Lorsque Julien passait près des buissons, les moineaux s'envolaient de dedans tous ensemble, comme quand une pierre éclate. Il allait tranquillement, ayant chaud, et aussi parce que son humeur était de ne pas se presser. Il fumait un bout de cigare et laissait sa tête pendre entre ses épaules carrées. Parfois, il s'arrêtait sous un arbre ; alors l'ombre entrait par sa chemise ouverte ; puis, relevant son chapeau, il s'essuyait le front avec son bras ; et, quand il ressortait au soleil, sa faux brillait tout à coup comme une flamme. Il reprenait son pas égal. Il ne regardait pas autour de lui, connaissant toute chose et jusqu'aux pierres du chemin dans cette campagne où rien ne change, sinon les saisons qui s'y marquent par les foins qui mûrissent ou les feuilles qui tombent. Et il songeait seulement que le dîner devait être prêt et qu'il avait faim. Mais, comme il arrivait à la route, il s'arrêta tout à coup, mettant la main sur ses yeux. C'était une femme qui venait. Elle semblait avoir une robe en poussière rose. Il se dit : " Est-ce que ça serait Aline ?... " Lorsqu'elle fut plus près, il vit que c'était bien elle. Alors il sentit un petit coup au cœur. Elle marchait vite, ils se furent bientôt rejoints. Elle était maigre et un peu pâle, étant à l'âge de dix-sept ans, où les belles couleurs passent, et elle avait des taches de rousseur sur le nez. Pourtant, elle était jolie. Son grand chapeau faisait de l'ombre sur sa figure, jusqu'à sa bouche qu'elle tenait fermée. Ses cheveux blonds, bien lissés devant, étaient noués derrière en lourdes tresses. Elle portait un panier au bras, et ses gros souliers dépassaient sa jupe courte.