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PUBLICATION COURONNÉE PAR L'ACADÉMIE FRANÇAISE
EDMOND STOULLIG
LES ANNALES
du Théâtre
et de la Musique
AVEC UNE
Préface par M. HENRY BIDOU
3>uata.nl iênic C'tnnée
1914-1915
PARIS
SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS LITTÉRAIRES & ARTISTIQUES LIBRAIRIE PAUL OLLENDORFF 50, CHAUSSÉE D'ANTIN, 50 1916 Tous droits réservés
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LES
ANNALES DU THÉATRE ET DE LA MUSIQUE
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DU MÊME AUTEUR Les Annales du Théâtre et de la Musique, comprennent 40 volumes, les vingt et un premiers en collaboration avec M. Edouard Noël : 1er volume (année 1875), avec une préface de Francisque SARCEY ; 20 volume (année 1876), avec une étude de Victorien SARDOU, de l'Académie française : L'Heure du Spectacle ; 3° volume (année 1877), avec une étude de Edmond GOT, de la Comédie-française : Le Theatre en Province ; 40 volume (année 1878), avec une étude de Emile ZOLA : Le Naturalisme au Theâtre : fio volume (année 1879), avec une préface de Henri de LAPOMMERAYE : 1779-1879; 6e volume (année 1880), avec une étude de Victorin JONCIÈRES : La Question du TMàtre-LYrlque.
7° volume (année 1881), avec une préface de Henry FOUQUIER: La Maison de M. Perrin ; 8° volume (année 1882), avec une étude sur la Mise en Scene, par Émile PERRIN, de l'Institut; t. (L , .., 9. volume.{alloée 1883), avec une préface de Charles GARNIER, de Plustilut: Le Tout Paris des Premières ;
10° volume (année 1884), avec une préface de Henri de PÈNE : Le Journal et le Théâtre ; Ho volume (année 1885), avec une étude de. Charles GOUNOD, de l'Institut : Considé- rations sur le Théâtre contemporain ; 12e volume (année 1886). avec une préface de Jules BARBIER : Les Jeu.nu'
13« volume (année 1887), avec une préface de Jules CLARETIE, de l'Académie française : Il y a cent ans ; 14e volume (année 1888), avec une préface de Hector PESSARD : Le Théâtre Libre: 15e volume (année 1889), avec une préface de Henri MEILHAC, de l'Académie fran- çaise : La Comédie au Cercle ; 16e volume (année 1890), avec une préface de Ludovic HALÉYT, de l'Académie française : Une Directrice de la Comedie-Française ; i7. volume (année 1891), avec une préface de Gustave LARROUMET, de l'Institut : Le Centenaire de Scribe ; i80 volume (année 1892), avec une préface de Jules LEMAITRE, de l'Académie française : Le Mysticisme Il u Théâtre : 19. volume (année 1893), avec une préface de F. BRUNETIÈRE, de l'Académie française : La Loi du Théâtre ; 20e volume (année 1894), avec une préface de Francisque SARCEY ; 2io volume (année.1895), avec une préface de Félix DUQUESNEL : De l'Evolution des Répertoires dramatiques ;.
22e volume (année 1896), avec une préface de A. CLAVEAU : L'Education du Comédien ; 23e volume (année 1897), avec une préface de Emile FAGUET, de l'Académie française : La Comédie contempol'lfille.; 4° volume (année 1898), avec une préface de Augustin FILON : La Philosophie du Tlieàlre ; 2fio volume (année 1899), avec une préface de M. Albert CARRÉ : Le Prix Monbinne ; 26e volume (année 1900), avec une préface de Lucien MUHLFELD : Le Malaise du Théâtre; 27e volume (année 1901), avec une préface de Paul HERVIEU, de l'Académie fran- çaise : Un Ancetre aux Annales du Théâtre et de la Musique ; 28e volume (année 1902), avec une préface de CATULLE MENDÈS : Les Autres et Nous; 298, volume (année.1903), avec une préface de M. Alfred CAPUS : Les Nouvelles Diffi- cultés dit Théâtre; -
30e volume (année ÏgOi -ayec une préface de M. C. SAINT-SAENS, de l'Institut : Cau- serie sur l'Art du Théâtre ^-.
31e volume (année 1005), âyèû une préface de M. Jean RrCHItPIN, de l'Académie française : L'Amateurisme; 32e volume (année 1906), avec une préface de M. Adolphe BRISSON: L'Auteur dramatique, 33e volume (année 1907}', àvec une préface de M. NOZIÈRE : Contre toute tradition ; 34e VOLUFE ^aûrî|è:..19i)8),.:av~ec une préface de M. Maurice DONNAY, de l'Académie française : Le Cinquième acte est mort ; 35e volume (açnéè av"- une préface de M. Henri LAVEDAN, de l'Académie française : Le Métier t 36e volume (année 1910) avec une préface de M. Adolphe JULLIEN : 1875-1910; 37e volume (année 1911) avec une préface de M. Robert DE FLERS : Critiques Auteurs; 38- volume (année 1912) avec une préface de M. Léon Blum; 39e volume (année 1913) avec une préface de M. Abel IIERMA.NT : Le théàthe d'hier al le théâtre de demain.
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Edmond STOULLIG
PUBLICATION COURONNÉE PAR L'ACADEMIE FRANÇAISE
LES ANNALES DU THÉATRE ET DE LA MUSIQUE
A YEC UE
Préface par M. HENRY 131DOU
Sma tantième Cl aiiee
19 14 - 1915
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50, CHAUSSÉE-D'ANTIN, 5o 1916 Tous droits réservés
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Le Théâtre de la Victoire
Il y a cent vingt ans, la France se trouvait, comme aujourd'hui, engagée depuis plusieurs années dans une dure guerre. Il y avait quatre ans qu'elle se battait contre les Autrichiens et trois ans qu'elle avait affaire au reste de l'Europe.
En 1795, elle avait réduit l'Espagne et la Prusse à la paix. Mais la besogne restait encore accablante. Cette année 1796, avait été mêlée de grands revers et de grands succès. En Allemagne, Jourdan s'était fait battre et Moreau avait dû exécuter une longue et difficile retraite; mais en Italie, un jeune général, presque inconnu la veille, venait de se couvrir de gloire; après une campagne de printemps éblouissante, il avait contraint le Piémont à poser les armes; puis il avait refoulé les Autrichiens jusqu'au bout de l'Italie; tournant alors à droite pour assurer la
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sécurité de ses opérations, il imposait au Papele traité de Tolentino; et reprenant enfin la campagne contre l'Autriche, à peu près sur le terrain où les Italiens se battent en ce moment,.
il la forçait à demander la paix à Léoben.
De ces grands événements, existe-t-il une trace dans le théâtre? — Un de mes amis, amateur de théâtre et collectionneur bien connu, a bien voulu me communiquer une dizaine de pièces publiées en l'an V et en l'an VI. Feuilletons-les.
Nous y retrouverons par moments d'étranges ressemblances avec notre temps.
La plus ancienne a été représentée à Paris,.
sur le Théâtre de la Cité-Variétés, le 4 fructidor an IV, c'est-à-dire au début de l'automne de 1796. Elle s'appelle Les bruits de paix ou l'heureuse espérance, par les citoyens Charles-Louis.
Tissot et Joseph Aude. Elle devançait un peu les événements, car au moment où elle fut jouée, Mantoue n'était pas même pris; mais c'est une
aimable comédie. Elle commence par une scène de domestiques, la mère Henri, cuisinière bavarde,.
et son fils Blaisot, qui après avoir fait le discret, finit par lui raconter les secrets de la maison.
« Mademoiselle Sophie pleure, parce que M. Dorville s'en va; M. Dorville s'en va, parce que le père de Mademoiselle ne veut plus qu'il reste ici; le père de Mademoiselle ne veut plus qu'il .reste ici, parce qu'il a fait un scandale dans la maison ». Et quel scandale ! Dorville, mauvaise tête et bon cœur, a dit son fait à un homme d'affaires intrigant, nommé Duroc, pour qui le
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père de Sophie, M. Verseuil, a une amitié aveugle. Dorville, pour avoir fait cette algarade, a donc reçu son congé; non point un congé définitif; M. Verseuil ne lui retire point la main de sa fille; mais comme il a décidé de n'établir celle-ci qu'après la paix, Dorville ne la verra plus jusque-là. Sophie soupire : « Ah ! mon cher Dorville, que cette paix arrive lentement! » Et la mère Henri répond : « Elle arrivera. c'est le besoin de tout le monde ». Je ne sais si la censure laisserait aujourd'hui les ingénues témoigner si librement à la scène leur désir de la paix et la chanter en couplets, ni les agioteurs comme Duroc, — nous disons aujourd'hui les nouveaux riches — témoigner de son désir de voir la guerre se prolonger.
M. VERSEUIL. — Que vous êtes opiniâtre, mon cher Duroc; quoi, vous ne voyez pas, vous ne concevez pas que le commerce ne fleurit que par les relations extérieures, qu'autant que les bras que la guerre lui enlève lui seront rendus.
DUROC. — Je n'en conviens pas ; je n'ai jamais fait d'aussi bonnes affaires qu'aujourd'hui.
Tout marche. je vous le dis, la paix n'est pas si nécessaire que vous pensez.
Il serait curieux de savoir quelles étaient à ces répliques les impressions du parterre. Cependant le pauvre Dorville ne doit même pas assister à un souper qui a lieu le soir même. Pour y voir pourtant Sophie, il se déguise en garçon pâtissier et vient pour servir à table. Mais M. Verseuil le surprend aux genoux de Sophie et le
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chasse de nouveau. Il s'en va en pleurant, puis reparaît soudain, en annonçant que les préliminaires de paix sont signés. C'était un peu hardi à raconter aux spectateurs : aussi Dorville ajoute : «Rien n'est encore officiel; mais je tiens cette consolante nouvelle d'un homme aussi vrai, aussi probe, d'un aussi bon Français que vous ».
Il n'y a donc plus d'obstacle et Dorville peut épouser Sophie. Ils embrassent M. Verseuil tandis que Duroc s'effondre. La pièce finit selon l'usage par un vaudeville dont chacun chante un couplet : on se promet que l'abondance va régner, que les arts vont fleurir et que les méchants vont être poursuivis * * *
Je ne connais point d'autre ouvrage dramatique sur la paix jusqu'aux préliminaires de Leoben. Mais aussitôt qu'ils furent signés, le théâtre donna le 15 floréal un impromptu d'Armand - Gouffé, la Nouvelle cacophonie ou Faites donc aussi la paix. Ce n'est qu'une pochade, dont la scène est une guinguette. On y voit un ivrogne boire à nos succès en chantant un couplet sur un vieil air, qui serait cher à M. Sacha Guitry : Stila qu'a pincé Bergopzom.
Le garçon de la guinguette, un benêt nommé Claudin, raconte tout effaré qu'il à vu le télé-
1. — Aude a repris le sujet de sa pièce quand la paix eut été signée pour de bon à Campo-Formio, et l'a développé en deux actes en vers, sous le titre la Paix. La pièce fut jouée sur le théâtre de la République, le 13 brumaire an VI.
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graphe de Montmartre remuer ses bras. Il y a une nouvelle. Mais quelle nouvelle ? Voilà ce qu'on ne sait pas. Le violoneux, le père Lajoie, vient la raconter. La paix a été signée devant Vienne, et l'Angleterre attend qu'on la lui fasse signer dans Londres. On voit que ce sketch est assez peu de chose; mais il se termine par une scène dans la salle, qui est assez curieuse. Un fournisseur, qui, comme Duroc tout à l'heure, a intérêt à voir durer la guerre, crie des loges que l'Angleterre ne cédera pas. Un rentier lui répond.
Le rentier, ruiné par la banqueroute de l'État, joue dans les comédies du temps le rôle de nouveau pauvre, que jouait dans les revues de l'année dernière, le propriétaire privé d'argent par le moratorium. Le rentier ruiné est donc --aux petites places du théâtre. Il invective le fournisseur :
A voir ce visage bouffi, Cette parure magnifique, On voit bien qu'il s'est enrichi Des pertes de la République.
Il y a un autre homme, qui comme le fournisseur, ne veut point de la paix : c'est le Jacobin. On le reconnaît au tutoiement et à la moustache. Du fond d'une loge séparée, il chante :
Citoyen, toi qui veux la paix, Réponds, réponds-moi si tu l'oses; Sais-tu qu'aux plus affreux projets De la part des Chouans tu t'exposes?
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On dirait aujourd'hui qu'il a peur du triomphe des réactionnaires. Cependant une poissarde le traite de brigand, tandis qu'il traite le rentier d'aristocrate. Alors Claudin, le niais de la guinguette, intervient.
CLAUDIN. — Ça finira-t-il. quoi! toujours des querelles dans le public!
MATHURIN. — C'est-y croyable qu'en faisant la paix avec leurs ennemis, les Français se fassent la guerre entre eux! 1 Voilà encore un thème que nous connaissons: le thème de l'Union sacrée. Ne faut-il pas danser ensemble, quand l'ennemi paie les violons?
Écoutez le couplet de Claudin dans le vaudeville final :
Quand les grands avaient la puissance, Ils en abusaient quelquefois; Quand la Liberté vint en France, D'autres ont abusé des lois.
Amis, quelle erreur est la vôtre !
N'êtes-vous pas tous des Français?
Qu'on se pardonne l'un à l'autre, Embrassez-vous, faites la paix !
Dans les autres pièces, nous retrouverions les mêmes thèmes. C'est toujours un couple d'amou- reux, qui se trouve séparé par la guerre. Tantôt comme dans la Victoire et la Paix, c'est un jeune volontaire français qui aime une jeune italienne et qui l'obtient par l'intervention de Mme Buonaparte elle-même. Tantôt, comme
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dans le Pari, c'est un père qui veut marier sa fille Caroline à un agioteur Boursier, pour conserver son utile amitié, et qui sur sa foi, a parié mille écus que la guerre continuerait; or, la scène se passe aux Eaux de Passy ; de l'autre côté de la Seine, vers le Champ de Mars, on ntend un grand tumulte : le canon de l'École Militaire tonne, et un crieur de journaux vient en chantant distribuer ses feuilles :
Messieurs, v'là l' journal du soir, Le journal de la rue d' Chartres, D' l'imprim'ri' des frères Chaigneau.
On y lit la nouvelle de la paix signée à Udine le 26 vendémiaire. Boursier, qui avait une grosse commande d'armes (dans ce temps-là, ce n'étaient que des pierre à fusil), devient la victime de la paix, et Caroline peut épouser le médecin des eaux, Dubreuil, qu'elle aimait.
Et ce sont toujours aussi les thèmes que nous voyons nous-mêmes depuis deux ans dans les pièces de circonstance : nouveaux riches, nouveaux pauvres, union sacrée. On y trouve même le thème de la repopulation. A la fin du Dîner d'un Héros, une Italienne chante : La guerre, à l'Italie Ravit bien des soldats; Rendons à la Patrie Ce qu'ont pris les combats.
Ainsi, après un siècle, on retrouve dans les mêmes circonstances, les mêmes personnages et
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les mêmes idées. Cet exemple peut nous ins truire. De ce que furent les spectateurs de 1796, nous pouvons déduire ce que seront ceux de1916. Ceux de 1796 venaient d'assister à la Terreur, et ils s'amusaient encore d'histoires d'amourettes, de domestiques niais et de cuisinières bavardes. J'admire les prophètes qui croient que les spectateurs de 1916 seront transformés par le spectacle de la guerre, et qu'ils ne souffriront plus les frivolités.
HENRY BIDOU.
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LES
ANNALES DU THÉATRE ET DE LA MUSIQUE
ACADÉMIE NATIONALE DE MUSIQUE
- Le 1er janvier 1914 se donnait, devant une salle exceptionnellement brillante, la répétition générale de Parsifal drame sacré en trois actes de Richard Wagner, version française d'Alfred Ernst1. Cette
1. DISTRIBUTION. — Parsifal, M. Franz. — Gurnemanz, M. Delmas. —
Amfortas, M. Lestelly. — Klingsor, M. Journet. — Titurel, M. André Gresse. — Kundry, Mil. Lucienne Bréval. — Une voix, Mlle Doyen.
Filles-Fleurs : Mme: Yvonne Gall, Laute-Brun, Daumas, Campredon Bugg, Lapeyrette, Courbières, Kirsch, Goulancourt, Montazel, BonnetBaron, Dolisle, Marie Hubert, Durif, Gauley- Texier, Blouma, Séréville, Farelli, Dupéré, Perret, Nizet, Cosset, Ruatu, Dany, Varnier, Notick, Bonneville, Gardy, Doyen, Warzon.
1er écuyer, Mme Laute-Brun. — 2. écuyer, MU. Montazel. — 3e écuyer, M. Nansen. — 4e écuyer, M. Revol.
Chevaliers : MM. Dutreix, Cerdan, Triadou, Ezanno, Delpouget, Gonguet, Chappelon, Cousinou, Delrieu, Prieur, Barutel, Fréville, Brunlet, Cherrier, Bernard Marcadé, Miallet, Marchisio, Cheyrat, Brulfert, Armand, Augros, Leroux, Lacaze, Christin, Taveau, Cottel, Narçon, Triadou. ,
L'orchestre était dirigé par M. André Messager.
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soirée devait marquer dans l'histoire de l'art : pour la première fois, en effet, l'œuvre suprême du maître de Bayreuth était publiquement réalisée sur un théâtre, qui n'était pas celui auquel l'auteur l'avait expressément réservée. Et c'était aussi la première fois qu'un ouvrage célèbre en tous lieux avait si long-temps attendu cette consécration de sa gloire. Rappellerons-nous les multiples incidents que souleva parmi les impresarii cette œuvre scrupuleusement gardée par la famille Wagner au seul théâtre de Bayreuth ? Créé le 26 juillet 1882, Parsifal était demeuré enveloppé de mystère au fond du temple wagnérien. Toutefois des directeurs américains, que rien n'arrêtait, en avaient organisé des représentations à New-York en 190 et en 1909. Et les mélomanes d'Amsterdam et de Zurich eurent aussi leurs auditions de l'œuvre. D'autre part, l'Opéra de Monte-Carlo dut, en 1913, sur la menace d'un procès, renoncer à faire entendre Parsifal autrement qu'en répétition privée. Mais tout a une fin. L'œuvre wagnérienne tombait, au commencement de l'année 1914, dans le domaine public, en vertu de la loi allemande qui fixait à trente ans seulement la durée de la propriété artistique. Tous les théâtres étaient donc libres à l'avenir de monter Parsifal. Notons toutefois que., grâce à l'éditeur Eschig qui, depuis plusieurs mois, avait mis à sa disposition le matériel d'orchestre, notre Opéra avait pu passer « bon premier ». Et, hâtons-nous de le dire, il avait fait tout ce qu'il était humainement possible de faire pour rendre accessible au public la représentation de l'émouvant
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« drame sacré ». Les habitués de Bayreuth ne pouvaient formuler aucune objection. La mise au point musicale de l'œuvre était absolument remarquable. Jamais pareil résultat n'avait été obtenu à l'Opéra ; il passait tous les espoirs. André Messager avait su créer une atmosphère orchestrale inoubliable ; il méritait les ovations qui le récompensaient de son labeur et de son goût. Grâce à luij l'orchestre — nous l'eussions pourtant rêvé invisible, comme à Bayreuth — l'orchestre évadé de l'abîme mystique, savait contenir sa grande voix et assourdir ses timbres sans rien perdre de son éloquence persuasive et de sa souveraine autorité. L'interprétation vocale était parfois supérieure à celle que nous entendîmes dans la cité sainte. L'acte des Filles-Fleurs, en particulier, atteignait sans doute pour la première fois sa per-
fection musicale ; ces Filles-Fleurs n'étaient-elles pas exquisement personnifiées par de remarquables artistes en tête desquelles il fallait citer Mmes Gall, Laute-Brun, Daumas, Campredon, Bugg, Lapeyrette, Courbières, Kirch ? Mlle Bréval restait, sous les traits de Kundry, la grande tragédienne que nous admirions tous; M. Frantz, à la voix si généreuse, si délicieusement timbrée, était un Parsifal « qui avait la foi » ; M. Delmas un Gurnemanz d'onctueuse bonhomie ; M. Journet un vigoureux Klingsor. D'outre-tombe, dans le trop court rôle de Titurel, M. Gresse faisait apprécier son superbe organe. Enfin, un nouveau venu à l'Opéra, M. Lestelly, marquait sa place en traduisant d'impeccable façon les plaintes douloureuses d'Amfortas.
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2 JANVIER. — Suivant la tradition on donnait le Faust de Gounod. Mlle Yvonne Gall chantait le rôle de Marguerite ; M. Fontaine, celui de Faust ; M. Gresse, celui'de Méphistophélès ; Mlle Coubières était Siébel ; Mme Goulancourt, dame Marthe ; M. Roosen, Valentin; M. Chappelon, Wagner. Dans ledivertissement, sefaisaientapplaudir, Mill' Barbier, dans le pas du « Miroir» ; Mlle Schwarz, dans celui de Cléopâtre ; Mlles J. Laugier, Piron et Sirède.
3 JANVIER. — Sur la proposition de MM. Messager et Broussan, le ministre de l'Instruction publique nommait M. Henri Rabaud premier chef d'orchestre à l'Opéra, en remplacement de M. Paul Vidal. De plus, M. Catherine, le distingué chef de chant, était nommé chef d'orchestre. Les chefs d'orchestre de l'Opéra étaient donc : MM. Henri Rabaud, Henri Büsser, Bachelet et Catherine.
4 JANVIER. — On donnait la première des représentations hors série de Parsifal. Le président de la République occupait l'avant-scène officielle. Une très élégante société écoutait avec une véritable ferveur les trois actes du drame sacré. A chaque acte, on acclamait les superbes interprètes: MM. Franz, Parsifal à la voix exquise ; Mlle BrévaI, Kundry de premier ordre et d'une magnifique puissance dramatique ; M. Delmas, Gurnemanz d'une autorité sans égale ; M. Lestelly, Amfortas des plus remarquables ; M. Journet, Klingsor d'un pathétique rare ; M. Gresse, parfait Titurel, et le prodigieux ensemble des Filles-Fleurs impossible à réaliser sur un autre théâtre. Quant à l'orchestre, interprète principal de la pensée wagnérienne, il
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contribuait grandement à l'éclat de cette admirable soirée, et son chef, M. André Messager, recueillait d'acte en acte les ovations grandissantes du public.
La recette dépassait 50.000 francs.
8 JANVIER. — Mlle Marcelle Demougeot prenait possession, dans Parsifal, du rôle de Kundry où elle devait alterner avec MIIH Bréval. Elle y obtenait un succès réel et très mérité. Plusieurs rappels, au milieu d'applaudissements frénétiques, signa- laient la fin du second acte.
10 JAVINER. — Mlle Bugg chantait pour la première fois, dans Faust, le rôle de Marguerite. La jolie voix de la jeune cantatrice, son style pur, sa belle méthode, son chant et son jeu étaient extrèment appréciés du public1. 41 19 JANVIER. — C'était la première des soirées d'abonnement de Parsifal. Une salle comble écoutait avec recueillement le drame sacré, et à chaque baisser de rideau, adressait de véritables ovations à l'admirable orchestre que dirigeait M. André Messager, à M. Franz, Parsifal d'un très haut lyrisme ; à Mlle Bréval, Kundry tragique et puissamment émouvante ; à M. Dclmas, Gurnemanz d'une grande autorité ; à M. Lestelly, Amfortas de premier ordre ; à M. Cerdan, qui chantait pour la première fois Klingsor avec beaucoup de talent ; à - M. Grosse, excellent Titurel ; au merveilleux et incomparable ensemble des Filles-Fleurs, auquel prenait part pour la première fois la jolie voix de
1. -Mlle Urban, qui récemment, s'était fait particulièrement remar- quer Q,¡¡."ns les Bacchantes et dans Suite de Danses, était nommée <1 dan seuse étoile »,
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pue Andrée Vally. La recette de cette belle représentation dépassait 20.000 francs.
2 FÉVRIER.— Mme Andrée Vally chante pour la première fois, dans Roméo et Juliette, le rôle de Juliette, où elle se fait applaudir à côté de M. Fontaine, brillant interprète de Roméo.
14 FÉVRIER. — M. Cerdan prend possession du rôle de Méphistophélès de la Damnation de Faust qui lui vaut un réel succès.
18 FÉVRIER. — Première représentation de Philotis, ballet en deux actes, livret de M. Gabriel Bernard, musique de M. Philippe Gaubert1. Le sujet de ce ballet est un de ceux que ce vieux gro- gnon de Boileau appelait « les lieux communs de m la morale lubrique ». Une courtisane de Corinthe, lasse du plaisïr vénal, cherche un amour plus élevé et plus artistique. Elle est séduite par un joueur de lyre qui parcourt le pays avec une joueuse de flûte. Elle cherche à le séparer de son amie — qui l'entraîne au moment psychologique et laisse Philotis douloureuse et désolée au milieu d'une fête où tous les danseurs succombent au sommeil et à l'ivresse. Voilà le premier acte. Au second.
nous sommes à Delphes, et Philotis y vient demander à la Pythie de lui rendre son adoré. Elle offre à Apollon toutes ses richesses. Le joueur de lyre Lycas arrive sur ces entrefaites, et charmé par
1. DISTRIBUTION. — Philotis, Mlle Zambelli. — Thétis, MUe Urban. —
Lycas, M. Aveline. — Amis de Philotis, Miles Barbier, LJIeunier, H.
Laugier, MM. E. Ricaux. Even, JIÛltet. — Un berger, Mlle Sehwariz. -
Orientales, Mlle, Guillemin, Dorhèts. S. Kubler.
Deuxième acte. —■ Amantes et amanls, Miles M. Lequien, Even. G.
Franck, C. Ras, Rouvier, E. Roger, B. Marie, Mouret, B, Lequien, Sauvagean. — La Pythie, Mlle B. Kewal. - Un prêtre, M. Guillemin.
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Philotis retombe dans ses bras d'où l'arrache encore une fois sa compagne Thétis. Mais Philotis danse si bien qu'elle fascine le beau musicien, et Thétis s'enfuit désespérée pour revenir bientôt, armée d'un poignard dont elle va frapper sa rivale. quand soudain s'illumine la statue d'Apollon.
La foule crie au miracle et Thétis laisse tomber son arme. Mais elle reprend son amant. Et ici je donne la parole au programme sans avoir deviné ce qu'il nous annonce. « Philotis est désormais condamnée à la gloire brillante, au luxe insolent, au désir qui presse ». C'est en effet probable, mais cela ne nous intéresse plus, une fois le rideau tombé. Le rideau est donc tombé, puis il s'est relevé sur une jolie scène de famille : les danseuses ont traîné sur la scène le maître de ballet, M. Clustine, puis l'auteur, M. Philippe Gaubert, ému et souriant au public sympathique, sinon très emballé. C'était une œuvre très « aimable » que nous venions d'entendre ; rien de plus, musique fluide et légère, sans grande personnalité ; l'influence de Massenet est seule bien nette en certains endroits.. Une danse religieuse, au second acte, est peut-être la page saillante de la partition. Le reste est gris, d'une trame facile et gracieuse, dénuée de relief. L'auteur, « aimable » aussi pour ses anciens collègues de l'orchestre (où il fut pendant seize ans l'exquis flûtiste que vous savez) a réservé plusieurs soli au premier violon, à la flûte, à l'alto, à la clarinette avec une obligeance tout à fait confraternelle. La richesse et l'originalité des costumes, chatoyants et harmonieux, font le plus grand honneur au bon peintre
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qu'est M. Pinchon ; la beauté des décors, aussi bien celui de Delphes que celui de Corinthe, et l'animation de la mise en scène ne méritent que des éloges. La direction de l'Opéra a monté l'ouvrage avec beaucoup dégoût. MlleZambelli est d'une grâce et -d'une élégance classique de tous points admirables. C'est la perfection même, comme toujours. Mlle Urban se place cette fois au premier rang par la composition du rôle de Thétis, la joueuse de flûte, où elle nous a donné la plus pure évocation de l'antiquité grecque. Elle ne se borne pas à nous montrer sa délicieuse silhouette dans un costume fort seyant, quoique sommaire, elle mime ses impressions diverses et contradictoires avec un talent varié et un art très sûr. M. Aveline, l'amoureux, imite Nijinsky avec habileté et bondit presque aussi haut que son illustre modèle. Les trois amies de Philotis, Mllcs Barbier, Meunier et H.
Laugier, ont suscité de justes applaudissements.
L'orchestre, enfin, a été dirigé avec autorité et précision par M. Henri Bûsser. — Rigoletto, où M. Lestelly abordait le rôle de Rigoletto, accompagnait Philotis sur l'affiche de l'Opéra. Combien de fois, hélas ! en notre longue carrière de critique, avons-nous entendu l'œuvre de Verdi ? Une trentaine peut-être, ne comptons pas. Souvent elle fut mieux interprétée. Mettons pourtant à part Mlle Yvonne Gall, dont la voix fraîche et cristalline est un délice pour l'oreille, et M. Journet, tonitruant Sparafucile, en même temps que musicien solide.
2 MARS. — Dans Faust, M. Noël, jeune baryton
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lauréat du Conservatoire, débutait avec succès dans le rôle de Valentin.
10 MARS. — Mlle Yvonne Gall chantait pour la première fois le rôle de Thaïs, où, grâce à sa jolie voix et à son art charmant, elle réussissait de la manière la plus brillante.
19 MARS. — La direction a tenté de faire revivre dans tout leur éclat d'autrefois les bals de l'Opéra, dont la suppression en 1903 avait passé presque inaperçue. Le bal s'ouvrait à onze heures. A minuit et demie, cortège et défilé des théâtres. A une - heure, les « Cent Girls » des music-halls de Paris.
Au foyer du public : Tango, Maxixe, Très Moutarde. Orchestre de la grande salle sous la direction M. A. Bosc ; orchestre du foyer sous la direction de Noceti. Redoute aux couleurs jaune et rouge.
Les dames devaient être masquées. Pour les cavaliers costume en tenue de soirée avec insignes rouges ou jaunes obligatoires1.
1. — Ce premier bal fut très brillant. Il fut peut-être plus un bal des - théâtres qu'un bal de l'Opéra, mais l'innovation apportée aux traditions fameuses par l'Association des directeurs, organisatrice de la fête, fut des mieux accueillies. On regretta un peu que le costume n'eût pas été imposé aux hommes. L'habit noir ne convient pas à un veglione — et le bal jaune et rouge était un veglione. Mais l'abondance des costumes féminins, la réussite des déguisements, la hardiesse de certains déshabillés donnèrent à la soirée tout le mouvement qu'on pouvait désirer.
L'entrée des théâtres de Paris fut sensationnelle. M. Vilbert introduisit avec sa verve infatigable les médecins du Malade imaginaire. Les danseuses du Chàtelet rivalisèrent de grâce et d'entrain avec les danseurs de la Gaité Lyrique et gagnèrent le tournoi, grâce à Mlle Renée Baltha. L'Opéra et l'Opéra-Comique succédèrent à la bacchanale (L'Aphrodite, dans laquelle Mlle Derny et Milo Alice de Tender représentaient le théâtre de la Renaissance. Puis les danses américaines, mexicaines, sud-américaines donnèrent le mouvement exact de la soirée, qui se'termina par une de ces batailles de balles légères qui étaient la création de la saison.
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20 MARS. — Rigoletto (M. Roosen) était suivi d'une heureuse reprise des Bacchantes, le joli ballet de MM. Alfred Bruneau-et Félix Naquet, dansé, cette fois par Mlle Aïda Boni, dans le rôle principal, MM. Aveline et Bourdel, avec Mlle Montazel et Mme Bonnet-Baron dans la partie chantée.
2 AVRIL., - Deuxième et dernier bal masqué.
22 AVRIL. — Spectacle de gala en l'honneur du roi et de la reine d'Angleterre. On entend d'abord, sous la direction de M. Vincent d'Indy, des frag- ments de l'Etranger chantés par Mlle Demougeot, M. Delmas et Mme Bonnet-Baron. Le maître SaintSaëns passe ensuite au pupitre et on applaudit le duo des Barbares avec Mlle Hatlo et M. Fontaine.
Et la représentation se termine, sous la direction de M. Reynaldo Hahn, par le premier acte de la Fête chez Thérèse, dansé par Mlles Zambelli, Aïda Boni, Urban, Sirède et M. Raymond, et par Mlles C. Bos, E. Roger, Mouret, R. Lequien, SKubler, Sauvageau, Charrier, Quinault, Milhet.
Delsaux, et MM. Even, Milhet et Maurial.
6 MAI. - Première représentation de Scemo, drame lyrique en trois actes et cinq tableaux de M. Charles Méré, musique de M. Alfred Bachelet1. — Sans doute, le nouvel ouvrage n'aura pas le don de plaire à tout le monde, et dès le premier
1. DISTRIBUTION. — Fraucesca. M'IE Yvonne Gall. — Scemo, M. Altchcwsky. — Giovanni Anto, 1. Leslelly. — Arrigo di Leca, M. A.
Gresse. — Fiordalice, Mille Bonnet-Baron. — Benedetta, Mme Lauto- Brun. — MichelillCl, MLle~ Kirsch. — Aniuna, Mlle Morttazel. — Tomaso, M. Narson. — Pasqual, M. Cerdan. — Cappeto, M. Triadou. - Chilina, Mme Cosset. -icI' berger, M. Conguel. — 2, berger, M. Ezanna. —
3e berger, M. Chappelon. L'orchestre était dirigé par M. André :\Iessagor.
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- soir, malgré le sincère enthousiasme de nombreux.
et fidèles amis, il semblait bien que le public, en son ensemble, n'était pas encore gagné à la cause de nosjeunes auteurs. Mais il n'est que juste dedire ceci : nous sommes en face d'une œuvre de haute valeur ; en la personne de M. Bachelet, nous avons devant nous un musicien très personnel, qui se place entre la vieille école et la nouvelle avec une sûreté de style et d'écriture digne de tous les respects. Regrettons seulement qu'il se soit épris d'un sujet Grand-Guignolesque, tout en violences extérieures, où manquent trop souvent le charme et presque partout les nuances. Les vendettas corses sont célèbres, et la superstition des habitants de ce beau pays a souvent été utilisée. M. Méré, le dramaturge des Trois Masques, a cependant trouvé le moyen d'accumuler un rare tissu d'horreurs. Un berger corse, Lazaro, passe pour sorcier, et l'on raconte qu'il porte malheur à tout ce qu'il rencontre, bêtes et gens : aussi les enfants lui jettent-ils des pierres et les hommes l'injurient-ils en l'appelant Scemo, le fou, en langue corse. Il s'en console en chantant et en jouant de la flûte.
- Pour se mieux réjouir, en effet, n'a-t-il pas Francesca, la femme de Giovanni, la fille d'Arrigo, qui l'aime en secret, admirant ses beaux yeux, ses yeux pleins de lumière, ses yeux divins, et aussi son talent de chanteur ? Pendant qu'ils roucoulent, au premier acte, surgit le mari, fort en colère. Le fou se jette à ses genoux, lui affirme que Francesca est pure et s'engage à ne plus la revoir. Mais à ce moment, le père, Arrigo, vient, avec deux ber-
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gers de ses amis, insultant et frappant Scemo ; il veulent même le tuer, mais ils hésitent à cause de son don de jettatura et préfèrent le chasser du pays. « Alors, garde-toi, vieillard, garde-toi ! » crie le malheureux désespéré. Au second acte., Arrigo est rentré chez lui ; il se couche et cherche à s'endormir ; mais la menace de Scemo l'a troublé ; il se voit poursuivi par une vengeance mystérieuse, -et après une scène d'hallucination admirablement jouée et chantée par M. Gresse, il meurt littéralement de peur. Et, tout naturellement, on accuse Lazaro de l'avoir assassiné. On va le chercher dans sa hutte, on l'attache à un arbre pour le brûler -comme sorcier, et on oblige Francesca à mettre le feu au bûcher. Elle s'y refuse, car elle aime toujours Lazaro : telle Chimène adorantle Cid. Alors Lazaro dégage son bras de ses liens et s'arrache les yeux, ces yeux coupables de tout le mal. Sa bien-aimée -en devient folle. Ah ! ces gens-là ne sont pas gais !
Ne trouvez-vous pas vraiment que le librettiste -(( en a trop mis » ? Au troisième acte, c'est la veille de Pâques dans la maison de Giovanni. La malade veut voir la l'ète ; les femmes et les jeunes hommes dansent devant elle et Pâques la ressuscite ; mais son amour revit avec sa raison, elle pense à Lazaro, -et le mari, toujours furieux, part pour tuer son rival, le pauvre aveugle qui se traîne misérablement dans une caverne de la montagne. « Il faut, lui dit-il, qu'un de nous deux disparaisse » — « Oui, moi ! » répond Scemo, se saisissant du couteau que tient son adversaire. — « Non, elle en mour- rait si c'était toi! » s'écrie Giovanni. Et, les cloches
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de Pâques aidant, un miracle se produit ; il offfe de céder Francesca à son amant. La belle arrive à son tour ; mais, nouveau miracle, ce qu'elle aimait dans Lazaro, c'étaient ses beaux yeux. Maintenant qu'ils sont éteints, elle ne l'aime plus, et s'en fait quelque remords, car c'est pour elle qu'il a souffert. Le pauvre diable comprend son état d'âme, et, par un sacrifice héroïque, il jure à son tour qu'il ne l'aime plus, son cœur s'est fermé avec ses veux. Elle le croit sans trop de peine et s'en va.
Alors le malheureux, resté seul, sanglote : « Elle est partie ! » car il l'aimait toujours. Et le rideau tom be lentement. Tel est le sombre mélo que M. Bachelet avait à mettre en musique. Il y a réussi brillamment. L'orchestration, pleine et savante,.
excite constamment l'intérêt. Les chœurs sont variés et superbes, en particulier le vocero des femmes qui veulent brûler le fou, au second acte, est tout à fait remarquable. Deux entr'actes, deux tableaux symphoniques, sont traités de main de maître ; on y a savouré le talent, toujours noble et pur, de M. Brun. Quant aux artistes du chant, ils méritent tous de grands éloges, Mlle Yvonne Gall en tète, dont la voix délicieuse est la joie de cette lugubre aventure. M. Altchewsky donne généreusement ses notes élevées et joue tout le rôle — il est énorme — en véritable artiste. M. Gresse, nous l'avons dit plus haut, est parfait dans le personnage d'Arrigo, le père, et M. Lestelly s'acquitte plus qu'honorablement d'une tâche assez ingrate en représentant le mari trompé « et pas content », oh non ! Ne manquons point de louer une mise en
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rsoè ne très vivante, des chœurs qui prennent part -à l'action, des décors pittoresques et colorés. Et notons le joli geste de M. Messager venant diriger lui-même l'œuvre de son jeune confrère : c'est dire qu'avec l'autorité que vous lui connaissez, il en-a fait ressortir toutes les beautés.
13 MAI. - Afonna Vanna, de M. Henri Février, reprenait au répertoire la place qu'elle avait vaillamment conquise il y avait près de cinq ans.
L'interprétation en est de tout premier ordre avec Mlle Hatto, pathétique Vanna ; avec M. Muratore, l'ardent Prinzivalle de la création ; avec M. Gresse, si artistement paternel. Guido Colonna, c'est M. Jean Bourbon, superbe baryton à la voix claire et mordante, comédien accompli, à la belle et lière prestance : il remportait, disons-le, un très grand succès personnel. M. Maurice Renaud faisait, ce même soir, une brillante rentrée dans le Vieil Aigle de M. Raoul Gunsbourg ; l'ouvrage avait encore pour interprètes Mme Andrée Vally dans le rôle de Zina, qu'elle venait de jouer à Monte-Carlo, et M. Franz, applaudi déjà dans celui de Talaïk.
M. Catherine conduisait pour la première fois J'oi- chestre de l'Opéra.
14 MAI. — Pour l'émerveillement de nos yeux et souvent aussi pour l'enchantement de nos oreilles, voici revenus les Ballets russes. Le soir de l'ouverture de leur neuvième saison parisienne, ils rUous réservaient la primeur d'une œuvre de M. Richard Strauss, et la Légende de Joseph méritait d'ètre applaudie par une salle superbe, une des plus endiamantées que nous ayons jamais vues.
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Sans songer à entrer ici dans.une étude approfon- die de la partition de l'auteur de Salomé, bornons- » nous à constater qu'elle nous révélait un Strauss pins clair, plus simple et plus classique, un Strauss « nouvelle manière », a-t-on dit. Autre surprise : l\-Iste Kousnetzoff, la belle cantatrice devenant mime et personnifiant de très dramatique façon l'épouse de Putiphar dédaignée par le jeune Joseph, que joue remarquablement M. Léonide Massine, sauvant par une ingénuité d'enfant ce que sa nudité avait de scabreux. Ils étaient, tous les deux, chaleureusement applaudis, et indéfiniment rappelés sur la scène, avec le compositeur Richard Strauss et le savant chorégraphe Michel Fokine, qui avait réglé merveilleusement la Légende de Joseph : il était l'âme des Ballets russes. La soirée d^inauguration, soirée triomphale, avait commencé avec les Papillons, un charmant divertissement gracieusement adapté à la musique de Schumann.
Elle se terminait par l'éblouissante et somptueuse Shéhérazade de Rimsky-Korsakow, où Mlle Thamar Karsavina retrouvait son habituel succès.
M. Pierre Monteux avait conduit à l'orchestre la partition de Shéhérazade, comme aussi celle des Papillons.
18 MAI. — La représentation était offerte au roi et à la reine du Danemark. On donnait Samson et Dalila, interprété par MM. Franz et Delmas, Mlle Lapeyrette s'étant trouvée indisposée et Mmes Charny et Bonnet-Baron étant également souffrantes, force fut de faire appel au concours de Mlle Borel, prêtée obligeamment au dernier moment
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par l'Opéra-Comique pour chanter le rôle de Dalila.
La charmante artiste s'est fait justement applaudir.
Ensuite, venaient les 2e, 3e et 5e tableaux de Thaïs qui furent admirablement chantés par Mme Andrée Vally, MM. Delmas et Dutreix, Mmes Laute-Brun, Jeanne Durif et Goulancourt, sous la direction de M. Henri Rabaud. Le spectacle se terminait par les Deux Pigeons, l'aimable ballet de M. André Messager que l'auteur conduisit lui-même et qui fut l'objet d'une triple ovation méritée pour la partition exquise et ses remarquables interprètes : - Miles Zambelli, Boni, Meunier, Léa Piron, et MM. Aveline et Bourdel. A plusieurs reprises, le roi donnait lui-même le signal des applaudissements.
24 MAI. — Les prestigieux Russes avaient attiré à nouveau dans la salle de l'Opéra l'élite intellectuelle et artistique de Paris, renforcée d'une nombreuse armée d'amateurs éclairés, de snobs et de jolies femmes. Un opéra populaire russe, héroïquement burlesque et très audacieusement satirique, le Coq d'Or, la dernière œuvre qu'écrivit le grand compositeur Rimsky-Korsakow., noble musicien et puissant précurseur, était cette fois offert à notre intérêt et à notre curiosité dans des conditions de réalisation artistique particulièrement hardies, curieuses et originales. Figurez-vous la belle et grande scène de l'Opéra. Le rideau se lève, et vous apercevez, rangés de chaque côté de la scène sur une estrade rouge, et disposés comme en un jeu de massacre, une trentaine de chanteurs et choristes à droite, autant à gauche. Ce n'est pas le chœur antique., ce sont les artistes qui, de rouge vêtus,
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les joues coloriées comme des marionnettes, chanteront, alors que, sur la scène, les protagonistes de la danse mimeront l'action. Rien n'est plus pittoresque que ce spectacle. Le sujet du Coq d'Or tient en quelques lignes. « Le roi Dodon a reçu d'un astrologue le cor magique par lequel il sera averti des invasions ennemies. Voici que le coq chante et conseille au Roi de partir pour la guerre.
Le Roi obéit; mais ce n'est pas en face de l'ennemi qu'il se trouve en présence, c'est devant la splendide reine de Chémakha. Il l'épouse solennellement.
Mais il oublie de remercier le sorcier qui lui a fait cadeau du coq d'or ; aussi le coq fond sur lui et lui perce la tête. Le Roi meurt ». Mais cette histoire n'est pas traitée sérieusement par le librettiste ; elle est tournée au grotesque. Le Coq d'Or est une opérette féerique, une farce, pour mieux dire, avec son Roi poltron, entêté, avec sa vieille intendante ennuyeuse, avec ses guerriers qui semblent échappés de la Grande-Duchesse ou du Petit Faust. De la partition nous connaissions l'introduction et le Cortège de noces qui termine le second tableau ; ces morceaux sont joués couramment par nos associations symphoniques. Rien n'est plus plaisant que la marche boiteuse qui ouvre le prélude, et l'incantation en modulations bizarres qui est le leit motiu de la Reine est bien la sœur du motif d'ouverture de Schéhérazade.
Et voici une marche outrancière bouffonne qui est le dessin du cortège du second tableau. Rien n'est plus pittoresque que cette musique, rien n'est plus ensoleillé. Les rythmes et les timbres orientaux
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luisent au milieu de ces pages évocatrices. Voici, au second acte, le lyrisme moqueur des longues mélopées de la Reine qui agace et émoustille le roi Dodon. Enfin au troisième acte, rien n'est plus chaud, plus profondément railleur que le cortège de ce roi Malborough revenu de la guerre ; c'est de la musique fanfaronne, bouffie, caricaturale, qui grandit à l'orchestre en un souffle d'un lyrisme insoupçonné, en une ordonnance musicale où Rimsky-Korsakow est passé maître. La verveuse et rythmique partition si pleine de couleur, l'adaptation mimique et chorégraphique qu'en établit M. Michel Fokine, la double interprétation qu'en donnèrent, d'une, part, la prodigieuse, la divine Thamar Karsavina, qui réussit peut-être le difficile miracle de se surpasser elle-même, et MM. Boulgakow, Kowalski et Cecchetti, d'autre part Mine Dobrowolska, et MM. Altchewsky et Basile Petroff, enfin les costumes sensationnels dessinés par Mlle Natalie Gontcharova, apôtre du futurisme en Russie, obtinrent un considérable succès. Les rappels succédèrent aux rappels après chaque tableau, et surtout à la fin de l'ouvrage ; de bruyantes acclamations s'y mêlaient. Et, suivant la coutume étrangère, le maître de ballet, Michel-Fokine, dont la valeur artistique est incontes table, et le chef d'orchestre Cooper, à qui sont dus tant d'éloges, d'autres chefs de service encore, vinrent, au milieu des interprètes, saluer le public justement enthousiaste. On se souviendra du Coq d'Or.
26 MAI. — Nous avons cette fois, sur l'affiche
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des- ballets russes, le Rossignol, opéra en trois taLJleaux d M. Igor Strawinsky, d'après le conte d'Andersen, avec la mise en scène de MM. Benois et Sanine, les décors et les costumes de M. Benois, les danses composées et réglées par M. Romanow.
L'art de M. Strawinsky a soulevé et il soulèvera peut-être: encore des discussions passionnées.
D'aucuns ne veulent pas admettre que ce musicien, probe et hardi, soit le pionnier de voies inexplorées. Ses recherches d'harmonies, de rythmes et de timbres offensent leurs oreilles, leur paraissent ridicules, insupportables, odieuses. Qui donc les force à aller les entendre ? Il leur est loisible de rester chez eux, bien tranquillement, et de demeurer étrangers à une tentative qui, au contraire, paraît à d'autres du plus haut intérêt. M. Strawinsky est de ceux qui pensent que les divers langages et les divers arts ont pour but de déterminer et de limiter, et que la musique fait plus que cela : dans le domaine infini de l'esprit, elle évoque une image qui surpasse les arts plastiques et picturaux ; elle représente toutes les passions dans toute leur grandeur, ainsi que dans tous leurs plus menus détails ; elle initie l'homme à ce qui est trop vaste pour lui être révélé d'une façon tangible. Tout d'abord, aux premières auditions, d'innombrables effets harmoniques n'ont pas plus de sens pour l'individu étranger à la musique ou pour l'individu simplement réfractaire à l'alliance de certains sons., que les mots pour l'illettré. Mais, c'est grâce à la persistante volonté d'un Strawinsky que viendra l'heure où la musique cessera d'être tenue pour un
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passe-temps frivole et pourra être regardée comme la plus haute manifestation métaphysique. Toucher le cœur, éveiller l'imagination et développer l'intelligence, tel est le triple but de la musique. Or, cet art n'atteindra jamais aux proportions d'un langage universel tant que la majorité des hommes le considèrera comme un moyen de chatouiller agréablement l'oreille ou comme un banal auxiliaire de la danse. Le Rossignol était admirablement interprété par M. Monteux, un chef d'orchestre gardien vigilant des temps et des nuances, et qui met en juste lumière les éléments poétiques et sensitifs de l'ouvrage qui lui est confié ; Mme Dobwowolska, au clair soprano ; Mme Petrenko ; Mlle Fokina II, et les chœurs de l'opéra de Moscou.
2 JUIN. — Midas, comédie mythologique en un tableau de M. Léon Bakst, musique de M. Maximilien Steinberg, était la dernière des nouveautés qui nous avaient été promises par M. Serge de Diaghilew, le très actif organisateur de la saison des Ballets russes. Ce divertissement n'était point désagréable assurément ; on y pouvait souhaiter plus de diversité, plus de mouvement et de couleur.
Mais l'intelligente chorégraphie de M. Michel Fokine,, la grâce spirituelle de Mlle Karsavina qui, à chaque création, trouve le moyen de se surpasser ; la pittoresque imprécision des ensembles qui est comme de la familiarité mimée, tout cela a formé un spectacle attrayant. M. Rhené-Baton, qui dirigeait l'orchestre, a montré une autorité aisée et a communiqué aux exécutants sa vive compréhension musicale. Le spectacle s'était
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terminé par la reprise de Cléopâtre. On peut ne pas aimer cette salade faite de Ulada, de Rimsky-Korsakow, de Rousslan et Ludmila, de Glinka, d'autres encore, le tout soudé, revu et corrigé par Arensky. Mais il nous a fallu applaudir une fois de plus ce drame sans paroles, cette chorégraphie si expressive, ces costumes et ces décors d'une exquise bigarrure, et ce savoureux parfum d'exotisme produit par le prestige de la danse et la magie des yeux. Et là encore, Mlle Karsavina a fait revivre en grande artiste le scénario emprunté à Théophile Gautier. Car ce ballet russe est tout à fait le sujet de La Nuit de Cléopâtre, l'œuvre posthume de Victor Massé. Et cette exquise Cléopâtre, qui revenait de si loin en son pays natal, était comme une vieille connaissance qu'on accueillait avec une joie marquée.
8 JUIN. — Reprise du Miracle. Le poème de MM. Gheusi et Mérane est un des plus favorables à la musique, des mieux faits, qui aient paru depuis quelques années, sur la scène lyrique. « On y reconnaît, disait M. Alfred Bruneau, le goût littéraire et la maîtrise théâtrale du directeur heureux de la salle Favart. La partition de M. Georges Hiie est traditionnelle sans platitude et recherchée sans bizarrerie. Ecrite d'une main très sûre et très souple, elle a de la vigueur et du charme, de la distinction et de l'éclat. » M. Muratore reprenait son rôle qu'il avait très remarquablement créé ; il y obtenait un gros succès. MITie Andrée Vally succédait à Mlle Chenal dans Alix ; fort jolie sous la coiffe moyenâgeuse, elle a joué et chanté
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en artiste qui progresse de jour en jour ; elle a été applaudie à chaque acte. Il n'y avait que du bien à dire de M. Gresse dans l'évêqùe, de M. Cousinou, de Mraes Courbières et Bonnet-Baron. On faisait fête au ballet, et particulièrement à Mmes Léa Pirou et Barbier. M. André Messager avait tenu à conduire l'œuvre de M. Georges Hüe: c'est dire combien la représentation fut artistique, aussi bien sur la scène qu'à l'orchestre.
10 JUIN. — M. Van Dyck reprend le rôle de Parsisal auquel il prête toute sa grande autorité de ténor wagnérien ; il s'y montre prodigieux d'intelligence scénique et de style. L'orchestre, que dirige M. André Messager, contribue puissamment au succès de cette soirée.
20 JUIN. — Représentation organisée par l'Association des directeurs de théâtres de Paris en l'honneur de M. André Antoine. La soirée fut, ainsi qu'il fallait s'y attendre, extrêmement brillante.
Le Tout-Paris mondain, littéraire et artistique y assistait. Mais les petites bourses avaient tenu à manifester leur admiration envers le créateur du Théâtre-Libre, et les dernières galeries de l'Opéra étaient aussi bondées que l'orchestre, le balcon et les loges. Gala triomphal et consolant à la fois. Ce mouvement admirable du public parisien, accouru à l'appel des collègues d'Antoine, avait une grande signification, une haute portée: il montrait que l'on n'avait pas voulu seulement sauver des mains de ses créanciers un directeur dont les efforts furent aussi nobles qu'infructueux ; il prouvait qu'on avait compris le mouvement d'art et de
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littérature dont Antoine a été le promoteur et qui a continué à porter à travers le monde le renom de notre pays. Mais comme, hélas ! l'artiste s'est ruiné en cherchant à maintenir cette suprématie de la France, les fourmis sont venues au secours d'une imprévoyante cigale. Après l'ouverture du Carnaval romain, on donna le second acte d'Otello, de Verdi, - avec Mme Rosa Raïsa, MM. FerrariFontana, Vanni Marcoux ; la répétition générale de Hansli le Bossu, le nouveau ballet de M. J.-N.
Gallon. Puis on entendit Mlle Lucienne Bréval dans une mélodie de Schubert, le quatrième et le cinquième acte de l'Arlésienne et un Bal en i83o où jouèrent et chantèrent les artistes les plus notoires dans les différents genres. Mais le « clou » de la soirée fut l'apparition de M. Edmond Rostand, qui vint dire quelques paroles en l'honneur d'Antoine, paroles ardentes, véhémentes et aussi ironiques, dans lesquelles il déplora que l'effort d'Antoine aboutît à ce qu'il fut obligé d'aller monter un Conservatoire chez les Turcs. Il rappela ensuite le passé glorieux du directeur, et, après quelques mots cruels à l'adresse de la routine bureaucratique, il termina par un sonnet en l'honneur de celui que l'on fêtait. La salle applaudit vivement le poète ; puis elle réclama Antoine, qui dut venir deux fois saluer le public, et les ovations se prolongèrent durant de longs instants.
A ces acclamations enthousiastes, il faut joindre l'éloquenée du chiffre de la recette, qui s'éleva à plus de 100.000 francs.
22 JUIN. — Première représentation de Hansli
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le Bossu, ballet en deux actes de MM. Henri Cain et Adenis, musique de MM. Noël et Jean Gallon, décors de M. Bailly, costumes de M. Pinchon, chorégraphie de M. Clustine1. La toile se lève, au premier acte, sur la place d'un village alsacien où l'on danse après vêpres, aux sons du crin-crin. Un petit bossu nommé Hansli aime de tendre amour la jolie Suzel, laquelle le dédaigne pour le beau Fritz, le coq du village. Désespéré, le pauvre gibbeux s'apprête à se pendre, à la nuit noire, lorsqu'une troupe de nains, de follets et de phalènes aux yeux verts ou rouges, brillants comme des phares, s'approche de lui et le secourt. Pourquoi est-il si malheureux ? — Parce qu'il a entre les épaules une fâcheuse protubérance. — Hélas ! On va bien voir ce qu'ils savent faire. En quatre mouvements, des docteurs de leur compagnie, armés d'une hache énorme, tranchent son appendice dorsal et lui font une taille comparable à la tige d'un lis. Bien plus : d'un tour de main qu'on n'attendait pas, ces merveilleux opérateurs greffent incontinent la gibbosité au-dessous de la nuque du beau Fritz, en train d'errer dans le voisinage. Au second acte, Hansli, rusé garçon, met en valeur tous ses agréments et adresse sa demande en
1. DISTRIBUTION. - Suzel, Mlle Zambelli. — Catherine, Nlit- Aida Boni. — Lisbeth, Mlle Urban. — Hansli, M. Aveline. — Fritz, M. Bour- del. — Le père Hauser, M. Girodier. — Marguerite, Mlle Barbier. —
Annette, Mlle Meunier. — Emma,Mlle H Laugier. - Adèle, Mlle Schwarz.
— Mme Schmidt, Mlle Sirède. - Mme Saüer, Mlle Kerval. — Le notaire, M. Javon.
l'files Roncier, Guillemin, E. Roger, B. lIIarie, Mouret-Dokès.
Conscrits : MM. E. Ricaux, Even, Milhet, — MM. Fraissé, A. Baron, Leblanc. Vacalet, Péricat, Priche.
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mariage au père de Suzel. Naturellement, celui-ci ne veut pas d'un tel gendre, redressé peut-être, mais aussi gueux que jamais. Tout le monde est consterné. Soudain un terrible orage éclate. A la faveur des ténèbres, les nains bienfaisants apparaissent, déposant aux pieds de l'ancien bossu on ne sait quelle marmite emplie de pièces d'or. L'or déborde, resplendit, rutile. Hansli n'a plus à craindre d'être repoussé. Vive la joie ! Et vive la danse !. La musique de MM. Gallon ne vise assurément pas à troubler aucun spectateur. C'est une musique qui dépêche ses airs à danser et ses pantomines, s'embellit, de-ci de-là, de quelques aimables papillotes de refrains populaires et ne perd pas son temps à rechercher des finesses. A dire vrai, si elle n'est pas très neuve et si elle abuse un peu du droit d'accuser ses rythmes comme chez feu Musard, elle a, du moins, le mérite de ne point fatiguer et d'être plus joyeuse que triste — ce qui n'est pas si commun de nos jours, même dans les ballets. Mlle Zambelli est la grâce incarnée ; Mlle Aida Boni a autant d'esprit que de charme ; Mlle Urban répand autour d'elle la séduction, et le corps de ballet avait vivement mené la comédie chorégraphique. Tout avait été réglé avec goût par M. Clustine, habile metteuR en scène, inventeur de pas ingénieux. Les deux danseurs, M. A. Aveline (Hansli) et M. Bourdel (Fritz) montraient la verve qu'il fallait.
26 JUIN. — On donne les Joyaux de la ftfadone,
sous la direction d'un excellent chef d'orche^tr-^ t ?, - -l~- italien, le maëstro Moranzoni. ,/,:'f\-f 28 JUIN. - ReprésentatIOn gratUIte de /fhtfIi_.j 28 JUIN. — Représentation gratuite de
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avec Mme Andrée Vally et M. Journet dans les rôles de Thaïs et d'Athanaël 1.
3 JUILLET. — On donne Parsifal. MM. Darmel et Sellier se font apprécier dans les rôles de Parsifal et d'Amfortas.
7 JUILLET. — Dans Samson 'et Dalila, M. Darmel chante le rôle de Samson.
10 JUILLET. — MM. Messager et Broussan font part à leurs commanditaires de la résolution qu'ils ont prise de cesser leurs fonctions de directeurs de l'Opéra à partir du 1er septembre, — conformément au droit que leur donne leur cahier des charges.
Ils adressent leur démission au ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.
13 JUILLET. — Dans les Huguenots, Mlle Salvatini joue le rôle de Valentine ; M. Darmel celui de Raoul de Nangis.
14 JUILLET. - En matinée gratuite, Roméo et Juliette avec Mlle Berthe Mendès dans Juliette, et M. Lassalle dans Roméo. M. Gresse chante la Mar- seillaise.
Le 24 juillet, on avait donné Lohengrin avec M. Darmel, et le 28 juillet, les Huguenots avec un nouveau ténor, M. Sullivan. Et ce furent les deux dernières représentations de l'année. En raison de
1. - M. Antoine Banès, l'actif administrateur de la bibliothèque, des archives et du musée de l'Opéra, vient de recevoir, pour prendre place dans ses précieuses collections, trois documents du plus vif intérêt. Sur -sa demande, le maître Ch.-M. Widor a consenti à se dessaisir de la partition originale de la Korrigane, en faveur du théâtre qui avait monté cette œuvre déliciense. J\Im Malherbe — la nièce du regretté musicographe — a offert le manuscrit de la Phèdre de Massenet et, enfin, Miiie Rey-Reyer, se conformant au désir de son père, a envoyé au musée oin remarquable buste par Marqueste du compositeur de Sigurd.
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la mobilisation, l'Opéra, privé d'une grande partie de son personnel, se voyait dans la nécessité de faire relâche à partir du 3 août.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de 1re re¡JI'és. représeut.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
Faust, opéra. 5 » 19 Samson et Dalila, drame lyrique 3 a. i t. » 10 ~'M.~edeDetMs~s, ballet. 1 » 15 *Parsifal, drame sacré. 3 Jo janv. 34 La Damnation de Faust, légende dram.. 5 a. 10 t. » 4 Les Joyaux de le lJJadone, opèra. 3 » 4 Coppélia, ballet. , 2 » 2 Thaïs, opéra la. 7 t. » 8 Rigoletto, opéra 4 » 9 Roméo et Juliette, opéra 5 a. 3 t. » r> *Philotis, ballet 2 18 fév. 6 Tristan et Isolde, drame lyrir!lle. 3 ,) 4 -Les Bacchantes, ballet 2 a. 8 t. » 2 La Valkyrie, drame lyrique 3 » 3 .Scemo, drame lyrique 3 a. 5 t. i G .Mai C Monna Vanna, drame lyrique 4 a. 5 t. » 3 Le Vieil Aigle, drame lyrique 2 » 4 Les Papillons. , 1 11 Mai * La Légende de Joseph 1 1 i Mai Shéhérazade, ballet 1 j 11 Mai i 2i \I~, i *Le Coq d'Or, opéra populaire : 2i Mai "Le Rossignol, opéra 3 tabl. 20 Mai *Midas, comédie mythologique 1 tabl. 2 Juin Les Deux Pigeons, balle. ,., ,.. 2 tabl. i) 2 Le Miracle, drame lyrique 5 8 juin 3 "Hansli le Bossu, ballet.,.., 2 22 juin 6 Les Jluguenots, opéra 5 a. 6 t. » 4 Lohengrin, opéra 2 a. 1 t. „ 1
* Les astérisques indiquent, au tableau de chaque théâtre, les ouvrages nouveaux représentés pendant l'année.
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1915
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Ce n'est qu'à la fui de l'année 1916 qu'après seize mois de fermeture, l'Opéra rouvrait ses portes.
Eclairé par plusieurs tentatives préalablement faites au Trocadéro, le nouveau directeur, M. Jacques Rouché, avait nettement discerné qu'une aussi grosse machine que celle de l'Opéra ne pouvait être remise en mouvement et fonctionner d'une façon satisfaisante que sur le terrain qui lui appartient, dans le local qui lui est propre.
Oui, mais comment procéder avec un personnel orchestral et choral désorganisé et renforcé d'éléments nouveaux, une équipe de machinistes incomplète, un corps de ballet très appauvri au moins.
du côté masculin ? Dans ces conditions, le parti auquel s'est arrêté-M. Rouché paraît être des plus sages : faire en plus grand, en beaucoup plus grand ce qu'il a déjà fait sur la petite scène du Théâtre des Arts ; ne jouer que des actes isolés, donner simplement, le dimanche et le jeudi, des matinées dont le programme comprendrait un acte ou deux d'opéras anciens ou modernes, une partie chorégraphique et un concert où la musique d'une certaine époque serait exécutée et chantée dans des décors et avec des costumes du temps, de façon qu'on eût là toute une série de tableaux nous offrant comme une histoire animée de la musique en France depuis trois ou quatre siècles.
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C'est au premier de ces spectacles-concerts que nous assistions le 9 décembre. La représentation était donnée au bénéfice de la Croix-Rouge de Belgique; il était nécessaire qu'une pièce de circontance vînt tout d'abord glorifier ce vaillant pays. Un Hommage à la Belgique réunissait dans une mise en scène simple et noble, une suite de beaux airs populaires flamands ingénieusement groupés. Les principaux artistes de la maison, ceux du moins qui n'avaient point part au reste du programme, avaient tenu à honneur de s'y faire entendre. On put ainsi applaudir tour à tour Mmes Litvinne, Bréval, Demougeot et Delna, MM. Lestelly et Noté ainsi que M. de Max, qui déclama avec une romantique vigueur un beau poème de circonstance. Deux tableaux du premier acte d'Eugène Onéguine offraient ensuite l'attrait de la nouveauté pour un auditoire français. Il est certain que l'opéra de Tchaïkowsky jouit en Russie d'une popularité trèsgrande. Il n'est pas moins vrai que nos amis russes n'ont, en ce qui concerne leur musique, ni les mêmes goûts, ni les mêmes préférences que nous-mêmes. Si la partition d'Eugène Onéguine n'est dépourvue ni de charme ni de grâce, cette grâce et ce charme ont une certaine mollesse qui s'accorde mal avec nos goûts présents. L'interprétation avec Mlles Gall et Lapeyrette et M. Lestelly, fut très bonne. Mlle Gall, particulièrement, montra beaucoup d'intelligence et de sentiment dans le rôle de Tatiana. Le deuxième tableau du quatrième acte d'Hamlet n'est pas, musicalement, une des meilleures pages d'une partition qui n'a
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guère aujourd'hui les faveurs du public. Même en acceptant le point de vue. tout conventionnel de l'auteur, cette scène de folie — ou de virtuosité — n'est pas une des plus caractéristiques du genre.
Mais, personne n'écouta beaucoup la musique. Il suffisait qu'elle fut rendue par l'incomparable interprète qu'est Mm,e Barrientos, pour sembler parée des grâces les plus rares. L'art prodigieux de Mme Barrientos, le charme merveilleux de sa voix pure et timbrée délicieusement réalisaient sans efforts de tels prestiges. Le succès de cette artiste fut aussi complet que possible. Le quatrième acte de Patrie, où triomphait M. Delmas, terminait heureusement le spectacle.
Ce fut au milieu de la matinée donnée le 16 dé- cembre, un tableau charmant que la représentation de Mademoiselle de Nantes. Il s'agissait de faire entendre des morceaux de Lulli. On eût pu les exécuter simplement à l'orchestre. La direction, pour les présenter, avait reconstitué un divertissement donné à Versailles chez le Grand Roi, pour les enfants de Mme de Montespan: une des filles de la célèbre marquise dansa, en 1681, à la cour, dans un opéra-ballet de Lulli. Le décor de l'Opéra reproduisait l'une des salles du château ; de chaque côté de la scène, dans le fond, des petites bougies blanches éclairaient la scène de leur lueur discrète et distinguée. On se serait cru devant l'estampe connue du « Concert à la Cour ». C'est dans ce cadre approprié que, successivement, apparurent Mlles Hatto, Bugg, Gills, Johnson et Barbier, MM. Plamondon, Gresse, Staats, qui détaillèrent
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avec goût les airs de Lulli ou exécutèrent des danses de son époque, alternant avec d'autres pages du compositeur florentin, exécutées par l'orchestre.
Le programme de la matinée comprenait encore une ouverture de Stellus, de M. Louis Dumas, prix de Rome de 1905.
Le 19 décembre, les admirateurs -du maître Saint-Saëns fêtaient le 80e anniversaire du grand compositeur français, au cours d'une matinée que M. Jacques Rouché avait organisée en son honneur1
Le 29 décembre, le cadre de l'Opéra se prêtait magnifiquement à une vibrante manifestation de bienfaisance à l'égard de nos voisins et amis les Anglais. Parmi le remarquable et copieux programme composé pour cette matinée par M. Serge de Diaghilew, la Princesse Enchantée de Tchaï- kowsky représentait la danse classique émigrée de chez nous en Russie. A ce titre une nouvelle ballerine, Mlle Xenia Maclezova, nous était révélée, dont la technique surprenante n'avait d'égale que celle des plus célèbres étoiles du firmament chorégraphique. Le Soleil de Nuit de Rimsky-Korsakow, où M. Massine était à la fois fèté comme danseur
1. - Au programme : Etienne Marcel (airs de ballet: l'orchestre: Les Barbares Mlle natto, M. Laffite; Henry VIII (dernier tableau); MM. Lestelly, Cazenave. Mm., Demougeot, Bonnet-Baron, Harambourg ; Ascanio (scène du mendiant) MM. Noté, Cazenave, Mlle Yvonne Gall ; Polonaise (pour deux pianos): M. C. Saint-Saëns. M. A. Ferté ; Samson et Dal.ila (2e acte) MM. Laffitte et Delmas, Mlle Lapeyrette ; Javotte (ballet," 2e tableau) : Mlle Zambelli, M.. Aveline ; Marche héroïque (avec chœurs), dirigée par l'auteur. L'orchestre était conduit par MM. Henri Biisser et Baohelet.
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et comme maitre de ballet, l'Oisean Bleu, après lequel le compositeur Strawinsky était traîné sur la scène, et les célèbres danses polovtsiennes du Prince Igor complétaient la séance. Mme Félia Litvinne l'avait ouverte en chantant avec ampleur les hymnes nationaux des alliés ; elle s'était fait encore entendre dans des mélodies de Rachmaninoff et de Moussorgsky, où elle savait une fois de plus évoquer avec un art infini la pittoresque saveur de cette musique russe.
I
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COMÉDIE-FRANÇAISE
1680-igi4
Avec le ier janvier 1914, M. Albert Carré prenait | possession de ses fonctions d'administrateur géné, raI de la Comédie-Française. Dans le grand foyer du public il avait reçu, le matin, le personnel administratif que lui présentaient tour à tour les chefs de service, et après la représentation diurne, dont le programme se composait du Dépit amou- reux, de Gringoire et d'Andromaque, sociétaires et pensionnaires étaient réunis sur la scène en présence de M. Jacquier, sous-secrétaire d'Etat aux beaux-arts. M. Albert Carré lisait une charmante allocution, au cours de laquelle il rendait respectueusement hommage à la mémoire de Jules
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Claretie, son prédécesseur. Il évoquait aussi le souvenir d'Edouard Thierry et d'Emile Perrin ; puis, il exposait à grands traits ses idées, ses projets et les principes sur lesquels il entendait fonder son administration. De chaleureux applaudissements saluaient la fin de son discours. « Soyez le bienvenu parmi nous ! » tel était le cordial mot de la fin simplement dit, en manière de réponse, par le doyen, Mounet-Sully. Le soir.. à l'abonnement du jeudi, on donnait les Folies amoureuses et le Gendre de M. Poirierl.
? JANVIER. — Dans le Monde où l'on s'ennuie, donné en matinée, Mlle de Chauveron joue pour la première fois le rôle de Mme de Saint-Reault.
3 JANVIER. — En matinée, M. Léon Bernard aborde le rôle de l'abbé dans Il ne faut jurer de rien, qu'après MM. de Féraudy, Truffier et Georges Berr il joue dans les saines traditions comiques du bon curé de campagne ébahi et réjoui, créé, il y a quelque soixante ans, par Got. Le soir, Mllc Bovy joue pour la première fois, dans le Mariage de Figaro, le rôle de Chérubin; elle dit d'une petite voix charmante la « Romance à Madame ».
4 JANVIER. - M. Albert Carré a présenté à l'agrément du ministre deux nouveaux sociétai-
1. — La retraite de M. Jules Truftier créait une vacance dans le Comité d'administration. M. Jules Trulfier y était remplacé par M. Silvain. Et le Comité se trouvait composé, pour 1914, de la façon suivante : MM. Mounet-Sully. de Féraudy, Silvain, Paul Mounet, Albert Lambert et Georges Berr. M. Georges Ricou, qui avait été, à l'Opéra-Comique, le précieux collaborateur dé M. Albert Carré, le suivait à la ComédieFrançaise, dont il devenait le secrétaire général.
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res: MM. Croué et Léon Bernard sont nommés « à trois douzièmes » 1.
8 janvier. — Pour le spectacle de la première quinzaine des matinées classiques, la Comédie avait affiché en matinée deux pièces de Molière.
Le Mariageforcé-joyeusement enlevé par MM. Siblot, André Brunot, Croué, Ravet, Jacques Guilhène, Georges Le Roy et Reynal, Mmes Berthe Bovy, Andrée de Chauveron et Duluc — amusait toute la salle. Le divertissement, réglé et dansé par Mlle Chasles, avec Mlle Meunier, de l'Opéra, dans
1. — J. Croué,.dont le jeu est à la fois si personnel et si classique, a débuté tout jeune, le 6 septembre 1899, à la Comédie-Française, par le rôle du marquis de Priégo dans Ruy Blas. Auparavant, élève du Conservatoire, autrement dit élève du Théâtre-Français, il avait joué beaucoup de petits rôles, notamment celui de Jasmin dans Mademoiselle de la Seiglière. Des petits rôles, il passa à de plus importants. Il en créa même quelques-uns qu'il marqua de sa personnalité. On le retrouve ensuite dans Le Bon roi Dagobert (Eloi), Monsieur Purgon (Purgon), Primerose (Dehis), La Brebis perdue (Pierre Graslin), L'Amour veille (Carteret), L'Autre (M. Forget), Le Foyer (Célestin Lerible), etc. Dans le répertoire classique, sa place est considérable. Tres instruit et très ■, travailleur, il a attendu patiemment son tour. Il est venu à un âge où il a toute une carrière devant lui et rendra de grands et utiles services à la Comédie-Française, où il rappelle, par ses qualités originales et son talent, les meilleurs comédiens d'autrefois.
Léon Bernard, qui sait aussi bien se montrer émouvant ou comique, s'est formé à l'école de Silvain, puis d'Antoine ; il était à l'Odéon où il jouait beaucoup de répertoire en même temps qu'il faisait d'heureuses créations, lorsque la Comédie-Française, qui cherchait un comédien pour l'emploi dit-de manteaux (type Arnolphe de L Ecole des Femmes) eut l'idée de se l'attacher. Antoine tenait à son pensionnaire. Il fit bien quelques difficultés, mais finalement ne voulut pas entraver son avenir.
Il le résilia de bonne grâce, et Bernard débuta au Théâtre-Français un dimanche, le 7 août 1910, dans Les Romanesques, par le rôle de Bergamin, qu'il joua à la satisfaction générale. Tout de suite attelé à un rude labeur, il fut de toutes ou presque toutes les pièces nouvelles, jouant couramment le répertoire et reprenant quelques-unes des créations de son grand camarade Maurice de Féraudy, notamment le cardinal dans Primerose et le docteur Lemas dans Vouloir. Le Comité a voulu récompenser en lui le travail, le dévouement et le talent du jeune comédien.
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le goût du temps, ajoutait à l'attrait du spectacle de cet ouvrage. Dans L'Ecole des Femmes, M. Léon Bernard, au lendemain de son élévation au sociétariat, prenait possession du rôle d'Arnol phe, qui lui valait les applaudissements de toute la salle.
Il était du reste admirablement secondé par MM. Silvain, Dehelly, Falconnier, Ravet, Charles Granval et Lafon, Mmes Dussane et Lifraud.
15 JANVIER. — En une classique soirée, qui, très brillamment, inaugurait la direction de M. Albert Carré, la Comédie-Française avait dignement célébré le 292e anniversaire de la naissance de Molière. On sait qu'au sortir de ses classes, « JeanBaptiste Poquelin » avait du remplacer son père, dans la charge de « valet-de-cham bre-tapissier du roi » qu'on lui assurait en survivance. Pour son noviciat, il avait suivi Louis XIII dans le voyage de Narbonne en 1641, et avait été le témoin de l'exécution de Cinq-Mars et de Thou, amère et sanglante dérision de la justice humaine. Il paraît qu'alors, au lieu de continuer l'exercice de la charge paternelle., il alla étudier le droit à Orléans et s'y fit recevoir avocat. Mais son goût du théâtre l'emportait décidément, et revenu à Paris, après avoir hanté, dit-on, les tréteaux du Pont-Neuf, suivi de près les Italiens et Scaramouche, il se mettait à la tête d'une troupe de comédiens de société qui devenait bientôt une troupe régulière et de profession. Les deux frères Béjart, leur sœur Madeleine, Duparc, dit « Gros-René », faisaient partie de cette bande ambulante qui s'intitulait l' « illustre théâtre ». Notre poète rompait dès lors avec sa famille
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et les Poquelin et prenait nom : Molière. Molière courut avec sa troupe les divers quartiers de Paris, puis la province. On dit qu'il fit jouer à Bordeaux une Thébaïde, tentative du genre sérieux qui échoua. Mais il n'épargnait pas les farces, les canevas à l'italienne, les impromptus, tels que le Médecin volant et la Jalousie du Barbouillé, premiers crayons du Médecin malgré lui et de George Dandin. Les spectateurs voyaient ce soir pour la première fois cette Jalousie du Barbouillé 1 , qui n'avait plus paru à la Comédie-Française depuis de très longues années. M. Croué y joua dans la perfection le rôle du docteur. Ceux du mari et de la femme furent vivement enlevés par M. Bernard et par l\lIle Robinne. Et dans la Comtesse d'Escarbagnas, une autre de ces farces im provisées où excellait Molière, nous eûmes le vif plaisir d'applaudir Mme Pierson, supérieurement plaisante, Mlle Bovy, très gentille en petit laquais, et M. Granval, impayable en jeune gamin mal élevé. Le morceau de résistance du menu d'anniversaire, c'était la remise à la scène, avec décors et costumes nouveaux, de ce délicieux Amphitryon dont la dernière reprise remonte' à huit années. MounetSully s'y montra, cette fois encore, un Jupiter incomparable, M. Paul Mounet, un admirable Amphitryon, tonitruant à souhait. M. Georges Berr détaillait avec sa diction magistrale le rôle du Sosie.
M. Brunot était un Mercure extraordinairement gai ;
1. DISTRIBUTION. — Angélique, Mil. Gab. Robinne. - Cathau, Mlle Jane Faber. — Yalère, M. Dehelly. — Le docteur, M. Croué. — Le Barbouillé, -NI. Léon Bernard. — Villebrequin. M. Gerbault. — Gorgibus, M. Reynal.
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Mlle Cerny une très belle Alcmène; Mme Kolb une Cléanthis pleine d'entrain ; Mlle Dussane une Nuit fort poétique. Ajoutons que M. Albert Carré avait demandé à M. Lucien Jusseaume un décor neuf qui est une pure merveille. De la terrasse où se trouvent, au premier plan, le palais et les jardins d'Amphitryon, on découvre un vaste panorama, lac sinueux bordé de bois sombres et de blanches villas. A la fin du premier acte, lorsque Jupiter a quitté Alcmène et que Mercure a permis au soleil de se lever, le paysage, qui s'estompait jusque-là dans les ombres roses ou bleuâtres, s'illumine peu à peu, et c'est toute la rayonnante splendeur des beaux sites méditerranéens. La salle entière a éclaté en applaudissements. Et M. Albert Carré avait conquis rue de Richelieu son premier succès personnel.
22 JANVIER. — Le nom de M. Henri Lavedan, reparaît sur l'affiche de la Comédie-Française. On reprend pour les abonnés le Goût du Vice, dont l'excellente interprétation réunit tous les artistes du premier jour: MM. Dèssonnes, Léon Bernard et Charles Grand val,. Mmes Pierson, Piérat et Maille.
10 FÉVRIER. — Le Comité de lecture reçoit une pièce en trois actes, en vers, de M. René Fauchois intitulée l'Augusta, et une comédie en quatre actes (dont il demande la réduction en trois) de Mlle Lenéru, intitulée La Triomphatrice.
16 FÉVRIER. — Le même Comité de lecture décide, à l'unanimité, l'inscription du Prince
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d'Aurec de M. Henri Lavedan au répertoire de la Comédie-Française.
26 FÉVRIER. — La Comédie fête le II 2P anniversaire de la naissance de. Victor Hugo par une belle représentation de Marion Delorme avec MM. Mounet-Sully (Louis XIII), Albert Lambert (Didier), Paul Mounet (le marquis de Nangis), Georges Berr (l'Angély), Dehelly (Saverny), Mme Bartet (Marion Delorme). Après le cinquième acte a lieu la scène traditionnelle du Couronnement interprétée par Mmes Lara et Segond- W eber.
28 FÉVRIER. — Représentation de retraite, après trente-huit ans de services, de M. Jules Truffier.
Avant de devenir, dans la maison de Molière — de Molière qu'il adore par dessus tout — le savant directeur des études classiques, M. Truffier paraissait pour la dernière fois sur la scène du Théâtre-Français où, sortant de l'Odéon, il débuta le 7 juillet 1875 dans Thomas Diafoirus du Malade imaginaire. Nous l'avons donc chaleureusement applaudi dans Maître Favilla, de George Sand
qu'il a si fort ingénieusement adapté, dans le marquis du Legs de Marivaux, où il avait pour partenaire l'incomparable Bartet, et dans ces jolis Stances à la retraite, que le parfait comédien, qui est un lettré délicat, a pris soin de composer luimême. Puis, après la représentation à peu près inédite d'une piquante comédie de paravent du regretté Jules Claretie, Monseigneur est en vacances, fort bien jouée par M. de Féraudy, Mmes Blanche Pierson et Thérèse Kolb, c'était le plaisir d'un bel intermède dont Mme Marguerite Carré, MM. Edouard.
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Risler et Dominique Bonnaud furent, entre autres, les brillants protagonistes, c'était la joie d'une blagueuse « revue » de M. Georges Berr, Bobino chez Molière, où Mmes Lara, Leconte et Piérat montrèrent toutes trois un entrain endiablé, et l'apparition, aussi heureuse qu'inattendue, de M. Sacha Guitry et de Mme Charlotte Lysès dans le premier acte de iVono, terminait en saine gaieté le sincère hommage à un pur artiste dont le nom ne sera pas oublié du public de la Comédie-Française. La recette de cette soirée avait atteint 3o.ooo francs.
1er MARS.— L'interprétation de Ruy Blas offrait un attrait particulier : M. Claude Garry faisait sa rentrée dans le rôle de don Salluste qu'il jouait avec autorité; M. Paul Mounet, le don Salluste de naguère, prenait possession de celui de don César, qui lui valait un vif succès.
1. — M. Georges Claretie avait offert à la Comédie-Française le buste de son père, Jules Claretie, par le statuaire Léopold Bernstamm, en l'accompagnant de la lettre suivante au Comité « Monsieur le Doyen, » Messieurs les Membres du Comité, » Vous m'avez témoigné le désir de voir placer à la Comédie le buste .(:le celui qui fut pendant vingt-huit ans votre administrateur général.
» Je me sens très fier de cet hommage que vous rendez à la mémoire ,de mon père, qui a tant aimé cette illustre Maison et les artistes éminents qui en sont la gloire.
» Je vous envoie donc le buste que vous m'avez fait l'honneur de me demander, et je vous remercie encore du plus profond du cœur, de toute la sympathie que vous m'avez témoignée dans le grand malheur qui m'a frappé.
» Groyez-moi, je vous l'rie, Messieurs les membres du Comité, votre très reconnaissant et très profondément dévoué.
» Georges CLARETIE. »
A cette offre gracieuse, le Comité répondait par la lettre suivante, .signée du doyen et de tous les membres: « Cher Monsieur, » Répondant au désir que nous vous avons exprimé au lendemain
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9 MARS. — Première représentation à ce théâtre de Georgette Lemeunier, comédie en quatre actes, en prose, de M. Maurice Donnay1. — GeorgetteLemeunier a, comme cela devait être, retrouvé à la Comédie-Française le grand succès qui l'avait accueillie en 1898 au Vaudeville. M. Maurice Donnay l'a, d'ailleurs, très intelligemment corrigée et modifiée en deux ou trois endroits, notamment au second et au dernier acte. Résumons-la ici en quelques lignes pour mémoire. « L'ingénieur Lemeunier est devenu riche par son talent et son labeur. Il a été aidé dans sa vie, soutenu et charmé par l'amour de sa femme Georgette. Celle-ci, indulgente pour les autres, est, pour son compte, d'une grande vertu qui ne lui coûte pas d'effort, car, après huit années, elle adore son mari comme au
premier jour. Mais voici qu'à travers ce bonheur
même de la mort de notre cher administrateur, vous avez bien voulu.
vous et madame votre mère, offrir à la Comédie-Française le buste de votre excellent père, que nous aimions comme il nous aimait, de tout coeur.
« Le buste de M. Jules Claretie, placé dans la salle du Comité et des assemblées, sera conservé avec reconnaissance ; il rendra présent parmi nous l'homme éminent qui, pendant plus d'un quart de siècle, avec une bonté souriante, a présidé aux destinées de la Maison de Molière. -
» Veuillez donc agréer et faire agréer à madame votre mère les remerciements que nous vous adressons au nom de la Comédie tout entière, avec l'assurance de nos sentiments d'affectueuse sympathie.
» MOUNET-SULLY, DE FÉRAUDY, Georges BERR Albert LAMBERT, SILVAIN, Paul MOUNET,.
Raphaël DUFLOS, jules LEITNER. n 1. DISTRIBUTION. — Midasse, M. Jacques Fenoux. — Le général, M. Siblot. - Journay, M. Léon Bernard. — Charcennes, M. Charles Granval. - Sourette, M. Paul Numa. - Raymond, M. Jacques Guilhène. - Dufauchu, M. Gerbault. — Mairieux, M. Reynal. — Lemeunier, M. Claude Garry. — Mme Angevin, Mme Pierson. — Julia, Mlle Thérèse Kolb. — Mme Sourette, Mlle Gabrielle Robinne. — Nicole, Mme Berthe Bovy. — Mme Joizel, MI.IO Andrée de Chauveron. — Georgette, Mlle Valpreux.
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vient se mettre une femme. Par suite de rapports d'affaires, Lemeunier est entré en relations avec un certain Sourette. Celui-ci est un faiseur, mais qui a une assez bonne tournure de manieur d'argent. Le plus fâcheux de son cas, c'est qu'il est marié à une femme d'une grande beauté, Thérèse, qui vit dans un luxe effréné. Or ce luxe, ce n'est pas son mari qui le paye. Et, chose aggravant encore ce cas fâcheux, Sourette est très intelligent et sait à quoi s'en tenir sur une situation dont il profite. Un vilain monsieur complet, comme vous voyez. Cependant, ce vilain monsieur est reçu et reçoit. Il reçoit Lemeunier qui s'éprend d'une passion folle pour Thérèse. Par un moyen un peu facile — mais qu'est-ce que cela fait ? — par la maladresse d'un bijoutier qui envoie à Mme Lemeunier une bague destinée à Thérèse, Georgette sait l'aventure. Elle va chez Sourette pour rendre la bague qui n'était pas pour elle ; elle y trouve son mari, et persuadée qu'il est l'amant de Thérèse, elle se retire chez sa mère et veut divorcer. Quand Lemeunier a retrouvé sa maison vide, un revirement s'est produit en lui. Il n'aime plus l'aventurière et va rechercher sa femme. Mais celle-ci ne cède pas à sa prière, ne se laisse pas toucher par son remords ou par ce qui est mieux que le remords pour les àmes tendres, par sa douleur. Voici donc Lemeunier tout seul dans son intérieur. Thérèse vient l'y relancer. Sôit caprice, soit intérêt, soit vanité, elle a amené la crise en n'avertissant pas Lemeunier de l'erreur commise par le bijoutier.
Depuis, ayant créé la situation, elle veut en
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profiter. Elle jure-à Lemeunier qu'elle l'aime. Et comme, désespéré, il ne répond pas plus à ses lettres qu'il ne va à ses rendez-vous, elle vient le retrouver chez lui. Mais Lemeunier est décidément très refroidi pour elle. Ce qui a contribué à le refroidir, pensons-nous, c'est que Sourette, dans une scène dont la hardiesse frise le cynisme, a voulu lui faire signer un beau billet de cinquante mille francs. Thérèse, mal reçue, pleure — ou fait semblant -. Et, justement, Georgette rentre chez elle à ce moment. Elle triomphe de sa rivale, elle acquiert la certitude que son mari n'aime qu'elle, et elle pardonne. Elle-ne pouvait mieux faire. »
C'est une simple histoire vécue, fort ingénieusement encadrée dans un admirable tableau de mœurs.
L'œuvre délicieuse de M. Maurice Donnay est jouée de façon absolument supérieure — à commencer par le rôle de Georgette qui, créé par Réjane, était cette fois interprété par une jeune débutante, Mlle Valpreux, fort remarquée depuis les derniers concours du Conservatoire. Disons-le tout de suite : Mlle Valpreux a réussi sans conteste; ,' dès les premières scènes, le public ne lui a pas ménagé ses bravos, et l'on a rappelé trois et quatre fois la nouvelle venue à la fin de chacun des actes.
C'est un succès du meilleur aloi, un des débuts les plus brillants que nous ayons vus depuis bien des années. D'un bout à l'autre du rôle de Georgette Lemeunier, Mlle Valpreux a fait preuve d'une simplicité et d'une sincérité peu communes. Point dé cris, point de gros moyens. Mais sans cesse la marque d'une nature sensible et délicate, et nous
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ne savons quelle grâce honnête et charmante qui conquiert tout de suite la sympathie. Elle a l'émotion Vraie, celle qui vient du cœur et n'est pas affectée. Les auteurs dramatiques peuvent se réjouir de l'entrée à la Comédie-Française d'un pareil sujet : ils ont en Mlle Valpreux une interprète sûre.
C'est en de fort mauvaises conditions que M. Garry avait quitté la maison de Molière : il y revient tout à son avantage, chargé de glorieux lauriers conquis sur les scènes du boulevard. Il fut d'abord un superbe Don Salluste ; il est un Lemeunier très humain, très sobrement éloquent. Vous vous rappelez l'amusant épisode du général de Prieur de Lerville — qu'on appelle parfois La Baderne de Lerville — incriminant avec fougue les mœurs du temps et s'ad ressant à un de ses auditeurs les plus proches : « Vous ne savez pas, vous n'êtes rien, ça vous est égal, vous êtes un dilettante. Vous déplorez, mais, en attendant, vous ne faites rien, vous laissez faire. Je parie que vous ne votez même pas. Ça vous dérangerait. Mais, si on supprimait le suffrage universel, vous crieriez comme un blaireau. Alors, ça vous est égal, les destinées de votre pays, l'avenir de la France? Ça vous est égal que les autres peuples colonisent,, étendent leurs conquêtes ? Vous ne vous occupez, pas de tout ça. Après vous, la fin du monde.
D'ailleurs, ça se lit sur votre figure. Tout à l'heure, je vous regardais, pendant que nous traitions de questions graves, de questions passionnantes.
Vous n'avez pas dit un mot, vous vous contentiez de sourire en caressant votre moustache. tenez !
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comme en ce moment. Vous vous croyez, sans doute, l'air malin, vous avez l'air d'un imbécile.
parfaitement, d'un imbécile !.» M. Siblota enlevé la tirade avec une verve toute. classique. M. Bernard est dans l'avoué Journay, l'ami de la maison, un excellent raisonneur. M. Numa joue fort adroitement le personnage difficile du mari complaisant.
M" Robinne a composé avec beaucoup de tact et de naturel le rôle complexe de Thérèse Sourette ; elle le fait accepter, servie à souhait par sa radieuse beauté. Mlle Bovy a spirituellement caricaturé une élégante moderne. Mme Kolb est une divertissante servante, participant d'une façon quelque peu exagérée aux souffrances de sa maîtresse. Et il faut rendre grâce à Mme Pierson, qui a consenti à jouer le bref rôle de Mme Angevin, la mère de Georgette Lemeunier, où elle est, comme toujours, de grâce parfaite.
8 MARS. — Mlle Laurence Duluc abordait, en matinée, le rôle d'Antoinette dans le Gendre de t V. Poirier ; on l'applaudissait fort, notamment au second acte, où elle avait la tendresse, l'émotion 1. la plus vraie et la plus juste.
t 1 i) MARS. — En matinée, M. Ravet jouait pour la première fois don Guritan de Ruy Blas. En soirée, dans Denise, M. Leitner prenait possession du rôle de Thouvenin, dont il faisait une fort intéressante composition.
16 MARS. — Le Comité de lecture reçoit à l'unanimité une pièce en trois actes de M. Gabriel Mourey, intitulée Les Demoiselles Oranger-Martin.
Il inscrit au répertoire de la Comédie-Française
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l'Indiscret de M. Edmond Sée, primitivement représenté le 7 mars 1903 au théâtre Antoine.
25 MARS. — Les abonnés avaient la primeur d'une jolie reprise de l'Ami Fritz, qu'en qualité d'Alsacien M. Albert Carré a monté avec infiniment de goût et mis en scène avec la plus pure vérité.
La salle faisait fête aux excellents interprètes de la célèbre pièce d'Erckmann-Chatrian : MM. de Féraudy, George Grand, Mlle Marie Leconte en tète.
29 MARS. — En matinée, M. Croué joue pour la première fois, dans le Malade imaginaire, le rôle de Thomas Diafoirus, et Mlle Colonna Romano celui d'Angélique.
30 MARS. — Première représentation de L'Envolée, pièce en trois actes, en prose, de M. Gaston Devore1, et des Deux couverts, comédie en un acte, en prose, de M. Sacha Guitry2. — Une délicate étude psychologique, Deiiii»-S(purs, représentée aux Escholiers, établit il y a dix-huit ans la juste réputation de M. Gaston Devore. Toute en nuances, mais très claire, quand même, et très émouvante, la pièce avait cela de particulier qu'elle n'était jouée que par des femmes — le théâtre blanc — et que Mlle Lara (encore très loin de la Comédie-Française) y incarnait bien joliment une des « demisœurs ». La Conscience de l'Enfant était ensuite
1. DISTRIBUTION*. — Derembourg, M. Raphaël Duflos. — Bernay, M. Louis Delaunay. — Martigny, M. Alexandre. — Georges, M. Georges Leroy. — Henriette, Mlle Lara. — Mme Derembourg, Mlle Cécile Sorel. — Georgette, Mlle Berthe Bovy. — MUle Bernay, Mlle Suzanne- Devovod.
2. DISTRIBUTION. — Pelletier, M. de Féraudy. — Jacques, M. Hiéronimus. -l'lm. Blamlin, Mlle Berthe Cerny.
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une œuvre sévère, mais touchante (nous nous rappelons encore Mme Baretta) où s'attestaient de très nobles qualités. Prise en pleine vie moderne, la Sacrifiée contenait des scènes spirituelles et fortes; elle marquait un remarquable progrès dans la manière de M. Devore. Mlle Madeleine Lély, si ardente et si vraie, y faisait au Théâtre Antoine, un début sensationnel. L'Envolée fut la première pièce reçue par le Comité de lecture après sa rentrée en fonctions. C'est la dernière que le regretté Jules Claretie (qui assistait à la lecture aux artistes) ait entendue comme administrateur de la ComédieFrançaise. C'est en même temps la première pièce « nouvelle » montée par M. Albert Carré., et même la première pièce inédite de la saison chez Molière.
Sur un mode plutôt grave, elle traite d'un conflit de famille ; c'est le thème préféré de l'auteur ; M. Gaston Devore s'est comme spécialisé dans ces heurts familiaux qui prennent d'autant plus de violence et d'acuité qu'ils se préparent et se déroulent dans le cadre étroit de la maison et que des liens très sensibles et très tendres tiennent entre eux les adversaires. Le probe écrivain a opposé les uns aux autres les membres d'un même foyer. Or, parmi ceux-ci, c'est la mère qui l'intéresse le plus.
L'Envolée nous montre une mère partagée entre son mari et son entant. Conflit que justifie l'actuelle évolution de la famille. De plus en plus, en effet, le dogme antique de l'autorité paternelle absolue passe au rang des mythes oubliés. C'est maintenant l'affranchissement des enfants. Dans cette petite révolution intime, la femme qui, elle aussi, tend
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vers l'indépendance, doit, selon M. Gaston Devore, se faire l'associée de ceux qu'elle mit au monde et qu'instinctivement elle aide à se réaliser dans toute leur personnalité. L'auteur, d'ailleurs, s'en est tenu aux conditions normales de l'existence. Il s'est efforcé d'exprimer sa pensée dans une action sobre et rapide qui se passe à Paris dans la même maison et dans la même journée. Un jeune homme, M. Georges Derembourg, va épouser, sur le désir de son père, la fille d'un concurrent, Georgette Bernay. Ce mariage assurerait la fortune des deux industries, qui, sans cela, pourraient être rivales.
Mais Georges s'est follement épris d'une jeune fille, dessinatrice dans l'usine paternelle. Et d'ailleurs, avide de nouveauté et curieux d'aventures, il veut partir pour l'Afrique centrale avec son ami, l'explorateur Martigny. Au moment où vont s'accomplir les fiançailles, Georges rompt les chiens et avoue, à ses parents son amour pour Henriette — la dessinatrice — qu'il se propose d'emmener en voyages de noces sur les bords du Tchad. Naturellement, M. Derembourg s'indigne de cette extravagance et s'y oppose formellement. Mais la mère prend le parti de son fils et « vole » dans le tiroir de son mari les deux cent mille francs dont Georges a besoin pour subventionner l'expédition ; le prétexte qu'elle invoque est que le ménage vit sous le régime de la communauté. Et comme Georges va partir, après avoir empoché une malédiction édulcorée de son père, comme sa mère se désole d'avoir si bien réussi à envoyer son unique enfant dans ces pays redoutables, Henriette apparaît
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encore, sans qu'on puisse s'expliquer pourquoi, et MmR Derembourg en profite pour engager , la jeune fille à accompagner le voyageur. On se mariera plus tard. Sans s'arrêter à quelques fautes scéniques qu'il sera d'ailleurs aisé de rectifier, le public a compris tout ce qu'il y avait de noble et de généreux dans l'œuvre nouvelle de M. Gaston Dévore; il en a chaleureusement accueilli les situations dramatiques qu'ont fait admirablement valoir Mlle Cécile Sorel et M. Raphaël Duflos, la mère si cruellement déchirée, le père si justement furieux ; M. Georges Le lie » v, amoureux sincèrement passionné; Mlle Bovy, spirituelle petite fiancée délaissée. Puis ce fut un grand, un très.grand succès pour le tout petit acte de M. Sacha Guitry, Deux couverts, qui terminait la soirée. En voici le simple sujet. « Pelletier, qui est veuf, adore son fils Jacques ; celui-ci passe aujourd'hui même son bachot. Le père attend - son retour avec une impatience fébrile — Ici, de jolies observations sur l'ennui d'attendre. « C'est long, une minute, et les années passent si vite ! » Le père donc veut dîner en tête à tête avec son fils, et il se fait une véritable joie de cette petite fête. Il renvoie sa maîtresse, Mme Blandin, qui est venue le relancer et qui l'interroge avec une jalouse curiosité sur l'emploi de sa soirée. Voici enfin Jacques qui arrive : il est « recalé » ; il déclare net qu'il ne veut plus continuer ses études, il écoute d'un air boudeur et détaché les remontrances et les sages conseils de son père, et en fin de compte, le petit ingrat s'en va dîner avec un de ses amis.
Pelletier reste mélancoliquement seul en face des
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deux couverts et de la table fleurie qu'il avait fait préparer. M. de Féraudy et M"e Cerny gentiment aidés par le jeune Hiéronimus ont joué en perfection ce « rien » délicieux. —
25 AVRIL. — Représentation de retraite de M. Prud'hon, sociétaire, après quarante-neuf ans de services. Celui qui fut l'admirable Bellac du Monde on l'on s'ennuie a pour jamais quitté la maison de Molière, que, pieusement, il adorait, et où naguère il terminait une longue et belle carrière en remplissant avec un tact infini les délicates fonctions de secrétaire général. C'est dans l'Evasion de M. Brieux qu'avait paru pour la dernière fois à la scène M. Charles Prud'hon, si parfait d'emphatique suffisance et de solennité triomphante sous les traits du docteur Bertry. Peut-être l'excellent artiste eût-il pu nous donner la joie de l'applaudir une fois encore en cette remarquable création, mais, avec son habituelle modestie, il a douté de lui-même, et s'est ainsi épargné l'émotion inséparable des adieux au public. Sa représentation de retraite eut cela de piquant que le bénéficiaire en resta volontairement absent. La soirée fut d'ailleurs magnifique. Elle nous valut, entre autres principaux attraits, l'agrément d'une spirituelle comédie de M. Félix Duquesnel, la Peur, adorablement jouée par l'exquise Marie Leconte, par MM. Bernard, de Féraudy et Grand, et aussi le triomphal succès, dans A l'da, des artistes de Monte-Carlo gracieusement amenés par M. Raoul Gunsbourg: Mme Kousnetzof, M. Martinelli, le nouveau ténor déjà célèbre, et le superbe baryton
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Jean Bourbon, que vient d'engager l'Opéra. Il était minuit quand, après avoir joué la Lépreuse, Mme Marguerite Carré est arrivée au ThéâtreFrançais pour y chanter, avec M. Francell, le troisième acte de Sapho. Vous pensez si on lui fit fête.
4 MAI. — M. Albert Carré nous offre le curieux et attrayant régal des Femmes savantes 1 heureusement encadrées dans une discrète mise en scène aussi intelligente et judicieuse qu'elle est vivante et naturelle. Elle consiste dans le joli petit décor d'une pièce familièrement meublée dont la baie s'ouvre sur la lumineuse perspective de frais jardins à la française, et sur le perron de la maison par où, logiquement, on voit venir, à mesure qu'ils sont annoncés, les divers personnages de la pièce. Aux murs en boiseries des cartes cosmographiques et géographiques, ennoblies des armes du roy ; puis, une bibliothèque où vont puiser à leur aise nos « précieuses » ; une table où souvent elles écrivent ; six ou sept chaises disposées en un libre laisseraller. Le tout on ne peut mieux compris: ni trop, ni trop peu, voilà précisément ce qu'il fallait trouver. Après son retentissant début de Georgette r Lemeunier, Mlle Val preux abordait cette fois | ainsi qu'elle le devait du reste — un rôle du répertoire classique: celui d'Henriette où nous avons gardé l'éclatant souvenir de Mme Barretta et que
1. DISTRIBUTION. — Armande, M"' Bartet. — Bélise, Mll. Fayolle. —
Philaminte, MU. Suzanne Devoyod. — Martine; Mtle Jane Faber. — Hen.
riette, Mlle Valpreux. — Ariste, M. Silvain. — Vadius, M. de Féraudy.
— Trissotin, M. Georges Berr. — Chrysale, M. Siblot. — Clitandre, M. Dessonnes. — Le notaire, M. Joliet. - Lépine, M. Hiéronimus.
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tenait en dernier lieu l'adorable Marie Leconte. La jeune artiste né s'est nullement montrée indigne de succéder à d'aussi brillantes devancières; elle nous a donné une Henriette charmante de tout point, pleine de finesse, de malice et d'esprit. Et voilà encore pour Mlle Val preux, à l'aurore de sa carrière, une soirée qui compte. En l'honneur de la gentille débutante, les «chefs d'emploi» avaient repris leurs rôles. C'est ainsi que nous ayons eu le délicat plaisir d'applaudir en Mme Bartetune incomparable Armande, que M. Silvain sut se contenter du bref personnage d'Ariste, que la célèbre dispute de Vadius et de Trissotin fut traduite en toute perfection par MM. de Féraudy et Berr, que M. Siblot fut un Chrysale absolument remarquable, M. Dessonnes un éloquent Clitandre, Mlle Fayolle une Bélise immensément comique. Notons le vrai succès, sous les traits de Martine, de Mlle Jane Faber, l'une des plus accortes soubrettes de la Comédie, et disons qu'en prenant triomphalement possession du rôle de Philaminte — si ingrat, si difficile vraiment, que Mme Pierson a pour jamais renoncé à le jouer — Mlle Devoyod s'est affirmée, dans un emploi nouveau pour elle, comédienne de la plus réelle autorité et du plus sûr talent. Avec la comédie de Molière, le Théâtre-Français reprenait (à la 134e représentation) l'Enigme de M. Paul Hervieu1 qui, depuis quelques années, n'avait point
1. DISTRIBUTION. — Léonore de Gourgiran, Mme Bartet. — Giselle de Gourgiran, Mlle Delvair. — Vivarce, M. Albert Lambert fils. - Le marquis de Neste, M. Leitner. — Gérard de Gourgiran, M. Raphaël Duflos. — Raymond de Gourgiran, M. Henry Mayer. — Laurent, M. Ravel.
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paru sur l'affiche. Nous nous rappelons cette soirée du 5 novembre 1901 qui nous fut une joie; nous- entendîmes une œuvre pleine d'humanité douce et forte, de franche probité littéraire et si incomparablement habile !. La pièce, admirablement jouée, était acclamée. On était heureux de se trouver en présence d'un poète dramatique qui parlait parce qu'il avait quelque chose à dire, et qui le disait avec une profonde émotion, en deux actes, parce qu'il n'avait besoin que de deux actes. L'impression qui nous était restée de l'Enigme, nous l'avons retrouvée tout entière : le drame est po.ignant en son anecdote, de logique morale et de vraisemblance matérielle, de langue impeccable et théâtrale, et de visée juste et haute. Nous le tenons pour égal, aux plus belles œuvres que nous a données le triomphant auteur de Le Destin est maître.
Mme Bartet a tout naturellement gardé le personnage difficile et complexe de Léonore où elle rencontra une de ses plus brillantes créations.
Mlltt Delvair avait déjà repris de Mlle Géniat, qui l'avait elle-même hérité de Mlle Brandès, le rôle deGiselle. M. Raphaël Duflos joue le rôle de Laurent de Gourgiran, que créa M. Paul Mounet, et passant à M. Albert Lambert celui de Vivarce, l' « homme aimé », M. Henry Mayer incarne Raymond, l'autre frère. Le marquis de Neste, le philosophe mondain, c'est M. Leitner, et nous ne saurions lui adresser de meilleur compliment que de dire qu'il nous a doucement ému dans ce rôlede raisonneur. Ainsi de toute façon l'interpréta-
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tion de l'œuvre de M. Hervieu fait honneur à la grande Maison.
4 MAI. — Le Comité de lecture, réuni sous la présidence de M. Albert Carré, entendait quatre actes en vers de M. Paul Géraldy, Les Noces d'argent, qui étaient reçus à l'unanimité1.
17 MAI. —1 La Fleur merveilleuse de M. Miguel Zamacoïs était donnée devant une salle enthousiaste.
Mlle Robinne jouait le joli rôle de Spéranza, créé par Mlle Géniat, et qu'au départ de celle-ci reprit Mlle Delvair. Mlle Géniat jouait le personnage avec -des allures félines charmantes., avec la souplesse onduleusé d'une danseuse « aux pieds nus » ; Mlle Delvair lui prêtait la gravité de son beau masque tragique et de sa voix profonde; Mlle Robinne, muée pour la circonstance en brune bohémienne, a été une Spéranza qui n'avait rien peut-être de la rudesse des gitanes, mais qui rachetait l'infraction aux traditions ethnologiques par une grâce, une finesse, un charme tout à fait délicieux. Le public faisait fête à la nouvelle Spéranza, ainsi qu'à Mlle Marie Leconte, Griet incomparable, à Mlle du Minil et à la pléiade d'excellents artistes qui se partagaient les nombreux rôles, grands et petits, de la pièce.
30 MAI. — Première représentation de Macbeth de Shakespeare, cinq actes et douze tableaux, version française inédite, prose et vers, de M. Jean
1. — L'Académie française couronnait la Sophonisbe de M. Alfred Poizat. C'est la première tragédie à laquelle ait été décerné depuis sa fondation le prix Toirac.
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Richepin1. — Après bien des adaptations, plus ou moins fantaisistes, de Macbeth, M. Jean Richepin en avait donné, il y a trente ans, une traduction en prose au théâtre de la Porte-Saint-Martin, où Mme Sarah Bernhardt interprétait le rôle de lady Macbeth. Il l'a, cette fois, en partie récrite en vers, et vous pensez bien que ce ne fut qu'un jeu pour un poète tel que lui. Mais, tout en se préoccupant de nous donner une pièce homogène, il s'est imposé le devoir de respecter les textes, de ne rien rejeter •delà formidable fantaisie de Shakespare, de montrer dans sa sève même cette poussée d'idées, de reproduire pieusement cette inspiration sans bornes. La fidèle et vivante adaptation de M. Jean Richepin, si souple et si puissamment lyrique, a produit le plus poignant effet. Cette poésie ardente et sombre, audacieuse et sonore, cette pensée shakespearienne, rendue à merveille dans une langue pleine de hardiesse et de beautés, ont saisi un auditoire qui., peu habitué sans doute à se voir secoué de la sorte, s'est pourtant laissé faire et n'a songé qu'à acclamer. Ce sera l'honneur de Jean Richepin d'avoir accompli cette initiation du
1. DISTRIBUTION. — Duncan, M. Mounel-Sully. — Macbeth, M. Paul Monnet. — Rosse. M. Leilner. — Le médecin, M. Louis Delaunay. —
Macduff, M. Jacques Fenoux. — Le portier, M. Croué. — Un messager.
M. Léon Bernard. — Un archer, M. Falconnier. — Un assassin, M. Ravet. — Angus, M. Garay. — Un messager, M. Lafon. — Banquo, M. Alexandre.- Malcom, M. Georges Le Roy.— Lenox, M. Gerbault. Un assassin, M. Reynal. — Seyton, M. Ch. Fontaine. — Lady Macbeth, Mme Barlet. — Une sorcière, Mme Louise Silvain. — Une sorcière.
Mlle Madeleine Roch. — Une sorcière, Mlle Suzanne Devoyod. — Une dame de compagnie, Mme Lherbay. — Fléance, Mlle Yvonne DLicos. -
Lady Marduff, Mlle Jeanne Rémy. — Le fils de Macduff, la petite Albe Corbery.
Musique de scène de M. Omer Letorey.
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public au génie du grand Will. L'interprétation, qui réunit les plus grands noms de la célèbre Gompagnie, est véritablement hors ligne. C'est ainsi que Mme Bartet a créé, pour sa part, une lady Macbeth presque inédite. « On représente toujours lady Macbeth comme une virago, nous dit M. Jean Richepin. C'est une erreur. Lady Macbeth est une femme charmante, séduisante, vipérine ! Oui, toute en nerfs, et c'est ce qui fait que, à la fin, elle sera dominée par ses nerfs. Mais cela n'ôte rien à son charme, à sa grâce. Et elle est aimante aussi, épouse ne songeant qu'à son époux ! Car jamais elle ne s'occupe d'elle-même ; elle ne vise que sa joie, sa fortune, sa gloire à lui, pour lui ! » Mme Bartet a été la séductrice idéale. Puis elle a joué la scène du somnambulisme avec une sobriété de grande artiste. Et son succès fut éclatant. M. Paul Mounet, qui porte sur ses épaules le lourd fardeau du rôle de Macbeth, a fort bien exprimé la faiblesse et la « bestialité » du personnage. Son frère, Mounet-Sully, s'est contenté de l'apparition fugitive du roi Duncan, auquel il donne une noblesse souriante. M-. - Fenoux faisait Macduff — auquel on vient raconter qu'on a tué chez lui sa femme, ses enfants. Il gémit. - « Tous mes pauvres petits poussins ! Tous, jusqu'au dernier ? Oh ! l'horrible chose ! » s'écrie-t-il. — « Tu seras vengé, sois tranquille ! Nous tirerons de Macbeth la vengeance la plus éclatante! » Macduff répond ce seul mot, désespéré, sublime de rage impuissante: « Il n'a pas d'enfants ! » Et il a suffi à M. Fenoux de ce simple mot pour émouvoir toute la salle. Parmi les autres
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interprètes, tous excellents, nous citerons plus particulièrement MM. Croué (le portier ivrogne) et Alexandre (un très digne Banco). L'effroyable trio des sorcières, qui se compose de Mmes Silvain, Roch et Devoyod, a été pittoresquement rendu, sans aucun ridicule. N'oublions pas la sonore et pourtant discrète musique de M. Letorey, qui a sa valeur en une mise en scène aussi juste que magnifique. Après avoir réalisé tant de merveilles à l'Opéra-Comique, M. Albert Carré s'est surpassé en ce premier ouvrage important qu'il montait à la ComédieFrançaise. Ce fut, dans les superbes décors d'Amable, de Jusseaume et de Bailly, un spectable admirable. Et l'on pouvait croire que Macbeth était ainsi glorieusement installé pour longtemps au répertoire de la maison de Molière.
—3i MAI. — Après avoir interprété Don Salluste de Ruy Blas, M. Claude Garry se faisait applaudir dans le rôle de Don César de Bazan, dont il faisait une très pittoresque figure. Puis il quittait de nouveau la maison, appelé par le Boulevard et pensant que son avenir n'était pas à la ComédieFrançaise. Mlle Jeanne Remy jouait, ce même soir, le rôle de la Reine, en même temps qu'elle avait repris, en matinée, dans la Marche nuptiale, le rôle de Mlle d'Andely, précédemment tenu par Mlle Laurence Duluc.
6 JUIN. — On fêtait devant une salle comble le 308e anniversaire de la naissance de Pierre Corneille, en donnant la comédie du Menteur et la tragédie de Cinna. Une jolie pièce de vers, La Voix de Corneille, de M. Maurice Levaillant,
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trouvait en M. R. Alexandre un beau et élégant diseur.
8 JUIN. — Le Comité, réuni sous la présidence de M. Albert Carré, recevait une pièce en quatre actes de M. Henry Bataille, lue par M. de Féraudy1.
13 JUIN. — Pour la continuation de ses débuts, M. Ch. Fontaine joue, dans les Tenailles, de M. Paul Hervieu, le rôle de Robert Fargan.
IO JUIN. -.Brillante lauréate du Conservatoire, Mlle Léo Malraison avait heureusement débuté, en comédie, dans le rôle de Camille d'On ne badine pas avec l'amour, et, en tragédie, dans celui de la comtesse Régina des Burgraves. Ce soir elle apparaissait dans Hernani, où sa remarquable interprétation de Dona Sol répondait à ce que nous attendions de son jeune et sympathique talent ; elle y faisait preuve d'une véritable intelligence et rendait tout le rôle avec une rare émotion, de manière à contenter les plus difficiles : fière Castillane en face de don Carlos ; douce et tendre héroïne d'amour dans les bras d'Hernani. Pauvre petite actrice dont l'avenir était si prometteur et dont fut si cruellement brisée la carrière théâtrale ! Quelques semaines après cette épreuve tout à son honneur, où la salle lui avait témoigné sa satisfaction par les plus chaleureux applaudissements, nous avions, hélas ! la douleur de la voir sur son lit de mort, prête à être ensevelie, selon son désir, dans sa robe de mariée de Dona Sol.
1. — A la cérémonie des obsèques de Sir Laurence Irving, victime de la catastrophe de l'b'mpress of-Irlande, M. Jules Truffier, délégué à Londres pour représenter la Comédie-Française, prononçait une très touchante allocution, écoutée au milieu de la plus profonde émution.
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•iC JUIN. — Premières représentations de la Révolte, drame en un acte, en prose, de Villiers de l'Isle-Adam1, et de la Nouvelle Idole, pièce en trois actes de Ml François de Curel2. —- « C'est « toi — disait, l'autre soir, à Antoine, dans la « représentation donnée à l'Opéra, au bénéfice de « l'ex-directeur de l'Odéon, M. Edmond Rostand — - « c'est toi qui le premier — ton œil clair en flambe « d'orgueil — as découvert, une nuit que tu lisais c dans ton phare de Bretagne, le génie de ce « chasseur d'aigles dont nous saluons tous la gloire, « François de. Curel. » Et comme la ComédieFrançaise avait, il y a quelques années, emprunté les Fossiles au Théâtre Antoine, elle vient de lui prendre la Nouvelle Idole. La Nouvelle Idole est une pièce d'un ordre très élevé; c'est peut-être l'œuvre la plus noble qu'il nous ait été donné d'applaudir depuis quarante ans. Avec le souci littéraire, la netteté de la forme et l'éclat de la pensée, elle rappelle par le résultat final les magistrales tentatives d'Alexandre Dumas fils. La Femme de Claude, elle-même, est dépassée, car elle ne comporte pas cette somme d'émotion simple et poignante qui, chez l'auteur de la Nouvelle Idole, se dégage du développement d'un superbe idéal.
Le cas est* tragique, j'entends, par là, égal aux beaux sujets des tragédies antiques. M. de Curel a
1. DISTRIBUTION. — Elisabeth, Segond- Weber. —Félix, M. Henry Mayer.
2. DISTRIBUTION. - Louise Donnât, Mme Bartet. — Jeanne Lejeune, NI-- Lara. — Antoinette Milat, Mlle. Berthe Bovy. - Eugenie, Mlle Lherbay. — Albert Donnât, M. de Féraudy. — Denis, M. Croué. — Maurice Cormier, M. Alexandre.
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évoqué la Science moderne, avec ce qu'elle contient d'exactitude, de cruel inconnu, de curiosité inassouvie. La « Nouvelle Idole », c'est elle, la Science hautaine, s'arrêtant au seuil du Néant qu'elle ne peuple d'aucun espoir, visant pourtant à l'universelle charité, et par la noblesse de son but, suffisant à consoler ses servants et ses prêtres. Le docleur Albert Donnât a besoin d'un sujet pour expéri menter une découverte qui, une fois confirmée, sauvera des millions d'êtres, non seulement de la mort, mais de la torture et de la décomposition vivante. Il a remarqué dans son service d'hôpital une jeune fille orpheline, recueillie par un couvent, et qui se meurt de la tuberculose. Le médecin la juge perdue à bref délai, et il n'hésite pas à lui inoculer le virus qui doit développer le mal terrible et ainsi aider à ses observations. Six mois plus tard, il revoit la malade, l'ausculte — et constate avec effroi qu'elle est guérie. guérie de la tuberculose — mais le cancer dont il lui a mis le germe dans le sang est inguérissable. Et le voilà secoué d'un effroyable remords. Avait-il le droit de disposer ainsi d'une créature humaine? Il croyait opérer sur un pseudo-cadavre, et ce cadavre ressuscite par une sorte de miracle (la jeune orpheline, en plus de son traitement médical., a bu, chaque matin, elle le confesse, un peu d'eau de Lourdes), ce cadavre, dis-je, se dresse devant lui et semble lui crier: «Assassin!» Dans une scène violente avec sa femme qui n'éprouve aucun amour pour lui (elle est presque attirée par un élève de son mari, le savant Maurice Cormier), Albert
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Donnat cite l'exemple du général, qui, lui, a le droit d'envoyer des régiments à la mort, pour sauver la patrie. Mais non ! L'existence d'un seul ne peut être sacrifiée au salut de tous-même pour le triomphe d'une vérité ! — Le second acte qui se passe chez Maurice Cormier se divise en deux scènes capitales dont la seoonde est de tout premier ordre. Louise Donnât vient chez celui qu'elle est sur le point d'aimer, non pour se donner mais pour faire taire ses scrupules. Révoltée des moyens employés par son mari, qu'elle considère comme un criminel, elle veut savoir si elle doit continuer à lier son existence à la sienne. Maurice Cormier plaide pour la Science contre la sentimentalité, constate les progrès incessants de la Nouvelle Idole qui — telles les divinités indoues — réclame des martyrs. Il explique un instrument qu'il vient d'inventer, enregistreur des frissons du cerveau, sorte de phonographe de l'âme, et conclut que, peu à peu, on apprendra ce qu'est cette àme, si enfin elle existe. « Dans combien de tem ps ?» demande Mme Donnât. — « Dans quatre ou cinq cents ans.» — « Dans quatre ou cinq cents ans ! Et c'est maintenant que je souffre ! » On annonce la visite de Donnât. Sa femme veut entendre ce qu'il pense au tréfonds de lui-même. Elle se cache. Et nous voyons Donnat en proie au doute. Les scrupules qui lui sont venus, et dont il se croyait matériellement incapable, l'ont conduit à constater autre chose en nous que la chair qui meurt. — « Vous êtes, lui dit Cormier, sur la pente d'une crise religieuse ». Pour un peu, il lui signerait une ordon-
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nance. Mais les remords de Donnât se sont révélés à lui comme étant d'une essence supérieure, quelque chose qu'on pourrait qualifier d' « indisséquable ».
Il révèle à Cormier qu'il vient de faire une autre victime ; il a commis un nouveau meurtre : un homme de quarante-trois ans, sain de corps et d'esprit, à qui il a inoculé son virus. L'élève ne comprend pas que son maître, ne pouvant plus supporter le poids de sa faute involontaire, vient ainsi de se suicider. Et quand, son mari étant parti, Louise sort de sa eachette, épouvantée, elle s'écrie: — « Vous n'avez pas compris qu'il parlait de lui. Vous avez voulu arrêter son élan vers l'idéal. Vous lui avez refusé toute pitié. Adieu ! » Le troisième acte est très beau — d'une beauté quasi surhumaine. Louise, qui a touché du doigt la noblesse d'âme de son mari (car, malgré tout, la présence de l'âme est devenue indiscutable), s'est mise à l'adorer. Elle s'offre à lui comme sa servante ; il refuse, ne la eroyant pas sincère. Mais, quand, emportée par sa passion pour ce héros tragique, elle s'offre, elle aussi, à ses « observations médicales », il la prend dans ses bras et la serre éperdument contre son eorps de moribond. Or, voici venir la sainte orpheline. Dans une scène d'une émotion puissante, elle apprend au médecin qu'elle n'a jamais rien ignoré de ce qui s'était passé. Elle l'a entendu dire: « Cette enfant est perdue: dans huit jours elle connaîtra les splendeurs de son paradis ». Puis elle l'a vu revenir seul; elle l'a vu lui faire une piqûre peutêtre mortelle. Elle ne regrette rien, elle ne lui en veut pas, sachant qu'il a agi pour le bien de tous
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les hommes. Elle voulait être religieuse ; elle se serait dévouée en détail ; elle a accepté un dévoue- ment en bloc. Elle s'est dit: « Jésus-Christ est mort crucifié ; je considère comme un honneur d'être un peu traitée comme lui ! » Alors, Albert Donnât, le savant pratique et sceptique, sent son cœur se fondre, s'emplir d'une miséricorde infinie, se meubler d'une espérance douce. Ce n'est pas qu'il renie son passé, mais il croit qu'il est une limite aux tentations humaines. Les efforts du savant sont vaincus par l'amour et par le dévouement. Cette œuvre-forte aura-t-elle le durable succès qu'elle mérite? A vrai dire, elle risque de n'être accessible qu'à un petit groupe, je dirais « d'intel- lectuels » si ce mot n'avait pas été depuis longtemps détourné de son sens. Imprimé tout d'abord dans la Revue de Paris où, craignant de spéculer sfIr une trop brûlante actualité, les directeurs avaient longtem ps hésité à l'accueillir, la Nouvelle Idole séduira à la représentation, mieux encore à la lecture, par ses mâles qualités d'écriture et de philosophie. Elle reste le plus grand honneur de M. François de Curel. Dans la Nouvelle Idole, il n'y a qu'un bon rôle, celui d'Albert Donnât. Nous comprenons que M. de Féraudy s'en soit passionnément épris. Il a fait mieux que le jouer, il l'a « vécu » ; il l'a pourvu d'humanité. Par lui, nous avons participé aux troubles d'une raison et aux angoisses d'un cœur. le rôle de Louise Donnât avait été créé par Mlle Suzanne Devoyod qui y fit justement apprécier de belles qualités dramatiques.
Mme Bartet lui prête aujourd'hui son élégante
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autorité, son jeu et son verbe toujours justes, son émotion vraie. Mme Lara joue avec tact le rôle de la belle-sœur d'Albert qui n'a qu'une scène, au premier acte. Ce n'est vraiment pas la faute de M. Alexandre s'il n'a pu rendre intéressant le personnage, quelque peu équivoque, de Maurice Cormier. Mais de grands éloges sont à décerner à Mlle Bovy, qui, dans le rôle de la jeune orpheline sacrifiée à la science, s'est montrée à la fois touchante, pitoyable, convaincue, et si douce, et comme Marie, qu'elle adore à genoux, pleine de grâces.
C'est une délicieuse actrice de composition que Mlle Bovy.»— En même temps qu'elle nous faisait applaudir la Nouvelle Idole, la Comédie-Française reprenait la Révolte, de Villiers de l'Isle-Adam, un drame en un acte et à deux personnages, joué en 1870, au Vaudeville, par Mlle Fargueil et Delannoy, puis en 1896, à l'Odéon, pendant la courte direction Antoine et Ginisty, par Mme Segond-Weber et Gémier, et enfin au Théâtre Antoine, en 1899, par le même Gémier et Mlle Mellot. La Révolte est, à vrai dire, beaucoup moins une pièce de théâtre qu'un manifeste littéraire. Exaltée, lors de son apparition, par une moitié de la critique, et violemment attaquée par l'autre — nous nous souvenons d'un feuilleton de Francisque Sarçey, de bon sens étincelant — elle était accompagnée d'une préface fort dédaigneuse pour les tenants des vieilles conventions : « Toute pensée impartiale, disait l'auteur, jetée pantelante, devant la foule, est une source de colère, si elle ne sort pas du moule breveté. Le dédain des moyens communs,
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des gesticulations et des parades, est considéré par les critiques en vogue comme la plus haute preuve d'inhabileté scénique ». Mais il s'empressait d'ajouter que cela ne durerait pas : « Aujourd'hui, le théâtre aux règles posées par des hommes amusants (et qui nous encombre de sa morale d'arrièreboutique, de ses « ficelles » et de la « charpente », pour me servir des expressions de ses maîtres), tombe de lui-même dans ses propres ruines, et nous n'aurons malheureusement pas de grands efforts à déployer pour achever son paisible écrou- lement dans l'ignominie et l'oubli. La Révolte (si restreintes que soient les proportions de ce drame) est la première tentative, le premier essai risqué sur la scène française pour briser ces soidisant règles déshonorantes ». La part faite au dépit de l'auteur contesté et à la grandiloquence du réformateur méconnu, l'avenir devait donner raison à Villiers de l' Isle-d'Adam. Encore vingtcinq ans et la superstition de la « pièce bien faite » allait céder devant la poursuite de la simple vérité.
Comme thèse sociale, la Révolte plaide la cause de la femme incomprise, de la créature aux sentiments généreux et délicats, opprimée par le despotisme et l'égoïsme d'un mari incapable de rêve et dépourvu d'idéal. Cette inspiration féministe, comme on dit aujourd'hui, avait valu à la pièce le patronage de Dumas fils. En ceci encore, Villiers de l'Isle-Adam devançait l'avenir. Si Maison de Poupée est une œuvre plus considérable que la Révolte, la Norah d'Ibsen semble beaucoup moins neuve et hardie que l'Elisabeth de Villiers de l'Isle-Adam.
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Mais si le théâtre contemporain a secoué le joug des fausses règles, s'il n'est plus ligoté par les « ficelles.» et enfermé dans la « charpente », s'il accorde de moins en moins à l'intrigue pure, s'il a imposé à la critique et au public son droit de discuter sur la scène, par ses moyens propres, tout ce qui fait la vie intellectuelle et morale, politique et sociale d'un temps, il ne peut s'affranchir des nécessités primordiales qui sont la vraisemblance et l'intérêt. Or, dans la Révolte, avouons-le, la vraisem blance est inégale et l'intérêt languissant.
L'exhumation de la Révolte a, du moins, servi à nous montrer Mme Weber dans un rôle qui, tout en étant de grande allure tragique, est contemporain.
Elle y a été superbe de fièvre, d'énergie, de souffrance : une admirable artiste, en vérité ! M. Henry Mayer a rendu avec beaucoup de naturel le personnage du mari.
3 JUILLET. — M. Henry Mayer reprend, dans Georgette Lemeunier, le rôle que M. Claude Garry avait abandonné en quittant la Comédie-Française.
L'excellent artiste y remporte un succès aussi vif que mérité1.
1. - Une délégation du personnel de la Comédie-Française, composée de MM. Mounet-Sully, doyen ; Maurice de Féraudy et Jules Truilier, au nom des sociétaires ; M. Joliet, au nom des pensionnaires ; MM. Coue't et Duberry, représentant l'administration, rendirent visite à Mw. Jules Claretie, qui, pour la circonstance, avait auprès delle son til. et Mm. Georges Claretie et ses petits-enfants. Ils lui remirent la plaquette commémorative du statuaire Henri Vernhes, accompagnée d'un vélin signé de tout le personnel de la Maison de Molière, depuis le doyen jusqu'aux machinistes et ouvreuses, des plus grands jusqu'aux plus, petits. L'émotion fut grande pour Mme Claretie et ses enfants, que cette cérémonie familiale touchait au plus profond du cœur. On ne se sépara qu'après avoir évoqué encore une fois le nom et les qualités de l'admi-
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5 JUILLET. — Dans le Médecin malgré lui.
M. André Brunot, éblouisssant interprète de Molière, succédait à M. Jules Truffier dans le rôle de Sganarelle que M. Croué, et, plus récemment, M. de Féraudy jouaient à leur tour. M. Reynal paraissait également pour la première fois dans le rôle de Géronte que s'étaient partagé, l'année précédente, MM. Siblot et Lafon. Mlle Marie Leconte était, dans le Barbier de Séville, la plus pure Rosine qu'on pût rêver.
1:2 JUILLET. — Premières représentations de l'Essayeuse, comédie en un acte, en prose, de M. Pierre Véber1, et du Prince Charmant, comédie en trois actes, en prose, de M. Tristan Bernard 2. — La Comédie-Française qui venait de nous convier à une soirée plutôt austère, celle de la Révolte et de la Nouvelle Idole, avait voulu nous envoyer en vacances sur un spectacle souriant,
nistrateur dont la mémoire est inséparable de l'histoire de la ComédieFraih.viise.
MM. Mounet-Sully et Albert Lambert fils, .Mlle. Madeleine Roch et Dussane représentaient la Comédie-Française aux fêtes de Victor Hugo données à Guernesey en l'honneur de l'inauguration delà statue du poéteMounet-Sully disait Oceano Nox ; M. Albert Lambert tils, Domue Ait", eL Mlle Roch, Stella. Au banquet officiel, Mil. Madeleine Roch récitait La Nature ; Mounet-Sully, Booz endormi, et M. Albert Lambert, Apres la bataille. Mlle Dussane chantait des airs de Charles Lecaci sur des poèmes tirés des Chansons des Rues et des Bois. M. Aibert Carré et Mm. Marguerite Carre assistaient également à la cérémonie.
1. DISTRIBUTION. — Lise, Mll- Maille. - Germaine, Mlle Gabrielle Robinne. — René, M. Dessonnes.
2. DISTRIBUTION. — Anna Colvelle, Mlle Leconte. — MIRe Colvelle, Mme Thérèse Kolb.- La nourrice, Mlle Dussane.- Amélie, MU., Lherbay.
— Mm. Hubert, MU. Jeanne Even. — Clara, Mlle A. de Chauveron. -
M. Colvelle, M. Siblot. — Gaston Houglard, M. André Brunot. — L'oncle Arthur, M. Léon Bernard. - M. Alcidier, M. Charles Granval. — Martin, M. Lafon. —Louis Dupreux, M. Gerbaltlt. — Loucle, M Denis d'Inès.
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improvisé à la dernière heure en trois semaines : eh ! allez donc ! — « Ne partez pas, nous avait-on dit, avant d'avoir entendu la jolie pièce de Tristan Bernard. » Nous sommes donc resté à notre poste en dépit de la chaleur, et bien nous en a pris, puisque nous avons goûté au Prince Charmant un plaisir très savoureux. Quel talent ne faut-il pas à son auteur pour savoir nous intéresser pendant trois actes à des gens ordinaires auxquels il n'arrive rien que de très banal. Jamais la médiocrité ne fut peinte avec plus d'art et de fine observation. Ce « Prince Charmant » est un gentil garçon, nommé Gaston Houglard, à qui M. Colvelle, enrichi dans le commerce des chapeaux, marie sa fille Anna.
Gaston est un illusionniste, qui veut faire une fortune rapide. Il voit grand, toujours grand, et ne parle que par millions ; il est toujours sur le point de conclure une grande affaire, qui n'est jamais la même d'une semaine à l'autre; il dépense beaucoup d'argent pour pouvoir se maintenir dans le milieu brillant où il évolue. Il emprunte à tout le monde, même à l'oncle Arthur, méfiant cependant, et aussi , ce qui est plus grave, au mari de Mme Alcidier qui a été sa maîtresse. Et Anna, la jeune femme de Gaston, s'indigne avec raison quand elle connaît ce dernier et indélicat détail ; elle retourne chez ses parents qui l'emmènent à la campagne. Elle s'y ennuie, Dieu sait comme. Elle regrette Gaston, parce qu'il était charmant, en dépit de tous ses défauts. Alors l'oncle Arthur, le bon oncle Arthur, comprend se qui se passe en elle. Un jour que Gaston est venu rôder dans le voisinage, il l'envoie
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chercher, tout simplement, et les époux se réconcilient. Gaston continuera à dépenser de l'argent - l'argent des autres puisqu'il n'en a plus — et à rêver de grandes affaires qui ne se feront jamais ; mais il est si charmant ! » Vous connaissez le type : c'est à des milliers d'exemplaires qu'il est tiré dans Paris; M. Tristan Bernard l'a fidèlement croqué.
Et quelle délicieuse silhouette que celle de l'oncle Arthur — oh ! la scène où Gaston le « tape » si gentiment ! - Ajoutons que cet oncle Arthur nous a fait songer au Verdelet du Gendre de M. Poirier, et voilà un souvenir qui ne saurait, je pense, être désagréable à l'auteur du Prince Charmant.
M. Bernard y fut prodigieux de naturel et de vérité.
Et quelle composition, faite de charme, de délicatesse et de tendresse, que celle de Mlle Marie Leconte ! Avec quelle maëstria M. Siblot et Mme Kolb personnifièrent les bons bourgeois du quartier Popincourt que sont M. et Mme Colvelle. Louons aussi la joyeuse nourrice que représentait Mlle Dusane, et surtout, oh! surtout! la spirituelle fantaisie que mit au rôle d'Alcidier, le mari trompé, M. Granval, tout plein de talent, vous savez: il l'a prouvé dans maintes créations pittoresques. Quant à M. Denis d'Inès, qui « débutait » officieusement dans un rôle épisodique — une seule scène au dernier acte — oserons-nous dire que nous l'avons très mal entendu? Qu'il soigne sa diction ! Elle fut, cette première fois, épouvantablement défectueuse, et voilà un début à recommencer. Le spectacle s'était ouvert par un acte de M. Veber, l'Es- sayeuse, qui ne laissait pas de rappeler Un caprice
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d'Alfred de Musset, et qui ne nous semblait, le moins du monde, indigne de son illustre modèle.
Une jeune femme, amoureuse de son mari et un peu jalouse, charge une de ses bonnes amies de l'éprouver. En vingt minutes de tête à tète, ladite amie devra soumettre le mari à une tentation suffisante pour que sa fidélité conjugale soit bien démontrée, s'il résiste. Et vous devinez que, non seulement, il ne résiste pas, mais que la tentatrice se prend elle-même à son propre piège. Cependant la jeune et naïve épouse, rassurée par les mensonges des deux complices, en témoigne une si grande joie qu'ils ont pitié d'elle et renoncent à leur rendezvous. Ce « proverbe » — ainsi s'appelait autrefois ce genre de pièces — était spirituellement écrit.
Il était interprété à souhait par Mlle, Maille et Robinne et par M. Dessonnes.
14 JUILLET. — A l'occasion de la Fête nationale, on donnait en matinée la Fille de Roland où MM. Alexandre, Ch. Fontaine et Mlle Yvonne Ducos tenaient pour la première fois les rôles de Gérald, de Noethold et de Théobald. La Marseillaise était dite par Mounet-Sully, Mme Louise Silvain et Mlle Berthe Bovy.
23 JUILLET. — Dans les Femmes savantes, Mme Louise Silvain joue pour la première fois le v rôle de Philaminte, Mlle Colonna Romano celui d'Armande.
25 JUILLET. — Mlle Robinne aborde le rôle de Dona Clorinde, de l'A venturière ; Mme Yvonne Ducos joue celui de Célie.
26 JUILLET. — Dans le Barbier de Séville, que
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la Comédie donnait en matinée gratuite, M. Paul Numa jouait pour la première fois le rôle du comte Almaviva, M. Reynal celui de Bartholo, et M. Denis d'Inès celui de Bazile. La célèbre comédie de Beaumarchais était précédée du Luthier de Crémone où Mlle Yvonne Ducos prenait possession du.
rôle de Giannina.
2 ÀOUT. — C'est la Mobilisation. La Comédie renonçait à donner la matinée qu'elle avait annoncée.
Le soir, un spectacle composé de la Nuit de Décembre, du Voyage de M. Perrichon et de l'Anglais tel qu'on le parle produisait une recette de 454 francs.
3 AOUT. — On renonce à donner le spectacle promis par l'affiche : Horace et les Folies amou- reuses, et on fait relâche1.
Et c'est la terrible guerre!. La Comédie reste fermée pendant quatre longs mois. A la fin de novembre, une ordonnance du préfet de police,
i. - M. Albert Carré, lieutenant-colonel, retenu à sa garnison de Besançon, avait pu transmettre à M. Duberry ses dernières instructions.
MM. Mounet-Sully, doyen, Silvain et Maurice de Féraudy étaient reçus par le ministre des beaux-arts à qui ils exposaient la situation. Une douzaine de sociétaires ou pensionnaires étaient en effet ou allaient être appelés sous les drapeaux. Dans ces conditions l'entretien, d'un répertoire,.
quel qu'il fût, devenait difficile. La Compagnie n'était exposée qu'à des pertes et il fut convenu que les représentations devaient être suspendues jusqu'à nouvel ordre. Cependant les artistes non mobilisés étaient.
tenus de se tenir constamment à la disposition de l'administration pour le cas où il eût été possible de réorganiser des spectacles. C'est pour obéir à des sentiments que le public parisien était unanime à apprécier qu'après avoir pris l'avis du sous-secrétaire d'Etat des beaux-arts, le Comité investi des pouvoirs administratifs en l'absence de M. Carré, décidait d'interrompre les représentations de la Comédie-Française. Des dispositions étaient prises pour assurer aux artistes et au personnel du théâtre leurs appointements sans réduction pour un mininium d.
cinq mois.
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approuvée par le gouverneur militaire de Paris, autorise la réouverture des théâtres sous certaines conditions. En l'absence de l'administrateur général, que son service retient encore à Besançon, le Comité, qui n'a pas cessé de sièger chaque semaine, décide de donner une première matinée le dimanche 6 décembre. Au programme : Horace, de Corneille1, des poésies et récits par MM. Maurice de Féraudy, Georges Berr, Leitner, Raphaël Duflos ; Mmes Bartet, Pierson, Lara, Marie Leconte, Cécile Sorel, Piérat, Berthe Cerny, la Marseillaise avec M. Mounet-Sully, Mmes Louise Silvain et Berthe Bovy. Ce spectacle est applaudi d'enthousiasme par une salle comble; les interprètes sont fêtés par des acclamations soutenues et des rappels chaleureux. Le même programme est donné le jeudi 10 décembre; on se montre, dans la salle, de glorieux blessés.
Le Cid2, joint à des Récits et Poésies, fait les
1. — MM. Silvain (le vieil Horace), Albert Lambert fils (Curiace), Paul Mounet (Horace), Jacques Fenoux (Valère), Falconnier (Flavian), Ravet (Tulle), Mme* Renée du Minil (Julie), Segond-Weber (Camille) et Madeleine Roch (Sabine).
2. — Joué par MM. Silvain (Don Diégue), Paul Mounet (le Comte), Jacques Fenoux (le Roi), Albert Lambert (Rodrigue), Leitner (Don Sanche). M"s Segond-Weber (Chimène), Lherbay (Léonor), Jeanne Even (Dona Elvire), Yvonne Ducos (un Page), Jeanne Remy (l'Infante).
Récits et Poésies : M. George Grand ; Poésie (André Chénier) ; Mlle Berthe Bovy, A la Belgique (Paul Déroulède) ; Mlle Berthe Cerny, Enfants de la guerre (Henri Lavedan) ; M. Jacques Fenoux, A. Le Cœur de Hialmar (Leconte de Lisle), B. Après la bataille (Victor Hugo) ; Mll. Piérat, A. Sonnet (Henri de Régnier), B. Stances de L'Aiglon (Edmond Rostand) ; Mlle Cécile Sorel, Bonne Fille (Th. de Banville ; M. Dehelly, Les Trois Hussards (Gustave Nadaud); Mlle Marie Leconte, A. L'Espérance, B. Le Docteur (Th. de Banville) ; M,ne Lara, A. La Gloire du mot Patrie (Ghéon), B. La Sœur de Charité (Victor Hugo) ; M. Raphaël Duflos. Les Paysans de l'Argonne (André Theuriet) ; Mlle Renée
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frais de la matinée du dimanche 13 décembre.
Le 20 décembre, pour le 275e anniversaire de Racine, on donne Andromaque2 et le 3e acte des- Plaideurs3. Des poésies sont dites par MM. Mounet-Sully, Silvain, Leitner, Raphaël Duflos, Mmes Renée du Minil, Marie Leconte, Delvair, Louise Silvain, Yvonne Ducos.
Le 25 décembre, la représentation de la Fille de Roland remporte un très vif succès : le public y découvre et y applaudit des allusions que n'avait pas toutes prévues le poète. M. Albert Lambert fils a repris le rôle de Gérald ; M. Jacques Fenoux joue pour la première fois celui de Noéthold ; pour la première fois aussi paraît à la Comédie-Française, sous les traits d'Hardré, le jeune Polack, premier prix du Conservatoire. M. Mounet-Sully lit un beau poème de M. Auguste Dorchain, Noël au Camp. Puis, avec le doyen, avec Mmes Bartet et Delvair, avec M. Paul Mounet, Mmes Pierson et Leconte, c'est le Chant du départ, tel qu'il fut autrefois mis en scène en une matinée au Trocadéro.
Le 26 décembre, le spectacle se compose de Gringoire, où M. Le Roy joue pour la première fois Olivier le Daim, de La joie fait peur, où Mlle Jeanne Rémy reprend le rôle de Mathilde,
du Minil, A. Le Serment (Henri de Régnier), B. Sept Ans (Miguel Zamacoïs) ; M. Maurice de Féraudy, Le Sergent (Paul Déroulède); Mme Bartet, A. Le Gué de la biche (Borrelli), B. Hymne français (Paul Déroulède) ; M. Mounet-Sully, A. Hymne (Victor Hugo), B. La Chanson des épées (Henri de Bornier).
2. — MM. Albert Lambert fils, Paul Mounet, Jacques Fenoux, Garay, MUles Bartet, Segond-Weber, Madeleine Roch, Jeanne Even.
3. — Joué par MM. de Feraudy, Georges Berr, Dehelly, Siblot, Joliet.
Lafon, Mlle Yvonne Lifraud.
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après la regrettée Léo Malraison, et du Jeu de l'Amour et du Hasard, dont l'interprétation est parfaite avec Mmes Bartet et Leconte, MM. Siblot, Dehelly et Guilhène.
Le 3i décembre, on acclame patriotiquement i VAmi Fritz — où M. Denis d'Inès joue pour la I première fois le rôle de Frédéric — suivi d'une 1 scène alsacienne. Les Fiançailles de VAmi Frite j dont M. Truffier a eu l'ingénieuse idée, et à laquelle participe toute la Comédie, depuis l'illustre doyen jusqu'à la plus jeune pensionnaire. On y entend 1 Mmes Pierson, Leconte et Piérat, dans la Taverne des Trabans de M. Henri Maréchal ; Mlle Piérat ¡ chante la Toussaint de Lacôme qui fut un des der- j niers succès de Thérésa. Mme Bartet récite une 1 poésie de Ch. et Paul Leser, A il lihinJ avec accom- , pagnement de violoncelle; M. Georges Berr dit— j Mlle Renée du Minil tient le piano — les Refrains du dimanche de Weckerlin qui lui sont redemandés ] d'enthousiasme. j j
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DATE NOMBRE NOMBRE de la de l'o représ, représent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année 1
RÉPERTOIRE moderne
Gringoire, comédie | 1 ri 1 1 » 2 Le Gendre de M. Poirier, comédie 4 » i La Marche nuptiale, pièce i » 57 Le Voyage de M. Peïrichon, comédie. 3 » 7 L'A nglais tel qu'on le parle, comédie. 1 » 10 Le PaSSaiJt. comédie en vers ! 1 » i Les Affaires sont les Affaires, pièce 3 » i La Parisienne, comédie 1 3 » fi Il ne faut jurer de rien, comédie { 3 » /j Le Monde oÙ l'on s'ennuie, comédie 3 » HenJani, drame en vers 5 »
Il clait une bergère, conte en vers 1 » 3 (Edipe-Roi, drame en vers 5 » 3 Le Goiît du Vice, comédie. 4 » J'rimerose. comédie i 3 » f» i. tertre, tragédie 3 » 1 Vouloir, •■oinéilie 4 » l'en ise. comédie 1 » 1 l,'.t nt i Frit:, comédie. 3 » 10 Le Demi-Monde, comédie j 5 » 2 Ruy-Blas, drame en vers 1 5 » 10 '-ps [,oisirs de Racine, à-propos en vers.. » » 1 Porneille et Richelieu, comédie ; 1 » 1 L Aventurière, comédie en vers ; 4 » 3 IJollbouroche. pii'ce. 2 » 2 L'Amiral, comédie en vers 3 » 2 En Visite, comédie : 1 » 1 I.e Tièpvti de Rombignac, coiiiédie 3 » 1 Un Caprice, comédie 1 » 5 Marion de Lorme, drame en vers 1 5 » 6 ISO7, comédie 1 1 » 2 h (alllljuuue porte soit ouverte ou fer- 1 » 2 hice..
Poil de iJurvii-i, comédie 1 » 2 (;(){)",:Ite Le meunier, comédie ! 9 mars 32 Denise, pièce j -i » 1 La Fontaine de Jouvence, comédie mvthulofriqne en vers 2 » 1
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et • - --
DATE NOMBRE NOMBRE de la d. Ira représ. représent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
RÉPERTOIRE MODERNE (Suite) *L'Envolée, pièce 3 29 mars S *Deux Couverts, comédie 1 29 mars 7 Les ~tWt'~esdMCcBM~, comédie. 1 » 1 La Fleur merveilleuse, pièce en vers. 4 » - 3 L'Enigme, pièce. 2 4 mai 7 La Joie fait peur, comédie 1 » 3 L'Été de la Saint-Martin, comédie 1 » ^2 * Macbeth 5 a. 121. 30 mai 11 *La Voix de Corneille,, à-propos en vers. 6 juin 1 Les Marionnettes, comédie, 4 » 7 Les Tenailles, pièce 3 » 2 *La Nouvelle Idole, pièce 3 26 juin 7 *La Révolte, drame 1 26 juin 8 * Le Prince Charmant, comédie 3 12 juil. 13 *-L'Essayeuse, comédie 3 12 juil. 11 La Fille de Roland, drame en vers. 1 » 4 Le Pour et le Contre, comédie. 4 » 1 Le Baiser, cÓmédie en vers..,. 1 n 1 Le Luthier de Crémone, comédie en vers » 1 Les Fresnay, comédie 1 » 1 *Les Fiançailles de l'Ami Fritz, scène alsacienne. 1 31 déc. 1 RÉPERTOIRE CLASSIQUE Les Folies amoUreuses, comédie en vers. 3 » - 2 Le Mariage de Figaro, comédie 5 » 3 Le Médecin malgré lui, comédie 3 » 7 Le Dépit amoureux, comédie en vers. 2 » 2 Andromaque, tragéllie. 5 » 4 Le Jeu de l'Amour el du Hasard, coméd. 3 » 4 Le Mariage forcé, comédie 1 » 2 L'Ecole des Femmes, cemédie en vers. 5 » 2 Phèdre, tragédie. 5 » 1 Les Fausses Confidences, comédie 3 » 4 Amphitryon, comédie en vers 3 » 7 La Comtesse d'Êscarbagnas, comédie. 1 » 4 La Jalousie du Barbouillé, comédie. 1 15 janv. 2
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DATE NOMBRE NOMBRE de la de lire représ. représenl.
d'actes ou de la pendant j reprise l'année
RÉPERTOIRE CLASSIQUE (Suite) Horace, tragédie. 5 » Bérénice, tragédie 5 » 5 Polyeucte, tragédie 5 » 3 Le Légataire universel, comédie en vers, j 5 » 1 Monsieur de Pourceaugnac, comédie. 3 » 1 Le Malade imaginaire, comédie j 3 » 2 Les Précieuses ridicules, comédie j 1 » 3 Tartuffe, comédie en vers 5 » 3 Le Cid, tragédie. 5 » 2 Les Femmes savantes, comédie en vers.. 5 » 10 Le Menteur, comédie en vers | 5 » i L'Etourdi,eomédie. 5 » 3 Le Barbier de Séuille, comédie Í » 5 Cinna, tragédie j 5 » 2
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1915
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L'année 1915 commençait avec Horace, où M. Grand tenait pour la première fois le rôle du Roi, et le Barbier de Séville, joué par ses habituels interprètes. Le lendemain, on donnait le premier acte du Misanthrope, précédé d'un intermède de Récits et Poésies, la tragédie de Polyeucte, dont, avec MM. Mounet-Sully, Silvain, Albert Lambert et Mme Segond-Weber, la distribution était de tout- premier ordre.
La matinée du 3 janvier avait bien un caractère du plus pur patriotisme. Les Alsaciens de l'Ami Fritz avaient convié le public à une superbe représentation. La salle était comble et la tendre idylle d'Erckmann-Chatrian écoutée d'un bout à l'autre en un pieux recueillement. Les interprètes étaient rappelés à chaque baisser du rideau. Mlle Marie Leconte avait dit délicieusement, au second acte, la chanson alsacienne des Amoureux de Catherine, substituée à celle de la pièce. Puis dans les décors du dernier acte de l'Ami Fritz on célébrait les fiançailles de Fritz Kobus et de Suzel Christel.
Très jolie et très pittoresque mise en scène. Les personnages de l'Ami Fritz, des Rantzau, Marthe Rasine de La Taverne des Trabans, quelques autres. La présentation a lieu. C'est pour chacun une bonne occasion de dire des poésies et des chants d'Alsace, de les dire et de les chanter, comme chacun sait dire et quelques-uns aussi chanter. M. Silvain disait L'Alsace; M. Albert Lambert
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fils, Au revoir ; Mme Segond-Weber, Aux Femmes d'Alsace; M. Mounet-Sully et M. Paul Mounet apportaient les compliments des Rantzau, prêchant la concorde et l'amour; M. Maurice de Féraudy associait heureusement la Lorraine aux sentiments de sa sœur d'Alsace et la fête se terminait par le chœur alsacien des Amoureux de Catherine 1.
Le 293e anniversaire de la naissance de Molière était célébré en matinée le 14 janvier pour la plus grande gloire du maître, et pour le plus grand honneur de la Maison. Tous les sociétaires avaient eu à cœur d'avoir leur place au programme et les plus petits rôles de Tartuffe étaient tenus par nos meilleurs acteurs. L'âme française planait sur toute la salle qui acclamait les interprètes de Molière, dans Tartuffe, dans La Comtesse d'Escarbagnas et dans les intermèdes. M. Silvain disait triomphalement une poésie de Théodore de Banville A la Gloire de Molière qui était l'occasion du couronnement traditionnel du buste, et un joli divertissement réglé par Mme Mariquita était très gracieusement dansé par Mmes Lara, Leconte, Sorel et Cerny.
17 JANVIER. — Matinée des Gloires françaises, organisée par l'Œuvre « Pour le front ». La salle nous offre un aspect touchant. Elle est garnie, aux deux tiers, de militaires, officiers et soldats, beaucoup blessés ou convalescents, qui dans leurs
1. - Ayant accompli dans l'Est la mission qui lui avait été confiée, M. Albert Carré, sur la demande du ministre des beaux-arts, venait d'être rappelé à Paris, afin d'y pouvoir remplir, conjointement avec ses devoirs militaires, ses fonctions d'administrateur général de la ComédieFrançaise
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uniformes variés, présentent, en réduction, toute l'armée française. C'est l'Art français qui triomphait, et magnifiquement, par la pensée de nos écrivains, de nos poètes, de nos musiciens et aussi par le talent de nos comédiens et de nos chanteurs.
Les hymnes des alliés sont le prélude de cette fête de l'armée pour l'armée. M. Albert Lambert fils, Mlle Madeleine Roch, Mlle Marthe Chenal, M. Delmas ouvrent le feu des poésies. Mme S. Weber fait vibrer toute la salle avec la Marseillaise, qu'elle déclame dans toute l'énergie de son talent tragique.
Le quatrième acte de Marion Delorme nous donne l'occasion d'applaudir Mme Bartet, les deux Mounet et Georges Berr. Dans le Médecin malgré lui, M. Maurice de Féraudy, dans l'habit jaune et vert de Sganarelle, en compagnie de ses excellents camarades, divertit toute la salle. Le rire se communique de nos troupes indigènes à nos troupes coloniales. Tout le monde est joyeux. On avait distribué à tous, à l'entrée, des bouquets de violettes. Ils les jettent sur la scène aux interprètes qui se montrent charmés de cette mitraille fleurie.
Et elle se produisait encore pendant les Fiançailles de l'Ami Fritz, cet ingénieux tableau alsacien, ingénieusement dressé par MM. Jules Truffier et Henri Maréchal.
7 FÉVRIER. — Mlle Bretty (1er prix de comédie au Conservatoire) débutait dans Marinette du Dépit Amoureux, qu'elle jouait avec beaucoup d'entrain et de gaieté. Tous les chefs d'emploi entouraient la débutante: MM. de Féraudy, Georges
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Berr, Dehelly, George Grand et Mme Piérat; ils furent chaleureusement applaudis.
9 FÉVRIER. — Les Matinées Nationales avaient organisé à Londres une représentation de gala — l'Entente-Matinées — qui, consacrée à la Fraternelle des artistes, donnait une manifestation d'éclatante amitié. M. Asquith, M. Lloyd Georges et l'ambassadeur de France, en avaient accepté le patronage. Sir Hubert Tree avait mis son admirable His Majesty's theater à la disposition de nos artistes et il réunissait pour leur donner la réplique ses plus célèbres camarades des théâtres de Londres. Après qu'une très spirituelle causerie de M. Maurice Donnay ellt été chaleureusement applaudie, Mmiî Lara, qui remplaçait Mme SegondWeber, malade, et M. Albert Lambert récitèrent magnifiquement le Rhin allemand et la Nuit d'Oc- tobre. M. de Féraudy eut plus de succès encore qu'à la Comédie-Française dans Un Brancardier, dont les paroles étaient de son fils Jacques. Et la Comédie-Française joua le deuxième acte du Dépit Amoureux avec la plus exquise finesse et le mouvement le meilleur. Mlle Marie Leconte, déjà applaudie pour avoir récité avec un art parfait et une émotion communicative La lettre d'une jeune Française aux soldats anglais, spécialement écrite par M. Pierre Wolff, fut la plus délicieuse Marinette. Mlle Lifraud faisait Lucile, M. Dehelly Eraste et enfin M. de Féraudy Gros René. Sir Herbert Tree avait donné un déjeuner à l'issue duquel une collecte était faite au profit des artistes victimes de la crise.
Des toasts très cordiaux avaient été portés. M. Al-
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bert Carré, administrateur de la Comédie-Française, avait répondu au nom des artistes français, et remercié les artistes anglais d'avoir organisé une matinée de bienfaisance sous le patronage des.
gouvernements et ambassades des puissances alliées.
13 FÉVRIER. — Le théâtre rouvre ses portes le soir, réalisant, malgré de réelles difficultés pour les spectateurs de rentrer chez eux, une honorable recette de 4.000 francs. On donne le Monde où l'on s'ennuie, où M. Grand et Mlle Suzanne Devoyod jouent pour la première fois les rôles de Roger et de la Comtesse de Céran. Au second acte s'ajoutait un intermède, Une soirée chez la duchesse de Réville, où l'on vit Mmes Bartet, Cerny, Piérat, venir réciter des poésies ou chanter des chansons, et M. de Féraudy paraître dans une sorte de savoureuse saynète qui semblait improvisée de verve et de malice Mlle Devoyod lui donnait la réplique avec un naturel et un mouvement des plus heureux.
i/i FÉVRIER. — On donnait, en matinée, Patrie, le beau et vibrant drame de Victorien Sardou, dont les événements sont en complète concordance avec ceux du temps présent. Ne s'agit-il pas, en effet, de l'occupation étrangère des Flandres au seizième siècle. L'action se déroule à Bruxelles d'un bout à l'autre des six tableaux, et les atrocités qu'elle dramatise sont d'une émouvante et attristante actualité. La salle était comble (tout près de 9.600 francs de recette) et les spectateurs prenaient un vif intérêt au drame lui-même, en même temps qu'ils partageaient les sentiments de révolte et de
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vengeance contre l'oppresseur dont il est animé.
Le drame de Sardou a été superbement joué. Il a retrouvé sa magnifique mise en scène de la reprise de 1901 et ses principaux interprètes de cette époque. MM. Silvain, de Féraudy, Albert Lambert fils, Paul Mounet, Leitner, Raphaël Duflos, Louis Delaunay, Jacques Fenoux, Joliet. Le Roy, Denis d'Inès, Mmes Marie Leconte, Delvair, Louise Silvain, Jeanne Faber ont été chaleureusement applaudis au cours de la représentation, rappelés et acclamés d'enthousiasme après chaque acte.
18 FÉVRIER. - La Comédie avait préparé, pour dix matinées du jeudi, une série de spectacles qui devaient être la glorification des lettres françaises et l'apothéose des grands classiques français. Le premier programme de ces matinées avait été, comme un hommage rendu à l'Alsace, réservé à l'Ami Fritz et à ses symboliques Fiançailles avec poésies et chants d'Alsace-Lorraine, dits par les principaux artistes de la maison. Aujourd'hui on donne la première matinée classique des cycles annoncés, Chevalerie, chanson de gestes mise en action par M. Joseph Bédier 1, dont les nobles sentiments ont dans la salle une répercussion heureuse.
Des applaudissements partent de toute part à l'adresse de cette œuvre curieuse et de ses vaillants interprètes. Des poésies de François Villon, Clément Marot, de Saint-Gellais, Pierre de Ronsard,
1. DISTRIBUTION. — Guibour, Mme Louise Silvain. — Hunaut, M"e Bei'the Bovy. — Girard, Mil. Yvonne Lifraud. — Vivien, 1\1110 Yvonne Ducos. — Ayméri de Narbonne, M. Silvain. — Bovon de Commarcis, M. Leitner. — Guibert d'Andrenas, M. Jacques Fenoux. — Guillaume ,d'Orange, M. Georges Le Roy.
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Joachim du Bellay, Philippe Desportes, Malherbe, Théophile de Viau, par MM. Albert Lambert fils, Georges Berr, Leitner, George Grand, Mmes Bartet, Lara, Leconte, Madeleine Roch, Jeanne Rémy.
Le Dialogue des Amoureux de Clément Marot était un triomphe pour Mmes Leconte, Bovy et Lifraud.
Enfin, la Vraie Farce de Maître Pathelin, si habilement adaptée par Edouard Fournier1, reprenait sa place au répertoire, et, réjouissant toute la salle, valait un mérité succès à MM. de Féraudy, Siblot, Denis d'Inès, à Mme Thérèse Kolb, dignes héritiers de Got, Barré, Coquelin cadet, de Mme Jonassain, les admirables interprètes de 1873.
27 FEVRIER. — Le II 3e anniversaire de la naissance de Victor Hugo était glorieusement fêté en matinée par une belle représentation de nUfJ Blas, suivi du couronnement traditionnel.
4 MARS. — Le programme de la matinée classique offrait un intéressant tableau anecdotique et littéraire. L'Hôtel de Rambouillet est une reconstitution du cénacle de la rue Saint-Thomas du Louvre vers la fin du règne littéraire de la divine Arthénice. On y voit le sympathique poète Gombault, un marquis ridicule, le comédien Mondory, la marquise de Rambouillet, deux de ses filles, Mme de Sablé, la lionne superbe Angélique Paulet.
Devant tous ces hauts personnages, des comédiens viennent interpréter des fragments de la Sylvanire de d'Urfé, du Saint-Genest de Rotrou et nombre
1. DISTRIBUTION. — Maître Pathelin, M. de Féraudy. — Guillaume, M. Siblot. — Le Juge, M. Lafon. — Aignelet, M. Denis d'Inès. — Dame Guillemette, Mme Thérèse Kolb. — La Farce, Mlle Dussane. - La Comé- die, M"« Simonne Damaury.
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de piquantes pages, et cette petite revue d'époque, dont les morceaux ont été reliés les uns aux autres avec beaucoup d'érudition et de dextérité par MM. Jules Truffier et Georges Berr, était fort goûtée par le délicat, et très averti public du jeudi.
Grand succès et chaleureux applaudissements pour Mmes Bartet, Pierson, Leconte, Cécile Sorel, Berthe Cerny, Berthe Bovy, Yvonne Lifraud, Yvonne Ducos., Colonna-Romano, MM. Georges Le Roy, Denis d'Inès, André Polack, Hiérominus et Fresnay. La représentation s'était ouverte par le joyeux 2e acte du Baron d'Albikrac, de Thomas Corneille, farce jouée à l'Hôtel de Bourgogne en 1668, par le célèbre Poisson ; cet acte fut interprété avec beaucoup de verve par MM. Siblot, Fresnay, Mmes Thérèse Kolb, Berthe Bovy et Jane Faber. Le spectacle se terminait par une brillante et magistrale interprétation de la tragédie de Pierre Corneille, Nicomède, avec MM. Silvain, Albert Lambert fils, Jacques Fenoux, Georges Le Roy, André Polack, Mmes S. Weber et Madeleine Roch.
14 MARS. — Le Comité de lecture reçoit une comédie en trois actes, en prose, Fabienne. C'est la première œuvre dramatique du peintre Léonce de Joncières, le fils du regretté compositeur, que l'Académie a déjà couronné comme poète.
20 MARS. — Reprise de Primerose. La jolie pièce de G.-A. de Caillavet et de M. Robert de Flers retrouve son succès de naguère. Une salle pleine applaudit l'œuvre et ses excellents interprètes, Mmes Pierson et Leconte, MM. de Féraudy, Grand et leurs camarades.
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28 MARS. — Entre Un Caprice et le Monde où l'on s'ennuie, on donne Fais ce que dois de François Coppée, créé à l'Odéon en 1871 par Dumaine, Milles Sarah et Jeanne Bernhardt. La pièce vaut un beau succès à Mounet-Sully, à qui Mmes Jeanne Rémy et Lifraud donnent dignement la réplique.
3 AVRIL. — Le théâtre est exceptionnellement ouvert le samedi saint, veille de Pâques. MounetSully joue avec une foi ardente le rôle de Polyeucte, un de ses meilleurs. Qui pouvait croire alors que nous n'y reverrions plus jamais l'admirable tragédien !
4 AVRIL. — La matinée du jour de Pâques fait salle comble avec Patrie, où M. Léon Bernard remplace au pied levé, dans le rôle du sonneur Jonas, M. Maurice de Féraudy, indisposé. De très beaux vers de M. Auguste Dorchain, Hymne aux Cloches de Pâques, d'une émouvante actualité, sont magnifiquement dits par Mounet-Sully.
6 AVRIL. — Le Comité s'est réuni pour écouter la lecture d'Andromaque et Pélée, traduction littérale d'Euripide, en cinq actes et en vers, de MM. Silvain et Jaubert. L'œuvre est reçue à l'unanimité.
22 AVRIL. — On reprend pour la première fois, en matinée du jeudi, le Mariage de Figaro, qui n'a pas été donné depuis la guerre1.
1. DISTRIBUTION. —Figaro, M. Georges Berr. — Le comte Almaviva, M. Jacques Fenoux. — Antonio, M. Croué. — Bridoison, M. Léon Bernard, — Un huissier, M. Falconnier. — Bartholo, M. Lafon. — Basile, M. André Polach.— Pédrille, M. Hiérominus.— Doublemain, M. Allioux.
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24 AVRIL. — Matinée au bénéfice des œuvres de guerre. Le programme, composé avec beaucoup de soin par M. Carré et ses érudits collaborateurs, MM. J. Truffier et G. Berr, comprenait les chants de guerre depuis l'antiquité jusqu'à nos jours ; il permettait au nombreux public qui avait répondu à l'appel de la Comédie d'applaudir tous les artistes de la Maison de Molière, M. Mounet-Sully et Mme Bartet, les deux doyens en tête. Mme Marguerite Carré se faisait acclamer en chantant un poème du regretté Charles Péguy, mis en musique par M. Henry Ferrier, ainsi qu'une vieille chanson alsacienne. Gros succès également pour M. Fontaine, de l'Opéra, dans Au gtorieux Roi des Belges ; pour M. Dufranne, de l'Opéra, dans La Brabançonne et pour ces deux artistes dans le duo de la Muette de Portici. La Marseillaise, chantée par Mrae Marguerite Carré, et Le Chant du Départ terminaient le spectacle.
2 MAI. — Patrie est donnée en matinée devant une belle salle. Mlle Yvonne Lifraud y remplace Mlle Marie Leconte dans le rôle de dona Raphaële qu'elle joue avec infiniment de charme.
— Grippe-Soleil, Mille Lara. — Chérubin, Mlle Leconte. - La comtesse, Mil. Cécile Sorel. — Suzanne, Mlle Berthe Cerny. - Marceline) MME Fayolle. — Fanchette, Mlle Yvonne Lifraud.
Au 4" acte, Intermèdes MM. Mounet-Sully, La mort de J.-J. Rousseau (ode de Lefranc de Pompignan); Henry Mayer, A mon habit (Sedaine) Mme. Madeleine Roch, Thélis (J.-Baptiste Rousseau); Suzanne Devoyod, L'Amour et la Folie (de Boufflers); Yvonne Lifraud, L'Amour est un enfant trompeur (chanson de Bouillers) Jeanne Rémy, Le» Bizarreries de l'Amour (chanson de Collée, divertissement réglé par Mme Mariquita, de l'Opéra-Comique, dansé par Mille. Lara et Berthe Cerny)
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4 MAI. - Pour l'abonnement de mardi on reprend Mademoiselle de Belle-Isle1.
8 MAI. — Répétition générale au bénéfice du Secours en Alsace-Loraine de Colette Baudoche,.
pièce en quatre actes, en prose, tirée du roman de M. Maurice Barrès par M. Pierre Frondaie2. Le livre est au juste l'histoire d'une petite revanche : un jeune Allemand, introduit à un foyer lorrain, est conquis peu à peu par le sens français ; une jeune Lorraine sacrifie au devoir, à l'honneur, le commencement d'amour que lui avait inspiré l'hôte allemand. « Comment, s'écriait fort justement M. Léon Blum, comment n'avoir pas prévu qu'à l'heure où nous sommes la seule idée de cet amour nous mettrait un poids au cœur? L'adaptateur a d'ailleurs tout fait pour que cette idée nous fût moi ns supporta ble encore. Le personnage, pesant et sérieux, de M. Barrès, est devenu sous ses mains un type presque comique. M. Frondaie s'est imaginé qu'en le présentant ainsi, à l'aide de coq-à-l'âne et de plaisanteries d'un tour inégal, il allait le « faire passer ». Cette adresse s'est retournée contre l'adaptateur. Il n'est parvenu qu'à rendre inadmissible une donnée déjà douloureuse. Et si l'on se
1. DISTRIBUTION. — Le duc de Richelieu. M. Henry Mayer. — Le Che- valier d'Auvray, M. Jacques Fenoux, — Le Chevalier d'Aubigsy, M. George Grand. — Le duc d'Aumoat, M. Léon Bernard. — Chamillac, M. Fresnay. — La marquise de Prie, Mlle Cécile Sorel. — Gabrielle
de Belle Isle, Mlle Colonna Romano. — Mariette, Mil. Dussane.
2. DISTRIBUTION. — Frédéric Asmus, M. de Féraudy. — Christian Tarrail,,M. Paul. Mounel. - Pierre Ferger, M. Henry Mayer. — Mm. Baudoche, Mme Pierson. — Colette Baudoche, Milo Leconte. — Mlne Kraussr Mm. Thérèse Kolb. — Le petit Krauss, le petit Jean Fleury.
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sentait disposé à des jugements de pur métier, on se plaindrait qu'à travers ce travail on ait tant de peine à reconnaître le tact précis, la sobriété parfaitement nuancée d'un livre où M. Barrès a su mettre « un sérieux sans sécheresse, une clairvoyance calme, animée de confiance dans la vie ».
Au lieu de ces beaux mérites, on trouvait dans la pièce quelques effets frivoles, quelques couplets et allusions directes qui ont porté, une fin d'acte vigoureuse, celle du troisième, où l'on reconnaissait l'homme de théâtre. » L'interprétation passait tout éloge. Mmes Marie Leconte, Pierson, MM. de Féraudy et Paul Mounet rivalisaient d'art, de puissance et de sensibilité. Au baisser du rideau la salle acclamait chaudement le nom de M. Maurice Barrès.
10 MAI. — Première représentation de Colette Baudoche qui est maintenant en trois actes seulement. Le tort de M. Frondaie avait été de ne pas s'en tenir à l'Asmus de 1910, d'inventer l'Asmus de 1914, de prolonger artificiellement l'œuvre originale, d'abandonner le domaine rétrospectif et d'ôter à son drame, par une inutile concession à l'actualité, le bénéfice de la philosophie et du recul nécessaire. II avait donc été très heureusement inspiré en supprimant, à l'issue de la répétition générale, un fâcheux quatrième acte.
11 MAI. - Les abonnés du mardi, devant lesquels se donnait la seconde représentation de Colette Baudoche, ne manquaient pas de fêter les
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merveilleux interprètes : M. de Féraudy mettant au service d'Asmus son expérience, son art raffiné, son doigté, la malice de son esprit caricatural ; et Mlle Marie Leconte : « C'est, a-t-on dit, la vivacité, l'ardente sensibilité, la franchise, la bonté, la gaie vaillance, la fermeté des femmes de chez nous, le cri haut et clair de l'alouette gauloise. Sa voix chante, son.cœur parle. »
20 MAI. — Le public des matinées de littérature du jeudi réservaient un accueil des plus flatteurs à Vulrny (le salon de Mme Roland, 23 septembre 1792) où une intrigue très simple et très vivante animait une reconstitution, une évocation qui mêlait à la curiosité du costume et du style, le grand frisson du peuple en armes et de la patrie en danger.
MM. Paul Gaulot, Jules Truffier et Georges Berr avaient réuni avec beaucoup d'art les manifestations les plus caractéristiques d'une époque qui présentait avec la nôtre tant d'analogie. Les meilleurs artistes de la Comédie interprétèrent cette pièce à spectacle avec le même sentiment d'exactitude, de pittoresque, et la même sensibilité qu'avaient montrés les auteurs. MM. Mounet-Sully, Silvain, Albert Lambert fils, Georges Berr, Leitner, Henry Mayer, Jacques Fenoux, Lafon, André Polack. Mmes Pierson, Leconte, Louise Silvain, Madeleine Roch, Maille, Gbrielle Robinne, Berthe Bovy, Suzanne Devoyod, Jane Faber, Yvonne Ducos, y al preux y furent très applaudis.
22 MAI. - Matinée au bénéfice de la caisse des
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retraites des anciens pensionnaires et employés de la Comédie1.
6 JUIN. — La Comédie fêtait dignement, en matinée, le trois cent neuvième anniversaire de la naissance de Pierre Corneille. La représentation avait commencé par le charmant acte de M. Emile Moreau, Corneille et Richelieu, où se faisaient justement applaudir MM. Silvain et Jacques Fenoux. Puis, c'était Horace, dont les excellents interprètes étaient acclamés. Et Mme Bartet disait devant le buste de notre grand tragique de beaux vers de M. Emilie Blémont, M. Mounet-Sully de vigoureuses stances de Paul Déroulède.
8 JUIN. — En soirée d'abonnement du jeudi, on donne la Princesse Georges, d'Alexandre Dumas fils2. Mlle Piérat était longuement applaudie dans le rôle si lourd, si varié de Séverine qui exige autant de style, de noblesse que de sensibilité et de puissance. C'est pour la très distinguée socié-
1. - Au programme : Les Chants de guerre (poésies et chants patriotiques) : MM. Mounet-Sully, Silvain. de Féraudy, Albert Lambert fils, Paul Mounet, Leitner, Henry Mayer, Jacques Fenoux J'lfmes Bartet, Pierson, Renée du Minil, Piérat, Louise Silvain, Madeleine Roch, Dusane, Maille, Gabrielle Rohinne, Berthe Bovy, Suzanne Devoyod, Yvonne Lifraud, Jane Faber, Yvonne Ducos, Valpreux ; MM. Lafont, André Polack ; Le Départ et Le retour du conscrit, chanson du premier Empire, chantée par M. Georges Berr et Mil. Leconte ; .Le Départ du mousquetaire, divertissement réglé par Mme Mariquita, dansé par Mu' Lara. Cécile Sorel et Berthe Cerny; Partie lyrique, avec le concours de Mm. Marguerite Carré (de l'Opera-Comique), MM. Fontaine, Féodoroff (de l'Opéra), Boulogne (de l'Opéra-Comique).
2. DISTRIBUTION. — Galanson, M. Leitner. — Le comte de Thrremonde, M. Henry Mayer. — Le prince de Birac, M. George Grand. — Victor, M. Croué. — Le baron, M. Lafond. — Cervières, M. André Polack. —
de Fontette, M. Fresnay. — Séverine, M|lc Piérat. — Berthe, M"e Maille.
— Sylvanie, Mlle Gabrielle Robinne. — Rosalie, Mlle Berthe Bovy. —
Mme de Périgny, Mlle Suzanne Deroyod. — Valentine de Baudremont, Mlle Andrée de Chauveron. — La baronne, MUe Simone Damaury.
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taire une création véritable et qui comptera dans la belle série de ses succès à la Comédie. Dans la Visite de noces, qui complétait heureusement cette belle reprise à la gloire de Dumas fils, Mme Bartet, par sa souveraine élégance, son désenchantement hautain et sa pathétique sensibilité, était justement admirée. M. de Féraudy, qui jouait avec son art précis et profond le rôle si intéressant de Lebonnard; M. Raphaël Duflos, qui exprimait l'inconscience masculine si cruelle de M. de Cygneroi, et Mlle Bovy, spirituelle et discrète dans le personnage effacé de la jeune Mme de Cygneroi, n'eurent pas un moins grand succès.
17 JUIN. — C'était, avec les poètes du dix-neuvième siècle, le dernier programme de la première soirée des jeudis classiques. Le public saluait le génie de nos lyriques nationaux par de longs bravos dont les artistes avaient eu bonne part. Le « triptyque » des Poèmes du souvenir (Le Lac, de Lamartine, La Tristesse d'Olympio, de Victor Hugo, et Souvenir, d'Alfred de Musset) valait, entre autres, une véritable ovation aux interprètes : Mmes Bartet, Segond-Weber et Madeleine Roch.
On applaudissait fort La Curée, d'Auguste BarOn a p p l au d issait fort La Curée, d'Au g uste Barbier; Les Vieux de la Vieille, de Théophile Gauthier; Les Adieux de Marie Stuart, de Béranger ; Le Cimetière d'Ambérieu, de Gabriel Vicaire ; La Vie de Jeanne d'Arc, de Casimir Delavigne, dits par MM. Mounet-Sully, Fenoux, Mmes du Minil, Marie Leconte. La tradition de « l'orateur de la troupe », venant saluer le public, était renouée de façon très heureuse. M. Jules Truffier, directeur
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des études classiques, avait, dans un discours précis, résumé les travaux passés et présenté les projets futurs des comédiens français en faveur de leurs abonnés.
24 JUIN. — C'est le dernier programme des jeudis classiques. Entre Fais ce que dois, où Mlle Devoyod reprend le rôle que tenait précédemment Mlle Jeanne Rémy, et les Trois Muses, applaudies huit jours auparavant, la scène des- triumvirs, fragment du 4e acte de Charlotte Corday,
de Ponsard, très éloquemment interprétée par
Silvain (Danton), Paul Mounet (Marat) et Leitner
(Robespierre) produit grand effet. Le Baiser de Théodore de Banville, est merveilleusement rendu par M. Georges Berr et Mlle Yvonne Lifraud. 25 JUIN. — Matinée donnée au bénéfice de l'Œuvre des soldats aveugles, avec le concours des ï artistes de l'Opéra. En L'honneur de Valmy, prolo- ; gue de Jules Claretie, est lu par M. Mounet-Sully.
La Veillée des Armes, un acte en vers de M. René Fauchois, est joué par M. Albert Lambert (Un officier) et Mlle Madeleine Roch (La France).
28 JUIN. - - La Comédie était allée donner au Grand Théâtre de Genève quatre représentations ; au profit des Œuvres de bienfaisance françaises et gênevoises. Dans le Misanthrope, Mlle Suzanne j Devoyod abordait avec succès le rôle d'Arsinoë. 1 M. Georges Berr jouait aussi pour la première fois celui d'Oronte, où il mettait une finesse exquise.
1 r JUILLET. — Représentation diurne donnée au bénéfice de la « Fraternelle des Artistes ». Dans la cour d'honneur de la Sorbonne, qui lui offrait,.
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pour ce spectacle antique, un décor à la fois vaste et limité, d'une harmonie parfaite, Mounet-Sully, incomparable et inoubliable interprète de Sophocle, jouait OEdipe-Rol*, entouré de ses camarades de la Comédie-Française. Grand, très grand effet.
14 JUILLET. — La matinée offerte aux jeunes soldats à l'occasion de la Fête nationale fut extrêmement émouvante. Le spectacle était dans la salle aussi bien que sur la scène. Et tous ces visages frais, aux yeux vifs, tous ces fronts volontaires étaient réunis comme pour une revue. On donnaitavec un vif succès Horace et La Veillée des Armes, à-propos en vers de M. Fauchois, joué par M. Albert Lambert et Mlle Roch, des intermèdes auxquels participaient MM. Mounet-Sully, G. Berr, Mmes Bartet, Seyond-Weber, Bovy et, enfin, l'Anglais tel qu'on le parle, la célèbre farce de M. Tristan Bernard, jouée dans la perfection. La salle, très attentive et chaleureuse, s'enflamma lorsque Mme Marguerite Carré parut en son costume d'Alsacienne et chanta la Marseillaise. Tous les jeunes soldats, comme répondant à l'appel des armes, se levaient frémissants et chantaient en chœur avec une ferveur, une ardeur indicibles1.
Le 1er août, après une superbe matinée, où l'on avait donné avec une très belle recette, la Princesse Georges et le Gendre de M. Poirier, la Comédie spécialement autorisée par le ministre fermait ses
1. — L'Administration avait obtenu du Sous-Secrétaire d'Etat des Beaux-Arts l'autorisation d'engager M. Fresnay, élève des classes de
cuniédie du Conservatoire, qui, depuis le 1er janvier, apportait aue\/,
son intelligent et dévoué concours.
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portes pour un mois1. Elle les rouvrait, le soir du 1er septembre, par le Jeu de l'amour et du hasard et le Flibustier de M. Jean Richepin où Mlle Marie Leconte se montrait charmante dans le rôle de Janik qu'elle jouait pour la première fois.
6 SEPTEMBRE. — Une pieuse et touchante cérémonie, présidée par le sous-secrétaire d'Etat des beaux-arts, réunissait au grand foyer le personnel de la Maison de Molière. Comme elle l'avait fait quarante-cinq ans auparavant pour Didier Seveste, la Comédie avait voulu honorer la mémoire d'un de ses jeunes pensionnaires, glorieux soldat tué au champ d'honneur. Le 6 septembre 1914, sur le plateau de Barcy-sur-Aube, où se dessinaient les premiers combats qui devaient aboutir à la victoire de la Marne, Raymond Raynal, attaché en qualité de cycliste à l'état-major d'une division, tombait au cours d'une mission périlleuse, frappé par une balle au cœur. C'est le jour anniversaire de sa mort. Le moulage en plâtre de la statuette du jeune soldat est disposé en avant de la cheminée du foyer du public. Il est l'œuvre, de belle allure et d'une grande simplicité, d'une artiste de talent, Mlle Marcelle Lévy. La statuette est entourée de drapeaux et de fleurs. Raynal est représenté dans son costume militaire de campagne. La ressemblance est frappante. D'émouvantes allocutions
1. — Depuis sa réouverture, la Comédie-Française avait versé aux pauvres une somme de Fr. 46.140 55 Et elle avait fourni aux œuvres diverses de la guerre, par les représentations de bienfaisance qu'elle avait organisées et par ses dons personnels, une autre somme (le Fr. 64, nu 70 Soit en tout Fr. 110.62025.
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étaient prononcées par MM. Albert Carré et Dalimier ; des vers lus par M. Truffier, qui avait été au Conservatoire le maître de Raynal.
7 SEPTEMBRE. — Reprise du Duel. La remarquable pièce de M. Henri Lavedan retrouvait l'accueil enthousiaste qu'elle avait rencontré dix ans auparavant. Une salle com ble écoutait avec un intérêt croissant d'acte en acte, de scène en scène, le développement dramatique d'une idée profonde autant que généreuse, et surtout très humaine. M. Albert Lambert fils abordait pour la première fois le rôle de l'abbé Daniel. Il l'avait composé avec art et tenu d'un bout à l'autre avec une très belle et très réelle autorité. Mlle Piérat se montrait toujours charmante sous les traits de la duchesse de Chailles qu'elle avait hérité de Mme Bartet. MM. Raphaël Duflos et Paul Mounet obtenaient dans les rôles créés par eux le succès d'autrefois.
10 SEPTEMBRE. — Dans le Demi-Monde, Mlle Jane Faber joue pour la première fois le rôle de Valentine de Sanlis.
II SEPTEMBRE. - La Marche Nuptiale reprend sa place sur l'affiche. Le douloureux drame de M. Henry Bataille retrouve, avec Mlle Piérat, MM. Georges Berr et George Grand, le succès qui lui a déjà valu une fructueuse série de représentations interrompues par la guerre.
28 SEPTEMBRE. — Reprise de Mademoiselle de
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la Seiglière 1. A part Mlle Renée du Minil qui a gardé le rôle de la baronne de Vaubert, la distribution de la célèbre comédie de Jules Sandeau est entièrement nouvelle. M. Georges Berr met au personnage de l'avocat Destournelles une verve caustique des plus spirituelles: c'est la joie de la pièce. M. George Grand a toute la chaleur que réclame le rôle de Bernard Stamply, M. Siblot toute la bonne humeur du vieux marquis, égoïste et inconscient. M. Fresnay, dans le rôle du jeune marquis de Vaubert, montre les heureux dons, déjà fort assurés, qui lui valurent d'être engagé à la Comédie. Sous les traits sympathiques d'Hélène — où les habitués de la maison se rappellent Mlle Barretta — Mlle Val preux obtient le plus vif et le plus mérité des succès. Un de plus à ajouter à la carrière de la charmante comédienne déjà si brillamment commencée.
14 OCTOBRE. — En matinée du jeudi, première représentation à ce théâtre de Pour la Couronne, drame en cinq actes, en vers, de François Coppée2.
— La mobilisation bulgare donnait à la pièce qui date de vingt ans une singulière couleur d'actualité.
Le sujet est la trahison d'un chef des Balkans qui
1. DISTRIBUTION.— Destournelles, M. Georges Berr. - Bernard Stamply, M. George Grand. — Le marquis, M. Siblot. — Jasmin, M. Lafon. —
Raoul, M. Fresnay. — La baronne de Vaubert, Mlle Renée du Minil.— Hélène, Mile Valpreux.
2. - Joué par MM. Silvain (Etienne), Albert Lambert fils (Constantin Brancomir), Paul Mounet (Michel Brancomir), Louis Delaunay (Ourosch).
Jacques Fenoux (Benko), Falconnier (un prisonnier turc), André Polack (Lazare), Fresnay (un chevrier), Henri Valbel (un guetteur) Mmes We- ber (Bazilide), Colonna-Romano (Militza), Garay-Miriel (Anna), Renée Dahon (Alexis), Syril (une chanteuse) ; M. Chaize (un officier).
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veut livrer son pays au Turc, en échange d'une plus grande couronne. Son fils le surprend sur le lieu même de sa trahison et le frappe mortellement.
Le drame est présenté avec soin ; le décor du troisième acte, dans la nuit, au milieu des cimes couvertes de neige, est fort pittoresque. L'interprétation est remarquable. M. Albert Lambert fils, ardent, convaincu, héroïque, a joué Constantin en bel artiste ; avec quel noble emportement il a rugi la magnifique scène du troisième acte ! Avec quel lyrisme il a lancé la tirade finale qui se termine par ce vers :
Etoiles ! j'ai tué mon père. Jugez-moi Il a été rappelé d'enthousiasme. Non moins belle est Mille Segond-Weber dans Bazilide; elle a fait de ce personnage un être tout à fait humain, d'une séduction dangereuse, d'une beauté perfide. Silvain a de la noblesse, de la grandeur dans le rôle de l'évêque-Roi. Paul Mounet réalise avec sa rudesse coutumière l'ambitieux, le traître Michel. Fenoux, qui avait créé Constantin à l'Odéon, donne du relief au rôle de Benko, l'espion. Mlle Colonna Romano a du charme, de l'ingénuité dans Militza, qui apparaît comme Mignon, pour sauver l'être a J quel elle a voué son cœur.
28 OCTOBRE. — La Comédie fait relâche en matinée et en soirée, pour les obsèques de M. Paul Hervieu, de l'Académie française.
6 NOVEMBRE. — En l'honneur de Paul Hervieu l'affiche réunit les Tenailles et l'Enigme : les deux pièces sont fort applaudies.
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11 NOVEMBRE. — On reprend, en matinée, Socrate et sa femme, comédie en un acte, en vers, de Théodore de Banville, où Mraes Bretty, Guintini et Huguette Duflos jouent pour la première fois les rôles de Xantippe, de Bacchis et de Myrrhine ; MM. André Polack, Félix Gandéra et Armand Bernard ceux de Dracès, de Praxias et d'Antisthine.
16 NOVEMBRE. — A l'occasion de l'abonnement du mardi, la Nouvelle Idole de M. François de Curel reprend sa place au répertoire.
20 NOVEMBRE. — Matinée pour les « Héros de l'air ». M. Louis Barthou ouvrait la séance en prononçant une vibrante allocution qui émouvait profondément l'auditoire. Puis se déroulait un magnifique programme, com prenant avec tous ses divertissements, le Mariage forcé, dont les plus petits rôles étaient tenus par les meiHeurs sociétaires du Théâtre-Français; le duo de Saint-Sulpice de Manon, chanté par Mme Marguerite Carré et M. Edmond Clément; une amusante fantaisie de Rip sur Lucie de Lamermoor ; avec Mlle Zambelli et M. Aveline et le corps de ballet de l'Opéra, le ballet de Gretna-Green d'Ernest Guiraud, vivant souvenir de l'ancienne salle de la rue Le Peletier; une jolie comédie inédite, La Marraine, de M. Henri Lavedan, excellemment jouée par Mmes Pierson, Berthe Bovy et le joyeux Polin.
Puis, saluée d'une triple salve d'applaudissements,.
Mme Sarah Bernhardt rentrait dans la grande maison en faisant acclamer par toute la salle une ode de sa petite fille, Lysiane Bernhardt et une pièce de
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vers de M. Louis Payen, intitulée On ne leur pardonnera pas. C'était, enfin, la Marseillaise, chan- tée par le ténor Rousselière, et, précédée d'une poésie de M. Georges Boyer, dite par Mlle Roch, les marches et les refrains de l'armée française joués par les tambours, les clairons et la musique de la garde républicaine. — La recette s'élevait à 60.000 francs.
25 NOVEMBRE. — Offerte aux abonnés du jeudi, Blanchette, de M. Brieux, reprenait sa place au répertoire de la Comédie.
27 NOVEMBRE. — Nouvelle matinée de gala, donnée cette fois au profit de la « Journée du Poilu » et aussi des Héros de l'air. Au programme encore: le Mariage forcé; Gretna-Green ; la Marraine, de M. Lavedan, Lu. Scie de Lamermoor, impromptu de Rip, d'après Donizetti, avec Mmos Marguerite Deval, Marnac, Spinelly, MM. Paul Ardot, Claudius, Dranem, Guyon fils, Raimu, Vilbert, Saint-Granier, Darthez, Midy, Mmes Monthyl et Pervyse. Le baryton Jean Noté chantait la Brabançonne et la Marseillaise, accompagné par la musique de la garde républicaine.
Le public réservait un chaleureux accueil à M. de Max faisant, dans l'intermède, sa première apparition sur la scène du Théâtre-Français.
L'administration de la Comédie change de mains — provisoirement. Le ministre de la guerre ayant décidé que nul officier ne serait désormais admis à remplir à la fois des fonctions militaires et civiles, et cette décision ayant été notifiée aux directeurs de nos théâtres subventionnés qui se trouvaient
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dans ce cas, M. Albert Carré a demandé au ministre de l'instruction publique et des beaux-arts de le relever de ses fonctions d'administrateur général de la Comédie-Française de façon à pouvoir continuer à assurer les services dont, avec le grade de lieutenant-colonel, il est chargé à l'état-major de l'armée. Sur la proposition de M. Dalimier.
M. Emile Fabre, auteur dramatique, était nommé administrateur général de là Comédie-Française pour la durée de la guerre. « Passionné pour le théâtre dès sa jeunesse, tandis qu'il étudiait la pratique des affaires juridiques en qualité de secrétaire de Me Nathan, le grand avocat de Marseille, M. Fabre est, a-t-on dit, un metteur en scène tout à la fois ardent et patient. Ceux qui l'ont vu auprès de Gémier pendant les répétitions de la Vie publi- que, des Ventres dorés, de la Rabouilleuse ou, mieux encore, de Timon d'Athènes, ont admiré sa décision, sa clarté, son sens du mouvement et de la couleur. Cet amour du théâtre l'avait poussé à examiner le cahier des charges de l'Odéon lorsque M. Antoine eut donné sa démission, mais ne l'avait pas décidé à faire acte de candidat. A la Société des Auteurs dramatiques, dont il est vice-président, M. Emile Fabre a conquis depuis longtemps l'affectueuse estime de ses confrères par sa probité professionnelle et son cordial dévouement. C'est donc un administrateur exercé autant qu'un homme de théâtre accompli qui remplacera M. Albert Carré pendant la durée des hostilités. A la Comédie-Française, où les artistes connaissent le talent et le caractère de l'auteur de la Maison d'argile,
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la décision ministérielle n'a pas été moins chaleureusement accueillie qu'auprès des auteurs dramatiques et du public.
9 DÉCEMBRE. — Reprise, en matinée, d'Une Chaine, d'Eugène Scribe, dont la première représentation remonte au 29 novembre 1841. Les créateurs de la pièce s'appelaient Samson, Régnier, Menjaud, Rey, Mlle Plessy et Mlle Doze. Le public revoit avec le plus vif plaisir cet ouvrage du répertoire d'un autre âge, admirablement défendu par ses interprètes : MM. Georges Berr (un Balandard idéal), Jacques Fenoux, George Grand, Siblot, M"1' Berthe Cerny et Mme Huguette Duflos.
11 DÉCEMBRE. — A l'occasion du 105e anniversaire de la naissance d'Alfred de Musset, on donne Un Caprice, avec M. Raphaël Duflos, Mm9s Cerny et Maille ; la Nuit d'Octobre, avec M. Albert Lambert fils et Mme Bartet; Il ne faut jurer de rien, interprété par MM. Georges Berr (l'abbé), Siblot (Van Buck), Georges Le Roy (Valentin), Hiéronimus (un maître de danse), Mmes Pierson (la baronne) et Yvonne Lifraud (Cécile).
21 DÉCEMBRE. — Reprise du Dédale. La belle œuvre de Paul Hervieu est interprétée par Mmes Bartet, Pierson, Leconte, MM. Albert Lambert fils, Paul Mounet, Louis Delaunay, Henry Mayer et Siblot. Le rôle de Mme de Pogis est joué pour la première fois par Mme Emilienne Dux.
23 DÉCEMBRE. — En matinée, la Comédie fête l'anniversaire de Racine. Entre Bérénice et les Plaideurs, on joue un acte en vers de MM. Adrien
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Bertrand et Gaston de Bar, La Première Bérénice1, qui sort de l'ordinaire banalité des à-propos.
L'œuvre est touchante, ingénieuse, imprégnée d'une douce sensibilité, écrite avec pureté et avec charme 31 DÉCEMBRE. — M. de Max joue en matinée, pour ses débuts, Néron de Britannicus. Et voici la très juste appréciation de M. Henry Bidou, l'excellent critique des Débats. « Au total, M. de Max a donné une magnifique interprétation du rôle. Il a fait mieux, il a réalisé le personnage. Il n'y a pas un vers auquel il ne fasse dire tout ce qu'il dit, l'ayant com pris avec une intelligence raffinée, et en ayant tiré tout le sens. Et en même temps, de cette suite de répliques il a composé une seule âme, changeante, perfide, redoutable et nuancée: un Néron faible et violent, cruel et sensuel (il le faut voir caresser les mains de Junie suppliante, à la fin du troisième acte, la recevoir presque dans ses bras, et braver ainsi Britannicus). Il l'a fait surtout impressionnable, intelligent, ironique, prompt à associer les idées et à se peindre les choses, vaniteux comme un artiste. Ajoutez la beauté de la voix et du geste, le sentiment du vers, l'art de l'assouplir ou de le développer. Ajoutez enfin ce style, ce je ne sais quoi de caractéristique, de net et d'arrêté, qui est la vie même de l'art. Un vrai tragédien est entré dans la maison de Molière. »
Mme Segond-Weber était une Agrippine absolument remarquable. Ajoutons que Britannicus fut très gentiment représenté par M. Fresnay, et que, dans Junie, Mlle Guintini avait beaucoup plu.
1. DISTRIBUTION. — Le chanoine Seonin, M. Silvain. — Jean Racine, 1 M. Georges Le Roy. — Martin, M. Lafon. — Mariette, M"e Berthe Bovy. 1 — Sylvie, Mlle Robinne. — Rosine, Mlle Bretty. I
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---- .----.---- DATE NOMBRE I NOM1SRE de la de Ire représ représenl.
d'actes ou de la pendant reprise l'anm'i'
RÉPERTOIRE MODERNE
Le Momie ou l'on s'ennuie, comédie 3 I » 15 ¡;.tu,i Fril, comédie ..,.., ..,.; » 1S * Les Fiançailles de l'Ami Fritz, scène :iIi-ieiine i 3 janv. 13 La Fille de Roland, drame en vers » 3 L'A renltrière. comédie en vers t » 11 Il ne faut jurer de rien, comédie 3 i » 4 l'titrie. draine ! 5 a. 8 t. >< 20 *Cnera!e>-ie. chanson de geste 18 fév. 3 La Vraie farce de Maître Pat/ielin 18 t'év. 2 ([';,li/Je.Roi, drame en vers » 3 1lll!IIJi',s,drameenyers.,.,;J » 3 *L'H'i'l<>! de Rur,'IDc¡¡lillet. 1 i mars 3 G ri njtuire. comédie 1 » 5 I,e (rendre de M. Poirier, comédie 4 » 10 Primerose, comédie 3 » li f'n Caprire. comédie 1 28 mars 7 Fais ce 7"c dnis, pièce en vers 28 » 0 ,1 [a de,,,, isi'lle île Heile-Jsle. i » & *Cu/!" isai'd'scfte, pi'ce. 4 10 mai 23 La y a n fraye on les JY<':/:e/-,!,' 1 20 » 3 j,a lionne mère, l'i'ce 1 20 » 3 Vulul!I.l'i',,:e. 1 20 » 2 J,e Passai, t, comédie en vers 1 » 7 La Xuit dOctobre, scène en vers » 6 11 faut qu'une porte soit ouverte oit ferTtiee. comédie 1 » 3 La .Xuit de Mai, scène en vers » 2 Le Voi/aije de M. Perricholl, comédie. 3 » 7 Corneille et Richelieu, comédie 1 » 1 La Princesse Georges, pié(~e 3 8 juin 13 Une visite de noces, comédie 1 » 4 * Les Trais Muses, scène lyrique 17 juin 2 Le liaiser. comédie en vers,.,. , , , 1 » 3 Le Demi-Monde, comédie 5 » 11) * La Veillée des armes, à-propos en vers. 1 25 juin S //Anjtlais tel qu'on le parle, comédie.. 1 » lx Le FtiO'isiier, comédie en ver, 3 » 1
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DATE NOMBRE NOMBRE de la de 11'0 représ, représenta d'actes ou Je la pendant reprise l'année
RÉPERTOIRE MODERNE (Suite)
Le Duel, comédie 3 7 sept. 13 Le Luthier de Crémone, comédie en vers. 1 » 5 La Marche nuptiale, pièce.. ,,",. 4 )) li Mademoiselle de la Seiglière, comédie.. 4 » 7 Pour la Couronne, drame en vers 5 14 oct. 10 Les Ouvriers, comédie en vers 1 » 3 Les Tenailles, pièce. 3 » 5 L'Enigme, pièce 2 » 7 La Nouvelle Idole, pièce.,. 3 16nov. 5 Sacrale et sa femme, comédie en vers. 1 » 3*La OIarraine, comédie 1 20 nov. 2 Blanchette, comédie 3 25 nov. 3 Les Demoiselles de St-Cyr, comédie 4 » 1 Une Chaîne, comédie 5 9 déc. 4 Le Dédale, pièce 5 21 déc. 2 Jean-Marie, comédie en vers 1 » 1 le La Première Bérénice, pièce en vers. 1 23 déc. 2.
RÉPERTOIRE CLASSSIQUE
Horace, tragédie., 5 » 7 Le Barbier de Séville, comédie en vers.. 4 » 1 Le J-lisanthrope, comédie en vers 5 » 6 Polyeucte, tragédie. 5 a 2 Tartuffe, comédie en vers. 5 » 4 La Comtesse d'Escarbagnas, comédie. 1 » 1 Psyché (fragment) » 1 Amphitryon, comédie en vers. , 3 » 1 Le Médecin malgré lui, coiiiédie 3 » 1 Le Jeu de l'Amour et du Hasard, coméd. 3 » 7 Le Dépit amoureux, comédie en vers. 2 » 2 Nicomède, tragédie. 5 » 1 Andromaque, tragédie. 5 » 5 L'Ecole des maris, comédie en vers. 3 » 2 Bérénice, tragédie. 5 » 8 Zaïre, tragédie. 5 » 3
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DATE NOMBRE NOMBRE de la de 1 r représ, represent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
RÉPERTOIRE CLASSIQUE (Suite) Le Cid, tragédie. ,., 5 „ 4 Le Mariage de Figaro, comédie 5 » 4 Les Précieuses ridicules, comédie 1 » 6 Britannicus, tragédie.,.,..,.. 5 » 2 Phédre, tragédie. 5 » 2 Les Femmes savantes, comédie en vers. 5 » 1 Le Mariage forcé, comédie.,. 1 » 2 Les Plaideurs, comédie en vers. 3 » 2
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THEATRE NATIONAL DE L'OPÉRA-COMIQUE
Trois nouveaux ouvrages, la Marchande d'allumettes de M. Tiarko Richepin, Maroqf, savell»er du Caire de M. Henri Rabaud et la Péri de M. Paul Dukas, joints à la reprise du Rêve de M. Alfred Bruneau et aux représentations d'Orphée, d'Alceste, et d'Iphigénie en Tauride de Gluck, s'inscriront, avant la guerre, au répertoire de l'année 1914* Celle-ci avait commencé, pour la nouvelle direction Gheusi et Isola, par une belle matinée de Manon avec Mme Nicot-Vaucheletet par une brillante soirée de Carmen avec Mlle Chenal.
Le 6 janvier, l'affiche appartenait à la Vie brève, l'œuvre si pittoresque - du musicien espagnol Manuel de Falla, où Mme Marguerite Carré a créé de remarquable façon le rôle de Salud, et à Francesca da Rimini de M. Franco Leoni, oÙ Mllp Lubin succèdera à Mlle Vix. Le 14 janvier, Mlle Jeanne Borel, lauréate des précédents concours du Conservatoire, se faisait très justement applaudir dans Charlotte de Werther. Le i5, en matinée, M. Marcelin chantait avec un art saisissant le rôle de Jean du Jongleur de Notre-Dame, en même temps que, dans le Voile du bonheur de MM. Georges Clémenceau et Pons, Mlle Nelly Martyl était une exquise Si-Tchun. Le 20 janvier, les abonnés fêtaient, dans la Tosca, la rentrée de Mlle Mérentié.
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Le 24 janvier, M. Paul Vidal, directeur de la musique à la salle Favart, conduisait pour la première fois l'orchestre ; c'est avec une superbe maîtrise qu'était enlevée la partition de Carmen, interprétée par Mlle Chenal, MM. Léon Beyle et Boulogne. A la matinée du 25 janvier, M. Léon David, qui déjà avait appartenu à la troupe de l'Opéra-Comique, chantait Werther. Le soir, M. Edmond Clément se faisait applaudir dans le Rodolphe de la Vie de Bohème, précédée de Cavalleria rusticana, où M. Gibert reprenait le rôle de Turrido qu'il avait créé place du Châtelet.
Le ier février, en matinée, Mlle Brunlet chantait pour la première fois la Louise de M. Gustave Charpentier, où sa voix expressive et son jeu dramatique étaient très vivement appréciés. Entre temps le rôle de Carmen passe de mains en mains : il sert de rentrée à Mlle Germaine Bailac ; il vaut un mérité succès à Mlle Brohly. Le i3 février, avec Madame Butterfly, on donne les Lucioles, divertissement en un acte réglé par Mme Mariquita, musique de M. Claude Terrasse : Mlle Sonia Pavloff y fait la Libellule, M. -Quinault, le Pierrot blanc, et Mlle G. Dugué le Pierrot noir. Le i5 février, la Fille du Régiment donnée en matinée, a pour interprètes Mlle Marchai, MM. de Creus, Vieuille etMesmaecker. Mme de Nuovina, de passage à Paris, chante, dans Cavalleria rusticana, le rôle de Santuzza qui lui valut tant de triomphes. Le soir, Mlle Kaiser, premier prix du Conservatoire, débute dans la Navarraise ; Mlle Madeleine Mathieu se fait applaudir dans la Tosca. Le 16 février, a lieu
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la centième de la reprise des Contes d'Hoffmann.
Le 18 février, Mme Croiza chante pour la première fois Charlotte de Werther, où elle est longuement acclamée. Mlle Nelly Martyl, MM. Léon Beyle et Vaurs partagent avec elle le succès d'interprétation de la belle œuvre de Massenet.
25 FÉVRIER. — Première représentation de la Marchande d'allumettes, conte lyrique en trois actes de Mme Rosemonde Gérard et M. Maurice Rostand, musique de M. Tiarko Richepin1. — Pour inaugurer leur direction, MM. Gheusi et Isola nous offrent un aimable ouvrage dont le livret est de Mme Rosemonde Gérard — Mme Edmond Rostand - et de son fils Maurice Rostand, qui déjà, avaient signé ensemble Un bon petit diable, applaudi naguère au Gymnase. La partition est le début au théâtre de M. Tiarko Richepin, le second fils de l'illustre auteur de la Chanson des Gueux. Collaboration artistique s'il en fut jamais. Mme Rosemonde Gérard a été, nous a-t-elle dit, longtemps
1. DISTRIBUTION. — Greham, M. Francell. — Le vieux mendiant, M. J. Perier. — Le suisse, M. Vigneau. — Le marchand de marrons.
M. Donval. — Le marchand de jouets, M. Mesmaecker. — Le libraire, M. Deloger. — Le pâtissier, M. Reymond. — 1er apache, M. Cazeneuve.
— 2. apache, M. Vaurs. — Le docteur, M. Payan. — Le lieutenant, M. De Creus. — Le sonneur, M. Belhomme. — Un dandy, un matelot, M. Sonnelly. — Garçon pâtissier, M. Eloi. — Daisy, Mil. Julia Guiraudon. — La duchesse, Mlle Brohly. — Jessamine, M"' Vaultier. —
Rosalinde. Mlle Carrière. — Gwendoline, Nlli- Hemmerlê. — Violet, Mlle Camia. — Marjorie, Nlile Joutel. — Jane, Mil. Dessoyer. — Florine, Mlle Calas. — Cendrillon, Mil, Alavoine. - La belle aux cheveux d'ur, Mlle Tissier, - La belle au bois dormant, Mlle Borel. — La fleuriste, Mil. Darvège. — La marchande des quatre saisons, Mme Billa Azému. —
La marchande de nouveautés, Mlle Ménard. — Une grisette, Nill- Gallot.
— La maman de deux petites filles, Mlle Jfarini. - Une vieille dame.
Mlle Villetle.
L'orchestre était dirigé par M. Albert Wulff.
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hantée par le choix d'un sujet musical, et elle tenait à le trouver dans le monde délicieux des légendes, ce paradis des enfants, qui est aussi celui des grandes personnes. Elle s'est souvenue alors d'un mythe danois dont Andersen a fait un conte ravissant, la Petite fille et les allumettes. C'est l'histoire d'une pauvre enfant qui allume des allumettes et qui obtient — en rêve - tout ce que la vie lui a refusé. L'allumette est le symbole de 'illusion : la petite Daisy, voyant que toutes les satisfactions de l'existence lui sont déniées, les cherche en elle-même; tout d'abord, elle désire des bonbons et des joujoux, et ce premier désir se réalise au flambloiement d'une allumette ; mais son rêve monte, monte jusqu'à vouloir être aimée, et quand elle croit atteindre ce but elle meurt. Pour la pauvrette, le sommeil est l'évocation des illusions. Dans la nuit, elle vit toute sa vie, et elle ne peut plus vivre dès qu'elle se réveille, dès qu'elle a fini de rêver, dès que les illusions se sont envolées. Nous sommes en Angleterre, au bord de la mer, dans une ville pittoresque dont l'exquis décor, brossé par Jusseaume, a tout de suite ravi le public. C'est la nuit de Noël, et l'on prépare dans l'hôtel de la Duchesse un arbre superbe, tandis que dans les plus humbles demeures il entrera un peu de joie. Seule, une jeune fille, Daisy, la marchande d'allumettes, souffre de son isolement et de sa pauvreté, et ne parvient pas, tant elle est timide, à vendre ses petits briquets.
Un vieux mendiant, joueur d'orgue accompagné de son chien, a pitié de la fillette et partage avec
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elle les gros sous de sa recette. Mais, hélas ! deux apaches se jettent sur elle dans la nuit et la dépouillent. Alors, désolée, elle s'endort en enflammant pour se réchauffer — faible ressource évidemment — quelques-unes de ses allumettes.
Et ces allumettes magiques l'emportent au pays des rêves. Et voilà que les boutiques des marchands se rouvrent soudain, féeriquement éclairées. Tous, à l'envi, lui apportent leurs marrons les mieux grillés, leurs plus appétissantes brioches, leurs plus enviables jouets. Les apaches se jettent à ses genoux pour lui rendre son argent et lui demander son pardon. Et il n'est pas jusqu'à la Duchesse qui ne sorte de son hôtel pour inviter la pauvrette à son arbre de Noël. Au second acte — le rêve continue — c'est la fête chez la Duchesse. La grande dame attend son cher neveu, le gentil officier de marine qu'elle voudrait marier. Le navire apparaît, portant M. Francell tout habillé de bleu — tel Lohengrin traîné par son cygne. Mais, à peine débarqué, la nostalgie du voyage le ressaisit, et comme Parsifal au milieu des Filles-Fleurs, il repousse les avances des délicieuses jeunes filles qui l'entourent. Il faut pour lui plaire « une petite âme profonde », et il découvre Daisy, cachée sous l'arbre de Noël et lui déclare brusquement son amour. Tous deux s'envoleront aux îles bienheureuses, d'où jamais ils ne reviendront. Au troisième acte, le rêve a disparu et la malheureuse se meurt dans la rue du village, glacée par la neige qui tombe à gros flocons. Le vieux joueur d'orgue la retrouve, s'efforce de la réchauffer, et justement le neveu de la Duchesse,
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qui va reprendre la mer, s'approche, la pitié au cœur, du groupe désespéré. Il cherche à ranimer la petite Daisy, qu'il n'a jamais vue, mais qu'il aime. Elle meurt heureuse entre ses deux amis.
La musique de M. Tiarko Richepin suit le poème avec toute la précision possible. Essayer de plaire par une sincérité continue, en faisant chanter selon son propre cœur les vers jolis qu'on lui avait ] confiés : le jeune compositeur n'a pas d'autres tendances. M. Tiarko Richepin a fait ses premières études à l'Ecole Niedermeyer, d'où sont sortis les j Gabriel Fauré, les Messager, les Alexandre Georges, puis il est entré au Conservatoire dans la classe de M. Xavier Leroux ; il a écrit diverses musiques de scène pour les pièces de son frère Jacques Richepin, et le voilà abordant aujourd'hui la scène de l'Opéra-Comique avec cette intrigue très simple, avec des situations précieuses, douloureuses et puissantes tour à tour, avec un conte où palpitent les mystères pénibles de la réalité et les extases miraculeuses du rêve. Il est certain que, par leur idéalisme limpide et mystique, au sens fort du mot, les aventures de la « Marchande d'allumettes » prêtent aux développements musicaux les plus riches et les plus nuancés. Fils d'un grand poète, M. Tiarko Richepin sera-t-il lui-même un grand musicien? Chi lo sa. Toujours est-il qu'il possède déjà une technique solide et avisée, une inspiration souvent originale et distinguée, et il a traduit avec toute la grâce et tout le charme de la jeunesse la poésie que ses colla borateurs ont répandue à profusion dans leur livret. Au
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nombre de ses meilleures pages, nous citerons le prélude du second acte avec son mélodique solo d'alto, l'air du ténor, le duo d'amour du second acte, et surtout la berceuse du joueur d'orgue et ses adieux à sa petite compagne. Le compositeur et les poètes doivent être singulièrement heureux du chaleureux accueil que leur ont fait la critique et le public. La direction de l'Opéra-Comique n'a, d'ailleurs, rien négligé pour assurer le succès de la Marchande d'allumettes. Mme Julia Guiraudon faisait sa rentrée au théâtre qu'elle avait trop tôt quitté. Elle a conservé son style pur et châtié et ces traditions du bel canto qu'on a tort d'abandonner dans l'école moderne. Frappée par un deuil cruel, ellle a fait preuve de véritable héroïsme en interprétant Daisy avec une tendresse et une mélancolie sans pareilles ; elle a chanté divinement les mélodies de M. Tiarko Richepin et elle a été, des pieds à la tête, le petit être de fragilité, de chasteté et de souffrance qui meurt de son rêve.
M. Jean Périer a fait une création saisissante du vieux mendiant au caractère plein de bonté et de grandeur. M. Francell, l'excellent chanteur, le comédien averti, a traduit avec sobriété et simplicité son personnage de prince charmant.
Mlle Brohly abuse de sa belle voix pour trop accentuer son personnage : ce n'est plus une duchesse, mais une reine, une impératrice, une déesse. « Glissez, mortels, n'appuyez pas ! »
M. Vigneau est un suisse de belle allure qui prodigue généreusement ses notes métalliques de vigoureux baryton. Et il n'est pas jusqu'au dernier
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des trente-trois interprètes — le caniche Pompon — qui ne tienne son rôle avec tout le soin désirable. M. Albert Wolff dirige l'orchestre avec tout le talent, toute l'autorité et aussi toute la confraternité artistique qu'il doit à son camarade Tiarko Richepin.
Le 1 er mars, le spectacle de la matinée se compose de Madame Butterfly, dont Mme Marguerite Carré est toujours la très brillante interprète, et de Djnh, un aimable ballet en un acte de Mme Mariquita et de M. Serge Basset, sur lequel M. Georges Ménier a écrit une séduisante musique. Mlle Léa Piron, prêtée par l'Opéra, interprétait avec beaucoup de grâce le rôle du Radjah qui lui valait un joli succès partagé par Mlles Napierkowska, Sonia Pavlofï, Luparia et le danseur Quinault. Le 4 mars, le jeune ténor Pallier chantait pour la première fois le rôle de Werther, où se faisaient applaudir à côté de lui Mme Croiza, Mlle Nelly Martyl, une exquise Sophie, et M. Ghasne, remarquable dans Albert.
Le 12 mars, en matinée, on reprenait l'une des plus célèbres pièces du répertoire de la salle Favart, la Dame blanche; Mlle Nelly Martyl réalisait de charmante façon le personnage de Miss Anna; M. Léon David, dans Georges Brown, Mlles Tiphaine et Villette, MM. Belhomme, Cazeneuve et Dupré étaient également fort applaudis.
M. Picheran conduisait l'orchestre. Le 18 mars, Mlle Vaultier, premier prix des derniers concours du Conservatoire, débutait dans le rôle de Micaëla de Carmen. Le 19 mars, en matinée, la Lépreuse
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de MM. Henry Bataille et Sylvio Lazzari reparaissait sur l'affiche et valait un nouveau succès à Mme Marie Delna, qui avait fait une si caractéristique composition du rôle de Lili, à Mme Marguerite Carré, délicieuse Alliette, et à M. Léon Beyle, son digne partenaire. Le ier avril, Mlle Davelli qui avait accepté de remplacer à l'improviste Mlle Chenal, indisposée, faisait une superbe rentrée dans la Tosca. Le 6 avril, Mlle Vorska débutait très brillamment dans Manon. Le lendemain, M. David Devriès reparaissait à l'Opéra-Comique après une absence de cinq années, et se faisait chaleureusement applaudir dans le rôle de Don José de Carmen.
20 AVRIL.— Reprise d'Iphigénie en Tauride. N'estelle pas curieuse l'histoire de Gluck, sorte de paysan du Danube, débarquant un jour au milieu des frivolités et des gentillesses de la cour de MarieAntoinette, et, en dépit d'une résistance acharnée, imposant à tous son art sévère, fait de bon sens et de vérité? Chanter comme on parle, la mélodie subordonnée au mot, la musique au poème, le déplaisant programme ! « Eh quoi, plus d'ariettes italiennes, plus de vocalises, plus de cabalettes !
Quelle outrecuidance! » Les plus tolérants n'en revenaient pas. Et voilà qu'à coup de chefs-d'œuvre l'intrus force l'admiration des plus rebelles et fait litière des insanités naguère adorées. Aussi ses adversaires tentent-ils un dernier effort : Gluck travaille à une Iphigénie en Tauride ; avec une Iphigénie en Tauride, on lui opposera Piccini.
En 1779, les deux ouvrages sont représentés avec
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un soin égal. L'Iphigénie de Piccini tombe lourdement, celle de Gluck va aux nues, traçant dans le ciel de l'art un lumineux sillage dont l'idéal allait guider le dix-neuvième siècle tout entier. Car, de Grétry à Verdi, de Rossini à Wagner, tous les éompositeurs vont procéder de Gluck, subissant peu ou prou sa robuste influence. Il est évident que les manifestations d'un tel précurseur ne pouvaient rester indifférentes à notre génération, si particulièrement assoiffée de simplicité et de sincérité. En remettant à la scène Iphigénie en Tauride de Gluck, les directeurs de l'Opéra-Comique ont fait œuvre d'artistes intelligents et avisés: Ce divin chef-d'œuvre est, d'après Euripide, la suite d'Iphigénie en Aulide. Comme dans la tragédie grecque, l'adaptateur suppose que Diane a sauvé Iphigénie au moment où son père Agamemnon allait la sacrifier, et qu'Iphigénie, réfugiée en Tauride, y est devenue grande-prètresse de la déesse. Mais, en Tauride, régnait Thoas, tyran farouche, altéré de sang humain, et pour qui chaque étranger était une victime agréable. Voici qu'on amène enchaînés deux inconnus : c'est Oreste, c'est Pylade, les amis inséparables. Iphigénie, émue par certains pressentiments, et prise de pitié, voudrait sauver au moins l'un des deux jeunes hommes, qui luttent de générosité l'un et l'autre. Enfin, c'est Oreste qui obtient de se sacrifier, durant que Pylade ira. porter en Grèce le message à lui confié par Iphigénie. L'autel est préparé, la victime va mourir, lorsque, tout à coup, Oreste, avant qu'Iphigénie lui plonge dans
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le cœur le couteau du sacrifice, prononce ces simles paroles : « Ainsi, en Aulide, périt Iphigénie, nia sœur ». C'est donc son frère qu'Iphigénie allait poignarder ! Cependant Thoas ordonne, et c'est ainsi deux victimes qu'il aura au lieu d'une, Iphigénie et Oreste ; mais Pylade intervient à temps pour tuer le tyran, et alors, selon l'usage de l'époque, la joie de redevenir libre est célébrée par le peuple en des chants et des danses caractéristiques. Tel est ce sujet, de primitive simplicité, qui n'en a pas moins suffi à Gluck pour écrire l'un des plus purs chefs-d'œuvre de la musique de tous les temps. L'interprétation actuelle est très près de réaliser la perfection. La gloire en revient à M. Paul Vidal qui, aidé d'un excellent chef de chœurs, M. Emile Archainbaud, a présidé aux études de chanteurs et de l'orchestre de façon à insuffler à tous la conviction dont il était lui-même personnellement animé. La « tessitura » très tendue de la plupart des rôles d'Iphigénie en rend l'exécution difficile et quelquefois dangereuse.
Celui de la prêtresse surtout implique des qualités de charme et d'endurance assez malaisées. Mme Jacques Isnardon y fut très belle de geste et d'accent.
Sa voix si pure traduisit merveilleusement la douce tendresse de la fille d'Agamemnon. M. Léon Beyle a dit avec une rare distinction et un charme envahissant toute l'exquise partie de Pylade, et la vibrante voix de M. Ghasne sonne en belle puissance pathétique dans le rôle tourmenté d'Oreste.
M. Alard évite avec soin le périlleux casse-cou du personnage ingrat de Thoas. Quant aux chœurs
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de femmes, ils sont d'une musicalité délicieuse ; c'est miracle, positivement, d'avoir ainsi assoupli ces voix, généralement criardes et si souvent acidulées. L'orchestre est supérieur, d'exécution irréprochable.
25 AVRIL. — Rentrée applaudie de Mlle Trouhanowa dans le ballet de Djali, que l'on donne avec la Lépreuse.
26 AVRIL. — M. David Devriès chante pour la première fois le rôle de Mario Cavaradossi dans la Tosca.
29 AVRIL. — Mlle Visconti débute dans la Tosca et y obtient un succès que partagent, d'ailleurs, MM. Marcelin et Boulogne. La Navarraise, où se font applaudir Mlle Mathieu-Lutz, MM. Palier et Azéma complète le spectacle.
IER MAI. — Reprise du Rêve, drame lyrique en quatre actes, poème de Louis Gallet, d'après le roman d'Emile Zola, musique de M. Alfred Bruneau1. — C'est le 18 juin 1891 qu'apparut pour la première fois la belle œuvre de M. Bruneau.
Et de cette brillante soirée se dégageait une haute impression artistique. « La critique, nous a dit depuis le compositeur, prenait texte de cette repré-
1. DISTRIBUTION. — Félicien, M. Devriès. — Jean d'Hautecœurr M. Albers. — Hubert, M. Vieuille. — Angélique, Mlle Marthe Chenal.- Hubertine, Mil, Brohly. — Deux enfants de chœur, M"" Jointel et Carrière.
L'orchestre sous la direction de M. Paul Vidal.
Le 1C mai, Mlle Chenal avait chanté avec son art magnifique le premier acte du Rêve, lorsqu'elle se sentit indisposée et dut renoncer à continuer la représentation. Elle fut aussitôt remplacée par Nille Brunlet, la gracieuse créatrice de Céleste, à qui incombait la lourde tâche de ?
succéder à M"e Chenal et qui sut s'en acquitter fort bien.
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sentation pour poser à nouveau l'éternelle question de savoir si l'art doit s'immobiliser dans la routine ou aller franchement de l'avant. Moi, j'étais aussi heureux qu'étonné de l'honneur que l'on me faisait.
J'avais écrit ma partition avec une entière bonne foi, ne cherchant qu'à y mettre le plus de vérité possible, et je m'étais passionné pour le sujet de mon drame précisément parce qu'il m'imposait un si grand souci de la vérité. Les personnages, personnages contemporains, aimant, souffrant comme vous et moi, me semblaient merveilleusement choisis pour traduire mes propres sensations, puisque, je le répète, je ne voulais uniquement, purement et simplement, que dire la vérité.
Cependant, je n'ignorais pas que, au théâtre lyrique, il faut l'idéal à côté de la réalité. N'en est-il pas exactement ainsi, d'ailleurs, en l'existence quotidienne, et à chaque instant notre esprit et notre cœur ne s'élancent-ils pas vers l'au-delà ? »
Sans concession au succès facile, M. Alfred Bruneau a écrit là une partition originale où le drame va palpitant de l'idylle à la passion brûlante et à l'émotion religieuse, où abondent les pages profondément humaines et réelles comme le tableau de la procession, la scène entre Félicien et son père, le miracle de l'Extrême-Onction. Aujourd'hui comme autrefois, nous fûmes heureux d'admirer et d'applaudir sans réserve la hardiesse, la personnalité, la vérité de ce noble ouvrage. La direction de MM. Gheusi et Isola lui a donné la belle interprétation qu'il méritait. Mlle Marthe Chenal a su exprimer d'une voix chaude et solide,
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d'un jeu plein de grâce et de naturel, le charme original, la rêverie mystique, l'ardente passion, la piété extatique d'Angélique. Nous n'avions, autour d'elle, qu'à adresser les plus vifs éloges à MM. Henry Albers, David Devriès et Vieuille, à Mlle Brohly - à M. Paul Vidal, dont l'orchestre faisait merveille. Et nous pensions bien qu'après une si triomphante rentrée, le Rêve allait prendre, cette fois, définitivement place au répertoire de l'Opéra-Comique.
15 MAI. — Première représentation de Maroiij, savetier du Caire, opéra-comique en cinq actes, d'après les Mille et une Nuits, traduction du docteur Mardrus, poème de M. Lucien Népoty, musique de M. Henri Rabaud 1. — Prix de Rome de 1894, M. Henri Rabaud se fit d'abord connaître par la Procession Nocturne, applaudie au concert, et par deux symphonies : la première, composée à une époque où son auteur était encore élève au Conservatoire, fut exécutée avec un notable succès à l'ancienne salle d'Harcourt ; la seconde, écrite à la
1. DISTRIBUTION. — La Princesse, Mil. Davelli. — Fattoumah la Calamiteuse, Mil. Tiphaine. — Marouf, M. Jean Périer. — Le Sultan du Khaitan, M. Vieuille. — Le Vizir, M. Delvoye. — Ali, M. Vigneau. Le Fellah, M. M. Mesmaecker. — Le pâtissier Ahmad, M. Azéma. -
1er marchand, M. Cazeneuve. — 2e marchand, M. Audouin. — Le Kadi, M. Payan. - Le chef des marins et un muezzin, M. de Creus. - Un mamelouk, M. Reymond. — Un muezzin, M. Thibaud. - Un mamelouk, M. Brun. — Un homme de police, M. Deloger. — Un homme de police, M. Corbière.
Au 3. acte, divertissement réglé par ]\fOie Mariquita, et dansé par Mlle Sonia Pavloff, M. R. Quinault, Mlles Dugué, Luparia, Germaine Sallandri et le corps de ballet de l'Opéra-Comique.
Décoration de M. Lucien Jusseaume.
Orchestre sous la direction ae M. Franz Ruhlmann.
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Villa Médicis, constitua le deuxième envoi réglementaire auquel sont soumis les lauréats de l'institut. L'œuvre était considérable. Solidement bâtie,
pleine d'idées, elle annonçait, en dépit des influences que certains maîtres pouvaient exercer sur M. Henri Rabaud, un exceptionnel tempérament de musicien. Il y avait là, nous nous en souvenons, une finesse, une générosité d'accents auxquelles ne s'étaient trompés ni le public, ni la critique.
Artiste sérieux et sincère, M. Henri Rabaud, malgré sa jeunesse, jouissait auprès de ses camarades d'un prestige véritable. Il était de ceux qui avaient déjà assez produit pour qu'on pût attendre d'eux eaucoup encore, et l'on devait prévoir que dans les combats de l'avenir, il serait, pour la défense de l'Art français, un des plus fermes champions.
La pure et sévère partition de la Fille de Roland, ne forme purement classique, à la Haendel — on a qualifia d'oratorio dramatique — réalisa glorieusement les espoirs qu'on avait mis en M. Henri Rabaud : elle plaça le jeune compositeur hors de pair. Il y avait, dans cette première œuvre théâtrale, assez de réelles beautés pour faire de ce noble début une sorte de coup de maître. Voici, maintenant, à dix ans de distance — M. Rabaud n'encombre pas les théâtres et se contente d'être un de nos meilleurs chefs d'orchestre de l'Opéra- oici, dans le genre gai, qui a bien son prix, n'estil pas vrai ? voici, de tenue parfaite, un ouvrage gracieux et spirituel, délicat et joli, plein de grâce rt de distinction. Marouf, savetier du Caire, avait tout pour nous plaire et nous a plu infiniment. Un
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gros succès en a tout de suite accueilli le livret et la musique, une musique exquise, « à la Rameau» : l'éloge n'est pas milice, et je crois que M. Rabaud peut aisément s'en contenter. C'est de la très savoureuse traduction des Mille et une Nuits du docteur Mardrus que M. Lucien Népoty, l'auteur applaudi des Petits, a tiré la pièce que voici: « Un pauvre savetier du Caire, nommé Marouf, a une femme calamiteuse — ô combien ! Nous le voyons, au premier acte, confier ses peines au pâtissier, son voisin, qui n'en peut mais. La mégère survient, et comme Marouf lui offre un gâteau au sucre de canne, et non au miel d'abeilles, ainsi qu'elle l'avait demandé, elle entre en fureur, ameute le quartier et fipalement va se plaindre au cadi que son mari l'a battue. Le cadi arrive, fait gravement son enquête et condamne Marouf à cinquante coups de bâton qui lui sont administrés séance tenante. Marouf, laissé seul, se lamente et frotte son dos. Des marins passent ; il s'embarquera avec eux, à la recherche d'un pays où les maris ne soient pas esclaves, ni les innocents persécutés. Au deuxième acte, le vaisseau a fait naufrage. Marouf, que le hasard protège, échappe seul, et retrouve dans le port où on le recueille un ami d'enfance, Ali, devenu riche marchand. Ali imagine de faire passer Marouf pour un marchand plus riche encore, le plus riche du monde, venu là pour attendre une caravane ; le sultan lui fera les avances, toutes les avances nécessaires à ses générosités. C'est en vain que le vizir fait observer l'embarras du trésor. Qu'importe, puisqu'une
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caravane merveilleuse en comblera le déficit ! Le sultan est à ce point séduit par son hôte qu'il lui donne sa fille en mariage. Tel est le troisième acte. Mais la caravane n'arrive toujours pas.
Pressé de questions, Marouf finit par avouer la fraude à la princesse dont il est devenu le mari.
Celle-ci ne lui en tient nulle rigueur. Marouf doit fuir : elle l'accompagnera sous un travesti masculin qui émerveille, non sans motif, les gardes du palais. Les deux fugitifs sont traqués par l'armée du sultan. Pour obtenir le gîte et un plat de lentilles, Marouf laboure pour le compte d'un fellah.
La charrue heurte un anneau. Une trappe se soulève: apparaît le roi des génies. Quand les gens du sultan se sont emparés de Marouf, et qu'auprès de son complice Ali, il est déjà lié, sous le cimeterre du bourreau, la caravane merveilleuse est signalée. Marouf est sauvé ! D'ailleurs, il n'avait jamais douté de sa chance. Et, comme lui, nous étions sûr que tout s'arrangerait, ainsi que cela doit être en un beau conte des Mille et une jVllits.
La partition de M. Henri Rabaud est une œuvre de très haute valeur, et l'auditoire a fait un accueil enthousiaste à cette musique claire, vivante, colorée, attrayante et puissante, depuis les premières mesures jusqu'au splendide chœur final.
Les deux triomphateurs de la soirée ont été M. Jean Périer qui, délicieux de malice et de naïveté, a fait de Marouf une superbe création, et Mlle Davelli, de jolie voix et de beauté rare, qui a chanté et joué délicieusement le rôle de la Princesse mariée au savetier « bluffeur ». A côté de ces deux
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artistes, nous n'aurons garde d'oublier Mlle Ti- phaine, l'épouse calamiteuse bientôt « semée » M. Vieuille, s'imposant, tendre et magnifique, dans le personnage du Sultan ; M. Delvoye, un vizir amusant ; M. Vigneau, à l'organe souple et sympathique. Le ballet fut la joie des yeux avec Mlle Sonia Pavloff et M. Robert Quinault. M. Ruhlmann dirige avec la plus sûre autorité les musiques étincelantes et poétiques de M. Rabaud, et M. Jusseaume a brossé des décors magnifiques où flamboie et s'irradie le soleil des ciels d'Orient.
17 MAI. — Mme Marguerite Sylva reparaissait dans le rôle de Carmen, où elle avait déjà remporté, il y a quelques années, un très vif succès.
Sa voix chaude et puissante, son type de beauté physique conforme à celui de l'héroïne et un véritable talent de comédienne lui valaient un éclatant succès.
20 MAI. — Dans Manon, rentrée de Mme Maria Kousnetzoff. Une salle enthousiaste faisait à la belle cantatrice une longue ovation.
26 MAI. — Dans Aphrodite, Mlle Lubin chantait pour la première fois le rôle de Bacchis qui lui valait un vif 'succès. Mlle Chenal était, une fois encore, l'émouvante Chrysis de M. Camille Erlanger. Mlle Sonia Pavloff dansait l'étrange et somptueux divertissement du troisième acte.
29 MAI. — Première représentation de La Péri, poème dansé, musique de M. Paul Dukas.
Mlle Trouhanowa joue le rôle de La Péri ; M. Quinault celui d'Iskender. L'orchestre est dirigé par M. Ruhlmann.
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31 MAI. — Dans la Tosca, donnée en matinée avec Mme Kousnetzoff, M. Saldou débute par le rôle de Mario où il fait apprécier de jolies qualités de chanteur et de comédien.
3 JUIN. — Matinée en l'honneur du bicentenaire de Gluck et de la venue à Paris du Congrès international de musique; on donne Alceste, deuxième tableau : Mme Félia Litvinne (Alceste), M. Ghasne (le Grand-Prêtre), M. Audouin (l'Oracle) ; Iphigénie en Tauride, premier acte : Mme Jacques Isnardon (Iphigénie), M. Allard (Thoas), M. de Creus (Pylade), M. Ghasne (Oreste), M. Ouinault (un Scythe), M. Reymond (un Scythe), quatre prêtresses : Mlles Vaultier, Tissier, Calas, Villette; danses réglées par Mme Mariquita ; Orphée (Les Champs-Elysées) : Mlle Brohly (Orphée), Mlle Tissier (Euridice), Mlle Calas (l'Ombre heureuse) ; danses réglées par Mme Mariquita. L'orchestre était dirigé par M. Paul Vidal. Le soir, Pelléas et ftfé/isande, de M. Claude Debussy, retrouvait son pathétique prestige. Un public enthousiaste acclamait M. Vanni Marcoux, profond et sensible Golaud ; M. Maguenat, remarquable Pelléas, et Mme Marguerite Carré, qui prêtait au personnage de Mélisande une grâce poétiquement évocatrice et douce. MM. Vieuille, Payan, Mlles Brohly et Carrière complétaient une exceptionnelle distribution.
M. Ruhlmann dirigeait l'orchestre avec son autorité accoutumée.
5 JUIN. — Rentrée de Mlle Lucienne Bréval dans Carmen. Mill Nelly Martyl, MM. Beyle et Boulo-
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gne entourent la grande artiste et partagent son succès.
7 JUIN. — Mlle Borel chante, en matinée, pour la première fois, dans Le Rêve, le rôle de la mère, et M. Audouin, également pour la première fois, le rôle du père. Mlle Marthe Chenal conserve, dans le chef-d'œuvre de M. Alfred Bruneau, le rôle d' Angélique, dont elle a fait une création inoubliable.
A la même représentation, Mlle Ixo débute dans le rôle de Santuzza, de Cavalleria rusticana.
8 JUIN. — Mlle Vorska chante pour la première fois le rôle de Louise dans l'œuvre de Gustave Charpentier.
9 JUIN. — Matinée au bénéfice de la caisse du personnel de l'Opéra-Comique avec le gracieux concours des artistes et des chœurs de la saison anglo-américaine dirigée au théâtre des ChampsElysées par M. Russel 1.
11 JUIN. — Mme Marie Delna reparaît dans Charlotte de Werther qu'elle a créé.
15 JUIN. — Mme Valandri rentre dans le rôle de
1. — Au programme: La Vie de Bohème, de M. Puccini, ainsi distribuée : Mimi, Mlle Nellie Melba. — Musetta, Mil. Marg. Bériza. —
Rodolfo, M. J.-M. Cormach. — Marcello, M. Mario Ancona. - Schaunard, M. Attilio Pulcini. — Colline, M. A. de Ségurola. - Benoit, Alcindore, M. Liugi Tavecchia. — Parpignol, M. G. Paltrinieri. —
Sergente del Doganieri, M. Alban Grand.
L'orchestre était dirigé par M. Hector Panizza.
Marouf, chœur tinal IS' acte), Le Vaisseau Fantôme, chœur des fileuses (2e acte), Le Roi d'Ys, ouverture et chœur (2e acte). L'orchestre et les chœurs de l'Opéra-Comique sous la direction de M. Franz Ruhlmann.
Le Ballet des Nations, de MOI' Mariquita, musique de M. Paul Vidal : M"" Trouhanowa, Sonia Pavloff, M. Quinault. L'orchestre dirigé par M. Paul Vidal.
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Manon, dont elle donne une émouvante interprétation.
18 JUIN. — Mlle Maggie Teyte se fait applaudir dans JJlignon.
20 JUIN. — On donne en matinée gratuite Philémon et Baucis et la Fille du Régiment. Le soir la reprise d'Alceste, de Gluck 1 avait lieu avec un éclat triomphal. Mme Félia Litvinne reparaissait devant le public de l'Opéra-Comique dans le rôle d'Alceste, dont elle avait fait une composition si haute, si puissante et si tragique. La grande cantatrice était acclamée, ainsi que M. Léon Beyle, admirable Admète ; M. Ghasne, imposant grandprêtre ; M. Allard, véhément Hercule. Au troisième tableau, les danses grecques, réglées avec un art infini par Mme Mariquita, étaient l'occasion d'un succès particulièrement vif pour Mlle Sonia Pavloff.
M. Paul Vidal dirigeait l'orchestre avec finesse et sensibilité. Ainsi se complétait heureusement le cycle de spectacles, organisé à l'occasion du bicentenaire de Gluck, et qui avait permis d'applaudir à la salle Favart, dans de superbes exécutions : Orphée, Iphigénie en Tauride, Alceste.
24 JUIN. — Miss May Peterson débutait brillamment dans Lakmé.
1. DISTRIBUTION. — Alceste, Im. Félia Litvinne. — Admète, M. Léon Beyle. — Le grand prêtre, M. Ghasne. — Hercule, M. Allard. —
Evandre, M. Cazeneuve. — Premier coryphée, Mlle Lowelly. — Deuxième coryphée, Mlle Villette. — Tanato, l'oracle, M. Audouin. — Le héraut, M. Azéma. — Premier coryphée, M. Donval. — Deuxième coryphée, M. Reymond. — Enfants d'Alceste, les petites Reynal. Au troisième tableau, danses grecques reconstituées et réglées par Mme Mariquita: Mil.. Sonia Pavloff, Andrée, Luparia, Pépita Collin. Orchestre dirigé par M. Paul Vidal.
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3o JUIN. — La saison était close par une superbe représentation de Marouf, savetier du Caire 1.
14 JUILLET. - En l'honneur de la Fête Nationale, on donne Werther en matinée gratuite. La Marseillaise est chantée par M. Ghasne et les chœurs de l'Opéra-Comique. L'orchestre est dirigé par M. Paul Vidal. Après quoi, c'était le long relâche imposé par la guerre. Par cas de force majeure, le théâtre ferma ses portes jusqu'au dimanche 6 décembre, où était affiché une première matinée 2.
Huit jours après, le 13 décembre, on reprenait la Vivandière, de Benjamin Godard, où JVlme Marie Delna reparaissait dans son émouvante création de
1. — Le ministre des beaux arts assistait à cette représentation et apprenait à M. Henri Rabaud qu'il était fait chevalier de la Légion d'honneur. Et, tous nous applaudissions à cette distinction spontanément accordée à un véritable quoique très modeste artiste, à un musicien de grand et beau talent, à l'auteur d'une jolie œuvre musicale vraiment française.
2. — Voici quel en était exactement le programme : Ouverture du Domino noir (Auber).
La Fille du Régiment (Donizetti), jouée et chantée par Mlle Tiphaine (Marie), M. Pasquier (Tonio), M. Azéma (Sulpice), Mesmaecker (Hortensius), Mmes Villette (la marquise) et Juliot (la duchesse).
Intermèdes : 1. Fragments de l'Attaque du Moulin (Alfred Bruneau), par M. Franz ; 2. Printemps nouveau (Paul Vidal), La Lettre du Jardi - nier (A. Bruneau), La Fée aux champs (G. Fauré), et fragments de Patrie (Paladilhe), par Mlle Marthe Chenal; 3. M. Théodore Botrel, chansonnier de l'armée, dans ses œuvres. Ballet des Nations (Paul Vidal), réglé par Mme Mariquita, dansé par Mlle Sonia Pavloff, M. Quinault, Mlle. Dupré, Pugné, Bugny, André, Tesseyre, Collin ; MM. Schkrabsty, Jaclied, Kasniroff, Khotler et Mlle Srob.
Chant du Départ, poésie de M.-J. Chénier, musique de-Méhul, par Mlles Borel (une mère), Brunlet (une épouse), Madeleine Mathieu (une jeune fille), Carrière (un petit tambour) ; MM. Boulogne (un officier), Ghasne (un soldat), Payan (un vieillard).
La Marseillaise, par Mlle Marthe Chenal.
L'orchestre sous la direction de M. Paul Vidal.
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Marion 1 et chantait la Marseillaise. Puis nous applaudissions, dans le Chant du Départ, de Méhul, les chœurs et l'orchestre vaillamment dirigés par M. Vidal. Le 10 décembre, M. de Max disait de beaux vers de Mme Daniel Lesueur : A nos Morts. Le 27 décembre, toujours en matinée, on donnnait Carmen 2 ; et le 31 décembre, c'était encore la Vivandière, le Chant du Départ et la Marseillaise, avec Mme Delna. Ces matinées à programmes patriotiques avaient si brillamment réussi que la direction allait tenter de reprendre aussi en janvier quelques-unes des soirées régulières de l'abonnement, les mardis, jeudis et samedis. Si les résultats de ce premier essai sont satisfaisants, la vie théâtrale reprendra peu à peu son cours normal et tout le personnel de l'OpéraComique, à qui déjà la direction abandonne entièrement la subvention de l'Etat, sera à l'abri du chômage et de la détresse.
1. — Mlle Lucy Vauthrin (Jeanne), MM. Jean Périer(capitaine Bernard), Allard (sergent La Balafre), Ghasne, Paillard, Mesmaëckeret Belhomme étaient les partenaires de Mme Delna.
2. DISTRIBUTION. — Carmen, Mlle Marthe Chenal. - Micaëla, Mme Mathieu Lutz. — Mercedes, Mme Billa-Azéma. - Frasquita, Mlle Calas. — Don José, M. Fontaine. — Escamillo, M. Boulogne. —
Le Dancaïre, M. Belhomme. — Le Remendado, M. Donval. — Zuniga, 1\1. Payan. — Morales, M. Andral.
Et Mlle Sonia Pavlort dans le ballet du deuxième acte.
Le spectacle était terminé par Le Chant du Départ.
L'orchestre sous la direction de M. Paul Vidal.
TABL¡':AU
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DATE NOMBRE NOMBRE de la dl' Ira représ. reprirent., d'actes ou dl' la pendant reprise l'année
Manon, drame lyrique. 3 H S3 Les Contes d'Hoffmann, opéra fantastiq. 5 » 13 Carmen, opéra-comique 4 » Madame Butterfly, tragédie japonaise.. 3 » n La Vie de Bohème, comédie lyrique. 4 » Í Cavalleria Rusticana, drame lyrique. 2 » 22 Werther, drame lyrique 4 a. 5 t. » 22 Le Mariage de Télémaque, comédie lyrique. 3 a. 5 t. » 3 La Tosca, drame lyrique. 3 » 20 Il était une Bergère, conte mélodique. 1 » 4 Mignon, opéra-comique 3 a. 4 t. I » 5 *La Vie brère, drame lyrique 2 a. 4t. (i janv. 8 *Francesca da Rimini, drame 3 tabl. jaiiv. 7 Aphrodite, pièce musicale 6 tabl. j » Í Cigale, ballet.,. 1 » 1 Le Jongleur de Notre-Dame, miracle. 3 J » 3 Le Voile du bonheur, comédie lyrique 2 » 3 Lahmé, opéra-comique 3 » 9 La Navarraise, drame lyrique. 2 » 11 La Traviala, opéra 4 » 2 Le Chalet, opéra-comique 1 » G Le Maître de Chapelle, opéra -comique.. 1 » 1 Louise, roman musical. 4 a. 5 t. » IS La Légende du Point d'Argentan, pièce 1 » Li Les Lucioles, divertissement. i » li La Fille du Régiment, opéra-comique 2 » 3 *La Marchande d'Allumettes, conte lyriq. 3 25 fëvr. 3 Les Noces de Jeannette, opéra-comique. 1 » 9 Orphée, drame lyrique. 4 » 4 Djali, ballet.,. 1 » 9 La Dame Blanche, opéra-comique 3 » G La Lépreuse, tragédie légendaire. 3 » 2 Le Barbier de Séville, opéra-bouffe 4 » 5 Iphigénie en Tauride, drame lyrique 3 20 avril 7 Le Rêve, drame lyrique. 4 1er mai 4 Marouf, savetier du Caire, opéra-comiq. 5 15 mai 11 La Péri, poème dansé 1 2'J mai 15 Pelléas et Mélisande, drame lyrique. 5 » 2 Alceste, drame lyrique 3 J 20 juin 4 Ballet des Nations 1 lOdéc. 1 La Vivandière, opéra-comique 3 13 dèc. 2 Philémon et Baucis, opéra-comique 2 1 » 3.
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1915
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A partir de janvier 1915, l'Opéra-Comique augmentait le nombre de ses représentations en ouvrant ses portes le samedi soir. Le 7 janvier, Manon reparut sur l'affiche. Le 6 février, Thérèse, de Massenet, fut jouée par Mme Arbell, MM. Boulogne, Fontaine et Belhomme. Le même jour, on reprenait me œuvre charmante de M. Henri Maréchal, les \moureux de Catherine. Nous y applaudissions a regrettée Mme Vorska, Mlle Vauthier, MM. Pailard et Féraud de Saint-Pol. Le 21, Mme VallinPardo chantait Mignon. Le 28, reprise de Lakmé avec Mille Nicot-Vauchelet. Le 7 mars, première représentation des Soldats de France, épisode yrique, scénario de M. Gheusi, adaptation musiale de M. Paul Vidal. Dans cet épisode, Sambreit-Mense, le célèbre pas redoublé de Planquette, e Chant du Départ, le Salut au drapeau et la Marseillaise, où Mlle Chenal se taillait un succès des plus mérités, mêlèrent leurs accents glorieux et farouches à une grandiose mise en scène. Les Soldats de France furent interprétés par Mmes Chenal, Brunlet, Borel, Carrière, Mathieu et par MM. Boulogne, Payan et Ghasne. Le 14, on donnait Paillasse. Le 25, les Noces de Jeannette faisaient affiche avec les Scènes Alsaciennes, de Masscnet, suivies du divertissement des Rosati, du même auteur. L'adaptation des Scènes Alsaciennes était due à M. Archainbaud ; le divertissement avait été réglé par Mme Mariquita. Au dénouement, Mme Lara
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du Théâtre-Français, récitait une pièce de vers de M. Truffier. Le 8 avril, reprise de Louise, avec MIlle Edvina et M. Albers. Le 10, Mlle Chenal chante en travesti le rôle de Jean, du Jongleur de Notre-Dame 1. Le 2 mai, reprise de Marouf, savetier du Caire, de M. Henri Rabaud, sous la direction de l'auteur, avec Mlle Davelli, MM. Périer, Azéma, Féraud de Saint-Pol, Audouin et Bcrthaud. Le 6, Cavalieria Rusticana. Le 13, première représentation de Sur le Front, épisode lyrique de
M. Gheusi, adaptation de M. Paul Vidal. M. Albers chante, pour la première fois, La Française, de M. Camille Saint-Saëns, poème de M. Zamacoïs. Le io, reprise du Chemineau, de M. Xavier Leroux, sous la direction de l'auteur avec Mme Delna, MM. Dufranne, Périer, De Creus et Huberty. A partir du 23 mai, le théâtre joue le dimanche soir, ce qui porte le nombre des représentations à quatre par semaine. Le 12 juin, reprise de Fortunio, de M. André Messager, sous la direction de l'auteur.
Mme André Valli joue en travesti le rôle de Fortunio, que M. Francell avait créé, et Mme Vorska, dont nous avons eu depuis à déplorer la mort,
1. — Le 10 avril, cette note de la direction était affichée au foyer des artistes : « Mes amis, » Le Colonel du 46e m'écrit que notre camarade Cazeneuve vient d'être tué. « J'ai tenu, me dit-il, à vous faire part de la mort de ce brave, que j'aimais beaucoup. Engagé à cinquante-quatre ans, pour la durée de la guerre, avec son fils, cycliste au même régiment, il avait gagné tous ses grades au feu, de caporal à adjudant. J'allais le faire nommer sous-lieutenant. »
» Au nom de l'Opéra-Comique, j'ai prié le colonel de saluer pour nous la tombe de Cazeneuve et de lui adresser notre adieu. Nous admirions son talent, qui honorait l'Opéra-Comique ; nous sommes fiers de sa mort glorieuse, face à l'ennemi. »
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hante pour la première et dernière fois le rôle de Jacqueline, précédemment interprété par Mrne Marguerite Carré.
20 JUIN. — Début dans Mignon de Mlle Edmée Favart. Ce nom de Favart est de ceux dont l'OpéraComique a eu à s'enorgueillir au dix-huitième siècle; la tradition continuera au vingtième.
Mlle Edmée Favart est toute mignonne et sa voix a un volume très étendu ; mais elle n'a pas que de la voix, elle sait s'en servir à souhait; son art est impeccable, la diction précise, le jeu intelligent et expressif. Mlle Favart a été applaudie depuis le commencement jusqu'à la fin de la soirée. Ce n'était pas un début, on aurait pu croire à une rentrée, tant il y avait de sécurité dans cette première apparition.
21 JUIN. — Mlle Nelly Martyl interprétait le rôle de Manon avec un charme juvénile et un art vocal qui valaient à la délicieuse cantatrice les ovations d'un public ravi.
En juillet, les représentations du samedi soir furent supprimées. Le 14 juillet, Cavalleria Rusticana, Mignon et la Marseillaise. La direction se décidait alors à ne pas interrompre ses représentations pendant la saison d'été. Durant cette exploitation exceptionnelle, une recette importante allait faire défaut, celle de l'abonnement. On put y remédier grâce aux sacrifices consentis par les artistes, qui acceptèrent la réduction de leurs' cachets. Le 27 juillet, Gala Léoncavallo, donné au bénéfice de l'Œuvre Fraternelle des Artistes. Au programme, Paillasse, de M. Léoncavallo, sous la
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direction de l'auteur, Les Soldats de France et le Ballet des Nations, de M. Paul Vidal. Le 29, M. Léoncavallo dirige de nouveau Paillasse. Le 1er août, après une matinée des plus brillantes, où Mlles Brunlet et Borel, MM. Fontaine et Albers avaient fait acclamer Louise, on donnait, le soir, devant une salle comble, Manon avec une interprète nouvelle, Mme Vallin-Pardo. La jeune artiste, dont la voix, le style et l'art musical étaient déjà si hautement appréciés du public et des musiciens, se classait d'emblée au premier rang des meilleures Manons de l'Opéra-Comique. Des ovations enthou- siastes saluaient en elle une des plus vibrantes et des plus expressives interprètes de Massenet.
Le 12 août, la matinée se terminait comme de coutume, avec la Marseillaise, chantée par M. Albers. Le public et les artistes faisaient une ovation au jeune chef d'orchestre, M. Albert vVolff, qui, de passage à Paris et revenant du front, oÙ il avait vaillamment conquis la croix de guerre et la croix de Saint-Georges, avait spontanément accepté de monter au pupitre. Les acclamations émues de toute la salle l'accueillaient chaleureusement. Le 15 août, dans Carmen, que personnifiait Mlle Brohly, M. Darmel, du théâtre de la Monnaie, faisait son premier début par le rôle de don José.
Le 29 août, Mlle Suzanne Cesbron chantait Louise pour la première fois ; son éclatante musicalité lui valait, ainsi qu'à ses partenaires, MM. Fontaine et Albers, Mlle Borel, les ovations du public. Cependant Mlle Berthe César s'était fait applaudir dans Lakmé, et M. Albers, puis Mlle Brohly disaient tour à tour la Marseillaise.
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23 SEPTEMBRE. — Reprise, en matinée, de Werther. L'œuvre de Massenet, qui n'a pas été donnée depuis là guerre, est chantée par Mlle Brohly, MM. Fontaine, Ghasne, Azéma et Mlle Carrière.
26 SEPTEMBRE. — Carmen est donnée en matinée, interprétée par Mmes Germaine Bailac et VallinPardo, MM. Darmel, Alard et Mlle Sonia Pavloff 19 OCTOBRE. — Un « malentendu douloureux » avait pu faire croire aux sympathies germaniques du maëstro Puccini ; cette erreur était heureusement dissipée, et, au profit des œuvres de guerre italiennes et françaises, on reprenait la Tosca, qui servait de belle rentrée à Mlle Marthe Chenal, en même temps qu'on donnait, avec Mlle Berthe César, un acte de la Traviata et le premier acte de Paillasse, avec Mlle Brunlet, MM. Fontaine et Albers.
21 OCTOBRE. La Tosca était, cette fois, jouée par Mlle Davelli, et valait à la charmante artiste une ovation méritée.
21 NOVEMBRE. — La Vie de Bohème est chantée par Mlle Edmée Favart (rôle de Mimi), Mlle Tiphaine, lM. Edmond Clément, Jean Périer, Alard et Vaurs 1.
1. - - M. P.-B. Gheusi avait été mis en demeure de choisir entre ses fonctions civiles de directeur de l'Opéra-Comique et les fonctions militaires qu'il remplissait auprès du gouverneur de Paris. «Je n'ai pas quitté Paris et les environs depuis seize mois, écrivait-il. Territorial à l'armée de Paris depuis quinze ans, j'y ai, avant et après la mobilisation, servi modestement, mais de mon mieux. Aujourdhui, mon âge et mon ffectation dans les bureaux me font un devoir plus impérieux de me ouer surtout à mes fonctions civiles : la vie artistique de Paris, celle es mille tributaires qui vivent directement de l'Opéra-Comique — c'est ncore de la défense nationale ! Le ministre m'a donne le choix ; j'ai opté depuis longtemps pour le rôle olliciel où, plus actif, je rendrai certainement de meilleurs services. »
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Le 6 décembre, avait lieu une émouvante cérémonie : dans la plus stricte intimité, le personnel et les artistes de la maison célébraient l'anniversaire de la réouverture de l'Opéra-Comique pendanl la guerre et glorifiaient la mort de dix pensionnaires tués à l'ennemi. M. Dalimier, sous-secrétaire d'Etat aux beaux-arts, présidait cette réunion poignante.
Les familles des morts, groupées autour du tableau symbolique de Carlos Schowb, offert par l'Etat, et les quatre cents tributaires directs de la maison étaient réunis sur la scène; MM. Gheusi et Isola entouraient le ministre, qui improvisait au milieu de l'émotion de tous, un éloquent discours, où l'histoire éclatante de l'Opéra-Comique pendant le guerre et le rôle généreux de ce théâtre depuis la mobilisation étaient admirablement mis en relief.
M. Gheusi répondait, au nom de tous, en quelques paroles cordiales, évoquant les souvenirs et les traditions françaises de l'Opéra-Comique ; son allocution familière mettait des larmes dans les yeux de tous, et la Marseillaise, chantée en chœui par toute l'assistance, terminait dans un enthousiasme unanime la très simple et très noble cérémonie'.
1. - Depuis le début des hostilités. l'Opéra-Comique a versé un million et demi de salaires, de subventions, de droits et de traitements, donné 166 représentations avec 28 ouvrages français et i italiens, versé 120.000 francs à l'Assistance publique, 80.000 francs aux œuvres de guerre. Le personnel de l'Opéra-Comique comprend encore 48 artistes femmes, 39 hommes, 85 artistes des chœurs, 65 musiciens d'orchestre, 50 artistes de la danse, 145 figurants, 30 employés de scène et 26 fonctionnaires de l'administration, 60 ouvreuses, 36 ouvriers et ouvrières des ateliers et 79 auxiliaires divers. Parmi les 131 mobilisés de l'OpéraComique, 10 ont été tués et 1-9 blessés.
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23 DÉCEMBRE. — Après plusieurs années d'absence, Mlle Mary Carden faisait à l'Opéra-Comique une éclatante rentrée dans la Tosca, où elle recueillait de longues ovations. MM. Jean Périer (Scarpia) et M. Fontaine (Mario) étaient associés à son grand succès. — Après la Tosca, Mlle Garden se fait acclamer ensuite dans Louise de M. Gustave Charpentier.
25 DÉCEMBRE. — En matinée, première représentation des Cadeaux de Noël, conte héroïque de M. Emile Fabre, musique de M. Xavier Leroux.
La distribution de ce petit ouvrage — un poignant épisode de guerre dans un de nos villages envahis — réunissait les noms de Mmes Vallin-Pardo, Calas, Saïman, Carrière et de M. Albers. M. Paul Vidal conduisait l'orchestre. Un joli décor de neige dans les ruines, signé Bailly, encadrait avec un saisissant réalisme l'émouvant drame, très minutieusement mis en scène par M. Gheusi. Dans Werther, qui ouvrait la matinée, Mme Croiza s'était affirmée, une admirable et pathétique Charlotte. M. Darmel se faisait applaudir dans le rôle de Werther.
r 1 TABLEAU.
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DATE NOMBRE NOMBRE de la de lro représ. représent d'actes ou de la pendant reprise l'année
(Carmen, opéra-comique 4 » 28 La Fille du Régiment, opéra-comique. 2 » 1 » Le Ballet des Nations > » 7 Manon, drame lyrique. 3 » 27 La Vivandière, opéra-comique 3 » 5 Thérèse, drame musical. 2 G février 2 Les Amoureux de Cather'ine, opéracomique 1 » 12 Lahmé, opéra-comique 3 » 17 lJfignon, opéra-comique 3 a. 4 t. » 15 *Les Soldats de France, épisode lyrique. 1 7 mars 20 Paillasse, drame lyrique. 2 11 mars 11 * Scènes Alsaciennes 18 mars 6 Louise, roman niusilzal i a. 5 t. » 11 Les Noces de Jeannette, opéra-comique.. 1 » 5 Le Jongleur de Notre-Dame, miracle. 3 » 13
Cavalleria Rusticana, drame lyrique. 2 » 15 Marouf, savetier du Caire, opéra-comiq. 5 2 mai 6 *Sur le Front, épisode lyrque. 1 9 mai 17 Le Chemineau, drame lyrique..- 4 » 3 Forwnio, opéra-comique. 4 12 juin 2 Werther, drame lyrique 4 a. 5 t. 23 sept. 9 Le Barbier de Séville, opéra-bouffe. -1 » 1 La yosca, drame lyrique. 3 .» 7 Les Rendez-vous bourgeois, opéra-corniq. 1 » 4 La Vie de Bohême, comédie-lyrique 4 » 2 * Les Cadeaux de Noël, conte héroïque. 1 25 déc. 1
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THÉATRE NATIONAL DE L'ODÉON (SECOND THÉÂTRE FRANÇAIS)
L'Odéon, qui, le 15 janvier, fêtait l'anniversaire de Molière avec le Malade imaginaire et la Cérémonie avait, ce même jour, donné, en matinée, le Guillaume Tell1 de Schiller, en une belle traduction de M. Emile Vedel. Puis le succès des matinées consacrées aux « anciens vaudevilles à couplets » décidait M. Antoine à donner une série de représentations du soir (27 janvier) ressuscitant les chefs-d'œuvre de l'ancien répertoire. Et nous vîmes ainsi à notre plus grande joie les Vieux Péchés, de Mélesville et Dumanoir, Michel Perrin, de Mélesville et Duveyrier, et Y Homme n'est pas parfa*it, de Lambert Thiboust et Théodore Barrière.
Ce fut à la fois charmant et désuet. De ces pièces
1. DISTRJBUTIOX.- Hedwige, :'IIlIe Kerwich.- Bertha, Mlle Guintini.- Armgardt, 1\111. Méthivier. — Gertrude, Mlle Neith Blanc. — Jeuni, NlilMad. André. — Hildegarde, M"e Barsange. — Walter Tell, Mlle Mona Gondré. — Guillaume, la petite Berthe d' Yd. — Guillaume Tell, M. Desjardins. — Roeselmann, M. Desfontaines. — Gessler M. Grétillat. — Walther Furst, M. Denis d'Inès. — Stauffacher: M. Chambreuil. — Melchtal, M. Hervé. - Ruodi, M. Coste. — Stussi, ,M. Jean d'Yd. — Baumgarten, M. Desmoulins. — Reding, M. Mathil10p. - Attinghausen, M. Durozat. — Ulrich de Rudenz, M. RollaNorman. — Freishardt, M. R. Faure. — Seppi, M. Berlin. — Kuoni, M. Deroigny. — Winkelried, M. Varny. — Leuthold, M. Debray. —
Werni, M. Berley. — Chef de corvée, M. Finaly. — Weiler Meier, M. Delaître. — Premier compagnon, M. Worms.
1 Conférence de M. Henry Bidou.
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honnêtes, de psychologie simple et de si bel agencement, s'exhalait un parfum du temps jadis que soulignaient les modes disparues — et tout cela n'était pas fait pour nous déplaire. De temps en temps, en un endroit plaisant ou pathétique, un acteur s'élançait vers la rampe, et « disait » d'une voix charmante et convaincue le « couplet » sans lequel il n'était pas autrefois de bonne comédie sentimentale. C'est ainsi qu'aux accompagnements d'un orchestre grêle et presque falot, M. Chambreuil, délaissant la sombre tragédie pour le comique « en dehors » du fort de la halle Michon, nous restituait le célèbre: « V'la c'que c'est. V'là c'que c'est. Fallait pas qu'y aille! C'est bien fait! ». et que les larmes dans sa voix ne nous parurent pas ridicules. et que nous pensions sincèrement : « Qui sait ? Le succès de l" Homme n'est pas parfait a dû peut-être son éclat à ces deux couplets. » En somme, le côté vieillot de ces vaudevilles s'accuse surtout par l'emploi de « timbres » issus tous de la Clef du Caveau. Qu'étaient ces pièces sinon une sorte d'avant-garde de l'opérette ? Ici l'apport musical est plus discret, voilà tout, et point n'était besoin de chanteurs à voix. On y gagnait en jeu et en diction. Aussi M. Chambreuil, déjà nommé, M. Bertin, délicieux en pàtissier amoureux, M. Denis d'Inès qui dans le rôle de Boirot créé par M. Grenier, avait l'air, en dansant le cancan, de se réjouir de sa prochaine entrée à la Comédie-Française, et Mlle Allems, à la voix si nette, au jeu si franc, au sourire si gai - enfin M. Desjardins qui joua et fredonna mais-
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tralement le rôle exquis de Michel Perrin, furent- ils applaudis furieusement par les spectateurs ravis. On avait commencé par les Vieux Péchés, et l'histoire parut charmante de cette jeune douairière retrouvant dans le maire du village un
ancien danseur qui l'avait conquise, ma foi, tout entière. Et la réputation de la femme ne sera pas quand même compromise : mieux vaut conserver pieusement un beau souvenir d'amour. Interprétation de Mmes Barsange et Molina, deMM. Bertin et Denis d'Inès. Michel Perrin nous parut un fin régal. Les deux actes en furent chaleureusement accueillis. La pièce est un modèle de construction habile. Cela donne vraiment à réfléchir : ce serait si bon de revenir à la mode des pièces bien faites !
L'aventure de ce brave homme de curé qui passe pour faire partie de la police secrète, et, sans le savoir, sauve la France et empêche Bonaparte d'être assassiné, rappelle un peu la tendre silhouette de l'abbé Constantin. Desjardins, je le répète, y fut remarquable. Le rôle avait été créé par Bouffée qui s'y montrait de premier ordre, mélangeant à ravir le comique bon enfant et la sensibilité. Il le reprit peu de temps avant sa mort au théâtre du Gymnase, où il jouait également un célèbre vaudeville sentimental, Pauvre Jacques.
Nous l'y avons vu alors : bien qu'atteint d'un tremblement sénile, il y remportait un succès triomphal. Desjardins n'avait pas à l'imiter. Il s'y montra personnel et, par son jeu sobre et sincère, conquit la faveur de tous. On allait à l'Odéon.
N'était-il pas bon, une fois par hasard,. d'applaudir
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un spectacle qui se trouvait- ne pas être « très parisien » ?
31 JANVIER. — Mme Aimée Tessandier reparaît dans Rose Mamaï de l'Arlésienne. M. Vilbert tient, dans l'œuvre d'Alphonse Daudet et Georges Bizet, le rôle du patron , Marc.
11 FÉVRIER. - Première représentation de Le Bourgeois aux champs, pièce en trois actes de M. Brieux1. — Comédie de caractère, ou comédie de mœurs, ou comédie sociale, le Bourgeois aux champs s'approche de la grande comédie, et je pense que M. Brieux ne nous en voudra pas de lui dire, qu'en l'écoutant nous avons plus d'une fois songé à Molière et à son Bourgeois gentilhomme. Depuis le premier acte, qui était une manière de chef-d'œuvre, jusqu'au dernier, où se trouvait une charmante scène d'amour, d'une touche très franche et d'un tour très ingénieux, on était constamment intéressé par la nouvelle œuvre de l'auteur de Blanchette. Le Bourgeois dépeint par M. Brieux se nomme Coca-
1. DISTRIBUTION. — Fernande, Mlle Andrée Mèry. — Mme Cocatrix, Mite Peuget. — Mme Pontier, M"6 J. Boyer (en représentations). —
Clémentine, Mil. Méthivier. — Mille Huchet, Mlle Barsange. - Mme Berville, Mlle Demeler. — Marguerite Berville, Mlle Mirât. - Sophie, Mme Delmas. — Cocatrix, M. Vilbert (en représentations). - Le pére Trapu, M. Denis d'Inès.- Le Parisien, M. Coste. — Biriot, M. Jean d'Yd. — Victor Maillard, M. Hervé. — Le comte, M. Chambreuil. — Le garde, M. Mathillon. — Raoul, M. Fauré. — Loreux, M. Dervigny. —
Le facteur, M. Durozat. — Girard, M. Desmoulins. — Maugret, M. Ducollet. — Berville, M. Berley. — Gudeliat, M. Delaître. — Un employé, M. Ougier. — Joseph, M. Finaly.
On commençait par : le Seul Rêve, aimable comédie en un acte, en vers, de M. Henry Grawitz : M. Bertin, Geoffroy Rudel ; M. Rolla Norman, le troubadour; Mlle Briey, la princesse Guillemette ; Mlle Molina, Laure.
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trix. Il a cinquante ans, et après une carrière fort honorable au Palais, il songe à se retirer à la campagne pour se consacrer à l'agriculture et à l'élevage. il a son idée fixe: régner aux champs comme un roi bienfaisant et débonnaire ; améliorer le sort des paysans, les civiliser; cultiver leur Ùmc, en même temps qu'ils cultiveront, eux, leurs champs et selon les méthodes nouvelles que Cocatrix possède à fond. Car, tout comme ses grands ancêtres-, Bouvard et Pécuchet, le Bourgeois s'est plongé dans les livres, et des idées humanitaires, voire socialistes, l'agitent, en dépit de sa fortune et du milieu où il vit. Ces idées il entend les mettre en pratique. Aussi nous le voyons, au début de la pièce, embaucher un certain Victor Maillard, jeune électricien-mécanicien condamné à quelques mois de prison lors d'une récente grève, et proclamer devant ce Maillard que la condition d'ouvrier prolétaire est la plus belle de toutes, la plus noble, et qu'un prolétaire est son égal à lui, Cocatrix. Et. et ses contradictions vont bientôt nous réjouir. L'excellent Cocatrix, en déclarant qu'il est socialiste, et ami du peuple, se figure avoir changé sa propre personnalité, alors qu'il n'est toujours au fond qu'un bourgeois enrichi, un patron imbu de tous les préjugés inhérents à sa situation sociale. Au second acte, le Bourgeois vit aux champs depuis cinq ou six mois peut-être, et ce changement d'existence n'a certes pas donné tous les résultats souhaités. Les paysans font mille niches au nouveau maître qui les persécute de ses conseils, les assomme de ses bienfaits ; ils le
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soupçonnent, l'accusent de dissimuler des ambitions politiques. « Autrement, pourquoi se donnerait-il tant de mal ? » Et bientôt l'hostilité des paysans contre des maîtres trop indiscrètement bienveillants, trop lourdement humanitaires, s'affirme, se précise. La guerre éclate entre ceux du village etceux du château. Si bien que le bon Cocatrix recule, effaré, devant ces visages haineux qu'il espérait voir éclairés de confiance et de bonheur, grâce à lui. Il interroge âprement, désespérément, ses ennemis, et ceux-ci découvrent leurs âmes, leurs pauvres âmes tourmentées, méfiantes, dolentes,.
ambitieuses, de tout ce qui n'est pas le village, la campagne, de tout ce qui les rapprocherait de la ville où l'on a chaud, où l'on est mieux logé, même pauvre. Voilà donc à quoi ont abouti les efforts tentés par Cocatrix ! M. Vilbert, de bonhomie épanouie, se montrait digne de l'honneur qu'on lui faisait en lui confiant la création du Bourgeois. M. Denis d'Inès nous donnait une superbe eau-forte de paysan braconnier et matois.
Mlle Andrée Méry faisait apprécier toute la justesse et toute la précision de son jeu. M. Hervé était son excellent partenaire. Et M. Chambreuil, en progrès constants, nous avait beaucoup plu dans une silhouette de noble retors.
12 FÉVRIER. — On donne, en matinée, Bruno le fileurcomédie-vaudeville de Cogniard frères, et.
1. DISTRIBUTION. — Adèle, fllc Molina. — Bruno, M. Grétillat. Beauregard, M. Jean d'Yd. — Durand, M. Mathillon. — Gustave,.
M. Vai-ity. - Pierre, M. R. Faure. — Couturier, M. Berley. — Un.
notaire, M. Finaly.
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Faute de s'entendre, comédie en un acte de Ch.
Duveyrier1. Conférence de M. Léopold Lacour.
26 FÉVRIER. — En matinée classique : Don Juany comédie en cinq actes de Molière2. Conférence de M. Laurent Tailhade.
2 AVRIL. - L'Odéon nous offrait une curieuse et artistique restitution, dans son cadre d'origine, de Psyché3, la célèbre tragédie-ballet de Molière, de Corneille et de Ouinault. Et jamais M. Antoine ne nous donna spectacle plus harmonieusement et plus somptueusement évocateur, avec les frais décors de tout le parc de Versailles, les pompeux costumes Louis XIV et la délicate, mais un peu copieuse partition de Lulli, revue par M. Julien Tiersot et soigneusement traduite par l'orchestre et les chœurs de M. Bretonneau. Nous avons ainsi applaudi la jolie voix de Mme Vuillemin, soliste de choix, et ce fut un délice d'entendre dire, par Mlle Sylvie, cette déclaration de Psyché à l'Amour
1. DISTRIBUTION. — Louise, MUe G. de France. — Beauplan, M. Coste.
- Blum, M. Bertin. — Un domestique, M. Finaly. — Baron de Thorcy.
M. Rolla-Norman.
2. DISTRIBUTION. — Charlotte, M"« G. de Fi-a;ice. - Elvire, Mlle Guintini. — Mathurine, 1\1110 Michel. — Un spectre, Mil. J. Boyer. —
Sganarelle, M. Vilbert (en reprsentatiun). — Don Juan, M. Vargas. —
Le Pauvre, M. Desfontaines. — Don Louis, M. Chambreuil. — Dimanche, M. Mathillon. — Pierrot, M. Ducollel. — Statue du Commandeur,.
M. Desmoulins. — Don Carlos, M. Rolla. — Don Alonso, M. Varny.- La Violette, M. Verdigny. - Ragotin, M. Debray.— Guzman, M. Finaly,
3. DISTRIBUTION. — Le Roi, M. Desjardins. — Cléomène, M. Vargas.— Jupiter, M. Grétillat. — Agénor, M. Hervé. — Le dieu du Fleuve..
M. Durosut. — Zéphire. M. Berlin. — Lycas, M. Bogar. — Psychè.
Mllë Sylvie. — L'Amour, Mlle Andrée Mèry.— Aglaure, Mlle Mcthivier.— Cidippe, Mlle Molina.—Vénus, Mlle Briey.— Phaène, Mlle Yv. Dario.- Aégiale, :Mlle Mérat.
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(Mlle Andrée Méry) que l'auteur de Cinna écrivit, comme on sait, à l'âge de soixante-cinq ans, et qui passe encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au théâtre.
4 AVRIL. — Le théâtre affiche en matinée son neuvième spectacle moderne : Le Seul Rêve, Le Gamin de Paris, Le Dizer de Madelon.
6 AVRIL. — M. Antoine a donné sa démission1.
M. d'Estournelles de Constant., chef du bureau des théâtres au sous-secrétariat des Beaux-Arts, prend provisoirement la direction de l'Odéon.
12 AVRIL. — A la place de Psyché, annoncée par l'affiche, on donnait Andromaque, reconstituée
1. — Voici le texte de la lettre par laquelle M. Antoine envoyait sa démission au ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts : « Monsieur le Ministre, «J'ai le regret de vous prier de recevoir ma démission. Les diverses solutions que nous avions envisagées au cours de l'audience que vous aviez bien voulu m'accorder hier, n'ont pas abouti ce matin. Il était indispensable, en effet, ainsi que je vous l'avais expliqué, que je pusse disposer aujourd'hui même d'une partie de l'allocation consentie par le Parlement pour faire face à des échéances pressantes. Devant cette impossibilité, il n'y a pas d'autre décision à prendre. Je quitte à regret l'Odéon malgré les sept abominables années que j'y ai vécues. Votre haute bienveillance m'aura adouci ces derniers jours et je vous en garde un profond sentiment de reconnaissance. Psyché a fait hier soir une recette de beaucoup inférieure à mes frais. Il faut courageusement renoncer au rêve d'un théâtre artistique et prospère, et je vais aborder avec toute l'énergie nécessaire la terrible situation où me laisse une liquidation dans laquelle je vais perdre mon honneur commercial et le ruban que je tenais depuis quinze ans de la libéralité du gouvernement.
» Votre dévoué et reconnaissant, » A. ANTOINE. »
Les créanciers de M. André Antoine étaient bientôt réunis au tribunal de commerce, sous la présidence de M. Comar, juge-commissaire. L'offre de 20 0/0 proposée par l'ancien directeur de l'Odéon à ses créanciers était agréée à la presque unanimité des votants. Le concordat accordé à M. Antoine devenait définitif après le jugement d'homologation rendu par le tribunal de commerce.
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récemment par M. Antoine, dans les décors et costumes du dix-septième siècle, avec Mlle Marcelle Schmitt (Hermione), Mlle Briey, M. Desjardins.
Mais comme le public était venu pour entendre, outre l'ouvrage de Molière et Corneille, la musique de Lulli, toute la partition musicale reconstituée par M. Julien Tiersot était exécutée par l'orchestre réuni pendant les entr'actes d'Andromaque. Ce fut un spectacle assez original.
16 AVRIL. — En matinée, on donne deux comédies, le jJfari il la Campagne, de De Wailly, et Le Misanthrope et l'Auvergnat, de Labiche, qui ont marqué dans le répertoire d'il y a soixante ans.
24 AVRIL. — A M. d'Estournelles de Constant, qui, durant la terrible crise traversée par l'Odéon, avait assumé la charge, plutôt ingrate, de la direction intérimaire de notre Second Théâtre Français, nous dûmes la reprise de Comme les feuilles1, dont, il y a cinq ans, nous avions salué le joli succès. Ce nous fut alors un très vif plaisir d'entendre cette œuvre de profonde analyse, délicate en maint détail, et très vivante, que l'on eût dit signée par un de nos compatriotes, Giuseppe Giacosa, que la mort inj uste faucha en 1907 ou 1908 en plein talent, et dont, par delà des Alpes, plusieurs œuvres furent populaires, fit surtout
1. DISTRIBUTION. — Jean Roselle, M. Des jardins. — Maxime Roselle.
M. Vargas. — Henner-Strille, M. De s fontaines. — Stony, M. Varny. —
Le peintre, M. R. Paure. -- Gaspard, M. Ducollet. — André, M. Dervigny. - Un commissionnaire, M. Derley. - Nenelle, :.Ille Andrée JIéry.
— Lucie, MUe Keruich. — Julie, M"c Briey. — Mme Lablanche, M" Darscinge. — Tante lr^ne, M"» Ifasallo. — M>"« Lauier-, Mlle Caldor.
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partie, dans la seconde moitié de sa vie, de cette école neuve qui se dégagea du romantisme italien, subissant l'influence à la fois du réalisme moderne et de la préoccupation ibsénienne. C'était un artiste consciencieux, un écrivain chercheur, soucieux de la forme et de la pensée. Ibsen se révèle, entre autres, dans la recherche symbolique du titre, Comme les feuilles, qui plane sur l'ensemble de la pièce, l'enveloppe, pour .ainsi dire, en constitue ta portée; le réalisme apparaît dans l'ardeur du dia- logue, la simplicité des moyens; la recherche de ce qui se passe dans la vie. Ainsi, avons-nous l'illu- sion de voir agir, non des silhouettes conventionnelles, mais des êtres de chair et de sang. Comédie, certes, mais douloureuse. Sans parler de la variété des détails et de leur ingéniosité, une impression émouvante se dégage de l'ensemble. Les types sont précis, bien campés; ils parlent tous le langage qui convient. Mlle Andrée Méry, succédant à Mlle Sylvie, a développé une fois de plus ses belles qualités de comédienne sensible. Elle partagea le succès avec M. Desjardins, un Jean Roselle sympathique, de gestes justes et de voix chaude, et avec M. Vargas, de tenue parfaite, de diction impeccable, en raisonneur moderne., tour à tour énergique et d'un tact attendri.
Après avoir donné, en matinée, le Cid de Corneille, et le soir, le Dîner de Madelon et Comme les feuilles, l'Odéon fermait ses portes le 3o avril.
Le 6 mai, après modification du cahier des charges et vérification des garanties financières exigées dtr concessionnaire, le ministre de l'Instruction publi-
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que et des Beaux-Arts signait l'arrêté nommant pour sept ans M. Paul Gavault, directeur du théâtre de l'Odéon1.
La réouverture du théâtre se faisait le 11 mai par Renaudin de Caen, comédie-vaudeville en deux actes, de Duvert et Lauzanne, avec la distribution suivante: MM. Ducollet (Renaudin), Rolla Norman (Bénard), Berley (Dumouchel), Mmes J. Boyer (la mère Petitpré), André (Suzette), Taldor (Zoé) ; et La Corde sensible, vaudeville en un acte, de Lambert Thiboust et Clairville, avec cette distribution : MM. Denis d'Inès (Califourchon), Bertin (Tamerlan), Mmes de France (Mimi), Molina (Zizine). Le 21 mai, on donnait, en matinée, Zaïre, de Voltaire, jouée par MM. Grétillat (Orosmane), Chambreuil (Lusignan), Rolla Norman (Nirestan), Desmoulins (Châtillon), Bogar (Corasmin), Debray (Mélédor), Dervigny (un esclave), Mmes Briey (Zaïre), Neith-Blanc (Fatine). Le 28 mai, toujours en matinée : Le Roman chez la portière, folie-vaudeville en un acte, de MM. Gabriel et Henry Monnier 2; Les Saltimbanques, comédie-
1. — M. Paul Gavault confiait à M. Mosnier les délicates fonctions de régisseur général. M. Delamare était nommé administrateur de l'Odéon, et M. Jean Bever, secrétaire de la direction. M. Laroche, comédien très lettré, était chargé des études classiques. M. Eugène Héros avait mission d'organiser le « musée de l'Odéon », qui s'enrichissait immédiatement de deux tableaux de Gaston Mélingue: Un portrait.
de Mélingue et Une artiste en dame de charité.
2. DISTRIBUTION. — La Lyonnaise, M. Coste. — Mme Floquet et l'habilleuse, M. Mathillon. — Hippolyte, M. Ducollet. — MUle Desjardins et la portière, M. Berley, — M. Fenouilloux, M. Dervigny. — M. Brulé, M. Debray. — Euphrasie, Mlle G. Michel. — Mme Pitois, M11* Demeter.
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parade en trois actes, de Dumersan et Varin 1. Et c'est avec ce spectacle, précédé d'une conférence de M. Nozière, que l'Odéon effectuait sa clôture annuelle le 30 mai2.
annuelle le 30 mai 17 JUIN. — Au bénéfice des écoles françaises en
Grèce, et sous le patronage d'un magnifique comité d'honneur, l'Odéon nous offrait une représentation de Périandre, drame en quatre actes et en vers de MM. Athanassiadès et Henri Malteste3. «Atha- nassiadès, nous avait dit M. Alfred Poizat, joint à une magnifique imagination poétique une rare élévation de pensée, un goût pur, une culture étendue et solide, une connaissance approfondie de tout le grand théâtre classique, ancien et moderne, un esprit plein de grâce spontanée et de naturel. C'est un véritable Hellène, en qui on retrouve cependant quelque chose de Schiller. Je le crois appelé à se tailler une grande place au théâtre. Il a eu la bonne fortune de rencontrer dans son collaborateur, l'imagier Henri Mal teste, le délicat et brillant virtuose du vers qu'il lui
1. DisxatECTioN. — Gringalet. M. Desfontaines. — Bilboquet, M. Lenis ~nelues.— M. Ducantal, M. Jean d Yd.—Sosthéne,M. Berlin. — Jacquot, M. Dervigny. — Un brigadier, M- Desmoulins. —Un maire, M. Berlel.
— Atala, JM"° Keri'icl;. — Mme Rondon, Mlle Barsange. — Zéphirine, Mllc Molina. — Margot, Mlle Demeler.
2. — Le théâtre avait officiellemcnt fermé ses portes. Il les rouvrait pour quelques soirées de l'Université populaire et pour trois représentations de l'Otage de M. Paul Claudel, interprété par la troupe de I'OE, uvre.
3. DISTRIBUTION. — Périandre. M. Silcain. — Proclés, M. VieI T Magnat. — Archias, M. Louis Bourny. — Arion, M. Roger Gaillard.- Un héros, M. Ougie,,, — Un courrier, M. Bayle. - Lycos, l\lmc Louise Silvain. — Gléïs, M|11C Marcelle Frappa. — Euriméde, 1\111, Madeleine Lauche.
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fallait. Malteste, artiste curieux et nonchalant, épris en poésie de choses nuancées et frêles, presque féminines et serpentines, devait s'enlacer comme personne à la pensée plus mâle d'un tel collaborateur et il y a noué ses plus beaux vers. »
L'excellent collaborateur de M. Athanassiadès, M. Henri Malteste, a cru devoir protester — spiri- tuellement, du reste — contre ces éloges. Il a eu tort. Périandre contient de très beaux vers, et pour cela seulement, il eût mérité d'être officiellement représenté à l'Odéon. On connaît l'histoire de ce Périandre, tyran de Corinthe, un des sept sages de la Grèce. Il sut s'attacher l'affection de ses sujets, encourager le commerce et les arts; il fit quelques guerres heureuses, s'empara de Corcyre et d'Epi- daure; on lui attribue même un projet de percement de l'isthme de Corinthe. Mais, en dépit de sa réputation de sagesse, il était très violent, et dans un accès de jalousie, il tua à coups de pied sa femme, Mélissa. Et les auteurs nous le dépeignent regrettant son crime commis depuis vingt ans. Il attend son jeune fils, Lycos, que son aïeul Proclès lui enleva après le meurtre de la mère. Voici Lycos : Périandre est heureux ! Il ne le sera pas longtemps. Car Lycos n'est pas seul : Proclès l'accompagne et n'est venu à Corinthe que pour venger la morte: Lycos deviendra l'instrument de sa vengeance. Proclès, devant le tombeau de la victime, accuse le meurtrier. Lycos se jette alors dans les bras de son aïeul et maudk son père.
Celui-ci, exaspéré, exile l'enfant et, funeste idée, le confie aux mains d'un certain Archias, traître
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de son état. Lycos est poignardé par Archias, qui a voulu se faire proclamer roi à sa place, et l'infortuné Périandre n'a plus qu'à pleurer la mort du fils qu'il aime toujours. Ainsi est-il puni de son crime d'autrefois. La noble tragédie se développe avec une simplicité qui, parfois, souvent même, n'exclut pas la grandeur. M. Silvain fut un Périandre vraiment humain et superbement pathétique ; Mme Louise Silvain, un Lycos de sensibilité très pure et très touchante. Aux noms des deux protagonistes, qui ont mérité d'être chaleureusement applaudis, nous ajouterons celui de Mme Marcelle Frappa que nous n'attendions guère en cette occurrence : la jeune artiste a mis de la tendresse en un personnage qui rappelle l'Antigone classique.
14 JUILLET. — Au programme de la matinée gratuite de la Fête Nationale : Fais ce fjlle dois, de François Coppée, joué par M. Mosnier, Mlles Magd.
Andrée et Bouvard ; La Marseillaise, dite par M. Mosnier, Mlles Briey et Magd. Andrée ; Zuire, de Voltaire1.
1. — Une excellente mesure avait été prise par le nouveau directeur de l'Odéon : l'ancien parterre était rétabli, et, reconstitué, devait COlltprendre quatre-vingt-dix places.
Le 2 août. jour de la mobilisation, M. Paul (,a"ault, capitaine au service de l'intendance, partait, pour Le Mans, "il il rejoignait soa régiment.
T,\UI.If,,\U
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j DATE NOMBRE NOMBRE r de la de ire représ. reprisent, d'aclcs ou de la pendant reprise l'aimée
Rachel, pieee.,.,. 5 » 16 L'Artésienne, pi,,-e 5 » 19 Tartuffe, comédie en vers -r> » 1 Oscarou le raari qui trompesa femme,c<>m. 3 » 1 L'École des femmes, comédie en vers. 5 » 5 La Critique de l'École des femmes, coin. 1 » 2 Guillaume Tell, pièce. 5 15 janv. 10 Le Malade imaginaire, comédie. 3 » 1 Geneviève ou la Jalou&ie paternelle, v:<n. 1 » (J .Ilicitel Ilerrin, vaudeville 2 » 14 L'Homme n'est pas parfait, vaudeville,. 1 » 10 Les Vieux Péchés, comédie vaudeville.. 1 » 113 Il ne faut jurer de rien, comédie 3 » 2 * Le Bourgeois aux champs, pièce 3 j 11 février 12 * Le Seul rêve, comédie en vers 1 11 février 42 Bruno le fileur, comédie vaudeville. 2 12 fovrier 2 Faute de s'entendre, comédie., 1 j » a Don Juan, comédie 5 j 26 février 3 Les Corbeaux, pièce 4 » 2 L'Iilourdi, comédie 5 » 1 Le Jeune mari, comédie 3 » 3 Le Feu au couvent, comédie. 1 » 3 La Petite nlle, comédie 4 7 mars 3 La Dévotion a la Croix » 2 Le Gamin de Paris, vaudeville 2 » 1 Le Diner de Madelon, vaudeville 1 » t *Psjchè, tragédie-ballet.,. 5 2 avril 2i Le Mari i, la campagne, comédie 3 » 2 Le Misanthrope et l'Auvergnat,coni.-vaud 1 » 2 Le Cirl, tragédie. 5 » 4 Comme les feuilles, pièce 4 2i avril 7 Renaudin de Caen, comédie-vaudeville 2 11 mai 3 La Corde sensible, vaudeville. 1 limai -3 Le Cid (Théâtre du Marais 1636), tragédie. 5 14 mai 1 Z a ire, tra gédie. 5 » 4 Les Saltimbanques, comédie-parade. 3 28 mai 2 Le Roman chez la Portière, folie-vaudev. 1 28 mai 2 Périandre, drame en vers. 4 17 juin 1 Fais ce que dois, pièce en vers 1 14juil. 1 Le Jfisanthrope, comédie en vers. 5 » 1 La Parisienne, comédie. - 3 » t Horace, tragédie 5 » 1 L'utage, drame 3 » 3 l'
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1915
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Resté fermé depuis la guerre, l'Odéon rouvrait ses portes au mois de mars dans des conditions analogues à celles de la Comédie-Française et de l'Opéra-Comique. Une série de spectacles y devait être donnée à des dates déterminées, en attendant le jour où les événements rendraient possible une exploitation régulière. Le 3 mars avait lieu une matinée littéraire, « Chants et Poèmes de Guerre », précédée d'une causerie de M. Léo Claretie. Le lendemain 4 mars, sous le titre de « Fête de la Jeunesse française », le théâtre donnait sa première matinée classique du jeudi. Le spectacle, accompagné d'une conférence de M. Bernardin, se composait d'Horace et du Dépit amoureux où Mlle Marken justifiait toutes les espérances que nous avait données ses succès du Conservatoire. Le 6 mars, c'était, en matinée, et sous la direction de M. Ferté, conduisant l'orchestre des Concerts Monteux, un festival de musique consacré à Massenet. Et le soir, M. Gavault nous donnait une heureuse reprise de la Closerie des Genêts, le vieux drame si robuste de Frédéric Soulié, créé en 1846 sur la scène de l'Ambigu 1. Le lendemain
1. DISTRIBUTION. — Montéclain, M. Desjardins. — Kérouan, M. Mos- nier. — Dominique, M. Clément. — Pornic, M. Coste. — Georges, M. Saillard. — Le général, M. Dauvilliers. - Davatiannes, M. Duard- — Aly, M. Bertin. — Taldy, M. Maclou. — Brias, M. H. Frey. —
Louis, M. Breuillot. — François. M. Ed. Vallée. — Léona de Beauval, Mil. Corciade. — Madeline, Mlle Méthivier. — Perrine, Mlle Mag.
André. — Lucile d'Estex, Mil. Mérat. — Mlle Brias, Mlle Talour. Mathurine, Mlle Neller. — Mme Brias, Mll, Suz. Theray. — Marianne, Mlle Bouvard. — Mme de Marçay. Mlle Yu. Kersac. — Mlle Servière (débuts), dans le rôle de Louise Kérouan.
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dimanche 8 mars, la Vie de Bohème faisait salle comble. Le 17 mars, en matinée littéraire, précédée d'une causerie de M. Ernest-Charles, « La Guerre et les Femmes ». Le 10 mars, une matinée littéraire, La France et les Garibaldi, était précédée d'une causerie de M. Léopold Lacour. Le 13 avait lieu, avec le concours de l'orchestre des Concerts P. Monteux, sous la direction de M. Armand Ferté, un festival Bizet, et le 20 mars, un festival Gounod. La matinée littéraire du 24 mars, Nos Amis les Anglais, était précédée d'une spirituelle causerie de M. Charles Martel. Et le 3o mars, l'Odéon nous offrait, au programme d'un festival de musique française, l'audition intégrale, avec Mlle Marié de Lisle, de Marie Magdeleine, deMassenet.
Le 4 avril, succès de fou rire pour la joyeuse comédie de Labiche et Marc Michel, agrémentée des couplets d'autrefois, Un Chapeau de paille d'Italie, où se faisaient particulièrement applaudir M. Bertin (Fadinard plein d'entrain), et Mlle Briey, aussi excellente chanteuse qu'habile comédienne. Notons ensuite, à la date du 7 avril, une intéressante matinée, « Les Poètes de la Tranchée », présentés par M. Georges Loiseau. Le 17 avril, sixième festival de musique française avec le concours de Mmes Blanche Sel va, Suzanne Cesbron, Brunlet et de MM. Plamondon et Jan Reder. Le 24 avril, septième festival, avec Mmes Charlotte Lormont, Yvonne Vergniaud-Mauger et toujours l'orchestre des Concerts Monteux sous la direction de M. Armand Ferté. Le 25 avril, en matinée et
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en soirée, grand succès pour la reprise de Henri III et sa Cour, d'Alexandre Dumas père, avec M. Desjardins, remarqua ble Saint-Mégrin, en tête d'une brillante distribution qui comportait la troupe entière de l'Odéon 1. Le 8 mai, un huitième et dernier festival de musique française comprenait l'audition intégrale du Déluge, de M. C. Saint-Saëns, et d'importants fragments des œuvres de M. Xavier Leroux, dirigés par l'auteur.
16 MAI. — On reprend Colinette, de MM. G.
Lenôtre et G. Martin2, qui fut vingt ans auparavant un des grands succès de ce théâtre. Mlle Marken se fait applaudir dans le rôle créé par Mlle Yahne.
20 MAI. — Esther, de Racine, avec la partition intégrale de J.-B. Moreau, exécutée par l'orchestre des Concerts Monteux sous la direction de M. Armand Ferté 3. Le spectacle se terminait par
1. — Notons une série de matinées organisées par l'Alliance francobelge. La première était précédée d'une conférence de M. Maurice Donnay. Le bâtonnier Henri Robert fut l'orateur de la deuxième matinée. La troisième, où M. et Mm. Fernand Depas venaient jouer un acte de M. Ernest Depré, le Crépuscule teuton, était accompagnée d'uneconférence de M. Paul-Albert Helmer, avocat à la Cour de Colmar. Une brillante causerie de M. Louis Barthou précédait la quatrième matinée ; MM. René Brancour, Th. Steeg et Brieux se firent ensuite applaudir.
Et l'on donna avec succès des œuvres inédites : Après la Fête, do M. André Avize, et les Visions de Bruges, de M. René Brancour.
2. DISTRIBUTION. — Callières, M. Mosnier. — Louis XVIII, M. Clément. — Duc de Rouvray, M. Coste. — D'Albarède, M. Saillant. —
Puygiron, M. Duard. — Jacques, M. Bertin. — Firmin, M. Darras. —
Ph. de Cintray, M. Dieudonné. — Aristide, M. Guilton. — Henri deCintray, M. Grouillet. — Comtesse de Cintray, Mil. O. de Felh. —
Victorine, Mil. jl-Iadel. Lanzy. — Colette de Rouvray, Mlle ftfarken.
3. DISTRIBUTION. — Aman, M. Desjardins. — Mardochée, M. Laroche.
— Assuérus, M. Yonnel. — Hydaspe, M. Jacques-Robert. — Asaph, M. Argentin. — Esther, Mil. "Iéthivier.- La Pitié, Mil. Briey. - Elise, M"e D. Talour. — Zarès, M"' Afe'ra~. — Thamar, Mil. Yvonne Kersac.
— La plus jeune israélite, M"« Forey. — Les soli de la partition chantés par :\111.. Briey, Molina, Bérangère et Netter.
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* la Première de la Marseillaise, pièce en un acte, -en vers, de M. Charles Cléré 1. Il était précédé d'une conférence de M. Bernardin, lue par M. Mosnier. i L'Odéon avait officiellement fermé ses portes le 31 mai 2. Il les rouvrait le 25 septembre avec la Vie de Bohème, où M. Yonnel, brillant lauréat du Conservatoire, débutait avec succès dans le rôle de Rodolphe. Et c'était, le lendemain dimanche, la première représentation à ce théâtre de l'As- sommoir, drame en cinq actes, de William Busnach et Octave Gastineau, tiré du roman d'Emile Zola 3. La célèbre pièce ne pouvait venir plus ai
1. DISTRIBUTION. — Diétrich, M. Laroche. - De Broglie, 51. Coste. -1 Rouget de l'Isle, M. Saillard. — Albert, M. A. Dieudonné. — Desaix, M. Grouillet. — Frédéric, M. Guilton. — D'Aiguillon, M. Charpentier.
— Un domestique, M. Duvivier. — Louise Diétrich, Mlle Odette de Fehl. - Jacqueline, Mlle Molina. — Suzanne, :Mlle Guéreau.
2. - Le 17 juin, gala de bienfaisance organisé par le Comité central de secours aux victimes de la guerre première représentation de la Nuit du Cid, un acte en vers de MM. Camille Le Senne et Guillot de Saix.
M. Paul Gavault eut l'heureuse idée de réunir en un élégant volume des poésies, écrites à l'occasion des événements, qui avaient complété les spectacles de la maison du second Théâtre-Français. « Ces intermè- des, disait M. Gavault, ont paru plaire infiniment au public.. Ardent, enthousiaste, il a souligné d'applaudissements, qui sont allés parfois jusqu'à l'ovation, presque toutes les pièces qui composent ce recueil.
Qu'on en partage le mérite entre les poètes et mes artistes, qui ont su les interpréter avec tact, avec délicatesse, avec émotion. Ce public était nombreux — car la réussite de la saison de guerre odéonienne restera un sujet de surprise et de méditation pour les historiographes du théâtre, un sujet de fierté pour la compagnie des comédiens que je dirige. »
3. DISTRIBUTION. — Coupeau, M. Desjardins. — Poisson, M. Laroche.
— Mes Bottes, M. Mosnier. — Lantier, M. Maury. — Bec Sale, M. Duard.— Lorilleux, AL Coste. -Madinier, M. Daucillier.— Razouge, M. Darras. — Gouget, M. Jean Scheffer. — Charles, M. Lemaître. —
Bibi la Grillade, IVI. Argentin. — Adolphe, M. Duvicier. — Colombe, M. Charles. — Gervaise, Mlle Guldeau. — Virginie, Milo Molina. —
Mme Lorilleux, M11® ~Kencich. — Mme Floche, Mlle Corciade. — M1111, (iou-
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propos, au moment de la sérieuse campagne entreprise contre l'alcoolisme. Avec M. Desjardins, remarquable Coupeau,avec Mlles Guldeau etMolina, dans les rôles de Gervaise et de Virginie, l'interprétation fut excellente. Cependant le répertoire était interprété avec soin : l'Avare, où M. Bullier jouait pour la première fois le rôle d'Harpagon ; le Médecin malgré lui, où MII Bérangère naguère applaudie dans Esther, tenait le rôle de Martine ; le Jeu de l'Amour et du Hasard, qui était pour Mlle Briey l'occasion d'un réel succès; la belle comédienne jouait le rôle de Sylvia avec infiniment de grâce, de finesse, de charme et d'exquis marivaudage.
17 OCTOBRE.— La restitution, en matinée et en soirée du dimanche, de la célèbre Famille Benoiton, de Victorien Sardou, obtenait devant un nombreux public un succès auquel avaient largement contribué les interprètes : Mmes Jeanne Rolly, Méthivier, Guéreau, Marken pt Bertrande, MM. Mosnicr, Maury, Coste, Berlin et Scheffer. Ajoutons que les costumes du second Empire, qui semblaient inspirés à nouveau de la mode actuelle, avaient donné à cette amusante reprise une couleur originale1.
get. M||c NeilJi-Blanc - Lonise, M||e Bertrande. — Nana, Mlle Varken.
— Ziidor. Mil. Mag. André — Ugène. Mil. Talour. — Mm. Putois.
Mlle Barsange. - Clémence, M"e Mérat. — Juliette, Mil. Bouvard. —
'C:dl¡crille. Mlle Servière. - Ang'nstilll'. M'ie Forey. — La petite Nana, 1\1lle Liliane Garcin.
1. — Dans l'après-midi du 23 octoSre, en présence du sous-secrétaire .d'¡':tat dus Beaux-Arts, une touchanl.. cérémonie réunissait au foyer du public, décoré de gerbes de Heurs et de drapeaux tricolores, tout le per-
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31 OCTOBRE. — Severo Torellil, dont s'était em- parée la Comédie-Française, rentrait à l'Odéon.
Le drame de François Coppée y retrouvait son succès de vingt-deux ans auparavant. M. Desjardin était un majestueux Jian-Baptista ; M. Yonnel un très savoureux Severo.
4 NOVEMBRE. — En matinée classique du jeudi, on donne Andromaque, où se fait applaudir, sous les traits de la veuve d'Hector, une jeune débutante pleine d'avenir, Mlle Bertrande, premier prix des derniers concours du Conservatoire, et l'Epreuve, de Marivaux, joliment interprétée par MM. Coste, Darras, Mmes Kerwich, Molina et Mag\ André.
Conférence de M. Paul Souday.
14 NOVEMBRE. — En matinée du dimanche, première représentation à ce théâtre de Tète de Linotte, la jolie comédie en trois actes de Théodore
soimel de l'Odéon. C'était l'inauguration d'une plaque en marbre noir surmontée d'une magnilique palme de bronze, portant en lettres d'or, les noms des artistes et employés de ce théàtre tués à l'ennemi depuis le commencement de la guerre: Léon et René Thomas, machinistes: Joseph Janny, régisseur; le comédien Grégoire; Germain, un des plue vieux serviteurs de la maison, et enfin, Pierre Ginisty, fils de l'ancien directeur, jeune avocat d'avenir. MM. Dalimier et Paul Gavault pronon.
çaient d'éloquents discours. Puis M. Laroche déclamait un émouvant sonnet à la mémoire de son glorieux camarade Grégoire, et M"" Briey disait avec une belle autorité de tragédienne A la France éternelle, de Victor Hugo.
1. DISTRIBUTION. — Jian-Baptista Torelli, M. Desjardins, — Barnabo Spinolla, M. Mosnier. — Severo Torelli, M. Yonnel. — Fra Paolo, M. Dauvillier. — Ranzo Riccardi, M. Scheffer. — Ercole Balbo, M. J.
Robert. — Lippo Malatesta, M. Lehmann. — Un proscrit, M. Duard. —
Le Barigen, M. Darras. — Dona Pia, Mmes Odette de Fehl en matinée.
Neith-Blanc en soirée. — Portia, Mlle Briey. — Catarina, Mlle Bérangère. — Sandrino, Mlle Servière.— Femme du peuple, M'i* Mag. André.
— Page du gouverneur, Mlle Yv. Kersac. •— La sœur de Sandrine, M" Jordan. — Serviteur de Torelli, M. Sainton.
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Barrière et Edmond Gondinet, jouée de verve par Mlle Marken, MM. Laroche, Coste., Darras, Bertin, MUe* Mag. Lanzy, Talour, Netter, Le spectacle se pomplète par A l'Appel des Clairons, pièce en un acte de M. Raymond Groc, avec MM. Dauvillier, Scheffer, Mlles Molina et Bérangère.
18 NOVEMBRE. — Quand, le 27 avril 1784, Le Mariage de Figaro fut représenté à l'Odéon, il y ut, paraît-il, une telle affluence de spectateurs que trois personnes moururent étouffées. La salle était, cette fois, trop petite pour contenir le public nombreux qui faisait fête aux interprètes du chefd'œuvre de Beaumarchais. Mme Marthe Régnier était un Chérubin idéal, Mme Rolly jouait avec autorité le rôle de la comtesse, Mmes Kerwich et Molina, MM. Laroche, excellent Bridoison ; Maury, remarquable Almaviva ; Coste, intelligent Figaro ; Duard et Bullier, parfaits en Antonio, en Bartholo et en Bazile, contribuaient à montrer une fois de plus que la jeune et vaillante troupe de l'Odéon savait brillamment défendre le patrimoine littéraire français.
28 NOVEMBRE. — Grand succès pour le Roman d'un Jeune Homme pauvre. Remarquablement mis en scène, le chef-d'œuvre d'Octave Feuillet trouvait dans la troupe du second Théâtre-Français de parfaits interprètes : M. Mosnier incarna le personnage de Laroque avec une maîtrise incomparable; MM. Coste, un excellent docteur Desmarest ; Dauvillier, daus Bévalan ; Darras, un Alain plein de bonhomie ; Duard, dans Laubépain don-
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naient supérieurement la réplique à M. Lehmann qui, dans Maxime Odiot, révélait un talent très sûr et un réel tempérament dramatique.
Mmes Odette de Fehl, une Mme Laroque pleine d'autorité ; Corciade, une Mlle Hellouin malicieuse et coquette à souhait ; Barsange, amusante dans Mme Aubry ; Servière, une prenante et sincère Marguerite, se faisaient chaleureusement applaudir1.
11 DÉCEMBRE. — L'Artésienne avait du quitter l'Odéon.., Elle rentre heureusement au bercail avec le concours de l'orchestre Colonne-Lamoureux , sous la direction de M. Gabriel Pierné, ainsi distribuée : MM. Desjardins (Baltazar), Mosnier (Francet Mamaï), Dauvillier (Mitifio), Darras (patron Marc) , Jean Scheffer (Frédéri), Mmes Neith-Blanc (Rose Mamaï), Kerwich (la Renaude), Netter (Vivette), Mag. André (l'innocent).
1. — M. P. Gavault appartient au cadre auxiliaire de l'intendance militaire et, mobilisé en cette qualité, il était affecté à la le région, lorsque, sur la demande de l'administration des beaux-arts et après entente entre ce département et celui de la guerre, il a été désigné pour servir au camp retranché de Paris. Déférant à ce moment aux instructions qu'il a reçues, il a assuré depuis lors son double service de sous- intendant militaire et de directeur de l'Odéon. Avisé par le cabinet du.
ministre de la guerre que le gouvernement avait l'intention de ne pas maintenir pour les directeurs des théâtres subventionnés cette dualité de situation, il a, comme c'était son devoir, soumis la question à l'administration des beaux-arts. Par une lettre, en date du 181' décembre, le sous-secrétaire d'Etat aux beaux-arts a marqué expressément à M. Paul Gavault le désir de le voir continuer à assumer les fonctions de directeur de l'Odéon, faisant ressortir les conséquences de son départ, qui entraînerait forcément la fermeture du second Théâtre-Français jusqu'à la fin de la guerre, privant ainsi le public de spectacles, les auteurs de l'occasion d'être joués, et supprimant brusquement les ressources des artistes et du personnel. C'est dans ces conditions que M. Paul Gavault se consacre jusqu'à nouvel ordre à la mission qui lui a été dévolue i l'Odéon.
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12 DÉCEMBRE. — Le Secret de Polichinelle, de M. Pierre Wolff, retrouvait les applaudissements qu'il avait connus, douze ans auparavant, sur la scène du Gymnase. L'exquise aventure d'Henri Jouvenel et de la tendre petite ouvrière Marie a tour à tour charmé et touché les nombreux spectateurs, qui ne ménagèrent pas leurs bravos aux excellents pensionnaires de l'Odéon. Le rôle de Jouvenel a donné à M. Desjardins l'occasion de montrer la prestigieuse souplesse de son beau talent et la riche variété de ses moyens : le Cou peau saisissant de réalisme était un Jouvenel léger et attendrissant. MM. ilertin et Bullier furent parfaits dans les rôles de Henri et de Trévoux. Mme Kerwich exprima la douce philosophie de Mme Jouvenel avec une grâce infinie ; Mlle Guéreau fut une Marie idéale; MUes Odette de Fehl (Mme Langlac), Méthivier (Mme Santonay), Talour (Geneviève) contribuèrent au succès.
16 DÉCEMBRE. — Reprise, en matinée, d'unesérie de brillantes représentations du Bourgeois- Gentilhomme, avec le concours de M. Vilbert,.
toujours excellent dans le rôle de M. Jourdain.
TIBLBÀTE
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- DATE NOMBRE NOMBRE de la de j re repre, represenl.
d'actes ou de la pendant reprise j l'année Horace, tragédie. 5 » 4 Le Dépit amoureux, comédie en vers. 2 » 1 La Closerie des Genêts, drame 5 a. 8 t, » S La Vie de Bohème, pièce 5 » 19 Tartuffe, comédie en vers 5 » 3 Le Jeu del'Amour et du Hasard, comédie. 3 » i Un Chapeaude paille d'Italie, vaudeville. 5 » il Britannicus, tragédie » i Phedre, tragé lie » 2 L'Avare, comédie 5 » '¡ Le Médecin malgré lui, comédie 3 » i Henri III et sa cour, drame 25 avril 19 Le ftIenteur, comédie en vers 5 » 2 Les Précieuses ridicules, comédie 1 » 3 Colinetle, pièce. 4 16 mai S Esther, drame en vers 20 mai 3 La Première de la lIIarseillaise, pièce en vers 1 20 mai S *La Nuit du Cid, pièce en vers 1 17 juin 1 L'Assommoir, drame. 5 a. 9 t. » Iii La Famille Benoiton, comédie 5 17 octob. 12 Severo Torelli, drame en vers 5 » 1 t Tête de Linotte, comédie 3 li nov. 6 *A l'appel des clairons, pièce 1 li nov. 0 Le Roman d'un jeune homme pauvre, i ,.. '). >: pièce 5 a. 7 t. : 28 nov. ; s Andromaque, tragédie » L'Epreuve, comédie. 1 » 3 Le Mariage de Figaro, comédie 5 » ;, L'Arlésienne, pièce 5 a. 6 t. » 3 Le Secret de Polichinelle, comédie 3 12 déco Ii Le Bourgeois gentilhomme, comédie » (< Les Femmes savantes, comédie en vers * * 2 Les Folies amoureuses, comédie en vers. 3 » 2 Nicomède, tragédie. :¡ i" 1
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I THEATRE DU GYMASE t f f ¡ r f Le 18 janvier, en matinée et en soirée, avaient eu lieu, avec M. Lucien Guitry, les deux dernières représentations de Samson, de M. Henry Bernstein.
Le 23 janvier, les Cinq Messieurs de Francfort, comédie en trois actes de M. Ch. Roezler, adaptation de MM. Lugné-Poë et Elias2, nous arrivent des pays d'outre-Rhin d'abord et de ceux d'outreManche ensuite, où depuis plusieurs années ils connaissent des succès ininterrompus. A quelles causes cette comédie doit-elle la faveur dont elle a bénéficié? A la façon remarquable dont elle est construite, à la saveur naïve qui s'en dégage, au pittoresque du milieu qu'elle décrit. Elle nous conte la montée rapide d'une famille, de banquiers israélites fort connus (devinez !) dont le berceau fut Francfort. Les cinq frères sont portraicturés avec
1. - Directeur: M. Alphonse Franck; Secrétaire général: M. René Célier.
2. DISTRIBUTION. — (Dans l'ordre d'entrée en scène des personnages).
Rose, Mme Bouchetal. — Lisette, Mlle Adrienne Delille. — Boel, M. Pierret.— Jakob, M. André Lefaur. - Gudule, Mme Grumbach.
— Meyer Amschel, M. Lugné-Poë. — Nathan, M. Mauloy. — Charlotte, \IlIe Jeanne Desclos. — Charles. M. Marcel Simon. — Salomon, M. Lucien Guitry. — Le duc Gustave, M. Henry Roussell. — La princesse Eveline, Mlle Simone Frévalles. - Mme de Saint-Georges, Mlle Alice Reylat. — Seulberg, M. Dhurthal. — L'huissier, M. Berthault. — Yssel, M. Pally.— Ferh'enberg, M. Savoy. Le prince de Klausthal, M. Jean loulout. — La princesse, M"« Balza. — Le capitaine Von-Viehr, M. Prieur.
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un vigoureux relief ; leur dispersion et leur réussite dans les principales capitales de l'Europe sont plaisamment tracées. Puis, sur l'appel de l'aîné, c'est le retour dans la maison familiale, où, groupés autour de la vieille mère, une silhouette gravée à l'eau-forte, ils discutent affaires et mariage] de la fille de l'un d'eux avec un prince auquel on' avance la très grosse somme d'argent. Mais devant le refus de la jeune fille, ledit prince s'éclipse et; s'incline devant la petite fleur bleue poussée au!
milieu de l'or; la jeune fille aime un de ses oncles, et c'est celui qu'elle épousera. L'aventure est, simple, comme vous voyez. Ce n'est pas elle, à vrai dire, qui fait l'intérêt de la pièce, mais bien le; tableau de mœurs qui s'y dessine ; tableau esquissé1 avec une sorte de bonhomie malicieuse et tendre qui a beaucoup plu. Cette comédie a des façons d'opérette, le second acte surtout, avec sa vieille étiquette de cour, ses uniformes d'officiers et de courtisans, est une gracieuse toile de genre. Le peintre Valette, qui a dessiné tous les costumes, a réuni là, tout en côtoyant avec une fantaisie charmante les modes de la Restauration (on est en 1822), un ensemble de tonalités du plus heureux effet. L'interprétation est de qualité supérieure.
M. Lucien Guitry a campé en grand acteur comique le personnage de Salomon Amschel. Et c'est plaisir d'associer a son succès celui de M. Lugné-Poë.
- l'un des excellents ada ptateurs de la pièce de Roezler — qui a dessiné à la Gavarni la figure de1 Meyer Amschel ; de M. Mauloy, plein d'étégance; britannique; de M. Marcel Simon, qui a
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lement établi le. type de l'Italien Charles ; de M. André Lefaur, charmant sous les traits de l'amoureux Jakob, un artiste — il est l'ami de Rossini — fourvoyé au milieu de ces financiers.
Mlle Jeanne Desclos a du charme sous les traits de la gentille Lolotte : Mme Grumbach a tout à fait grand air sous ceux de la vieille grand'mère.
Signalons une excellente innovation. A chaque fin d'acte, les artistes n'ont pas répondu aux applaudissements en se donnant la main pour venir saluer le public. Ils sont restés immobiles, groupés comme devant le photographe. Et l'on a chaleureusement applaudi ces tableaux vivants, composés et variés avec beaucoup de goût.
2 AVRIL. Première représentation de Pétard, pièce en trois actes de M. Henri Lavedan1. —
Dans le Prince d'Aurec, que nous aurons un jour ou l'autre le plaisir de revoir au Théâîre-Français, M. Henri Lavedan traça un jour magistralement - vous vous le rappelez — le portrait du. noble déchu. C'est de la même main qu'il a peint le « Parvenu » dans ce Pétard, qui occupera sans
1. DISTRIBUTION. — (Dans l'ordre d'entrée en scène des personnages.) Zéphirin, M. Angely. - Blaise, M. Marzel. — Cyrille, M. Planès. -
Guillaume, M. Henri Martin. — Benoist, M. Lebreton. — Le marquis, M. Mauloy. — Hélène, Mme Simone. — Philippe, M. Louis Gauthier. -
.La marquise, Mme Bouchetal. - Le docteur Legrain, M. Fleury Fontès.
Pétard, M. Lucien Guitry. —Le docteur Duplesson, M. Lucien Sauriac.
M«e Pétard, Mme Juliette Boyer. — Lucie, Mlle Jeanne Desclos. — La mariée, Mlle Delile. — Clochu. M. Dalmeyran. — La mère de la mariée, Mme Fournier. — La mère du marié, Mlle Berthe Gayer. — La femme du maire, Mlle Léonie Richard. — Jean, M. Dorgel. — Pierre, M. Jean Signoret.
Mme Beylat se fit applaudir dans le rôle d'Hélène, où elle remplaça Mme Simone, indisposée.
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dl' d l, doute une place Importante dans l'oeuvre du bril- lant académicien. Le fameux Pétard, le Pétard universet le Pétard des grands magasins, le Pétard dont le nom flamboie en lettres colossales dans les gares, sur les murs, sur les toits, le long des voies ferrées, au sommet des montag-ncs, le Pétard des biscuits incorruptibles, du chocolat lithiné, des cinémas populaires et des chaussures caoutchoutées, Pétard - ce nom dit tout — vient d'acheter le château du marquis de Persanges, dont la fortune périclitait. C'est une vieille terre de famille, qui a son histoire et où l'on montre dans la tour carrée une chambre dans laquelle Henri IV a couché. Lucie Pétard, son unique enfant, est venue passer quelque temps dans le pays; elle s'y est liée avec une jeune fille, Hélène Lacan, dont les parents vivent non loin du château dans une aisance plutôt gênée, et c'est sur leur indication à toutes deux que Pétard, en quelques jours, a acquis la belle terre..Il vient en prendre possession, et tout de suite, au milieu des joies de l'arrivée, remarque et apprécie la jolie Hélène. Mais nous - savions déjà que celle-ci est la maîtresse de Philippe, le fils du marquis, qu'elle s'est donnée à lui librement, consciemment, et qu'elle lui est entièrement dévouée. Elle comprend, elle partage la douleur du jeune homme qui aimait son château d'un culte passionné, et dès cet instant naît en elle le projet entêté de le faire rentrer dans l'antique demeure de ses aïeux. Mais quels singuliers chemins prend-elle pour arriver à ce but!. Pendant que Philippe de Persanges termine ses études à
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l'école navale, Hélène a été soi-disant passer un an en Angleterre ; elle y est devenue la lectrice et l'intendante d'un vieux lord qui, en mourant lui a laissé une grosse fortune ; c'est du moins la fable qu'elle raconte à ses parents, à Lucie, à Philippe, pour excuser sa nouvelle fortune, son hôtel, son luxe, tandis que tout cela n'est., en réalité, que le prix de la galanterie. Elle n'en poursuit pas moins son idée à l'égard de Pétard, et nous la retrouvons au château, un an après, jour pour jour, ainsi qu'elle l'a promis, essayant et ne réussissant que trop à affoler ce naïf qui n'est malin qu'en affaires.
Elle met à sa défaite une seule condition : Persanges. Elle ne se donnera à lui que s'il lui donne son château. Pétard trouve le prix un peu cher ; il se met à ricaner. Mais Hélène ne perd pas contenance : « Je vous accorde, dit-elle, jusqu'à demain six heures pour me donner votre réponse ». Et vous pensez bien que le lendemain Pétard apporte à Hélène les titres de propriété du château qu'il finit par lui céder sans conditions. Hélène, alors, a l'idée bizarre d'offrir ces titres à Philippe qui, naturellement, refuse et se dérobe quand elle lui a révélé la source de sa fortune. De son côté, Pétard est dégoûfé de son château et ne veut pas le reprendre, Qu'en fera-t-on? Une nouvelle vente à un Américain ? Un don à l'Etat? Non: un hospice. » Tel est, simplement, le scénario. Joignez le style de M. Lavedan, si étonnamment original, si singulièrement personnel, ce dialogue étincelant où tant de répliques sont de pures trouvailles. Ah !
la magnifique satire sociale, écrite de verve toujours
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abondante et spirituelle ! Ah ! le vivant portrait de « courtisane amoureuse » à la Balzac !. M. Lavedan nous a donné là une superbe comédie de caractère, en même temps qu'un puissant tableau de mœurs modernes. Et nous ne savons, en vérité, ce qu'il faut le plus admirer, de la vigoureuse « Kermesse » du début, avec l'extraordinaire boniment du vaniteux Pétard, ou de la fine et pénétrante étude féminine que nous valent les deux derniers actes de la belle et curieuse pièce. Que dire des protagonistes : de Lucien Guitry, qui nous a campé un Pétard à jamais inoubliable, de Mille Simone, qui a fait du rôle d'Hélène la com position la plus intelligente et la plus juste! Sans oublier, certes, M. Louis Gauthier, émouvant et sobre, dans le rôle ingrat de Philippe ; Mlle Jeanne Desclos, qui, dans celui de Lucie, a fait preuve d'adresse et de sensibilité.
2 JUIN. — Reprise de l'Assaut, comédie en trois actes de M. Henry Bernstein1.
2 JUILLET. — Après avoir successivement triomphé aux Bouffes-Parisiens, au théâtre Réjane et à la Comédie des Champs-Elysées, Mon Bébé, une amusante comédie de M. Maurice Hennequin, d'après Baby Mine, de Miss Margaret Mayo:2, se
1. DISTRIBUTION. — Alexandre Méritai, M. Candé. — Antonin Frépeau, M. ArDel.-Julien Méritai, M. Félix Gandera.— Garancier,M. Gorieux.
— Daniel Mérital, M. Guilton. — Un valet de chambre, M. l'a!h/. —
Renée de Rould, Mlle Cecile Guyon. — Georgette Mérital, Mlle Delille.
2. DISTRIBUTION. — Jimmy, M. Max Dearly. — William, M. Elie Feb, vre. — Henri, M. Castelain. — John, M. Lemaire. — Le policeman M. Willary. - Ketty, Mlle Denise Hébert. — Maggie, M"' AnnieWarley. — Mme Petickson, Mlle Daubray-Joly. — Zoé, Mlle Renée Huse.
Maud, Mlle Allys-Arset.
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faisait applaudir au Gymnase où l'avait joyeusement installée l'irrésistible comique Max Dearly. — Les représentations étaient fâcheusement interrompues par la guerre.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de Il r. représ, représent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
Saritson, pièce 4 » 21 * Les Cinq Messieurs de Francfort, camé.
.¡ i e. 3 23 janv. 79 *Pciard, pièce. 3 2 avril OH L Assaut, comédie 3 2 juin 33 Mon JJebc, comédie 3 2 juil. , .35
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1915
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Le Gymnase était fermé depuis la guerre.
M. Alphonse Franck se décidait à en rouvrir les portes le 20 avril 1915 pour des matinées qu'il baptisait « Matinées de la Femme française ». La première débutait par une conférence patriotique, nourrie de faits, qui valait à son auteur, M. André Calmetles, un réel succès. Puis venait un acte de M. Nozières. La Prière dans la Nuit, était un drame poignant, serré, angoissant, une histoire d'espionnage pendant la guerre. Les Allemands ont respecté, dans un village, la maison des Beauchamp. Le mari, à cause d'une légère boiterie, a été réformé. Or, voilà que les Allemands, qui ont été battus sur la Marne, vont revenir. Le mari, appelé par le maire, va soi-disant à son poste, qui consiste à remarquer si dans le pays on ne fait pas de signaux. Avant de partir, il ouvre une armoire à secret. Interrogé par sa femme, il se trouble. La querelle monte de ton ; le mari ouvre l'armoire : elle est pleine de fusées éclairantes. Or, ce mari est un Allemand naturalisé français : il continue à servir son ancienne patrie ! Sa femme veut le dénoncer ; tandis qu'elle fait une prière-
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pour la France, son mari a un poignard à la main ; c'est lui, le traître, qui est abattu d'un coup de hache par sa femme. La prière dans la nuit a été exaucée ! Mlle Nelly- Cormon, avec beaucoup de puissance dramatique et lyrique ; M. André Calmettes, avec une grande force, et M. Maury, avec une remarquable émotion, interprétaient la Prière dans la Nuit.
Le 28 avril, le directeur du Gymnase nous conviait — le soir, cette fois — à la répétition générale de la Kommandantur, pièce en trois actes de M. Jean-François Fonson1. « L'auteur du Mariage de Mlle Beulemans, écrivait M. Régis Gignoux, a voulu nous faire approcher des souffrances que ses compatriotes de Bruxelles ont supportées et supportent pour la liberté de l'Europe. 11 y a mis tout son art et tout son cœur. Mais nous sentons que nos alliés belges souffrent davantage. L'anecdote qui unit les incidents de la vie bruxeMoisc, les accessoires de la mise en scène, le bruit en coulisses des figurants, qui pensent donner l'im- pression d'une troupe en marche, le bruit ridicule du canon de théâtre nous éloignent de la réalité à laquelle nous sommes attachés depuis le 2 août 1914. Et, plus encore, le présent et l'avenir nous attirent si violemment que nous ne pouvons,
1. DISTRIBUTIO. - Antoine Jadot, M. Duquesne. — Dernstein, M. Bour.
— Siegfried Weiller, M. Beeman. — Klach den Door, M. Libeau. — Jef Spieckaert, M. Duvivier. — Fraigneux, M. Guyon fils. — Dupuis, M. Dieudonné. — Pierre Gilbert, M. Mathot. — Uberlieut'nant, M. Van der Baerl. — Durand, M. Térof. — Le Secrétaire de guerre, M. Baudoin. —
Catherine Jadot, Mil. Jane Delmar.-Thérèôe Jadot, .YL"« Gina Barbièri1.
— Suzanne, Nlli- Hélène Dieudonné. — Lucien, petite iIalherbe.
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comme l'exige la fiction scénique, revenir en arrière. Ainsi, les personnages de M. Fonson, qui ont une personnalité très vivante, nous semblent conventionnels, trop en dehors de notre histoire qui continue. Mais ces sentiments ne nous empê- chent pas de nous intéresser à l'intimité savou- reuse de la famille Jadot, au tableau de la salle du ministère de la guerre où sont détenus des camelots, et nous approuvons le geste de la jeune Belge qui venge son fiancé en poignardant l'odieux Allemand, policier et espion poussant l'audace et l'inconscience jusqu'à venir lui annoncer les victoires allemandes. Une partie du public, toutefois, a manifesté son dégoût de voir des uniformes allemands, et plusieurs jeunes artistes allaient jusqu'à s'indigner de ce que leurs camarades aient consenti à tenir le rôle de barbares ! Le louable souci d'impartialité que M. Fonson a observé, a voulu même souligner, n'a pas été partagé à Paris. Et l'expérience, pour être complète, devra être recommencée après la guerre. » Duquesne était tout à fait remarquable dans le rôle de Jadot, auquel il prêtait de la vie, du caractère, de l'allure. Mlb Jeanne Delmar avait de l'ingénuité pleine de naturel, de simplicité et d'émotion contenue. Bour campait avec autorité un type de fonctionnaire allemand tuberculeux qui sait ses jours comptés. MM. Libeau et Duvivier, deux artistes bruxellois avec un accent impayable ont été la joie de la soirée. Il n'y avait que du bien à dire de MM. Dieudonné, Guyon fils, Becman, de Mme Barbiéri, de Mlle Hélène Dieudonné et de la petite Malherbe qui contribuaient, en des rôles
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d'inégale importance, à animer les portraits ou les caricatures de cette Kommandantur1.
12 MAI. — Des Bouffes-Parisiens, où elle nous était apparue le 6 avril de cette même année, La Jalousie, de M. Sacha Guitry, se transportait, pour un mois, au Gymnase, avec la jolie interprétation qui lui avait valu son premier succès : MM. Sacha Guitry, Gaston Dubosc, Louis Maurel, Philippon ; Mmes Charlotte Lysès, B. Jalabert, Exiane1.
12 OCTOBRE. - Première représentation de 4 la Française, revue de M. Lucien Boyer et Dominique Bonnaud. — Le mathurin et le poilu, tous deux très populaires, figurent au premier plan -de cette revue fort applaudie. « Le matelot — disait M. Adolphe Brisson — un amour de gabier pas plus hautque ça — frimousse éveillée, regard malin, brin de rouge au bout du nez, clair sourire, dents de jeune loup , la crâne allure du tambour Bara et l'œil de Gavroche, c'est Mlle Jane Pierly. Ce moussaillon torpillé, bom bardé, s'est tiré sain et sauf des batailles de l'Yser. Et voici que surgit un Anglais placide, fumeur de pipe, buveur de thé.
On cause. Notre mathurin s'aperçoit que Tommy,
1. — Les matinées des Chansons de guerre organisées au bénéfice de la Croix-Rouge par Mlle Marguerite Deval et M. Michel Carré, avaient obtenu un si grand succès au théâtre Michel que l'infatigable artiste et le poète-conférencier durent choisir, pour une nouvelle série de matinées, un cadre plus grand. C'est au Gymnase qu'ils donnèrent à partir du. 7 mai, et chaque vendredi, leurs matinées patriotiques, auxquelles collaboraient les meilleurs artistes de Paris. Le programme de cette premiere matinée comprenait, outre la causerie de M. Michel Carré et les Chansons de guerre, qu'interprétait Milo Marguerite Deval avec infiniment de sobriété, d'émotion et de puissance, le gracieux concours de .,MlIe Carlotta Zambelli, de Mlle Suzanne Cesbron et de M. Vilbert.
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non seulement est son frère d'armes, mais son cousin, un cousin de Québec, et qu'ils parlent la même langue et chantent les mêmes chansons. Ces effusions franco-canadiennes s'échangent sur de vieux airs, au charme desquels Mlle Pierly ajoute la séduction de sa voix vibrante et sensible. Le poilu — combien nous fûmes heureux de le revoir, après une longue éclipse ! — c'est Polin, un Polin nouveau style, dépouillé du pantalon garance et de la veste étriquée de Dumanet, martialement vêtu du bleu horizon, patient, robuste, sentimental, belliqueux : le plus doux, le plus terrible des hommes ; bref le type du parfait R. A. T. de 1915.
Nous aimions la bonhomie naïve et tendre de Polin.
Avivée d'une pointe d'enthousiasme discret, elle nous plaît davantage et n'est que plus touchante.
M. Le Gallo, sous les traits du cuistot millionnaire et neurasthénique, Mmes Marfa Dhervilly, Suzy Depsy et Templey enlèvent l'ouvrage comme il est écrit: gaillardement, A La Française. »
23 DÉCEMBRE. — Première représentation des Deux Vestales, comédie en trois actes de M. Philippe Maquet1. — Une pièce nouvelle, qui n'est pas une revue, et qui plus est une pièce gaie. en temps de guerre!. Il s'agit d'un veuf, Etienne Lalande, qui vit dans le culte de sa femme et dans la tristesse de son deuil. Il est entouré d'une cousine de province et de deux amis : la cousine
1. DISTRIBUTION. — Etienne Lalande, M. Le Gallo. — Millevaux, M. Arquillière. — Lempereur. M. Louis Maurel. — Justin, M. Duples lis. - Sylvie Pomme, Mlle Alice Nory. — Mlle Moche, MUe Ellen Andrée.
— Mlle Soliman, Mlle Marg. Templey.
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j Moche, il finit par s'en séparer; mais en ce qui concerne les deux amis, le docteur Millevaux et le commandant Lempereur, c'est une autre affaire.
Ces deux parasites se sont installés chez lui et nous apprenons que la défunte avait des bontés hebdo- *' madaires pour eux. Ils s'ingénient donc à remarier Etienne avec une femme qui continuerait avec eux cette pratique du communisme conjugal. Nous voyons ainsi apparaître une pseudo-veuve, à qui ils expliquent les conditions du contrat très spécial qu'ils rêvent de conclure. Mme Soliman est une bonne fille qui ne demande qu'à gagner sa vie.
Les 80.000 livres de rentes d'Etienne ne lui déplairaient pas. Quelles seraient les conditions? Millevaux et Lempereur — le docteur et le commandant — les lui exposent : faire revivre Elisabeth jusque dans les moindre détails, réédifier ce bonheur à quatre dont la perte est si cruelle pour le candide Etienne et aussi pour ses deux amis. Mme Soliman a des principes ; elle est habituée à n'avoir jamais « qu'un ami ensemble ». Elle refuse avec une simplicité vigoureuse et s'en va, non sans avoir dit leur fait aux deux complices. Etienne, au surplus, a depuis longtemps rencontré, en allant prier sur la tombe de sa femme, une charmante veuve, Sylvie Pomme, qui allait, elle aussi, prier sur la tombe de son mari. Un roman s'esquisse, des serments s'échangent, et les deux solitudes se fondent en un mariage. Oui, mais un mariage blanc; car Lalande et la jeune veuve tiennent à j conserver intacte chacun la mémoire de ceux qu'il ou elle pleurent; ils seront deux « vestales » qui
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> entretiendront le feu sacré du souvenir. Cette situation, vous n'en doutez pas, ne peut avoir qu'une durée très limitée. Etienne et sa charmante femme s'aiment pour de bon, au grand dépit des deux amis, qui espéraient se réserver la part du lion dans ce mariage. Et le jeune couple s'en ira au loin et pour longtemps passer sa lune de miel, à l'abri des indiscrets, des gèneurs et de ceux qui avaient espéré participer à un bonheur enfin sans mélange. Le comique éclate à chaque instant deces trois actes ; il s'y glisse, il est vrai, du gros sel parmi le sel attique. Mais la bonne humeur est si épanouie, les situations sont combinées de façon si burlesque qu'on se laisse emporter dans le mouvement et qu'on s'esclaffe. L'interprétation n'est pas pour peu de chose dans le succès. Mlle Alice Nory joue le rôle de la jeune veuve Sylvie Pomme avec une grâce simple, une aisance tendre, une flamme discrète, une malice délicate qui sont d'une comédienne de premier ordre. Ellen Andrée a réalisé de la cousine Moche une de ces silhouettes toute en nuances, toute en traits d'observation profonde dont elle a le secret. Mlle Marguerite Templey remplit avec une joliesse épanouie le personnage de la pseudo-veuve. Le Gallo est charmant de variété, de mouvement dans le rôle tantôt triste, tantôt effervescent de l'inconsolable mari. Arquillière et Louis Maurel font passer, à force d'adresse, à force de souplesse, les types un peu accentués et parfaitement équivoques du médecin et du commandant, qui cherchent à gretfer leur confortable bonheur sur la vie conj ugale de leur ami.
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DATE I NOMIiHE NOMBRE de la .1..
Ire représ repr.-senl.
d' act es ou de la pendant, reprise j l'année *La Prière dans la nuit, pièce 1 20 avril 3 *La KOmmai/rlantur, pièce 3 28 avri , 11 La Jalousie, comédie 3 12 mai li Le Bouquet, comédie 1 12 mai I li *A la Française, revue 12 oct. 4S *Les Deu,v Vestales, comédie 3 23 dé l'i
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THÉÂTRE DU VAUDEVILLE1
L'année s'était ouverte sur la Belle Aventure2; la centième représentation se donnait le 19 mars; la deux centième était affichée le 15 juin, et le triomphal succès de la très charmante comédie de MM. G.-A. de Caillavet, Robert de Flers et Etienne Rey se prolongeant jusqu'à la fin de juillet, n'était interrompu que par la guerre. Le Vaudeville restera dès lors fermé.
1. — Directeur : M. Porel; Administrateur : M. Georges Peutat Secrétaire général : M. Camille Malacan.
2. — Mme Daynes-Grassot, l'admirable et touchante interprete de Mme de Trévillac, dans La Belle Aventure, venait de recevoir les palmes dorées d'officier de l'Instruction publique. A cette occasion, ses camarades du Vaudeville la fêtaient, le 9 février, en une petite cérémonie intime et très émouvante. Après le premier acte, on s'était réuni dans le foyer des artistes. Toute surprise et fort troublée, on y avait amené Mme Daynes-Grassot. Alors M. Peutat, l'aimable administrateur général, adressait quelques paroles affectueuses et simples à la délicieuse et grande comédienne. On lui offrait des fleurs. Puis André d'Eguzon. son petit-beau-fils — alias Paul Capellanni — l'embrassait au nom de tous.
Et tandis que les félicitations cordiales pleuvaient autour d'elle pour la distinction que lui avait octroyée le ministre, Mme Daynes-Grassot, modeste et très émue, de répondre « Merci, merci, mais qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que j'ai fait? ». Ajoutons que la fête était présidée par MM. Porel et Quinson, que les auteurs, retenus par des obligation professionnelles, avaient envoyé à Mme Daynes-Grassot une lettre qui fut lue au milieu de la plus profonde émotion, et qu'un très joli bronze fut offert à l'excellente artiste en souvenir de cette mémorable soirée.
Au cours du mois de mars, Mlle Cécile Caron se faisait justement applaudir dans le rôle de Mme de Trévillac, où elle remplaçait Mme DaynesGrassot, momentanément grippée.
Le rôle d'Hélène valait d'abord un légitime succès à Mlle Andrée Méry, l'exquise comédienne à qui l'on doit tant de jolies créations ; il passait ensuite aux mains de M"' Alice Leitner. Ce rôle qu'a créé avec tant d'autorité Mlle Madeleine Lély, est tout de nuances délicates, de charme et d'esprit. Mlle Alice Leitner, dont les débuts au théâtre datent d'hier, s'y montre excellente ; elle est l'élève de son père et prouve toutes les fois qu'elle paraît sur la scène, qu'elle a su profiter de ses très bonnes leçons.
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1915
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Le 6 avril r 9 15 ', sous la direction intérimaire de MM. Victor de Cottens et E. Danancier, le théâtre rouvrait ses portes avec un de ses plus grands succès, Les Surprises du Divorce, dont l'heureuse reprise valait à M. Félix Galipaux un véritable triomphe. Puis c'était La Famille Pont-Biquet, où M. Rozenberg abordait le rôle créé jadis par José Dupuis ; Un Fil à la Patte, de M. Georges Feydeau, où se faisaient applaudir Mmes Lucile Nobert, Henriette Miller, Jourda, MM. Marcel Simon, Elie Febvre, Vavasseur et Armand Morino; Loute, de M. Pierre Veber, excellemment interprétée par M. Galipaux et Jean Yvon ; La Nouvelle Revue antiboche, et Son Homme, sketch d'actualité, de M. Michel Carré, joué par Mlle Irène Bordoni et M. Beckmann; la reprise d'Un Divorce, de MM. Paul Bourget et André Cury2 ; la première représentation de Vieux Thann, comédie en trois actes, de M. Louis d'Hée3.
1. —On avait joué le 3 avril l'Aigle, opéra héroïque de MM. Henri Cain et Louis Payen, musique de M. Jean Nougués, interprété par M. Lestelly, :\1" Marie Charbonnel et Lucile Pannis.
2. DISTRIBUTION. — Darras, M. Duquesne. — L'abbé Euvrard, M. Desfontaines. — Lucien, M. Jacques Faure. — Joseph, M. Terwall. —
Gabrielle, .\lme Grumbach. — Mme Darras, Mlle Marie Délia. — Berthe P1 a ri a t, Mlle Marcelle Raynes. — Juliette, Mil. Geneviève Chapelas. —
Jeanne, Mme Danceny. -
3. DISTRIBUTION. — Lieutenant Lagarde, M. Jacques Faure. — Pierre Schmidt. M. Marcel Bourdel. — Docteur Frantz Muller, M. Bardoux.— Yvon Legavec. M. A. Stacquet. — Abbé Mathis, M. Armand-Morins. —
Suzel Mathis, Mlle Marcelle Raynes. — Mme Schmidt, Mlle Marie Délia. —
Aimée, Mlle Hariett Alezais. — Marguerite, Mil. Paulette Pax. — Marie Schmidt, Mlle Claude Danceny.
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19 SEPTEMBRE. — Première représentation des Visions de Gloire, vingt tableaux héroïques créés au Théâtre de Monte-Carlo. « C'est un cinéma historique qui exalte la gloire de la France à travers les siècles et qui chante en même temps l'honneur, le dévouement, le courage des nations alliées.
Mais ce cinéma n'est pas figé dans le mutisme ; il appelle à son aide les vers de nos meilleurs poètes, et les belles pages de la musique lyrique inspirées à nos compositeurs. Tout cela constitue un spectacle splendide et varié dont les interprètes sont des vedettes comme : Mme Moreno, qui a dit de sa voix d'or un poème d'André Muller.; Mlle Madeleine Lély, qui a prêté son charme mystérieux et la flamme de son art si personnel au personnage de Jeanne d'Arc ; Mlle Marcelle Praince, qui, avec sa diction nette, vibrante, a fait valoir les vers si pathétiques de M. Zamacoïs, les Belges. La partie musicale, dont l'orchestre est confié à M. Jacquet, n'est pas la moins importante dans ce défilé d'images tour à tour héroïques ou guerrières, nobles ou reposantes, toutours pittoresques. C'est Mme Litvinne, la grande cantatrice, qui en assume le fardeau. Somptueusement costumée, elle fait passer sous nos yeux des scènes de la vie populaire russe, scènes animées par les chœurs, qui chantent avec un sentiment parfait le chant célèbre des Bateliers du Volga, par la figuration, où tous et toutes ont
le geste approprié et semblent nous apporter sur la scène du Vaudeville l'existence même et les coutumes du peuple slave. Mme Litvinne colore ces épisodes en chantant des complaintes, une chanson
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d'une saveur étrange de Borodine : « Ceux d'ici et ceux de là-bas », le Hopack enfiévré de Moussorgsky. Le ténor Darial lui succède et dit avec une saveur étrange d'autres pages populaires ; et Mlle Urban, de l'Opéra, avec le danseur Danieff, fait revivre avec grâce, avec précision, les danses petit-russiennes. »
12 OCTOBRE. — Reprise, à la 260me représentation, de la Belle Aventure1, dont l'éclatant succès n'avait été interrompu le Ier août 1914 que par la guerre.
a5 NOVEMBRE. — Première représentation de Cabiria. Lorsque le rideau s'est levé sur la pièce cinématographiée de M. Gabriele d'Annunzio, nous avons vu M. Porel, l'excellent directeur, s'avancer sur la scène. Il a prononcé une courte et spirituelle allocution de laquelle ce passage mérite d'être retenu : « A ceux qui s'étonneraient de voir un des premiers théâtres de Paris présenter un de ces grands livres d'images, je dirai : « Réflé-
1. DISTRIBUTION. — Hélène de Trévillac, Mlle Madeleine Lély. — Jeantine, Mlle Catherine Fonteney. — Mme de Trévillac, Mlle Jeanne Dulac.
— Comtesse d'Eguzon, Mme Favrel. — Jeanne de Verceil, Mme Montmartin. - Mme de Verdières, Mlle Andrée Glady. — Mme Chartrain, M|le Camille Deslys. — Mme de Verceil, Mlle Cécil Mai. — Suzanne Sérignan, Mlle Andrée Perrine. — Mme de Machaut, Mlle Marthe Sotie.
- Thérèze Desmignières, Mlle Madeleine Deval. — Mme de Ligneray, ::-'flle Danielle Lory. — Louise, Mme Dutry — Herminie Desmignères.
Mlle Simonne Fagette. — Mme de Cambest, Mme Bérane. — Marquise de Langelier, Mlle Nelly AIendès. — Le comte d'Eguzon M. Joffre.— André d'Eguzon, M. Henry Defreyn. — Valentin Le Baroyer, M Palau.
Chartrain, M. fondos.- Fouques, M. Leubas. — Dr Pimbrache, M. Valbret. — Marquis de Langelier, M. Javerzac. — De Sérignan, M. Dau-
mont. — Didier, M. Terrore. — Gratou, M. Henry. — De Lig;:-;---:'
M. Cazal. — David, M. Rèmy.
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chissez ! Interrogez-vous ! Dans les circonstances dramatiques que nous traversons, avez-vous sincèrement envie d'aller au théâtre ? J'entends un théâtre comme vous y alliez en temps de paix pour écouter une pièce ? Avez-vous le désir d'entendre des dialogues sortis de l'imagination complaisante d'un auteur, des dialogues qui vous bercent des phrases chimériques, factices, je dirai presque égoïstes? — Non. » Et j'ai senti dans mon théâtre même que le public ne le pouvait pas. Le cinéma, au contraire, réduit aux seuls gestes, supprime les paroles importunes, et de ce public qui n'a plus la force d'attention pour être un auditeur, il fait un spectateur ». On ne saurait ni mieux ni clairement dire. Nous avons donc vu cette fois une pièce — elle était de M. Gabriele d'Annunzio. Ne m'en demandez ni l'intrigue, ni la critique. La splendeur verbale du grand écrivain italien le cède ici à la magie du décor, à la perfection de la mise en scène. On se demande comment à une imagination aussi puissamment évocatrice de l'histoire romaine a pu correspondre une réalisation aussi féerique, aussi fidèle en même temps. Cabiria est une aventure qui se passe aux temps romains sous Annibal. Vous pouvez sans peine vous figurer ce que le cerveau si ardemment latin de M. d'A nnunzio a pu tirer d'un épisode qui nous montre le sort réservé, il y a déjà vingt et un siècles, aux empires de proie. Cabiria est donc à la fois une vision d'art et une vision patriotique. Et M. Porel a voulu sceller au Théâtre du Vaudeville l'alliance de l'Italie avec sa grande
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sœur la France. Jamais film n'a d'ailleurs groupé autant d'attraits, autant de personnages, n'a reconstitué d'aussi grandioses visions historiques, n'a servi de cadre à un sujet aussi poétique, aussi émouvant, aussi varié. Au théâtre, on monte une pièce en un ou deux mois. Cabiria a demandé plus d'un an pour sa mise en scène ; celle-ci n'a pas coûté moins d'un million à établir. Tout Paris ira donc voir dans la jolie salle du Vaudeville ce film, le plus extraordinaire, le plus énorme, le plus vraiment sensationnel, ce film qui laisse loin derrière lui tout ce qui a été tenté et réalisé au cinéma à ce jour. Ajoutons que Cabiria était accompagnée d'une partition de M. Ilbrando de Parma, dont l'exécution était dirigée par M. Letombe.
TABLEAU
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DATE NOMBRE NOMBRE de la de ire représ, l'eprtsent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
L'.ligle, opéra héroïque 4 p. 10 t. 3 avril 4 Les Surprises du Divorce, comédie 3 6 avril 22 La Famille Pont-Biquet, comédie 3 23 avril 19 Vu Fil à la Patte, coiiiédie 3 8 mai 20 Loute, comédie 4 21 mai 33 *La Nouvelle Revue a;îliboclie 16 juin 28 *Son Homme, sketch 19 juin 25 Un Divorce, pièce. 3 5 juillet 45 * Vieux Thann, comédie 3 14 août 41 * Visions de Gloire, tableaux héroïques.. 20 19 sept. 17 La Belle Aventure, comédie. 3 12 oetob. 33 *Cal'¡ria, pièce cinématographiée. 25 nov. 47
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THÉATRE DES VARIÉTÉS 1
Le théâtre avait ouvert l'année 1914 avec l'Institut de beauté, de M. Alfred Capus. Le 24 janvier avait lieu la première représentation des Mer- veilleuses, opérette en trois actes, de Victorien Sardou et M. Paul Ferrier, musique de M. Hugo Félix2. — C'est « Paris sous le Directoire » que Victorien Sardou voulut montrer un jour aux spectateurs des Variétés. Il y avait là, n'en doutez pas, un admirable sujet de comédie. Quel carnaval tragi-comique que l'époque encadrée entre l'écha-
1. — Directeur : M. Fernand Samuel ; Administrateur : M. Boutet de Monvel ; Secrétaire général M. Jules Brasseur.
Le 10 janvier, une fête intime et cordiale avait lieu sur le plateau.
Autour de M. Fernand Samuel, tous les artistes et les employés du théâtre étaient réunis pour fêter la croix de chevalier de la Légion d'honneur de M. Jules Brasseur. Le directeur des Varietés prit la parole, et dans une éloquente allocution fit part au nouveau légionnaire de tout le plaisir ressenti par ses collaberateurs, associant dans ses félicitations son fidéle et dévoué pensionnaire, M. Albert Brasseur. Un joli souvenir fut offert par le théâtre des Variétés à M. Jules Brasseur, qui remercia ses amis des preuves d'affection et de sympathie qu'ils lui témoignèrent toujours.
2. DISTRIBUTION. — Tournesol, M. Brasseur. — Malicorne. M. Guy. —
Lagorille, M. Prince. — Dorlis, M. Fabert. - Ragot, M. André Simon.
— Bonaparte, M. Baldy.-La flûte, M. Henriet. — De Melval, M. Dupuis.
— Alexis et Jacquinet, M. Dupray. — lllyrine, JIme Marthe Régnier. —
Pervenche, Mlle Jeanne Saulier. — Palmyre de Chateau-Regnault, Mme Hary Perret. — Eglé, lme Moreil. — Des Gouttièrss. Mme Fabre.- Le contrebassiste Backelin, Afme Fugère. — L'Epinette, J/me Chapelas.- La Harpe, Mlle Mady Espinier. — Le rôle de Lodoïska par Mlle Méaly: celui de Saint-Amour par M. Galipaux.
L'orchestre était conduit par M. Emile Lassailly.
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faud de Robespierre et les baïonnettes du 18 Brumaire ! « Paris, sorti de la Terreur, affamé de vivre, se rue avec vertige au plaisir. La déesse de la Raison est remplacée par la Folie triomphante.
Le luxe reparaît flambant, battant neuf, insolent comme un parvenu. L'agio tourne la roue qui élève et abat les fortunes sur le perron du PalaisRoyal, comme au temps du Mississipi et de la rue Quincampoix. Six cent quarante-quatre bals publics, six mille divorces prononcés, en un an, à l'étatcivil de la Commune de Paris, le nombre des enfants trouvés doublé en quinze mois, la promiscuité de l'orgie sous les travestis d'une mascarade.
De ce tableau d'histoire, Sardou fit, savamment emprunté aux estampes et aux pamphlets de l'époque, un panorama de revue pittoresque, et même burlesque. La pièce n'existe pas, ou du moins elle existe si peu qu'on a pu dire qu'il faudrait l'inventer pour l'analyser. Vous serez au bout de son petit, de son tout petit rouleau, quand vous saurez que la jeune Illyrine, se croyant délaissée par son mari, Dorlis, et contrainte par un oncle barbare de divorcer pour épouser le secrétaire de Barras, retrouve, le jour même de ses noces, ce mari perdu, et redevient sa femme au moyen d'un nouveau divorce. Une conspiration ridicule coud ses fils blancs à ce canevas légèrement rapiécé. Ajoutez deux agents de police qui s'espionnent, se camouflent, se reconnaissent et s'arrêtent euxmêmes à la manière de. Tricoche et Cacolet, de légendaire mémoire. Le commissaire de Polichinelle paraîtrait, certes, un fin diplomate auprès de ces
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jocrisses policiers. Et c'est tout, c'est bien tout.
Ceci dit, passons au spectacle, étonnant de luxe et d'exactitude, que nous ont offert le décorateur et le costumier. Tout le Paris de l'an VI s'y déroule, minutieusement reconstruit par Amable et Landolff. Les tableaux de Bailly et les miniatures d'Isabey, les planches en couleur de Debucourt et les dessins de Carle Vernet y prennent souffle et vie. C'est le monde du Directoire exhumé de la poussière des journaux de modes et de vieilles gravures, comme Pompéï de la cendre froide du Vésuve. Le premier acte nous montre les jardins du Palais-Royal, et voici la rotonde du café Alexis, où les punchs et les glaces alternent sur les tables.
C'est là que nous faisons la connaissance du cidevant merlan Lagorille, passé chef des Muscadins, prince des Incroyables, et des agents Tournesol et Malicorne, déguisés en marchand de coco et en.
débitant de plaisir — « le plaisir, Mesdames ! »
C'est dans cet acte que les Merveilleuses font leur première entrée, et cette entrée est un sauvequi-peut. On entend des cris de colombes plumées à la cantonade : c'est une troupe de Sans-Culottes poursuivant avec des huées deux jeunes « SansChemises », Eglé et Lodoïska. Cette mésaventure advint, paraît-il, un décadi soir de l'an V, à deux femmes qui s'étaient montrées, aux ChampsElysées, habillées de gaze. La mode vint, en effet, à cette année-là, de su pprimer la chemise. — « Voilà plus de deux mille ans que les femmes portent des chemises, — écrivait un journaliste du temps — cela est d'une vétusté à périr ». Et les Merveilleu-
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ses, passées « Impossibles » se coulèrent nues dans un fourreau de batiste, des cercles de camées aux jambes et des « carlins » d'or à chaque doigt de pied. Comme nous sommes près de ces temps lointains ! Nos élégantes d'aujourd'hui n'ont-elles pas depuis longtemps banni la chemise ? Ne laissentelles pas voir au travers d'un bas transparent leur peau satinée, et ne nous a-t-on pas dit que quelques-unes déjà reçoivent les pieds nus ?.., Mais revenons aux Merveilleuses, dont le second acte nous introduit dans la coquette maison de SaintAmour, rue La Rochefoucauld. C'est le salon enguirlandé de roses multicolores qui semblent mou- rir sur la tapisserie jonquille. Une épinette, une harpe, une viole d'amour et une flûte traversière : tel est le quatuor qui accompagne au lever du rideau les chants de Pervenche, si gracieusement personnifiée par Mlle Jeanne Saulier. - Quand les trois portes du fond sont ouvertes, on aperçoit, dans la nuit bleue, les immenses jardins de l'hôtel, avec leurs grandes masses d'arbres et leur gazon verl. Mais bientôt l'horizon va se teinter de rouge, les fusées, les chandelles romaines, les bouquets du feu d'artifice vont faire pleuvoir dans le ciel leurs gerbes étincelantes. Et la fête des yeux continue.
C'est un éblouissement ininterrompu. Le dernier acte nous montre un bal au Luxembourg, chez le directeur Barras. Un escalier monumental conduit à la salle où l'on danse. Voyez cette belle personne qui descend les marches avec une écharpe « au lever de l'aurore » et une perruque « à l'inquiétude » : c'est la jolie Mme Récamier, la plus jeune l
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reine de la finance. Et cette autre, après elle, en « péplum violet cul-de-mouche », c'est Mme de Contade, la Terpsichore du jour. Et celle-là, avec son turban, c'est Mme de Staël, suivie de son Benjamin. toujours Constant. Et cette beauté à qui elle parle, robe « à la désespérée», coiffure « à la victime », c'est Mme Tallien. Et cette autre si effrontément déshabillée en une absence de robe « à l'antique ». ou mieux « à la sauvage ». Ainsi de suite. Rien de plus ingénieux, en sa grandiose majesté, que ce défilé du dernier acte, dont la conclusion « historique » n'est autre que l'entrée triomphale du général Bonaparte et de ses officiers, victorieux de l'armée d'Italie. Le directeur des Variétés ne s'est pas contenté de nous donner, avec une somptuosité qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer, une nouvelle version de la célèbre comédie de Sardou, fort habilement arrangée et très heureusement mise au point par l'expérimenté dramaturge et excellent poète qu'est M. Paul Ferrier.
On a applaudi le final du second acte qu'a conduit avec tant de sûreté — comme toute la partition du reste — le remarquable chef d'orchestre qu'est M. Lassailly. On a trissé le trio qu'ont enlevé les admirables bouffons Brasseur, Guy et Galipaux. On a redemandé à Mme Marthe Régnier, jolie « comme un cœur », les couplets de « Mille Regrets » qu'elle sa dits avec une si fine délicatesse; vous connaissez l'exquise comédienne ; nous connaissions, nous, l'adorable chanteuse pour l'avoir dé-à entendue à Monte-Carlo. On fit fête à la voix infatigable de Méaly, toujours étonnante de jeunesse et de gaieté,
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à l'élégante Jeanne Saulier déjà nommée, si gracieuse Pervenche ; à Prince, qui jamais ne se montra de comique plus personnel et plus savoureux ; à M. Fabert, adroit ténor, qui, avant d'être aux Variétés le Dorlis des Merveilleuses, incarna sur la scène de l'Opéra le Mime de Siegfried. Et justement on acclama Samuel dit le Magnifique.
Pauvre ami, qui nous eût dit alors qu'il ne verrait pas la fin de 1914 !
20 MARS. — Première représentation de Ma Tante d'Honfleur, comédie-bouffe en trois actes de M. Paul Gavault1. — Ma Tante d'Honfleur — le titre l'indique déjà — n'est, à dire vrai, qu'un vaudeville, un pur vaudeville à quiproquos, mais si amusant ! Et si bien fait ! Jamais, croyons-nous, M. Paul Gavault ne déploya plus de verve et d'habileté ; jamais il ne dialogua avec une gaieté plus saine et plus continue. Charles Berthier est un brave garçon, très simple, qui se trouve subitement lancé dans des situations très compliquées. Voyez plutôt. « Notre bon Charles ramène un soir chez -,- lui une personne affriolante qui répond au nom de Lucette. Il est tard ; il est temps de se donner les marques évidentes d'une sympathie bien partagée.
Un coup de sonnette retentit. « C'est drôle, dit
1. DISTRIBUTION.— Dorlange, M. Baron.— Charles Berthier. M. Brasseur. — Docteur Douce, M. Guy. — Adolphe Dorlange, M. Prince. —
Justin, M. Dupuy. — Albertine, ]\file Eve Lavallière. - Mrac Raymond, Mme Augustine Leriehe. — Lucette, Mlle Diéterle. - Mme Dorlange, Mme Marguerite Caron. — Juliette, Mlle Mareil. — Mil. Arlette Dorgère dans le rôle d'Yvonne, et M. Galipaux dans celui de Clément.- Dans le rôle d'Adolphe Dorlange, M. Prince sera remplacé avec talent par M. Dupray dans celui d'Yvonne, :l\llle Rose Syma, très adroite, succé- dera à Mlle Arlète Dorgère.
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Lucette, j'ai idée que « cela » ne se fera pas ». Et elle se cache. Charles ouvre : c'est sa tante, « sa tante d'Honfleur », qui vient lui demander l'hospitalité. Assez ennuyé, comme vous pensez, Charles installe sa tante dans le fumoir, et s'apprête à rejoindre Lucette qui l'attend dans sa chambre.
Nouveau coup de sonnette ; décidément « cela ne se fera pas ». C'est maintenant l'ami de Charles, Adolphe Dorlange, qui vient de rompre avec sa maîtresse Albertine et demande à Charles asile pour quelques heures. La tante s'éclipse et va dormir à l'hôtel familial du « Bon Lafontaine » (c'est ce qu'elle avait de mieux à faire), pendant qu'à son tour Adolphe s'installe dans le fumoir.
Charles court vers Lucette qui l'attend toujours dans sa chambre. Enfin, seuls ! Ah ! que non pas !
Voici encore un coup de sonnette ! C'est Albertine.
Les deux amants se querellent, tandis que l'aimable Lucette, lassée d'attendre, s'évanouit dans la chambre de Charles. Pauvre Charles : ne le croyez pas au bout de ses peines. Adolphe a résolu de partir pour Brive-la-Gaillarde où ses parents lui destinent comme épouse une jeune veuve bien en point. Il part. Et alors Albertine supplie Charles de suivre son ami pour empêcher le mariage. Bon garçon, un peu faible, nous vous l'avons dit, Charles se lance à la poursuite de son ami, tandis que Lucette, revenue de son évanouissement, attend toujours dans la chambre à côté. Ses prévisions étaient justes : « cela » ne se fera pas ! Nous sommes maintenant à Brive-la-Gaillarde, chez les parents d'Adolphe, ménage touchant, d'un vieux tourtereau
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et d'une aimable tourterelle qui se bécotent sans cesse. Adolphe fait la cour à sa fiancée, Yvonne.
Arrive Charles qui, comme ami d'Adolphe, esl reçu à bras ouverts : même il semble qu'il plaît assez à Yvonne qu'il trouve, lui, fort avenante.
On est tranquille, on est content : Patatras ! voici Albertine, qui, peu confiante, sans doute, dans la diplomatie de Charles, estime que l'on est surtout bien servi par soi-même et apparaît en personne au millieu de la famille du fugitif, où, pour être reçue, elle se prétend la femme légitime de. l'infortuné Charles. Elle se serait mariée incognito, à cause de « la tante d'Honfleur » aux mœurs sévères. Adolphe est bien ennuyé. Pour renvoyer à la fois Charles et Albertine il fabrique un faux télégramme annonçant la mort de la tante d'Honfleur. Grande désolation ; pleurs et gémissements.
Une dame inconnue se présente : c'est précisément la tante d'Honfleur (vous l'attendiez) qui, inquiète de son neveu, court après lui. On se précipite.
« Mais qui donc, demande le père Dorlange, a eu l'idée de faire venir le corps ? » Et ce cri, proféré par Baron, a terminé sur un général éclat de rire le désopilant second acte. Tout s'est compliqu., mais pour s'éclairer au dénouement. Fiez-vous au dernier acte pour que se terminent ces aventures embrouillées : la tante d'Honfleur, ressuscitée, et bien en vie, certes, se charge d'arranger les choses.
Elle réconcilie -Adolphe et Albertine et elle marie son neveu à la jeune veuve. Et Lucette ? me direzvous. Elle aussi elle avait quitté Paris pour courir sus à Charles. Elle attendait naïvement à la gare :
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elle repart comme elle était venue. « Cela » ne s'est pas fait, voilà tout ! Une troupe incomparable a puissamment aidé au vif succès de Ma Tante d'Honfleur. Nous avons tous revu avec joie, sur cette scène où il connut tant de triomphes, notre cher Baron, grandiosement comique dans le père Dorlange. Puis, c'est Brasseur, si sincère et si vrai, si cordial et si fin dans Charles Berthier ; Prince, un Adolphe délicieusement et « naturellement » cocasse ; Galipaux, qui prête une grande allure, toute classique, à un bref rôle de domestique, essentiellement moderne ; Guy, à qui suffit une scène épisodique pour s'affirmer le toujours parfait comédien que vous savez. Voici maintenant Eve Lavallière (c'était l'heureux retour de l'enfant prodigue) qui met la fantaisie la plus charmante et l'émotion la plus discrète au service du rôle d'Albertine ; l'exubérante Augustine Leriche, la « vie même » en l'excellente tante d'Honfleur au sac inépuisable d'où s'envolent si allègrement les billets de mille ; l'exquise Arlette Dorgère, au jeu si simple et si sûr; la mignonne Diéterle, le plus joli des laissez pour compte, et enfin Marguerite Caron, à la grâce souriante, et qui a dû se marier bien jeune pour avoir un si grand fils.
Le 9 juin avait lieu la centième représentation de Ma Tante d'Honfleur. Le 31 juillet le théâtre fermait ses portes ; il ne devait plus les rouvrir de l'année 1914.
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DATE NOMBRE NOMBRE de la de lr0 représ, représent, d'actes ou de la pendant reprise l'année ! i L'Institut de beauté, comédie 3 » 11 *Les ilierveilleuses, opérette 3 2i janv. ; ;-)i) *Ma Tante d'Honfieur, comédie-bourte. 20 mars j lto *Loulou. comédie 1 21 » 77
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1915
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A la suite du décès de M. Fernand Samuel, c'est M. Max Maurey, directeur du Grand Guignol, qui devenait directeur des Variétés. Mais il ne prendra pas possession du théâtre avant la fin de l'année 1915.
Le 23 novembre, les portes s'ouvrent pour des matinées quotidiennes. Le spectacle s'appelle Ceux de chez nous, causerie en deux parties de M. Sacha Guitry, avec le concours de Mme Charlotte Lysès.
Tous nous nous sommes dit plus d'une fois : « Ah !
si le cinéma avait été inventé il y a plusieurs siècles, quels films intéressants on nous aurait transmis ! Nous pourrions voir Raphaël peignant les fresques du Vatican, Léonard de Vinci devant son chevalet, Molière lisant à sa servante une scène qu'il vient d'écrire, Voltaire dans l'intimité de Cirey ou de Ferney, etc. » M. Sacha Guitry a eu la même pensée; mais, poussant plus loin la réflexion, il a songé au reproche que la postérité pourrait faire aux hommes de notre temps : « Le cinéma était inventé, s'écriera-t-elle, et vous n'avez pas pris soin de garder pour nous les mouvements et les attitudes de nos grands artistes. » Pour éviter qu'on vienne lui faire cette réprimande dans cinquante ans, s'il vit encore — ce dont M. Sacha Guitry est à peu près sûr, a-t-il dit, — il a cinématographié dans leur atelier, dans leur cabinet, dans
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leur salon, nos sculpteurs, nos peintres, nos compositeurs, nos poètes, et nos écrivains, « ceux de chez nous ». Rodin, Anatole France, Rostand, Saint-Saëns et d'autre encore ont défilé sur l'éeran tandis qu'une causerie humoristique de M. Sacha Guitry commentait leurs faits et gestes. Deux chansons de Polin et de Mme Jane Pierly, deux monologues de M. Galipaux et une petite pièce de M. Sacha Guitry : la Vilaine Femme brune, jouée par l'auteur et par Mme Charlotte Lysis, variaient le spectacle.
10 DÉCEMBRE. — Première représentation, à ce théâtre, de Mademoiselle Josette, ma femme, comédie en quatre actes de MM. Paul Gavault et Robert Charvay, où Mme Marthe Régnier et M. Dumény reprenaient les rôles de Josette et d'André Ternay, qu'ils avaient créés sur la scène du Gymnase1.
NOMBRE D.\ TE NOMBRE de de la de représent. 1re repre. s. represent.
pendant ou de la pendant l'année reprise l'année
*Ceu:t: de chez nous, causerie 2 parties 23 nov. 1 C *La Vilaine femme brune, l,ièce 1 23 » 19 Mlle Josette, ma femme, comcdie 4 10 déc. 1G
1. — Le rôle de Josette sera repris à l'improviste par Mlle Germaine Lisse, puis par Jeanne Provost.
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THÉATRE DU PALAIS-ROYAL1
Le succès des Deux Canards, de MM. Tristan [Bernard et Alfred Athis (dont la centième représentation se donnera le 24 février), remplira les quatre premiers mois de l'année igi4. Le 8 mai, savait lieu la première représentation de J'ose pas.
comédie- vaudeville en trois actes de M. Georges Berr2. M. Georges Berr, qui a écrit une jolie comédie de caractère intitulée l'Irrésolu, aurait pu appeler le Timide celle qu'il vient de faire applaudir ,cUl Palais-Royal. Jules de Roncières est, en effet, run timide. Parce qu'il n'a point osé se déclarer, il se voit à la veille d'épouser, au lieu de la jeune ~tille qu'il aime, la sœur de celle-ci. Comme il n'a
1. — Directeur: M. (Juinson.
2. })¡ST!¡laVrIu;:,;. — Séphora Gouzon, Mlle Armande Cassive. - Rosette H;..UZOII, M"e Jane Renouardt. — Marianne Gouzon, Mil. Marthe Del i'nne. — Clémence, Mlle Andrée Divonne. — Françoise, Mlle Juliette 1 (l'ircia. — l":-:e bourgeoise, Mlle de Gaultret. — Gouzon, M. Germain.
.1 illes des Roncières, M. Le Gallo. — Poupette, M. Clément. — SaintPardoux, M. Palau. — Thomas Poussin, M. Ed. Roze. — Fazereau.
M. L/wcille. — Me Binot-Bonoche, M. Marchal. — Dodousset, M. Louis Tune. — Joseph, M. Gabin. — Vaudoise, M. Duvelleroy. — Le gardechampêtre, M. Lecomte. — Un journaliste, M. Rochambaux. — Un ( plombier, M. Jean Guyon. — Le greffier, M. Albouy. — L'huissier, M. Stacquet. — Le procureur, M. Vonelly. — Un extra, M. G. Barral.
- — 1er gendarme, M. Eygen. — Un expert, M. Thuet. — Le garçon du Tribunal. M. Rollet. — Un photographe, M. Saint-Isle.
Itans le rôle de Jules des Roncières, un jeune artiste, M. Raoul Terrier, dont l'élégance et la verve avaient été appréciées au Théâtre Michel de Saint-Pétersbourg, remplacera dignement M. Le Gallo.
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point l'énergie de la détromper, il va enlever malgré lui la femme « au températment excessif » d'un magistrat, son futur beau-père, lorsqu'un briga- dier de gendarmerie, sot et prétentieux, l'arrête pour des vols que jamais il n'a eu l'idée de commettre. Il s'ensuit au second acte — l'acte du tribunal — qui est la chose la plus follement invraisemblable que l'on puisse imaginer et la plus difficile à raconter; ne nous y risquons point!. <Ju il vous suffise de savoir qu'à l'issue d'une audience ahurissante, notre jeune homme est condamné à 14 prison, qu'il s'en évade drôlatiquement déguisé en blanchisseuse, et qu'il finit par épouser la délicieuse Rosette, une timide, elle aussi, ayant comme lui gagné quelque aplomb. L'adresse, la gaieté, la bonne humeur du dialogue et l'esprit de mots sont les qualités principales de cette comédie — comédie-vaudeville, s'entend — qui a fait rire et fut o prestement enlevée par une troupe comique pleine de conviction. Mlle Cassive eut, sans doute, de meilleurs rôles que celui de Séphora Gouzon; j aiii ail elle n'eut plus de grâce attirante et d'entrain savoureux.Et nous avons admiré la bonhomie résignée du président Germain ; la finesse et le naturel de M. Le Gallo, le parfait « timide » ; la gentillesse de Mlles Jane Renouardt et Debienne; la note juste donnée à leurs personnages par MM. Clément, Palau, Roze et Marchal. Tous méritaient d'être vivement félicités, car ils nous avaient tous beaucoup amusés. Le succès de J'ose pas. se prolongeait jusqu'à la clôture annuelle du Théâtre, à la date du 13 juillet.
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DATE NOMBRE NOMBRE de la de Ire représ, représent, d'actes ou de la pendant reprise l'année
Les Deux Canards, piece..,.," 3 » H7 ".J'(!e pas, comédie-\"audeville. 3 8 mai 79
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1915
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Le 24 avril 1915, le théâtre du Palais-Royal rou- rait ses portes avec la première représentation de g 10, revue en deux actes de Rip, musique de IL Lassailly. « igiô renouvelle le genre de la evue qui n'est jamais démodé quand on y met de 'esprit, et l'auteur sut le prodiguer à souhait. Il y net même du cœur. M. Rip, emprisonné dans les ils barbelés dans lesquels Anastasie enserre le héâtre aussi bien que les journaux, s'est fort jolinent tiré d'affaire. Semblable à Figaro, il pouvait parler de tout, à condition de ne rien dire à personne ; il a parfois eu recours à cette figure de rhéorique qui s'appelle l'allusion. C'est ainsi qu'il est parvenu à nous conter l'histoire, transplantée dans un autre siècle, d'un fournisseur aux armées et de .;a dame. La censure elle-même n'est pas épargnée, mais si ingénieusement ! Nous citerons encore la lettre ouverte à Guillaume, que vient lire Napo- léon, « embusqué aux Invalides » ; la « lettre à un papa dans la tranchée », avec sa musique si joliment tendre de M. Lassailly; les couplets: « C'est pour ça qu'on fait la guerre » ; la chanson du poilu (On les aura), qui sera demain chantée dans tout
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Paris, tout cela c'est mieux que de la revue: cela fait frissonner un auditoire, cela le remue, l'entraîne, lui donne de fécondes émotions. Et l'on rit aussi : l'histoire d'un voyage parisien en septembre (le rondeau a été dit, chanté, mimé par Mlle Marguerite Deval avec une verve endiablée) ; la scène du jeune marin, celle du mariage par procuration; d'autres encore sont pleines de joie, d'humour, d'observation piquante, de traits au choix desquels ont présidé un goût et un tact incontestables. Nous venons de dire la spirituelle et exquise malice avec laquelle Mlle Deval joue ses scènes ; il faut louer la jolie voix, la diction et le charme de Mlle Yvonne Printemps, appelée à être une de nos plus gentilles divettes d'opérette; Mlle Spinelly prête toujours son talent subtil et son amusant accent faubourien aux fantaisies de l'auteur. Du côté masculin, en première ligne, je nommerai Vilbert, qui donne une grande envergure aux rôles qui lui sont confiés : Ah ! le beau Napoléon qu'il fait, et avec quelle vérité il a réalisé son Poilu ! Et M. Vilbert dit le couplet avec une variété et aussi une profondeur d'expression tout à fait remarquables. M. Charles Lamy a campé avec beaucoup d'art une silhouette de vieux beau. Le Gallo est tout à fait divertissant de bonhomie et d'entrain.» M. Quinson fait bien les choses ; il confie la partie musicale de cette jolie revue à M. Lassailly, l'habile chef d'orchestre des Variétés. Nous avons ainsi la joie d'entendre des flons-flons exécutés avec rythme, avec couleur et précision. 1915 obtiendra un succès de plus de cent représentations.
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2 OCTOBRE. — Reprise de la Cagnotte, comédievaudeville en cinq actes de Labiche et Delacour1.
6 NOVEMBRE. — Première représentation de Il faut l'avoir, « comédie-revue » en deux actes de MM. Sacha Guitry et Albert Willemetz. Les deux auteurs se sont avisés d'un prétexte bien actuel pour amener à Paris le com père de leur revue. Ils supposent le roi d'un Etat neutre à qui son président du conseil persuade qu'il faut sortir de sa neutralité. Ne sachant trop s'il doit se ranger aux côtés des empires centraux ou adhérer à la QuadrupleEntente, il vient à Paris pour se donner le temps de la réflexion ; une suite de jolis tableaux qui passent devant ses yeux lui inspirent de vives sympathies pour les Parisiennes. Le public n'a pas été moins charmé que l'auguste voyageur et il a vivement applaudi nombre de scènes ingénieuses et amusantes, telles que le guichet de la Banque de France, où se rend Harpagon lui-même, Cyrano transformé en poilu, Thaïs et la danse des monnaies d'or, l'idylle de l'anthracite et du coke.
Succès très franc pour les auteurs et leurs interprètes : MM. Vilbert, Arquillière, Lamy, Raimu, et Mmes Cassive, Yvonne Printemps, Nina Myral et Madge Derny.
A partir du 6 décembre, M. Sacha Guitry et
1. DISTRIBUTION. — Colladan, M. Charles Lamy. — Cordenbois, M. Vilberl. — Sylvain, M. Palau. — Chambourcy, M. Gabin. — Cocarel, M. Mondos.— Béchu, M. Milo, — Benjamin, M. Fernal. — Beaucan, tllJ, M. Angély. — Félix Renaudier, M. Sterny.- Joseph, M. G. Barral.
— Gardien de la paix, M. Montbrun. — Tricoche, M. Eygen. - Léonida, Mil. Mérindol. — Blanche, Mlle Régina Calmer. — Madame Chalamel, Mlle Volanges. — Julie, Mlle de Gaultret.
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Mme Charlotte Lysès interprétaient de nouvelles scènes heureusement ajoutées à la revue. Et le II décembre ils reprenaient Ceux de chez nous et la Vilaine femme brune dont les Variétés avaient eu la primeur.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de 1" représ, représent, d'actes ou de la pendant reprise l'année
*1915, revue. 2 2i avril 132 La Cagnotte, comédie-vaudeville 5 2 octob 17 *11 faut l'aroir, cotiiédie-revue 2 6 nov. 74 Ceux de chez nous 2 parties 11 déco 9 La Vilaine (emme brune, piéce 1 11 » 9
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THÉATRE DE LA PORTE-SAINT-MARTIN1
L'année s'était ouverte par Cyrano de Bergerac avec M. Charles Le Bargy. Sous le titre de Ma- dame2, le théâtre de la Porte-Saint-Martin nous donnait, le 10 février, une œuvre élégante, discrète et fine, signée du parfait écrivain qu'est Abel Hermant et de M. Alfred Savoir que nous eûmes déjà l'occasion d'applaudir comme l'un des auteurs du Baptême et de l'Eternel Mari. Nous avons, cette fois, affaire à une comédie spirituellement dialoguée, dont est incontestable le mérite littéraire. « Madame » se nomme Clémence Dupré d'Imoville ; elle habite en province avec son mari Edouard et sa fille Chouquette et règne sur les beaux esprits du
1. — Directeurs: MM. Henri Hertz et Jean Coquelin; Secrétaire gànéral M. Léo Marchès.
2. DISTRIBUTION. — Clémence, Mlle Jeanne Granier. — Edouard, M. Félix Huguenet. — Mlle Germer, Mlle Jeanne Provost. — Pierre Véretz, M. Signoret. — Chouquette, Mlle Monna Delza. — Mme d'Aiguehelette, Mlle Jane Sabrier. — D'Allarmont, M. Pierre Juvenet. —
Le général, M. Lorrain. — Paumelle, M. Bonvallet. — Rolleboise, M. Basseuil. — Baron Captieux, M. Reyval. — D'Arnaut. M. Almette- Auvray. — De Percillé, M. Amiot. — Jean, M. Person. — Auguste, M. A. Lévy. — La générale, Mlle Dulac. — Mlle Letoré, Mlle Dorny. —
Mme Chambroutet, Mlle Dancourt. — Baronne Captieux, Mlle Stellane. —
Mme de Percillé, Mlle Boucheron. — Mme d'Arnaut, Mlle Depresle. -
Rosalie, Mlle Darlol.
Madame était accompagnée sur l'aftiche d'une jolie comédie en un acte de M. André Picard, Un Amant délicat, jouée par Mlle Marguerite Debray, MM. Basseuil et Audran.
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département, car elle se pique de littérature. Mais elle voudrait régner à Paris. Patience! Cela viendra bientôt. En effet, Chouquette, qui fait ses études au collège voisin, s'éprend d'un jeune professeur, Lartig, qui écrit dans les revues. Elle le présente à sa famille, et voilà qu'Edouard et Clémence, d'abord rétifs à ce pion inconnu qui ne paie pas de mine, s'enflamment subitement de sympathie et d'admiration pour le nouveau venu, en qui ils trouvent du génie. On emmène à Paris le futur grand homme, baptisé d'un pseudonyme, Pierre Véretz, et au second acte le lancement est accompli. Le maître habite chez ses amis Dupré. La copie de Véretz fait prime dans les journaux et ses pièces sont jouées: une d'elles est en répétitions au Théâtre-Français, et c'est Clémence qui dirige le travail. Elle le dirige avec une ardeur jalouse.
« Jalouse » est le mot. Mlle Germer, la principale interprète de la pièce, semble avoir fait impression sur l'auteur. Celui-ci, mis en demeure par sa protectrice et son ami, de retirer son rôle à la comédienne, essaye d'obéir, mais dans la scène qui s'engage entre eux, il s'attendrit et tous deux passent des paroles aux tendresses. Il est honnête, il sortira de cette maison où on l'accueillit trop bien, mais où, vraiment, il n'est pas assez libre. Il reviendra au troisième acte, au cours d'une soirée donnée par son ancienne amie, et lui apprendra son prochain mariage avec Mlle Germer. A cette nouvelle, la protectrice s'évanouit devant ses invités, et son mari s'étonne, à juste raison, d'une telle attitude.
Mais il se rassure bientôt, car sa femme lui parle
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avec une sincérité évidente. Edouard lui pardonne une faute qu'elle n'a pas commise. Et nos gens regagnent la province. L'anecdote est menue, et l'œuvre, sans doute plus livresque que théâtrale, n'est guère qu'une esquisse, d'après un célèbre ménage à trois (M. Abel Hermant opère volontiers dans le vif de la réalité) dont on chuchotait les noms dans la salle. Le public adore ces « pièces à clefs ». Il adore aussi — et comme il a raison ! —
ces comédiens exquis de naturel, qui s'apppellent Mlle Jeanne Granier et M. Félix Huguenet. Jamais mieux que dans Madame ils n'ont mérité nos plus chaleureux bravos. Puis ce fut M. Signoret qui nous a donné, de Pierre Veretz, une de ces savoureuses compositions dont il a le secret. Et dans son rôle singulièrement délicat, voire même légèrement énigmatique, celui de Chouquette, Mlle Monna Delza montra, joints au charme vainqueur de sa beauté radieuse, une intelligence et un tact de qualité supérieure. Mlle Jeanne Provost n'avait qu'une courte scène, au second acte : elle y a trouvé le succès que lui valurent naguère, à la Comédie-Française, plusieurs rôles dits « à côté ».
14 MARS. — Reprise de Cyrano de Bergerac1
1. DISTRIBUTION. — Roxane, Mme Andrée Mégard. — La Duègne, Mlle Dulac. — Lise, Mlle Boucheron. — La Distributrice, Júu, Danourt.
— Cyrano, M. Charles Le Bargy. — De Guiche, M. Pierre Renoir. —
Carbon de Casteljaloux, M. Jean Kemm. — Christian. M. Damorés. —
Lebret, M. Jean Duval. - Ragueneau, M. Lorrain. — Valvert, M. Glenal. — Lignière, M. Reyval. — D'Artagnan, M. Busseuil. — Bellerose, M. Le Goff. — Monfleury, M. Adam.
Dans le rôle de Cyrano, M. Le Bargy était suppléé parM. Jean Duval.
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9 AVRIL. - Premières représentations de Le Destin est maître, pièce en deux actes de M. Paul Hervieut, et de Monsieur Brotonneau, comédie en trois actes de MM. R. de Flers et G. de Caillavet2 Trois brillants dramaturges abordaient pour la première fois la scène de la Porte-Saint-Martin : M. Paul Hervieu avec un drame en deux actes, le Destin est maitre; MM. Robert de Flers et G.-A. de Caillavet avec une pièce en trois actes, Monsieur Brotonneau. Et c'était sous le rapport de l'interprétation comme par le nom des auteurs la plus belle affiche que pût offrir un théâtre du boulevard. Le titre de la pièce de M. Paul Hervieu est clair. « Le destin est maître » signifie que, dans l'existence, nous sommes le jouet des événements ; tout homme peut constater cette règle, les exemples abondent; on sait que « demain » est un redoutable inconnu, et que « l'avenir » n'est à personne. Avec un tel sujet, le dramaturge avait matière à écrire cinq ou six actes ; il a mieux aimé composer un ouvrage concis et émouvant, et en une heure de spectacle l'auteur de la Course du Flambeau — ce chef-d'œuvre — nous fait assister à une pièce pathétique, d'une action serrée et poi-
1. DISTRIBUTION. — Séverin de Chazay, M. Charles Le Bargy. —
Messénis, M. André Calmelles. — Gaëtan Béreuil, M. II. Roussell. —
Baptiste, M. Jean Kerarn. — Joachim Béreuil, M. René Rocher. — L'n domestique, M. Totah. — Julienne Béreuil, M"» Marthe Brandès. Noémi Béreuil, Mlle Andrée Pascal.
2. DISTRIBUTION. — Brotonneau, M. Félix Huguenet. — William, M. André Calmettes. — De Berville, M. André Lefaur. — Lardier, M. Bélières. — Jacques, M. Basseuil. — Honoré, M. Dayle. — Frédel, M. Glenal. — Pichard, M. Henriot. — Thérèse, Mlle Cheirel. — Louise, Mlle Sylvie. — Céleste, Mlle Darlot.
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gnante. L'Enigme, représentée à la ComédieFrançaise, avait la même coupe ; dans l'œuvre de M. Paul Hervieu, le Destin-est maître est le digne pendant de ce célèbre drame. Julienne Béreuil, de noble origine, vit heureuse avec son mari qu'elle aime et qui paraît l'aimer aussi, son fils Jacques et sa fille Noémie, gais adolescents ; elle a souvent près d'elle, dans le château familial, son frère, le commandant Séverin de Chazay. Sous prétexte d'affaires, Béreuil, qui est banquier, part pour Paris. Pendant son absence, une lettre est apportée à son adresse; sur l'enveloppe est inscrite la mention : « Très urgente ». Après quelque hésitation, Julienne ouvre la lettre : c'est une épître anonyme annonçant que Béreuil est sous le coup d'une plainte en escroquerie à la suite de dilapidations.
M"10 Béreuil hausse d'abord les épaules ; mais bientôt les réticences, les hésitations, les paroles à double sens du commandant et de l'un de ses amis qui séjourne au château ébranlent sa confiance. Elle se rend à l'église pour prier. Béreuil reparaît, suivi de près par la police. Il vient chercher de l'argent et préparer sa fuite. Il se trouve alors en face du commandant. Celui-ci reproche à son beau-frère toutes ses vilenies; Béreuil lui répond avec hauteur. Le commandant continue son réquisitoire: il montre au malheureux qu'il n'a d'autre issue, pour lui et l'honneur des siens, que le suicide : il lui tend un revolver, Béreuil le refuse; le commandant suit Béreuil dans la pièce voisine, et bientôt on entend un coup de revolver: le commandant a tué son beau-frère !. Revenu au
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salon, le justicier se trouve en - présence de Mme Béreuil, de retour de l'église. Dans une scène au plus haut point pathétique, Séverin de Chazay avoue peu à peu à sa sœur la mort de son mari que la pauvre femme pleure désespérément; puis il révèle sa trahison, et dit, enfin, comment il l'a, lui, « exécuté ». Mais il estime qu'il doit quitter la maison où il a fait, de sa main, une veuve et deux orphelins; il ira, en expiation de son crime nécessaire, s'engager dans la Légion étrangère. « Le destin est maître », dit l'ami du commandant.
Comme l'affirme la tragédie antique — n'est-ce pas, d'ailleurs, ici une comédie moderne ? — la fatalité dispose de nous et surpasse nos volontés J).
Tel est le drame dont l'action est violente et vraie.
La première représentation du Destin est maître fut donnée récemment à Madrid avec un succès éclatant. Pareil succès fêta, à la Porte-Saint-Martin, l'œuvre nouvelle de M. Paul Hervieu. Elleest hardie, superbement émouvante, et dialoguée avec la plus louable sobriété ; elle a produit une im- pression profonde. Nul n'a résisté à un drame si impitoyablement construit pour l'intérêt passionné du spectateur. Jamais la grande habileté de M. Paul Hervieu ne nous était apparue avec plus de vigueur et d'évidence. L'émouvante pièce a été supérieurement jouée. Mlle Marthe Brandès fut douloureuse, énergique, immensément touchante.
M. Le Bargy se montra un Séverin de la plus magnifique éloquence. M. Cal mettes joua avec autant d'autorité que de tact le confident mêlé au drame. Et dans les quelques répliques du domes-
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tique infidèle et repentant, M. Jean Kemm nous a mis les larmes aux yeux. — MM. Robert de Flers et G.-A. de Caillavet ont connu bien des succès ; ils n'en ont pas obtenu de plus glorieux et de plus significatif que celui de Monsieur Brotonneau : voici, certes, une comédie de rare valeur, qui nous révèle un aspect nouveau du talent des heureux auteurs, et qui, vraiment humaine, tiendra la meilleure place dans leur œuvre de si belle venue pourtant. Ah ! l'exquis., le tendre, l'ineffable M. Brotonneau ! L'histoire nous fait penser à un conte de Maupassant. Caissier principal dans la maison de banque des frères Herrer, M. Brotonneau est un employé modèle. Depuis de longues années, il se rend à son bureau exactement, chaque jour, à neuf heures du matin. Aujourd'hui, pour la première fois, il est en retard. On l'attend, on s'étonne. Il arrive enfin. Il demande ses patrons.
Il leur explique qu'il est cocu : sa femme le trompait avec un employé de la banque, M. de Berville.
Que fera-t-il ? Point d'esclandre, oh ! non 1 Il laissera à Thérèse le choix de partir avec son séducteur ou de mériter son pardon. Il se remet au travail. Mais il comprend que l'accident dont il est, après tant d'autres, la victime, est connu dans la maison; on se moque de lui. Seule Mlle Louise, la jeune dactylographe, lui témoigne de la sympathie, de l'affection, de l'admiration même; oui, elle admire M. Brotonneau qui « commande à quarante employés et deux patrons », elle lui prête d'illustres aventures, et même la dernière: & Etre trompé, c'est encore une histoire d'amour ! » En
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l'écoutant, M. Bretonneau reprend sa confiance et retrouve sa joie. Il sait gré à Mlle Louise de ses paroles consolantes et il met sur son front un baiser tendre. A ce moment, Mme Brotonneau ouvre la porte. Elle jette les hauts cris, reproche son libertinage à Brotonneau ébahi, et déclare que puisqu'il en est ainsi, elle va. rejoindre M. de Berville, M. Brotonneau et Louise vivent ensemble des jours heureux. Le printemps est doux ; le soleil est chaud, les moineaux se poursuivent sur le balcon. Voici reparaître Mme Brotonneau que son amant a envoyée promener. Elle a baissé le ton ; elle excite la pitié. M. Brotonneau lui permet de s'asseoir à la table où les deux amoureux font la dînette. Il mande M. de Berville, il essaie de ramener la concorde dans le faux ménage détraqué ; il n'y parvient pas. Mais il ne peut abandonner la femme avec laquelle il a vécu vingt ans à tous les hasards de l'existence: il lui louera dans la maison un logement de deux pièces, au sixième. Le « ménage à trois » semble désormais tranquille.
Mais le monde s'en mêle, et le monde est si méchant ! Le patron déclare au caissier, qui n'est pourtant coupable que de trop de bonté, que sa conduite est absolument immorale; on l'appelle dans le quartier le « Mormon du marché SaintHonoré » et le scandale rejaillit sur la banq ue.
M. Brotonneau comprend que l'on ne peut pas être heureux comme on pourrait l'être. « Ils ne veulent pas, dit-il, que l'on soit heureux ». Alors, il dit adieu à Louise. Il vivra de nouveau et uniquement avec Mme Brotonneau qui redevient déjà
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acariâtre comme devant. Goûtez toute la logique du mélancolique dénouement. L'incomparable Huguenet a été, c'est tout dire, M. Brotonneau lui-même. Ah ! l'inoubliable création!. M. André Lefaur a joué délicieusement de Berville, et M. André Calmettes nous a donné une merveilleuse silhouette du banquier protestant. Mlle Sylvie a prêté son charme et sa grâce au personnage de Louise Gervais, la sensible petite dactylographe, et Mlle Cheirel a mis tout son esprit, tout son talent (Dieu sait si elle en a) dans le rôle de Thérèse Brotonneau.
Le 11 juin, reprise des représentations de Cyrano de Bergerac, sur lesquelles se termine pour l'année 1914, l'histoire du théâtre de la PorteSaint-Martin.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de 1rs représ. représent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
Cyrano de Bergerac, comédie héroïque., 5 » 70 ..II,zdame » 10 févr, 41 U/t Amant délicat.,., .,.,., » 28 févr. 20 * Monsieur Brotonneau, comédie 3 9 avril 7G * Le Destin est maîlre, pièce 2 9 avril 76
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1915
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Le 18 février 1915, le théâtre faisait sa réouverture avec la Flambée de M. Kistemackers, où M. André Calmettes, Mme Blanche Dufrène et M. Jean Duval venaient se joindre aux artistes créateurs de la pièce: MM. Dumény, Jean Coquelin, Jean Kemm, Mmes Juliette Darcourt et Simone Frévalles. Le 17 mars, on reprenait les Oberlé (Histoire d'une famille alsacienne), tirés par M. Edmond Haraucourt du roman de M. René Bazin1. Puis, le 15 avril, c'était la réapparition du Maître de Forges de M. Georges Ohnet2.
1. DISTRIBUTION. — L'Oncle Ulrich, M. Jean Coquelin. — Joseph Oberlé, M. Jean Kemm. — M. Bastian, M. JS'umès. — Jean Oberlé, i M. Coizeau. — Philippe Oberlé, M. Jean Duval. — Von Farnow, M. Raoul Praxy. - De Kassewitz, M. Bourgoin.- Brausig, M. Mernet.
- Knapple, M. Person. — Von Fincken, M. Lévy. — Monique Oberlé, Mme Grumbach. — Lucienne Oberlé, Mlle Carmen Deraisy. — Odile Bastian, Mlle Andrée Pascal. — Mme Knapple, Mil. Chapelas. —
Mme Brausig, Mlle Sautcell. — Mme Rosenblatt, :,[Ile Dizella.
2. DISTRIBUTION. — Mouunët, M. Jean Coquelin. — Philippe Derblay, M. Jean Kemm. — Bachelin, M. Numès. — Baron de Préfont, M. Mar1 quel. — Duc de Bligny, M. R. Praxy. — Octave, M. Jean Caizeau. —
Le Général, M. Jean Duval.- Le Préfet, M. Chambly. - Gobert, M. Person. — De Pontac, M. Darnaud.— Docteur Servan, M. Cosman.- Jean, M. A. Lévy. — Un Ouvrier, M. Totah. — Claire de Beaulieu, Mlle Nelly Cormon.- Athénaïs, Mlle de Pouzols.- Marquise de Beatilieu, Mme Marquel. - Baronne de Préfont, Mlle Sabrier. — Suzanne, Mlle A. Pascal.- Brigitte, Mme Delia.
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i r MAI. — Reprise de La Petite Fonctionnaire1, une des plus charmantes pièces de M. Alfred Capus, un des grands succès du théâtre des Nouveautés, On a écouté à nouveau avec un vrai plaisir l'histoire gracieuse, émue et gaie de Suzanne, cette receveuse des postes qui est envoyée dans une petite ville et y retrouve une amie de pension ; cette dernière faisait grise mine à la receveuse quand elle apprend que Suzanne est dans une situation des plus modestes et qu'elle travaille pour vivre.
Or, un jeune vicomte assez simplet épouse l'amie de pension alors qu'il était aimé par Suzanne.
Celle-ci accepte les offres d'un bon bourgeois riche qui lui meuble un appartement à Paris; mais Suzanne a fait ses conditions: elle est restée pure, et elle épouse le vicomte, qui, trompé par sa femme, divorce avec empressement. Ces trois actes, exquis, d'honnête et jolie sentimentalité, parsemés d'esprit et de verve, étaient interprétés avec ensemble, et l'on faisait fête à la finesse naïve d'Albert Brasseur, à l'entrain de Jean Coquelin, à la bonhomie de Numès, à la simplicité attirante de Mlle Duluc, à la vivacité de Mme Darcourt et à l'élégance de Mlle Sabrier. La répétition générale fut donnée au bénéfice de l'œuvre du Soldat sans famille. Dans
1. DISTRIBUTION. — Le Vicomte de Samblin, M. Albert Brasseur. —
Le Bardin, M. Jean Coquelin. — Pagenel, M. Numès. — Le Docteur, M. André Simon. — Le Facteur Rouju, M. Person. — Auguste, M. Ser~ val. — Un militaire, M. A. Lévy. — Le Conducteur, M. Chambly. —
Célestin, M. Dubrey. — Un monsieur, M. Totah. — Suzanne Borel, 1 Mlle Laurence Duluc. — Henriette Le Bardin, Mme Juliette Darcourt. Hermance, Mlle Jane Sabrier.- Riri, Mlle Dorny.- Delphine, Mil" Dornac. — Marguerite Pagenel, Mlle Blanche Gbey. - La Femme de chambre, Mlle Darlot. j
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une allocution très applaudie, M. Alfred Capus célébra le dévouement des héroïques fonctionnaires des postes pendant la guerre, et souhaita, non sans malice, que l'union sacrée entre l'administration et le public pût résister à la paix et à ses petites exigences.
22 JUIN. — Malinée de gala A la Gloire de Saint-Cyr, au profit des élèves et anciens élèves de Saint-Cyr, pour les veuves et orphelins des saint-cyriens morts au champ d'honneur'.
Après une fermeture estivale, réouverture du théâtre, le 25 septembre, avec la Flambée2.
Mlle Vera Sergine y jouait superbement le rôle de Monique Felt. M. Janvier avait composé avec talent celui de Glogau.
1. — Au programme La Veillée de Saint-Cyr, de M. René Fauchois (M. Albert Lambert, de la Comédie-Française; Mme Odette Lyssan).
Le Triomphe de Saint-Cyr, revue de Rip (j\fmES Marie Leconte, de la Comédie-Française; Brunlet, de l'Opéra-Comique; Gilda Darthy, de l'Odéon ; Marguerite Deval, Spinelly, Yvonne Printemps, Exiane. Morgane; MM. Paul Ardot, Harry Baur, Victor Boucher, GablD, Galipaux, Kerny, Lamy, Le Gallo, Louis Maurel, Palau, Vilbert et Rip). Musique inédite de M. E. Lassailly.
Marches et Refrains de l'Armée Française, par la musique, les tambours et les clairons de la Garde républicaine. (Prélude poétique de M. Georges Boyer, dit par Mlle Madeleine Roch, de la Comédie-Française).
2. DISTRIBUTION. — Le Colonel Felt, M. Dumény. — Comte de Mauret, M. Jean Coquelin. — Beaucourt, M. A. Calmettes. — Glogau, M. Jan vier. — Monseigneur Jussey, M. J. Duval. — Baron Stettin, M. J. Ayme.
Le Procureur, M. de Perroi.i. — Le Maire, M. Person. — Le Juge d'instruction, M. Adam. — Justin, M. Lévy. — Monique Felt, Mil. Véra Sergine. — Baronne Stettin, Mme Juliette Darcourt. — Thérèse Deniau, Mlle S. Frévalles. — Annette, Mlle Darlot.
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27 OCTOBRE. — Reprise de Cyrano de Bergerac1, excellemment interprété. Pour la répétition générale, la salle avait été exclusivement réservée aux militaires blessés et convalescents. Et ce fut un émouvant spectacle que celui de tous ces héros applaudissant les beaux vers héroïques de M. Edmond Rostand.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de lire représ, représent. 1 d'actes ou de la pendant reprise l'année
La Flambée, pièce 3 » -il Les O&er~f,pièce. 5 17 mars 20 Le Maître de Forges, pièce 5 15 avril 20 La Petite Fonctionnaire. comédie 3 13 mai 24 Cyrano de Bergerac, comédie héroïque.. 5 27 oct. vi
1. DISTRIBUTION. — Cyrano de Bergerac, M. Le Bargy. — Christian, M. L. Gauthier. — De Guiches, M. A. Calmelles. — Carbon de Castelja loux, M. Jean Kemm. — Ragueneau, M. Cazalis. — Le Bret, M. Mon- teux. — Roxane, Mme Andrée Mégard. — La Duègne, Mme Blémont, — Lise, Mlle Bl. Guy. — Sœur Marthe, NIlIe Dancourt.
M. La Bargy était doublé, dans le rôle de Cyrano, par M. Jean Dulac. 1
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THÉATRE DE L'AMBIGU1
A la reprise de Raffles, sur laquelle s'était ouverte l'année 1914, succédait, le 17 janvier, la première représentation de la Danse devant le Miroir, pièce en trois actes de M. François de Curel2. — Gabrielle de Guimont, veuve, après deux ans de mariage, s'est follement éprise d'un jeune homme qu'elle avait aimé déjà avant et pendant sa première union. Elle voudrait bien en contracter une seconde, infiniment mieux assortie, cette fois, sous le rapport de l'âge, avec notre beau ténébreux, mais celui-ci, pauvre — il a essayé de se suicider et a été rappelé à la vie par miracle — fier et romanesque, refuse sa main parce qu'elle contient un million. Seule l'idée d'un sacrifice à accomplir pourrait décider Charles Méran à épouser Gabrielle. Un moyen se présente. Je n'insisterai pas sur la naïveté un peu trop vaudevillesque qui a servi à l'amener. Gabrielle, prétextant l'abandon d'un séducteur qui l'aura auparavant rendue aussi intéressante que possible,
1. — Directeurs : MM. Henri Hertz et Jean Coquelin; Secrétaire général : M. Léo Marchés.
2. DISTRIBUTION. -Paul Bréan, M. Claude Garry.-Louise, :\Ime Andrée Mégard. — Régine, Mme Simone. — Une femme de chambre, Mlle Talour.
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demandera à Charles de lui donner son nom et d'endosser cette paternité délicate. Mais Charles, prévenu du stratagème par une amie commune qui est chargée d'embrouiller tout, n'accueille pas cette offre avec la colère vertueuse qu'espérait Gabrielle : elle le méprise alors, et lui affirme qu'elle a réellement fauté. Sur quoi il lui jette à la tête les injures qu'elle souhaitait. Le second acte se passe à ces échanges de mépris motivés par des revirements fort mal expliqués. Le jour des noces est arrivé. La jeune femme est triste, elle doute de l'honneur de son mari qui s'est peut-être vendu en acceptant de l'épouser. Elle espère le voir se réhabiliter par un nouveau suicide et l'y pousse par de
nouveaux dédains, tout en se promettant de l'arrêter à temps, de l'adorer ensuite. Et les coups de raquette recommencent, et l'amie dévouée continue de recueillir les confidences, et finalement le mal- ; heureux Méran, complètement ahuri, — on le
serait à moins — se fait sauter le peu de cervelle qu'il possède. Qu'est-ce que cela ? L'analyse empruntée à nos Annales — de l'Amour brode, joué en 1893 à la Comédie-Française où il n'obtint que trois représentations. M. François de Curel
aura, ce nous semble, bien de la peine à prouver que ce n'est pas le sujet même de la Danse devant le Miroir, que vient de nous donner le NouvelAmbigu. Avec la Régine d'aujourd'hui qui est une jeune fille, — une drôle de jeune fille, par exem- j ple ! — comme avec la Gabrielle d'autrefois — ; nous sentons bien que nous avons affaire non pas 1 seulement à une compliquée, mais à une névrosée, t
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à une détraquée avide de sensations impossibles; mais le « pourquoi » de ses actes, nous n'en saisissons pour ainsi dire rien : elle va, vient, parle, regrette ce qu'elle a dit, tout cela sans motif, sans but, en proie à une étrange démence. Car, enfin, les moyens qu'elle emploie pour savoir si elle est, oui ou non, aimée de ce malheureux « suicidé » ne tiennent pas debout. Au Théâtre-Français, ils avaient parfois fait rire contre les intentions de l'auteur. A l'Ambigu, ils ont, la plupart du temps, paru incompréhensibles. Et maintenant, pourquoi ce titre assez obscur, lui aussi ? Parce que, paraitil, lorsque l'accord de deux amants est parfait, chacun d'eux se voit dans un mi roir, se prend pour l'autre et se contemple avec ivresse sans s'apercevoir qu'il est seul. L'œuvre est décevante sans doute, mais en plus d'un endroit, notamment au troisième acte, nous avons retrouvé .avec joie le
noble écrivain des Fossiles et de la Nouvelle Idole.
Ajoutons que les trois personnages qui ont suffi à l'auteur pour remplir toute la pièce sont tenus à la perfection. Mme Simone a littéralement triomphé.
Jamais la belle artiste n'affirma un plus vigoureux talent que dans la Régine subtile et fantasque de M. de Curel. M. Claude Garry y fut son digne partenaire, et Mme Mégard tenait avec la plus gracieuse autorité le rôle de l'amie confidente. La soirée avait commencé par la curieuse reprise de Leurs Filles1 de M. Pierre Wolff qui remonte,
«
1. DISTRIBUTION. — Valentine, Mlle Véra Sergine. — Mme Maurice, Mlle Eugénie Nau. — Louisette, Mlle Leitner. — Julie, MUe Lorsy. —
Georges, M. Jean Ayme,
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comme on dit, aux temps héroïques du Théâtre Libre. L'œuvre est demeurée pétillante d'esprit et d'une observation infiniment juste. Elle valait une légitime ovation à Mlle Vera Sergine qui avait joué avec une émouvante vérité le rôle de cette ancienne femme honnête qui fait la noce, a des amants à la douzaine, mais qui, malgré tout, aime sa fille, la voudrait pure, et souffre d'apprendre que la gamine chez laquelle le sang ne parle que trop, s'est enfuie des couvents où on l'avait placée avec les filles de la « haute », s'en est bravement allée déjeuner seule chez un jeune homme qu'en promenade elle rencontrait au parc Monceau et qui se trouve - être (la vie a de ces hasards), son amant en titre à elle, la mère de Louisette. Mlle Nau joue excellemment le personnage d'une entremetteuse que la cocotte chasse d'abord, dont elle * devient ensuite la meilleure amie. Mlle Alice Leitner a fait, à l'improviste, dans le rôle de Louisette, un début remarquable. Elle y fut charmante, absolument charmante — et de diction toujours si étonnamment juste ! Cela, d'ailleurs, 11e saurait étonner personne puisque la jeune comédienne a pour père le maître que vous savez.
27 FÉVRIER. — Première représentation de l'Epervier, pièce en trois actes de M. Francis de Croisset1. Pour un soir, pour de longs soirs assu-
1. DISTRIBUTION. — Comte Georges de Dasetta, M. André Brulé. —
Erick Drackton, M. Jean Coquelin.— Marquis de Sardeloup, M. Armand Bour.— René de Tierrache, M. Roger Monteaux. — Fernand Duperré, M. Lucien Brulé. — Gérard Duclos, M. Bonvallet. — Le Prince, M. Jean Ayme. — De Sanonclair, M. Albert Reyval. — Napoléon Pattermann, M. Glenat. — Smithson, M. Amiot. — Un maitre d'hôtel, M. Adam. —
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rément, — car la pièce nous semblait destinée à un succès durable — M. Francis de Croisset quittait le genre léger, ironique, parisien, dans lequel il avait conquis une si belle réputation, et comme M. Tristan Bernard, auteur gai par excellence, réussissait à nous faire pleurer au théâtre SarahBernhardt, l'auteur du Bonheur, mesdames ! et de la Bonne Intention parvenait à secouer vigoureusement nos nerfs, à nous fortement émouvoir au Nouvel-Ambigu. Un homme du monde, le comte de Dasetta, mène grand train grâce à ses gains au pocker, car il gagne toujours. Et s'il gagne, vous le dirai-je, c'est parce qu'il triche. Et s'il triche, c'est pour sa femme, ce n'est que pour sa femme, la comtesse Marina. Mais la comtesse devient la maîtresse d'un honnête jeune homme, René de Tierrache, et celui-ci comprend les manœuvres du mari, si bien qu'il accuse l'épouse d'être complice — voleuse ! voleuse ! — et elle l'est quelque peu.
Seulement elle ne le sera plus, car elle aime Tierrache ; elle l'épousera donc puisque le comte Dasetta, après une scène violente, jure de disparaître de la vie de ces amants. Il disparaît, en effet, et, pendant des mois, on n'entend plus parler de lui. Lorsqu'il revient, c'est un autre homme. Il ne triche plus — puisqu'il ne trichait que pour sa femme, nous vous l'avons dit —, il' se pique à la morphine et mène une existence misérable et
Comtesse de Marina de Danttez, Mlle Gabrielle JJor::iat.- Mme de Tierrache, Mme Rosa Bruck. — Béatrice Duclos, Mlle Jane Sabrier. — La lia ma ne, llie Paulette Lorsy. — Mme de Sanonclair, M"16 de Villemin.
flle Dorziat sera momentanément remplacée par Mlle Marguerite Det roy.
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désespérée. Devant un tel changement, la comtesse s'apitoie et revient à l'homme que peut-être elle n'avait jamais cessé de chérir. Ils iront en Amérique où, deus ex machina, un ami de la famille Tierrache, — ménage à Dasetta, voleur repentant, une situation vraiment inespérée. Nous avions vu naguère — Bridge était le titre de la pièce adaptée — un cadet d'Angleterre qui trichait au jeu, sous prétexte qu'il ne pouvait vivre avec les vingtcinq mille francs de rente que lui accordait la loi en vertu de laquelle tout le patrimoine appartient à l'aîné. Que voulez-vous ! il lui fallait cent mille francs chaque année, et pour se les procurer, il les demandait au bridge, où il était devenu le complice d'abord d'un ami, puis de sa propre femme, la jolie Arlette Dorgère. En dépit de cette analogie, l'Epervier est une pièce originale, curieuse et puissante, toute en action, en revirements, en péripéties pathétiques. Elle a obtenu le grand succès d'émotion qu'elle méritait. M. André Brûlé a joué de remarquable façon le rôle de Dasetta, dont il présente supérieurement le contraste entre l'élégante insolence du début et l'anéantissement final.
M. Monteaux est un amant chaleureux, M. Bour un raisonneur exquis : et quel amusant tic de rhumatisant !. Mlle Dorziat a rendu avec la plus louable sincérité le rôle difficile de Marina. Mme Rosa Bruck est d'une bonne grâce charmante. M. Jean Coquelin était la joie de la pièce sous les traits de l'Américain Drackson, qu'il jouait le plus finement du monde avec autant de sobriété que de gaieté : il y était simplement délicieux. Le 15 mai, l'Eper-
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lier était donné pour la centième fois. Le 29 juin, 'affiche de l'Ambigu annonçait la clôture annuelle iu théâtre.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de lro représ. représent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
Raffles, pièce 4 » 17 'La Danse devant le Miroir, pièce 3 17 janv. 37 * Leurs Filles, comédie 1 17 janv. 37 L' Éperrier, pièce 3 27 février 155
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1915
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La réouverture de l'Ambigu avait lieu le 20 mars 1915 avec le Courrier de Lyon1, suivi, le 1er avril, de la reprise, toute d'actualité, du vieux drame d'Anicet Bourgeois et Michel Masson2 Marceau ou les Enfants de la République.
25 AVRIL. — Première représentation à ce théâtre du Train de plaisir, comédie-vaudeville en quatre actes d'Hennequin, Mortier et SaintAlbin1.
25 SEPTEMBRE. - Après une fermeture estivale, réouverture, avec le Maître de Forges, de M. Georges Ohnet, où se faisaient particulièrement applaudir M. Jean Kemm et Mlle Nelly Cormon
1. — Joué par Mmes Louise Marquet, Renée Carène; MM. Fabre, Damores, Jean Dulac, Blanchard, Champagne, Almette.
2. DISTRIBUTION. — Marceau, M. Damorès. — Kléber, M. Philippe Garnier. — Robespierre. M. Marquet. — Pascal, M. Fabre. — Beaugency, M. Collen. — Fauvel, M. Blanchard. — Chénier, M. Walter. -
Talma, M. Perny. — Galoubet, M. Duvelleroy. — Marquis de Beaulieu, M. Bourgoin. — Geneviève de Beaulieu, Mlle Martcha. — Croquette, Mlle Blémont. — Mère Gaboulet, Mlle Lemercier. — Cornélia, Mlle Sauwell.
1. DISTRIBUTION. — Bordighery, M. Numès. — Casegrain, M. Collen. —
Ravioli, M. Clasis. — Chènevis, M. Brisard. — Tancrède, M. Walter.— Brochon, M. Blanchard. — Pompagnac, M. Duvelleroy. — Lorges, M. Almettes. — Agathe, Mlle Catherine Fonteney. — Orphélie, Mlle Maroussia Destrelle. — Mme Pinchard, Mlle Blémont. — Virginie, Mlle Dancourt. — Jeannette, Mlle Chapelqs.
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dans les rôles de Philippe Derblay et de Claire de Beaulieu, puis, sous les traits du duc de Bligny, M. Pierre Renoir, gravement blessé aux premiers jours de septembre dans les combats qui furent la victoire du Grand-Couronné de Nancy.
9 NOVEMBRE. — Première représentation à ce théâtre de la Demoiselle de Magasin, comédie en trois actes de MM. Jean et François Fonson et Fernand Michelet1. Le public faisait fête à cette pièce d'observation, fine et comique, des habitudes de vie du petit bourgeois bruxellois. Il applaudissait particulièrement la créatrice du rôle de Claire Frénois, Mlle Jane Delmar, et M. Milo qui avait composé avec talent celui de Deridder.
22 DÉCEMBRE. — Sherlock Holmès de M. Pierre Decourcelle1 retrouve le grand succès qu'il eut déjà au Théâtre Antoine. M. Harry Baur avait alors créé le mystérieux professeur Moriaty, savant et bandit. Cette fois il se fait applaudir dans Sherlock, l'honnête défenseur de la société.
1. DISTRIBUTION. — Amelin, M. Jean Kemm. — Deridder, M. Milo. —
Antoine, M. Duvivier. — André, M. Almettes. — Le client, M. Van Denbaert, — Henry, M. Dubar. — L'encaisseur, M. Bourgoin. - Claire Frénois, Mil. Jane Delmar. — Mme Deridder, MUe Made Brende1. Lucette, MlIe A. Pascal. — Mm. Dumont, Mil. Jane Calvé. — Germaine, Mlle Reynaud. — La bonne, Mlle Lafourcade.
1. DISTRIBUTION. - Slierlock Holmès, M. Harry Baur. — Le Profes- seur Moriaty, M. Janvier. — Forman Benjamin, M. Numès. — Orlebar, M. G. Garay.— Docteur Watson. M. Dorian.— Commandant d'IIialmar M. Ramy. — Bribb, M. Stacquet. — Bassik, M. Y. Martel. - Banni d'Akerlund, M. Sirdey. — Fletcher, M. Dujeu. — Fitton, M. Delivry. —
Jarvis, M. Chambly. — Billy, M. Aldebert. — John, M. Dubar. — Madge Murray-Orlebar, Mme Rosa Bruck. — Alice Brent, Mlle Andrée l'ascal.
— Mistress Brent, Mlle. L. Lagrange. — Thérèse, Mlle Rose Grane.
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DATE NOMBRE NOMBRE de la de Iro représ. représent, d'acles ou de la pendant reprise l'année
Le Courrier de Lyon, drame. 5 a. 6 t. » 7 Marceau ou les Enfants de la République, drame 5 3 avril 9 Le Train de Plaisir, comédie-vaudeville. 4 25 avril 8 Le Maître de Fot'ges, pièce,.,.,.,. 5 25 sept. 39 La Demoiselle de Magasin, comédie 3 9 nov. 2i Sherlock Holmès, pièce 5 a. G t. 22 déc. 13
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THÉÂTRE ANTOINE1
Faut-il donc nous arrêter au spectacle donné le 12 janvier et qui, si peu de jours, avait tenu l'affiche du Théâtre Antoine ? C'était d'abord Y Enfant supposé, de M. Georges Grimaux2. « Lucile Herland nous apparaît dans un grand élat d'inquiétude : son mari, autrefois très empressé auprès d'elle, lui témoigne une évidente froideur. Sa jeune sœur Annette, qui habite avec eux, est aussi très préoccupée, très nerveuse. Lucile n'a pas de mal à deviner qu'Annette lui cache un grand secret et prie son vieil ami, le docteur Rieuls, de confesser la jeune fille. Et vous pouvez croire qu'il s'acquitte en conscience de la mission qui lui est confiée.
Jamais nous ne vîmes un docteur si bavard.
Cependant Lucile ramasse un chiffon de papier: c'est un billet de l'écriture de son mari : celui-ci
1. — Directeur: M. Firmin Gémier; Secrétaire général : M. Robert Catteau.
f 2. DISTRIBUTION. — Herland, M. Saillard. — Docteur Rieuls, M. Malavié. —Gormas, M. Vibert.— Lodény, M. Van. Daele. — Lucile Herland, Mme Dermoz.— Annette, M"e Yvette Durand. — Emilieune, Mlle Jeanne Fusier. — Eliane Gormaz, Mlle Vermell. — Irène Lodény. :\llle Alice tët. — Marie, M^e Greyval.
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donne rendez-vous à une femme. Quelle est cette femme ? se. demande Lucile, quand elle surprend une conversation entre Herland et sa jeune sœur.
Annette a été séduite par son beau-frère qui l'a grisée de protestations passionnées, et, dois-je vous le dire, elle va être mère. Annette se désespère et semble prête à accueillir les pires résolutions. Mais Lucile arrache la malheureuse à ses sombres projets et lui impose, avec une rare grandeur d'âme, sa noble et touchante volonté : toutes deux partiront pour un certain temps et, à leur retour, l'enfant dAnnette passera pour celui du ménage Herland : c'est l'enfant supposé ! Les actes passent : fichtre ! il y en a quatre. Lucile a abandonné son mari et sa fille Emilienne, une pauvre petite cardiaque que bouleversent toutes ces histoires de famille, et que peut tuer — le docteur l'a dit - une trop vive émotion. Lorsque reviennent les deux sœurs avec le nouveau-né, elles ne tardent pas à s'apercevoir, — et comment r - qu'une, vie impossible les attend. Il faut en finir au plus vite: Oui, finissons-en. Des amis veulent marier Annette qui refuse tous les partis. Lucile continuera — c'est son attitude — d'être héroïque; elle divorcera et son mari épousera Annette. Alors, la petite Emilienne, qui écoutant aux portes, a entendu une partie de la conversation, est prise d'une syncope et meurt du coup. Le rideau sè relève, pour la dernière fois, sur tous nos gens en grand deuil. Malgré l'affreux désespoir de Lucile qui accuse sa sœur et son mari - elle n'a pas tout à fait tort — de la mort de son enfant, l'exis- j
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tence en commun a repris de plus belle. Quelle existence ! Elle cessera enfin quand An nette aura compris - ce n'est vraiment pas malheureux ! qu'elle ferait mieux de s'en aller ailleurs « vivre sa vie » et de tâcher de rendre la paix au foyer de sa sœur, où « l'enfant supposé » prendra la place de la petite disparue ». Telle est la conclusion, singulièrement vague, de cette émouvante pièce trop lentement, mais logiquement déduite, signée d'un débutant qui, à travers bien des inexpériences, n'a pas laissé d'affirmer quelques qualités de théâtre.
Elle nous a offert l'occasion d'apprécier, une fois de plus, la belle voix profonde de Mme Dermoz, et aussi de faire la connaissance de Mlle Yvette Durand, qui s'est acquittée avec grâce du rôle ingrat de la jeune fille mise à mal par son imprudent beau-frère. D'une nouvelle du regretté Charles Louis-Philippe, M. Georges Fabri, sous le titre de Pour l'honneur. Vers la gloire a tiré deux tableaux réalistes (oh ! oui !) peut-être très exacts, hélas ! mais déjà si étonnamment retardataires et si parfaitement inutiles!.. Deux ignobles apaches s'exaltent en leur argot pittoresque à l'annonce d'une prochaine exécution : littéralement excités par la peine de mort, ils volent vers la gloire. Jurant de faire tout ce qu'il faut pour mériter la guillotine, ils « crèveront un bourgeois ».
1 ■
1. DISTRIBUTION. — Totor, M. Lluis. — Polyte, M. Saillarcl. — André, M. A. Reusy. — M. Masson, M. Bacqué. — M. Leblanc, M. Clasis. —
Le marchand de vins, M. Toulout.— Bébert, M. Van Daele. — 3. joueur, M. Vibert. — Le pochard, M. Marcel Vallée. — L'agent, M. Dujeu. —
Le brigadier, M. Malavié. —L'allumeur de réverbères, M. R. Railloux.
— Un garçon, M. Creuse. — Cécile, Mllo Lambell. — Jeanne, M'ic Vermell. — Thérèse, Mlle Jeanne Fusier.
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Le voici tout trouvé: c'est un jeune fils de famille qui, la nuit même, rentre paisiblement chez lui en sortant de chez sa maîtresse. Et les deux assassins se jettent sur lui. Tout se serait bien passé si cette brute de Totor n'avait mis tant de lenteur à plonger son surin - dans le ventre de la. victime, maintenue (c'est le coup du père François) sur le dos de l'autre « aminche ». Le public, pitoyable au malheureux « pante », al protesté, crié «Assez ! » et vertement sifflé. Au Grand Guignol, on eût j furieusement applaudi.
20 JANVIER. - Première représentation de Un Grand Bourgeois, pièce en quatre actes de M. Emile j Fabre1. En écrivant Un Grand Bourgeois, nous avait dit M. Emile Fabre, j'ai tenu les yeux fixés sur ces grandes œuvres d'Augier : les Effrontés, le Gendre de M: Poirier. Et certes, l'auteur des Ventres Dorés ne pouvait s'inspirer de meilleurs modèles en la solide comédie d'autrefois. Matignon est, en réalité, plus un faiseur et un aventurier qu'un grand bourgeois comme l'annonce le titre de la. pièce. Il brasse des affaires; entre autres, il" exploite en Algérie des mines importantes, et sol- licite de la Chambre la concession d'un chemin de
1. DISTRIBUTION. — Matignon, M. Gémier. — Le vieux Matignon, M. Mosnier. — Richebais, M. Paul Escoffier. — Maxime Tallier, M. Sail- lard. — Xavier Matignon, M. Dumont. — Elie Spark, M. Bacqué. — Brassier, M. Marcel Vibert.— Samuel Beyssen, M. Malazié. — Gerbault, j M. Clasis. — Constant, M. Marcel Vallée. — M. Louis, M. Van Daele, — Etienne, M. Creuse. — Christiane Matignon, Mme Emilienne Dux. — Frédérique Matignon, Mlle Sylvie, — Annette, Mlle Saurel.
Avec Un Grand Bourgeois, M. Gémier avait remis sur l'affiche une, joyeuse comédie de M. Henri Palk, Grégoire, qu'interprétait avec infiniment de brio llle Régina Badet, dignement secondée par MM. Bacqué et Dumont.
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fer qui décuplerait certainement la valeur de son entreprise. Il a, il est vrai, contre lui, le journal l'Egalité, et son directeur Richebais qui mène ferme la campagne. Comment la faire cesser ? En obligeant Richebais à vendre l'Egalité et à accepter une situation loin de la France. A cette seule condition il autorisera le mariage de Frédérique, sa fille, avec le jeune homme pauvre qu'elle aime.
Et le mariage de Frédérique c'est toute la pièce.
Matignon fut trompé il y a vingt ans et sait que Frédérique n'est pas sa fille, mais celle de Richebais ; c'est pour assurer son bonheur que se sacrifiera le directeur de l'Egalité. Telle est, pour ainsi dire, la carcasse du drame — drame de famille plutôt que comédie de mœurs — d'où émergent de très belles scènes comme celle où, pour sauver sa mère, Frédérique déclare, avec tant de pathétique simplicité, qu'elle veut entrer au couvent. Et aussi de fort ingénieuses trouvailles comme la dramatique intervention du vieux père, que Matignon a fait interdire sous prétexte de faiblesse cérébrale et qui retrouve assez de lucidité et d'énergie pour menacer son fils de dénoncer au Parlement le traité qu'il a fâcheusement passé avec une société allemande. M. Mosnier a fait du bonhomme, plus valide qu'on n'osait l'espérer, une composition des plus remarquables. Mlle Sylvie nous a émus jus- qu'aux larmes en son touchant rôle de Frédérique.
Et nous connaissions depuis longtemps le sûr talent de Mme Dux et l'amical dévouement que peut mettre un artiste de la valeur de M. Gémier au service de M. Emile Fabre, l'un de ses auteurs favoris.
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23 FÉVRIER. — Première représentation (à ce théâtre) de la Grande Famille, pièce en cinq actes et six tableaux de M. Arquillière1. M. Arquillère, le comédien de solide talent qui, naguère encore, se faisait si chaleureusement applaudir dans le libidineux Sous-Secrétaire d'Etat des Anges Gardiens, est l'auteur de la Grande Famille. Et la Grande Famille fut représentée pour la première fois à l'Ambigu où elle obtenait un succès qu'elle retrouve au Théâtre Antoine. Et voici le sujet que nous nous contenterons de résumer en quelques lignes. Dans une petite garnison de province, le sergent Bertrand s'éprend d'une chanteuse de « beuglant », Louise. Sincère et sentimentale, elle adore ce jeune homme, cet enfant : il a vingt-trois ans. Mais Brune, un lieutenant austère, désire Louise éperdûment. Ne pouvant l'obtenir, il soupçonne qu'elle aime quelqu'un ; il la voit sortir une nuit de la caserne : elle était venue imprudemment embrasser Bertrand, qui était de garde. Jaloux, Brune enverra devant un conseil de guerre son rival qui a commis une faute grave en recevant une femme au poste de police. Le sergent ne veut pas perdre ses galons ; il déserterait, si Louise ne quittait la ville, après avoir prévenu le capitaine
1, DISTRIBUTION. — Le sergent Bertrand, M. Paul Escoffier, — Le Capitaine, M. Mosnier.- Lieutenant Brune, M. Marcel Vibert. - Caporal Gabert, M. Lluis. — Le Sergent-major, M. Louis Bourny. — Souslieutenant Rondet, M. Saillard. — Le comique, M. Marcel Vallée. —
Gaillard, M. Marcel Dumont.- L'adjudant de quartier, M. René Worms.
— L'adjudant de compagnie, M. Bacqué — Louis, M. Malavié. — Sergent Tournier, M. Dujeu. — te' commis-voyageur, M. Albert. Reusy. —
Le tireur au flanc, M. Maurice Préval. — Louise, Mlle Régina Badet.
— Mariossa, Mlle Jeanne Fusier. — Lili, Mlle Vermeil.— Mère Baptiste, Mlle Dinard. — Mme Grindot, M"e Greyval.
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qui est humain et juste, et pour qui le régiment est une « grande famille ». Il empêchera le sergent de fuir hors de France. Il ne peut le soustraire à la justice militaire ; mais il lui rendra bientôt le grade qu'on va lui arracher. Bertrand sanglote et se résigne. La pièce est simple, précise et pittoresque. Sa nouvelle édition (l'œuvre primitive fut heureusement remaniée) a beaucoup plu. M.Gémier a puissamment contribué au succès par une mise en scène du plus exact réalisme et par une interprétation des meilleures. M. Escoffier, dans le rôle du jeune sergent, est émouvant et sincère.
M. Marcel Vibert a joué sans concession, avec une belle conscience artistique, le rôle plutôt antipathique du lieutenant. M. Mosnier, le capitaine (nous avons tous songé au légendaire Hurluret de Courteline) est un beau grognard qui réalise bien le type du bourru bienfaisant, et M. Lluis est exquis en caporal Gabert. Mlle Régina Badet — la charmante danseuse se fait de plus en plus comédienne — a bien composé le rôle de Louise qu'elle a rendu, avec adresse. Et il fallait complimenter aussi Mlle Jeanne Fusier, la petite chanteuse phtisique, et Mlle Vermeil, pleine de grâce délurée dans la gommeuse de music-hall.
27 MARS. — Premières représentations de La Force de mentir, pièce en trois actes de MM. Tristan Bernard et Marullier1, et de La Tontine, pièce
1. DISTRIBUTION. — Le général Bargeard, M. Gémier. — Le Colonel Berthorin. M. Mosnier.- Lieutenant Paul Berthorin, M. Paul Escoffier — Colonel Bertrand, M. Jean Toulout. — Me Jauquel, M. Silva. — Non- guet, M. ll/alavié. — Commandant Berceau, M. Bacqué. —■ Lieutenant Bremel. M. Alb. Reusy. — Jeanne, Mme Dermoz. — La Colonelle, Mlle Act.
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en deux actes de MM. Paul Armont et Marcel Gerbidon2 - M. Tristan Bernard en tient actuellement pour le genre pathétique. Et ce n'est pas fini, nous dit-on. Avec son Hamlet, on annonce pour bientôt un troisième drame. D'ailleurs, l'auteur des Deux Canards n'a heureusement pas renoncé à nous faire rire. La comédie, et plus particulièrement la comédie de caractère.. reste son domaine préféré. Mais, en observateur sincère, il n'a point dédaigné les côtés émouvants de la vie.
Il faut dire, du reste, qu'il avait écrit la Force de mentir avant Jeanne Doré, et même avant quelques ouvrages joyeux. Le hasard seul a rapproché ces deux drames. Après d'autres auteurs, MM. Tristan Bernard et son collaborateur ont trouvé intéressant d'examiner les chocs, les réflexes que peuvent produire en des âmes d'élite les événements graves de la vie courante. M. Gabriel Marullier appartient à l'armée ; peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles l'intrigue se déroule en ce milieu qu'il connaît bien. Mais l'action n'agite aucune question militaire. Elle est tout intime, et s'il y est question de trahison, c'est d'une trahison d'ordre sentimental. Les trois actes, rapides, se passent en province, dans une ville indéterminée.
Le général Bargeard a épousé une jeune et jolie femme. Son officier d'ordonnance, le lieutenant
2. DISTRIBUTION. — Jérôme Ploudinec, M. Gémier. — Zéphyrin Kergloff. M. Marcel Vallée. — Jean-Marie Ploudinec, M. Marcel Dumont.- Félix Terrasson, M. Lluis. - Rajazet, M. Clasis. — Le docteur, M. Marcel Vibert. —• Le chauffeur, M. Silva. — Un gamin, le petit Touzé, — Mistross .Atkins, Mlle Irène Bordoni.- Anne-Marie Ploudinec, Mlle Greyval. — Mathilde, Mlle Jeanne Fusier. — Louise, Mlle Dinard.
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Berthorin, qu'il aime comme un fils, s'éprend d'elle et s'en fait aimer. Les deux amants espèrent que leur passion restera secrète, et qu'ils sauront la cacher à tous. Mais est-ce possible ? Ils n'ont pas « la force de mentir ». Et bientôt dans une scène, qui est la plus fine et la plus originale de la pièce, la femme avoue. sans avoir rien dit. Sur un mot, sur une simple taquinerie lancée par le général, la pauvre Jeanne se trouble, s'irrite nerveusement, trop nerveusement, regarde avec épouvante son mari et puis fond en larmes. Le général a tout compris !. Le lieutenant est également désespéré d'avoir trompé son chef (c'est Connais-toi, de M. Paul Hervieu) et veut payer sa faute de sa vie; il arme son revolver, et il supplie le général de le tuer en simulant une erreur fatale au cours d'une inspection d'armes. Pendant la revue, le général pren d le revolver du lieutenant, affecte de le manier avec insouciance et se tire une balle au cœur. Il meurt en pardonnant aux coupables. Son devoir n'était-il pas de sacrifier sa vie au lieu de celle du jeune officier d'avenir qui sera utile à son pays ?
Et voilà les trois actes joués avec la plus belle sincérité par MM. Gémier, Paul Escoffieret Mme Dermoz. Après le drame, la farce. La Tontine, de MM. Paul Armont et Marcel Gerbidon, a beaucoup fait rire. Il s'agit, le nom l'indique, d'une association dont le dernier survivant touche l'ar- gent versé par tous ses coassociés. Il ne reste plus r que deux vieux capitaines de commerce qui s'adorent du reste ; les Ploudinec ont recueilli Jérôme; Félix Terrasson s'est chargé de Zéphyrin, et c'est
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à qui soignera le mieux son « poulain », afin qu'il survive à l'autre et permette ainsi d'encaisser la forte somme. Ni l'un, ni l'autre ne meurt, c'eût été dommage ; ils sont si sympathiques ! Avec des poignées de dollars une fort charmante Américaine, mistress Alkins, que personnifie délicieusement Mlle Irène Bordorii, met tout le monde d'accord.
Après le général de la pièce précédente, M. Gémier, avec une remarquable souplesse de talent, personnifiait un épique vieux marin cordial et bourru. M. Marcel Vallée lui avait comiquement donné la réplique en un Zéphyrin très drôlement caricatural. Et Mlle Jeanne Fusier avait su composer une servante bretonne stupéfiante d'ahurissement.
6 AVRIL. — Première représentation de La Danse des Fous, comédie en trois actes de M. Léo Birinski, adaptation de M. Maurice Rémont. Le public appréciait toute la force comique de cette pièce satirique dont il applaudissait longuement les excellents interprètes.
11 AVRIL. — Reprise des Petits, pièce en trois actes de M. Lucien Népoty2. Cent cinquante repré-
1. DISTRIBUTION. — Le gouverneur, M. Jean Froment. — Kosakow, M. Van Daël. — Le secrétaire, M. Blancard. — Kolja, M. Bernard. —
Nikita, M. Vallée. — Goldmann, M. Paul Cerny. — Lendsky, M. Zadig.
— Malakow, M. Lacressonière. — Pawlow, M. Reusy. — Horowitz, M. Marcel Vibert. — Isidore, M. Creuse. — Yanko, M. Lhermite. —
Dawidow, M. Portal. — Balukin, M. Bacqué. — Elisabeth, Mlle Alice Aôl. — Masha, Mlle Gaby Kessel. — M|ne Lapkin, M1'" Massarl.— Catherine, Mlle Greyval. — Anfissa, Mlle Dinard. — Mishka, Mlle Verneuil.
2. DISTRIBUTION. — Richard Burdan, M. Paul Escoffier. — Villaret, M. Saillard. — Hubert Villaret, M. Albert Reusy. — Père Balloche, M. Lluis. — Louis, M. Creuse. — Georges Burdan, Mlle Jane Danjou.-
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senlations n'avaient pas épuisé le succès de l'œuvre exquise, où Mlle Danjou remplaçait avec beau-
coup de crânerie Mlle Lavallière, créatrice du rôle de Géo.
30 AVRIL. — Première représentation de Pous- sière, pièce en trois actes de M. H.-R. Lenormand 1, et de L'Honnête Fille, comédie en deux actes de M. Gabriel Nigond2. — Au théâtre qui porte et portera-longtemps encore le nom du directeur démissionnaire de l'Odéon, M. Gémier nous offrait un spectacle de jeunes. Mais ces jeunes ne sont pas des débutants, et moins encore des inconnus.
L'un d'eux s'est classé parmi les esprits les plus curieux et les artistes les plus sincères. Les Possédés, au Théâtre des Arts, Terres chaudes, au Petit-Théâtre, La Grande Mort, au Grand-Guignol, ont fait très justement estimer le talent de M. H.R. Lenormand. Quant à M. Gabriel Nigond, l'auteur des Contes de la Limousine, applaudi à la Comédie-Française avec le Dieu Terme, à l'Odéon
Jeanne Villaret, Mlle Léontine Massart. — Hélène, Mme Germaine Dermoz. —, Fanny Villaret, Mlle Jeanne Fusier. — Geneviéve, Mlle Nelly Beryl. — Jeannette Villaret, Petite Bartout. — Antoinette, Mlle Dinard.
1. DISTRIBUTION. — M. Mingret, M. Gémier. — Godefroy, M. Paul Escoffier. — Terrieux, M. Georges Saillard. — Jules, M. Marcel Vallée.
— Flandreau, M. Clasis. — Goupil, M. Albert Reusy. — Letailleur, M. Bacqué. — Le médecin, M. Van Daele, — Chao, M. Méret. — Lucie,.
Mme Marie Kalff. = Jeanne Mingret, Mme Emilienne Dux. — Sylvette, Mlle Saurel.
2. DISTRIBUTION. — Jérôme Auguet, M. lYIalavié, — Gaviroux, M. Ga- briel Nigond. — Moreau, M. Clasis. — Pichon, M. Marcel Dumont. —
Robinet, M. Marcel Vallée. — Laventure, M. Cailloux. — Grégoire, M. Van Daele. — Barbotin, M. Sylva. — Polinaire, M. Defrance. —• Le petit Lixandre, La petite Dormel. — Le petit Sylvain, Le petit Dormel.
— La petite Sylvine, La petite Gallet. - Solange, M"e Lola Noyr. - La Gravotte, Mlle Greyval.
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avec Mademoiselle Molière, au Théâtre Antoine avec 1812, il est un de nos plus heureux poètes dramatiques. Le titre Poussière évoque l'ennui, l'ennui oppressant, dangereux, mortel, qui plane sur la demeure d'un vieillard de quatre-vingts ans, nommé M. Mingret, qui, depuis des temps infinis, dirige une maison d'exportation. « Ce Mingret est un vieux maniaque et un tyran domestique. Pour lui, tout, dans la vie, doit être réglé méthodiquement. Il ne se contente pas d'appliquer lui-même ses théories, il prétend les imposer à tout le monde, et il assassine son entourage de ses homélies. C'est un terrible raseur. Son valet de chambre s'est mis à boire parce qu'il ne trouve que dans le vin la force de supporter un maître si verbeux et si vétilleux. Sa fille Jeanne est sa victime volontaire ; elle est restée vieille fille pour se consacrer à ce père inconciemment égoïste qui est arrivé à lui faire partager ses idées. Ces gens-là vivent-ils?
Non, ce sont des automates ou des moines que leurs préjugés recouvrent d'une « poussière» étouffante. Les Mingret ont un neveu, Godefroy, et une nièce, Lucie, qui ne sont pas frère et sœur, mais tout simplement cousins, et qui aspirent à secouer ce joug. Orphelins tous deux, ayant passé leur enfance aux Indes, ils souffrent impatiemment le despotisme mesquin des Mingret, qui les ont recueillis et se croient très bons pour eux. En réalité, M. Mingret donne à Godefroy des a ppointements dérisoires et s'il héberge Lucie sous son toit, c'est surtout pour le plaisir de la tenir en charte privée et d'exercer sur elle sa rude auto-
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rite. Les deux jeunes gens s'aiment et se le disent dans le salon banal qu'ils drapent d'étoffes orientales en signe de révolte. Ils ne pourront pas se marier, et Godefroy devra chercher une autre situation ; car M. Mingret est intraitable et n'admet aucun changement à l'ordre des choses établi par son infaillible sagesse. Mais Lucie est devenue mère : son enfant, qu'on a envoyé en nourrice, est mort d'une méningite. Elle meurt aussi de chagrin et de consomption, faute de liberté, de vie vraie, d'atmosphère respiratoire. La pièce de M. H.-R. Lenormand est d'une sincérité poignante ; elle nous a très vivement impressionné. Mme Marie Kalff a joué avec une éloquente et douloureuse âpreté le personnage de Lucie. Mme Dux a été, à côté d'elle, l'excellente comédienne que vous connaissez : sa place est au Théâtre-Français.
M. Gémier a composé avec un art supérieur le personnage de Mingret. Le spectacle se terminait le plus heureusement du monde avec l'Honnête fille, de M. Gabriel Nigond, que nous applaudîmes naguère sur la scène d'un « théâtre à côté » et que nous avons eu grand plaisir à réentendre. L'honnête fille en question est une servante qui, ayant hérité d'un gros lot - tout comme dans la Gotte, de Meilhac - se voit demander en mariage par un patron rude et grossier dont elle partageait déjà le lit. Mais elle découvre que le vilain homme avait eu vent de l'héritage et n'en voulait qu'à ses écus.
Elle le bernera donc et le convaincra de fourberie pour épouser à son nez et à sa barbe un garçon épicier beaucoup plus digne d'être aimé par une
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fille riche. C'est là une savoureuse comédie paysanne et gauloise, écrite en vers souples et rapides, toujours pleins de vie : un véritable bijou littéraire.
Mme Lola Noyr y fut une Solange robustement plantureuse, aussi adroite que naturelle ; M. Malavié, un pittoresque patron, et, sous les traits de l'ingénu et faraud garçon épicier, M. Gabriel Nigond, l'auteur, sut se faire apprécier comme un exquis comédien.
21 MAI. — Premières représentations du Supplice de Tantale, pièce en trois actes de MM. Edge et Robert Trémoisl, et des Deux Bavards, pièce en un acte de MM. Johannès Gravier et Maxime Formont. — M. Gémier était à peine parti qu'une « saison d'été » s'installait prestement au Théâtre Antoine avec une pièce absolument folle, le Supplice de Tantale, jouée par une troupe d'inconnus de bonne volonté, d'où, seuls, se détachaient Mlle Germaine de France et M. Bouthors, autrefois applaudis à l'Odéon. L'un desauteurs - si jeunes!
si jeunes ! - incarnait avec conviction le héros de la pièce, un infortuné fiancé fâcheusement victime du retardement de son mariage. Mettons qu'on a ri, et passons.
1. DISTRIBUTION. — Adrien de Questembert, M. Robert Mistreo. —
Comte Narcisse Aubert, M. Hardoux,- Docteur Meurtrier, M. Bouthors.
— Bidard, M. Marc Villeneuve. — Wallardas, M. Maurice Dormel. —
Docteur Kolrha, M. Paul Barge. - Docteur Hugeins, M. Vermoyal. —
Edmond, M. Lorraine. — Le reporter, M. Mesmacker. — Le garçon, M. Schneider. — Un paysan, M. Nelson. — Un malade, M. Léry. —
Yvonne Aubert, Mlle Germaine de France. — Comtesse Aubert, Mlle Zélia Rabaux. — Simone, Mlle Germaine Blancia. — Claudette, Mlle Thérèse Chamblay. — Jane de Wallardas, Mlle Hélène Melvil. —
Claire, Mlle R. Deberthy. — 1re commère, Mlle Marthe Rienzi. —
2e commère, Mlle Simone Bayard.
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Ici se terminera, forcément abrégée parla guerre, l'histoire du Théâtre Antoine en l'année 191 4* Notons, aux dates des 24 et 27 décembre, deux belles matinées de bienfaisance organisées par I}\!. Gémier au bénéfice des Ardennais, dont, à côté [du préfet, M. Pierre Népoty, il avait vu de près, depuis le 25 août, les misères affreuses. La Marseillaise y était dite par Mlle Gilda Darthy et changée par Mlle Lapeyrette.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de Ire représ. représent.
(jacles ou de la pendant reprise l'année
Le I>,-i>riireur Halters, pièce 4 j » 23 Anatole, coIflédie.1 1 » 58 *LEnfant supposé, pièce ; 4 j 12 janv. S * l'Ollr V Honneur. Vers la Glnire, pièce 2 tah. 12janv. x * Un Grand Bourgeois, pièce | 4 20 janv. 13 "A Il Soleil, pièce 1 27 janv. 4 (jregoire, comédie - 1 31 janv. 1 22 La Grande Famille, pièce I 5 a. G t. 23 t'évr. 3S * Lu Force de Mentir, l,i,ce 3 27 mars 11 * La Tontine, pièce 2 27 mars 42 "La Danse des Fous, comédie 3 6 avril 5 Les Petits, pièce 3 11 avril 24 * I,'Honnête Fille, comédie 3 11 avril 23 * Poussière, pu'ce. 3 30 avril 21 * Le Supplice de Tantale, pièce. 3 21 mai 17 * Les heu.'- Bavards, piece., .., ., 1 21 mai 37 '* l'n Amateur de Bridge, comédie 1 22 juin 10 'ne Nuit de Noce, vaudeville 3 2 juillet 31 f Ernest ou Ernesline ? conié,li,, 1 2 juillet 20 "-' ':, >s
* L r»'mjt-Sept ième, pièce 1 ;2S juillet j 9
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1915
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Après une brillante série de matinées de gala au profit des « Réfugiés des Ardennes », le théâtre Antoine donnait le 20 février 1 9 1 5, au bénéfice de l'Œuvre du prêt d'honneur aux artistes, la première représentation des Les Hans. et les Autres, revue de MM. Lucien Boyer et Dominique Bonnaud.
« Sortis des lois du genre qui veut qu'une revue soit satirique, écrivait M. Régis Gignoux, ces auteurs exaltent le patriotisme unanime qui souleva la France à la déclaration de guerre, la tenue crâne de Paris sous les taubes et enfin l'héroïsme des « poilus ». Leur chronique animée ne songe pas à dominer nos souvenirs. Ce que nous avons vu avait une autre couleur; ce que nous avons entendu avait un autre son. Mais cette récapitulation qu'elle nous présente aboutit à une méditation sur les sept mois de guerre que nous avons vécus et sur les mois que nous devrons vivre. Jamais une revue n'avait eu cet effet moral, cette influence profonde. MM. Lucien Boyer et Dominique Bonnaud peuvent être fiers d'avoir eu l'audace et le talent de l'écrire. Les artistes qui les interprètent les aident puissamment. Ce sont les plus fameux artistes de Paris, réunis pour une œuvre confraternelle, une sorte de conseil de famille chargé de protéger les veuves et les orphelins. Mais, pour
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marquer le succès de ce spectacle, nous devons dire combien M. Paul Ardot, avec une fantaisie tellement rare qu'elle peut rester discrète, est drôle dans sa scène du propriétaire qui ne peut toucher ses loyers. De même, M. de Max, avec la même simplicité nous émeut jusqu'au frisson intérieur par la flamme ardente de son art. M. Gémier, modeste, soucieux avant tout d'être utile; M. Huguenet, aussi fin que sensible; M. Harry Baur, d'un comique large; Mme Mégard, de bonne humeur si française; Mlle Cheirel, avec sa franchise naturelle ; Mlle Marguerite Lavigne, M. Albert Beauval et Mlle Jane Henriquez, de l'Opéra (qui est une sensible commère), s'entendent tous merveilleusement pour le succès artistique et matériel de leur géné- reuse entreprise. Mlle Jane Pierly, auprès de ces artistes de comédie et de chant, suffit à représenter la collaboration du music-hall. Elle joue une scène de comédie très finement, et au troisième acte, lorsque les « Poilus » sont pareils aux Cadets de Gascogne attendant Roxane au quatrième acte de Cyrano, elle arrive; elle est la Chanson. Elle chante, et tous reprennent en chœur. » En présence du succès considérable remporté par Les Huns. et les Autres, les organisateurs en donnaient, toujours au profit des réfugiés ardennais et au bénéfice de l'œuvre du Prêt d'honneur aux artistes, plusieurs séries de représentations, qui se terminaient le 5 avril.
15 AVRIL. — On donne Une Nuit de Rouget de l'Isle, pièce en deux actes, mêlée de chant, de M. Charles Esquier, précédée d'une causerie de
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l'auteur : Guillaume II et Néron. — L'action d'Une Nuit de Rouget de l'Isle est simple. Rouget est placé entre la Patrie et son amour pour MarieAnne Diétrich. Celle-ci, en phrases cornéliennes, lui indique son devoir et lui inspire la Marseillaise qu'il compose et chante à ses hôtes. Cette pièce est pittoresque, émouvante, héroïque, et pastiche adroitement le style des héros de la Révolution. Mlle Paule Andral, M. Berthaud, de l'OpéraComique, et M. Bullier l'avaient remarquablement interprétée.
22 MAI. — M. Gémier a gracieusement mis son théâtre à la disposition de M. Libeau et de sa troupe, pour y donner une série de représentations de pièces dont l'excellent comique belge est l'auteur applaudi. Zonneslagand et Cie nous permet de mieux connaître, grâce au talent de M. Libeau, tout le charme et toute la spirituelle gaîté de la vie bruxelloise.
28 JUIN. — Matinée au bénéfice de l'œuvre « le Paquetage du convalescent ». Au programme : un acte inédit dé M. Maurice Donnay, L'Impromptu du paquetage, suite de scènes délicieuses et touchantes de notre vie parisienne, qu'un grand théâtre s'estimera heureux de jouer régulièrement.
« La liberté de l'impromptu, qui est une petite revue pour les délicats, a permis à M. Maurice Donnay de montrer avec quel dévouement fait de tendresse, de fierté, de grâce, de ruse, des dames assurent la prospérité d'un ouvroir. Une jeune ouvrière vient à passer et trouve prétexte à défendre la mode qui assure le travail. Elle a besoin de travailler, ayant
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épousé son fiancé défiguré dans un combat. Son exemple réconforte un jeune soldat mutilé et fait passer dans la tranquillité de l'ouvroir cette émo- tion profonde que laisse un exemple discret. Un brave territorial, libéré, parce qu'il est père de six enfants, y avait apporté sa gaîté large; une jeune Anglaise sa fantaisie, et un bon monsieur sa générosité. L'Impromptu du paquetage eut le plus grand succès de surprise, de malice, d'émotion, de drôlerie, mêlées avec un art d'une légèreté infinie, avec toute la finesse que représente M. Maurice Donnay dans notre patrimoine français. Mme Jeanne Granier montra une incomparable maîtrise dans cet art de nuances où excellent son intelligence et sa sensibilité. Mlle Berthe Bovy fut infiniment touchante, miss Campton fort drôle, Milles Marguerite Caron et Marcelle Praince charmantes de bonne grâce, M. Vilbert de la plus franche gaité, M. Joffre d'une bonté bienfaisante et M. René Rocher fort discret dans son rôle délicat ». Au cours de cette matinée, qui fut exceptionnellement réussie, Mlles Chasles et Meunier et Mlle Herleroy parurent dans leur délicieux divertissement de Danses et Chansons d'Alsace. Mlle O'Brien, M. Dufranne, Mlle Clémence Val preux, Mmes Eugénie Buffet, Blanche Dufrêne, Mlle Edmée Fayart, Mme Marguerite Carré et Mme Félia Litvinne furent successivement très goûtées et très applaudies. Et cette belle fête se termina par la Marseillaise, que le public enthousiasmé demanda à la grande artiste Félia Litvinne.
ier JUILLET. — Sous la direction de Mrae Valen-
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tine Lugand, le théâtre Antoine nous donne la primeur d'une comédie nouvelle de MM. Raphaël Adam et Léon Huret, La Polka de lJfme Vanderbec/i, où M. Libeau réalise une de ses plus curieuses créations.
Ii OCTOBRE.— La Nouvelle Revue de Rip (suite à I,IJ 1.'7) garde les meilleures scènes de fantaisie, d'esprit, de sensibilité, qui lui assurèrent au PalaisRoval un succès prolongé : la sérénade du bersaglière à Bülow; Zeppelin s'envole. là-bas, là-bas ; le Poilu, dont le monologue et la chanson On les aura, sont notre Tipperary ; l'optimiste et le pessimiste, le fameux chauffeur inconducteur. Elle y ajoute une variation brillante sur la Vie parisienne, et des danses chantées (Mariage entre Alliés, la lflIssie), qui donnent à Mlle Yvonne Printemps une nouvelle occasion d'affirmer, en même tem ps que sa voix de jeunesse éclatante, sa grâce de danseuse.
M. E. Lamy, Bobinet et highlander est pour elle un charmant cavalier. Elle y ajoute surtout des scènes qui permettent à Prince et à Mme Marthe Régnier de nous consoler un peu de la fermeture des Variétés. Prince dépense dans une scène où il se défend de jouer le rôle du Kaiser une verve cinglante et une drôlerie irrésistible. Mme Marthe Régnier montre autant de tact que de malice dans une scène d'ironie supérieure sur la neutralité américaine.. Puis, tous deux, en cinq minutes, jouent une sorte de sketch, Avant et Après, l'histoire de nos mœurs en 1913 et depuis la guerre, qui est plus complet qu'une comédie en trois actes. Enfin, un iligadin se heurte à Prince, dédoublement moins
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dramatique que celui du Procureur Hallers. Et Marthe Régnier, transformée en Mlle Pimprenelle, dans sa romance à diction et dans ses chahuts, fait une parodie de music-hall non moins spirituelle qu'inattendue.
18 NOVEMBRE.— La Belle Aventure, de G.-A. de Caillavet, Robert de Flers et Etienne Rey, dont 3oo représentations n'ont pas encore épuisé le succès, passe au théâtre Antoine avec Mlle Made- j leine Lély, M. Henri Defreyn, M. Palau, en tête j d'une distribution qui est la même qu'au Vaudeville.
Pour terminer l'année, notons, à la date du 21 décembre, au profit de la Journée du poilu, une i représentation de Papillon dit Lyonnais le Juste,
la célèbre comédie de Louis Bénière, avec M. Gémier dans sa remarquable création.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de tr. représ. représenl.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
*Les Huns. et les Autres, revue » 20 févr. 33 * Une Nuit de Rouget de l'Isle, pièce. 2 15 avril 4 *Les Bonnes Flandres, pièce 3 25 avril 3 English Scool, comédie.,. 1 25 avril 3 Pendant la Bataille, pièce. , , 1 25 avril 3 * Zonneslagand el C., fantaisie bruxelloise. 3 22 mai 25 * La Polka de Madame Vanderbeck, coin. 3 1er juillet 42 * La Nouvelle Revue de Rip, revue 2 6 octob. 51 La Belle .-1 venture. , 3 18 nov. 58
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THÉÂTRE RÉJANE1
Pendant que Mme Réjane triomphait personnellement à Milan, dans la Course du Flambeau de M. Paul Hervieu, et à Venise, dans l'Enfant de l'Amour, 'de M. Henry Bataille, M. Max Dearly avait émigré des Bouffes au théâtre de la rue Blanche et continuait en ce nouveau cadre la joyeuse carrière de Mon Bébé.
28 JANVIER. — Unique représentation de Philoctète de Sophocle, traduction littérale, en vers, de M. Silvain. Aussi bien comme artiste que comme écrivain, M. Silvain est un homme consciencieux dont la conviction va jusqu'à l'héroïsme. Il fallait toute l'ardeur qui le consume pour l'exciter à traduire et à porter sur scène les deux actes de Sophocle, dont c'est l'œuvre la plus discutable parce qu'elle est conventionnelle. Philoctète est moins une tragédie qu'un fait-divers. Et de plus, il s'aggrave de détails répugnants. Je veux parler du pied de ce guerrier qui, atteint d'une sorte de
1. — Directrice : Mme Réjane ; Secrétaire général ; M. Traversi.
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gangrène, incite ses compagnons d'armes à dépo- ser l'infortuné dans une île déserte afin de sYn épargner la puanteur. Le pauvre vit donc seul sur son rocher, en compagnie !
« de son ulcère
Oui laboure son pied de sa hideuse serre, • Distillant de l'humeur et du sang corrompu ».
Ce qui nous prouve que le réalisme ne date pas d'hier et que Zola, qu'on a tant accusé d'analyse trop précise, peut, auprès de Sophocle, passer pour un poète idyllique. Or, Philoctète possède l'arc et les flèches d'Hercule — heureusement pour lui, car ils lui servent à ne pas mourir de faim en tuant au vol des petits oiseaux. Et il se trouve qu'un oracle a prédit que Troie ne tomberait au pouvoir des Grecs qu'avec le concours des, armes merveilleuses. Se doutant que l'illustre boi- j teux nourrit quelque rancune contre ceux qui s'en sont débarrassés comme d'un paquet d'ordures, Ulysse envoie Néoptolème, fils d'Achille, en l'île dej Lemnos, avec ordre de capter la confiance de l'abandonné et de lui ravir l'arc et les flèches qui, 1 seuls, peuvent faire tomber les remparts de Troie, j Philoctète tombe dans le panneau ; il remercie] Néoptolème de l'intérêt qu'il lui porte et le supplie; de l'emmener.
« Jette-moi n'importe où, Dans la cale, à la proue, à la poupe, partout Où j'incommoderai le moins mon entourage ! »)-
Ah ! l'odeur de ce pied ! Elle plane sur toute là pièce, parfum subtil et pénétrant. L'atmosphère
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ragique en est imprégnée. Constatons pourtant lie M. Silvain y insiste le plus discrètement posible. Mais Sophocle est là: il faut le suivre. Enfin, séoptolème ravit les armes sacrées. Philoctète se lésespère d'une telle trahison. Il réclame son arc et ses flèches en termes si touchants que le fils d'Achille ému est tenté de les lui rendre. Mais I Ivsse l'en empêche au nom de l'oracle et de la future prise de Troie. Les vaisseaux grecs vont partir. Philoctète se croit définitivement perdu.
quand Néoptolème, pris de remords, revient à lui et lui rend ses armes. Il faut pourtant sortir de ce fconcert de gémissements et s'évader de cet air empesté par un pied de plus en plus malade. Philoctète serait-il incurable ? Non! car Hercule apparaît, fantôme bienfaisant. Il ordonne à Philoctète de bannir toute rancœur, d'aller au siège de Troie, de prendre la ville avec son arc (ah ! la guerre était simple en ces temps heureux !) moyennant quoi sa blessure se guérirait instantanément. Le voilà bien le Deus ex machina ! Les vers de M. Silvain sont d'une tenue sobre et sérieusement littéraire.
Ils suivent avec exactitude le texte de l'auteur grec.
Ils manquent un peu d'envolée, bien que parfois ils révèlent un sens réel de la beauté. Travail consciencieux, besogne de professeur amoureux de Sophocle derrière lequel il se cache avec modestie.
Il convient d'applaudir cet effort comme nous avons applaudi sincèrement la pittoresque composition du personnage auquel M. Silvain a évité le ridicule et a imprimé au contraire une réelle grandeur. Ses souffrances le rendirent vraiment pitoya-
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1 ble. On finissait par s'intéresser à son pied.
Mme Louise Silvain, qui personnifiait Néoptolème, fut d'une superbe attitude. Victorieuse * du travesti qui fit valoir sa prestance noble, elle évoqua le souvenir des belles statues. Et de sa voix chaude elle rythma les vers en diseuse impeccable. Le rôle ingrat d'Ulysse fut tenu par Desjardins avec sa' correction coutumière. Des chœurs bien stylés, un , Hercule imposant représenté par M. Durozat, une 1 musique de scène discrète et harmonieuse de M. Letorey, un décor sauvage, pittoresque et ., coloré, tout cela suffit à nous faire admirer quei tant de louables efforts aient été consentis pour une seule et unique, et cependant brillante repré- sentation. j 27 FÉVRIER.—Reprise de Zasa, pièce en cinq actes de Pierre Berton et Charles Simon1. —Jouer Zaza après Réjane sur la scène même du Théâtre Réjane: l'entreprise était hardie pour ne pas dire téméraire, et singulièrement périlleuse. Mlle Emilienne d'Alençon eût pu « s'y casser les reins », comme on dit. La vérité nous oblige à déclarer qu'elle n'y fut nullement ridicule ; la comédienne n'a pas laissé de faire quelques progrès depuis le jour où, au Cirque d'Eté, elle nous' présentait ses
1. DISTRIBUTION. — Bernard Bufresne, M. Henry Roussel. — Cascart, M. Gaston Dubosc. — Dubuisson, M. René Fugère. — Bussy, M. Nyms.
— Auguste, Juies, M. Donio. — Duclon, M. Fernand Lacoste. - Larti- gue, M. Victor Godefroy. — Le Camus, M. Margenson. — Martiné, M. Amand Louis. — Adolphe. M. Loisel. — Courtois, M. Harout. —
Michelin, M. Courage. — Un clown, M. Nybel. — Un troupier, M. Monsanglant. - Zara. Mil. Emilienne d'Alençon. — Anaïs, M"»1 JlUrindol. — Simone, Mlle Lutes. — Floriane, Mlle Nadyr. — Madame Dufresne, Mlle Frémeaux.-Nathalie, Mlle Bianchini.—Juliette, Mlle Barro.
— Mélanie, Mlle Perrin. — Clairette, Mlle Hardy. — Liseron, Mlle Ida Lanson. — Une chanteuse, Mlle Bériani. — Toto, petite Albe Corbery.
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petits lapins en liberté. Elle a mis dans le rôle illustré par sa célèbre devancière de la sincérité, du naturel et de la sensibilité : n'est-ce donc rien que cela ! C'est beaucoup, en vérité, et nous pouvons passer à la débutante un peu de vulgarité, jointe à une voix légèrement éraillée. Mais pourquoi la représentation, à laquelle concouraient pourtant d'estimables artistes comme MM. Henry Roussel, Gaston Dubosc et Mlle Mérindol, nous at-elle donné l'impression de la province la plus reculée ? Seule, la petite Albe Colbery nous a paru toute charmante dans le rôle de Toto, autrefois créé par la « petite Yvonne ». La « petite Yvonne » est devenue Mlle Yvonne de Bray.
4 AVRIL. — Première représentation de Le Concert, pièce viennoise en trois actes d'Hermann Bahrs, adaptée par MM. Pierre Veber et Rémon1.
Le héros de l'aventure est un grand compositeur, un « Cher Maître » devenu l'idole du public et, j'allais dire irrespectueusement le béguin de ses élèves. Il se laisse adorer par habitude, bien qu'excédé de tant d'amoureux dévouements, de soupirs tendres et flatteurs. Le voici pourtant particulièrement tenté : sous prétexte de concert éloigné, il organise une fugue avec une de ses élèves
1. DISTRIBUTION. — Marie Heink, Mme Réjane. — Delphine Jura, Mlle Jane Danjou. —Mme Pollinger, M"' Miller. —Eva Gerndl, Mlle Isa- belle Fusier.—Mlle Wohner, Mlle Marcelle Vernoux.—Selma, Mlle Marguerite Roselle. — Miss Garden, Mlle Baxt. — Claire, Mlle Francesca Flori.— Gustave Heink, M. Gaston Dubosc, — !)■' Frantz Jura, M. Marcel Simon. — Pollinger, M. Bosman.
On commençait par le Roi du Tango, pièce en un acte de M. Pierre Veber. DISTRIBUTION. — Mme Moussotte, Mlle Miller. — Miss Dora.
Mlle Darlay. — Jane, Mlle Francesca Flori. — Eva, Mlle Nadir. —
Fr:nK'me, Mlle Andrée Balyac. — Jabu, M. Henri Rollan.— Moussotte.
M. Julien Lacroix. — François, M. Bosinan.
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et admiratrices, Delphine, la jeune épouse du docteur Franz Jura. Or, Gustave Heinck est également marié. Et voilà qu'une autre élève, affolée de jalousie, informe le mari de cette trahison, puis qu'aussitôt prise de remords, et craignant un malheur, elle prévient Mme Heinck d'avoir à l'empêcher. Au même moment, on annonce à Mme Heinck la visite du docteur Jura qui a eu l'idée de s'entendre avec l'épouse de l'amant de sa femme pour savoir ce qu'il est raisonnable de faire. La situation ne laisse pas d'être piquante. Mme Heinck est une personne douée d'un sage équilibre qui n'attache aux infidélités du Maître qu'une importance relative. Ne faut-il pas faire des concessions au génie ? Elle a confiance en sa force de femme du foyer; elle est l'amitié sûre, l'affection, l'habitude.
Elle est le refuge. Le docteur est d'une autre mentalité, mais tout aussi pacifique. Il n'a qu'un souci: l'amant de sa femme est-il fait pour la rendre heureuse ? Si oui, il n'a pas le droit moral de s'entremettre. Il serait même disposé, en ce cas, à favoriser leur union. — « Mais moi ? » objecte Mme Heinck. — « Evidemment, il y a vous. Mais alors on pourrait s'entendre tous les deux. » Au troisième acte, les deux époux conciliants et trahis tombent brusquement entre les deux amants qui s'attendent aux pires catastrophes. C'est le con- traire qui arrive ; l'instinct de possession n'existant pas fait place au raisonnement quasi paradoxal, et la situation, par la formule du contraste, devient comique. Elle pourrait aussi bien être tragique, et c'eût été un drame, ou bouffonne, et c'eût été un
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vaudeville. Tant il est vrai qu'une même idée, selon le tempérament de l'auteur, peut se traiter de différentes façons. Le dénouement, vous l'avez deviné, les couples se reforment avec la joie de se retrouver dans leurs meubles. L'amour du foyer triomphe. Ce n'est, pour le compositeur volage, qu'une passade de plus — et encore fut-il interrom pu à temps. Cette « bleuette » en trois actes était admirablement interprétée par Mme Réjane qui, une fois de plus, se montra l'artiste merveilleuse que vous savez. Mlle Danjou nous sembla un peu précieuse, et Mlle Isabelle Fusier un peu grimacière. MM. Gaston Dubosc et Marcel Simon furent tous deux de fantaisie charmante. Ce spectacle était bientôt remplacé sur l'affiche par une nouvelle reprise de la triomphante Madame Sans-Gêne, toujours si solide planche de salut. Mille Réjane se faisait acclamer de nouveau sous les traits de Catherine Lefèvre. M. Chautard jouait le rôle de Napoléon qui lui était depuis longtemps familier. Et les représentations se prolongeaient jusqu'au 12 mai.
Il n'en sera pas donné d'autres de l'année 19 1
DATE NOMBRE NOM BUE de la de ire représ, représenl.
d'actes 011 de la pendant reprise l'année Madame Sans-Gêne, pièce 4 » "2 .> Mon. Beb,;, l,ièce 3 tJjanv. ,r>2 Crime passionnel, l,iè~--e 1 il janv. 51 Une Enquête, c~,nié~lie 1 20 févr. 2 Xu;a, pièce 5 27 levr. 30 * Le Concert, pièce viennoise.,. 3 4 avril (i * Le Roi du Congo, pièce. 1 i avril 6
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1915
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Le 26 janvier 191 5, Mille Réjane rouvrait son héâtre pour quelques représentations populaires é'Alsace, la belle pièce de MM. Gaston Leroux et ,llcien Camille redevenue d'émouvante actualité.
:t le cinématographe reprenait possession de la alle de la rue Blanche, avec les films successifs es Armées combattantes, de La Guerre dans le Gaucase, de L'Expédition Harry K. Eustache en Afrique, de Nos Héroïques Alliés, de La Fille de Neptune et de l'Expédition du capitaine Scott, éja donnés avant la guerre.
Le 11 décembre, nouvelle reprise d'Alsace emportant une particularité bien moderne.
Mme Réjane avait joué la pièce pour le cinématoraphe et le film du drame était augmenté d'un rologue et d'un épilogue. Dans le prologue, on ssistait aux événements rappelés à l'exposition de î. pièce et précisant les circonstances du retour de Mme Orbay. L'épilogue nous montrait l'entrée des roupes françaises en Alsace, et l'émotion délirante le Mme Orbay pouvant enfin s'approcher de la ombe de son fils. Le prologue et l'épilogue du ilm présentés au cinématographe avant et après la
1. —M.Lucien Camille, l'excellent collaborateur de M. Gaston Leroux, él,.yc pilote à l'Ecole d'aviation militaire de Juvisy », reprenait sur affiche son véritable nom : Camille Dreyfus.
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pièce que jouait Mme Réjane, ajoutail à l'intérêt du spectacle la vue de la grande artiste dans une sorte de pantomime d'un dramatique intense.
22 DÉCEMBRE. — Reprise de Madame SansGêne, avec Mme Réjane.
DATE NOMIiiiE NOMBRE de la de NOMBRE 1" repres. repr>.-3f>.n,t d'actes ou de la pendant.
reprise l'arma
Alsace, pièce 3 26janv. 15 Madame Sans-Gêne, pièce 7 4 22 déc. 11
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THÉATRE DE LA RENAISSANCE
L'année s'était ouverte, sous la direction Tarride, par Un Fils d'Amérique de MM. Pierre Veber et Marcel Gerbidon. Le 8 février, Mme Cora Laparcerie et M. Robert Trébor prenaient possession du théâtre avec les Chiffonniers, pièce en trois actes de Mlle Jehanne d'Orliac1, et Y Amour buissonnier, comédie en deux actes de M. Romain Coolus2. — Qui se souvient du Chiffonnier de
1. — Jouée par MM. Dorville (Gras-d'Huile), Dechamps (Mirandon), René Gervais (Berthoniou), Duard (Bibi Boit-Sec), Faurens (Poil-auxPattes), Michelez (Rodrigue); Mms Delmares (Tiffanette), Réal (la mère), 8. Lacroix (Louise) et M. Candé (Trognard).
2. — Jouée par MM. Dorville (Théophile), Jules Moy (Antoine), Faurens (Ernest), Dormel (Stanislas); Mmes Delmarès (Louise), Huguette Dastry (Jacqueline) et M. Jacques de Féraudy (André).
On commençait par Le Coup de Phryné, comédie en un acte de MM. Rozenberg et Bonnet, jouée par Mlle. Gaby de Morlay, M.-S. Lacroix, Antoinette Payen et MM. Sance et Dormel.
On avait donné, la veille, une matinée consacrée à M. Emile Fabre.
On y entendit les plus beaux fragments de ses œuvres avec leurs créateurs Mme: Lara, du Minil, MM. Jacques Fenoux et Grand, de la Comédie Française, dans La Maison d'argile: Mme Andrée Mégard et M. Gémier dans le deuxième acte de La Rabouilleuse; Mme, Sylvie, Dux, M. Toulout et toute la troupe du théâtre Antoine dans le deuxième acte de Un Grand Bourgeois : MM. Gémier, Cailloux et toute la troupe du th.Vitre Antoine dans le troisième acte de La Vie publique; et M"< Polaire, MM. Mosnier, Saillard dans le quatrième acte de Les Sauterelles. Une causerie sur l'œuvre d'Emile Fabre était faite par M. Emile de Saint-Auban.
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Paris, de Félix Pyat ? Mlle Jehanne d'Orliac, à coup sûr, qui donnait au public de la Renaissance, assez surpris, une nouvelle édition du vieux drame où Frédérick Lemaître obtint, jadis, un des plus grands succès de sa carrière. Et nous avons vu la jeune fille sentimentale — c'est Tiffanette - élevée parmi les détritus ménagers, qui a des aspirations vers un monde supérieur et mieux odorant ; le philosophe en guenilles, ancien instituteur, qui fait des inductions (vous connaissez le cliché) sur le monde et la ville, d'après les épluchures de sa hotte ; le viveur invraisemblablement ruiné par le seul incendie de son hôtel, tombant au « chiffon » et amoureux d'une enfant du crochet; l'idiot simulé, dont l'orgueil souffrant médite une longue vengeance. Mieux accueillis que naguère, au Gymnase, l'éphémère Joujou tragique, les Chiffonniers de Mlle d'Orliac étaient vaillamment soutenus par MM. Candé, Dechamps et Mlle Delmarès. Mlle Del- marès avait été aussi toute la grâce de VAmour buissonnier, une leste et spirituelle petite comédie de M. Romain Cool us, déjà représentée sur un théâtre à côté sous le titre de Effet d'optique.
Bonne interprétation avec M. Jacques de Féraudy (Dignus est intrare. au Théâtre Français),, avec M. Dorville, très comique; avec M. Jules Moy, qui serait d'autant plus amusant qu'il voudrait l'être un peu moins. Et l'on reprenait bientôt le Minaret de M. Jacques Richepin1, puis, le jeudi, on don-
1. DISTRIBUTION. — Noureddine, M. Jean Worms. — Felfel, M. Jack Jacquier. - Le grand eunuque, M. Louis Sance. — Mustapha, M. Faurens. — Le muezzin, M. Dormel. — Le khadi, M. Constant. — Myriein,
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nait en matinées classiques Britannicus avec M. de Max, Mmes Tessandier, Andrée Pascal et M. Paul Daltour, puis Andromaque, avec M. de Max, Mmes Ventura et Marcelle Frappa.
18 MARS. — Première représentation d'Aphrodite, pièce en cinq actes, en vers, de M. Pierre Frondaie (d'après le roman de M. Pierre Louys), musique de M. Henri Février1. — Qui ne connaît le sujet du célèbre roman de M. Pierre Louys ? Sur a jetée d'Alexandrie, Démétrios, le beau sculpteur aimé de la reine Bérénice, comblé de toutes les richesses, de toutes les adulations et de tous les honneurs promène son ennui. Une courtisane, une Galiléenne, qui l'on nomme Chrysis parce qu'elle A « tout l'or du monde dans ses cheveux » passe
Mnlt Cora Laparcerie. — Zouz Zwabe, M"« Mariette Lelières. — Maiiiiouna, Mlle Réal. — Shamsennabar, Nill- Jane Darcile. — Saadette, Mile Fanny Delisles. — Riha, Mil. Yvonne Legeay. — Zahra, Mlle G.
Lhéry. — Nagma, Mlle Dargeville. — Amina, 111e Lacroix. — Missaouda, \llle Lucette Roger.
Le Minaret était précédé de Demain 5 heures, un acte de M. Jean Pertuis, joué par Mlles Gaby de Morlay, Delys, Lacroix et M. Dormel.
1. DISTRIBUTION. — Chrysis, Mme Cora Laparcerie. — Chimairis, Mme Tessandier. — Bacchys, Mlle Paule Andral. — Bérénice, Mlle de Pouzols. — Théano, Mlle Alice de Tender. — Aphrodisya, M"« Derny.- l'uuny. M'i« Paule Rolle. — Yoessa, Mll. Moriane. — Miais, 111e Real.
Ampelis. M"» Legeay. — La mère de Melitta, Mlle Delys. - Nanno, Mlle Delisle. — Korina, Mlle Castelly. — Rhodis, M'ie Lhéry. - Myrtis, Mlle Raffaelli. — Plango, Mlle Darcyl. — Gnaténée, Mll. Chartrettes.
Moussarion, Mlle Bos. — Démétrios, M. Jean Worms. — Timon, M. Puylagarde. — Philodème, M. A. Sydney. — Thoxène, M. Gervais.
- Naukratés, M. L. Sance. — 1er marin, M. Faurens. — Phrasilas, M. Mardor. — Le nègre, M. Benglia. — L'officier de la reine, M. Gallia.
Aphrodite était accompagné de Pour faire son chemin, un acte de M. Roland Dorgelès, joué par Miles Gaby de Morlay, Delys et Sivry et par M. Dormel.
Le Ï7 avril, débutait la danseuse Isis, qui enlevait crânement la bacchanale et mimait avec le plus grand art toute la scène de l'ivresse. Et quand son corps menu et harmonieux apparut sur la croix, ce fut dans la salle un murmure d'admiration.
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auprès de lui, indifférente. Quelle est donc cette femme qui ne daigne pas apercevoir celui que toutes regardent et qui n'en connaît pas de cruelles ? Démétrios veut le savoir. Mieux, il la veut conquérir. Mais Chrysis conçoit l'ambition d'asservir l'artiste dédaigneux. Elle se refuse donc à son caprice. Par son refus, elle change ce caprice en une ardente passion. Elle ne cédera que s'il jure par Aphrodite de commettre trois crimes: il volera le miroir de la courtisane Bacchis ; il tuera Toûni, la femme du grand-prêtre, pour s'emparer du peigne d'ivoire qu'elle a coutume de porter ; il sera sacrilège en arrachant du cou de la statue d'Aphrodite — son œuvre maîtresse — le collier à sept rangs de perles. Pour prix de son amour, Chrysis exige le don des trois objets. Et pour obtenir Chrysis, le sculpteur consent aux crimes.
Il s'introduit dans le Temple, et, déjà en possession du miroir, il s'empare du peigne et du collier.
Nous avons ainsi assisté à une orgie chez Bacchis qui découvre que son précieux miroir lui a été dérobé, croit que le coupable est une de ses esclaves et fait périr la malheureuse sur la croix. Chrysis est présente à l'horrible scène et n'en retient qu'une chose: Démétrios lui a obéi! Et nous voyons Chrysis apporter à Démétrios la récompense promise, c'est-à-dire elle-même. Mais Démétrios se contente de l'avoir possédée en songe : il est désenchanté, son cœur est desséché par l'effort qu'elle lui avait imposé : il la hait pour l'avoir réduit à une honteuse servitude. C'est lui maintenant qui se refuse, qui parle en maître. Il assou-
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vira une vengeance cruelle en envoyant au supplice celle qui n'avait pas eu de pitié, en abusant à son tour du pouvoir terrible dont dispose l'être qui n'aime pas sur celui dont il est aimé. Mais la courtisane s'est prise à son propre piège ; elle aime celui qui fut sa victime et qui est maintenant son vainqueur. Et pour le lui prouver, elle jure par Javeh de se soumettre à l'ordre qu'il lui donnera, quel qu'il soit. Cet ordre, c'est que Chrysis se pare des trois objets volés et se montre ainsi à tout le peuple assemblé. Elle obéit, monte les degrés du phare d'Alexandrie et, parvenue sur la plate-forme.
est d'abord acclamée par la foule qui croit voir apparaître Aphrodite, la déesse elle-même ; puis, reconnue, elle est arrêtée et condamnée à boire la ciguë. Lorsque Démétrios, convaincu de l'amour de Chrysis, vient la rejoindre, il est trop tard, le poison a fait son œuvre. M. Pierre Frondaie est, sans doute, un habile « librettiste », mais nous ne voyons pas, à dire vrai, ce qu'ajoutent ses vers faciles et sans éclat à l'harmonieuse et lyrique prose du roman. Peu importe, d'ailleurs ! Le spectacle est délicieux. Le metteur en scène, le décorateur. le chorégraphe, le costumier, ont merveilleusement évoqué un milieu très séduisant. Alexandrie revit à la Renaissance, non pas telle qu'elle exista peut-être, mais telle que nous la rêvons. Le plaisir des yeux et de l'imagination transportés dans un coin si curieux du monde antique, nous a été rarement offert avec ce goût et cette ingéniosité. On ira voir Aphrodite rien que pour admirer les décors de lumière et d'azur de M. Ronsin, les
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audacieux « dévêtements » de M. Poiret, le temple d'Aphrodite avec la fine statue de Rodin, le grouillement fastueux de l'Orgie pareil à un Rochegrosse, les danses impressionnantes de Mlles Alice de Tender et Derny — dont le corps nu, cloué à la croix, demeure une exhibition si purement artistique — et le tableau du Phare, un des gros effets d'une soirée, à laquelle ajoute un charme véritable la subtile et pénétrante musique de M. Henry Février. Chrysis, c'était Mme Cora Laparcerie. Elle avait toute la grâce, toute la féminité attirante et redoutable qui convenait au personnage. M. Jean Worms, qui assumait la tâche particulièrement périlleuse de réaliser Démétrios, avait su fort bien exprimer toute la lassitude de l'homme lourdement accablé sous l'excès même des diverses fortunes heureuses. C'était un blasé parfait, d'une note très juste. M. Puylagarde fut un très élégant Timon.
Mlle Paule Andral rendait avec une conviction sincère la fureur exaspérée de la cruelle Bacchis ; n'était-ce pas une double victoire de se faire applaudir en un rôle aussi antipathique ! Mme Tessandier prêtait sa tragique autorité au personnage de la sombre prophétesse Chimairis, et Mlle de Pouzols toute sa gentillesse de « petite midinette » à celui de la jeune reine d'Egypte, follement éprise du beau sculpteur.
20 MAI. — Première représentation de L'Homme riche, comédie en trois actes de MM. Jean-José Frappa et Dupuy-Mazuel1. — MM. Jean-José
1. DISTRIBUTION. — Prince de Bergue, M. de Max. — Blanchon, M. Djmi d. — Minière, M. Puylagarde. — Marquis de Mirbeuil,M. Svhulz.
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Frappa et Henry Dupuy-Mazuel, les auteurs du Match de Boxe, applaudi aux Variétés pendant la saison d'été de 1912, et des Anges Gardiens, tirés du roman de M. Marcel Prévost et cent fois joués à la Comédie-Marigny, nous ont montré, dans l' Homme riche, la psychologie d'un milliardaire, le prince de Bergue, que sa fortune importune. « Il est arrivé à douter de tout le monde. Il ne peut croire ni à la vertu d'une femme ni à la sincérité d'un homme. Il croit savoir le tarif de toutes les consciences et connaître exactement le degré de résistance que lui opposera une vertu. Pourtant il se reprend à aimer un jour une dame russe rencontrée à Biarritz. Il tente la conquête de son cœur et fait le genre d'offres auxquelles il suppose qu'une femme ne résiste jamais. Cette fois il est repoussé. La dame russe révèle au prince qu'elle vit à l'hôtel sous un faux nom et qu'elle est en réalité la princesse Xénia Tréloff qui a hérité de son mari de gisements pétrolifères immenses. Elle se trouve être plus riche que son interlocuteur !
Le prince de Bergue est ainsi privé de ses moyens de séduction habituels. Pourtant son chagrin, un peu de confusion et de sensibilité qu'il laisse paraître, lui valent tout de suite la sensibilité de la princesse. Or, le prince a un secrétaire, Minière, dont un homme aussi dénaturé que lui aurait pu deviner la nature assez basse. Minière a signé des volumes que la princesse a beaucoup appréciés.
Colben, M. Polack. — Trévoux, M. Gerrebos. — Dufils. M. Mendaille Princesse Zénia Trelotf, Mlle Van Doren. — Lucette, Mlle MaucL Gypsy.
— Lina, Mlle Gaby de lI-forlay. — Miss Pacter, Mlle Rolden. —
de Mirbeuil, .:\ll1e Selyselte Silca. — Rosemonde, Mlle Lina Brfoçrh*
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Elle rêve de ne se remarier qu'avec un artiste ou un poète. Chez elle, en Russie, elle reçoit les célébrités européennes: Gorki, malgré la politique, et aussi, dit-elle à un Français, « votre d'Annunzio »
— « Il n'est pas à nous », répond le Français. —
« Oh ! presque ! » Minière, profitant du prestige que lui donne la poésie, arrive à se faire distinguer par la princesse, au point de devenir son fiancé. Mais le chagrin manifesté par le prince attendrit la princesse qui, au dernier moment, hésite à réaliser son projet de mariage. Elle consulte de Bergue ; elle lui parle du talent poétique de son secrétaire ; elle veut citer des vers de son recueil. Le prince vient au secours de la mémoire qui lui manque et récite tout le poème qu'elle cherchait à se rappeler. Il y met tant d'émotion qu'une lueur soudaine se produit dans l'esprit de la princesse. Elle mande Minière et s'écrie: — « Pourquoi ne m'avez-vous pas dit que les vers étaient du prince ? » Minière se tourne vers M. de Bergue: - « Comment ! s'écrie-t-il, vous avez fait cette révélation ! » Mais la princesse ajoute. — « Non, il n'avait rien révélé. C'est moi qui ai tout deviné et vous venez de confirmer mes soupçons. » C'était, en effet, le prince qui ne voulant pas, selon son expression, « souiller la poésie avec des vers d'homme riche », faisait signer par son secrétaire les recueils qu'il publiait. La princesse épouse l'homme riche qui est aussi un poète : conditions et qualités assez rarement réunies. »- Tel est le scénario dont, en habiles gens de théâtre qu'ils sont maintenant devenus, MM. Frappa et Dupuy-
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Mazuel ont tiré une pièce attrayante et sentimentale — voire même attendrissante. Elle a beaucoup plu. Elle a été excellemment jouée. M. de Max, qui semble actuellement renoncer à être un grand tragédien lyrique, fut un parfait prince de Bergue.
Il a noblement traduit les mélancolies de l'homme riche. Il s'est fait acclamer par la salle entière dans la scène dramatique du troisième acte. Mlle Van Doren, c'est la princesse Tréloff; on pouvait dire qu'elle n'avait pas seulement l'accent, mais le charme slave. M. Puylagarde a rendu avec infiniment de tact le rôle difficile de l'élégant secrétaire qui n'est, en somme, qu'un aimable fripon.
M. Duard a mis une charmante et naturelle bonne humeur en son personnage de confident. La 70e et dernière représentation de l'Homme riche aura lieu le k juillet.
2 JUILLET. — Matinée donnée au profit de la veuve et des enfants du poète L. Michaud d'Humiac1.
Le 23 juillet — presque à la veille de la guerre - on affichait la première représentation à ce théâtre du Zèbre de MM. Aumont et Nancey1.
1. Au programme : Première représentation de la Mort du prince Paris, pièce en trois tableaux de L. Michaud d'Humiac, interprétée par Mme. Jeanne Zorelli, G. Kessel, Morsens, Valine Garnier, MM. P.-A.
Brousse, A. Reyval et Pampélix ; reprise de l'Arc-en-ciel, un acte du même auteur joué par Mlle Marguerite Noël et M. René Rocher ; la Sauterelle, un acte de Grenet-Dancourt par M. le comte Germiny et Mlle Marie Marcelly. M. Léo Claretie s'était chargé de présenter au public l'œuvre de Michaud d'Humiac.
1. DISTRIBUTION. — Précorbin, M. Desfontaines. — Bocard, M. E. Durafour. - Genicourt, M. Mathillon. - François, M. Thérof. - De La Beuve, M. Hamelin. — Frétigny, M. Decombes. — Tricoche, M. Olivan.
1c. gendarme, M. Constant.-Commissaire de police, M. Serge Picard.- 2e gendarme, M. Dorgeval. — Et le dessinateur Moriss, Chaussette. —
Gilberte Bocard. Mlle Hélène Cerda. — Régine Précorbin, Mil. Juliette lJeprl?sles.- Juliette, Mlle Magdeleine Choley. — Et Mlle Gaby de Morlay, Kiki.
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DATE NOMHUE NOMBRE de la de 1" représ. l'epI',"St>td
• d'actes ou de la pendant reprise l'ami'
Un Fils d'Amérique, comédie 4 il "*{/n Coup de Tampon, comédie 1 12 janv. 27 *Les Chiffonniers, pièce 3 S levr. 15 *L'A mour buissonnier, comédie 2 S » 15 *Le Coup de Phryni, comédie 1 S » G Le "linaret, comédie. 3 li » 2i *Dernain 5 heures, coiii,'lie 1 14 » 21 Britannicus, tragédie 5 19 » 2 Andromaque, tragédie 5 5 mars 2 *Aphrodite, pièce en vers 5 18 mars S" *Pour faire son chemin, comédie 1 21 avril 27 '*L'Hoinme riche, comédie 3 20 mai 55 Le Zèbre, YaurleviIle. 3 23 juil. 10
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1915
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Le théâtre avait fait sa réouverture le 20 février kjiT) avec Détective-Dog et le chien policier Dick, de retour du front après avoir étranglé sept Boches.
Le 2 mars, il donnait la première représentatio n de Poussin de M. Edmond Guiraud, qui émigrait de l'Odéon à la Renaissance et qu'interprétaient excellemment MM. André Lefaure, Marcel Simon, Barral, Sance, Mmes Andrée Méry, Jeanne Loury, Madeleine Guilly et Jeanne Fusier-Gir. Puis, c'était, le 3 avril, la première représentation d'une opérette nouvelle de M. Paul Bonhomme, musique de M. Gustave Goublier, Mam'zelle BoyScout, interprétée par Mlle Marise Fairy, miss Reynolds, MM. Delaquerrière, Lerner, Massart et Aimé Simon qui sera jouée pour la 50e fois le 10 mai1.
Le 26 mai, première représentation à ce théâtre du Zèbre, de MM. Nancy et Armont, joué par Mmes Gaby de Morlay, Catherine Fonteney, Juliette Depresle, MM. Durafaux, Barklett et Kerny. Le
1. — Notons, aux dates du 24 avril et du tel" mai, deux piquantes matinées De 2rax par de Max, où l'illustre tragédien faisait ses débuts de conférencier, et Petits vers sur de grands mots, où le brillant comique, Félix Galipaux, était applaudi comme causeur d'abord, puis comme acteur; interprété par Mlle Goldstein, dans La Guerre en pantoufles.
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18 juin, reprise de Monsieur chasse de M. Georges Feydeau, interprété par Mmes Jeanne Danjou, H. Miller, MM. Marcel Simon, A. Morins, Louvigny et Raimu. Le 6 août, nouvel emprunt au répertoire du Palais-Royal : la Carotte de MM. Georges Berr, Dehère et Marcel Guillemaud, avec Mmes Renée Baltha, Yvonne Legeay, Ch. Lorrain, Lurville, Grouillet et Kerny. A la Carotte s'aj outait, le 19 septembre, un ingénieux sketch d'actualité de M. Ernest Depré, Retour du Front, fort bien joué par M. et Mme Martinelli. Et le 1er octobre, l'affiche appartenait à une reprise de Fred, de MM. Auguste Germain et R. Trébor, avec Mmes Blanche Toutain et Gaby de Morlay, MM. Tréville, Henry Bosc, Lurville et Sance.
Fred était accompagné de Séance de nuit, de M. Georges Feydeau, interprété par Mlle J. Danjou, MM. Marcel Simon et Elie Febvre. Le 19 novembre, première représentation à ce théâtre de la Puce à l'oreille1. La joyeuse comédie de M. Georges Feydeau retrouvait, à la Renaissance, le juste regain d'un grand succès qu'autrefois, aux Nouveautés, la mort de Torin avait subitement transformé en désastre.
1. DISTRIBUTION. — Hector-Emmanuel Chandebise, Poche, M. Marcel Simon. — Camille Chandebise, M. Boucot. — Romain Tournel, M. de Canonge. — Docteur Finache, M. L. Sance. — Carlos Homenides de Histangua, M. Milo de ilIeyer. — Augustin Ferraillon, M. Lurville. —
Etienne, M. Brunais. — Rugby, M. Mériel. — Baptistin, M. Paul Fu- gère. - Raymonde de Chandebise, Mlle A. Cavell. — Lucienne, M H* Jane
Danjou.- Olympe Ferraillon, Mlle H. JIiller.- Antoinette, -II. Lavigne. — Eugénie, Mlle M. Ducourel.
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,. DATE .NOMBRE NOMBRE de la de Ira représ, reprcsent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
*Délective-Dog 20 févr. 7 Le Poussin, o'médie 3 g mars- 38 *Mam'zelle Boy-Scout, opérette. 3 3 avril 76 Le Zèbre, vaudeville.,. 3 26 mai 26 Monsieur chasse, comédie. 3 18 juin 64 La Carotte, pièce 3 5 août 72 ""Retour du Front, sketch. 19 sept. 7 Fred, comédie 3 1er octob. 60 Séance de nuit, pièce 1 „ go La Puce à l'oreille, pièce 3 19 nov. 57 -
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THÉATRE SARAH BERNHARDT1
Jeanne Doré de M. Tristan Bernard avait atteint, le 26 janvier, sa 5o.me représentation2. Notons, aux dates du 5 et du 12 mars, deux belles matinées de Phèdre, avec la Phèdre idéale et la reprise (15 mars) de la Dame aux Camélias où Mme Sarah Bernhardt se faisait applaudir une fois encore dans le rôle de Marguerite Gautier. M. Romuald Joubé était, d'abord dans Hippolyte, puis dans Armand Duval, son digne partenaire. Le 1er avril, dans une matinée organisée au bénéfice - du Souve-
1. — Administrateur: M. Maurice Bernhardt; Secrétaire général: M. Perronnet.
2. — Il avait été enfin rendu justice à la grande tragédienne, non seulement applaudie en France, mais à l'étranger, à celle qui, incarnant des personnages modernes ou classiques, avait porté partout la bonne parole française et qui connut les ovations enthousiastes, qu'elle fût Phèdre, la douloureuse Phèdre, ou la mélancolique Dame aux Camélias. Sarah Bernhardt était décorée. Tous les amis du théâtre, tous ceux qui savaient ce que représente d'efforts, d énergie, et aussi de génie, une telle carrière, applaudirent à cette décoration. Le 14 janvier, au soir, avait lieu, au théâtre, une petite manifestation très touchante.
Dans un entr'acte, M. Chameroy remettait à Mme Sarah Bernhardt, au nom de ses camarades, une croix en diamants. La grande tragédienne remerciait en quelques mots. Et ce fut très émouvant par la simplicité «t l'émotion qui se dégageaient de cette cérémonie intime.
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nir français, Mme Sarah Bernhardt jouait Une Nuit de Noël sous la Terreur de MM. Maurice Bernhardt et Henri Cain. Le 16 avril avait eu lieu la première représentation de Tout à coup, comédie dramatique en trois actes de MM. Paul et Guy de Cassagnac1. Les pièces vont vite. Tout à coup.
était le début au théâtre de deux jeunes journalistés qui portaient crânement un très beau nom et dont tout le monde connaissait la généreuse ardeur de polémistes. On avait fait à ce début, remarquable par plus d'un point, un accueil chaleureusement sympathique. Tout à coup disparaissait de l'affiche qu'il avait occupée sept fois. seulement. C'était un peu prompt; on pourrait même dire que c'était inj uste. L'idée première de la pièce avait été inspirée aux auteurs par une aventure qui fit quelque bruit et défraya les journaux voici deux ou trois ans. De cette histoire d'ailleurs ils n'ont pris que le point de départ. Le milieu, les caractères des personnages et leur condition, le conflit lui-même, nous apparaissent tout à fait transformés. Au lieu
1. DISTRIBUTION. — La Marquise de Chalonne, Mme Sarah Bernhardt.
Miss Dora, ]"vIlle Seylor. — :.\Ime d'Ingrandes, Mlle Boulanger. — Renée de Château-Brion, Mlle Jane Meylianes. - Jacqueline de Chalonne, Mlle Michèle Berthald. - Mme d'Albane, Mm. Romani. — Marie de ChÙ.
teau-Brion. Mlle Carlowna. — Comtesse de Morges. Mlle Alisson. —
Mme de Lantillac, Mlle G. Dury. — Mille de Kernœ, Nlli- Sénéchal. —
Le Marquis de Chalonne, M. Dumény. — Comte de Marges, M. Chameroy. — Mo Brael, M. Maxudian. — Baron Le Verger, M. Deneubourg.
— Le général, M. Favières. — Jacques de Chalonne, M. Pierre Daltour. — Hector d'Ingrandes, M. Drélier. — Hubert de Morges, M. Georges Raulin. — MM. Coulombon, Boéjat, Prika.
Le spectacle commençait par Dernier coup d'aile, pièce en un acte, de M. Guy Favières, interprétée par Mlle II. Carlowna, MM. Charlier et Favières.
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des louches individus qui furent les principaux acteurs de ce drame, MM. Paul et Guy de Cassa'IWC nous montrent des gens du meilleur monde, et l'action se déroule dans un de ces châteaux bretons où se réfugient les derniers représentants de la bonne société traditionnaliste. Le marquis et la marquise de Chalonne vivent heureux depuis de longues années. Ils ont un fils de vingt ans, Jacques, et une fille de dix-huit ans, Jacqueline. Jacqueline doit prochainement épouser un jeune châtelain du voisinage, Hubert de Morges. Un grand bal est donné au château pour célébrer les fiançailles. On danse, on est joyeux. Mais - la foudre est sur la maison ! - un ami de là famille, l'avoué Brouël, demande au marquis un entretien particulier. Il est bouleversé ; il ose à peine parler. Le marquis le presse de s'expliquer. Et voici ce que dit Broël : « J'arrive de Rennes. J'ai appris que le juge d'instruction allait vous faire arrêter demain. Il prétend que vous n'êtes pas le marquis de Chalonne. Vous vous appelez Pierre Cerdagne.
Parti pour le pays des mines d'or, vous y avez rencontré le marquis de Chalonne, qui cherchait à y refaire sa fortune délabrée. Vous avez tué le marquis. Vous avez pris ses papiers. Riche, vous êtes revenu en France, et quoique marié déjà avec une femme de basse condition, que vous avez laissée là-bas ou ailleurs, vous avez épousé la jeune fille qui est maintenant votre femme. Est-ce vrai ? » Le marquis, le faux marquis avoue que tout est vrai, tout— sauf qu'il n'est pas un assassin, et que c'est dans un duel loyal qu'il a tué son
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compagnon. Que faire ? Il ira se présenter devant le juge, et s'il est arrêté, comme c'est probable, c'est à Broël qu'il demandera de le défendre. Il part donc immédiatement, avant même la fin du bal. Les invités quittent le château, les uns après les autres, assez surpris, on le pense, de l'absence du maître, que Broël explique comme il peut. Restée seule avec lui, la marquise réclame des éclaircissements. Broël finit par lui révéler la catastrophe, et l'on voit s'écrouler le bonheur de la pauvre femme dont la vie est brisée. Deux ou trois jours se sont passés : c'est le second acte. La mère s'est tue, dévorant sa douleur. C'est par le journal que les enfants apprennent le malheur qui les frappe. Jacques, ardent, passionné, qui a été élevé par son père dans le sentiment de l'honneur et de la probité, est maintenant le premier à le maudire. Jacqueline ne tarde pas à recevoir la visite de son fiancé qui vient, au nom des siens, rompre le mariage projeté. Puis, ce sont les voisines, les amies des environs, qui arrivent toutes ensemble pour voir, pour savoir. Et avec une brave fierté la marquise tient tête à toute cette meute. N'est-ce pas, comme on l'a dit, la scène la plus belle, la plus originale de la pièce ?. Quelques jours se passent encore, et c'est le troisième acte. L'accusé a été mis en liberté provisoire. Il s'est justifié du crime pour lequel il y a, d'ailleurs, prescription ; il n'est plus bigame, puisque sa première femme a eu l'intelligence de mourir ; il n'est dès lors plus poursuivi que pour faux état-civil. Il entre dans le salon où sa femme et ses enfants sont
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réunis. Jacqueline tombe dans ses bras : « Oh !
papa ! » Jacques, au contraire, en vertu même des principes que son père lui a inculqués, le repousse.
Mais la mère intervient, qui pardonne et impose le pardon. La famille se trouve de nouveau réunie.
Sera-t-elle donc heureuse. Nous ne sommes qu'à moitié rassurés. Il n'en est pas moins vrai que très belle et très pathétique est la scène qui clôt le troisième acte, et qu'en dépit de défauts trop évidents, Tout à coup était une œuvre tout à fait digne d'intérêt. Mme Sarah Bernhardt, admirable, comme toujours, et comme toujours acclamée, avait mis dans la marquise de Chalonne une émotion concentrée et d'autant plus poignante. Elle était excellemment secondée par M. Dumény, jouant avec sa coutumière maîtrise le rôle, plus que difficile, du faux marquis. Et nous nous plumes à louer l'autorité de M. Maxudian, la fougue de M. Pierre Daltour et la délicieuse sincérité de Mlle Michèle Berthald, dont le joli début valait d'être noté.
Jeanne Doré reprenait bientôt possession de l'affiche. Et c'était le tour de l'Aiglon avec Mme Blanche Dufrêne. Notons, à la date du 10 mai, une matinée donnée au bénéfice du petit personnel de scène du théâtre de la place du Châtelet. Mme Sarah Bernhardt y faisait une originale conférence sur les Trois Hamlet, c'est-à-dire Hamlet, Lorenzaccio et l'Aiglon, trois chefs-d'œuvre qu'elle incarna avec le succès que l'on sait. Puis, elle était acclamée dans la Mort de Cléopâtre de MM.
Maurice Bernhardt et Henri Cain, où M. Romuald Joubé lui donnait, dans le rôle de Marc Antoine,
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i une digne réplique. Le Triomphe de la Science et] la Gloire ambulancière de M. Tristan Bernard com- plétaient gaiement le spectacle. !
20 MAI. — Mme Sarah Bernhardt nous ayant quittés, on reprenait à son théâtre Les Trois.
Mousquetaires ou mieux, la Jeunesse des Mous- quetaires: c'est la première partie du roman populaire de Dumas et Maquet, découpé en chapitres rapides où se condense la vertigineuse aventure de: l'héroïque Gascon, depuis son arrivée chez M. de Tréville, le capitaine-général des mousquetaires, jusqu'à l'exécution, précédée du jugement de condamnation un peu sommaire, de la fâcheuse Milady ; promenade accidentée de d'Artagnan, Athos, Porthos et Aramis à travers les événements les plus, variés; rencontres au Pré aux Clercs; assassinat de lord Buckingham ; histoire des ferrets de diamant de la reine Anne d'Autriche; empoisonnement de Mme Bonacieux, que sais-je? Tout cela est fou, mais ce conte de fées historique est si amusant, d'un entrain si endiablé, qu'on n'y résiste pas, et la meilleure preuve, c'est qu'après un siècle le roman des Trois Mousquetaires— qui étaient quatre — est encore celui qui se vend et se lit le plus dans l'œuvre immense de Dumas. Le théâtre en donne une sorte d'édition illustrée, c'est là ce qui fait l'éternel succès des nombreuses reprises de ce répertoire où l'on a plaisir à voir repasser sous ses yeux Louis XIII, Richelieu, les mousquetaires si variés de tonalité et de caractère, l'amoureux poétique Buckingham, le brave Planchet — qui sent la volaille ! — le bonhomme Bonacieux et sa gentille:
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femme, la terrible Milady, la reine Anne d'Autriche — sans ressemblance garantie, car celle-ci est diablement de fantaisie — et le brave capitaine-général de Tréville. « Les pantins historiques de mon père sont si bien articulés — disait un jour le fils — qu'on finit par les prendre pour des êtres vivants, et par croire que tout ça, c'est arrivé ! »
Comment est-ce maintenant joué ? Dame, pas par Mélingue ! Et tant qu'il sera mort. Mais nous avons Joubé, Romuald J oubé, qui a bien ses qualités, sans compter l'accent du Midi; nous avons Decœur, qui a de l'allure; Chameroy, qui a du naturel; Déan, qui a de la gaîté; Mme Schmidt, une terrible Milady, Mlle Markel, une reine pleine d'autorité. Que voulez-vous de plus ? Et l'on alla revoir les toujours jeunes Mousquetaires dont les représentations ne cessaient qu'avec la clôture annuelle, le 21 juin.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de 1ro représ. représent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
Jiiiuine Doré, pièce 5 a. 7 t. » 78 La Dame aux Camélias, pièce .;) » 36 Phèdre.,.,.,.. » 5 mars 3 *Tout à coup, comédie dramatique 3 1G avril 6 *Dernier coup d'ciile, pièce 1 16 avril 6 L'Aiglon, drame (i » 16 Les Trois Mousquetaires, drame 5a. 12 t. 20 mai 38
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1915
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Le théâtre Sarah Bernhardt était resté fermé jusqu'au 1er avril 1915. La direction songeait alors à y donner, en matinée et en soirée, quelques représentations de l'Aiglon1, puis de la Dame aux Camélias2. Notons, à la date du 28 mai, la matinée organisée par le Secours belge au profit des villes détruites et des campagnes dévastées3, et le 31 mai, celle qui fut donnée au bénéfice du soldat dans la tranchée4.
19 JUIN. — Première représentation de La Vierge de Lutèce, pièce en quatre actes, en vers, de M. Auguste Villeroy1. L'histoire mêlée de
1. DISTRIBUTION. — Le Duc de Reichstadt. Mm. Blanche Dufrêne. —
Flambeau, M. J. Normand. — L'Empereur, M. Chameroy. — Prokesch, M. Deneubourg. — Metternich, M. Volnys. — Marie-Louise, Mlle Boulanger. — La Camerata, Mlle Dhelle. — Thérèse, Mlle Maylianes. —
Fanny Essler, Mlle Thomas. — L'Archiduchesse, 1\111. Markel.
2. DISTRIBUTION. — Marguerite Gautier, Mme Blanche Dufrène. —
Nichette, Mlle Maylianes. — Olympe, Mme Delys.— Prudence, Mme Dartigue. — Nanine, Mme Allisson. — Georges Duval, M. Chameroy. —
Armand Duval, M. Bourdel. — Le comte de Giray, M. Deneubourg. —
De Varville, M. Volnys.- Gaston de Rieux, M. Renou.J'.
3. — Au programme: Conférence de M. Henri Robert; la Farce du Cuvier, de M. Maurice Léna, musique de Gabriel Dupont; Sur la France, de Ronsard, musique de Vanina Casalonga.
4. — La Fête du Grand-Père, de M. Jean Richepin, musique de M. Xavier Leroux ; Le Crépuscule leuton, de M. Ernest Depré.
1. DISTRIBUTION. — Geneviève, Mme Blanche Dufrène. — Clotilde, MU. Maylianes. — L'étrangère, MIl. Thomas. — Une femme, IMme Delys.- La mère, Mme Allisson. — Eva, Mme Loreze. — Hiedo, Mme Dia-
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légende dont s'est inspiré M. Auguste Villeroy avait déjà tenté des poètes et l'on se souvient du poème musical qui fut donné autrefois au ChatNoir par Gustave Dauphin. L'auteur de la Vierge de Lutèce avait commencé son œuvre avant la guerre. Pendant qu'il poursuivait son travail, la marche des Allemands sur Paris, leur brusque changement de direction, leur retraite, sont venus tout à coup justifier la théorie de Vico sur le retour éternel des choses. M. Villeroy avait aussi sous les yeux un modèle contemporain en peignant la fourbe, l'orgueil et le mysticisme d'Attila. De même, au moment où Aétius va combattre dans les champs catalauniques, c'est l'ordre du jour du général Joffre avant la bataille de la Marne qu'il adresse à ses officiers et soldats. M. Villeroy n'eût- il pas rencontré l'actualité qu'il n'avait pas cherchée, sa piété eût mérité encore les applaudissements qu'elle a recueillis au théâtre Sarah-Bern- hardt. En tout autre temps, on eût su apprécier comme on l'a fait, des sentiments éloquemment exprimés et de beaux vers, mais on ne peut contester que les circonstances présentes n'aient ajouté encore au succès par les rapprochements et les applications qu'elles permettaient. Mme Blan-
nette. -- Frederika, Mme Dion. — Lycia, Mme Maltier. — Attila, M. Joubé. — L'évêque d'Auxerre, M. Marquet. — Aetius, M. Normand.
— Etex, M. Chameroy. — Celtil, M. Bourdel. — Théodomir, M. Le Gal.
— Kanghzar, M. Touzé. — Widmir, M. Amsler. — Un officier, M. Marguery. — Lutécien, M. Dubar. — Un Gaulois, M. Fannol. — Un Wisigoth, M. Rigler. — Un Gaulois, M. Bellenol. — Eloi, M. Renoux. —
Lantulus, M. Desvalières. —Terreck, M. Derlier. — Herreric. M, Chevalier. — Odoard, M. Dagot. — Un officier, M. Ferry. — Un Lutécicn, M. Velthier. — Hubert, M. Chéret. — Eustache, M. Tordal. — Constantin, M. Loulice.
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che Dufrène avait dessiné une poétique et douce figure de Geneviève qui semblait tirée d'une fresque de Puvis de Chavannes, et M. Joubé, farouche et impétueux, nous faisait entendre le rire féroce d'Attila. i-e re p résentat i on des 7 NOVEMBRE. — Première représentation des Cathédrales, pièce en un acte, en vers, de M.
Eugène Morand, musique de M. Gabriel Pierné1, et de l'Impromptu du Paquetage, pièce en un acte de M. Maurice Donnay 2. Le spectacle commençait par l'Enfant vainqueur, pièce en un acte, en vers, de M. Joseph Schewœbel3. — Un chef-d'œuvre d'esprit et de grâce enjouée que l'Impromptu du Paquetage. C'est, sous la forme synthétique du théâtre, la revue du bien qui a été fait depuis les hostilités; c'est comme la leçon de la guerre. M.
Donnay nous montre le rapprochement étonné de la grande dame et de l'homme du peuple, le joli sentiment de la petite ouvrière qui garde noblement la parole donnée et se marie avec le soldat
1. DISTRIBUTION. — Strasbourg, Mme Sarah Bernhardt. — Notre-Dame de Paris, inlile Mary Marquet. — Saint-Pol de Léon, Mlle Blanche Boulanger. — Bourges, M"® M. Thomas. — Amiens, 1\[lle Claire Olivier.- Arles, ÀIII. Lorèze. — Reims, Mm. Vallin-Pardo. — L'un d'eux, M. Bnurdel.
Orchestre et chœurs sous la direction de l'auteur.
2. DISTRIBUTION. — M.e de Beranges, Mme Jeanne Granier. — Berthe, Mlle de France. — M»< Jourday, Mme Marguerite Caron. — Mm. de Lifrand, Mlle Marcelle Praince. — MOle Hudson, Miss Camplon, puis, Mil. O'Brien. — Biblot, M. Colas. — Le soldat blessé, M. Jean Silvestre. — Pompelles, Ai. Chameroy. — Un soldat, M. Chevalier. —
Un soldat, M. Monclair.
3. DISTRIBUTION. — L'abbé Tizon, M. Chameroy. — Robert, M. Bourdel. — Le commandant Morizot, M. Deneubourg. — La vieille Pigache, Mnc Suzanne Seylor. — Henriette, ille Mary Marquet. — Mlle Tizon, Mlle Jane Delys. — Jacques, le petit Jean Fleury.
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mutilé, l'élan de bonté affable qui fait se pencher la femme française vers tous ceux qui peuvent désespérer ou qui souffrent moralement ou physiquement. Avec quel naturel, quelle bonne humeur, quelle humanité profonde et toujours juste, Jeanne Granier a joué le rôle de la présidente de l'oeuvre !
Dans un ciel de nuages gris, cinq femmes, sous la coiffe, le voile et la robe de religieuses, sont blanches et grises. Assises sur des stalles de pierre, comme dans un chœur d'église, elles tiennent un conseil. Ce sont les cathédrales de Notre-Dame de Paris, de Saint-Pol-de-Léon, de Bourges, d'Amiens et d'Arles. Des voix et des musiques lointaines accompagnent leur récit des misères du pays de France, apportent des refrains de vieux chants de guerre et les coups sourds des canons. Un soldat s'est éveillé à leurs appels. Il voit apparaître sur un plus haut nuage la cathédrale de Strasbourg, dont la voix n'était plus parvenue en France depuis quarante-quatre années. Il voit la cathédrale de Reims se dresser sous les flammes, et les donjons des Flandres. Le tumulte de la bataille grandit, les tambours battent. Mais la voix de la cathédrale de Strasbourg est plus forte que la guerre. Elle dit que les barbares seront punis. Elle adjure toute la France de garder l'image de Reims comme une torche, de l'emporter d'âge en âge jusqu'au jour du jugement. Quant à elle, elle s'apprête à l'œuvre de justice. Elle transpercera de sa flèche l'oiseau noir qui couvrait le monde de son ombre. Il tombe !
Pleure, Allemagne, l'expiation est venue. Déjà dans le ciel des cathédrales montait la sonnerie de la
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charge. Et sur une vision d'espoir victorieux se termine le poème dialogué de M. Eugène Morand, qu'anime un beau souffle. La musique de M. Pierné crée l'atmosphère du poème, elle la commente habilement; on souhaiterait à l'orchestre de la commenter plus discrètement quand la poésie prend la parole. Sarah Bernhardt incarnait Strasbourg. Tendre pour pleurer sur nos ruines et nos morts, sa voix s'éleva, crépitante comme une flamme, pour condamner et pour maudire. Toute concentrée, repliée, mais le visage tendu en avant, la main frappant la stalle comme pour scander les vers généreux et ardents du poète, elle fut l'apparition d'une Euménide invincible, la grande voix de la Patrie maternelle qui venge ses enfants. On ne cessait de l'acclamer. Les fleurs tombaient à ses pieds. Le public parisien adressait ainsi son hommage de fervent respect et d'admiration à la vail- lante femme dont le culte est voué tout entier à l'art et au patriotisme.
18 NOVEMBRE. — Mme Sarah Bernhardt se fait applaudir dans le dernier acte de la Dame aux Camélias joué en matinée.
25 NOVEMBRE. — Reprise du Bossu. Le public fait fête à la pièce et à ses interprètes.
20 DÉCEMBRE. — Matinée de gala pour l'Ecole des mutilés et le Vestiaire des blessés : premières représentations des Sept Filleuls de Janau, intermède héroïque, en vers, de Mme Jane Catulle Mendès et de M. Guillot de Saix1, et de Les Français
1. DISTRIBUTION. — Henry, M. Henry Mayer. — Emile, M. André Polack. — Jacques, M. René Rocher. — Pierre, M. Hiéronimus. -
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ont parlé, épisode serbe de M. Rosny aîné (Mlle Villoni, M. Deneubourg).
21 DÉCEMBRE. — Reprise de l'Aiglon. Mlle Mary Marquet prend possession du rôle du duc de Reischtadt, qui lui vaut un très vif et très mérité succès. M. Jean Daragon est un excellent Flambeau.
Yvon, M. Henry Defreyn. — Sadi-Lat, M. Harry James. — Sylvain, M. Polin. — Janau, Mlle Marie Leconte. — Catherine, Mllc Andrée Pascal.
DATE NOMBRE NOMBRE de lil de lro représ, représent, d'actes ou de la pendant reprise l'année
UAiglon, drame .,. 6 » 85 La Dame aux Camélias, pièce 5 » 27 '*La Vierge de Lutcee, pièce en vers. Í 19 juin 31 @*Les Cathédrales, pièce en vers. 1 7 nov. 14 "'L'Impromptu du. Paquetage, pièce. 1 7 nov. 18 L'Enfant vainqueur, pièce en vers 1 7 nov. 18 Le Bossu, drame. 5 a. 10t. » 11
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THÉATRE DES BOUFFES-PARISIENS1
A Mon Bébé, que M. Max Dearly allait transporter au théâtre Réjane, succédait, le 14 janvier, la Pèlerine écossaise, comédie en trois actes de M. Sacha Guitry. L'heureux auteur de la Prise de Berg-op-Zoom est un des grands favoris des répétitions générales. Et le succès de la Pèlerine écossa ise, sympathiquement accueillie dès la première scène — on pourrait presque dire avant l'ouverture du rideau — est allé croissant jusqu'au troisième acte, où une délicate pointe de sentiment l'a définitivement et triomphalement consacré. Nul doute que le public ne suive l'élan d'enthousiasme du premier soir. Voulez-vous en deux mots pas un de plus — le sujet de cette petite histoire, toute menue, mais de détails si particulièrement charmants ? Philippe et Françoise sont mariés depuis six ans, c'est un ménage qui s'adore ; ils villégiaturent au bord de la mer où ils reçoivent inopinément la visite d'un de leurs vieux amis,
1. — Directeur M. Quinson ; administrateur : M. Camoin.
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Mérissel, Parisien dans l'âme (il a connu Scholl) qui leur amène son ancienne maîtresse, la petite Huguette, vertu facile, mais si gentille vraiment que Philippe s'éprend d'elle à première vue. Et voilà que bientôt Mérissel surprend Huguette dans les bras de son hôte, juste au moment où Philippe, aperçoit Françoise embrassée, un peu malgré elle pourtant, par un jeune voisin sportif qui lui faisait naïvement une cour assidue. Disloqué du coup le ménage qui s'adorait !. Pas pour longtemps, car ils comprennent vite les causes, futiles si vous voulez, mais réelles aussi, de leur provisoire désunion.
C'est la faute de la « pèlerine écossaise », ce vêtement ridicule dont se couvrait Françoise, alors que Philippe arborait de vieux pardessus et dînait avec sa femme en d'inélégantes chemises de nuit. Il faut « se soigner » davantage entre époux, et cette leçon de bonne tenue leur profitera. — Eh quoi 1 direz-vous : ce n'est que cela. — Ce n'est que cela, oui, mais c'est simplement délicieux. Ah ! le dialogue de Sacha Guitry si gai, si gamin, si fantasque, si audacieux, si juste tout de même et si malin : il fallait aller entendre la Pèlerine écossaise !
Et puis vous savez ce qu'est Sacha Guitry joué par Sacha Guitry: un délice!. Et vous connaissez le naturel de sa dévouée collaboratrice, Mme Charlotte Lysès. Joignez la finesse de Noblet, revenant applaudi, la joliesse de Mlle Jane Renouardt, le gras comique de Baron fils et Gildès. C'était donc, pouvait-on dire, une soirée d'exquise joie.
20 MAI. - Première représentation de Ce qu'il faut taire, comédie en trois actes de M. Arthur
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Me ver1. M. Arthur Meyer ne se contente pas d'être un admirable directeur de journal, actif et ardent, Dieu sait comme. Il a voulu aborder le théâtre à un âge où d'autres se contenteraient d'un repos largement gagné. Cette âpre et superbe volonté au travail aurait suffi à inciter au respect. Notre éminent confrère a évidemment vu dans le théâtre, dans sa formule brève et concentrée, la façon la meilleure d'exposer ses idées les plus chères, celles pour lesquelles il a si longtemps combattu. Le fâcheux est que, depuis tant d'années que dure ce combat, beaucoup de ces idées ont vieilli, au point qu'en dépit du talent qu'il a mis à les soutenir, elles ne portent plus guère. Si le public, en certaines parties du moins, s'est montré quelque peu rétif, c'est qu'au fouet de la satire était attachée une lanière trop molle: les coups n'en étaient pas assez cinglants. ou bien ils portaient à faux, là dû il ne fallait plus frapper. Joignez à cela une inexpérience de métier bien naturelle, qui enlevait parfois aux personnages le relief nécessaire, et concluez à une tentative, parfaitement honorable certes, mais qui ne devait pas avoir de lendemain.
1. DISTRIBUTION. — Pierre Chevalier, M. Dumény. — Marquis de Villepreux, M. P. Juvenet. — Camille Demorel, M. R. Vincent. — Luisant, M. Dieudonné. — Le général, M. Régnier. — Bois-Joli, M. Lemarhand. — Ravina, M. Louis Sance.- Le vicomte, M. Dufroy. — Comte ■ le La Rochefleury, M. G. Lisle.. — Sir Edgard Vincenot, M. Zadig. —
Savouret, M. Javersac. — André de Villepreux, M. Vernock. — Harris, M. Worms. — Dominique, M. Bruneton. — Baptiste, M. Morela, — Hélène Chevalier, Mlle Véra Sergine. — Comtesse de La Rochefleury, \[110 de Pouzols. — Criquette, Mlle Exiane. — Comtesse de Villepreux, Mmc Marquet. — Marquise de Luxeuil, Mlle Géraldi. — Mme Strouzzi, M'ie Dario. — Mme La Rousselière, Mlle Gottlob. — Mme Appleton, M"» Guilloud. — Princesse Mercœur, MUc Linda Celli. — Une jeune fille, M11» Mer esse.
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M. Meyer se plaint des mœurs actuelles : avec le tango dont la critique est déjà quelque peu usagée, il met dans le même sac le divorce, l'éducation libre, tout ce dont se compose notre moderne société. La vérité est que ce qui parait exagéré à M. Arthur Meyer provient de ce qu'il a vécu dans une société différente, et que ce changement le sort de ses habitudes. Aussi éprouvons-nous peu d'intérêt au débat de conscience de la femme de l'avocat Pierre Chevalier, jadis fervent républicain.
aujourd'hui franchement réactionnaire, champion du trône et de l'autel. Ce changement brutal d'opinion suffit pour décider cette femme à divorcer — d'autant qu'elle n'est pas insensible aux amoureux élans du secrétaire de son mari. Pourtant elle ne divorce pas et s'en félicite, apprenant que le jeune secrétaire, déjà morphinomane, cocaïnomane et opiomane, est convaincu d'escroquerie et vient de se tuer. Cette action où apparaissent plusieurs scènes curieuses et saisissantes, comme celle où l'avocat accable son secrétaire et ami de reproches bienveillants et lui demande de ramener sa femme dans la voie du devoir — cette action n'est, en somme, qu'un prétexte à nous prouver par maints épisodes plus ou moins pittoresques que la pourriture du second Empire n'était rien auprès de celle de la République. Sachons reconnaître que M. Arthur Meyer s'est appliqué à écrire avec soin cette pièce un peu trop lourde aux épaules d'un « débutant ». Son dialogue a de réelles qualités de vivacité et de franchise. Il est - et j'imagine que la constatation n'est pas pour lui déplaire
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I- journaliste ayant tout, lui qui est un maître en ce cnre. Quant au titre: Ce qui'il faut taire, il est expliqué par les paroles de Pierre Chevalier, lorsqu'il adjure son secrétaire Camille de défaire son œuvre néfaste en ramenant sa femme à la saine raison : « Vous avez eu l'habileté de vous insinuer i.dans un cœur abusé par une fausse générosité.
Faites le même effort pour le détacher de vous et vous le fermer à jamais. Mon petit Camille, il faut partir, sous un prétexte, sans éclat, que personne, pas même elle, surtout elle, ne soupçonne les vraies raisons de ce départ, nos secrets, nos souffrances, enfin ce qu'il faut taire. » Etrange conseil d'un mari presque trompé à celui qui aurait pu être l'amant. Généralement, on fait ces besognes-là soi-même. Mais la psychologie du vieux Parisien a de ces imprévus mystérieux. L'œuvre a été vaillamment défendue par une troupe de choix.
MM. Dumény, Roger Vincent, Dieudonné, Juvenet, Milles Véra Vergine, de Pouzols, Marquet, Exiane, furent applaudis pour eux-mêmes, en un bel élan d'effort et de sincérité.
I 28 MAI. — Première représentation de la Sau- vageonne,, comédie en trois actes de M. Edmond Guiraudt. Les pièces vont vite aux Bouffes et bien courte vraiment aura été la carrière de Ce qu'il
1. DISTRIBUTION. — Jean Lormier, M. Pierre Magnier. — GourdonLandry, M. André Dubosc. — Charles-Albert, M. Pierre Juvenet. —
Dorsois, M. Louis Sance. — Cyprien, M. Régnier. — Jules, M. Bruneion. — Suzy, Mil. Polaire. — Renée, Mlle Paule Andral. — Mme Lempereur, Mil. Eugénie Noris.La Sauvageonne était accompagnée du Cœur d'Angélique, comédie •en un acte du nHme auteur, jouée par M"cj Norma et Dartilly, MM. Bruneton et Régnier.
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faut taire ! Mais si M. Arthur Meyer était un amateur, M. Edmond Guiraud était un professionnel et même un professionnel de talent, l'au tcur d'Anna Karénine et de iJ'farie- Victoir applaudies au Théâtre Antoine, et aussi du Poussin qui n'obtint pas à l'Odéon tout le succès qu'il méritait. La Sauvageonne est, sur une donnée originale et plutôt scabreuse, une comédie fort habile qui a plu infiniment au public. « Suzy, la Sauvageonne, a été élevée à la campagne et n'est à Paris, auprès de son père, que depuis peu de temps.
Quel est ce père ? Jean Lormier, poète illustre, aujourd'hui président de la Société des auteurs ; il avait connu sa mère lorsqu'il était encore étudiant ; il l'avait abandonnée ensuite ; elle était morte en couches, et l'enfant avait été recueillie par un cultivateur de Château-Landon, le père Dorsois. Lormier, bourrelé de remords, avait fait élever et instruire Suzy comme sa fille. tout en la laissant confiée au père Dorsois, et il ne l'avait reprise chez lui qu'à l'âge de seize ans. Enfant terrible, Suzy s'estime très malheureuse. Son père reçoit sa maîtresse à la maison et elle est extrêmement jalouse de cette Renée Dangennes. C'est qu'elle n'aime que son père au monde. Et elle ne l'aime pas comme un père. C'est un ami pour elle, le seul ami. Lorsqu'elle le voit décidé, après qu'il a donné son congé à Renée, à partir avec elle pour faire le tour du monde, elle se grise et laisse éclater les sentiments obscurs et irrésistibles qui l'attirent vers lui. Elle n'est plus une fille tendre, mais une ardente fiancée. Oh ! oh !. Son père,,
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troublé d'abord, puis se dominant, la repousse.
Suzy, soudain dégrisée, s'enfuit épouvantée. Elle se réfugie chez le bon académicien Gourdon-Landry, ami de Lormier, qui lui adresse de sages et bonsolatrices paroles. Et quand Lormier apprend que celle Sauvageonne n'est pas sa fille, mais bien 3elle — nous nous en doutions tous — du matois paysan Dorsois qui a voulu l'exploiter, rien ne semble plus s'opposer au mariage que rêvait Suzy.
Mais ici l'écrivain est pris d'un scrupule : Suzy est quand même, moralement sa fille; leur union aurait toujours quelque chose d'odieux. Il est obligé de ne rester qu'un père pour elle M. Dénoue- ment mélancolique et réellement humain d'une olie histoire délicatement contée. Mlle Polaire, toujours en progrès, a joué avec une rare intelligence le rôle de Suzy, la Sauvageonne, qui convenait à tous égards à son genre de talent. Elle y a mis la ureur et aussi l'émotion qu'il fallait. M. Pierre Magnier, qui abordait un emploi assez nouveau pour lui, nous donnait un Lormier aussi juste que s éduisant. Mlle Paule Andral avait tout l'éclat et tout l'abattage d'une belle coquette, sociétaire de la Comédie-Française, s'il vous plaît ! M. André Dubosc était d'une fine bonhomie et d'une malice charmante en son vieil académicien. M. Juvenet avait dessiné plaisamment une épisodique silhouette île clubman. La Sauvageonne était jouée jusqu'à la clôture annuelle du théâtre qui avait lieu le Vj. juillet.
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DATE NOMBRE NOMBRE .1, de jlro veprés. reprisent, d'actes uu de la pendant reprise l'année
Mon Bébé, pièce 3 » 1 > Crime passionnel, pièce 1 > » Z La Pèlerine écossaise, comédie 3 , 11 janv. 142 *Le Renseignement, pièce 1 F. janv. til *Ce qu'il faul taire, comédie. 3 20 mai S *La Sauvageonne, comédie 3 2S niai H.
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1915
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Le théâtre des Bouffes-Parisiens rouvrait ses portes le 8 avril 1915 avec la première représenta- tion de la Jalousie, comédie en trois actes de M. Sacha Guitrt1 — « Le Paris du siège se pressait aux déclamations publiques, écrivait M. Léon Blum, et, du billon de la recette, fondait les canons des remparts. » Le Paris de la revanche peut bien sourire à Sacha Gui try. Avouons-le, il y eut d'abord quelque contrainte dans ce sourire. On se sentait étrange, presque oppressé. On se refusait à l'illusion que la vie d'autrefois ait pu si brusquement reprendre. Mais l'auteur, dans une causerie préliminaire, prit hardiment la précaution de justifier le public à ses propres yeux. Pourquoi les comédiens seraient-ils privés de leur gagne-pain ?
Pour qui ne se bat pas, le plus brave parti n'est-il pas de faire son métier de tous les jours ! S'abandonner au délassement, même au plaisir, n'est-ce pas attester la santé, l'équilibre moral, la con-
1. DISTRIBUTION. — Blundel, M. Sacha Guitry.— Lézigrian, M. Gaston Dubosc. — M. Tramel, M. Maurel. — Un valet de chamhre, M. Philippon. — Un autre valet de ChamhNl, M. Béranger. — Marthe Blondel, M"le Chartolle Lysès.— La mère. Mille B. Jalabèrt.— Une dactylographe, Mlle Exiane. — Une femme de chambre, l'lIlle De Cellack.
On commençait par Le Bouquet, comédie en un acte d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy, interprétée par l'lImes Georgette Armand, .Julie::o Garcia, MM. Louvigny et Philippon.
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fiance ?. On aurait pu répliquer ; il fut plus bref d'applaudir. Le succès a pleinement payé le courage de M. Sacha Guitry, et sa pièce nouvelle, — dont le titre est Jalousie, — n'a pas paru moins avenante que celles de jadis. C'est l'histoire d'un homme jaloux parce qu'il est infidèle, qui prête à sa femme ses propres ruses, qui finit, à force de précision maladroite dans ses soupçons, par provoquer la disgràce qu'il avait faussement redoutée et qui ne se rassure qu'à l'heure juste où il vient d'être trompé pour la première fois. Pour le surplus, le nom de l'auteur peut suffire. Jamais il n'y eut plus d'adresse dans son naturel et plus de vérité dans sa malice. On doute si, chez lui, l'effet théâtral naît de l'observation juste, ou si l'observation est inspirée par un sens inné de l'effet. On perçoit aussi, parfois, comme une volonté -trop subtile ou trop rouée dans le paradoxe sentimental. Mais sa libre grâce emporte tout, et un sûr instinct de la vie lui fait retrouver toujours la vérité à quelque croisement de l'arabesque. Lui* même a joué sa pièce en parfait comédien qu'il est.
Mme Charlotte Lysès pousse la sincérité et la justesse jusqu'au point ouelles égalent au plus beau talent.
Le charmant Gaston Duboscfut fort applaudi, ainsi que M. Louis Maurel et que Mme Jalabert ».
22 MAI. — Reprise du Mariage de jJflle Beulemans de MM. Fonson et Wicheler1.
29 OCTOBRE. — Première représentation de Kit,
comédie en trois actes et quatre tableaux, adaptée
1. - Joué par Mlle Hélène Dieudonné, Mmes Brenda, Mariette Vidal, MM. Félix Gandera, Vandenbaert, Duvivier, Detramont, Dervil, Delibcrt.
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de l'anglais par MM. William B. Périer et Verney (The Mcin oho stayed at home), de MM. Worald et Terry. Kit est une pièce d'importation anglaise, une de ces pièces policières dans le genre de Sherlock Holmès, de Rafles, ou d'Arsène Lupin; mais on a essayé de rajeunir le genre en lui inoculant une dose de sérum d'actualité. Kit s-e passe pendant la guerre, au mois de septembre 1914, et il s'agit d'espions boches. Dans la pension de famille tenue par Mme Sanderson se trouve au milieu des paisibles ou soi-disant paisibles habitants de la villa, un jeune homme, Christophe Brent, dont le nom d'intimité est Kit. Ce Kit est en but aux tracasseries des pensionnaires parce qu'il ne s'est pas engagé. Pourquoi ce jeune homme valide, bien découplé, n'est-il pas aux armées ?
Nous allons le savoir. En attendant, les Anglais ou pseudo-Anglais de la maison Sanderson ne le traitent pas seulement d'embusqué, voici qu'on le soupçonne vaguement d'être un espion allemand.
Or, c'est tout l'opposé : c'est lui qui fait du contreespionnage ; il découvre que la cheminée du salon de Mille Sanderson est machinée et recèle un appareil de télégraphie sans fil, que Mme Sanderson est une espionne, que le fils de cette dernière, Carl Sanderson, employé à l'amirauté anglaise, détourne des documents ; que Fritz, le garçon de la maison
1. DISTRIBUTION. — Mirian Lee, Mlle Lucile Nobert. — Molly Preston, 1I111e Emmy Lynn. — Fraulein Schroeder, Mme G. Berny. — Mrs Sanderson, Mme Dctubray-joly. - Miss Myrtle, Mlle Renée Rose. - Daphné.
Miss Sarah Bénédict.— Christophe Brent (Kit). M. Max Dearly.- John Preston. M. Landrin. — Carl Sandorson, M. F. ik[ailly. - Percy Pernicook. M. G. Raulin. — Fritz, M. Le,(wir". — Coporal Atkins, M. G.
Gilbert.
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Sanderson, ne vaut pas plus cher que ses maîtres et pratique l'espionnage au moyen de pigeons' voyageurs, et qu'enfin une demoiselle, une institutrice aux principes très rigides, Fraulein Schrœder, fait chorus avec le vilain trio dont je viens de faire rénumération. La lutte s'engage donc entre les espions véritables qui, le soir même, vont faire des signaux à des sous-marins venus pour bom- barder la côte anglaise, et, d'autre part, entre le lieutenant qui travaille patriotiquement pour l'An- gleterre, mais que la bande tient à faire passer pour espion. Doutez-vous un seul moment que Kit n'arrive pas à avoir le beau rôle et à mettre au pied du mur. de la prison ses dangereux adversaires?
Non, n'est-ce pas ? Ajoutez que sur cette intrigue policière vient s'épingler, fleur bleue, une histoire d'amour : Kit est aimé par Molly Preston, la gentille fille de John Preston, industriel et juge de paix. Naturellement, on essaie de détourner le cœur de Molly du penchant vers lequel il est entraîné ; et après des alternatives auxquelles ont été soumis tous les amoureux, Kit conquiert haut la main celle qu'il aime et qui allait lui être refusée. Cette pièce relève, on le voit, du théâtre cinématographique ; n'y cherchez nulle étude de caractère, faisait justement observer notre excellent confrère Louis Schnéider, nulle profondeur de sentiment; le dialogue vient seulement donner l'illusion de la réalité aux personnages qui s'agitant sur la scène, au lieu d'être des films qui défilent sur un écran. Dès le début de la pièce nous prévoyons le dénouement. Dès lors, comment faire partager au
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public les émotions successives par lesquelles passe le principal personnage ? C'est par les épisodes qu'on intéresse le spectateur aux hésitations de la recherche qu'il sait devoir infailliblement aboutir.
Les auteurs de Kit ont fait de leur mieux pour imaginer ces péripéties; et comme nous avions, pour la circonstance, revêtu des âmes naïves, de pures âmes infantiles, nous avons pu, sans trop d'impatience, attendre que les espions fussent découverts et que les efforts patriotiques du lieutenant anglais fussent récompensés. Kit, c'est M. Max Dearly ; il anime la pièce, il anime le dialogue, il anime aussi les personnages qui lui donnent la réplique. Ses paroles, ses silences même, ses gestes, sa figure, tout est mobile, tout s'agite, tout concourt à faire rire le spectateur. A côté de lui, Mlle Emmy Lynn est charmante d'ingénuité, de grâce naturelle et sincère dans le rôle de la jeune fille aimée par Kit. M. Mailly a su éviter à l'espion Carl Sanderson l'allure de traître de mélodrame; M. G. Lemaire rend odieux à souhait le personnage du maître d'hôtel allemand ; et M. Landrin, que nous avions applaudi jadis aux Nouveautés, est fort amusant sous les traits de John Preston, un juge de paix un peu ahuri. Mlle Lucile Nobert joue avec élégance et intelligence un personnage d'aide-policière de Kit.
Kit était parti pour un long succès. La 50e représentation s'en donnait le 4 décembre.
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,- -- - ----DATE N'OMBRE ; "OIDlE 1 <le !"• 'le 1" - i'»î|>ivse:i t.
d'acles ou de la pétillant reprise l'aimée -'-1*1 J l.. 1 1. * La Jalousie, comédie 1 3 S avril 21 * Le Bouquet, comédie 1 s avril :.!:, Le "Iariage de JIlle IJeuleman', cumédie 3 2'i mai 10 *Kit, comédie I! a. 't t. 2Juct. K:ï
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THÉATRE LYRIQUE MUNICIPAL DE LA GAITÉ 1
Répertoire éclectique et varié. L'année s'était ouverte avec les Contes de Perrault, de M. Fourdrain2. Le 7 janvier, on reprenait Hérodiacle, de Massenet3. Le 14 janvier, le Grand Mogol, de Chivot et Duru, musique d'Edmond Audran4, reparaissait sur cette scène de la Gaîté, où il avait triomphé jadis. Le 28 janvier, on donnait, pour la
1. —■ Après avoir tout d'abord assisté MM. Isola dans leur direction, M. Charbonnel était devenu officiellement directeur du théâtre du square des Arts-et-Métiers.
2. — Mlle Rachel Launay avait remplacé à l'improviste, dans le rôle ,de Cendrillon, Mlle Angèle Gril momentanément indisposée.
3. DISTRIBUTION. — Hérode, M. Maguenat. — Jean, M. Dangelly. —
Phanuel, M. Cotreuil. — Vitellius, M. Garrus. — Le grand-prêtre, M. Lockner. — Une voix, M. Francis Guillot. — Salomé, Mlle Zina Brozia. — Hérodiade, Mlle Augusta Loria. — La Babylonnéenne, Mlle Kerjean.
Orchestre sous la direction de M. Amalou.
Le baryton Valette succédait à M. Maguenat dans le rôle d'Hérode.
4. DISTRIBUTION.- Mignapour, M. Berlhaud. — Joquelet, M. Dutilloy.
— Nicobar, M. Poudrier. — Crackson, M. Détours. — Le brahmane, M. Delaplanche.- Un officier, M. Chacon. — Madras, M. Boll. — Irma, Mlle angète Gril. - Bengaline, Mil. Bl. Delimoges.— Kioumi,Mlle Pauly.
Au deuxième acte, « Les Bayadères », divertissement réglé par Mlle Stichel, et dansé par 1\1llos Couperan et A. Leibovitz.
Orchestre sous la direction de M. O. de Lagoanère.
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première fois, la Vie de Bohème, de Puccini 1. Le 30 janvier, l'affiche appartenait à Orphée, de Gluck2. Le 14 février c'était, pour la première fois sur cette scène, la célèbre farce du Voyage en Chine3. Et, le 21 février, la reprise des Saltim- banques qui faisaient depuis longtemps partie du répertoire de la Gaîté.
11 MARS. — Première représentation de La Danseuse de Tanagra, opéra en quatre actes et cinq tableaux tiré du roman de M. Félicien Champsaur; L'Orgie romaine, par MM. Paul Ferrier et Félicien
1. DISTRIBUTION.—Mimi, Mlle Charpentier.— Musette, Mlle Tiphaine.
— Rodolphe, M. Nuibo.— Marcel, M. Ghasne.— Schaunard, M. Cotreuil.
— Colline, M. Zucca. — Saint-Phar, M. Berthaud. — Benoit. M. Delaplanche. — Parpignol, M. Chacon. — Le sergent, M. Coquil.
Orchestre dirigé par M. Louis Masson.
2. DISTRIBUTION. — Orphée, Mlle Marie Charbonnel. — Eurydice et l'Ombre heureuse, Mme Lambert-Wuillaume. — L'Amour, M"e Romanitza.
Au troisième tableau, ballet des Ombres heureuses, réglé par Mlle Stichel.
Le spectacle se terminait par Jeux et Ris printaniers, ballet en un acte de Mlle Stichel et M. Th. Puget, musique de Pierre Valette, Dvorack, von Blon et Jane Vieu, dansé par Mlles Yetta Rianza et M. Ricaux, de l'Opéra; Mlles Couperand et A. Leibovitz; Mmes Claés, Sicard, Coste, Seillier, Ansiaux, Leibovitz, Maud, Derouve.
L'orchestre était dirigé par M. Louis Masson.
3. DISTRIBUTION. — Henri de Kernoisan, M. Galand. — Pompéry, M. Bourgeois. — Alidor de Rosenville, M. Dousset. — Bonneteau, M. Détours. — Maurice Fréval, M. Baron.— Martial, M. Bott.— Marie, Mlle Carpentier. — 1\11110 Pompéry, Mlle Mary Théry. — Berthe, Mlle Macchetti.
4. DISTRIBUTION. — Marion, Mlle Angèle Gril. — Suzanne, Mlle Macchetti. — Mme Barnardin, .Mlle Mary Théry. — Paillasse, M. Berthaud.
— Grand Pingouin, M. Alberti. — L'aubergiste, M. Poggi. — Des Etiquettes, M. Lespinasse. — André de Lanjeac, M. Blain. — Malicorne, M. Miller. — Valengoujon, M. Détours. — Bernardin, M. Dégrange. —
Mme Malicorne, Mme Carpentier.— Pinsonnet, la marquise, Mlle Mireille Roy.
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Champsaur, musique de M. Henri Hirschmann.-- L'action se passe à Rome, au temps de l'empereur Claude. Une tribu d'Egyptiens est arrivée jusque sous les murs de la grande ville maîtresse du monde. La danseuse Karysta, qui doit épouser Sépéos, le futur chef de la troupe, consulte la mère de son fiancé, la prophétesse Géo : celle-ci lit dans ses tarots que Karysta mourra quand elle aura encore dansé trois fois. Alors, pour retarder la réalisation de l'oracle, Sépéos déclare que Karysta ne dansera plus, et il quitte la tribu avec elle et sa mère. Mais, comme ils traversent Rome, leur marche est arrêtée par le passage d'un cortège. C'est l'impératrice Messaline portée en litière avec son amant, le beau Silius. L'impératrice aperçoit les fugitifs qu'elle reconnaît, à leurs habits, pour des Egyptiens. Ne sait-elle pas que tous les gens de cette nation sont habiles à lire dans l'avenir? Elle leur demande comment elle mourra. La vieille Géo lui annonce qu'elle unira dans la mort « la pourpre du baiser à la pourpre du sang », et un trépas, au milieu des voluptés, ne laisse pas d'agréer à la dépravation cérébrale de Messaline, qui attache la devineresse à sa personne. Elle ordonne à Karysta de danser, et la jeune fille est obligée d'obéir. Messaline ne tarde pas à se prendre de fantaisie pour Sépéos; Silius, de son côté, est séduit par la grâce de Karysta, qu'il fait
1. DISTRIBUTION. — Sépéos, M. Valette. — Silius, M. Berthaud. —
Manéchus, M. Alberti. — Chef des errants, M. Royer. — Messaline, Mlle Zina Brozia.— Karysta, Mme Lambert- Vuillaume. — Géo, Mlle Mirey.
— Mikalia, llle Kerjean.
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danser une seconde fois devant lui. Cependant, ni les menaces ni les promesses ne peuvent rien contre l'amour des deux fiancés l'un pour l'autre. L'im- pératrice se vengera, par une ruse, des refus d..
Sépéos. Elle revêt une de ses favorites du voile de Karysta et la fait étendre sur la même couche que Silius, assoupi par l'ivresse. De son côté, Ivarvsla croit que Sépéos est mort, et ne voulant pas lui survivre, elle danse pour la troisième fois. Sépéos survient alors, et, pour la punir de sa prétendue infidélité, il la perce d'un poignard arraché à la ceinture d'un esclave ; puis, reconnaissant son erreur, il se frappe à son tour. Tel est le drame, émouvant et passionné, que M. Félicien Champsaur a tiré, avec la précieuse collaboration de M. Paul Ferrier, de son roman de l'Orgie latine, et l'on comprend qu'un compositeur de théâtre comme M. Hirschmann ait été tenté par le pittoresque et le mouvement d'une semblable action. La partition est une des plus importantes qu'ait écrites l'auteur de la Petite Bohème, s'évadant cette fois de la musique légère, ainsi qu'il l'avait déjà fait dans Hernani, représenté précédemment à la GaîtéLyrique. L'histoire que nous venons de vous conter est très habilement traitée au point de vue spécial de la mise en scène ; elle est fort ingénieusement agrémentée de cortèges, de ballets, de tableaux destinés à donner l'impression de l'orgie romaine. Le compositeur a lié étroitement partie avec les librettistes, et, sans faire abstraction de sa personnalité, il s'est surtout attaché à illustrer le poème qui lui était confié et ne s'est livré à aucune
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voyante témérité. Il se contente de traduire l'action des différents personnages, encore plus que leur sentiment intime, et comme il est musicien des plus habiles, admirablement au courant de toutes les finesses de son art, sa partition, clairement instrumentée et souvent colorée, a fait grand plaisir. Les mélodies faciles y abondent et y favorisent la voix des chanteurs. Celle de Mme Lambert- W uil- laume est d'une limpidité charmante. La très sympathique cantatrice a su être, par des gestes et des attitudes de la plus gracieuse eurythmie, la Tanagréenne gracieuse, énamourée, sincère et touchante que rêvaient les auteurs. Mlle Zina Brozia ne nous donne sans doute pas l'aspect de la terrible Messaline : il lui suffit de se montrer ardemment belle et voluptueusement troublante. M. Valette obtenait grand succès dans le rôle de Sépéos, où tonnait merveilleusement sa belle voix de baryton.
Mlle Mirey était une véhémente Géo et M. Alberti un superbe gladiateur. Il nous fallait féliciter Mlle Stichel, qui avait réglé les divertissements avec un rare souci d'originalité et de variété — et aussi le nouveau directeur, M. Victor Charbonnel, qui avait voulu inaugurer son règne par un déploiement de faste à la manière de Quo Vadis.
14 MARS. - Reprise des Cloches de Corneville, avec Mlle Angèle Gril dans le rôle de Serpolette, et M. Berthaud dans celui de Grenicheux.
1er AVRIL. — Première représentation de Madame Roland, pièce lyrique en trois actes et cinq tableaux de MM. A. Bernède et Paul de Chou-
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i dens, musique de M. Félix Fourdrain 1. - Qui disait donc qu'il était difficile de se faire jouer à Paris ?. MM. Arthur Bernède, Paul de Choudens et Félix Fourdrain nous conviaient, il y a trois mois à peine, à la représentation des Contes de Perrault. Et voici, des mêmes auteurs, un nouvel ouvrage. Roland et Manon, sa femme, sont, avec Buzot, les personnages principaux du drame lyrique de la Gaîté. Buzot, le conventionnel girondin dont on vantait la probité et l'austérité, fit décréter la peine de mort « contre les émigrés qui rentreraient en France et contre quiconque proposerait le rétablissement de la royauté ». On sait « l'ardente sympathie » qui unissait Mme Roland à Buzot.
Comme l'ombre d'une trahison faisait horreur à la « loyauté » de Mme Roland, elle dit tout à son époux. Le pauvre homme courba la tête, atteint dans son orgueil et dans sa plus intime affection.
Mais la mort guettait les trois personnages ; le dénouement devait être tragique: l'échafaud pour la femme, le suicide pour les deux hommes. Pauvre Manon Roland ! Elle était coquette : pour aller à la guillotine, elle s'habillait avec une sorte de recherche. Elle avait une anglaise de mousseline blanche, garnie de blonde et rattachée avec une coiffure de velours noir. Sa coiffure était soignée : elle portait
1. DISTRIBUTION. — Buzot, M. Vezzani. — Roland, M. Cotreuil. —
Bosc, M. Zucca. — Barbaroux, M. Oger. — Brissot, M. 13arbt. — Un chef de section, M. Marzo. — Mme Roland, M110 Marie Charbonnel. —
Fleurance, Mlic Hélène Mirey. - Eudora (petite-fille de Mme Roland), Mlle Ronsel. i Le spectacle était terminé par Idylle, divertissement en un acte de Mlle Stichel. musique de M. Isidore de Lara, dansé par l\IlIe Couprant, et MII'.A. Leibovitz et Blanchard.
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un bonnet-chapeau d'une élégante simplicité, et ses beaux cheveux flottaient sur ses épaules. Sa figure paraissait plus animée qu'à l'ordinaire. Ses couleurs étaient ravissantes, et elle « avait le sourire ».
D'une main, elle soutenait la queue de sa robe. Au pied de l'échafaud, elle dit à Lamarque, son compagnon d'infortune : « Montez le premier, vous n'auriez pas le courage de voir couler mon sang ».
Puis elle monta légèrement les degrés et, se tournant vers la statue colossale de la Liberté assise près de l'échafaud, lui dit avec une grave douceur, sans reproche: «0 Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! » La partition de Madame Roland vaut surtout par une abondance mélodique et une facilité aujourd'hui assez rares. Quelques thèmes peut-être se réclament trop complaisamment d'un parrainage illustre et dangereux., et le jeune auteur n'a pas encore su se soustraire à l'influence de Massenet. Mais cela ne doit pas nous faire oublier les mérites solides de cette œuvre de valeur. La musique de M. Fourdrain est presque toujours très réellement émue. Elle recherche la vérité de l'expression, en se gardant de la confondre avec la prétention affectée qui rend tant d'ouvrages insupportables. Elle demeure toujours simple, exempte de violence et d'exagération, sobre dans ses moyens qui, sans être très riches et très raffinés, sont ceux d'un véritable artiste. Enfin, elle n'est nulle part obscure ni déplaisante. Et presque partout d'un agrément certain, elle atteint sans efforts., en plus d'une page, au charme le 'plus pathétique. Il n'est rien de .plus touchant, par exemple, que les adieux
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de Mme Roland à sa fille, à l'avant-dernier tableau, scène d'intimité douloureuse, dont l'effet demeure irrésistible. Le savoir se montre partout, chez M. Fourdrain, et nulle part, il n'y étouffe l'inspiration. Le compositeur sait bien ce qu'il veut dire, et il ne veut pas dire plus qu'il ne faut. Son style est irréprochable au point de vue de la facture et de la forme, et la sincérité de sa conception nous paraît également mériter des éloges. Ces différente qualités, bien vite saisies du public, ont posé tout de suite les assises d'un succès qui n'a fait que grandir jusqu'à la fin. La création du personnag es de Manon Roland fait à Mlle Marie Charbonnel le plus. grand honneur. Chanteuse expérimentée, à la voix de mezzo pénétrante et souple, Milo Charbonnel a mis en relief, avec une intelligence et une conscience artistique bien dignes de louanges, les moindres détails de ce rôle de premier plan.
M. Vezzani se révéla, dans Buzot, ténor énergique, à l'organe brillant et solide; on lui redemand a l'arioso du dernier acte, où il fit épanouir un si naturel éblouissant. Sous les traits de Roland , M. Cotreuil se montra excellent chanteur et parfait comédien. Parmi les décors, celui du Palais de Justice sous la neige, d'un réalisme saisissant, était une de ces belles toiles dont Amable avait le secret. Et n'oublions pas l'orchestre, qui fit valeureusement son devoir, conduit d'une main ferme par un jeune chef plein d'autorité, M. Louis Masson. t 4 AVRIL. — Première représentation à ce théâtre de la Traviata, opéra en quatre actes, d'après la A
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umédie d'Alexandre Dumas fils, traduction française d'Edouard Duprez, musique de Verdi 1.
8 AVRIL. — Au bénéfice de la Colonie des Bamjjins (fondation Louis Lajarrije), reprise de l'Africaine*.
i 30 AVRIL.— Reprise de Mam'zelle Nitouche, opérette en trois actes et quatre tableaux,paroles d'Henri 1eilhac. et Albert Millaud, musique d'Hervé 3.
I- 13 MAI. — Premières représentations de la Venetta, drame lyrique en trois actes, tiré d'une nouelle de M. Loriot-Lecaudy, par MM. Robert de "lers et G.-A. de Caillavet, musique de M. Jean ouguès 4, et de Narkiss, contre-ballet en quatre ableaux, tiré d'une nouvelle de Jean Lorrain, livret le Mme Mariquita et M. J. Brindejont-Offenbach, nusique de M. Jean Nouguès 5. — La Corse
1. DISTRIBUTION. — Violetta. Mme Guionie. — Clara, Mlle Gênjl. —
nnette, 1IIHc Kerjean. — Comte d'Orbel, M. Ghasne. — Rodolphe, il. Ancelin. — Le docteur Germont, M. Alberti. — Vicomte Emile, I. Berthaud. —. Le baron, M. lrIarzo. — Le marquis, M. Delaplanche.
t; n domestique, M. Chacon.
■i. DISTRIBUTION. — Selika, Mlle Valentine Arriès. — Inès, M"» Charpentier. — Anna, Mlle Kerjean. — Yasco de Gama, M. Ansaldi. —
s'élusko, M. Valette. —■ Don Pedro, M. Cotreuil. — Don Alvar, 11. Berthaud. — Don Diego, M. Alberti. — Le grand Inquisiteur, il. Marzo. — Le grand Brahmine, M. Zucca.
I 3. DISTRIBUTION.— Champlatreux, M. Berthaud.— Célestin, M. Delaliercie. — Le directeur, M. Poggi. - - Le major, M. Dolne. — Loriot, I. Détours.— Le souffleur, M. Baillon. — Denise de Flavigny, Milo Anlêle Gril. — Lu supérieure, Mlle ill'a,!.l Théry. — Corrine, Mlle Crisalullii. — Gimelette, 111110 May Nanda. — Lydie, Mlle S. Wanda. —
vlvia. Mlle Glory. — La tourière. Mlle lJelcslrc.
4. DISTRIBUTION. — Rinella, Mlle Marie Charbonnel. — Vanina, Ime Claire Friché.— Femme, Mlle Elsen.— 2° Femme, Mlle Sorelly.
p 3e Femme, Mlle Schaff. — Michel, M. Ovido. — Juan Battista, f. Valette.— Tonio, M. Cotreuil. — Dominique Ceccaldi, M. Alberti.- tn paysan, M. Oger. — Un moissonneur, M. Marzo. — Taddeo, Uhacon.
5. DISTRIBUTION. — La femme, Mille Zahary-Djeli.— Narkiss. M. René rocher, - La nourrice, Mme Hélène Mireu. — Le berger, M. Tirmont.
- Le grand-prôlre, M. Marzo.
Orchestre sous la direction de M. Louis Masson.
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envahit nos théâtres lyriques. Après Scemo, récem] ment représenté à l'Opéra, voici la Vendetta. Dans le village d'Evisa, un homme, au cours d'une querelle, a tué un homme. La victime est Giuseppe Ceccaldi, brigadier des gendarmes d'Evisa. L'assassin, Gian Battista Ordioni, a pris le maquis, lais- sant seuls au village Vanina, sa femme, et son fils Michel. L'ardente et belle Rinella est, autant que son père, acharnée à la poursuite de l'ennemi des siens. Elle a su inspirer au fils de Gian Battista une violente passion, et, enjôleuse, elle fait subir au malheureux le supplice de Tantale. En vain, les amis d'Ordioni, le vieux berger Tonio entre autres cherchent-ils à mettre le jeune homme sur ses gardes ; en vain tentent-ils de lui persuader que — en dépit des larmes qu'il en pourrait coûter à la pauvre Vanina, restant seule désormais, -— son devoir est de quitter le village et d'aller rejoindre son père dans le maquis ; l'amour, plus fort que le devoir et la raison, enchaîne Michel auprès de Rinella. L'enjôleuse triomphe des dernières hésitations de Michel, et celui-ci s'oublie jusqu'à lui révéler que Gian Battista, venu pour embrasser sa femme et son fils qu'il n'a pas vus depuis sept ans, repose dans la maison. Rinella exulte de joie féroce, et elle court porter la bonne nouvelle au brigadier, son père. Gian Battista est arrêté.
Rinella ne sera satisfaite dans sa vengeance que si elle fait connaître au malheureux père que c'est son fils qui l'a trahi. Gian Battista maudit Michel qui, fou de douleur et de honte, abat Rinella d'un coup de fusil. Sur ce drame, qui ne manque ni de
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pathétique, ni de grandeur sauvage, M. Jean Nouguès, l'heureux compositeur de Quo Vadis, a écrit une musique abondante et ronronnante que nous aurions voulu plus personnelle,, et nous sommes de ceux qui pensent qu'il écrirait mieux s'il écrivait moins, beaucoup moins. Mlle Marie Charbonnel a joué le rôle de Rinella avec une ardeur sombre et concentrée ; M. Ovido a été le Michel qu'affole une femme fatale ; ils méritent tous deux de vifs éloges ;-l\lme Claire Friché, que nous avons eu plaisir à revoir à Paris, MM. Cotreuil et Alberti ont eu leur juste part de bravos. C'est encore une femme fatale qui est le personnage principal du ballet de Narkiss. Le sujet emprunté par M. Jacques Brindejont-Offenbach et Mme Mariquita à une nouvelle de Jean Lorrain, est la fable de Narcisse, transportée en Egypte. Un oracle d'Iris a dit que le jeune Pharaon Narkiss mourrait s'il se regardait dans un miroir; une femme, envoyée par le cortège des prêtres, entraîne le prince vers un étang pestilentiel où Narkiss, en se penchant pour regarder son image, meurt noyé et asphyxié. — Des danses originales, la beauté de Mme Sahari-Djeli et l'harmonie de ses gestes, la chorégraphie endiablée de son très jeune partenaire ont triomphé de la musique plutôt quelconque de M. Jean Nouguès— toujours lui ! - et de la surprenante et fâcheuse apparition d'hommes demi-nus, à la peau vernissée de bistre et de brun. « Prenez garde à la peinture ! » nous criait, dans les coulisses de la Gaîté, un régisseur ayant souci de préserver le teint de ses figurants.
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25 MAI. — Premières représentations de Chacun pour soi, comédie lyrique en un acte de M. Michel Carré, musique de M. J. Larmanjat ; de Yato, drame lyrique en deux actes de MM. Henri Cain et Louis Payen, musique de Mme Marguerite Labori 1 ; et de Radda, drame en deux actes, tiré d'une nouvelle de Maxime Gorki par M. Bepi Bianchini, musique de M. Guido Bianchini. - L'action d'Yato se passe à Paris, de nos jours. Le docteur Yamato que hantait pour la Chine, sa patrie, un idéal de liberté et de progrès, a essayé de secouer, dix ans auparavant, la torpeur de ses concitoyens par ses écrits enflammés et ses paroles révolutionnaires. Mais les temps n'étaient pas encore venus,.
et Yamato, traqué, incompris, honni, a dû fuir son pays. Il s'est réfugié en France, s'est laissé prendre par la civilisation européenne. Il est devenu docteur en médecine, et depuis cinq ans, il est l'époux d'une charmante Française, Lucile, qu'il adore et dont il est adoré. Un enfant est né de cette heureuse union. Quand la pièce commence, cet enfant vient d'être dangereusement malade. Mais, grâce aux soins de son père, il est presque guéri. Et dans ce calme intérieur où Yamato EL peu à peu oublié sa lointaine patrie et ses rêves chimériques, tout n'est que douceur, tendresse, espoir. Or, Yato, la sœur de Yamato, qui, elle, était restée en Chine, et qui a grandi dans le culte des idées que son frère avait semées jadis, Yato arrive tout à
1. DISTRIBUTION. — Yamato, M. Vezsani. — Mizié, M. Berthaud.— Yato, Mlle Marie Charbonnel. — Lucile, Mlle Heilbronner. — Tilinou,.
Mlle Malraison.
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coup à Paris. Toute la Chine est en émoi,, prête à secouer le joug, et Yato vient chercher son frère, que tous attendent, et qui doit se mettre à la tète du mouvement révolutionnaire, Yamato hésite.
Toute sa vie, tout son bonheur sont en France; mais Yato, implacable, lui montre son vrai devoir.
En vain, la tendre Lucile se presse-t-elle entre eux, cherchant à reprendre, à garder celui qu'elle chérit. Yamato ne peut pas être un traître à son passé, et Lucile est forcée de s'y soumettre. Elle se résigne, le cœur broyé, au douloureux sacrifice que le devoir impose. Et, après une scène déchirante, Yato et Yamato s'en vont, peut-être pour toujours, tandis que Lucile s'effondre, sanglotante, désespérée. Sur ce sujet, fort dramatique, que lui fournirent MM. Henri Cain et Louis Payen, et qui est surtout un beau conflit de sentiments que domine lagrande idée du devoir, Mme Marguerite Labori — c'est son début au théâtre — a composé une partition d'une ligne très pure, et sa mélodie, à chaque page renouvelée, est de la plus exacte expression. Son chant, spontané et généreux, vivifie les personnages, avec un relief saisissant. Et son orchestration discrète et sonore ajoute une riche parure à cette belle mélodie qui, pas un instant, ne se dément. Un succès très sincère a dignement accueilli cette œuvre émouvante. L'interprétation en fut remarquable avec Mlle Charbonnel, implacable Yato, Mlle Helbronner, Lucile très touchante, et M. Vezzani, très chaleureux Yamato. L'orchestre fut adroitement dirigé par M. Louis Masson. Le spectacle avait commencé par un opéra-comique un
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peu longuet, Chacun pour soi, où M. Michel Carré nous montrait les célèbres personnages de la comédie italienne, Colombine et Léandre, Isabelle et Arlequin, Cassandre et Pantalon, chantant de jolies ariettes de M. Jacques Larmanjat. Pourquoi l'un de ses meilleurs interprètes, le baryton Mague- nat, avait-il cru devoir mettre en son annonce au public une ironie dédaigneuse, d'un goût plutôt déplacé?.
31 MAI. — Reprise des Vingt-huit jours de Clairette, avec Mlle Angèle Gril, malicieuse et séduisante Clairette, fort bien secondée par Mmes Bl. Delimoges, Rachel Launay, MM. Chambiry, Poggi.
6 JUIN. — Première représentation à ce théâtre de Phryné, opéra-comique en deux actes, de M. Augé de Lassus, musique de M. Camille SaintSaëns. Au succès de la mélodieuse partition du maître, il fallait associer celui des interprètes : le ténor Edmond Clément, un Nicias à la voix chaleureuse ; Mlle Marguerite Herleroy, délicieuse Phryné, qui chanta son rôle en véritable virtuose ; M. Allard, un parfait Dicéphile, et Mlle Suzanne Thévenet, une touchante Lampito. La matinée se donnait au profit de l'Orphelinat des Arts, et le second acte de Samson et Dalila valait de vifs applaudissements à Mlle Marie Charbonnel, à MM. Valette et Dangély.
-8 JUIN. — Première représentation des Menhirs de Carnac, légende lyrique en un acte de M. Raymond Labruyère, musique de Mme Henriette Des-
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cat, interprétée par Mlle Jackson, MM. Arthur Maquaire et Marzo.
15 JUIN. — Première représentation à ce théâtre de Boccace, opéra-comique en trois actes de Chivot et Duru, musique de Franz de Suppé, avec Mlle Jane Alstein.
17 JUIN. — Reprise des Mousquetaires au couvent, avec Mlle Mélodia.
21 JUIN. — Reprise de la Poupée, d'Edmond Audran, avec Mlle Jane Alstein.
1er JUILLET. — Première représentation du Prince Bonheur, opérette en trois actes de M. Raphaël Adam, musique de M. Henri Derouville 1.
Le 18 juillet, on affichait le Contrôleur des wagons-lits. Puis, à la fin de ce même mois de juillet, la guerre fermait les portes du théâtre de la Gaîté. Il les rouvrait le 14 décembre par une très belle matinée de bienfaisance, et, le 19 décembre au soir, par une reprise de la Fauvette du Temple, qui permettait d'applaudir une jolie partition de M. André Messager, jointe à l'heureuse interprétation de Mlle Jane Marnac, de MM. Vilbert, Defreyn, Lucien Noël, Berthaud et André Simon.
1. DISTRIBUTION. — Le prince Alicante, M. Chadal. — Hermann, étudiant, M. Rambaud. — Von Busch, 1er ministre, M. Gabel. - Karl, étudiant. M. Détours. — Glasburg, médecin, M. Ch. Mey. — Baron Flip, ministre, M. La Roussarie. — Carrero, pêcheur, M. Delcous. —
Marguerite, reine d'Altembourg, illc Jane Alstein. — Lisbeth, suivante de la reine, Mlle Eva Retly. — Dorothée, suivante de la reine, Mlle lfIéa.
— Léa, étudiante, M"' Glory. — Rose, étudiante, Mlle Tessy.
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T = DATE NOMBRE 1 NOMBRE de la de j Ire représ. représent. d'actes ou de la pendant
reprise l'année I Les Contes de Perrault, féerie lyrique.. 4 » 13 Hérodiade, opéra 4 a. 7 t. » 19 Le Grand Mogol, opéra-comique. 5 a. 8 t. » 18 j Le Chemineau, drame lyrique. 4 » 3 La Vie de Bohème, comédie lyrique. 4 » 6 Orphée, tragédieopéra. 5 » 12 Jeux et Ris prinlaniers, ballet 1 » 9 Le Voyage en Chine, opéra-comique 3 » 16 Les Saltimbanques, opéra-comique 3 a. 1 t. •> 11 * La Danseuse de Tanagra, opéra i a. 5 t. 13 mars 11 Les Cloches de Corneville, opérette 3 a. 4 t. » 26 Paillasse, drame lyrique. ,.. ,. 2 » 5 * Madame Roland, pièce lyrique 3 a. 5 t. 1er avril 6 La Traviata, opera..,.,. 4 » 3 L'Africaine, opéra 5 » Ii Mireille, opéra-comique 5 a. 7 t. » "15 Mam'zelle Nitouche, opérette 3 a. 4 t. » 12 *La Vendetta, drame lyrique 3 13 mai 5 ".Yarkiss, conte-ballet 4 tabl. 13 mai 5 Mignon, opéra-comique. 3 a. 4t. » 7 j *Chacun pour soi, comédie lyrique 1 25 mai 3 *Yato, drame lyrique 2 25 mai • 4 *Radda, drame 2 25 mai » Les Vingt-huit jours de Clairette, opérette. 4 » 8 Phryné, opéra-comiquo 2 G juin 3 Les Menhirs de Carnac, légende lyrique. 1 8 juin 3 Le Barbier de Séville, opera-bouffe. 4 » 1 Boccace, opéra-comique. 3 15 juin 5 Les Mousquetaires au Couvent, opérette. 3 » 13 La Poupée, opérette 3 » 7 Le Prince Bonheur, operette.,. 3 1er juillet 10 Le Contrôleur des Wagons-Lits, comédievaudeville.,.,. 3 18 juillet 45 La Fauvette du Temple, opéra-comique. 3 19 déc. <8 1
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1915
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L'année 1915 avait commencé par la Fauvette du Temple. Elle se continuait, sous l'administration de M. Marcel Simond, avec les Cloches de Corneville, les Saltimbanques1, Miss Hélyett, les Mousquetaires au Couvent2, la Mascotte3, le Grand Mogol4, le Petit Duc5, la Poupée, Rip6, Joséphine vendue par ses soeurs 1 et la Fille de Mme Angot8.
1. DISTRIBUTION. — Marion, Mlle Angèle Gril. — Suzon, Mlle Eva Retty. — Mme Bernardin, Mlle Mary Théry. — Mme Malicorne. Mlle Carpentier.— Grand Pingouin, III. Lucien Noël.— Paillasse, M. Chambon.
— Des Etiquettes, M. Lespinasse. — André, M. Baron. — L'aubergiste,.
M. - Désiré.
2. DISTRIBUTION. — Louise; Mlle Angèle Gril. - Simonne, Mlle Jane Grégoire. — La Supérieure, Mlle Mary Théry.— Marie, MLle Eva Retty.
— Brissac, M. Lucien Noël. — Gontran, M. Chambon. — Bridaine, M. Massart. — Le Gouverneur, M. Jlfaury.
3. DISTRIBUTION. — Bettina, Mlle Angèle Gril. — Fiametta, Mlle Mar-
celle Devriez. — Pippo. M. Lucien Noél. — Fritellini, M. Chambon. —
Rocco, M. Détours. — Laurent XVII, M. Raoul Villot.
4. DISTRIBUTION. — Irma, Mlle Angèle Gril. — Bengaline, M'ie Olga DoLtnal. — Joquelet, M. Lucien Noël. — Mignapour, M. Chambon. —
Crakson, M. Détours. — Nicobar, M. Raoul Villot.
5. DISTRIBUTION. — Le duc de Parthenay, Mlle Gina Féraud. — Diane de Chàteau-Lansac, Mlle Mary Théry. — Duchesse de Parthenay,Mlle Micchetti.— Montlandry, M. Lucien Noël. — Bernard, M. Détours.
— Frimousse, M. Raoul Villot.
6. DISTRIBUTION. — Rip, M. Lucien Noël. — Ischabod, M. Dousset. Derrick, M. Landrin. — Nick Vedder, M. Raoul Villot. — Kate, Mlle Angèle Gril.— Nelly, Mlle Grégoire.— Jacinthe, Mlle Carpenlier. —
Jack, La petite Ronsel. — Lowena, La petite Carlia.
7. DISTRIBUTION. — Iûntosol. M. Lucien Noël. — Putiphar bey, M. Dousset — Alfred pacha, M. Raoul Villot.— Benjamine, Mlle Angèle- Gril.— Joséphine, Mlle Thérèse Cernay.— Mme Jacob, Mlle Mary Théry
8. DISTRIBUTION. — Clairette, M.lIe Alice Bonheur. — Amaranthe, Mlle Mary Théry. — Ange Pitou, M. Faber. — Larivaudiere, M. Raout Villot. — Pomponnet, M. Dousset. — Louchard, M. Landrin. — Trémitz, M. Fernal.
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Après l'opérette, la Gaîté Lyrique inaugurait, le 19 juin, une saison de comédie parla première représentation à ce théâtre du Contrôleur des wagons-lits d'Alexandre Bisson1, auquel succédait, le 12 juillet, Durand et Durand, de MM. Maurice Ordonneau et Albin Valabrègue2 ; le 27 juillet, l'Enfant du Miracle de MM. Paul Gavault et Robert Chavenay3 ; le 20 septembre, la Marraine de Charley de MM. Maurice Ordonneau et Bran- j don Thomas4; le 19 octobre, le Bonheur conjugal de M. Albin Valabrègue5 ; le 6 novembre, le Coup de Fouet de MM. Maurice Hennequin et Georges Duval6. Puis c'était un retour au triomphant Con- j
1. DISTRIBUTION. — Alfred Godefroy, M. Harry Raur. — Georges Godefroy, AL Raoul Villot. — Lucienne Godefroy, Mme. D'Albert.— :\fme Montpépin, Mme Gilles Raimbault.
2. DISTRIBUTION. — Javanon, M. Harry Baur. — Albert Durand, 1 avocat, M. Gaston Séverin. — Albert Durand, epicier, M. Coradin. —
Barbatier, M. Scipion. — Charvet, M. Hermès. —Théodore, M. A. Mary.
— Pâquerette, M.o. M. Dupeyron. — Louise, Mme D'Albert. — Mm. de la Haute-Tourelle, Mme G. Raimbault. — Clarisse, Mil. Rose Grane. Irma, Mme Marthe Fabry.
3. DISTRIBUTION. — Lescalopier, M. Harry Baur, puis M. Marcel Levesque. — Pauline-Sœurs, M. Gaston Séverin. — Elise, Mlle Andrée 1 Sylvane. — Berthe, Nlil- M. Dupeyron. — M« de Langrune, Mil. Aêl. — j Marguerite, Mlle Rose Grane. — Georges Durieu, M. Henri Burguet. —
Croche, M. Raoul Villot. t
4. DISTRIBUTION. — William, M. M. Levesque. — Jack Chesnay, 1 M. Henri Burguet. — Charley, M. Gaston Séverin. — Colonel F. Ches- nay, M. Coradin. — Brasset, M. Delhéry. — Huston, M. Tressy. — Lucie d'Alvadorez, Mil. Jeanne Cheirel. — Miss Kitty. Mlle Ninon-Gilles. — 1 Miss Hellen, Mlle Marthe Fabry. — Miss Arabelle, Mlie Lyonel. —
Spettigue, M. Raoul Villot.
5. DISTRIBUTION. — Julien, M. Henri Burguet. — André, M. Coradin. I Henri, M. Georges Will. — Jeanne, Mme Terha-Lyon. — Lucie, 1 Mlle Ninon Gilles. — Mme Bonneval, Mlle Boyer. — Marthe, Mile Marthe Fabry. — Thérèse, Mlle Lyonel. — Irma, J\flle Lambray. — Claréa, 1I Nille Rosa Holt. — Jean, M. Jaeger. — Bonneval, M. Raoul Villot.
6. DISTRIBUTION. — Suzanne, Mlle Andrée Sylvane. — Colette, Mm8 Ter., ka-Lyon. — Mme Leclapier, Mlle G. Raimbault. — Zénobie, Mlle M. I Fabry. — Marcinelle, M. Henri Burguet. — Lehuchois, M. Coradin. — 1 Théodore, M. Georges Will.— Casimir, M. Tressy.— Barisart, M. Raoul < Villot. 1
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Irolenr des wagons-lits, dont la centième représenta t illll se donnait le 12 décembre. Le 18 décembre, Vous n'avez rien à déclarer ? de MM. Maurice Hennequin et Pierre Veber1, retrouvait à la (îaîté son grand succès des Nouveautés. M. Galipaux était un étourdissant La Baule ; M. Raoul Villot un épique président Dupont; Mllt) Delmarès jouait avec beaucoup de brio le rôle de Zézé.
1. DISTRIDI/TIOX. — La Baule. M. Félix Galipaux. — Dupont, M. Raoul Villot. — R. de Trivelin, M. Coràdin. — Zézé, Mme Delmarès. —
;'Ir"," Dupont. :'II" Rosine Maurel.— Paulette, Mme Terka-Lyon.— Lise, Mme Marthe Fabry.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de tro représ., représent.
d'actes ou de la pendant reprise l'année
La Fauvette du Temple, opéra-comique. 3 » 0 Les Cloches de Corneville. opérette 3 a. 4 t. » 21 Les Saltimbanques, opéra-comique 3 a. 4 t. » 8 Miss Ile/yett, operette. 3 » 9 Les Mousquetaires au Couvent, opérette.. 3 » 2 La Mascotte, ol,~ra-coii-iique 3 >i (i Le Grand Mogol, opéra-comique 3 a. 4 t. Il 5 Le Petit DM~,opura-connque. 3 Il 4 La Poupée, opérette I 3 » 12 Rip, operette 4 15 avril 6 Joséphine vendue par ses sœu,'s, opérette. 3 22 avril 4 La Fille de Madarae Angot, opéra-comique 3 Il 17 Le Conlrôleur des lVagons-Lits, comédie-vaudeville. 3 » 09 Durand et Durand, vaudeville 3 12 juillet 20 L'Rnfant,du Miracle, comédie bouffe. 3 27 juillet 75 La Marraine de Charley, comédie bouffe. 3 22 sept. 33 Le Bonheur conjugal, comédie 3 19 octob. 9 -Le Coup de fouet, comédie 3 6 nov. 20 Vous n'avz rien à déclarer, pièce. 3 18 déc. 22
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THÉATRE DU CHATELET 1
L'année avait commencé par l'Insaisissable Stanley Collins de MM. Maurice Marsan et Timmory, qui le 12 février, faisait place au Diable à Quatre, pièce à grand spectacle en trois actes et dix-huit tableaux de MM. Victor Darlay et Henry de Gorsse, nusique de M. Marius Baggers 2. — Sans autre prétention que celle de nous amuser, le spectacle Somptueux, égayé de danses et de couplets, a été conçu par les auteurs suivant une formule quelque I :—
1. — Directeur : M. Fontanes; secrétaire général: M. Bégusseau.
2. DISTRIBUTION. — Jonathan Drack, M. Henry Houry. — Pouillard, M. Harmilton.— Gérard, M. Henry Julhen. — Harry Drack, M Paul Vitte. — La Hachette, M. Edouard Bouchez. — Billy Bell, M. Bardès.
- Hermandes, 1er témoin, M. Freddy. — Josué, 1" reporter, le portier, I. Legoux. — Lampistrol, Jérémy, 1er snob. M. Raynold. — Garçon de Brigthon, 2e cow-boy, garçon de l'Electric. M. Gerrébos. —2» joueur, un soliceman. M. Mori. — 1er baigneur, ter électeur, 2e snob, M. Michelet.
L Le commandant Smithson, M. Clamour. — Huguette, Mlle Renée Baltha. — Betsy, MW8 Leone de Landresse, — Miss Crokett, une vieille lame, Miio Jacqueline. — 1er cow-boy, Mlle Thérèse de Karcy: — Une lame du Cercle, un midship, une femme cow-boy, Mlle Ferrial. —
r joueur, chasseur de Brighton, garçon de ferme, 2e reporter, M. Gaget.
f" L'indicateur, 2e baigneur, 2e électeur, 2e témoin, M. Barclay. Le croupier, un marin, un valet de pied, un Suisse, M. Maseau. —
ansellse étoile, MUe Lucy Relly. — Danseuse travestie, Mlle Rose Ridde.
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peu nouvelle. La vieille féerie fantastique et naïve a fait son temps. Il faut, a-t-on dit, nous y résigner.
La pièce à poursuite qui promène à travers le monde, de catastrophes en catastrophes, des personnages héroïques ou plaisants, aura bientôt elle-même épuisé tous ses moyens. Et voici que la supplante la comédie musicale, faite de fantaisie et d'un peu de sentiment, en honneur à Drury-Lane.
Le Diable à Quatre est, en somme, une opérette anglaise, bien anglaise,. à très grand spectacle, qui sans doute attirera les grandes personnes au moins autant que les enfants. Et si l'intrigue imaginée par les auteurs nous fait encore voir des continents, c'est qu'elle met aux prises, en une aimable histoire de mariage, une famille française et une famille américaine. Les clous traditionnels ne sont pas supprimés, mais ils consistent dans l'état de la mise en scène, et non dans l'ingéniosité des trucs. Pas de train télescopé, pas de paquebot qui sombre, pas de bataille navale, pas d'aéroplane, mais un ballet d'élégantes de Brighton et de photographes ; une fête de nuit à bord d'un cuirassé amiral; des-danses de cow-boys ; un dressage de chevaux en liberté, tout comme au Cirque ; un meeting dans le quartier des docks à Chicago, avec combat de boxe ; un gala chez un milliard daire qui sert de prétexte à toutes les maxixes et autres pas bien américains. La musique, empruntée, elle aussi, aux compositeurs « de l'autre côté de l'eau », a été habilement sélectionnée par l'excellent maëstro Marius Baggers qui l'a, comme de juste, enrichie de ces rythmes entraînants ou spirituels v -*
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dont il détient le secret. Tout cela — y compris les vingt-quatre impeccables cow-boys importés de Londres, tout cela est tout à fait anglais;—ce qui n'a pas empêché les auteurs et le directeur d'y joindre une pointe de gaieté bien française. Et voici Mlle Renée Baltha, si souple et si gaie, qui, s'échappant de la Scala pour débuter sur une vaste scène théâtrale, a été, jouant, chantant et dansant avec tant d'entrain, dans le rôle à transformations de la petite Huguette, dit le « diable à quatre », la véritable joie de la soirée. A elle le grand triomphe ! Et M. Henry Houry, pittoresque roi des Sausisses ; M. Villé, digne fils de son père, l'exidole de Sarcey; M. Bouchez, ahuri supérieur; Mme de Landresse, avec la jolie voix qu'elle avait naguère au Conservatoire, avaient contribué au plus légitime succès.
25 AVRIL. — Matinée au bénéfice de l'Association des artistes dramatiques : La Revue de Vingt- Scènes1. La quatorzième scène était consacrée au vaudeville, et sous le titre de Grand'mère,.
Mme Daynes-Grassot est venue dire un monologue.
Les applaudissements n'avaient pas encore cessé que M. Albert Carré, président de l'Association, entrait en scène, entouré de tous les artistes, une centaine environ, et s'approchant de Mme Daynes-Grassot, lui remettait une médaille d'or, après lui avoir adressé une petite allocution très touchante. Sur la scène et dans la salle, on applaudissait à tout rompre la vieille artiste qui avait peine à contenir son émotion.
i 7 MAI. — Représentations de la Loïe Fuller avec
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l'orchestre Colonne. — Le nom de Loïe Fuller a toujours évoqué le souvenir d'une fée délicieuse : la Fée-Lumière. Ses débuts furent, on peut le dire à juste titre, d'un éclat sans pareil. Elle faisait vivre la couleur en une palette magique, et d'un spectacle merveilleux, nouveau, unique, nous emportions une vision d'art que rien de similaire ne peut effacer. Ces danses lumineuses furent depuis perfectionnées. On vit des papillons de flamme, des fleurs faites d'étincelles, des langues de feu qui semblaient des caresses vivantes. Et si, depuis quelque temps, la Loïe Fuller ne se rappelait plus à nous, c'est que l'étranger accaparait l'illustre étoile polychrome qui avait matérialisé tant de jolis rêves. Sa rentrée au Châtelet continue une renommée que rien n'a pu diminuer encore. Elle a initié à ses secrets chorégraphiques de toutes jeunes filles, dont la grâce naïve a contribué à réaliser des fresques curieuses. Elles évoluent dans la lueur du jour, sous la pâle clarté lunaire et dans des rayons qui resplendissent. Visions à la fois modernes et antiques qui rappellent tour à tour Rome et la Grèce. Et rien n'est plus charmant que ces théories fraîches et claires, silhouettés changeantes, extases de rythmes qu'accompagne, en leur gracieux éclat, le superbe orchestre Colonne conduit par M. Gabriel Pierné. La joie des Jeu s'accroît des musiques de Grieg et de Strawinsky, de Fauré, de Debussy et de Mme Armande de Polignac. Ce sont deux heures exquises : spectacle chaste où tous les sens sont agréablement pressentis au quasi contact de tant de jeunes statuettes
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irrisées, aux reflets métalliques comme ces faïences du Golfe Juan qui gardent et perpétuent la lumière changeante de ses horizons.
Après la fermeture im posée par la guerre, le théâtre rouvrait ses portes le 24 décembre pour une série de représentations de Michel Strogoff pendant les fêtes de Noël et du jour de l'An1.
1. DISTRIBUTION. — Michel Strogoff, M. Henri Duval. — Yvan Ogaretf, M. Charlier. — Jollivet, M. Déan. — Blount, M. Georges Michel. — Le maitre de poste, M. Bardès. — Marfa, Mme Louise Marquet. — Sangarre. :\1mo Markel.— Nadia, Mme Suzanne Préaux. — Danseuse étoile, M'ie Lucy Relly. — Danseuse travestie, Mlle Rose Ridde.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de 1rs représ. représent, d'actes ou de la pendant reprise l'année
L'Insaisissable Stanley Collins, pièce. 5 a. 8 t. » 17 *Le Diable à Quatre, pièce 3 a. 18 t. 12février 95 Représentations delà Loie Fuller » 7 mai 2't Michel Strogoff, pièce 5 a. 16 t. 2i déc. 12
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1915
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A Michel Strogoff M. Fontanes faisait succéder, lei 4 février 1915, une reprise de la Petite Caporalet, et le 25 mars; une reprise du Tour du Monde en 80 jours2.. ,
11 DÉCEMBRE. - Première représentation des Exploits d'une petite Française, pièce à grand spectacle en quatre actes et vingt-trois tableaux de MM. Victor Darlay et Henri de Gorsse1. Le Châtelet n'a pas eu de peine à adapter son genre à la nouvelle poétique créée par la guerre. Il lui a suffi de remplacer le testament caché quelque part dans un vieux livre et que se disputent deux
1. — Le 23 janvier, dans une matinée donnée au profit des Artistes beiges; notons l'apparition d'un acte inédit: La Maison du Passeur, de MM. Armont et L. Verneuil, jouée par Mlle Jeanne Marnac, MM. Tarride Rouyer, Normand, Villa, Pillo, Lacoste. Au programme du 5 mars, signalons encore la première représentation des Deux Voyageurs, de MM. Maurice Vaucaire et Jean Bouvier, interprétés par Mil. Marie Leconte, MM. George Grand, Falconnier et Hiéronymus, de la ComédieFrançaise.
2. DISTRIBUTION. — Philéas Fogg, M. Louis Gauthier. — Archibald Corsican, M. Milo. —Passepartout, M. Déan. —Fix, M. Bardès. — Chef Pauni, M. Charlier.. — Magistrat anglais, M. Georges Michel. —
Aouda, Mme Lorys. — Margaret, Mille Dhélia. — Néméa, Mme Suzanne Préaux. — Danseuse étoile, Mlle Lucie Relly.
2. DISTRIBUTION. — Von Blitz, M. Duquesne. — Wilhelm, M. Gorby.
— Coquillet, M. Louis Déan. — Jacques Bréville, M. Albert Dieudonné.
— Pierre Verneuil, M. Charlier. — Jacobsen, M. Bardès. — Le capitaine du paquebot, M. René Gervais. — Mariette, Mlle Gaby de Morlay. —
Gladys Harisson, Mlle Germaine Moncray. — Miss Parker, Mlle Gilles Raimbault.— Danseuse étoile, Mlle Rila Sanghelti. ♦
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branches de collatéraux par une formule d'explosif dont Allemands et Français voudraient s'assurer la possession. On a ainsi obtenu le prétexte à des poursuites sur terre, sur mer et dans les airs, se mêlant et s'enchevètrant aux événements réels tels que le torpillage des paquebots par l'Emden et la prise de Tsing-Tao. Un savant français établi en Australie a découvert une certaine poudre bleue dont les effets sont prodigieux. En apprenant la déclaration de guerre, son neveu Jacques Bréville part pour la France afin de livrer le secret de la poudre au gouvernement français, mais un espion allemand, le colonel von Blitz, s'attache à ses pas et sous les déguisements les plus divers, multiplie les embûches autour de lui pendant son voyage; grâce à son fidèle serviteur Coquillet et à la gentille Mariette, la « petite Française », il échappe à tous les dangers. La pièce de MM. Darlay et de Gorsse a été chaleureusement accueillie autant pour son intérêt dramatique que pour le patriotisme de son inspiration. Duquesne qui joue, sous de multiples transformations, le rôle du colonel boche sera, sans nul doute, sifflé pendant de longs soirs par les titis du poulailler ; n'est-ce pas la juste récompense de son jeu plein d'intelligence et de son beau talent de composition. Louis Déan recueille au Châtelet la succession d'Hamilton et de Pougaud. Comme eux il a l'oreille du public -et représente avec une bonne humeur constante Coquillet, le Français gouailleur, qui accomplit son devoir sans emphase, tout naturellement. Gorby m la lourdeur voulue dans l'ordonnance du colonel
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et joue magistralement une scène d'ivresse qui est le clou de son rôle. Mlle Gaby de Morlay se montre tout à fait charmante et d'une jolie sincérité sous les traits de la petite Française héroïque.
Les décors pittoresques et animés du port de Melbourne, celui de la poursuite en mer, celui surtout de l'explosion de l'usine, et, pour faire contraste, les divertissements anglais, russes, semés çà et là dans ces quatre actes, attestent que la pièce a été montée avec soin et qu'elle réunit tous les éléments d'un succès de durée.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de iira repris. représenl.
d'actes ou de la pendant reprise l'année - -1 Michel Strogoff, pièce 5 a. 16 t. » 5!) La Petite Caporale, piece. 5 a. 20 t. 14 février 15 Le Tour du Monde en 80 jours, pièce.. 5 a. 15 t. 25 mars 7i * Les Exploits d'une Petite Française, pince i a. 23 t. 11 déc. 19
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THÉATHE DES CHAMPS-ÉLYSÉES
Le beau théâtre des Champs-Elysées que M. Gabriel Astruc — son nom mérite bien d'être ici rappelé — avait conçu et fait réaliser pour la plus grande gloire de la musique, était,, le 25 avril 191 4, heureusement sorti de sa léthargie. Un puissant syndicat anglo-américain s'était formé dans le but d'y donner chaque année une grande saison lyrique internationale, où l'on voulait bien nous promettre que l'art et les artistes français devaient avoir aussi leur place. En tout cas, la musique n'a pas encore cédé la place au cinéma en cette vaste salle que, plaisamment on avait déjà qualifiée de « chair à Pathé ». Grâces soient donc rendues aux Mécènes qui vont à nouveau tenter l'aventure!
C'est par un violent et expressif drame lyrique de Montemezzi l'Amore dei tre Re (L'Amour des trois Rois), que s'ouvrait la première campagne artistique de MM. Higgins et Russel. Le livret est de M. Sem Benelli, dont nous avons vu jouer au théâtre Sarah-Bernhardt la Beffa, traduite en vers.
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par Jean Richepin. Le jeune musicien, M. Italo Montemezzi, élève du Conservatoire de Milan, et actuellement professeur en cette même école, s'est fait, avec cet ouvrage, une place très enviable parmi les compositeurs italiens contemporains. Le drame sombrement passionné se déroule au temps lointain des invasions. L'action se passe en Italie, dans un château qu'habite un vieux baron aveugle, venu à la suite des barbares conquérants et maintenant seigneur du territoire d'Al- tura. C'est autour de la belle Fiora, une très pure jeune fille, cédée jadis aux envahisseurs par les habitants du pays désireux d'obtenir la paix, que se mène le conflit. Fiora est aimée par un de ses compatriotes, Avito, mais elle appartient au fils du vainqueur, Manfredo, lequel, heureusement pour elle, l'entoure d'une adoration presque mystique et passe du reste son temps à la guerre.
Mais, beaucoup moins conciliant que son fils, le vieux seigneur, dont les sentiments pour Fiora dépassent une affection paternelle, s'aperçoit — bien qu'aveugle — des assiduités d'Avito ; il force la jeune femme à avouer sa faute, et, sans autre forme de procès, il l'étrangle sauvagement. Après quoi, sa colère n'étant qu'insufifsamment assouvie, il verse férocement sur les lèvres de Fiora un violent poison, dans l'espoir que son amant viendra l'embrasser une dernière fois. Et après qu'A vito a bu la mort dans une suprême ivresse, c'est Manfredo qui vient donner à sa femme bien-aimée l'étreinte fatale. Il s'écroule aux pieds de son père, survenu poursaisi r le coupable, et qui s'écrie,
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saisi d'horreur : « Ah ! Manfredo, Manfredo, toi aussi, maintenant, te voilà pour toujours avec moi dans la nuit éternelle ! » C'est un drame farouche, qui n'est pas sans grandeur. La partition de M. Montemezzi est l'œuvre d'un musicien accompli, ardent et sincère, qui semble, avant tout, avoir dégagé sa personnalité des formules déjà trop connues de la jeune école italienne. L'accueil fait à ce très intéressant ouvrage a été des plus favorables. Au second acte, la grande parenté entre le poème de M. Sem Benelliet celui de Tristan et Yseult n'a pas laissé de suggérer au compositeur l'emploi du procédé wagnérien. Après le grand effet du long duo d'amour, l'extrême fin, violemment tragique, a déchaîné les applaudissements ; dramatiquement et musicalement aussi, dle est le point culminant de l'ouvrage. Ce serait beaucoup — a-t-on dit — que d'assurer que le compositeur a trouvé là un « frisson nouveau », mais, du moins, par des moyens d'autant plus impressionnants qu'ils sont des plus simples — quelques accords de contrebasse, la phrase plaintive d'un alto solo — M. Montemezzi a su très adroitement renouveler des mouvements de terreur qui, par la noblesse de l'expression, haussent la poésie un peu mélancolique de son collaborateur au niveau de la tragédie musicale. L'effet de ce finale a été considérable, et l'acte sur lequel se termine la pièce n'a pas détruit cette excellente impression. Une interprétation remarquable servit l'Amor dei tre Re. M. Vanni Marcoux, que nous avons eu maintes fois l'occasion d'apprécier à
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Paris, a trouvé, dans le rôle du vieux seigneur aveugle Archibaldo, l'occasion d'affirmer, une fois de plus, ses qualités de magnifique interprète lyrique : il est évidemment de la grande lignée de ces artistes comme les Renaud, les Chaliapine, qui sont de grands tragédiens en même temps que de beaux chanteurs. Mme Edvina, que nous avons applaudie à l'Opéra-Comique, s'est révélée aussi dans le personnage de Fiora, quelle a joué avec une flamme intérieure, avec de jolies attitudes savamment volupteuses, et chanté avec une grâce parfaite, avec une voix qui a pris une rare ampleur.
MM. Ferrari-Fontana, ténor prestigieux, et Cigada, baryton sonore, lui donnaient heureusement la réplique; ils partageaient avec elle des bravos chaleureux et de nombreux rappels. Au pupitre, un chef souple et attentif, M. Moranzoni. Et c'était là, pour la troupe anglo-américaine, un début prometteur.
2 MAI. — On donnait Manon Lescaut de M. Puccini, chantée par Mme Kousnetzoff, MM. Crimi, Cigada, Tavicchia, Paltrinieri. Chef d'orchestre, M. Panizza.
5 MAI. — Otello de Boïto, musique de Verdi, interprété par Mme Nellie Melba, MM. Ferrari Fonlana, Vanni Marcoux et Vincenzo Tanlongo.
Chef d'orchestre, M. Moranzoni.
16 MAI. — Un ballo in maschera, de Verdi, chanté par MM. Giovani Martinelli, Mario Ancona, Mmes Emmy Destinn, Maggie Teyte.
23 MAI. - Pagliacci de M. Leoricavallo, avec
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Mme Emmy Destinn, MM. Martinelti et Ancona.
Chef d'orchestre, M. Panizza.
16 JUIN. — Il Barbiere di Siviglia, chanté par Mlle Félice Lyne et Bérat, MM. Mac Cormok, Amato Tavicchia et Varmi Marcoux. Chef d'orchestre, M. Moranzoni.
Après ces pièces du répertoire italien, notons enfin, pour être complet, une série de représentations allemandes du cycle wagnérien Tristan et Iseult, les Maîtres Chanteurs de Nurenberg et Parsifal, dirigées par M. Félix Weingartner, qui depuis. N'insistons pas.
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THÉÂTRE DE L'ATHÉNÉE1
Après le Tango, de Mme et M. Jean Richepin, et Triplepatte de M. Tristan Bernard, venait, le 18 février, la première représentation de Je n'trompe pas mon mari, pièce en trois actes de MM. Georges Feydeau et René Péter. — « Je ne trompe pas mon mari ! » telle est la devise de Mmp, Plantarède, qui se réveille un beau matin — voilà ce que c'est de se tant vanter ! dans le lit de son amant, le peintre « parallélipipédique » Saint-Franquet. Et c'est un gros, très !.)'ros succès que remportait le premier fruit, très savoureux, de la collaboration de Georges Feydeau, le grand auteur comique que vous savez, et
1. Directeur : M. Abel Deval ; administrateur : M. Eugène Damoye t secrétaire-général ; M. Gaston Lebel.
1. DISTRIBUTION. — Saint-Franquet, M. Lucien Rozenberg. — Des Saugettes, M. Paul Ardot. — Plantarede. M. Cazalis. —• Le gérant, M. Cousin. — Tommy, M. Dillon. — Giclefort, M. Papoz. — Le joueur de tennis. M. Gauthier. — Le chasseur, M. Hugon. — Voyageur, M. Darbrey. — Voyageur, M. Lemoyne. — Voyageur, M. Viard. —
¡:idlOll, Mlle Betty Daussmond.— Micheline, Mlle Lucile Nobert.— Doty, M"' Alice Nory. — Mme Giclefort, Mme Virginie Rolland. — Sophie, :\[11." Rose Orane.— Une joueuse, Mil. Givry.— Voyageuse, Mlle Villion.
— Voyageuse, Mlle Roseraie.
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de son jeune ami M. René Péter — le fils du regretté professeur à la Faculté de Médecine — dont nous avons applaudi déjà Chiffon à l'Athénée, et tout dernièrement la Pretentaine à la Comédie des Champs-Elysées. Les auteurs nous montrent tout d'abord le jardin d'une station balnéaire, et nous décrivent avec infiniment de verve et d'observation les menus et divers incidents de la vie d'hôtel. C'est là que Saint-Franquet, furieux d'être éconduit par une femme du monde, obstinément honnête, gifle d'importance un petit gigolo qui s'est institué le cavalier servant de Mme Plantarède. Et le rideau baisse sur une querelle générale qu'accompagne un orage, avec de la vraie pluie inondant les personnages de la pièce : M. Deval fait bien les choses. Le second acte nous introduit dans l'atelier de Saint-Franquet, où une blonde enfant, Bichon, la maîtresse du peintre, répète en costume léger une stupide chanson de café-concert. Nous retrouvons là le gigolo du premier acte, le délicieux Des Saugettes, qui, giflé, puis transpercé par Saint-Franquet, est devenu naturellement son ami intime. Nous retrouvons également la jeune miss Doty, une petite milliardaire américaine, fille du roi du cochon, qui, ayant reçu le coup de foudre, a décidé qu'elle épouserait Saint-Franquet. Et elle l'épousera, en effet, au dernier acte. En attendant, Saint-Franquet se dispute ave Bichon; celle-ci déclare qu'elle a un protecteur tout prêt à prendre sa succession ; elle lui téléphone ; il accourt : c'est Plantarède ! Et comme Mme Plantarède, se
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sachant trompée par son mari, se décide enfin à lui rendre la pareille, la voici qui, elle aussi, s'amène chez Saint-Franquet, au moment où celuici vient de promettre à miss Doty de l'épouser.
C'est pourquoi nous le verrons, à l'acte suivant, couché — le lit cher à M. Feydeau ! - avec Mme Plantarède. Quel sera le dénouement ? N'ayez peur : avec sa haute expérience de la vie, Bichon, qui est une femme de cœur et qui connaît les hommes — certes! — Bichon arrangera tout, car il faut que tout s'arrange. On persuadera à M. Plantarède que sa femme-ne l'a jamais trompé — oh !
non! — et qu'elle a simulé un adultère pour se venger. Saint-Franquet épousera donc sa petite Américaine. Et tout le monde sera heureux, y compris les spectateurs qui, tous, ont ri follement d'un bout à l'autre; de ces trois actes. C'est, construit d'une main sûre, un désopilant vaudeville, d'un entrain extraordinaire, d'un pétillement continu d'esprit, de drôlerie., et de fantaisie, une joyeuse pièce, enlevée à la perfection, dans le mouvement qui lui convient, par l'excellente troupe de l'Athénée. En un rôle écrasant, M. Rozenberg, comédien plein de ressources et de rare souplesse, mène la danse avec une] verve endiablée. M. Paul Ardot, d'une exquise niaiserie sous les traits du jeune Des Saugettes, atteint les limites extrêmes du naturel. Mlle Betty Daussmond, que nous avions vue déjà si fine en une estivale reprise du Dindon au Vaudeville, a conquis, cette fois, le grand laurier, et la voilà désormais classée : c'est une mignonne Cassive. Mlle Alice Nory prête à miss
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Doty une grâce originale en même temps qu'un accent charmant. Et Mlle Lucile Nobert, trop longtemps éloignée de Paris, a prouvé qu'elle était digne d'y revenir et d'y rester. La centième représentation de Je n'trompe pas mon mari était donnée le 7 mai. Le théâtre fermait ses portes le 12 juillet après la 200e de l'amusante pièce de MM. Feydeau et Péter.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de Iro représ représent.
d actes ou de la pendant reprise l'année --Le Tango, pif('e 4 » 31 Triplepatte. comédie. 5 28 janv. 34 *Je rt trompe pas mon mari, pièce 3 18 février 200
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1915
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C'est seulement le 30 novembre 1915 que le théâtre l'Athénée rouvrait ses portes par l'Ecole des Civils, revue de Rip, musique de M. Emile Lassailly. — Au lieu de mettre en scène des personnages et des faits précis comme dans une revue, M. Rip a cette fois procédé par allusions; il a employé l'allégorie, il a généralisé ses marionnettes.
De plus, il y a une certaine unité dans ces deux actes ; les deux conducteurs de la revue ne sont point de vulgaires com pères irrémédiablement en ,- scène; ils jouent un rôle, apparaissent seulement quand ils ont quelque chose à dire ou quand on a quelque chose à leur dire. Et tout cela est sans amertume et se passe en douceur, avec bonhomie.
- Que disent-ils ! Que leur dit-on ? Rien que du sérieux, mais d'un sérieux présenté sous forme - aimable et drôle. Très proche parente dela satire, l'Ecole des Civils châtie en amusant. Mais si elle fouaille les travers de notre temps, elle sait aussi rendre justice à ceux et à celles qui ne marchandent pas leur dévouement dans les services de 1 l'arrière; et ceci est l'occasion d'une des plus r jolies scènes de la soirée. Nous savons avec quelle malice ce jeune auteur sait tourner le couplet, t aiguiser le trait, amener une scène. Son collabot
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rateur musical, M. Emile Lassailly,. a écrit toute une série de pages nouvelles, d'une élégante venue, d'une instrumentation légère, et il a adapté avec à-propos des pages connues. L'interprétation est de tout premier ordre : Mmes Marguerite Deval, qui sait si joliment dire; Jane Marnac, qui a une bien jolie voix et déclame comme une vraie comédienne; Spinelli, qui chantonne et danse avec malice; MM. Paul Ardot, qui a le don caricatural et de la grâce dans la grimace ; Claudius, qui a le sens du pittoresque dans le comique comme dans l'émotion ; Guyon fils, qui a une bonhomie charmante dans ses effets si sûrs ; le clown Foottit, au flegme si burlesque, tous méritaient les bravos
qui les accueillaient, et partageaient le succès du librettiste et du musicien. „
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COMÉDIE MARIGNY
Notons, tout d'abord, à la date du 19 janvier igr/ij la première représentation à ce théâtre de Cœur de Moineau. Elle est de finesse exquise, pleine de charme poétique, et toute remplie d'esprit, cette comédie de Cœur de Moineau, que reprenait à Marigny, M. Abel Deval. Là, vraiment, Louis Artus nous a donné une savoureuse étude de caractère, traitée avec une infinie délicatesse, et je ne saurais trop insister sur la forme originale et personnelle de son dialogue. Sa très jolie pièce n'a rien perdu en passant de l'Athénée, où elle fut représentée, il y a huit ans, à la ComédieMarigny, où elle a été très chaleureusement accueillie. Elle a retrouvé,. dans M. Brulé - ce Claude à l'âme de moineau qui s'éprend de toutes les femmes et dont toutes les femmes s'éprennent — un interprète du plus rare talent ; Mlle Diéterle demeure la très adroite et fine Huguette que vous connaissez. Mlle Paule Andral est une Margot des plus touchantes; Mlle Praince, une séd uisante Nadia. M. Bullier, enfin, reste de naturel parfait dans son rôle de raisonneur.
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5 FÉVRIER. — Première représentation du Mannequin, comédie en quatre actes de M. Paul Gavault1. — Un gentil « mannequin » de la grande maison de couture. Augusta, Colette, s'éprend d'un jeune et riche oisif, Lursange, qui,
lui, ne se sert d'elle que, comme le Perdican de Musset use de Rosette pour aguicher Camille par la jalousie. Camille est ici une belle mondaine,.
Mme Armande Gréhart, et le piquant est que c'est le mari, Gréhart, qui lui-même a conseillé la « manœuvre » à son ami Lursange, et s'il n'est pas trompé, ce n'est, en vérité, pas de sa faute, mais de celle des circonstances très plaisammentinventées par l'auteur. Bientôt désabusée, la pauvre Colette ne meurt point comme la Rosette d'On ne badine pas avec l'amour — ah ! non vous ne le voudriez pas ! — elle s'évade de son rôle de mannequin moral, et s'enfuit loin de Paris avec un bon petit jeune homme qui l'aime sincèrement. Tel est le simple schéma de cette jolie comédie dont les scènes sont filées avec une rare ingéniosité par un homme qui connaît son métier comme pas un, et qui jamais ne sut mieux doser
1. DISTRIBUTION. — Maurice de Lursange, M. Jean Dax. — Jules Gréhart, M. Gallet. — Gustave Marlin, M. Pierre Stephen. — Le garçon de café, M. Cueille. - L'Anglais, M. Rivière. — Michel d'Argent,.
M. Marcel Levesque. - Armande Gréhart, Mlle Marcelle Lencler. —
Mme Augusta, Mlle Marfa Dhervilly. — Simone Toupet, Mlle LéoneDevimeur.- Mlle Huberte, Mlle Madge Lanzy. — Princesse Gorseska, Mlle Ducouret. — Reine, Mlle Lemar.- Mil. Julia, Mil. Guyard.- Maria, Mlle Jane Barella. — Zanetta, Mlle Maud Loti. — Bob, Mlle Marise Roger. — Toinette de Lionne, Mlle Borel. - Mm. de Casablanca, Mlle Sylva. — Mlle Claire, Mlle Jemmy. — Mlle Joséphine, Mlle Ponty. —
Mlle Jeanne, Mlle Andreany. — Mil. Juliette, Mlle Sydney. — Nllie Valentine, Mlle Baujault. — Colette, Mlle Julielte Margel.
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le sentiment et la gaieté. Mlle Juliette Margel fut, avec sa voix adorable et câline, la tendre héroïne de l'historiette, et c'était plaisir de voir avec quelle justesse, avec quelle sobriété, elle prêtait à Colette sa délicieuse sensibilités si fine et si naturellement émouvante. Mlle Marcelle Lender restait l'élégante et sûre. comédienne que l'on connaît. Avec M. Jean Dax, sémillant et spirituel, avec M. Levesque, dans un rôle comique qui convient à son genre de beauté, avec M. Gallet qui nous semble., cette fois, sorti du modeste rang où l'avaient, depuis longtemps, remarqué ceux qui savent observer et deviner les bons artistes, avec M. Stephen, qui a toute la « sincérité » voulue, avec Mlle Marfa Dhervilly et avec Mlle Maud Loti, qui ont de la drôlerie, l'interprétation du Mannequin fut excellente.
4 AVRIL. — Première représentation du Talion, trois actes de M. Henri de Rotschild1. Pièce émouvante, mais si peu originale !. où Mlle Juliette Margel s'affirmait, une fois de plus, comédienne puissamment sincère.
10 JUIN. — Mon Bébé de M. Maurice Hennequin, d'après Baby Mine de miss Margarett Mayo, avec M. Max Dearly.
1. DISTRIBUTION. — Raymond, M. Francen. — Chabrét, M. Harry Baur. —Ravignan, M. Janvier. — Le docteur, M. Gallet. — Courtois,.
M. P. Stéphen,- Irène, Mlle Juliette :¡'Iargel.- ylm Thibaut. Mlle Marfa Dhervilly. — Scott,Mlle Lillian Greuze. - Le trottin, Mlle Barella. —
Francine, Mlle Roseraie. — Charlotte, la petite Fromet.
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THÉÂTRE APOLLO
A la Veuve Joyeuse1, dont, le 16 janvier, s'était donnée la 1000C représentation, succédait, le 10 mars, la Fille de Figaro, opéra-comique de MM. Maurice Hennequin et Hugues Delorme, musique de M. Xavier Leroux2. Déjà, dans le Barbier de Séville, nous avions entendu parler de « la petite Figaro » à qui Rosine prétendait avoir envoyé des bonbons. M. Maurice Hennequin, le très spirituel homme de théâtre que l'on sait, et M.. Hugues Delorme, le bon poéte dont, en maintes revues, nous avons applaudi les couplets si délicatement
1. DISTRIBUTION. — Danilo, M. Henry Defreyn. — Figg, M. Fernand Frey. — Popoff. M. Philippon.- Coutançon, M. H. Coutomb.- Lérida, M. Sterny. — Kromsky, M. Harvand.' — D'Estillac, M. Fracher. —
Bogdanowitch, M. Stern. — Missia, Miss Alice O'Brien. — Nadia, Mlle Perriat.. — Manon. Mlle Paulette Marcilly. — Prascovia, Mlle Rosa Holt. — Sylviane, Mlle Dorzat.
2. DISTRIBUTION. — Sanchez, M. Henry Defreyn. — Chérubin, M. Fernand Frey. — Miguel, M. Robert Pasquier.- Philidor, M. Philippon.
- — Le postillon, M. Sterny. — Le chef de police, M. Fracher. — Augustin, M. Harvand. — Le policier, M. Stern. — Figarella, Mlle Jane Marnac.- Rosine, MUe Marcelle Devriès. - Rosine, Mlle Jane Perriat.
- Dolorès de Goya, Mlle Rosa Holt. — Juana, Mlle Marvilly. — Catherine, Mlle Lativière. — Lola, Mlle Dorzat. 1
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troussés, ont eu l'idée, très heureuse, de la mettre en scène. Figarella — c'est son nom — a repris le métier de son père, et dirige vigoureusement ;'t Madrid, un établissement de coiffure — une pelnquiera — où ce sont, le croiriez-vous ? de très jolies femmes qui vous font la barbe. Mais, allez donc, je vous prie, quand on est issue d'un tel père, ne point vous mêler d'intrigue et renoncer à protéger les amoureux, surtout quand se présente, toute attristée, Rosine, la propre fille d'Al- maviva ! N'est-elle pas fort en peine d'un sien cousin, Miquel, duc de Médana, lequel, attaché en France à l'ambassade du marquis de Chérubin — Chérubin, comme cela se trouve! — semble oublier ses serments d'amour ? Figarella offre aussitôt de partir pous Paris, et la voilà quittant l'Andalousie, escortée par son amoureux, le toréador Sanchez, déguisé en vieille duègne.
Arrivée à l'ambassade, Figarella joue toutes sortes de personnages : celui d'une nièce mal élevée, puis celui d'une élève de M'fie Campan, et elle en pro- fite pour danser devant Chérubin attendri une suite de pas où Mlle Marnac — disons-le tout de suite — a déployé la grâce la plus aimable et la verve la plus endiablée. Enfin, Rosine rattrape Miquel qui s'était fortement toqué de la marquise, femme de son chef, mais il ne conviendrait pas, vraiment, que Chérubin fut trompé, et tout rentre dans l'ordre, sous la direction de Figarella, déguisée en bohémienne. Ce dernier acte se passe à l'auberge du Panier fleuri, dans un décor elJchanté. Le patron, Philidor, ancien maitre de
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ballet du ci-devant Opéra, a dressé toutes ses servantes à accueillir les clients, avec des pas et des sourires, et cela donne lieu à des mouvements de chorégraphie exécutés avec beaucoup d'adresse et d'élégance, au son d'une musique de ballet qui n'est certes pas au nombre des moins heureuses pages de la partition de M. Xavier Leroux. Oui, vous avez bien lu, de M. Xavier Leroux, le noble compositeur de la Reine Fiam- mette, s'amusant à écrire non pas précisément une opérette, mais — au moment où l'on n'en fait plus guère — un opéra-comique aussi léger que possible. Encore que peut-être un peu copieuse et un peu touffue - trop de musique : c'était, selon nous, son seul défaut — la partition bien française de la Fille de Fiqaro, de type si clair et de si agréable mélodi, était charmante d'un bout à l'autre, depuis le lever du rideau — où quelques mesures étaient destinées à nous rappeler, par un motif caractéristique du Barbier, Figaro défunt, mais quand même présent — jusqu'au ! dernier air de Figarella qui fut redemandé à son interprète en dépit de l'heure, avancée. Notons encore, musicalement, l'air d'entrée, vaguement prosodique et très amusant, du toréador; les couplets de Figarella, armée du rasoir sans doute paternel, et le finale entraînant qui proclame les joies de Paris où va nous mener l'acte suivant.
Citons alors le quintette bouffe : « Nous venons tout droit des Espagnes » ; la chanson en duo : « Autrefois, un vieux z'homard » qui est de bonne folie ; le joli duo sentimental de la marquise et
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de don Miquel; les trois danses : pavane, menuet et gigue espagnole de la triomphante Figarella ; l'air de l'ambassadeur marquis de Chérubin et le vaste ensemble de la Parisienne, sur lequel s'achève le second acte. Puis, c'est le pimpant ballet des servantes avec le refrain : « Souriez, souriez » du maître de ballet, et l'ariette mélancolique de Chérubin qu'on a voulu réentendre.
On a fort applaudi, et l'on a fait très justement un succès particulier à l'interprète principale qui vaillamment porte le poids de ces trois actes, dont elle a été la pleine joie. Mlle Jane Marnac est tout le temps en scène, et c'est tant mieux, vraiment, car comédienne excellente et d'une fantaisie extraordinaire, douée d'une voix charmante, et remarquable musicienne, elle chante adorablement et danse avec un esprit d'enfer, délicieuse, constamment délicieuse en un rôle écrasant, où nous ne savons guère qui la pourrait remplacer.
M. Henry Defreyn est plaisant au possible dans les diverses transformations de Sanchez, le bon toréador que finit par épouser la délurée Figarella.
M. Fernand Frey a dessiné avec infiniment de goût le personnage du vieux Chérubin. Mlle Marcelle Devriès, si gentille artiste, a su mettre en bonne lumière la figure un peu effacée de Rosine.
M. Pasquier est un ténor de bonne école.
Mlle Rosa Holt est une duègne amusante ; Mlle Jeanne Perriat la plus aimable des marquises. Et nous n'aurions garde d'oublier M. Philippon, qui fut à son heure l'interprète de Wagner et qui a spirituellement composé la silhouette du cabaretier-
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maître de ballet. Tous ont contribué au brillant succès de la Fille de Figaro, très joliment mise en scène et présentée dans de séduisants décors, é.vocateurs de Madrid ensoleillé ou de l'élégant Paris de 1807 1.
19 AVRIL. — Reprise de Monsieur de La Palisse, opérette en trois actes de MM. de Flers et de Caillavet, musique de M. Claude Terrasse1.
24 AVRIL. — Reprise de la Veuve Joyeuse, avec Mlle Thérèse Cernay, MM. Henry Defreyn et Fernand Frey.
15 MAI. - Première représentation à ce théâtre de Cartouche, opérette en trois actes de MM. Hugues Delorme et Francis Gally, musique de [ M. Claude Terrasse1.
16 JUIN. — Reprise de Rêve de valse, opérette jen trois actes, adaptation française de MM. XanrofT et J. Chancel, musique de M. Oscar Strauss.
L 1. — Le 15 avril la direction du Théâtre Apollo passera des mains de [M. Alphonse Franck en celles de M. Louis Maillard.
-1. DrSTRIBUTION.- Baron Placide de La Palisse, M. H. Fabert. — Don Diego, M. Philippon.— Comte Bertrand de La Palisse, M. Jean Calain.
1 Pépito, M. Sterny. — Dominiquez, M. L. Arthaud. — Saltabadil, M". Fracher. — Augustin, M. Stern. — Lopez, M. Harvand. — Beni Zouzou, M. Barril. - Inésita, Mlle S. Docin. - Dorette, Mlle Reine eblanc. — Héloïse de La Verdure, l'dUe Rosa Holt. — Augustine, Ille Elyane Dorzat. — Lola, i'i'le Vandernoot. - Françoise, Mlle Dutet.
— Biscotin, Mlle Bernard. - Biscotine, Mlle Dumond. — Mathurin, 111e Darhjse. — Mathurine, M''® Pré. — Zéphirin, Mlle Camy. - Zéphiine, "Ille Mèran. — Négresse, 'Ille Berthier.
1 1. DISTRIBUTION. — Colette, Mlle Rosalia Lambrecht. — Athénaïs de «i Sablière, Mlle Cébron-Norbens. — Dame Martine, MI'<' Rosa Holt. —
Xlie, Mlle Eliane Dorzal.- Cartouche, M. H. Fabert. - Lucas, M. Raieau.— La Sabliere, M. Massart. -Double Flair, M. Moriss — Vautraers, M. Philippon. — Bonneuil, M. Mourier. — Bouchon, M. Danselle- — Le Regent, M. Bretonnes. — Turquet, M. Fracher.
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12 JUILLET. -Reprise de la Moscotte, avec Mmes Reine Leblanc, et Boriatti, MM. Delaquerrière, Reyel, Hardel et Sterny. i
———————*" DATE NOMBRE NOMBRE de la de NOMBRE Iro repres. represent d'actes ou de la pendant reprise Tannée ® Madame Favart , • La Veuve 'Joyeuse, opérette ■••• - ® 77 Cocorico, opérette 3 ..1 La Mascotte, opérette 3 2"3 * La Fille de Figaro, opéra-comique. 3 10 mars 41 Monsieur de La Palisse, opérette. «> 19 avril 6 Cartouche, opérette. 3 15 mai 39 3 .ib~jut.n 4AUn Rêve de Valse, opérette 3 16 jui
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1915
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Réouverture, le 25 novembre 1915, avec une opérette nouvelle, en trois actes, de MM. Maurice Ordonneau et Francis Gally, musique de M. Henri Goublier fils, la Cocarde de Mimi Pinson. La pièce n'était pas simplement d'actualité : elle était de tous les temps, car l'amour d'une midinette, devenue infirmière et éprise d'un jeune lieutenant quelle a soigné et sauvé, est une histoire éternelle.
Les auteurs nous ont montré, non pas les poilus au front, mais les jeunes filles et les femmes, offrant au pays les forces dont elles disposent : le dévouement et la tendresse consolatrice. Sur cette pièce, essentiellement féministe, un nouveau compositeur de théâtre, M. Henri Goublier fils, pour ainsi. dire découvert par le directeur de l'Apollo, M. Maillard, avait écrit une partition dont un grand nombre de numéros étaient bissés d'acclamation. Bonne interprétation avec MmPS Jenny Syril, Mary Richard, Valentine Rauly, Dorzat MM. Beauval, Massart et Carlos Avril.
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THEATRE FÉMINA
Le 3 mars 1914, le Théâtre Fémina reprenait Madame Flirt, de MM. Paul Gavault et Georges Berr2. La pièce n'a guère vieilli. Elle fut jouée pour la premièrs fois le 27 décembre 1901, sur la scène de l'Athénée qui commençait à se « toutparisianiser » sous la direction de M. Abel Deval -,et le succès ne se démentit pas pendant 269 représentations. Ce fut le triomphe de la comédie à la fois correcte, gaie et sentimentale. Ces agréments divers en étaient justement dosés par des auteurs malins qui ne dédaignaient pas de se montrer malicieux. Ils ne furent ni pervers, ni
1. — Directeurs : MM. Louis Bénière et Serge Basset.
2. DISTRIBUTION. - Louis Ancelin, M. Bullier. — La Boche-Tesson, M. Alerme. — Jacques Ancelin, M. J. Normand. — Le poète, M. Trévoux. — La Cerda, M. Rouvière. — Max, M. Denieres. - Boulot, M. Ant. Stacquet. — Pigol, M. Bertel. — .La Tourelte, M. Térof. —
Etienne, M. Darnois. — Un. chasseur, M. Rollet. — Ribémond, M. Damary. — Un domestique, M. Ténac.- Marcelle, Mlle Marcelle Génial.
— Fernande de Varigny, Mme Jeanne Bertiny. — Mme La Cerda, Mlle Ritto. — MlDe Boulot, Mlle Miette Hardi. — Clémentine, Mlle Foscal'i.- Mme La Tourette, Mlle Raimon.- MmeRibémont, Mlle d'Arverne.
— Mil. Despréaux aînée, Mlle Mick. Sartys. — M"e Despréaux cadette, Mlle Blanche Ghallia. - Paul Camaret, MI:. Jane Danjou.
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audacieux. Ils escamotèrent avec grâce nos possibilités d'antipathie envers une femme infidèle qui est bien la plus gentille petite femme adultère qu'on puisse imaginer. Nous ne savons guère pourquoi elle a trompé son mari, car elle déclare ingénument l'aimer et ne nous paraît pas secouée par une explosion de sens extravagants. Mais cette brave Marcelle est si sincèrement touchée du sacrifice de l'aimable Fernande, qui prend à soncompte la faute de son amie et, au dernier acte, elle se repent si douloureusement qu'on se demande vraiment si on n'a pas affaire à une honnête femme. La vérité, c'est que, sans passion, sans raison de faillir, elle a moins d'excuse. Mais., je le répète, comment en vouloir à une pauvre victi me des hasards amoureux qui semble si ennuyée de n'avoir pas été sage et promet si gentiment qu'elle ne recommencera plus ? Nous avons été heureux d'applaudir à nouveau ce petit roman d'émotion, spirituel, orné d'épisodes ingénieux..
L'affiche de la création réunissait les noms de MM. Abel Deval, Louis Gauthier, Tréville, Bullier, Lévesque, de Mmes Valdey et Duluc. M. Bullier, seul, dans le rôle d'Ancelin, mari indulgent et naïf, restait de l'ancienne distribution. Il y est parfait de naturel. Mme Jeanne Bertiny est une « Madame Flirt » consciencieuse, humaine, dont l'allure n'est peut-être pas assez folle et assez légère pour justifier les mauvais propos du monde et dont les rosseries devraient hésiter en face de tant d'honnête bourgeoisisme. Mlle Marcelle Géniat, aux nobles silhouettes, possède la sincérité, l'émo-
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tion, les larmes. M. J. Normand a de. l'élégance et de la sûreté : c'est un amoureux que l'on prend au sérieux. Mais M. Rouvière n'a pas la fantaisie de M.Lévesque. Bien que Mlle Jane Danjou apporte dans le personnage du collégien Camaret de louables qualités d'aisance et de finesse, nous croyons que le rôle gagnerait à ne pas être joué par un tra-.
vesti. Accordons une mention particulière à M. Alerme, dont la nature essentiellement fantaisiste ouvre des horizons d'un comique irrésistible.
Oui, je sais, parfois dans cette comédie tranquille accuse-t-il un peu trop le côté fantoche du « mondain inutile », mais, c'est égal, il est bien amusant et rendra de grands services dans les pièces faites d'esprit, d'humour et d'ironie.
3 AVRIL. — Première représentation de Très lYJolliarde, revue en deux actes et sept tableaux de MM. Rip et Bousquet 1. Ce fut un très grand succès que cette revue. MM. Rip et Bousquet sont décidément les maîtres du genre. Cette fois, leur ton s'est élevé pour atteindre une grandeur vraiment satirique. Lorsque Voltaire, descendant de son socle, a dit son sentiment sur notre temps, sur notre régime parlementaire, sur l'assassinat qui a si profondément affecté Paris tout entier, une ovation enthousiaste et émue a salué l'inter-
1. — Jouée par Mlle Marguerite Deval, la Spectatrice, l'Intoxiquée, Mme Bourgeois. Cécile Sorel. — 1\111e Renée Baltha, la Jeune Mariée, la Paysanne du Danube, Phèdre. — Mlle Berthe Duplaix, Commère du 1er acte, le Beau Danube Bleu, Œnone. — Mlle Rodriguez, le Bleu Velasquez. — Mlle Delia klagdie. l'Oiseau bleu, la Danseuse de Phèdre. —
M. Signoret, Voltaire, l'Intérim, le Caporal. — M. Henry Jullien. Parsifal, Séraphin, le Colonel. — M. Magnard, le Prince de \\ïed, le Compère, le Paysan du Danube.
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prète, M. Signoret, et les auteurs de Très Mou- tarde. Puis, nous nous sommes follement divertis aux traits excellents décochés à la petite spectatrice de Parsifal, que personnifie comiquement Mlle Marguerite Deval. Et nous avons applaudi d'un bout à l'autre ces deux actes, si joliment bourrés de verve. et d'esprit, qui placent très haut, je vous dis, les noms de MM. Rip et Bousquet. Le 4 juillet se donnait la 120e et dernière représentation de Très Moutarde.
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COMÉDIE DES CHAMPS-ELYSÉES
Au Veau d'or de M. Lucien Gleize, dont le succès datait de l'année précédente, succédait, le 27 janvier 1914, La Pretentaine, pièce en trois actes de M. René Péter1. M. Henri Beaulieu n'a pas craint de reprendre la main abandonnée par M. Léon Poirier : c'est un vaillant. Et pour inaugurer sa direction, il nous donnait La Pretentaine que lui avait léguée son prédécesseur. Gentil legs, du reste. Il s'agit d'un aimable viveur, Charlie Rousseau — enragé coureur de pretentaine — qui débarque à Châteauroux pour conclure le mariage de son neveu Gaston. Et voilà que toutes ces dames de la ville s'amourachent de lui, à commencer par la tante de la fiancée et par la fiancée elle-même, qui, ingénuement, lui demande de
1. UisnujiLTioN. —■ Charlie Rousseau. M. Harry Baur, — Patapour, M Berthier. — Gaston, M. Robert Got. — L'huissier, M. Chevalet. —
Un monsieur, M. Riex. — Le poète, M. Ducar. :. Le concierge, M. Darcier. — Ca Koun, M. Godefroy. — Rose, MU. Jeanne Rosny. —
KM cette. Blanche Guy. - 1mc tie Montfernand. :Mlle Véra Vezel.Anlla. Iil. Sodi. - Imc de Lignerolles, .\IUe Gina Darlay, — La sous- 1 rélnte, M"« Marie-Reine. — Virginie, Mlle Renée Sazy. — Emihta, :\j1I.. Genia Bali:>am!l. — Engadine, Mlle Marsanne. — La jeune fille, Mlie Suze Erard. — Tango. M. Henri Beaulieu. — Irène. Niule Jeanne Lion.
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l'épouser. Rousseau s'y refuse tout d'abord, court les mers et revient à Paris, où il se décide à accepter. Ah ! qu'il fait donc bien !. Mlle Jeanne Rosny (retenez ce nom, je vous prie) est simplement délicieuse, et n'a pas peu contribué au succès de cette comédie fine et légère, d'un esprit très boulevardier. M. Harry Baur a joué avec désinvolture, et même avec quelque nonchalance, le personnage de Charlie Rousseau. M. Robert Got a fort intelligemment composé celui de Gaston, le jeune homme méthodique, qui n'est pas sans quelque analogie avec le Valentin de la Belle Aventure. Mme Jeanne Lion joue avec tact la jeune tante amoureuse. M. Henri Beaulieu s'était réservé une épisodique silhouette de rasta (Tango est son nom) qu'il a très plaisamment dessinée. —
Le 13, février, reprise du Poulailler et de la Gloire ambulancière de M. Tristan Bernard. Puis, c'est l'Amour buissonnier de M. Romain Coolus, émigrant de la Renaissance à la Comédie des ChampsÉlysées.
5 MARS. - Premières représentations de La Victime, comédie en trois actes de MM. Fernand Vandérem et Franc-Nohain1 et de Du vin dans .son eau ou l'Impôt sur le revenu, pièce en un acte de M. Tristan Bernard 2 - C'est un délicienx petit
1. DISTRIBUTION, — M. Lecherrier, M. Arvel. — Jacques Taillard, M. Paul Chevalet. — Gimblet, M. Gorieux. — Joseph, M. Richard. —
Firmin, M. Godefroy. - Gégé, la petite Juliette Malherbe. — Lucie Taillard, Mme Jeanne Lion. — Miss, Mlle Véra Vorel. — Janine, la petite Odette Carlia:
1. DISTRIBUTION. — Fobregant, M. Henri Beaulieu. — Brisset, M. Berthier. — Rabiot, M. Arvel. — Gaston, M. Robert Got. Pinsac,
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chef-d'œvvre que le roman de M. Vandérem, la Victime. Avec M. Franc-Nohain, l'auteur en a tiré troi actes, très brefs, qui ont été joués avec succès. Dans le divorce des parents, on a coutume f de plaindre les enfants : on a tort. Tel est le | paradoxe de la pièce. Ainsi le petit Gégé tire tous les avantages imaginables de la brouille de son papa et de sa maman. On le gâte, on le choie, on le dorlote, on le comble de cadeaux somptueux.
Et, tandis qu'on le plaint d'être tiraillé entre son père et sa mère, le petit Gégé rit de voir tous ses moindres désirs comblés, tous ses moindres caprices obéis. Mieux encore, quand ses parents se réconcilient malgré lui, il fait la grimace. Et quelle !. Si vous saviez avec quelle impayable drôlerie, avec quel naturel exquis joue la petite Juliette Malherbe, — à laquelle donnaient si heureusement la réplique la petite Odette Carlia (une vieille cabotine de huit ans, celle-là) et des grandes personnes. qui s'appellent Mme Jeanne Lion, et MM. Arvel et Chevalet. Puis, pour terminer la soirée, une fantaisie où M. Tristan Bernard fouaille avec esprit — vous pensez ! — les mœurs de nos parlementaires. Un député, qui porte l'épithète de modéré, est fort gêné au moment où va se constituer un cabinet radical, et il met carrément à la porte un de ceux de son parti qui tentait de le rattacher. Mais, patatras ! un moment après, c'est un nouveau ministère — maintenant modéré — qui se forme, et où l'on vient lui offrir
M. Marcel André. — Pierre, M. Godefroy. — Mme Brisset, Mme Berthe Jalabert. — Lucienne, Mlle Germaine Sodi.
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une place. MM. Berthier, Beaulieu ont donné aux types créés par M. Tristan Bernard le relief qu'il fallait.
7 MAI. — Première représentation de La Revue de MM. Battaille Henri, Jean Bastia et Deyrmon1.
Il y avait sans doute bien des longueurs et plus d'une scène inutile en cette Revue. Il s'y trouvait aussi, Dieu merci, des choses excellemment réussies, et réduite de moitié, la soirée eût été parfaite.
Avec une fantaisie charmante, M. Vilbert y fut un étonnant Ouinson, plus vrai que nature. Et nous avons également applaudi le verveux Pétard, débitant, sur la trop fameuse Commission d'enquête, des couplets malicieusement troussés, et aussi le désopilant Pléonasme, larbin féru de bergsonisme, dansant en compagnie de Mlle Spinclly, extraor- dinaire ahurie, un pas d'une irrésistible drôlerie.
Spinelly, Vilbert : saluons les grandes vedettes.
Puis, c'est l' « Institut de bonté », qui nous montre Octave Mirbeau, Thalamas, Abel Hermant, devenus contre toute attente subitement bons; c'est l'Arlésienne — la toujours adroite Alice
1. DISTRIBUTION. - Le Modèle, le Démon. Pelléas, Euphrasie, M"<! Spinelliy.— La Femine décolletée, l'Arlésienne, la Spirite, Mlle AliceBonheur. — La Glaneuse, Emlienne, Mme Jeanne Lion. — L'Héririere, Sophie, Lucie Arbeli, ;"llle Blanche Guy. — La Cruche cassée, Totote, Mlle Litian Greuze. — La Commere, Mlle Paillette Noizeux. — L'Indifferent, Mlle Raymond. — Le Sadisme, Titine, Mlle Sarah Rafaaele. —
Louison, La Petite Malherbe. — L'Aiglon, Margot. La Petite Carlia. —
Quinson, Flambeau, Pétard. Pléonasme, M. Vïlbert.- Guillaume. ) Inspecteur. Abel Hermant, Habrekorn, M. Dechamps. — Le Pompier, le , Monsieur de l'institut, Cami. M. Berthier. - L'Auteur, le Iettrie Homme, Saint-Médard, Hip, M. Robert Got. — Le Compere, M. Marcel André.— Le Directeur, nrbeau, Brisson, l'Ambassadeur, M. Chevalet. — Haltlly, le Député, le Jeune Turc, M. (Jurieu,x.- Le Reporter, un Garde Civique, Thalamas, M. La Renaudie. — Le paveur, le Paysan, le Duc d'Enghien, M. Henri Beaulieu.
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( Bonheur — que se disputent la Comédie-Fran,: çaise et l'Odéon ; le Paveur - le patron lui-même, * M. Henri Beaulieu — s'obstinant à creuser des trous dans Paris, tout en dégoisant force tyroliennes; le Saint-Médard, que représente très comiquement M. Robert Got ; la Cruche cassée, personnifiée tout naturellement par Mlle Lilian Greuze ; Emilienne d'Alençon où « chante » — mais oui !
Mme-Jeanne Lion - sans oublier, certes, la toute mignonne Odette Carlia, à qui l'on redemandait ses couplets sur le Violon d'Ingres, interprétés avec la science d'une grande cantatrice. Et il fallait voir la petite Carlia donner des ordres au chef d'orchestre ! Tout cela était vraiment très amusant. Et si artistiquement monté. Témoin la carte f du Leste, où apparaissaient — Poiret invenit — U la Grivoiserie, nue sous le tulle noir, la Gaudriole, impudiquement retroussée, un exquis Libertinage Louis XV, une terrible Débauche, et enfin une démoniaque Luxure, or et sang, rutilante de mille feux, où Mlle Spinelly faisait avec succès sa Loïe Fuller.
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THÉATRE CLUNY1
Notons, à la date du 12 mars, la première représentation de Bicard dit le Bouif, vaudeville en trois actes de MM. G. de la Fouchardière et Paul Héon2. Les pièces du théâtre Cluny échappent généralement à toute analyse. Il suffit de multiplier la somme des quiproquos avec le nombre des lits et le chiffre des caleçons pour obtenir le total du
1. — Directeur : M. Duplay; Secrétaire général : M. Fernand Xau.
2 DISTRIBUTION. — Mm. Bicard, M""! Gabrielle Châlon. — Mimi Fauvette, M'ie Marthe Gravil.- Mm. Baloche, M" 'Jane Salazac.- Mme Du- pong, Mlle De Saboval. — La darne aux lunettes, Mlle Sorel. — Nita, Mlle Yolande Gil. - Tonia, un petit télégraphiste, M"» Deniel. — Gi- nette, Mlle Cogué. — La dame au cabas, Mlle Darcy. — L'apprenti, Mlle Le Prin. — Une joueuse, MU" Blanche. — La marchande de coco, :\IlIe Grcs. — Bicard dit le Bouif, M. Coradin. — Jim Bickson, M. Antony.- Dupong, M. Charpentier. - Benjamin Préfleury, M. G. Saulieu.
— L'agent Baloche, M. Garnier. — Le commissaire de police, M. Pont.
— Anatole, M. Bellon.— La Taupe, agent des jeux; Tardimol, brigadier des jeux, M. Tresbes. — O'Connor, jockey, M. Guirec. — M. Heuri, em- ployé aux P. T. T. ; le marchand de lorgnettes, M. Pctre-Halî-isse. L'Arbi, marchand de nougat, le concierge, M. Moreau. — Le boucher.
M. Gouy. — Un monsieur, M. Paure, — Le crieur de cotes, M. Collard - Un joueur, M. Grandier. —- Un agent, M. Maurice.
r On commençait par : la Récompense, vaudeville en un acte de MM. Georges de Dubor et Jean Plémeur. DISTRUBTION. — Lolette Dupré, Mlle Yolande Gil. — Nadine Hidaut, .:\111. Deniel. — Vicomte Charles M. Tresbes. — Gaston, M. Collard.
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rire qui assure le succès. Cette fois, directeurs et auteurs ont visé, en outre, le public spécial des courses, les habitués du pari mutuel. Ils ont pensé que les gens que « préoccupe l'amélioration de la race chevaline » sont légion, et que, par conséquent, le théâtre où se jouera leur bouffonnerie sportive ira de salles pleines en salles combles.
Aussi, dès le premier acte, sommes-nous initiés aux louches mystères du pari mutuel dans la boutique d'un marchand de vin. Bicard, dit le Bouif, tout en versant l'amer Picon à ses clients, reçoit les enjeux tout en guettant la police avec laquelle, de par son métier, il est en délicatesse. Il a même fait pratiquer au fond de sa boutique une cachette à surprise, où il se réfugie quand il prévoit une descente dangereuse sui vie de rafle. Hélas ! c'est dans cette cachette pourvue d'un canapé et d'une table tournante qu'il surprend sa femme en train de le tromper avec l'agent Baloche. Le commissaire de police, survenant au même instant, arrête par erreur, à la place de Bicard, un nommé Dupong, vieux provincial bêta, naïf, noceur et.
marié, actuellement en partie fine avec la jeune horizontale Nini Fauvette. Pendant ce temps, Bicard a revêtu l'uniforme du flic Baloche, lequel reste avec son caleçon et sa courte honte, et s'en va aux courses d'Auteuil où l'appellent « des tuyaux sûrs ». Le second acte nous présente un coin de la pelouse d'Auteuil, avec ses types de joueurs, et, au fond, la reconstitution des courses en miniature, grâce à un truc ingénieux qui nous montre les chevaux galopant en diverses perspectives, et
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nous fait même assister à la chute d'un jockey piquant une tête dans la rivière. Le public s'amuse fort de ces marionnettes, cependant que Bicard, toujours dans la tunique de Baloche, est pris pour un vrai gardien de la paix et projette, pour se venger de la trahison de sa femme, de faire la conquête amoureuse de Mme Baloche elle-même.
Au cours d'une soirée de crémaillère chez Nini Fauvette, Bicard croit toucher du doigt son but adultère. Mais il ne parvient qu'à constater que, par la force des quiproquos chers au vaudeville, il est, sauf le respect que nous lui devons, une seconde fois cocu. M. Coradin était pittoresque dans le rôle du bistro-boockmaker Bicard dit le Bouif; il menait la ronde avec un entrain vivant et communicatif. M. Antony avait composé avec beaucoup de finesse et de vérité la silhouette d'un jockey anglais farceur et ivrogne : c'est un artiste consciencieux que nous retrouverons un jour ou l'autre sur une scène des boulevards.
16 MAI. — Première représentation à ce théâtre de la Chaste Suzanne, opérette en trois actes de MM. Antony .Mars et Maurice Desvallières1.
1. DISTRIBUTION. — Pomarel, M. Philippe Dolne. — Hubert, M. Jean Devalde. — René Boislurette, M. Jacques Sernin. — Alexis, M. Mirai.
— Des Aubrays, M. Kemaudine. — Charencey, M. Lorrain. — Emile, M. Bouhon. — Godet. M. Dancourt. — Vivarel, M. Delureuil. — Le commissaire, M. Buyel. — Suzanne Pomarel, Mlle Rachel Damour. —
Jacqueline, Mlle de Vouzy. — Delphine, Mlle Marquels.- Rose, Mlle Danin. — Irma, Mlle Crochet. — Mariette, Mlle Sluze. — Paillasson, ]\file Fraissinot.
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1915
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Le théâtre Cluny rouvrait, le 2 octobre 1915, avec Bébé d'Emile de Najac et Alfred Hennequin1, suivi des Surprises du Divorce d'Alexandre Bisson et Antony Mars, d'Arsène Lupin de MM. Francis de Croisset et Maurice Leblanc et de la Mariée récalcitrante de Léon Gandillot, accom- pagnée de Rosalie de M. Max Maurey. Et le 23 décembre on reprenait modestement les Huns et. les autres, pièce en trois actes et quatre tableaux de MM. Lucien Boyer et Dominique Bonnaud, primitivement représentée au théâtre Antoine avec une exceptionnelle interprétation.
1. DISTRIBUTION.— Pètillon, M. Antony.- Baron d'Aigreville, M. Charpentier. — Gaston, son fils, M. Le Gosset. — De Kernanigous, M. Ernest Dorival. — Arthur de Beauvert, M. Charles Castelain. — Coiffeur, M. Demars. — Baptiste, M. Gabriel. — La baronne d'Aigreville, Mme Gabrielle Châlon. — Diane de Kernanigous, Mlle Alice Fay. —
Aurélie de Villecouteuse, Mlle Paule Serty. — Toinette, Mlle B. Dars.- Rosita, Mlle De Sabovial.
DATE NOMBRE NOMBRE de la de dre représ. représent.
d'actes ou de la pendant, reprise l'année
Bébé, comédie 3 2 oct. 16 Les Surprises du divorce, comédie 3 1G oct. 18 Arsène Lupin,comédie. 4 30 oct. 27 La Femme X., drame. 5 20 nov. 17 La Mariée récalcitrante, comédie 3 4 déc. 21 Rosalie, comédie 1 4 déc. 19 Les Huns. et les Autres, revue '3 a. 4 t. 23 cléJ. 15
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THÉATRE DÉJAZET1
Une brève histoire que celle du théâtre Déjazet <m 1914. Le succès des Dégourdis de la 11e de MM. A. Mouëzy-Eon et Ch. Daveillans2, a tenu une grande partie de l'année 1914, où nous nous contenterons de noter, à la date du 4 mai, une reprise du Papa du Régiment, joué de verve par MM. Leriche, de Livry, Frétel, Franck, Melvil, Darteil, Sidonac et Venant, Mmes James, Tarlet, Lorza, Noël et Marvil.
Ajoutons que le souvenir du regretté Léon Gandillot, si souvent, si longtemps applaudi au théâtre Déjazet, sera extérieurement perpétué par un beau médaillon dû au ciseau de M. Pedro Gailhard, l'ancien directeur de l'Opéra, sculpteur à ses heures
1. Directeur : M. Georges Rolle.
2. DISTRIBUTION. — Lina Vermillon, Mlle Germaine de Nixo. — Hortensia, Mil. Alexia d'Aryola.- Mathilde, Mlle M.-Th. Lorza.- Isabelle, Mlle Y. Marville. — Amélie, Mlle G. Rochetty. — Colonel Touplatd, M. Ch. Leriche. — Général Bournous, M. A. Frétel.- Patard, M. H. de Livry.- Le Bailleul, M. Dommereuil.- Capitaine Cromiéres, M. Franck.
— Pomme, M. A. Melvil. — Salé, M. P. Dorteuil.
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de loisir. La réception en fut faite par M. Georges Rolle le 22 janvier 1914 en une touchante cérémonie qui permit d'applaudir d'éloquents discours de MM. Jacquier, sous-secrétaire d'Etat des Beaux- Arts; Robert de Fiers, président de la Société des Auteurs dramatiques; Dausset, conseiller municipal du troisième arrondissement, et André Antoine, directeur de l'Odéon.
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1915
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Réouverture, le 16 octobre 1915, par la première représentation des Fiancés de Rosalie, pièce nou- velle en trois actes de MM. A Mouëzy-Eon et Ch.
Daveillans1. Il s'agit d'une escouade qui, sous le commandement d'un caporal joyeux mais superstitieux, a toujours de la chance dans ses cantonnements et ses aventures. Un jeune séminariste, mobilisé, vient dans ses rangs. Portera-t-il bonheur à ses camarades ? Le caporal en doute. Mais la nouvelle recrue, après avoir donné une belle preuve de son courage, s'aperçoit que sa vocation religieuse n'était pas très certaine ; il décide de renoncer aux ordres après avoir été cité à l'ordre de l'armée. Et il épousera une charmante jeune fille qui a dédaigné un cousin embusqué. L'escouade trouvera dans le-château un cantonnement magnifique. On pense, un instant, à l'aimable Bourgeon de Georges Feydeau, mais la situation reste nouvelle et tout à fait du temps présent comme en toutes les scènes militaires que MM. Mouëzy-Eon et Ch. Daveillans traitent avec la finesse de touche
1. DISTRIBUTION. — Huguette, Mlle Madeleine James. — Hermance, Mlle Berthe Richard. — Mme Bique, Mlle Berthe Barsac. — Anna, Mlle Emma Noël. — Le marquis de Coulon, M. J. Juvenet. - Le caporal Truchon, M. A. Melvil. — Daniel, M. Brévannes. — L'adjudant, M. Franck. — Loupiot, M. Derouet. — Fouille-Tourte, M. Guercy. —
René, M. Hanel. — Lesbignac, M. Gobin.
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et le don dramatique qui leur assurèrent déjà des succès si francs, si prolongés. L'interprétation est excellente. M. A. Melvil, dans le rôle du caporal, est d'une fantaisie, d'une bonhomie et d'une mesure remarquables. M. Brévannes montre beaucoup de tact et d'habileté dans celui de Daniel; M. Jouvenet a de l'autorité ; Mlle Madeleine Jammes, de la grâce; Mlle Berthe Richard, de la dignité comique, et Mlle Barsac de la verve.
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THÉATRE DES ARTS
D'un spectacle copieux auquel nous conviait, e 21 février 1914, M. Irénée Mauget, l'inlassable directeur du Théâtre des Arts, nous « sortirons » deux pièces — sur quatre, c'était déjà la bonne mesure. La première — de M. Raphaël Valabrègue — s'intitule Le Bon .Bernard est un mari heureux, et nous démontre un peu longuement « qu'un homme a souvent intérêt à être trompé par sa femme, lorsque celle-ci, d'humeur acariâtre, se transforme dès quelle possède un amant, en une femme souriante et gaie. Le bon Bernard veut donc que son ami Davenay soit trompé et heureux comme lui ; or, l'ami résiste, et après une fausse alerte (il a surpris sa femme avec un jeune homme, mais il est prouvé — n'est-ce pas - bien naïf ? — que ce jeune homme est le frère de la dame) se proclame fier de la fidélité de sa compagne. Bernard ne fera pas école et restera seul avec son cocuage et son bonheur. Parmi les interprètes, citons M. Picquart, dont les intonations
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nous ont rappelé la belle voix grave de M. Hervé, de l'Odéon. La Grande Poupée, de M. Alfred Bonnette, eût été acclamée au Grand Guignol.
« L'épouse d'un comédien ivrogne soupe, un soir de Noël, avec un ami de son mari. cependant que celui-ci fait la fête et que sa petite fille dort dans son dodo et rêve à Noël qui lui a promis une belle poupée. Or, le comédien rentre, entend sa femme chanter et rire à côté, et furieux, il l'étrangle aussitôt quelle reparaît au logis. Le crime accompli, il se sauve. Alors l'enfant se réveille pour voir si Noël lui a donné une belle poupée, et, dans l'ombre, il touche. le cadavre de sa mère ! »
17 MARS. — Sophie Petrovska, pièce en quatre actes de M. Maurice Verneuil ; Le Cousin riche, comédie en acte de M. Charles Foley. Etrange spectacle qui pouvait dégénérer en inutile tentative.
M. Maurice Verneuil est un tout jeune homme qui nous a soumis un bien timide essai. Quatre actes courts et incomplets, sans analyse ni profondeur.
Un scénario de pièce sur le nihilisme russe, lors de l'attentat perpétré contre le tzar Alexandre II.
Quelques tirades enflammées genre Grand Soir, mais semées de puérilités déconcertantes. Aux endroits les plus pathétiques, la salle fut forcée de sourire. Manque d'expérience ; enfantine bonne volonté d'un jeune écrivain qui a devant lui un long avenir de labeur et d'espérance. Fille du gouverneur de Saint-Pétersbourg, Sophie Petrovska s'enfuit de chez ses parents pour répandre parmi le peuple la bonne parole socialiste. Elle se trouve mêlée au complot contre l'empereur. Une bombe
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éclate: Alexandre II est mort. Une minute après, coup de grosse caisse. Qu'est cela ? Alexandre III qui monte sur le trône, Sophie Petrovska, qui a refusé de fuir, est emprisonnée. La porte du cachot s'ouvre : « Ma mère, peut-être ! » — Non !
C'est le bourreau ! La pièce fut interprétée par une troupe incolore., dans laquelle nous signalerons Mlle Marguerite Vanda que hante pauvrement le souvenir de Véra Sergine, et qui, d'un geste triomphant, a, dans la salle, désigné l'auteur à l'admiration publique. Le Cousin riche est un acte sans grande consistance. M. Charles Foley, le délicat romancier, a fait mieux et fera mieux encore que l'histoire de ce couple de bourgeois qui flattent leur cousin quand il est riche, le mettent à la porte quand ils le croient pauvre et lui sourient de nouveau quand ils le rejugent fortuné — cependant que la jeune fille de la maison fait exactement le contraire, inditfé-
rente à la richesse, sympathique à la pauvreté.
Hlle Régina Camier ne nous a pas paru faite pour jouer les ingénues : nous l'apprécierons mieux quand elle aura beaucoup travaillé.
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TRIANON-LYRIQUE1
Le 18 février, le Trianon-Lyrique nous donnait le Roi des Montagnes, opéra-comique en trois actes d'après Edmond About, de MM. Victor Léon et Maurice Ordonneau, musique de M. Franz Lehar. - 'A la veille d'entendre le Roi des Monta- gnes., nous avions eu l'idée de nous rajeunir en relisant, après tant d'années, le célèbre roman d'Edmond About dans la jolie édition qu'illustra Gustave Doré. Edmond About, Gustave Doré !
Comme tout cela est loin ! Le livre, qui date de 1856, est resté spirituel. La pièce qu'en a récemment tirée M. Victor Léon pour M. Franz Lehar,
1. — Directeur : M. Félix Lagrange ; Secrétaire général : M. Charles A kar.
2. DISTRIBUTION. — Hadji-Stavros, M. Sainprey. — Bill-Harris, M. Delgal. — Périciés, M. Gerbert. — Docteur Clerimay, M. José Théry. — Christodulos, M. Brunais. — Thomas Barlay, M. Paul Saint.
— Tambouris, M. Bourgueil. — Phalatis, M. Leclerc. — Spiro, M. Lauriére. — Kotzida, M. Martiny. — Miss Mary Ann, Mil. Rosalia Lambrecht. — Photini, Mlle Wanda Léoné. — Mistress Gwendoline Mil. Jane Ferny. — Marula, Mllc Labarthe. — Dimitry, Mil. lIfarthony.
Orchestre dirigé par M. Laporte.
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le triomphant compositeur de la Veuve Joyeuse, fut jouée à Vienne sous le titre de l'Enfant princier. Elle a été très ingénieusement adaptée par M. Maurice Ordonneau, toujours si habile librettiste. Elle nous arrivait directement de Bruxelles et obtenait ici, au Trianon-Lyrique, un très vif succès. En quelques mots, voici l'intrigue, où se mêlent fort adroitement l'élément dramatique et l'élément comique. Hadji-Stavros a, comme le procureur Hallers, une double personnalité. Bandit à la montagne, il est prince de Parnes à la ville, et, en cette qualité, il a élevé une fort gentille fille qui répond au doux nom de Photini.
Celle-ci promet imprudemment sa main à un galant officier de la marine américaine à condition — aïe!
— qu'il débarrassera le pays du terrible bandit que, naturellement, elle ne sait pas être son père.
Et vous voyez d'ici les péripéties. Elles s'augmentent d'une Anglaise ridicule que le Roi des Montagnes a capturée en même temps que sa fille, la romanesque Mary-A nn. Et Mary-Ann devient immédiatement amoureuse de son ravisseur qui, à son tour, la trouve ravissante. Scène de flirt.
Hadji-Stavros a pourtant fait reconduire ses prisonnières en Athènes. Redevenu prince de Parnes pour revoir une dernière fois Mary-Ann sur le navire qui doit la reconduire en Angleterre, il est reconnu par l'officier yankee et va être livré à la police athénienne — qui décline avec empressement un tel honneur — lorsque apparaît Photini.
L'officier veut démasquer le bandit, mais celui-ci l'adjure d'avoir pitié de son innocente fiancée; le
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prince de Parnes s'expatriera, et pour que sa fille soit heureuse et que son gendre ait un beau-père avouable, il deviendra — il le promet du moins — un honnête homme. Pour le Roi des Montagnes, qui nous a fait songer à Fra Diavolo, M. Franz Lehar a écrit une séduisante partition d'opéracomique, délicate et tendre, où ne domine pas, comme vous pourriez le croire, la valse lente d'essence viennoise. Toujours mélodique, bien sonnante aussi, elle fut vaillamment conduite par le maëstro Louis Laporte, un excellent musicien que nous avons connu second chef aux Concerts Colonne. Le public de Trianon ne laissa pas de réserver à l'œuvre et à ses interprètes l'accueil le plus flatteur. M. Sainprey, un Hadji-Stavros qui a dû passer par Toulouse, a chanté tout son rôle d'une voix supérieurement timbrée, et a dit avec infiniment de charme, entre autres bonnes pages, une jolie « berceuse » qu'on lui a justement redemandée. Puis nous avons eu le vif plaisir de retrouver, toujours sur la brèche, Mlle Rosalia Lambrecht, si belle et si crâne cantatrice, si intelligente et si adroite comédienne. Et à côté de la très valeureuse protagoniste il fallait applaudir Mlle Wanda Leone, qui ne manquait pas de grâce; Mme Ferny; MM. José Théry et Brunais qui avaient vraiment le sens du comique. Ajoutons que le Roi des Montagnes avait été monté par le directeur prodigue, M. Félix Lagrange, avec un goût dont témoignaient de luxueux costumes et de pittoresques décors.
Répertoire éclectique. La Traviata, les Mous-
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quetaires au Couvent, Boccace, la Vivandière, la Fille de Mme Angot, Zampa, Miss Hélyett, Manette, de M. André Fijan ; la Fille du Régiment, Galathée, le Petit Duc, les Dragons de Villars, Véronique, les P'tites Michu : tels furent les divers ouvrages qu'applaudirent successivement en 191/1 les fidèles habitués du Trianon-Lyrique.
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1915
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En janvier 1915 les artistes du Trianon-Lyrique avaient obtenu de leur directeur, M. Félix Lagrange, l'autorisation de donner en soirée comme en matinée des représentations à leur profit. C'est ainsi qu'ils jouaient successivement les Petites Michu, la Fille du Régiment, les Dragons de Villars, Ordre de l'Empereur, le Roi l'a dit, le Maître de Chapelle, la Mascotte, le Cœur et la Main, le Voyage en Chine, Véronique, le Jour et la Nuit, Si j'étais Roi, les Noces de Jeannette, l'Oncle Célestin, Gilette de Narbonne, Giralda, le Grand Mogol, Ahss Hélyett, Y Oiseau bleu, de M. Charles Lecocq, le Val d'Andorre, la Cigale et la Fourmi, le Songe d'une nuit d'été, les Saltimbanques, la POl/pee.
M. Félix Lagrange avait personnellement repris possession de son théâtre, et nous donnait, le 23 décembre, la première représentation de Fils d'Alsace, épisode lyrique eu trois actes. La grande guerre aura produit, comme la Révolution française, tout un répertoire de pièces de circonstance. Fils d'Alsace apparlient à ce cycle littéraire. Un jeune Alsacien, Charles Wolden, a
1. — MM. Sainprey, Jouvin, José Théry, La Taste, Aristide. Paul Saint, M »ies Jane Morlet. Samson, Wanda. Leone. Ferny, Labarthe, Mme Neuillet-Caussade, MM. Bouteloup et Jacques Distrei.
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épousé une Allemande, ce qui ne l'empêche pas, quand la guerre éclate, de devenir soldat français ; mais un jour il passe au village voisin encore occupé par l'ennemi. Il est signalé comme transfuge, et le capitaine Sommerard qui devait épouser sa sœur Suzel, ne veut plus entrer désormais dans une famille déshonorée. Charles n'est pas un traître. Il n'a pas su résister à la tentation d'aller embrasser sa femme et son enfant nouveau-né dans les lignes allemandes. Il répare cette faute par son courage et reparaît avec un drapeau pris en combattant. L'honneur est recouvré et Suzel épousera Sommerard. MM. Saimprey, Jouvin, José Théry, Bouteloup, Mmes Jane Morlet, Neuillet-Caussade, sont les scrupuleux interprètes de cet émouvant petit drame lyrique dont M. Bouteloup, un des acteurs, a écrit le livret et M. Lempers la musique.
Le compositeur dirige l'exécution de son œuvre.
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THÉATRE DE L'ŒUVRE
Le 1er avril 1914, l'Œuvre nous avait donné, sur la scène du Théâtre Antoine, accompagnés des Pygmées, deux actes, de M. Pierre Bienaimé1, la Danse des Fous, comédie en trois actes de Léo Birinski, adaptation de M. Maurice Rémon2. Traduite en toutes les langues, même en japonais, jouée le même soir dans quinze villes différentes la comédie satirique de M. Birinski, la Danse des Fous, excita partout une vive curiosité. Curiosité justifiée par l'ironie gaie, le scepticisme exhilarant qui se dégagent d'une observation de mœurs, souvent poussée à la charge. Il semble que l'auteur,
1. DISTRIBUTION.— Julie, M.,e Léonie Richard. — Le docteur, M. Mux Barbier. — L'abbé, M. Pierrel. — L'étranger, M. Marcel Blancard. —
Grosclaude, M. Cerny.
2. DISTRIBUTION. — Elisabeth, Mlle Vernoux. — Masha, Mil. Gaby Kessel. — MOI. Lapkin, Mil. Du Rieux. — Catherine, Mlle Léonie Richard. — Anfissa, Mlle Nelly Turner. — Mishka, MUe Franconi. —
Le gouverneur, M. Jean Froment.— Kosakow,M. Savoy. — Le secrétaire M. Blancard. — Kolia, M. Armand Bernard. — Nikita, M. Lugné-Poé.— Goldmann, M. Cerny. - Lendsky, M. Zadig. — Alexis, M. Adet. —
Foma, M. Lacressonnière. — Pawlow, M. Perdou. — Isidore, M. WctUIo, — Davidow, M. Portal. — Horowitz, M. Carmin. — Balukin, M. Pieri-el-
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après tant de tragédies révolutionnaires, de tentatives libertaires noyées dans le sang des anarchistes russes, se soit décidé à ne pas prendre tout cela au sér ieux. La Danse des Fous, c'est-à-dire l'agitation inutile de pantins politiques et sociaux - et aussi la danse des idées généreuses jetées au hasard comme le grain qu'on sème, et qui vole, et qui tombe, et qui germe au hasard du vent qui souffle.
Et aussi la danse de l'ambition, de la corruption des fonctionnaires, qui finit par entraîner, dans son tourbillon destructeur, les poètes qu'agite l'idéal social, victimes naïves de leur élan de charité. Cependant — et c'est pour être autorisé à toutes les audaces — l'auteur a pris pour point de départ une donnée d'opérette. Un gouverneur de province de la Russie méridionale, vieux, grotesque, ambitieux, craint de n'être plus en faveur en haut lieu, car il n'a à réprimeraucun complot anarchiste. Si la province reste à ce point tranquille, quel prétexte aura-t-il pour demander que la police de Pétersbourg lui envoie des fonds destinés à la répression ? Sans compter que le bruit peut se répandre qu'il lance de fausses nouvelles d'agitation politique: il risque alors la Sibérie. Pour sauver sa situation, il organise donc un faux complot. Son secrétaire tirera par la fenêtre quelques coups de revolver ; on criera : « Au meurtre ! » Le gouverneur simulera des blessures et le tour sera joué. Or, cette province est le refuge d'une bande d'étudiants révolutionnaires ; se trou- vant là en sûreté précisément par le défaut d'atten- j tats ils se sont opposés à toute manifestation bru- j
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tale qui donnerait l'éveil sur leur présence réelle en faisant naître des perquisitions. Le second acte nous montre précisément une réunion de ces étudiants. M. Birinski y a habilement et comiquement exposé l'incohérence et \a candeur d'esprits enthousiastes, qui, hypnotisés par le bonheur de l'humanité, incapables de réaliser leur rêve, cherchent à le formuler en des mots vides et sonores dont chacun comprend le sens différemment. Les diverses questions sociales y sont effleurées : l'antimilitarisme, les lois agraires, le féminisme, la diffusion des écoles, le problème juif. Tout le monde parle en même temps — personne n'écoute.
Et au sein de ces tentatives d'envolée plane le symbole du peuple en la personne d'un vieux moujick tremblant et pitoyable qu'on cherche à faire entrer dans les discussions de haute portée sociale, à qui on demande son avis, et qui, ignorant, asservi, dominé par la crainte, ne sait que répondre : « Permettez, petit père, qu'on ne me fasse pas de tort ! » Jusqu'au moment où, symbole du peuple, victime de sa faiblesse même et de' sa résignation, c'est lui que le maître emprisonne à coups de pied dans le derrière. Brusquement un des étudiants vient annoncer une grave nouvelle. Un attentat (le faux attentat) à été commis.
Ainsi la sécurité de tous se trouve compromise.
Que faire ? Pour empêcher les perquisitions et les recherches de complices, il faut que l'un d'eux, au hasard, se dénonce. Il avouera avoir tiré, non par haine politique, mais pour une raison intime : la jalousie passionnelle par exemple. Et c'est pour-
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quoi celui qu'on envoie se dénoncer, c'est-à-dire à la mort, sera l'amant de la femme du gouverneur.
Alors les têtes se découvrent, et en l'honneur de la victime expiatoire, tous, respectueusement, douloureusement, entonnent l'hymne des esclaves. Cet acte, vraiment curieux, d'une psychologie pittoresque, finit presque en beauté. Le troisième acte est de pur vaudeville. L'étudiant qui se dévoue est accueilli comme l'ami de la maison ; mais, dès que le gouverneur comprend qu'on est venu lui parler de l'attentat, il croit qu'on a deviné son subterfuge et ne veut rien savoir. — « Le meurtrier, c'est moi ! » crie obstinément l'étudiant, le visage illuminé par son sacrifice. « Il est devenu fou ! » con- clut le gouverneur qui flatte sa manie, et l'adjure pourtant de consentir à ne pas se faire mettre en prison. Il va même, sachant qu'il est trompé, jusqu'à lui donner sa femme. Enfin, il apprend la vérité: la caisse de la conspiration nihiliste est cachée dans son propre palais. Il laisse croire alors aux révolutionnaires qu'il fait avec eux cause commune pour pouvoir voler l'argent. On voit ce qu'une telle donnée ainsi traitée comporte d'ironie sanglante et d'amère satire. La conquête des réformes sociales s'obtient plus souvent au théâtre par le rire que par la violence. L'auteur l'a bien compris et a écrit une étude savoureuse de mœurs russes qui, par notre public français, a été très goûtée et fort applaudie. Il fallait louer, pour sa mise en scène vivante, M. Lugné-Poë, qui avait campé avec puissance la silhouette falote et douloureuse du moujik qui voudrait qu'on ne lui fasse
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pas de tort. — Et tel était l'effet de la Danse des Fous, donnée par l'Œuvre, que M. Gémier s'emparait immédiatement de l'intéressante pièce de M. Birinski pour l'annexer à son théâtre, où elle faisait affiche avec la joyeuse Tontine.
6 JUIN. - Dans la salle du Théâtre Malakoff, première représentation de l'Otage, drame en trois actes de M. Paul Claudel. M. Paul Claudel est un esprit, disons même une « âme » supérieure. Ceci est indéniable. Il s'attaque à des problèmes philosophiques de' haute envolée. Sa pensée étonne en profondeur. Parfois même, elle donne le vertige omme au bord d'un abîme qu'on pénètre mal, ont on ne sait apercevoir le fond. Mais, précisément à cause de ces qualités d'un autre ordre que celles dont relève l'art dramatique, M. Paul Claudel en mettant au jour des dialogues souvent admirables, parfois d'une obscurité gênante pour le imple spectateur, ne fait pas œuvre de théâtre.
on qu'il ait tort de qualifier sa pièce de drame.
Drame veut dire action. Et l'action comprend aussi bien des tempêtes intérieures. Pourtant, le théâtre vit avant tout de vie extérieure. Le déveoppement de la pensée y doit être encadré de gestes humains. M. Paul Claudel ne se préoccupe que d'extra-humanité. Ses conflits prennent ainsi un caractère quasi symbolique. Ses personnages ous sont inaccessibles, étant en haut de la monk ; 1
1. DISTRIBUTION. — Sygne de Coûfontaine, Mlle Eve Francis. -
e baron, puis comte, Toussaint Turelure, préfet de la Marne, puis de la eine, M. Jean, Froment. — Le vicomte Ulysse-Agénor-Gèorges de oûfontaine et Dormant, M. Max Barbier. — Le Pape Pie, M. José avoy. — Le cure Badilon, M. Lugné-Poë.
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tagne. Ils restent héroïques et divins. Une auréole, les nimbe : telles ces figures de vitrail qui sem blent s'animer sous l'action d'un rayon invisible prêtes à se détacher de leur cadre gothique, s'avancer vers la foule croyante et agenouillée. 1 s'agirait une bonne fois de s'entendre et de ne rien exagérer. A force de combattre le théâtre trop facile, on a donné naissance au théâtre trop diffi cile. Et nous voici en pleine littérature. Alors don nez-moi un livre. Je n'ai besoin ni de décors ni de rampe qui limitent le champ de ma pure imagina tion. On me répondra : « L'idée gagne à ètre énoncée, ponctuée; elle a besoin de la voix, du geste» — Non : les hautes pensées s'abaissent à être maté rialisées. Laissez-moi lire, feuilleter, tourner e retourner les pages, prendre mon temps pour comprendre — puisque l'auteur, lui, a pris tout son temps pour enfermer tant de choses en une phrase, en un mot, et qu'il a réussi à manquer de clarté. Je parle de la forme, car l'Idée, chez M. Paul Claudel, est toujours éclatante. Il s'appa- rente directement avec M. François de Curel. Rappelez-vous l'Envers d'une sainte. Mais M. de Cure] est plus près de l'humanité. Nous sommes en France, sous l'Empire. Napoléon 1er fait la campagne de Russie. Un royaliste fervent, le vicomte Georges de Coûfontaine, commet un rapt audacieux il enlève le Pape, l'emmène de Rome en Champagne, où il le séquestre dans un couvent en ruine qui fait partie de son domaine. Par cet otage, 1 espère le rétablissement de la royauté. Cela consti tue un premier fait noyé dans les discussions poli
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tiques et religieuses. Mais on sait que la religion est le pivot du drame. Sygne de Coûfontaine, cousine de Georges, habite seule les restes du couvent ancestral. Elle vit en état de sainteté et de virginité. Depuis longtemps elle n'a vu son cousin qui, marié et père de deux enfants, poursuit sa route d'aventures et combat pour ses idées féodales. Elle le retrouve, ayant perdu sa femme et ses fils.
Voulant sauver son nom de l'oubli, et aussi, préserver sa terre familiale, il forme le projet d'épouser Sygne dont il est aimé depuis l'enfance silencieusement. Elle accepte dans un élan de bonheur. La scène est belle, c'est la meilleure du pret mier acte, un peu perdu dans la diffusion du dialogue. Le second acte s'élève infiniment. Durant les troubles révolutionnaires, Sygne a été protégée, sauvée par la complicité de Toussaint Turelure.
Qu'èst-ce que Tureluire ? Le fils de la servante ¡ qui éleva la jeune fille. Par arrivisme, il suivit la progression des régimes ; c'est ainsi que son républicanisme accepta un baronnat de l'Empire. Il ne répugne à aucune concession au gré de sa conscience élastique. Or, il aime l'héritière de Coûfontaine avec son orgueil âpre de parvenu. Il a hésité jusqu'ici à le lui dire. Mais voici qu'il apprend la séquestration illégale du pape. Il est préfet du département : il n'a qu'à donner un ordre, et le représentant suprême de Dieu, de l'Eglise, est sacrifié. Que Sygne devienne sa femme, et le pape lest sauvé. Sygne est indignée, son amour pour 1 Georges se double de son horreur physique et morale pour Turelure; elle chasse le misérable qui
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lui donne vingt-quatre heures de réflexion. Ici se place la scène capitale de l'œuvre, - celle pour laquelle la pièce a été écrite ; elle pourrait se détacher, et précédée d'un simple argument, elle deviendrait un modèle de perfection psychique.
Sygne est interrogée par son directeur de conscience, un vieux curé, représentant extrême et soutien excessif de la Religion. Il exige de la jeune fille le complet sacrifice. C'est un cadeau qu'elle fait à la Divinité, au Christ à qui elle doit offrir l'abandon de sa pudeur de femme et de son âme heureuse. Sa croyance, sa foi la soutiendront, l'amèneront à vaincre les révoltes de sa chair, à libérer les sentiments supérieurs d'une âme que son corps emprisonne. Il faut qu'elle épouse Turelure pour sauver le Saint-Père, et même qu'elle plie sa volonté à respecter le sacrement du mariage en faisant d'elle, sans restriction, sans arrièrepensée, une épouse ardente de fidélité. C'est le renoncement définitif à l'amour dont elle avait si longtemps désespéré et qu'enfin, enfin, elle avait entrevu !. Et ce prêtre n'est pas un prêtre retors : c'est un paysan d'âme simple, un religieux logique, un soldat instinctif de Dieu ; il est à son
sens l'homme du Devoir : pour lui le sacrifice est une nécessité inéluctable. La jeune fille comprend et se soumet, repoussant désormais les poussées 1 de l'instinct ; les yeux fixés sur le buste céleste, la lumière divine, elle commence à gravir, héroïque et lamentable, le chemin de la croix. Nous la retrouvons, au troisième acte, mariée à Turelure. Elle est mère. Dans la pièce à côté, on baptise son
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enfant selon les rites républicains: le bébé reçoit <( sur sa bouchette une goutte de liqueur champenoise ». Sygne revoit Georges de Coûfontaine à qui le roi a donné le mandat secret de. traiter de la reddition de Paris avec Toussaint Turelure, actuellement préfet de l'Empereur. Sur l'ordre de son mari, Sygne prête à tous les renoncements, s'emploie à obtenir la signature de son cousin, demandant au roi d'accorder à Turelure le titre de comte de Coûfontaine. C'en est trop : Georges, ainsi dépouillé de ses ambitions les plus chères, laisse éclater son amertume. Il accuse sa cousine de parjure. Elle l'a trahi pour Dieu, « lequel est entouré d'amis », tandis que veuf sans enfants, il reste, lui, seul, sans soutien moral, sans consolation. Fou de haine, il dirige son pistolet contre Turelure qui riposte et le tue. Mais Sygne, en se jetant entre les deux adversaires, a reçu la balle destinée à son mari. Et pendant qu'elle agonise, Turelure, en une scène curieuse, interroge la mourante qui reste muette, cherche à lui arracher les paroles nécessaires à ses intérêts, lit ses refus sur ses lèvres. Il lui propose un prêtre. Non, elle ne veut pas le voir, car il l'amènerait peut-être à lui pardonner. Mourant sans confession, il la menace de l'éternelle damnation. Elle ne dit mot, entêtée jusqu'à son dernier souffle, dans sa haine et dans son sacrifice. Elle reste l'admirable prisonnière de sa foi : l'otage. J'insiste. A réfléchir devant cette œuvre aux qualités profondes, un lecteur trouvera un plaisir plus grand, plus complet que le nôtre, car il pourra s'attarder non seulement sur certaines
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intentions imprécises, HÏËHS aussi sur quelques pures beautés. En confiant au livre seul l'Abbesse de Jouarre, Caliban et la Fontaine de Jouvence, Ernest Renan n'a rien perdu de sa grandeur. Il y a gagné en sérénité. A la représentation, l'Otage a, obtenu un succès religieux. La messe est aussi un spectacle : elle ne relève pourtant pas de la rubrique théâtrale. Les interprètes furent émouvants et solennels. Mlle Eve Francis réalisa une belle figure de vitrail : sa voix a le timbre chaud d'une Suzanne Desprès, et certaines intonations semblent imitées de la grande tragédienne. M. Lugné-Poë fut très curieusement un curé humble, inconscient et tenace. Le Pape , puissant et affaibli, doux et terrible, effacé et énergique, fut composé avec grand art par M. José Savoy M. Max Barbier nous- donna un royaliste convaincu et douloureux et M. Jean Froment un Turelure à la fois roublard et brutal, d'un relief commun et violent.
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CERCLE DES ESCHOLIERS
Les Escholiers, aux destinées desquels préside avec autant d'aimable activité que de réelle compétence M. Auguste Rondel, nous offraient, le 1er avril 1914, à la salle Villiers, un spectacle composé de la Consultation improvisée, un acte de M. Abel de Montferrier, 1 de Nouche, un acte de M. René de Kerdyck 2, et de l'Etoile du foyer, trois actes de M. René Wisner3. — Nouche, de r M. René Kerdyck, a plu par sa psychologie juste et élégante, et aussi par de réelles qualités de dia-
1. DISTRIBUTION. — Adeline, Mlle Georgette Armand. — Hector, M. Fernand Joachim. — Le baron, M. Maurice Tuet.
2. DISTRIBUTION. — Nouche, Mlle Jane Danjou. — Lucien, M. Victor Francen. — .Max, M. Lucien Dayle. — Raymonde, Mile Simone Frevalies.
3. DISTRIBUTION. — Frédérique, Mlle Andrée Mèry. — Mme Langeland, Mlle Mariette Lelières. — Mme d'Avenay, Mlle Gabrielle Géraldy. —
Mme Savigny, MJle Gilberte. — Eve de Rêve, Mlle Laura Lukas. —
Watson, Mlle Andrée. — Holden, Mlle Gladys. — Jeanne Bertienne, Mlle Eve Lesville. — Madrigue, M. Candé. — Lucien Randal, M. Henri Rollan. — Albeau-Malval, M. Gabriel Frère. — Doriet, M. Paul Ichac.
— Lengeland, M. Gaston Fred. — Max Niveline, M. Jean Petine.— Un reporter, M. Fernand Joachim. — Pierre, M. Georges Stern.
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logue. Lucien a Nouche pour maîtresse. Il sait toute la tendre affection de cette gentille midinette, regrettant seulement que sa culture intellectuelle l'amène par exemple à croire que les Pensées de Pascal soient un traité de botanique. Il attend en sa villa la visite de Raymonde, une amie d'enfance, mariée , depuis, et que peut-être il aurait bien fait d'épouser. Nouche redoute la comparaison. Ses craintes se justifient, car, en un tète à tête ardent, Lucien propose à Raymonde, qui accepte, un voyage définitif à Venise. Elle quittera son mari. Il abandonnera Nouche. Mais Raymonde le convainc qu'elle n'a pas le droit de désespérer l'amoureuse qu'elle est, honnête et sincère. Le voyage ne se fera pas. Le sujet, simplement agréable et léger, se relève, je le répète, d'un dialogue charmant et sensible. M. Kerdyck semble né pour le théâtre. Il a été fort applaudi, ainsi que ses interprètes, Mlle Jane Danjou, délicieuse en petite femme qui aime, M. Victor Francen, jeune premier correct, à la voix chaude et sympathique, Mlle Frévalles, élégante et gracieuse, et M. Lucien Dayle, toujours fort consciencieux.
L'Etoile du foyer a pour auteur M. René Wisner qui s'attaque de préférence à des sujets de thèse.
N'a-t-il pas déjà traité avec succès la s ituation précaire des officiers pauvres? Aujourd'hui, il s'en prend directement au bas-bleuisme. Sujet ingrat, comme tous ceux qui traitent d'un monde spécial, en dehors de la vraie humanité. En effet, les littérateurs ou les comédiens évoquent un milieu factice qui ne va pas au cœur du public. C'est que,
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par la nature même de la profession, les sentiments en sont faussés. Et c'est précisément, à tort ou à raison, ce qui séduisit M. Wisner. Il établit le conflit entre deux écrivains, le mari et la femme, Madrigue et Frédérique. Le mari, déjà célèbre, songe à l'Académie. Et voilà que Frédérique est prise de la démangeaison d'écrire, et qu'on lui découvre un talent supérieur et qu'à son quatrième roman, protégée, oh ! évidemment, elle est nommée chevalier de la Légion d'honneur. Brusquement Madrigue, époux diminué, est rongé par la jalousie d'auteur. Les discussions éclatent, les disputent s'enveniment. Il en arrive à prononcer des mots irréparables. Frédérique cherche alors à se réfugier en un amant qui la flatte, Lucien Randal, qui, lui, fait partie de l'Académie. Mais Randal ne la trouve pas assez sincère ; sous son amour la littérature perce trop. Il s'éloigne. Un autre jeune homme est près de la tenter; mais c'est un poète, qui, pour l'aimer sans réserve, ne renoncerait pas à sa vocation. Et comme, en une scène violente, Madrigue quitte « l'étoile du foyer » dont, en un accès de rage jalouse, il a brûlé le manuscrit, Frédérique se trouve seule. On lui fait passer une carte, « Un reporter » ! Le cabotinage reparaît. Elle oublie, par amour. pour la réclame, son existence détruite. Ce sujet nous semble plutôt fait pour le roman que pour le théâtre — en ce sens que les personnages sont forcément antipathiques. L'auteur touche pourtant du doigt une des plaies du siècle — féminisme compris. Mlle Andrée Méry avait déployé tout son talent, souvent
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charmeur, dans le rôle du bas-bleu Frédérique.
M. Candé avait joué avec une belle ampleur violente. M. Henri Rollan faisait preuve d'autorité.
Nous croyions terminée la saison des Escholiers quand, le 10 juin, M. Auguste Rondel, le très zélé et très intelligent président de cette belle compagnie théâtrale, nous rappelait une fois encore à la salle Villiers. Il avait fort ingénieusement composé un nouveau spectacle, et ce spectacle —■ au dernier les bons ! — restait le meilleur de l'année. Grâces soient rendues à notre ami Rondel, qui nous a fait la douce surprise et le vif plaisir de nous révéler un jeune auteur, dont l'œuvre de début, si prometteuse et déjà si remarquable, ne mérite que des bravos. Il s'agit des Pages de A/me Annie de M. Léon Deutsch — de la Meurthe, certainement - si jeune, je vous dis, qu'il fait actuellement son service militaire à la caserne de la Pépinière.
Mme Annie est une jolie veuve — à moins qu'elle ne soit une jolie divorcée, peu importe au tableau !
— qui vit avec une petite nièce et ne s'est entourée que de jeunes gens, de l'âge de l'auteur apparemment. Ces jeunes gens sont tous éperdument amoureux de Mme Annie. Ils sont ses « pages » enthousiastes et dévoués. L'un d'eux, toutefois, — c'est Claude qu'il se nomme — se permet d'éprouver pour l'idole une passion fougueuse, irrésistible. Et l'âme excellente de Mme Annie s'inquiète de la souffrance quelle crée. Mme Annie aime de son côté un courtisan moins « enfantin », l'explorateur Adrien Marois. Elle décide de se séparer de ses pages pour épouser celui qui a su i
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la conquérir. Et cela provoque un petit drame, oh ! si petit !. Quatre des pages acceptent la séparation avec une mélancolie résignée : il n'y a pas autre chose à faire. Le cinquième, soupirant romantique, le petit Claude, se révolte et exhale sa douleur très sincère. Et c'est le fiancé, c'est Adrien Marois, qui le consolera en lui parlant raison, en lui démontrant que s'il a su se faire aimer, c'est qu'il apportait, lui, une protection et une force. La faiblesse du petit Claude se soumet. Et le soupirant au cœur blessé demande simplement que le vainqueur n'assiste pas à son départ qui sera gauche et lamentable. Le pauvre amoureux se sauvera en volant un portrait de Mme Annie qui lui rappellera, hélas ! sa première belle aventure et son premier grand chagrin. C'est tout ?.
Tout. Ce n'est donc rien, mais c'est charmant de grâce et de vérité, de finesse et d'émotion, délicatement contenue. Une œuvre d'art, certes : M. Léon Deutsch a bien du talent, vraiment. Son dialogue nous a rappelé — le compliment n'est pas mince — celui des Miettes, de M. Edmond Sée. Et, comme dans les Miettes, c'est Mlle Blanche Toutain qui conduit la ronde. 0 l'adorable Mme Annie !.
11 appartenait à la délicieuse comédienne de se faire la chère marraine — une marraine tout émue — du sympathique débutant. Celui-ci doit encore des remerciements à M. Vargas, un Adrien Marois de voix chaude et de belle autorité, à M. Paul Ichac, un « petit Claude » rempli de conviction, à M. Pierre Bertin, qui, en digne ex-pensionnaire de M. Antoine, avait gentiment « marivaudé ».
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Le spectacle se complétait avec Georget, si ^néAndré Guess — qui est, paraît-il, le pseudonyme masculin de la belle-sœur de M. Marcel Prévost — et avee le Père Gournas de M. A. Thalasso, dont l'Art fut autrefois interprété par M. de Max, aux mêmes Escholiers, et de M. Camille A. Traversi, l'auteur des Plus beaux jours, applaudis à l'Odéon. Georget est un pauvre petit adolescent, de modeste, de très modeste condition qui, s'apercevant que la jeune femme qu'il aime, son amie d'enfance, va devenir la maîtresse d'un vieux monsieur généreux, se tue. Bourrelée de remords, la jeune femme sanglote et chasse le vieux mon- sieur généreux. Mais une vilaine concierge entremetteuse est là pour lui dire tout bas : « Revenez demain, elle sera plus raisonnable ! » L'émouvante historiette a été « vécue » à souhait par Mlle Suzanne Méthivier — encore une aimable épave de l'Odéon — et par Mlle- Jeanne Dorys sous le travesti du sentimental et malheureux Georget. Le père Gournas est un paysan âpre et rigide qui a laissé venir sa fille à Paris, dans l'idée qu'elle y trouvera une bonne place de domestique. Cette fille étant morte subitement, le père a été appelé.
Il apprend alors que son enfant « avait mal tourné » et trafiquait de sa beauté. Il ne dissimule point son indignation. Mais, comprenant aussi qu'il est l'héritier de biens estimables, il change vite d'attitude, et les appétits rapaces du vieux paysan se manifestent violemment. Plus souvent qu'il laisse enterrer sa fille avec le collier de huit mille francs qu3 lui a mis au cou son dernier amant ! Et peu
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importe le vœu de la morte ! Il chasse tout le monde, il reste seul auprès du cadavre. A lui — la loi lui donne raison — les richesses de la défunte ! » C'est, sans aucun doute, la « tranche de vie » de l'ancien Théâtre-Libre. Mais la note est juste, et ce tableau de parfaite observation a été brossé avec maîtrise par deux auteurs sûrs de leur métier. Les figures en furent rendues en toute vérité par MM. Grégoire et Joachim, Mmes Cécile Barré et Blanche Jackson. Savez-vous qu'on joue supérieurement la comédie aux Escholiers.
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GRAND GUIGNOL 1
23 MARS. — Le Sauveur, de M. Elie de Balsan ; Le Siège de Berlin, de MM. Ch. Hellem et P. d'Estoc ; Mirette a ses raisons , de M. Romain Coolus ; Vers la lumière, drame en deux actes de M. Paul Carrière, d'après une nouvelle de M. Lenormand ; La Clef sous la porte, de M. André Mycho.
3 JUIN. — La Séductrice, de M. Robert Dieudonnée1; Le Thanatographe, de M. André Vernières 2; Triangle, de M. Alfred Sutro, adapté par MM. Régis Gignoux et Charles Barbaud 3; La Cellule blanche, drame en deux actes de MM. Léo Marchès et Gaston-Ch. Richard4; Mon- sieur Lambert, marchand de tableaux, comédie en deux actes de M. Max Maurey 5.
1 Directeur : M. Max Maurey.
1. DISTRIBUTION. — Lise, Mme Daurand — Mariette, Mlle Suzanne Gallet. — Mouchcrelle, M. Defresne. — Chantepic, M. Nicole. — Un patissier, M. Saint-Ober.
2. DISTRIBUTION. — Virginie, Mlle Ugazio. — Le docteur Huriel, M. Brizard. — Le professeur Delgrandes, M. Viguier. — Le docteur Brévanne, M. lIIontbrun. — Le docteur Terrasson, M. Grange.
3. DISTRIBUTION. —■ Berthe, Mlle Balza. — Hector, M. Guérard. —
Guillaume, M. G. Well.
4. DISTRIBUTION, — Tatiana Dolovitch, Mlle Bl. Pierry. — Serge Frankovitch Reimanski, M. Brizard. — Le général Gouliavine, M. Guérard. — L'Officier de police, M. G. Will. — Ivan Gavilovitch,
M. Defresne. — Un indicateur, M. Viguier.
5. DISTRIBUTION. — Mme Lambert, Mlle Jane Méryem. ■— Mme de Saint Alain, Mlle Balza. — Le Directeur, M. Guérard. — Lambert, M. Nicole.
Le Prince, M. Defresne. — L'Infirmier, M. Saint-Ober. — Robert, M. Grange.
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1915
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20 FÉVRIER. — Réouverture sous la direction de M. Marcel Daly. Au programme : Une Femme charmante, de M. André Mycho ; Cent Lignes émues , de M. Ch. Forquet ; La Fugue de Madame Caramon, de M. Pierre Jeanniot, et Bloomfield and C°, de MM. Léon Frapié et Georges Fabri, avec MM. Guérard, Defresne, Chaumont, Goujet, Montbrun, Villiers, Wiel, Simon, et Mmes Balza, Jane Mervem, Daurand, du Peray, Moore.
20 MARS. — La Suicidette, de M. Johannès Gravier ; Sol Hyams, brocanteur, deux actes de M. Jean Bernac; Hue, Cocotte ! de MM. Georges Nanteuil et Albert Faverne.
3 AVRIL. — La Halte, de M. François de Nion ; Le Bonheur, de M. Pierre Veber; La Première mise, de M. Léon Frapié.
t 14 NOVEMBRE. — Les Cloches d'Angonulle, de M. Marcel Gerbidon ; l'Horrible Expérience, deux actes de MM. A. de Lorde et A. Binet; Au Soleil, de MM. Maurice Desvallières et Lucien Gleize.
13 DÉCEMBRE. — La Griife., de M. Jean Sartine ; 1 Le Grand Oiseau, de MM. Pierre Jeanniot et André Muller.
22 DÉCEMBRE. — Le Truc à Jeannot, de M. Serge Veber, d'après une nouvelle d'Alphonse Daudet; La Nuit de Noël, de MM. Henri Kéroul et Georges Lefaure ; le Mystère de la Maison noire, épisode de la guerre, novembre 1914, de MM. André de Lorde et Henri Bauche ; On demande une femme de ménage, de M. Delphi Fabrice.
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THÉATRE DES CAPUCINES i
24 FÉVRIER. — Entrez donc ! revue en deux actes de MM. Michel Carré et André Barde2; Un nom, S. V. P., de M. Robert Chazit3; Rien des Agences, de M. Paul Guérinet4.
1. — Directeur : M. Armand Berthez ; Secrétaire général : M. Pierre Néblis.
2. DISTRIBUTION. — L'Evadée, Annette, La Bergsonienne, Mil. George, Mil. Edmée Favart. — L'Ancienne Eléve, Mme Chrysanthème, l'Ingénu.
Mlle Dantès. — La Nouvelle Elève, Giroflé, Mathilde. Mlle Monthil. —
La Commère, la Marquise, Manon. Mlle Hobson. — La Chiffonnière, la Cantinière, la Péruvienne, Mlle Rysor. — La Directrice, MU. Barry. —
La Reine de Chypre, la Princesse Mestchersky, Mlle Walska. —
L'Abonnée, Girofla, le Mannequin, Mlle Colibri. — Une Abonnée, 1er Mannequin, Mlle Eriel. - Fille-Fleur, 2e Mannequin, Parfumeuse, Mlle Dorlys. — Une Abonnée, 3e Mannequin, Mlle Douvier. — FilleFleur, Parfumeuse, 4e Mannequin, Mlle Royer. — Le Secrétaire, Lubin, l'Aide de Camp, M. Berthez. -Balthazar, Castiglione, Fanfan-la-Tulipe.
Voltaire, Guillaume Tell, M. Arnaudy. — Le Monsieur, le Valet de pied, l'Officier de marine, le Dessinateur, M. Tramont. — Le Professeur de Tango, Bavolet, l'Américain du Nord, M. Armé-Simon. - Le Garçon de Parsifal, Bobby, Don Boléro, Arnold, M. Piérade. — Un Abonné, 1er Directeur, M. Frank Mauris. — Un Abonné, 2« Directeur, M. Bervil.
3. DISTRIBUTION. — Anne-Marie, Mlle Dantès. — Laure, Mlle lrIonthiZ.Laroche-Toulouse, M. Arnaudy. — Leverdier, M. Tramont.
4. DISTRIBUTION. — Luce Lefaucheux, Mlle Barry. — Anna, Mlle Eriel.
— Docteur Lefaucheux, M. Frank-Mauris. — Verdelet, M. Bervil.
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29 AVRIL. — Oh ! Pardon. revue en deux actes de MM. Paul Ardot et Jean Bastia1 ; Saisie!
de M. Maurice Hennequin2; Fils d'Excellence de M. Louis Hennevé 3.
26 OCTOBRE. - Paris quand même, revue en deux actes de M. Michel Carré1; Passe-Passe de M. René Montet2 ; On rouvre, prologue en vers de M. Xavier Roux 3.
1. DISTRIBUTION. — Miarka, Cascadette, la Japonaise, Mlle Edmée Favart. - La garde-barrière, la Béjart, 2e commère, Mlle Dantès.- Titi, Mm. de Sévigné, la Grue, Mlle Monthil. — 1" commère, l'Abbé, l'Autoresse, Mlle Hobson. — Zizine, Mme de Scudéry, l'Ecossaise, Mi'e Rysor.
— La somnambule, Nicole, Mlle Eriel. — La Vénus de Vélasquez, une Marquise, le Mannequin, Mlle d'Orlys. - La Cuisinière, Mlle Douvier. —
Cléopàtre, une Marquise, Mlle Haydée. — L'Inventeur, Fouquet, Philippe le Hardi, M. Berthez. — Le Grand'Père, Boileau, d'Annunzio, M. Arnaudy. — Molière, Martine, un Autenr, M. Tramont. — 1er Compère, le Horse-Guard, le petit Jeune Homme, M. Aimé-Simon. — Le Bouif, Descartes, M. Piérade. — Le Garçon de bureau, 2e compère, M. Bervil.
2. - Lebidois, M. Arnaudy. — Ludovic, M. Tramont.
— Léa, Mlle Monthil. — Mariette, Mlle Eriel.
3. DISTRIBUTION. — M. Bouillon, M. Frank-Mauris. — Jacques, M. Bervil. — Mme Bouillon, Mlle Barry. — Choute, Mlle d'Orlys.
1. DISTRIBUTION. — Rococo, la Chanson de route, Mlle Ellen Baxone.
— Officier hindou, Marin anglais, Mlle Hilda May. — La Garçonne de café, l'Italienne, Chimène, Mlle Reine Derns. — La Fiancée, Yette, l'Authoresse, Mlle Armelle. — Première Commère, Sophia, Elvire, Mlle H. Dargeville. — La Russe, Kalitza, deuxième Commère, Mlle R.
Caret. - Et la Classe 22, la Désenchantée, la Parisienne, Mlle Renée Baltha. - Le Permissionnaire, l'Invisible, M. Berthez. — ÚEmploye de Sainte-Adresse, M. Mérin. — L'Ajourné, l'Ecossais, M. Etchepare. —
Marsollier, l'Adjudant, Rodrigue, M. Grouillet. — Premier Compère, Fortescu, M. Signoret jeune. — Le Chef de Gare, M. Saintra. — Le Camelot, l'Opérateur, M. Ainaud.
2. DISTRIBUTION. — Mme Lehuchois, Mlle R. Derns. — Géraldine, Mlle Carel. — Sermaize, M. Etchepare. — M. Lehuchois, M. Grouillet.—
3. DISTRIBUTION. — Nonoche, Mlle Renée Carel. — Lui, M. Signoret jeune.
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1915
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23 DÉCEMBRE. — En franchise ! revue en deux actes de MM. Hugues DeJorme et G.-A. Carpentier1 ; A l'étage au-dessus, de M. Maurice Hennequin2; Oh! pardon! prologue en vers de M. René Chauvel 3.
1. DISTRIBUTION. — La Paysanne, Helyette, Roi du Cinéma. Miss Campton. — La Boulangère, la Mimi Pinson, la Tragédienne, Mlle R.
Derns. — La Débitrice, deuxième Commère, Mlle Albany. --La Pâtissière, le Bonnet d'âne, le Lauréat, Mlle Armelle. — Première Commère, la Vénitienne, Mlle Darlys. — Le Gui, la Mimi de Murger, Mlle Marquy.- Et Nestine, la Marquise, Mlle Renée Baltha. - Le Filleul, le Grand-Père, M. Berthez. - Durand, James, Roi du Cinéma, M. Etchepare. — Dupont, le Ténor, M. Grouillet. — Le Comédien, Roi du Cinéma, M. Signret jeune. — Le Compère, M. G. Bataille. — Le Caissier, M. Ainaud.
2. DISTRIBUTION. — Paulette Bougarel, Mlle Albany. - Angèle, M"< Carel. — Fifi Fenouillet, Mlle Marquy. — Ludovic de La Grangette, M. Etchepare. — Auguste Bourgarel, M. Signoret jeune.
3. DISTRIBUTION. - Lolotte, Mlle Carel. — Le Spectateur, M. Grouillet.
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THÉATRE MICHEL
10 MARS. - La Petite Bouche, comédie en trois actes de M. Claude Gevel2; Pour garder Jacques, de M. Paul Cazères3; Les Maraudeurs de M. Georges Tall4.
23 MAI. — Les Agités, comédie en trois actes de M. Henri Falk4; L'Heure des crimes, de M: André Dumas5 ; Riboulet déménage, de MM. René Bergeret et Jean Pellerin.
1. — Directeur : M. Michel Mortier ; Secrétaire général : M. Madroux.
2. DISTRIBUTION. — Andrée, Mlle Mad. Carlier. — Héléne, Mlle Ge,'m., Reuver.- Mme Rigal, Mlle Marcelle Josset.- Lucette, Mlle Radoline.- Mme Destel, Mlle Irwing. — Mad, Mlle Raymond. — Laure, Mlle Labury.
— Georget, M. Abel Tarride. — Robert, M. G. Flateau. — Jean, M. Delson. — M. Rigal, M. Frédel. — M. Destel, M. Davin. — Augosture,
M. Paul Bert. — Le Tzigane, M. Schaeffert. - Paul, M. Buarini.
3. DISTRIBUTION. — Mme Costier, Mlle Renée Corciade. — Henri Costier, M. J. Schaeffer. — Maître Clerjus, M. Lebrey.
4. — Jouée par MUe J. Raymond, Mlle Ellen Cluzel et M. Ch. Bert.
4. DISTRIBUTION. — Juliette Pouteau, Mlle Clémence Isane. — Margot, Mlle Corciade. — Adélaïde, Mlle Mérindol. — Mme Comelin, Mlle Volange.
— Lehic, Mlle Prial. — Raduc, Mlle Jane Helly. — MQie d'Amicat, Mil. Berni.- Lorieu, M. Henry Burguet. — Pouteau, M. L. Rozenberg.
— Cim, M. Félix Barré. — Lehic, M. Roche. — D'Arnicat, M. Lecocq.
— Comelin, M. Duklaër. - Le Commissaire. M. Rablet. — Le Journaliste, M. Grouillet. — Gribois, M. Delson. — Pitoulet, M. Chevalier. — Le Domestique, M. Hanel.
5. DISTRIBUTION. — Gaby, Mlle Ninon Gilles. — Max, M. Grouillet.
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1915
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7 SEPTEMBRE. — Léonie est en avance ou le Mal joli, de M. Georges Feydeau1 ; Plus ça change, féerie d'actualité en cinq tableaux de Rip2; L'At- tente, de MM. Auguste Germain et Trébor.
1. DISTRIBUTION. - Toudoux, M. Marcel Simon. — Léonie, M"° Jane Danjou. — Mme Vertuel, Mlle Ellen Andrée. — Mille Champrinet, Mlle Suzanne Avril. — Clémence, Mlle Paulette Dariois. - Cliaiiiprinet, M. Guyon fils.
2. DISTRIBUTION. — Kiki, le comte Bellamy, Gigoletto, Fouarès, Cc-o, M. Paul Ardot. — Le baron Jolibois des Sardines, M. Raimu. —
Sidonie, Ninon de Lenclos, Ysabeau, Phryné, Rayon de Printemps, Milo Spinelly. — La Bonne, Nicolle, 1« Suivante, Sourire d'Avril, Mlle Monthil. - Un jeune Faune, :\flle Dourga. — 1" Jeune Fille, Foin coupé, Mlle Paulelte Dartois. — 2e Jeune Fille, Rose Mousse, Mlle Nelly Dorlys. — La Baronne, 3e Jeune Fille, Mlles Topsy et Saphyr. - Le professeur Biscuit, le fou du Roy, Diogène, M. Guyon fils.
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COMÉDIE ROYALE1
2 FÉVRIER. - Arabesques, ballet de Mme Jane Hugard, musique de M. Claude Debussy; L'Amour à Bergame, comédie-bouffe en quatre actes de M. Camille de Sainte-Croix1; Elle et Eux, de M. Camille de Sainte-Croix, -23 DÉCEMBRE. — Tout de Même ! de M. Henri Sébille, musique de M. Emile Bonnamy; Le Coup de l'Etrier de M. J. Bonot ; Le Faux Pas de M. Jean Rambaud.
1. DISTRIBUTION. — Rosalia, Mlle Henriat. — Zerbina, M"e Lancey. —
Isabella, Mlle Aubry. — Cocodrilla, M. Paupélix. - Pepenappa, M. Silviac. — Pedrolino, M. Pujol. — Dame Catalina, M. Desty. Cristoforo, M. Moreno.
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1915
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16 JANVIER. - Le Jeu de l'Auto et du Hasard, de M. J. Bonot; L'Aube de la Revanche; Une bonne Action, de MM. Benjamin Rabier et Eug.
Joullot.
13 FÉVRIER. — Du baume dans le cœur, de MM. Henri Rumac et Max Eddyi ; Dozulé, de M. André Picard ; Le Changement, de M. G. Deligne; Express Agency, de MM. Falk et Dumas.
3 AVRIL. - Ça va ! Ça va ! revue de MM. Raphaël Adam et Esteban-Marti.
30 AVRIL. — A boche que veux-tu ? revue de M. Lucien Collin; La lettre du front, de M. J.-L.
Roncey; La Bonne Aventure, de M. Guillot de Saix, musique de M. Camille Kufferath.
25 MAI. — Les yeux fermés de M. Alex Rosemont. ,
1er JUIN. — Viens-tu à Tipperary ? revue de MM. Maurice Méralt et Dominus.
27 JUILLET. — Dans un village de. de M. Jacques Linerais.4 SEPTEMBRE. - Les Débuts de Mauricette de MM. Jean Bonot et L. Huret ; Appartement meublé de M. - Jean Conti; Apportez-moi votre or, de M. Emile Codey.
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THÉATRE IMPÉRIAL1
27 JANVIER. — La Tzigane et la Houri, de M. Paul Franck, musique de M. Edouard Mathé2 ; Le Bien d'autruy, farce gaillarde du roi Louis XI, adaptée par MM. Henri de Forge et René Kerdyck3 ; L'Ile déserte, comédie-bouffe en deux actes de M. Jules Moy4; Cach' ta cann' cach, revue de MM. Chose-Machin, musique de M. Edouard Mathé3.
7 MARS. — La Romanichelle, de M. Paul
1. — Directeur : M. Paul Franck; Secrétaire général : M. Fernand Lamy.
2. DISTRIBUTION.-Lui, M. Edouard Rosny. — Le Tzigane, M. Maurice Poggi. — La Houri, Mil. Bata Ternay.
3. DISTRIBUTION.—Philippe, M. Jean Pelisse. — Thomas, M. Joachim.
— Catherine, Mn. Albany. — Marion, MU. Renée Corciade.
4. DISTRIBUTION. — Jules, M. Pierre Etchepare. — Morauvak, M. Maurice Poggi. -Jacques, M. Jean Pelisse. — 1er Agent, M. Regey.
2e Agent, M. Raoul Marco. — Ursule, Mlle Albany. - Lucienne, Mlle Lily Claude. — Irma, Mlle Alice Weil. — La Bonne, Mlle Dhélia.
5. - Jouée, chantée et surtout dansée par MU.. Djamil-Anik, Lolita, Requena, Esmyne, Albany, Lena Bruze, Renée Fagan, Alice Weil, Lily Claude, Dhélia, Bata Ternay ; MM. Pierre Etchepare, Joachim, Maurice Poggi, Edouard Rosny, Raoul Marco, Rogey. — Le Compère, M. Jean Pelisse. — La Commère, Mll, Brunin.
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Franck, musique de M. Edouard Mathé1; Un constat difficile ou le commissaire embarrassé, de M. Georges Le Rie2; L'Après-midi byzantine, de M. Nozière, musique de M. Esteban Marti3 ; Tangue. tu pourras ! revue en deux actes de M. Deyrmon4.
8 AVRIL. — L'Horrible nuit, de MM. Mauville et Sange5 ; L'Eau qui dort, de Mlle Sylviac6; La Chaînette, de M. Georges Docquois 7: L'Etouffeuse, de M. Paul Giafferi8; La Main dans le sac, de M. Robert Mureaux avec Mlle Lyse Berty; Et
1. DISTRIBUTION.— La Romanichelle, la Danseuse, Mlle Elly Tcheroff.
— Le Peintre, M. Paul Franck. — La Chanteuse, Mlle Reynes.Orchestre conduit par l'auteur, M. Edouard Mathé.
2. DISTRIBUTION. — Madeleine, Mlle Hélène Cerda. — La Bonne, Mlle Dhelia. — Dupont, M. Pierre Etchepare. — Le Commissaire, M. Marcel Numa. - Le Monsieur barbu, M. Edouard Rosny. - Beaulac, M. Regiane.
3. DISTRIBUTION. — Myrrha, Mlle Germaine Sylvès. — Xantippe, Mil, Alice Walser. — Leucoé, Mil, Claudine Ternay. — La Danseuse, Mll. Guity Howe.— Clinias.M. René Rocher. — Hippolyte, M. Mendaille.
— Criton, M. Pierre Etchepare.
4. — Jouée par Mlle, Hélène Cerda, Renée Fagan, Charlotte Myrtho, Lily Claude, Alice Weil, Lena Bruze, Claudine Ternay. Dhélia, Maine, Duddly et Mlle Elly Tcherotr: MM. Dufleuve, Pierre Etchepare, Maurice Poggi, Marcel Numa, Edouard Rosny. Raoul Marco, Régiane et la danseuse norvégienne Michelle.
5. DIRTRIBUTION. — Madame, 1lle Lily Claude. — Rose, Mlle Alice 'Yeil. — Monsieur, M. Pierre Naty. — Hippolyte, M. Jean Devalde.
— Jules, M. Maurice Poggi. — Dupaillon, M. Nyros.
(j. DISTRIBUTION. — Germaine, Mlle Alice Clairville. — Manon de Ternay, Mll. Maud Gipsy. — Adèle, Mlle Dermilly. — Jacques de Loreval, M. Jean Devalde. — Prince Vladimirovich, M. Charles Ilémery.
7. DISTRIBUTION. - Olivette, Mlle Cerda. -1Ilme Gilonne, Mlle Dermilly.
— Valentin, M. Pierre Etchepare. — Dubigourd, M. Pierre Natty.
S. DISTRIBUTION. — Berthe d'Azimont, Mlle Alice Clairville. — La baronne Poupée, Mil. Dhélia. — Vcrcutte, M. Pierre Juvenet.
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puis. zut! revue de M. Wilned, musique de M. Edouard Mathé1.
Ier MAI. - La R. P. de M. Pierre Lenglé 2.
11 MAI. - Un contre Trois, vaudeville en un acte de M. Jack Monéco ; Kikizette, comédie en deux actes, de M. Albert Acremant; Les Nuits de Paris, pantomine en deux actes, de M. Paul Franck, musique de M. Edouard Mathé; Madame Candaule, opérette en un acte, de M. Paul Moncousin, musique de M. Larnaudie.
1. — Jouée, chantée et dansée par 1111.. Hélène Cerda, Maud Gipsy, Léna Bruze, Alice Weil, Dhélia, Miss Dixey MM. Pierre Etchepare, Ch. Hémery, Edouard Rosny, Maurice Poggi, Jean Devalde, Pierre Naty, Dornoy.
Danses: La Bourrée, Le Péricon, La Louftinguett, La danse Futuriste, Le Tiens-Tiens, par Mlles Marthe Desony, Yvonne de Morlaix, La Romana, Léna Bruze, le professeur Max-Besançon et Maurice Poggi.
2. Jouée par Miles Maud Gipsy et Dhélia ; MM. Pierre Juvenet, Jean Devalde et Pierre Naty.
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THÉATRE DU VIEUX COLOMBIER 1
7 FÉVRIER. - La Jalousie du Barbouillé de Molière2; La Navette, de M. Henry Becque3; Le Testament du père Leleu, trois actes de M. Roger Martin du Gard4.
IER MAI. -. L'Eau-de- Vie, trois actes de Henri Ghéon.
15 MAI. - La Nuit des Rois, de Shakespeare, traduite par M. Théodore Lascarris.
1. Directeur : M. Jacques Copeau.
2. DISTRIBUTION. — Angélique, MU. Jane Lory. - Cathau, Mlle B.
Albane. — Villébrequin, M. Weber. — La Vallée, M. Bardy. — Le Barbouillé, AL R. Bouquet. — Le Docteur, M. L. Jouvey. — Valère, M. Bourrin. — Gorgibus, M. Cariffa.
3. DISTRIBUTION, — Antonia, Mlle Jane Lory. — Adèle, Mlle Bing. —
Arthur, M. Tallier. — Alfred, M. J. Copeau. — Armand, M. Weber.
4. DISTRIBUTION. — La Torine, Mlle Gina Barbieri. — Le Père Alexandre et le Père Leleu,M. Charles Dullin. - M- Boud'hors, notaire, M. A. Cariffa.
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LES TRENTE ANS DE THÉATRE
L'histoire des Trente Ans de Théâtre, en 1914, tient tout entière en ces quelques lignes du rapport de M. Paul Ferrier, président d'honneur : « Le mois de mars nous réservait le plus cruel des deuils. Adrien Rernheim succombait à une maladie rapide, inexorable. Nous suivîmes son convoi avec le regret de surcroit qu'aucun discours où se fût manifestée notre affliction ne devait être prononcé sur sa tombe. Telle était sa volonté. Lui qui avait, en mainte occasion, salué de paroles ardentes et émues le départ des autres, il refusait que même hommage fût rendu à son départ.
Peut-être en sa grande bonté, désirait-il épargner à l'un de nous cette mission douloureuse dont il connaissait le fardeau. Il ne voulait que des larmes. Elles coulèrent en abondance. Elles coulent encore aujourd'hui. Et ce n'est pas sans un violent effort sur moi-même que je veux rendre à cette mémoire, chère à tous, l'hommage si légitimement dû. Ce qu'Adrien Rernheim était pour l'Œuvre-
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des Trente Ans de Théâtre, faut-il vous le rappeler ?
D'un mot, oui. Il était tout ! Il l'avait créée, il l'avait propagée, il l'avait soutenue ; il l'avait fait grandir après l'avoir fait naître. Et si elle était sa joie et son orgueil, orgueil et joie étaient un peu les sentiments d'un père, du meilleur des pères.
Avec une grâce parfaite, il se plaisait à reporter sur ses collaborateurs une part du succès de l'Œuvre. Aucun de nous ne s'y trompait : l'entier succès lui revenait. Seulement son amitié était volontiers partageuse. Et c'est cette amitié, dont il m'est doux aujourd'hui de vous rappeler le charme et la fidélité. Nous en avons tous connu les effets. Nous avons tous vu Adrien Bernheim dévoué à ses amis, attentif à leurs désirs, les devançant même, empressé d'y satisfaire, heureux de leur bonheur, malheureux de leur peine, et doublant le prix du service, de ce qu'il savait l'offrir ou le rendre, sans attendre qu'il lui fût demandé..
Cette perte d'Adrien Bernheim, de toute façon irréparable, menaçait d'entraîner la fin de notre Œuvre. Heureusement pour nos pauvres, Mme Marguerite Adrien-Bernheim, cédant à nos instances, voulut bien assumer le devoir qui s'imposait à son veuvage, et accepter, après notre vote unanime, la Présidence à laquelle l'avait si bien préparée sa collaboration première. Ajoutons que les 27 et 28 mai 1914 eut lieu, dans les salons du Ministère de la Justice, la vente de charité, suivie de tombola, que notre cher Adrien Bernheim avait si ingénieusement préparée ; aussi est-il d'autant plus douloureux de penser qu'il n'en vit pas le succès,
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alors que ce succès dépassa toutes nos prévisions.
Benjamin Rabier avait si spirituellement illustré les billets de la tombola que sa délicieuse vignette fut déjà une attraction. Les lots avaient afflué; les billets (le plus grand nombre par séries de 10) avaient été rapidement enlevés, et une recette de 30.000 francs, après défalcation de 2.500 francs de frais, couronna cette heureuse tentative que nous espérions. que nous espérons encore renouveler un jour. Faisons honneur de ce beau résultat -à la mémoire d'Adrien Bernheim, qui avait si bien jeté les semailles dont il n'a pu, hélas ! voir la moisson, et à Mme Marguerite Adrien-Bernheim, qui mit au service de la vente et de la tombola toutes ses jolies qualités d'ordre, de grâce et d'activité. »
Le II juin avait été donnée aux Variétés, avec un très vif succès, la matinée au profit du Dispensaire des Trente Ans de Théâtre. Ce fut la dernière manifestation de l'Œuvre, que pouvait hélas ! mettre à néant l'horrible guerre. Ses ressources avaient presque entièrement disparu avec la clôture des théâtres, plus tard entrebâillés, et l'impossibilité d'y donner ses galas accoutumés. Mais une sage, une très sage administration règlant ses bienfaits à la mesure de ses moyens, a su réduire, sans le fermer, le budget de charité des Trente Ans de théâtre, Et s'ils ont cru devoir discrètement s'effacer devant les œuvres de guerre, nous espérons bien les voir un jour reprendre, plus florissantes que jamais, leurs fructueuses et artistiques représentations.
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CONCERTS DU CONSERVATOIRE
Au cours de l'année 1914, qui fatalement se terminait en avril, la Société des Concerts du Conservatoire nous a fait entendre, entre autres œuvres conduites par M. André Messager (suppléé au besoin par M. Philippe Gaubert, second chef d'orchsstre) la Passion selon Saint-Jean de Bach ; l'ouverture de Zaïs, de Rameau ; Thamar, de M. Balakirew ; la Messe du Fantôme de M. Charles Lefebvre ; la Danse des Devadates de M. Florent Schmidt; Eros vainqueur, de M. de Bréville ; la symphonie avec chœurs de M. Guy Ropartz.
Et parmi les virtuoses qui prêtèrent à l'illustre Société le concours de leur talent nous inscrirons les noms de MM. Alfred Cortot, Edouard Risler, P. Busoni, Boucherit, Schelling, et de Mmes Henriette Renié, Caponsacchi-Jeisler, — comme aussi, au nombre des interprètes vocaux les plus fréquemment applaudis, nous citerons MM. Delmas, Franz, Altchewsky, Paulet, Frœlich, David Devriès, Gazette, Narçon, Journet, et Mmes Yvonne Gall, Lapeyrette. L. Charny, Croiza, Germaine Sanderson, Suzanne Thévenet, Magda Leymo, Bonnard, Povla Frisch, Montjovet.
Ajoutons qu'à partir du dimanche 29 novembre 1914,
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la Société des Concerts du Conservatoire se transportait au grand amphithéâtre de la Sorbonne pour prêter son concours hebdomadaire aux Matinées nationales, très heureusement instituées par la Fraternelle des Artistes qu'avaient fondée, sous le patronage de M. Dalimier, soussecrétaire d'Etat, MM. Alfred Cortot et Romain Coolus.
MM. André Messager et Alfred Cortot, puis M. Henri Rabaud dirigèrent à la Sorbonne, en 1914 et en 1915, l'excellent orchestre de la Société.
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CONCERTS COLONNE
L'année avait été inaugurée au Trocadéro par la 175e audition de la Damnation de Faust, interprétée par Mme Vallin-Pardo, MM. David Devriès, Henri Albers et Paty. Puis, revenant au Châtelet, M. Gabriel Pierné consacrait pieusement à la mémoire de son vénéré maître, César Franck, la première partie de son programme du II janvier. Elle s'ouvrait le plus heureusement du monde par le morceau symphonique de pure beauté qu'est le Prélude de Rédemption, et se terminait triomphalement avec le fulgurant Chasseur maudit dont Pasdeloup — comme c'est loin ! - nous donnait autrefois la première audition, dirigée par l'auteur lui-même. Grâces soient rendues à Mlle Lyse Charny, la séduisante Dalila de l'Opéra, qui nous a dit de sa voix délicieusement timbrée l'air de la Mater dolorosa des Béatitudes et la célèbre Procession, qu'on eût pris plaisir à entendre deux fois. Sans doute, M. Georges de Lausnay est un virtuose accompli, mais comme, avec lui, nous avons regretté l'interprétation si chaude et si vibrante que donnait aux Variations symphoniques notre à jamais regretté Raoul Pugno ! Le concert prenait fin avec une remarquable exécution de la puissante et originale Faust-Symphonie, de Liszt, qui prenait ainsi place au
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répertoire des Concerts-Colonne. M. Gabriel Pierné la conduisait avec une conviction, une vigueur et une ardeur au-dessus de tout éloge.
Le 18 janvier, M. Pierné introduisait au répertoire des Concerts Colonne la délicieuse Sauge fleurie de M. Vincent d'Indy. Ce même jour, il nous faisait connaître le premier tableau d'un drame lyrique de M. Max d'Ollone, l'Etrangère, d'une excellente tenue musicale.
Mlle Jane Hato s'y montra cantatrice émouvante et sobre ; le ténor Lheureux lui donna dignement la répliqne. Et jamais Mlle Blanche Selva ne mérita mieux les applaudissements du public que dans le concerto en ré de Bach, dont elle sut mettre en valeur toutes les beautés.
M. Jean Bedetti, premier violoncelliste de l'orchestre, était, le 25 janvier, le remarquable interprète du concerto de Haydn. Mme Maria Freund, en robe vert Empire, vint ensuite nous dire, d'une belle voix « ronde », le Lamento de l'Arianna, de Monteverde, qui, un jour de l'an 1608, fit, paraît-il, éclater en sanglots plus de six mille spectateurs; ce qui nous prouve qu'on avait, en ce temps-là, la larme vraiment facile. Succès encore pour Mme Freund dans quatre mélodies, plutôt banales, de G. Mahler.
Le programme du 1er février comportait, de façon très heureuse, la première audition de la Vengeance des fleurs, « illustration symphonique », d'après une ballade de Freiligrath, de M. Gabriel Grovlez, qui, sans reproche, nous donnait l'impression d'une fine et délicate page de Debussy. Puis, M. Gabriel Pierné nous faisait applaudir une éloquente composition, déjà inscrite au répertoire des Concerts Colonne, la troisième symphonie de M. André Gédalge, œuvre d'art solide et sain, de tout à fait grande allure et de beauté souveraine.
Le concerto en la majeur de Listz nous avait, le 8 février, révélé un pianiste suisse du plus solide talent,
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M. Rodolph Ganz, qui jamais encore ne s'était fait entendre à Paris. On sait maintenant tout ce que vaut un tel virtuose. Grand succès, ce jour-là, pour la Danse macabre de Saint-Saëns et son délicieux interprète, M. Firmin Touche, à qui l'on redemanda le célèbre morceau. Et notons le chaleureux accueil fait à l'expressif Réveil d'un Dieu de M. Charles Lefebvre, ainsi qu'à deux pièces de Leeonte de Lisle et de Henri de Régnier, fort élégamment mises en musique par Mlle Ritas, une des meilleures élèves de M. Alexandre Georges. La charmante Mme Jacques Isnardon en fut la talentueuse interprète.
Le Requiem de Berlioz avec ses 550 exécutants, retrouvait, le 15 février, au Châtelet, l'immense succès qu'il venait d'avoir dans la vaste salle du Trocadéro.
M. Gabriel Pierné avait, d'ailleurs, donné tous ses soins à la mise au point de l'œuvre colossale. Les chœurs du Chant choral (fondation d'Estournelles de Constant), ingénieusement encadrés dans ceux de l'Association artistique, ont, merveilleux de souplesse, donné comme un seul homme. Le Tuba mirum et le Lacrymosa récoltèrent de justes applaudissements. Les trompettes, placées aux quatre coins de la scène, ont produit leur effet accoutumé. Le Sanctus valut un triple rappel à son distingué soliste, M. Paulet. Pourquoi, alors que Wagner n'est plus musicalement discuté, pourquoi Berlioz est-il encore critiqué ? Son romantique Requiem — de l'Hugo en musique, — n'atteste, il est vrai, aucun talent : le compositeur n'a que du génie.
Programme exclusivement français, le 1er mars.
C'était d'abord la romantique ouverture du Carnaval romain de Berlioz. Puis, le maître Saint-Saëns, dont on exécutait l'une des plus belles symphonies, la deuxième en la mineur, et dont M. Ignaz Friedmann rendait parfois à la manière de notre regretté Raoul Pugno —
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quel plus grand éloge pourrions-nous lui adresser? —
le délicieux concerto pour piano en sol mineur. Ce fut ensuite la première audition des Jeux, de M. Claude Debussy. « Dans un parc, au crépuscule, une balle detennis s'est égarée ; un jeune homme, puis deux jeunes filles, s'empressent à la rechercher. La lumière artificielle des grands lampadaires électriques, qui répand autour d'eux une lueur fantastique, leur donne l'idée- de jeux enfantins : on se cherche, on se perd, on se poursuit, on se querelle, on se boude sans raison; la nuit est tiède, le ciel baigné de douces clartés, on s'embrasse. Mais le charme est rompu par une autre balle- de tennis jetée par on ne sait quelle main malicieuse- Surpris et effrayés, le jeune homme et les deux jeunes filles disparaissent dans les profondeurs du parc nocurne. » Cette donnée fut l'occasion d'un « poème dansé » de M. Nijinsky, représenté l'an dernier au théâtre des Cham ps-Elysées. La chorégraphie est-elle nécessaire en la circonstance, ou la musique de M. Debussy possèdet-elle par elle-même un tel pouvoir évocateur qu'exécutée en l'absence de tout décor, de toute mimique et de toute danse, elle suffise à nous rendre claires et parlantes ses intentions expressives et descriptives. Voilà ce que nous ne. saurions encore décider : car le public est resté froid, indécis ; les uns applaudissaient, les autres sifflaient rla masse des auditeurs demeurait inerte et méfiante ; on « attendait ». Faisons comme elle, et attendons le moment où triomphera définitivement l'œuvre de frémissante sensibilité que l'orchestre a rendue avec la souplesse qui lui convient. Il faut rendre à M. Gabriel Pierné cette justice qu'il ne lâche pas ses amis. On sait tout ce qu'il a déjà fait pour M. Fanelli, l'artiste méconnu qui nous fut subitement révélé en une journée désormais mémorable. Cette fois, M. Pierné nous offrait la primeur d'une pièce de M. Fanelli pour ténor-
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solo et orchestre, le Cauchemar, d'après Victor Hugo, magnifiquement chantée par M. Franz, le vaillant Parsifal de la veille, — applaudi déjà dans la quatrième Béatitude de César Franck. Il y a, certes, de la vigueur en ce morceau, qui date, paraît-il, de 1888 : nous lui eussions pourtant souhaité un tout petit peu plus d'originalité. Et le concert se terminait, tout à l'honneur de l'orchestre de M. Pierné, par la mélodieuse Rapsodie norvégienne de Lalo.
Relevons dans nos notes, à la date du 8 mars, une parfaite exécution du Soir sous les chaumes, où M. Guy Ropartz exhale mélancoliquement la tristesse que lui inspirent les paysages vosgiens et les montagnes aux crêtes dénudées. Mozart — auquel notre distingué confrère Henri de Curzon venait de consacrer un bien beau livre-était représenté au programme par l'ouverture des Noces de Figaro et sa délicieuse symphonie en sol mineur. Et Mme Leffler-Burckard (Yseultet Brunehilde) fut la très vaillante et très consciencieuse interprète de Wagner.
Du haut de son estrade, surélevée pour la circonstance, M. Gabriel Pierné menait, le 10 mars, son orchestre et ses chœurs à l'assaut de la Neuvième Symphonie de Beethoven, dont l'exécution fut une superbe victoire. On sait de quelles difficultés sont hérissées les parties vocales des quatre solistes : MM. Gabriel Paulet et Jean Reder, Mmes Judith Lassalle et Brunlet s'en sont tirés merveilleusement. Cette dernière en particulier, qui fut au Conservatoire, la brillante élève de M. Saléza, et débuta à l'Opéra-Comique, de façon sensationnelle, dans Céleste de M. Trépard, nous a fait admirer une voix claire et solide, qui atteint sans broncher aux sommets les plus ardus. Jamais, croyons-nous, la partie de soprano n'avait été tenue avec tant de robutesse et d'éclat.
Avec l'ouverture de la Grotte de Fingal, la première
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partie du programme rendait justice à Mendelssohn — trop souvent oublié, ce nous semble — et valait, dans les Danses du Prince Igor, un nouveau succès aux chœurs si chaleureusement dirigés par M. Pierné. Une austère cantate de Bach pour basse-solo (M. Antoine Sistermans) et hautbois-solo (M. Gaudard) et le séduisant Rouet d'Omphale de M. Saint-Saëns précédaient la nouveauté du jour, Trois études antiques, commentant brièvement Albert Samain et Pierre Louys, où M. Charles Koechlin, musicien impressionniste, nous prouvait sa science des sonorités à la Debussy.
Le concert du 29 mars, sous la direction de M. Fritz Steinbach fut, disons-le, plutot inégal. L'exécution de la Symphonie en ut, mineur n'avait pas dépassé, sauf pour le foudroyant finale, une honorable moyenne et l'andante con moto, en particulier, était joué avec une lenteur persistante qui lui enlevait son caractère. Le 6e concerto brandebourgeois de Bach, pour instruments à corde et un ou deux à vent, est une jolie chose, rien de plus, un divertissement du grand cantor. Bien inférieur à cet égard à la Sérénade de Mozart pour treize instruments à vent, un badinage aussi, un intermède, mais d'une grâce et d'un charme infinis ; les hautbois, clarinettes et cors de l'orchestre Colonne y firent d'ailleurs merveille. La Nuit de Mai d'Alfred Casella, sur une poésie de Carducci, était chantée par Mme Maria Freund.
La belle et noble cantatrice a fait de son mieux pour vivifier une inspiration menue, pauvre et banale en somme, malgré des dissonances hardies et des tours de force de contrepoint que le programme nous signalait au surplus sans modestie. L'accueil du public a été froid.
La chanteuse seule a été applaudie et méritait de l'être par ses qualités de diction et d'émission du son. Enfin, le chef d'orchestre étranger, jusque-là assez effacé, a donné sa mesure dans la Symphonie en mi mineur de
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Brahms, une œuvre très haute et très profonde, mais très difficile aussi, qu'il a dirigée avec précision, avec force, avec goût, avec un parfait sentiment musical. Et le concert s'est ainsi terminé en beauté.
Le 5 avril, une nouveauté nous fut offerte : l'Ile engloutie, poème pour orchestre où M. Henri Hertz s'inspirait du curieux programme que voici : « Dans l'île minuscule, où flottent d'enivrants effluves, une douce brise balance les lianes en fleurs et fait frissonner musicalement les feuilles des grands arbres. Tout à coup, un appel annonce l'heure des danses,.. et dans un cérémonial fantaisiste et une ordonnance capricieuse, l'île entière se livre aux rites de la danse et de la volupté.
Soudai n, la foudre éclate. Le vent siffle, la mer furieuse hurle, monte à l'assaut des grèves, et dans une vague monstrueuse engloutit l'île minuscule et voluptueuse. »
Le public nous a paru apprécier la jolie couleur de ce morceau descriptif, et ne s'est pas trop étonné de voir entrer en danse l'île de M. Lutz, bientôt victime d'une violente tempête. Nous entendîmes ensuite trois préludes, écrits par trois compositeurs contemporains de talent le plus réel et le plus diffèrent : le beau et puissant prélude du quatrième acte de Messidor, de M. Alfred Bruneau ; l'ingénieux ettendreprélude de la Croisade des enfants, de M. Gabriel Pierné, et celui de l'Après-midi d'un faune, de M. Claude Debussy, dont ou sait toute l'originale saveur. Puis, dans le célèbre Septuor de SaintSaëns, M. Gabriel Pierné qui, depuis bien longtemps, ne s'était plus fait applaudir comme virtuose, nous a réservé la gentille surprise de jouer la partie de piano, à cùté de l'excellent trompettiste Foveau.
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CONCERTS LAMOUREUX
C'était à Chabrier, à Saint-Saëns, à d'Indy, à Berlioz et à P. Dukas que M. Camille Chevillard consacrait son premier programme de l'année. La belle ouverture de Gwendoline, si violemment pittoresque, ouvrait le concert. Puis venait, disposée en trois « tableaux » symphoniques, la musique de scène dont M. Saint-Saëns, voici quatre ans tantôt, illustra un drame de M. Brieux, la Foi, donné pour la première fois à Monte-Carlo en 1 909. La précise élégance de ces trois morceaux, leur expression sobre et contenue apparurent aux auditeurs tout aussi bien qu'à la scène. Et l'œuvre du compositeur fut aussi chaudement accueillie qu'elle l'avait été en 1912, à l'Odéon, sous sa propre direction. Est-il bien nécessaire de signaler que l'admirable Symphonie en ut mineur du même maître, l'un des chefs-d'œuvre de notre art, n'a rien perdu non plus de sa force émotionnelle, ni de son effet sur le public ? Faut-il répéter la même chose pour ce qui regarde l'Apprenti sorcier de M. Paul Dukas ou l'entr'acte symphonique « Chasse et Orage » des Troyens ?. Mais le succès le plus décidé en cet après-midi du 4 janvier alla ce nous semble, au Wallenstein de M. Vincent d'Indy, auquel plus de
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trente ans écoulés n'ont rien enlevé de son charme et de sa puissance. M. Chevillard nous rendit la belle œuvre avec une ardeur et une chaleur admirables.
A la date du 11 janvier, nous notons ensuite une exécution, toujours soignée, de la Symphonie pastorale — avec quelque lenteur dans le dernier mouvement « Après l'orage » — de l'ouverture du Freischutz et du pittoresque poème d'Antar de Rimsky-Korsakoff, si supérieurement rythmé, si brillamment orchestré qu'à défaut de génie on y trouve vraiment le don musical sous toutes ses formes, sinon sur tous ses sommets.
Mme Croiza, la belle chanteuse et l'admirable artiste que vous savez, avait cru devoir demander l'indulgence pour sa voix ; elle en était certes digne ; mais elle eût pu la réclamer plus jusiement pour les trois morceaux qu'elle interprétait : l'ennuyeuse Captive de Berlioz, aussi vieux jeu que les vers de Victor Hugo qui l'ont inspirée — ceux-ci, entre autres : Je ne suis pas barbare — pour qu'un eunuque noir — accorde ma guitare ! — et auss i les deux poèmes de M. Guy Ropartz, le Manoir, paroles.
de M. Le Goffic, dont quelques phrases mélodieuses ne font pas oublier la monotonie, et Lied du soir, d'or- chestration compliquée et de charme à peu près nul pour la voix : de la musique inutile s'il en fût jamais.
Le 25 janvier, on nous offrait, à la salle Gaveau, un intéressant festival de musique russe, où quatre morceaux sur six présentaient une valeur réelle. Sans parler de la fameuse Thamar de Balakirew, déjà justement consacrée, la symphonie en sol mineur de Kallinnikow, jeune artiste de talent trop tôt disparu, nous parut tout à fait remarquable, chantante et savante à la fois.
Mme Suzanne Thévenet, de l'Opéra- Comique, interprétait délicieusement la touchante Berceuse, extraite des- Chants et Danses de la Mort, de Moussorgsky, un chef-d'œuvre. Regrettons que M. Frédéric Lamond,
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pianiste anglais, ait cru devoir nous infliger le très médiocre concerto de Tschaïkowsky — une belle phrase puissante et noble au début et à la fin, ce n'est pasassez — et relatons les applaudissements décernés à la Grande Pâque Busse, de Rimsky-Korsakow, contrepartie presque exacte, dans l'ordre religieux, du Capriccio espagnol, tout à fait laïque, du même maître. L'orchestre de M. Chevillard y fit merveille.
Le 8 février, après la classique ouverture d'Iphigénie- en Aulide de Gluck, les trois esquisses symphoniques sur la Mer, de M. Debussy, avaient trouvé, comme toujours, d'enthousiastes admirateurs et des sentimentsplus réservés dans la masse du public. Le second morceau, Jeux de vagues,, est le meilleur — sans pourtant s'élever beaucoup au-dessus du genre habituel de l'auteur : nous y voyons une foule de taches musicales juxtaposées et colorées par une instrumentation, également fragmentaire, même éparpillée. Mme Jacques Dalcroze, qui chantait si bien autrefois le Mozart sous le nom de Faliero, est venue interpréter le célèbre Phidylé de Duparc et une. Ronde de mai, fort joyeuse et bien rythmée, de son mari, M. Dalcroze. La voix manque de volume, mais le style est excellent et l'artiste est très sûre de ses effets. Enfin, elle a pris part comme soliste à la symphonie en sol majeur de Mahler, qui terminait la.
séance avec le brillant et bruyant Mazeppa de Liszt.
Le pauvre Malher n'est pas en faveur auprès de nos jeunes savants de l'Ecole d'Indyste, et le maître luimême, quand il prend la plume, écrase sans pitié ce Viennois qui osait écrire des valses et des berceuses.
Mahler n'avait pas de génie, c'est entendu, mais, nationalité à part, sa musique gracieuse et légère mérite, sinon l'admiration, du moins une sympathique bienveillance.
La journée du 22 février fu particulièrement excel-
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lente pour les Concerts Lamoureux. L'ouverture de Coriolan et la Symphonie en la étaient merveilleusement rendues par l'orchestre Chevillard, et l'enthousiasme du public, au final de la Symphonie, fut pleinement justifié. Mme Speranza Calo avait chanté dans un bon style avec une voix quelque peu lourde dans le medium, l'admirable Oh ! perfido du même Beethoven, et la Penthésilée, cette œuvre puissante de M. Alfred Bruneau, dont nous avons dit plus d'une fois la haute valeur.
Deux autres numéros du programme, Sadko, de Rimsky-Korsakow, et le morceau symphonique de Rédemp- tion, de César Franck, satisfirent entièrement les gram- mairiens musicaux les plus exig-eauts, sans nous révéler rien de nouveau sur leurs mérites depuis longtemps connus. La primeur du concert était le prélude du quatrième acte de la Cléopâtre, de M. Fernand Le Borne, qui quelques jours avant la représentation à MonteCarlo.de la Cléopâtre de Massenet, venait d'être donnée à Rouen avec le plus vif succès. Harmonieuse et douce, la musique de ce prélude orchestral, si ingénieusement instrumenté, a mission de nous décrire les impressions de Cléopâtre avant de se donner la mort. Le morceau est d'une pénétrante émotion. L'accueil du public a été enthousiaste et s'est traduit par un double rappel à M. Camille Chevillard.
Relatons, à la date du 8 mars, un beau concert Lamoureux ; classique avec la Symphonie inachevée de Schubert, dont le délicat parfum n'est pas évanoui après un siècle environ; romantique ensuite avec la Symphonie roumaine de M. Stan Golestan, Roumain lui-même.
comme on sait. Œuvre agréable, bien rythmée, joyeuse par moments, mais assez incohérente et peu orig-inale en somme, sauf dans la transcription de motifs populaires moldaves et valaques (ou plutôt tsiganes). C'est de la musique difficile, et quelques intonations douteuses des
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cuivres étaient dues à ce qu'on leur demandait presque des tours de force. Romantique encore, ce même concert avec les deux célèbres poèmes de Liszt, la Procession nocturne et la Valse de Méphisto, d'après Lenau.
Ajoutons que la mobilisation ayant fait de nombreux vides dans nos grands orchestres symphoniques, les Associations Colonne et Lamoureux fusionnaient amicalement et donnaient à la salle Ga veau, le 6 décembre 1914, leur premier concert1. Un second, un troisième et un quatrième eurent lieu le 132, le 203 et le 27 décemdre. 4 Comme en l'année précédente, les Concerts Colonne et Lamoureux s'unissaient en 1915 pour donner à la salle Ga veau des concerts dominicaux. Le programme de la première séance comprenait la Symphonie fantastique de Berlioz conduite par M. Gabriel Pierné et la Symphonie héroïque de Beethoven, dirigée par M. Camille Chevillard — eu même temps qu'une Berceuse héroïque, composée par M. Claude Debussy, pour rendre hommage au roi Albert Ier de Belgique et à nos
1. — Voici quel en était le programme : La Marseillaise. — 1. Chant funèbre (Albéric Magnard), La Brabançonne; 2. Symphonie en ré.
mineur (Cesar Franck), sous la direction de M. Gabriel Pierné ; God save the King : 3. Benediclus (A. Mackenzie), Boje Tsara krani ; 4. Antar, symphonie en quatre parties frUmsky-Korsakow), sous la direction de M. Camille Chevillard.
2. —Au programme : Ouverture de Patrie (Georges Bizet) ; fragments e" Pelléas et Mélisande (Gabriel Fauré) ; Fantaisie pour orchestre (J. Jongen); Sauge Fleurie (V. d'Indy) ; Symphonie en ut mineur (Saint-Saëns). Le concert sous la direction de M. Camille Chevillard.
3. — Au programme : 1. Première ouverture sur trois thèmes grecs (Glazounow) ; 2. Deux morceaux de la Symphonie inachevée (Borodine), terminée et instrumentée par Glazounow ; 3. Russia, poème symphonique (Balakirew) ; 4. Scènes alsaciennes (Massenet) ; 5. Les Heures dolentes (Gabriel Dupont) ; 6. Rédemption, morceau symphonique (César Franck).
Le concert était dirigé par M. Gabriel Pierné.
4. — Au programme : Ouverture de Phèdre (Massenet), Symphonie en sol mineur (E. Lalo), Petite Suite pour le piano à quatre mains (CI.
Debussy), orchestrée par M. H. Busser; Esquisse sur les steppes eltl l'Asie centrale (Borodine), Impressions d'Italie (G. Charpentier). Le concert était dirigé par M. Camille Chevillard.
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soldats. Au programme du 7 novembre, notons la première audition de Pour les funérailles d'un soldat, de Mlle Lili Boulanger, pour solis (M. Ghasne) chœurs et orchestre, dirigé par M. Pierné. Le 21 novembre, où Mlle Gabrielle Gills était l'interprète d'Henri Duparc, le programme comprenait la première audition de l'Ame de la terre, évocation symphonique de M. D. V. Fumet.
Le 5 décembre, notons le Poème pour piano et orchestre, sur un cantique de La Camargue de M. Darius Milhaud, interprété par M. Lazare Lévy. Le 12 décembre, M. Camille Chevillard inscrivait au répertoire la 4e Symphonie d'Albéric Magnard, dernière œuvre du regretté compositeur.
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CONSERVATOIRE DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION
COMPOSITION MUSICALE. - Premier grand prix : IVI. Dupré, élève de M. Widor. Deuxième second grand prix : M. Laporte, élève de M. Paul Vidal.
FUGUE. — Premiers prix : Mlle Granieret M. Roussel, élèves de M. Paul Vidal. Seconds prix : Mlle Ravigé, -_ M. Bigot et Mlle Canal, élèves de M. Paul Vidal. Premiers accessits : M. Tesson et Mlle Nagel, élèves de M. Widor ; M. Ibert, élève de M. Paul Vidal. Deuxième accessit: M. Berger, élève de M. Widor.
CONTREPOINT. — Premiers prix : Mlles Tailleferre et Bourgoin, élèves de M. Caussade. Seconds prix : M. Friseourt, élève de M. Caussade, et Cariven, élève de M. Gédalge. Premiers accessits; M. Fiévet, élève de M. Caussade, et Milhaud, élève de M. Gédalge. Deuxième accessit : M. Siohan, élève de M. Caussade.
HARMONIE. — Classes des élèves hommes. — Premiers prix : MM. Saunier et Margat, élèves de M. Lavignac, M. Rose, élève de M. Emile Pessard. Pas de second prix. Premiers accessits : MM. Cariven et Gaujac, élèves de M. Xavier Leroux, M. Lévi, élève de M. Lavignac. Deuxième accessit : M. Guittet, élève de M. Lavig-nac. -
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Classes des élèves femmes. — Premier prix Mlle Meuret, élève de M. Dallier. Second prix : Mlle Joseph, élève de M. Dallier. Premiers accessits : Mlles Dieudonné, élève de M. Dallier et Lefébure, élève de M. Chapuis. Seconds accessits : Mlles Tesson et Vaurabourgy élèves de M. Dallier.
CHANT. — Concours des élèves hommes. — Premiers prix : MM. Friant, élève de M. Hettisch et Morturier, élève de M. Guillamat. Seconds prix: MM. Cazette, élève de M. Engel, Mazens, élève de M. Lorrain, Laplaceet Santalonrie, élèves de M. Cazeneuve. Premiers accessits : MM. Vidal-Chalom et Millot, élèves de Mlle GrandJean; Stevens, élève de M. Dubulle; Fabre, élève de M. Cazeneuve; Guénot, élève de M. Eng-el ; Fillon, élève de M. Hettich. Deuxièmes accessits : MM. Sanchez, élève de M. Lorrain, De Ilhnsky, élève de M. Hettich; Albouy, élève de M. Berton ; Talembert, élève de M. Gazeneuve ; Rudeau, élève de M. de Martini.
Concours des élèves femmes. — Premiers. prix :: Mlles Marilliet, élève de Mlle Grandjean ; Reutermann, élève de M. Eng-el. Seconds prix: Mlles Famin, élève deM. Guillamat; Tatianoff, élève de M. Berton; Vétheuil, élève de Mlle Grandjean; Valette, élève de M. Engel..
Premiers accessits: Miles Clavel, élève de M. Dubulle:.
Laval et Snégina, élèves de M. Hettich; Alicita, élève de Mlle Graudjean. Deuxièmes accessits: Miles Mascot et Castroménos, élèves de M. Hettich; Baye, élève de M. de Martini ; Balanesco, élève de M. Eng-el ; Laffont et Delécluse, élèves de M. Lorrain ; Cros et Debacq, élèves de M. Berton ; Goerlich, élève de M. Dubulle.
OPÉRA. — Prix des élèves hommes. — Premiers prix : MM. Rambaud, élève de M. Saléza ; Stevens" élève de M. lsnardon; Taillardat, élève de M. Sizes.
Seconds prix : MM. Mazens, élève de M. Isnardon ; Fabre, élève de M. Saléza. Premiers accessits :
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MM. de llhnsky et Laplace, élèves de M. Melchissédec; Talembert, élève de M. Isnardon ; Pastouret, élève de- M. Saléza.
Prix des élèves fenllnes. — Premiers prix : MllesTa- tianoff, élève de M. Isnardon ; Saïman, élève de M. Melchissédec. Seconds prix: Mlles Laughlin et Snégina, élève de M. Saléza; Roize, élève de M. Melchissédec.
Premiers accessits: Mlles Cros, élève de M. Isnardon ; Niéras, élève de M. Melchissédec. Deuxièmes accessits ; M11ps Laffont et Delécluse, élèves de M. Sizes.
OPÉRA COMIQUE. — Prix des élèves hommes. —Premiers prix :- MM. Cazette, Rambaud et Pastouret, élèves de M. Saléza ; Kossovoski, élève de M. Isnardon; Friant, élève de M. Melchissédec. Seconds prix : MM. Morturier, élève de M. Sizes; Stevens et Santaloune, élève de M. Isnardon ; Laplace, élève de M. Melchissédec. Premiers accessits : M. Mazens, élève de M. Isnardon ; Millot, élève de M. Sizes; Rudeau, élève de M. Melchissédec. Deuxièmes accessits : MM. Talembert, élève de M. Isnardon : de llhnsky, élève de M. Melchissédec. Prix des élèves femmes. — Premiers prix : Miles Saï- man, élève de M. Melchissédec ; Tatianoff, élève de M. Isnardon. Seconds prix: Mlles Delécluze et Famin, élèves de M. Sizes ; Snégina, élève de M. Isnardon ; Niéras, élève de M. Melchissédec. Premiers accessits ; Mlles Valette et Roize, élèves de M. Melchissédec. Seconds- accessits : Mlles Reutermann et Schiff, élèves de M. Isnardon ; Clavel, élève de M. Sizes.
TRAGÉDIE. — Prix des élèves hommes. — Premiers prix: MM. Roger-Gaillard, élève de M. Paul Mounet ;.
Tonnel, élève de M. Leitner. Second prix : M. MorenoEstréguil, élève de M. Truffier. Premiers accessits : MM. Armand-BernarJ, élève de Mlle Renée du Minil; Polack, élève de M. Trufifer.
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COMÉDIE. — Prix des élèves hommes. — Premiers prix : MM. Polack, élève de M. Truffier; Roger-Gaillard, élève de M. Paul Mounet. Seconds prix : MM. Armand-Bernard et Vinot, élèves de Mlle Renée du Minil ; Lehmann, élève de M. Berr. Premiers accessits: MM. Yonnel, élève de M. Leitner : Sarcey, élève de M. Truffier; Perdou, élève de M. Raphaël Duflos.
Deuxième accessit: M. Hieronimus, élève de M. Berr.
Prix des élèves femmes. — Premiers prix: Mlles Servière, élève de M. Raphaël Duflos; Cuéreau, •élève de M. Paul Mounet ; Bretti, élève de Mlle Renée du Minil; Marken, élève de M. Leitner. Seconds prix: Mme Villeroy-Got, élève de M. Paul Mounet ; Mlle Gues..
nier, élève de M. Raphaël Duflos. Premiers accessits: Miles Boyer et Iribe, élèves de M. Berr ; Netter, élève de M. Leitner ; Maxa, élève de Mlle Renée du Minil.
Deuxièmes accessits : MllHS Les ville et Nizan, élèves de M. Raphaël Duflos.
PiA,No. - Classes des élèves hommes. — Premiers prix : MM. Figon et Jacquinot, élèves de M. Riera ; Cuhiles y Ramos et Jacques, élèves de M. Diémer. Seconds prix: MM. Dennery, élève deM. Riera ; Béché, élève de M. Diémer. Premiers accessits: MM. Duhem, élève de de M. Riera ; Bruck, élève de M. Diémer. Deuxièmes accessits : M. Franck, élève de M. Riera ; Lazarus, élève de M. Diémer.
Classes des' élèves femmes. — Premiers prix : Mlles Blanquer, Peri-Garcia, Laeuffer, Liénard, Grillet, élèves de M. Staub; Perrioud, Plé, Coffer, élèves de M. Cortot ; Radisse, de Valmalète, Decour, Dochtermann, élèves de M. Philipp. Seconds- prix : MlleqVeill,
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Khinitz, Durony, Javault, Creyx, élèves de M. Cortot ; Levy, Blancsubé, élèves de M. Philipp. Premiers accessits : Mlles Peltier. Feldblum, Chandoin, Barozzi, élèves de M. Philipp; Gard, élève de M. Staub ; De Guéraldi, élève de M. Cortot. Deuxièmes accessits: MIles Carl, élève de M. Cortot ; Manent, élève de M. Staub.
ORGUE. — Professeur: M. Gigout. — Premier prix M. Lanquetint. Pas de second prix. Premiers accessits Mlle Joseph et M. Marichelle. Deuxième accessit M. Meug-é.
HARPE. — Professeur: M. Tournier. — Miles David et Fontaine. Seconds prix : Mlles Veyron-Lacroix et Godeau. Premier accessit: Mlle Amalou. Seconds accessits : Mlles Schlésinger et Sombardier.
HARPE CHROMATIQUE. — Professeur Mlle Lénars. Premiers prix : Miles Potel et Courras. Second prix : Mlle Reverdaud-Lachambre. Premiers accessits : Mlle8 L'Hôte et Durupt.
VIOLON. — Premiers prix : Mlle Tempier, M. Bog-ôus- lawsky, élèves de M. Lefort; MM. Reynal et Mérikel, élèves de M. Rémy ; MM. Leibovici et Casadessus, élèves de M. Nadaud; Mlle Gautier, élève de M. Berthelier.
Seconds prix: M. Bouillon (Gabriel) et Mlle Henry, élèves de M. Berthelier; Milo Husson de Sampigny. élève de M. Nadaud; Mlle Calzelli, MM. Bas et Ferret, élèves de M. Lefort. Premiers accessits: M. Bouillon (Jean), Miles Isnard, Deck et M. Asselin, élèves de M. Berthelier; MM. Volant, Lévy et Mlle Psichari, élèves de M. Rémy ; Mlle Morselli, M. Brunschwig, élèves de M. Lefort ; M. Sucher, élève de M. Nadaud. Deuxièmes accessits : Mtle May et M. Guérin, élèves de M. Rémy ; Miles Herseut, Combarieu et M. EIzon, élèves de M. Nadaud; Mlle Morlot, élève de M. Berthelier; M. Chatelard, élève de M. Lefort.
ALTO. — Professeur: M. Laforg-e. — Premiers prix :
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M. Crinière et Mlle Nehr. Seconds prix: MM. Grout et Siohan. Premiers accessits: Mlle Wetzels et M. Pétain.
Deuxième accessit : M. Moineau.
VIOLONCELLE. — Premiers prix : MM. Stien et Miquelle, élèves de M. Cros Saint-Ang-e ; Chizalet, élève de M. Loeb. Seconds prix : MM. Gerling-, élève de M. Cros Saint-Ang-e ; Crinière (Robert), élève de M. Loeb. Premiers accessits: MM. Caveye et Vannemacher, élèves de M. Loeb ; Delobelle, élève de M. Cros Saint-Ange.
Deuxièmes accessits : MM, Lanchy et Antoine, élèves de M. Cros Saint-Ang-e; Clerget, élève de M. Loeb.
COTREBASSE. — Professeur: M. Charpentier. — Premiers prix : MM. Reynaud, Pennequin, Hornin. Pas de second prix. Premier accessit: M. Cagnard.
FLUTE. — Professeur : M. Hennebains. Premier prix : M. Valin. Seconds prix: MM. Welsch, Louis, Rampai.
Premiers accessits: MM. Cizeron, Delaitre, Manouvrier.
Deuxième accessit: M. Bigerelle.
HAUTBOIS. — Professeur : M. Gillet. Premier prix : M. Vasseur. Seconds prix: MM. DeboudueetRambaldi.
Premier accessit : M. Boudard. Deuxièmes accessits : MM. Combrisson, Honoré, Barguerie.
CLARINETTE. — Professeur : M. Mimart. Premiers prix : MM. Rambaldi, Bonnet, Graff. Premier accessit : M. Dubois. Deuxième accessit : M. Santandréa, Crozet, Vanhée.BASSON. —Professeur: M. Bourdeau. Premiers prix: MM. Grandmaison, Jacot, Messmer. Seconds prix : MM. Simon-Solère, Demarécaux. Premiers accessits : MM. Vidy, Vallad. Deuxièmes accessits: MM. Colomb, Guillotin.
COR. — Professeur: M. Brémond. Premiers prix: MM. Albert, Thys et Bouillet. Seconds prix : MM. \Varin et Mangeret. Premiers accessits : M. Roland. Premier accessit: M. Lambert. Deuxième accessit: M. Caillaux.
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CORNET A PISTONS. — Professeur : M. Petit. Premiers prix : MM. Lafosse, Porret et Bodet. Seconds prix : MM. Pamar, Cachera, Voisin et Denvitte. Premiers accessits: MM. Delattre etBrion.
TROMPETTE.— Professeur: M. Franquin. Premiers prix: MM. Déas (Gaston) et Caron. Seconds prix: MM. Déas (Théodore), Chambe et Neff. Pas de premier accessit. Deuxième accessit: M. Rousseaux.
TROMBONE. - Professeur: M. Allard. Premiers prix: MM. D'Hondt, Hansotte, Jacquemin et Boutry. Seconds prix: MM. Chandelon, Poitevin, Delforges. Premier accessit : M. Rumeau. Deuxième accessit: M. Chauvet.
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1915
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COMPOSITION MUSICALE. — Les concours pour le prix de Rome n'ont pas eu lieu en 1915.
FUGUE. — Premiers prix : Mlles Canal, elève de M. Paul Vidal; Nag-el, élève de M. Widor. Second prix : MLLE Guyot, élève de M. Widor. Pas de premier accessit.
Deuxièmes accessits : MM. Menu et Milhaud, élèves de M. Widor.
CONTREPOINT. — Premiers prix ; Mlles Dedieu-Peters, Bossus, Cammas, Soulage, élèves de M. Caussade. Pas de second prix. Premiers accessits: Mlle Meuret et M. Saunier, élèves de M. Caussade ; M. Rose, élève de M. Gédalge. Deuxièmes accessits: Mlles Vellenreuther et Gérard, élèves de M. Caussade.
HARMONIE. — Classes des élèves hommes. - Premier prix: M. Cariven, élève de M. Xavier Leroux.
Seconds prix; MM. Gaujac et Bernard, élèves de M. Xavier Leroux. Pas de premier accessit. Deuxième accessit: M. Steck, élève de M. Emile Pessard.
Classes des élèves femmes. — Premiers prix : Miles Boynet, élève de M. Dallier; Lefébure, élève de M. Chapuis. Pas de second prix. Premier accessit : Mlle Bonig-en, élève de M. Chapuis. Deuxièmes accessits : y¡Iles Goudeman, élève de M. Dallier ; Demarquez, élève de M. Chapuis.
CHANT. — Classes des élèves femmes. — Premiers prix : Miles Delécluse, élève de MM. Lorrain et Guillamat ; Clavel, élève de MM. Hettich et Dubulle. Second prix : Mlle Goerlich, élève de MM. Eng-el et Martini. Premiers
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accessits: Mlle Francesca, élève de Mlle Grandjean ; Bourguignon, élève de M. Berton; Cros, élève de M. Berton; Verney, élèvede M. Guillamat. Deuxièmes accessits: Mlles Diani et Montés, élèves de M. Guillamat ; Viratelle, élève de Mlle Grandjean ; Soyer, Perrold, Jougac et Fillet, élèves de M. Cazeneuee OPÉRA. — En considération de leurs camarades mobilisés, les élèves hommes ont renoncé au concours de cette année.
Concours des élèves femmes. — Premier prix Mlle Cros, élève de M. Isnardon et de M, Rouyer intérimaire. Seconds prix : MUes Clavel et Delécluse, élèves de M. Sizes. Premiers accessits : Mlle, Laval, élève de M. Melchissédec et de M. Albers intérimaire ; Jougac et Francesca, élèves de M. Saléza.
OPÉRA-COMIQUE. — En considération de leurs camarades mobilisés, les élèves hommes ont renoncé au concours de cette année.
Concours des élèves femmes. — Premier prix : Mlle Delécluse, élève de M. Sizes. Second prix: Mlle Clavel, élève de M. Sizes. Premiers accessits : Mlles Goerlich, éléve de M. Melchissédec et de M. Albers, intérimaire ; Soyer, élève de M. Sizes ; Bourguignon et Castroménos, élèves de M. Isnardon et Rouyer, intérimaire; Myrris, élève de M. Melchissédec et Albers, intérimaire.
TRAGÉDIE. — En considération de leurs camarades mobilisés, les élèves hommes ont renoncé au concours de cette année.
Concours des élèves femmes. — Pas de premier prix. Second prix : Mlle Rachel-Berendt, élève de M. Leitner. Premiers accessits : Mlles Bertrande, élève dé M. Berr; Parisis, élève de Mlle Renée du Minil ; Colliney, élève de M. Paul Mounet.
COMÉDIE. — Classe des élèves femmes. — Premiers prix : Mlle Bertrande, élève de M. Berr. Second prix :
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Mlle Colliney. élève de M. Paul Mounet. Premiers accessits : Mlles Nizan, Risse et Laffon, élèves de M. Duflos ; Sodiane et Parisis, éléves de Mlle Renée du Minil. Deuxièmes accessits : MIls Marquet, élève de M. Paul Mounet ; Nivette et Smith, élèves de M. Truffier; Berzanne et Montmartin, élèves de M. Leitner.
PIANO. — Classes des élèves hommes. — Premiers prix : MM. Dennery et Duhem, élèves de M. Riera ; Lazarus, élève de M. Diémer. Seconds prix : MM. Bédouin et Gaillard, élèves de M. Diémer; Reuchsel, élève de M. Riera ; de Gontaut-Biron, élève de M. Diémer.
Classes des élèves femmes. — Premiers prix : Mlles Durony, Khinitz, Creyx, Weill, Javault et de Guéraldy, élèves de M. Cortot; Herrenschmidt, Lévy, Blanc- subé et Peltier, élèves de M. Philipp ; Girauld et Poulet, élèves de M. Staub et Lazare-Lévy, intérimaire. Seconds prix : Mlles Rosalès, Brard, Lwowski, élèves de M. Cortot ; Binecher., Gard, Jankelevitch et Marseille, élèves de MM. Staub et Lazare Lévy, intérimaire ; Barozzi, Gouin et Chaudouin, élèves de M. Philipp. Premiers accessits : Mlles Carl, élève de M. Cortot; Manent, Mercier et Ruff, élèves de MM. Staub et Lazare-Lévy, intérimaire; Fontan, Supot et Dubois, élèves de M. Philipp.
ORGUE. — Professeur : M. Gigout. Premier prix : M"'* Joseph. Pas de second prix. Premier accessit ; M. Aeschlimann. Deuxième accessit: Mlle Hublé.
HARPE. — Professeur : M. Tournier. — Premiers prix : Mlles Veyron-Lacroix, Godeau, Mion, Schlésinger, Second prix : Mlle Amalou. Premiers accessits : Roussel et Dolne. Deuxième accessit: Mlle Speliers.
HARPE CHROMATIQUE. — Professeur : Mlle Lénars. Premier prix : Mile L'Hôte. Second prix: Mlle Menu.
Premiers accessits : Mlles Roux et Fourment. Deuxièmes accessits: Mlles Lafont-Saint-Gal, Hamrys.
VIOLON. — Premiers prix : MM. Bouillon (Gabriel) et
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Soetens, élèves de MM. Berthelier et Capet, intérimaire ; Mlle Calzelli et M. Ferret, élèves de M. Lefort: M. Gosselin, élève de M. Rémy; Mlle Husson de Sampigny, élève de M. Nadaud. Seconds prix : M. Stenger, Mlles Morselli et Curti, élèves de M. Lefort ; MM. Lévy et Volant, élèves de M. Rémy ; Mlles Pouant, Isnard et M. Bouillon (Jean), élèves de MM. Berthelier et Capet, intérimaire. Premiers accessits : Mlles Hersent, Combarieu, Zimmermann et M. Benedetti, élèves de M. Nadaud ; Mlle Capelle, élève de MM. Berthelier et Capet, intérimaire. Deuxièmes accessits: M. Ghilévitch, élève de M. Rémy ; Mlles Bréval, Kanter, Nito et Mignot, élèves de M. Nadaud ; Mlle Joviaux, élève de MM. Berthelier et Capet intérimaire.
ALTO. — Professeur : M. Laforge. — Premier prix : M. Pétain. Seconds prix: Mlles Wetzels, Schœnenberger.
Premier accessit; Mlle Maibaum. Deuxièmes accessits : Mlles Moris et Vaultier.
VIOLONCELLE. — Premiers prix: M. Zighera, élève de M. Loeb ; M. Dorfmann et Mlle Laffite, élèvesde M. Cros Saint-Ange. Premiers accessits : Mlle Lewinsohn et M. Clerget, élèves de M. Loeb: Mlle Ellis, élève de M. Cros Saint-Ange. Deuxièmes accessits : Mlle, Videt et Monier, élèves de M. Cros Saint-Ange ; Mile Delorme, élève de M. Loeb.
CONTREBASSE. — Professeur : M. Charpentier. — Pas <le premier ni de second prix. Premiers accessits : MM. Robillard et Thévenin. Deuxième accessit : M. Brousse.
FLUTE. — Professeur: M. Hennebains. Pas de premier prix. Second prix : M. Manouvrier. Premiers accessits : MM. Bigerelle et Ringeisin. Deuxième accessit : M. Desormière.
HAUTBOIS. — Professeur : M. Gillet. — Pas de premier prix. Second prix : M. Louet.
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CLARINETTE. — Professeur : M. Mimart. — Pas de premier prix. Second prix : M. Lefebvre. Premier accessit : M. Rouillard. Deuxième accessit : M. Girod-A-PetitLouis.
BASSON. — Professeur : M. Bourdeau. — Pas de premier ni de second prix. Premier accessit : M. Wild.
COR. - Professeur: M. Brémond. — Pas de premier ni de second prix. Premier accessit : M. Le Gay.
CORNET A PISTONS. — Professeur: M. Petit. — Premier prix: M. Delattre. Second prix: M. Belloy. Pas de premier accessit. Second accessit: M. Plateau.
TROMPETTE. — Professeur: M. Franquin. — Ce concours n'a pas eu lieu, tous les élèves ayant été mobilisés.
TROMBONE. — Professeur: M. Allard. — Ce concours n'a pas eu lieu, tous les élèves ayant été mobilisés.
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NÉCROLOGIE1
Hommes de lettres et Auteurs dramatiques Georges Battanchon, Adrien Bernheim, Fernand Bloch, Thomas Brandon, Anatole Claveau, Paul Déroulède, Alfred Edwards, Hector Fleischmann, Louis de Fourcaud, Frappier, Pierre Ginisty, Augé de Lassus, Jules Lemaître, Théodore Massiac, Adolphe Maujan, - Charles Muller, Henry Roujon, Emile Pierret, Jacques Renaud, Pierre Sales, Henri Second, Léon Séché, Georges Visinet.
Compositeurs et Artistes musiciens Charles de Bériot, Alexandre Brody, Chavagnat, Gabriel Dupont, Hennebains, Félix Jaley, Mme Léonard, Leseure, Albéric Magnard, Charles Malo, Philippe Moreau, Pennequin, Eugène Piffaretti, Lucien Poujade, Raoul Pugno, Lucien Rousseau, Henry Saint- René Taillandier, Mme Trélat.
Artistes dramatiques et lyriques Antoinette Clem, Mme Luce Colas, Cooper, Jeanne Darlaud, Dharsay, René-Frédéric Leconte, Renée Derigny,
1. — Sont imprimés en caractères spéciaux les noms des écrivains et des artistes morts au Champ d'honneur.
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Faure, Gandubert, Garrigues, Gavarry, Lucy Jous- set, Andréo Lambell, Gabrielle Lange, Jeanne Leclercq, Mlle Léo Malraison, Max, Moricey, Mme Lilian Nordica, Mme Jane Norris, Mme Pasca, Paul Plan, Paul Plançon, Reynal, Manette Simonet, Paul Stuart, Jeanne Thibaut, Mlle Vatta.
Divers Léon Chalain (chef costumier de la Comédie-Française), José de Charmoy, René Henry, Gabriel Morris.
Fernand Samuel.
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1915
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Hommes de lettres et Auteurs dramatiques Paul Acker, Raoul Aubry, Henry Bauër, Louis Bénière, Paul Chabrier, Félix Duquesnel, Auguste Germain, Paul Hervieu, Robert d'Humières, Maurice Lefèvre, Jules Lermina, Michel Manzi, Antony Mars, Alfred Mézières, Raoul de Najac, Jacques Nayral, Camille de Sainte-Croix, Georges Thellier de Poncheville, Raoul de Saint-Arroman, Louis Tiercelin, Antoine Yvan.
Compositeurs et Artistes musiciens Emile de Bailly, Marcel Baillon, Berthelier, Charles Brion, Capdeville, Marcel Casadesus, Léo Christiani, Drouin de Bercy, Jules Ecorcheville, Gerny, Louis Gregh, Guillemette, René Hossenlop, Pierre Lainé, Marcel Legay, Antonin Louis, Arthur Maquaire, Joseph de Marliave, de Martini, Marcel Marty, Lucien Mailleux, Eugène Mestre, Pierre Passera, Georges Pujol, Emile Réty, Risber, Schikel, Etienne Soudieu, Victor Trojelli, Emile Woldteuffel.
Artistes dramatiques et lyriques Mme Camille Bienfait, Emile Caillet (dit Rissler) , Odette Carlya, Cazeneuve, Paul Chevalet, Gabrielle Drunzer, Duc, Adèle Isaac, Georges Jalabert, Charles Joliet, Mme Léone de Landresse, Lassouche, Charles
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Masset, Marthe Meunier, André Mornys, Moréno- Estréguil Romain, Mme Jean Noté, Paravey, Mme Petipa, Raoul Sarcey, Tramond, Mme Vorska.
Divers Léopold Boyer, ex-directeur de théâtre ; Marcel Picard, afficheur de théâtre ; Daniel de Losques, dessi- nateur ; Richard, costumier de l'Opéra-Comique.
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LA PRESSE THÉATRALE EN 19141
Agence Havas. - M. GEORGES VISINET, puis M. C. FLORENTIN.
Action. — M. CAMILLE LE SENNE. Annales politiques et littéraires. — M. PIERRE GINISTY 2, critique dramatique ; M. ALBERT DAYROLLES, critique musical.
L'Art et la Mode. — M. LUCIEN CHANTEL (LouisClaude-Silver), critique dramatique ; M. EDMOND STOULLIG, critique musical.
Aurore. '— M. CHARLES DEMESTRE (Charles Martel), critique dramatique; M. CASADESUS, critique musical; M. PAUL LÉVY, Courrier des théâtres.
Comœdia. — M. DE PAWLOWSKI, critique dramatique ; M. EMILE VUILLERMOZ, critique musical ; MM. CASELLA et
1. — Les critiqnes dont les noms ne sont suivis d'aucune mention sont en même temps chargés du compte-rendu dramatique et du compterendu musical.
Cette liste se rapporte aux sept premiers mois de l'année 1914. Dès le 2 août, immédiatement ou peu après la déclaration de guerre, plusieurs des journaux ici mentionnés cessaient de paraître, et les autres n'eurent bientôt plus à s'occuper des théâtres, qui avaient tous fermé leurs portes.
2. — Le lieutenant Pierre Ginisty est mort au champ d'honneur en décembre 1914.
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Louis SCHNEIDER ; M. EMILE MAS, la Comédie-Française ; M. JEAN PRUDHOMME, l'Opéra-Comique; M. RAPHANEL (Maximilien Roll), l'Odéon ; M. DAVIN DE CHAMPCLOS, Soirée Parisienne.
Comœdia illustré. — M. ERNEST LA JEUNESSE, critique dramatique; M. ALBERT BERTHELIN, critique mu- sical ; M. D. CALVOCARESSI, critique des concerts.
Courrier du soir. - M. RENÉ PRELM, critique dramatique; M. HENRY BOYER, critique musical.
Cri de Paris. — M. ARMAND EPHRAÏM.
La Critique indépendante. — M. JACQUES PARÈS.
Daily Mail.m— M. ALBERT KEYSER.
La Dépêche Coloniale. — M. RENÉ BENOIST.
Echo de Paris. — M. FRANÇOIS DE NION, critique dramatique; M. ADOLPHE BOSCIIOT, critique musical; M. AUGUSTE GERMAIN (Le Capitaine Fracasse), Courrier des théâtres.
Eclair. — M. PAUL SOUDAY; M. J.-L. CROZE, Courrier des théâtres.
Excelsior. - M. JOSEPH GALTIER, critique dramatique ; M. JEAN CHANTAVOINE, critique. musical ; M. XAVIER Roux, Soirée parisienne.
Femina. — M. HENRI DUVERNOIS.
Figaro.- M. ROBERT DE FLERS, critique dramatique; M. GABRIEL FAURÉ, critique musical ; M. HENRI QUITTARD, critique des concerts ; M. MIGUEL ZAMACOÏS (Un Monsieur de l'Orchestre), Soirée parisienne ; M. RÉGIS GIGNOUX, Courrier des théâtres.
France. — M. FERNAND WEIL (Nozière).
France du Sud-Ouest. — M. FERNAND BOURGEAT.
Gaulois. — M. FÉLIX DUQUESNEL, critique dramatique; M. L. DE FOURCAUD, critique musical; M. Louis
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SCHNEIDER, critique des concerts; MM. EDOUARD NOEL et LIONEL MEYER, Courrier des spectacles.
Gazette de France. — M. GEORGES MALET, critique dramatique ; M. HENRI DE CURZON, critique musical.
Gil Blas. — M. EDMOND SÉE, critique dramatique ; M. ISIDORE DE LARA, critique musical ; M. RENÉ BLUM, Courrier des théâtres.
Grande Revue. - M. JACQUES COPEAU.
Guide musical. — M. HENRI DE CURZON.
Homme libre. — M. CHARLES MULLER, critique dramatique ; M. RAOUL BRUNEL, critique musical.
Humanité. — M. ALFRED NATANSON (Alfred Athis), critique dramatique; M. B. MARCEL, critique musical.
Illustration. — M. GASTON SORBETS.
Indépendance Belge. — M. R. DE WEINDEL, critique dramatique.
Intransigeant. — M. EDOUARD BEAUDU, critique musical.
Journal. — M. ABEL HERMANT, critique dramatique; M. REYNALDO HAHN, critique musical; MM. MAUBISSON et PAUL LARGY, Courrier des théâtres.
Journal des Débats. — M. HENRY BIDOU, critique dramatique ; M. ADOLPHE JULLIEN, critique musical ; M. EDOUARD SARRADIN, Compte-rendu du lendemain et Courrier des théâtres.
Journal du IXe arrondissement — M. FABIUS DE CHAMPVILLE
Lanterne.- M. EUGÈNE HÉROS, critique dramatique ; M. BEAUCHAMPS, critique musical.
Liberté. — M. J. DE PIERREFEU, critique dramatique ; M. GASTON CARRAUD, critique musical ; M. LÉONCE BALITRAND, Courrier des théâtres.
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Libre Parole. — M. GENDROT (Jean Drault).
Magasin pittoresque. - MM. EMILE et Louis FouQUET.
Matin. — M. LÉON BLUM, critique dramatique ; M. ALFRED BRUNEAU, critique musical.
Mémorial diplomatique. — M. ALEXANDRE BIGUET, critique dramatique ; M. CHARLES LAMBERT (Charles Bert), critique musical.
Ménestrel. — M. ARTHUR POUGIN, critique musical ; MM. PAUL-EMILE CHEVALIER et MAURICE LÉNA, critiques dramatiques.
Monde Artiste. - M. PAUL MILLIET, critique musical; M. EDMOND STOULLIG, critique dramatique.
Monde illustré. — MM. J.-J. FRAPPA et GEORGES RICOU, critiques dramatiques; MM. AUGUSTE BOISARD et MARCEL FOURNIER (Paul Marcelles) , critiques musicaux.
Monde musical. — MM. MANGEOT et DANDELOT.
National. - M. MAUJEAN (Emile Max), critique dramatique.
New- York Herald. — M. PIERRE VEBER.
Opinion. — M. J. ERNEST-CHARLES, critique dramatique; M. LICHTENBERGER, critique musical.
Paris-Midi. — M. ROBERT CATTEAU, puis M. CAMILLE LE SENNE.
Paris-Sport. — M. AUGUSTE GERMAIN.
Patrie. — M. H. DE GORSSE, critique dramatique; M. ALBERT RENAUD, critique musical ; M. ICHAC, Courrier des théâtres.
Petit Journal. — M. GEORGES ,BOYER ; M. PAUL DAMBLY, critique des concerts.
Petit Marseillais. — M. YVAN (Théodore Henry).
Petit Parisien. — M. ADOLPHE ADERER ; M. FAURÉ, Courrier des théâtres.
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Petite République. — M. SABATIER, critique dramatique ; M. PAUL ABRAM, critique musical.
Presse. ---:" M. GUY DE TÉRAMOND, critique dramatique ; M. MARCEL HABERT (Mondor), critique musical.
Radical. - M. BLOCH (José de Béris), critique dramatique.
Rappel. — M. Louis MIRAL, critique dramatique; M. ALBERT MONTEL, critique musical; M. JULES LECOCQ, Courrier des théâtres.
République française. - M. ALBERT BLAVINHAC ; M. GUSTAVE SAMAZEUILH, critique des concerts.
Revue Bleue. — M. FIRMIN Roz, critique dramatique.
Revue des Deux-Mondes. — M. RENÉ DOUMIC, critique dramatique ; M. CAMILLE BELLAIGUE, critique musical.
Revue universelle. — M. PAUL SOUDAY, critique dramatique; M. G. SERVIÈRES, critique mnsical.
Siècle. — M. CAMILLE LE SENNE1.
S. M. I. — M. EMILE VUILLERMOZ ; MM. VINCENT D'I NDY et CLAUDE DEBUSSY.
Soir. — M. JACQUES SCHELLEY, critique dramatique ; M. ALBERT SOUBIES (B. de Lomagne), critique musical.
Soleil. — MM. EMILE DE SAINT-AUBAN et ROBERT GUILLOU; M. EDMOND LEPAGE (Nissarès), critique des concerts.
Temps. — M. ADOLPHE BRISSON, critique dramatique ; M. PIERRE LALO, critique musical; M. ADOLPHE ADERER, Compte-rendu du lendemain et Courrier des théâtres.
Théâtre. — M. FÉLIX DUQUESNEL.
1. — En 1914, M. Camille Le Senne a continué, à l'Ecole des Hautes Etudes Sociales, son très intéressant « Feuilleton parlé ».
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LA PRESSE THÉATRALE EN 1915
Agence Havas. — M. C. FLORENTIN.
Action. — M. CAMILLE LE SENNE.
Cri de Paris. — M. ARMAND EPHRAÏM.
La Dépêche Coloniale. - M. RENÉ BENOIST.
Les Deux Masques. — M. RAPHANEL (Maximin Roll) ; M. H. DE CURZON, critique musical.
Excelsior. — M. GABRIEL GROVLEZ, critique musical ; M. EMILE MAS, Comédie-Française ; M. J.-L. CROZE, Courrier des théâtres.
Figaro. — M. RÉGIS GIGNOUX, critique dramatique et Courrier des théâtres ; M. HENRI QUITTARD, critique musical.
Gaulois. — M. Louis SCHNEIDER ; M. EDOUARD NOEL, Courrier des spectacles.
1. - Cette liste, arrêtée à la date du 31 décembre 1915, comprend les journaux qui ont recommencé à s'occuper peu ou prou des théâtres et concerts, soit par la plume de leurs rédacteurs ordinaires, soit par celle d'intérimaires, lorsque leur personnel était décomplété par la guerre, ou décapité, comme il le fut au Gaulois, par la mort de deux vétérans de la critique : Félix Duquesnel et Louis de Fourcaud.
En 1915, l'Association de la Critique dramatique et musicale a main tenu son Bureau, ainsi composé : M. Adolphe Brisson, président ; MM. René Benoist et Fernand Le Borne, vice-présidents ; M. Théodore Henry, secrétaire général ; M. Georges Daudet, trésorier ; M. Edmond Stoullig, archiviste.
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Humanité. — M. CYRILLE, critique des concerts.
Information. — M. P.-L. DUPREY, Courrier des théâtres.
Journal. — M. ERNEST LA JEUNESSE ; M. MAUBISSON, Courrier des théâtres.
Journal des Débats. — M. HENRY BIDOU, critique dramatique; M. ADOLPHE JULLIEN, critique musical.
Liberté. — M. JEAN AUBRAY, critique dramatique; M. GASTON CARRAUD, critique musical.
Matin. — M. LÉON BLUM, critique dramatique.
Monde illustré. — M. MARCEL FOURNIER; M. Au- GUSTE BOISARD, critique musical.
Opinion. — M. J. ERNEST-CHARLES, critique dramamatique ; M. ANDRÉ LICHTENBERGER, critique musical.
Paris-Midi. — M. CAMILLE LE SENNE ; M. JAN DE MERRY, Echos des théâtres.
Patrie. — M. ALBERT RENAUD, critique musical.
Petit Bleu. — M. DAVIN DE CHAMPCLOS, Courrier des théâtres.
Petit Journal. — M. GEORGES BOYER.
Petit Parisien. — M. ADOLPHE ADERER.
Rappel. — M. Louis MIRAL, critique dramatique ; M. JULES LECOCQ, Courrier des théâtres.
Siècle. — M. CAMILLE LE SENNE1.
Temps. — M. ADOLPHE BRISSON, critique dramatique ; M. ADOLPHE ADERER, Compte-rendu du lendemain et Courrier des théâtres.
1. — Le « Feuilleton parlé » de M. Camille Le Senne fait salle comble à l'Ecole des Hautes Etudes Sociales, où il en est à sa neuvième année de grand succés.
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TABLE DES MATIÈRES
PAGES PR-KFACE vu Académie nationale de musique. 1 -Comédie-Française. 37 Théâtre national de l'Opéra-Comique. 115 Théâtre national de l'Odéon. 149 Théâtre du Gymnase. ",. 177 Théâtre du Vaudeville..,. 195 Théâtre des Variétés. 205 Théâtre du Palais-Royal 219
.Théâtre de la Porte-Saint-Martin., ., 229 Théâtre de l'Ambigu. 245 'Théâtre Antoine., ., .,. 259 Théâtre Réjane. 283 -*Théâtre de la Renaissance 295 Théâtre Sarah Bernhardt. 311 Théâtre des Bouffes-Parisiens. 327 Théâtre lyrique municipal de la Gaîté. 343 Théâtre du Châtelet. 365 Théâtre des Champs-Elyées , ., , 377 Théâtre de l'Athénée i.. 383 Comédie Marigny. , , 391 Théâtre Apollo. 395 Théâtre Femina. 405 -Comédie des Champs-Elysées 409 Théâtre Cluny. 415 Théâtre Déjazet 423 .'l'héâtre des Arts. .,. 429 Trianon lyrique. 433 Théâtre de I'EOuvre. 441 Cercle des Escholicrs , 451 Grand Guignol. 459 Théâtre des Capucines. 465 Théâtre Michel. 471 Comédie Rovale. 481 Théâtre Impérial : 483 Théâtre du Vieux-Colombier 487 Les Trente ans de Théâtre 489 Concerts du Conservatoire. 493 Concerts Colonne. 495 Concerts Lamoureux 1 503 Conservatoire de musique et de déclamation 509 Nécrologie 525 La Presse théâtrale en 1914-1915 531
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Grande Imprimerie de Troyes, rue Thiers, 126
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LIBRAIRIE PAUL OLLENDORFF 50, Chaussée d'Antin, PARIS
EDMOND STOULLIG Les Annales du Théâtre et de la Musique comprennent 40 volumes, les vingt et un premiers en collaboration avec M. Edouard Noël : lor volume (année 1875), avee une préface de Francisque SARCEY; 2e volume (année 1876), avec une étude de Victorien SARDOU, de l'Académie française : L'Heure du Spectacle; 3° volume (année 1877), avec une étude de Edmond GOT, de la Comédie-Française : Le Théâtre en Province; 4e volume (année 1878), avec une étude de Emile ZOLA: Le Naturalisme aIt Théâtre; 5e volume (année 1879), avec une préface de Henri de LAPOMMERAYE : 1779-1879: 6e volume (année 1880), avec une étude de Victorin JONCIÈRES : La Question du Théâtre-Lyrique ; 7e volume (année 1881), avec une préface de Henry FOUQUIER : La Maison de M. Perrin ; 8" volume (année 1882), avec une étude sur la blise en Scène, par Emile PERRIN, de l'Institut ; 9e volume (année 1883), avec une préface de Charles GARNIER, de l'Institut : Le Tout Paris des Premieres ; 10e volume (année 1884), avec une préface de Henri de PÈNE : Le Journal et le Théâtre ; fio volume (année 1885), avec une étude de Charles GOUNOD, de l'Institut : Considé- rations sur le Théâtre contemporain ; 12e volume (année 1886), avec une préface de Jules BARBIER : Les Jeunes; 13e volume (année 1887), avec une préface de Jules CLARETIE, de l'Académie française : Il y a cent ans; 14e volume (année 1888), avec une préface de Hector PESSARD Le Théâtre Libre; 15e volume (année 1889), avec une préface de Henri MEILHAC, de l'Académie francaise: La Comédie au Cercle; 16e volume (année 1890), avec une préface de Ludovic HALÉVY, de l'Académie française : Une Directrice de la Comédie-Française ; , 17e volume (année 1891), avec une préface de Gustave LARROUMET, de l'institut Le Centenaire de Scribe: 18e volume (année 1892) avec une préface de Jules LEMAITRE, de l'Académie française : Le Mysticisme ail Théâtre ; 19e volume (année 1893), avec une préface de F. BRUNETIÈRE, de l'Académie française : La Loi du Théâtre ; 20e volume (année 1894), avec une préface de Francisque SARCEY; 21e volume (année 1895), avec une préface de Félix DUQUESNEL : De l'Evolution des Répertoires dramatiques ; 22e volume (année 1896), avec une préface de A. CLAVEAU: L'Education du Comédien; 23e volume (année 1897), avec une préface de Emile FAGUET, de l'Académie fran- çaise : La Comédie contemporaine ; 24e volume (année 1898), avec une préface de Augustin FILON : La Philosophie du Théâtre ; *25° volume (année 1899), avec une préface de M. Albert CARRÉ : Le Prix Monbinne; 26e volume (année 1900), avec une préface de Lucien MUHLFELD : Le Malaise du Théâtre ; 27e volume (année 1901), avec une préface de Paul HERVIEU, de l'Académie française : Un Ancêtre aux Annales du Théâtre et de la Musique ; 280 volume (année 1902), avec une préface de CATULLE MENDÈS: Les Autres et Nous ; 29e volume (année 1903), avec une préface de M. Alfred CAPUS : Les Nouvelles Difficultés du Théâtre ; 30e volume (année 1904), avec une préface de M. C. SAINT-SAENS, de l'Institut : Causérie sur l'Art du Théâtre; 31° volume (année 1905), avec une préface de M. Jean RICHEPIN, de l'Académie française : L'Amateurisme; 32e volume (année 1906), avec une préface de M. Adolphe BRISSON: L'Auteur dramatique ; 33° volume (année 1907), avec une préface de M. NOZIÈRE: Contre toute tradition ; 34e volume (année 1908), avec une préface de M. Maurice DONNAY, de l'Académie française : Le Cinquième acte est mort ; 35e volume (année 1909), avec une préface de M. Henri LAVEDAN, de l'Académie française : Le Métier; 36e volume (année 1910), avec une préface de M. Adolphe JULLIEN 1875-1910 ; 37° volume (année 1911) avec une préface de M. Robert de FLERS : Critiques Auteurs; 38e volume (année 1912) avec une préface de M. Léon ELDM ; 39e volume (année 1913) avec une préface de M. Abel HERMANT: Le Théâtre d'hier et le Théâtre de demain.