., X, 2792).
— Anvers, 1592, 4° (École Normale Supre).
— Rotterdam, Waesbergue, 1596, 4° (Bordeaux; Le Havre).
— Ibid., 1602, 4° (B. N., X, 2607 ; Arras ; Vesoul).
— Ibid., 1612, 4° (B. N.).
— Dictionaire ou promptuaire flameng-françois. Anvers, 1587 (d'après Thurot).
— J. Waesberghe, 1589, 4° (Rouen).
— Anvers, 1592 ( École Norm. Supre).
— Rotterdam, 1596, 4° (Bordeaux).
— Ibid., 1602 (B. U.).
— Grand dictionnaire francois-flamen, ibid., 1618, 4° (B. U., LP, e ba, 14, 4° ; Bib. Brunot).
— Anvers, J. Waesbergue, 1630 (Nantes ; Brit. Mus.).
— Ibid., 1636, 4° (Bib. Brunot).
— Den Schat der Duytscher tale met de verklaringe in Fransois... Rotterdam, J. van Waesberghe, 1618, 4° (B. U., L P, e ba, 14, 4° ; Bib. Brunot).
— Ibid., 1622, 4° (Nantes).
— Ibid., 1636, 4°. (Maz., 10205 ; Bib. Brunot) 1.
Assv (JEAN-LOUIS D'). Le grand dictionaire françois-flamen, flamen-françois, enrichi d'une grammaire françoise 2. Rotterdam et Utrecht, 1643, 4° (B. N., X, 599; Maz. 10205n).
— Le grand dictionaire françois-neerlandais et neerland.-fr., avec la grammaire, 1651, 4° (B. N., X, 2609).
VAX DEN ENDE. Le gazophylace de la langue françoise et flamende 3. Rotterdam, Jean Naeran, 1654, 4°.
— Ibid., 1656 (Bib. Roques).
— Ibid., 1663, 4° (Ars., B L, 893, 4°). :
— Gazophilace de la langue françoise et flamende Etant le françois selon la nouvelle mode d'écrire qu'on ûs' aujourd'hui en France. Rotterdam, J. Naeran, 1669, 4° (B. N., X, 2610 ; Maz., 10205 c ; Bib. Brunot).
E. Français-anglais.
COTGRAVÉ. A Dictionarie of the French and English Tongues by Randle Cotgrave. London, Ad. Islip, 1611 (B. U., etc.).
1. Ces ouvrages forment en réalité une suite continue. Sur le frontispice de l'édition de 1636 figurent les portraits de J. du Puis, Nicot, Mellema d'une part, Meurier, Sasbout, Waesbergue de l'autre. Et le libraire dit dans sa dédicace aux Bourgmestres et Echevins : « à quoy entre autres ont heureusement travaillé M. Glaude Luiton, M. Gabriel Meurier, M. Matthieu Sasbout, Jurisconsulte, et le docte personnage M. Edouard Leon Mellema, leurs Dictionaires estans tous exhibez et imprimez tant par feu mon grand-Pere J. Waesbergue en Anvers, que par moy son Fils dans cette ville de Rotterdam » (1er avril 1636).
2. D'Arsy, suivant ses propres paroles, s'emploie à revoir et corriger ce grand Dictionaire tant de fois par cy devant imprimé (Dédicace de 1643).
3. Le nom de L. d'Arsy figure avant celui de Van den Ende, qui corrige l'oeuvre de son prédécesseur.
4. Sur les oeuvres lexicographiques de St Liens, encore réimprimées au XVIIe siècle, voir Beaulieux, o. c, et Miss Farrer, o. c.
------------------------------------------------------------------------
APPENDICE AU LIVRE II 267
— Ibid., 1632, f° (Ars., B L., 863A, 4° ; Bib. Brunot, etc.).
— Ibid., 1650, f°, printed by W[illiam] H[unt] for Richard Whitaker, suivi de SHERWOOD (Robert) Dictionaire anglois et françois pour l'utilité de tous ceux qui sont desireux des deux langues. Londres, Islip, 1650 (B. U., L P, e a, 14, f°).
— Londres, 1673, f° (B. U., L P, f, 27, f°).
— A french and english Dictionary. By JAMES HOWELL 1. Londres, W, Hunt, 1660, f° (B. N.,X., 601; Ars., B L, 1014bis, f°).
— 1673, Anthony Dalle, to be sold by Thomas Williams (B. N., X, 940 ; B. U., L P, f, 27, f°) .
MIXSHEU (John), 'H-fEU-iôv Et; xàç ■f'kwtsaa.ç... Londini, J. Browne, 1617, f° (B. N., X, 660; Ars., B L, 48, f°).
— Minshaei emendatio, vel a mendis expurgatio, seu augmentatio sui ductoris in linguas... London, J. Haviland, 1626, f° (B. N., X, 661; B. U., L P, ea, 1, f°).
F. Français-danois.
MATRAS (DANIEL), Le petit Dictionaire françois danois 2. Copenhague, S. Sartor, 1628, 12°; (B. N., Inv., X, 14495; Maz., 44136).
G. Français — langues diverses.
MAUNOIR (Le P.). Dictionnaire françois, breton armoricain. Quimper-Corentin, J. Hardouyn, 8°, 1659 (B. N., D, 5095).
Thresor des trois langues françoise, espagnole et basque. Bayonne, A. Fauvet, 164S, 8° (B. N., Rés., X, 1940).
3e SÉRIE. — Dictionnaires polyglottes.
On trouvera, pour les réimpressions successives de Calepin, les indications nécessaires dans Beaulieux, o. c, 376-377. De même pour le Kilianus auctus (A ajouter cependant diverses réimpressions du XVIIe siècle, ainsi celle de 1642, Amsterdam, Jansson, B. N., X, 15137; Sainte-Gen., 8°, X, 514). Voir le même catalogue pour Barlaimont, Decimator, etc.
Je ne citerai pas tous les ouvrages de ce genre qui existent. Voir, à titre de spé- . cimens : Dictionariolum Hexaglosson. Lipsiae, sumptibus Georgii Jacobidae Deczicani, 1602
(Bib. Brunot). NIRMUTANUS. Dictionariolum harmonicum... quorum secundus docet harmoniam
Iatinae cum gallica, tertius Iatinae cum italica, authore Chr. Nirmutano. Francofurti, 1625, 8° (B.N., X, 947). MEGISERUS. Thesaurus polyglottus vel Dictionarium multilingue, ex quadringentis
circiter linguis constans. Francof. ad Moen. sumptibus authoris, 1603, 2 t. en 1 vol.,
8° (B. N., X, 6104 ; B. U., L P, c, 95, 12°).
Dictionnaire des six langages. Rouen, 1631, 8° (Sainte-Gen., 8°, X, 312).
— Paris, Jean Prome, 1634, pet. 12° (B. U., L P, c, 10, 12°).
Il existe, dans cette catégorie, une foule de petits manuels de langage où le plus souvent aux dictionnaires est joint un recueil de dialogues. Je citerai les suivants : GOMEZ VAN TRIÈRE. Verger de colloques recreatifs utiles à toutes sortes de gens, 1605.
(Maz., 4°, C, 10204 ; Ars., B L, 20064, 4°). WOEDROEPHE. Les heures de relache d'un soldat voiageant, ou la vraie moelle de la
langue françoise. Dort, 1623, f° (Maz., 131).
1. Cf. HOWELLS. Lexicon tetraglotton an English French, Italian, Spanish Dictionary. London, Thomson, 3 part, en 1 vol., f°, 1660 (B. N. Inv., X, 37 et 38.; B. U., L P, ea, 16, f°; Bib. Brunot).
2. Il existe du même un Dictionnaire françois-allemand-italien et danois. Copenhague, 1643, 8° (Maz., 20292).
------------------------------------------------------------------------
268 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Colloques ou dialogues avec un dict. en huit langages. Anvers, Aertsens, 1630, 1 vol.
8° (Ars.). Dictionnaire et Colloques en huit langages, Ib., 1662, oblong (Bib. Brunot). Dictionnaire et Colloques françois bretons divisez en 3 parties par GUIL. QUIQUER,
1626. (Maz., 833) ; Morlaix, 1633, 12° ; Saint-Brieuc, 1640, 24°, (B. N.,1429A). Colloquia et Dictionariolum sex linguarum. Genève, Jacques Stoer, 1634 (Bib. Brunot). Dictionariolum cum colloquiis aliquot linguarum, latine, germanice, gallice et italice.
Genève, 1634 (Maz., 20386). OUDIN (César). Dialogos... escritos en lengua espanola, y traduzidos en frances...
Paris, Billaine, 1622, 8° (B. N., X, 14777). OUDIN (Ant.). Dialogues fort recreatifs, composez en espagnol & nouvellement mis
en alleman & françois. Paris, A. de Sommaville, 1650, 8° (B. N., Rés., X, 2082 ;Bib.
Beaulieux).
— (Esp., it., all., fr.) Rome, 1664, 12° (Ars.,B L, 19596, 12°).
— Venetiae, P. Baglioni, 1665, 12° (B. N., Inv., X, 14779).
COMENIUS (J. A.). Janua linguarum reserata (lat.-fr.). Parisiis apud O. de Varennes, 1642, 8° (B. N.,X, 9197).
— Amstelodami,ap. Elsevir., 1642,8° (Sainte-Gen., 8°, X, 319; Ars.,B L,115A,18°).
— Ibid., 1643. (Ars., B L, 115, 8°).
— Lugd. Batav., 1644 (Ars., B L, 115 bis, 8°).
— Tolosae, apud P. Bosc, 1645 (B. U., L P, c, 7, 12° ; Ars., B L, 115ter, 12°).
— Parisiis, O. de Varennes, 1646 (B. N., X, 7506) 2.
— Genevae, J. A. et S. de Tournes, 1663, 8° (B. N., X, 9200).
— (Lat.-allem.-fr.-ital.). Genevae, J. de Tournes, 1638, 8° (B. N., X, 9189).
— Lugd. Batav., ex offic. Elseviriorum, 1640 cum quadruplici indice a NATH. DUEZ, pet. 8° (B. U., LP, c, 6, 12°; Bib. Brunot).
— Genevae, J. de Tournes, 1643,8° (B. N., X, 9191 ;B. U., L P,l, 220, 12° ; Bib. Brunot).
— Amstelodami, ap. J. Janssonium, 1643 (Bib. Brunot).
— Lugd. Batav., ex offic. Elsevir., 1644, 12° (B. N., X, 23215 ;Bib. Brunot).
— Parisiis, ap. Olivariumde Varennes, 1646,12° (Bib. Brunot).
— Parisiis, C. Thiboust, 1659, 16° (B. N., X, 9199).
— Amstelodami, ap. J. Janssonium, 1662, 8° (B. N., X, 9190).
— Parisiis, ap. viduam J. Libert, 1669, 12° (B. N., X, 9203).
— (Lat.-allem.-fr.-ital.-esp.). Amstelodami, ap. L. & D. Elsevir., 1661, 8° (B. N., X, 9206).
— (Lat.-flam.-fr.). Amstelodami, ap. J. Janssonium, 1642, 8° (B. N., X, 9205).
— (Lat.-grec-fr.). Amstelodami, ap. L. Elzevirium, 1643, 2 part, en 1 vol., 8° (B. N., X, 9194).
— Ibid., 1649, 8° (B. N., X, 9195).
— Amstelodami, ap. D. Elzevir., 1665, 8° (B. N., X, 91961).
La série des Nomenclators continue également. Voir, outre celui de Junius, qui est joint au Thresor de Nicot :
BADER (Math.). Nomenclator latino-gallico-germanicus. Argentorati, 1614, 8° (B. N.,
X, 9237 ; Maz., 44330; Sainte-Gen., 8°, X, 296). CLAVEL. Nomenclatura italiana francese e spagnuola. Venise, 1629, 8° (Maz., 20280 c).
1. Pour les nombreuses éditions des Gemmulae de Ph. Garnier, Orléanais, professeur à Giessen, qui commencent en 1615, voir Stengel, Chronol. Vers., p. 33, n. 1. Ajoutezy une édition des Elzévirs, 1637 (Bib. Brunot).
Consulterle même ouvrage, p. 35, n. 2, sur les travaux de Daniel Martin : Colloques et Parlement nouveau.
2. Voir: J. A. Comenius. La porte d'or de la langue française, traduction entièrement nouvelle, accompagnée d'une étude sur Comenius... par C. Vernier. Autun, 1898, 12° (B. N., 8°, X, 11671). Il existe beaucoup d'autres travaux sur cet auteur.
------------------------------------------------------------------------
APPENDICE AU LIVRE II 269
DHUEZ (N.). Nova nomenclature quatuor linguarum Gallico, Germ., Ital. & Lat. idiomate conscripta. Lugd. Bat., Elsevir., 1640,12° (B. U., L P, c, 96, 12°).
— Lyon, 1652, 8° (Bib. Brunot).
M ATRAS (Dan.). Nomenclature françoise, allemande, italienne et danoise. Copenhague,
J. Moltke, 1643, 8° (B. N., Inv., X, 14333). OUDIN (Ant.). Nomenclature françoise & italienne. Paris, A. de Sommaville, 1643,
12° (B. N., X, 14220 ; Bib. Brunot). — Ibid., 1662, 8° (B. N., Rés., X, 2771).
— Nomenclature françoise & espagnole. Paris, A. de Sommaville, 1647, 12° (B. N., X, 14227; Sainte-Gen., 8°, X, 492).
4e SÉRIE. — Dictionnaires techniques.
[LANOUE (Odet de).] Le Dictionnaire des rimes françoises. Genève, chez les héritiers d'Eust. Vignon, 1596, 8° (B. N. ; Sainte-Gen. ; Ars.; Bib. Brunot, etc.).
— Le Grand Dictionaire... Genève, Matthieu Berjon, 1623, 12° (B. U., LP,f, 35, 12°).
— Cologny (en surcharge: Genève). Berjon, 1624, 12°(Bib. Beaulieux).
— Paris, 1624 (Ars., B L, 851, 12° ; Bib. Brunot).
[NICOLAS FREMONT D'ABLANCOURT], Nouveau Dictionnaire de Rimes. Paris, Aug. Courbé, 1648, 12° (Maz., 20805; Bib. Brunot).
— Thomas Jolly, 1667 (Bib. Brunot).
BOYER (PAUL). Dictionnaire servant de bibliothèque universelle. Paris, À. de Sommaville, 1649, f°. (B. U., L P, f, 10, f° etc.). (Dictionnaire encyclopédique où les mots sont rangés comme dans un dictionnaire de rimes.)
H. M. M[OSCHEKOSCH]. Technologie allemande et françoise. Strassburg, Josias Staedeln, 1656, 8°(B. U.,L P, eg, 11, 12°) 1.
5e SÉRIE. — Dictionnaires partiels.
OUDIN (A.). Curiositez françoises pour servir de supplement aux Dictionnaires ou Recueil de plusieurs belles proprietez. Paris, 1640 (B. N., X, 14017,12°; Ars., B L, 812, 8°).
— Paris, Ant. de Sommaville, 1656 (B. N., X, 14018; B. U., L P, f, 278, 12°). Cet ouvrage est réimprimé au tome X du Lexique de La Curne de Sainte-Palaye.
P. DELANOUE. Synonyma et aequivoca gallica, Catalauni, 1643, 12° (Ars., B L, 757,
12°). LE SOVEUR. Alphabet contenant les mots qui ont en une mesme prononciation diverse
signification. Paris, 1663, 12° (Ars., B L, 727,12°). DUEZ (N.). Epitome dictionum aequivocarum et ambiguarum in lingua gallica. Lugd.
Batav., 1651, 16° (Ars., B L, 756, : 16°). MONTMÉRAN (Antoine de). Synonimes et epithetes françoises. Paris, J. Le Bouc,
1645, 8° (B. N. Inv., X, 13202).
— Id., Paris, 1650, 8° (Sainte-Gen., 8°, X, 372).
— Id., Paris, J. Guignard, 1658, 8° (B. N., X, 13203).
OGIER (Roland). Inventaire des particules françoises et esclaircissement de leurs divers usages..e 3° éd., La Flèche, G. Griveau, 1637, 12° (B. N., X, 13363).
— Paris, 1641, 8° (Maz., 44100).
OUDIX (A.). Petit recueil de phrases adverbiales et autres locutions qui ont le moins de rapports entre les deux langues italienne et françoise. Paris, A. de Sommaville,
1646, 12° (Maz.,20279 A; B. N., X, 9709; B. U., L P, ei, 71, 12°; Ars., B L, 589B, 12°; Bib. Brunot).
— Recueil... Ibid., 1647, 12° (B. N., X, 14228).
1. Pour les dictionnaires techniques d'histoire naturelle de Ch. Estienne et de Gessner, voir Beaulieux, o. c, 383, 388.
------------------------------------------------------------------------
270 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
[DÉSOMAISE]. Le grand dictionnaire des pretieuses ou la clef de la langue des ruelles. Paris, Jean Ribou, 1660, 8° (B. N., X, 2034; B. U., L P, f, 330, 12°; Sainte-Gen.; Ars. ).
— Paris, 1661, 2 vol., 8° (Ars., B L., 859,12°).
— Cet ouvrage a été réimprimé par Livet, Paris, Jannet, 1856, 8°.
6e SÉRIE. — Dictionnaires étymologiques.
BOREL. Tresor de recherches et antiquitez gauloises et françoises. Paris, Aug. Courbé, 1655, 4° (Ars., B. L., 813, 4°; B. U., L P, f, 4, 4°; Maz., 16169; Sainte-Gen., 4°, X, 408) ; réimprimé avec Ménage, 1750, et à Niort en 1882, 2 vol., 8°.
CÉSAR DE BERNIERÉS. Etymologie des mots françois qui tirent leur origine de la langue grecque, en forme de Dictionnaire. Paris, 1614, 12° (B. N., X, 1332 ; Ars., BL, 840 bis, 12°).
MÉNAGE. Les origines de la langue françoise. Paris, Aug. Courbé, 1650, 4° (B. N., plus. ex. dont un Réserve, X, 923, avec notes mss. de l'auteur et de Samuel Bochart; Bib. Brunot ; Beaulieux).
BOTHORNIUS. Originum gallicarum liber. Amstelodami, 1654, 4° (B. U., L P. f, 3, 4°).
7e SÉRIE. — Dictionnaires de proverbes.
JERÔME MEGISER. Paroemiologia Polyglottos, hoc est Proverbia et sententiae...
Lipsiae, Sumtibus Henningis Grosii, 1605 (Bib. Brunot). Pu. GARNIER. Thesaurus adagiorum gallico-latinorum, 1612. Giessae Hessorum
(Ibid.). OUDIN (C). Prov. esp. traduits en françois. Bruxelles, 3611, 12° (Ars., B L, 20083
quinquies, in fine).
— Ibid., 1612, 12° (Ars., B L, 20083 quinquies, 8°.)
— Refranes o proverbios castellanos traduzidos en lengua francesa... Paris, J. Guignard, 1659, 12° (B. N., X, 14789; Ars., B L, 20083 sexies, 12°).
FLEURI' DE BELLINGÉN. De l'étymologie des proverbes. La Haye, 1656, 8° (SainteGen., 8°, X, 401; Ars., B L, 20070B, 8° ; Bib. Brunot) 1.
LEXIQUES MODERNES A CONSULTER POUR CETTE PÉRIODE.
Je ne reviens pas sur les Dictionnaires, tels que ceux de Littré ou de Darmesteter-Hatzfeld-Thomas, qui sont la base de toute étude. Il existe quelques ouvrages spéciaux :
AD. RÉGNIER, fils : Lexique de Malherbe (Collection des Grands Écrivains, tome V,
Paris, 1869, 1 vol. 8°). CH. MARTY-LAVEAUX: Lexique de Corneille (même collection, tomes XI et XII, Paris
1868, 2 vol. 8°). F. GODEFROY: Lexique comparé de la langue de Corneille. Paris, Didier, 1862, 2 vol.
8°. Abbé A. FAVRE : Lexique de Chapelain, Paris, Techener, 1889, index sommaire, mais
utile.
1. Cette bibliographie est tout à fait incomplète et provisoire. Des recherches dans les Bibliothèques françaises et étrangères permettront de découvrir sans peine de nouvelles éditions et de nouvelles oeuvres. On rendra service en les faisant connaître. Pour le moment, mon but sera atteint, si je provoque ces recherches, et si la liste que je donne ici fournit un moyen de s'orienter dans le chaos des noms et des dates.
------------------------------------------------------------------------
APPENDICE AU LIVRE II 271
ARNOULD: Lexique de Racan, dans la thèse de l'auteur sur Racan, p. 661-715.
GENDARME DE BÊVOTTE : Lexique de Dorimon et de de Villiers, à la suite de : Le Festin de Pierre. Paris, 1907, p. 227-332 (Société des Textes français modernes).
HUGUET: Lexique de Tristan, à la suite des Poésies Lyriques, éd. F. Madeleine (Société des Textes français modernes, Paris, 1908, à paraître).
Les travaux déjà cités de M. DELBOULLE, et celui de M. VAGANAY, Pour l'histoire du français moderne (qui parait dans L'Université Catholique, Lyon, 1907, et suiv.) serviront à corriger les dates acceptées jusqu'ici pour la première apparition de beaucoup de mots '.
1. On y ajoutera de brèves, mais intéressantes, indications, contenues dans les travaux de Rigal, sur Hardy, de l'abbé Urbain, sur Coeffeteau, de Havet, sur Pascal (Pensées, 2 vol., Delagrave, 1887), etc.
------------------------------------------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------
LIVRE TROISIEME
MORPHOLOGIE 1
CHAPITRE I ARTICLE
DISPARITION DE ES. — La forme contracte es est condamnée par toutle monde. Malherbe la relève dans Desportes (IV, 462, cf. Doctr., 480) 2. Dès 1621, Coeffeteau, vraisemblablement pour se conformer
1. BIBLIOGRAPHIE.— Dans le développement moderne du français les faits morphologiques s'isolent moins facilement qu'au moyen âge de l'évolution phonétique, syntaxique et lexicologique, aussi les études préparatoires spécialement consacrées à la morphologie sont-elles beaucoup plus rares ; nous manquons en particulier de travaux limités à la première moitié du XVIIe siècle. Mais on trouvera des indications utiles, malgré leur dispersion, dans :
1° Ch. Thurot, De la Prononciation française, d'après le témoignage des grammairiens, Paris, 1883, 2 vol. 8°, avec index alphabétique; on peut y joindre W. Benary Zur Geschichte des konsonanlischen Auslauts der Nomina im Alt- und Neufranzösischen (Diss. Heidelberg), 1902.
2° Les lexiques spéciaux indiqués plus haut (p. 271) pour Chapelain, Corneille, Malherbe, Racan, etc., ainsi que les monographies que nous y avons jointes (Hardy, Coeffeteau, etc.). Cf. aussi E. Samfresco, Essai sur V. Conrart grammairien (Mélanges Brunot, p. 302 et suiv.), et les introductions grammaticales aux Lexiques de Corneille et Malherbe dans la Collection des Grands écrivains de la France.
3° Les études plus particulièrement consacrées aux habitudes syntaxiques des auteurs de la première moitié du XVIIe siècle, et dont on trouvera l'indication dans la Bibliographie de la syntaxe du français (1840-1905) de P. Horluc et G. Marinet, Lyon-Paris, 1908, nos 489 à 545.
4° Enfin un petit nombre d'études spéciales dont les limites chronologiques dépassent la période dons nous nous occupons ici : F. Meinecke, Der sogenannie Teilungsartikel im Französischen (Diss. Kiel), 1900; — K. Lahmeyer, Das Pronomen in der französischen Sprache des 16. und 17. Jahrhunderls (Diss. Gôttingen), 1886; — A. Risop,Studien zur Geschichte der französischen Konjugation auf-ir, Halle, 1891; —Ph. Kraft, Konjugationswechsel im Neufranzosischen von 1500-1800 nach Zeugnissenvon Grammatiken (Diss. Marbourg), 1892 ;— Id., Vokalangleichung im französischen Verhalstamm in der Zeit von 1500-1800... Hambourg (Progr.), 1897 ; — R. Ekblom, Étude sur l'extinction des verbes au prétérit en -si et en -ui en français, Upsal, 1908.
Nous rappelons encore les deux volumes de G. Korting, Formenlehre der französischen Sprache (I, Verbum ; II, Nomen), Paderborn, 1893-98, où les indications chronologiques sont malheureusement trop rares.
2. Du Val dit qu'elle marque lieu de demeurance, retraitte, pais, ou quand nous usons de similitude : Je suis seul es mains de mon père (284).
Histoire de la Langue française. III. 18
------------------------------------------------------------------------
974 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
au goût public, la corrige (Urbain, Coeff., 307 n. 1) ; Oudin déclare que les bons auteurs et les modernes la bannissent entièrement, tant en parlant qu'en l'escriture (Gr., 1632, 44), et Vaugelas confirme 1. Autour de 1600, cette contraction était encore vraiment fréquente dans les textes. L'expression tomber es mains, que Vaugelas réprouve, est dans Malherbe (II, 11), qui la rétablit même ailleurs (IV, 152, n. 3). François de Sales en fait usage à chaque instant (VI, p. 7, p. 12, p. 17, etc.), Montchrestien la reçoit dans ses vers (Aman, a. I, sc. 1), Gantez la présente souvent (Entr. des Music. p. 85 et ailleurs). Elle est dans les romans, ainsi Mélante, 1. II, 107, dans les contes (Caq. de l'Accouchée, 39), dans les livres de polémique de Garasse (Doctr. cur., 166 et souv.). Sa présence tardive dans des écrits tels que le Jardinier françois (p. 118) ou les Délices de la campagne (52) 2 prouve qu'elle resta longtemps populaire. Bossuet l'emploie dans ses premiers sermons : es siècles des siècles (Bonté et rig., de Dieu, 1652, Leb., I, 159) ; livré par son père es mains de ses ennemis (Deux all., 1653, ib., I, 287) 3. Je crois, en somme, que l'influence des théoriciens a beaucoup précipité la décadence de la forme es.
La liste des grammaires du temps est dans Stengel, Chronol. Verzeichniss fr. Grammatiken, ouvrage déjà cité au tome II, p. 124. Il convient d'y ajouter, pour la période qui nous occupe, quelques indications que voici :
La Grammaire françoise de 1603, que Brunet indique, et que Stengel n'a pu trouver, est à la Bibl. de la Sorbonne. Malgré un titre pompeux, elle est sans valeur aucune, n'étant qu'une copie de la Gr. de Rob. Est., éd. de 1569.
Ajouter : 1605. JOHN SANFORD. Le guichet françois, sive janicula et brevis introductio ad linguam
linguam Oxonii, 1604, 4°.
A briefe extract of the former grammar, done into English, Oxford, 1605, 4° (Bodl.,
4. D. 48 Th.). 1607. MAUPAS. Il existe une édition de 1618, qui se trouve à la Bib. universitaire de
Lyon, et une de 1625, Paris, Bacot (Sainte-Genev., Rés. X. 332, in 12°).
Maupas fils a encore donné une édition après l'apparition des travaux d'Anthoine
Oudin, en 1638 (Bib. Mazar.,44986). 1620. J. Godard, La langue françoise, Paris, 8° (Maz., 20243).
1. « Avant que la particule es pour aux, fust bannie du beau langage, on disoit : tomber es mains; depuis on a dit : tomber aux mains; mais ny l'un ny l'autre ne valent rien, et il faut tousjours dire : tomber entre les mains de quelqu'un. L'usage moderne le veut ainsi. Tomber es mains est particulièrement de Normandie » (Vaug., I, 277).
2. Dans les Merveilles de Nature, es se rencontre jusqu'à dix fois par page.
3. Cf. l'abbé J.-A. Quillacq, La langue et la synt. de Bossuet, 1903, p. 78. Richelet, et ensuite l'Académie, confirmeront à leur tour, que « la particule espour aux est du vieux langage, et qu'elle ne s'emploie que dans cette façon de parler : maître es arts ». -, Il faut dire, ajoute l'Académie, tomber entre les mains de quelqu'un, et non pas tomber aux mains de quelqu'un.
------------------------------------------------------------------------
L'ARTICLE 275
1620. COLSON (Will.), The first part of the french grammar reduced into tables by arte locall called the art of memorie. Lond. 8° (Bibl. Bodl., 8° G. 107 Art.).
1625. D. MATRAS. Compendium gallicae et italicae grammaticae. Hafniae, S. Sartor, 1625,in-12° (B. N., X. 14495).
1626. SPALT. Le titre est : Summa grammaticae gallicae cum commentario de discrepantia linguae gallo-francicae a Teutonica et Romana. Argentorati, 1626, in-12° (Maz. 20245).
1628. Grammaire italienne française et espagnolle, par le P. H. De P. C, Paris, L. Boullenger, 1628, 16° (B. N., X. 9361).
1633. JEAN DE GRAVE. The path-way to the gate of tongues,with a short manner to conjugue the French verbes. Londres, Turner, 1633, in-12°.
1635. Jean SAULNIER. Nouvelle grammaire Italienne, Espagnolle et Françoise. Paris, Corrozet,in-12° (Sainte-Genev., X. 461); cf. une gram. espagnole en fr. de 1608 (Maz., 56567).
1635. CISNEROS (Lic. Diego de). De gramatica francesa en espanol tres libros, 2° édn 8°. Madrid, Empr; del Reyno. (Bib. Nac. de Madrid, R. 7015). L'auteur signale luimême son livre comme ayant été imprimé à Douai, en 1624.
1638. LONCHAMPS. Grammaire françoise mise et expliquée en italien, in-12° (SainteGenev., X, 429°).
1643. La voie françoise, laquelle contient quantité de reigles et remarques nécessaires pour appuier le ferme jugement des François a facilement diriger les estrangers. Poitiers, in-12° (Mazar., 20393), livre d'une imagination déréglée, où il y a quelques observations utiles.
1644. Stille de l'orateur... Paris, 8° (Mazar., 20491,). A la page 394, il est dit qu'un recueil d'observations grammaticales doit être ajouté à quelques exemplaires.
1650. D'ARSY. Il existe de lui une grammaire flamande et françoise. Rouen, chez Daré, 1647, in -12° (Bib. Mazar., 20214 H ; Sainte-Genev., X, 517, B. N., X, 519). C'est celle qui est reproduite dans son Dictionnaire.
1652. DU TERTRE. Methode universelle pour apprendre les langues, pour parler et écrire nettement en françois, 2e éd°, Paris, Jost, in-12° (B. N., X. 1204). Dans mon exemplaire, le Privilège est de dec. 1649.
1653. ANGELO DA FIRENZE. La nova grammatica delle tre lingue italiana, spanola, franceze, Roma, in-12°.
1656. Porter ici DE TROU, inscrit par erreur typographique à 1556.
1658. Corriger BEURE DU PAIS en Bense du Puis.
1658. GUY MIEGE. L'existence d'une grammaire de cet auteur à pareille date me semble
fort problématique, attendu que sonactivité grammaticale paraît commencer 20 ans
plus tard. J'ai vu à Oxford l'ouvrage signalé ici, mais en une édition de 1678 (Bodl.,
R. 59. Art). 1658. CL. MAUGER. L'édition citée d'après Thurot existe bien, et se trouve à la B. N.
X. 11683. La même B. possède une édition de 1667, X. 11684, une de 1684, X. 19968;
cf. une de 1688 (Ars. B. L. 982 bis, 2) 1.
1. Bien entendu, il y a lieu de tenir compte aussi des livres qui ne sont pas, à proprement parler, des grammaires, et auxquels je renvoie si souvent. Ils figurent à leur place dans ma liste des principales abréviations. Pour donner une idée de leur importance, il suffit de rappeler que les Remarques de Vaugelas ne sont pas et ne devaient pas être dans le Catalogue de Stengel.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE II FORMES DES NOMS COMMUNS ET DÉS ADJECTIFS 1
LE FÉMININ
GRAND. — C'est au début du XVIIe siècle qu'on se met à ergoter sur le nombre des locutions qui conserveront la vieille forme du féminin grand 2. Mademoiselle de Gournay leur ferait volontiers la mesure large, admettant grand mère, grand tante, grand chambre, Madame la Grand, la Grand Duchesse, grand salle, grand porte, grand peine, grand bande, grand haste, grand chose, grand fille, grand soeur, grand reine, grand part, grand teste, grand douleur, grand cruauté, grand vertu, grand ville, grand vague, grand messe, grand poutre, grand preuve, Grand Bretagne, grand rue (O., 965, 966; cf. ib. 618 et Adv. 642). En réalité cette liste doit se réduire aux expressions que je souligne, auxquelles il faut, du reste, en ajouter d'autres, dont l'auteur ne parle pas : grand chère, grand peur, grand pitié, grand merci, grand dame. Encore est-il que ces locutions restent en partie confinées dans des phrases d'où elle ne peuvent sortir. A grand peine est bien, mais non tu me causes une grand peine (Vaug. ,1, 277) 3. La forme lettres royaux, qui subsiste, est tout à fait isolée, et le grammairien Alcide de S. Maurice ne se doute pas qu'il a affaire à une ancienne forme du féminin (53).
LE FÉMININ APRÈS L'AMUISSEMENT DE E SOURD. — Les consonnes finales n'étant désormais plus prononcées, au moins pour la plupart, devant une consonne, les féminins sont avec les masculins, dans le rapport suivant (je ne prends que
1. Je parlerai de la francisation des noms étrangers au tome suivant.
2. Je dois dire que des poèmes du temps en usent encore bien librement. Ainsi le Triomphe du Messie de Fr. du Port (1617) : grand chevance (p. 10); contumiers de grand rage(ib., 20) ; Leur montrant le chemin comme une grand'chandelle (13, etc.). 3. Scarron s'amuse de cet archaïsme : Lavardines et lavardins Aiment à remplir leurs boudins. Ils mangent par grand gloutonnerie (Scarr., OEuv., I, 298) ; que le pain quotidien Revienne à Paris la grand ville (Id., ib., I, 174). Cf. La Terre est nostre mere grand (Richer, Ov. bouf., 46).
------------------------------------------------------------------------
FORMES DES NOMS COMMUNS ET DES ADJECTIFS 277
les cas les plus généraux) : ou bien les deux genres sont identiques, le masculin ayant aussi un e muet: sage; ou bien ils ne diffèrent que graphiquement, le masculin étant terminé par une consonne qui s'articule : fier; ou bien, et c'est le cas pour ainsi dire normal, le féminin fait entendre une consonne que le masculin n'articule pas, avec ou sans changement de voyelle : dernier, dernière ; petit, petite ; enfin le féminin présente une consonne sonore correspondant à la sourde du masculin : vif, vive.
Cette situation entraîne des analogies et des règles nouvelles. Ainsi béni est la forme tirée du verbe bénir, comme puni de punir; sur le féminin bénite on crée bénit (cf. étroite, étroit, écrite, écrit), et Vaugelas en fait, suivant un usage cher aux classiques, quand il y a deux formes concurrentes, deux mots distincts (I, 387) 1. D'une façon générale, on continua pendant tout le siècle à refaire une forme masculine sans e aux adjectifs qui ne l'avaient pas : brut d'après brute (Alem., Guer. civ., 272, 277) ; exact d'après exacte (Vaug., I, 377); puéril d'après puérile (Bouh., Suite, 51); c'est la conséquence du mouvement que nous avons étudié au XVIe siècle. Pendant toute cette période, les substantifs et les adjectifs tels que difficile, inculte, méditerranée, stérile, intrinsèque, harmonique, aquatique, arabique, bucolique, famélique, publique, caduque, brusque, etc., ont été employés, soit avec une même forme en e aux deux genres, soit avec une forme masculine sans e (Thur., o. c, I, 187-191) 2. Vaugelas a essayé de faire une règle pour les adjectifs en il (II, 173), selon que ilis en latin avait la pénultième longue (civilis) ou brève (fertilis). Mais de son temps déjà, il y avait des exceptions, ainsi servile, qui eût dû être servil, d'après sa règle. Chapelain, a blâmé regal, il faut toujours dire regale, sans crainte d'équivoque (Let., 17 sept. 1661 n.2). La prononciation ne marquant plus de différence, les grammairiens devaient faire de l'arbitraire.
1. Bénite se trouve encore souvent dans la formule : Que bénite soit la journée (Scarr., II, 294 ; cf. Virg., I, p. 71).
2. Voici quelques exemples : compatriot (Cerisier, Philos, franc., Avant-propos) ; perplex (d'Audiguier, Six nouv., p. 4) ; l'unie heritier (Mairet, Sylvie, v. 2215, p. 160) ; infertil (L. Guyon, Div. leç., p. 101) ; inutil (Let. de Phyll., 2° p., p. 199) ; en age viril Ib., 136); mille efforts inutils (Théât. d'Eloq., Har., 99); tirer dessus le volatil (Scarr., Virg., II, 53); fidel : hostel (Espad. sat., p. 35). Au contraire à la page 52, fidellerime avec elle ; de même encore dans la Rhétorique de Bary (32-33) où infidelle, masc. sing., est suivi de fidels masc. plur.
Exemples contraires : à un âge décrépite (Let. de Phyll., 2e p., p.321) ; un discours... tres exacte (Former, Disc, de l'âme, Approb. des doct., p. 8) ; un publique malheur (Mayn., II, 217) ; des usuriers publiques (Gar., Rab. ref., 32); du style pueril (Let. dePhyll., 2° p., p. 197); aux lieux mediterranees (Gar., Doctr. cur., 716-717). Cf. ceux qui... demeurent sains et sauves (Fleurs de l'éloq., 41 v°).
------------------------------------------------------------------------
278 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Il faut signaler quelques féminins nouveaux :
FÉMININS EN E. — Exclu, n'ayant plus d's, fait un féminin exclue. Il éliminera excluse (Mén., O., 1,275); mais celui-ci reste longtemps en usage : aussi n'y avoit-il chose si basse en son Empire qui fut excluse du soin et des faueurs de sa bonté (Cel. et Maril., 437 ; cf. Loret, 5 avr. 1659, v. 253).
Apprenti ayant été tiré du pluriel apprentis et confondu avec les adjectifs en is, prend un féminin apprentisse (Richer, Ov. bouf., p. 385), à côté du vieil apprentive. Le substantif apprentisse sera encore défendu par Richelet, en attendant apprentie, que l'Académie ne connaît qu'en 1718 1.
FÉMININS EN ESSE, ERESSE. — Maupas donne encore pour règle que «tous noms verbaux terminés en eur qui signifient action virile, font leur féminin ordinairement en resse : demandeur, demanderesse, sauveresse. Quelquefois aussi en euse, basteleur, hasteleuse, et bàsteleresse ; menteur, menteuse et menteresse. Et peut-estre que tous, ajoute-t-il, peuvent recevoir ces deux formes » (80) 2. Mademoiselle de Gournay défend sauveresse (O., 955 et Adv., 635) et vainqueresse (Ead., O., ib.) 3. Oudin ne connaît plus pecheresse qu'au sens théologique, à côté de pécheuse, vengeresse (Gr., 78). Eresse est un suffixe qui meurt 4.
Quant à esse, il continue à vivre dans les mots comme abbesse, comtesse, où il est vieux comme la langue. Il est souvent employé par les burlesques, où le Dictionnaire de rimes de Fremond d'Ablancourta relevé : diablesse, ivrognesse, borgnesse, larronnesse, ladresse, tigresse, pauvresse. Il est visible qu'on s'amuse à ces féminins : je feus adverty par des voisins que la locatairesse à laquelle j'avois affaire (Har. de Turl., 1615, V. H. L., VI, 60); cf. plus tard, dans les « Scarronades » : Ca, monseu, qu'achepterez-vous? Dit une belle librairesse (Cl. le Petit, Chron. sand., Paris ridic, p. 98) 5. Mais on en
1. Apprentive se retrouve jusque chez Boileau (Sat. X).
2. En 1638, cette dernière phrase sera supprimée, et remplacée ainsi : « Il faut que l'usage aprène quelle forme est la plus receue, car en d'aucuns c'est l'une, en d'autres c'est l'autre. »
3. Maynard se montre fidèle aux vieilles formes : vainqueresse (II, 18) ; enchanteresse (Id., II, p. 102). Cf. tromperesse (Fleurs de l'éloq,, 36 r°). On les rencontre communément jusqu'en 1640 : il n'y a persuasion si douce et charmeresse (Gar., Doctr. cur., 162) ; la nation adulteresse, (Id., Rab. ref., 89). Les recommanderesses ont toujours bureau ouvert (V. H. L., III, 107). Mais le Rôle des Présentations fait des réserves sur leur titre : Sans approuver le mot de recommanderesse que l'exposante prend pour qualité (Rôle des Présentations, 1634, V. H. L., 1,137).
4. Charmeresse disparaît devant charmeuse (Corn., II, 473,Ill., III, 4); chasseresse est confiné dans la poésie; demanderesse, défenderesse sont relégués dans le style judiciaireo.
judiciaireo. pourrait dresser une liste d'analogues : diablesse (Airs et Vaud. de Cour, 1665,
------------------------------------------------------------------------
FORMES DES NOMS COMMUNS ET DES ADJECTIFS 279
trouve peu d'exemples ailleurs : orfeveresse (Sorel, Polyand., I, 522); seul à peu près, tigresse, quoique nouveau, est partout. Les grammairiens de l'époque classique poursuivront ces formes l.
FÉMININS EN EUSE. — Les féminins en euse sont tout à fait communs chez Balzac: il s'acqueroit des Parleuses (OEuv., éd. Mor., I, 231); les Muses furent ses Basteleuses (Id., ib., I, 229); chasseuse est dans l'Ovide bouffon de Richer, 1662, p. 188 ; discoureuse dans la Sylvie de Mairet (v. 767, p. 63) ; nous avons la Reine pour gouverneuse (Malh., III, 261) ; des dents dévoreuses (Astrée, 1615, I, 27 A) ; me croyez-vous quelque devineuse (Ib., 310 B) ? Ces formes en euse font une heureuse concurrence aux formes en ière : parfumeuses bat parfumières (Fr. de Sales, VI, p. 100).
FÉMININS EN TRICE. — Les féminins en trice sont toujours considérés comme tout latins, ainsi qu'au XVIe siècle .
Nicot juge encore que « l'analogie n'y est pas » 3. Et Maupas n'attribue ce féminin qu'à des mots pris au latin. Oudin l'admet seulement pour imperatrice, electrice, tutrice, inventrice. Il condamne procuratrice au profit de procureuse (78-79) 4.
II, 131); drolesse (Chapelain, Guzm. d'Alf., III, 61) ; goinfresse (Scarron, Virg., I, 218); ivrognesse (Richer, Ov. bouf., 384) ; moinesse (Loret, 6 août 1651,207); seigneuresse est raillé dans Poisson, Poète Basque, sc. IX; aucun, sauf diablesse, n'est ancien.
1. François de Sales en emploie couramment : apostresses (VI, p. 90) ; la perdrix larronnesse (t. IV, p. 79; Am. de Dieu, I, ch. XVI) ; on trouve prophète au féminin: comme malheureuse et véritable prophète (Nervèze, Am. div., II, 165 r°). Cf. Tes mots coulent, vieille druide (Espad. sat., p. 23).
2. Ainsi : d'innocents mineurs à qui vos beautés servent de curatrices (Nervèze, Am. div., II, p. 20 r°) ; je fus de ses spectatrices (Camus, Alcime, 183); mais la nécessité inventrice des arts (Ib., 307); un feu qui consommera bientost les adoratrices et le temple ( Cet. et Maril., 299); la médiatrice de son bonheur (Id., ib., 68) ; ceste mienne servante mediatrice de mes affaires (d'Audig., Six nouv., p. 121); dont elles sont les inventrisses (Somaize, Dict. des Préc, Préface) ; Tromperie, dit une sculptrice de la rue Saint-Martin (Caq. de l'Acc, 54) ; Puisque l'autrice en a fait don A cet éminent Personnage (Loret, 29 juil. 1656, 264); les mesmes coadjutrices (Dub.Mont.,Al.,6).
3. Empereur, imperator « est terminaison françoise dont vient le féminin emperiere, qui est aussi terminaison françoise, car imperatrix ou imperatrice dont on use à present ne viennent point d'empereur ains d'emperateur, duquel le françois n'use pas. Le latin en fait foi disant imperator-trix, et l'italien imperatore-trice. En cette sorte le françois, depuis quelque temps en ça, combien qu'il retienne sa terminaison naifve (nativa), au masculin empereur, il a prins une terminaison estrangère au feminin : impératrice, là où les anciens disoyent: emperiere. Il estvray toutesfois que de tuteur et curateur, et procurateur, il dit : tutrice, curatrice et procuratrice, mais l'analogie n'y est pas, car en ces trois derniers il retient toutes les syllabes des masculins latins, là ou en ce mot empereur il en laisse une en chemin ».
4. La vieille forme emperiere se rencontre toujours de temps en temps (J. Godard, L. franç., 22; Let. de Phyll., 1re part.,p. 17); Monet l'enregistre encore (Invantaire ; cf. La Com. des com., A. th. fr., IX, 238). Balzac la discute dans son Socrate chrétien (II, 262). Elle est commune chez Ant. Corneille : Puissante Emperiere des deux (Hymne Ave maris stella: cf. Ave Regina et O gloriosa domina).
------------------------------------------------------------------------
280 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Toutefois les formes en trice ont trouvé un apologiste. C'est Balzac ; il ne s'est pas borné à proposer judicatrice, qu'il préfère à critique (t. I, 1016) et à le risquer (II, 147, Prince), il nous a donné de nombreux exemples analogues. Il se sert de distributrice (I, 1032) ; divinatrice (II, 489) ; instigatrice (II, 546) ; libératrice (II, 480) ; persécutrice (II, 545).
Au reste, c'est chez lui qu'il faut chercher une théorie générale sur les formes a choisir pour les noms féminins d'agents, qui donnaient lieu sans doute à des plaisanteries, comme aujourd'hui : la lettre qu'il en écrit à M. Girard, le 7 mai 1634, constitue une vraie dissertation sur le sujet 1. Elle conclut : « En mon particulier, j'ay jusqu'icy suivy l'usage, et je dis bien qu'une femme a esté conseillere d'une telle action, mais non pas jugesse d'un tel procès; qu'elle a esté mon advocate, mais non pas qu'elle a esté mon Orateur. Je dis bien qu'un tel soldat est de la Compagnie Colonelle, mais non pas qu'un tel est de la mestresse-de-Camp. Je dis la galere capitainesse, mais je n'appelle pas capitainesse une femme, quoy qu'elle soit femme d'un capitaine... a mon advis, il faut prendre conseil de l'Oreille... Par exemple, je diray plutbst que Mademoiselle de Gournay est Poëte que Poëtesse, et philosophe que philosophesse. Mais je ne dirai pas si tost qu'elle est Rhetoricien que Rhetoricienne, ni le Traducteur que la Traductrice de Virgile » (I, 256-257).
Parmi les formes féminines désignant des professions, je citerai advocate (Diff. des Coqs, V. H. L., IV, 279) ; lyrane (Nouv. Rec. de Let., 1638, Let. amour., 28); artizane (Cél. et Maril., 155); escrivaine (Chap., Let., I, 504) ; officière (F. de Sales, VI, 10 ); les Agentes de la dissimulation. (Dub. Mont., A., 4); grammairienne (Balz., II, 606); matelotte (Scarr., Dern. OEuv., I, 167).
Il est intéressant de signaler quelques féminins dont on a tiré un effet comique. Th. Corneille dira une face guenonne (Charm. de la voix, I, 4); humeur cameleonne (Am. à la mode, IV, 1). L'exemple avait été donné aux comiques par Scarron : une nature rabageoise (Virg., I, 255) ; le même avait fait chevale (Ib.,l, 341) ; violonne (Ib., I, 305); piétonne (ib., Il, 225; cf. Loret, 24 nov. 1663, 120). Cf.
1. Il se refuse à trouver une grosse incongruité dans la façon de parler de celui qui a appelé Mlle de Gournay poète et philosophe. Cela n'implique nullement qu'elle ait changé de sexe. Et il en appelle aux Anciens. Il cite grammairiens et auteurs, et montre qu'il connaît foemina dux et mulier deffensor. Le grec de saint Athanase et de saint Chrysostome y fournit aussi. Mais Balzac a appris que plus fard d'autres ont dit clienta au lieu de cliens, et qu'on s'est moqué d'un qui appelait des femmes iyrannus, donc peu à peu l'ordonnance des grammairiens latins a été violée.
------------------------------------------------------------------------
FORMES DES NOMS COMMUNS ET DES ADJECTIFS 281
quidante (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 230, et Oecon., V. H. L., X, 12); pigeonne (Chapel., Guzm. d'Alf., 316).
ATTRIBUTION D'UN RÔLE SPÉCIAL AUX VIEILLES FORMES BEL, NOUVEL, VIEIL. — Les formes bel et nouvel achèvent de prendre une destination particulière. Elles se mettent devant une voyelle; mais seulement quand cette voyelle appartient au substantif, auquel l'adjectif se rapporte ; on dit un bel homme, mais il est beau en tout temps. Cette règle, d'accord avec la phonétique syntaxique, est de Vaugelas (II, 4). L'anonyme de 1657 la reproduit (44). L'analogie eût sans doute arrangé les choses plus simplement : dans un nouveau Empirée (Merv. de Nat., 492) ; cf. un nouveau Annibal aux portes de Rome (ib., p. 128); un nouveau accroissement de joye (Nouv. rec. de let., Let. pol. 84), un nouveau évangile (Théat. d'Eloq., Har. 159).
Le même Vaugelas règle de façon analogue l'usage de vieil et de vieux. On dit un vieil homme, mais un vieux manteau. Toutefois Vaugelas n'ose pas proscrire un vieux homme, un vieux amy, un vieux habit, quoique vieil soit beaucoup meilleur (II, 86). La doctrine ne sera rigide qu'à la fin du siècle (V. l'Académie et Th. Corneille, ib.) l.
LE PLURIEL
J'ai fort peu de chose à dire de la formation du pluriel après ce qui en a été dit au XVIe siècle. Trois signes sont toujours en usage, mais ce sont là de pures distinctions graphiques, et s, x, z sont équivalents. Z s'emploie généralement derrière un é pour marquer qu'il est fermé : beauté, beautez (Oud., Gr., 83). Dès le XVIe siècle, mais surtout à partir d'Oudin, on enseigne qu' « il faut tenir la syllabe un peu plus longuette » (Maup., 1625, 23). Voir là dessus le chapitre de Thurot (II, 621 et suiv.). C'est la nouvelle forme du pluriel, qui durera jusqu'autour de la Révolution. Elle se marque par la durée, et sans doute aussi par une altération du timbre de la voyelle, qui se ferme.
PLURIEL DES MOTS EN L ET L. — J'ai dit plus haut que Malherbe hésitait encore à adopter le nouveau pluriel en euils, mais Oudin ne connaît plus cette répugnance : de gros diamants plantez comme des
1. Les exemples de vieil devant consonne abondent : vieil barbon (Scarr., Virg. II, p. 243) ; un vieil tronc (Racan, II, 164). II est remarquable que des livres comme le Jardinier françois usent couramment de la forme vieils au pluriel : de vieils arbres (61; cf. 25,etc.); De même le Bled vieil (Del. de la Camp., p. 3).
------------------------------------------------------------------------
282 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
escueils (Merv. de Nat., 352) ; sauter en chevreils ou chevreaux (Ib., 565); Adieu, tous courtisans, adieu, nos petits oeils (Ball., 1625, V. H. L., V, 329) l. Dans la série en ouils le contraire se produit, les deux pluriels coexistent quelque temps : verrouils et verroux. Mais comme le singulier passe décidément à la forme en ou, malgré la persistance de l'ortographe ouil (Thur.,o. c,II, 146), le pluriel en ouils meurt du même coup. Au contraire, dans la série en el se conservent quelques doubles formes : artificiel et artificieux, qui deviennent deux mots différents (Oud., Gr.,84) ; pénitentiel continue à faire pénitentiaux dans la locution consacrée psaumes pénitentiaux (Vaug., II, 65); universaux se conserve pour une raison analogue dans l'expression philosophique : les universaux.
C'est de cette époque aussi que date la fameuse règle qui accepte le pluriel ciels de lit pendant qu'elle rejette les ciels. Elle est dans Oudin (Gr., 84). L'anonyme de 1657 recommande arc en ciels (28). Nous avons ici très certainement un effet de la composition. Vaugelas accepte cette exception : arc en ciels (II, 202).
Il faut, dans toute cette question, prendre bien garde de n'être pas trompé par la graphie. Ainsi pour aïeul, On croirait le pluriel aïeuls très répandu: nos ayeuls (Theàât. d'éloq., Har., 98 et 99) ; la discipline de nos aieuls... plus barbares que nos aieuls (Let. de Phyll., IIe part., p. 331, 135) ; La foy de leurs ayeuls (Racan, II, 300); Nos ayeuls ont posé leurs arcs et leurs écus (ld., II, 130). Mais qu'on observe les rimes chez le même auteur : je n'espère de partage Ni de peres, ni d'ayeuls, Que le divin heritage, Que tu nous promets au cieux (ll, 323). Aïeuls se prononce donc aïeux 2.
Les noms en ail gardent leurs pluriels anciens en aux : épouvantaux (Malh.., II, 662); de même portaux continue à être le plus usuel. Il se trouve chez Bertaut, p. 266, chez Racan, II, 198, chez Scudéry (Almah., VII, 337). Toutefois les formes en ails gagnent du terrain. Oudin accepte cette forme dans attirails, mails, ferrails, poitrails (Gr., p. 83), l'anonyme de 1657; dans ferrait (28);le Rôle des Présentations en plaisante : requérant que bail à ferme n'aye point de pluriel, si bal pour dancer n'en a aussy, le tout pour éviter à noyse, quy arrive souvente fois faute de s'entendre (V. H. L., I, 136) 3.
1. Les vieilles formes ne sont pas rares : chevreux (Louys Guyon, Div. lec, 100); escurieux (Theoph., 1,270); d'où escuirieu au singulier (Bachot, Err. pop., 233).
2. Je crois cependant la forme en enls réelle dans certains textes ; vos corps estoient enveloppez dans les doux linceuls du sommeil (Le Pont Breton des Procureurs, V.H. L., VI, 262); Et lors, sous vos lassis à mille fenestrages, Raiseuls et poincls couppés, et tous vos clairs ouvrages, Ne se boufferont plus vos gros seins eshontez (Remonst. aux Fem.et Fil., Ib., IV, 362).
3. Je l'ai trouvé pour ail: De manger beaucoup et souvent des ails (Guyon, Miroir de la
------------------------------------------------------------------------
FORMES DES NOMS COMMUNS ET DES ADJECTIFS 283
Les pluriels en als ne sortent guère dès mots où nous les avons vus au XVIe siècle : bals, bocals, cals, navals (Oudin, Gr., 83), pals (Anonyme 1657, 28). Duez y ajoute fanais, signais, vocals 1 (1669, p. 97.)
LES DEGRÉS DES ADJECTIFS
COMPARATIFS. — Maupas ne donne plus d'autres comparatifs synthétiques que ceux que nous avons encore : meilleur, pire, moindre, mieux, pis, moins (91). Oudin, en reprenant la liste, ajoute qu'on emploie tout aussi bien les formes analytiques: plus mauvais, plus petit, plus mal (Gr., 87-88). Il observe même finement que ces derniers se rapportent à la quantité, tandis que les premiers se rapportent à la qualité : c'est le moindre homme de sa ville, cela s'entend de la qualité, c'est le plus petit homme de la ville, c'est-à-dire le plus bas touchant la grandeur du corps (87).
Ce n'est pas l'idée, c'est la forme qui empêche de dire plus bienheureux (Doctr., 367) 2. Mais Vaugelas va plus loin: plus ne peut se mettre qu'auprès de proche. Le peuple seul dit plus prochain (l, 175). De même très voisin n'est pas français.
SUPERLATIFS. — Toute pensée de ressusciter les superlatifs synthétiques en isme ou issime a disparu. On rencontre bien quelques exemples isolés de la deuxième forme dans le style sérieux, mais ils sont rares : La Mumie au tournoiement de teste et à la bouche torse, aux passions de coeur est excellentissime (Merv. de Nat., 400). C'est par plaisanterie que Balzac a usé de circonspectissime (l, 784) ; il venait de recevoir de Chapelain une lettre où il était déclaré importantissime (I, 351 ; cf. occupatissime I, 275).
Les comiques, satiriques et burlesques font de ces formes un usage plaisant : Et que la revolte est un crime Malignissime, atrocissime (Loret, 2 août 1653, 40); cf. plaisantissime (Scarr., Dern. oeuv., I,
Beauté, I, 621); On dirait à te voir ainsi pasle et deffait que tu ne manges que des ails, qui sont le poivre de ton pays de Gascongue (Plais. Galim., 1619, V. H. L., t. II, 277). Le Jardinier françois n'emploie pas d'autre forme : A la Saint Pierre seme tes ails, à la Saint Pierre recueille tes ails (cf. p. 230, 231, 256, etc.) ; Au contraire : Celte Sylvie estoit mauvaise, Hommasse, fort gourmande d'aux (Scarr., Virg., II, 249).
1. J'ai rencontré : espinals (épinards) (L. Guyon, Div. leç., 101); brassais (= brassards) ou espaulettes jusques au coude (R. Franc, Merv.de Nat., 150). Pour bestial, quoique Vaugelas en traite (II, 18), il ne sera condamné que plus tard.
2. Diverses observations de Malherbe tendent à conserver à des mots comme aine qui, par leur sens, ont la valeur de comparatifs, cette valeur tout entière (Doctr., 367).
------------------------------------------------------------------------
284 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
143); Nous devinmes grandissimes amis (Chapel., Guzm. d'Alf., III 431 ; cf. 307) ; M. Pasquier sera declaré le Pedant pedantissime de l'Univers (Gar., Rech. des Rech., 116) i ; Nous y verrons de fins trompeurs, D'illustrissimes affronteurs (Chron. scand., Paris rid. et burl., 97) ; Jay de bellissime dentelle (ib., 102). La tradition de ces superlatifs se conservera longtemps au théâtre.
Devant les noms de dignités et de dignitaires, la platitude à la mode italienne, d'abord répudiée en France, finit par s'imposer. Oudin consacre doctissime, excellentissime, grandissime, reverendissime, piissime, sanctissime, serenissime (Gr., 88). La chose ne passa pas sans que le populaire en fît quelques quolibets 2. Balzac proteste encore dans le Socrate chrétien. Il accuse du Perron d'avoir rapporté de Rome l'Illustrissime Cardinal, dont « personne ne voulut ». Mais du même coup, par une adroite flatterie, il accepte le généralissime, patronné par Richelieu 3.
SUBSTANTIFS MIS AU COMPARATIF OU AU SUPERLATIF. — Au XVIe siècle, quelques substantifs se rencontrent précédés de plus ou le plus ; on peut citer en particulier gens de bien : tant des plus gens de bien que des autres (Cic, Off., trad. Meigret, 69). On retrouve cela au XVIIe siècle ; que les plus gens de bien mentoient quelquefois (Sorel, Berg. extr., 1. I, t. I, 42). Comparez : Et si les plus censeurs ne me
1. Il y a, en ce genre, une phrase bien typique, dans la Doctrine curieuse du P. Garasse (706-707) : « Pour moy, j'y consens de tout mon coeur, à ce que s'ils ne sont desja bestes et pecores, qu'ils soient bestes Bestissimes et pecores pecorissimes... Qui desire estre pecore soit pecorifié en corps et en ame, comme Clodius fut, s'il faut ainsi parler « empotironné et encitrouïllé corps et ame ».
2. Illustrissime, reverendissime, nobillissime, clarissime, excellentissime seigneur, dites-moy, je vous prie, le titre et la qualité qu'il vous plaise que je vous donne : car je vous promets bien que je n'ay jamais etuguié à Padoue pour sçavoir des rubriques de ceremonies (Reg. des Sav. cord., 1635, V. H. L., t. V, 45) ; Mais dictes-moy, de grace, erudissime seigneur, à quoy pensez-vous parler quand vous parlez à ces deux perfides ? (Ib., 51); Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à nostre rubicondissime conseiller Magistrum Trigorinus Triory, ou, en son absence, à son lieutenant... (Lett. d'Ecornif., V. H. L., t. IV, 54).
3. « Il fut leur Introducteur à la Cour : il leur donna place à la teste de ses Despesches et dans ses autres Escrits. Il les imprima dans ses Livres. Tout cela inutilement. Il n'eut pas assez de crédit, pour faire naturaliser ces Nouveaux Venus, et les faveurs particulières qu'il leur faisoit, ne peurent leur acquérir celle du Public. En cecy, comme au reste, Monsieur le Cardinal de Richelieu a esté plus heureux que ses Compagnons. Rien ne lui a esté impossible. Ayant entrepris avec succes des choses auxquelles tout le monde s'estoit manqué, la Grammaire ne pouvoit pas seule desobeïr, dans la generale soumission. Il faloit que nostre langue subist le joug, aussi bien que nos Esprits et que nos Courages. Sans se mettre en peine de la fortune des autres Superlatifs, qu'il n'a pas jugez dignes de luy, il a employé son authorité pour faire reüssir le plus important de tous, celuy de generalissime, l'indépendant et le tout-puissant Generalissime. Et à dire vray, il a mis en usage ce Superlatif d'une admirable maniere, depuis le grand et ample Pouvoir qu'il reçeut du Roy, allant commander les Armees de France en Italie» (Discours Xe, t. II, p. 249).
------------------------------------------------------------------------
FORMES DES NOMS COMMUNS ET DES ADJECTIFS 285
reprochent rien (Rotrou, S. Gen., a. III, sc. 2), où le tour surprend moins. Je ne vois point que les grammairiens aient eu besoin d'intervenir.
ADVERBES EMPLOYÉS POUR MARQUER LE SUPERLATIF. — On ne trouve plus, après Malherbe, que de rares exemples de la confusion entre mieux et plus : qui les ont mis à mort estoient mieux Romains que Pilate (Gar., Rab. réf., 85).
L'adverbe usuel est indifféremment très, ou fort, sauf devant l'adverbe peu, qui, suivant Oudin, n'admet que fort (Gr., 88). On remarquera toutefois que, dès 1611, du Perron remplaçait fort par très dans l'oraison funèbre de Ronsard.
Trop placé devant le plus du comparatif avec la valeur de bien, devient archaïque. Maupas l'accepte encore, tu es trop plus heureux que sage, et l'exemple sera reproduit dans l'édition donnée par son fils en 1638. De fait, cette « diction d'Amyot » se retrouvait encore chez les premiers écrivains du XVIIe, surtout devant adverbe : comme vous... le sçaurez trop mieux representer (Mém. r. Marg., 26) ; Car il rend mon nom éclairci Trop plus qu'une belle victoire (Camus, Iphigène, I, 399); recognoissans trop mieux que nous (Id., Div., I, 190 v°); Ceste consideration sera trop plus que bastante de leur faire abhorrer et détester le vice (Id., ib., 21 r°). On en trouverait sans doute quelques exemples avec adjectifs, car l'Anonyme de 1657, p. 38, admet encore cet usage. Corneille avait écrit: Tant d'autres te sauront en sa place ravir Avec trop plus d'attraits que cette écervelée (I, 201, Mél., 959 var.). Il a changé ce vers en 1660.
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE III NOMS DE NOMBRE
CARDINAUX
HUITANTE, SEPTANTE, NONANTE. — Nous avons vu au XVIe siècle quatre-vingts s'imposer au lieu de octante ou huilante 1. Oudin donne seulement quatre vingts («. huictante est un terme d'arithmétique »), six-vingts, sept-vingts (Gr., 92); six-vingts est donné par Vaugelas (II 111). Longtemps encore, l'Académie autorisera les formes en vingt, jusqu'à dix neuf vingts, en excluant seulement deux vingts (40), trois vingts (60), cinq vingts (100) dix vingts (200).
Septante, septante et un, etc., ne sont plus usités qu'en termes d'arithmétique, dit Oudin ; de même nonante, nonante et un (Gr., 92); Vaugelas n'admet plus septante que dans les locutions : la traduction des Septante, les Septante Interpretes (II, 143).
MIL, MILLE. — Le changement qui avait réduit souvent t à l (voir tome II, 275), achève de confondre ces deux mots, entre lesquels on imagine des différences syntaxiques. Oudin réserve mil à l'expression des dates (Gr., 92) ; ceci est nouveau ; Malherbe, lui, écrivait indifféremment mil ou mille, généralement mil devant les autres noms de nombre : trois mil deux cents hommes (V. l'autogr. de la lettre 6 du tome III, cité t.V, XXVI).
Vaugelas fait observer que mille, nom de nombre, ne prend jamais la marque du pluriel (II, 111; cf. l'An on. de 1657, p. 28), mais ne dit rien de l'appropriation de mil au millésime 2.
MILLIARD, dont nous avons parlé, ne se répand que lentement dans la langue courante. Mais il figure à sa place dans les arithmétiques,
1. Bien rares sont les exemples du XVIIe . Voyez cep. J.-J. Bouch., Conf., 125. Dans la même page il emploie soixante dix. Septante, nonante sont plus fréquents. Je citerai aussi : six-vingts douze Prizonniers (Loret, 23 août 1659, v. 136); six vingts dix couvers (9 août 1659, v. 103).
2. Les textes donnent assez souvent mil: pour 120 mil escus (Merv. de Nat., 328). Sauf une seule fois, dans le Sommaire des finances de France (1622), qui reproduit une pièce de 1607, on n'écrit partout que mil, dans vingt, trente, trente cinq mil livres (V. H. L., VI, 96 et suiv.); un renfort de huict mil hommes de pied et deux mil chevaux (Let. de Tart., 14). Je citerai, à propos de mille deux cents et douze cents une phrase curieuse : On imprime ordinairement douze cens de chaque feuille, et (pour user du mot de l'art) quelquefois vingt quatre cens (R. Franc. Merv. de Nat., 306).
------------------------------------------------------------------------
NOMS DE NOMBRE 287
ainsi dans celle de J. Trenchant (éd. 1605, 14). Maupas fils, en 1638, le donne avec milliace, sans en indiquer la valeur, toutefois, il le place après cent millions (111). Il est à noter que le mot n'est pas cité par les principaux dictionnaires du XVIIe siècle.
ET ENTRE DEUX NOMS DE NOMBRE. —L'ancien français unissait toujours les dizaines et les unités par et ; le XVIe siècle était resté assez fidèle à cet usage, qui fut beaucoup moins suivi au XVIIe siècle. Il n'y avait pas de règle dans l'emploi de cet et. Palsgrave en avait bien donné une, d'après laquelle on devait exprimer et lorsque le premier nom finissait par une voyelle, et l'omettre, s'il finissait par une consonne, mais elle ne semble pas avoir été observée. Le XVIIe siècle à coup sûr ne l'applique pas. Oudin en donne une autre : « Il faut que je vous advertisse qu'apres les nombres composez, nous ne mettons point de copulative qu'avec le nom d'unité. Par exemple, vingt el un, vingt-deux, vingt-trois ; trente et un, trente-deux, trente-trois ; et l'on ne dit gueres trente et deux, trente et trois, et ainsi des autres jusques à cent, qui n'en reçoit jamais : car nous disons cent un, cent deux, cent trois, etc. Vous pouvez observer la mesme chose pour les ordinaux, vingt-deuxiesme, vingt-troisiesme, etc. » (Gr., 92).
La règle de Oudin est plus juste que celle de Palsgrave : l'an trois cens dix-huict (Boitel, Merv. du Mond., lre p., 151). Mais on trouve cependant à plusieurs reprises dans Corneille la règle des vingt et quatre heures (I, 270, 378, 395, etc.) ; soixante et huit ans (VI, 359)1.
Peu à peu l'emploi de et se restreint au cas où le deuxième nombre est un. Mais on entend la consonne t : vingt deux. Est-ce une preuve que et n'a pas entièrement disparu, ou bien vingt n'est-il pas plutôt assimilé à trente et aux autres ? D'Aubigné écrit : Au point de l'équinoxe, au vingte cinq de mars (Trag., 1. VII, éd. R. et de Causs., IV, 291). C'est une orthographe qui n'est pas exceptionnelle. Ménage, qui tenait pour et, eût voulu qu'on écrivît au moins vintedeux (O., I, 483-4). ■
ORDINAUX
Les formes en ième achèvent de triompher.
On peut juger de la décadence des vieilles formes ordinales latines par les observations d'Oudin: il faut dire Charles cinquième en par1.
par1. à vous dire le vray, ce que je n'eusse pas attendu d'un Amy de vingt et deux ans (Balzac, Lett. choisies, 1647, I, 187); un gros valet... qui les esprouva de chacune vingt et quatre coups (Ball, des dam. d'Amour, V. H. L., V, 325).
------------------------------------------------------------------------
288 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
lant du roi de France 1, Charles Quint, en parlant de l'empereur ; on est libre de dire Charles neuf ou neuvième. Unième ne se met qu'en composition : second, tiers, quart, quint ne se mettent point dans les nombres composés, ils sont remplacés par deuxième, etc. Quart se met avec les noms de choses qui ne se divisent point essentiellement : quart d'heure ; quartier se met avec ce qu'on peut diviser : quartier de drap. On dit toutefois quartier de lune. Quart étant un nom de mesure et quinte faisant calembour, sont peu employés, sinon en musique (Gr., 93-95). Rares sont désormais les exemples comme : dedans la tierce partie de potin jaune ou rouge (Merv. de Nat., 25 ; cf. 240). J'en reparlerai dans la syntaxe.
1. Maître Antoine Tiffaud, lequel par le commandement de Charles cinquième, avait traité et décidé cette question (Gar., Mém., 280).
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE IV PRONOMS
I. PERSONNELS. — IL, ILS et Y. — A propos du pronom personnel, tout au plus peut-on noter une influence savante, qui tend à rendre distincts il et y, au singulier, devant consonne. Quelques-uns commencent à faire sonner l très légèrement devant consonne (Anon. de 1624, Thurot, o. c., II, 141). Au pluriel, au lieu de : il ont ou iz ont soupe, on commence à entendre ilz ont soupe (Ib., II, 79) 1. Mais on trouve encore des confusions aussi nettes que celles-ci : lesquelles y voudraient voir mortes (Gar., Rab. réf., 30).
T-IL. — Cette forme interrogative t-il commence à s'étendre en dehors des verbes. Oudin signale pour le blâmer : ne voila-t-il pas (Gr., 298, ; cf. mon tome II, p. 333). Les textes écrits restent en général fidèles à voilà pas (Let. de Phyll., 1re p., 80, 2e p., 92 ; cf. d'Urfé, Ep. mor., 1. I, 41 v°). Cependant Regnard dira bientôt : Voilà-t-il pas un gros butin (Crit. de l'H. à b. fort., 2).
Bien entendu, sur l'usage de dire alla-t-il, il n'y a plus de doute, quoique parfois on n'écrive pas encore le t (Jardin, fr., 13). Sorel se demande même ce que ce t vient faire dans ajoute-t-il, mais chaque langue, conclut-il, a ses particularités (Disc, sur l'A., dans l'Hist. de l'A. fr., Livet, I, 470 ; cf. Dupleix, Lib., 376). Il est à remarquer que dans le Berger extravagant t-il est assez régulier : chacun ne nous imitera-t-il pas ? (l. I, t. I, 54 ; cf. même page : y a-t-il. Et même : ne voila t'il pas ce que l'on void dans toutes les Pastoralles (Ib.,l. IV, I, 284).
LUI ET Y. — Lui, au témoignage de Vaugelas, était souvent remplacé par y dans la langue parlée, même à la Cour : j'ay remis les hardes de mon père a un tel, afin qu'il les y donne (I, 177) 2.
II. POSSESSIFS. — Malherbe veut qu'on distingue par l'orthographe ses de ces (IV, 421). C'est la fin d'une confusion fréquente
1. Du Val se prononce encore formellement contre cette prononciation (Esch. fr., 42).
2. Il s'agit ici, à mon sens, de la vieille forme li> i, que j'ai déjà signalée au XVIe siècle (II, 313), quoique je reconnaisse que i est ancien en ce sens. Déjà dans Roland : Ne lesserat, ço dit, que n'i parolt (206). Toutefois les textes populaires écrivent li ; cf. Cyrano, Ped. joué, a. II, sc. 2, p. 41: c'est à ly à faire,... il ne l'oubly pas pour ly ; cf. p. 44, etc. Je reviendrai sur ce sujet dans la syntaxe.
Histoire de la Langue française. III. 19
------------------------------------------------------------------------
290 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
dans les impressions du XVIe siècle, mais rien n'est changé à la langue.
Tous les grammairiens sont également d'accord pour exiger que leur, adjectif ou pronom possessif, s'accorde, à la différence de leur, pronom personnel, qui reste invariable (Maup., 178 ; cf. l'Anon. de 1657, 53). Cette orthographe s'imposera peu à peu, quoique lentement.
III. DÉMONSTRATIFS 1. — CIL. — Ce mot « ne vaut du tout rien», dit Malherbe, il est hors d'usage, on doit dire celuy (IV, 425 ; cf. IV, 329, 398, 408,451). De fait, c'était un mot vieilli. Nicot disait : « pour celuy ». Et Deimier, tout en constatant que Du Bartas en use souvent, soit par licence, soit par opinion, trouve cestuy-ci beaucoup plus doux et rejette cil (Acad., 150). Du Val le considère comme poétique (184). Oudin ne l'apprécie plus guère, même en poésie, « il s'en rapporte à ceux qui en voudront user (Gr., 115) ». A la même époque, Balzac nous représente le vieux Poète de l'Université refusant de changer cil pour-celuy, « quand bien la mesure du vers le luy eust permis. Il tenoit bon pour pieça, pour moult et pour ainçois contre les autres adverbes, à ce qu'il disoit, plus jeunes et plus effeminez » (9 août 1644, Let. chois., 1647, 70). Vaugelas n'a plus besoin de le condamner, c'est « un mot enterré », comme dit (p. 49) l'Anonyme de 1657 2.
Les burlesques s'amusent à le mettre devant les relatifs qui et dont : A cil qui pour yeux dompter N'est que trop content d'en conter (D'Ass., Ov., en b. hum, 132; cf. 32, 40, etc.).
CESTUI. — Il paraît aussi dès le commencement du siècle bien compromis. Malherbe blâme Desportes d'avoir écrit : Cestuy qui se plaint (IV, 267). Du Val ne l'a pas, mais seulement ses composés (183). Maupas lui préfère tantôt celuy, tantôt iceluy (151). A peine convient-il « en réponse absolue » : Qui t'a poussé ? Luy ou celuy (150). Il peut être antécédent du relatif qui, mais moins bien que celuy (151).
Oudin le cite encore en 1645 (Gr., 115), mais il ne l'admet ni comme antécédent de relatif : cettuy qui a fait, ni absolument : je suis obligé à cettuy. L'Anonyme de 1657 (p. 49), déclare que le mot commence à passer 3. C'est désormais un mot patois : sti.
1. Je joins dans tout ce chapitre l'étude des adjectifs pronominaux à celle des pronoms.
2. On connaît la phrase de la Bruyère à ce propos (Car.,ch. XIV) : « Cit a été, dans ses beaux jours, le plus joli mot de la langue françoise ; il est douloureux pour les poètes qu'il ait vieilli.» Diderot, s'en est souvenu, en même temps que de duisait, pour faire une phrase archaïque (Jacq. le fatal., Hist. de la gaîne et du couteau)..
3. Si on excepte La Fontaine, qui en a usé de parti pris dans ses Contes, on ne le
------------------------------------------------------------------------
PRONOMS 291
Comme adjectif, cettuy n'est pas plus approuvé. Mlle de Gournay elle-même convient que cestuy homme est une diction d'Amyot, qu'il n'est plus possible d'employer (O., 616). Le P. Garasse jugeait déjà que cettuy jour, cettuy discours, et autres formules de même nature, étaient des lambeaux de Monstrelet (Rech. des Rech,., 1622, 554)1.
CESTUI-CI, CESTUI-LA. — Au début du siècle, ces pronoms avaient paru devoir durer encore.
Maupas était d'avis que, renforcé de ces particules, cestuy devenait plus coulant et plus usité (152). Du Val enregistrait les composés (183) ; Nicot, Monet, les insèrent dans leurs Lexiques. Et Oudin, en 1645, ne les condamne pas encore (Gr., 115).
Mais, ces étant désormais adjectif, il manquait à ce pronom un pluriel pour lequel il était obligé d'emprunter ceux-ci, ceux-là (Oud., Gr., 116). Outre cette défectuosité, la forme avait contre elle d'être inutile, faisant double emploi avec les composés de celui, et c'était le dernier reste des formes surabondantes que, par un instinct admirable, la langue avait peu à peu éliminées.
D'où une décadence que constate un mot de Vaugelas : cettuy-cy commence à n'estre plus guères en usage (II, 69). Dupleix protesta contre cette sentence, née de « l'imagination de quelques esprits capricieux et excessivement mélancoliques » (Lib., 224). En 1657, l'anonyme constatait qu'en tous genres et nombres il commençait à passer (49).
Les textes concordent assez bien avec l'histoire, telle que nous venons de la faire d'après les théoriciens. Au commencement du siècle, le pronom est fréquent: ainsi dans l'Astrée, et aussi dans les Epîtres morales de d'Urfé. Cf., Malherbe, II, 32, Régnier, Sat., XI, 291, J. de Schelandre, Tyr et Sidon, éd. Haraszti, v. 657, Mlle de Gournay, O., 35, Adv., 22, O., 450, Adv.. 278, O., 597, Adv., 385, R. François, Merv. de nat., 278.
Chez Balzac il est commun, surtout dans les lettres du début. A remarquer que l'adversaire de Balzac l'emploie aussi, tout comme celui qu'il combat (Let. de Phyll., 2e p., 203, 209, 214, 324, etc). Comparez : vous sçavez comme celuy là conserva son Estat, et comme
trouve à peu près jamais dans les textes sérieux. En voici quelques exemples : qu'estil donc qui en misère egalle Ceux qui du monde en cestuy sont passez (Purg.des Pris., V. H. L., VIII, 207) ; Pour voir un Himen prospérer, Tout ce qu'on sçauroit desirer D'excellentes et grandes choses, Dans cettuy paroissent encloses (Loret, Poes. burl., 141). Cf. R. Franc., Merv. de Nat., 503.
1. La dernière mention que je trouve du féminin pluriel cestes est dans Masset, Achem., 1606, p. 8. Encore l'auteur ajoute-t-il que cestes est fort peu en usage.
------------------------------------------------------------------------
292 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
cetuy-ci... faillit... (Nouv. rec de let., Let. pol., 1638, 5). Corneille l'a encore, mais seulement dans ses comédies (Clitandre a. I, sc. 9, v. 227 ; cf. a. II, sc 4, v. 506).
Bientôt il devient burlesque (D'Assoucy, Ov., en b. hum. 71,72, ou patois. On verra dans les pièces réunies par Nisard que, dans la banlieue même de Paris, sti-la resta très longtemps usuel (Agréab. confér., dans Nisard, o. c, 326, 333,334 ; cf. Cyrano, Ped. joué a. II, sc. 3). On le retrouve dans les Sarcelades et après elles.
ICELUI. — Ce mot était déjà regardé au XVIe siècle comme « praticien » (voir tome II, 316). Cependant Maupas en expose les emplois sans faire aucune restriction, il le préfère à cestui. « On dit également bien : Embrassez les promesses de Dieu et vous confiez en icelles ou en elles. Dieu est mon roc, je m'appuyerai sur lui, ou sur icelui » (153, ce passage se lit encore dans l'édition de 1638, p. 145). Mais les exemples de Maupas sont contestés par Oudin (Gr., 124 ; déjà en 1632, 98). Oudin réserve icelui au style de justice. Vaugelas réitère cette condamnation (I, 36), sans même y insister, comme il en avait pris la peine dans une remarque qu'il n'a pas publiée 1. Tout le monde ratifia 2.
On trouve fréquemment icelui dans Maupas (168, 255, etc.). Son contemporain Du Val ne l'épargne pas plus : à la fin d'icelles-dictions (Esch., 47) ; sans observer aucune chose sur iceux (ib., 182) ; ce suyvi d'une consonante ou de deux voyelles équivalentes à icelle (ib., 183). Il est dans Malherbe : et dessus un escabeau... et sur icelui un bassin vermeil doré (III, 434). Mademoiselle de Gournay s'en sert aussi : l'ornement d'icelle, usons de ce mot... malgré les visions grammaticales de nostre siècle (O., 8, Adv., 6; cf. O., 168, Adv., 216). De même R. François : aux pustules et ulceres d'iceux (Merv. de Nat., 402; cf. 305). Et une foule d'autres : La viande n'est pas plustost machée qu'elle est poussée par l'agitation, et le mouvement de la langue dans iceluy (Guerson, Anal, du Verbe, 139) ; Estant mesdames les bourgeoises arrivées au Bourget, l'une d'icelles... (Plaisantes ruses, V. H. L., VII, 22).
Mais il sert surtout désormais à imiter le style de chancellerie. C'est en cette qualité que d'Ouville le place dans certaines phrases :
1. II, 418 : « ce sont les plus mauvais mots et les plus barbares dont on se sçauroit gueres servir en nostre langue. M. Coëffeteau n'a jamais souillé ses beaux Escritsde cette vilaine tache». Et Vaugelas montre comment on peut les remplacer par y, par dedans, en, luy, elle.
2. Voir l'anonyme de 1657,49, A. de S. Maur., Rem., 1674,81, les Dictionnaires de Richelet, Furetière et l'Académie. Même les grammairiens de l'étranger sont informés à ce sujet, ainsi Duez, Guidon, 1669,254.
------------------------------------------------------------------------
PRONOMS 293
Un homme proche de la mort faisoit son testament et donnoit par iceluy beaucoup plus qu'il n'avoit vaillant (Contes, II, 17). Molière l'insèrera dans sa requête : Supplie humblement Votre Majesté de créer... une charge de contrôleur et d'icelle honorer le suppliant (Fach., Placet, III, 84 ; cf. Ec. d. Fem., a. IV, sc. 2, 1065). De même Furetière, quand il fera rendre un jugement en langage chicanourois (Rom. bourg., Il, 55-56).
CET HOMME-CI, CET HOMME ICI. — Je ne mentionne que pour mémoire les étranges scrupules de Vaugelas sur la façon de parler qui consistait à faire précéder un substantif de l'adjectif possessif cet, et à lé faire suivre de cy ou icy. Vaugelas jugeait qu'une des plus éloquentes pièces de ce temps avait été comme souillée de cette tache, car la locution était basse et populaire (II, 68-69). Tout le monde fut d'accord à soutenir la locution attaquée, sauf l'Anonyme de 1657 (51), et le copiste de Vaugelas, Chifflet (1680, 48).
Sur la forme de l'adverbe qu'il y avait lieu de joindre au nom, la divergence était grande. Tout Paris, au rapport de Vaugelas, tenait pour cet homme-cy, mais la Cour disait : cet homme icy (II, 68). Patru fait à ce propos une petite revue historique, mais se déclare, en bon Parisien, en faveur de cy. René Bary (Rhet. fr., 243) est, à ma connaissance, le dernier qui tienne pour icy. La question fut tranchée dans la deuxième moitié du siècle contre Vaugelas.
Les exemples d'icy sont fort nombreux, dans toutes sortes d'écrits 1.
Est-ce pour prendre le contrepied de la Cour que Mlle de Gournay changeait ici en ci, là où elle avait d'abord écrit comme le voulait Vaugelas : ces gens icy (O., 144, 736, 397) ; ces gens cy (Adv., 200, 498, 241); ces pellerins icy (O., 281), ces pellerins cy (Adv., 128). Sur ce point, en tout cas, elle a eu raison.
IV. RELATIFS.—QUI, QU'IL.— La confusion phonétique qui— qu'il amenait une substitution de formes qui ne pouvait plaire à des gens épris de toutes les distinctions. Malherbe (IV, 365) a corrigé dans Desportes qui pour qu'il, quoiqu'il fît la faute lui-même (IV, 2, let. autogr.), et qu'il l'ait même laissé échapper dans le Commentaire, IV, 385 : Franchise en la signification qui (qu'il) le met ici.
1. Il faut que ce coup icy chasse l'autre (Fleurs de l'éloq. fr., 43 v°) ; ce captif icy (d'Audig., Six nouv.,46) ; cet homme icy est un berger (Sorel, Berg. extr., l. v, t. I, 364) ; l'honneur des filles de tous ces lieux icy (Gomb., Endim., 141); Qui apelle à ces heures icy ? (d'Ouv., Cont., II, 215, 269); Segrais écrit de même : Dans ce siècle icy (Nouv.fr., 1e nouv., 462) ; il faudroit choisir de ces trois icy (Ib., 3enouv., 214) ; comparez dans Descartes : je me résolus de laisser tout ce monde ici à leurs disputes (Méth,, Broch., 53).
Chez les burlesques : tout ce siècle ici (Loret, Po. burl., 37) ; ce petit madrigal ici (Scarr., OEuv., I, 316).
------------------------------------------------------------------------
294 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Cette graphie disparaîtra lentement, au fur et à mesure que l'influence savante fera reparaître l dans il (Voir page 289). Les exemples fourmillent : furent recogneus... par l'un des cousins dudit marchand, qu'il s'informa d'eux combien il y avoit de temps que le cheval estoit en leur possession, et de qui ils l'avoient eu (Notable rencontre, 1622, V. H. L., t. VIII, 335) ». Inversement : Dieu est tenu de me révéler tout ce qui veut que je croye (Gar., Rab. réf., 44) 2.
L'analogie amenait à employer aussi le féminin, ce qui ne laisse pas d'éclairer la construction des phrases à la fois relatives et conjonctionnelles : La voilà desja qu'elle arrive (Fleurs de l'éloq. fr., 26) ; La voicy qu'elle vient, plus belle que l'Aurore (Racan, I, 48). Vaugelas condamne à la fois qu'il et qu'elle (II, 46).
DONT, D'OÙ. — La prononciation avait longtemps fait confondre dont et d'où. Pour les grammairiens du XVIe siècle en général, ce n'est encore qu'une seule et même forme (Voir au tome II, 423).
Au commencement du XVIIe, Bernhard (Gram. gall., 1614, IIe p., 13) dit encore « Quando dont locum denotat, refert adverbium d'où, unde, ut : Je ne scay dont cela vient, pro d'où ». Du Val (273) donne de même comme exemple : vous n'avés trouvé personne dont vous venés. Maupas est dans les mêmes idées (169).
Les textes écrivent souvent dont où nous entendrions d'où. Au port de Civita Vecchia, dont l'on commencea a descouvrir la lumière du phanal (J. J. Bouch., Conf., 214). Inversement : des qualités D'où à peine un dieu seroit digne (Malh., I, 296) ; d'où les petits licts de sangles ont pris le nom à cause de leur ressemblance (Dél. de la Camp., 263-4).
Cependant Malherbe pose en règle que dont et d'où ne prennent jamais la place l'un de l'autre. Dont se met pour le génitif de qui ou duquel. D'où ne se dit jamais que pour de quel lieu (IV, 413. Cf. IV, 273). Pour Oudin, c'est un trait vulgaire que de les confondre (131). Vaugelas viendra bientôt confirmer et régler l'emploi de chacun, ainsi que vous le verrons à la syntaxe.
V. INTERROGATIFS. — J'ai noté, au XVIe siècle, la décadence de l'interrogatif quant. Vaugelas lui avait consacré deux remarques non publiées (II, 388, 410) ; il en publia une troisième (II, 214).
1. Cf. Vaugelas sur : ce qui vous plaira et ce qu'il vous plaira (I, 56).
2. Comme si le Mathématicien estoit le compagnon de la nature ou son coi-rival, et qui lui voulut débattre la presceance (René Franç., Merv. de Nat., 461, exemple douteux, en raison de la formule et qui); elles sont tout ce qui vous plaist qu'elles Soient (Sorel, Berg. extr., IV, t. I, p. 235); il n'osoit lui demander tout ce qu'il luy faisoit besoin (Nouv. rec. de let., 1638, Let. pol., 53).
------------------------------------------------------------------------
PRONOMS 295
En vérité, le mot ne sortait plus guère de l'expression quantes fois (Malh., I, 471). Voir aux adverbes.
LES FORMES PÉRIPHRASTIQUES. — Les pronoms interrogatifs sont souvent renforcés dans la langue courante par les périphrases est-ce ou c'est : Demander par manière de problème qui c'est parmy les profanes qui a eu le meilleur esprit (Gar., Doctr. cur., 113); pour juger qui c'estoit qui l'avoit fait (Sorel, Berg. extr., III, 117, fréquent dans ce texte) 1 ; Et si elle luy demande qu'est ce qu'elle a appris en huict ans (d'Audig., Six nouv., 7); Et qui est-ce d'entre vous, si j'ose ainsi parler, qui eust peu refuser une branche de myrthe (Gomb., Endim., 233) 2.
LES ADVERBES : COMME ET COMMENT. — « La différence, dit Oudin (Gr., 296), est grande entre comme et comment, d'autant que le premier est pur de similitude, et comment est tousjours intérrogatif, et jamais on ne se doit servir de comme pour interrogatif, si ce n'est en cette phrase adverbiale comme quoy.» Vaugelas répète ceci en le développant. Il tolère qu'on dise : vous scavez comme il faut faire, et comment il faut faire, mais après le verbe demander, il faut comment : demandez-luy comment, et aussi dans l'interrogation directe ; comment estes-vous venu? (II, 13).
Les exemples dans l'interrogation directe sont abondants au commencement du siècle : Comme y fournirez-vous, quand il aura vingt ans? (Malh., I, 259, 14); Comme avez-vous fait choix de cet esprit ruzé? (Racan, I, 52); Comme estes-vous tombée en ces barbares mains? (Id., I, 48). Corneille écrit encore de la sorte : Ah ! ma soeur, Comme as-tu pu sitôt tromper ton ravisseur? (II,296, Pl. roy., 1413) ; Albin, comme est-il mort ? (III, 533, Pol., 993) 3.
Dans l'interrogation indirecte, l'usage de comme se prolonge beaucoup plus tard, nous aurons à en reparler.
1. On remarquera dans quelques textes d'où c'est que au sens de d'où, ou mieux de d'où il résulta que : d'où c'est que ceux qui gouvernaient alors ayant reconnu la malice de cet esprit, s'en servirent comme d'un organe pour combattre le Saint-Siège et notre Compagnie? (Gar., Mém., p. 89; cf. p. 284).
2. Les adverbes interrogatifs subissent le même renforcement que les pronoms : Seulement demanderoi-je volontiers quand le monde ne sera plus où c'est qu'il afichera et gravera cet Épilaplie (Let. de Phyll., 1re part., 71) ; où est-ce que lu dis qu'est Cornelie (d'Audig., Six nouv., 142); Toutefois où est-ce que mon estonnement me fait égarer (Gomb., Endim., 11); pourquoi est-ce que le P. Garassus écrit contre moi ? (Gar., Mém., p. 182); je ne puis comprendre pourquoy c'est qu'il se treuve en vous un tel changement (Sorel, Berg. extr., 1. II, t. I, p. 91) ; quand c'est que celuy de la Reyne Mere a la vogue (Id., Loix de la Gal., p. 30) ; il ne pouvoit pas comprendre pour quel suject ils avoient eu tant d'aprehension, et comment c' estoit qu'il[s] s'imaginoient que la fin du monde fust si prochaine (Sorel. Berg. extr., l. I, t. I, 46-47).
3. Comment pour comme est beaucoup plus rare, il se trouve pourtant : ce n'est pas là comment il faut aller (Sorel, Berg. extr., 1. I, t. I, p. 18).
------------------------------------------------------------------------
296 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2° COMME QUOI. — Un nouvel interrogatif fit un moment concurrence aux deux précédents, c'est comme quoi. On le trouve chez Balzac : Comme quoy jouïr tranquillement du Présent, qui n'est pas bon ? (Balz., Let., liv. XI, 9). Les Lettres de Phyllarque en usent de même : Voyons ensuite comme quoi Narcisse console son Olympe (Ie p., 225; cf. IIe, 370). Comparez.: Si bien que je ne scay comme quoy la fortune M'a voulu mettre au port en dépit de Neptune (Mairet, Sylv., v. 1785, p. 134); Il est vray que j'eus tort, mais ne t'ay-je pas dit Comme quoy par les yeux ma raison se perdit (Ib., v. 1403-4, p. 108).
C'était une nouveauté bien malheureuse, de nature à faire naître des équivoques, comme dans cette phrase : Les anciens maîtres de la rétorique reconnoissans combien ce pas est dangereux, ont donné des règles pour éviter les inconueniens qui s'y rencontrent, et comme quoy l'orateur peut parler dignement de soi-mesme (Let. de Phyll., IIe p., p. 182). Vaugelas constata la vogue de comme quoy : « C'est un terme nouveau, qui n'a cours que depuis peu d'années, mais qui est tellement usité, qu'on l'a à tous propos dans la bouche. Apres cela, on ne peut blasmer ceux qui l'escrivent, mesme à l'exemple d'un des plus excellens et des plus célèbres Escrivains dé France, qui s'en sert d'ordinaire pour comment. » (II, 12).
VI. INDÉFINIS. —INTRODUCTION, DE L'ARTICLE. Le développement de l'article modifie la forme de divers pronoms indéfinis.
Autre commence,à n'être plus employé seul. Malherbe blâme : Et par mesmes appas autres pourchasseront (IV, 364). Toutefois il l'emploie dans son Tite Live (I, 392, où il a été corrigé en 1631). Maupas dit seulement: autre est pur adjectif(191). Oudin (Gr., 141) n'est pas plus explicite.
Les exemples sont bien rares : Feu dont autre que vous n'a la flame allumée (Mairet, Sylv., v. 784, p. 64). Il y a une chanson de Malherbe : Qu'autres que vous soient désirées. Corneille a encore dit : Autre n'a mieux que toi soutenu cette guerre, Autre déplus de morts n'a couvert notre terre (III, 305, Hor., 547-8, texte conservé en 1656) ».
Avec aucuns au pluriel, l'article les n'est plus possible (Anon. de 1657, p. 65 ; cf. mon tome II, 321) 2.
Aucuns, avec l'article d', est tout à fait commun ; sans l'article il se
1. Comme adjectif, autre est, bien entendu, fréquent avec un nom sans article: Jamais autre désir n'entrera dedans moy (Racan, I, 70). 2. Suivant le même, d'aucuns ne se dirait plus non plus (ib.). C'est tout à fait faux.
------------------------------------------------------------------------
PRONOMS 297
trouve aussi : Aucuns pilent et préparent ainsi la limaille de plomb (R. Franç., Merv. de Nat., 244) ; Aucuns des combatans de part et d'autre furent mis en prison (Le cour, de nuict, 60).
Le développement de chaque 1 a côté de chacun, ne semble pas, pendant les cinquante premières années, avoir menacé l'existence de la locution un chacun. Maupas la donne encore sans observation (p. 187). Oudin l'exclut comme adjectif : un chacun homme, et ne l'accepte que comme pronom et au masculin singulier seulement (Gr., 138). Ainsi limité dans son emploi, un chacun vivra encore longtemps 2.
Certain cède à un certain ; on le trouve cependant encore : il n'y a que certain nombre de paroles qui toutes sont en un bloc (Du Val, Esch. fr., Av. propos).
Avec on, la présence de l'article est plutôt une question de phonétique que de grammaire. Oudin souhaiterait qu'on usât discrètement de l'on, car il sonné fort mal avec les relatifs et les pronoms joints ensemble qui commencent par l : que l'on la luy donne (Gr., 144). Vaugelas règle la matière avec précision : Devant le verbe, on met plutôt on, à moins que l'on ne se trouve au cours d'une période dans laquelle le mot qui précède finit par é. L'on se met après é, et, on, et généralement après toutes les voyelles, excepté e féminin. En outre on dit si l'on, sauf dans le cas où le mot suivant commence par l. Après que, plutôt on, à moins qu'un mot voisin ne commence par con (I, 64-69).
Après le verbe, Deimier veut déjà qu'on dise t-on et non l'on (Acad., 185-6). Vaugelas est du même avis, ainsi que Dupleix (Lib., 376). C'est désormais une règle (Anon., 1657, p. 64).
On trouve bien encore des exemples de l'ancienne manière d'écrire : on abbreuve d'eau la myrrhe, puis on la presse et en tireon la chresme (R. Franc, Merv. de Nat., 269); peut-estre les amasse-on pour des choses moins nécessaires (Camus, Iss. aux Cens., 588). Sorel imprime assez régulièrement : -t-on : ou a t'on vu (Berg. extrav., l. II, t. I, 91) 3.
1. Dans l'expression chaque jour, il ne faut pas sortir du singulier (Oud., Gr., 270).
2. Elle est si bénigne envers un chacun (Du Val, Esch. fr., Av. prop.). Cf. Racan,I, 105, 132, 215; Balzac, éd. Moreau, I, 367; Descartes, Méth. 19; S' Amant, I, 352, 369, II, 425; Ant. Corn., 75; Chap., Guzm. d'Alfar, IIe part., 1. I, p. 42, 64, etc.
3. Pour un et l'un, Vaugelas avait commencé une remarque : Je ne scay s'il est bien dit : Ils sont plusieurs officiers : qui en touche l'un a quant et quant toute la Compagnie sur les bras; c'est ainsi que s'exprime Malherbe; ou s'il faut dire qui en touche un. Je scay bien que quand il n'est question que de deux personnes, il faut dire : Qui touche l'un touche l'autre. Mais quand il y en a plusieurs, l'usage est un peu plus douteux (Vaug., II, 437, Rem. posth.,). On ne peut rien fonder là-dessus. Et en effet,
------------------------------------------------------------------------
298 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
FORMES VIEILLIES. — Maint a été condamné par Malherbe (IV, 336) ; au pluriel surtout, il paraissait mauvais aux « antagonistes » de Mlle de Gournay (O., 967) ; Oudin le donne à tous les genres et nombres (Gr. 139), mais la Requête des Dictionnaires s'en moque, et Vaugelas le réserve à la poésie héroïque (I, 252, cf. : une remarque inédite, II, 410), ce qui est le dernier stade avant l'exclusion. Le mot donnera encore lieu à bien des discussions, avant que La Bruyère fasse son oraison funèbre (II, 206). Il y en a des exemples assez tard, mais ils sont dans Scarron (Virg., I, 309), dans La Fontaine (III, 205, 228, etc.), dans Molière (I, 138, Et., 505 ; VI, 360, Amph., 72), tous auteurs qui jouissent d'une liberté particulière. Avant Vaugelas, les exemples n'étaient pas rares.
Maint et maint était également proscrit (Malh., IV, 275; cf. Gourn., O., 956) : Car là dedans mainte et mainte personne (Purg. des pris., V, H. L., VIII, 203).
Nul est fortement menacé par personne (sans parler de aucun et de pas un). Si on demande : Connoissez-vous quelqu'un en ceste ville ? il faut répondre personne plutôt que nul (Oud., Gr., 140, cf. 1632, 113). Maupas avait observé déjà qu'au féminin, sans substantif, il ne semble pas si bien couler (189). L'Anonyme de 1657 (65) répète à peu près l'observation d'Oudin.
Part, comme dans « part dépecent la chair », est proscrit par la nouvelle Ecole (Gourn., O., 967 ; cf. Adv., 643). Ce sens n'est donné ni par Nicot, ni par Cotgrave, ni par Monet.
Que que. (Cf. tome II, 323.) Il n'en est plus guère question, en dehors de la locution que bien que mal, à laquelle La Fontaine a depuis rendu la jeunesse : En fin comme elle pust, que bien que mal,... a bastons rompus elle luy conta le négoce (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 277) ; sous l'ombre de quelques douzains qu'il a que bien que mal acquis (Id., ib., III, 33) 1.
C'est une façon de parler burlesque : en faizant stipulation Des Trépassez de cette Ville, On en nombre jusqu'à vingt mille, Que moyens, que grands, que petits (Loret, 1er juillet 1656, v. 19); Lors entrèrent soudainement Douze, que filles, que fillettes, Fort aymables et fort discret tes (Id., 27 juillet 1658, v. 190); Et dix
on trouve chez les classiques un pour l'un : Dans la vue de ces infinis, tous les finis sont égaux, et je ne vois pas pourquoi asseoir son imagination plutôt sur un que sur l'autre (Pasc, Pens.. Havet. art. 1, I).
1. On trouve encore que de, que de = tant, de, que de : Il y a aussi grand nombre que de prépositions, que d'adverbes qui se construisent avec articles indéfinis (Maup., 1607, p. 115).
------------------------------------------------------------------------
PRONOMS 299
mil que Turcs, que Chrestiens Tant Estrangers que Citoyens (Id., 2 oct. 1660, v. 255).
Qui, qui (cf. II, 323). Une discussion s'engage à ce propos entre Vaugelas et ses adversaires. Lui, ne conteste pas que la locution soit en usage, mais il déclare que ce n'est pas chez les excellents écrivains (I, 121), tandis que Dupleix (Lib., 523) et La Mothe Le Vayer (41, OEuv., II, 636-7) la trouvent très élégante, plus élégante que l'éternelle répétition de les autres1.
L'expression qui ça, qui là, qui deçà, qui delà est à part. Elle se trouve partout (Voir Corn., I, 268 et Lex. M. L., 11,258).
Je noterai ici dans la langue populaire une confusion, peutêtre d'origine phonétique, qui du reste se fait encore ; tel que s'échange avec quelque. C'est une chose impossible à l'homme, tel qu'il soit, d'avoir veu un feu si vehement (Inc. du Palais, V. H. L., II, 161) ; et telles quelles soient, elles sont légitimes (Gillet de la Tesson., L'art de régn., 71); tous choux, mesmement toute plante, telle qu'elle soit (Jard. fr., 153) ; Vous ne mettrez pres de vos Arbres aucune Racine telle qu'elle soit (Ib., 31). Vaugelas condamne cette « faute » (II, 136).
Quel pour quelque se rencontre encore: Vous en diposerez tousjours de quelle façon qu'il vous plaira (La Serre, Clytie, II, 233) ; Mais quel esclat qu'elle ait, elle a tousjours son poids (Gillet de la Tessonn., L'art de régn., 2).
Trestout, que Henri Estienne réservait déjà à la populace (V. mon tome II, 323), était visé dans une remarque non publiée de Vaugelas (11,470). Il était à peine besoin qu'on le déclarât impropre à être écrit, cependant Maupas l'acceptait encore (1607, 92. Encore
1. Il est facile d'en citer des exemples avant Vaugelas : En fin sur le soir que chacun estoit attentif, qui à dancer et qui à entretenir la personne plus à son gré (Astrée, 1615, I, 147 A) ; qui loüoit la couleur de sa face, qui la gentillesse de son corps,- qui la douceur de sa parole (d'Audig., Six nouv., p. 10). Dans les Merv. de Nature l'expression revient fréquemment : Qui dit que c'est du canfre, qui un suc et une liqueur d'arbre comme le baume, l'encens, qui des champignons naissant au fond de la mer, et puis comme le corail, durcissant à fleur d'eau ; qui une terre grisastre (278); les autres blessez mortellement, qui auoit un bras avalé, qui un jarret coupé, l'un la leste fendüe (Le Cour. de nuict, 243) ; car ils approchent de la délicatesse du sang du porc, qui plus, qui moins, et j'en ay veu en beaucoup de Provinces (Dél. de la Camp., 267).
Il est incontestablement très commun chez les burlesques : Il trouva... trois... de ses serviteurs, qui rostis, qui tuez (Chapel., Guzm. d'Alf., t. III, 286; cf. ib., t. I, 136); Chacun cherche en son ratelier Qui les harnois d'un cavalier, Qui sa lance, qui sa rondelle (Scarr., Virg., II, 248); cf. Brébeuf, Luc. trav., 143, et 161 : Femmes grosses accouchèrent Qui d'une huître, qui d'un chat, Qui d'un fagot, qui d'un rat, Qui d'une anguille menue, Qui d'une beste cornue, Qui d'une longe de veau.
------------------------------------------------------------------------
300 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
en 1638). Je l'ai trouvé dans quelques textes (ainsi Merv. de Nat., 463) ; mais ils sont presque tous burlesques ou comiques 1.
Un, au singulier, sans pas, devient tout à fait rare et populaire. Maupas fils cite encore uns (= les uns) en 1638 (p. 109). Il retarde. Sorel a fait là dessus une remarque intéressante: Ayant mis une dans la bouche d'un berger, il observe : « Si ce berger dit à Cécile qu'il songe par trop aux beautez d'une de qui le bel oeil l'enchante, sans dire si c'est d'une fille ou d'une tigresse, c'est une ancienne façon de parler qui avoit quelque grâce. Anth. de Baïf commence ainsi une chanson » (Berg. extr., Rem., III, 117) 2.
Pas un, au contraire, est en plein usage. Maupas et Oudin le définissent. L'Anonyme de 1657 le dit élégant (66), il cite même un écrivain qui aurait risqué point une : Il n'y en a point une plus remarquable, ni plus avérée. En réalité il faut arrêter la voix après point. En tout cas, pas un est classique 3.
1. En mangeant tretous comme il faut (Cl. le Petit, Chron. sc., Paris ridic, 115 ; cf. 112) ; retirons-nous tres tous ensemble (Com. Prov.,A.th. fr., IX, 19); Que ne sontils tretous pendus (Disc sur la mort du Chapellier, V. H. L., V, 39).
2. Amour rendit par la conversation du berger Leonide plus nécessiteuse d'un qui parlast pour elle (Astrée, 1615 I, 77 A et B).
Cette ancienne façon a été gardée par les comiques et les burlesques : Une simple Bergère asservir sous sa loy Un qui peut commander en qualité de Roy (Mairet, Sylvie, v. 91-92, p. 18) ; mon chemin s'adressa vers Saine t-Eustache, chez un qui est accreu en biens sans faire tort à personne (Le Pont Breton des Procureurs, V. H. L.,
VI, 263) ; je croy Qu'un qui peut s'exempter d'une si douce loy Vit à l'abry des maux que le Ciel nous envoyé (d'Ouv., Coif. à la mode, III, 1); cf. Aux Pères Dom Jean et Dom Cosme Un dont le dos devient un dôme, Depuis dix ans toujours assis, Ecrit ces vers de sens rassis (Scarr., OEuv., I, 179 ; cf. d'Ass., Ov., 132).
3. Si l'imprudence de Narcisse a paru en pas une de ses actions (Let. Phyll., II, 29) ; le Berger... jura... que jamais dans aucun livre il n'avoit veu que pas un Amant eust eu en si peu de temps de si rares Avantures (Sorel, Berg. extr., I, 132 ; cf. l. V, I, 368); Si vous aspirez à quelque gloire, n'en aspirez à pas une qui vous soit commune avecque personne (Nouv. rec.de let., 1638, Let.pol., 6) ; Tous regardent l'empire ainsi qu'un bien commun Que chacun veut pour soi, tant qu'il n'est à pas un (Corn.
VII, 430, Pulch., v. 121) ; Il ne sembla commun à pas un (Sarasin, OEuv., I, 283).
Les burlesques s'en servent souvent (Loret, 20 oct. 1657, 4; 3 nov. 1657, 233; 5 avr. 1664,168).
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE V
LE VERBE
ACTIF, PASSIF, PRONOMINAL.
CONJUGAISON SOUS FORME PRONOMINALE DES VERRES INTRANSITIFS. — Malherbe avait l'intention visible de distinguer avec soin l'une de l'autre les deux formes, et il se prononce à plusieurs endroits contre des pronominaux, usuels en moyen français : se condescendre pour condescendre (IV, 391), s'éclater pour éclater (IV, 459; cf. Doctr.,. 432).
Oudin fait une liste avec des observations (Gr., 225). Il admet se couler, se délibérer,se desplaire, se douter, se diligenter, s'estudier, s'extravaguer, se louër de quelqu'un, se paillarder, se présumer, se rire, se taire 1 (Cette liste est suivie d'une autre, comprenant les « verbes réciproques » qui ne s'emploient jamais sans pronom : se repentir, etc.). En général le sens, suivant lui, est le même, qu'il y ait ou non un pronom.
Ph. Garnier montre des préoccupations analogues, et blâme Serreius d'avoir, « contre la pureté du langage français », oublié la réciprocation dans : je fu hier pour mener, alors qu'il faut dire me pour mener (Praec, 1618, p. 165 ; cf. Mén., O., I, 366).
Vaugelas, dans une remarque non publiée, reprochait à Malherbe d'avoir écrit, dans sa traduction de Tite-Live, : ils ne se bougèrent point au lieu de ils ne bougèrent point (II, 377). Au contraire il admet s'attaquer à, qui est étrange, mais français (II, 251).
En réalité, l'hésitation persiste encore un certain temps, mais l'impulsion est donnée, le développement analogique de la forme pronominale dans les intransitifs s'arrête.
Les exemples du temps sont nombreux : cette (dame) qui une autre fois s'apparut dans les roches de Rambouillet avec l'arc et le visage de Diane (Voiture, Let. II, éd. Uz.,I, 17) ; Je pense à tout moment qu'il
1. Dans son énumération, il ajoute à ceux-ci les verbes où le se est complément d'objet indirect.
------------------------------------------------------------------------
302 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
s'apparoist à moy (Racan, II, 146) ; pour se communier (GAV., Mém., 234) ; (Il faut) que les monastères de ces lieux-là puissent se communiquer par lettres à ceux de France (S. Chantai, Lett., CCCXXXI, 455-456) ; Ce point est important pour les supérieures qui se communiquent au dehors (Ead., ib., let. CCXLI, 349) ; je me crains bien que non (Dub. Mont., Exc. pol., 8); Ainsi se partit ce Berger, tant affligé qu'il s'en alla les bras pliez l'un dans l'autre, et les yeux contre terre (Astrée, 1614, II, 131) ; Je ne me suis party d'aucun lieu qu'avec un extrême regret du peuple (Tabarin, II, 223, Opusc. Tabar) ; Sylvandre mesme s'en rit comme les autres (Astrée, 1614, II, 437) 1.
Inversement, des verbes intransitifs remplacent des verbes aujourd'hui pronominaux : et que vous ne craindrez plus qu'elle répande, vous prendrez tout le dessus du pot (Del. de la Camp., 279-280) ; Meriphile, je n'aurois pas approuué, ny vostre venue, ny vostre desguisement, si je ne vous croyois assez discret pour en taire... (Cel. et Maril., 100).
CONJUGAISON SOUS FORME PRONOMINALE DES VERRES TRANSITIFS.— La même indécision existe dans certains cas avec des verbes transitifs, ainsi essayer, oublier, remplacés par s'essayer, s'oublier. Je m'essayerai de vous obtenir l'entrée de notre maison (S. Chantai, Let., XXXVII, 45) ; Au reste, je m'oubliai, il y a quelque temps, de répondre à un point d'une de vos lettres, et il me fâcha grandement de ce qu'il étoit échappé à ma vieille mémoire (Ead., ib. CCCLXXV, 532) 2. Nous sommes en un temps où chacun vou1.
vou1. : Nous assoupissons en tenant les bras croisés (Dub. Mont., P.O., 13) : quand, par manière d'élire, l'incomparable bonheur de me revoir à vos pieds,... se passe dans mon esprit, incontinent j'attendris et les larmes sont émues (S. Chantai, Lett. I, 5) ; le regret est extrême D'esloigner tant soit peu le sujet que l'on aime (Espad. sat.,38) ; vraiment, il nous doit peu importer que les choses temporelles renversent (S. Chantai, Let. CCXXXIX, 347, celui-ci est encore populaire); Je suis marrie que les filles tracassent tant pour la santé de leur supérieure (Ead., ib.,CCIII, 91); les cheveux hérissent de savoir les désolations et calamités que souffre la pauvre chrétienté (Ead., ib., CCXV, 311) ; C'est ton pouvoir qui preside au combat, C'est luy qui met les empires à bas Des tyrans dont la force arme pour l'injustice (Racan, II, 224; cf. auj.: la France arme); Ah ! je pasme ! je meurs ! (Id., I, 100); Depuis que vous t enez ma franchise asservie, Je n'ay fait jour et nuit que plaindre et soupirer, Et semble que jamais je ne doive espérer La fin de mon tourment qu'en la fin de ma vie (Id., I, 208) ; L'on ne me voit jamais que plaindre mes douleurs (Id., I, 165); Elle plaint à bon droict l'ennuy qui la menace (Id., I; 118): Le soleil quand il éclipse (Cotin, Théoclée, 105).
2. Les âmes qui se sont totalement abandonnées au soin de la divine Providence doivent, tant qu'il leur est possible, s'oublier d'elles-mêmes et de toutes choses par ce continuel regard de Dieu (S. Chantal, Let. CCXCII, 410) ; Je me sens (pour votre chère âme) un respect et dilection nonpareille, qui m'empêchera de jamais m'oublier de
------------------------------------------------------------------------
LE VERRE 303
droit se secouer de son fardeau (Ead., ib. CCCXCVIII, 570) ; Ceux qui sont autour de Sa Majesté... ne s'oublièrent d'aucun artifice (Gar., Mém., 168).
REMARQUE. — Il faut, bien entendu, se garder de mêler à ces verbes ceux où un se disparaît à l'infinitif, parce que cet infinitif est régime de faire, laisser, voir, vouloir, etc. : Je laisse évanouir tout le souvenir des miennes [mes maîtresses] (Théoph., OEuv., 1641, Let. XXXIX, 155) 1.
Cette ellipse se rencontre, même quand plusieurs mots séparent le verbe de l'infinitif : Tous ceux qu'on voit dans l'air et la terre mouvoir (Racan, II, 144).
SUBSTITUTS DU PASSIF. — Les trois expressions de l'idée passive, la soupe est mangée, on mange la soupe, la soupe se mange, sont reconnues, et expliquées par les grammairiens (Maup., 195-197, 239240 : Oudin, Gr., 156-159). Et l'Académie refuse de suivre Scudéry quand il attaque l'expression : Et leurs terreurs s'oublient (Corn., XII, 496). Les exemples fourmillent, tout autant qu'au siècle précédent : Elle vous supplie de sçavoir de Mme de Saint Amand, à qui elle s'adressoit, ce qu'elle (la lettre) est devenue (Voiture, Let. XV, éd. Uz., I, 49); En vérité, lors qu'il m'arrive de penser que je suis dans leur souvenir, pour ce moment toutes mes peines se suspendent (Id., Let. LI, ib., 165) 2.
vous devant la divine Majesté (Ead., ib., LXIII, 80) ; ce me sera un gage précieux du souvenir et bienveillance qu'elle me témoigna dans un détroit, où l'on s'oublie volontiers de toutes créatures (Ead., ib., XXXIV, 41) ; Faites, que ce vrai serviteur de Dieu ne s'oublie point de moi en ses saints sacrifices et oraisons (Ead.,CDXV, 598); Je me suis toujours oubliée de vous dire que vous ne me mettiez point : supérieure des monastères,au-dessus de vos lettres (Ead., ib., CLXXXII, 259).
1. Quand leur avis (des soeurs conseillères) se trouvera dissemblable du vôtre, tachez... de les faire joindre à vous (S. Chantal, Let. CCX, 304) ; Cela est si vrai que Dieu m'a donnée à vous, que vous ne devez jamais laisser ébranler cette vérité (Ead., ib., CCCXXI, 439) ; je désirerois bien que l'on laissât reposer au moins un an les déposées pour se reprendre un peu (Ead., ib., CCCXCIV, 563); Nous attendons la même grâce, car ce bon père ne veut arrêter que par obéissance (Ead., ib., CXXI, 1741: Veux-tu que de sa mort je l'écoute vanter (Corn., III, 193, Cid, v. 1720). (Voir Godefroy, Lexique de Corn., Il, 186).
Il faudrait voir dans quel rapport est avec cette construction l'usage populaire qui fait dire : je vais promener, quand on ne dira jamais : je promène. Cet usage est ancien ; pour le porler refroidir (Del. de la Camp., 18) ; puis les mettent achever de cuire, (ib., 142).
2. Et, à vostre advis, l'aimeront-ils (le C1 de Richelieu) ou l'estimeront-ils moins à cause que de son temps les rentes sur l'Hostel de Ville se seront payées un peu plus tard (Id., Let LXXIV, 229) ; Trois choses se sont par la grâce de Dieu, constamment pratiquées (S. Chantai, Let.,CCCLVI, 495) ; Elle la suit (la communauté) en ses exercices fort paisiblement et exactement, et m'assure qu'ailleurs elle feroit le même (Ead.. ib., LXXV, 108); Il falloit demeurer comme l'ont étoit, puisque c'étoit par... déclaration expresse de la volonté de notre bienheureux père, dont la pratique s'éloit constamment gardée (Ead., ib)., CXXVIII, p. 185).
------------------------------------------------------------------------
304 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Souvent le verbe est suivi du régime du passif : des livres qui se font par les François (Lett. de Phyll., Ie p., 232); ceux qui haïssoient monsieur le cardinal se sont convertis par le dernier miracle qu'il vient de faire (Voiture, éd. Uz., I, 234); les nouvelles qui se racontent par la multitude des femmes (Caq. de l'Accouch., 910) ; le doux air qui s'exale en moy par vostre faveur (OEcon. ou le vray Advis pour se faire bien servir, 1641, V. H. L., X, 1-2); à respondre devant Dieu de tous les degats qui se font dans les cuisines par les profusions inutiles (Dél. de la Camp., 212).
PASSAGE D'UNE CONJUGAISON A UNE AUTRE
Certains verbes hésitent toujours entre plusieurs conjugaisons : Oudin dit : vessir, non vesser (Oud., Gr., 168) ; secouer, non secourre ou escourre (Gr., 179, où Maupas est blâmé). Il ajoute : On ne dit plus toussir, mais tousser (Gr., 167 ; toussir est encore dans d'Ouville, Contes, II, 114 ; cf. Scarr., Virg., II, 8) 1. Il défend en revanche pollu contre polluée (Gr., 159).
Ce sont surtout les envahissements de la conjugaison inchoative qui sont, comme toujours, à noter. Vests est déjà très sérieusement menacé par vestis, et Malherbe est obligé de remarquer que vestit est un passé (IV, 402) ; Maupas accepte les deux présents, et au participe vestant et vestissant (251). Oudin est hostile aux formes inchoatives (Gr., 168-9), Vaugelas aussi (1,369). Cf. mon tome II, 324).
Oudin essaie aussi de barrer la route à nous départissons pour nous départons (Gr., 165). Dupleix s'oppose à cueillit pour cueille (Lum., 323). Mais c'est sur le verbe haïr surtout que porte l'effort. J'ai marqué (t. II, p. 324) que toutes les personnes prenaient peu à peu la forme inchoative, même au singulier. Malherbe condamne la vieille forme à certains temps. « Dites haïssant, non hayant, haïssez, non hayez » (IV, 313, 306). Il ne dit rien du singulier. Maupas acceptait je hay et je haï, hairay et haïray. Mais Oudin veut garder les vieilles formes au singulier : je hay, et non je haï, au contraire, nous haïssons, et non haïons (Gr., 164). Vaugelas donnera la même règle, malgré un usage, de son aveu, très répandu (I, 75). Et ainsi se constitue cette conjugaison hybride que
1. Fanir est encore tout commun : fleurs que l'automne a fanies (Racan, 11,258; cf. II, 112, 238; et Chap., Guzm. d'Alfar., III, 353). L'auteur des Merveilles de Nature ne sait comment dire : fanir ou faner les fleurs (275).
------------------------------------------------------------------------
LE VERRE 305
nous avons encore, où la transformation commencée a été arrêtée à mi-chemin 1.
Voici quelques exemples : Or, estant Franc-Contois, Romain et catholique, Tahis plus que Luther et Calvin, l'hérétique (Esp. sat., 112); Comme Calvin hayt la messe, Ils veulent mal à la noblesse (Ib., 102) ; Tu haïs les menteurs et les hommes de sang (Racan, II, 39) ; Tu haïs ceux dont l'artifice S'adresse à tout autre qu'à Toy (Id., ib., 96); Je haïs les Enfers beaucoup plus que les deux (La Mesnardière, Po., 380) ; Pourquoy veux-tu sçavoir mon nom et mon païs? Il suffit que je te haïs (Id., ib., 396 ; cf. 399) ; Il ne me haït pas (La Prêt., 405). Mais Corneille a dit : Va, je ne te hais point (III, 157, Cid, 963) 2.
Puir est conjugué par Maupas : je pu, je puï, j'ay puï, je puray (250). Suivant Oudin, l'infinitif n'est pas usité (Gr., 160). Il put est commun. Les exemples que j'ai sont du style bas, ou comique (Mol., IX, 104) 3.
Inversement on trouve quelques cas où la conjugaison en er l'emporte sur celle en ir. Ecarer les chesnes (pour équarrir) qu'on lit dans Racan (I, 241), n'est qu'un archaïsme, comme le dégaucher des Merveilles de Nature (455), mais il semble bien que dégrosser soit nouveau : où l'on dégrosse la besongne (R. Franc., Merv. de Nat., 456).
Abhorrer triomphe de abhorrir, qui était encore donné par Nicot. Le mot, du reste, faillit périr. Chapelain déclara qu'il ne saurait être justement exclu du bel usage, mais qu'il ne se doit employer que dans les fortes expressions (Let. à Brieux, 17 sept. 1661).
Recouvrer et recouvrir, ayant des formes communes, ne se distinguaient guère. Au participe particulièrement, recouvert se disait pour recouvré. Il est dans Malherbe lui-même : N'y en a-t-il pas eu qui... ont recouvert leur santé (II, 176 ; Cf. II, 520; III, 91). Suivant Oudin, recouvert, ainsi employé, n'est pas bon, quoique par
1. Montreuil en fit une épigramme :
Philis, voulant se corriger De mille mots bretons qui me font enrager,
Et dont elle enrage elle-mesme, Me demandoit tantôt s'il faut dire en françois
Je vous haïs ou je vous hays. — Evitez l'un et l'autre avec un soin extrême...
Dites seulement « je vous aime».
(Montreuil, OEuv., 1666, 550, pagination intervertie.)
2. Vermoulu avait fait naître antérieurement vermoulir : les murs poussent et font ventre, les bois se fendent et vermoulissent (R. Franc., Merv. de Nat., 439).
3. Enfin, leur charbon de terre Put bien moins qu'elles ne font (St-Am., II, 466) ; put : rut (Richer, Ov. bouf., 264); put : reput (Bensserade, OEuv., 1697,1, 204); fut : put (Scarr., Virg., I, 254 ; cf. II, 116).
Histoire de la Langue française. III. 20
------------------------------------------------------------------------
306 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
abus on l'emploie (Gr.,163). Vaugelas s'imagine que cette confusion est récente, et voudrait bien la faire disparaître. Mais elle est si bien établie par l'usage de la Cour qu'il ne peut se résoudre à la condamner, et, si dans une lettre ou une petite pièce, il met recouvert, dans une oeuvre de longue haleine il mettrait tantôt l'un, tantôt l'autre. Pour recouvrir, qui n'est pas encore aussi répandu, il vaut mieux l'écarter tout de suite (I, 69-71). Patru, qui sait que les anciens en usaient de la sorte, admet indifféremment recouvert et recouvré, recouvrer et recouvrir 1.
Despenser remplace despendre. Malherbe disait que pendre, despendre étaient bons pour les Gascons (Doctr., 260) 2.
CONJUGAISON. INTERROGATIVE
L'e sourd final de j'aime était devenu é devant le pronom je : aimé-je ? et non plus aime-je ? Vaugelas tient à le marquer, dans l'intérêt des Provinces de « de là Loire » (I, 343). C'est chose incontestable, et le résultat en était que bien souvent l'ai remplaçait e dans l'orthographe. Vaugelas prémunit ses lecteurs contre cet abus. Il est commun dans les textes: Aussi m'asseuray-je que tu ne manqueras pas d'estre puni de ton costé (Fleurs de l'éloq. fr., 36 v°) ; Que dis-je, et pourquoy m'efforcay-je inutilement? (Théâtre d'Eloq., Har., 111); cf. : Resuez-je point icy? Suis-je bien éveillée? (Coif. a la mode, 64) ; A quoy songé-je insensé? (Sorel, Berg. extr., l.I,t.I, 38) ; gardé-je les meilleurs pour la fin ? (Id., ib., l. I, t. I, 55).
Un second résultat fut que les verbes des autres conjugaisons, terminés en consonnes, tendirent plus ou moins à prendre par analogie une désinence en é. Oudin constate que cette inclination était fort répandue, et dans le vulgaire et chez des personnes d'esprit. Au lieu de pers-je, on entendait dire perdez-je, au lieu de dors-je, dormez-je, au lieu de vay-ie, allez-je. Oudin, voyant ces fautes échapper à de « bons discoureurs », conseille d'user de circonlocutions pour éviter cours-je (courge) ou vends-je (venge) (Gr.,203). Vaugelas met aussi en garde ses lecteurs contre cette « grande erreur » (I,343-344).
1. Est-ce en raison de cette confusion ou à cause de l'incertitude sur l'inflexion du passé dont j'ai parlé (Voir mon t. II, 338) qu'on trouve decouvra : et lui avec quelques uns, se decouvra du chaperon, et montra son visage encore avec la mesme misérable gravité seigneurialle (Hist. adm. d'un Favory, 1622, V. H. L., I, 109).
2. Voici quelques exemples, parmi les derniers : Et ceux qui ont despendu sa richesse (Purg. des Prison., V. H. L., VIII, 206); Si ton mary va ton argent despendre à la taverne, il a quelques raisons (Fant. repentir des Mal-Mariez, V. H. L., IV, 317).
------------------------------------------------------------------------
LE VERRE 307
Il est bien exact que les écrivains évitent ces barbarismes. Sosie s'interroge correctement : Rêvé-je ? est-ce que je sommeille ?.. . Ne sens-je pas bien que je veille?... Ne tiens-je pas une lanterne en mains?... Ne te trouvé-je pas devant notre demeure? Ne l'y parlé-je pas d un esprit tout humain ? (Amphytr., I, 2). Mais déjà, dans l'usage général, pour tourner la difficulté, on se servait des particules est-ce que, où est-ce que, etc. (Voir p. 295.)
LES RADICAUX
ALTERNANCE A-E. — Il n'est plus question deparoir. Le désordre même des formes données par Maupas le prouve : il pert, il parut, il aparu,paroir et paroistre, parroissant, il perra et paroistra (256). Nous avons affaire à un verbe où tout commence à se reformer sur paroistre. Il appert, lui-même, que Oudin déclare seul usité (Gr., 177), appuyant ici Mlle de Gournay (O., 591), ne demeurera que dans la langue du droit 1.
ALTERNANCE E-IE. — La décadence de ferir continue (voir t. II, 346). Malherbe souligne le passé simple, encore commun au XVIe siècle (Doctr., 414)..Et le fils de Maupas déclare que les composés sont plus usités que les simples (1638,229). Dans les textes ferir, feru restent communs. Je n'ai trouvé les formes personnelles que dans des vers burlesques : Echo le vit et s'en ferut (Richer, Ov. bouf., 325). Sorel lui-même ne disait-il pas que c'est un de ces mots que la populace elle-même condamne, ne sachant plus qu'à peine ce qu'ils signifient (Disc. sur l'Ac. franç., éd. Liv., I, 470).
Gésir est conjugué par Maupas (252): je gris, gesi, gisant, gesiray, gerray, la gesant : la femme en couches. Oudin déclare gît, gisant seuls usités (Gr., 164) 2.
Seoir et cheoir. J'ai déjà signalé au XVIe siècle (t. II, 349-350) la confusion extrême qui régnait dans la conjugaison des verbes seoir et cheoir. On trouvera les témoignages des grammairiens dans Thurot (I, 524 et suiv.). A l'infinitif, on hésite entre choir, soir et cheoir, seoir. Sont d'avis que l'e ne s'entend point dans cheoir, Du Val (67), Maupas (258) et peut-être Oudin 3. Du Val (ib.) veut l'orthographe
1. Il est à remarquer qu'il est commun dans les pamphlets de Dubosc Montandré (F. M., 7, Fo., 11, A., 13, etc.). Mais le même emploie il conste (AI., 23).
2. Puis j'ecriray sur un tableau : Cy gisent dessous ce tombeau Deux gros asnes (Onophage, 1649, V. H. L., III, 74).
3. Il écrit: choir, mais escheoir, et renchoir (Gr., 169).
------------------------------------------------------------------------
308 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
seoir, Maupas accepte les deux (257), mais Oudin (Gr,, 171) maintient expressément seoir.
A l'indicatif présent, Du Val (235) et Maupas admettent encore les 1re et 2e personnes : je ché, tu chés, mais non Oudin, suivant lequel on peut seulement dire à la 3e personne il chet (Gr., 169).
Dans seoir, Du Val (237) conserve au contraire ie : je sié ou sied (au subjonctif sée ou siée). De même Maupas : je sieds (257), Oudin je me sieds, tu te sieds (impér. sée). Vaugelas (II, 321) ne parle que de la 3e personne il sied, de la 3e du pluriel sient.
Ménage veut au pluriel : ils siéent. Chapelain croit que ils sieient est mieux. Th. Corneille et l'Académie seront de l'avis de Ménage, c'est-à-dire que les formes devront se régler sur il sied (Vaug., II, 321 ).
Vaugelas a encore parlé ailleurs de ces formes, à propos de s'asseoir. Il conforme du reste le composé au simple pour l'indicatif présent, sauf à la 3e du pluriel, où il se prononce pour ils s'assient et écarte ils s'asseient. Chapelain ne le suit pas sur ce dernier point, non plus que Ménage. Leur avis l'emporta plus tard à l'Académie.
Une discussion avait eu lieu, dans la Compagnie, entre Serisay, Cerisy, Vaugelas, d'Ablancourt, Gombauld, Chapelain, Faret, Malleville et d'autres. On accepta comme équivalents je m'assieds et je m'assis, tu t'assieds et tu t'assis, mais de il s'assied et il s'assit le premier semblait préférable. Au pluriel, nous nous asseions, vous vous asseiez étaient déclarés les meilleurs, mais nous nous assisons, vous vous assisez ne furent point condamnés. Th. Corneille, qui nous conte cette séance, ne se rappelle pas si ils s'asseient, qui lui agrée, fut préféré à ils s'assient, qui le choque, et à ils s'assisent, qu'il n'emploierait que pour une rime (dans Vaug., I, 273).
Donc, aux formes fortes de l'indicatif présent, pas trace de forme en eois. Le singulier est décidément il s'assied, la 3e personne du pluriel seule reste indécise.
Voici quelques exemples: les autres échéent (Malh., II, 570); c'est le bloccage de marbre qui chet (R. Franc., Merv. de Nat., 434 et 269) ; s'il y échet de la réparation (Lett. de Phyll., IIe p., 24); les loyers de leurs chambres loquentes escheent sans qu'ils puissent satisfaire à leur hoste (Effr.pactions ent. le diable et les invis., 1623, V. H. L., IX, 300); L'Eloquence... dechet et decline (Lett. de Phyll., IIe p., 330); s'il déchet beaucoup (R. Franc., Merv. de Nat., 212); je fais ce qui m'échet et en la manière ordinaire (Sr Chantai, Let., CDXV, 598) ; chet : brichet (Scarr., OEuv., I, 227) ; quand la feuille chet (Dél. de la Camp., 61) ; mille couleurs qui séent extre-
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE . 309
mement bien (R. Franç., Merv. de Nat., 258); et sient fort bien (Id., Ib., 257); Tous deux... s'assisent (Racan, I, 59) ; Je m'assis a mesme table qu'eux (Disc, de M. Guil., V. H. L., IX, 142).
A l'impératif et au subjonctif, Vaugelas est pour seie, asseiezvous, contre assiez-vous et assisez-vous (1. c). Les formes en i finiront par disparaître, elles se sont dites longtemps : Assis loy près de moy (Sorel, Berg. extr., l. I, t. I, 4) ; assis toy là (Chapel., Guzm. d'Alf., II, 24). Cf. afin que les grains s'arrestent... et ne chéent dans le drageoir (R. Franc., Merv. de Nat., 301).
On ne voit guère apparaître avant Maupas de radical atone autre que che. Mais ce grammairien, à côté de cheant, mentionne chesant (258). Oudin écarte ce chesant. Il ne se présentera donc de difficultés que le jour où je choi entraînera nous déchoyons.
Voici des exemples de la forme reçue : cheants en quantité (Jard. franç., 250); l'assignation... échéoit justement à l'heure que son maistre sortoit de chez luy (Le Cour. de Nuict, 267) ; échéant le même jour (Gar., Mém., 287; cf. 230); j'ai cependant trouvé il eschaioit : le maistre de chambre du Cardinal, à qui il eschaioit à payer (S. J. Bouch., Conf., 210). Est-ce une graphie, ai est-il pour é?
A l'imparfait, seois est seul reconnu par Oudin qui blâme siesois (Gr. ,171), et par Vaugelas (II, 321). Mais à partir de ce dernier,les discussions commencent. Ménage est pour Je lui séiois (O.,t. I, 251); Chapelain préfère sieois, sieiez. C'est l'avis qui l'emportera à l'Académie (Vaug., I, 274) jusqu'à la fin du XVIIe siècle. A cette époque, on fera aussi deux mots de séant et seyant.
Pour asseoir, Vaugelas reconnaît à l'imparfait, quoique ce temps ne soit guère en usage, une forme : je m'asseiois, nous nous asseions (I, 272). C'est aussi l'avis de Ménage, qui l'écrit avec deux ii dans nous nous asseiions, vous vous asseiiez. Il y a généralement accord sur ce point, jusque vers la fin du siècle.
Il me paraît surtout important de donner des exemples de asseant, disparu depuis : et s'asseant le troisiesme a table (d'Audig., Six nouv., 57) ; Et par dessus asseant des lames de plomb (R. Franc., Merv. de Nat., 325) ; et s'asseant auprès d'une belle fontaine (Le Cour, de Nuict, 228).
ALTERNANCE OU-EU. —(Cf. II, 352). —Évidemment les grammairiens n'ont pas plus que le public le sentiment de la vieille alternance. Une fois Oudin a l'air de la vouloir maintenir : on dit mouvray et non meuvray (Gr., 170). Mais c'est là une décision d'espèce, qui ne s'appuie sur aucune doctrine. Ailleurs il dira : Il faut dire pleuvoir et non plouvoir (Gr., 170; cf. Vaug., I, 229).
------------------------------------------------------------------------
310 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Je donnerai quelques précisions au sujet des deux verbes les plus usuels, de cette catégorie : trouver et éprouver. Vaugelas décide que trouve est seul usité en prose, qu'en poésie on peut dire l'un et l'autre (I, 229); Patru n'admettait plus treuver ni en vers ni en prose. Cependant les grammairiens qui suivent Vaugelas d'habitude acceptent encore les deux formes (Marg. Buffet, Nouv. O.,77)1. J'ai parlé de souloir au tome II p. 346. Les textes ne l'ont plus qu'à l'imparfait (Mairet, Sylv., 87, v. 1080; Racan, 1,48, 138,179, etc.; Cel. et Maril., 26 ; Le Cour, de Nuict, 11, etc.). Il faut ajouter toutefois que cette forme est très commune. L'Astrée la présente à chaque page. Vaugelas la déclare vieille (I, 379). Mais Scudéry l'emploie encore plusieurs fois dans Almahide ( voir en partie. VII, 611). Les personnes les plus usuelles sont les troisièmes. On trouve cependant les autres : Vous qui souliez jadis parler de mes douleurs (Baro, Clorise, V, 1, 110).
Florir. La forme florissant n'est pas encore seule usitée, à preuve : embaumant l'air... de leur eloquence fleurissante (R. Franc., Merv. de Nat., 250) ; le visage fleurissant d'une nouvelle femme (Camus, Alcime, 100). Mais elle devient de plus en plus répandue : ta tige florissante (Trist. L'Herm., Vers Hér., 85); Mon coeur, accoustumé d'obéïr à ses Roys, Florissoit dans son Esclavage (La Mesnard., Po., 44 ; cf. Malleville, Po., 247). On trouve même le radical flo à d'autres temps : quelques autres qui florirent de ce temps-là (Let. de Phyll., IIe p., 293).
RADICAUX ATONES EN YOD. — Attraire. Attrayant est seul usité (Oud., Gr., 182) (Pour traire, voir au t. II, 347).
Braire. Bernhard donne encore je bray, tu brais (103), Maupas j'ai brait, et brayant (259). Oudin tient que l'infinitif est seul usité. On emploie brailler.
1. Dans les textes, les exemples de treuve sont innombrables, en vers surtout : treuve : preuve (Malh., Aux ombres de Damon) ; Quand je me treuve à coup si lourde el si pesante (Mair., Sylv., 54, v. 622) ; l'épreuve : treuve (Racan, I, 38-39) ; treuve : vefve (Id., II, 288); ardente preuve: treuve (Gill. de la Tessonn., Desniaisé, II, 1); treuve : neuve (Bensser., II, 280) ; fidèle preuve : treuve (Id., OEuv., 1697, I, 153); treuve : veufve (De Visé, Veufve à la mode, 1668, sc. 9); épreuve : treuve (Quinault, Les Rivales, V, 7). En prose, la forme treuve est usuelle chez Bouchard (Conf., passim.) On la retrouve dans La Pinelière, le Parnasse, 43, dans le Journal d'un voyage à Paris 1657-58, éd. Faugère, 1862, 98,73, etc. ; treuver est également commun (Sorel, Berg. extr.,l. I, t. I, 50); cf. St-Am., II, 467 ; Sarasin, II, 144 ; Quinault, La mère coquette, II, 2 ; etc.
Epreuve, appreuve sont plus rares : il blâme le parler vite, et appreuve le lent en un philosophe (Malh., II, 405; cf. épreuve, II, 597) ; j'ay espreuvé (L'Orph. de Chrys., I, 166); Combien l'espreuve-je moins severe (Melante, l. I, 2); Cf. Sorel, Berg. extr., I.V, t. l, 353 ; Que l'honneur me deffend d'apreuver vostre amour (Gill. de la Tesson., L'Art de régn., 109).
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 311
Ouïr ne mérite point de mention spéciale. Il se conjugue encore régulièrement 1.
Raire fait hésiter le fils de Maupas qui conjugue : ray, rais, rait, « peut être à l'impératif ray », rairay, rais, j'ay rais (240). Oudin déclare qu'il est remplacé par raser (Gr., 178).
INTRODUCTION D'UN S OU D'UN Z DANS LE RADICAL ATONE OU TONIQUE. — Bruire. Bernhard donne non seulement le présent je bruy (103) mais le parfait Je bruyi, également donné par Du Val (245). Je noterai que bruissent rime déjà dans Scarron avec s'emplissent (OEuv., I, 233).
Frire. Maupas signale déjà que friant est peu usité, et qu'au lieu de frire, on se sert souvent de fricasser (252-253). Oudin considère je fris, tu fris, il frit, frit, comme seuls usités (Gr., 176) ; cf. Pendant quoy on frit du persil (Dél. de la Camp., 135). J'ai trouvé frisent : plusieurs d'entre eux frisent ou passent par la poésie (Ib., 211).
Occire est un peu dans la même situation que les précédents. Maupas donne j'occi, j'ai occis, occir et occire, occiant, en ajoutant que ce participe est peu en usage (253). Oudin estime que seul occis est usité (Gr., 165).
Dire a également deux formes : dient et disent, à l'indicatif présent; de même à l'impératif et au subjonctif : qu'il die et qu'il dise, qu'ils dient et qu'ils disent. Mais Oudin (Gr., 175) n'accepte plus les formes sans s qu'à l'impératif et au subjonctif. Là elles dureront encore pas mal de temps. Vaugelas autorise qu'il die, « lequel est fort en usage », quoique dise ne soit pas mal. Au pluriel les deux sont bons. Il n'écarte que diiez, en réalité déjà disparu, ainsi que diions (II, 38). Patru est plus novateur, et juge que die est vieux. C'est aussi l'opinion de La Mothe le Vayer (éd. orig., 56) 2.
Bénir (et non pas benistre, dit Oudin) hésite entre un radical en voyelle et le radical moderne en s. Maupas admet à l'indicatif, à l'impératif et au subjonctif, les formes henient et bénissent (245). Oudin est peu net, et ne tient compte que de l'impératif : benie, benisse (Gr., 162). Une formule: Dieu les benie (Voiture, Let. X, Au Gard, de la Valette, éd. Uz., I, 40) ne fait pas autorité, elle est archaïque. Il me semble que Corneille dit toujours bénissent (par ex. IV, 494, Rod., v. 1556).
1. Je les oy desja dire (Gomb., Endim., Au Lecteur, e); on n'oit (Let. de Phyll, IIe p., 559) ; ceux qui les oyent (Camus, Iphigène, I, 253) ; Oyez-vous ce qu'il dit ? (Th. Corn., D. Bertr. de Cig., II, 4); Oyons ce qu'il dira (Racan, I, 128); on oyoit (Id., I, 148); quand on oüyt tout à coup un bruit de trompettes (Gomb., Endim., 1) ; nous ouïmes (Gar., Mém., 55); ouystes-vous jamais (Astrée, 1614, II, 629).
2. Il faut rapprocher une déformation subie par delire que, suivant Maupas fils, le populaire conjuguait je deli, je delisi, j'ai délit (1638, 230).
------------------------------------------------------------------------
312 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Il est probable qu'ils ont raison contre Vaugelas, et que dise était déjà plus en usage que son concurrent, au moins en prose. En tous pas, ce ne fut bientôt plus une question, et le radical dis triompha, non seulement à la 1re et à la 2e personne du singulier, mais à la 3e personne du singulier et du pluriel (Voir dans Vaugelas, l. c, la décision de Th. Corneille et de l'Académie). Toutefois die s'employa longtemps en vers, et cette forme n'a rien de comique dans le sonnet de Trissotin 1.
RADICAUX ATONES EN Z. —Duire est encore conjugué par Maupas comme conduire (248). C'est cependant un verbe bien rare à l'époque. On ne trouve guère que la 3e personne : Vous verrez à la monstre si quelque chose vous duit (Le bourg. poli, V. H. L., IX, 152).
Clore embarrasse Maupas, qui conjugue : Je clos, je closi, j'ay clos, closant. Il le voudrait « former ainsi pour le mieux, malgré Ronsard qui dit esclouït » (263) 2. Oudin estime que Je clos, tu clos, il clot sont seuls usités, au passé : j'ay clos (Gr., 174). Reclore n'a que la forme reclus (ib.). Excluse se trouve: excluse de ta chambre (Lett. de Phyll., IIe part., 493).
RADICAUX DES VERBES EN DRE ET TRE. — (Cf. tome II, 354). — Je ne note plus que pour mémoire les vieilles formes qu'on trouve chez les burlesques : Ses larmes, d'un muet langage, Peindent son deüil sur son visage (Richer, Ov. bouf., 490).
Il règne encore une grande incertitude au sujet des formes de pondre et de semondre. Maupas accepte des formes en o nasal + n à côté des formes en o nasal + d : ponnu, pondu, ponnant, pondant (263), je semonni et je semondi. Oudin (Gr., 178) observe : « Notre vulgaire dit ponnons, ponnez, ponnent " ; et il ajoute : « dise qui voudra pondons. » Un peu plus loin (ib., 180), il rapporte que pour semondre, le vulgaire use des formes sans d : semonnois, non semondois, qu'il semonne. « Mais si la nécessité n'est grande, mieux vaut choisir un autre verbe ». Ce n'est point l'avis de Sorel, qui dit, dans les notes du Berger extravagant (III, 89) : « Le verbe n'est point
1. On trouvera des exemples en abondance dans le Lexique de Molière de Livet (II, 85-86). J'en ajouterai seulement quelques-uns à l'indicatif : Ceux qui dient que, pour estre aimé il ne faut qu'aimer (Astrée, 1615, I, 56A) ; Elles dient que la Perle à l'aureille est comme l'Huissier au Président (R. Franc., Merv. de Nat., 175); el dient en murmurant qu'il fait tous ces tours pour un oyseau (Camus, Alcime, 185). Au subjonctif il lest commun dans Voiture (éd. Uz., I, 62, 145). Cf. d'Avaux, Let. à Voiture, Let. II, p. 13; Garasse, Doctr. cur., 859 ; Racan, II, 138; St-Amant,. II, 469 ; Bensserade, Ball. des Am. déguisez, 6e Entrée, pour Mlle de Grancé ; Costar, Let., II, 5, 6, 439, etc..
2. Les exemples sont rares : Les Vers de Soye escloent des fleurs qui tombent des Cyprés (R. Franç., Merv. de Nat., 573).
------------------------------------------------------------------------
LE VERRE 313
si vieil que Théophile n'en use encore en parlant.... aux Muses » 1.
Prendre. Gardez-vous bien de dire ils pregnent (Oud., Gr., 178). Vaugelas répéta l'anathème contre cette faute familière aux Courtisans (I, 143). Hindret nous avertit qu'elle s'entendait encore de son temps (Discours, aij, 1 v°).
Soudre, vieilli, ne compte plus guère 2 ; l'infinitif seul est usité (Oud., Gr., 180) ; mais absoudre, résoudre sont en pleine vie. Les textes présentent encore la forme en d : il faut que... je me resoude cruellement pour satisfaire à l'honneur (des Escuteaux, Adv. fort. d'Ypsilis, 16); et la resoudent d'une bonne incarnation (R. Franç., Merv. de Nat., 403) ; il se resoudoit (L'Orph. de Chrys., l. I, 174) ; les Pères de la Société absoudent tout (Caq. de l'Acc., 241) ; Il n'est point de ciment que le temps ne dissoude (Scarr., OEuv., I, 84); se resoudent... en pluyes (Théat. d'Eloq., Har., 85); cf. d'Ouville, Contes, I, 172-173. Patru se prononcera encore pour cette manière de conjuguer. Mais Oudin donne le paradigme moderne : Nous absolvons , dissolvons (Gr., 180). Et Vaugelas confirme (I, 135).
On peut s'étonner d'abord que le radical qui prévaut soit un radical purement latin. Il ne faut pas oublier que ces mots absoudre, dissoudre, sont l'un du langage ecclésiastique, l'autre du langage savant. Le peuple dit fondre et non dissoudre. Je ferai la même observation sur résoudre. Le peuple dit décider. L'évolution de ces mots s'explique donc par le milieu social où ils ont évolué 3.
Moudre. Maupas donne je mouds et je meuds, moudre et meudre, meulant et moulant (262). Oudin ne connaît plus le radical en eu, et déconseille autant moulons que moudons ; moulant ne se dit point (Gr., 177). Dans ce monde de la Cour, où tant de grands seigneurs avaient leurs meuniers, on n'aurait pas eu l'idée d'aller les consulter, ni surtout de suivre leur avis.
Sourdre est encore conjugué par Maupas : je sourds, je sourdi, j'ai sours, sourdu ; toutefois le verbe s'emploie surtout impersonnellement (264). Il est inusité, d'après Oudin. On le trouve cepen1.
cepen1. exemples sont fort nombreux : (Diane) se sentant semondre, respondit.. (Astrée, 1615, 1,233A); quand vous nous semonnez... A vous trouver pour recevoir les Dames (Rec. Rond., 1639, 32 ; cf. Ib., 145); je scay bien que je vous semonds à perte (Court-parfait, 29) ; si un homme marié le semond chez luy (Chapel., Guzm. d'Alf., II, 96) ; dont le seul regard nous semont (Saint-Amant, I, 169); semondre est commun chez Loret. On rencontre une reformation : semoner : L'on ne manqua de le faire semoner au bal (Ball. des Dam. d'Amour, 1625, V. H. L., V, 323).
2. « Il est usité es métaphores comme soudre un argument, une question » (Maup., 1638, 243).
3. Voici quelques exemples de la forme admise : estant... approuvé par la Princesse ils résolvent de l'exécuter promptement (Let. écr. de Tartarie, 40) ; résolvez-vous de bonne heure à le quitter (Cet. et Maril., 122).
------------------------------------------------------------------------
314 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
dant dans Gombauld : De la sourdoit une fontaine (Endim., 111).
Ardre fait, suivant Maupas, fards, j'ardi, j'ay ars, etc. (263) ; suivant Oudin, ardant est seul usité (Gr., 173 ; cf. de Gourn., O., 954).
Espardre se conjugue sur le précédent, d'après Maupas (263). De l'avis d'Oudin, espars seul est reçu (Gr., 175).
Istre ou issir. Maupas le conjugue à l'ancienne mode (251). Oudin déclare issu seul usité (Gr., 164). J'ai trouvé d'autres formes : de petits filamens... yssans du coeur (R. Franc., Merv. de Nat., 256) ; mais c'est un mot qui meurt. D'Audiguier le biffe dans Amyot (Hug. ,o. c., 49).
Tistre ou tissir est complètement proscrit par Oudin (Gr., 182), tissu est, suivant lui, substantif. On sait que Corneille l'employait encore dans Nicomède (v. 711).
Toldre ou tollir, encore conservé par Maupas (249), est écarté par Oudin (Gr., 167). La Requête des Dictionnaires le cite parmi les mots proscrits 1.
INTRODUCTION D'UNE R DANS DES RADICAUX ATONES. — Recourre fait, d'après Maupas : je recou, tu recous, il recout, j'ay recoux (249) ; d'après Oudin, je récoux, nous récoüons, je récoüois, je récoüis, non récourus, j'ai récoux, non récouru, je récouray non récourray. Toutefois, il ajoute : Les habiles n'usent que de recourre et recoux (Gr., 179).
Secourre se conjugue, d'après Maupas : Je secoux, tu secoux, j'ay secoux ; le reste est pris de secouer (264). Suivant Oudin, on ne trouve plus que secourre, et encore dans quelques auteurs (Gr., 179). L'analogie de courre, courir n'eut pas le temps de s'exercer.
RADICAUX TERMINÉS EN L. — J'ai dit (II, 315) que le verbe chaloir avait été, dès le XVIe siècle, réduit à l'état d'unipersonnel. Du Val mentionne le passé il chalut (236). Maupas conjugue : il chaud, il chalut, il a chalu, chalant et chaillant, chaudra. Toutefois il reconnaît que ce verbe sert plus en propos négatifs qu'autrement (259). Oudin déclare qu'il ne s'écrit plus (Gr., 169).
RADICAUX ATONES OU TONIQUES EN L MOUILLÉE. — Bouillir. Il faut dire nous bouillons comme vous bouillez (Oud., Gr., 162). J'ai même trouvé dans Garasse : Bouill comme l'eau qu'on verse en des estuves (Rab. réf., 57), tant l'analogie était forte dès cette époque.
Cueillir. L'indicatif présent Je cueuls, donné par Maupas (248),est
1. Ramentevoir est toujours en usage: Doux poison, des esprits, amoureuse pensée, Qui me ramentevez ma fortune passée (Racan, I, 69) ; Le soleil qui m'éclaire Y ramentoit tousjours celuy qui m'est osté (Id., I, 121. Cf. Caq. de l'Acc., 27). Cependant Chevreau le juge vieux (Rem. s. M., 5).
------------------------------------------------------------------------
LE VERRE 315
mauvais; on dit je cueille (Oud., Gr., 163). Binet écrit encore (Merv. de Nat., 402) à la 3e personne : on recueult la liqueur.
Tressaillir. A côté de tressaut, qu'on écrit toujours (Astrée, 1615, I, 352A, 47B), commence à se répandre tressaute, qu'on a signalé dans Desportes (Loret, 28 oct. 1654, v. 219 ; 25 sept. 1660, v. 3).
Faillir. J'ai dit la confusion qui régnait au XVIe siècle entre falloir et faillir. Elle continue longtemps encore. Sorel écrira par exemple : aussi bien failloit-il (Berg. extrav., 1. II, t. I, 78). Toutefois Vaugelas consacre une remarque, contestée du reste, à peu s'en est fallu, où, suivant lui, fallu serait pour failli (I, 421). Chevreau n'oserait pas se servir de tu faux (Rem. sur Malh., 12).
Au présent, je faux est toujours usuel (Astrée, 1615, I, 103 D) ; je jure que je seray courratiere de ces amours, et si j'y faux, que l'on me fouëtte (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 274) ; l'argent faut-il après (Id., ib., III, 352). On trouve aussi faillent : ces coups sont si justes et faillent si peu souvent (Astrée, 1614, II, 332).
Vouloir. J'ai dit précédemment (II, 356), que Maupas fils a supprimé la vieille forme je vueil, encore admise par son père. C'est peut-être sur une observation de Oudin (Gr., 1632, 168).
Au subjonctif, Oudin, se séparant encore de Maupas (257), condamne la forme en l simple : qu'il veule (Gr., 173). Elle se rencontre : Je vous souhaite une moitié, Que vous vouliez et qui vous veule (Benss., II, 224). Dupleix (Lum., 324) condamne que nous voulions au profit de veuillions.
Valant et vaillant coexistent; mais ils deviennent peu à peu deux mots séparés. Vaugelas entend faire une distinction. Suivant lui, la Cour dit cent mille écus vaillant et non pas valant, mais je lui ai donné vingt tableaux valant cent pistoles la pièce (Vaug., II, 57). La Mothe le Vayer n'ose pas condamner cent mille écus valant, mais Thomas Corneille abandonne cette expression.
Douloir est conjugué par Maupas sous la forme simple et sous la forme pronominale (259). De fait, on en rencontre quelques exemples, celle qui se deult de cette vie (Astrée, 1614, II, 605); sa poésie... se deüilloit un peu d'obscurité (J. J. Bouch., Conf., 34); qui gémit fort, qui se deult, se tourmente (Purg. des pris., V. H. L., VIII, 208). Oudin (Gr., 169) déclare que l'infinitif est seul usité, et cela correspond à une affirmation de Mlle de Gournay (O., 954; Adv., 635; cf. O., 591 : sur vous deuillans).
POUVOIR. — Je puis et je peux étaient acceptés indifféremment par Maupas (254). Mais Oudin condamne Je peux (Gr., 170). C'était aussi l'avis de Dupleix (Lum., 324). Vaugelas, malgré l'exemple de
------------------------------------------------------------------------
316 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Coeffeteau, se prononça pour la forme traditionnelle je puis, sans condamner Je peux. C'était aussi l'avis de Chapelain, qui fut, plus tard, confirmé par l'Académie (I, 143).
On peut voir comment, dès 1644, Corneille corrigea je peux dans plusieurs endroits de ses oeuvres (Lex. de Marty-Lav., II, 210). Les exemples de je puis sont innombrables.
Faut-il croire que l'embarras de la conjugaison interrogative, où on ne disait pas volontiers peux-je, a contribué à balancer l'analogie de vouloir qui entraînait je peux comme je veux ? N'est-ce pas plutôt le vieux parallélisme de je suis, je puis qui a empêché le verbe pouvoir d'uniformiser toutes les personnes de l'indicatif présent? C'était là au moins la raison de la préférence de Dupleix 1.
ARRAISONNER, PERTUISER. — Je dois mentionner ici quelques traces des verbes étudiés au tome I, 440, dont on retrouve deci delà un exemple, avec le radical tonique étendu aux formes atones, sous l'influence des substantifs correspondants (cf. II, 367) :
Arraisonner (cf. raisonner) : Ouvrez-moi ces tombeaux que j'arraisonne ces cendres, (R. Franç., Merv. de Nat., 494) ; Ils'arraisonna à moy (Sorel, Berg. extr., l. IV, t.I, 268) ; les empeschemens qui m'ostoient le loisir de me venir arraisoner avec Vostre Majesté (Har de Turl.,V. H. L., VI, 53). Il est dans Cotgrave, Nicot, Monet. Littré l'a trouvé dans Saint-Simon.
Pertuiser : Espargne ce qui est pertuisé (R. Franc., Merv. de Nat., 589). Littré l'a trouvé dans Scarron. D'autres burlesques en ont usé: Il pertuiza ce grand Marane (Loret, 15 nov. 1664, v. 280); Il luy pertuisé le cerveau (Richer, Ov. bouf., 525 ; cf. 590).
RADICAUX PARTICULIERS DU SUBJONCTIF.— Des vieilles formes je ne retiendrai à peu près rien ici, j'ai parlé ailleurs de doint (II, 358) ; de die, il est question plus haut (311-312). Je ne dirai qu'un mot de voise, dont on pouvait prévoir la chute d'après ce que j'en ai rapporté (II, 358) 2. Oudin le juge mauvais (Gr., 160). Il ne resterait donc guère à considérer que puisse. La forme puisse partage la faveur de l'indicatif Je puis, aux dépens de que je peuve (Oudin, Gr., 170).
ÉPANOUIR, ÉVANOUIR. — On sait que, depuis le XVIe siècle, le premier de ces verbes tendait, sous l'influence du second, à abandonner
1. Je citerai un exemple intéressant d'analogie : Je ne le demande autre recompense du bien que je t'ay faict, et de celuy que tu puis desirer encore (Fleurs dé l'éloq. fr., 43 r° ; cf. 40 v°).
2. On le trouve encore-dans des souhaits: Ceux-là, avec Pigmalion, S'en voisenl boire à tous les diables (Let. d'ecornifl., V. H. L., IV, 56).
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 317
la vieille forme espannir en faveur de espanouir. R. Estienne, en 1539, donne déjà le choix entre les deux, et, depuis la fin du XVIe siècle, les théoriciens rangeaient espanouir parmi les verbes dont on examinait si oui était d'une ou de deux syllabes (Thur., o. c, I, 546-547). Malherbe blâme espanir (IV, 459).
Quelques exemples se rencontrent encore au commencement du XVIIe siècle : Quand le petit tuyau verd se veut espanir (R. Franç., Merv. de Nat., 256; cf. 292). Mais ce texte lui-même hésite: fleur espanie ou espanoüie (275). Oudin se prononce en faveur de la forme moderne, qui est partout (Brébeuf, Po. div., 350; cf. Le Boul. de Chalussay, Elom. hypoc, I, 3) 1.
ALLER. — C'est le moment où se discute la forme de la 1re personne du présent, je m'en vais, je m'en vas, ou je m'en vois (cf. Thur., o. c., I, 325, 392).
Etaient au XVIe siècle pour je vois (voé) : Meigret, 73 v°, Pillot, 1550, 49 v°, Ramus, 85, Tabourot, Lanoue. Cauchie, en 1576, acceptait vay ou voy. Le témoignage de Henri Estienne montre que les courtisans prononçaient je voas (Dial., 146 ; Thur., o. c, I, 392). Il est confirmé par Tabourot, et moins formellement par Lanoue.
Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner que Malherbe conserve la forme vois, sans l'imposer (Voir Doctr., 413). Maupas l'accepte aussi à côté de je vay, je vais (231). Elle est dans Régnier (Sat., IX) et chez quelques contemporains. Mais les textes ici sont d'importance médiocre, puisqu'une orthographe en oi peut cacher une prononciation en ai. Elle marque ou wé, ou é, ou wa, sans qu'on puisse distinguer sûrement.
En tous cas, c'est dès lors entre la forme jevais (je vay) et une forme donnée au XVIe siècle par le seul Palsgrave : Je vas, que la lutte va se poursuivre. Oudin (Gr., 160) a déjà son opinion faite : « Je vas n'est aucunement en usage parmi ceux qui parlent bien ». Vaugelas (I, 85) dit aussi que vay, c'est la forme de ceux qui savent écrire, et qui ont étudié. Mais il reconnaît que toute la Cour dit Je va, et considère je vais comme populaire ou provincial. Patru, un peu plus indulgent à je vas, fait à peu près les mêmes constatations. La génération suivante ne viendra pas elle-même à bout de décider entre deux formes qui se sont perpétuées jusqu'à nos jours.
J'ai trouvé plusieurs fois je vas imprimé : si je vas vers vous (Gantez, Entret. des music, 71). Costar s'amuse de l'hésitation
1. Cf. évanouie : toute cette bonne volonté s'estant esvanoüie, elle pensera mesme qu'elle n'y aura jamais pensé (Gombauld, Endim., 127).
------------------------------------------------------------------------
318 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
dans une lettre (I, 796) : les véritables protestations que je vay ou je va y ajouster.
Est-ce l'analogie seule qui a amené je vas comme tu vas ? Elle a été favorisée en tout cas par la confusion phonétique entre è ouvert et a ouvert. On trouve encore des exemples de l'analogie inverse : dy moy... en quel lieu tu vais (Sorel, Polyand., I, 135).
LES DESINENCES
LA DÉSINENCE ES
Dans cette désinence, s devant consonne ne s'entend jamais. A la pause, il n'est presque plus d'usage de le faire sentir. Devant voyelle, même dans l'usage courant, s n'est plus que graphique, et n'a pas de valeur phonétique. Déjà Deimier, moins attentif à l'orthographe que Malherbe, tolère que, même en vers, on ne fasse pas entendre l's qui ne se prononce point d'habitude. Il laisse le poète libre de dire : Tu donnez-abondamment et Tu donn(e) amoureusement (180 ; cf. Thur., o. c., II, 28).
Martin nous marque très nettement que prononcer s est l'usage des gens instruits. Mais au fond il n'est pas démontré que tous en usaient ainsi, tant s'en faut. Hindret, par exemple, voudrait appliquer ici sa règle, suivant laquelle s s'entend, quand le mot qui suit le verbe est régi par lui. D'après lui on ne dit pas nous sommez-instruits, mais nous somm-instruits.
De même on dira : tu aim-en desespéré (Thur., o. c., 28-29) ; Chifflet (2e partie, sect. 7, par. 11) pose en règle que, pour bien prononcer, il faut faire entendre l's : faitez-encore. Toutes ces prescriptions sentent l'artificiel et le convenu. Elles laissent deviner que, dans les verbes de la 1re conjugaison , s ne s'entendait plus après e, sauf peut-être dans des liaisons de mots très intimes 4.
LA DÉSINENCE S.
Pour la prononciation de cette désinence, nous sommes peu renseignés. Il semble qu'en général, s était devenue muette. Ce
1. Naturellement s manque parfois dans l'écriture: Pour loy, qui hante et entre partout (Disc. de M. Guil., 1614, V. H. L., IX, 140); tu n'en parie plus (Gomb., Endim., 13).
------------------------------------------------------------------------
LE VERRE 319
n'est que dans le cas où je dois avait la valeur d'une sorte d'auxiliaire qu'Hindret conseillait de prononcer s : je doiz-alé, tu doizécrire.
Il n'eût pas conseillé Je doiz-à mon frère. Un autre témoin, Billecoq, veut bien de z quand le verbe est suivi de y ou de en. C'est dans le même ordre d'idées, et cela signifie qu'en général s ne s'entend pas. Duez atteste aussi qu'on ne dit pas je suiz-encore icy, je suiz-assez bien (43).
On comprend dès lors que la question n'est plus qu'une question d'orthographe, c'est-à-dire qu'elle ne se règle plus que sur les opinions des « savants ».
S, DÉSINENCE ÉCRITE, A LA PREMIÈRE PERSONNE. Tout n'est pas
encore fixé sur ce point, mais la question fait de nouveau un pas 1. Suivant Deimier, on en usait à son plaisir (181) ; et Mlle de Gournay trouvait également inutile de s'occuper de cette s (O., 574). D'autres ne prennent pas la chose avec tant d'indifférence. Maupas donnait une règle, d'après laquelle aux conjugaisons autres que la première on mettait s à volonté (241-242) ; chose à noter, lui-même n'en use pas dans ses exemples.
Martin, en 1632, en juge à peu près de même. Les premières personnes se terminent en s, sauf à la première conjugaison (Thur., o. c, II, 49). Chez les modernes, ajoute-t-il, on donne l's aux personnes des verbes terminés en ay, oy, uy. Oudin marque un progrès très net sur ces doctrines. Suivant lui, il n'y a plus hésitation que pour les formes je fuy et je fuis, j'oy et j'ois, je voy et je vois, je ly et Je lis, je vy et je vis (Gr., 162-182). Par exception je vay, je scay, je dy, je fay, je suy n'ont pas l's (ib.). Vaugelas a fait à ce propos un étalage d'érudition peu ordinaire. Mais cette érudition ne l'a guère aidé à comprendre le vrai caractère de la question. En somme, sans désapprouver ceux qui mettent un y à la place de is dans je fais, je crois, je dis, ou qui suppriment s dans je crains, il préfère garder l's (I, 226). Dupleix, qui était un vieillard, entendait peut-être encore une différence de son entre croy et crois. Quand le radical est terminé en r, il faut, suivant lui, toujours une s : je sers; mais pour fay, dy, ly, conduy, defen, crain, ensuy, vien, repen, tien, attiedy, rougy, blanchy, il n'y a aucune règle. Pour je scay, je voy, je dy, je conçoy, la forme en y est préférable (471472).
1. Il est important de remarquer que désormais la victoire du livre imprimé sur le manuscrit étant complète, l'y perd la valeur décorative que lui donnait l'écriture.
------------------------------------------------------------------------
320 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
En réalité, à partir de ce moment, sans parler des libertés que prennent les poètes, les verbes des conjugaisons mortes tendent tous à prendre s, mais de façon irrégulière, et il n'y aura pas d'usage constant, jusqu'à ce que l'Académie ait assez d'autorité pour imposer une orthographe. Quand s manque, on ne peut même pas encore parler de licence poétique.
SA L'IMPÉRATIF. — Au XVIe siècle, la règle s'était faite de ne point mettre d's à l'impératif de la première conjugaison (cf. tome II, 328). On n'y revint plus 1, sauf qu'on précisa deux exceptions, qui existent encore. Quand le verbe est suivi de en ou de y, il faut une consonne de liaison. Malgré Malherbe (IV, 344), on accepta laissesen et aussi laisses-y. Vaugelas approuvé la règle et les deux exceptions (I, 319) 2. Donc, en réalité, ces deux impératifs, caractéristiques désormais du français de la bonne compagnie, n'ont pas une origine plus distinguée que mets-moi-z-y, dont on s'est tant moqué.
Pour les autres impératifs, malgré les dédains de Mlle de Gournay pour ces vétilles (O., 574), Vaugelas essaya, dans une remarque très développée, d'y mettre quelque ordre (I, 319). D'après cette remarque, prennent toujours s (qui souvent ne se prononce pas) les impératifs en aus (vaus), eus (meus), ous (résous), ans (respans), ens (prens), ats (bats), ers (perds), ets (mets), eurs (meurs), ors (dors), ours (cours). Pour les impératifs en i (béni), ai, ay (fay), ain (crain), ein (fein), oy (voy), en (tien), uy (fuy), suivant les uns il n'y faut point d's ; d'autres sont d'avis contraire. Vaugelas n'exprime nettement ses préférences que pourrais, crains, peins, et au contraire pour voy, vien, füy. Dupleix était aussi pour vien (Lum., 334).
S A L'IMPARFAIT DE L'INDICATIF ET AU CONDITIONNEL. — C'est
l'époque où la règle orthographique moderne s'affirme. Maupas hésitait encore entre les trois finales oy, oye, ois (223) ; et de même son fils en 1638 (201). Bernhard, plus attardé, tenait pour oy : je parloy (89). Deimier signalait seulement que parfois on mettait une s : je pensois. Et cette doctrine trouvera des théoriciens jusqu'autour de 1640. Mais Oudin écrit par s tous les imparfaits. C'est désormais la forme ordinaire (Gr., 152; cf. Thur., o. c, II, 4950).
1. Il y a encore des exemples contraires : Parles ou me laisse parler (Richer, Ov. bouf., 123); Des Fontaines ou son prote écrivent très souvent l's- Coules, coules vistement... Hastes-toy (Cel. et Maril., 14 ; cf. 156, etc.).
2. Va ne prend jamais d's, sauf devant y : vas-y.
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 321
S AU PASSÉ SIMPLE. — Maupas oublie l's dans ses paradigmes, mais il la recommande dans sa théorie. Pour Martin, c'est un des caractères de la langue moderne que d'ajouter s, et en effet Oudin écrit par s tous les passés sans exception (Thur., o. c, 11,49-51). Vaugelas est si ferme là-dessus, qu'il recommande de ne pas suivre la licence de Malherbe rimant couvry et Ivry (I, 227).
Les exemples contraires sont fort rares, en prose du moins : que Je traduisi en François (Lett. de Phyll., IIe p., 292).
LA DÉSINENCE ENT
Ent constituait encore au XVIe siècle une apparence de flexion.
Thurot a été embarrassé par les témoignages de Pillot, Saint Liens, H. Estienne, qui disent que n ne s'entend que très faiblement (II, 441). Ils lui semblent contraires au témoignage de Palsgrave et Meigret, d'après lesquels n est tout à fait muette. Je pense que ces grammairiens ont voulu marquer que e était très légèrement nasalisé, ce que d'autres observateurs n'ont pas noté, parce qu'ils estimaient que cet e avait toujours ce caractère, même quand aucun n ne le suivait. Quoi qu'il en soit, on peut considérer n comme n'existant plus, ou à peu près, depuis fort longtemps. Mais le t s'entendait encore, en certains cas, au XVIe siècle, par exemple dans ils appellent à leur aide. Au contraire à partir du XVIIe siècle, la langue parlée, même devant une voyelle, ne fait plus entendre le t. Hindret (212, *781, dans Thur., o. c., II, 92) est formel : les finales en nt ne se prononcent point du tout, quelque mot qui les suive, comme ils cherchoient une personne qui, ils lui proposeroient une affaire, elles lui disent une nouvelle. Mais en parlant en public, ou en lisant des vers, il faut nécessairement faire sonner le t final... ravissent un bien... révèrent en tremblant... cherchoient incessamment. En prose on dit : î doivarivé, kî dusseaicouté, en vers : ils doivent, qu'ils dussent.
Le tableau des formes réelles se trouve dès lors singulièrement réduit ; dans la prononciation populaire j'aime, tu aimes, il aime, ils aiment, sont semblables et n'ont, à proprement parler, aucune désinence.
On conçoit que le pronom sujet devienne invariablement nécessaire devant ces formes pour marquer la personne.
LES DÉSINENCES IONS, IEZ
J'ai marqué au XVIe siècle (tome II, 343-344) la difficulté orthographique qui se présentait, quand l'i de la flexion du subjonctif renHistoire
renHistoire la Langue française. III. 21
------------------------------------------------------------------------
322 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
contrait un i du radical, et j'ai indiqué la préférence de Maupas pour l'orthographe qui tenait compte des deux i. Cette orthographe se rencontre quelquefois,mais bien rarement: que vous l'en remercyiez (Costar, Lett., II, 156); vous attribuyiez (Id.,ib., I, 129); l'ayiez (Id., ib., I, 396). Ce fut pour Vaugelas et son école l'occasion de discuter (1,197). Devait-on écrire deux i, alors qu'on n'en prononçait qu'un? Vaugelas croyait que personne ne le faisait, et proposait de n'en mettre qu'un, mais en le couvrant d'un accent circonflexe, marquant la « crase ». Patru jugeait de même que mariions, mariiez seraient ridicules, et avait crainte d'autre part que le circonflexe ne fît allonger l'i. Chapelain n'approuvait pas non plus les deux i. 1 Mais Conrart les écrivait, et ce fut en ce sens que l'Académie se prononça 2.
LES PASSÉS SIMPLES
La forme nasalisée je prins avait vieilli dès le XVIe siècle (Voir tome II, 262) quoique des grammairiens attardés l'acceptassent encore au commencement du XVIIe siècle (Bernhard, 111), et que Maupas lui-même donnât concurremment je prins et je pris (261) 3.
Mais prindrent survivait. Il n'est pas rare du tout, non plus que ses analogues, dans les textes 4. Cependant Oudin à prindrent préférait prirent (Gr., 178). Et, quoique la question, suivant Sorel (Disc, sur l'A., 472), ne méritât pas l'attention de l'Académie, Vaugelas légiféra. Prit et prirent furent déclarés plus doux (I, 183).
PASSÉS EN is ET EN us.— Je ne noterai pas en détail les opinions concernant toutes les formes concurrentes, généralement peu usitées. D'ordinaire Oudin est pour les désinences en is : je bouillis (Gr., 162), je cousis (Ib., 174) 5. Vaugelas préfère aussi il previt à il preveut (II, 74). Cependant ce dernier était bien usuel chez les écrivains
1. Bien entendu un des i peut être y.
2. Une question analogue se pose, quand la flexion est précédée d'une consonne mouillée. On trouve : Je vous supplie pareillement que vous m'enseignez par quel moyen je pourray parvenir (P. Thaulère, Instit. div., 35); ce peut être l'indicatif, mais la chose n'est pas sûre. De même : Il me fasche fort que vous ne me tesmoignez point ce que vous en croyez (Balz., I, 19).
De même après oi. Fallait-il écrire oyez ou oyiez, ayez ou ayiez ; jusques à ce que vous le voyez cuit (Dél. de la Camp., 9-10); je ne crains point que vous le desployez (Bourg, poli, V. H. L., t. IX, 166).
3. Du Val (246) y voit une licence qu'il ne faut pas tolérer en prose.
4. Lesquelles vindrent chatoüiller son esprit (Camus, Alcime, 126); des Turcs, qui le prindrent sans resistance (d'Audig., Six nouv., 22); ses parens le prindrent (Id., ib.,47); ils en prindrent le chemin (Mélante, l, I, 16); Ils tinsrent de fort froids discours à Cenostrale (L'Orph. de Chrys., l. Il, 348-349); retindrent (Sorel, Berg. extr. l. III, t. I, 147) ; survindrent (Id., ib., 146); qui le vindrent aborder (Nouv. rec. de let., 1638, Let. am., III, 18).
5. Il descousit la doubleure (L'Orph. de Chrys., l. I, 73).
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 323
mondains. C'est la forme ordinaire chez Scudéry (Almahide, VI, 1834; cf. 1863, et ailleurs).
La question est surtout intéressante pour le verbe vivre (cf. tome II, 339). Les vieilles formes en is étaient encore tout à fait courantes : je vesquis (Astrée, 1614, IIe p., 244) ; elles vesquirent (ib., 1615, I,145 B) ; nous vesquismes (ib., I, 257A ; cf. Mélante, l. I, 64). Il vesquit est particulièrement fréquent (Astrée, 1615, I, 113B ; Cléobuline, 683 ; Gar., Doctr. cur., 445, etc.). C'est même en faveur de vesquit que se prononcerait Du Val (252). Oudin juge encore les deux façons de conjuguer également bonnes (Gr., 182). Vaugelas, au fond, est bien près de cette opinion. Il n'a que des préférences. Elles sont en faveur de je vesquis, tu vesquis, il vesquit, nous vesquismes, vous vesquistes, ils vescurent. Il ajoute, du reste, après cette règle malheureuse, que il vesquit ou il vescut, ils vesquirent et ils vescurent, nous vesquimes et nous vescumes sont indifférents (I, 196). On rencontre vécus dans les textes : Vexoris et Tanaus...vescurent longtemps (Colomby, Justin, 3) ; Ainsi Polydon... vescut (Mélante, l. X, 809) 1.
LES SUBJONCTIFS
LE PRÉSENT. — Au subjonctif présent, suivant Oudin, on dit Je sois et non Je soye (Gr., 150).
Mais, pour avoir, les difficultés étaient plus grandes. Malherbe semblé avoir incliné pour les formes terminées en e, non seulement ayent, et non aynt, mais aye et non ait (Doctr., 413; cf. Malh., IV, 329). Maupas acceptait qu'il aye et qu'il ait, Oudin aussi. Mais Vaugelas n'admettait que ayt (I,171), Dupleix de même (Lum., 307). La règle fut lente à s'imposer.
On pourra en juger d'après les impressions et les autographes de Corneille (cf. Lex. de Marty-Lav., 1,107-108 et LVI). Il est à remarquer toutefois qu'il a changé un hémistiche du Menteur, où aye comptait pour deux syllabes : Quoique j'aye pu faire (IV, 181,741 var.).
L'IMPARFAIT 2. — La chute de e amenait une confusion intéressante, entre j'eus et j'eusse, que, de nos jours, j'ai souvent trouvée jusque dans des copies d'étudiants.
1. A peine quelques autres parfaits, rarement usités, méritent-ils d'être mentionnés : je gesi triomphe décidément du vieux je geus (encore dans Palsgr.. 395, et Meigret, 92 r°). Maupas préfère la nouvelle forme (252).
Je pondi, ou ponni est également donné par Maupas à côté de ponnu (263; cf. Garnier, Praec, 99). Bernhard et Du Val tenaient pour ponnu.
En sens inverse je signalerai l'adoption de je feru, qui n'est pas dans les grammaires avant Maup s (252).
2. Pour les formes en issions, que Godard sou tient encore (L. franc., 66), voir tome II, 240.
------------------------------------------------------------------------
324 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1° Les écrivains ne tiennent compte que de s, et dès lors emploient des formes qui semblent appartenir à l'indicatif : Que c'estoit son plaisir et son ambition Que je sortis de là (Espad. sat., 36) ; De me prier aussi que je fus de la feste (ib., 38); Mais de grâce, Monsieur, le voudriez-vous permettre, Que je fis, s'il vous plaist, response à ceste lettre? (ib., 39) ; Que je ta changeas, ma déesse, Contre ceste vieille diablesse (ib., 54) 1 ; je n'eus pas negligé de vous faire sçavoir mon bon portement (Disc, sur la Mort du Chap., V. H. L., V, 40) 2.
2° La confusion inverse a lieu aussi : de quelque costé que le sort tombasse, elle guariroit sa passion (Camus, Alcime, 277); j'eusse esté bien marry qu'on luy eusse faict tort (Caq. des Poisson., V. H. L., II, 140) ; affin que... on peusse plus seurement fournir de productions (Ass. des Dam., V. H. L., V, 300) 3.
LES INFINITIFS
Les grammairiens optent pour l'infinitif en er dans le verbe tistre. Du Val (250) gardait tistre, mais Oudin préfère tisser à tistre et à tissir(Gr., 159), alors que Bernhard (113) était encore indécis. On trouve encore quelques exemples du vieil infinitif tistre 4 : c'est son devoir de tixtre vne couronne à la vieillesse (Camus, Divers., I, 342 r°. Cf. R. Franc., Merv. de Nat., 232).
Suivant le même Oudin, il faut dire benir et non benistre. Ce dernier est encore dans Sorel (Berg. extr., 1. VI, I, 390) 5.
Un cas intéressant est celui de courre et courir. Depuis des siècles, les deux infinitifs étaient en concurrence. Le second l'emporte alors définitivement. Vaugelas fait une règle : courre se dit en termes de chasse : courre le cerf et jamais courir, on dit également courre la poste ; courir et courre la fortune sont reçus indifféremment 6. Ail1.
Ail1. la 3e personne, la confusion n'est qu'orthographique : Le fils du Prince Macédonien ne voulut permettre que personne trempa le pinceau (Guerson, Anal, du Verbe, 65) ; Il donna ordre qu'on deschargea les vaisseaux (Cel. et Maril., 321).
2. Cf. ce que Vaugelas dit de la confusion de eust, eus et de eusse (I, 168).
3. Les exemples de ces fautes analogiques remontent assez haut, trop haut pour qu'on puisse mettre en cause la désuétude de l'imparfait du subjonctif. Dans quelle mesure faut-il voir là des faits dialectaux ? En tous cas, certains textes, comme la Légende de saint Anthoine, fourmillent d'exemples : il ne souffrit point qu'il feusse enseigné (Lég. de St Anth., 9) ; se il feusse cheuz de quelque charge (ib., 24) ; commanda qu'il se départisse (ib., 79); lui priarent qu'il leur enseignasse (ib., 84). Au XVIIe siècle, on trouve même encore la confusion précédente augmentée d'une autre dont nous avons parlé au siècle précédent : elle m'a dit que je la laissy reposer (Bourg. pol.,V. H. L., IX, 194); et qu'il fisse bonne chère (Hist. joy.,lb., III, 86). C'est presque du patois.
4. Je me demande si listrer (R. Franc., Merv. de Nat., 574) est une faute d'impression.
5. Poursuivir est considéré par Malherbe comme normand (IV, 307).
6. Vaugelas acceptait sans doute aussi le synonyme courre le hazard (d'Urfé, Ep. mor., l. I, 39 r° ; cf. Tristan l'Herm., Vers hér., 44).
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 328
leurs il faut toujours employer courir (1,400-401). Cette règle paraît bien étroite. Non seulement courre est une forme toute commune au commencement du siècle (Astrée, 1615, I, 253 B, 254 B etc. 1; cf. cette façon de courre appartient proprement aux fourmis, Malh., I, 471), mais nous avons ici le témoignage de Voiture: « Courre est plus en usage que courir, et plus de la cour ; mais courir n'est pas mauvais, et la rime de mourir et de secourir fera que les poètes le maintiendront le plus qu'ils pourront. On en peut user deux ou trois fois la semaine » (Let. à M. Costar, II, 78). Il est très certain, la suite le prouva, que Vaugelas avait bien observé; toutefois l'affirmation même d'un homme qui vivait en plein milieu mondain montre que l'on pouvait encore s'y tromper. La Mothe le Vayer (éd. or., 55) et Dupleix (Lib., 218) eussent voulu la liberté.
On pourrait citer de courre d'innombrables exemples 2.
On le retrouve chez les burlesques (Saint-Amant, II, 396 ; Scarr., Virg., II, 170, 237; Richer, Ov. bouf., 172, 256) etc. Mais il n'est pas démontré qu'il soit très bas. Les comiques l'ont aussi, comme on le verra à l'article courre du Lexique de Molière de Livet 3. Ainsi se prépare la fâcheuse méprise des grammairiens, qui vont mettre ce verbe dans la 2e conjugaison.
LES PARTICIPES
Un certain nombre de participes forts cèdent encore la place à des formations analogiques faibles.
Mors est détrôné par mordu. Maupas acceptait les deux (262) ; Oudin (Gr., 176) ne connaît plus que mordu (Cf. tome II, 367) 4.
Tins (cf. tome II, 367), encore donné par Maupas, est condamné par Oudin (Gr., 167). Il est bien rare : celle qui m'a tins compagnie (Plais, ruses, V. H. L., VII, 33).
En revanche résolu, absolu, dissolu, subissent un temps d'arrêt dans leur développement. Oudin (Gr., 180) préférerait faire de ces formes des adjectifs, et garder les participes absoult, dissoult,
1. De même recourre (Ib., I, 386 A, 386 B).
2. Sans courre fortune (Balz., I, 419, éd. Moreau) ; d'autres occasions où vous pourrez courre la mesme fortune (Voit., Let., II, 31, éd.Uz.); Quelques uns faisoient déjà courre le bruit que (Desc, Méth., 42, Br. ); Ce n'estoit point pour courre après elle que j'ay éprouvé le couroux de la mer (Segrais, Nouv. fr., 2e nouv., 417-418).
3. S'en enquerre vieillit aussi : Vienne qui voudra s'en enquerre (Richer, Ov. bouf, 233); conquerre : tous les biens de la terre Qu'on a tant de peine à conquerre (Loret, Po. burl., 1647, v. 42).
4. qu'incontinant ils auroient le col tors (Effr. pactions, V. H. L., IX, 304).
------------------------------------------------------------------------
326 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
resoult, qu'on trouve du reste dans les textes : pour empescher que le monde ne soit dissout (Orph. de Chrys., I, 172).
Entre certains participes en i et leurs concurrents en u, il y a toujours hésitation. Suivant Maupas, on dit tolli et tollu (249). Suivant Oudin (Gr., 162), bouilly doit prendre la place de boulu. Au contraire vesti, qui est encore dans l' Astrée (1614,11, 786), cède à vestu.
Vaugelas n'a donné aucun avis sur ces questions, mais il a prononcé qu'on devait dire: peu s'en est fallu et non failli (l, 421). Le paysan Gareau dit fally : Il ne s'en est pas fally l'époisseur d'un tornas (Cyr. de Berg., Ped. joué, a. II, sc. 2, 40).
Il a également décidé entre béni et bénit (cf., tome II, 366), en imaginant de subtiles distinctions, dont l'esprit s'est gardé jusqu'à nous : « Beni et benit, dit-il, sont bons, mais non pas dans le même usage. Benit semble être consacré aux choses saintes; on dit à la Vierge : Tu es benite entre toutes les femmes; on dit, de l'eau
benite, du pain benit, un cierge benit, un grain benit Mais hors
des choses saintes et sacrées, on dit tousjours beni et benie, comme : une oeuvre benie de Dieu, une famille benie de Dieu, Dieu nous a' beni d'une heureuse lignée » (1,387).
Dans les écrits du temps, bénite est encore très fréquent. Soeur Chantai par exemple, ne fait nullement la distinction : en cette benite retraite (Lett. LXVIII, 91) ; toute notre benite famille (ib., XLVI, 54); sa benite maison (ib., LVI, 66; ib., LIV, 63) 1 ; jetter ceste eau benite (Esp. sat., 52) 2.
Oudin avait déjà exclu cheut, et s'était prononcé pour cheu et cheue. Je n'ai guère trouvé les anciennes formes que chez les burlesques : De la manne chûte du Ciel (Scarr., Virg. I, 43 ; cf. Poisson, Le zig-zag, sc. 9) ; comme il vouloit ramasser sa monstre qui estoit cheutte à terre (Grands jours tenus à Paris, 1622, V.H. L., I, 217). Comparez chape-chute.
DISTINCTION D'UNE NOUVELLE FORME. PARTICIPE PRÉSENT ET ADJECTIF VERBAL
En ancien français, le gérondif se distingue du participe par son invariabilité. Mais le participe ne varie régulièrement qu'en nombre,
1. J'ai trouvé la forme fuite : qui estoit cause de ce scandale s'en estoit fuite (Le Cour. de Nuict, 91).
2. J'ajouterai que prins disparaît. Oudin n'accepte plus que pris (Gr., 178). Vaugelas conseille d'éviter : une chose que j'ay crainte. C'est une question de style, car le mot en lui-même lui paraît fort bon (II, 343).
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 327
et jamais, même au XVIe siècle, l'analogie ne fut assez puissante pour lui faire prendre régulièrement e, es, au féminin. Dès lors on sent qu'une autre distinction va se faire entre les formes du participe et les formes qui ont, comme les adjectifs, les deux genres distincts. Ramus dit déjà (53) : « On dit eimante pour le femenin combien ce nou' dizions ausi fame eimant, me' can' le partisip' et considere sans axion, nou' diron' plu' tôt fam eimante ». Cette question va devenir une de celles sur lesquelles on légiférera le plus.
La nouvelle école, suivant Mlle de Gournay (Adv., 404), veut qu'on écrive des hommes allant à Vaugirard et non allans. Et Balzac disait que Malherbe traitait l'affaire des gérondifs comme une question de frontière entre deux peuples voisins. Sous cet air ironique, la chose est vraie. Il n'admettait pas que les uns empiétassent sur les autres, ni qu'on les confondît. Voici qui est mal parlé: Et regrette en pleurant ma jeunesse passée, Maudissant le pipeur qui m'a tant abusée. « Un gérondif et un participe mal ensemble » (IV, 270).
Leur orthographe et leur syntaxe distinguent du reste absolument les deux formes : le gérondif est invariable, le participe s'accorde avec le nom ou le pronom. Pour le gérondif, point de difficultés : « il n'est obligé, comme dit Maupas, à genre ni à nombre, ains se prononce tousjours masculin singulier », et la cause de cette construction est parce que « ce participe exprime le gérondif en do latin » (330) 1. Pour le participe, il n'en va pas de même. Et le même Maupas donne une théorie intéressante (331-2) : Quand le participe ne sert que de pur adjectif, c'est-à-dire « attribue au nom une qualité adherante», surtout s'il précède ce nom, l'accord est de rigueur : « C'est une vertu bienséante que la modestie. Voila une fort luisante lame ».Au contraire quand il est « pur participe », c'est-à-dire qu'il attribue une action ou « effect sortant du substantif » comme ici : Les voluptez corrompant les moeurs, on se peut accommoder du pluriel féminin, mais le participe " semble plus coulant sous forme masculine... Quant au nombre, il est meilleur qu'il l'ensuive. Ex. : La terre humant la rosee produit herbe en sa saison ».
Ces distinctions paraissent à Malherbe trop subtiles sans doute, et sa règle est plus simple. Ou on emploie le gérondif, et alors pas d'accord (IV, 326), ou on emploie le participe, et alors il faut le mettre au féminin, s'il y a lieu. Ex. : Ceste huile est de la lampe
1. On trouve cependant parfois une s : leurs yeux En se rendants plus doux se
sentirent mouillez (Lingendes, dans Dél. de la poésie, du Bray, 1615, 715).
------------------------------------------------------------------------
328 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
incessamment ardant : « Ardant ne peut être ici gérondif. Il faut donc qu'il soit participe, et par conséquent qu'il convienne en genre avec le substantif lampe, et faut dire lampe ardente, chandelle éclairante, etc. » (IV, 384). De même ici : Après tant de douces merveilles Ravissant l'esprit bienheureux. Ravissants est « pour ravissantes ». (Am. d'H., ch. 8, IV, 324) 1.
Seulement il manque une chose à cette théorie, en apparence si commode. C'est qu'elle n'est pas d'application constante. D'après elle, on ne peut dire : Non pour mille vertus honorants ta jeunesse, « car il faut un participe féminin à vertus. Or le participe féminin ne vaudroit rien ici » ; Malherbe en convient, et ajoute : « il devoit donc user d'une autre façon de parler » (IV, 378 ; cf. IV, 315), lisez : d'une « circonlocution par le relatif et le verbe fini », comme dit Maupas (332). Ex. : Les vertus qui honorent ta jeunesse. Oudin annonce nettement la théorie qui va l'emporter (Gr., 257): « Ce participe exprimant le gérondif ne se doit point obliger à suivre ny le genre, ny le nombre du substantif antécédent : verbigratia, la terre produisant des fruicts, et non pas, la terre produisante etc., Les Roys asseurent leurs Estais traittant doucement leurs subjets et non traittans doucement etc. Mais s'il est comme relatif, il faut qu'il suive le genre et le nombre dudit antécédent, comme : les Roys cherissans, les femmes attrayantes etc., car alors il prend la nature d'adjectif. Et pour les derniers, il est mieux d'user de circonlocution : les vertus qui reiglent la vie, au lieu de dire : les vertus reiglantes la vie humaine. »
Vaugelas a fait une première observation sur les participes des auxiliaires, et les a mis à part. Ayant, étant, suivis d'un participe passé, sont invariables. C'est alors à un gérondif qu'on a affaire 2.
Mais, quand ayant est seul, il en est tout autrement, et Vaugelas se répand en une longue théorie, une des plus longues du livre : « Ayant est gérondif de cette façon, les hommes ayant cette inclination, et participe de cette autre, je les ay trouvez ayans le verre en main ». C'est le principe. Seulement des « Oracles de la langue »,
1. Il n'est pas impossible de citer des exemples de cette vieille syntaxe au XVIIe siècle, mais ils sont rares :
Seules ma soeur et moi... Chantans à qui mieux mieux quelques airs d'amourettes (J. de Schel., Tyr et Sid., 123,8); Nos affections passagères Tenans de nos humeurs legeres, Se font vieilles en un moment ( Rec. desplus beaux vers, 1638,Mettayer, 2) ; nostre zele et nostre innocence ayans esté accusez (Har. du Pt Molé, Théâtre d'éloq., 94); qui mettez dehors des maisons les femmes pleurans et gemissans avec leurs petits enfans entre leurs bras (Rep. du Cap. Guil., 1615, V. H. L., VII, 80).
2. Oudin voulait encore écrire: ces hommes estans entrez, ces femmes estans arrivées (Gr., 257).
------------------------------------------------------------------------
LE VERRE 329
consultés, lui ont appris que le féminin ayantes serait barbare et ridicule. La forme du masculin ayans serait illogique, puisque les adjectifs en ant font au féminin pluriel antes. Il faut donc recourir au gérondif invariable ayant. Mais voici une objection : on dit changeante, concluante. Vaugelas répond que ces mots n'ont que l'apparence de participes ; ils en viennent, mais ne le sont pas et la preuve — belle pétition de principe — c'est qu'on ne dit pas : Je les ay trouvées mangeantes des confitures.
On réplique qu'il y a plusieurs féminins ainsi employés, et avec les mêmes régimes que les verbes correspondants, ainsi : ces estoffes ne sont pas fort belles, ny approchantes de celles que je vis hier. Vaugelas affirme qu'il n'en résulte pas que ce soient des participes; approchantes a la construction de approcher de, comme semblable, qui est adjectif, a la construction de ressembler.
Et pour compléter, Vaugelas écarte, comme n'étant pas de l'usage, les constructions de participes féminins avec régime direct ; au lieu desquels il faut se servir d'une proposition relative : raisons qui concluent une mesme chose, et non concluantes une mesme chose.
Pour estant, il est gérondif, lorsque le verbe est auxiliaire : estant asseurés ; il est encore gérondif, lorsqu'il a un nom après soi : estant malades. Il n'y a qu'un seul cas où on peut mettre une s, c'est quand le verbe est seul : estans sur le point 1. Vaugelas accepte s, mais quand il n'y pas d'équivoque, il aimerait mieux dire estant. Au féminin, on ne dit jamais estante.
Donc " les participes actifs naturellement n'ont point de féminin, et tous les féminins que nous voyons tirez de ces participes sont purement adjectifs, et ne tiennent rien de la nature des participes actifs que leur formation » (II, 152-157). On le voit, c'est déjà tout au long la doctrine que l'Académie fera sienne.
Suivant Ménage, les gérondifs sont mieux : Haute et puissante princesse, demeurante à Paris est du style de notaire. C'est un archaïsme (O., II, 476). Port-Royal (131) reprit, en la généralisant, la doctrine de Vaugelas, qui fut étendue au masculin : « j'ay veu des hommes lisans l'Ecriture est une faute, qui vient de ce que la prononciation ne distingue pas lisant et lisans». Et l'Académie fit la règle « qu'on ne déclinerait plus les participes actifs 2 ».
1. Il n'est pas seul ici : Pouvez-vous réprouver mes voeux estans principalement fondez sur vostre mérite? (Nouv. Rec. de Let., 1638, Let. am., 33).
2. La tradition donne une date, le 3 juin 1679. Mais il n'y a pas trace de cette règle dans les Registres, qui ne font aucune mention d'une séance ce jour là. (Cf. Vaug., II, 518).
------------------------------------------------------------------------
330 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
I. Les exemples d'accord en nombre au masculin pluriel sont
innombrables :
A. Verbes transitifs : L'accord avec des noms au masculin pluriel est normal : les vents se sont opposez a ton retour, rejettans tes vaisseaux au rivage (Fleurs de l'Eloq. fr., 2b ) ; Nos conseils prodigans tant de peuple à crédit (J. de Schel., Tyr et S., 39, 11) 1.
Quoique autorisée par Vaugelas, cette syntaxe est peu à peu abandonnée. D'après l'abbé Lebarcq, Bossuet la suit jusqu'en 1656 : celebrans la munificence divine (Réconc, 1653, 1ep., t.I, 364, n.2) ; les hommes meprisans l'autorité légitime (Ste Croix, 1653, 1e p., t. I, 431, var. du ms.).
Elle reste commune avec les verbes réfléchis et réciproques : Or ceux qui ont pénétré ces choses et qui se sont du tout resignez en Dieu, se mortifians eux-mesmes (Thaulère, Les Instit. div., 5); Et du nom de maris fièrement se parants, Leur rompent en visière aux yeux des soupirants (Mol., II, 382, Ec. des Mar., a.I, sc. 4).
B. Verbes intransitifs, à forme pronominale ou non. L'accord est usuel : Tant de beaux objets tous les jours s'augmentants (Malh., I, 259) 2.
Comme Vaugelas n'interdit pas cet accord, on le fera longtemps encore : Il suffit de citer : Infames scelerats à la gloire aspirans, Et voleurs revêtus du nom de conquérans (Boil., Sat. XII) ; Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants, Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants (Rac, Andr., 1003-4).
II. L'accord en genre se fait bien rarement avec des verbes transitifs : les parties divisantes le temps (Maup., 295) ; par conséquent les puissances de l'ame sont distinctes, faisantes leurs fonctions en des vaisseaux, ou cellules particulières et distinctes (Guerson, Anal, du Verbe, 18) ; en Dames vertueuses et craignantes Dieu : en peuple
1. Cf. Nonpas à la façon des ignorans, qui ne scavent le plus souvent à quoi se tenir, tantost approuvans et tantost condamnans une mesme chose (Let. Phyll., IIe part., 51); les unes ayants leurs tesles appuyées sur leurs mains (Gomb., Endim., 111, cf. 237) ; les canons quittants leurs usages farouches Ne servent plus ici que d'éclatantes bouches (Corn., X, 106) ; Ils ont chacun leur culte, et, louans l'Immortel... (St-Am., II, 175).
2. Cf. : ces adolescents Du malheur de ma prise entre eux s'esjouissanls (J. de Schel., Tyr et S. ,68, 10) ; les decrets de sa souveraine Providence.... tendants au bien éternel (Sr. Chantai, Let., CXXXI, 189); les bruits de ces choses se multiplians à l'infiny (Faret, L'hon. h., 109); Si durant tant d'effets à mon bien s'opposants, Je n'ai pas d'un murmure accusé ta justice... Escoute le sujet de mes soucis cuisans (Malleville, Po., 185); Les Centaures, estans instruits à monter les chevaux et à les manier, ayans quelque différend avec les Lapithes (Ver. des Fab., l. l, t. II, 78) ; on la portera à Paris pour être vérifiée étants tous assemblés (La Rochef., III, 103) ; estans estonnez dans lefond de vos consciences (Boss., Bonté et Rig. de Dieu, 1652, cité dans l'Introd. de l'abbé Lebarcq, XLIX) ; Aujourd'hui estans pleins du Saint Esprit (Id., Pentecôte, exorde, 1e réd., cité ib.).
------------------------------------------------------------------------
LE VERRE 331
clement et fidelle (Id., ib.,104). Madame de Sévigné écrit encore : je vous trouve si pleine de réflexions, si stoïcienne, si méprisante les choses de ce monde (VI, 336). C'est un effet de style.
Avec des verbes intransitifs, l'accord a lieu assez souvent dans le commencement du siècle : Elle étoit jusqu'au nombril Sur les ondes paroissante (Malh., I, 316, v. 1) ; il en est de mesmes es grandes adversitez, lesquelles advenantes (Camus, Divers., t. I, 26 v°); des grandes fortunes, lesquelles survenantes (Id., ib.) ; la timidité provenante de leur foiblesse (Id., Iphigène, I, 433) 1.
On se rappelle l'exemple classique : Pleurante après son char voulez-vous qu'on me voie? (Rac, II, 107, Andr., 1329 ; cf. : la veuve d'Hector pleurante a vos genoux (Ib., p. 83, v. 860). On a soutenu qu'ici le poète avait usé de l'adjectif verbal. C'est probablement exact, quoique ces exemples de Racine ne soient pas isolés 2.
Voici quelques « adjectifs verbaux » remarquables : Si vous estiez charitable et considérante, vous me plaindriez (Costar, Let., II, 135) ; ton espargne est toujours pléne et regorgeante (Let. de Phyll., IIe part., 456) ; Vénus à Zénophile apprit l'art des carresses, Ces refus convians, ces trompeuses tendresses, Qui font languir délicieusement (La Mesnard.,.Po., 338) ; l'endroit ou il est situé... est le plus passant de Paris (Sorel, Polyand., II, 171). Scarron s'y est amusé: Sçais-tu que Messieurs mes Parens Sont de manière assassinante, Sont gens d'une humeur peu souffrante (Dern. oeuv., I, 247).
EN ET LE GÉRONDIF. - En même temps que l' « adjectif verbal » tend à se distinguer du participe, celui-ci se dégage du gérondif, lequel ne pouvant plus se caractériser par l'invariabilité, se caractérise par la présence de en. Toutefois, " les gérondifs prennent cette marque devant eux, quand ils veulent, et le plus souvent ils ne la prennent point » (Vaug., I, 315). Les gérondifs
1. Cf. Le divin Sauveur... nous fasse participantes des mérites et grâces de sa sainte vie etdouloureuse passion (Sr Chantal, Le., CCXXXV, 312) ; si je ne peux dire être un jour sans quelque incommodité, et que je me voie depuis quelque temps fort vacillante à la santé, ce sont toutefois des incommodités plus traînantes et provenantes de l'âge que douloureuses (Ead., ib.,CCXLVI, 356); la gelée venante, vous mettrez vos Bacquets dans la cave (Jard. fr., 150) ; je me suis retirée Brûlante de vous voir el de vous réjouir (Rotr., Agés., IV, 1); Ainsi vous quitteriez Alcippe pour un autre Dont vous verriez l'humeur rapportante à la vôtre (Corn., Ment., 441-2. Texte de 1644. En 1648, il écrit rapportant; en 1660, il change le vers); trois pintes de bon miel qui soit de couleur tirante sur le Tanné (Dél. de la Camp., 95).
2. Qu'est-ce que pouvoient faire dans une compagnie composée de plus de deux cents officiers, et agissante avec trois autres compagnies (Retz, II, 57) ; l'animosité des peuples augmentant et les délibérations du Parlement continuantes, il feroit semblant de s'affaiblir (Id., II, 79); Mme de Fruges que vous voyez traînante dans les cabinets,sous le nom de vieille femme, en fut un autre (Ici., I, 108-109).
------------------------------------------------------------------------
332 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
sans en sont communs. Fais meurir seulement les fruicts de mon attente, Espousant un Berger qui te rendra contente (Mairet, Sylv., 69 v. 847) ».
L'emploi de en une fois régularisé, au lieu d'avoir, comme au XVIe siècle :
1° Un gérondif : (en) tombant, elle s'est blessée,
2° Un participe tombans (qqf. tombantes) sur l'ennemi à l'imvariable
l'imvariable nombre : pourvue, ces compagnies achevèrent sa
déroute, 3° Un adjectif : une lèvre tombante,
on aura :
1° Un gérondif avec en : en tombant, elle s'est blessée,
2° Un participe invariable : tombant sur l'ennemi, ces compagnies achevèrentsa
achevèrentsa 3° Un adjectif variable : une lèvre tombante.
QUE AU SUBJONCTIF
On se rappelle la distinction, chère aux grammairiens du XVIe siècle, d'un optatif et d'un subjonctif. Elle se retrouve chez Maupas et chez Oudin. Mais il n'est plus question de distinguer l'un de l'autre par la présence ou l'absence d'un que. En réalité, le que manque encore quelquefois, aussi bien devant un subjonctif marquant l'hypothèse, que devant un subjonctif marquant un souhait: Soit la fin de mes jours contrainte ou naturelle, S'il plaît à mes Destins que je meure pour elle, Amour en soit loué (Malh., I, 31). De même, avec un subjonctif à sens d'impératif : sçaches que je suis Lysis, et cela te suffise (Sorel, Berg. extr., l. IV, I, 282).
Néanmoins c'est surtout avec le sens optatif que la forme sans que se rencontre, soit dans les formules faites du verbe pouvoir, soit en dehors de ces formules : Puisse-tu donc un jour, en imitant ton père, Digne de son espee, estre tousjours vainqueur (Lingendes, dans Rec. des plus b. vers, Mettayer, 1638, 656) ; son amoureuse crainte Soit d'un céleste sceau dans ton courage emprainte (St-Am., II, 174).
Encore faut-il dire que, dans cet emploi, le subjonctif tend de plus en plus à se faire précéder de que. Qu'on compare entre elles les imprécations du maître d'hôtel dans La Reine d'Ecosse, de Mont1.
Mont1. ceruse ou blanc de plomb se fait mettant des branches de sarment dans des tonneaux (R. Franc., Merv. de Nat., 325); J'empêche ta ruine empêchant tes caresses. (Corn.,IV, 99, Pomp.,V, 4).
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 333
chrestien, et celles de Camille dans Horace, on verra le progrès 1. Par suite de ce mouvement général, les formules de souhait prennent elles-mêmes, et fort souvent, le que : Que puissent (les âmes) croître incessamment à ce saint sacrifice (Sr Chant., Let., CLVI, 226) ; Que puisse-tu bientost commandant une armée, Contraindre un nouveau monde à recevoir ta loi (Lingendes,dans Rec. des plus b. vers, Mettayer, 1638, 656). Les classiques présenteront une foule d'exemples semblables.
LES FUTURS
FUTURS CONTRACTES. — Les vieux futurs contractes continuent à céder la place aux formes analogiques. A la première conjugaison, le futur est désormais sous l'influence du présent plutôt que sous l'influence de l'infinitif. Mais aux autres conjugaisons, on reconnaît que c'est tantôt l'une des analogies, tantôt l'autre qui l'emporte.
PREMIÈRE CONJUGAISON. —Donner (cf. tome II, 363). Donray est antique aux yeux de Oudin (Gr., 159), et dorray ne vaut pas mieux, suivant Vaugelas ; ce sont « des monstres » (I, 231).
La première forme est encore assez commune au commencement du siècle. Il importe de se souvenir que déjà dans les éditions de Régnier, publiées de son vivant, elle est tenue pour incomplète. Une apostrophe y sépare n de r : don'ra (1612, f° 39 r°). On la considère donc comme remplaçant donnera. C'est ce que semble aussi marquer Maupas (231). Les exemples ne sont pas rares : Je vous donray les innocens (Richer, Ov. bouf., 301) ; dorray est dans les Merv. de Nature (466-467), ainsi que dourroit (491) 2.
Laisser (cf. tome II, 363). Lairray ne paraît pas avoir été blâmé avant Vaugelas, qui reconnaît qu'une infinité de gens le disent, et que des poètes ont cru devoir en user (I, 210). Oudin l'admettait (Gr., 159). Il faut observer cependant que Malherbe l'avait souligné dans Desportes (Doctr., 410).
1. Comme le passage de Corneille est dans toutes les mémoires, je ne citerai ici que le texte de Monchrestien (éd. P. de Jull., 107) :
O toy qui le consens, peuple fier et sauvage, Puisse ton propre sang humecter ton rivage ; Tousjours par tes Citez se promené la Mort, Conduisant devant soy la haine et le discord ; Tousjours le Ciel brouillé d'orage et de lempeste Mille foudres agus delasche sur ta teste ; Tousjours la mer enflée en ses bruyans dehors Coure sur ton rivage et sans bride et sans mors.
2. Si on eût prononcé n, méme en nasalisant o, Vaugelas n'eût pu considérer la forme comme monstrueuse. Elle eût été semblable à d'autres où e disparaissait entre consonnes. Il est donc probable qu'on y entendait seulement l'o nasal si proche de ou, et que donrai prononcé (dorai) ne différait guère de dorrai, sauf que dans celui-ci rr était double. Dans don'rai vraisemblablement n se faisait entendre.
------------------------------------------------------------------------
334 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
L'Astrée offre de nombreux exemples de lairray : Je lairray plutost toutes choses en arrière, que je ne fasse rendre la liberté à Dame si vertueuse (1615, I, 395A). Comparez : Nous lairrons pour un peu de temps les bourgeois (Plais. Rus., V. H. L., VII, 30) ; nous y en lairrions bien (L'Orph. de Chrys., l. I, 217) ; ceux qui ont les inventions les plus agréables... ne lairraient pas d'être les meilleurs poètes (Desc., Méth., 23); Si mes forces, Daphnis, esgaloient mon courage, A tes discours flateurs je me lairrois tenter (Malleville, Po., 140)1.
Demeurer.— Malherbe souligne demourrai (Doctr., 410), qu'Oudin déclare antique (Gr., 159). Mais on n'est point sûr ici de ce qui leur déplaît. Est-ce la suppression de l'e muet, est-ce le radical en ou ?
Il faut noter la prononciation indiquée par Hindret, tu trouvaisras (Discours, Thur., o. c. I, 129). Elle existe déjà au XVIe (Du Bell., Deff., II ; 2, Cham., 187).
AUTRES CONJUGAISONS. FUTURS REFAITS SUR L'INFINITIF. —, Assaillir (cf. II, 360). Assaudray, encore reçu par Maupas (248), est rejeté par Oudin (Gr., 166).
Bouillir. « Boudray ne se dit plus, mais bouilliray » (Oud., Gr., 162) ; Et le glouglou de nos marmites En boüilliront plus de mille ans (Espad. sat., 22) ; là elle s'échauffera, et bouillira comme de franc vin (Dél. de la camp., 53).
Cueillir (cf. tome II, 360). Cueilliray remplace cueudray, quoique celui-ci fût encore reçu par Maupas (248). Malherbe n'aimait pas cette forme (Doctr., 411). Mais Oudin la préfère et à cueudray et à cueilleray (Gr., 163). Vaugelas est tout à fait du même avis (II, 259-260).
Cette forme est commune, ainsi, dans le Jardinier françois, on la trouve à chaque page : vous en recueillirez abondance de Fruicts (37) ; vous cueillirez vos Greffes (49) ; quand vous cueillirez vos Fruicts (250) ; etc.
Faillir (cf. tome II, 360-361). Faudray et failliray restent concurrents. Les deux sont admis par Oudin (Gr., 164). Faudray est fréquent : Vous ne faudrez pas d'être suivi (Malh., II, 531 ; cf. III, 276) ; je ne vous faudray jamais tant que je pourray (Chapel., Guzm.
1. Les burlesques ont aussi le vieux futur, qui continua certainement à s'entendre à Paris, comme le témoigne Hindret en 1687 (Discours, aiij) : La caille en hyver mangeras, en septembre ne la lairras (Martin, École de Sal., 47); Mais sans user de moi latin, Que nous lairrons à Calepin (Id., ib., 1 9) ; cf. Je laisray de vous, Moussardiere, Toutes les vertus en arrière, (Loret, Po. burl., 113). L'exemple est douteux. Laisray n'est-il pas pour laisseray ?
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 335
d'Alf., III, 332); La matière me defaudra (Loret, 17 oct. 1654, v.13).
Je signalerai une forme analogique du présent : je failleray. Elle est dans l'Astrée (1615, I, 149B ).
Boire (cf. tome II, 361). Oudin se prononce contre les vieilles formes beuray et buray (Gr., 173), encore tolérées par ses prédécesseurs: « Ce sont des mots du patois de Paris ». Sorel les écrivait encore: vous qui en beurez le vin (Berg. extravag., l. I, t. I, 44) ; le bon Janus, qui avoit eu charge de prendre garde si ces braves eschansons ne beuroient point (Ib., 179 ; cf. Polyand., II, 396). Mais boirons prévaut : ton camp boira le Gange (Malh., I, 253) ; Nous boirons pinte (Le Pet., Chron. scand., Par. rid., 113).
D'autres verbes suivaient toujours cette pente. A la Cour, on continuait à dire « je vouarray » (de Gourn., O., 604-605); Je la renvoiray à la maison (Sorel, Polyand., I, 523 ; II, 516 ; cf. mon t. II, 361). Mais verray l'emporte, si bien qu'il entraînera plus tard enverray.
Il n'est pas rare non plus de rencontrer fairai : vous fairez faire des trous (Jard. franç., 38). Les grammairiens sont, comme au XVIe siècle, pour ferai, qui l'emporte : Mercure fera son couchant à la vue de Saturne (Malh., II, 690) ; Vous fera l'innocente et moi le criminel (Corn., V, 558, Nic., 1062).
FUTURS REFAITS SUR LE PRÉSENT. — Ouïr (cf. tome II, 363). Maupas admettait orray et oiray (248). Mais Malherbe soulignait orra, quoiqu'il l'employât lui-même (Doctr., 411), ce en quoi il fut blâmé par Chevreau (Rem. s. Malh., 9). Oudin préférait la forme refaite sur l'analogie du présent oyray (Gr., 165).
Ce que vous orrez (Astrée, 1615, I, 308B ) ; vous en orrez bien tantost d'autres (Caqide l'Acc., 46); ceux qui les oyront (Astrée, 1615, I, 336A ) ; Le Nil oira nos combatans (Racan, I, 9); tu oiras (Id., II, 374) ; elle ne t'oira pas (Le bourg, poli, V. H. L., IX, 170). Orrai est dans Corneille (III, 151); cf. orra, X, 28.
Il est à remarquer que ouïray semble peu se répandre. Les exemples en vers ne permettent aucun doute, puisque oiray est de deux syllabes, pendant qu'ouïray est de trois.
CHOIR ET SEOIR, Au futur, choir garde encore la vieille forme Je cherrai. Mais seoir est incertain. Dès le XVIe siècle, Lanoue hésitait entre serra, sira. Du Val dit aussi serray ou sîray (237) ; Maupas serray, siéray, siéseray (257). Oudin est pour séeray, et condamne
------------------------------------------------------------------------
336 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
également siray, soiray, sieray, siéseray (Gr., 171). Vaugelas adopte il seiera (II,321). Les Remarques d'Alemand montrent que ce n'avait pas été sans hésitation (166). Ménage se prononce pour siéray (O., I, 250). C'est la forme qui sera préférée par l'Académie, à la fin du siècle. En attendant, chaque grammairien, on le voit, a un avis particulier.
ORTHOGRAPHE DES FUTURS. — E sourd après voyelle, ayant perdu toute valeur phonétique, une orthographe qui eût suivi la prononciation l'eût fait disparaître. Toutefois Malherbe (IV, 458 ; cf. Doct., 411) en demande le maintien, et avec lui Deimier (Acad., 137-138). Vaugelas ne distingue point payerai de louerai, il considère donc que dans le premier on ne fait pas entendre e féminin après y ; tous deux sont pour lui des dissyllabes (11,136).
L'orthographe est quelquefois, mais rarement, conforme à la prononciation : vous le renvoiriez (Costar, Let., II, 163) ; continûriez (Id., ib., 141); Nous les renvoirons (Sorel, Polyand., II, 516 ; cf. I, 523).
FORMES PÉRIPHRASTIQUES
J'ai parlé au tome I, p. 242, des diverses combinaisons, par lesquelles le français unissait un participe présent ou un gérondif aux verbes être et aller. Ces combinaisons se retrouvent en moyen français, et n'ont pas cessé d'exister au XVIe siècle; au contraire il en a été fait alors grand usage. On verra dans ma Doctrine (416 et suiv.) comment, dès l'époque de Malherbe, le XVIIe siècle rompt sur ce point avec l'ancienne tradition.
1° ÊTRE suivi D'UN PARTICIPE PRÉSENT. — Type : Je pense estre échappé quand je suis périssant 1.
Malherbe a barré vingt fois des formes analogues dans son Commentaire sur Desportes. De sorte que l'exemple qu'il avait donné en employant lui-même une de ces formes (I, 316), ne faisait pas autorité . Deimier témoigna la même aversion pour cette périphrase (Acad., 444) ; elle paraîtra bientôt insupportable à Chevreau. On en trouve quelques exemples isolés dans Voiture : Des sons si hauts et si hardis, sont mal accordants à la lyre (Voit., chez List, Synt. Stud. üb. Voiture, 11) ; Dans l'innocence où ils étaient, ils furent quelques mois jouissant tranquillement de ce plaisir (Id., ib.). Comparez : Mes devis à l'honneur ne sont jamais nuisans (J. de Schel., Tyr et
1. Quelquefois l'accord est fait : vous voir parvenue, Aux grands honneurs dont estes jouissante (St Gel., I, 306).
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 337
S., 68); Qui seroit refusant... d'un libéral présent ? (Id., ib., 173, 19-20).
Un exemple du XVIe siècle, pris à un livre qui n'a aucune prétention littéraire, fera voir comment, d'instinct, cette vieille périphrase pouvait être employée fort à propos : Combien y a il que tu es icy attendant ? (Cord.,Coll., 1533, p. 14, col. 1).
Il faut en effet prendre garde que, dans certains cas, le présent du verbe ne peut nullement remplacer l'ancienne manière de parler. Qu'on considère, par exemple, cette phrase de Pascal : Qu'ils seroient errants, sans Roys,... sans prophètes, attendans le salut, et ne le trouvant point (Pensées, II, 9, Molin.). Il est visible que seroient attendans le salut exprime autrement la durée de l'état que ne le ferait le verbe simple. De même dans la fable de La Fontaine (VI, 19) les vers : Soyons bien buvants, bien mangeants : Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans, n'auraient plus le même sens, si on substituait mangeons bien, buvons bien à la forme employée, qui seule traduit l'idée d'une bonne santé ininterrompue. Comparez le texte de Fénelon cité par Haase : Il faut donc concevoir que vous êtes éternellement créant tout ce qu'il vous plaît de créer (Fén.,Exist., II, 5, 3) 1.
Autant il est abusif de mettre, comme le fait l'analyse logique des écoliers, un je suis voyant à la place de je vois, autant il est regrettable que la langue ait perdu ce présent de durée que la distinction ultérieure de l'adjectif verbal et du participe présent n'a restauré qu'en partie.
2° ALLER suivi D'UN PARTICIPE PRÉSENT. — Type : De l'hiver la triste froidure Va sa rigueur adoucissant (Du Bel., I, 194). H. Estiene trouvait bonne grâce à ce tour 2. J'ai montré, dans ma Doctrine, que Malherbe affectait de ne pas le comprendre (416-417), Maupas était mieux inspiré quand il l'analysait et enseignait à ses élèves que par là était signifiée une « perseverance et continuité d'action »(330). Oudin lui reproche toutefois de faire l'accord : les douleurs qui me vont affligeans ou affligeantes (Gr., 257). Deimier soutenait aussi la tournure contre ses adversaires, montrant qu'elle était très à propos dans des exemples comme : Le soleil va jaunissant les
1. Je rapporterai encore ce passage de Descartes : Il est impossible qu'ils (les fondements de ma physique) soient accordants avec toutes les diverses opinions des autres hommes, je prévois que je serais souvent diverti par les oppositions qu'ils feraient naître (Méth., 73).
2. En voici quelques exemples de la fin du XVIe siècle : Comme la fièvre alloit tousjours continuant (P. Cayet, Chron. septen., 21, 2); Depuis ce jour-là, elle alla tousjours me diminuant sa faveur (R. Marg., Mém., 20).
Histoire de la Langue française. III. 22
------------------------------------------------------------------------
338 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
moissons (Acad., 441 et suiv.)Oudin déclare que cette construction, autrefois tenue pour élégante, est désapprouvée par beaucoup; et il la remet à la discrétion de ceux qui voudront s'en servir (Gr., 256), Vaugelas se prononce plus énergiquement : cette façon de parler il va croissant est vieille, et n'est plus en usage « ny en prose, ny en vers, si ce n'est qu'il y ayt un mouvement visible » (I, 313). La Mothe le Vayer (50), Ménage ensuite (O., I, 117), firent des objections à cette condamnation (cf. Comm. s. Malh., Il, 165). On eût voulu sauver au moins le tour en poésie. A ce moment cependant quelqu'un s'aperçut qu'il y avait quelque utilité à distinguer les cas suivant le sens ; Alemand dit : On ne peut pas le proscrire de la poésie et on doit le souffrir en prose ; et il cite l'exemple de Bossuet dans l'Oraison funèbre de la Princesse Palatine : le nombre qui va croissant tous les jours (Guer. civ., 95-100).
C'était la doctrine que la postérité devait accepter ; l'Académie ne la comprit pas. Thomas Corneille abandonnait le tour aussi bien en vers qu'en prose. L'Académie ne fit exception que pour les phrases où il y a un mouvement réel, comme il va chantant, ou pour d'autres « où le verbe aller peut convenir », par exemple : sa santé va diminuant, parce qu'on dit : sa santé va de mieux en mieux (Vaug., I, 313). C'était aussi la doctrine d'Andry de Boisregard (46).
Les textes paraissent assez d'accord avec cette histoire. Il y a des exemples nombreux dans d'Urfé : Mais à quoy, mes traistres espoirs, m'allez-vous flattant? (Astrée, 1615, I, 51A ); cf. : S'esleve une forest, près du lit de l'Aurore Que Neptune environne et qu'il va respectant (Motin, Le Phoenix, Rec. Ross., 619); Tant en simple soldat il s'allait hazardant (J. de Schel., Tyr et S., 49, 6); ces chères âmes... se vont fortifiant au bien (Sr Chantal, Lett., CXLVI, 204-205). Racan ne suit pas du tout la doctrine de son maître, cette forme est très commune chez lui 1.
A partir de 1650, le grand nombre des exemples que j'ai recueillis sont tirés des burlesques, et attesteraient par conséquent moins la fréquence du tour que le discrédit où il était tombé 2.
1. Mes premières chansons n'avoient rien que de rude, Mes vers alloient remuant, sans ordre et sans estude (Racan, II, 188) ; Et ces peuples armez qui vonttout ravageant, Dans les afflictions éprouvent nos courages, Comme dans la fournaise on éprouve l'argent (Id., II, 178 ; cf. I, 49, 54; II, 110, 401).
2. Il sçait gaucher en le forçant Le becqui le va menaçant (Richer, Ou. Bouf., 494 ; cf. 131); Pendant que Perseüs dégoise, Allas d'une humeur discourtoise, De pied en cap le va lorgnant, Et grommelle en se refrognant (Id., ib., 483); L'Arcadien Roy, cependant, Son discours alloit étendant (Scarr., Virg., II, 295) ; cf. D'Assoucy, Ov., 28).
La Fontaine n'a pas manqué de reprendre cet archaïsme : L'amour qui l'alloit consumant (V, 164, etc.). Chevreau, si puriste, l'a mis aussi dans l'Advocat duppé : Ce n'est que leur orgueil qui les va decevant (V, 5).
Des phrases où aller marque le mouvement, comme le veut Vaugelas, sont com-
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 339.
RENDRE SUIVI D'UN PARTICIPE PASSÉ OU PRÉSENT. — Ce tour se
trouve déjà dans Roland: Rendre le cuidet o mort o recreant (2733). On le retrouve en moyen français: Je rens solu le cas (Coquil., I, 194); le plus expédient estoit, pour rendre les lecteurs satisfaicts,. de leur alléguer des exemples (H. Est., Apol., II, 113).
On comprend que rendre souple ne se confond point avec assouplir, et que, là surtout où il n'existe point d'adjectif qu'on puisse joindre à rendre, le tour était utile pour exprimer, non le résultat passager, mais l'état prolongé produit par l'action du verbe.
Malherbe, agacé sans doute par l'abus ridicule qu'en faisait Desportes, ne vit dans ses rendre failli, adouci, vengé, séché, etc. qu'une inutile périphrase, et il en barra plus d'une douzaine d'exemples dans son Commentaire (Voir Doctr., 419). Ses élèves, sans égards pour les passages où le maître avait lui-même écrit comme Desportes, renchérirent. « Est-ce, dit Balzac, une locution figurée ? Est-ce une mode estrangere ?... ou plustost n'est-ce point une nécessité de la rime ? N'est-ce point, quelque petit reste du Collège ? n'est-ce point le jargon d'un jeune Allemand nouvellement arrivé à Orléans, qui fait effort pour parler françois ? » (II, 591). Ménage (Comm. s. Malh., II, 355), Chevreau (ib., 1,304), Bouhours (Entret., 145 ; D., 84), Bellegarde (Elégance, 51), y reviennent encore : rendre ne se dit qu'avec un adjectif.
A. Avec un participe présent, rendre est vraiment rare, sauf dans les écrivains de second ordre de la première moitié du siècle. Dieu... veut... vous rendre participante... de toutes les prières et mérites des vertus qui se pratiqueront (Sr Chantal, Lett., XXV, 33) ; les officiers de Justice s'en voulurent saisir, pour le rendre répondant de leurs vacations (Le Cour. de nuict, 137).
B. Rendre avec un participe passé : Et rendra les desseins qu'ils feront pour lui nuire Aussitôt confondus comme délibérés (Malh., I, 71, 53); les voeux que j'ai faits pour revoir ses beaux yeux, Rendant par mes soupirs ma douleur reconnue, Ont eu grâce des deux (Id., I, 156, v. 3); pour rendre son dessein accompli, elle s'habille le plus simplement quelle peut (Camus, Alcime, 155-156) 1.
munes : Il s'enquit de ce qu'il alloit cherchant le long du rivage (Astrée, 1615, I, 19 B ); Et ne faut point permettre a personne.... d'aller ainsi regardant curieusement par la maison (Sr Chantal, Let., CXXVIII, 243).
1. Sa longue expérience le rend muny contre toutes les ruses (Ib, 151); Lorsqu'on voudra rendre la braise esteinte (J. de Schel., Tyr. et S., 89 et 91); Pour rendre avec raison la sentence exprimée (Motin, Rec. Ross., 629 ; cf. 644) ; Sa réponse rendra nos débats terminés (Corn., I, 493, Veuve, 18 11).; Madame, on me trahit, et la main qui me tue Rend sous mes déplaisirs ma constance abattue (Id., III, 437, Cin., 1193-1194) ; Si je vous dois quelque chosette, Quelque chose, dis-je, de reste, Un bout de peigne t'ay laissé Qui l'en rendra récompensé (St-Am., I, 225).
------------------------------------------------------------------------
340 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Dans la deuxième moitié du siècle, les exemples se font plus rares, on en cite surtout de La Fontaine (VI, 234 ; IX, 113), mais il ne fait pas autorité. Racine ne s'est servi de la vieille périphrase que dans la Thébaïde, où il l'a ensuite corrigée (var. du vers 226, t. I, 411). Il convient cependant d'ajouter les textes rapportés par Bouhours.
Il semble, d'après les passages de Molière cités par Livet, et les textes comiques ou burlesques qu'il en a rapprochés (Lex. de Mol., III, 498-499), que, dans le langage familier et comique, cette manière de parler soit restée longtemps en usage.
S'EN ALLER suivi D'UN PARTICIPE PASSÉ — On connaît la façon de construire s'en aller avec un substantif, aujourd'hui peu usuelle : Mon ame, il s'en va temps de penser à la mort (Racan, II, 377) 1. Elle aide à comprendre comment le même verbe se construisait avec un participe passé, pour signifier un futur prochain accompli, si aller était au présent, ou un futur prochain accompli dans le passé, si aller était à l'imparfait 2 : Mais aujourd'hui que mes années Vers leur fin s'en vont terminées (Malh., I, 210, v. 25-26) ; Bussy, notre printemps s'en va presque expiré (Racan, I, 155) ; J'élève à toy mes foibles yeux, Dont les clartez s'en vont esteintes (Id., II, 319) ; le terme de mon ostracisme s'en va expiré (Balz., II, 347); encore veux-je croire que le terme de vostre patience s'en va expire (Id., I, 11); Mais la nuit est bien avancée, Elle s'en va bien-tôt passée (Scarr., Virg., I, 94).
Mon honneur se honnissoit, la maison s'en alloit descriee (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 425) ; lorsque le tems de sa prison s'en alloit fini (Patru, Plaid., XVI, p. 318) ; La mauvaise constellation qui le menace, s'en alloit presque passée (Almahide, III, 1447) ; Comme ce rôti s'en alloit cuit, arrive un autre homme à cheval, pour dîner dans ce cabaret (St Sim., 100, 64, L.)
Voltaire a condamné ce tour comme barbarisme dans le passage suivant de Cinna : La conjuration s'en alloit dissipée, Vos desseins avortés, votre haine trompée (Corn., III, 426, Cin., 953).
DEVENIR. — Devenir, suivi d'un participe passé, se rencontre assez souvent chez Corneille : A quel point ma vertu devient-elle réduite!
1. Il s'en va trois heures (Alc.de Saint-Maur., Rem., 94); Il s'en va nuit (Corn., IV, 326, S. du Ment., v. 726).
2. Ce tour était usuel au XVIe siècle : si le seigneur Prosper scet vostre arrivée, nostre entreprise s'en va rompue (Loy. Serv., Bayart, 373) ; il scavoit bien que Pavie s'en alloit perdue (Dolet, Gestes de F. de Val.,p. 44) ; M. le Premier Président de Rouen, en sa lettre qu'il vous a pieu m'envoier, se plainct que les lettres (les bonnes lettres) s'envonl perdues (J. Scaliger, Let., 282).
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 341
(III, 343, Hor., 1395) ; Mais alors quel esprit n'en devient point troublé? (III, 421, Cin., 827) ; Que les plus dignes soins d'une flamme si pure Deviennent partagés à toute la nature? (VII, 384, Pulchér., 73-74). Ce tour ne lui est nullement particulier 1.
On le retrouve chez divers contemporains de Corneille : Le nombre en est si grand auprès de luy rangé, Que le Ciel au dessous en devient umbragé (Motin, Rec. Ross., 623); Le Ciel a cette odeur devient plus éclaircy (Ib., 624).
SE RENDRE. — Se rendre, dans le sens de devenir, n'est pas rare, mais c'est toujours un adjectif qui le suit comme attribut du sujet : Environ quinze jours avant le trépas de nostre bonne mère, les peines se rendirent continuelles (Sr Chantai, Lett., CDVIII, 586) ; l'aigreur des calamités de ce monde, qui sans cela se rendroit insupportable (Ead.,ib., XXI, 28); Parisse rend fort désert (Lettres de Vineuil à M. d'Humières, V. H. L., VIII, 124) 2.
Il ne faut point confondre ce cas, avec le tour que Malherbe avait blâmé, et où le verbe se rendre est réfléchi : Quand du doux fruit d'amour je me rends poursuivant (IV, 422 ; cf. IV, 367). Balzac avait assuré la déroute de celui-ci, en condamnant se rendre connu en même temps que rendre connu 3.
CUIDER. — J'ai noté au tome II, p. 365, que cuider, dans le sens de penser, se rencontrait comme auxiliaire jusqu'au commencement du XVIIe siècle. Il y en a quelques exemples dans les textes: il avoit pensé perdre la vie de tristesse, voyant sa fille perdue ; il cuida mourir aussi de joye, la voyant si glorieusement retrouvée (Le Cour, de Nuict, 282). Il est tout à fait fréquent chez Garasse : Qui nous cuida coûter bon(Mém., 242) 4.
SAVOIR. — Savoir était usité en moyen français, comme une sorte
1. Voici des exemples du XVIe siècle : L'oeuvre se forme, et devient espoissi (Du Bel., II, 294); Et de changer mon lascif vestement, En un devoi et sainct accoustrement, Ce que je feis, et devins convertie (Id., ib., 390).
2. Malherbe écarte aussi se faire : Et toute ma, chaleur... Commence déjà .. A se faire gelee. Qu'est-ce à dire gelée ? s'écrie-t-il. On dit bien être gelée, devenir gelée ou se geler, mais se faire gelée est une sottise (IV, 456) ; cf. en français moderne : se faire triste, vieux. On remarquera que Malherbe accepte ici devenir gelée.
3. Les observations de Bouhours (Entr., 145, D., 84) n'ont, après cela, guère de portée.
4. L'acheteur de la Maison professe cuida être assommé (Gar., Mém., 205); il fit si bien qu'il cuida causer une sédition (Id., ib. 189); Le P. Suffren cuida pâmer à ces paroles (Id., 182); à la porte de l'audience, d'où il cuida se soulever une sédition (Id., ib. 208) ; cf. : Abel en mourut par les mains de Caïn, Jacob y cuida perdre la vie par les mains d'Esau (Guers., Anal, du Verbe, 24). Je signalerai l'infinitif penser, dans le sens où nous avons vu cuider en moyen français : De peur qu'au charlatan qui ouvre son estuy, Pour penser l'empester, et luy mesme a la peste, L'on ne dise : Monsieur, vous n'estes qu'une heste (Espad. sat., 19); cf. tome I, 473-4.
------------------------------------------------------------------------
342 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
de demi-auxiliaire, dont le sens était assez proche de celui de pouvoir. Il y a bien grande différence entre la valeur de je sus, suivant qu'on regarde le premier ou le second des exemples suivants : Pour faire court, je ne sceu tant prescher Que ces paillars me voulsissent lascher (Marot, I, 191); Des grands malheurs que me sceut despartir Le ciel cruel au poinct de ma naissance (St Gel., II, 150). Dans le second, le sens est si effacé qu'on pourrait presque supprimer savoir. Le XVIe siècle chevillait à l'aide de ce verbe. Malherbe entendit y mettre bon ordre (Doctr., 420-421) 1.
Outre cela, il faut signaler que savoir, en qualité de semi-auxiliaire, ne se trouve plus à autant de modes et de temps différents qu'au siècle précédent. Dans quel rapport se trouvent ces deux faits ? Le second est-il la suite du premier, et les critiques de Malherbe sontelles la cause qui a amené cette restriction ? Cela ne me paraît nullement démontré. Il est beaucoup plus vraisemblable de supposer que, en raison même du sens de cet auxiliaire, il devait se restreindre aux phrases où il est plus particulièrement indiqué, c'està-dire aux phrases dubitatives ou conditionnelles : Si vous croyez que je vais dire Qui j'ose aimer, Je ne saurais pour un empire, Vous la nommer (Musset, Chanson de L'ortunio).
Quoi qu'il en soit, Maupas indique encore l'emploi desavoir aux deux « prétérits parfaits, au plus-que-parfait de l'indicatif, au conditionnel, au subjonctif, et à l'infinitif passé » (277). C'est l'usage du XVIe siècle, c'est aussi celui du commencement du XVIIe : C'étoit
l'âme la plus hardie, la plus généreuse, que l'on ait su voir
(Sr Chantal, Lett., CXX, 169); Onc je ne sçeus goûter avec elle d'ennuis (Hardy, Alceste, 623) ; Allons, reines, allons, et laissons les juger De quel costé l'amour avoit su m'engager (Corn., V, 431, D. Sanche, 307-8) ; son corps n'a sceu estre trouvé dans la rivière (Effr. pactions, V. H. L., IX, 296).
Mais la masse des exemples est faite de phrases conditionnelles : je souscris dès cette heure à tout ce que vous sçauriez penser à leur avantage (Voit., Lett., XXXIII, éd. Uz., I, 107); quelques larmes que j'eusse sçeu verser et de quelques plaintes que j'eusse pu importuner le Ciel (Nouv. Rec. de let., 1638, Let. am., 36). Cependant Maupas seul, à ma connaissance, a signalé que savoir s'employait surtout au conditionnel. Personne n'en a fait une règle. On sait que la région Nord-Est du domaine français a conservé l'ancien usage de cet auxiliaire savoir.
1. On comparera ce qu'il dit de voulut (Doctr., 421).
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 343
AUXILIAIRES ÊTRE ET A VOIR.
Lathéorie des auxiliaires embarrasse visiblement les grammairiens. J'ai rapporté, tome II, p. 144, note 1, les observations pénétrantes de Meigret au sujet des temps du passif. Elles ne se retrouvent plus aussi nettes chez personne ; il n'y a guère qu'Oudin qui entrevoie quelque chose de la signification exacte de certaines formes composées. Comme les erreurs des théoriciens pèsent encore sur la grammaire actuelle, je donnerai un résumé rapide de leurs doctrines.
Malherbe est peu explicite. Sur ce vers de Desportes : J'ai resté jusqu'ici pour ne te point laisser, il note : « Il devoit dire : je suis resté. Jai demeuré a autre signification que je suis demeuré (IV, 397; voir Doctr., 415).
Maupas ne traite pas non plus à fond la question. Il dit bien (196) que certains « verbes neutres » prennent l'auxiliaire être comme je suis venu, je suis entré, que d'autres j'ay vescu, j'ay tremblé, suivent la forme des verbes actifs, et que ce sont « ceux qui contiénent en eux un effet qui ne se produit point en un autre sujet ». Mais c'est là tout. Et il n'examine point ceux qui ont une forme en être et une forme en avoir.
Oudin, lui, essaie de bâtir une théorie, et de faire des listes des verbes qui prennent avoir ou être, ou les deux. « L'usage de nos actifs transitifs, reciproquez et neutres, n'est gueres différent de celuy des Latins. Mais nous avons force verbes qui servent de l'un et de l'autre, et se construisent diversement, selon le sens qui leur est donné. Ce qui m'a fait naistre la curiosité de vous en arranger une grande partie... ce sera principalement pour faire connoistre ceux qui sont actifs transitifs et neutres tout ensemble, et la différence de leurs preterits composez » (Gr., 206). Mais Oudin n'a pas vu nettement, comme Meigret, qu'une différence temporelle essentielle distinguait il a guéry et il est guéry, la première forme étant un passé, et la seconde un présent accompli. Ce qu'il veut marquer surtout, c'est que les verbes ont au sens actif (objectif) l'auxiliaire avoir, au sens neutre (subjectif) être,quelquefois avoir 1.
1. Je crois utile de rapporter ici cette liste, où j'ai essayé de mettre de l'ordre, sans changer la doctrine (j'ai rétabli l'orthographe actuelle dans les verbes qui ont survécu). Elle comprend deux catégories : I. Verbes qui peuvent être transitifs et intransitifs. Parmi ceux-ci trois classes : A. Verbes qui prennent avoir quand ils sont transitifs, être quand ils sont intransitifs : Abaisser, aborder, accorder, accoüardir, accourcir, accroître, adoucir, affaiblir, affermir, agrandir, aigrir, alâchir, alentir, allonger, amaigrir, amender, amenuiser, amoindrir, amollir, anéantir, anoblir, appauvrir, appesantir, appetisser, arrondir, âprir, attendrir, attiédir, augmenter, avachir, bander, blanchir, brûler, changer, charger, croître, décliner, dériver, déborder, descendre, déloger (déjeuner est improprement
------------------------------------------------------------------------
344 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Vaugelas (II, 161) remarque qu'on ne doit pas dire, comme beaucoup le font : Il a été jusqu'à la porte, mais il n'a pas entré, ou : mais il n'a pas sorti, ni il a monté, ni il a descendu. Partout il faut, suivant lui, se servir de l'auxiliaire être. Vaugelas ne se doute pas qu'il y a là des nuances de sens, que Ménage observera fort bien, et que l'Académie, à son tour, refusera de méconnaître. Dans une autre remarque (II, 211 ), Vaugelas ne montre pas plus de clairvoyance. Il préfère : ce dessein luy a réussi à ce dessein luy est réussi, mais dans ce passage il n'ébauche aucune théorie, non plus que dans un autre, où il se prononce pour : cette affaire lui a bien succédé (II, 246). Il est très visible cependant que l'usage, sans être bien net, allait d'instinct vers un état où il eût été permis de se servir des verbes, intransitifs, tantôt avec être, tantôt, suivant le besoin, avec avoir.
Il y a longtemps qu'on pouvait observer cette tendance dans la langue. Voici des exemples de passés avec avoir :
Ils ne seroient pas les premiers qui ont entré en la maison (Lar., Les Escol., a. II, sc. I, A. th. fr., VI, 116) ; j'ay sorty comme le médecin vouloit entrer (Id., ib., a. V, sc. x, Ib., 183); Je crains que je ne sois frotté D'avoir si longtemps arresté, (Grévin, les Esb., a. IV, sc. III, Ib., IV, 292) ; et n'eus point de bien, jusqu'à tant que j'y eus retourné (Sorel, Berg. extr., 1. II, t. I, 81); Une flèche a parti d'une main inconnue (Corn., VII, 533, Suréna, 1714); Si j'ai rentré dans Rome avec quelque imprudence, Tite à ce trop
fait transitif par le vulgaire lorsqu'il dit : il m'a déjeuné de cet affaire-là. Même observation pour dîner et souper), dévaler, diminuer, éclaircir, élargir, embellir, encliner, endurcir, enfler, engourdir, engraisser, engrossir, enhardir, enlaidir, enorgueillir, enrichir, envenimer, envieillir, épaissir, étrécir, faner, flétrir, fondre, griller, grossir, hâler, jaunir, lâcher, mûrir, moisir, moilir, monter, mouvoir, multiplier, plomber, pourrir, rabaisser, rajeunir, ravaler, renchérir, rétrécir, ressusciter, reverdir, roidir, rôtir, roussir, sécher, tarir, verdir, vieillir.
B. Verbes qui prennent avoir quand ils sont transitifs, être ou avoir quand ils sont in transitifs : Accoucher, baisser (j'ai baissé est meilleur), brunir, blondir, courir, crever, durcir, empirer, étouffer, étrangler, finir, guérir, hausser, mollir, muer, noircir, rancir, reculer, rougir.
C. Verbes qui, soit transitifs, soit intransitifs, ont toujours avoir: Accorder, branler, confesser, couler, crier, découcher, dire, distiller, doubler, dresser, duire, enchérir, éclater, étrenner, fléchir, jouer, loger, nicher, pencher, profiter, remuer, saigner, sonner, traîner, tremper.
II. Verbes uniquement intransitifs qui peuvent être construits avec être (Il est entendu que tous les autres intransitifs se conjuguent avec avoir.) : Aller, blêmir (j'ai et je suis blêmi), choir, déchoir (je suis déchu est le meilleur), défaillir, demeurer (j'ai demeuré veut dire : j'ai habité, je suis demeuré : je me suis arrêté en un lieu), entrer (j'ai et je suis entré), s'enfuir (Maupas donnait j'ai et je suis fui, 249), partir, (Maupas donnait j'ai et je suis parti, 250), parvenir, passer (j'ai et je suis passé) rafraîchir (j'ai et je suis rafraîchi), retourner, revenir, sortir (Maupas donnait j'ai et je suis sorti, 250), tomber.
Il y aurait bien à dire sur ces listes, qui sont fort confuses, et où il y a souvent des erreurs véritables, par exemple des passifs pris pour des intransitifs.
------------------------------------------------------------------------
LE VERBE 345
d'ardeur doit un peu d'indulgence (Id., ib., 268, Tit., 1611); Ces mots à peine ont sorti de ma bouche (Id., IX, 249, Sept Psaum.,23).
Voici des exemples de temps accomplis avec être : leurs forces (aux ennemis) sont augmentées depuis quelque temps (Voit., Let.,LXVIII, I, 210, éd.Uz.) ; nostre (armée) es toit fort déperie depuis la dernière victoire qu'elle avoit emportée sur les Espagnols (Id., ib., LXXIV, I, 232) ; comment ceci vous est-il échapé de la mémoire? (Costar, Let., II, 494; l'auteur veut dire que son correspondant ne s'en souvient plus, au moment où il lui écrit) ; Êtesvous pour jamais disparu de mes yeux? (Corn., VII, 348, Psy., 1569).
Je ne veux pas faire cet usage plus constant qu'il n'était. Detoutes parts, on rencontre des phrases qui contredisent les distinctions faites plus haut 1. Du bord on est sauté au beau milan, et on a remply tout le platfonds de mille fantasies (R. Franc., Merv. de Nat., 333) ; Ils ont tourné le dos, me voyant secouru ; Mais ce que je suivois tandis est disparu (Corn., II, 31, Gal. du Pal., 243-44) ; ce cheval ailé fût péri mille fois, Avant que de voler sous un indigne poids (Id., V, 363, Andr., 1016; cf. Poisson, Com. s. titr., I, 2) 2.
LES TEMPS COMPOSÉS DU VERBE ÊTRE. — Au XVIe siècle encore, le verbe être prenait souvent, au lieu de l'auxiliaire avoir, l'auxiliaire être. On en trouve des exemples chez divers auteurs : jamais je n'eusse mis le pied où vous fussiez esté (Lar., Les Jal., a. I, sc 2, A. th. fr., VI, 17) ; sy j'en feusse été advertye (D. de Poit., Let., XCIV, 165, autogr.). Mais ce sont surtout les Gascons qui abusent de être : force gens alors souhaittoient qu'il fust esté là (Brant., G. Cap., V, 111) ; Cela fust esté bon, si le roy fust esté pupil et mineur (Id., ib., 140) ; moy mesme, qui ne suis jamais esté cogneu (Montluc, Com., I, 13); suis esté icy (Id., Let., CXXXI, V, 16). Oudin déclare que c'est une grossière faute. Elle est bien rare depuis lors dans les textes de caractère littéraire. Mais elle se conserve ailleurs : Car ne fussiez esté jalouse (Espad. sat., 79).
1. Il ne faut pas, bien entendu, prendre des exemples tels que : ainsi que si elle se fust deuë esbranler (R. Franc., Merv. de Nat.,333). Le changement apparent d'auxiliaire est dû ici au déplacement de se. S'il se trouvait devant esbranler, on aurait eu : si elle eust deu. Cf. Voilà tous les efforts que je me sais pu faire (Corn., VI, 51, Perth., 743, var. 1653-56) ; je ne comprens pas comme cela vous est pu arriver (Voit., Let., XI, éd. Uz., I, 41).
2. Il existe des formes pronominales avec avoir, faites suivant une syntaxe que la langue populaire a conservée : là où au contraire un homme de bien qui par un exercice ordinaire des vertus se les aura transformées en ses propres habitudes (Let. de Phyll., 1e part., 129).
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE VI L'ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES
ADVERBES EN MENT
1° ADVERBES EN MENT TIRÉS D'ADJECTIFS EN ANT, ENT. — Malherbe, tout en préférant les formes faites sur le masculin, ne condamne pas les autres ; il se déclare pour ardemment au lieu de ardentement (IV, 277; Doctr., 458). Deimier accepte aussi les deux formes (Acad., 181). Mais Maupas donne simplement comme règle que tous les adverbes tirés des participes et adjectifs en ant, ent, doublent m. Toutefois, cette règle n'est que dans la 2e édition (1618, fol. 163 v°) 1. Oudin donne la même règle (Gr., 280) 2.Vaugelas n'a eu ici qu'à confirmer ; il l'a fait, tout en se trompant grossièrement sur la chronologie des formes, car, d'après lui, c'est à mesure que la langue s'est perfectionnée qu'on a changé ces trois lettres nte en m et que l'on a dit puissamment, insolemment, excellemment , « qui dans cette abbréviation a beaucoup de grâce et de douceur » (II, 169). Dupleix désavoue un violentement « qui s'est glissé en l'impression » (Lum., 295).
2° ADVERBES TIRÉS D'ADJECTIFS EN IE, UE, ÉE, — Au XVIIe siècle, Oudin prononce que les adverbes formés des adjectifs terminés en ie et ue ne retiennent point l'e féminin en la prononciation, ni même en l'écriture,par exemple : hardie, hardiment, gouluë, goulument; et il dit que les adverbes se forment plutôt des masculins, comme aussi les adverbes tirés des adjectifs en é et en y (Gr., 280). Ici encore Vaugelas a confirmé, considérant la suppression de l'e comme un perfectionnement de la langue. Il le remplace par un accent aigu sur é : assurément, par un circonflexe sur i : polîment, et sur u : absolument (II, 168).
3° ADVERBES TIRÉS D'ADJECTIFS OU L'E EST PRÉCÉDÉ DE CONSONNE. — C'est au commencement du XVIIe siècle que quelques adverbes tirés d'adjectifs terminés en e muet au féminin prennent, mais de façon
1. Au dire de Mlle de Gournay, la nouvelle école condamnait sanglamment (O., 966; Adv., 642). Mais c'est l'adverbe même dont on ne voulait plus.
2. Toutefois Oudin trouve excellentement meilleur, lorsqu'il est placé devant l'adjectif bon : excellentement bon (Gr., 277).
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 347
bien irrégulière, la forme ément. Les exemples, au XVIe siècle, sont rares et peu sûrs. Si l'emploi des accents eût été régulier, on constaterait sans aucun doute un plus grand nombre de formes en é. En tous cas, Vaugelas considère comme tout à fait acceptés les adverbes : communément, expressément, extrêmement, conformément (II, 169). Oudin donnait extrêmement (Gr., 277) 1.
S DANS LES ADVERBES
Oudin écrit encore (Gr., 278). Encores est formellement condamné par Vaugelas (I, 395). Pour lui, la seule forme correcte est encore ; encor est une licence poétique.
Guère, naguère, continuent de s'écrire avec s ou sans s. Le Dictionnaire de Nicot donne les trois graphies : guère, guères, guières ; de même Monet ; Oudin proscrit naguières ; il mentionne pour n'aguère les deux formes avec ou sans s (Gr., 267) ; Vaugelas les accepte indifféremment : guère et guères (II, 15).
Les textes donnent les deux graphies 2.
Jusque. — Les dictionnaires de Nicot et de Monet citent la forme avec s. Deimier donne jusque et jusques (Acad., 182). Vaugelas ne veut pas qu'on écrive jusque sans sa la fin, même devant consonne : jusques-là. Quand jusque est suivi d'une voyelle, il faut,. ou manger l'e : jusqu'à, ou conserver I's : jusques à (I, 78) 3.
Presque. — Déjà au XVIe siècle, il s'écrivait avec s ou sans s. D'après Deimier, il se prononce des deux façons (Acad., 192). Maupas ne cite plus que presque (345). Oudin admet encore presques (Gr., 280). La forme piresques subsiste encore dans Corneille (1,165, Mél., v. 378, var. 1633-1668 ; II, 369, Méd., v. 588).
FORMES CONSONNANTIQUES ET FORMES FÉMININES 4
Illec, illecques ; onc, oncques. — Pour ces mots, les formes simples étant tombées de bonne heure en désuétude, les formes
1. Cf. Th. Rosset, Mél. Brunot (438, 440). Le grammairien Du Val emploie ensemblément (Av. prop.) ; Cf. au contraire : Voyons ensemblemenl celle belle orgueilleuse (Coif.à la mode, 59).
2. Celuy qui n'agueres invoquoit la plus effroyable des Déesses, invoque à ceste heure le plus beau des Dieux (Gomb., Endim., 184); cf.. par exemple: quelques légères atteintes qu'ils donnent à des Dehors que nous ne défendons guères (Balz., Lett. chois., 1647, 139) ; avant qu'il soit guères (Loret, 31 août 1658, v. 225) ; depuis n'aguère (Id., 2 févr. 1658,58) ; depuis n'agueres (Id., 9 févr. 1659, v. 94).
3. Patru trouve jusques plus doux. Les deux formes jusques a et jusqu'à se rencontrent chez Malherbe : jusques (1,135, ; cf. 336, et II, 97) ; de même chez Corneille : jusques à (I, 228, Mél., v. 1428 ; I, 299, Clit., v. 404; III, 453, Cinna, v. 1559) ; jusqu'à (IV, 68, Pompée, v. 988 ; 71, ib., v. 1054). Cf. jusques icy (Nouv. Rec. de Let., 1638, Let. pol, I, 57).
4. Nous traiterons en même temps de divers mots invariables.
------------------------------------------------------------------------
348 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
allongées disparaissent aussi. On ne rencontre ces adverbes que chez les burlesques, comme on le verra plus loin.
Avec, Avecques. — La forme allongée était donnée à côté de avec par la plupart des grammairiens du XVIe siècle, sauf Meigret, Rob. Estienne et Ramus, ainsi que l'a constaté Thurot (o. c., I, 184). Rabelais emploie surtout avecques (I, 5, 215, etc. ; cf. Lex. M.-L., 63). Si Maupas ne donne que avec, Deimier (Acad., 178) accepte les deux, et Oudin également (Gr., 299). Au dire de Mlle de Gournay, les nouveaux critiques auraient préféré avecques (O., 618 ; Adv., 403). En tous cas, Vaugelas condamne sans réserve avecques, « qui ne vaut rien ni en prose ni envers. » Il admet avec et avecque, qui ne sont pas seulement commodes aux poètes pour allonger ou accourcir leurs vers d'une syllabe, selon la nécessité qu'ils en ont, mais encore à ceux qui écrivent en prose, avec quelque soin de satisfaire l'oreille. Il institue même des règles. Devant, b, c, d, g, q, s, x, z, il recommande d'employer avec ; devant f, h, j, l, m, n, p, r. t, v, il trouve préférable avecque (I, 424-426).
Des textes, à défaut de statistique, il n'y a rien de précis à tirer. Les formes allongées ne sont pas rares :
Je puis dire avecques vérité (Nouv. rec. de Let., 1638, Let. pol., 18) ; Vous conversez avecque des mârchans (Ib., 93) ; Les principaux d'Athènes avecque Cleopatre (Gill. de la Tesson., L'art de régn. 14).
Racan, lorsqu'il emploie la forme allongée, ne met pas l's (II, 257, 267, 300, 369). Mais beaucoup d'autres usent encore de la forme avec s, ainsi Loret : avéques grâce (29 Août 1654, v. 175). avéques des ignominies (13 mai 1662, v. 163).
Donc, Doncques. — La forme allongée, de même que pour avecques, existe à côté de la forme simple. Palsgrave considérait laforme donc comme une licence poétique (394) ; Meigret, Rob. Estienne, Peletier du Mans, Ramus, Cauchie admettaient les deux (Cf. Marot, I, 73; Rab., 1,54 ; Rons., VI, 437, M.-L.).
Au XVIIe siècle, Nicot ne donne' que donques ; Maupas (384) et Oudin (Gr., 304) citent donc et doncques ; la forme doncques est encore en usage à cette époque, car Vaugelas enseigne que l'on dit toujours doncques et jamais doncque (II, 110) ; Corneille avait écrit doncques (I, 190, Mél., v. 799 var., note 6 ; I, 320, dit., 809 var., note 4 ; II, 43, Gal. du Pal., v. 466 var., note 3); mais il l'a corrigé en 1660. Racan emploie la forme allongée, avec ou sans s : ouvrez-moy doncque sa maison (II, 307) ; Seigneur, c'est doncques aujourd'huy (225).
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 349
Les burlesques s'amusent à le rimer avec oncques : Vous le sçaurez tout de ce pas, Répond Persée, apprenez doncques Que plus belle ne se vit oncques, Que cette mesme Médusa (Richer, Ov. bouf., 504).
LOCUTIONS FORMÉES DE PLUSIEURS ADVERBES
Les grammairiens du XVIe siècle avaient un vague sentiment de la formation des mots invariables par accumulation des particules. Ils en acceptent le principe. Ainsi Soûlas (57): Adverbia sine necessitate aliquando geminantur, ut : encore derechef, ceans dedans. Du Val (Esch. fr., p. 271) fait une observation analogue : Nous doublons souvent les Adverbes, en mettans deux pour un, comme quand nous disons, puis après, encores derechef, ainsi comme, leans dedans, ceans dedans, quasi presque.
Plusieurs de ces expressions redoublées vieillissent entre 1600 et 1650. Mais puis après est encore élégant: Vous en appreniés puisaprès les particularités (Du Val, Esch. fr., 140) 1.
Dans la langue familière, on trouve un adverbe la la, au sens de : tant bien que mal: Là se teut et plus ne parla. Son conte fut trouvé la la (Richer, Ov. bouf., 410); Je me porte là là : Mais toi?... Coussi, coussi (Regnard, Distrait, II, 1).
ADVERBES PROSCRITS
Un très grand nombre d'adverbes sont condamnés à cette époque : A coup. — Encore commun au XVIe siècle (Marot, II, 99), il est blâmé par Malherbe (IV, 365; cf. Doctr., 458). Il est cité par Nicot et par Maupas (345), et Oudin le garde encore dans ses Phrases. Il reste en usage, non seulement chez les burlesques (Martin, École de Sal., 21), mais aussi chez Descartes (Pass., 122 ; Météor., 5, L.) et chez Balzac (I, 334).
Adonc ou Adonques. — Commun au xvie siècle 2, il est chez les grammairiens, et ensuite chez Nicot, chez Du Val (262), chez
1. Nous disons beaucoup de choses éloignées de la coutume qui puis après y reviennent par un autre chemin (Malh., II, 49) ; sa passion... dont puis après ilahonte, (Gomb., Endim., 178); Pourveu que puis après tu n'en ailles rien dire (Mairet, Sylvie, p. 96, v. 1229,); Eraste... devenu puis après jaloux de leur hantise (Corn., I, 136, Argum. de Mél.). Dubosc-Montandré l'emploie à chaque instant : ceux qui survivent à ces grandes secousses traiTtent puis apres tout le passé d'attentat (P.O., 4) ; l'alliance qui fut puis après adventageusement conclue entre les deux couronnes (Id., Ex. P., 3); cf. V. H. L, X, 10,13 ; III, 315, etc.
2. Ainsi dans les Marg. de la Marg.,lV, 133; Rab., I, 53, 87, 120, etc ; Noël du Fail, OEav., I, 16. On le retrouve plus tard chez Ronsard, V, 346 ; Jodelle, II, 259 ; Amyot, OEuv. mor., 10, F; Cyre Foucault, Ep. d'Arist., 58, etc.
------------------------------------------------------------------------
350 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Monet. Mademoiselle de Gournay le soutient dans l'Ombre (956, Adv., 636). Saint-Amant fait allusion à la proscription de ce mot : Que le barreau reçoive ou non Les reigles de l'Académie, Que, sur un verbe ou sur un nom, Elle jaze une heure et demie, Qu'on berne adonc, car et m'amie, Nul ne s'en doit estomaquer (I, 331).
C'est désormais un mot burlesque (Richer, Ov. bouf., 425, 442, 457; cf. La Font., VIII, 441).
Affectueusement. — Ce mot est cité par Vaugelas dans sa préface parmi les mots qui ne sont pas encore absolument condamnés, ni généralement approuvés (I, 34). Mais, ayant réfléchi sans doute aux objections que cette opinion soulevait, il n'inséra pas la remarque qu'il en avait faite : Affectueusement que tant de gens disent et écrivent ne vaut rien, non plus qu'affectionnément, qui est pourtant moins mauvais que l'autre (II, 471).
Aga, — Il est dans Maupas (360), mais Oudin le considère comme tout à fait vulgaire (Gr.,297) l. Cf. : Aga ! Mathurine la folle (Caq. de l'Acc., 261). Il ne se trouve plus guère que chez les burlesques : Et faut-il pas que nos amans Nous viennent conter leurs tourmens? Aga ! le plaisant personnage (La Mesnard., Po., 84 ; cf. Richer, Ov. bouf., 404).
Je pense qu'il était resté usuel dans le parler familier de Paris. On le trouve dans plusieurs textes des Variétés L'Historiques 2, en particulier dans les Conférences d'Antitus, où est faite cette réflexion : « Ce maistre Ligneul n'est Parisien, encore qu'il die aga (VIII, 294; cf. 293); Cyrano (Ped. j., 39), et Molière le mettent dans la bouche de leurs paysans (Don Juan, a. II, sc. 1).
Ainçois3. — Il vieillit assez rapidement, sauf dans la conjonction ainçois que. Pour Malherbe, « il ne vaut du tout rien » (IV, 357 ; cf. Doctr., 255; Sorel, Disc, sur l'Ac, 470, et Ménage, Req. des Dict., 478). Balzac s'en moque (Lett. à Ménage, 9 août 1644, I, 506). On en trouve quelques rares exemples : Làs, quelle heure, ainçois quel moment (Mayn., II, 96).
1. Maupas fils répond à la critique de Oudin (1638, p. 359) : " voix extrêmement commune, servant à montrer quelque chose en termes de tutoyer, ou à s'esbahir. Plusieurs l'estiment ridicule par. cela seulement, qui autorise les autres choses, à sçavoirie fréquent usage du vulgaire. Aucuns doctes luy font l'honneur de l'originer d'un terme, grec ». « En Languedoc on dit agatche et agatcha pour regarder ».
2. Le charcutier, sans s'émouvoir beaucoup de ces invectives, ne fit que luy dire en riant : Aga donc, monsieur le lutherien ! vous vous boutez en escume. Ne vous eschauffez pas tant, vous engendrerez une plurésie ; vous ferez mieux de nous jouer une sarabande (Cont. et Mesconl., 1649, V. H. L., V, 346).
3. Encore très fréquent chez les poètes de la Pléiade (Rons., V, 188, 266; VI, 12; cf. Lex. de la Pl. de M.-L., I, 219). On le trouve aussi en prose, ainsi chez Amyot, OEuv., mor., 15 d, etc.
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 351
AinsK— C'est, suivant Malherbe, « un vieil mot qui ne vaut rien » (IV, 249 ; cf. Doctr., 254). Au dire de Vaugelas, qui était présent, après l'avoir supprimé dans ses vers (I, 40, var.), il en avertit M. Coeffeteau, qui ne s'en servit plus à partir de la vie de Tibère (Vaug.,II, 426). Coeffeteau le corrigea même en 1621 dans le Florus (Urbain, Coef., 307 n. 1). Mlle de Gournay défendit brillamment « ce scélérat néanmoins si nécessaire, et seul encore qui peut esclaircir un mais trop fréquent sur le papier. » (O., 428, 591, 618-619 ; Adv., 260, 404, 636). Avait-elle remarqué que Du Perron tenait pour lui, et avait remplacé mais par ains dans plusieurs passages d'une réimpression de son Oraison funèbre de Ronsard?
Mais Oudin le déclara antique (Gr., 309 et Dict., 1642). Vaugelas ne jugea plus à propos de publier ses remarques à ce sujet, et Sorel estimait que Dupleix, qui voulait qu'on employât ains, avait gardé le langage de son pays gascon (Bib. fr., 1664, 12). Il le jugeait, lui, incompréhensible (Disc. sur l'A., 470). J'ai montré ailleurs (Doctr., 254) que, si les dictionnaires le conservèrent, il ne se releva jamais de ce discrédit. L'Académie le déclara vieux, et La Bruyère ne put faire entendre sur son compte que des regrets stériles.
Il se rencontre chez Garasse (Rab. réf., 105) ; il est même commun dans les Merveilles de Nature (189, 334). On pourrait citer encore un assez grand nombre d'exemples (Effr. pactions, V. H. L., IX, 304; Quat. au Roy, Ib., VI, 135, 142 et 144 ; OEcon., Ib., X, 4; Guerson, Anal, du Verbe, 51, etc.). Mais ce sont surtout les burlesques qui en ont usé (Scarr., OEuv., I, 279, 321 ; Martin, Ec. de Sal, 26 ; Loret, 23 juillet 1651, v. 67 ; 30 juillet 1651, v. 161 ; 21 janvier 1652, v.14 ; 28 janvier 1652, v. 71 ; 25 février 1652, v. 76, etc.). Mlle de Gournay elle-même le retranchait en 1634.
A la bonne heure. — Il « est mal dit pour de bonne heure » (Oudin, Gr., 266) 2.
1. Voici quelques exemples du XVIe siècle : Ma délibération n'est de provocquer, ains de apaiser : d'assaillir, mais défendre (Rab., I, 112 ; cf. I, 5, 253, 350 ; II, 14, 162, 272, 429) ; il ne rioit aucunement, ains faisoit bonne pipee (N. du Fail, OEuv., 1,42) ; je ne vous veux pas faire tort de votre privilège, ains vous en voudrois advertir (Des Per., Oeuv., II, 125). Ains est commun chez Amyot (OEuv. Mor., 1587, 2 v° g, 7 r° a, 8 r°b, 9 r° c) ; Pasquier (Rech., 1. VII, p. 692 b, 698 c, 701 c, 718 d, 733 b, 764 b); Larivey (Esp., I, 1 A. th. fr.,v, 207 ; II, 1, Ib., v, 219) ; dans les Lettres missives d'Henri IV (III, 238, 248) ; dans du Vair (364, 3 ; 372, 38, etc.).
2. Bossuet l'emploie, mais dans un sens bien différent : Que s'il est vrai que Marie ne règle son amour que sur celui du Père éternel, allez, ô fidèles, allez à la bonne heure a cette Mère incomparable (Rosaire, I, 97). Il faut donc, avant toutes choses, que votre âme se fonde en joie... Après, que voire âme s'épanouisse et se décharge à la bonne heure en hymnes et en cantiques... Ensuite entrez dans le dégoût de la vie. (ib., I, 308).
------------------------------------------------------------------------
352 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
A la par fin 1. — Il est souligné par Malherbe dans Desportes (f° 199 r° ; cf. Doctr., 269). Nicot, Monet le donnent, et aussi Maupas (344). Oudin au contraire le juge, vulgaire (Gr., 275). On le retrouve dans Coeffeteau : (cf. Urb., Coefi, 308). Mais Cyrano le met dans la bouche de Gareau (Péd. joué, 174).
A l'impourveu 2. — Nicot ne donne que improuveu ou impourveu, Monet de même. Mais Oudin mentionne dans ses Phrases (32) à l'impourveu et à l'improviste. Pour Vaugelas tous deux sont bons, mais à l'improviste, quoique près de l'italien, est tellement naturalisé français qu'il est plus élégant que à l'impourveu (I, 323). S'il fallait donner des exemples de à l'impourveu, on verrait qu'il se conserve jusqu'à la fin du siècle, et même au delà (Dict. de l'A., 1740) 3.
Alors. — Cet adverbe est définitivement établi avec cette forme. Les survivances de la vieille forme à l'heure, que d'Urfé conserve (Astrée, 1615, I, 26A), sont toutefois assez nombreuses 4. On en retrouvera encore dans Molière (Et., I, 9; Fâch., I, 10) 5.
A matin. —Encore dans Maupas (342), il est condamné par Oudin (Gr., 266). On le trouve, mais rarement, dans des écrits burlesques : Ce garçon d'à matin, il me semble l'avoir autrefois veu à Rome (Chap., Guzm. d'Alf., III, 190). Oudin ne condamne ni du matin, ni au matin. On les trouve souvent dans les textes 6.
1. Encore commun chez les derniers écrivains du XVIe s. (Lar., Le Fidèle, a.I, sc. 2, A. th. fr., VI, 310 ; Gello. Circé, 194 ; Cyre Foucault, Ép. d'Arisl., 59).
2. A l'improviste est déjà du XVIe (Rabel., II, 116; cf., à l'improuveu dans Mont., l. III, ch. 5, t. VI, p. 8 ; l. I, ch. 12, t. I, p. 58 ; Bouchet, Ser., I, 85).
On disait aussi à l'impourveuë (Du Bel., II, 399, cf. M.-L., Lex. de la Pl., II, 308).
3. Plutarque... conseille aux jeunes gens de ne haranguer jamais à l'impourveu (Camus, Diversitez, I, 107 r°) ; Nous n'arrivasmes... tant à l'impourveu pour luy qu'il en demeura surpris (Astrée, 1615, I, 213A) ; Ce frère de la Rose-Croix le viendroit encore trouver a l'impourveu dans son cabinet (Sorel, Polyand., 11,202-203) ; Polyandre et les autres... ne peurent empescher que ces gens-là ne vinssent fondre à l'impourveu sur ce malheureux personnage (Id., ib., II, 391) ; D'où vient, Autheur fameux des lumières divines... D'où vient qu'à l'impourveu, sans Ordre d'Alexandre, Sur un Vulgaire impur tu le plais à répandre Les Clartez dont je fais mon suprême ornement ? (La Mesnard., Po., 165) ; Trompeuse Cour, ou l'Espérance Est souvent prise à l'impourveu, Qu'ay-je veu dans ton inconstance? (Gombauld, Épigr., 30).
4. Il advient aussi que le jour se donne d'en haut, et à l'heure la teste, le visage, le nez sont fort esclairez (R. Franç., Merv. de Nat., 316) ; A l'heure on jette les petits papiers où est le poix d'argent (Id., Ib., 211); croyant à l'heure qu'il faloit essayer (Sorel, Berg. extr., l. IV, t. I, 277); cf. Ass. des Dam. de Par., V. H. L., V, 305; Bourg, poli, Ib., IX, 174, et Racan, I, 44, 75 ; II, 276.
5. J'ai dit dans le volume précédent que Maupas était à peu près seul à se souvenir d'anuit. Il faut ajouter qu'il se conserve cependant dans la langue parlée, ce qui cause l'observation suivante de Marg. Buffet, 51 : Plusieurs disent encore, j'ay fait telle chose à nuit ; j'ay esté promener à nuit, celte façon de parler est ridicule et introduite par le petit peuple; il faut dire : j'ay fait telle chose aujourd'huy.
6. Qui leur plaist an matin, le soir les importune. (La Mesnard., Po., 458); Il se fit barbatiser du matin et ajuster à la mode (d'Ouv., Cont., II, 257; cf. 1,291);
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 353
A soir. — Il est condamné à la même époque (Oudin, Gr., 269), ainsi que à tard (Ib., 272). Tous deux étaient dans Maupas (265, 342 et 343) 1.
A peu près. — Il est défendu longuement par Vaugelas contre ceux qui voulaient démontrer que cette locution était mal faite , et qu'il fallait lui substituer à plus près. En vain allègue-t-on qu'une confusion a dû s'établir du temps qu'on prononçait à peu près comme à pu près pour à plus près 2. La locution à peu près est formée comme à beaucoup près (I, 365).
A qui pis pis. — On le trouve au XVIe : Puis qu'ainsi est, faisons à qui pis pis (Cyre Fouc, Ép. d'Arist., 96). Maupas explique cette, forme, en même temps que à qui mieux mieux (363). On devine facilement pourquoi elle a été proscrite (cf. Oudin, Gr., 299-300).
A qui mieux mieux. — Cette locution a failli suivre la précédente dans sa chute. Elle était partout au XVIe siècle. Maupas l'explique (363), Oudin la met dans ses Phrases et dans sa Grammaire (299) ; mais Malherbe déclarait que c'est une construction fausse ou au moins suspecte de l'être (IV, 409; Doctr., 458); et Vaugelas la considère comme vieille et basse (I, 359). Chapelain la jugeait basse, mais non pas vieille ; le danger pour elle était aussi grand.
A qui mieux mieux est souvent chez les burlesques et les comiques (St-Am., I, 179; cf. La Crit. du Tartuffe, 1669, sc. 1). L'Académie le sauva, en le disant bon dans le familier.
A présent. — Scudéry l'estime trop bas pour les vers (Corn., XII, 456). Il était, de l'aveu même de Vaugelas, en usage dans tout Paris, et dans la plupart des meilleurs écrivains. Mais comme il n'était pas de la Cour, et que « quelques-uns, l'ayant rencontré dans un livre, d'ailleurs très élégant, en avaient soudain quitté la lecture », Vaugelas l'abandonna (I, 34, 359). Obéissait-il à la majorité académique, qui l'avait condamné dans le Cidl (a. I, sc. 1, Corn., XII, 483). La Mothe Le Vayer le défendit (53), ainsi que Chapelain
Vous voulez, blondins sans cervelle, Voir du matin Lize chez elle (Brébeuf, Po., 1658, 172). Comparez du grand matin : Sire du grand matin je seray de retour (Mair., Sylv., p. 102, v. 1312).
1. Vaugelas fait une remarque qui peut être rapportée à celle-ci : on peut dire au matin, mais non jusqu'à demain au matin, il faut jusqu'à demain matin (II, 151).
On observera en outre, que à ce soir est une construction alors reçue (Théoph., I, 17; Corn., II, 265, Pl. royale, v. 807, var. 1637-57 ; I, 250, Mél., 1819, v. var. 1637-48).
2. Oudin fait déjà une observation analogue: à peu près— quelques-uns confondent au plus près, avec le précèdent, mais à le bien considérer, la force en est tout à fait différente (Gr., 279). Mais cette observation n'est pasdans la 1re édition de 1632. Oudin aurait-il connu Vaugelas avant l'impression ?
Histoire de la Langue française. III. 23
------------------------------------------------------------------------
354 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
dans uns lettre à Brieux (2 mars 1660) ; on trouvera la fin du débat dans le volume suivant.
Il est très commun dans les textes: Je ne le mallraiterois pas beaucoup à présent (Dub. Mont., Fo., 21) ; les poursuites que l'on fait à présent (Id., Ex., 12 ; cf. Coif. à la mode, 38, et Pascal, Prov., III) 1.
Aucunes fois 2. — Cet adverbe est chez Maupas (344), Nicot, Monet, Oudin. Mlle de Gournay le soutient (O., 59) ; Vaugelas en avait fait une remarque, il ne l'a pas publiée (II, 459). Est-ce parce que La Mothe le Vayer s'était moqué de cette fantaisie ? Il y fait cependant allusion dans sa Préface, et met le mot au nombre de ceux qui ne sont pas encore « absolument condamnez ny généralement approuvez » (I, 34).
On s'explique l'hésitation de Vaugelas, car aucunefois est encore commun dans les textes : En mon sommeil aucunefois les songes Trompent mes sens par de si doux mensonges Qu'ils donnent à mes maux un peu de reconfort (Racan, I, 165). La discussion reprendra plus tard.
Au demeurant. —« Vieilli depuis peu» (Vaug., II,5) ; il fournit matière à une indication intéressante dans les lettres de Costar 3.
Bref. — Il faillit périr. Il était donné par Oudin (Gr., 275); mais, suivant Vaugelas, il ne s'emploie plus guère dans le beau style. Patru l'acceptait encore dans les épigrammes et autres pièces semblables. Malgré La Mothe le Vayer (34), longtemps les condamnations se succèdent (Vaug., I, 93) 4. Conrart le dit mort avec Malleville. (Voir Mlle Samffresco, Conr., dans les Mél. Brunot, 304). Il est courant dans les textes: Prélats. . . qui cabalent et jour et nuist. . .bref, qui ne font rien que tout ce qu'ils ne devroient pas faire (Dub. Mont., Ex. P., 10).
Ça. — Ça existe toujours dans diverses locutions. Maupas en indique un sens ordinaire : « Ça, à matière interjective, vaut : Baillez, comme cedo latin : ça cela; item venez ça icy » (342). Oudin men1.
men1. présent est également en usage : Loret, 17 mai 1653, v.160 ; 5 juil. 1653, v.112, etc.
2. Aucunes foys est si fréquent au XVIe siècle qu'il ne vaut pas la peine d'en citer des exemples (Mar., III, 211,232; Amyot, OEuvr. mor., 10,E; 21, H; Vies,Lyc, 51A, etc. ; Vigor, Serin., 37).
3. Voir Let. à M. de Heurles, à la suite de l'Apol., in-4° 1657, 361 : « Je me suis servi une fois de celle liaison au demeurant, pour ne répéter pas si souvent au reste. Je ne la croyois pas trop vieille, parce que je l'avois veuë dans M. Oger et dans M. de Balzac. Je savois bien que le demeurant pour dire le reste, estoit presqueaussi decrepit que jaçoit et que moult ;mais je pensois qu'au demeurant avoit encore conservé quelque fraischeur, malgré les années, et que c'estoit une diction qui ne faisoit encore peur à personne et qui n'avoit rien de dégoustant. » (Cf. Chevr., Rem. s. Malh., 9.)
4. Cf. en bref (Scarr., OEuvr., I, 367 ; Richer, Ov. bouf., 585).
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 358
tionne trois emplois de ça : avec l'impératif du verbe venir : venezça, vien-ça; en matière interrogative, dans le sens de baillez : ça de l'argent; et pour signifier « une préparation prompte » : çà que je vous baise, etc. (Gr., 261). Ses composés sont donnés par Maupas : ça sus, ça haut, ça bas, deça (340-341).
L'un d'entre eux, ça bas, semblait à Malherbe une équivoque insupportable. « Sans pointe, ce ça bas veut dire appeler Robinette » (IV, 356). Qui pense aux sorciers, en lisant les passages de Du Vair : C'est une divinité comme bannie et exilée pour un temps du ciel, son vrai domicile, qui vague et erre ça bas dans notre corps ? (414, 7; cf. Id., 360, 32 ; 375, 35). Il y a une protestion de Mlle de Gournay (O., 957 ; Adv., 636) 1.
Oudin, à partir de 1645, jugea ca bas et ça haut un peu vulgaires ; il préférait icy bas, ici hauts, cy bas, cy haut (Gr., 261).
Littréa trouvé ça haut dans Fontenelle. Et Andry de Boisregard fut encore obligé de le condamner comme une faute commune chez les Lyonnais (Refl., 100). Il y en a des exemples chez Maynard : Et plus ça haut ne reviendra Pour voir mon ame martyree (II, 51). Mais c'est ici haut qui est l'expression classique.
Ce jour d'hui. — Il a été corrigé par Corneille dans Mélite : Et si dans ce jourd'hui je l'avois écarté Tu verrois dès demain Eraste à mon côté (Corn., I, 210; cf. J. de Schel., Tyr et S., 30, 25.) Il ne se trouve qu'exceptionnellement 2 dans les écrits littéraires 3.
Ce neantmoins. — Il n'est pas bon, dit Oudin, mais superflu en la particule ce (Gr., 304-305) ; ce nonobstant de même. On peut considérer qu'à partir de ce moment la construction d'où sont sorties ces expressions cesse d'être comprise, et qu'elles sont passées à l'état d'adverbes ou de conjonctions. Faut-il croire que les formes sans ce ont été menacées aussi? En tous cas la Comédie des Académistes nous présente Colletet discutant la question avec Habert : Le plus grand de mes soins Est d'oster nonobstant et casser neantmoins (Hist. A., éd. Livet, I, 450, var).
1. Les exemples de ça bas sont assez nombreux: pourquoy nous faschons nous de quitter çà bas les ténèbres de nostre ignorance? (Camus, Divers., I, 18 v) ; Et, demy-dieux çà bas, ne font que des miracles (Amb. de la Cour, 1622, V. H. L., IV, 36) ; Ceux dont les actions ça bas vous imitez (Mairet, Sylv., 106, v. 1373) ; Théophile l'emploie aussi : Je croyois que c'estoit un dessein généreux, De scavoir comme quoy toutes choses arrivent... Pourquoy les animaux çà bas meurent et vivent (1,84). L'Espadon satyrique lui en fournissait l'exemple: Venoit ça bas changer de couche (81,cf. 13). L'Académie excuse Corneille d'avoir employé s'abat dans le Cid, malgré l'équivoque (XII, 490).
2. M. d'Espernon est arrivé ce jourd'hui (Malh., III, 137) : je n'ay rien espargné ce jourd'huy (Cél. ci Maril., 89) ; Gageons un peu quel sera le meilleur, Pour cejourd'hui, de mon gîte ou du vôtre (La Fontaine, t. IV, 246, Contes,II, 5, 65) ;
3. A aujourd'hui comparer : au jour de demain (Loret, 25 déc. 1660, v. 4).
------------------------------------------------------------------------
356 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Comme quoi (V. aux relatifs).
Ci pris ci mis (ou cipricimi, ou si pris si mis). — Il est interprété par Rob. Estienne (Gram. ,1569,87) comme équivalent de incontinent, « comme qui diroit en ce lieu pris et en ce mesme lieu pendu ». Il est chez Nicot (cipricimi : dictum ac factum), chez Monet. Les exemples en sont rares : Cipri, cimi, que quelque fille T'a approché d'un fil d'esguille (Espad. sat.,23).
D'abondant 1. — Il est dans Maupas (365). Je ne sache pas que personne l'ait explicitement condamné au début du siècle, mais il n'est plus dans Nicot, ni dans Monet, ni dans les Phrases d'Oudin. Vaugelas le déclare vieux (I, 365). Il fut défendu par La Mothe le Vayer. On en trouve encore des exemples assez fréquents 2.
D'aventure. — « Pour signifier par hazard, de fortune, il n'est plus guères en usage parmy les excellens Escrivains » (Vaug., II, 99).
Par aventure.— Ce mot commençait aussi à devenir vieux (Id., ib.). La Mothe le Vayer le soutint. A dire vrai, il n'est pas très commun. Si j'ay d'aventure usé de quelque mot qui ne soit pas de leur terroir (Gomb., Endim., Au lecteur, 10e p.) ; il ne reste plus de lieu sur moy capable de recevoir une seule atteinte, si d'aventure tu ne veux faire d'autres playes dans les playes mesmes (Id., ib., 118).
Dea. — Il prend la forme da. Maupas fils soutient cette « interjection, qui pour son fréquent usage n'appreste pas moins à rire à d'aucuns, mais si ne sçauroient-ils s'en passer. Nos devanciers escrivoient dea.... et nos vieux païsans et bonnes gens des champs la prononcent encor de la sorte... Elle vient infiniment à la bouche : oui dà, c'est-mon-dà... je le veux bien - dà. Il n'en fera
rien - dà en manière d'enclitique intensive, et aussi en force
d'esbahissement, avec submission: Es dà! vous ne serez pas si rigoureux. Hé dà ! je vous en prie » (éd. 1638, 360). On sait que le mot est dans la 1re Provinciale : Diriez-vous qu'un homme ait, la nuit et sans aucune lumière, le pouvoir prochain devoir? Ouideà, il l'auroit, selon nous.
On le trouve surtout dans les écrits familiers ou burlesques : Ouy
1. C'estun mol usuel au XVIe siècle, commun chez Rabelais, I, 17, 319, etc. Cf. Dial. de 2 mardi., V. H. L., I, 85; Cyre Fouc, Ep. d'Arist., 23.
2. Voir Guzm. d'Alf., III, 446: D'abondant cet au là estoit le dernier des dix que j'avois obtenus pour termes de mes créanciers ; cf. : d'abondant il faut confesser franchement que des termes du Palais comme d'une riche carrière nostre Eloquence Françoise puise mille et mille Diamans (R. Franc., Merv. de Nat., 463); s'ils conjoignent d'abondant la Grecque avec la Françoise (La Mothe le V., I, 460) ; il a voulu d'abondant particulariser sur quantité de vos bonnes actions (Dél. de la Camp., Ep. aux Dames).
------------------------------------------------------------------------
L'ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 357
dea, Monsieur, que desirez-vous ? (Bourg, poli, V. H. L., IX, 151 ; cf. Richer, Ov. bouf, 187; Scarr., Virg., II, 213).
Deçà. — C'est encore, comme dela, un adverbe pour Maupas, qui donne en exemple : Passez deça où je suis (341). Vaugelas le trouve moins élégant que de deça « adverbe local qui veut dire ici ». Suivant lui, dépourvu de ce premier de, il est préposition, comme sous ou dans. Mais pour éviter la rencontre de tant de de, on en supprime un, sans pour cela retomber dans la manière des anciens auteurs qui disaient : Nous avons deçà d'excellens fruicts. On peut et on doit dire aujourd'hui : les nouvelles de deça, au sens de les nouvelles d'ici (I, 384-5). Cf. : chanceloit et commençoit à deux cens pas du bord de deçà à s'enfoncer (Renc. et nauf. de trois Astr., 1634, V. H. L., II, 216)1.
De naguères. — Il commence à vieillir (Vaug., II, 15) 2.
Des mieux. -— Vaugelas déclare cette locution très usitée, mais très basse (I, 214). C'est aussi l'avis de Chapelain et de l'Académie. Corneille usait couramment dans ses comédies de cette « élégance du bas style » : Il en parle des mieux (II, 191, Suiv., 1239) ; Il cajole des mieux (IV, 296, Suite du Ment., 164) 3.
Du depuis. — Il est encore cité par Du Val (268) et Maupas (343) ; il a été condamné par Malherbe (IV, 286 ; cf. Doctr., 461). Mais Nicot observe que quelques-uns le disent, et il est conservé par Oudin (Gr., 267). Vaugelas nous conte qu'un homme fort âgé l'entendait souvent dire à la Cour, quand il y vint jeune garçon, mais que déjà de ce temps ceux qui parlaient purement s'en gardaient (I, 287). Dupleix se moque de Morgues, en disant : « il use fort sotement de ce mot redoublé, à l'imitation des pauvres soldats qui racomptent leurs aventures » (Dupl., Lum., 317). Chevreau le relève dans Malherbe (Rem. s. M., 26).
Les exemples du XVIIe siècle sont très nombreux : Du depuis Satan n'a cessé (Disc. prod. 1610, V.H.L., I, 87) ; du depuis (J. J. Bouchard, Conf., 31) ; aussi content qu'il a esté du depuis malheureux (Cél. et Maril., 3, cf. 23, 33); Laquelle fut cause du depuis de mille malheurs (Boitel, Tab. des Merv., 516; cf. Exéc. du cap. Carr., V. H. L., VI, 326 ; Caq. des Poiss., Ib., II, 139).
1. Oudin n'aime pointuers deçà et vers delà, il accorde qu'on peut dire vers là (Gr., 261).
2. Puis naguères, qu'on trouve encore au XVIe siècle (J. B. P., 111, 118, 134) avait disparu. Mais depuis naguères est dans La Fontaine (IV, 324).
3. On verra dansle Lexique de Molière de Livet, que Molière elles autres comiques de la fin du siècle se servirent à leur tour de l'expression qui, cependant, n'arriva jamais à entrer dans le style noble.
------------------------------------------------------------------------
358 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Corneille a corrigé du depuis dans Le Menteur (a. V, sc. 6, vas. 1644). Cependant l'expression dura longtemps après cette date 1, et les grammairiens de la deuxième partie du siècle se crurent encore obligés de la condamner (A. d. B., p. 185 ; Marg. (Buff., N. O., p. 56).
En après2. — Les premiers grammairiens du xvue siècle, Bernhard (125), Du Val (268), Oudin même (Gr., 275), le donnent. On le trouve dans quelques textes d'un caractère familier : Mais en après, Messieurs, je n'en ay plus d'envie (Espad. sat., 20) 3. Mais Vaugelas veut qu'on emploie après tout seul, quoique en, comme par, ne fût pas inutile, car « il servoit à distinguer l'adverbe de la préposition après » (I, 357).
En çà, en là. — Ils sont encore adverbes de lieu, suivant Maupas : Voila deux hommes dont l'un vient en ça, l'autre va en là (340 et 341 ; cf. Du Val, 262, qui donne aussi endeça). Oudin les déclare « non recevables » (Gr., 261). En fait, les exemples sont communs, mais toujours se rapportant au temps et non au lieu : « Vous desirez donc sçavoir, Celadon, de quelle façon j'ay vescu depuis quinze ou seize nuicts en ça. » (Astrée, 1614, II, 474). Avec ce sens, il restera classique.
Enda et manenda. — Maupas trouve que ce sont « mignards sermens de femme» (360) 4 ; Oudin dit : « paroles de païsant » (Gr., 293).
Je les ai rencontrés dans quelques textes familiers ou burlesques 5. Cyrano les met dans la bouche de Gareau (Ped. j., V, 10, p, 173).
En devant.— Il devient rare : l'Arbre jetteroit tout son bois en devant (Jard. fr., 18).
Fin. — Il ne se met point pour enfin (Oud., Gr., 275 ; cf. somme et en somme).
1. La lettre qu'il avoit écrite du depuis au Roi (La Rochef., III, 79 ; cf. Dub. Mont., Ex. P., 3); l'injustice qu'il m'avoit faite, et qu'il avoit reconnue du depuis (Retz, II, 166, L.) ; Et du depuis sans haine, à ma perte obstinée (Le Boul. de Chaluss., Elom. hyp., I, 3, p. 24).
2. Au XVIe siècle en concurrence avec par après (Pasq., Rech., l. VIII, 14, t. I, 787 c ; Tabour., Big„ 11 v°).
3. Il feroit blanchir sa maison pour la peindre en après (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 147) ; quelques jours en après (Hist. d'un Favory, V. H. L., I, 101, et 97) ; s'il manque en après quelque chose (Plais, galim., V. H. L., II, 283); cf. Estr. rus. d'un fil., V. H. L., IV, 67, etc.
4. On les trouve souvent au XVIe siècle, ainsi dans Larivey (Les Esc., IV, 3) ; dans le Moyen de parvenir (éd. Jacob, 35).
5. Hélas, Monsieur, ostez-vous tost. Enda, je vous chatoüilleray (Espad. sat., 146); Enda, Madame, j'y ai gousté (Bourg, poli, V. H. L., IX, 190); Par Manenda, il faut promptement nous osier de dessous les pattes (Com. des Prov., 11, 4, A. Th. fr., IX,
55) ; Vous voila bien, parmananda, En peine du cas qui m'afflige ! (Richer, Ov. bouf., 200) ; Elle disoit au Duc, son nepveu : Menanda ! mon nepveu, la maison de La Rochefoucaut est une bonne et ancienne maison; elle estoit plus de trois cens ans devant Adam (Tall., Hist., CLVI).
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 359
Finalement et finablement 1. — Malherbe décide : « Dis finalement et jamais finablement. Il se forme de final et finale » (Cf. Doctr., 262). Malherbe était d'accord avec l'usage, car Maupas n'admet plus que la forme finalement (344). Oudin ne garde non plus que finalement, et condamne finablement, comme antique et hors d'usage (Gr., 275). Monet ne donne plus que finalement. — On a finalement inventé le Papier (R. Franç., Merv. de Nat., 378); Finalement elle y coule bonne provision de baume (ld.,ib., 261).
De guères. — Vaugelas n'accepte point cette manière de parler, qui était très usuelle, et familière à Balzac : il ne s'en est de guères fallu. C'est tout autre chose quand il y a une comparaison, elle ne la passe de guères (I, 404). Molière et d'autres continueront à écrire de guères, et la question sera encore débattue ultérieurement.
Hersoir. — Du Val cite aussi une autre forme ausoir (262). Oudin condamne harsoir et hersoir (Gr., 268).
Hui ?.— Il est dans Maupas (342), Du Val (262), Nicot. Mais Godard, tout en le regrettant, marque bien sa décadence : huy « êt un bon mot François, et dond usent assez souvant nos Parisiens, aussi bien que de son composé meshuy, comme en ces manières de parler : ne viendra-t-il huy ? Néanmoins le composé et bien plus en usage, que le simple » (L. Franc, 136). Oudin signale dès 1632, qu'il est hors d'usage (Gr., 268). J'ai peu d'exemples du XVIIe s. Je citerai cependant dans d'Ouville (Contes, I, 256) : (nous) ne sommes pas assurez d'être en vie d'huy en un mois. La Fontaine s'est servi dans ses Contes de des hui, et, par imitation du style judiciaire, de hui : Dans dix mois d'hui (V, 36, note 1) 3.
Jà 4. — Malherbe décida que c'était un mauvais mot « qui ne valoit guère d'argent, parcequ'il était « vieil et ne s'usoit qu'entre les paysans » ; on devait dire déjà » (IV, 368 ; cf. Doctr., 265). Maupas
1. La forme finablement était encore usuelle au XVI° siècle. Elle était seule donnée par Palsgrave (808), Meigrel (58 r°); Rob. Estienne acceptait finablement et finalement, Tabourot de même. Finablement était très courant dans les textes : Rab., I, 15, 64, etc.; du Bell., I, 10,226,228, etc. ; Rons., VI, 465 ; (cf. Lez., M.-L., II, 354).
L'ancienne forme finablement n'est cependant pas entièrement perdue au début du siècle : Et finablement ce qu'il me semble (d'Audig., Six nouv., 18) ; Finablement aucun discours quelle fist...(Id., ib., 44); Finablement les Principaux s'en retournèrent (Id., ib., 48).
2. On le trouve à foison dans Rabelais, mais je ne sache pas qu'il soit dans Montaigne.
3. Ce jourd'huy a été mentionné plus haut, du jourd'huy est condamné par Oudin (Gr., 266).
4. Le grammairien Soulas le cite : Il ne viendra pas jà, id est, a longo tempore (57). Il est encore tout usuel à la fin du XVIe siècle. Amyot en fait fréquemment usage (OEuv. Mor. 5 r°, 9 r°, etc.); et depuis lui H. Estienne (Apol., II, 24); cf. l'Estoile (Journ. de H., III, 36, 180, 293); Fauchet (Or. l. fr., 534 v°); du Vair (353, 26, 406, 22); Régnier (Sat II, v. 72; XIII, v. 19).
------------------------------------------------------------------------
360 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
le donnait sans aucune réserve (343, 352). Oudin le considère comme antique, soit au sens de déjà, soit comme négation (Gr., 266, 285). Mlle de Gournay le défendit ardemment (O., 428, 591, 619, 956 et Adv., 260, 371, 404). Malgré cela, du temps de Richelet, certaines gens ne pouvaient le souffrir, même dans le bas burlesque. C'est un mot qui n'est point rare jusqu'en 1630 1.
Jà déjà se trouve encore dans Régnier (Sat., XIII, 43). Il disparut du même coup (Malh., IV, 399; cf. Doctr., 265) 2.
Jadis était lui-même peu en faveur, et Mlle de Gournay dut le défendre (Adv., 259) : « Trainasserons-nous sans fin cet autrefois en nos Poemes afin d'éviter un jadis ? »
Jamais plus faillit périr. Malherbe l'a barré plusieurs fois dans Desportes (Doctr., 462). Vaugelas le trouvait très bon, ce qui n'empêcha pas de le discuter encore (I, 284).
Là. — Ce mot formait un certain nombre de composés, tels que là bas, là haut, que nous avons encore aujourd'hui. Ajoutez-y ceux qui ont disparu : en là, là sus, là loin.
Là sus est encore dans Rabelais (II, 341) ; Marot (II, 171) ; etc. Nicot et Maupas (340) le donnent, mais pas Monet ; Oudin dit : sus ne s'escrit point : la sus (sic) (Gr., 264).
Longuement. — « Il n'est plus en usage à la Cour, où il estoit si usité il n'y a que vingt ans » (Vaug., I, 130). La Mothe le Vayer discuta, Dupleix aussi (Lib., 317-8), ce dernier nota très exactement les différences : « on dit il y a longtemps qu'il est de retour, mais non point il y [a] longuement, joint que longuement marque une continuation de temps sans intermission, ce que longtemps ne fait pas; ainsi on dit mieux: longuement puissiez-vous exercer vostre charge ».
Ils furent appuyés par Chapelain (Lettre à Brieux, 2 mars 1660). La question fut reprise par Bary (Rhét. fr., 1653, 227), Marguerite Buffet, (N. O., 77), et Patru, jusqu'à ce que l'Académie décidât comme Vaugelas. Le mot est dans Malherbe (II, 570), et ailleurs,
1. Jà l'horloge six fois... A vidé son vaisseau (J. de Schel., Tyr et S., 47,19); Prenoit congé du soleil jà renclos (Emprison.; V. H. L., VIII, 212); ja le croissant qui tournoye le monde Purg.des prison., Ib., 207); jà vous estes bien rogues (Reproches de Guillery, Ib., VII, 75); ayant ja navigué (Boitel, Tab. des Merv. du M., 145); Mais si d'en parler plus ja mon papier se fâche (Espad. sat., 87) ; Ja n'avienne que je croye que c'est un songe
(Mêlante, l. I, 87) ; quant à nous ja Dieu ne plaise que nous ayons la temerité de révoquer en doute (Gar., Rab. réf., 34); Jà à Dieu ne plaise que jevoulusse (Har. de Turl, V. H. L., VI, 74) ; Vray'ment il n'estoit jà besoin De vous apporter de si loin (Adieu du Plaid, à son arg., 1624, Ib., II, 198); Non, hola, je ne me tayra ja (Bourg, poli, Ib., IX, 155).
2. Ja desjà Marguerite Me souhaitoit bien loin (Espad. sat, 38).
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 361
par exemple dans Molière (Mar. forcé, sc. 7), dans Balzac : l'ayant longuement escouté (éd. Moreau, I, 13), etc. 1.
Lors. — « Ce mot ne se dit jamais qu'il ne soit suivi de que, s'il n'est précédé des particules des ou pour (Vaug., I, 360-361)» 2. C'était une imagination toute nouvelle 3. On trouvera dans Livet (Lex. de Mol.), les exemples de Molière et lés extraits des commentateurs de Vaugelas.
Pour les textes, ils fournissent des exemples à foison : C'était visiblement encore un très beau mot au temps de Malherbe : Que pourras-tu te représenter lors, sinon ta langue parjure ? (Fl. d'éloq., 35 r°) ; Je demeuré lors roide comme un marbre (Ib., 26 v°) ; ne pouvant mieux, je me mis à l'esgratigner et à le mordre... Ah ; courtoise Léonide, me dit-il lors, comment traitterez-vous vos ennemis puis que vous rudoyez de ceste sorte vos serviteurs ? (Astrée, 1615, I, 300 A; cf. Gomb., Endim., 111, 211, etc.). De même, trente ans plus tard : La ville toute en feu, paroist lors allumée (Scudéry, Poés. div., in-4°, 1649, 206) ; Lors je dis au seigneur d'un coeur calme et constant (Racan, II, 121) 4.
Maintefois. — « On dit maintefois à la Cour en raillant, et de la même façon qu'on dit ains au contraire » (Vaug., I, 252). Cet adverbe était encore chez Oudin (Gr., 271), mais il partagea la disgrâce de maint, et devint comique et burlesque.
Mais. — Le sens de davantage est encore donné par Nicot et Monet. Il ne s'agit plus, à vrai dire, que de la locution: n'en pouvoir mais : c'estoit advancer la mort de celuy qui n'en pouvoit maits (Astrée, 1615, I, 371 A) ; Ce pauvre berger... n'en peut mes de tout cecy (Ib., 1614, II, 689); Elle n'en pouvoit mes (Ib., t. II, 714; cf. Ib., 932. D'Urfé écrit généralement mes). Oudin trouve vulgaire : je n'en puis mais (Gr., 304), et Sorel cite cette expression parmi des expressions qu'il critique 5. « Cette façon de parler est ordi1.
ordi1. côté de longuement, on disait aussi de longue, mais les exemples en sont rares : « Il peut arriver pour un temps, que celuy qui abuse de la Religion aura quelque bon succès en ses affaires, mais il ne peut aller de longue » (Gar., Doct. cur., 992).
2. Oudin (Gr., 271) semble déjà blâmer lors, mais dans une phrase qui n'est pas très nette. Dans une remarque sans doute antérieure, qui figure dans les Remarques posthumes, Vaugelas admettait lors au milieu de la phrase (II, 408).
3. On trouve aussi dès l'heure au lieu de dès lors comme à l'heure au lieu de alors : Je vis dés l'heure auprès de moy (La Pinel., Le Parn., 41).
4. Cf. Lors les misères de Sion Arriveront à ton oreille (ld., ib., 260); Je veux lors, comme ami,passer dans les Estats De tous nos alliez (ïd.,ib., 286); Il n'a goutte de sang qui ne soit lors glacée (Théoph., I, 211); O que lors dansées deux rivages Le Nil oyra nos combattans (Racan, dans Rec.des plus b. vers, 1638, 162); Combien nos déplaisirs parurent lors extrêmes (Corn., III, 290, Hor., 179 ; cf. Don Sanche, 401).
5. « J'ay veu aussi des livres en prose, où l'on trouvoit de telles façons de parler
------------------------------------------------------------------------
362 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
naire à la Cour, dit Vaugelas, mais elle est bien basse pour s'en servir en écrivant » (I, 240). Ménage la trouvait au contraire très naturelle et très française. Au milieu du XVIIe siècle, n'en pouvoir mais ne subsiste guère que dans le genre comique 1.
Mallement. — Il est encore dans Maupas (347), Nicot et Monet ; Oudin ne le juge « guères bon » (Gr., 281). Il se trouve souvent chez les burlesques.
Meshui(cf. hui). — Il est encore usuel au XVIe siècle (Lar., Les Escol., a. III, sc. IV, A. th. fr., VI, 139). Mais Cauchie, en 1576 (227), déclare qu'on dit plutôt aujourd'hui. Du Val (262), et Maupas acceptent le mot (342) ; Oudin, au contraire, le juge trop vulgaire (Gr., 266). Vaugelas l'abandonna, « quoiqu'il fust très doux à l'oreille (I, 285) ». Dupleix eût voulu le garder (Lib., 330 ; cf. Bary, Rhet. fr., 227-228). Je l'ai trouvé dans Sr Chantal (Let., LXXXII, 115) ; dans R. François (Merv. de Nat., 459) : Car qui se peut meshuy estonner de voir les heures faites par la lumière du Soleil ; ensuite dans un conte archaïque de Sénecé (OEuv., I, 99) et chez les burlesques (Martin, Éc. de Sal., 7 ; Richer, Ov. bouf., 299 ; Cl. le Petit, Chron. scand., dans Paris ridic, 110).
Mêmement. — Ce mot, usuel encore à la fin du XVIe siècle, particulièrement au sens de surtout, ne survécut pas, malgré l'autorité d'Amyot. Il est dans Nicot et Monet, mais Oudin ne l'a pas, et Vaugelas considère que « cet adverbe passoit desja pour vieux » vingt-cinq ans avant lui 2 (I, 384).
Mon. — Il se trouve chez les auteurs de la fin du XVIe siècle, mais
que celles-cy : Cela arriva pour l'achever de peindre : il portoit une dent de laid a son rival; j'iray là mais que vous y soyez ; si cela arrive, je n'en puis mais; vous met tez le nez dans ceste affaire.... Tout cela est dedans des Autheurs que les ignorans trouvent très bons » (Sorel, Berg. extrav., III, 553).
1. Estoit-ce à dire qu'il falloit Par une brutale colère Occire en punissant la mère Un populo qui n'enpeut mais? (Richer, Ov. bouf., 217). Loret l'emploie dans ses vers : Mainte beste qui n'en peut mais (28 juin 1658, v. 90). Cf. plus tard: Puis-je mais, moi, de vos distractions ? (Baron, Hom. à b. fort., I, 4 ; cf. Regnard, Distr., V, 6; Id., Souhaits, V, 4).
Je signalerai quelques emplois de mais bien, mais plutost, qui sentent leur XVIe siècle : O coeur !mais bien rocher tousjours couvert d'orage (Mairet,Sylv)., 26, v.205); Car sçachant que l'un ou l'autre de ces deux doit estre vostre propre fils, vous serez forcée de les aymer. Mais plustost de les hayr, puis que je suis certaine que l'un ou l'autre est l'enfant de Lyside, repartit Iris (Orph. de Chrys., l. II, 363).
2. On donna des gardes aux ambassadeurs, et mêmement à celui d'Espagne, que le peuple vouloit tuer à l'heure même (Malh., III, 170); Ne savoit-il pas que sa religion étant haïe aux personnes mêmement les plus douces et traitables... (Gabr. Naudé, Considérations politiques sur les coups d'Etat, éd. 1667, L.).
On le retrouve chez les burlesques : Gaston et sa noble famille, Et mesmement sa grande fille, S'en viennent faire au premier jour Dans Orléans quelque séjour. (Loret, 16 août ,1653, v. 101-104; cf. 12 mai 1663, v. 147).
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 363
beaucoup plus rarement que chez ceux du début 1. Henri Estienne l'a mis dans l'Apologie : à-sçavoir-mon où ils avoyent le nez (II, 127), mais il semble bien qu'il fût déjà vraiment un peu vulgaire, car lui-même le juge populacier (Hyp., 210).
Au commencement du XVIIe siècle, il est chez Régnier (Sat., XI) ;Maupas le donne, et en détermine l'emploi (350-2) 2. Mais pour Oudin « c'est mon, ce fay mon, ce faudra mon sont façons de parler de harangeres » (Gr., 284). On s'en moque dans le Rôle des présentations 3. Mon se trouve dans divers textes populaires ou patois 4. On le trouve aussi bien entendu dans le satirique et le burlesque, Sçay-mOn, dit le laquay (Espad. sat., 12; cf. 44); On changea leurs noms sçavoir mon, De Melicerte en Pale mon (Richer, Ov.houf., 466; cf. Chap., Guzm. d'Alf., III, 263).
Moult. — Quoique déjà vieilli au XVIe siècle, Maupas l'enregistre sans réserve. Mais Oudin dit qu'« il est trop vieux et tiré du latin» (Gr., 277). Balzac s'en moque (Let. à Mén., 9 août 1644). Mlle
1. A sçavoir mon (Mar., I, 224; Rabel., III, 192 ; Des Per., Joy dev., LXVI, OEuv., II, 237; Rons., VI, 275); — Ce fais mon! (Des Per., OEuv., I, 21); — ça mon (Nic. de Tr., Par., 143); — c'est mon (N. du Fail, Eutr.,11, 79; Des Per., Joy. Dev., LXIX, OEuv., II, 246 et LXIV, ib., 232 ; Baïf, IV, 112) ; — Voyez mon (Id., IV, 75) ; Agardez mon (Des Per., Joy. Dev., XV, OEuv., II, 72).
2. « Mon,c'est mon, Ce fait mon, c'ay mon, etc. Je pense que nous avons emprunté des Grecs ceste syllabe enclyeticque, Mon, sans beaucoup nous éloingner de leur usage. Car ce mot nous est un explétif, ou remplissage de propos interrogatif ou dubitatif, comme quand nous disons : Ascavoir mon qui est le plus sage de vous deux. Item quand nous demandons pour essay, ou par manière d'espreuve. Escrivez-mon. Lisez-mon pour voir si vous y entendez. Or là mon pour voir. Plus un remplissage de concession faite par les verbes Faire, Avoir, Estre, Faloir, et aucunefois, Vouloir, sous les observations qui s'en suivent.
Quand un propos énonciatif est regi d'un verbe pur sans auxiliaire, la concession se doit faire parle verbe Faire sans pronom nominatif: Vous escrivez, Ce fay mon. Monsieur jouera à la paume, Ce fera mon.
Quand le propos est conduit d'un des auxiliaires, Avoir, Estre, ou de l'impersonnel Faloir, la concession se doit faire par les mesmes verbes. Ex. : Vous avez escrii cecy; ç'ay mon. Cet enfant aura bon esprit; c'aura mon. Vous estes de mes amis; ce suis mon.Vous estiez hier malade ; c'estoy mon. Il faut aymer Dieu, ce faut mon. Mais si le propos est conduit du verbe Vouloir, vous pouvez indifféremment concéder par luy mesme ou par le verbe Faire. Vous voulez venir avec nous ; ce veux mon ou ce fay mon. Monsieur voudra dîner ; ce voudra mon ou ce fera mon ».
3. « Requérant qu'il plaise à la compagnie déclarer que vrayement, C'est mon, Voilà bien de quoy, et toutes chansons de ceste sorte composées par quelques autheurs que ce soit, ne contiennent que bon françois. — R. Soit communiqué à Jean de Nivelle » (Rôle des Présentations, 1634, V. H. L., I, 138).
4. L'on blasmoit les personnes les plus nécessaires et desquelles on ne se pouvoil passer.— Sçay mon ! mafoy, dit un relieur (Cont. et Mescont., 1649, V. H. L., V, 342) ; C'est mon... c'est mon... Il en meurt bien d'autres qui n'en peuvent mais; ces diables de Rochelois. ils ne s'en soucyent point de tuer le pauvre monde (Disc, sur la Mort du Chap., Ib., 39); C'est mon, ma foy,il nous payera comme un las d'autres qui nous ont affrontés (Bourg. Poli, Ib., IX, 155) ; Ardez, vraiment c'est mon, on vous l'endurera (Corn., 11,92, Gal. du Palais, 1392); Ça mon, vraiment ! il y a fort à gagnera fréquenter vos nobles (Mol., VIII, 108, Bourg, gent., a. III, sc. 3); Çamon, ma foi .'j'en suis d'avis (Mol., IX, 286, Mal. imag., a. I, sc. 2).
------------------------------------------------------------------------
364 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
de Gournay reconnaît que c'est un « mot ancien » (O., 616 et 954; cf. Mén., Req. des Dict., 478). La Bruyère le regrettera (II, 206). Loret l'emploie couramment dans le sens de très, devant un adjectif (13 juin 1654, v. 23; 7 décembre 1658, v. 215 ; 21 février 1660, v. 14 ; 29 mai 1660, v. 191).
Nonchalamment. — Vieux mot, suivant Vaugelas (I, 380). Mais personne ne fut d'accord avec lui, le mot se trouve un peu partout.
Notamment. — D'après Vaugelas, cet adverbe n'est pas du bel usage. Il faut dire nommément ou particulièrement, principalement, surtout (II, 64). Mais l'opinion, de La Mothe le Vayer, qui avait défendu le mot (57), triompha, comme on le verra par la suite.
Une. — C'est un vieux mot, d'après deux notes de la copie B. du Commentaire sur Desportes(v. Doctr., 267). Il est dans Nicot, Maupas (343) ; Bernhard (123). Mlle de Gournay prend sa défense (O., 956 et 957 ; cf. Adv., 636). Mais Oudin le trouve fort antique (Gr., 271 ; cf. Mén., Req. des Dict., 480). Malherbe s'en est servi deux fois (I,290,v. 122; et 53, v. 178, var.). Toutefois il a corrigé le second de ces passages. Et onc n'est plus guère employé après lui que dans la poésie légère ou par les burlesques l.
Or, ores. — Accepté par tous les grammairiens du XVIe, il est condamné par Malherbe dans le sens de maintenant ou tantôt (IV, 463), et souvent barré (v. Doctr., 268). Régnier (Sat. IX, El.,II, et Ep., IV), Deimier, et Malherbe lui-même à son début (I, 19, 16, 289), l'employaient 2.
Or çà n'est point attaqué. Pourtant le Raminagrobis de Rabelais n'eût plus guère pu inviter ses clients à l'honorer avec ses or ça, or la, or bien. Les deux derniers étaient vieux.
Les composés oravant (Grév., Les Esb., a. II, sc. 2, A. th. fr. ,IV, 253) ; desor (J. de la Taille, Gabaon., IV, Fed. Morel, 1574, p. 26); orendroit (Mar., Ep., Du camp d'Atigny, v. 49, G.), sont morts dès le XVIe.
Oudin condamne dores en là (Gr., 269), qui est encore dans l'Astrée (1615, I, 20 A, 113 A, 320B).
1. Espad. sat., 105; Scarr., OEuv., 1,389; Richer, Ov. bouf., 504,605; Loret,18 déc. 1655, v. 94; 13 mai 1656, v. 166; 2 juin 1657, v. 191 ; 17 février 1657, v. 32; 22 mars 1659, v. 49 ; etc.
2. Cf. Puisqu'ores le premier des prestres de mémoire, Tu es fils de Cythere, (Mayn., I, 9, v. 16-18) ; ores il se plaint... ores il escrit (Diane d. bois, 16); ores je les lis, ores je les baise, et ores je parle à elles (Nouv.rec. de Let.,1638, Let. am., 164) ; La ville est ores trop suspecte (Pont-Neuf, V. H. L., III, 337) ; Et sur l'autel ores vanté De la nouvelle deité (Pasq. des Coc, Ib., III, 228).
Maupas l'inscrit (342), mais Oudin l'écarte avec or primes et or à primes (Gr., 267). Mlle de Gournay le soutenait (O., 957; Adv., 636). Cf. Coméd. des Acad. dans Livet, Hist. A., 1,424, n. 1 ; Req. des Dict., I, 478,ib. ; Mén., O.,I, 85, et Obs. s. Malh., 11,50.
------------------------------------------------------------------------
L'ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 365
Doresenavant et dorénavant restent concurremment en usage (Oudin, Gr., 269) 1.
Outreplus.—Encore dans Maupas (365) et Oudin (Gr., 298), il s'éteint, sans être condamné par personne 2.
Parainsi. — Ce composé était encore courant au XVIe siècle (Gello, Circé, 108; d'Aub., OEuv., II, 255). Vaugelas, tout en constatant que Coeffeteau et Malherbe s'en servaient souvent, dit qu'il n'est presque plus en usage (I, 163). Il était très fréquent en effet chez Malherbe (II, 101, 151, 703 ; IV, 303, 448)3.
L'expression dut se conserver dans la langue populaire (V. H. L, IX, 296). Elle reparaît chez les burlesques : Et par ainsi, peu préparé A faire aucun plaizant narré (Loret, 13 juil. 1658, v. 3 ; cf. 21 déc. 1658, v. 132 ; 28 oct. 1660, v. 234, etc.).
Paraprès. — Oudin l'acceptait encore (Gr., 260 et 268). Vaugelas trouve que par y était utile, parce que la particule servait à distinguer l'adverbe de la préposition. Mais cette forme a vieilli, ajoute-t-il (I, 357) 4. Le P.Bouhours la blâmera (D., 45). Cf. : Il viendra par après (Boursault, Méd. vol., t. I, 123).
Paravant.— Il est encore commun chez Amyot (OEuv. mor., 26 E, v°). Cf. : Je me puisse ressouvenir y avoir eu quelque chose remarquable à ma vie par avant (Mém. R. Marg., 4). Il est dans Maupas (343) ; mais Malherbe l'avait souligné (Doctr., 269), et Oudin le condamne (Gr., 268 et 275).
Je ne l'ai guère trouvé que chez les burlesques : Bien plus estroit qu'il n'estoit paravant (Emprisonn.,V. H. L., VIII, 211); quelques semaines paravant (Loret, 17 juil. 1660, v. 103 ; voir p. 381).
Parensemble. — On le trouve au XVIe siècle : quelle affaire avons nous parensemble (Baïf, III, 236). Suivant Vaugelas, il ne vaut
1. Oudin remarque: « Notez icy que lors qu'on se sert de cet adverbe, on ne peut. [l'] employer que commençant du poinct que la personne parle. Observez la mesme chose de n'agueres. »
2. Littré cite : Outre plus le maître a chanter qui s'est chargé du divertissement (Legrand, Usur. gentilhomm., sc. 2).
3. Cf. et parainsi un Porreau est allongé de beaucoup (Jard.fr., 232); Et par ainsi le second affront fut pire que le premier (Le cour, de nuict, 60) ; cf. d'Urfé, Ep. mor., 339 r°.
4. Il est dans Chapelain (Guzm. d'Alf., III, 422); autant de plaisir, qu'elles causerent par après de peine ( Cél. et Maril., 82) ; cuire la farce à part, et la fourer par apres dans le corps (Dél. de la Camp., 237).
Un autre texte de Chapelain est assez curieux :... j'eusse mieux aymé dire, qu'il serait premier pendu, et par après envoyé aux galères ; comme on fit autrefois à un peintre de Balle, lequel disant un jour en compagnie qu'il feroit blanchir sa maison pour la peindre en après, quelqu'un luy fit tout court cette responce : Vous feriez bien mieux de la peindre premièrement, et de la blanchir par après. (Guzman d'Alf., RI, 147).
------------------------------------------------------------------------
366 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
rien : il faut dire ensemble. Alemand ajoutera qu'il appartient à la langue parlée, non à la langue écrite (Vaug., N. Rem. avec les obs. d'Alem., 1690, 315).
Par longtemps. — Malherbe l'a condamné dans Desportes (Doctr., 463).
Parquoi. — Oudin le donne (Phrases, 42) 1.
Parsustout. — « Il est vieux » (Vaug., II, 307). Voir p. 383.
Partant. — Vaugelas le juge nécessaire et commode, néanmoins, comme il commence à vieillir, et à « n'estre plus guères bien receu dans le beau stile », il est bon de s'en abstenir (I, 360). La Mothe le Vayer et Chapelain eurent beau prendre sa défense, la condamnation fut ratifiée, comme nous le verrons par la suite.
Plus outre. — Cet adverbe de lieu est donné par Maupas (341), et par Oudin (Gr., 263). Il est encore fréquent dans d'Urfé (Astrée, 1615, I, 271 B, 311B ; 1614, II, 221, 614) ; il est dans Sorel, Polyand., 126 ; dans Corneille : Encore un peu plus outre, et ton heure est venue (III, 541, Pol., 1129). Mais, peu à peu, il semble n'être plus usité que dans la locution passer plus outre : vous feriez mieux de passer plus outre (Sorel,. Polyand., I, 500) 2.
Préalablement. — Quoique donné par Maupas (344), ce mot, ainsi qu'Oudin nous l'apprend (Gr. ,275), « ne se trouve guères », et Vaugelas juge qu'avec au preallable, c'est un des plus mauvais mots de la langue. Il faut les laisser aux notaires et à la chicane (II, 219).Malgré la Mothe le Vayer, l'Académie les déclara indignes d'entrer dans la conversation. Au préalable est chez Molière (Pourc, II, 2), et chez La Fontaine (V, 475, Contes, IV, 9).
Premier. — Il est dans Nicot, Monet, et aussi dans Maupas (344); Maynard l'employait : Quand premier je vous vis (I, 35) ; il ne « passe point pour adverbe » au dire d'Oudin (Gr., 274) 3.
Pour l'heure. — Au lieu de pour lors (cf. à l'heure pour alors) est une façon de parler bonne, mais basse (Vaug., I, 323). Cf. Mais que pour l'heure les discours qui se faisoient de l'Empereur dans les assemblées publiques (Let. de Phyll., 2e p., 411).
1. Parquoy était encore très employé par Amyot (OEuv. mor., I v° E, 9 r° C, etc.); Cf. Scaliger : Par quoi je m'accommode (Let., CIV, p. 312).
2. Cf. Je ne passeray pas plus outre (Nouv. Rec. de Lettres, 1638, Let. pol., 7) ; Je passeray plus outre (Mallev., Po., 232) : Car de passer plus outre il seroil impossible (D'Ouville, L'Espr. foll, 111,4) ; Veux-tu que nous passions plus outre ? (Cl. Le Petit, Chron. Scand., Paris Ridic, 113); Costar, Letl.,11, Au Lect., et 11,449.
3. On le retrouve chez les burlesques : Quand premier je vis Marguerite, Je l'aimay dans le mesme instant (Loret, Poés. burl., 1647, p. 89 ; cf. Id., Muze hist., 6 décembre 1659, v. 220); Pour ne pas faire voile sans premier avoir sondé le gué, il avoit cherché condition qui le defrayast (Chap., Guzm. d'Alf., III, 190). Malherbe « ne goûte pas » au premier (IV, 314).
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 367
Présentement. — Encore donné par Oudin (Gr., 267), il aurait été blâmé par l'école de Malherbe, suivant Mlle de Gournay (Adv., 403). On le retrouvera dans Pascal, Sévigné, etc.
Prou 1. — Du Val (269), Maupas (345), Nicot, Monet le donnent. Mais Oudin le déclare vulgaire (Gr., 277). Vaugelas en avait fait une observation qu'il n'a pas jugé bon de publier (II, 465). Livet, en recherchant la trace de ce mot à propos du vers de Molière : J'ai prou de ma frayeur (Et., II, 4), ne l'a retrouvé, en dehors de l'expression peu ou prou, que chez les burlesques 2.
Quantesfois. — Malgré l'autorité de Malherbe, Vaugelas, qui avait déjà à ce sujet ébauché deux remarques inédites (II, 388, et 410), déclare qu'il ne s'emploie plus en vers, et croit même qu'il n'a jamais été d'usage en prose 3 (II, 214). Oudin le blâmait déjà (Gr., 276).
Quand et quand 4.— Maupas (343) le donne ; de même Bernhard (125) et Du Val (262). Oudin rapporte que le commun peuple dit : quand et quand luy pour avec luy, au lieu de quand et luy, et le trouve mauvais (Gr., 272); Vaugelas juge qu'il ne vaut rien ni à dire ni à écrire (I, 123)5.
Quand et moy. — Il est condamné comme le précédent par Vaugelas (I, 122). Il était encore tout familier à Amyot (OEuv. mor., 42E, 32D, 43 B, 374C), etc. Oudin le donne dans ses Phrases (49); mais, dès 1632, il le trouvait un peu vulgaire (Gr., 299). Vaugelas remarque qu'on le dit ordinairement, et que cependant tous les auteurs ne l'écrivent point, bien que Malherbe s'en soit servi. Si, malgré tout, on veut en user, il faut écrire quand avec un d, et non pas avec un t (I, 122).
On le rencontre encore assez souvent : les âmes ne meurent
1. Est courant dans la première moitié du XVIe siècle (J. d'Auton, IV, 59 ; Rab., I, 227 ; Les Marg. de la Marg., Farce de trop prou, peu, moins, IV, 139 ; Des Per., II, 52; La Boétie, 93). On le retrouve chez les poètes de la Pléiade (v. le Lex. de M.-L., II, 348); cf. Mont., l. I, ch. 16, t. I, p. 95, var. : du Vair, 404, 10, 368, 25.
2. Chez Loret par exemple : 8 octobre 1651, v. 89 ; 23 janvier 1655, v. 226, etc. Cf. Jamais il ne dit : J'en ai prou (Cl. le Petit, Chron. Scand., Paris rid., p. 110).
3. Inutile de dire que cette affirmation est erronée. Montaigne use encore de quantesfois, (1. II, ch. 8, t. III, p. 95, var.).
4. Même les derniers écrivains du XVIe siècle en usent communément. Voir Amyot, OEuv. Mor., 10 G., 24 F ., etc. ; Montaigne, 1. II, ch. 12, t. IV, 31 ; ib., 99; ib., 81 ; etc.; Palma Cayet, Chron. sept., 17, col. I : Fauchet, Or. de la l. fr.; 536 r°.
5. Voici des exemples : Ils ne s'estoient pas rebellez quand et quand eux (J. J. Bouchard, Conf., 126); quant et quant (Sorel, Berg. extr., 1. IV, t. I, 257); l'on envoya quant et quant deux compagnies des gardes (Malh., III, 170) : ainsi vous ne cherchiez que l'honnesté et vous avez trouvé quant et quant le délectable (Balz., Lett., l. .V, 16); Le jour qui s'augmentoit et son courage quant et quant luy donna l'envie (Le Cour, de Nuict, 105; cf. 87); cf. Har. de Turlup., V. H. L., VI, 80; Cél. et Maril., 330; Loret, 1er sept. 1652,v. 82; 23 fév. 1658, v. 180 ; 16 nov. 1658, v. 182. On retrouvera quant et quant chez Montfleury (Crisp. gent., IV, 4), mais dans la bouche d'un paysan.
------------------------------------------------------------------------
368 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
point quand et les corps (Malh., II, 591); retournez un peu quant et moy (d'Audig., Six Nouv., 112) ; qui s'exposent aux dangers et hasards de la guerre quant-et-eux (Camus, Divers., I, 63 v°) 1.
Quasi 2 — Nicot recommande déjà de se servir de presque. Cependant Maupas donne quasi (345) ; de même Oudin (Phrases, 49 et Gr., 280). Vaugelas le trouve bas, sauf dans la locution : il n'arrive quasi jamais (I, 82). Cf. La Mothe Le Vayer (34). Il est fréquent dans les textes, ainsi dans les Merveilles de Nature : quasi se jouant (302) ; ne sont quasi jamais clairs (183). Balzac l'employait aussi : La Rochelle avoit esté cause cette année de mille gageures et de quasi autant de querelles (éd. Mor., I, 13 ; cf. I, 17, etc). Il est chez son adversaire : quasi perpétuellement (Let. de Phyll., IIe part., 117; cf. Coif.à la mode, p. 7; La Mothe le V., I, 450 ; Pass. du card. de Rich., V. H. L., VII, 344 ; Costar, Let., II, 35). Il se conserva, mais resta longtemps peu littéraire. Cyrano le met dans la bouche de Gareau.
Quasiment. — Il est encore dans Maupas (345). Duez, en 1669, le dira vieilli (201).
Si. — Cet adverbe est, dermis le XVIe siècle, en pleine décadence.
1° Au sens de ainsi, aussi, il est encore dans Montaigne. Maupas l'accepte dans les formules : si feray-je, si faut-il, si veut-il (126). Oudin, lui, le blâme : Il est mort, si est bien mon père, ne vaut rien. Il faut dire : aussi est bien (Gr., 301).
Il en resta diverses façons de parler. Si ! pour oui, si fait ! Mais notons que cette dernière expression se figea sous cette forme impersonnelle. Au commencement du XVIe siècle, on conjuguait encore le verbe : Et quoy ! ne paroistray-je pas botté, espronné, moustache et guirlandé ? Si feray dea ! (Grande Propr. des Bot., 1616, V. H. L., VI, 34). L'expression si fait est chère aux burlesques : Si fait, dit-il. — Non fait, dit-elle (Loret, 12 nov. 1650, v. 154) 3.
1. Faisant porter seulement quant et soy ce qu'elle avoit de plus précieux (Cél. et Maril., 350); le valet... ouvrit le bahut, en tira l'habit et le renferma emportant la clef quand el soy (Chap., Guzm. d'Alf., 111,91 ; cf.Id., ib., 318, et 518); avec des cordes que vous porterez quand et vous (Sorel, Francion, 1,22) ; et l'emporte quand et luy (d'Ouville, Contes, I, 270); j'y porte quant et moy la dernière lettre que vous m'avez escrite (Balz., I, 196).
2. Est à chaque page dans la Deffence de Du Bellay, et se retrouve chez les écrivains ultérieurs : on ne lui en ose quasi parler (l'Est. ,Journ. de Henr. III, 296, col.I); assistez quasi de tous les princes de notre sang (Henr. IV, Let. miss., III, 249; cf. Mont., l. I,ch. 9, t. I, 39 ; 1. II, ch. 8, t. III, 87).
3. Si fait, il l'estet. — Non-est, ma. foy! (Loret, 15 janv. 1651, v. 64) ; Je la voy. — Je ne la voy pas, Je pense que ce n'est pas-elle, — Pardonnez-moy, mademoiselle, — J'en doute. — Ce l'est en éfet. — Ce ne l'est pas. — Si fait. — Non fait (Loret, 24 juin 1651, v. 118-122); Le Roy, Monsieur, Mademoizelle, Et mainte illustre Jouvencelle, Allèrent je ne sçais pas où. Ha! si fais, ce fut à Saint-Clou (Loret, 15 mars 1659, v. 119-122).
------------------------------------------------------------------------
L ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 369
2° Au sens de et, donc, Oudin condamne si : Si firent tant par leurs paroles. Il faut dire : et firent tant (Gr., 301). Les exemples sont rares: je crois que c'est à cause du Sel qui les racornit, et si elles gastent et noircissent le bouillon (Dél. de la Camp., 137). Mais le sens est très voisin de celui de ainsi. De même dans : Je te voudrois prier de m'estre secourable — Si seray de bon coeur (Mairet, Sylvie, p. 83, v. 1018). On hésite entre les deux traductions.
Vaugelas dit qu'en ce sens il est à peu près équivalent de outre cela, et qu'il se voit encore dans les écriteaux des chambres garnies de Paris, où l'on ajoute d'ordinaire, à la fin : et si l'on prend des pensionnaires, c'est-à-dire outre cela. La Mothe le Vayer le soutient dans cet emploi. Si était peut-être une simple faute d'orthographe pour ci.
3° Au sens de alors il vieillit. Dans cette phrase : lorsque César eut entendu cette nouvelle, si se prépara, il vaudrait mieux supprimer si, et dire il, observait encore Oudin (Gr., 301).
4° Au sens de et pourtant, si est admis par Maupas : Vous me blasmez, Si fay-je mon devoir. Jean ne sçait rien, si a il esté longtemps à l'escole (126). Mais Oudin le condamne. Vaugelas accepte mais si il, 138), au contraire il refuse et si (II, 176), et confirme ainsi la sentence d'Oudin. Il rebute la phrase : j'y ay fait tout ce que j'ay peu, j'ay remué ciel et terre, et si je n'ay peu en venir à bout (I, 176). Chapelain acceptait cette forme de parler.
Les exemples en sont encore nombreux au XVIIe siècle ; et si est fréquent, mais on trouvé également la forme simple si 1 : Desjà par ton ingratitude j'ay perdu le juste loyer du bien que je t'ay faict, et si ay perdu mal-heureusement l'honneur de ma pudicité (Fleurs de l'éloq. fr., 31); vous ne dormez non plus qu'un lutin, et si vous ne laissez point dormir les autres (Com. prov., A. th. fr., IX, 23) ; je ne veux plus aimer, Et si je veux qu'on m'aime (Com. de Chans., A. th. fr., IX, 177) 2.
1. Si faut-il est commun chez Loret, mais c'est une formule analogue à si est-ce que (20 janv. 1657, v. 11, 2 déc. 1656, v. 208, 9 oct. 1660, v. 8, etc.).
2. Cf. Gar., Doctr. cur., 282 ; Chap., Guzm. d'Alf., III, 270, et encore : Vous parlez comme un Scipion, Et si vous n'estes qu'un pion (Rec.de Rond, de div. Aut., 1639, 20); Si vous veux-je pourtant remettre bien ensemble (Corn., 1,243, var., v. 1700 de Mélite) ; je les chante et si je ne sçay pas la musique (Faret., Rom.bourg., I, 5); cf. Rotrou, Célim., II,3; Bensserade, Ball. de Cass., 3e entrée ;Id., OEuvr., 1697,1, 343; St-Amant, 11,464; Gombauld, Epigr., 173 ; Richer, Ov. bouf, 483 ; la Critiq. du Tart., sc. 5 ; Pascal, Pens., II, 123, éd. Molin. ;Montfleury, Ambigu com., 1er interm., 2 ; Id., Gentil. de Beauce, III, 8 ; Poisson, B. de la Crasse, sc. 5 ; Scarr., OEuvr., 1,348,350, 359 ; Regn., Divorce, I,7 ; Fet. impr., 4; Menech., IV, 5 ; Quinault, La Mère coq., III, 1. Pour montrer par les exemples d'un seul auteur quel usagé on fait encore de et si, je citerai Racan : Mes maux envenimés gagnent par tout mon corps... Et si tous les malheurs dont je suis
Histoire de la Langue française. III. 24
------------------------------------------------------------------------
370 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Si, dans le sens d'adeo, renforce encore très, mais cela est rare dans les écrits vraiment littéraires : dents de fer qui mordent si tres fort la piece (R. Franc., Merv. de Nat., 203). Au contraire si très est commun chez les burlesques : si très finement atournées (Loret, 10 fév. 1663, v. 70) ; Mais la finance est si tres-rare (Id., 7 janv. 1652, v. 113 ; cf. 1er sept. 1652, v. 107 ; 21 fév. 1654, v. 148, etc.) 1.
Somme. — Il est encore employé concurremment avec en somme. Mais Vaugelas déclare que, pour écrire purement, on ne se sert plus de l'un ni de l'autre, ni non plus de somme toute (I, 93).
Souvente fois 2. — Maupas (344), Oudin (Phrases, 55, et Gr., 272) le donnent sans observation ; il est mentionné à côté de souvent par Nicot et Monet. C'est un mot très employé encore. Voir Garasse (Doctr. cur., 118) ; d'Ouville : Ce laquais... étoit fort en exercice à luy servir souventes fois à boire (Cont., II, 186) ; Mairet : L'un perd souvente fois ce que l'autre conserve (Soph., IV, 4). Cf. : pour la vérité que souvente fois je persuade à plusieurs (Disc., 1614, V. H. L., IX, 138). Vaugelas l'avait jugé vieilli dans une remarque qu'il ne publia pas (II, 459) ; souvente fois semble ne s'être conservé plus tard que chez les burlesques 3.
Subit. — Il est encore fréquent au XVIe siècle. On le retrouve dans Marot :pour veoir subit les fautes (I, 255), dans Grévin : Subit les verrez renfrongner (Les Esbah., III, 1, A. th. fr., IV, 270), dans Rabelais (II, 424). Nicot le donne encore à côté de subitement, mais Oudin, dans sa Grammaire, ne cite que subitement, qui le remplace désormais (Gr., 272; cf. Phr., 55).
menacé Ne me sont point sensibles (II, 118) ; Les rochers les plus durs respondentàma voix, Et si je nevoy rien ny ne puis rien entendre (I, 122) ; mon Roy voit ses villes désertes... Et s'il n'a point tant d'ennemis Comme j'en porte dans mon ame (I, 171); Voicy, au bout de deux ans, ce que vous deviez recevoir dans quinze jours, et si je ne prétends pas estre obligé de vous faire des excuses de ma longueur (I, 311).
1. On trouve si précédé de pour : Une Damoiselle vertueuse doit tousjours avoir mauvaise opinion de ceux qui luy parlent d'amour, pour si respectueux qu'en soient les termes (Clytie, II, 187).
2. Très usité au XVIe siècle (v. Palsgr., 144; R. Est., 74; Cauchie, 1570, 195; cf. Rab., I, 86; Marot, I, 56; Du Bellay, I, 426; Rons., IV, 398; V, 174; Meigret, Off.Cic, 32).
3. Souventesfois je me suis veu... recherché par quelques pauvres gens (Chap., Guzm. d'Alf., III, 472); Et quitoujours, du moins souventes fois (Scarr., Dern.oeuv., I, 184);ma Philosophie Souventesfois me fortifie (Id., OEuvr., 1,273); Souventefois [dire j'entans Que, leur ame êtant my-partie D'intérêts et d'antipatie, Ils s'acordent réelement (Loret, 1er févr. 1653,v. 188-191); Maizon délicieuze et gaye, Qui de nos Reines et nos Rois Est le séjour souventefois (Id., 6 octob. 1657, v. 31-34); La Reine qui, dans tout le Monde, En bonté n'apoint de seconde, Et qui, soit d'honneurs, soit de bien, Comble souvente-fois les siens (Id., 29 déc. 1657, v. 279-82); L'Ouvrage mien, Lequel ne devroit valoir rien, Et que, souvente fois je gale, Pour le faire avec trop de hâte (Id.,20 déc. 1659, v. 5-8).
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 371
Au surplus. — Il était courant au XVIe siècle. Il est encore donné par Nicot et Monet, par Maupas (365) et Oudin (Gr., 298 et Phr., 56). L'Académie l'avait jugé bas (Obs. sur le Cid, I, 6, Corn., XII, 487) ; mais La Mothe le Vayer, dans l'Eloquence françoise, se moque de ceux qui le condamnent, et Vaugelas n'oseplus le biffer, il dit seulement qu'il est plus sûr de s'en abstenir (Préf., 34); dans le corps des Remarques (II, 107), revenant à la question, il déclare qu'il n'est point dans le bel usage, bien qu'on en ait grand besoin pour commencer les périodes. La Mothe le Vayer persista à le défendre (65), de sorte que la discussion dut être reprise plus tard.
Tandis1. — Maupas (343), Oudin (Gr., 272, Phr., 56), le donnent sans observation. Malherbe l'emploie : Tandis la nuit s'en va (I, 17, v. 358) ; Tandis le temps faisoit mûrir (I,124, v. 265). Les exemples en sont abondants partout 2.
Corneille en fait un fréquent usage dans ses Comédies (I, 450, Veuve, v. 1019 ; II, 294, Pl. roy., v. 1376 ; II, 31, Gal. du Pal.,v. 244, etc. ; Cf. M.-L., Lex., II, 368). Il l'a même mis dans Horace (III, 333, v. 1155), et jusque dans Othon ( VI, 610, v. 809). Vaugelas le condamne formellement : « il ne se doit jamais dire ni écrire qu'il ne soit suivi de que » (I, 141). Il constate cependant qu'il y a « une grande affectation de ce mot » chez la plupart de ceux qui parlent en public, ou font profession de bien écrire. Pour Patru, en effet, tandis est plus net que pendant (I, 142). Aussi Corneille ne s'est-il pas corrigé, l'exemple d'Othon est de 1664. De même, après lui, Quinault en usera souvent (les Rivales, I, 2 ; la Comédie sans Comédie, I, 1 ; I, 4 ; l'Amant indiscret, I, 1) 3.
Tant moins. — Il est dans Rabelais (I, 267) et dans divers textes du
1. Fréquent au XVIe siècle. Il est donné par Rob. Estienne (74). On le retrouve dans Marot : Tandis les mains ... l'ont vestu (II, 97; cf. II, 115) ; dans Ronsard (III, 45, 51, etc.; cf. M.-L. Lex., II, 346), et chez tous les poètes du XVIe siècle.
2. Tandis un de ceux qui estoient presens hausse la voix disant (d'Audig., Six nouv., 48); tandis survint un chevalier Catalan de la, famille des Cardones (Id., ib., 87); tandis un page s'approche de Dom Antoine (Id., ib., 141); tandis les autres sont tout le jour à lamenter leur misère et leur pauvreté (Lett. de Phyll., 2° part., 559); Tandis le cocher fouetta ses chevaux (Sorel, Berg. extr., l. II, t. I, 90); et tandis Acaste faisant tout son possible pour... voyant qu'il estoit impossible, se résolut de le suivre (Mêlante, 1. I, 97) ; et tandis la vieille tansant l'autre de ce retardement (ib., 1. I, 59) ; mais tandis se promenant par la chambre (ib., I, 60) ; d'autres s'en coururent tandis chez Dorante (Orph. de Chrys., I, 218) ; Essayez donc tandis A le desennuyer (Mairet, Sylvie, p. 62, v. 753-754 ; cf. p. 67, v. 817) ; tandis, le temps s'escouloit insensiblement (Caq. de l'Acc, 92).
3. En tandis se trouve parfois au XVIe siècle pour tandis : en tandis les deux compaignons (Nic. deTr., Par., 31 ; cf. Id., ib., 151). Au XVIIe siècle, il cède la place à tandis, mais il ne semble pas encore tout à fait mort en 1606, puisque Nicot fait observer que d'après certains la forme entière est : en temps di.
------------------------------------------------------------------------
372 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
XVIe siècle. Il ne semble pas avoir été d'un usage bien courant au XVIIe siècle. On le retrouve cependant dans Malherbe : Tant plus je sentirai sa puissance,tant moins je la reconnoîtrai (11,448), dans Balzac : Tant plus il y aura de bienheureux dans le ciel, tant moins il restera de gens de bien sur la terre (I, 348).
Tant plus. — Il est employé par tout le monde au XVIe siècle, il est fréquent jusqu'au XVIIe (v. Lex. de Malh., 623 et 624) ; Corneille l'emploie : Et je le connais moins, tant plus je le contemple (IV, 307, Suite du Ment., v. 335); Tant plus il t'enrichit et tant plus tu hasardes (VIII, 224, Imit., II, v. 996)1.
La locution tant plus, donnée encore par Oudin (Gr., 29.5), est blâmée par Vaugelas, qui la juge de « vieille mode » ; il veut remplacer tant plus répété par plus... plus (I, 98). Pour La Mothe le Vayer supprimer tant, c'est mener la langue à sa ruine (36) 2.
Tout plein. — La locution tout plein de déplaisait à des « éplucheurs de phrase», qui en « faisoient l'anatomie » ; Vaugelas, tout compte fait, préférait « se laisser emporter au torrent » et en user, mais il ne publia pas cette remarque (II, 474).
Tout plein est très usuel : Phagomart ancien Berger, qui avoit tout plein de, crédit (Diane des bois, 43 et souv.) ; et même il lui raconta tout plain de particuliarités (Prise du cap. Car., 1622, V. H. L., IX, 272) 3.
Tout de mesme. —Vaugelas le trouve fort bien dit, quand on n'y ajoute pas que, soit pour répondre à une interrogation, soit autrement ; ainsi : L'autre est-il comme cela? tout de mesme. Vous voyez celuylà, l'autre est tout de mesme. Mais on ne doit pas faire une phrase du genre de celle-ci : Celuy-là est tout de, mesme que l'autre, c'est extrêmement bas, et du dernier de tous les styles (II, 340-41). En vain La Mothe le Vayer protesta (86 ; cf. Th. Corn., II, 341). L'Académie confirma cette sentence.
1. Cf. Car tant plus j'en goustois...Et tant plus, contre ma coustume, S'augmentoit en mon coeur le désir d'en gouster (St-Amant, I, 111); tant plus on les regarde, tant plus elles s'aggrandissent (R.,Franç.,Merv. de Nat., 185) ; Mais plus aux factions que je voy projetter Je demeure insensible, et tant plus ma bonté Semble les irriter (Racan, II, 119) ; Tant plus je me soumets au pied de ses autels, Tant plus je me rabaisse audessous des mortels, Plus je voy ma grandeur estre au-dessus des anges (Id., II, 401); Mais tant plus je m'efforce k les combler de biens, Plus s'augmentent leur haine et leur ingratitude (Id., II, 108); la sallade estant tant plus agreable, qu'il y a de diversitez d'Herbes qui la composent (Jard.fr., 233). On le retrouve aussi dans d'Ouville (Contes,, II, 332), dans Scudéry. (Poés. div., 253), dans Scarron (Dern. oeuvr., I,189).
2. Cf. Bary, Rhét., 1678, 259.
3. Cf. plein une cuillère d'argent (Dél. de la Camp., 86) ; Et des Flèches plein un Carquois (Scarr., OEuvr., I, 433).
------------------------------------------------------------------------
L' ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 373
Très. — La locution plus que très disparaît. Vous estes belle plus que très (Corn., X, 174, Poés. div., 6).
Traîtreusement. — Vaugelas avait fait une longue remarque contre cet adverbe (II, 466). Il croit impossible de tirer un adverbe de traître. Malherbe avait cependant dit traîtrement : Le tuer... traîtrement, c'est mettre le crime si haut qu'il ne puisse aller plus avant (I, 353).
Un petit. — Il est encore en plein usage. Mais un petit peu est considéré par Oudin comme un mot qui « se dit aux frontières et qui n'est point à propos » (Gr., 279).
Voire 1. — Au XVIIe siècle, Du Val note que cet adverbe, « bien que fort propre, est fort difficile à entendre» (Esch. fr., 263). Patru déclare qu'il n'est plus en usage; Oudin le juge trop vulgaire (Gr.\ 284) ; mais Mlle de Gournay, le voyant employé par les meilleurs écrivains, prend sa défense (O., 591). On le trouve chez Malherbe (1,247; II, 24 et 80); Régnier (Sat., III) ; d'Urfé (Astrée, 1614, II, 94) ; le P. Garasse (Doctr. cur., 970, 971) ; L'Orphyse de Chrysante (1. I, 209); Sorel (Polyand., II, 546) ; Corneille (VI, 360, Sertorius, Au lecteur) ; Bourg, poli, (V. H. L., IX, 157; cf. V, 303); Balzac (I, 231) 2.
Voire même. — Donné par Oudin dans ses Phrases (64), il est banni par Vaugelas, qui « ne le condamne point aux autres », mais ne voudrait pas s'en servir, car on ne le dit plus à la Cour (I, 110). La Mothe le Vayer soutient cette expression que, d'après lui, les plus éloquents hommes du siècle ont employée (38). Elle est commune dans les textes : Mais faut-il que... cest espoir... me tente jusques à la dernière heure? Voire mesme qu'il me survive en me faisant espérer ? (Fleurs de l'éloq. fr., 13).
Voirement. — Il disparaît aussi. Malherbe l'employait encore (II, 186, 223), et Vaugelas, dans une remarque non publiée, le jugeait fort bon (II, 438).
Voici enfin une liste d'adverbes et de locutions adverbiales blâmés plus ou moins nettement par Oudin dans sa Grammaire. Il en est qui sont encore cités par Maupas sans aucune observation, et parçon1.
parçon1. vivant au XVIe siècle : Marot (I, 22; II, 105, 146, etc.) ; Baïf (III, 191) ; Ronsard (II, 100 ; cf. Lex., M.-L., II, 371) ; Montaigne (1. 1, chap. 3, t. I, 15; 1. I, ch. 4, t. I, 25 ; 1. II, ch. 12, t. IV, 3, etc.).
2. On le retrouvera aussi chez les burlesques: Scarron (Virg., II, 256). Cf. Ils ont en extrême abondance, Des Gens si lestes, si parez, Clinquantez, brodez et dorez. Et voire, jusqu'au moindre Page, Qu'on n'a jamais vû d'équipage, Ny si riche, ny si brillant (Loret, 21 juillet 1657, v. 22-27) ; Les pauvres Flamans êperdus, Ayans ces discours entendus, En leur langage dizent « Voire, Vous nous en faites bien acroire » (Id., 28 sept. 1658, v. 245-248).
------------------------------------------------------------------------
374 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
séquent admis par lui; je les fais suivre de l'initiale M et du numéro de la page de la grammaire de Maupas : d'abordade (Oud., 274, M., 344 ; cf. Hardy, Gesippe,v. 152), d'abordée 1 (Oud., 274), alternativement (Oud., 298, M., 362), d'arrivée 2 (Oud., 274, M., 344), aussi conjointement (Oud., 299), au bout de tout (Oud., 300), en cependant (Oud., 271), chacun sa fois (Oud., 275), cinquiesmement (Oud.,274), continuëment (Oud.,270), à costiere (Oud., 262), à demeurant (Oud., 298), de par ensus (Oud., 298, M., 365), à l'entour, tout à l'entour (Oud., 263), envy (Oud., 297); de fait advisé, de fait a pens (Oud., 282), d'heure (Oud., 270), d'icy à un peu (Oud., 270, il faut dire: d'icy à peu, d'icy à tout temps), à l'instar (Oud., 295), d'intrade (Oud., 274), de jour à jour (Oud., 275), au jour à la journée (Oud., 271) 3, maugré (Oud., 297), en outre (Oud., 298), parfois (Oud., 271, 276, 298, M., 365), par laps de temps (Oud., 272), à part moy, soy, toy (Oud., 299, M., 365), à cette pièce (Oud., 266), le passé (ne se met point, il faut par le passé, Oud., 268); il y a bonne piece (est vulgaire, Oud., 267), pied à pied (Oud., 280, M., 349, 363), de pied à pied (Oud., 299), prestement (Oud., 283), quantesfois (Oud., 276), quartement, quatriesmement (Oud., 274), quintement (ib.), de relevée (Oud., 270), en retour (Oud., 298, M., 362), sextement (Oud., 274), à soir (Oud., 269, M., 343), à suffisance (Oud., 278), ce temps pendant (Oud., 271, M., 343), à tousjours (Oud., 273), de tousjours (Oud., 273), à la tournée (Oud., 275).
FORMES DE DIVERSES LOCUTIONS
A, suivi d'un article et d'un adjectif, féminin s'emploie toujours très librement pour faire des locutions adverbiales : boire à l'allemande (Maynard, OEuv., 1646, 211) ; à la cavalière (Furet., Rom. bourg., II, 73), auquel s'oppose à la pédantesque (Bezançon, Les Médec. à la cens., 205). Dans Scarron, le casque de l'illustre Romule porte deux cornes à la fantasque (Virg., II, 182). Le P. Garasse reproche aux grammairiens de son temps d'affecter des noms à la Payenne (Doctr. cur., 1019-1020). Cf. encore : une chaisne d'or à la soldatte (Chapel.,
1. On disait aussi au XVIe siècle : à l'abordée (Du Vair, 358, 21). Littré donne des exemples de d'abordée, trouvés dans St-Simon : on fit marcher les régiments au village de Nerwinden qu'ils attaquèrent d'abordée avec fureur (12,137 ; cf. Id., 175, 77).
2. Cf. ces exemples de d'arrivée, donnés par Littré : il n'y a point de doute.... que d'arrivée vous ne portiez de l'étonnement où vous passerez (Malh., II, 200-201) ; Après tous ces propos qu'on se ditd'arrivée (Régnier, Sat., VIII), M. de Vendôme fait donner ses troupes d'arrivée (St-Simon, 204, 234).
3. Au jour la journée a été relevé par Littré dans Vaugelas et dans Mme de Sévigné.
------------------------------------------------------------------------
L'ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES 373
Guzm. d'Alf., III, 511) ; s'étant paré à la soldatte (Scarr., Dern. oeuv., I, 158) ; avec des caudebecs furieusement retroussez a la mauvaise (Dub. Mont., A., 18).
Sont acceptées par Oudin : a bouchetons (281), à chevauchons (ib), à mal-aise (297), à belles ongles, à double carillon (282), à la foule (275), à porte ouvrant, à porte fermant (269) ; à soleil levant, à soleil couchant (ib).
Il suffira de se reporter au chapitre de la syntaxe des prépositions, si l'on veut comprendre pourquoi un très grand nombre de locutions adverbiales hésitent entre deux prépositions différentes. S'agit-il d'exprimer le temps, on trouvera à, en, de, par : Et vis à mesme jour De ce Dieu tout-puissant menasser et reluire Le courroux, la bonté, la justice et l'amour (Racan, II, 38) ; Charment à mesme temps et l'esprit et la veuë (Mairet, Sylvie, 33, v. 314); Segrais(Nouv. fr., Ie nouv., 137) emploie à ; ailleurs il met en (4e nouv., 167) ; cf. il le prit par un bras, et au mesme temps, il passa un homme (Sorel, Polyand., I, 125).
Même chose quand il s'agit de la manière : tout à bon est en concurrence avec tout de bon : « Je brise là, écrit Balzac à Conrart, et vous dis, tout-de-bon, ou tout-à-bon, que si vous n'estes très persuadé de mon innocence et de ma bonté, je suis resolu de brusler toutes mes plumes, et tous mes papiers» (15 avril 1652 ; cf. tout à bon St-Am., II, 395; Segrais, Nouv. fr., Ie nouv., 281). Tout à un coup et tout d'un coup se rencontrent, sans qu'on fasse grande différence entre eux. Comparez encore au contraire et du contraire 1.
Il est plus surprenant à première vue de trouver ce même échange de prépositions dans des expressions marquant le lieu : me voyant tourner la teste à costé (Astrée, 1614, II, 403 ; cf. 848). A côté en ce sens était usuel 2.
1. La même observation doit naturellement être faite sur les locutions prépositives; de force de rire se dit aussi bien que à force (Astrée, 1614, II, 766).
2. Je ne dis rien des mots négatifs. J'ai déjà marqué (II, 379) la décadence de ceux qui devaient disparaître. On ne les retrouve au XVIIe siècle que là où ils peuvent fournir des rimes faciles ou burlesques. Loret fait un usage immodéré de mie.
Nenni semble un peu moins compromis. Mais, si des grammairiens attardés, comme Bernhard, l'acceptent encore, on ne le trouve plus que dans des textes spéciaux, comme chez d'Aubigné ou chez Racan (I, 31).
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE VII LA PRÉPOSITION 1.
PRÉPOSITIONS SUIVIES DE DE
Un certain nombre de prépositions se faisaient suivre ou non de la préposition de. On essaya de fixer la syntaxe.
Près. —Il commence à ne plus se construire sans de. Dupleix enseigne à de Morgues que ce sont les crocheteurs qui disent prez la porte Montmartre (Lum., 320). Vaugelas préfère qu'on dise pres du palais royal, mais il convient que « enseignant un logis à Paris, il est assez ordinaire d'ouïr dire pres la porte St Germain, peut-estre pour abreger. » Il tient du moins que, quand le régime est un nom de personne, il faut de : pres de moy, pres de cette Dame. Au reste, il est mieux, en pareil cas, de se servir d'aupres (II, 72) 2.
Après. — Devant un infinitif, on mettait après à ou après de : La nature est toujours après à produire (Malh., II, 5) ; être après de faire une chose (II, 507) ; Je suis après de les achever (Id., IV, 176; cf. I, 448, II, 641-42, III, 320) 3.
Vaugelas a fait une observation sur ces deux passages (II, 11). Il trouve ces façons de parler basses. Chapelain préférait la première, mais bientôt l'une et l'autre cessèrent de plaire. Thomas Corneille eût même rejeté être après sans infinitif. Cf. Les livres n'en apprennent
1. A consulter quelques ouvrages particuliers du temps : J. de Chabanel, Les Sources de l'Eloquence françoise, Toulouse, J. Colomiès.Ce livre roule sur l'usage des prépositions (B. N., X,13297, Ste Gen., 12°, X, 373, Maz., 20234) ;Ogier, Inventaire des particules françoises (Mazar., 44100); A. Oudin, Petit Recueil de phrases proverbiales et autres locutions. Paris, Ant. de Sommaville, 1646, in-12° (Bibl. Brunot et Mazar., 20279 A).
2. Loret mélange encore près de et près : Prés la ville de Périgueux (Loret, 19 juil. 1653, v. 123) ; Ce fut prés le Port de Toulon (Id., 22 nov. 1664, v. 87) ; Me plaça prés trois demoizelles (Id., 18 avril 1654, v. 43).
On trouve aussi auprès sans de : Lysandre se retirant d'auprès les boutiques (Corn.. Gal. du Pal., I, 7) ; Il en vint un autre d'auprès la Croix-du-Tiroir (Conf. des serv. de Paris, V. H. L., I, 316).
3. Cf. Je veus croire qu'il est apres à travailler à tous ces beaus ouvrages (Let. de Phyll., IIe part, 146 ;) encore dans Regnard : Laissez-moi faire; je suis après à établir une manufacture de glaces exprès pour les vieilles (Regn. et Dufr., La foire de SaintGermain, a. I, sc. XI).
------------------------------------------------------------------------
LA PREPOSITION . 377
rien ; et je m'assure que les Jésuites, que vous me dites être après, en savent aussi peu (Malh., IV, 7). L'Académie sauva la locution.
Hors. — Selon Oudin, il faut dire hors de son sens, hors de la maison. Hors temps est une phrase défectueuse, et nécessairement la préposition hors régit le génitif (Gr., 306).
Cette règle, qui n'avait pas été donnée par Malherbe, ne fut pas confirmée par Vaugelas (I, 218), et elle n'est pas toujours observée, tant s'en faut, pendant le XVIIe siècle: Ils la menoient hors la ville pour l'assommer (Malh., II, 72-73); il n'y a point de contentement hors la jouissance du souverain bien (Id., II, 523); il n'y a point de salut hors l'église romaine (Balz., I, 682) ; Il estoit contraint... de travailler... dans un jardin hors la ville (Vaug., Q. C.,IV, I).
On trouve aussi dehors sans de : Dehors le Royaume (Har. de l'Év. de Montpel., Théât. d'Eloq., 160).
PRÉPOSITIONS PROSCRITES
La préposition ains ne pouvait guère survivre à l'adverbe dans sa chute 1. Elle est blâmée par Malherbe (IV, 354). Ainçois que eut le même sort 2.
A la réservation.— Vaugelas trouve cette phrase « barbare, quoy qu'usitée par certains Autheurs ». Il faut dire : à la reserve (I, 356). Chapelain dit que réservation est un mot qui ne vaut rien qu'au Palais. L'expression n'était ni dans Nicot ni dans Monet.
Amont. — Nicot déclare que « c'est une manière de parler plus fréquente au Languedoc qu'au François, si n'est entre fauconniers ». Oudin considère amont comme un mot normand (Gr., 309). Le mot est soutenu par Mlle de Gournay (O., 956; Adv., 636).
Au défaut de. — Il ne se distingue pas encore de à défaut de: Au defaut d'un baiser recompense ma foy (Mairet, Sylv., p. 27, v. 214; cf.,p. 53, v. 613 ; et Gombauld, Endim., 251).
Au desçu. — Il est cité par Nicot et Oudin (Gr., 306). On trouvé cette locution dans plusieurs auteurs du XVIIe siècle : au déceu de Galathée (Astrée, 1615, I, 285B) ; au desceu d'Agamennon (J.-J. Bouch., Conf., 33). Corneille dit de même: l'une au desçu des siens te montre son ardeur (I, 180, Mél., 641) ; Le Roi...
1. Ains, ains que étaient encore communs dans Marot (III, 15; II, 84), Forcadel (1579, p. 13, v. 1 ; cf. Id., p. 22, v. 26).
2. Au XVIe siècle déjà, on ne le rencontrait guère qu'en vers : feray le chois, D'estre degradé ras, ainçois Qu'estre jamais engariè, Jusques là, que sois marié (Rab., III, 176); Que ne t'es tu au noyr fleuve oublieux Noyé ainçoys qu'avoyr telle memoyre? (Tahur., Blanch. II, 19, son. 21).
------------------------------------------------------------------------
378 L'ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES
Luiveut a son desçu faire couper la tête (I, 366, Clit., vers disparus en 1660); au desçu d'un chacun (I, 411, Veuve, 236; cf. Scarr., Virg., I, 312) 1 ; Au desceu ne vieillit que tout à fait à la fin de notre période.
Aux autours. — « Il est inconnu » (Oud., Gr., 305).
Aval. — Il ne se trouve plus guère sous la forme a vau, que dans quelques expressions : a vau l'eau, a vau de route (Montchr., Aman, a. I, sc. I) ; a vau la ruë (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 175) ; cf. cependant: a vau le plancher (Id., ib., III, 89). Cyrano le met dans la bouche de Gareau (Péd. j., II, 3).
Contremont. — Il est d'un usage courant au XVIe siècle, se trouve dans Nicot et dans Monet. Oudin le juge vulgaire (Gr., 309).
Deçà, delà. — Nous avons vu qu'ils se conservent comme adverbes, quoiqu'ils soient rarement employés. Pour Dupleix, il n'y a point de doute, et il fait là-dessus la leçon à de Morgues: « il faut dire : au deça, au delà des et non de la les mons » (Lum., 321). Cf. Et l'insolence d'Angleterre Avoit au deça de nos bors Porté le Flambeau de la Guerre (Mayn., III, 258) ; La cruauté du trépas Est au deça de ma peine (Id., III, 232). Vaugelas accepte implicitement de là la rivière (I, 384). Il écrit : Tous demeuroient delà l'Hydaspe (Q. C., 485, L.) ; cf. Porter delà les mers ses hautes destinées (Corn., III, 136, Cid, v. 542). Ce sera l'usage classique, au moins pour delà : Un rimeur sans peril, delà les Pyrénées (Boil., A. poet., III).
Dessur. — Cette forme est blâmée par Oudin : dessur ne s'écrit point (Gr., 311), il donne dessus (v. à sus).
En fait, on la trouve écrite : Veillant sans repos dessur nos actions (Gillet de la Tessonn., L'art de régner, 37).
De dessus. — Non mentionnée par Maupas, cette locution est dans Oudin (Gr., 311) ; Nicot et Monet ne la citent point, sans doute par oubli. Malherbe barre de dessus, qu'il n'emploie qu'en prose (cf. Doctr., 478). Il est douteux qu'il ait voulu proscrire entièrement cette forme.
Devers. — Malherbe déclare qu'il ne dirait point : l'Aurore est arrivée devers l'horizon, mais sur l'horizon.
Quand devers signifie auprès de, il veut le remplacer par à (cf. Doctr., 478; Maupas, 367; Oudin, Gr., 311 ; Phr., 22). Nicot, Monet donnent devers sans observations ; mais Vaugelas dit que la préposition devers est abandonnée par les écrivains modernes, soucieux de beau langage, vers doit remplacer devers (I, 285).
1. Cf. Au desceu de mes parens (d'Audig., Six Nouv., 5); au desceu de tout le monde (Clytie, II, 172); au desceu et sans le consentement de l'auteur (Lett. de Phyll., II° part., 55).
------------------------------------------------------------------------
LES PRÉPOSITIONS 379
Malgré cette condamnation, devers vivra encore longtemps au XVIIe siècle. On le trouve partout avec le sens de vers : Delibera de s'en retourner devers son Père (L'Orph. de Chrys., l. II, 350); et se tournant devers ceux qui estoient venus (d'Audig., Six nouv., 112); se tournant devers moy (Cont. et Mescont., V. H. L., V, 347) ; cf. Corn., II, 147, La Suiv., v. 405 ; Trist.l'Herm., Vers Hér., 73 ; Cléobuline, 184 ; Racan, I, 39 1.
Droit à droit. — Cette locution est donnée par Maupas (367). Mais Oudin déclare qu'elle n'est point en usage (Gr., 306).
Emmi. — Il était fréquent au XVIe siècle, Maupas l'admet (367) ; de même Nicot et Monet. Mais Oudin déclare emmy vulgaire (Gr., 311), et Mlle de Gournay prend sa défense (O., 956 ; Adv., 636). Vaugelas, qui lui reconnaissait de la force et de l'énergie, le donnait dans une remarque posthume, comme un mot populaire, et « qui ne vaut rien du tout à escrire » (II, 437) 2.
Dans les textes, emmi est rare. Je citerai Malherbe (I, 457 ; II, 15, 87, 329, 469) ; R. François (Merv. de Nat., 91): si ce n'est emmy l'air. Cf. : le pauvre corps fut trouvé emmy la place avec une grosse fievre (Le Cour, de Nuict, 151); Faizons un tour emmy la place (Loret, 18 janv. 1659, v. 94 ; cf. 8 août 1654, v. 81 ; 23 sept. 1662, v. 201).
Encontre.—Il est dans Maupas (367). Le texte d'Oudin est douteux: Il dit que encontre ne se met point seul (Gr., 310). Le mot est donné par Nicot et par Monet. Mais, dès le XVIIe siècle, il semble avoir été rarement employé par les auteurs. On le trouve chez Régnier : Ne se pouvant munir encontre tant de maux (Sat., XIV).
En 1639, il sert à faire du vieux langage dans un rondeau: Si je voulois encontre ce beau Sire, Lascher les traits que décoche mon ire (Rec. de rond, de div. aut., 1639, 45) 3.
1. Les burlesques et les comiques s'en servent souvent : Chacun d'eux, plus vite qu'un dain, Devers luy s'avança soudain (Loret, 20 mai 1656, v. 137-8).
Elle est également employée par Molière, Racine, La Fontaine, la Rochefoucauld et Boileau, mais visiblement comme archaïsme.
2. Sorel a une opinion curieuse à citer, à propos de cette phrase : « Ne voulez vous pas que nous achetions chacun un troupeau pour l'aller garder emmy ces champs? » (Berg. extr., I, 216) : « Si Lysis demande à ses compagnons s'ils veulent garder un troupeau emmy les champs, je ne sçay si c'est là que quelques personnes veulent dire qu'il y a du Parisien : mais je leur appren que ce mot, emmy, est en usage partout, et que le mot de parmy, ne conviendroit pas si bien en ce lieu : car l'on ne s'en doit servir que pour parler de quelque chose qui est meslée parmy un autre : mais, emmy sert quand l'on veut parler de ce qui est estendu ou respandu quelque part. Tous ceux qui escrivent des Livres ont un particulier interest à ne laisser perdre aucun de nos mots, afin d'en avoir de divers pour chaque chose. L'on me demandera d'où vient ce mot, emmy : mais d'où vient ce mot de parmy, et d'où viennent tant d'autres? » (Ib., III, 121, Rem. sur le 3e liv. du Berg. extr.).
3. Cf. Sarasin, OEuv., II, 49 : Toy que le sort encontre toy ligué ; et Loret, 5 août
------------------------------------------------------------------------
380 L'ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES
A l'encontre de. — Cette locution est donnée sans observation par Maupas (367), par Oudin (Gr.,305), par Nicot et par Monet. Vaugelas la condamne aussi bien comme préposition que comme adverbe. Comme préposition, elle est purement un terme du Palais. On ne doit donc pas l'employer (I, 393).
On la trouve quelquefois chez les burlesques: Rien ne sert, allencontre d'elle, D'avoir la mine noble et belle (Loret, 2 février 1658, v. 49). Je l'ai aussi, mais rarement, rencontrée ailleurs (Cél. et Maril., 134).
Endroit.— Il «ne se trouve point» (Oud., Gr., 312).Vaugelas ajoute que ces façons de parler : en vostre endroit, en son endroit, à l'endroit d'un tel ne sont plus du beau langage. Il faut employer envers (I, 434). Cette locution est fréquente dans les textes. Après Malherbe (II, 434-5), Corneille dira encore : Et le peuple, inégal à l'endroit des tyrans (III, 395, Cin., 255) 1.
Ensemble. — Au sens de avec, il est tout à fait rare : Il l'avoit fait mettre prisonnière, ensemble celuy qui l'enmenoit (Caq. de l'Acc. ,110).
Ensuite de. — Cette façon de parler est françoise, et ordinaire, mais elle ne doit pas être employée dans le beau style (Vaug., I, 266). Patru ne partageait pas cet avis.
Entour de. —Il est cité par Nicot et Monet. Entour d'elle n'est point en usage (Oud., Gr., 306).
Eu égard. — Il n'est plus guère en usage (Oud., Gr., 304).
Faute de, à faute de, par faute de. — Ils se disent tous trois, et Vaugelas les accepte indifféremment. Cependant le meilleur est le premier; vient ensuite à faute. C'est aussi l'avis de Patru (II, 202).
A faute de n'est pas rare, mais néanmoins va se perdant : « Je
craignois que les araignees ne fissent leurs toiles sur mes machoires
à faute de les remuër, et d'y envoyer balayer à point nommé » (Sorel, Francion, liv. III, 179) ; Lorsqu'à faute de grands exemples... On peuploit de monstres les cieux (Racan, I, 144) 2.
Fors. — Oudin juge que fors et fors que sont antiques et vulgaires (Gr., 312). Cependant Malherbe admet implicitement fors, puisque dans ce vers de Desportes : Fors du mal qui t'afflige et l'ennui de
1663, v. 150: Quoy que je sois trés-irascible Encontre iceux Mahométans ; (cf. 11 sept. 1660, v. 250).
1. Cela m'a peu obliger en son endroit (Astr., 1614, I, 104). Cf. : Les plus sages pères sont fous à l'endroit de leurs en fans (Gar., Doctr. cur., 114) ; si ton Zele... ne t'excusoit en mon endroit (Id., ib., pref. à ij); veu l'infidélité et la trop ingrate ingratitude dont tu uses en mon endroit (Fleurs de l'éloq. fr., 36 b); cf. Le courtis, parf., 25.
2. Cf. manque de (Richer, Ov. bouf., 560).
------------------------------------------------------------------------
LES PRÉPOSITIONS 381
n'avoir., il le conserve : fors le mal qui t'afflige (IV, 397 ; cf. Doctr., 480).
Vaugelas déclare que fors se disait autrefois en prose et en vers pour hors-mis, mais qu'il est banni de la prose, et qu'il n'est plus guère employé que par les poètes (I, 398). A qui rien, fors l'Amour, ne put estre contraire (Régn., Élég., V). Cf. fors la seule misere (Montchr., LaCarth., 116); fors leur race bastarde (Id., ib,, 129); Qui le pratique ainsi fors que les seuls Gregeois? (Id., Hector, 7); il n'y a rien qui ne me soit supportable, pourveu qu'il vienne de vous, fors vostre mespris (Balz., I, 94); Il me passoit en tout, fors en fidelité (Racan, I,138); Je le veux imiter (Montaigne) en toute chose, fors à mettre le titre (Id., I, 320).
Jouxte 1. — Il est donné par Maupas (367). Oudin (Gr., 312,263) le déclare vieux. Longtemps encore, il se conservera dans l'expression de librairie : jouxte la copie (Balz., II, 695).
Long. — Parmi les prépositions qui régissent le génitif, au long pour auprès est vulgaire, selon Oudin (Gr., 306). « Les uns disent le long de la riviere, les autres du long de la riviere et les autres au long. Tous les trois estoient bons autrefois, mais aujourd'huy, il n'y en a plus qu'un qui soit en usage, à sçavoir le long de la riviere » (Vaug., I,282). Cf. : Elle alla du long du quai des Augustins au bout du pont Saint-Michel (Malh., III, 468) ; tout du long des prés coule un ruisseau (Id., II, 463).
Lors de. — « Lors de mon partement, lors de ma maladie et autres phrases semblables ne sont pas fort excellentes» (Oud., Gr., 271). Vaugelas condamne également lors avec un génitif: « lors de son election pour dire quand il fust eleu, n'est gueres bon, ou du moins gueres elegant (I, 206) ». Il reconnaît cependant que lors de est employé, parce qu'il évite des tours trop longs. Ce jugement est ratifié par Patru.
Paravant. — Il ne plaît pas plus comme préposition que comme adverbe. On n'en trouve que de rares exemples : paravant les sacrifices (Mélante, l. I, 65) 2 ; Paravant qu'immoler les désirs de mon coeur (Mayn., I, 120).
Pendant. — Il s'est trouvé des gens pour condamner ce mot à
1. Est encore fréquent au XVI° siècle : jouxte la loi (Mar., I, 278, L.) ; jouxte le dire de mon voisin Baudet (N. du Fail, Prop. rust., I, 48); jouxte la nef (Amyot, OEuvr. mor., 37 B).
2. Les burlesques l'affectent, particulièrement Loret: Prétend bien en tirer rai. zon Paravant l'ariére-saizon (23 août 1659, v. 142-143); Paravant ce travail, son coeur Sentoit deja quelque langueur (Id., 20 sept. 1659, v. 233-234) ; Enfin,paravant son départ (Id., 8 nov. 1659, v. 155) ; Et l'on prétend que ses Guerriers Dignes de chapeaux de lauriers, Paravant la fin de l'année, Seront vainqueurs de la Canèe (Id., 30 oct. 1660, v. 211-214 ; cf. 30 août 1664, v. 67-68).
------------------------------------------------------------------------
382 L'ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES
cause de pendant d'épée, ou sous le prétexte que cependant ressemblait à ce pendard. La Mothe le Vayer leur a dit leur fait (I, 440), et Vaugelas a accordé que cela n'était que juste (I, 33).
Pour. — Vaugelas s'étonne que beaucoup de gens à la Cour disent pour afin de, qui est une tournure barbare, il faut supprimer pour ou afin : J'ay dit cela afin de luy faire connoistre, ou pour luy faire... (II, 313).
Premier que de 1. — Cette locution, donnée par Nicot et par Monet, est très fréquente chez Malherbe : Premier que d'avoir mal ils trouvent le remède (I,13); il se faut préparer à mourir premier qu'à vivre (Id., II, 492), etc. Oudin la trouve un peu rude (Gr., 270). Elle est blâmée par Vaugelas comme une façon de parler ancienne, dont n'usent jamais ceux qui ont quelque soin de la pureté du langage (I, 200). Chapelain en parle aussi dans une lettre : Premier que pour avant que a été du bon usage, mais il ne l'est plus, et M. de Vaugelas a raison, du jugement de l'Académie à qui je l'ay proposé (Lettre à M. Brieux, 3 juin 1659). Cf. Chevr., Rem. s. Malh., 20.
Les exemples ne manquent pas. On remarquera que la forme y est tantôt premier que, tantôt premier que de : premier qu'entrer dans la maison se mit à genoux (Mélante, l. I, 58) ; Je luy monstreray donc, en mourant premier qu'elle, Que je suis courageux autant comme fidelle (Racan, I, 101) ; premier que d'auoir achevé (Camus, Divers., I, 320 r°). A partir de 1650, premier que devient surtout comique et burlesque 2.
Proche de. — Oudin dit que ce mot a « je ne sçay quoy de temps » ; il est proche d'une heure ; mais il préférerait se servir de près : il est près d'une heure (Gr., 264). En fait, proche de n'est pas rare, et cède lentement la place à près de 3. On trouve bien plus tard : « Hé, il loge proches les Escholes » (Hauter., Crisp. méd., III, 2).
Ras à ras. — Oudin (Gr., 306) déclare que cette expression (qui n'est
1. Au commencement du siècle, on trouve encore dans le même sens premièrement que : Laissons icy un peu l'ordre de la Nature qui nous apprend premièrement les mots et dictions que l'accouplement et liaison d'iceux (Du Val, Esch. fr.,139). A noter aussi une phrase comme celle-ci : C'est-là que j'eus ce contentement... Voyant premiere qu'aucune autre paroistre ton Navire (Fleurs de l'éloq. fr., 20 r°).
2. Je ferme donc mon écritoire, Et, premier que manger et boire, Je m'en vais droit à l'Oratoire (Loret, 21 juillet 1652, v. 195-197) ; Car les Moscovites fougueux Ont fait la guerre premier qu'eux (Id.,30 oct. 1660, v. 195-196).
3. Mais imagine-toy... que tu es au milieu d'une furieuse tempeste, proche de voir abismer tes vaisseaux (Fleurs de l'éloq. fr., 35 r°); Il vid proche d'un muid plein de fort bon breuvage (Pièce de Cab., 1648, V. H. L., III, 295); Mainard... estoit logé fort proche de lui (de Malherbe) (Racan, I, 266); ce qui fut cause que ledit Carrefour se rallia avec de mauvais garnimens comme luy, et courut en Lorraine et jusques proches de Francfort (Exéc. du Cap. Carr., V.H.L., VI, 323).
------------------------------------------------------------------------
LES PRÉPOSITIONS 383
citée ni par Nicot ni par Monet) n'est point en sa connaissance. Cf. puis ayant osté les plus grosses, on couppe les moindres par dessus raze à raze du foin (Dél. de la Camp., 134).
Rière. — Maupas (367) ne fait aucune observation sur rière. Oudin juge ce mot antique (Gr., 313). Monet le donne encore, mais il ne semble pas avoir été très employé au XVIIe siècle.
Sauf. —S'il faut en croire Mlle de Gournay, il aurait été condamné par la nouvelle École (O., 959 ; Adv., 638) ; Nicot, Cotgrave, Monet, Oudin le donnent.
Sus. — Il est dans Nicot, Monet et aussi dans Maupas (367). Oudin (Gr. ,313) donne la forme sur, et n'admet sus que dans l'expression : courir sus à quelqu'un. Vaugelas, dans les remarques u'il n'a pas publiées, recommandait d'employer sur pour sus, sauf dans l'expression sus pied (II, 453).
En voyant qu'avec préférence Ledit néveu de l'Eminence L'avoit obtenu par sus luy, Il en conceut si grand ennuy (Loret, 14 juil. 1652, v. 47 et suiv.) Cf. Ces tresses, par surtout, sources de vos destresses, Qui m'ont tant irrité, trouveront des mais tresses (Remonst. aux Fem. et Fil.,V. H. L., t. IV, 364).
Vu. — Ce mot est encore considéré quelquefois comme un participe variable : veues les reproches qui luy furent faictes au Synode (Gar., Rab. réf., 32); je m'estonne, veuë la grande sympathie d'humeur qui est entre vous (Id., Doctr. cur., 216) 1.
1. J'ai marqué au tome II, 382-383, que voici, voilà étaient décidément devenus des mots composés. Oudin déclare que voy-le cy, voy-le là sont de mauvais arrangements (Gr., 297).
Les Merveilles de Nature sont un des derniers textes, où cet « arrangement » soit commun : Voile-là ce Caïn avec un visage farouche (498); voyez-là ce Cupidon de fer pendu à un rien, et estranglé sans corde (461); voyez, je vous prie, comme ces Dauphins follastrent dans ces bouillons d'eau qu'ils souslevent, comme ces oyseaux perchez sur ces ramées gazoüillent, voilés-là qu'ils s'envolent (322).
------------------------------------------------------------------------
CHAPITRE VIII.
LA CONJONCTION.
Je me bornerai à noter que, dans deux ou trois cas, on avait conservé la possibilité de séparer par un ou plusieurs mots certaines conjonctions ou locutions conjonctives du que marquant la subordination. Cet usage, en effet, se prolongera plus tard ; on le considérera même comme une élégance, et nous aurons à en reparler. Voici quelques exemples : Puis donc qu'il conste asses suffisamment de son
nom (Disc, de la vie du géant Theutobocus, V. H. L;, IX, 254) ;
Je prie Tautates qu'il les anime de sorte contre moy, qu'ils ne me laissent jamais en repos (Astrée, 1614, II, 66); parce, comme dit St Augustin, que (Pasc, Prov., XVIII, Faug., 229, var.) 1.
CONJONCTIONS PROSCRITES
A ce que. — Cette locution est donnée sans observation par Maupas (378). Oudin dit qu'elle est peu commune parmi ceux qui écrivent nettement (Gr., 303). Monet mentionne encore à ce que dans son Invantaire. On le trouvera dans des textes comme le Jardinier françois : vous luy ferez un Abry, à ce qu'il ne voye le Soleil
1. Cf. Puis, Berger, que je ne consenti jamais à les recherches, pourquoy... (Astrée, 1614, II, 90); puis, Madame, qu'il ne vous les a point cachez (ib., 94); parce, respondit elle, que chaque Dieu se communique plus librement (ib., 159) ; on en parloit de sorte au desavantage de Florice, qu'en fin ce bruit parvint à ses oreilles (ib., 227); et s'estudia de sorte de se rendre aymable qu'il fut depuis le miroir des chevalliers (ib., 345) ; puis donc que Dieu prend le soin de conserver l'auctorité de son Eglise (Effr. pactions, V. H. L., IX, 277); aussi-tost condamnées à une perpétuelle prison qu'elles furent nées (Camus, Iphigène, I, 31 ) ; Hercule... se treuva aussi tost embrasé qu'il eust veu l'agreable Iole (Id., ib., 417); Puis donc, Messieurs, que vous estes tous deux très capables (Coméd. des Comédiens, A. th. fr., IX, 322); pource,premierement que... (Voit., Let, CX, t. II, 45, Uz.) ; qu'elle soustienne de telle sorte les causes peu soustenables, qu'il paroisse... (Balzac, éd. Moreau, I, 452) ; et que le Prophete ne s'assoupira pas de telle sorte entre les bras de la Nimphe, qu'il y oublie a prophetiser (Id., Let. chois., 1647, 309); pourveu donc que mes paroles soient considérées (Id., éd. 1665, II, 291).
Il est inutile de donner des exemples des phrases où que est rapproché de pour ce, puis, etc. Ces exemples se trouvent partout.
------------------------------------------------------------------------
LA CONJONCTION 385.
(126). Cf. Sorel : Ayant prié... le Dieu Vulcain, à ce qu'il me donnat la grace de... (Francion, t.I, 142); pour présenter nos prières à Dieu à ce qui luy plaise nous destourner de cet ambition (Effr. pactions, V. . L., IX, 307) 1. Mais on peut interpréter autrement ces deux exemples.
A la mienne volonté que. — Cette formule s'éteint, sans être condamnée par personne. Chez les premiers grammairiens du temps, elle traduit utinam (Du Val, Esch. fr., 266), et Maupas la fait servir à l'exposé de ses paradigmes. Mais elle est rare dans les textes : A la mienne volonté que j'eusse la super-intendance de la justice pour quelque temps! (Pont-Breton des Proc, 1624, V. H. L., VI, 273).
Alors que. — Cette locution faillit périr. Elle se trouve dans Malherbe : Alors que de ton passage On leur fera le message (I, 92, v. 155); dans Jean de Schelandre : alors qu'il refusoit vos desirs... (Tyr et. S., A. th. fr., VIII, 34, 26); dans Corneille : et dit qu'il m'aime, alors qu'il m'assassine (III, 307, Hor., v. 576). Mais Vaugelas blâme l'emploi de que après alors, qui ne doit avoir d'autre sens que tunc (I, 361). La seule forme correcte, dit-il, est lorsque (I, 362).
A même que. — Il est blâmé par Vaugelas (II, 190) : Cette façon de parler : à mesme que la priere fut faite, l'orage fut appaisé, est très mauvaise.
Auparavant que.—Il est encore très fréquent au commencement du XVIIe siècle (Balz., l. IV, Lett. 6, t. I,110; Corneille, I, 347, Clit., v.1274). Vaugelas dit que auparavant que pour devant que n'est pas du bel usage. Il faut écrire : avant ou devant que vous soyez venu, et non auparavant que vous soyez venu (II, 207). Malgré cette condamnation, la locution se retrouvera pendant tout le XVIIe siècle ; (cf. Mol., VIII, 574, Esc , sc. 3 ; Regnard, La Provenç., 177, etc.) 2.
Aussi que. — C'est une façon de parler un peu antique (Oud., Gr., 300 et 304). On trouve cette expression dans Régnier : Il semble qu'on luy doit permetre davantage, Aussi que les vertus florissent en cest' age (Sat., I).
Car. — L'histoire des conjonctions au XVIIe siècle semblerait
1. J'ai trouvé dans la langue populaire à faute que : à faute qu'il ne fasse beau soleil, ou que le temps soit froid, vous les mettrez un peu au Four (Jard. fr., 275).
2. Auparavant que la mer fust emeuë (Cél. et Maril., 343); Auparavant que ton bras redoutable Fasse aux pecheurs ton courroux ressentir, Ton esprit, aussi doux comme il est veritable, Ne prend-il pas le soin de les en avertir? (Racan, II, 234-235) ; auparavant que vous me condamniez de la donner au public, vous me mandez qu'il en court tant de copies mal correctes, qu'il est à propos que je me justifie des fautes que les mauvais escrivains ont adjoustées aux miennes (Id., I, 15); Afin que la mort eust loisir, Auparavant que le saisir (Théoph., I, 12).
Histoire de la Langue française. III. 25
------------------------------------------------------------------------
386 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
devoir commencer par là, car rien n'est plus ressassé que le récit de la querelle qui éclata à propos de ce « petit mot ». En réalité il n'y a rien ici de particulier, sinon que la discussion amena Voiture à composer une lettre spirituelle, et par là l'affaire entra dans la littérature. Elle est devenue classique. Le coupable est Malherbe. Il le niait, et de ce qu'on l'accusait, il avait, nous conte Vaugelas, « conceu une telle colère, qu'il s'en plaignoit à tout le monde » ; pour se justifier pleinement de cette calomnie, il était, disait-il, résolu de faire un sonnet qui commencerait par car (Rem. posth., II, 461). Le sonnet ne fut jamais fait, et l'eût-il été que le témoignage du Commentaire sur Desportes n'en serait pas affaibli. Or Malherbe y a noté des car parfaitement bien employés, et l'aversion qu'il avait pour le mot en lui-même peut seule expliquer ses multiples observations (IV, 427, 375, 338, 286, 464; cf. Doctr., 485-6). On fit chorus avec lui. Pourquoi? Mlle de Gournay n'en dit pas le motif, elle ne fait que constater le fait (O., 618, 959). C'est Vaugelas qui nous en a éclairci : « Il est passé en proverbe de raillerie, dans la Cour, dit-il, de dire la raison en est car, sans le savoir déduire ni en sortir à son honneur, comme aura fait sans doute autrefois quelqu'un de la Cour, qui aura donné lieu à cette raillerie : si bien que ce mot estant devenu ridicule dans ce proverbe, ils se sont imaginez qu'il en falloit aussi bien fuir l'usage que de face et de poitrine » (l. c).
Si le rapport de Vaugelas est exact, on voit l'origine grotesque de la mode. Un homme s'est trouvé embarrassé dans une phrase ou un raisonnement, et il est resté court, comme font souvent les enfants, auxquels on demande la raison d'une chose et qui répondent : parce que, parce que... Il n'en fallut pas plus pour qu'on s'en prît au mot lui même, comme s'il était cause de l'aventure. On se demande ce qui serait arrivé, si le courtisan en question était resté coi, après avoir dit : la raison en est que. Se fût-on privé pour cela d'employer que?
Quoi qu'il en soit, on sait que Gomberville se fit un point d'honneur — une gageure sans doute — de ne pas se servir du mot dans son Polexandre (1637), et Vaugelas ne l'y a découvert en effet qu'une misérable fois. Un volume lui parut du reste suffisant pour donner cette preuve de son habileté, et car reparut dans les suivants.
La beauté et l'utilité de car furent-elles discutées à l'Académie? Les pamphlets le prétendent : « S'est présenté le sieur B., fondé en raisonnement, requerant que, sans interloquer ny deputer commissaire, soit declaré par la compagnie que le mot car est bon et naturellement françois, et tout au moins très utile à la langue » (Rôle des
------------------------------------------------------------------------
LA CONJONCTION 387
présent., 1634, V. H. L., I, 139). La Comédie des Académistes et la Requête des Dictionnaires ne laissèrent pas échapper un si beau thème. (Voir dans Livet, Hist. de l'A., I, 449, et I, 479-480).
J'imagine que l' « affaire de car » devait laisser bien des gens aussi indifférents que Saint-Amant, qui disait plaisamment : Que le barreau reçoive ou non Les reigles de l'Académie ;.... Qu'on berne adone, car et m'amie, Nul ne s'en doit estomaquer, Pourveu qu'on sauve d'infamie Crevaille, piot et chinquer (I, 331).
Sur quel ton Mlle de Rambouillet en demanda-t-elle son avis à Voiture? Nous l'ignorons, sa lettre est perdue. Mais la réponse de son soupirant est célèbre, c'est la 53e du recueil (éd. Uz., I, 171 et suiv.). Elle commence : « Car estant d'une si grande consideration dans nostre langue, j'approuve extrémement le ressentiment que vous avez du tort qu'on luy veut faire, et je ne puis bien esperer de l'Academie dont vous me parlez, voyant qu'elle se veut establir par une si grande violence. En un temps où la Fortune joue des Tragedies par tous les endroits de l'Europe, je ne voy rien si digne de pitié que quand je voy que l'on est prest de chasser et faire le procez a un mot qui a si utilement servi cette monarchie, et qui dans toutes les broüilleries du Royaume, s'est tousjours monstré bon François. Pour moy, je ne puis comprendre quelles raisons ils pourront alleguer contre une diction qui marche tousjours a la teste de la raison et qui n'a point d'autre charge que de l'introduire. Je ne sçay pour quel interest ils taschent d'oster a car, ce qui luy appartient pour le donner a pour ce-que, ny pourquoy ils veulent dire avec trois mots ce qu'ils peuvent dire avec trois lettres 1 ? »
Il craint qu'on n'attaque ensuite mais, si, et qu'on n'oblige à ne plus parler que par signes : « Incertitude des choses humaines. Qui m'eust dit, il y a quelques années, que j'eusse deû vivre plus longtemps que car, j'eusse creu qu'il m'eust promis une vie plus longue que celle des patriarches. »
Suivent quelques plaisanteries. Il espère qu'un des plus grands esprits de notre siècle (?) répondra qu'il faut user du car de nos pères, et ne point chasser un mot qui a été dans la bouche de Charlemagne (!) et de St Loüis... Il trouve étrange que Mlle de R. soit si tendre à un mot, si dure à lui : « Vous ne parlez point de choses qui me regardent. En trois ou quatre pages, à peine vous souvientil une fois de moy : ET LA RAISON EN EST CAR. »
1. On comprend, d'après ce qui a été dit plus haut, pourquoi Voiture termine par ce trait. Quant à la forme même de cette phrase, comparez-y : La raison en est parceque vous voulezparoistre de grands (Economes (Adv. de Guil...hot. ès Halles, V. H. L., III, 311); j'ai trouvé aussi cette phrase bizarre : Ce qu'il n'a pas voulu faire. Car; et il n'a employé sa plume... (Lett. de Phyllarque, IIe part., 86).
------------------------------------------------------------------------
388 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Les prescripteurs du car furent confondus. « Le car de nostre amy, écrivait Balzac, est une fort jolie chose, et il faut avoüer qu'il a le genie de la belle et noble raillerie. » (Let. à Chap., 28 oct. 1637, éd. 1659, 89). Désormais toutes les allusions qu'on trouve à cette querelle ont un caractère rétrospectif 1. Vaugelas ne jugea pas à propos de publier la remarque qu'il en avait faite. Néanmoins le souvenir de l'affaire resta, et La Bruyère y fait allusion (De qq. usages).
Cependant que. — Cette conjonction, encore citée par Oudin (Gr., 271; Phrases, 13), est condamnée par Vaugelas. Le principal but de cette remarque, dit-il, en établissant la différence entre cependant et pendant, est de faire entendre qu'il ne faut jamais dire cependant que, mais pendant que, cependant étant toujours adverbe (I, 358 ; cf. II, 207). C'est aussi l'avis de Chevreau (Rem. s. Malh., 20). On la trouve fréquemment au XVIIe siècle 2. La remarque de Vaugelas n'entraînera nullement la disparition immédiate de cette locution 3.
Comme ainsi soit que. — Cette locution, encore donnée par Mau1.
Mau1. Chapelain à Balzac, 6 février 1039 : « J'empescheray bien que le Sr Tubero ne soit guerroyé par l'Académie sur le sujet du car, et j'ay préparé tout plein de bonnes raisons pour faire avorter le Senatus-Consulte de la déclaration de guerre qui se minutoit contre luy, et pour faire rengainer aux Feceaux leurs habits et leur verges, mais je ne suis pas assés puissant pour le remettre bien avec le Sr de Gomberville et le parer de sa férocité. »
Oudin ajoute : Nous avons des Modernes qui ne veulent point admettre le car, mais il y a des occasions où ils se trouveraient bien empeschez à ne se (lisez : le) pas employer (Gr., 304). Costar constaté que l'ennemi du car a perdu la partie : « Un autre (Gomberville) a pris le car en haine, et dans deux volumes assez gros, n'a pas laissé entrer une seule fois cette pauvre conjonction, et adonné le rang qu'elle meritoit (la place qu'elle devait occuper) à d'autant que, et à parce que. Le bruit de la disgrace du car courut incontinent par toute la France, et on crût long-temps qu'il avoit esté relégué dans les écrits de Mlle de Gournay pour y faire compagnie à jaçoit et à pieçà. Il en est relevé pourtant, il a triomphé de ses ennemis, et, comme dit agreablement M. de Voiture, « on le voit encore tous les jours glorieusement paroistre à la teste de la raison. » (Let, I, 638-639.)
2. Cependant que je faisois ceste poursuitle (Astrée, 1614, II, 883; cf. ib., 709-710); appaise le desdain conçeu contre moy, cependant que la mer appaisera ses vagues (Fleurs de l'éloq. fr., 35 v° ) ; Cependant qu'il tente lui-même Ce qu'il peut faire par autrui... (Malh., I, 54, v. 199; cf. I, 18, v. 377 ; I, 216, v. 192, etc.); cependant que la cour vous fait mille fausses protestations de service (Balz., I, 10; cf. 1,38) ; Cependant que Félix donne ordre au sacrifice (Corn., III, 504, Pol., v. 365).
3. Voir Tristan l'Hermite (Vers Hér., 4); St-Amant (I, 389); Boursault, Médecin volant, sc. 20) ; Quinault (Amant indiscret, IV, 13) ; Segrais (Nouv. fr., 5e Nouvelle, 181) ; Le Boulang. de Chaluss. (Elom. hypoc, III, 1) ; La rosée aux humbles valons, Réjouit les fleurs el les herbes, Cependant que les aquilons Battent les pins des monts superbes (Racan, II, 352) ; Cependant que le sort l'arrestoit sur la terre, Tous ses voeux ne tendoient qu'à retourner aux deux (Id., I, 200); Cependant que le jour qu'on voit naistre dans l'onde Ne chasse point encore les tenebres du monde, Je vay,sous leur faveur, implorer ce vieillard De me vouloir ayder des
------------------------------------------------------------------------
LA CONJONCTION 389
pas (378-381), est rejetée par Oudin comme antique (Gr., 304). Vaugelas déclare que, en dépit des exemples nombreux que l'on en peut relever chez Coeffeteau, ce terme est venu à un tel décri que l'autorité d'un si grand homme n'a pu le sauver ; « la cause de ce descry, dit-il, c'est que les Notaires ont accoustumé de s'en servir au commencement de leurs contracts. » (II, 248-249). Cette conjonction est rare au XVIIe siècle : comme ainsi soit qu'il aye dit qu'il n'y a point d'amour plus grand que d'exposer sa vie pour son amy (F. Guerson, Anal, du Verbe, 88) ; on la trouve chez Molière, mais en manière de raillerie : Comme ainsi soit qu'on ne puisse guérir une maladie qu'on ne la connoisse parfaitement (t. VII, 271, Pourc., I, 8) 1.
Considéré que. —Il semble avoir été d'un usage assez restreint. Vaugelas dit : « ce terme de conjonction, pour veu que, n'est plus gueres en usage... Je ne conseillerais pas aujourd'huy à qui que ce fust de s'en servir, si ce n'est dans un Ouvrage de doctrine plutost que d'éloquence » (II, 250).
De façon que, de manière que, de mode que. — Vaugelas déclare que ces deux premières façons de parler, si elles sont françaises, ne sont pas élégantes ; que l'autre est complètement barbare (II, 160; cf. la Mothe le V., 69). En 1654, Sorel trouvait tout à fait ridicule cette proscription (Disc, sur l'A. dans Livet, I, 472).
Devant que. — Il est encore tout à fait usuel. J'en ai apporté ci-dessus des exemples, il serait inutile d'y en joindre d'autres ; il importé toutefois de marquer que, suivant Vaugelas, avant que était plus de la Cour (I, 435) 2.
Depuis que. — Dans le sens de dès que, il existe encore dans la première moitié du siècle : la pudicité... ne se perd point pour un temps, depuis qu'on l'a laissée esgarer, on ne la recouvre jamais (Fleurs de l'éloq. fr., 24v°-25r°); depuis qu'on voit un homme de merite qui a quelque ascendant sur le commun, la calomnie prend le party
secrets de son art (Id., I, 29-30) ; Cependant que le sage est comblé de plaisirs, Les mutins, ne pouvant accomplir leurs desirs, Font jusque dans le Ciel éclater leur murmure (Id., II, 175); Nous mangions mesmes pain au logis de mon pere. Cependant qu'il y fut, nous vescumes ainsi (Id., II, 43); Mais cependant qu'elle viendra, Ma Plume vous entretiendra De nouvelles assez fameuzes (Loret, 13 déc. 1659, v. 17-19). Nous y reviendrons.
1. Cf. chez les burlesques : Tabarin, II, 233 ; Chapel., Guzm. d'Alf., III, 303.
2. Soit comme préposition, soit comme adverbe, devant se rencontre aussi bien que avant II est cependant plus rare comme adverbe : Il dira qu'un ami lui demandant secours Il a prêté sa chambre, et qu'attendant l'infâme Il a chez lui devant fait conduire la Dame (Boisrob., Les appar. tromp., V., 7). Oudin rejette l'expression devant deux jours pour il y a trois jours (Gr., 267).
------------------------------------------------------------------------
390 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
de ceux qui envient son bonheur (Tabar., II, 23 ; cf. Pichou, Fol. de Cardenio, IV, 1, 65-66). Corneille l'a employé fort souvent: Ah! depuis qu'une femme a le don de se taire, Elle a des qualités audessus du vulgaire (IV, 151, Ment., 209). Mais, en 1660, il a Corrigé : Monsieur, quand une femme a... Toutefois ce sens se retrouvera chez les classiques, et ne disparaîtra que peu à peu.
Dont, De quoi. — Ils commençaient, dès le XVIe siècle, à perdre la valeur de conjonctions, qu'ils avaient prise depuis le XIIIe siècle (Cf. II, 383). On en trouve encore quelques rares exemples au XVIIe siècle : il s'excuse de quoy il ne luy a pas envoyé des roses (Nouv. rec. de let., 1638, Let. am., 171) ; Sans mentir, luy repart le filou, je suis extrêmement marrie de quoy vous ne vous souvenez,point d'avoir parlé à moy, et encore plus de me voir... (Estr. ruse d'un Fil., V. H. L., IV, 60); Les marchands de la halle se pleignent de nous de quoy nous leur encherissons les oeufs (Disc, de M. Guil., et Jacq. Bonhomme, 1614, V. H. L., IX, 141).
Au lieu que. — Malherbe distinguait au lieu que et en lieu que. On dit au lieu qu'il me hait, je l'aime; au lieu qu'il me fait du mal, je lui désire du bien. Au lieu que marque donc une idée d'échange, en lieu que présuppose quelque contrariété (IV, 453 ; cf. Doctr., 489). Mais la distinction de Malherbe fut inutile, car en lieu que ne subsista pas.
Incontinent que. — Cette conjonction est encore donnée par Nicot et par Monet. L'emploi en devient rare au XVIIe siècle : Incontinent que j'ai eu dîné, je m'en suis allé (Malh., III, 19). Après lui, La Fontaine seul en fait usage dans ses Contes (V, 3, 152; III, 4, 397).
Jaçoit que. — Se trouve encore dans Maupas (378), dans Nicot et dans Monet. Défendue par Mlle de Gournay (O., 591 et 957 ; Adv., 371, 636), cette locution, au dire d'Oudin, ne se doit plus écrire (Gr., 304). D'ailleurs, en 1654, Sorel déclarait qu'avant la fondation de l'Académie, bien des gens n'usaient déjà plus de ce mot. On ne le retrouverait que chez les comiques et les burlesques ; car jaçoit que toutes les espèces et différences de cest art soient par les bons autheurs latins comprises sous le nom de Histrions (Tabarin, II, 250). Il est cependant chez Bossuet.
Joint que. — Est encore fréquent au XVIe siècle. On le trouve dans Larivey (Jaloux, 8, 16, 30), dans d'Aubigné et dans Régnier (Sat., I). Au commencement du XVIIe siècle, Malherbe le condamne très nettement ; c'est pour lui une vieille liaison qui sent sa chicane et dont il ne faut point user du tout (cf. Doctr., 307). Malgré cette
------------------------------------------------------------------------
LA CONJONCTION 391
condamnation, Monet donne encore joint que dans son Invantaire, et Oudin l'admet dans sa Grammaire (301). Les auteurs continuent à s'en servir : un homme a plus tost trouvé vingt sols pour une paire de bottes que vingt escus pour un meschant cheval, joint qu'elles sont propres... (Gde propr. des Bol., 1616, V. H. L., VI, 37-38) ; joint qu'en fait des dispensations (Alcime, 518). On retrouvera cette conjonction assez tard encore dans le XVIIe siècle (Rotrou, Belis., V, 6 ; Mlle de Scudéry, Mathilde, 136, 194). Bossuet en fait constamment usage (Hist. Var., I, 60; II, 445; Hist. Univ., 509, 381-382, 492, etc.Cf. Boileau, Traité du Subl., VII).
Mais que. — Cette conjonction qui est donnée par Maupas (372) est jugée vulgaire par Oudin (Gr., 302), et raillée par Sorel. Monet la cite encore dans son Invantaire 1. Vaugelas la condamne formellement : Mais que pour quand est un mot, dont on use fort en parlant, « mais qui est bas, et qui ne s'escrit point dans le beau stile » (I, 268).
Ne pour ni. — Ne est encore admis à côté de ni par Maupas : Je ne voy ne rime ne raison, ou ni rime ni raison en vostre dire ; Je ne crain ni vous ni les vostres : ou ne vous ne les vostres (359). Mais Malherbe a rayé : il ne s'en trouvé point... Ne qui plus justement se puisse lamenter (El., I, 8, f° 169 r°). Mlle de Gournay défendit ne (O., 966).
Les exemples sont en général du style familier et burlesque : Et n'ont jamais mangé ne salé ny biscuit (Espad. sat., 84); Il n'a mangé ne cresme ne fromage (Chapel., Guzm. d'Alf., III, 328).
En réalité, ne ne subsiste plus guère que dans l'expression ne plus ne moins. En revanche, cette expression, pour signifier comme, ou tout ainsi que, est seule admise. Il faut dire ne plus ne moins et non pas ny plus ny moins, qui est bon pour exprimer exactement la quantité d'une chose, comme il y à cent escus, ny plus ny moins. Mais quand c'est un terme de comparaison, il faut dire et écrire ne plus ne moins (Vaug., I, 101). Et ne plus ne moins que nous redoublons nos caresses aux personnes que nous aimons (Balz., II, 3-4) ; Sans s'inquiéter il remuë les choses inferieures, ne plus ne moins que les Intelligences meuvent les Spheres celestes (Id., Il, 423).
1. Malherbe en faisait un usage fréquent: Vous pouvez penser comme il fera, mais qu'il soit doyen des cardinaux (III, 419) ; Mais que les Muses ralliées soient imprimées, je me souviendrai... (III, 15; cf. III, 5, 56, 263; IV, 145); Helas! ma fille, helas! qui me clorra les yeux .Mais que mon pasle esprit soit monté dans les deux? (Racan, I, 78) ; O mais que vous veniez chez nous, vous ne serez pas si bien traité (Le Bourg, poli, V. H.L..IX, 210); Je m'asseure que maisque vous l'aurez recongneuë, vous l'aurez agreable (Id., ib., IX, 205 ; cf. 193 ; et Sorel, Berg. extrav., III, 553).
------------------------------------------------------------------------
392 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
N'était, n'eût été que. — Ils attirent le temps imparfait optatif, mais Oudin aimerait mieux dire plus « modernement » si ce n'estoit (Gr., 302).
Ores que. — Il n'est plus donné par les lexiques du XVIIe siècle. Cependant, il est encore parmi les conjonctions énumérées dans Maupas (378) et dans Oudin (Gr., 305, celui-ci veut que l'on écrive orque). Cette locution a visiblement subi le contre-coup de la défaveur qui atteint ores, d'où son emploi assez rare au XVIIe siècle. Maupas fils, dans l'édition de 1638 de sa Grammaire, s'en sert encore : ore qu'il soit licite (132). On en trouve quelques autres exemples : ores que je ne puis Suivre le train leger de sa lumiere eslüe (Mayn., I, 22, 19) ; quantité de villes... lesquelles, ores que de leur enceinte elles puissent aller du pair avec les plus superbes des provinces estrangères (Har. de Turl., 1615, V. H. L., VI, 75) ; Ores que je suis vieil (Quat. au Roy, V. H. L., VI, 131).
Outre ce que. — Il cède définitivement la place à outre que. Le premier est la forme du Jardinier françois, la seconde celle de Balzac : outre ce qu'à la longueur du temps ils se pourrissent (Jard. fr., 15) ; outre ce qu'elles sont trop meures, elles se font des meurtrisseures (Ib., 260); outre qu'il a pris plus de villes qu'il n'y en a dans le Royaume de Naples... Outre qu'il a imposé un joug (Balz., éd. Moreau, I, 20); outre que les meilleures actions ont besoin d'abolition (Id., ib., I, 23-24).
Partant. — Il est commun. Je ne ferai donc que signaler ici l'observation de Vaugelas qui, tout en le trouvant commode, déclare que ce mot commence à vieillir. Il ne condamne point ceux qui en usent, mais veut s'en abstenir (I, 360).
La « Requête des Dictionnaires » faisait déjà allusion à ces scrupules, dont on retrouvera l'écho chez Bary (Rhét. fr., 230).
Par tel si que. — Cette locution est encore donnée par Maupas (372) et par Nicot. Oudin la juge hors d'usage (Gr., 302).
Parquoi. — Est admis par Maupas (378), par Nicot et par Monet. Mais Oudin condamne cette conjonction, comme antique (Gr., 304). C'est plustost l'affliger que luy donner de l'ayde ; Parquoy je me tairay de vostre aveuglement (J. de Schel., Tyr et S., 58-59). Pource que et parce que. — On sait comment, jusqu'au XVIe siècle, la langue disposait de deux séries de formes. A la question par quoy répondait parce que. A la question pourquoy répondait pource que. L'un exprimait surtout le moyen, l'autre surtout la cause, le motif. En langue moderne, par une inconséquence bizarre, à pourquoi, on
------------------------------------------------------------------------
LA CONJONCTION 393
répond à l'aide de parce que. Avant d'en venir là, la langue a hésité. C'est à la date où nous sommes parvenus qu'on commence à brouiller l'ancienne distinction. Les deux formes sont encore données par Maupas (378), par Oudin (Gr., 304) et Nicot. Les exemples de pource que abondent chez tous les écrivains 1.
Il semble même que parce que ait été attaqué, et qu'on ait voulu lui substituer pource que, car Mlle de Gournay le défend contre certaines personnes qui le jugent « inutile et bastard » (0., 618; Adv., 403). En 1647, pource que n'est pas encore complètement réjeté par Vaugelas, qui montre à son sujet une véritable indécision. Il sait en effet que Malherbe employait presque toujours pource que, et n'était pas loin de condamner parce que. Il remarque d'autre part que Malherbe ne confondait point les deux formes, et employait parce que en rapport avec par, pour ce que en rapport avec pour2. Tout de même, sans condamner formellement pource que, il se laisse aller au goût du jour, et voit surtout dans pour ce que un terme de Palais ou un provincialisme normand. A la Cour, parce que, qu'il juge plus doux, l'emporte, selon lui, presque de toutes les voix.
Par ce que. — Au sens de par ceci que, et en trois mots, cette locution n'est pas admise par Vaugelas, qui reprend cette phrase : Il m'a adouci cette mauvaise nouvelle, par ce qu'il me mande de la bonne volonté qu'en cette occasion le Roy a témoignée pour vous. On voit clairement, dit-il, que parce que ne doit point estre employé de cette sorte, à cause que l'on a tellement accoustumé de ne le voir qu'en deux mots signifier, quia, et rendre raison des choses, que lors qu'on l'emploie à un autre usage, il surprend le Lecteur, et plus encore l'Auditeur (I, 172) 3.
Peur que. — Nicot, en 1606, donne déjà l'expression de peur que. Mais les formes peur de, peur que étaient vraisemblablement les plus
1. Par exemple Malherbe : Louez Dieu par toute la terre, Non pour la crainte du tonnerre Dont il menace les humains; Mais pour ce que sa gloire en merveilles abonde (I, 245); Il rend raison pourquoi il n'y peut venir par armes, pource, dit-il, qu'ils ont trop de pouvoir (Id., IV, 268 ; cf. Id., I, 8, 68, 166 ; II, 2, 7, 8, etc.) ; Gombauld : Pour ce que mon humeur m'ordonne De n'emprunter rien de personne,... et pource que je ne prens rien (Epigr., 32) ; Et pource qu'elle rit de rien, la Rieuse rit toute seule (Id., ib., 72 ; cf. Id., ib., 85, 103).
2. « Non que je dispute de leur preseance par vanité simplement de marcher devant, mais parce qu'en cet avantage consiste la décision de tout le fait — Par vanité et par ce que se rapportent;— Il a fallu faire ce discours pour ce que faire plaisir est l'office de la vertu, après avoir dit : il a fallu faire ce discours, on ajoute pour, comme pour faire, ou pour tel ou tel sujet ». (Vaug., I, 117).
3. Chapelain (Let. à Brieux, 17 sept. 1661) estime qu'il faut dire par conséquent et non de conséquent.
------------------------------------------------------------------------
394 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
usitées, car Vaugelas, qui trouve insupportable peur pour de peur, reconnaît qu'une infinité de gens le disent et que quelques-uns l'écrivent (I, 114).
Pourtant. — Comme conclusif, dans le sens de pour cette raison, il avait déjà vieilli au XVIe siècle (cf. tome II, 385). Oudin l'oppose à partant : celuy-cy est différent de pourtant, en ce qu'il se rapporte à la conjonction pour ce sujet, et pourtant signifie toutefois (Gr., 304). Le vieux sens se trouve encore dans Malherbe : Ne recevant point, il n'est point obligé de rendre ; et pourtant il est impossible qu'il soit ingrat (II, 149) ; L'oreille est offencée par la multitude des monosyllabes, et des longs mots... et pourtant le sage Orateur evite avec soin tous ces escueils, où il sçait qu'il feroit naufrage (Ch. de St Paul, Tabl. de l'éloq. fr., 54) ; Dirons-nous pourtant que les Dieux en soient moins justes ? Non, mais disons plutost... (Gombauld, Endim., 79).
Qu'ainsi ne soit. — « Lors qu'il est question d'entrer en preuve d'une proposition, si je dis et qu'ainsi ne soit, vous voyez telle et telle chose, qui est comme on a accoustumé de parler, n'est-il pas vray qu'à l'examiner de pres, il n'y a point de raison de dire et qu'ainsi ne soit, et qu'au contraire il faut dire et qu'ainsi soit? » (Vaug., II, 340). Malgré Vaugelas, cette conjonction vécut encore quelque temps sous la forme qu'il condamne : et qu'ainsi ne soit, si vous voulez contenter notre charretier... (Scarr., Rom. com.,I, 15) ; Vous n'aurez plus de moy que des prieres et des remerciemens, et je vous feray bien advouër que j'importune beaucoup mieux que je ne louë. Qu'ainsi ne soit, Madame, je vous envoyé desjà plusieurs maux en mesme temps (Balz., Lett., liv. VII, 23) ; la beauté n'est pas un defaut à un homme... Qu'ainsi ne soit vous en demeurerez d'accord vousmusme (Saras., OEuv., I, 234) ; avant que nous eussions levé l'anchre pour sortir de l'Isle Amoureuse, et que je vous y aurois fait voir beaucoup de gens que vous demandez... Qu'ainsi ne soit, nous n'entreprendrons plus pour ce sujet un voyage de si long cours (Id., ib., I, 180) 1.
Quand. — Il perd quelques sens autrefois communs.
1. A qu'ainsi ne soit comparez : je bois... pour esviter les mauvaises vapeurs... et que cela ne soit ainsi, je vous envoy un Air (Gantez, Entr. des Mus., 92); Autant qu'il y a d'écrivains, autant chaque chose peut avoir de noms, si bon leur semble. Et qu'il ne soit ainsi, Thalie plus souvent que nulle autre est mise au nombre des Grâces par Hésiode, et Homère la fait passer pour une Muse (Malh., II, 9); Je ne saurois penser qu'autres les aient inventées que ceux-mêmes qui en font encore... profession. Et qu'il ne soit vrai, n'avons-nous pas vu sortir beaucoup de choses nouvelles en l'âge où nous sommes (II, 717-718).
------------------------------------------------------------------------
LA CONJONCTION 395
a) Dans l'expression c'était un jour quand, quand substitué à que est blâmé par Malherbe : C'étoit un jour d'été quand le ciel nous lia est une façon de parler qui ne vaut rien. On dit : Ce fut le jour de Saint Jean que le Roi arriva... et non quand le roi arriva (IV, 424; cf. Doctr., 490).
b) Le grammairien Du Val cite un autre emploi, où quand est l'équivalent de vu que ou puisque. Ex. : comment me payera-il, quand il n'a point d'argent; me croira-il, quand il ne croit que sa teste (Esch. fr., 272). Cet emploi va se perdant.
Si bien. — Il est employé comme conjonction au XVIIe siècle, dans le langage courant. On en trouve quelques exemples chez Malherbe : Vous cherchez si peu de gloire au bien que vous faites... que si bien vous faites quelque chose pour quelqu'un, vous la faites d'une sorte qu'elle a plutôt apparence de revanche que de bienfait (II, 135) ; Pour le moins est-il malaisé que nous n'en sachions plus que ceux qui nous ont appris à connaître nos lettres, et que si bien ces commencements nous ont été nécessaires, ils ne demeurent pourtant au-dessous de la suffisance que nous acquérons (II, 84-85). Vaugelas, qui admet si bien comme adverbe, le blâme comme conjonction, et voit un italianisme dans cette tournure : Si bien j'ay dit cela, je ne le feray pas (II, 249). Cela pourrait être une simple extension analogique, d'après quand bien, alors encore usuel : Quand bien elle ne vous assisteroit pas de ses armes (Nouv. rec. de lettr., 1638, Let. pol.,8); Quand bien vous auriez tout lieu de vous en plaindre (Corn.; VI, 492, Soph., v. 475); cf. Gomb., Endim.,
75). Sinon.—Il ne plaisait pas à Oudin « en signification exceptive »,
par exemple dans des phrases comme celles-ci : je n'ay veu personne en France sinon vous, je ne cognois point d'homme icy sinon vous; j'ay veu toute l'Allemaigne sinon Auguste, etc. Nous avons, dit-il, assez d'autres mots, pour éviter ce sinon. Sinon que est encore plus mauvais que le précédent : et le vrai sens du (lire : de) sinon, se rapporte à autrement (Gr., 303).
Ces emplois de sinon sont cependant tout à fait courants dans la première moitié du siècle 1.
1. Elle fut fuie de tous, sinon de ses (esclaves) fugitifs (Malh., II, 73) ; je ne puis obliger sinon celui qui reçoit (Id., II, 235) ;Il y a de la cacophonie sinon que vous prononciez en gascon (Id., IV, 416) ; Tu ne veux d'une âme ensevelie Sinon qu'elle s'accuse et qu'elle s'humilie (Corn., VIII, 527, Imit., III, 5500, var.).
Voici des exemples de sinon que = à moins que: La réponse de Socrate fut qu'il ne devoit point douter qu'il ne fit cas de son present, sinon que d'aventure luimême il en eût mauvaise opinion (Malh., II, 14).
------------------------------------------------------------------------
396 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Oudin préférait sans doute le tour si usuel avec que : ils entrent dans le bois, Sans avoir que l'amour pour complice et pour guide (Racan, I, 76); Rien ne peut, que la foy, purger nostre raison (Id., II, 150) ; Mais, Seigneur, qu'est ce que nous sommes, Qu'un objet d'imperfection? (Id., ib., 372) ; Sans s'ouvrir de son dessein qu'à un de ses valets de chambre (Segrais, Nouv. fr., 1re Nouv., 78). C'est le moment où cette façon d'écrire, est le plus en faveur. Bary dit nettement que c'est ainsi qu'il faut écrire, et non comme Coeffeteau : Ils n'écumoient sinon entre l'Isle de... (Rhét. fr., 247).
Si que. — Cette conjonction est blâmée par Malherbe chez Desportes (IV, 403) : « c'est un vieil langage, dont on n'use plus, et qui étoit déjà hors d'usage dû temps de des Portes » (IV, 395). Malherbe vieillit probablement l'expression. Elle est encore mentionnée par Nicot et par Monet, mais la « Requête des Dictionnaires » la raille. Vaugelas la juge tout à fait barbare, et veut qu'on dise : si bien que ; il reconnaît cependant qu'elle est très familière à plusieurs personnes, qui sont en réputation d'une haute éloquence (II, 160). Elle n'est pas d'un emploi fréquent chez les écrivains littéraires : recousant la peau de bonne grâce, si que la cousture... (R. Franç., Merv. de Nat., 403). Corneille avait d'abord écrit dans Mélite : Si qu'à peine il reçoit de sa part une lettre Qu'il ne vienne en mes mains aussitôt la remettre. Dès 1644, il modifia ainsi l'avant-dernier vers : Si bien qu'il en reçoit à grand peine une lettre (I, 251, complémt des variantes, v. 1023) 1.
Tant que (= jusqu'à ce que). — Il a été désapprouvé par Malherbe qui a souligné ce vers : Et n'attendons pas tant qu'elle en soit consumee (Am. d'H., El. 3, f° 91 r°). Cependant cet emploi de tant que était alors usuel (cf. Doctr., 49) 2.
Corneille avait écrit, dans le Cid : Je te le dis encore, et veux, tant que j'expire (III, 155, 893 var.). L'Académie, dans ses Sentiments (Corn., XII, 494), blâma tant que pour jusqu'à ce que, et Corneille
1. Bientôt si que fut burlesque : Il se mit aprés dans l'esprit... Que sa triste femme évadée,Qu'il avoit souvent gourmandée, Etoit avec tout son trézor Dans le cloître de Saint-Victor, Si qu'ayant fait citer les moines, Ces maîtres chanteurs d'antifoines (Loret, 3 mars 1652, v. 91 et suiv.); Si qu'étans r'entrez dans Pavie On leur fit une étrange vie, Chacun pour les voir aflua,On les plaignit, on les hua (Id., 9 oct. 1655, v. 111 et suiv.) ; Mais il prirent mal leurs mézures Si que r'entrans dans leurs clôtures, Ayans sur la place laissé Maint estropiat et trépassé, Peu s'en falut que dans la ville, Il ne survint guerre civile (Id., 24 juin 1656, v. 155 et suiv.); cf. Si qu'à peine mon oeil les put bien reconnestre, Que comme un tourbillon il les vit disparestre (StAm., I, 86);
2. Différez pour le mieux un peu cette visite, Tant que maître absolu de votre jugement, Vous soyez en état de faire un compliment (Corn., I, 234, Mél., v. 1544) ; Réglons tous nos desseins sur ses intentions, Tant que par la douceur d'une longue hantise Comme insensiblement elle se trouve prise (Id., I, 401, Veuve, v. 36), etc.
------------------------------------------------------------------------
LA CONJONCTION 397
en 1660, corrigea ainsi : Je te le dis encore ; et quoique j'en soupire, Jusqu'au dernier soupir je veux bien le redire. Cependant, il employa encore tant que; (cf. IV, 382, S. du Ment., v.1774 ; VI, 376, Sertor., v. 312). Il est curieux de remarquer que l'Académie, dans ses Sentiments sur le Cid, a usé elle-même de la tournure qu'elle, avait blâmée : « tant qu'il ait prouvé » pour jusqu'à ce qu'il ait prouvé (Corn., XII, 471).
CONJONCTIONS NOUVELLES
Pour que.—Si tant de conjonctions meurent, bien peu naissent, ce n'est pas le moment.. Je ne vois guère qu'une forme vraiment nouvelle à signaler; c'est pour que. Elle ne semble pas connue des premiers grammairiens du XVIIe siècle. Maupas ne fait pas mention de cette conjonction; Oudin dit que pour que ne se trouve point (Gr., 304). Elle est également condamnée par Vaugelas, qui, tout en recon naissant qu'elle est courante, la rejette (I, 72.) « Ce terme est fort usité, dit-il, particuliérement le long de la Loire et mesme à la Cour, où une personne de très eminente condition a bien aydé à la mettre en vogue. » Il s'agit probablement du Cardinal de Richelieu, si on s'en fie aux renseignements de Sorel : « On luy (au Cardinal de Richelieu) attribuë encore le pour qu'il voulust, et le pour qu'il fasse et autres semblables » (Sorel, Contioiss. des bons Livres, 359, éd. de 1671). Il notait déjà comme nouveau et provincial : je l'ay envoyé à l'Académie pour qu'il s'instruise (Loix de la Gal., Nouv. rec. des pièces les plus agréables de ce temps, 38).
On s'en sert de plusieurs façons, qui toutes ne valent rien, ajoute Vaugelas (I, 72). Ce jugement est confirmé par Patru. Malgré cette condamnation si formelle, la locution fit son chemin, mais lentement, et elle restera matière à discussion pour les grammairiens de la seconde moitié du XVIIe siècle.
Attendu que. — Il était admis par Oudin (Gr., 304). Vaugelas ne l'accepte qu'avec répugnance, car du temps de du Perron et de Coeffeteau, il était banni de leurs écrits. Il reconnaît toutefois que cette expression commence à se rendre fort commune dans le beau style (II, 250) 1.
Soit que. —On peut considérer que c'est l'époque où soit que est définitivement passé à l'état de conjonction invariable. D'abord on cesse de changer le temps.
1. Vaut-il la peine de signaler que Vaugelas eût voulut faire une distinction d'orthographe entre d'autant que qui fût resté adverbe, et dautant que sans apostrophe, qui eût été conjonction, avec le sens de parce que ? (II, 1)Cette imagination ne paraît avoir eu aucun succès.
------------------------------------------------------------------------
398 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Oudin juge le mot de fût « un peu nu, et hors d'usage: fust au logis : fust en campagne : je dirois ou que ce fust au logis, ou que ce fust en campagne» (Gr., 302). Cette conjonction semble avoir été d'un usage peu étendu. En voici quelques exemples : avec un pontlevis on entroit dans le jardin, agencé de toutes les raretez que le lieu pouvoit permettre, fut en fontaines, et en parterres, fut en allées et en ombrages (Astrée, 1615, I, 22 B ; cf. ib., 1,31 A;I, 101A ; ib.,1614, II, 185; II, 769).
En second lieu, Vaugelas essaie d'écarter des formes qui ressemblent à la locution ordinaire. Suivant lui, soit que doit, ou bien être répété aux deux membres de phrase, ou bien alterner avec ou que. Cette dernière façon de parler est même « plus douce ». On la trouve, cela va sans dire, communément : La philosophie est utile à l'homme ; soit qu'une providence éternelle gouverne le monde, ou que les choses arrivent fortuitement (Malh., II, 321).
Mais on trouve aussi ou soit que... ou que, soit que... ou soit que M. le Prince ne répondit rien de positif à cet article, soit qu'il ne crût pas pouvoir prendre des mesures certaines avec le Coadjuteur, ou soit qu'il crût... (La Rochef., II, 320). Suivant Vaugelas, ces formules ne valent rien en prose, car ou y est redondant. A peine peut-on les tolérer en vers pour la commodité d'une syllabe qu'elles fournissent (I, 91-92).
------------------------------------------------------------------------
INDEX LEXICOLOGIQUE
A
Abandonnement, 195. A belles ongles, 375. A bouchelons, 375. Abrègement, 104. Abrier, 144. Abruti, 176. Absconse, 104. Absenter, 104. Abutter, 124. Acagnarder (s'), 77. Acarer, 87. Acariâtre, 144. Acaser, 87. Accablement, 195. Accaparer, 220. Accélérer, 144. Accoiser, 124. Accolerette, 144. Accoutumance, 104. Accoter (s), 144. Accresté, 144. Accroches, 125. Accroissance, 144. Accroît, 205. Accroître, 229. Accueilli, 182. Acuité, 144. Accul, 144. Accuser juste, 242. A ce que, 384. Acerbité, 144. Acertainer, 125. A cette pièce, 374. A chevauchons, 375. Achoison, 125. Acomparager, 124. Acomparer, 104, 125. Acompter, 125. Aconsuivre, 88, 125. A costière, 374. A côté, 375. Acouardir, 125. A coup, 349. Acoursier, 144. Acravanter, 125. Actif, 105. Adaptation, 144. Adapter, 192. Addouber, 144. A demeurant, 374. Adestrer, 144. Adheurter à, 13. Adjourner (s'), 144. Adjuration, 144,192.
Adjurer, 192, 229. Adjutoire, 192. Adminicule, 192. Adolescent, 105. Adombrer, 192. Adonc, 13, 349. A double carillon, 375. Adresser, 147. Adscrire, 192. Aduste, 192. Adustion, 192. Adventif, 192. Adverbialité, 52, 211. A faute de, 380. Affectionner, 212. Affectueusement, 44, 350. Afliquets, 144. Affoler, 144. Affres, 144. Affrontailles, 144. Affrontement, 144. Affronteur des temps, 251. Affubler, 144. Aga, 350. Agencer, 147. Agenda, 218. Aggréger, 1 44. Agissant, 102. Agnation, 192. Agréable (s'), 203. Agrément, 156. Agreste, 192. Agrouper (s'), 144. Ahan, 144. Aheurter (s'), 144. Aigu, 202.
Aimer le melon, 165. Ainçois, 350. Ainçois que, 377. Aîné de la nature, 250. Ains, 77, 88, 97, 102, 351,
377. Ains que, 377. Air, 66, 260. Aire, 144. Air refrappé, 246. Aisements, 144. Aisés (des), 202. Aissils, 144. Ajoliver, 144. A la bonne heure, 351. A la cavalière, 374. A la fantasque, 374. A la foule, 375. A la mauvaise, 374. A la mienne volonté que,
385.
Alangourir, 125. A la parfin, 352. A la payenne, 374. A la pédantesque, 374. A la réservation, 377. Alaschir, 125. A la soldatte, 374. A la sourdine, 259. A la tournée, 374. Alcôve, 223. Alectonner, 214. A rencontre de, 380. A l'entour, 374. Alerte, 198, 220. Alfange, 223. Aliment d'amour, 251. A l'impourveu, 352. A l'instar, 374. Allécher, 167. Allégresse, 105. Aller de longue, 236. Aller en longueur, 236. Alme, 4,105. Allumer (s'), 204. Alors, 352. Alors que, 385. Alourdir, 144. Alouser (s'), 87. Alpestre, 144. Altercation, 144. Altère (= perplexité), 125. Alternativement, 374. Alterner, 144. Alterquer, 87. Alumelle, 125. Aluté, 144. Alvéole, 144. A mal-aise, 375. Amante, 205. Amasse-miel, 87. A matin, 352. Amatif, 144.
Ambigu de prude et de coquette, 252. Ambitionner, 212. Ambulatoire, 144. A même jour, 375. A même que, 385. A même temps, 375. Ame paralytique, 252. Ame raide aux soucis, 252. Aménité, 144. Amignarder, 144. Ammignonner (s'), 144. Amont, 377.
Amoureux passionnés, 216. Amplier, 144.
------------------------------------------------------------------------
400
INDEX LEXICOLOGIQUE
Amputation, 144. Amputer, 144. Amusement. 195. Amusoire, 144. Anachronisme, 220. Analisie, 220. Analyse, 192, 220. Anate, 144.
Anatomie d'un coeur, 253. Ancelle, 144. Anecdote (adj.), 220. Ange-homme, 205. Angoisse, 105. Angoisseuse pluie, 246. Angoisseux, 105, 197. Angourie (= melon d'eau),
144. Anguleux, 144. Anheler, 192. Annexe, 192. Annichiler, 144. Annombrer, 144. Annonchalir, 144. Anonyme, 71, 192, 220. Anticompliment, 220. Anticourtisan, 220. Antipéristase, 190. Antiphonnier, 144. Antipode (adj.), 205. Antipode d'un logis, 253. Antiraison, 220. Antithèse, 190. Anxiété, 105, 231. Aorner, 144. Aousteron, 144. A part moi, toi, soi, 374. A penser, 144. A percher, 144. Apetisser, 77. A peu près, 353. Aplanir, 234. Aplomber (s'), 144. Apocryphe, 190. Apologiste, 220. Apologue = Apologiste,
147. Apoltronir (s'), 144. A porte fermant, 375. A porte ouvrant, 375. Aposter, 194. Apothéoser, 213. Appalir, 144. Apparat, 144. Appareil, 158. Appareiller, 187. Apparesser(s'), 144. Appariation, 144. Apparoissance,.144. Appendance, 13. Appertise, 144. Appétence, 218. Appeler, 125. Appiler, 125. Applausement, 144. Appréciateur, 87, 208. Après-dîné (s.), 211. A présent, 37, 353. Apreté, 25, 44. Aprique, 192.
A qui mieux mieux, 353.
A qui pis pis, 353.
Arable, 144, 192.
A ravir, 102.
Arborer des broderies, 255.
— — lauriers, 255.
— — panaches, 255. Arbuster, 144. Archaïsme, 220.
Archer paphien, 246. Ardent, 253. Ardre, 77, 97, 105, 314. Ardu, 105. Argenteux, 144. Argentin (s.), 202. Argolet, 144. Argutie, 192. Aristotelicien, 212. Armaire, 144. Armateur, 87, 218. Armé à la légère, 230. Armé légèrement, 230. Armoriai, 87, 208. Aronde, 144. Arraisonner, 316. Arrobe, 223. Arrogant (s.), 202. Arroger (s'), 144. Arroi, 13, 77, 144. Arroller, 144. Arroser, 144. Arsenal d'amour, 255. Artillerie d'oeillades, 254. Artiste = artistique, 125. A soir, 353-374. A soleil couchant, 375. A soleil levant, 375. Aspect, 230. Assaut, 255. Assentation, 192. Assermenter, 444. Assertion, 144. Asservagir, 144. Assiéger, 229-214. Assidu, 229. Assimiler, 144. Assimilation, 144. Assuéfaction, 192. Assujettissement, 209. Ast, 144. A suffisance, 374. A toujours, 374. Atour, 106. Attendu que, 397. Atténurir, 144. Atterrassement, 126,444. Attiser, 230. Attitude, 220. Attoucher, 106. Attraire, 106-310. Attremper, 144. Aubain, 144. Aubour, 144. Au bout de tout, 374. Au contraire, 375. Aucunefois, 44, 354. Audacieux (s.), 202. Au défaut de, 377. Au jour la journée, 374.
Aujourd'hui, 44.
Au demeurant, 354.
Au desceu, 377.
Au lieu que, 390.
Au même temps, 375.
Aumosner, 144.
Auparavant que. 385.
Aure (= vent), 192.
Au rebours, 13.
Aussi conjointement, 374.
Aussi que, 385.
Au surplus, 37, 44, 371.
Aux aguets, 144.
Aux autours, 378.
Aval, 378.
Avant-cour, 144.
Avant-courier, 126.
Avant-goût, 88, 216.
Avant-train, 216.
Aveindre, 126.
Avenir (v.), 167.
Avéré, 184.
Averlan, 144.
Aversion, 218.
Avertin, 144.
Avesprer, 88, 126.
Avette, 77.
Aviander (s'); 144.
Avictuailler, 144.
Avigourir, 144.
Avis (navire d'), 223.
Aviser, 60, 77, 167.
Avoir à la rencontre, 182.
Avoir deuil, 182.
Avoir la taille élégante, 251.
Avoir l'espace de faire, 242.
A voisiner, 179.
Avoler, 126.
B
B...,157. Babeurre, 87. Babillerie, 209. Badelaire, 93. Bagarre, 224. Bagatelle, 87, 220. Bagatellerie, 220. Bailler, 77, 106. Bâillonner ses maux, 173. Bain intérieur, 251. Baiser les mains au succès,
252. Balast, 223.
Balsamique, 218.
Balustrade, 220. Bandit, 220. Bandon, 126. Banquet, 106. Banquetage, 227. Baptisé, 174. Baptistère, 218. Barbare (s.), 201. Barbier, 76, 158. Barboter, 163. Barguigner, 168. Bariolé, 224. Baroque, 223. Barque achérontée, 247.
------------------------------------------------------------------------
INDEX LEXICOLOGIQUE
401
Bastant, 194. Bastonneau, 259. Bavolet, 216. Bavolette, 216. Baye, 77. Bazar, 87. Beau (s.), 203. Bel air, 66, 73. Bel-esprit, 216-236. Belle (s.), 200. Belle-fille, 87. Bellique, 89, 90. Bénéfice, 145. Bénéficence,106. Bénin, 77, 106. Béquille, 87, 210. Besogne, 168. Biberon, 126. Bicque, 87. Bienheurer, 13, 106. Bienvienner ou Bienveigner,
Bienveigner, Bigarreau, 87, 88, 209. Bijoutier, 210. Bilan, 88, 221. Bilieux, 218. Billet-doux, 216-251. Biscottins, 220. Bistouriser, 214. Bladier, 126. Blanchir (ne faire que —),
255. Blandices, 107. Blandissements, 98, 107. Blanquette, 207. Blasonner, 126. Blesche, 224. Bleu-mourant, 216. Blond-doré. 216. Blond-hardi, 251. Blondissant, 107. Bloutre, 88, 126. Bluetter, 126. Bobeliner, 88, 126. Boire (synonymes de —),
174. Boire à l'allemande, 374. Boivin, 126. Bombarder, 213. Bombe, 221 Bonne-grâce, 230. Botanique, 87, 220. Bouffissure, 87. Bouillon des deux soeurs,
156. Bouquer, 77. Bourgeois, 165. Bourriche, 224. Bourrique, 183. Boursoufuer, 107. Bout de chandelle, 178. Bouteroue, 89. Boutez-vous là, 50, 164. Bout-rimé, 216. Bragard, 77, 88, 126. Braire, 78. Brancade, 89. Brandon, 77, 168. Bras de Vulcan, 253. Brasser un levain, 248.
Brave, 230.
Brave à trois poils, 254. Braverie, 127. Bravoure, 71, 221. Brebiettes, 207 . Brèche, 255 Bredouilleur, 210. Bref, 354. Brehaigne, 77. Bride (fig.), 168. Bridon, 207. Brifaud, 89. Brigadier, 210. Bril, 127. Briller (s.), 204. Brocher, 168. Brodure, 88. Brouhaha, 87. Brouir, 107. Brûlement, 127. Brutal (s.), 202. Bûcheron, 87, SS. Buquer, 88. Burelé, 127. Burlesque, 75, 87, 203.
C
C, 158.
Ça, 354.
Ça bas, 355.
Ça haut, 355.
Ça sus, 355.
Cabler à la bistorte, 167.
Cachette, 207.
Cacozèle, 192.
Cadavre, 158.
Cadeau, 258.
Cadène, 127.
Cadenette, 259.
Cafardise, 87, 210.
Café, 221.
Cagnard, 87.
Cahin-caha, 174.
Caïmandement, 209.
Calamiteux, 107, 197.
Calèche, 223.
Caler, 187.
Campagnard, 87, 208.
Canage, 89.
Canaille, 179.
Canon de rigueur, 254.
Canonicat, 87, 218.
Capricieusement, 89, 215.
Captiver (se), 226.
Capuchonner, 213.
Capusson d'apostasie, 245.
Car, 102, 385.
Carabin, 88.
Caracoler. 213.
Carafe, 221.
Car enfin, 67.
Caressant, 205.
Carguer. 87.
Carme, 77.
Carquois, 168.
Carrossier, 147.
Carrousser, 89.
Cartable, 88, 208.
Carton, 87, 94, 221.
Cas (= cassé), 127.
Cascade, .221. Cassade, 127. Cassonnade, 208. Castonnade, 208. Casuiste, 210. Catachrèse, 192. Catexoquin, 220. Catonnerie, 209. Causerie, 87, 209. Caut. 107. Cautelle, 127. Cautionnement, 209. Cavaleriste, 210. Cavalier, 256. Cavalièrement, 214. Cave, 4, 217. Caver, 221. Ce jourd'hui, 355. Céladon, 259. Ce néanmoins, 355. Censer, 147. Censurable, 211. Cependant,36, 37. Cependant que, 13, 388. Cerne, 127. Cervelet, 87, 207. Cesse (avoir —), 168. Ceston, 159. Cestui, 77, 97, 290. Cétacé, 220.
Ce temps pendant, 374. Chacun sa fois, 374. Chafouin, 87,183. Chaîne spirituelle, 251. Chaire, 230. Chaise, 230 . Chaise percée, 152. Chalemeler, 127. Chaloir, 77, 88, 91, 107, 314. Chaloupe, 223. Chamarrure, 211. Chanceux, 87. Chanter sa gamme, 258. Chanter pouilles, 174. Chantourner, 217. Chape-chûte, 326. Charbonneux, 87, 212. Charlater, 127. Charogne, 76, 159. Chasse-crainte, 87. Chasse-ennui, 87. Chasse-erreur, 87. Chasse-fièvre, 87. Chasse-mort, 87. Chasse-nue, 87. Chasse-nuit, 217. Chasse-pape, 87. Chassieux, 178. Château étoilé, 250. Châtiable, 108. Châtier sa poésie, 252. Chaud (s.), 202. Chaumine, 87, 210. Chef(=tête),37,77,99,145. Chemise, 156. Chers souffrants, 251. Chesmer (se), 127, 220. Chevaleresque, 212. Chevalereux, 98,108. Chevalet des esprits, 72.
26
Histoire de la Langue française. III.
------------------------------------------------------------------------
402
INDEX LEXICOLOGIQUE
Chevance, 127. Cheveux bien plantés, 251. Chevir, 127. Chiffon, 87, 207. Chiffonnier, 210. Chimériser, 214.
Chinfreneau, 128,174.
Chinquer, 128.
Chiquet, 90, 205.
Chiqueté, 88, 128.
Choir, 37, 99.
Choisi (s.), 201.
Chorarque, 220.
Chose, 155.
Chosettes, 207.
Chromatique, 259.
Chrysostome, 189.
Cil, 290.
Cinquièmement, 374.
Circonvallation, 218.
Circonvaller, 218.
Cismontin, 218.
Clair-net, 216.
Clameur, 108.
Clergesse, 92.
Clergie, 128.
Clientèle, 87.
Clignottement, 87, 209.
Cloîtrer, 213.
Clore, 108.
Coadjutorerie, 209.
Cochère, 87.
Coeur d'abeste, 253.
Coeuret, 206.
Cogitation, 88,128,
Cohorte, 145.
Coint, 108.
Colérer (se), 128.
Collauder, 87, 128.
Colle, 226.
Colleter, 87, 213.
Colliger, 128.
Colomb, 88.
Colombin, 212.
Coloration, 87.
Coloris, 221.
Colossal, 87, 211.
Comateux, 212.
Combien que, 102.
Commander (s.), 204.
Comme ainsi soit que, 388.
Comme quoi, 296.
Commissionnaire, 208.
Commodité de la conversation, 73.
Commodité du frais, 251.
Commun (le — des satisfactions), 168.
Compagne des morts et des vivants. 156.
Compagnée, 108.
Complaindre, 227.
Complainte, 77, 108, 227.
Complaire, 227.
Complaisant, 87, 205.
Compliment, 88, 221.
Complimenter, 93, 213.
Compotation, 218.
Compte (faire —), 169.
Conception, 43, 153, 158.
Concevable, 211.
Concis. 87, 218.
Concurrer, 128.
Conçu, 155.
Condescendance, 158. Conditionner, 212.
Condoléance, 108.
Condouloir (se), 108.
Confisquer, 251.
Confort, 77, 108.
Conforter, 108.
Confus (s.), 203.
Conjoncture, 220, 221.
Conjouir (se), 108.
Conjurer, 229.
Conil, 77.
Conniver, 128.
Conquête, 255.
Consécution, 192,
Conseiller des grâces, 252
Considéré, 205.
Considéré que, 389.
Consommer, 230.
Consternation, 218.
Constitutif, 87.
Consultant, 88, 205.
Consumer, 230.
Contact, 218.
Contagier, 213.
Contemner, 108. Contemnement, 100. Contempteur, 108. Contemptible, 109. Contendre, 109. Continu (= assidu), 229. Continue (s.), 203. Conlinuëment, 374. Contourner les yeux, 145. Contraire, 229. Contraire (s.), 201. Contraimer, 109. Contrebiais, 216. Contredanse, 223. Contre-eschange, 128. Contrefaire le triste, 169. Contrefoudroyer, 128. Contremont, 378. Contrepeur, 216. Contreposer, 128. Contreprojeter, 129. Contumélie, 109. Convertir, 145. Convices, 109. Conviction, 88, 218. Convoiteux, 109. Cooptation, 218. Coqueluche, 226. Coquet, 87, 205. Corps d'homme, 129. Corrival, 109. Cortège, 94, 221. Cortéger, 221. Cotillon, 169. Couard, 109. Coulpe, 13. Coup, 169. Coup de fouet, 169. Coupeau, 77, 177. Courir la pretentaine, 174. Courir sus, 109.
Courrier atlantide, 192. Courroucé, 60, 145. Courtisan (adj.), 202. Courtisane, 145. Couverte (= couverture).
129. Crachat, 154, 178, 179. Cracher, 76, 159. Crasseux, 178. Craintive, 202. Crapuler, 76. Créance, 231. Crédibilité, 218. Cressiner, 87. Crimineux, 109. Critique, 219. Croire (s.), 204. Croix, 179. Crotifier, 214. Crotter, 156. Croyance, 231. Cruelle (s.), 200. Cuider, 98, 102,109,341. Cuiseur, 129. Cuissot, 109. Cuistre, 224. Culte, 87,218. Cupidité, 109. Cupidon, 192. Curritoire, 218. Cy pris cy mis, 356.
D
Da, 356. Dabo, 173. D'abondant, 13, 356. D'abordade, 374. D'abordée, 374. Dada, 87, 225. Dadais, 89, 224. D'aguet, 144. Dam, 109. Dandrille, 129. D'arrivée, 374. Dasticotter, 223. Dauber, 174. D'autant, 36, 102. D'aventure, 356. Dea (v. da), 356. Débarbariser, 215. Débarquement, 209. Débarrasser, 87, 215. Débaucher, 147. Débéroïser, 215. Débile, 231. Déblai, 89, 205. Débourser, 87. Débouter, 24, 184. Débrailler, 173. Débredouiller, 215. Débridement, 89, 215. Débrutaliser, 71, 156, 197,
215. Début, 205. De but en blanc, 255. Deça, 357, 378. Déchausser ses souliers,
178.
------------------------------------------------------------------------
INDEX LEXICOLOGIQUE
403
Décheveler, 77. Déchirant, 87. Décolorer, 89. Déconnaître, 129.. Décourroucer, 215. Découverte, 231. Découverture, 231. Décréditer, 88. Décrépitude, 110, 231: Décroire, 129. Décroître, 197. Dédale, 253. De dessus, 378. Dédication, 88. Dédicatoire (s.), 202. Dédormir, 129. Déduper, 215. De façon que, 389. De fait advisé, 374. De fait a pens, 374. Défalquer, 220. Défavoriser, 129. . Déférence, 88, 209. Défermer, 110. Défilé, 205. Défluxion, 129. Défortuné, 129. Défroque, 205. Dégâter, 129. Dégobiller, 76, 87, 213. Dégobillis, 210. Dégoûtant, 205. Dégringoler, 224. Dégrossir, 87, 215. Dégueniller, 87. De guères,.359. De hait, 88, 129. Déharnachement, 88. De jour à jour, 374. Dela, 357, 378. Délaisser, 227. Délascher, 129. Delectable, 89. Délice (sing.), 169. Délicat (s.), 203. Délire, 88, 218. De manière que, 389, Démarcher, 147. Démariner, 215. Démarrer, 50, 164. Déménagement, 87, 209. Démentir (s.), 204. Demeurer, 183. Demeurer pour certain,
169. De naguères, 357. Dent (porter une —), 174. D'entrée, 13. Dépacifiquer (se), 215. Départie (= séparation), 129,148. Départir (se), 148, 228. Dépatronner, 215. Dépenaillé, 87. Dépendre (= dépenser), 62,
145,306.
Dépit, 77, 90. Déplorable, 89. Déprendre, 77. Depris, 88.
Depuis que, 389.
Déquenouiller, 215.
De quoi, 390.
Déracher, 130.
Dérangement, 88.
Déraper, 183.
De relevée, 374.
Dernier, 67, 260,
Désabuser, 87, 88.
Désaccointance, 88.
Désaccointer, 88, 90.
Désaccorder, 90.
Désaffubler, 130.
Désagréablement, 88.
Désagréer, 130.
Désagrément, 89.
Désaise, 90.
Désanimer, 110.
Désappétissance, 88.
Désausser (se), 215.
Désembalconner, 215.
Désembarrasser, 130.
Désembâtoné, 215.
Désentraver, 215.
Désespérée (s.), 202.
Désespérer (s.), 204.
Déshabillé, 71, 89, 205.
Déshabiller, 197.
Déshumaniser (se), 197.
Désinfection, 215.
Désintéressement, 209.
Désintéresser, 87, 215.
Des mieux, 357.
Desor, 364. Dessaisissement, 209.
Dessicateur, 208.
Dessupprimer, 215. Dessur, 378. Destourbier, 102, 110. Détachement, 89, 209. Détaler, 174. Détapisser, 215.' Détectant, 218. Déteinte (= éteinte), 182. Détergent, 89, 218. Déterrer, 13. De toujours, 374. Détracter, 110. Détrancher, 228. Détraquer, 25,148. Détromper, 87, 197, 215. Détrôner, 215. Devant que, 389. Devers, 77, 378. Dévolution, 87. Dévot (= vénérable), 145. Dévotieux, 130. Dévouloir, 197. Dextre, 110. D'heure, 374. Diable (le — m'emporte),
169. Diablifier, 214. Diamantin, 90, 212. Diatribeur, 210. D'ici, 357. D'ici à un peu, 374. Didascalique, 220. Différent, 229. Diffusion, 218.
Digladation, 218.
Digne, 169.
Dilatable, 87, 211.
Dîneur, 89.
D'intrade, 374.
Dioptre de la raison, 253.
Discernement, 148.
Discord, 179.
Discourtoisie, 130.
Discrétion (= discernement), 148.
Disgracier, 87, 88.
Disparate, 223.
Dispensaire, 87, 208.
Dissertation, 218.
Dissoudre un empire, 260.
Divertissement, 89.
Divinement brûlé, 246.
Docilement, 89, 215.
Docte (se piquer de —), 203.
Dodelinement, 209.
Dodelue (s.), 202.
Dodu, 87, 224.
Doge, 221. Dol, 13.
Doléance, 145. Donaison, 130. Donner dans, 255, 260. Donner dans l'amour permis, 156. Donner le bal, 242. Donner sentence, 24. Donner son reste, 258. Donner son tribut à la nature, 156. Dont, 390. Dorelot, 130. Dorénavant, 365. Dores en là, 364. Dormir, 235. Dormir (s.), 204. Douanier, 210. Double-tête, 217. Doucet, 5. Doucette, 206. Doucher, 89. Dougé, 87. Douloir, 315.. Douter, 148. Doux-amer, 87. Doux coulant, 217. Doux éclairant, 217. Doux glissant, 87. Doux poignant, 246. Driller, 148. Droguer, 87, 213. Droit à droit, 379. Druyser, 214. Du contraire, 375. Du depuis, 357. Duègne, 223. Duire, 13, 77, 312. Duit, 130. Dulotizer, 214. Du premier coup, 37. Durant, 13. Dure (s.), 200. Durer, 146. Durette, 207.
------------------------------------------------------------------------
404
INDEX LEXICOLOGIQUE
Durer inhumaine, 146. Du tout, 36. Duumvirat, 89, 218.
E
Eau-bénister, 214. Ebouillir, 130. Ecaller, 177. Ecarer, 177. Echapper (l') belle, 174. Echaufaison, 132. Echec et mat, 258. Echeller, 132. Eclairer, 229. Eclaire-tout, 87. Ecoulement de nez, 156. Ecrabouiller, 173. Edificatif, 212. Effectif, 102, 110. Effectuellement, 88, 130. Effondrement, 89, 132, 209. Effronté qui ne rougit
point, 252. Effronterie, 87. Effroyable, 67, 231. Egail, 177. Egard (à cet —), 24. Elever les mains vers le
ciel, 242. Elever les yeux au ciel,
44,231. Eliminer, 87,89. Eloigner (s.), 204. Elogiste, 210. Eluder, 89, 218. Elumbe, 218. Emarger, 87, 215. Embadurnoser (s'), 87. Embarras, 87. Embesogner, 130. Embler, 131. Embrasement, 231. Embryon, 89. Emerveillable, 13, 131. Emissaire, 87, 89. Emmi, 379. Emmitouflé, S9. Emoi, 110. Emparer, 13. Empaulmer, 169. Empirance, 100, 102, 111. Emportement, 195. Empotironner, 215. Empourprer, 215. Empressement, 209. Emutissement, 87. En après, 358. En ça, 358.
Encanailler (s'), 71, 215. Encapuciner, 71, 215. Encastiller, 223. Enceinte, 158. Encendrer, 71. Encependant, 374. Encitrouiller, 215. Encombrier, 102, 111. Encommencer, 111.
Encontre, 379.
Enda, 358.
En devant, 358.
Endementiers, 91.
Endormissement, 131.
Endosser le harnois, 37,
99, 111. Endroit, 380. Endroit (à l'), 76. Endurer la souffrance, 146. Enfant cyprien, 246. Enfant de Mars, 246. Enfiler la venelle, 174, Enflammer, 229. Enfuir (synonymes de s'),
175. Enganyméder, 215. Engiguer, 131. Engolfer, 223. Engoncer, 215. Engraver, 131. Enhasé,131. Enherber, 131. Enhorter, 131. Enjambade, 208. En là, 358. Enmantelé, 131. Enmitouffler, 215. Ennabucodonosorder, 215. Ennuis cessés, 37, 44. Enodation, 218. En outre, 374. Enquadrupéder, 215. Enragé, 179. Enragerie, 131. En retour, 374. Enroué (s.), 202. Ensemble, 380. Enserpenter, 215. Ensuite de, 380. Entaché d'un vice, 60, 76,
169. Entamer, 192. Entasser, 229 Enthousiasme, 192. Enthousiasmer, 71, 213. Entour de, 380. Enthousiastique, 220. Entr'acte, 216. Entrailles crevées, 177. Entrebaiser (s'), 228. Entrebattre (s'), 131. Entrechas, 205. Entreconcilier, 216. Entredire (s'), 228. Entregager (s'), 228. Entremanger (s'), 228. Entrepiller (s'), 228. Entreramener, 216. Entresuite, 131. Entrevoler (s'), 228. Entr'imiter, 228. Entr'ouir, 228. Envieillir, 111. Envy, 374. Epardre, 314. Epaulu, 132. Epie, 132. Epiner (s'), 132. Epistolier, 210.
Epoindre, 111. Epoinçonner, 132. Epoque, 220. Epoudrer, 215. Equilibrer, 87. Equipage 37, en si bon —
163. Equipée, 87, 89. Equipoller, 131. Eriger, 231. Errata, 89. Erres, 97, 111. Erycine, 192. Es, 273. Escadron de sentiments,
255. Escamper, 132. Escarpolette, 89. Eschever, 132. Escient (à bon —), 111. Esclavage, 100. 211. Esclaver, 111. Esclaver(s' — de), 111. Esclavitude, 211. Esclop, 87.
Escopette de beauté, 254. Escrimer (s'), 256. Escroquer, 78, 176. Eslochement, 132. Eslocher, 132. Esmaier (s'), 132. Espérer (s.), 203. Espluyer, 132. Esprit flottant, 37. Esquisse, 87, 89, 221. Esquiver, 87, 221.
Essorer (s'), 132. Essourder, 111. Est-ce qu'on n'en meurt
point, 68. Estiver, 89. Estomac, 157, 159. Estoquer, 132. Estour, 111. Estranger (v.), 111. Estriver, 133. Estuyer, 112. Etage, 165. Eternel, 232. Etinceler (s.), 204. Etourdissement, 111. Etrange (= étranger), 146. Etre à quia, 174. Etre d'une vertu sévère,
242. Etre en conversation avec
des visages, 251. Etre en couches, 156. Etre en passe, 258. Etre enrhumé, 156. Etre plus que suffisant,
169 Etre pour (= courir fortune), 170. Etre sur des épines, 173. Etron,152. Eu égard, 35, 44, 380. Eutrapélie, 220. Evaporer, 253. Eventée (tête), 260.
------------------------------------------------------------------------
INDEX LEXICOLOGIQUE
405
Exact, 93, 218. Exactesse, 209. Exacteté, 209. Exactitude, 90, 195, 209,
211. Exagérant, 205. Exarque, 220. Exciteur, 210. Excogiter, 112. Excrément, 158. Excuseur, 90. Exercite, 133. Exhalaison infecte, 178. Exhale-framboise, 217. Exorbitance, 208. Expectative, 89. Expectorer, 213. Expédition, 218. Explanateur, 218. Explicitement, 215. Exproprier, 87. Exsibiler, 218.
Extemporaneité, 218. Extoller, 133.
F
Face, 43, 162, 170, 179.
Fâcherie, 170.
Facture, 87.
Fadaise, 90.
Fadeur, 210, 87.
Fagoue, 133.
Faible, 231.
Faible (s.), 203.
Faïence, 221.
Faire accroire, 232.
Faire bannière, 255.
Faire croire, 232.
Faire des assauts, 242.
Faire une erreur, 242.
Faisable, 232.
Faisser, 133.
Fallace, 170.
Fanfan, 225.
Fanfaronner, 213.
Fantasque (s.), 202.
Fantastique (= fou), 148.
Fantastiquer, 133.
Faquin, 78.
Fastueux, 88.
Fatal, 232.
Fatuité, 89.
Fausse tresse, 170.
Faute de, 380.
Fauteuil qui tend les bras,
252. Faux-fuyant, 257. Faux-jaloux, 170. Féal, 133. Feintise, 133. Félicitalion, 208. Féliciter, 71, 218, 226. Félon, 112. Femmelette, 207. Fendant (s.), 202. Fenétrage, 133. Fère, 112, 217. Férir, 97, 102, 112, 307.
Ferré à glace, 248. Fertile de peine, 260. Ferveur, 37, 232. Fiance, 133. Fier (= farouche, joyeux),
146, 182. Fier (s.), 71. Fier-humble, 87. Figurant, 205. Figurette, 207. Filet, 182. Filouter, 213. Filtration, 87. Fin (s.), 203. Fin, 358.
Finablement, 359. Finalement, 359. Flamber (s.), 204. Flamme éthérée, 246. Flamme qui ruisselle, 246. Flatter (s.), 203. Fleur du feu, 261. Floc, 133. Floridité, 13. Flouement, 215. Fluer, 133. Flux de larmes, 159. Folâtre (s.), 202. Folichon, 90. Fond, 232. Fonds, 232. Fondre (se — en eau), 37.
170. Forcenerie, 77. Forclusion, 25. Forfan, 90. Forme enfoncée dans la
matière, 253. Formel (s.), 203. Fors, 29, 179, 380. Fortitude, 218. Fortuné, 170. Fortuner, 112. Foudrifier, 214. Foulis, 134. Foupir, 134. Fouque, 134. Fourberie, 89. Fourniment, 221. Fourrager le pays d'un
coeur, 254. Fourrier de la mort, 255. Frais (s.), 203. Fratricide, 123, 200, 218. Friper, 92. Friponne, 156. Friponnet, 207. Friser la mer, 261. Frisquette, 224. Froid (faire — à quelqu'un),
203. Froidir, 229. Fromage pourri, 163. Fronton, 221. Frottée, 89, 200. Frugal, 87. Fruitage, 227, Fruilion, 134. Fuitif, 112. Funérailles, 37.
Fureur, 59,232.
Furie, 59, 232.
Furieusement, 67, 260.
Furieux, 67.
Futur, 100, 179, 184, 202.
G
Gabatine, 221.
Gagnage, 177.
Gagne, 134.
Gagner au pied, 170, 173.
Gagner le taillis, 174.
Gagner un combat, 37, 241.
Gaie (s.), 201.
Galactophages, 220.
Galant, 237.
Galantise, 210.
Galantiser, 214.
Gale, 163.
Galimatias, 89, 243.
Gamache, 221.
Gamelle, 221.
Ganache, 221.
Garde meurtrière, 256.
Garder ses mesures, 256.
Gargotage, 208.
Garnement, 237.
Gasconnesque, 212.
Gâter, 78.
Gaudir, 112.
Gazeticr, 89, 210.
Gazette, 89.
Gazouil, 134.
Geindre, 171.
Gel, 112.
Général (s.), 203.
Généralement, 44.
Généreusement, 88.
Générique, 218.
Géniteur, 134.
Gestes (faits et), 134.
Giboyer, 77.
Giffle, 78.
Gigantin, 212.
Gigue, 205.
Girandole, 221.
Gîte, 43, 171.
Glacière, 89.
Gladiatrice, 218.
Glaucome d'aveuglement,
253. Glout, 134, Glyconique, 220. Gnathonien, 212. Gobin, 221. Gobloteur, 210. Gogue, 134. Goguenard, 211. Gonflé, 182. Gorge (rendre—), 76. Gosier (triple-), 217. Goulée, 134. Gouliafre, 134. Gourdin, 221. Gourgandine, 221. Gouttes à l'esprit, 252. Gracieux, 182. Gratification, 112.
------------------------------------------------------------------------
406
INDEX LEXICOLOGIQUE
Gratitude, 112, 195. Gravéolence, 218. Gravéolent, 219. Gravité (= poids), 232. Gredin, 78, 224. Greffe de Cupidon, 185. Grève (= jambe), 134. Grever, 77, 112. Grief, 112. Griffonner, 87, 213. Griffonnerie, 209. Gril, 17S. Grimacier, 210. Grimauderie, 89,135. Grimelin, 90, 135. Gringalet, 226. Gripper, 77. Grommeler, 171. Grotesque (s.), 202. Grouiller, 162. Grugeant, 205. Gryphes, 220. Guerdon, 113. Guerdonner, 77, 113. Guéridon, 259. Gueule, 159. Gueusaille, 208. Gueusaïque, 211. Gueuser, 213 Gueuserie, 209. Guide-nef, 217. Guignon, 208. Guingois (de), 174. Guimbarbe, 224.
H
Habile (s.), 201. Hâblerie, 209. Hâbleur, 87, 210. Haim, 135. Haineux, 113. Halluciné, 219. Halte, 88, 223. Hardos, 224. Hausser, 229. Haut (le — du jour), 203. Havir, 135. Haye au bout, 135. Heaume, 113. Héberger, 113. Hélas (s.), 113. Helléniste, 220. Helluon, 219. Hémérocentons, 220. Herbage, 227 Herbageux, 113. Herbette, 207. Hermétiquement, 215. Héroïfier, 214. Hersoir, 359. Heureusement contraint,
246. Heureux caché, 247. Heurtade, 89, 208. Hommageable, 135. Homonyme, 87, 220. Honnête homme, 236. Honni, 97, 113.
Honte (= pudeur), 37, 99,
146. Horrible, 67, 231. Hôtellerie de labeauté, 252. Housse, 213. Huer, 78. Hui, 359. Huis, 135. Huilante, 286. Humble-fier, 217, 246. Humblesse; 113. Humecter (s'), 163. Humiliation, 123, 219. Humilité, 146. Hurlade, 208. Hurler, 171. Hurlerie, 135. Hutter, 213.
I
Icelui, 26, 29, 292.
Idéal, 192.
Idoine, 114.
Illec, 102,347.
Illustres malheureux, 247.
Il y a bonne pièce, 374.
Imaginable, 88.
Imaginations, 146.
Immangeable, 87 .
Immanquablement, 215.
Immense, 114.
Immiséricordieux, 90.
Immortel, 232.
Impatroniser, 88.
Impénitence, 88.
Impérer, 3 35.
Imperforation, 87.
Impériale (s.), 202.
Impersonnaliser, 214.
Impie, 87.
Impiteux, 114.
Importamment, 71, 215.
Impossible (s.), 202.
Imprévoyable, 135.
Imprimer ses souliers en boue, 156.
Improviste (à l'), 221.
Impugnation, 192.
Impugner, 192.
Incendie, 87, 218, 219, 231.
Incité, 217.
Inclémence de la saison, 252.
Incognito, 220, 221.
Incompétent, 87.
Inconcevable, 216.
Inconcussément, 135.
Incongelable, 87.
Incongruité en architecture, 252.
Incontestable, 71, 87, 216.
Incontinent que, 390.
Incoupable, 123.
Incuil, 71.
Inculper, 87.
Incurie, 87.
Indécence, 88.
Indécrottable, 87.
Indiquer, 87. Indispensable, 216. Indispensablement, 195. Indisputable, 216. Indoctement, 135. Indulgencieux, 88. Inepte, 192. Inespérément, 88. Infaillibilité, 192. Infamant, 205. Infamation, 89. lnfatigabilité, 219. Inflexibilité, 87. Infrasquer, 88. Infréquence, 90. Ingargouillat, 88. Inhonnête, 89. Inidoine, 88. Ininterprétable, 192. Innocemment coupable,
246. Inouï (s.), 70. Inouïsme, 71. Inquilin, 136. Inscrire (s'— en faux), 185. Inscrophié, 88. Insépulture, 216. Insépulturés (s.), 216. Insidieux, 218, 219. Insolubilité, 192. Insoutenable, 216. Instantané, 211. Instrument de la propreté,
156,251. Insulter, 218, 219. Insurger, 87. Insurmontable, 87. Intarissable, 87. Intelligent, 87, 200. Intempérie, 88. Intentionné, 211. Intentionner, 212. Intercadent, 71, 200. Intercepter, 87. Intermese, 221. Interversion, 87. Intimation, 25. Intimément, 87. Intolérance 87, 216. Intrépide, 17, 195, 221. Intrication, 135. Intrigue, 221. Intrique, 221. Introuvable, 17, 195. Invectiver, 87, 212. Inverse, 87. Invisibilité, 192. Ire, 103, 114. Ironiser, 214. Irréconciliable, 88. Irrésolu, 88 Irrespectueux, 87. Islette, 207. Isnel, 91, 114. Isoler, 88. Issir, 102, 314. Istre, 314, Ivoirin, 212. Ivrognette,207.
------------------------------------------------------------------------
INDEX LEXICOLOGIQUE
407
J
Jà, 13, 97, 359. Jacoit que, 26, 97, 102, 390. Jacter (se), 13, 136. Jà déjà, 360. Jadis, 102, 360. Jaillir, 228.
Jamais plus, 60, 220,360. Jansénéité, 211. Jardinage, 227. Jaune-doré, 216. Jeanguillaumer, 214. Jectigation, 88. Jeleuse, 114. Je ne sais quoi, 67. Joindre, 221. Joint que, 24, 390. Jouer à la pelote de l'immortalité, 258. Jouvence, 77. Jouvenceau, 77, 98, 114. Jouxte, 381. Judicatrice, 219. Jugurthine, 219. Jupe, 156. Justaucorps, 217. Juste (adv.), 233. Justesse, 209.
L
Là, 360.
La bouche en regrets, 241.
Laidanger, 136.
Lame (= tombeau), 148.
Languéier, 136.
Languide, 192.
Languir (= s'ennuyer), 182.
Languissant (s.), 201.
Larges pleurs, 218.
Larmoyable, 114.
Larmoyer, 114.
Larveux. 197.
Las, 13.
Là-sus, 360. ■
Latrines, 152.
Lavement, 156.
Laver la tête, 174.
Lazaret, 221.
Leniment, 192.
Le passé, 374.
Lestement, 215.
Lestitude, 211.
Lèvres bien ourlées, 251.
Libelliste, 210.
Libéralités, 233.
Licite, 24, 184.
Liesse, 77,114.
Lisart, 20S.
Loisible, 115.
Long, 381.
Longuement, 360.
Lors, 13, 77,361.
Lors de, 381.
Los, 36, 100, 115.
Loterie, 221.
Loterizer, 221.
Loucher, 213.
Lourdaud, 202.
Louvicide, 200. Louvre de la faculté irascible, 245. Lubie, 224. Luire, 228.
M
Macaroni, 221.
Ma chère, 67.
Machiniste, 210.
Mâchonner, 171.
Magistrat (= fonction), 148,
Magnifier, 100, 115.
Maignie, 77.
Maigrelet, 207.
Maint, 13, 97, 179, 298.
Maintefois, 179, 361. ' Maintenant, 115.
Mais, 361.
Maisonnette, 207.
Mais que, 391.
Majordome, 221.
Malade raison, 246.
Malandrin, 221.
Malement, 136, 362.
Malengin, 77.
Malette, 207.
Malgracieux, 76, 171.
Maltalent, 77, 102.
M'amie, 171.
Mammelles, 159.
M'amour, 171.
Mandarin, 223.
Mandille, 223.
Manège, 221.
Manenda, 358. Manes, 233. Mangereau, 207. Manière (de la belle—), 73. Manoir, 115. Mansuet, 88, 136. Manuscrivain, 208. Ma peine m'a repris, 241. Maquiller, 213. Marbrin, 212.
Marché, 178. Marcher (s.), 204. Margouillis, 210. Marier (se), 156. Marine (= mer), 202. Marmiteux, 136. Marquer de noir une journée, 252. Marrucinite, 219. Masque de la générosité,
252. Matamore, 223. Matéologie, 220. Matériel (s.), 203. Matière, 13. Mâtin, 177. Matinal, 115. Matineux, 115. Matinier, 115. Matois, 167. Matoiserie, 167. Matou, 224. Matte, 166.
Maugré, 374.
Mauvais anges des criminels, 251.
Mauvestié, 115.
Mazette, 90, 234.
Méchef, 136.
Mécontentement, 115.
Mécroire, 136.
Médecine, 156.
Médeciner (se), 212.
Médicamenter, 213.
Méfait, 171.
Meilleur (s.), 202.
Mélancolique (s.), 203.
Mélioration, 136.
Mélodie, 192.
Mêmement, 362.
Mémorieux, 136.
Ménage, 178.
Mentionner, 212.
Menuet (adj.), 207.
Méprisamment, 215.
Mérautiser, 214.
Mercadant, 136.
Mercantile, 221.
Mère du désordre, 251.
Mère du silence, 251.
Meshaigner, 77.
Meshuy, 77,362.
Mesquin, 221.
Mesquinement, 215, 221.
Mestive (= moisson), 136.
Métier (= besoin), 148.
Mettre à jubé, 13.
Mettre bon ordre, 171.
Mettre (se) en quatre, 174.
Mettre en souci, 241.
Mettre les doigts sur les touches de nos intentions, 245. Meureté, 136. Meurtrifier, 214. Meurtrir (=tuer), 146, 226. Micmac, 224. Mignarder un enfant, 115. Mignature, 221. Mijaurée, 174, 224. Milice, 36, 146. Milice de robe longue, 256. Mi, 115.
Minauderie, 209. Mimi, 171. Mine, 66.
Mine de ses intentions, 254. Miniature, 221. Ministrillon, 207. Mire (= médecin), 136. Miroir céleste, 251. Misère nue, 154. Missifier, 214. Mitan, 137. Mitonner, 224. Mitonner les plaisirs, 253. Modeste, 156. Moleste, 137. Mon, mont, 362. Monarque, 220. Monde (= grande quantité
de personnes), 233. Monde (= propre), 137.
------------------------------------------------------------------------
408
INDEX LEXICOLOGIQUE
Monopole (=complot), 148. Monstricide, 200. Monstrueux, 234. Morceler, 213. Mordre (se) les pouces,
174. Mortification, 226. Mortifier, 226. Morve, 154. Mot, 233. Moult, 97, 363. Mousseline, 222. Mousson, 223. Moustachiquement, 215. Mouvoir (= faire, naître),
148. Moyenner, 13. Muguet (= jeune galant),
172. Musser, 137. Mutuel, 233.
N
Nanan, 225.
Naquet, 137.
Naqueter, 137.
Narquois, 78.
Nasinerie, 219.
Nativité (= naissance en-'
gal), 149. Nature, 13. Nausée, 219. Nave, 116. Navigage, 137. Navrer, 78, 316. Ne, 391.
Néanmoins, 13, 36, 102. Nécessaire, 251. Nef de la continence, 249. Ne mettre guère, 171. N'était, 392. Nettir, 116. Neuf, 233. N'eût été que, 392. Ni, 391.
Nice (= simple), 137. Niche, 224. Nigauder, 213. Nippe, 224. Nocent, 137. Noir-bilieux, 216. Noise, 77. Noiser, 137. Nonchalamment, 364. Non-être (s.), 204. Nonobstant, 24. Non-valeur, 216. Notamment, 364. Notoire, 24, 184. Nouille, 223. Nourrir, 233. Nouvellant, 210. Nouvelleté, 137. Nouvellier, 210. Nouvelliste, 210. Nubileux, 137. Nu d'épée, 260. Nuisance, 98, 116. Nuit aveugle, 261.
Nuitée, 137.
Nymphe potagère, 253.
O
Obéir (s.), 204.
Obérer, 219.
Obscur (s.), 203.
Obscurifier, 214.
Obsèques, 116.
Occasion, 254.
Occasionner, 212.
Occire, 116, 311.
Occision, 138.
Ocieux, 116.
Oculé, 138.
Oeillade, 116.
Oeillader, 116.
Offense, 78
Offenser, 146, 149.
Offenseur, 37, 200, 210.
Officiosité, 219.
Oindre, 160.
Ombrage, 227.
One, 347,364.
Ondeux, 138.
Onguent, 76, 152, 160, 233.
Opéra (= chef-d'oeuvre),
222. Opinion (= volonté), 226. Opportun, 116, 217. Opposite, 13. Oppresse, 117. Oppugner, 138. Or, 102, 364. Orangeade, 208. Or avant, 364. Or bien. 364. Or ça, 364. Ord, orde, 138. Ordonner une armée, 241. Ordure, 179. Orendroit, 364. Ores, 13, 97, 364. Ores que, 26, 392. Orgueillir, 138. Or là, 364. Orne, 138. Orviétan, 222. Oser (s.), 204. Ost, 97, 117. Oubliance, 117. Ouïr (s.), 204. Outiron, 177. Outre ce que, 392. Outrecuidance, 117. Outrepercer, 228. Outreplus, 33, 365. Ovidienne, 212. Ovin, 232.
P
Pache (= pacte), 182. Paillarde, 177. Paître, 233. Palud, palus, 138. Panégyriser. 220. Pantalonnade, 208.
Pantois, 77. Papeger, 222. Paquebot, 223. Parainsi, 365. Parangonner, 220. Paraphrastique, 220. Paraprès, 365. Paravant, 365, 381.
Paravent, 222.
Par aventure, 356.
Par ce que, 393.
Parce que, 101, 392.
Pardonnable. 233.
Pareille (s.), 202.
Parensemble, 365.
Parentage, 103, 117.
Parentelle, 138.
Parents, 226.
Parer l'esprit, 252.
Par faute de, 380.
Parfois, 102, 374.
Parfournir, 138.
Parfumer (= fumer à l'excès), 149.
Pari, 205.
Par laps de temps, 374.
Partement, 138.
Par le passé, 374.
Par longtemps, 366.
Paroir, 117, 307.
Paroy, 117.
Parquoy, 366, 392.
Par sus tout, 59, 366.
Partant, 36, 366, 392.
Par tel si que, 392
Partir (= diviser), 147.
Partir (s.), 204.
Partisan de l'efficacité de la grâce, 250.
Pas (= passage), 233.
Passe (être en —), 73, 258.
Passer l'éponge, 173.
Passionner (se), 149, 212.
Patata, 325
Patatac, 225.
Patati, 225.
Patatin, 225.
Pataud, 211.
Patavinité, 219.
Patiner, 213.
Patins d'impudence, 245.
Paureiou, 182.
Pavois, 117.
Pecque, 224.
Peigner, 226.
Peineux, 138.
Pelu. 177.
Pendant, 43, 381.
Penderie, 209.
Pendre (= suspendre), 149.
Pendre l'épée au croc, 254.
Pennage, 139.
Penne (= plume), 139.
Penser, 117, 235.
Penser (s.), 204.
Perdre les étriers, 256.
Perdre sa franchise, 254.
Perdrigeon, 259.
Perdurable, 117.
Peregrinité, 89.
------------------------------------------------------------------------
INDEX LEXICOLOGIQUE
409
Perfunctoirement, 219.
Permanent, 117.
Peronelle, 259.
Pers (adj.), 77, 118.
Pertuiser, 139, 316.
Perturber, 139.
Pesant (s.), 202.
Peste, 172.
Peslerie, 209.
Petit-maître, 216.
Pétulance, 172.
Pétulque, 219.
Peuple, 166.
Peur que, 393.
Phébus, 219.
Philosophant, 205.
Piaillerie, 209.
Piane, 222.
Pic, repic et capot, 258.
Pie (= pieux), 149.
Pièce(faire —à qq.),172.
Piéça, 98, 102.
Piécer, 213.
Pied à pied, 374.
Pied (sur le... d'amant),
258. Pignocher. 225. Piquer (se — de docte), 68. Piquer (se — de vaillant),
203. Pis, 156. Piteux, 118. Plages éthérées, 247. Plagiairement, 215. Plaie d'un navire, 261. Plaindre, 227. Plaint, 118. Plainte, 227. Plaire, 227. Plaisant, 233. Planer, 234. Plani, 13. Plalassade, 208. Plébée, 166. Plein de moeurs, 242. Plénipotentiaire, 219. Plénipotentiairerie, 219. Pleurerie, 173. Plevir, 118. Pliage, 208.
Pli delà cupidité, 185. Plier, 234. Plombin, 212. Ployer, 234. Plumet(adj.), 209. Plumeux, 197. ' Plutôt, 182. Plus outre, 366. Poètastre, 89, 208. Poète muet, 251. Poètereau, 208. Point (=piquél, 118. Point du jour, 17, 234. Pointiller, 213. Poitrine, 50,76,156, 162. Polémique, 220. Poli (s.), 203. Polichinelle, 222. Poliment, 187. Polissure, 13.
Politique, 93. Poilu, 139. Polyglotte, 220. Pommadé, 71 Ponctualité, 211. Ponctuellement, 215. Pontife de la loi chrétienne,
250. Pontificat (= pompe), 149. Populo, 219. Portail, 229. Porte ambassade, 217. Porte, 229. Porte bonnet, 217. Porte braguette, 217. Porte de l'entendement,
251. Porte du cerveau, 251. Porte flambeau, 217. Porte laine, 217. Porte lumière, 217. Porte mitaine. 217. Porte moissons, 217. Porte safran, 217. Possible, 59. Poste (à), 220. Pots de terre, 176. Pouls, 160. Pour, 382.
Pour et à icelle fin, 26. Pour l'heure, 366. Pourprette (s ), 206. Pourprin, 212. Pourpris, 77. Pour que, 397. Pourquoi, 102. Pourtant, 394. Pousser, 258. Pousser à la honte, 241. Pousser les sentiments,
258. Pousser loin les choses,
260. Pouvoir (il y peut), 172. Préalablement, 366. Précaution, 192. Précautionner, 213. Précieux, 69,236. Précipitamment, 214. Précipitément, 214. Prélatifier, 214. Préliminaires, 219. Prélude, 258. Préluder, 258. Premier, 77, 366. Premier que de, 382. Prépostérer, 139. Présentateur, 208. Présentement, 367. Prestement, 374. Prestation de foi, 192. Prétentaine (courir la —),
224. Prétexter, 212. Prêricide, 200. Preux, 118. Prime, 118. Princiste, 230. Printanier, 212. Pristin, 139.
Privance, 139. Privés, 152. Procéder (s.), 204. Proche de, 382. Proches, 226. Procrastiner, 219. Procure, 118. Prodigieux, 234. Proditeur, 139. Profond (le — de mon
esprit), 70. Profonder, 338. Profondité, 139. Profus, 139. Prolégomènes, 220. Propense, 219. Propreté, 229. Propriété (=propreté),229. Proser, 213. Prostituer, 179. Protestantisme, 210. Protreptique, 220. Prou, 367.
Prouesse, 77, 100, 119. Provident, 139. Provincial (s.), 202. Provincialité, 211. Prude, 153, 236. Prurit, 192. Psallette, 139. Pudeur, 151. Puriste, 16, 31. Purpuré, 140. Putéane, 219. Putide, 219. Pyrauste, 220. Pyrrhonisme, 220.
Q
Qu'ainsi ne soit, 394.
Qualité, 119.
Quand, 394.
Quantefois, 77, 100, 179,
367, 374. Quant et moy, 367. Quant et quant, 367. Quartement, 374. Quasi, 44, 76, 368. Quasiment, 368. Quatrièmement, 374. Quenotte, 174. Quenouillelte. 207. Que . que, 298. Quibus, 174. Quichotiser, 214. Quiétude, 195. Quincaille, 174. Quintement, 374. Qui... qui, 299. Quitter l'envie, 37, 39, 44.
R
Rabbinage, 226. Radresser, 140. Raffinage, 18. Raffiné, 205. Raffoler, 228. Rafle (faire—), 174.
------------------------------------------------------------------------
410
INDEX LEXICOLOGIQUE
Ragoût, 205.
Rainceaux, 119.
Raire, 311.
Rais, 13. 234.
Ramingue, 256.
Rancoeur, 119.
Randon (à grand-), 119.
Rangé, 234.
Rasant, 205.
Rasa ras, 382.
Ratatiner, 224.
Ratelier, 174.
Ratine, 224.
Ravauderie, 209.
Ravigorer, 340.
Ravir (à), 119.
Ravissant, 67.
Raviver un flambeau, 123,
147. Rayons, 234. Rebelle, 234. Rebelle (s.), 201. Rebourse, 178. Rebuffade, 222. Récamer, 140. Rechigneux, 140 . Réciprocation, 140. Réciproque (s.), 203. Recommandaresse, 140. Recordation, 140. Recourre, 314. Recru, 77.
Recueil (= accueil), 149. Redoutable, 231. Redoute, 222. Refermer, 228. Refreindre, 119. Refroidir, 229, Régaler, 213. Regard, 235. Regarder, 235. Regards qui respirent la
pitié, 246. Regeste, 119. Régiment du désespoir,
254. Regouler, 214. Rejaillir, 228. Relent (adj.), 140. Religion, 226. Religionnaire, 182. Reliques, 234. Reluire, 228. Rembarrer, 174. Rembellir, 140. Remembrance, 140. Remembrer (se), 141. Remordre, 119. Rémoulade, 222. Remourir, 216. Rempart de chasteté, 254. Remplumer (se), 174. Renchérir sur le ridicule,
252. Renchûte, 141. Rencliner, 141. Rendre les armes, 254, 255. Renfondrer (= recreuser),
141.
Renfroquer, 214.
Rengréger (se), 141. Repassade, 208. Repeuplement, 209. Replisser, 228. Républicain, 208. Réputation malade, 260. Requinquer (se), 174, 183. Rescourre, 141. Ressouvenance, 119. Ressouvenir (se), 235. Reste (à toute — ), 141. Reste (donner son —), 258. Rester (= demeurer), 183. Restes, 234. Rétablir le désordre, 37,
241. Retardation, 141. Retiré (s.), 203. Retivé, 141. Retomber, 228. Retourner (= revenir de),
149. Retranchement, 255. Retrancher (se), 255. Rets, 257. Réussible, 222. Réussir(= avoir une issue),
349. Réussite, 90, 222. Revenger, 13. Rhapsodie, 220. Rhume, 160.
Riche d'inventions, 246. Ridicule, 119. Rière, 383.
Ringersur le pelat, 167. Riolé-piolé, 143. Riottes, 13. Riposte, 222. Riposter, 222. Ris fins, 252. Risque, 194. Rocher de mépris, 249. Romanesque, 212. Romaniser, 214. Romaniste, 211. Romanserie, 209. Rondache, 77,120. Rondement, 174. Rond habitable, 247. Ronfler, 176. Rongeard, 141. Roquentin, 224. Rosoyer, 13. Rosse. 178. Rôtir le balai, 174. Roublier, 216. Rouer de la prunelle, 120. Roues des oreilles, 72. Rouge-clair, 216. Rougissante, 120. Roulette, 207. Route (= déroute), 149. Rucher (v.), 214. Rude (s.), 203. Ruminer, 178.
S
S'abat, 37, 43, 50.
Sabbat, 174.
Sabre, 233.
Sabrenaud, 224.
Sabrenauderie, 225.
Sac à vin, 174.
Safranier, 210.
Sagesse ignorante, 246.
Sagette(adj.), 5, 206.
Saigner du nez, 174.
Sale, 178.
Salé, 174.
Saligaud, 174.
Salisson, 141.
Salomoniquement, 215.
Salope, 225.
Saltimbanque, 222.
Saltimbanquer, 222.
Salvation, 25.
Sanglamment sévère, 246.
Sanguinaire (= sanglant), 150.
Santé des affaires, 260.
Saper, 255.
Sarabande, 223.
Sarrasinesquement, 215.
Satiable, 141.
Sauf, 13, 383.
Saugrenu, 217.
Sauvage (s.), 203. Sauvement (= salut), 120. Sauveté, 141. Savamment joint, 246. Savaritas, 222. Scaligérien, 212. Scarronade, 208. Scarronerie, 209. Scarronizer, 214. Sçavants mélancoliques,
216. Sceau de l'intégrité, 185. Scintiller, 192, 217. Séant, 59.
Sécheresse de conversation, 252. Secouade, 208. Secourre, 314. Secrète. 156. Sécurité, 218, 219. Séguedille, 223. Seigneurier, 142. Seins, 159. Sélectes, 219. Séminaire (= pépinière),
150. Semondre, 312. Senestre, 120. Sens dessus dessous, 120. Sensé (s.), 201. Sentir les contre-coups de
l'amour permis, 156. Septante, 286. Séraphin homme, 205. Serf, 172.
Sergent major, 223. Sérieuseté, 211. Sérieux (s.), 70, 203, 211. Sériosité, 71. Serrer (= fermer), 183. Servage, 172. Servant, 120.
------------------------------------------------------------------------
INDEX LEXICOLOGIQUE
411
Service (faire un beau —),
174. Seulement, 235. Seulet, 207. Sévir, 219. Sextement, 374. Si, 59, 77,368. Si bien, 395. Sibilot (faire le — ), 174. Siéger (= assiéger), 214,
229. Siennes (faire des —), 174. Signal, 235. Signe, 235. Signifiance, 142. Simarre, 222. Simple, 229. Simple (s.), 202. Simpliste, 142. Sinon, 30, 395. Si que, 396. Sobriquet, 174. Soigneusement, 44. Soit que, 397. Sol (= terre), 218. Soldat (adj.), 205. Solde, 222. Soleil de la nuit, 72. Solennel (= énorme), 150. Solide (s.), 203. Solliciter (= attenter), 150. Solliciter (= soigner), 172. Sollicitude, 121. Solu, 142. Sombre (s.), 203. Sombrement éclairci, 246. Somme, 370.
Sommeiller, 235.
Son (s.), 235. Songeard, 142. Songer, 235.
Sonneur (= poète), 147. Sororicide, 200. Sortie des ombres d'enfer,
260. Sortir (= partir), 183. Sottiser, 214. Soucieux, 121,197. Soudain, 235. Soudainement, 235. Soudard, 225. Soudre, 313. Soudrille, 225. Souef, 13,142. Souefveté, 142. Souffle-petun, 217. Souffletade, 208. Souffrir (s.), 204. Souillé, 236. Soûlas, 142. Souleur, 374. Souloir, 77, 310. Soupçonneux, 235. Soupireur, 71, 210. Soupple (s.), 202. Sourde oreille (faire la —),
173. Sourdine, (à la — ), 259. Sourdre, 313. Sournois, 225.
Souvenance, 121. Souventes fois, 370. Souveraineté, 44, 209. Spectacle, 230. Spirer, 219. Stérile d'hommes, 260. Suader, 121. Suasoire, 142. Suave, 100. Subit, 370. Submission, 184. Subordination, 219. Subordinement, 219. Substantifier, 52, 214. Subtiliseur, 210. Subvenir, 229. Sucrin, 212. Sueur, 178. Sueux, 121, 197. Superbe, 121. Superficiaire, 142. Superin, 187. Suppéditer, 142. Supplicier, 214. Supplier, 44, 59, 235. Suradmirable, 216. Surcroît, 205.
Surcroît d'un fauteuil, 251. Suréminent, 216. Surfondre, 342. Surhausser, 121. Surreption, 219. Survenir, 229. Sus, 383. Susdit, 184. Suspect, 235. Symboliser (= s'accorder
avec), 150. Synonyme, 192. Syntaxer (se), 214.
T
Tabac, 223.
Tabagie, 223.
Tablier de la guerre, 258.
Tabuter, 174.
Tacet (faire le =), 174.
Taché, 236.
Tache avantageuse, 250.
Taisible (= tacite), 142.
Talemouse, 174.
Tandis, 371.
Tanner, 174.
Tanson, 142.
Tant moins, 371.
Tàntplus, 372.
Tant que, 396.
Tape, 174.
Taper, 174.
Tapinois (en), 174.
Tapoter, 174.
Tarabuster, 174.
Tarare-ponpon, 225.
Tard (adj.), 143.
Tardité, 121.
Tare, 100.
Targe, 121.
Tartane, 222.
Tasser, 229.
Taureau embourbé, 364.
Tavaiolle, 222.
Taxer (= blâmer), 60, 76, 172.
Tédieux, 143.
Teiller du chanvre, 177.
Témoin des temps, 252.
Température (= tempérament), 77, 147.
Tempérie, 219.
Temps (faire son —), 174.
Tendre (s.), 203.
Tendrelette, 207.
Tendreté, 321.
Tendreur, 121.
Tendrifier, 214.
Tenir en laisse des passions, 257.
Tenir le haut du pavé, 174.
Tenir les rênes, 162.
Tenir (se), sur son quant à soi, 174.
Tentatif, 212.
Tépidité, 143.
Termer, 321.
Terrain, 236.
Terribilité, 68.
Terrible, 67,231.
Terriblement, 68, 73.
Territoire, 236.
Terroir, 236.
Thaumaturge, 189.
Thymélique, 220.
Tiers et quart, 13.
Timbale, 225.
Tintamarre, 172.
Tintouin, 174.
Tirailler le coeur, 173.
Tiran (un pouvoir —), 204.
Tirer de longue, 236.
Tirer en longueur, 236.
Tistre, 314.
Titrer, 121.
Toile de la trahison, 258.
Tollir, 314.
Tonneaux d'amertume, 173.
Tonnerre, 202.
Toparque, 220.
Toper, 223.
Tordion, 143.
Torticolis, 174.
Touillant, 174.
Toupier, 174.
Tour, 252.
Tour de reins, 175.
Tour d'esprit, 260.
Tourner de tête (s.), 204.
Tourniquet, 207.
Tout(s.), 203.
Tout à bon, 375.
Tout à l'entour, 374.
Tout à un coup, 375.
Tout de bon, 375.
Tout de même, 372.
Tout d'un coup, 375.
Toutou, 225.
Tout plein, 372.
Tout-pouvant, 217.
Tout-puissant, 217.
------------------------------------------------------------------------
412
INDEX LEXICOLOGIQUE
Tout-voyant, 217. Tout son monde. 173. Touzer, 143. Trac, 143.
Traiter d'un air, 260. Traîtreusement, 373. Traître-faussaire, 216. Traits, 163, 173. Transfuge, 218, 219. Transport d'esprit, 195. Trantran, 174. Travestir sa pensée, 252. Treillissage, 208. Trelantantan, 225. Trépelu, 143. Très, 373.
Trésor d'un bocage, 246. Trésorier, 212. Tressauter, 214. Tretout, 299. Tribouiller, 90. Tricotis, 210. Triomphateur, 122. Tripolir, 214. Trimégiste, 189. Triste (s.), 201. Triste blanc, 247. Tristement doux, 246. Trogne, 173. Troisième élément, 253. Trompette, 205. Trône de la ruelle, 251. Troquer, 173. Trotin, 210. Troublement (s.), 122. Trouée, 205. Trouver de l'éternité en,
242. Turlutaine, 225. Turlututu, 225. Tympaniser, 173.
U
Uberté, 13. Ulcère, 76, 160. Unique, 229. Unissement(=conjonction)
122. Un petit, 373. Ursine, 219. Usance, 122.
V
Vacation, 150. Vacillé, 218. Vague (s.), 203. Vaillamment furieux, 246. Vaillant comme son épée,
173. Vaillant (se piquer de —),
203. Vaillants-héroïques, 216,
247. Valeur (non-), 216. Valeureux, 122. Valetaille, 208. Value, 122. Vaunéant, 143. Vécordie, 219. Vefvier, 143. Végétable, 143. Vénération, 44, 123. Ventre, 76, 160. Vénusté, 100. Vergogne, 122. Vergogneux, 322. Vermillon de la honte, 252. Vermolissure, 143.
Vert (sur le —), 201.
Vertige, 219.
Vertigo, 90.
Vertugadin, 210.
Veste, 222.
Vestibule, 219.
Vicomte, 151.
Victorieux (s.), 201.
Vigueur, 151.
Villette, 143.
Vilotter, 143.
Vindicte, 25.
Viol, 122.
Violement, 122.
Virer, 122.
Visière, 78.
Vitupère, 76, 122.
Vitupérer, 123.
Vivre (s.), 204.
Voir, 235.
Voire, 77, 373.
Voire même, 373.
Voirement, 373.
Voisinance, 143.
Voisiné (= voisinage), 123.
Voisiner le but, 236.
Voiturin, 222.
Volée (de la belle —), 73.
Volte-face, 222.
Vomir, 154, 160, 178.
Vortice, 222.
Vouloir (s.), 179.
Voûtes éthérées, 247.
Vu, 24, 383.
Vue, 235.
Z
Zinzoliner. 214.
------------------------------------------------------------------------
TABLE DES MATIÈRES
LIVRE PREMIER
LA REFORME DE LA LANGUE — LES HOMMES LES INSTITUTIONS — LES OEUVRES
CHAPITRE PREMIER LA LANGUE AU DÉBUT DU XVIIIe SIÈCLE. MALHERBE.
L'opinion au moment de l'arrivée de Malherbe à Paris, 1. — Le réformateur, 2-3. — Epuration du vocabulaire, 3-6. — Réglementation de la langue, 6-9.
CHAPITRE II L'OPPOSITION A MALHERBE.
Les satiriques. — Camus, 10.— Mlle de Gournay, 11-14.
CHAPITRE III INFLUENCE CROISSANTE DE MALHERBE. SES CONTINUATEURS.
Les disciples de Malherbe, 15. — Deimier, 16. — La grammaire et le monde, 16-18.
CHAPITRE IV LA THÉORIE DU BON USAGE.
Le langage « pédant», 19-21. — Le langage du Palais, 21-27. — Le langage de la ville et l'usage de la Cour, 27-28. — Un témoin : Anthoine Oudin, 28-30.
CHAPITRE V L'ACADÉMIE FRANÇAISE.
Fondation de l'Académie, 31-35. — Travail de l'Académie, 35-36. — Les Sentiments sur le Cid, 36-39. — Le premier projet du Dictionnaire, 39-42.
CHAPITRE VI L'OPPOSITION. LA MOTHE LE VAYER.
------------------------------------------------------------------------
414 TABLE DES MATIERES
CHAPITRE VII VAUGELAS.
Sa vie et son oeuvre, 46-51. — Valeur des Remarques, 51-56.
CHAPITRE VIII L'OPPOSITION A VAUGELAS. SON SUCCÈS.
La Mothe Le Vayer. Les lettres à Naudé, 57-60. — Scipion Dupleix. La Liberté de la Langue françoise dans sa pureté, 60-63. — Triomphe de Vaugelas. Les Remarques entrent dans les manuels de grammaire et dans la pratique des écrivains, 63-65.
CHAPITRE IX LA PRÉCIOSITÉ.
La préciosité est ancienne, 66-69. — Les créations des précieux. Les mots, 69-72. — Les phrases, 72-74.
CHAPITRE X LE BURLESQUE.
Ses éléments linguistiques. Le burlesque est la négation des règles nouvelles, 75-78. — Succès et décadence du genre, 78-80.
LIVRE DEUXIÈME LE LEXIQUE
CHAPITRE PREMIER LA LEXICOLOGIE ET LES LEXIQUES.
Indications sommaires sur les diverses séries de Lexiques. Dictionnaires français latins, 83-84. — Français-flamands, 84.— Français-espagnols, 84. — Français-italiens, 84. — Français-anglais, 85. — Françaisallemands, 85. — Nicot, 86. — Cotgrave, 87. — Monet, 88.—Anthoine Oudin, 89. — Les lexiques et la langue, 90-94.
CHAPITRE II LES MOTS VIEUX.
Fin de l'archaïsme volontaire, 95. — Dédain des vieux mots, 96. — Résistance de Mlle de Gournay, 96-97. — A la poursuite de l'archaïsme, 97-99. — Vaugelas et ses contradicteurs, 99-101.—Les pamphlets et les parodies, 101-104. - Mots considérés comme vieux par les théoriciens, 104-123. — Réflexions sur ces proscriptions, 123-124. — Mots qui vieillissent sans être condamnés, 124-144. — Mots qui perdent un sens
------------------------------------------------------------------------
TABLE DES MATIERES 415
ancien, 145. — Le sens ancien est condamné par un théoricien, 146-147.
— Le sens ancien tombe en désuétude sans être condamné, 147-150.
CHAPITRE III LES MOTS DÉSHONNÊTES ET RÉALISTES.
Progrès de la délicatesse sous l'influence du « Père Luxure », 151. — Développement parallèle de la pruderie, 151-153. — Plaisants scrupules, 153-156. —Chose ou poitrine devenus suspects, 156-157. — Mots condamnés comme indécents, 157. — Mots condamnés comme réalistes,
- 158.
CHAPITRE IV
LES MOTS BAS.
Il y a toujours eu des mots « bas », 161. — Malherbe donne l'exemple du dégoût. Les mots « parqués en castes », 162-165. — Les mots
bourgeois, 165. — Les mots peuple, 166. — Liste de mots déclarés bas, 167-173. — Comment on peut augmenter cette liste, 174. — Le style se purifie, 175-179.
CHAPITRE V
LES MOTS DIALECTAUX.
Malherbe dégasconne la Cour, 180-181. — On fuit les moindres traces des barbarismes des provinces, 182-183.
CHAPITRE VI LES MOTS DE MÉTIER.
Les mots du palais, 184-185. — Les mots des divers métiers, 185-188.
— Les mots des sciences, 188-193.
CHAPITRE VII 1 LE NÉOLOGISME.
Plus de mots nouveaux, 194. — Le néologisme et Vaugelas. Explication de quelques concessions apparentes, 196-198. — La Mothe Le Vayer défend les droits de l'écrivain, 198-199. — Théorie de Dupleix, 199. — Mots nouveaux : 1° Dérivation impropre, 200-206. — 2° Dérivation propre. Diminutifs, 206-208. — Substantifs, 208-211. —Adjectifs, 211-212. — Verbes, 212-214. — Adverbes, 214-215. — 3° Composition par particules, 215-216. — 4° Composés proprement dits, 216. — 5° Mots d'emprunt latins et grecs, 217-220. — Italiens, 220-222. — Espagnols, 222-223. — Emprunts aux autres langues, 223. — Mots d'origine incertaine, 223-225. — Nouveautés de sens, 225-226.
CHAPITRE VIII TRAVAIL SÉMANTIQUE.
Les simples distingués des dérivés et des composés, 225-228. — Fixa1.
Fixa1. suite d'une erreur typographique, le chapitre VII et le chapitre VIII ont été numérotés VI et VII dans le texte.
------------------------------------------------------------------------
416 TABLE DES MATIÈRES
tion du sens de divers mots, 228-229. — Un exemple des analyses du temps, le sens de galant, 237-240.
CHAPITRE IX EXPRESSIONS ET FIGURES.
Malherbe et Vaugelas ne sont pas pour la libre création « des phrases », 241-242.—Abus du style figuré. Nervèze. Des Escuteaux et leurs semblables, 243-245. — Malherbe et les expressions figurées, 245-247. - Protestations, 247. — Sorel et le Berger extravagant, 249-250. — La mode continue. Précieux et précieuses, 250-251. — Essai de classement de ces images, 251. — Où on les prend? 253. — La mode et les termes de guerre, 253-255.— Les distractions mondaines. La chasse, les jeux, les arts, la vie, 255-259. — Cyrano parodie ce style. Chevreau censure jusqu'aux censeurs, 260-261.
APPENDICE AU LIVRE II
Dictionnaires publiés de 1600 à 1660.
1re série. Français — langues mortes, 262-264.— 2e série. Français — langues vivantes, 264-267. — 3e série. Dictionnaires polyglottes, 267269. — 4e série. Dictionnaires techniques, 269. — 5e série. Dictionnaires partiels (ib.). - 6e série. Dictionnaires étymologiques, 270. — 7e série. Dictionnaires de proverbes 270. —Lexiques modernes à consulter pour cette période, 270-271.
LIVRE TROISIÈME MORPHOLOGIE.
CHAPITRE PREMIER L'ARTICLE.
Disparition de Es, 273.
CHAPITRE II FORMES DES NOMS COMMUNS ET DES ADJECTIFS.
LE FÉMININ
Grand, 277. — Féminins en e, 278. — Féminins en esse, eresse, ib. — Féminins en euse, 279. — Féminins en trice, ib. — Attribution d'un rôle spécial aux vieilles formes bel, nouvel, vieil, 281.
LE PLURIEL Pluriel des mots en l et t, 281-283.
LES DEGRÉS DES ADJECTIFS Comparatifs, synthétiques, 283. — Les superlatifs en issime, 283-281.
------------------------------------------------------------------------
TABLE DES MATIERES 417
Substantifs mis au comparatif ou au superlatif, 284-285. — Les adverbes du superlatif, 285.
CHAPITRE III NOMS DE NOMBRE.
Evitante, septante, nouante, 286. — Mil, Milliard, 286. — Et entre deux noms de nombre, 287.— Ordinaux, 287-288.
CHAPITRE IV PRONOMS.
Personnels, û et y, t-il, lui et y, 289. — Possessifs, 289-290. — Démonstratifs, cil, 290. — Cestui, 290. — Cestui-ci, cestui-la, 291-292. — Icelui, 292. — Cet homme-ci, cet homme ici, 293. — Relatifs, Qui et qu'il, 293-294. — Dont et d'où, 294. — Interrogatifs, Les formes périphrastiques, Comme et comment, comme quoi, 294-295. — Indéfinis, Autre, aucuns, un chacun, certain, 296-297. — On et l'on, 297. — Maint. nul, part, 298. — que que, qui qui, 298-299. — Quel, quelque, trestout, 299-300.
CHAPITRE V LE VERBE.
ACTIF. PASSIF. PRONOMINAL.
Conjugaison pronominale des verbes intransitifs, 301-302. — Verbes pronominaux et verbes transitifs, 302-303. — Substituts du passif, 303.
ÉCHANGE ENTRE CONJUGAISONS
Vessir et vesser, toussir et tousser, 304. — vestir, 304. — departir, 304. — haïr, 304-305. — Puir, abhorrir, recouvrir et recouvrer, 305306. — despenser et despendre, 306.
LA CONJUGAISON INTERROGATIVE Aimé-je et perdé-je, 306-307.
LES RADICAUX
Alternance A-E, paroir, 307. — Alternance E-IE, ferir, gesir, seoir, cheoir, 307-309. — Alternance OU-EU, mouvoir, pleuvoir, trouver, éprouver, souloir, fleurir, 309-310. — Radicaux atones en yod : attraire, braire, ouïr, raire, 310-311. — Introduction d'un s ou d'un z dans le radical atone ou tonique ; bruire, frire, occire, dire, benir, 311. — Radicaux atones en z, 312. — Radicaux des verbes en dre, tre : peindre, pondre, semondre, prendre, soudre, moudre, sourdre, ardre, espardre, istre, tistre, toldre, 312-314. — Introduction d'un r dans des radicaux atones : recourre, secourre, 314.—Radicaux en l: chaloir, 314.
Histoire de la Langue française. III. 27
------------------------------------------------------------------------
418 TABLE DES MATIERES
— Radicaux atones ou toniques en l mouillée : bouillir, cueillir, tressaillir, faillir, vouloir, valoir, douloir, 314-315. — Pouvoir, 315-316.
— Arraisonner, pertuiser, 316. — Radicaux particuliers du subjonctif, 316-317. — Epanouir, évanouir, 317. — Aller, 311.
LES DÉSINENCES
La désinence es, 318. — La désinence s, ib.
Prononciation de s, 319. — S, désinence écrite, à la première personne, 319-320. — S à l'impératif, 320. — S à l'imparfait de l'indicatif et au conditionnel, 320. —S au passé simple, 321. — La désinence ent, 321. — Les désinences ions, iez, 321-322.
LES PASSÉS SIMPLES Je prins, 322. — Passés en is et en us, 322-323.
LES SUBJONCTIFS
Le présent : je sois et je soye, qu'il aye et qu'il ait, 323. — L'imparfait, 323-324.
LES INFINITIFS
Tixtre et tisser. Benistre et benir. Courre et courir, 324-325.
LES PARTICIPES
Mors et mordu. Tins. Résolu et résout. Tolli et tollu. Bouilli et boulu. Failli et fallu. Bénit, benite. Cheu, cheul, 325-326.
DISTINCTION D'UNE NOUVELLE FORME. PARTICIPE PRÉSENT ET ADJECTIF VERBAL
Gérondif et participe en ancien français. La théorie de Malherbe, 326327. — Oudin et Vaugelas réservent l'accord à l'adjectif verbal, 328-331.
— Gérondif avec en, 331.
QUE AU SUBJONCTIF, 332.
LES FUTURS
Futurs contractes; 1re conjugaison : donrai-lairrai, 333-334. — Autres conjugaisons. Futurs refaits sur l'infinitif : bouillirai, cueillirai, faillirai, boirai, fairai, 334. — Futurs refaits sur le présent : oirai, 335. — Futur de choir et de seoir, 335-336. — Orthographe des futurs : loueray et lourai, 336.
FORMES PÉRIPHRASTIQUES
Être suivi d'un participe présent, 336. — Aller suivi d'un participe présent, 337-338. — Rendre suivi d'un participe passé ou présent, 339340. — S'en aller suivi d'un participe passé, 340. — Devenir, se rendre, cuider, 341. — Savoir, 341-342.
------------------------------------------------------------------------
TABLE DES MATIÈRES 419
AUXILIAIRES ÊTRE ET AVOIR
Théories d'Oudin et de Vaugelas, 343-344. — Indécision de la langue, 344-345. — Les temps composés du verbe être, 345.
CHAPITRE VI L'ADVERBE ET LES LOCUTIONS ADVERBIALES.
Adverbes en ment tirés d'adjectifs en ant, ent, 346. — Adverbes tirés d'adjectifs en ie, ue, ée, 346. — Adverbes tirés d'adjectifs où le e est précédé de consonne, 346-347.
S DANS LES ADVERBES
Guère, naguère, jusque, presque, 347.
FORMES CONSONNANTIQUES ET FORMES FÉMININES
Illec, illecques. Onc, oncques. Avec, avecques. Donc, donques, 347349.
LOCUTIONS FORMÉES DE PLUSIEURS ADVERBES
Puis après, encore derechef, 349.
Adverbes proscrits, 349-374.
Formes de diverses locutions adverbiales, 374-375.
CHAPITRE VII LA PRÉPOSITION.
Prépositions suivies de de : près, après, hors, 376-377. Prépositions proscrites, 377-383.
CHAPITRE VIII LA CONJONCTION.
Réunion des éléments conjonctifs, 384. Conjonctions proscrites, 384-397. Conjonctions nouvelles, 397-398.
Index lexicologique, 399-412.
------------------------------------------------------------------------
ERRATA
P. 52, l. 1, au lieu de : ectures, lire : lectures.
P. 79. La citation de Scarron est incomplète. J'ai cru devoir la donner tout au long plus loin, p. 164.
— l. 22, au lieu de : et, lire : met.
P. 88, dernière ligne du texte, au lieu de : deshait, lire : dehait.
— l. 1 de la note, au lieu de : ingamber, lire : ingambé.
P. 104 et suiv. : Un réviseur, après un point et virgule, a souvent mis une minuscule comme initiale des vers de Loret. On rétablira facilement les octosyllabes.
P. 115,l. 2, supprimer la devant tristesse.
P. 129, au mot defavoriser, au lieu de : Astrée 1614, lire : 1615.
P. 139,l. 17, au lieu de : au siècle, lire : du siècle.
P. 171, note 1,l. 4, au lieu de : 1635, lire : 1653.
P. 173, l. 4 du texte en gros caractères, démarrer est cité à tort, il a été déclaré bas par Vaugelas, voir p. 164.
— note 1, rayer gagner au pied, dont il est déjà parlé, p. 170. P. 195, au lieu de : chapitre VI, lire : chapitre vu.
P. 225, l. 6, du titre en gros caractères, supprimer du moins. P. 227, au lieu de : chapitre vu, lire : chapitre VIII.
MACON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS