Elle nous aimait. Nous nous sentions aimés, quels que soient les moments nos existences et la distance. Parfois avec abnégation, reculant dans l'ombre pour nous laisser toute la place, gommant sa flamboyance pour nous offrir l'avant-scène. Une avant-scène qu'elle occupait avec éclat et assurance tandis que j'évitais, par nature et par goût, de m'y avancer. C'était un week-end d'été, sur une plage du nord de la France. Ni famille ni gouvernante, nous nous étions rejointes en je ne sais plus quelle circonstance. J'avais 16 ans. Un jeune Anglais aussi laid que Woody Allen, mais qui n'en possédait, je crois, ni le charme, ni la vivacité, me faisait une cour discrète. Dotée de parents d'un physique exceptionnel, j'avais le culte de la beauté et ce petit homme malingre, à lunettes, au visage de fouine n'avait rien pour m'attirer. Il habitait Londres, et paraissait prospère. Ma mère pensait sans doute qu'un mariage lointain résoudrait mes problèmes et les siens que poseraient bientôt mon retour en Egypte. - Tu lui plais beaucoup, me disait-elle. - Il ne me plaît pas du tout ! Il n'en fut jamais plus question.