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Depuis quelque temps, le xix
.« stupidexixsièclee[NdE] Léon Daudet, »Le stupide XIX, Paris, Nouvelle Librairie nationale, 1922 (OBVIL).esiècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919
Le moment est-il bien choisi pour combattre, au nom de l’intelligence, un siècle qui, jusqu’ici, n’était maltraité que dans les manuels scolaires, et que les élites étrangères se représentent comme un des plus riches et des plus glorieux de notre histoire littéraire ? Si on se place au point de vue strictement national, y a-t-il intérêt ou danger à vouloir diminuer les grands écrivains contemporains, qui ont le plus largement aidé au rayonnement de la pensée française, en un temps où notre patrie, privée de la gloire des armes, méconnaissait même les triomphes sportifs ? Est-il opportun de rabaisser une époque éprise d’idéologie et d’art, aux yeux de nos foules actuelles, qui ne se complaisent que trop, hélas ! aux jeux du stade ou au spectacle du cinéma ?
Cette question, Les Marges ont cru intéressant de la soumettre aux principaux représentants des générations intellectuelles d’aujourd’hui.
Le siècle qui compte des poètes comme Vigny, Lamartine, Hugo, Musset, Gautier, Baudelaire, Banville, sans excepter les grands symbolistes, Verlaine et Mallarmé, des romanciers comme Balzac, Stendhal, Flaubert, les Goncourt, Zola, des critiques comme Sainte-Beuve et Taine, des écrivains scientifiques et des philosophes comme Claude Bernard, comme Auguste Comte, de suprêmes intelligences comme Ernest Renan, — et combien d’autres princes de lettres, encore, dans le lyrisme, la prose ou au théâtre !… Ce siècle-là est-il digne de notre réprobation ou de notre reconnaissance ?
Surpasse-t-il les autres siècles de notre littérature, les xvi e, xviie et xviiie siècles, ou bien leur est-il inférieur ?
Lui sommes-nous redevables de notre désarroi ou de notre enrichissement spirituel ?
Voici les réponses que nous avons reçues :
Qu’est-ce qu’un siècle ? Qu’est-ce qu’un grand siècle ? Je ne suis pas bien sûr de le savoir. Mais je suis sûr qu’au e
Par l’ampleur et la variété de son œuvre, Victor Hugo me semble dépasser Dante, Shakespeare et Racine.
Quand on attaque le ee
Jamais la littérature française n’a été plus riche, plus belle, plus originale qu’entre les années 1820 et 1880 : voilà ce que disent les étrangers, qui nous jugent et qui nous goûtent avec plus d’impartialité et d’indépendance que nous ne pouvons le faire nous-mêmes.
Quant à établir un concours posthume entre les siècles littéraires pour les classer selon leur mérite, c’est du pédantisme, c’est du temps perdu.
Il serait vain de consolider le piédestal du e
Le eIntelligere, comprendre : il est plus grand de créer.
Hier, nous puisions dans les trésors du e
Je lis Les Marges et je les aime depuis qu’elles paraissent, je n’aurais pas cru qu’elles s’enrôleraient un jour au service de la « propagande ».
De quel drôle de point de vue part votre enquête ! Il faut prendre garde de diminuer le e
Il était probable que le eee
Il y aura des injustices au début de cette révision. Et puis, bien des auteurs et bien des ouvrages seront remis à leur place. Un choix se fera : laissez-le se faire. Des goûts et des modes s’en iront. Des admirations deviendront incompréhensibles. Les Incas de Marmontel ont eu autant de succès que les romans de Zola. Ma grand’mère pleurait en lisant La Nouvelle Héloïse. Aimez-vous Les Incas ? Pleurez-vous aux lettres de Saint-Preux ? Non. Alors, pourquoi vous attacher seulement au culte des livres d’hier ? ils auront leurs limbes et leur déchet comme ceux d’avant-hier.
Ce stupide eeeeee
George Sand disait « le stupide Pagello »
. C’était manière de parler ! Elle se plaisait avec lui.
La vérité c’est que nous sommes nécessairement injustes avec la plupart des œuvres que nous avons d’abord distinguées. Nous les dévorons avidement, nous en faisons notre chair et notre sang, et puis un beau jour nous n’y trouvons plus rien. Je crois bien, nous leur avons tout pris ! Alors pour continuer de nous augmenter, nous sommes quasi obligés d’être ingrats, de les abandonner, de les renier, de courir chercher ailleurs quelque chose de meilleur dont elles nous ont donné le présentiment.
C’est l’aventure banale, dans l’histoire du développement de nos idées. N’y échappent que certaines œuvres inépuisables. Il y a des œuvres plus profondes, plus parlantes à mesure que nous les interrogeons et que nous maintenons dessus notre regard attentif.
Quelles œuvres ? Vous m’entraîneriez trop loin, et sans discuter ni même citer, je répondrai d’un mot : les chefs-d’œuvre classiques.
Quels sont-ils ? D’abord tous les livres connus comme tels au baccalauréat. Et d’autres plus récents, par exemple Candide. Et au ee
Nous avons eu beaucoup de grands hommes, promis au plus hautes destinées, qui ont été devant nous jetés sur le tapis du monde, disputés entre la vie et la mort, et plus d’une fois la vie a perdu la partie. Ce qui promettait une éclosion magnifique s’est desséché avant d’avoir mûri, a tourné à la démesure, au phénomène monstrueux. Ces échecs nous les voyons parce qu’ils s’accomplissent sous nos yeux, tandis que des siècles reculés nous ne voyons que des réussites parfaites. Mais, dans tous les temps, il y eut de ces péchés contre l’esprit, de ces défaites des mieux doués.
Pour conclure, je l’aime de tout mon cœur ce eeeee
N.-B. — Je vois que vous traitez Renan de suprême intelligence. Ah ! non. J’aime beaucoup Renan et je lui dois beaucoup. C’est un esprit charmant, brillant, et dans ses livres il a le génie même de la conversation, nourri des plus riches études. Mais suprême intelligence, Montfort, vous allez fort ! Qu’est-ce que vous direz de Pascal ? Suprême ? Alors le haut royaume de l’esprit, les grandes profondeurs de la méditation, les pêches miraculeuses, les élévations dans les nues où se forme la foudre ? Non, Montfort, c’est à mettre au point, l’héritage du dernier siècle. Il n’est pas stupide ce grand siècle si émouvant, si savant, mais il reste à y voir clair et à classer les valeurs qu’il nous lègue.
Un siècle nouveau est toujours injuste envers son devancier. C’est dans l’ordre de l’Histoire, et c’est plus naturel encore au lendemain d’une brisure aussi violente que celle dont nous avons été les témoins. Le siècle de Molière a méconnu le grand siècle littéraire de Ronsard et de Montaigne. Le e« et son hideux sourire »
. L’avenir renoue ensuite les liens de la tradition, en remettant toutes choses au point.
Notre époque rappelle par plus d’un côté celle de la Restauration, — et la Restauration n’a duré qu’un temps. Les attaques présentes contre la pensée du e
Ce qui est beaucoup plus grave, c’est l’indifférence de toute une partie de l’opinion envers le prodigieux effort d’affranchissement et l’énorme labeur intellectuel du siècle précédent. Les réalisations de l’art et de la pensée n’intéressent qu’un public beaucoup plus restreint qu’autrefois. L’étude ou la méditation ne trouvent plus leur place dans la vie contemporaine. Les exhibitions du stade, le cinéma, la comédie légère, le roman d’aventures, suffisent au plus grand nombre, même parmi ceux que leur ascendance ou leur milieu semblaient destiner à une haute culture. Les jeunes hommes d’aujourd’hui ignorent tout ce qui nous passionnait jadis ; ils ne connaissent ni nos aspirations, ni nos enthousiasmes.
Le seul fait que l’on puisse établir un parallèle entre le etrois autres qui l’ont précédé et que ce parallèle tourne bien souvent à l’avantage du premier n’est-il pas une preuve écrasante de sa supériorité ? Il a des poètes qui peuvent lutter avec ceux du eeeee
Je crains de paraître un peu coco en affirmant que le e
Je conçois très bien qu’on l’incrimine parce qu’il a manqué de direction politique, et que tout découle de là. C’est le siècle des essais, et, on peut le dire, même en jouant sur le mot : des épreuves…
Mais le manque de direction supérieure, à mon avis, désastreux, a ou peut avoir pour conséquence de susciter de toutes parts des initiatives privées qui, se développant dans l’ignorance ou le dégoût de la chose publique, aboutissent parfois à des résultats inattendus et même excellents et peuvent offrir au spectateur quelque consolation. Le e
Les arts qui ont rompu avec l’ordre établi ou qui ont eu à se développer en l’absence de l’ordre, prennent une allure, ont un accent que ne tolère pas cette sorte de salon qu’est une société bien organisée. Loin de moi l’intention d’approuver toujours cet accent et cette allure, mais je consentirais à ne jamais pénétrer dans ledit « salon » si l’on y exigeait que je renonce à entendre certaines vérités profondes qui ne sauraient être exprimées dans son atmosphère sereine.
Il me semble que littérature, arts, philosophie, histoire, etc., du e« Nos livres devraient être écrits en latin… »
?
Cela signifiait que ces grands solitaires de la pensée s’étant élevés en totale liberté, à leurs risques et périls, à de prodigieuses altitudes, contemplaient le fait en admirant leur propre force, mais tout à coup étaient saisis d’appréhension par l’éveil d’une pensée sociale : « Que fera l’humanité si elle se croit munie de nos ailes ? »
Ils n’en ont pas moins continué à écrire en français.
L’art anarchique du e
Le chaos intellectuel qui caractérise le ee
Je crois que l’aliment littéraire le plus riche gît dans les profondeurs de l’abîme que chacun de nous aperçoit à son côté — abîme individuel. — Tout ce qui remonte de là n’est pas propre à être mangé à la table commune. Il faut le répéter : la littérature est dangereuse. Toutes les tentatives de littérature de société sont vouées au médiocre, parce qu’il n’y a pas de société. C’est certainement regrettable ; mais d’ici longtemps, la littérature, si « sociale » qu’elle se veuille, sera de la littérature personnelle. Nos écrits, comme ceux du ee
Vous avez fait vous-même la meilleure réponse au questionnaire que vous me faites l’honneur de m’adresser.
Le siècle qui compte des poètes comme Vigny, Lamartine, etc., est certainement digne de notre reconnaissance.
La France compte quatre grands siècles de littérature et d’art, et, comme vous le dites, le e
Cette question : « Le eepassion de la recherche soit pour changer le fonds d’inspiration, soit pour innover dans le domaine de la forme, l’a emporté au e
Y a-t-il danger à ce que les foules soient incitées à mésestimer l’effort littéraire du ee
J’ai l’horreur du e
C’est au ee
Le eeee
Vraiment, croyez-vous nécessaire de discuter des critiques que vous qualifiez, justement, de « violentes », des attaques que vous jugez, à bon droit, « passionnées » sur le « stupide
. Du moment que ces critiques sont violentes et ces attaques passionnées, il y a bien des chances pour qu’elles ne comptent guère…xix e siècle »
Laissons-les se calmer. Nous verrons après. Au fond, il n’y a peut-être là qu’une de ces manifestations d’outrance verbale qui rendent les polémiques politiques si divertissantes, de loin. On conçoit fort bien que, pour un royaliste, le e
D’autre part, si l’on se mettait à discuter, il faudrait d’abord savoir si la classification des grandes époques par « siècles » correspond à une réalité profonde ; et, cette discussion nous entraînerait loin.
Dans un excellent livre de critique (Les Idées en marche, p. 86), M. Léon Daudet a formulé, lyriquement, une opinion qui est à retenir :
« Tu es faible aujourd’hui, jeune homme plein d’espoir. L’amour décline, l’amour universel. Prends-moi ce cordial : Hugo, Michelet, Balzac, Shakespeare, et laisse les imbéciles les classer. Ils sont d’un égal réconfort. »
On ne saurait mieux dire.
Les vivants sont animés par les morts. C’est le passé qui a fait le présent, comme le présent fera l’avenir. En disant que le e
Au e
Je ne sais qui a médit, ces jours-ci, du Enfin Malherbe vint…e
Le ee
De Vigny à Renan, les noms que vous citez remplacent tout commentaire et toute éloquence. Redisons-les pieusement, comme une litanie, et sourions.
Le e
Le ee
Je crois que ce que l’on reproche au e
Or l’audace de l’esprit et l’allégresse de la vie affective, ne sont-ce pas là les signes d’une belle vitalité !
Le Blond a raison de rendre les auteurs de manuels scolaires en grande partie responsables de la mauvaise opinion qu’on a du siècle dernier. Ces excellents compilateurs et classificateurs sont fort capables de se recopier les uns les autres, d’user jusqu’à la corde les vieux habits laissés dans l’armoire par leurs prédécesseurs ; ils ne se montrent hésitants qu’à l’égard des adoptions nouvelles. Ils ont peur de se tromper ; ils attendent que quelqu’un commence. Dans le doute, ils pourraient sans doute s’abstenir, et c’est ce que font les plus honnêtes. Ils passent sous silence un Barbey d’Aurevilly, un Jules Vallès, des Erckmann-Chatrian, un Verlaine, un Becque… Si Boileau, Bossuet et Mme de Sévigné avaient vécu au eee
Un moment vient cependant où la plupart des Manuellistes prennent leur courage à deux mains : c’est lorsqu’ils ont affaire au e
Je n’ai de haine que pour le e
Donc je ne peux qu’être reconnaissant au ee
Et puis, nous y sommes nés, pour la plupart, dans ce e
Parler d’un siècle pris à part, en soi, in abstracto, cela est téméraire. Le temps est comparable à une étoffe sans couture ; la durée échappe à nos classifications, à la tyrannie de notre arithmétique, comme l’eau pure à la main qui essaye de la retenir. Où finit le e
Nos maîtres d’aujourd’hui, les Bergson, les Bourget, les Barrès, les Loti, les Boutroux, les Henri Poincaré, les Maurras, n’avaient-ils pas publié leurs plus beaux livres avant 1900 ? Les racines qui ont nourri une telle végétation, harmonieuse, diverse et riche en substance, n’ont pu plonger que dans un sol bienfaisant.
Ainsi donc, a priori, rien qu’à regarder l’époque actuelle, dans ses plus nobles représentants, on ne peut que juger favorablement le siècle évanoui, au moins dans sa deuxième moitié.
Dans tous les domaines de l’art et de la pensée, le e
Le e
Eschyle, Homère, Dante, Shakespeare, Rabelais et beaucoup d’autres. Mais le e
Cela ne diminue point mon admiration pour les siècles qui ont précédé, pour le eee
Je ne sais si le ee
Cependant, le e
Il l’est parce que les auteurs de manuels ont un esprit routinier qui les pousse à préférer ce qui est vieux, habituel, convenu, consacré, et parce qu’ils pèsent longuement, lourdement sur l’opinion générale.
Il l’est surtout parce qu’on voit en lui un siècle de progrès et de rénovation. Remarquez que, à ce point de vue, il n’y a dans la littérature du ee
Il me paraît singulièrement mal choisi de qualifier de « stupide » le siècle qui s’est appliqué à discerner les moindres nuances de la pensée, à saisir en toute chose ce qu’elle contient de particulier et de relatif, le siècle qui a été par excellence le siècle de la science, de la critique et de l’histoire. On lui reprocherait plus justement d’avoir été trop intelligent, d’avoir voulu tout connaître, tout comprendre et tout expliquer. De là peut-être, en effet, le « désarroi », si « désarroi » il y a, dont on se plaint aujourd’hui. La vérité, c’est que pour courir les plus belles aventures, l’esprit a besoin d’un guide qui l’arrête au bord des précipices et l’empêche de s’égarer. Ce guide, c’est la connaissance de la nature humaine, c’est ce réalisme psychologique qui est la vertu essentielle de nos grands classiques. Si j’avais à former un jeune homme, je voudrais qu’il connût et étudiât nos quatre grands siècles, mais je crois que, tout bien pesé, je le mettrais de préférence à l’école du ee
Un « siècle » n’épouse pas nécessairement le calendrier. Si le eeContrat social, et qui dépêchait ses bâtards à la rue : d’où Émile, traité d’éducation. Siècle de la jobarderie et de l’insincérité. Chateaubriand, Narcisse-Néron, mettrait le feu à la Cité afin de gémir noblement sur des ruines ; Lamartine est un resplendissant cygne à cervelle de rossignol ; Vigny, faux Chatterton, se prend pour Moïse (ou bien pour Samson : quand Mme Dorval lui fait des misères) ; l’infortuné Musset pique une tête dans ses larmes, et l’absinthe, quand Mme Sand le traite comme Mme Dorval l’autre Alfred ; Mme Sand tutoie Dieu avant, et pond un roman après chaque coucherie ; Michelet, vieille fille à passions ; Renan, sous-Michelet : « Oui-non, non-oui » ; Anatole France, Renan sadique ; père Dumas n’a pas fait tout seul ses romans, mais, (il le croit !) a fait tout seul la révolution de 1830 ; Hugo, Jupiter-Médrano, Tartuffe-Père Éternel, dadais épique mais pratique, mange le pain de l’exil, étoffé du rosbiff de l’exil, et, sur ses genoux, sa juliette de l’exil, fulmine, ventre au chaud : « Tu peux tuer cet homme avec tranquillité. »
Les Parnassiens ? des armures de musée sur du vide. — Balzac hors des siècles, comme Shakespeare, a reçu de celui-ci le virus du pessimisme, qui infectera autant Flaubert, Zola, Daudet. Stendhal n’est pas de ce siècle (« Je serai compris en 1880 »
), et pas plus Baudelaire : eux deux enfantent par l’admirable, le prodigieux Symbolisme, ce e
Vraiment ! ce n’est pas une plaisanterie ! il s’est trouvé, dites-vous, quelque imbécile pour qualifier de « stupide » notre e
Il y a, dans l’histoire de la Littérature française, un siècle qui domine tous les autres, parce qu’il est essentiellement le siècle de la création : c’est celui de François Rabelais. Et, à ce propos, il est bon de remarquer que tous les sommets, dans la littérature et l’aride tous les temps, sont d’essence romantique…
Quant au eeeme de Staël, Sénancourt restaurent le romantisme compromis par Voltaire. L’immense Balzac lui incorpore le réalisme. Lamartine, Gautier, le shakespearien Hugo lui donnent la robustesse et la santé. Vigny lui apporte le stoïcisme. Flaubert l’admirable, Zola le géant, Daudet le gentil, les précieux Goncourt, le vériste Maupassant lui dispensent des éléments d’observation. Comte, Taine, Michelet, Renan, Claude-Bernard, Sainte-Beuve, Jules Lemaître, Guyau, Alfred Giard, Émile Boutroux, Henri Poincaré, Anatole France l’initient à l’histoire, à la philosophie, à la science, à la critique, à l’ironie. Dumas fils, Henry Becque, Rostand, Lemaître, Henri Bataille le font triompher au théâtre.
C’est alors que le romantisme, ivre de toutes les richesses du génie français, lance hardiment son brandon à travers les portes du mystère et entraîne, à la suite de Baudelaire, de Verlaine, de Rimbaud, de Mallarmé, de Samain, de Rodenbach, la phalange frémissante des symbolistes à la conquête de l’inexploré.
Je ne sais ce que nous réserve le ee
L’art littéraire a pour objet la recherche de la beauté suprême, et la beauté suprême c’est : l’amour humain.
Il semble précisément que tous les grands esprits du e
La littérature est née le jour où l’amour a protesté contre la haine. Il y aura toujours des évolutions littéraires, parce que la souffrance, la haine, la guerre, la mort dureront toujours sous mille formes et qu’il y a mille formes de protestation contre elles. Mais les évolutions littéraires ne pourront se faire qu’en respect de la formule d’amour.
Le e
Le eeeee
Le e
Il a donc continué, sans défaillir, la glorieuse tradition de ses aînés. Notre littérature traduit, au long des siècles, notre effort de renouvellement et de progrès. L’histoire de notre civilisation n’est pas celle de l’établissement d’un dogme, mais une longue et anxieuse recherche du mieux, sous de multiples formes. Chacune de nos expériences successives laisse des œuvres qui enregistrent pour toujours un aspect de l’âme humaine. Dans ce sens, les grandes œuvres du e
Le procès intenté au eee« stupide
c’est faire œuvre de partisan exactement selon le même esprit (mais à rebours) que Pierre Larousse, qui tient que Louis XIV chantait faux et que Bonaparte est un général français mort à Saint-Cloud le 18 brumaire de l’an VIII. Je crois que la Littérature n’a rien à gagner à ces sortes de discussion. Il y a certainement eu des esprits faux au xix e siècle »
À ce titre nous lui devons beaucoup de reconnaissance, et un grand accroissement intellectuel… Je crois, en outre, que nous devons savoir gré à ce siècle, de ce qu’il a faite si grande, parmi ses préoccupations diverses, la part de l’esprit. Heureux siècle, et grand siècle aussi, celui qui par ses facultés d’enthousiasme, son désintéressement, sa curiosité et son activité intellectuelle à su accorder une si large place à l’art, aux lettres, aux idées ! Si le nôtre pouvait lui ressembler sur ce point !
Quand la politique se mêle de dicter des sentences, elle admet aussi peu de tempéraments que le célèbre législateur Dracon, qui avait décrété la peine de mort indistinctement pour tous les délits…
Victor Hugo est bête, … et le dix-neuvième siècle est stupide…
Ces façons de juger sont odieuses à quiconque ne sait respirer qu’à l’air libre…
De tout temps il y a eu des hommes dont la pensée était libre et des hommes dont la pensée était servile. Il y a eu Rabelais, Montaigne, Molière, La Fontaine, Voltaire, Diderot, et il y a eu les autres.
Or, qu’on parle littérature ou art, science ou politique, on s’aperçoit vite qu’au ee
Nos connaissances se sont accrues et, par suite, nos inquiétudes. Mais le vrai sage préférera toujours le doute scientifique à la certitude religieuse.
Supprimer ou même ravaler le eeMarges, présente quelques titres à la suprématie intellectuelle dans le monde.
Les critiques qui vitupèrent le e
Le e
L’anxiété devant l’art, le souci de se découvrir un terrain propre, qui anima tant de grands écrivains, paraissent sans intérêt aux personnes qui regrettent le faux beau classique, la traduction élégante des textes antiques. C’est la beauté du romantisme, du naturalisme, du symbolisme que ces recherches ardentes. Elles sont les points communs qui permettent d’en admirer la sève et le bien-fondé et de rendre justice à des parti-pris différents, opposés, mais tous procédant d’une passion de vérité, de conscience et d’originalité. On a imprimé que la recherche de l’originalité a été la marque de la littérature française au e
Ne prenons donc point ces attaques au sérieux. Le ee
Il n’y a qu’une France et tous nos siècles se tiennent dans une solidarité édifiante avec un resplendissement collectif. Entre tous le e
Le mieux qu’on puisse dire, c’est que le e
Bref le e
Nous sommes mal placés pour juger d’ensemble le e
Ses écrivains, ses savants, ses philosophes, ses poètes sont les nôtres par excellence. Tout ce qu’il a produit nous a émus plus que ne le pourrait faire l’œuvre d’aucune autre époque, et nous n’avons reconnu dans la suite des âges que des égaux aux hommes qui composent son personnel.
Accueillons tout ce qu’il y a de bon et de vraiment vivant dans notre littérature, pour former la complexité de notre âme moderne ! Que notre e
La question est, je crois, de politique plus que de littérature et je n’entends pas grand-chose à cela. Je vois bien les tares du Romantisme, et que nous en gardons une sensibilité un peu détraquée ; mais de là à rejeter en bloc l’héritage… non, tout de même ! La maladie romantique, sans doute, mais, aux environs de 1820, sans cette maladie, il me semble que c’était la mort. J’aime mieux que nous ayons vécu.
Le e
Mais comme vous parlez non de politique, mais de lettres, d’arts et de sciences, le paradoxe n’est pas soutenable. L’histoire ne présente aucune floraison plus riche, aucune recherche plus ardente que celles du e
est un Raccourci comme les aiment ces « politiques d’abord » qui connaissent le pouvoir des formules pour ce qu’ils appellent enfoncer un clou. Celle-là signifie que jamais autant qu’au dernier siècle, on ne vit de si belles intelligences ni de si grands poètes asservis à de si mortelles erreurs. Sans doute, Monsieur, vous importe-t-il peu que je vous dise mon avis sur ce point et si je suis ou non démocrate, anticlérical, humanitaire, prêta mourir pour la République ; si j’exige de la science qu’elle tienne lieu de métaphysique. Vous avouerai-je pourtant que depuis le mois d’août 1914, il me parait excusable de n’être plus aussi certain que nous l’étions à vingt ans qu’il existe de belles erreurs, de nobles et généreuses erreurs, et qu’on peut se tromper avec magnificence. Aujourd’hui on est en droit d’exiger qu’un écrivain ait raison : d’abord parce que l’erreur coûte cher ; ensuite parce que l’œuvre d’art se sent toujours des bassesses du cœur et plus encore des vices de la pensée : il suffit d’ouvrir un recueil de Victor Hugo, un roman d’Émile Zola. Rappelons-nous ce mot de Stendhal : Stupide xixe siècle
« le beau idéal de la Raison ».
N’empêche qu’après le ee
Il est normal, il est conforme aux principes de l’hygiène nationale que le ee
Rejeter en bloc le e
Le e
Est-il antinational de dénigrer nos grands hommes ? Ici distinguons.
Certaines diatribes seront et sont déjà utilisées par nos ennemis. De bons Français participent ainsi — sans s’en douter peut-être — à une entreprise quelque peu honteuse. Et cela est assez grave.
Oui, le elyrique, et il mérite à ce titre admiration et justice. La plupart pourtant des écrivains de ce siècle me paraissent avoir été guidés et soutenus, moins par l’intelligence que par le lyrisme du sentiment et du moi. À force de se chanter à eux-mêmes, de s’exalter en tant qu’individus, de s’opposer au monde et de se disperser, en s’arrêtant au jeu des apparences, dans l’éparpillement de la sensibilité, ils ne se sont plus tenus dans la mesure, et ils ont vécu et œuvré sans parvenir à se dégager de cette forêt touffue et prodigieuse qui est l’imagination d’une jeunesse ardente. Supportable en poésie, ce manque extrême de mesure me fait juger sévèrement, et m’empêche d’aimer certains, et des plus réputés prosateurs de ce siècle.
« Si on se place au point de vue strictement littéraire, y a-t-il intérêt ou danger à vouloir diminuer les grands écrivains contemporains qui ont le plus largement aidé au rayonnement de la pensée française ? »
Je réponds : le danger est certain. Il faut être le dernier des imbéciles pour ne pas s’en apercevoir. Pendant la guerre on aurait même écrit : un traître à la patrie, simplement !
Le eeeeee
À partir du e
Grand siècle, évidemment ; mais tout de même un peu mêlé. Laissez-nous oublier ceci et cela ; s’il était aussi grand qu’on le dit, nous serions plus contents de nous.
L’article qui a motivé votre enquête et dans lequel on traitait de « stupide » le e
Si l’on s’élève tant soit peu au-dessus des agitations sociales, n’est-on pas obligé de constater que le ee
Sans doute il y a des excès, des excès ardents et injustes dans les attaques dirigées contre le ele plus naïf qui ait existéGilbert, La Forêt des cippes, essais critiques, t. I.ehonnêtes gens des lettres, ont fait bénéficier un Stendhal, un Mérimée, un Sainte-Beuve, cette prédilection pour Baudelaire « Boileau exaspéré »
, pour l’exquis Nerval, ce romantique « que nous pouvons aimer »
(Montfort), enfin ce retour, chez bon nombre d’écrivains, à la forme condensée, toute de nombre et de mesure d’un Jean Moréas, d’un Tellier, d’un Maurras.
On nous demande notre opinion sur le eeee
Le e
Au reste, du point de vue strictement national où se placent inconsciemment tant de bons esprits, il est vrai que d’autres siècles, notamment le ee
Parmi les noms que vous citez, Hugo, Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, Zola, Claude Bernard, Auguste Comte. Renan, et même Flaubert et Taine, veuillez remarquer qu’ils ont tous pâti de n’être presque jamais considérés, par leurs amis ou leurs détracteurs, comme des artistes. On loue ou blâme leurs opinions, leurs tendances, leurs mœurs, leur doctrine, leur influence, ne négligeant que leurs œuvres.
Ne voyez là, — parmi tant d’autres, — que l’un des signes, mais, à vrai dire, des plus graves, de l’incapacité où nous sommes présentement de ne point confondre la littérature et, d’une manière plus générale, l’art avec la morale, la politique et même la théologie. Nous n’acceptons que ce qui peut servir nos convictions et n’aimons que par parti, sinon par parti-pris.
Ce serait vraiment faire beaucoup trop d’honneur à cette boutade outrancière que de la prendre au sérieux et de la discuter. Quand on songe aux grands écrivains et aux grands penseurs du e
des pigmées Burlesquement raidir leurs petits bras Pour étouffer si hautes renommées.
Je crois être d’accord avec l’opinion commune en pensant que nos plus grands siècles littéraires sont le ee
Souverain dans le roman, dans l’histoire, dans la critique, le e
Le siècle de Balzac, de Stendhal, de Hugo, de Baudelaire, de Vigny, de Flaubert, des Goncourt, des naturalistes, des symbolistes…
Le siècle de l’électromagnétisme, des principes de Carnot, de la chimie organique, de la biologie supérieure, de la radioactivité…
Le siècle où la peinture française devint la première du monde.
Le siècle du transformisme, etc., etc., etc., est un grand siècle par l’intelligence, par l’art, par la science…
Quant à lui assigner un rang, je n’ose.
Soyez sûr que le e
Un artiste préférera, d’ailleurs sans autre raison, le e
Tel est mon sentiment sur votre intéressante enquête. Permettez-moi de m’y tenir et de ne pas comparer le eeee
Les cent années écoulées de 1800 à 1900 sont trop pleines et glorieuses pour ne pas former deux siècles au moins. La génération romantique à elle seule pèse autant que n’importe quel siècle choisi parmi les plus grands. La suite offre le spectacle singulier d’un art classique aussi parfait que jamais (dans Flaubert et Renan par exemple), de réussites imprévues, comme ce Verlaine qui vaut La Fontaine ; et de tentatives manquées en apparence, sans œuvres visibles, mais qui ont semé plus d’une graine d’avenir.
J’ignore qui a pu condamner le « stupide
. Nul homme ne me parait assez bête pour avoir prononcé ce mot de façon réfléchie et désintéressée. Boutade ?… Ou mensonge de quelqu’un des petits Machiavels de « Politique d’abord » ?…xix e siècle »
Aimons tous les siècles pour des raisons différentes et sans doute, inégales. Inégalement je leur partage mes loisirs. Le e
Quelque part, dans Salammbô, le rhinocéros nous est proposé comme type de la stupidité parce qu’il piétine sa propre fiente. Voyons, par élimination, qui ne mérite pas le nom de rhinocéros s’il traite le e
Les royalistes ou les nationalistes de la nuance de l’Action française ? Ils ont Joseph de Maistre, Chateaubriand, de Bonald, Paul Bourget, Charles Maurras. Ils appuient leurs doctrines sur Le Play (que Bourget appelait « sage et lumineux »
), sur Auguste Comte, sur Taine et même, comme l’a fait M. Pierre Lasserre, sur Renan.
Les démocrates ? Ils ont Victor Hugo à partir de sa maturité et Anatole France et bien d’autres.
Les hommes d’action ? Il me semblait d’abord que les attaques contre le e
On pourrait poursuivre et demander : les catholiques ? les libres-penseurs ? les classiques ? les romantiques ? les idéalistes ? les réalistes ? les traditionalistes ? les révolutionnaires ? les nationalistes ? les internationalistes ? les individualistes ? les socialistes ? Et après chaque point d’interrogation on répondrait : cette opinion, ce tempérament, cette discipline, cette révolte, cette réaction…, qu’il s’agisse d’art, de littérature, de science, de philosophie, de politique… ont eu, dans notre e
Seuls les marxistes et les dadaïstes mépriseraient impunément le ee
Aucun des autres ne traînera le e
Permettez-moi de répondre à votre question par une autre question, à laquelle je ne vous demande pas de répondre. Nous avons laissé déjà derrière nous le quart du ee
N’avons-nous pas tout simplement perdu le sens du comique ?
Étant simplement historien (ou plutôt professeur d’histoire) et nullement littérateur, je n’ai pas qualité pour répondre à votre question.
Je remarque seulement que la notion de eee
Personne, je pense, ne conteste que le equalité des œuvres, c’est affaire de goût personnel ; et il semble bien aussi de tendances politiques. « Réprobation » et « reconnaissance », « désarroi » et « envahissement » sont des termes qui désignent des préférences de sentiment. Pour mon sentiment personnel, la littérature française du een France, les Français ont cessé de sentir la joie, au contraire de la génération de la Révolution. C’est pourquoi je trouve plus de plaisir aux œuvres des Anglais, des Scandinaves et même des Allemands. Mais c’est un goût individuel qui ne peut intéresser vos lecteurs.
Je crois qu’il ne faut attacher aucune importance au qualificatif de « stupide »qui vient d’être attribué au e
Le siècle qui a créé chez nous le lyrisme, renouvelé le roman et la critique, se défend tout seul. C’est, incontestablement, un grand siècle.
Que nous le voulions ou non, d’ailleurs, il nous commande. L’arbre des générations littéraires actuelles est engagé en lui profondément et, si nous jetons des fleurs et des fruits, n’oublions pas que nos racines y plongent.
Il est clair que le déboulonnage méthodique de nos grands écrivains contemporains n’augmente pas beaucoup le prestige français et que ce n’est pas d’excellente propagande que de présenter Victor Hugo comme une outre vide, Flaubert comme un imbécile, Michelet comme un aliéné, Renan comme un faux bonhomme, d’ailleurs atteint de niaiserie essentielle. Ce sont précisément ceux-là que l’étranger lit et admire le plus, d’abord parce que les contemporains sont toujours plus accessibles à la majorité des lecteurs, et aussi parce qu’ils représentent cette France moderne qui a conquis les sympathies du monde. Au surplus le ee
Les attaques contre la littérature du début du e
Pour moi, qui ai passé ma vie à étudier cette époque de notre littérature, je pense que cette campagne contre le début de notre e
Outre leur incontestable valeur esthétique, les chefs-d’œuvre romantiques ont encore pour l’historien littéraire une valeur documentaire de premier ordre sur l’esprit en France : pendant vingt-cinq ans, sous la Révolution et l’Empire, comme un sol qui absorbe lentement les pluies pour les rendre plus tard à l’état de sources, de fraîcheur, et de richesse, l’âme française s’était profondément pénétrée de toutes les larmes et de tout le sang qui avaient longuement coulé sur le pays. De ce sol, consacré par la douleur et le sacrifice, avait monté lentement une brume de mélancolie, où tous les prismes de l’art imitent leur féerie. Le romantisme, et c’est là sa grandeur, c’est la collaboration de quelques génies avec la tristesse de l’âme française : donc ne diminuons pas notre pays en essayant de diminuer le romantisme.
Et puis encore, ne calomnions pas notre pays. Il me semble que nous venons de payer assez cher tout le mal que, avec une patiente maladresse, nous avons dit de nous-même, pour ne pas être tenté de recommencer à fournir des verges pour nous frapper.
Un mot maladroit peut devenir une arme, que la haine empoisonnera, et qui fera du mal à ce que nous avons de plus cher.
Je tiens le e
Je crois que ceux qui, comme moi, sont nés à peu près dans le dernier quart du eee
Quand je bois un bon verre de Bourgogne je dis : le bon Bourgogne ! Il ne me vient pas à l’esprit de manifester mon enthousiasme en criant : Le stupide Bordeaux !
Je ne trouve pas mauvais que d’autres soient d’un avis et d’un goût différent. Cela ajoute de la diversité à l’Univers. Foin du continuel pâté d’anguille !
Où cela commence et où cela finit-il, un siècle littéraire ? Qu’est-ce qu’un grand siècle ?qu’est-ce qu’un siècle stupide ? Passe encore qu’on veuille couper l’histoire littéraire en périodes, d’ailleurs inégales, pour la commodité des manuels. Mais des siècles ! Le Grand Siècle, le grand des grands, n’aurait pas duré trente ans, et ses oracles n’étaient pas les écrivains que nous admirons aujourd’hui, mais des hommes qu’on ne lit plus et non point toujours avec raison.
Moréas, avant de mourir, disait à un ami : il n’y a pas de romantisme, de classicisme… c’est idiot… je voudrais pouvoir t’expliquer…
Il n’y a pas de grand siècle, et il n’y a pas de siècle sot. Mais les sottes gens ne manquent à aucune époque, et les plus déshéritées ont encore des manières d’hommes de génie.
Vous avez réagi contre une cabale que, pour ma part, je trouve très amusante. Il ne faut pas nous traîner à genoux entre des statues de carton-pâte. Et il me semble qu’en ma jeunesse on en fabriquait beaucoup. Chacun, au surplus, à ses demi-dieux cachés dans une chapelle secrète dont les profanateurs ne sauraient trouver l’entrée.
Certes on ne saurait croire qu’un âge qu’ont illustré Lamartine, Taine, Renan et, sur le tard, M. France, ait été dénué d’art et de pensée. Le ephénoménisme, la démocratie et l’anarchie spirituelle, les principes de toute désagrégation sociale et mentale. Il ne s’égale certes pas au eee
Le e
Toutefois nous avons déjà conscience de sa prodigieuse floraison intellectuelle dont l’épanouissement exalta notre admiration ; nous conservons le sentiment de la rare puissance de son action humanitaire et civilisatrice et il nous apparaît dérisoire qu’un temps si fertile en miracle puisse être, à cette heure, insulté, méprisé, dénigré par des esprits impuissants à créer et uniquement préoccupés, pour se grandir, de rabaisser tout ce qui les domine.
Ce n’est pas aujourd’hui, c’est vers l’an 2022 qu’il sera opportun d’ouvrir une enquête sur cette question.
Réserver tout son amour, toute son admiration aux siècles passée et médire du seul e
On ne risque pas grand-chose à vanter les siècles précédents. Ceux-ci sont filtrés, pour ainsi dire ; et ce qu’il y avait de mauvais, de négligeable en eux s’est desséché, évanoui. Pour le eeme Sand, dans cent ans, ne restera plus qu’un nom cité dans les manuels, comme celui de Mlle de Scudéry. L’œuvre préservée de Lamartine, ou celle de Victor Hugo, tiendra peut-être dans un florilège pas plus gros que le volume qui contient tout ce qu’a écrit Malherbe ; tandis que des écrivains comme Gérard de Nerval, Maurice de Guérin ou Barbey d’Aurevilly viendront en pleine lumière et au premier rang. Ce qui s’est passé pour Stendhal peut se passer demain pour un génie méconnu jusqu’ici. Qu’était Gobineau, il y a vingt-cinq ans ?
La campagne, à laquelle fait allusion votre questionnaire, se développe, pour autant que j’en ai eu connaissance, dans le plan politique.
La littérature, même d’expression française, n’est pas du ressort de la majorité des habitants de la France : ceux-ci s’en étant, séculairement, désintéressés et portant ailleurs la plus noble activité intellectuelle.
Les connaissances sommaires, dues aux manuels universitaires que ne commentent qu’avec prudence des professeurs insuffisamment avertis, suffisent à la curiosité générale, en même temps qu’aux exigences des examinateurs.
La critique est, généralement, comme dans le cas qui vous intéresse, tendancieuse.
En d’autres cas, normalement vénale.
En élargissant, tant soit peu, même parmi les hommes de lettres, votre enquête, vous serez à même de constater l’ignorance, presque absolue, où l’on est, en France, des textes les plus renommés de la littérature séculaire : c’est un fait d’éducation.
Comment espérer, dans ces conditions, quelques lumières, d’un procès institué devant un jury incompétent ?
Pour moi, de qui la vie fut consacrée aux lettres, j’ai en grande estime, non seulement les noms des beaux écrivains que vous énumérez, mais aussi leurs œuvres qui me sont, pour la plupart, familières.
Je crois que la nation française, en tant que nation, n’aura à user de réprobation ou de reconnaissance envers son élite littéraire, que le jour, dont rien n’annonce l’aurore, où elle aura pris connaissance de l’œuvre même de cette élite dont le retentissement est, pourtant, sensible, par-delà nos frontières.
Je crois que, d’ici là, il est bon de jouir, sans arrière-pensée, de cet opulent héritage et d’inviter notre nation illettrée par-delà le vraisemblable, à prendre conscience de ses richesses spirituelles.
Émile Zola, dans le dernier quart du siècle, exerçait en prose le sacerdoce que Victor Hugo exerça d’abord en vers pendant quarante ans ; il enseignait aux foules la liberté et l’égalité, au nom de la science. Zola après Hugo, ce fut le naturalisme après le romantisme, mais c’était toujours le romantisme, la révolte contre les dogmes du passé, au nom d’une philosophie nouvelle.
… Une jeune école impitoyable et railleuse en profite pour lapider les vieux pontifes, et leur siècle avec eux. On nous assure que ce fut le plus bête de tous les siècles, et qu’il faut nous hâter d’en rire, de peur d’en pleurer.
Méfions-nous ! grand siècle ou siècle stupide ont chance d’être également exagérés. En tout cas, nous sommes mal placés pour en juger. Supposez qu’on eût demandé aux Français de 1820 : « Le e
J’admire ceux qui font passer à la toise les siècles passés et en mesurent la taille. À vrai dire, nous personnifions les siècles anciens selon une convention historique puisée dans les livres ou enseignée dans les classes. Le e
Pour le ee
Les ennemis du ee
« J’ignore qui a médit ces jours-ci du
, nous écrit Mxix e siècle »
La réalité est différente : nous sommes en présence d’une campagne collective qui ne date pas d’aujourd’hui (elle puise ses origines dans les écrits de M. Maurras et de M. Lasserre, pour ne citer que ces deux noms), et tend à dénaturer et à bafouer en bloc, la plus féconde et brillante époque de notre histoire littéraire. Nous devinons là une volonté réfléchie, préméditée, de démolition systématique, et quand on alla jusqu’à qualifier de « stupide » le e
« Le procès intenté au
, assure M. Émile Henriot, et, avec lui MM. F. Mauriac, Jules Marsan, Camille Mauclair, Louis Payen, Gaston Rageot, Han Ryner, F. Vielé-Griffin, etc… On peut les croire. Le but inavoué de ce procès est de ravaler et de salir une période illustre à qui l’on reproche son idéal, ses élans, sa foi, ses ambitions généreuses… Mais pour satisfaire les passions d’un moment ou les intérêts d’un parti est-il bien utile de traiter Hugo xix e siècle est un procès politique »
« d’abruti lyrique »et de
« Tartuffe », de comparer la gloire de Renan à la vogue du chansonnier Béranger, de présenter Leconte de Lisle comme un
« frigide crétin »ou de montrer Flaubert
« comme une boule de jardin où apparaissent grandies toutes les sottises et les niaiseries d’une époque ». C’est très drôle, évidemment, et cela ressemble à ces plaisanteries un peu fortes que des parlementaires débraillés se débitent à la buvette de la Chambre. Cela paraît fort bien imaginé aussi, car, au moyen de ces violences, les partisans de la Restauration néo-classique (vous voyez à quel point on est arrivé à confondre la question politique et la littéraire) ne seraient pas fâchés de faire régner dans les milieux intellectuels je ne sais quelle atmosphère de Terreur blanche.
Sans doute, le procédé ne manque pas d’habileté ; mais les inventeurs de cette tactique sont-ils sincères et logiques avec eux-mêmes ? M. Jules Sageret le fait malicieusement observer : notre ee
Les contempteurs du epenser et juger, se placent uniquement au point de vue national. Le soin de la suprématie française, du génie français les inquiète surtout. Français, ils n’ont à peu près que ce mot à la bouche ! Et, jusqu’à présent, en menant leur folle campagne, ils ne réussissent qu’à fournir des armes aux pires agents de la propagande antifrançaise ; ce qui a permis à M. Pierre Mille d’écrire : « Pendant la guerre on aurait dit d’eux des traîtres à la patrie. »
L’un des premiers résultats de notre enquête aura donc été de signaler les abus et les dangers auxquels peuvent conduire les procédés et le vocabulaire des politiciens introduits dans la critique littéraire. Ce n’est pas impunément qu’on essaie d’identifier le néo-classicisme avec un régime. Les gens, qui se satisfont de cette généralisation inexacte et trop facile, en arrivent à haïr de parti pris le e
Le e
Jamais, en effet, autant que pendant cette période séculaire, l’humanité ne paraît avoir été travaillée par un tel désir de renouveau. L’Europe semblait secouée de frissons, traversée d’enthousiasmes et d’angoisses. Palpitante d’inquiétude, elle esquissait des rêves contradictoires. Ce fut l’âge des théories audacieuses, des curiosités impatientes, des recherches passionnées… Or, voilà qui est admirable et prodigieux, à tant d’ébauches, la France donne une forme et une voix. Notre langue nationale, devenue inexprimablement riche, apte à tout traduire, se fait l’expression supérieure de toutes ces tendances éparses. À certains moments, le génie littéraire de notre race absorbe l’Europe. Les principales idées dont le monde tressaille trouvent chez nous leurs hommes représentatifs. Ces grands individus prennent une importance formidable. Ils tendent aux autres peuples de splendides miroirs où les âmes étonnées se reconnaissent. Notre patrie semble illuminée par des phares géants qui embrasent l’horizon spirituel. Jamais notre verbe français n’eut plus de prix ni de prestige. Le rayonnement des ouvrages français est planétaire, la supériorité de nos lettres et de nos arts, incontestée. C’est le siècle où les élites étrangères, attirées par un tel éclat, devenaient pour nous la plus fidèle et la plus active des clientèles, faisant pénétrer et chérir le nom et l’esprit de la France, jusque dans les pays, dont l’intérêt politique était de nous exécrer.
Tel a été le rôle universel, tenu par nos grands écrivains du e
Ce n’est pas seulement au dehors que le démolissage systématique du e
Le problème paraît grave, si l’on considère à quel point les générations toutes nouvelles ont été touchées par la guerre. Non seulement, le niveau des connaissances a baissé, mais la curiosité intellectuelle. Les goûts sont différents. L’engouement pour les sports, l’excessive ardeur qu’ils emploient à la culture physique, détourne les jeunes gens de la pratique des idées. L’appétit de la lecture a singulièrement diminué chez la jeunesse présente, de qui le septième art, autrement dit le cinéma, a développé la paresse. Sollicitez à ce sujet les confidences des maîtres de l’enseignement secondaire, vous serez édifié. Sur une classe de Rhétorique, il y a bien trois élèves qui connaissent le nom d’Anatole France, et un seul peut-être sachant que cet illustre maître est notre contemporain. Par contre aucun n’ignore celui de Carpentier ou de Criqui. Ah ! ce n’est pas nos nouveaux lycéens qu’on accusera d’être des « malades de littérature » ! Ils dévorent les gazettes sportives (voir l’opinion de M. Batilliat) et, par exemple, ils peuvent nous révéler dans ses moindres détails la biographie de nos champions de boxe ou de football, la nomenclature et les péripéties des matches les plus récents.
Les injures contre le eL’Avant-guerre, n’avait été le véritable vainqueur de la bataille de la Marne ?… Et ils se consacreront davantage au culte exclusif de l’athlète, expression supérieure de la brute moderne.
Notez que je plaisante à peine ! Je vais probablement étonner certains collaborateurs de la Revue universelle ou de la Revue critique : leurs jeux funestes à l’encontre du e
Ce sera le mérite de l’Enquête des Marges d’avoir suscité toute une ardente phalange, qui pour se recruter parmi les esprits les plus disparates, n’hésite pas à se vouer à la défense et à l’illustration du e
Si j’excepte M. Blaise Cendrars, lequel ne se félicitera probablement pas d’être dépassé par M. Fagus, c’est à qui en vantera les splendeurs. M. Bainville lui-même semble hésitant à excuser les incartades de son chef de file et se contente de dire qu’une révision est indispensable, ce que personne, d’ailleurs, n’a jamais contesté.
C’est presque une action de grâces. De Maurice Barrès qui s’écrie :
, à Rosny aîné et à Rosny jeune, de Brieux à Fernand Gregh, de Lucien Descaves à Ernest-Charles, à Lucien Maury, à Léon Frapié, à Albert Thibaudet, à Jules Bertaut, l’admiration est évidente. Je l’aime de tout cœur ce xixe siècle
, écrit M. Aulard, et Gustave Kahn :Jamais la littérature française n’a été plus riche, plus belle, plus originale
. M. André Dumas est du même avis, et M. Frantz-Jourdain ajoute :C’est le grand siècle de notre littérature
. Il estle plus prodigieux de l’Humanité
(É. Ducoté) :si puissant, si complet
(F. Divoire) ;Nous lui devons plus que nous ne voulons l’avouer
(Pierre Lièvre) ;Nous avons pour lui les yeux que l’on a pour uni maison natale ; tout nous y semble beau
(Camille Mauclair). M. Paul Dermée célèbre en luil’histoire ne présente aucune floraison plus riche, aucune recherche plus ardente
et M. François Mauriac l’aime encore pour nous avoirl’audace de l’esprit et l’allégresse de la vie
.donné les maîtres auxquels nous revenons toujours
Ces opinions, M. Paul Souday les a corroborées d’une façon singulière dans l’article du Temps qu’il a publié en réponse à notre enquête : « Le moins qu’on puisse dire est que ce dernier venu des grands siècles n’a pas dégénéré et qu’il soutient n’importe quelle comparaison (le suprême
v e siècle athénien étant comme toujours mis à part) pour l’intrépidité de l’esprit critique et la variété des talents originaux. »
Afin de donner à cette enquête plus d’ampleur et de poids nous avons tenu, à côté d’écrivains et de critiques représentatifs des générations présentes, à consulter quelques maîtres de l’enseignement supérieur. Les opinions de MM. Seignobos, Séailles, Aulard, Georges Renard, etc. ajouteront encore à l’intérêt de notre consultation. « Si j’avais un jeune homme à former, nous déclare l’un d’eux, M. Estève, professeur de Littérature à l’Université de Nancy, je le mettrais de préférence à l’école du
Voilà, ce me semble, qui satisfera Lucien Descaves, lequel nourrit pour les manuels scolaires une juste animadversionxvii e et du
Alors, quoi ? que subsiste-t-il à l’encontre de notre admirable e« il marque, à son avis, l’irruption des sens dans la littérature »
; ou M. Gonzague Truc, qui lui reproche « sa frénésie à s’affranchir de toute discipline »
?… J’estime que c’est à M. René Boylesve, que revient d’en avoir fait la critique avec infiniment de mesure et de finesse. Sa réponse vaut d’être étudiée et savourée, où l’éminent écrivain nous parle de « l’art anarchique du
et du xix e siècle »
« chaos intellectuel qu’il représente à notre esprit ».
La vérité, c’est que nous manquons encore du recul suffisant pour nous retrouver dans ce prétendu chaos. Un travail de filtrage de mise au point, s’impose, ainsi qu’on l’a fait pour les époques précédentes. On oublie trop que le ee
Enfin, que signifie ce nouveau critérium. L’intelligence ? Ainsi que le formule M. Léon Werth, « littérairement, l’intelligence seule n’est rien, même en mathématiques »
. Elle n’est rien, si l’on n’y ajoute la sensibilité et l’instinct, l’imagination créatrice, le don de la vie. Et puis, de quel droit s’ériger soudain en détenteurs exclusifs de l’intelligence ? Jules Lemaître qui vivait au el’intelligence quand on ne trouve à opposer aux fortes œuvres d’observation et de lyrisme, qu’un de ces pâles romans d’aventures, entachés d’indigence verbale et dépourvus, précisément, de toute idée.
À ceux qui reprochent au e
Nul, plus que Barrès, n’est nourri du eœuvre littéraire que les dernières générations d’aujourd’hui ne pratiquent pas assez ! Le romantisme et le réalisme s’allient et se confondent pour faire de lui un maître français de la plus pure lignée.
En mettant en cause nos pères immédiats, cette enquête nous aura éclairés sur nous-mêmes. J’ai la conviction qu’elle aura son effet jusque sur les adeptes du néo-classicisme. Comme ils ont surtout le souci de paraître sérieux, ils prendront honte de leur espièglerie.
Quitte à mettre une sourdine à leurs rancunes politiques, ils cesseront d’attaquer notre eEssais de psychologie contemporaine, dédiés à la gloire d’un Renan, d’un Baudelaire et d’un Taine, et celui de ses ouvrages qui promet de lui survivre.