Rapport d'alignement

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Les fichiers sont C:\meditedistribution\medite42\GLOBAL\Ramuz\TerreDuCiel\v1\Terre du ciel21.txt et C:\meditedistribution\medite42\GLOBAL\Ramuz\TerreDuCiel\v1\Terre du ciel40-41.txt.

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L'alignement produit est le suivant:

$TABLE

TERRE DU CIEL TERRE DU CIEL roman A des amis que j’ai I I 1 AlorsAlors tous ceux qui furent appelés ceux qui furent appelés (quand le temps en fut venu) se levèrent se mirent debout hors du tombeau. hors du tombeau. Ils s’avancèrent ensemble, sans se connaître encore, dans Avec la nuque, ils ont fait aller la terre en arrière ; ils ont percé du front la terre comme quand la graine germe, poussant dehors sa pointe verte ; ils ont eu de nouveau un corps. Il y avait un grand soleil. Une grande belle lumière est venue sur l’étonnement de l’aveugle qui vient de recouvrer la vue, semblables par leur maladresse au petit enfant qui apprend seulement à marcher. Ils tâtaient l’air avec leurs mains, leurs mains, ils n’étaient pas accoutumés àsur leurs habits, sur leurs chapeaux, sur leurs barbes, sur leurs leurs membres, il y moustaches. Et c’était tout près du village, là où autrefois on les avait avait ce corps mis ; là où on les avait descendus avec des cordes, dans le nouveau nouveau qui les gênait cimetière et l’ancien, à côté de l’église neuve et de celles qui n’existaient plus, – parce qu’ils venaient de partout dans le comme un habit pastemps . Ils se sont donc levés hors de leurs trous, le soleil leur est venu dessus ; ils voyaient le soleil avec leurs yeux retrouvés, ils buvaient l’air avec une bouche retrouvée. Et, d’abord, , ils ont branlé encore encore porté. Et un peu, pas solides sur leurs jambes, puis elles se sont affermies. Alors ils se sont avancés dans la direction du village, et chacun l’avait devant soi, car le village le village , tout aussi d’abord, leur avait avait paru étranger, étant fait deété refait, avec son église refaite et ses maisons maisons qui avaient été comme eux triées, avaient été comme eux choisies, et pareillement à eux appelées de plus ou moins loin en arrière dans les siècles et la nuitrefaites à la parfaite ressemblance de ce qu’elles avaient été, mais toutes neuves, toutes claires, en pierre et en bois, sous des toits d’ardoise ; – chacun ayant sa maison de nouveau , chacun qui la cherchait des des yeux parmi les les autres ; puis chacun temps  ; – mais enfin chacun retrouva la sienne, et ils entrèrent dans leurs maisons. retrouva la sienne, et ils entrèrent dans leurs maisons. La C’est ainsi que la vieille Catherine avait rencontré devant vieille Catherine avait rencontré devant la portechez elle sa petite-fille nommée Jeanne sa petite-fille nommée Jeanne , et . Elle s’est arrêtée tout à coup, puis elle elle avait compris qu’il avait été décidé qu’elles habiteraient ensemblefit encore un pas, puis elle s’est arrêtée de nouveau. de nouveau. Elle n’osait pas y croire, après qu’elle l’avait perdue, – elle n’osait pas croire qu’elle pourrait jamais la retrouver, à cause que les malheurs vous rendent méfiants. C’était dans une petite rue pavée montant sur le côté de la maison ; elle y était entrée par un bout, Jeanne par l’autre ; Catherine l’avait vue venir, elle ne bougeait plus . Debout au bas de l’escalier de pierre menant à un perron d’où on entrait dans la cuisine, elle tenait croisées l’une sur l’autre ses longues mains maigres en bois brun ; et la petite Jeanne, elle, était venue en courant, elle était venue d’abord si vite qu’elle pouvait, puis a été immobile, elle aussi ; mais , parce qu’elle avait le cœur tout jeune encore, un cœur tout neuf et prêt à croire, pas le cœur trompé de plus tard, c’est elle qui est repartie en avant la première ; et le cri lui sort de la bouche : « Grand’mère , grand-mère , est-ce toi ?” Elle est venue. Elle s’est mise tout contre la grosse jupe à plis et le corsage de grosse laine, tout contre le coutil à rayures du tablier ; – là, elle se lève sur la pointe des pieds, levant les bras, levant les yeux : « Grand’mère, c’est toi  ! je te reconnais… Et, toi, tu ne me reconnais pas ?” Et Catherine hésite encore, puis elle n’a pas pu plus longtemps. Elle a penché sa vieille tête, elle penche son dos autrefois engourdi et raide qui retrouve son ressort ; ses mains viennent, ses longues mains maigres ; ses mains s’avancent toujours plus : – C’est toi ? c’est toi, petite Jeanne ?… Que oui, c’est toi  ! Et puis : – Comment est-ce que c’est possible ? Mais Catherine a vu que tout était possible , parce que plus rien n’était comme avant. Elles Elles étaient sont montées ensemble l’escalier, elles sont entrées  entrées ; elles se tenaient ensemble dans la cuisine. C’était une cuisine dans la cuisine. C’était une cuisine à aux grandes dalles de dalles de molasse grisespierre bien rejointées, avec avec , pris dans le mur, un vaisselier de bois brun. Tout un vaisselier de bois brun. Tout y était comme autrefois, mais en plus joli, en plus était comme autrefois, mais en plus joli, en plus neuf, et clair, en plus neuf ; tout y était comme repeint. On voyait briller les assiettes comme repeint. On voyait briller les assiettes , et les verres les verres  ; l’odeur était une bonne odeur . Il y avait un bouquet de dahlias sur la table. Il y avait un bouquet de dahlias sur la table  ; la. La petite Jeanne petite Jeanne a dit : – Voilà des dahlias de notre jardin. dit : – Voilà des dahlias de notre jardin. Et Catherine Catherine alorsa dit  : – Est-ce que tu te souviens de notre jardin ? – Oh  : – Est-ce que tu te souviens de notre jardin ? – Oh    ! oui, parce que tu m’y promenais! oui, parce que tu m’y promenais , et en me tenant par la main, et, quand je suis devenue trop malade, quand je suis devenue trop malade, et que je n’ai plus pu me lever, tu m’y portaistu m’y portais dans tes bras… , grand -mère . – Je vois que tu te souviens. Elles s’approchèrent de la fenêtre – Je vois que tu te souviens. Elles s’approchèrent de la fenêtre . Et le jardin était, en effet, toujours là, mais ce qu’elles virent aussi, c’est que , ressuscitées toutes les fleurs , à présent, fleurissaient ensemble, et il y avait sur les arbres à la fois des fleurs et des fruits . En ce jour d’été (ou ce jour pareil à un jour des étés d’autrefois), partout dans l’air . En ce jour d’été (ou ce jour pareil à un jour des étés d’autrefois), partout dans l’air les abeilles avaient recommencé à se faire entendreavaient recommencé à se faire entendre les abeilles occupées , comme quand on bat à la mécanique ; , comme quand on bat à la mécanique ; et Catherine fermaiton voyait également que les fleurs fleurissaient partout toutes ensemble ; il y avait sur les les yeux arbres à la fois des fleurs et des fruits . Ah . Ah    ! temps d’avant! temps d’avant  ! temps de l’autre vie  ! temps durs, temps cruels, difficiles, injustes ! parce  ! temps durs, temps cruels, difficiles, injustes ! parce qu’elleque Catherine se souvenait. Elle se souvenait. Elle rouvrait les yeux ;retrouvait ces temps d’autrefois c’était encore lu par elle entre les touffes d’œilletons blancs, les gueules entre les touffes d’œilletons blancs, les gueules de -de- loup, les campanules, les iris blancsloup, les campanules, les iris blancs et , les violets. Les fraises mûres et les fraises en fleurs, les buissons de cassis couverts de leurs fruits noirs et les violets. Les fraises mûres et les fraises en fleurs, les buissons de cassis couverts de leurs fruits noirs et en même temps de grappes vertes, les mousses de toute sorte et les ruines de Jérusalem. Elle ne pouvait pas ne pas penser à ce temps d’avant ; la chambre était à peu près comme notre chambre d’à présent ; mais de grappes vertes, les mousses de toute sorte et les ruines de Jérusalem. Elle ne pouvait pas ne pas penser à ce temps d’avant ; la chambre était à peu près comme notre chambre d’à présent ; mais enlà dedans, en dedans de ces murs, dedans, en dedans de ces murs, là était la grande différence, et en dedans de nous et en dedans de nous surtout. On l’apportaitsurtout… Elle faisait asseoir la petite Jeanne sur une chaise, sur une chaise, onelle lui étendait un châle sur les genoux lui étendait un châle sur les genoux . , et c’étaient ces temps d’autrefois : – Petite, tu ne te rappelles pasPetite, tu ne te rappelles pas ,   ? quand quand je t’apportais, et chaque jour tu avais un peu moins de force tu étais là , et moi, et moi je venais ; je me mettais tout à côté de toi, je ne te quittais plus, c’est toi qui me quittais. Chaque jour, et j’avais beau faire ; chaque jour un peu plus et j’avais beau dire et beau faire, j’avais beau supplier, j’avais beau te tenir serrée, je n’ai pas été écoutée ; tu es partie, tu m’as laissée… Elle a secoué la tête  je me mettais tout à côté de toi, je ne te quittais plus, c’est toi qui me quittais. Chaque jour, et j’avais beau faire ; chaque jour un peu plus et j’avais beau dire et beau faire, j’avais beau supplier, j’avais beau te tenir serrée, je n’ai pas été écoutée ; tu es partie, tu m’as laissée… Elle a secoué la tête  : « Quand même ! quand même !… » Et ; comment est-ce qu’on y tenait  comment est-ce qu’on y tenait    ? Ah ! malheur et misère de nous, en ce temps-là, qu’il fallait cependant qu’on s’attachât et on ne pouvait pas faire autrement, ayant un corps, ayant un cœur construits en vue de ça, exprès pour ça, rien que pour ça. Construits uniquement en vue de ça, comme est le lierre, avec les mille petites mains et griffes du lierre? Ah ! malheur et misère de nous, en ce temps-là, qu’il fallait cependant qu’on s’attachât et on ne pouvait pas faire autrement, ayant un corps, ayant un cœur construits en vue de ça, exprès pour ça, rien que pour ça. Construits uniquement en vue de ça, comme est le lierre, avec les mille petites mains et griffes du lierre , et rien que des mains et rien que des mains , et trouvant moyen de les accrocher aux murs les plus lisses, parce que c’est son besoin. Mais  ; mais , nous aussi, c’était notre besoin, n’ayant pourtant non plus que le lisse et le nu, attachés à ce qui penchait, cramponnés à ce qui était chancelant ; avec cette faim de durable en nous et rien pour la faire passer que la négation du durable… , nous aussi, c’était notre besoin, n’ayant pourtant non plus que le lisse et le nu, attachés à ce qui penchait, cramponnés à ce qui était chancelant ; avec cette faim de durable en nous et rien pour la faire passer que la négation du durable… Et alors, tout Tout à coup à coup , elle a dit  : – Petite ! Et  : – Petite ! Et ellepuis l’a appelée, l’a appelée, et elle elle lui a pris la tête entre ses mains disait : . Parce que la voilà, cette fois, et tout entière et plus de bornes à ce qu’elle soit là. – Toi ! toi ! – Toi ! toi ! elle Elle ne disait rien ; elle disait : « Toi ! » ne disait rien, et en même temps : « Toi ! ne disait rien ; elle disait : « Toi ! » ne disait rien, et en même temps : « Toi ! … » »… avec étonnement encore. « Toi ! toi  avec étonnement encore. « Toi ! toi  » et! » Et est-ce vrai est-ce vrai    ? et encore une fois ? et encore une fois  : « Est-ce vrai ? » mais c’était vrai. « Est-ce vrai ? » mais c’était vrai. 2II Ils Ils faisaient avaient commencé à faire connaissance connaissance , ; ils ils venaient enallaient en visite les uns chez les autres, ils se racontaient visite les uns chez les autres, ils se racontaient les uns aux chacun son histoire. Les jeunes allaient de préférence avec les jeunes, les vieux avec les vieux ; les femmes comme autrefois se retrouvaient à la fontaine ; on se parlait de nouveau par-dessus les barrières en bois des jardins ; et, le soir, ils venaient s’asseoir à trois ou quatre devant les maisons , les mains sur les genoux, fumant des pipes. Justement, le vieux Sarment, un de ces premiers soirs, a été là, avec deux ou trois autres autres hommes à peu près de son âge ; – il a parlé dans le rose, il a parlé dans le gris, puis il a parlé dans le noir. Il disait : – Il me semble que le dos me fait mal encore, des fois. Il me semble que j’ai encore les jambes raides, le matin, quand je me lève. Oh ! je sais bien que ce n’est qu’une imagination, mais ne faut-il pas que la chose même soit entrée profond et qu’on l’ait eue marquée avant sous notre peau pour qu’elle y dure, malgré tout ?… Soixante ans et plus (autrefois, quand il y avait encore des années, et on n’était pas encore guéris du temps), il avait semé, fauché, moissonné, labouré, sarclé, taillé, fait son bois, il avait porté le fumier, il avait travaillé ses vignes ; et, maintenant encore, tout en parlant, il faisait parfois un mouvement avec les épaules comme quand il portait la hotte, un mouvement en avant avec les mains comme quand il les croisait sur le manche de l’outil. De temps en temps, il lui arrivait d’allonger les jambes, tantôt l’une, tantôt l’autre, les dégageant avec peine de dessous lui, et il crachait ; il taisait difficilement un soupir que l’habitude faisait venir sous sa moustache blanche . Parce que c’était dur, dans ce temps-là, pour nous. Il fallait se lever à quatre heures du matin pour ne se coucher qu’à dix heures (quand il y avait encore des heures). Maintenant l’horloge ne sonne plus que pour faire joli dans l’air, agitant là-haut sa clochette comme quand la vache se frotte le cou à un tronc ; mais avant, vous souvenez-vous ? elle venait comme un commandement, elle vous tirait du lit, vous jetant dehors par les plus grands froids, sous la pluie comme sous la neige, et dans l’épaisseur de la boue comme sur les chemins que la glace rendait brillants, quelque fatigue qu’on ressentît ; car on ne faisait rien à sa guise, on faisait non ce qu’on voulait, mais ce que les choses voulaient ; on faisait et c’était défait, et il fallait recommencer à faire ; et on refaisait, et c’était défait… vous souvenez-vous ? Les autres ont hoché la tête. C’était sous un ciel ennemi de nous et jaloux, c’était contre toute la nature. C’était contre la terre fâchée qu’on la touchât, contre la plante ayant ses idées. Contre les animaux, contre les hommes, tous ennemis les uns des autres , jaloux les uns des autres et en guerre toujours entre eux. L’homme ennemi des animaux, les animaux ennemis des animaux, la plante ennemie de la plante. Et partout la destruction d’une chose par sa voisine, de sorte qu’on devait tout le temps réparer, tout le temps se défendre, et on passait son temps à s’empêcher soi-même d’être détruit… – Oh ! c’est vrai, continuait Sarment, rappelez-vous, parce que venaient les gelées ou venait trop de pluie ou pas assez de pluie : jamais la quantité de rien juste ce qu’il en aurait fallu ; alors on s’empêchait de mourir, et c’est tout, puis il fallait mourir quand même, ô duperie !… Et Produit a levé la tête, il a dit : – Même ce qui ce qui leur était bon trompait. Il s’est tourné vers Sarment, il reprenait : – Car il n’y avait rien qui fût bon jusqu’au bout. Rappelle-toi le goût du vin… Il était était arrivé dans leur vie d’avant. alors vigneron et il était connu loin à la ronde pour la qualité de son vin : – C’était juste au moment où on commençait à en sentir le goût qu’il passait ; il vous glissait sous le palais ; on aurait voulu l’arrêter ; et puis il était déjà loin . On ne buvait jamais alors qu’il ne fallût reboire. Il fallait recommencer à boire, et de nouveau le goût vous fuyait sans qu’on pût le saisir, tandis qu’on lui courait après inutilement. Et tout était comme le vin, parce qu’aucune chose n’était complète, aucune chose n’était terminée pour nous, aucune chose ne trouvait nulle part son aboutissement. De nouveau, tous ont dit : «  C’est C’est ainsi qu’un soir était entrée chez Chemin vrai ! » assis sur le banc, pendant qu’on passait dans la rue ; – ensuite ils se sont regardés, s’étonnant d’être encore ce qu’ils avaient été et en même temps autre chose. Il commençait à y avoir de la lune ; on a vu passer Adèle Genoud, qui leur a dit bonsoir . Ils ont dit bonsoir à Adèle Genoud ; et Adèle Genoud ; et , un peu plus loin, il y avait la boutique de Chemin, le menuisier ; ils l’ont vue sous la lune s’arrêter devant la boutique. Ils l’ont vue entrer dans la boutique. Elle, elle disait elle disait à Chemin  : – Comment est-ce que je suis ici,  : – Comment est-ce que je suis ici, moi, comment est-comment est- ce que c’est possible, après ce que j’ai ce que j’ai pu être pardonnée ?… Et fait ? , comme Catherine  : – Quand je regarde autour de moi, je ne peux pas m’empêcher de me demander si c’est vrai. Elle Elle demeurait aussi dans un grand un grand moment san bougerétonnement, mais , les mains posées l’une sur l’autre dans dans le creux de sa jupe, elle regardait encore autour d’elle ; puis : – Que oui ! J’ai regardé. C’est vrai. Mais aussitôt la question de nouveau  : – Comment est-ce que c’est possible ? Et, se tournant vers Chemin : Chemin : – Dites, est-ce que vous comprenez ? – Tout est possible – Tout est possible , disait Chemin.. Elle s’est mise à dire alors : – C’est – C’est que que vous ne savez pas… Et il semblait alors qu’elle hésitât un je l’aimais trop, ce petit petit peu puis se décidant : – Je l’aimais bien pourtant, peut-être est-ce même parce que je l’aimais trop , et pas de la bonne manière. On ne savait pas aimer comme il faut, dans , et pas de la bonne manière. On ne savait pas aimer comme il faut, dans lece temps temps -là . Je me suis dit : « Je ne veux pas qu’il soit malheureux… » La seule chose que j’. Je me suis dit : « Je ne veux pas qu’il soit malheureux… » La seule chose que j’ aiaie vue, c’est qu’il fallait l’empêcher d’avoir à souffrir ce que vue, c’est qu’il fallait l’empêcher d’avoir à souffrir ce que je souffraisj’avais souffert . Je l’avais sorti de son petit lit . Je l’avais sorti de son petit lit où il avait bon bien chaud ; je l’ai pris contre moi. Est-ce que vous comprenez ? il n’avait pas de père. Les promesses coûtaient peu aux hommes, dans ce temps-là. chaud ; je l’ai pris contre moi. Est-ce que vous comprenez ? il n’avait pas de père. Les promesses coûtaient peu aux hommes, dans ce temps-là. Je l’ai pris contre moi, et je le tenais contre moi : « A « À quoi bon qu’il vive, je me disais, si c’est pour être malheureux ? Pour être abandonné de tout le monde, comme j’ai été moi-même ; être montré du doigt comme j’ai été montrée ; être ri des autres et moqué ?… quoi bon qu’il vive, je me disais, si c’est pour être malheureux ? Pour être abandonné de tout le monde, comme j’ai été moi-même ; être montré du doigt comme j’ai été montrée ; être ri des autres et moqué ?…  Non ! je me disais, pas ça ! » Et c » C ’est parce que je l’aimais’est parce que je l’aimais bien . « Il n’aura connu que la douceur, il aura connu seulement d’être tenu contre mon sein qui est rond et chaud et qui est à lui… » . « Il n’aura connu que la douceur, il aura connu seulement d’être tenu contre mon sein qui est rond et chaud et qui est à lui… » Et c’est parce que je l’aimais… Pierre Chemin ! Pierre Chemin fumait sa pipePierre Chemin ! Pierre Chemin fumait sa pipe , il hocha la tête. Et  ; elle l’appela de nouveau : – Pierre Chemin !… Mais lui : – Allez toujours, il faut faire tomber de soi les mauvais souvenirs, elle l’appela de nouveau : – Pierre Chemin !… Mais lui : – Allez toujours, il faut faire tomber de soi les mauvais souvenirs, comme l’arbre comme l’arbre se débarrasse de ses ses fruits fruits véreux… Justement la lune venait de sortir  véreux… Justement la lune venait de sortir  ; Adèle reprit  : « Il y avait la même lune qu’aujourd’hui, mais pas si belle. Je suis descendue le chemin. : « Il y avait la même lune qu’aujourd’hui, mais pas si belle. Je suis descendue le chemin. Il dormait contre moi et contre mon épaule, et moi je descendais le plus vite que je pouvais. A À un moment donné, un moment donné, j’ai vu la luneje l’ai vue se tenir au fin bout d’un arbre pointu ; c’est une file de peupliers qui est au bord de la rivière. J’étais arrivée. se tenir au fin bout d’un arbre pointu ; c’est une file de peupliers qui est au bord de la rivière. J’étais arrivée. Mais, d’abord, je n’ai pas pu, ça coulait trop blanc et trop vite. Je m’étais assise dans l’herbeJe m’étais assise dans l’herbe , j’étais bien  ; j’avais oublié pourquoi j’étais là. Oh ! ; j’avais oublié pourquoi j’étais là. Oh ! comment est-ce qu’on était faite, dites-moi, Pierre Chemin comment est-ce qu’on était faite, dites-moi, Pierre Chemin  !? comment est-ce qu’on était faite, dans ce temps-là, qu’on pût changer si comment est-ce qu’on était faite, dans ce temps-là, qu’on pût changer si rapidement ? Avite et si complètement ? À présent, je ne voulais plus ; à présent, j’étais bien présent, je ne voulais plus ; à présent, j’étais bien , ; j’avais oublié pourquoi j’étais là. Il tenait ses petits yeux si bien cachés sous ses paupières, et on voyait j’avais oublié pourquoi j’étais là. Il tenait ses petits yeux si bien cachés sous ses paupières, et on voyait sous ses paupières leur bombement. Je lui avais mis ses plus belles choses ; je pensais : « Il est bien joli. Il sera brun de peau et noir de cheveux comme leur bombement. Je lui avais mis ses plus belles choses ; je pensais : « Il est bien joli. Il sera brun de peau et noir de cheveux comme moi. » Je le voyais déjà grand garçon. je suis. » J’étais fière de lui J’étais fière de lui , comme on est fière et c’est d’avance, parce que les années vont vite, et encore pas beaucoup de temps, et il serait d’avance, parce que les années vont vite, et encore pas beaucoup de temps, et il serait unplus grand grand garçonque moi . Tout à coup, il s’est mis à pleurer. Je n’ai eu qu’à ouvrir mon caraco ; il s’est tu. Je continuais d’être heureuse. Il se faisait un mouvement doux dans sa bouche, et un petit bruit aussi . Tout à coup, il s’est mis à pleurer. Je n’ai eu qu’à ouvrir mon caraco ; il s’est tu. Je continuais d’être heureuse. Il se faisait un mouvement doux dans sa bouche, et un petit bruit aussi ses’y faisait comme pour me dire merci. faisait comme pour me dire merci. Et, de même qu’on voit les plantes L’une de sous la pluie regrossir, pareillement faisaient ses ses jouesjoues (et il y en avait une qui était plus rouge que l’autre était plus rouge que l’autre ) et ; tout son petit corps redevenait rond tout son petit corps redevenait rond et se regonflait sous la peau. Plus rien que lui, parce qu’il était là, et plus rien que le bonheur de l’avoir sous la peau. Plus rien que lui, parce qu’il était là, et plus rien que le bonheur de l’avoir là , le voyant plein de force, et, le voyant plein de force, et , moi aussi moi aussi , j’étais pleine de force. Il a mangé tant qu’il a voulu ; ce n’était pas la nourriture qui manquait. Après qu’il a eu fini, il m’a regardée j’étais pleine de force. Il a mangé tant qu’il a voulu ; ce n’était pas la nourriture qui manquait. Après qu’il a eu fini, il m’a regardée  ; et il m’a souri . Je me tenais penchée sur lui. Je me tenais penchée sur lui , et j’ai encore été heureuse . Mais, parce que rien dans ce temps-là n’était durable, ce faux bonheur, lui non plus, n’a pas pu durer. J’ai revu mon malheur écrit sous la lune et mon malheur était le sien, et lui, qui était innocent, allait être puni à cause de moi. J’ai vu . Mais, parce que rien dans ce temps-là n’était durable, ce faux bonheur, lui non plus, n’a pas pu durer. J’ai revu mon malheur écrit sous la lune et mon malheur était le sien, et lui, qui était innocent, allait être puni à cause de moi. J’ai vu de nouveau qu’il allait y avoirqu’il allait y avoir , pour lui aussi, les hommes, et ils seraient ses ennemis, pour lui aussi, les hommes, et ils seraient ses ennemis, alors que, moi, je ne serais plus là, et, lui, il serait nu de moi comme ils avaient été les miens . Et j’ai cru que c’était mon amour qui parlait, parce que je ne savais pas bien . Et j’ai cru que c’était mon amour qui parlait, parce que je ne savais pas bien encore ce que c’est, et ce que c’est, et on ne sait pas personne ne le savait, en ce temps-là, sur la terre. Je me suis dit : « Voilà qu’il dort, il ne se doutera de rien ; il passera seulement de son rêve à un plus grand rêve. » Je l’ai bien embrassé et réembrassé, bien serré encore une fois sur la terre. Je me suis dit : « Voilà qu’il dort, il ne se doutera de rien ; il passera seulement de son rêve à un plus grand rêve. » Je l’ai bien embrassé et réembrassé, bien serré encore une fois . Je lui ai chanté sa chanson encore une fois contre moi . Je lui ai chanté la chanson qu’il aimait ; je me suis levée. Je lui ai dit adieu ; j’ai détourné la tête. J’ai fait un grand mouvement de côté avec les . Je lui ai chanté la chanson qu’il aimait ; je me suis levée. Je lui ai dit adieu ; j’ai détourné la tête. J’ai fait un grand mouvement de côté avec les bras. J’ai entendu le bruit… Et puis bras… Et il n’y a plus rien eu ; sauf qu’à la place où je il n’y a plus rien eu ; sauf qu’à la place où je le tenaisl’avais tenu , j’ai senti venir un grand froid, comme si tout l’air de la nuit et la grande bise entraient par , j’ai senti venir un grand froid, comme si tout l’air de la nuit et la grande bise entraient par un trou dedans moi… Pierre Chemin ! le trou… » Elle s’était interrompue. Et de nouveau : – Elle s’était interrompue. Et de nouveau : – Comment Pierre Chemin, comment est-ce qu’on était faite est-ce qu’on était faite , dites  ? Pourquoi est-ce que je suis là ? Mais Chemin : – C’est le grand secret. Et, comme  ? Pourquoi est-ce que je suis là ? Mais Chemin : – C’est le grand secret. Et, comme desles gens passaient gens passaient toujours , c’est à eux qu’elle s’, c’est à eux qu’elle s’ adressait.est adressée : – Et, vous, savez-vous pourquoi ? Ils s’ – Et, vous, savez-vous pourquoi ? Ils s’ arrêtaientarrêtèrent dans dans le soirla lune , devant elle, sur le petit pavé pointu, tout parsemé de brins de paille , devant elle, sur le petit pavé pointu, tout parsemé de brins de paille et qui brillaient de temps en temps un moineau, se laissant tomber du haut de l’air, prenait un de ces brins de paille dans son bec, puis se renvolait . Ils ne savaient pas mieux que Chemin pour quoi  ; ils disaient comme Chemin : – C’est le grand secret. ; ils disaient comme Chemin : – C’est le grand secret. Alors Mais alors elle elle se leva. On la vit qui entrait s’est levée. Elle a dit : – C’est que vous ne savez pas tout. Elle s’était levée, elle est rentrée chez elle chez elle . Elle  ; – quand elle revint revint  ;, elle tenait en travers de son corps elle tenait en travers de son corps , dans ses deux bras, un paquet rose. – Vous voyez dans ses deux bras, un paquet rose. – Vous voyez  ? Est, est -ce que vous voyez ? On disait que oui. – Eh bien, c’est lui.-ce que vous voyez ? On disait que oui. – Eh bien, c’est lui. 3 Je l’ai de nouveau. Je l’ai retrouvé. III Ils étaient dans les trois cents d’entre les milliers qu’ils avaient été Ils étaient dans les trois cents d’entre les milliers qu’ils avaient été . Sur  ; ils ont été dans les trois cents qui avaient été rappelés sur cet étage de montagne cet étage de montagne qui est comme le refait pour eux à l’image d’avant ; – sur ce dessus dessus d’une de marche d’escalier marche d’escalier et, qui semble avoir été taillé semble avoir été taillé tout exprès dans la pente pour que le village y soit exprès dans la pente pour que le village y soit assis bien à plat et pour que, du temps où ils y couchaient leurs morts et puis ils y étaient couchés eux-mêmes, leurs morts et eux-mêmes y fussent couchés bien à plat bien à plat ( . Les comme ils aiment), les toits étaient restés couverts de leurs tuiles de bois ou de leurs toits étaient restés couverts de leurs tuiles de bois ou de leurs dallesfeuilles d’ardoise grise ; d’ardoise grise ; comme autrefois, ils se tenaientils se tenaient toujours étroitement serrés autour serrés autour dude l’église , ils se serraient étroitement autour du haut clocher de clocher de pierre, l’église comme les pareils à des moutons autour moutons autour du de leur berger. berger. Terre qui était la terre nouvelle et était la terre du ciel, mais il Il y avait déjà tant de beauté dans y avait déjà tant de beauté dans l’autre qu’elles n’avaient cette terre d’autrefois – que celle d’à présent n’avait pas pas pu ne pas pu ne pas selui ressembler ; ressembler ; alors on la reconnaissait quand même, ils avaient bien fini eux aussi par être forcés quand même de la reconnaître ; comme si, ayant simplement quitté le pays, un jour ils étaient revenus, et de nouveau – elle fut tout tout ça leur avait sauté contre d’abord apparue non changée pour quelqu’un qui serait venu, qui aurait grimpé le chemin (à part la . Ils ouvraient seulement la bouche à un air de bien meilleure qualité qualité , comme ils disaient et constataient de l’air et la beauté de la lumière) ; quelqu’un qui serait monté le chemin raide, puis brusquement la pente cesse  ; et ; et puis ils demandaient : « Comment se fait-il qu’on ait tant d’eau ? » Ils se tournaient l’un vers l’autre, ils se disaient : « Comment se fait-il qu’on soit si légers ? » Et il n’y a plus de on ne voyait rien : tout à coup on voit tout . Mais, de toutes les saisons,saisons, à présent, ou il n’y en a plus qu’une, parce qu’il n’y a plus que la plus belle  la plus belle ; de sorte qu’seule était demeurée ; ils allaientils allaient maintenant à leurs champs à leurs champs de blé en tout temps, dressant en tout temps les javelles en tout temps, dressant en tout temps les javelles par petits , qui semblent des petites femmes à grosses jupes causant par groupes dans les champs. groupes dans les champs. Ils étaient bien Il y avait l’hiver autrefois ; il y avait l’hiver où on était malade, l’hiver lui-même étant une saison malade ; – maintenant il n’y avait plus d’hiver. Ils ne travaillaient plus , comme autrefois , par nécessité et forcés, et seulement pour ne pas mourir ; – ils travaillaient maintenant pour le plaisir , ils , ils étaient occupés. Ils étaient de loisir et en même temps occupés. Ils allaient àtravaillaient pour mieux se dire. Ils venaient avec leurs leurs champs, ils en revenaient ; ils se promenaient. On voyait deux ou trois hommes qui montaient le chemin, les mains gestes dans dans les poches ; celui-ci l’air, comme quant à une note on ajoute une note ; à présent, tout était musique, ce qui se parle, ce qui est dit, ce qui se fait, ce qui est plantait un arbre . Il avait fait fait un trou carré dans la, ce qui est agi, ce qui est pensé. La terre terre  : elle était était tellement si belle noire qu’il n’y avait plus besoin de fumier ; belle noire qu’il n’y avait plus besoin de fumier ; il tenait celui-ci, qui plantait un arbre , n’avait eu qu’à faire un trou, puis, tenant l’arbre par le milieu du tronc pas plus gros l’arbre par le milieu du tronc pas plus gros encore qu’un manche d’outil, qu’un manche d’outil, ayant posé le bout d’en bas dans le fond du trou sur son chevelu ; et lesil l’a confié à la terre, telle qu’elle nous avait été redonnée. Des hommes hommes , en passant : – Bonne terre ! Lui : – Bonne terre ! Il passaient ; ils ont regardé. Il y avait le vieux Sarment, il y avait Bonvin y avait Bonvin , le chasseur, le chasseur, il y avait Maurice Maurice , le chercheur d’or, le chercheur d’or, un nomméil y avait Produit Produit , un nommé Serment  ; ils  ; ils se sont arrêtés, allaient les mains dans les poches ; tel avait la pipe à la bouche et tel à la bouche un fétu de paille et tel autre rien. Facile ils disaient : «  Bonne terre ! » Et l’homme, tenant son arbre, de même : « Bonne terre !… » C’est qu’il est facile de vivre de vivre , à présent à présent . On est : on est tous des amis ; on des amis ; on est n’est plus, tous ensemble, qu’ une grande bande d’amis.une grande bande d’amis. Il n’y a plus ces rivalités d’intérêts, ces jalousies. Ils travaillaient  ; c’était pour le plaisir. Ils avaient repris Ils avaient repris le métier qu’ils avaient dans l’leurs anciens métiers et ils faisaient chacun le sien dans l’autre vie , mais , mais c ce n ’était ’était pqur le plaisir. Et plus par nécessité ; – tandis qu’on goûtait sous les arbres, et les femmes les femmes à quatre heures apportaient comme comme avant le goûter des hommes et sortaient les tasses ; ôtaient le couvercle du bidon où il y avait le café au lait ; puis, à leur tour, elles étaient assises parmi leurs jupes dans l’herbe fleurie de marguerites, de boutons d’or, d’anémones, de crocus jaunes ou blancs ou mauves, de colchiques, toutes les fleurs en même temps ; – dans l’ombre percée de trous par le soleil comme une éponge ; quelques-unes la tête appuyée à un tronc, la tête de côté contre l’écorce, et alors le chignon allait lui aussi de côté : le chignon noir à tresses très serrées où est enfoncé un peigne de cuivre. On a le temps, rien ne nous menace plus ; elles restaient là tant qu’elles voulaient ; puis, quand elles voulaient, elles rentraient chez elles. Et de nouveau elles se tenaient se tenaient , comme autrefois, dans dans lesleurs cuisines, mais cuisines, mais , où également était pour elles elles aussi, c’était pour le plaisir le bonheur , à cause du joli de tout, à cause du bien , à cause du joli de tout, à cause du bien propre de tout, à cause du bien lavé de toutlavé de tout . Maintenant, les mauvaises choses ont été ôtées d’autour , à cause du bien rangé de tout ; – quand, de nouveau, le soir venait, puis on a entendu le cornet de Thérèse Min, la de nous et d’au-dedans de nous ; il ne reste que les bonnes ; on est comme l’enfant gardeuse de chèvres , descendant de la montagne avec son troupeau. Chaque soir, au moment d’arriver au village, Thérèse soufflait dans dans la chambre aux cadeaux, après qu’il a longtemps attendu, a trépigné devant la porte, enfin on la lui a ouverte ; – et il ne sait pas d’abord de quel côté se tourner, tellement il y en a, de ces cadeaux. 4 son cornet de cuivre , et, chaque matin, avant de le quitter, dans son même cornet de cuivre, afin qu’on amenât les bêtes ou afin qu’on vînt les chercher. IV Chemin Chemin , le menuisier le menuisier , n’avait plus de cercueils à faire. n’avait plus de cercueils à faire. Plus de Il faut noter encore ce grand changement qui est qu’il n’y a plus ces vilaines planches à clouer, comme ces vilaines planches à clouer, comme au temps qu’en hiver quatre ou cinq fois par mois le glasautrefois quand la cloche des morts sonnait sonnait , et, un moment après on entrait. – ; alors les gens se disaient l’un à l’autre : « Tu as entendu ? Tu as entendu ? Lui  » Et c’était un fils ou un frère, ou un père, quelquefois un simple cousin ; ils venaient chez Chemin, ils heurtaient  : –  : – J’ai entendu. Et ilTu peux seulement y aller. Chemin demandait : – Comment est-ce qu’il était déjà ? – Ne l’as-tu pas connu ?… ni grand, ni petit. Ni trop gros, ni tant maigre… – Bon ! je vois. Mais, des fois aussi : – Il faudrait que j’aille demandait : – Comment est-ce qu’il était déjà ? – Ne l’as-tu pas connu ?… ni grand, ni petit. Ni trop gros, ni tant maigre… – Bon ! je vois. Mais, des fois aussi : – Il faudrait que j’aille prendre mesure . Il allait ; on lui disait : « Entrez seulement,. Il allait ; on lui disait : « Entrez seulement, Monsieur monsieur Chemin… » Il se frottait les pieds sur le Chemin… » Il se frottait les pieds sur le râcloirracloir . Il ôtait son chapeau. Mises debout contre les chaises, il y avait des couronnes en perles de verre ; il faisait sombre à cause des contrevents fermés.. Il ôtait son chapeau. Mises debout contre les chaises, il y avait des couronnes en perles de verre ; il faisait sombre à cause des contrevents fermés. Et lui, alors, Chemin sortait sortait son mètre de sa poche, il l’appliquait contre le lit ; c’est cet allongement qui trompe, vu que nous paraissions plus longs une fois couchés que debout, son mètre de sa poche, il l’appliquait contre le lit ; c’est cet allongement qui trompe, vu que nous paraissions plus longs une fois couchés que debout, et plus longs encore, plus longs encore, pourquoi ?dans l’autre vie, lorsque couchés de cette façon-là. lorsque couchés de cette façon-là. Il Chemin remettait son mètre dans sa poche ; il disait : remettait son mètre dans sa poche ; il disait : « Merci, je « Je vois ce qu’il faut. » Il parlait bas, il rentrait chez lui. Il faisait généralement froid vois ce qu’il faut. » Il parlait bas, il rentrait chez lui. Il faisait généralement froid , avec un ciel gris avec un ciel gris et bas , parce que généralement c’était l’hiver ; , parce que généralement c’était l’hiver ; de douze à quinze par année, ce qui donnerait à peu près un par mois, mais ils se resserraient sur un petit espace de temps. C – c ’était surtout ces mois de février et de mars : alors il y ’était surtout ces mois de février et de mars : alors il y en avait jusqu’à deuxavait jusqu’à deux morts par semaine. Ayant tenu tout le commencement de l’hiver. Ayant tenu encore contre novembre, contre décembre, contre janvier ; ayant encore passé le premier de janvier, ayant encore pu par semaine. Ayant tenu tout le commencement de l’hiver. Ayant tenu encore contre novembre, contre décembre, contre janvier ; ayant encore passé le premier de janvier, ayant encore pu changerajouter tout juste tout juste le une unité au chiffre de leur âge ; et puis ça chiffre de leur âge ; et puis ça ne van’allait plus, ça plus, ça devientdevenait trop lourd, on se trop lourd, on se ditdisait  : « Tant pis !… » on se  : « Tant pis !… » on se laisselaissait aller. Car ils étaient trop longs, ces hivers de la terre, pour le peu de force qui restait aux vieux ; et alors quatre ou cinq en février, trois ou quatre en mars ; et Chemin aller. Car ils étaient trop longs, ces hivers de la terre, pour le peu de force qui restait aux vieux ; et alors quatre ou cinq en février, trois ou quatre en mars ; et Chemin qui allait prendre mesure. Comme il habitait non loin du cimetière, il les voyait ensuite tous passer. Ceux qu’il avait donc habillés, leur ayant coupé ce vêtement qui est un vêtement de dessus et de tout dessus, et il ne nous en fallait jamais qu’un ; – étant allait prendre mesure. Comme il habitait non loin du cimetière, il les voyait ensuite tous passer. Ceux qu’il avait donc habillés, leur ayant coupé ce vêtement qui est un vêtement de dessus et de tout dessus, et il ne nous en fallait jamais qu’un ; – étant unune espèce de tailleur dans ce temps-là, et il disait : « Je suis un espèce de tailleur, moi  espèce de tailleur dans ce temps-là, et il disait : « Je suis un espèce de tailleur, moi  ; »» ; – généralement noir, ce vêtement, – généralement noir, ce vêtement, et en fort en dure dure étoffe de sapin ; – et, derrière étoffe de sapin ; – et, derrière ça , allant lentement, les chapeaux de soie, les redingotes mis aux noces, mis aux baptêmes, mis aux premières communions, tirés de leur armoire, frottés et brossés, reposés , allant lentement, les chapeaux de soie, les redingotes mis aux noces, mis aux baptêmes, mis aux premières communions, tirés de leur armoire, frottés et brossés, reposés (les chapeaux) sur des têtes devenues trop petites ou sur des têtes devenues trop petites ou remises (les redingotes) autour de autour de ventreventres trop gros ; – trop gros ; – et lui, ôtaitalors Chemin, ôtant sa pipe de sa bouche, sa pipe de sa bouche, il se retirait par respect dans le fond de l’atelier. Une fois, dix fois, trente, cinquante. Deux cents fois, trois cents, quatre cents fois… C’était quand il y avait encore l’obligation de mourir ; – à présent : « Point final, disait Chemin, point de la fin de la phrase, point de la fin du paragraphe et du livre. Et le livre, à présent, lui-même fermé, ou quoi ?… » Plus de ces vilaines planches à clouer ; il prenait un petit pot de couleur, il prenait un autre petit pot de couleur ; se retirait par respect dans le fond de l’atelier. Une fois, dix fois, trente, cinquante. Deux cents fois, trois cents, quatre cents fois… C’était quand il y avait encore l’obligation de mourir ; – à présent : « Point final, disait Chemin, point de la fin de la phrase, point de la fin du paragraphe et du livre. Et le livre, à présent, lui-même fermé, ou quoi ?… » Plus de ces vilaines planches à clouer ; il prenait un petit pot de couleur, il prenait un autre petit pot de couleur ; il avaitc’était une belle couleur jaune, une belle couleur bleue, une belle couleur une belle couleur jaune, une belle couleur bleue, une belle couleur rouge ; et, au milieu du Triangle, il peignait l’Œil quirose dont il prélevait un petit peu avec le bout de son pinceau voit tout . Il faisait aussi des coffres à habits, sur lesquels, par des applications de minces épaisseurs de bois de teintes différentes, il représentait un cœur ou des vaches, ou un bouquet dans un vase, – rien que la date de l’année qui manquait. Sur la grande double porte des armoires, de celles que dans l’autre vie on donnait en cadeau aux jeunes mariés, c’étaient des guirlandes de . Il faisait aussi des coffres à habits, sur lesquels, par des applications de minces épaisseurs de bois de teintes différentes, il représentait un cœur ou des vaches, ou un bouquet dans un vase, – rien que la date de l’année qui manquait. Sur la grande double porte des armoires, de celles que dans l’autre vie on donnait en cadeau aux jeunes mariés, c’étaient des guirlandes de roses. Tout qui est ornement aujourd’hui, et le travail lui-même est en ornement à la vie. Lui qui sciait, ou rabotait ; d’fleurs des champs. Chemin, tout le jour, taillait dans le bois ou maniait le pinceau ; ces autresautres , dans les prés, qui faisaient leurs foins ou faisaient leurs foins ou , dans leur vigne, faisaient la vendange la vendange  ; et, ceux d’en haut de la montagne, jamais plus beau troupeau n’avait été soigné par eux, à cause de cet été qui ne finissait plus, – , fauchant, moissonnant, vendangeant fauchant, moissonnant, vendangeant au dans le cours de la même journée cours de la même journée . Et, à ces ; et, aux douces heures du soir, quand ils revenaient, c’était en huchant, la voix poussée à plein entre leurs mains douces heures du soir, quand ils revenaient, c’était en huchant, la voix poussée à plein entre leurs mains qu’ils tenaient rapprochées,d’une pente à l’autre ; – la voix allant au loin par-dessus les creux et les combes, la voix allant au loin par-dessus les creux et les combes, d’un d’un côté du vallonversant à l’autre à l’autre versant. Après qu’ils avaient moissonné, vendangé, fauché, et ils revenaient en huchant ; , et, de là-bas, elle vous revenait. Pierre Chemin Pierre Chemin se alors se disait : « C’est l’heure  disait : « C’est l’heure  ; »» ; il posait sa varlope ; il tirait de sa poche un paquet de tabac enveloppé de papier brun (qui est un tabac fort de goût). il posait sa varlope ; il tirait de sa poche un paquet de tabac enveloppé de papier brun (qui est un tabac fort de goût). La Thérèse Min gardeuse de chèvres rentrait avec ses chèvres ; elle serrait son tricot dans un petit sac, elle soufflait dans son cornet de cuivre. C’est ces douces heures du soir que chaque jour ramène, dans du rose, dans du doré, dans le sent-bon des cheminées ; des portes s’ouvraient, se fermaient ; les petites filles allaient chercher les chèvres dans le parc, Pierre Chemin fumait sa pipe devant chez lui. Et tous ceux et toutes celles qui passaient, rentrait avec ses chèvres ; elle serrait son tricot dans un petit sac, elle soufflait dans son cornet de cuivre. C’est ces douces heures du soir que chaque jour ramène, dans du rose, dans du doré, dans le sent-bon des cheminées ; des portes s’ouvraient, se fermaient ; les petites filles allaient chercher les chèvres dans le parc, Pierre Chemin fumait sa pipe devant chez lui. Et tous ceux et toutes celles qui passaient, se regardant, et rien qu’en se regardant, semblaient se regardant, semblaient dans ce regard se dire : « On a tout, on est bien se dire : « On a tout, on est bien , » », n’ayant plus d’autre pensée ; – jusqu’aux mulets à petits sabots fins n’ayant plus d’autre pensée ; – jusqu’aux mulets à petits sabots fins et , à gros ventre, une paire d’énormes souliers à clous les semelles en l’air sur le bât, ces bêtes autrefois peu commodes, qui montraient à présent une grande docilité, se déplaçant d’un pas égal sous leurs belles robes luisantes à gros ventre, une paire d’énormes souliers à clous les semelles en l’air sur le bât, ces bêtes autrefois peu commodes, qui montraient à présent une grande docilité, se déplaçant d’un pas égal sous leurs belles robes luisantes . Un qui venait, et puis un autre ; celui-ci mené par la longe, celui-là qui cheminait seul ; , et on entendait et on entendait leleur petit petit grelot se rapprocher, puis s’éloigner, entre les barrières des jardins. grelot se rapprocher, puis s’éloigner, entre les barrières des jardins. Finalement, la bête s’arrêtait d’elle-même devant la porte de l’écurie ; un homme se penchait pour défaire la sangle de cuir, il faisait sortir l’ardillon de son trou d’un coup sec ; il n’avait plus ensuite qu’à ouvrir les bras ; le bât lui venait contre, qu’il portait devant lui comme un petit enfant. 5 V Il y avait aussi Phémie ; elle, elle Il y avait aussi Phémie ; elle, elle allait et venait dans son jardin. Elle n’aimaitn’aimait déjà rien tant que son jardin rien tant que son jardin , quand c’était encore l’autre vie . Pour être plus sûre d’avoir des fleurs à son idée, elle récoltait elle-même toutes ses graines, dont elle faisait des paquets. Pour être plus sûre d’avoir des fleurs à son idée, elle récoltait elle-même toutes ses graines, dont elle faisait des paquets par espèce, et sur chaque paquet, écrivant dessus le elle écrivait le nom au crayon. Il lui fallait nom au crayon. Il lui fallait grandement s’appliquers’appliquer grandement , étant bien loin du temps où elle allait à l’école, mais, avec de la persévérance, elle y arrivait, étant bien loin du temps où elle allait à l’école, mais, avec de la persévérance, elle y arrivait . Elle mettait pour finir. Déjà, dans l’autre vie, elle écrivait les noms au crayon sur les paquets en tirant la langue ; elle écrivait : rênes-margerites, rênes-margerites, ressédat, soussi, soussi, œiliets,œuillets sur les paquets sur les paquets  ;, après quoi elle les enfermait après quoi elle les enfermait soigneusementdans une armoire ; – et voilà qu’à présent elle avait recommencé à écrire les noms, elle écrivait de nouveau : soussi, œuillets. Hélas ! dans l’ dans l’ armoire de sa chambre à coucher. Oh ! avant, ce même autre vie, ce jardin jardin qu’ auquel elle elle aimaittenait tant tant , tellement soigné, la terre tellement noire que l’arrosoir ne la noircissait plus, toutes ces fleurs, ces buis, ces petits arbres à fruits, ces lilas lui avait été repris, à cause d’un grand fils qu’elle avait qu’elle avait et même des rosiers, – voilà qu’au temps que c. Dans l’autre vie, où rien n ’était ’était l’autre viesolide , il lui avait fallu , il lui avait fallu un jour tout vendretout vendre . Un jour, son fils, car alors fils lui avait écrit (et elle ne l’avait pas revu et n’avait plus rien rien su de lui depuis déjà bien des années), ne pouvait durer ; il lui avait il lui avait écrit ; le lendemain, il arrivait. – Voyons mère, disait-il, ne te tourmente pas comme ça fallu  ; c’est pas la peine, , bien bien que déjà vieille, tout tout s’arrange. Et quitter et se mettre en place , ayant , ayant posé eu à payer les dettes de ce fils . Elle avait été vivre chez les autres, travaillant pour les autres, malgré son son chapeau et sa canne sur une chaise, car il avait une canne et il âge, durement  ; c’est chez les autres qu’elle était était mis comme unmorte. Elle Elle se souvenait encore du matin où monsieur  : – Voyons, mère !… Des bêtises ! Tout le monde un jour ou l’autre fait des dettes… Seulement, moi, je tiens à être honnête, comme tu m’as appris dans le temps, te rappelles-tu ? A ce moment, elle elle ln ’avait ’avait regardé ; puis plus pu se lever de ce lit pas à elle. Elle se souvenait qu’ elle avait elle avait baissé vainement cherché à se tenir debout dans la pauvre petite chambre froide où un mauvais falot-tempête fumait sans éclairer ; la tête la tête . – Et je n’ai pas oublié tes leçons, sans quoi j’aurais fait comme les autres… Ah ! quelle tristesse dans cette cuisine au lui avait tourné. Et puis ?… Et puis plus rien. Et du temps temps d’avant, ce certain jour, quand traîtreusement il venait et retournait contre sa mère ce qu’il lui devait de meilleur. Pourtant elle ne disait toujours rien, elle n’ qui avait avait pas bougé. Et c’est seulement ensuite. Seulement ensuite, comme il continuait d’aller, parlant passé, beaucoup beaucoup , avec énormément de mots et très vite : « D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi tu es tellement attachée à cette maison qui est de temps peut-être  vieille, en mauvais état, pas commode ; je me charge de te trouver mieux… » – à ce moment, elle n’y avait plus tenu ; elle avait fait un petit mouvement avec les mains ; les larmes lui étaient venues, des larmes lentes, difficiles, dures, des larmes trop grosses pour les yeux. Il y avait eu une première tache ronde sur son tablier, il y avait eu une deuxième tache ronde. Elles étaient noires dans l’étoffe bleue ; une troisième larme venait déjà, la quatrième était tombée à la même place que la première. Elle n’avait toujours rien dit  ; elle ; elle s’était levée ; elle était montée dans sa se demandait chambre . Il l’avait entendue ouvrir le vieux bureau de noyer à couvercle ; quand elle était redescendue , elle, elle tenait des papiers à la main. Et maintenant, il la remerciait, mais elle, pas plus qu’avant, n’avait l’air de voir qu’il fût là, tandis qu’elle venait, et s’approchait de lui, et sa figure était toujours cachée. O ! durs temps de la terre, et sur quoi bâtir ? puisque rien ne tient . Elle avait dû vendre sa maison ; il avait compté les billets de banque, il l’avait embrassée ; jamais plus elle n’avait entendu parler de lui. Et voilà qu’elle aussi aussi , à présent, se disait  : « Combien de temps ? »  : « Combien de temps ? » etelle ne savait pas ne savait pas . Mais ; – mais ce qu’elle ce qu’elle voyait voyait , du moins à présent , c’est que , c’est que tout ce qu’elle aimait son jardin lui avait été rendu lui avait été rendu , et que. Et, ce qu’elle ce qu’elle aimait ne lui serait jamais repris, – n’ayantvoyait, c’est qu’elle n’avait plus rien à craindre, elle non plus, des hommes, ni des choses, étant désormais à l’abri du mauvais temps, de la grêle, des gelées, de toutes les plus rien à craindre, elle non plus, des hommes, ni des choses, étant désormais à l’abri du mauvais temps, de la grêle, des gelées, de toutes les tristesses, de toutes les espèces de morts. espèces de morts. Etait ressorti devant elle le Le mur gris au crépi tombé mur gris au crépi tombé , où s’accrochaient des touffes de où s’accrochaient des touffes de quarantaine quarantaines, avait reparu devant elle  ; l’arrosoir peint en vert était posé de nouveau au milieu de l’allée. ; l’arrosoir peint en vert était posé de nouveau au milieu de l’allée. Jusqu’aux Tous les petits objets dont elle se servait petits objets dont elle se servait qui lui avaient été rendus : l’arrosoir, lui avaient été rendus : l’arrosoir, et puis son le sarcloir, sarcloir, et puis le petit râteau de fer, la pelle à fossoyer à la lame tout usée, le plantoir de bois dur, le cordeau avec quoi on trace les sentiers, le corbillon d’osier non écorcé, le vieux couteau à arracher les mauvaises herbes ; et elle, joignant les mains : « Mon Dieu le petit râteau de fer, la pelle à fossoyer à la lame tout usée, le plantoir de bois dur, le cordeau avec quoi on trace les sentiers, le corbillon d’osier non écorcé, le vieux couteau à arracher les mauvaises herbes ; et elle, joignant les mains : « Mon Dieu  est-ce possible! l’ai-je vraiment mérité  ? » parce qu’elle était humble de cœur. « Qu’ai-je fait, qu’ai-je fait, pour que j’aie été rachetée et que j’aie revu la lumière ? comme qui aurait fait dans la semaine un petit voyage, ? » parce qu’elle était humble de cœur. « Qu’ai-je fait, qu’ai-je fait, pour que j’aie été rachetée et que j’aie revu la lumière ? comme qui aurait fait dans la semaine un petit voyage, et ensuite et voilà qu’à présent le dimanche serait serait venu… » venu un beau dimanche, un beau dimanche pour toujours. C’était C’était même tellement beau tellement beau qu’que , comme Catherine , elle n’elle n’ y avait pas avait pas cru d’abordd’abord osé . y croire. Mais une abeille s’était approchée d’elle, lui racontant quelque chose ; une fourmi ailée se posa sur sa manche ; une femelle merle courait sur le faîte du mur comme un rat. Mais une abeille s’était approchée d’elle, lui racontant quelque chose ; une fourmi ailée se posa sur sa manche ; une femelle merle courait sur le faîte du mur comme un rat. Et elleIl lui avait avait été reprise.bien fallu y croire. Avec son corps habitué, son corps resté cassé en deux par le continuel penchement d’autrefois, elle allait de nouveau le long des résédas à petites fleurs grises. Les soucis poussaient dru ; les œillets Avec son corps habitué, son corps resté cassé en deux par le continuel penchement d’autrefois, elle allait de nouveau le long des résédas à petites fleurs grises. Les soucis poussaient dru ; les œillets de -de- poète avaient extraordinairement élargi leurs touffes ; les cœurs-de-vieilles-filles, frêles et de couleur claire au bout de leurs tiges pareilles à des fils, lui venaient jusqu’à la ceinture ; etpoète avaient extraordinairement élargi leurs touffes ; les cœurs-de-vieilles-filles, frêles et de couleur claire au bout de leurs tiges pareilles à des fils, lui venaient jusqu’à la ceinture ; et , avec tout cela, pas une mauvaise herbe, point de ces tristes dégâts d’insectes, quand ils viennent scier les racines ou ils font des trous dans les feuilles, avec tout cela, pas une mauvaise herbe, point de ces tristes dégâts d’insectes, quand ils viennent scier les racines ou ils font des trous dans les feuilles, et tandis que la limace laisse où elle a passé un ruban d’argent. C’était sur le devant de sa maison entre deux murs, le jardin était en pente ; l’eau d’une rigole venait remplir dans le bas une fosse creusée la limace laisse où elle a passé un ruban d’argent. C’était sur le devant de sa maison entre deux murs, le jardin était en pente ; l’eau d’une rigole venait remplir dans le bas une fosse creusée là exprèsexprès  ; il n’y. Elle avait avait qu’àété y plonger l’arrosoir plonger l’arrosoir . Elle avait été l’ y remplir  ; elle revint, qui le portait. Et, sous l’arrosement, ; elle revint, qui le portait. Et, sous l’arrosement, les feuilles et la terre la terre faisaient unfaisait un petit bruit comme quand le bruit comme quand le petit chat boit. chat boit. 6 VI Ils travaillaient . Chemin travaillait dans son atelier . La porte de son atelier était une porte vitrée. Chemin regardait par la porte. Chemin regardait à travers la vitre, derrière la vitre, la vie se faire ; Chemin était heureux ; il peignait sur le panneau de devant d’une grande armoire des gens heureux. Le tableau de Chemin représentait notre bonheur. Le tableau nous représentait comme nous étions à présent, c’est-à-dire que tout était beau dans son tableau. Il mettait ses couleurs sur un morceau de verre qu’il posait au bord de son établi, et, ayant tiré son armoire dans le bon jour, il allait du morceau de verre à l’armoire avec son pinceau, prenant du bleu, du rose, du vert tendre ; regardant à travers la vitre comment c’était, ramenant les yeux sur son ouvrage pour y mettre comment c’était. Pendant ce temps, dans le haut du village, là où avait été le cimetière, un homme était encore tenu sous les bras par deux autres ; et les deux autres lui disaient  : – C’est là qu’on t’ avait mis, regarde. Mais toi aussi, tu en es sorti, tu es sorti de ton trou comme nous… C’était un nommé Bé . Dans l’autre vie, il était aveugle. Dans l’autre vie, il était né aveugle , il était mort aveugle ; c’est pourquoi à présent il devait apprendre deux fois à voir. Les Les Amoureuxhommes le tenaient chacun sous un bras. Par moment, Bé s’arrêtait ; il restait immobile comme quelqu’un qui a de l’asthme. Ils étaient deux à le tenir, chacun d’un côté, c’est-à-dire François Besson et Henri Delacuisine  ; et Delacuisine : « Ça ne va pas, Bé ? » Lui : « Tenez-moi seulement… C’est ça… » Puis il est reparti, et il tenait les yeux fermés. Tout à coup, il les a rouverts  ; il disait : « Et cette tache blanche ? » – C’est chez Produit , c’est le mur de l’écurie à Produit. Et Bé s’est mis à tendre la main vers la chose comme pour la prendre , tandis que les deux autres riaient en disant : «  Tu ne peux pas, voyons ! C’est trop loin ! » alors il a refait un petit moment sa nuit, comme quand on rentre dans sa maison pour se reposer . Ils s’étaient mis cependant à aller, et ça se faisait peu à peu. Il ne soulevait encore que légèrement et avec précaution sa paupière , faisant une petite provision de choses, puis laissant sa paupière retomber . Il ne laissait entrer que peu de choses à la fois, ayant d’abord à les mettre en ordre. Mais voilà qu’ il a rouvert quand même les yeux, alors de nouveau les choses venaient, pendant qu’il marchait entre les deux hommes. Il a connu le blanc, le noir, le laiteux, le rose, quand c’est beau vert, ou c’est beau jaune et c’est comme du vin vieux ; les couleurs de toutes les choses et les choses qui sont dessous, étant habillées de couleurs et n ’étant connues que par leurs couleurs. Il a dit : – Je crois que ça y est. Il s’était arrêté de lui-même. – Besson, je vois. Delacuisine, je vois. Je te vois, Besson… Il se tourne vers Besson. – Tu es là, je te vois, Delacuisine. Il se tourne vers Delacuisine. Alors il se tourna vers en avant et , en effet, ses paupières se sont levées tout à fait de dessus le globe pâle encore comme les plantes qui ont poussé à l’ombre et les germes des pommes de terre qu’on a tenues longtemps enfermées dans la cave ; – elles ont battu comme le papillon bat de l’aile quand il va s’envoler ; – puis : – Ça y est ! ça y est ! Mais de nouveau : – Et ça ? qu’il disait. – Ça, c’est l’air. – Et ça ? qu’il disait. – Ça, c’est le rocher. Il a réfléchi. Il a hoché la tête, il a dit : – Oui. Il a dit : – Non. Puis  : – Que si ! que si ! Mon Dieu ! tout ça !… Et est-ce qu’il est possible que tout ça soit à moi ? Se mettant alors à tendre les bras, à les ouvrir tout grands comme quand on voit venir quelqu’un ; – et alors, en effet, ça se mit à venir, ça venait ; et il prenait ça, et il serrait vite contre lui ça, un paquet d’air ici , un paquet de distance, un autre paquet de distance ; un mur, encore un mur, une maison en bois brun, une qui est rose ; puis, plus à gauche, et plus en arrière, les prés, les champs, les bois, ces carrés verts, ces carrés gris, ces carrés jaunes, du brillant, du pas brillant ; – prenant ça pêle -mêle avec encore du ciel et de l’air, prenant tout ça entre ses bras   ; – alors un petit peu de fatigue de nouveau, il ferme les yeux, il se repose. Puis les bras tendus de nouveau  ; et, pendant ce temps, un grand silence. Après quoi : – J’y suis. Il a laissé retomber ses bras ; il était devenu sérieux : – Parce que, se mit-il à dire, c’est qu’on est presque trop riches ; jamais je n’aurais cru qu’il pouvait y avoir tant de choses que ça. – Ah ! dit Delacuisine, c’est qu’en effet il y en a !… Il s’était mis à les nommer à Bé, il les lui apprenait , ces noms , comme quand on apprend l’a b c aux enfants . Les petites fleurs des murs jaunes et violettes  ; les petites fleurs des murs bleu de ciel et tachées de blanc ; les différentes espèces de fleurs  ; le brun du drap du pantalon, qui n’est pas dans la nature. Le gris de ma manche, le blanc de ma chemise blanche. – Et puis ça, a dit encore Delacuisine, ça , c’est du bois de barrière ; tu as connu ça avec les mains autrefois, eh bien, voilà ce que ça donne pour les yeux. Et, ça , c’est la plus dure de toutes les espèces de pierres  : c’est du granit, tu vois, là, ce gris ; et dedans c’est plein de petits cristaux blancs… À présent, Bé gardait les yeux grands ouverts, il ne les a plus refermés. Il avait demandé à Delacuisine et à Besson de le lâcher, qui lui avaient avaient été se promener dans ledit : « Tu crois qu’on peut ? » puis bois des Ciernes . Tout de suite ils l’avaient l’avaient reconnu lâché quand même. Et Et ainsi il allait tout seul, ainsi ils avaient fait retour, ayant maintenant le village devant eux . Et . Et chaque arbre Bé voyait venir parmi le monde, ce petit monde, parmi les autres morceaux du monde ce tout petit morceau du monde, pendant qu’il allait tout seul, et c’est à peine si de temps en temps par habitude il tendait encore la main, tâtant l’air, à peine si de temps en temps son pied avant de se poser interrogeait encore le sol. Ils sont entrés dans le village. On disait : – Alors ça va mieux ? – Ça va tout à fait bien, disait Bé . Et Delacuisine : – Vous voyez, on l’a lâché… S’écartant pour mieux vous le faire voir, et Besson alors faisait de même de même . C’est de la sorte qu’ils sont arrivés devant l’atelier de Chemin où on voyait Chemin à travers la porte vitrée, et on voyait aussi le tableau de Chemin ; – Besson et Delacuisine ont eu tout à coup une idée, ils ont dit à Bé : – Ah ! voilà qui va t’intéresser… Hé ! Chemin, est-ce qu’on peut entrer ? Et ils entrent, disant à Chemin : – Tu comprends, il commence seulement à voir. Et il n’a vu encore que les choses qui existent en réalité… Alors, lui faisant une place : – Arrive, Bé, mets-toi ici… Parce que c’est encore une chose à apprendre ; ça n’existe pas véritablement , c’est de la peinture, c’est peint… ça n’existe pas dans la nature, ça existe dans le cœur de l’homme. C’est tiré par l’homme de son cœur d’homme, porté dehors par ses mains d’homme ; alors est-ce qu’il allait s’y reconnaître, Bé ? Qui, en effet, pendant un moment n’a rien dit, pendant un moment n’a pas bougé ; pendant un moment est resté immobile, laissant voir seulement un grand étonnement, avec aussi les marques de l’effort qu’il faisait ; puis lentement ses lèvres se sont écartées et il y a eu une distance entre ses lèvres. – Ça… Ça, c’est toi, Chemin. Il regardait Chemin. Il regardait le vrai Chemin, puis le Chemin figuré : – C’est toi ! Chemin hocha la tête. – Et ça, c’est une maison (il la touchait du doigt) ; ça, c’est un arbre, ça, c’est la fontaine… Il vous a interrogés du regard, on hochait encore une fois la tête ; et lui, encouragé : – Ça, c’est des gens sur des bancs, ça, c’est une petite fille, ça, c’est un mulet… Oh ! je comprends, je comprends tout. Alors ceux qui étaient là lui ont serré la main ; puis ils sont sortis, tous les quatre, pour aller boire. Le café s’appelait le Café des Amis. Il y avait sur l’enseigne ce nom et sous le nom deux mains qui se serraient dans des manchettes de dentelles. Et, de nouveau, c’était peint, ce qui fait que Bé a eu encore un peu d’hésitation ; mais déjà, il avait repris : « Que si, que si, je suis guéri ! » Une autre voix, alors, s’est fait entendre  : – Moi aussi, je suis guéri. C’était Chermignon ; on lui avait, dans l’autre vie, coupé la jambe. Il venait ; il vous faisait voir qu’il avait de nouveau ses deux jambes. Il les faisait bouger, l’une après l’autre, dans le pantalon de grosse mi-laine brune jauni aux genoux, ayant les pieds dans des souliers ferrés à œillets de laiton : – Et puis encore qu’elle n’est pas fausse, et il riait ; – quand même ils étaient arrivés à la perfection dans ce genre de jambes fausses, souvenez-vous, après leur grande guerre, et ils m’en avaient mis une de cette espèce ; mais à présent, c’est de la viande, de la bonne viande, de la toute vraie… – Si vous voulez voir ? disait-il encore ; et il troussait son pantalon . Bé voyait ; Chermignon avait ses deux jambes et criait à Bé : « Je marche sur mes deux jambes », tandis que Bé lui répondait : « Je vois avec mes deux yeux » ; et, parce qu’ils venaient ainsi chacun avec son histoire, Maurice, le chercheur d’or, qui était assis dans un coin, a commencé à raconter la sienne , étant , étant restés également guéri d’une maladie qu’il avait. « Moi, disait-il, je pareils cherchais l’or à la baguette , parce que je croyais que c’est l’or qui donne le bonheur. On allait se promener dans les endroits où l’ on pensait qu’il y en avait . La baguette doit pencher plus ou moins, selon la plus ou moins grande force de ce qui l’attire. Et, un jour, mon frère, qui tenait montagne au pied des Rochers de Bise, ayant trouvé une pierre brillante , l’avait écrasée sous une autre pierre, ce qui avait donné la valeur d’une cuillère à café de poudre jaune qu’il me montra. Alors je me dis : “ Ça en est ! ” Il faut vous dire que j’avais le don. Je sais à présent que c’est un don qui nous venait du Diable, mais en ce temps-là je ne savais pas. J’ai dit à mon frère : “ Me montrerais-tu la place ? on partagera. ” C’est l’histoire de quand on allait chercher l’or, dans l’autre vie, à cause qu’on ne savait bâtir que sur les biens passagers. On est partis de nuit ; on est allés plus haut que les bois, plus haut que l’herbe ; et, toutes ces richesses données par le bon Dieu, on les a laissées derrière nous, pour ne plus être entourés, si loin qu’on pouvait voir, que par rien du tout de bon. Semez-y le blé, vous verrez, essayez d’y planter les pommes de terre ! Mauvais pays, pays maudit, pays mis justement par le bon Dieu plus haut que l’autre et pas à portée, mais on était tenté par le Démon. Le soleil s’était levé, on suait à grosses gouttes. C’était ce grand pierrier, vous savez, qui est droit au-dessous des Rochers de Bise, et plus on monte, plus il devient raide, pourtant on allait toujours . De temps en temps, je disais à mon frère : “ Est-ce là ? ” Il me répondait : “ Pas encore. ” On a fini par arriver au pied des rochers ; il y avait sur ces rochers des taches de rouille. Et rien n’a plus compté pour moi que ces taches . Il faut vous dire que les métaux s’appellent l’un l’autre ; et, par le moyen de ce fer, que je voyais qui était là , l’or à nouveau me criait contre. Je vous parle de ces temps de la terre, où le cœur nous allait par bonds ; ah ! misère, misère et folie ! La paroi avait bien six ou sept cents pieds de hauteur , lisse par places comme la main, à d’autres toute couturée , avec , avec leurs hauts troncs rouges tout tordus, nusdes ressauts, des couloirs, des corniches, des cheminées, – ça ne fait rien. Jean me suivait sans rien dire. On se comprenait sans rien se dire. Il était déjà convenu entre nous, sans qu’on se fût rien dit, qu’on irait jusqu’ jusqu’ au bout et par tous les moyens. Il a fallu se pendre par les mains et la pointe de la semelle, se pousser vers en haut du dos et des genoux comme le ramoneur, être parfois sur des surplombs pas plus larges que le pied, après quoi s’accrocher à des gazons glissants qui s ’éboulaient par grosses mottes, mais on l’a fait, rien ne nous a coûté, parce que le Démon nous tenait mordus. Et, à la fin, sur une sorte de replat, et comme une terrasse en pente sans plus point d’herbe, et où le roc était à vif et fissuré… » Il s’interrompait (et peut-être, si on l’eût bien regardé qu’on eût vu briller encore ses yeux ) : « La baguette file droit vers en bas et heureusement que je la tenais bien, sans quoi elle m’ aurait échappé, tellement la secousse avait été forte. Comme quand la truite donne un coup de queue. On était devenus tout pâles. On a eu le souffle coupé. En même temps, on se regardait et on n’osait pas se regarder. Je ne sais plus l’heure qu’il était : le temps n’a plus rien été pour moi, qui dévorais sans en sentir le goût le peu de jours qui nous sont donnés. Il me fallait me cacher des hommes, et mentir, et aussi, comme le chemin du pierrier était trop long et fatigant, je me laissais descendre dans les rochers à uneà une corde. C’était mon frère et moi qui l’avions installée, et une fois mon travail fini, et moi remonté, je la retirais. Je travaillais tout nu comme ceux qui sont aux galères, sans point d’eau que celle que j’apportais dans un tonnelet, sans rien autre chose qu’un peu d’eau, un peu de pain , un peu de fromage. Du matin au soir. Depuis de très très grande grande hauteur bonne heure le matin jusque tard le soir. Tout nu, exposé tour à tour au grand soleil, aux longues pluies et à l’orage, point d’autres outils qu’un pic et une pelle, creusant d’abord avec le pic, puis enlevant les débris à la pelle ; toujours tout seul, personne à qui parler , et , et rien autre chose pour me distraire que ce trou sous mes pieds, où je m’enfonçais toujours plus ne portant qu’à leur fin . Je sentais couler le long de moi l’eau de mon corps comme si elle était tombée du ciel, et je pleuvais et je tachais de noir la roche : indifférent à cette pluie et à toute pluie ; indifférent, je dis, au monde et à toutes les bonnes et belles choses du monde et à tout ce qui était vrai . J’étais ainsi arrivé au troisième mètre sans avoir rien trouvé encore ; mon frère me disait : “ Alors ? ” je disais : “ Rien ! ” J’avais terriblement maigri . Et, de nouveau , mon frère : “ Alors ? ” Et moi, de nouveau : “ Rien ! ” Mais, à présent, je voyais qu’il me regardait avec méfiance. Et ça a été ainsi encore un bout bout un léger plumet de feuillage. La de temps, puis voilà qu’une fois que j’étais en train de me reposer, assis à côté de mon trou, j’ai entendu rouler des pierres. C’était mon frère qui m’épiait, s’étant posté un peu plus haut dans la paroi… » VII Il s’appelait Augustin ; elle s’appelait Augustine. Eux aussi s’étaient retrouvés , ayant été séparés l’un de l’autre, étant morts séparés l’un de l’autre, dans l’autre vie ; mais, de nouveau, ils étaient réunis. Il lui avait fallu venir de loin, il lui avait fallu venir depuis tout là-bas, sur les bords d’un lac, ce qui faisait plusieurs jours de marche ; mais à présent l’amour est appelé par l’amour. Et, quand il eut sorti sa tête de son trou, dans l’éloignement d’elle, tout là-bas, et sur le bord des eaux qui ont brillé d’abord pour lui au lieu des glaciers et des neiges ; – sitôt qu’il eut sorti sa tête du tombeau, il s’est entendu appeler : elle l’appelait déjà. Il n’a pas hésité , il ne pouvait pas se tromper, elle l’appelait, il s’est mis debout. Il a d’abord sorti sa tête, puis tout son corps dans la lumière, mais, en même temps qu’il sortait son corps, son corps se tournait de lui-même dans la direction qu’il fallait. Il n’aurait pas eu besoin de voir, il aurait pu être aveugle comme Bé. Il y avait comme une main qui le tenait, et elle le tenait par le haut du bras, le tirant sans cesse à elle. Il n’aurait pas voulu venir qu’il serait venu ; il ne savait pas s’il voulait venir ou non ; il n’a pas eu à se le demander. Il a longtemps suivi la route qui va le long de l’ eau vers l’est et vers les levers de soleil, et vers où est Jérusalem. Le ciel s’est habillé de blanc, puis de rose. Il marchait dans le matin, il marchait à midi, il marchait encore le soir ; le ciel à présent s’habillait de vert devant lui. Les hommes étaient partout heureux et beaux dans le grand vignoble, ayant leurs épis de maïs qui séchaient devant les maisons, et, en dessous de l’avant-toit de l’écurie, sur une sorte de galerie à claire-voie, leurs noix bien étalées sur les lattes dans le courant d’air. Les femmes, debout sur le pas des portes, lui disaient : « Voulez-vous entrer ? » On lui faisait un lit. On ne lui demandait point d’argent. On ne lui demandait même pas son nom ; on n’a plus de noms. On lui faisait un lit. Il couchait dans un bon lit. Il se levait de grand matin, il recommençait à marcher, il se levait en même temps que les gens de la maison ; et ainsi peu à peu il a quitté le lac, il est entré dans la grande vallée qui y fait suite ; là, il est remonté le fleuve, qui en occupe le milieu, coulant entre deux chaînes de montagnes qui deviennent de plus en plus hautes. Et les deux chaînes se sont rapprochées toujours plus ; elles ont fini par se rapprocher tellement qu’ il n’y a plus eu devant lui qu’une étroite porte entre des rochers ; mais il marche toujours et c’est midi et il passe la porte. Tout aussitôt la vallée s’est élargie : c’était dans le bout, sur un de ses versants . Elle avait été l’ attendre dans le bois des Ciernes  ; elle savait qu’il allait venir, lui savait qu’elle l’attendait. Maintenant on ne peut pas en pas être réunis et on ne peut pas ne pas être ensemble, quand on est faits pour être ensemble ; – c’était dans le bois des Ciernes , où la pente pierreuse pente pierreuse et égale avait été entaillée à deux places avait été entaillée à deux places  :, l’une pour l’une pour laisser y faire passer le canal, l’autre pour y faire passer le chemin passer le chemin , l’autre pour laisser passer le. C’était juste au-dessous du bisse bisse . C’est , qui est le nom qu’on donne à ces canaux d’irrigation qu’il y avait dans l’autre vie ces canaux d’irrigation qu’il y avait dans l’autre vie , allant et qui allaient chercher très haut dans la montagne de quoi rester pleins tout l’été. chercher très haut dans la montagne de quoi rester pleins tout l’été. Une eau qui venait des glaciers, une eau tellement transparente qu’elle était comme point d’eau du tout, et on aurait cru le bisse vide si on n’avait pas vu bouger les petites pierres du fond. Et le bisseEt le bisse était était toujours là , avec son eau toujours la même ; tout était était resté comme autrefois sous les pins ; les pins, eux non plus, n’avaient pas changé, avec leurs troncs rouges nus jusqu’à une grande hauteur et ne montrant qu’à leur fin bout un petit plumet de branchage. Ils avaient été s’asseoir ensemble au bord du bisse  ; Augustine  ; Augustine avait avait même plongé sa maintrempé les doigts dedans dedans  ; elle l’avait avait vite retirée  : « L’eau est aussi froide, avait-elle dit, que dans le temps. » : « L’eau est aussi froide, avait-elle dit, que dans le temps. » Tous Il leurs souvenirs alors leur étaient revenus, et lui, il avait avait répondu : « Ildit : – Ce n’est pas étonnant n’est pas étonnant qu’elle soit froide , quand on sait d’où elle vient., quand on sait d’où elle vient.  » Dieu avait conservé, pour le plaisir des yeux, ces Les beaux glaciers beaux glaciers étaient toujours sur les sommets ; sur les sommets ; par- en arrière du bois, au delà delà lesdes croupes herbeuses, croupes herbeuses, lesdes forêts de plus forêts de plus haut, haut, les des pâturages et des rochers rochers et les pâturages , ils continuaient de briller , ils continuaient de briller pour nous ; ils étaient toujours dans le ciel dans le ciel ; et, s’étant retourné, avec leur belle couleur : tour à tour roses, jaunes, bleus, tout en or ou tout en argent, entre les branches, selon les heures ; et Augustin Augustin , les les montrait maintenant à Augustine, par une espèce de fenêtre dans le branchage : « montrant : –  Tu vois, c’est depuis tout là-haut Tu vois, c’est depuis tout là-haut qu’elle vient , et on allait, et on allait tout là-haut pour les réparations à faire, mais là-haut pour les réparations à faire, mais , même même tout là-haut là-haut , on pensait à toi. on pensait à toi.  » Il lui avait pris la main, il disait : – On voyait les routes comme des fils, les maisons comme des grains de sable ; les toits des villages étaient seulement une nuance dans le vert ; mais, moi, je visais quand même la place, et, à force de me dire : « Elle est là – On voyait les routes comme des fils, les maisons comme des grains de sable ; les toits des villages étaient seulement une nuance dans le vert ; mais, moi, je visais quand même la place, et, à force de me dire : « Elle est là , » », il me semblait il me semblait quque je te voyais je te voyais . Il lui . Il lui avait pristenait la main la main  ; l’eau coulait à  ; l’eau coulait à pIeinspleins bords, sans le plus petit bruit ; bords, sans le plus petit bruit ; ils mirent une marguerite dessus pour la voir s’en aller ; elle s’en alla très vite, comme un petit bateau s’en va. Ils mirent un brin d’herbe sur l’eauils mirent une marguerite dessus pour la voir s’en aller ; elle s’en alla très vite, comme un petit bateau s’en va. Ils mirent un brin d’herbe sur l’eau , et,  ; à ce brin d’herbe, une fourmi qui était en train de à ce brin d’herbe, une fourmi qui était en train de se noyer noyer se raccrocha ; la fourmi fut sauvée s’est raccrochée . Ils mirent un message sur cette eau, le message fut emporté ; ils voyaient qu’il ne lui faudrait pas beaucoup de temps pour aller jusqu’au village ; le message était : « Bonnes pensées de ceux qui sont heureux à ceux qui sont heureux. » L’eau allait bien toujours, mais le temps n’allait plus. Ils mirent un message sur cette eau, le message fut emporté ; ils voyaient qu’il ne lui faudrait pas beaucoup de temps pour aller jusqu’au village ; le message était : « Bonnes pensées de ceux qui sont heureux à ceux qui sont heureux. » L’eau allait bien toujours, mais le temps n’allait plus  ; on. On pouvait pouvait , maintenant sans sans inquiétude,crainte laisser l’eau suivre son chemin ; ce n’était plus un peu de notre vie qu’à chaque nouvelle seconde laisser l’eau suivre son chemin ; ce n’était plus un peu de notre vie qu’à chaque nouvelle seconde elle emportait emportait avec elledans son courant , – fausse image, aujourd’hui, – fausse image, aujourd’hui , de la vie que cette eau, parce que la vie immobile et elle s’écoulant toujours. de la vie que cette eau, parce que la vie immobile et elle s’écoulant toujours. Et vaguement Oh ! non, à présent rien ne changeait plus, rien n’allait plus jamais changer. Ils ont retrouvé ici toutes les choses qu’ils avaient aimées ; les choses qu’ils avaient aimées n’allaient plus jamais les quitter. Ils se rappelaient une fois où ils ils le sentaient avaient gravé dans un tronc au couteau les initiales de leurs noms : ils , bien qu’ils n’eussent peut-être pas su le dire. Mais ils s’étaient levés, et avaient été chercher l’arbre avaient été chercher l’arbre où , ils ils n’ avaient avaient gravé leurs noms. pas eu besoin de chercher longtemps. De Ils se rappelaient bien la place : en effet, l’arbre était toujours là . Et, de nouveau, quand ils prêtaient l’oreille, le bruit de l’écureuil nouveau, quand ils prêtaient l’oreille, le bruit de l’écureuil , adroit à grignoter la fève sous l’écaille adroit à grignoter la fève sous l’écaille , venait en imitation à une petite pluie sur les feuilles ; de nouveau venait en imitation à une petite pluie sur les feuilles ; de nouveau se faisait entendre, dans le grand silence, ils ont entendu le bruit le bruit de leurs cœurs. de leurs cœurs. Pourtant ce dernier bruit se percevait plus difficilement (et là était déjà une légère différence), à cause que leurs cœurs battaient moins fort. Mais la grande différence était dans le dedans de leurs pensées, et Et ils voyaient que la différence était ailleurs ; il disait : – c’est pourquoi tout leur apparaissait changé. La grande différence était dans ce qui est derrière l’œil, et là se transforme ce que l’œil perçoit ; alors, c’est à peine , pour finir, s’ils se reconnaissaient eux-mêmes, se disant : «  Te rappelles-tu ? Ils Te rappelles-tu ? Ils voyaient que la différence était au dedans d’eux-mêmes, parce qu’ils se disaient l’un à l’autre : se disaient l’un à l’autre : « Te rappelles-tu – Ah ! comme on était tourmentés  comme on était tourmentés  ? » Il disait :! Et lui : – Je te cherchais sans te trouver. Elle – Je te cherchais sans te trouver. Elle  disait  : – Je t’attendais et tu ne venais pas.: – Je t’attendais et tu ne venais pas. Elle était assez petite Elle était assez petite , assez grosse , toute ronde, la figure couverte de taches de rousseur ; elle s’appelait donc Augustine. Et, lui,, toute ronde, la figure couverte de taches de rousseur ; elle s’appelait donc Augustine. Et, lui, s’appelait donc Augustin ; donc Augustin ; – alors, quand alors, quand , dans leur vie d’avant dans leur vie d’avant , ils avaient été pour graver leurs noms ils avaient été pour graver leurs noms dans l’écorce , ils s’étaient aperçus qu’ils n’en avaient qu’un pour les deux, ils s’étaient aperçus qu’ils n’en avaient qu’un pour les deux . Confiance d’abord, et abandon ces premiers temps : ç’avait été pour eux comme s’ils s’aimaient plus encore, comme s’ils avaient été plus proches l’un de l’autre, comme si leurs noms déjà avaient décidé de tout . Elle disait : « Comment est-ce qu’il faudra faire avec ces deux A pour le linge ? » Il disait : « . Elle disait : « Comment est-ce qu’il faudra faire avec ces deux A pour le linge ? » Il disait : «  Ce Tu n’en mettras qu’un ; ce sera de l’ouvrage de moins… » sera de l’ouvrage de moins… » OÔ vilaine figure, vilaine petite figure ! vilaine figure, vilaine petite figure ! IIIl savait bien qu’Augustine n’était pas belle ; il l’aimait mieux comme elle était que si elle avait été très belle. On se moquait de ses cheveux rouges : pour lui, il n’y avait rien de plus magnifique savait bien qu’Augustine n’était pas belle ; il l’aimait mieux comme elle était que si elle avait été très belle. On se moquait de ses cheveux rouges : pour lui, il n’y avait rien de plus magnifique au monde que des cheveux rouges. que des cheveux rouges. Et, sur Sur cette peau comme du petit-lait, étaient ces taches qui se touchaient toutes, cette peau comme du petit-lait, étaient ces taches qui se touchaient toutes, tellement elles étaient serrées, mais le cœur devant elles se sent tout remué de tendressemais le cœur devant elles se sent tout remué de tendresse , ; l’œil l’œil , qui cherche à les compter qui cherche à les compter et qui ne peut pas est amusé, sans y réussir, s’en amuse . Il tenait entre ses deux mains cette figure :. Il tenait entre ses deux mains cette figure : « Petite ! si on donnait tout ce son aux lapins ?… Mais non, ils deviendraient trop gras !« Petite ! si on donnait tout ce son aux lapins ?… Mais non, ils deviendraient trop gras ! … » Il » Et il souriait, souriait, et elle souriait ; elle souriait ; mais ensuiteensuite , il leur fallait se quitter. il leur fallait se quitter. Il C’était sur la terre ; c’était au temps de leurs rendez-vous, sur la terre ; il ôtait son chapeau, ôtait son chapeau, c’était sur la terre ; elle, elle se signait, parce qu’ils passaient devant la croix. Elle prenait à droite, lui à gauche : c’était sur la terre ; ils se consolaient en se disant que leurs chemins elle, elle se signait, parce qu’ils passaient devant la croix. Elle prenait à droite, lui à gauche : c’était sur la terre ; ils se consolaient en se disant que leurs chemins à eux finiraient bienfiniraient bien quand même, une fois, par se réunir. Hélas ! ils ne savaient pas quelles difficultés on rencontrait alors par se réunir. Hélas ! ils ne savaient pas quelles difficultés on rencontrait alors rien qu’ à vivre. Son père à elleà vivre. Son père à elle , finalement, n’avait pas voulu n’avait pas voulu consentir à de ce mariage ; ce mariage ; elle n’ on ne lui avait plus avait plus osé permis de sortir seule. sortir seule. Lui, ilEt, lui, venait venait , la nuit, rôder autour de la maison la nuit, rôder autour de la maison . Il , mais il avait beau venir. Il venait, il se mettait sous un arbre, il était sous le branchage de l’arbre et de là son cœur appelait : personne avait beau venir. Il venait, il se mettait sous un arbre, il était sous le branchage de l’arbre et de là son cœur appelait : personne nen’y répondait. C’est quand ils étaient dans l’ancienne vie : répondait. C’est quand ils étaient dans l’ancienne vie : – il lui avait bien fallu finir par voir que tout y était tromperie. il lui avait bien fallu finir par voir que tout y était tromperie. Tout vous y parlait de bonheur : on ne le trouvait nulle part. On était comme On était comme quelqu’ un qui aurait eu une tasse à la mainun qui aurait eu une tasse à la main et il s’arrêterait, et se serait arrêté à toutes les fontaines, mais à toutes les fontaines, mais c’est une la tasse tasse était sans fond. sans fond. AlorsTout vous parlait de bonheur : on ne le trouvait nulle part. Dans l’autre vie , dans la fausse vie ; et une grande amertume une grande amertume lui était venue. Ainsi était l’homme sur cette ancienne terre, parce qu’il était incomplet. Cette moitié qu’il était cherchait son autre moitié sans jamais la trouver. Une grande amertume lui était venue pour finir était venue à Augustin  ; il s’était dit : «  ; il s’était dit : «  Qu Tant pis ! qu ’elle souffre, puisque je souffre’elle souffre, puisque je souffre  !  » Il se disait aussi : « Si elle tenait vraiment à moi, elle aurait bien trouvé moyen de venir. » Mauvais cœur qu’on  » Il se disait aussi : « Si elle tenait vraiment à moi, elle aurait bien trouvé moyen de venir. » Mauvais cœur qu’on àa tout à coup ! un mauvais cœur vous pousse dans le bon. tout à coup ! un mauvais cœur vous pousse dans le bon. Son visage était tout changé, s’étant amaigri, ayant pâli, s ’étant creusé. Et une nuit : « Et une nuit : «  Tant pis ! c C ’est la dernière fois ! » On était déjà en automne, quand il y a ce triste grand brouillard qui est contre les pentes comme une aile cassée. ’est la dernière fois ! » On était déjà en automne, quand il y a ce triste grand brouillard qui est contre les pentes comme une aile cassée. Et, cette nuit-là, elleElle non plus, ne dormait pas ne dormait pas , elle non plus cette nuit-là , seulement, seulement il ne il ne le savait paspouvait pas le savoir . Elle l’attendait ;. Elle l’attendait ; il ne il ne le savait pas. savait pas. Aucune lumière à sa Sa fenêtre  fenêtre : n’était pas éclairée ; comment aurait-il pu se douter qu’elle ne connaissait comment aurait-il pu se douter qu’elle ne connaissait maintenant pas plus que lui le sommeil ; qu’elle pas plus que lui le sommeil ; qu’elle l’ appelait, elle aussi, à travers l’épaisseur des murs, et toute cette couche d’air sourde, se désespérant comme lui ?appelait, elle aussi, à travers l’épaisseur des murs, et toute cette couche d’air sourde, se désespérant comme lui ? Elle était dans son lit à écouter, cette nuit-là : … Pourtant, tout à coup tout à coup il lui avait semblé entendre craquer une branche morte. Son cœur avait crié : « C’est lui ! sa bouche n’avait pas osé crier. Et , elle s’était elle s’était glissée hors de son lit, quand même il eût été terrible que son père ou sa mère se doutât de quelque chose ; elle s’était levée mise tout contre les carreaux, collant sa figure au verre froid et elle y écrasait son nez : il faisait trop noir dehors pour qu’elle pût rien voir ou être vue. Si seulement il lui avait été possible d’allumer la lampe, ou d’ouvrir la fenêtre ; mais on sait que les vieux ne dorment qu’à moitié, et les cloisons des chalets de chez nous sont en bois. Ils étaient tout près l’un de l’autre en même temps, et séparés. Et le temps qui passait ! Une minute, deux, trois (elle les comptait)… trois, quatre… Soudainement, elle avait été mise debout . La porte avait été ouverte par elle, l’escalier descendu par elle, le gros verrou rouillé, tiré. Il y avait une force qui la faisait aller sans qu’elle y fût pour rien.. La porte avait été ouverte par elle, l’escalier descendu par elle, le gros verrou rouillé, tiré. Il y avait une force qui la faisait aller sans qu’elle y fût pour rien. Une grande force en elle, et tranquille ; et tellement de sûreté ! Personne ne l’avait entendue. Et à présent la nuit, tout le glacé de l’air et cette grande humidité, et elle nue sous sa chemise, Personne ne l’avait entendue. Et à présent la nuit, tout le glacé de l’air et cette grande humidité, et elle nue sous sa chemise, ses pieds sans souliers, ni bas dans la boue, – mais jamais pourtant si bon air, jamais si belle nuit, jamais légèreté pareille ! Et comme elle courait ! Prends-moi, emmène-moi, fais de moi ce que tu voudras, je sans souliers, ni bas dans la boue, – mais jamais pourtant si bon air, jamais si belle nuit, jamais légèreté pareille ! Et comme elle courait ! Prends-moi, emmène-moi, fais de moi ce que tu voudras, je ne m’inquiète plus de personne, je n n ’ai plus ni père, ni mère, il n’y a plus personne, il n’y a plus que toi !… ’ai plus ni père, ni mère, il n’y a plus personne, il n’y a plus que toi !… Mais il n’était déjà plus là. Et ainsi . Et puis, rien. Tout, rien. Il avait dû se décourager d’attendre. Inutilement Il avait dû se décourager d’attendre. Inutilement , avait-elle cherché partout dans l’ombre avec ses mains s’il y était : il n’y était pas. Et le lendemain non plus il n’avait pas été là, ni le surlendemain, ni le mois d’après, ni l’année d’ensuite : ni toutes les grandes longues années qui étaient venues, l’une après l’autre, tandis qu’elle se faisait vieille, et elle pensait : « Fini pour toujours ! » avait-elle cherché partout dans l’ombre avec ses mains s’il y était : il n’y était pas. Et le lendemain non plus il n’avait pas été là, ni le surlendemain, ni le mois d’après, ni l’année d’ensuite : ni toutes les grandes longues années qui étaient venues, l’une après l’autre, tandis qu’elle se faisait vieille, et elle pensait : « Fini pour toujours ! » EtMais non, ce n’était pas fini. Ce qu’elle avait cru une fin n’était non, ce n’était pas fini. Ce qu’elle avait cru une fin n’était même pas un qu’un commencement. commencement. De nouveau, ils étaient C’est ensembleensemble . Ensemble et pour toujours ensemble, en effet, qu’ils sont rentrés au village ; . Ils s’étaient arrêtés devant Adèle Genoud qui tenait bien soigneusement le petit paquet rose en travers d’elle ; ils dirent : – On a été faire un tour dans le bois des Ciernes. Elle dit : – Comment est-ce que c’était  ? – C’était bien joli. – Comme avant ? – Oh ! pas comme avant. Mais voilà qu’ Augustin reprenait : – Et en même temps comme avant. Et alors Adèle Genoud : – Pour moi aussi, c’est c’est comme avant et en même temps pas comme avant. Beaucoup de personnes étaient là, mais il en survenait à chaque moment de nouvelles, parce qu’on a besoin d’être ensemble ensemble quand on qu’ils ont passé sous la croix. On les a regardés venir ; elle, elle disait aux gens : « C’en est est heureux. O un que je vous amène, l’ami de mon cœur, qui est revenu, et il va rester avec nous. » A présent on est où on veut, à présent on est où on aime. Le soir venait, les gens étaient partout assis sur les bancs devant les maisons. C’est ces réunions du soir, réunions du soir, c’est ces belles réunions du soir, ô vieille coutume vieille coutume , vieille habitude des villages, après qu’on a bien travaillé, et la fraîcheur conseille de ne pas s’enfermer tout de suite chez soi ; les vaches ont été gouvernées, les petits enfants ont été mis au lit, on vient de manger la soupe, – des villages, après qu’on a bien travaillé, et la fraîcheur conseille de ne pas s’enfermer tout de suite chez soi ; les vaches ont été gouvernées, les petits enfants ont été mis au lit, on vient de manger la soupe, – ô vieille douce habitude des villages vieille douce habitude des villages qu’ils que ceux d’ici avaient gardée, et, comme autrefois, les uns étaient assis, les autres étaient debout, ceux qui aimaient à fumer fumaient, ceux qui aimaient à chiquer chiquaient avaient gardée, et, comme autrefois, les uns étaient assis, les autres étaient debout, ceux qui aimaient à fumer fumaient, ceux qui aimaient à chiquer chiquaient , ; les oiseaux les oiseaux en changeant de place faisaient un bruit sous les avant-toits changeant de place faisaient un bruit sous les avant-toits  ; il. Il y avait, bas dans l’air, toutes ces chauves-souris qui semblent voler sur des béquilles ; il y avait Maurice le chercheur d’or y avait, bas dans l’air, toutes ces chauves-souris qui semblent voler sur des béquilles ; il y avait Maurice le chercheur d’or . 7 « Je qui cherchais l’or à la baguette dans l’autre vie , parce que je croyais que c’est l’or qui donne le bonheur. Avec un jet de coudrier qu’on coupait dans le milieu et dont on attachait les deux bouts de façon à les faire se croiser, on allait se promener dans les endroits où on pensait qu’il y en avait  ; alors alors la baguette doit pencher plus ou moins, selon la plus ou moins grande force de ce qui l’attire. Un jour, mon frère, qui tenait montagne au pied des Rochers de Bise, avait trouvé une pierre brillante et l’avait écrasée sous une autre pierre, ce qui avait donné la valeur d’une cuillère à café de poudre jaune qu’il me montra. Je me dis : “ Ça en est ! ” Il faut vous dire que j’avais le don. Et je sais à présent que c’est un don qui nous venait du Diable, mais en ce temps-là je ne savais pas. Je dis à mon frère : “ Me montrerais-tu la place ? on partagera. ” Il voulait bien. On s’entendait. C’est l’histoire de quand on allait chercher l’or, dans l’autre vie, à cause qu’on ne savait bâtir que sur les biens passagers. On est parti de nuit ; on est allé plus haut que les bois, plus haut que l’herbe ; et, toutes ces richesses données par le bon Dieu, on les a laissées derrière nous, pour ne plus être entourés, si loin qu’on pouvait voir, que par rien du tout de bon. Semez-y le blé, vous verrez, essayez d’y planter les pommes de terre ! Mauvais pays, pays maudit, pays mis justement par le bon Dieu plus haut que l’autre et pas à portée, mais on était tenté par le Démon. Le soleil s’était levé, on suait à grosses gouttes. C’était ce grand pierrier, vous savez, qui est droit dessous les Rochers de Bise, et plus on monte, plus il devient raide, pourtant on continuait continuait à allerson histoire, . De temps en temps, je disais à mon frère : “ Est-ce là ? ” Il me répondait : “ Pas encore. ” Et on allait. On a fini par arriver au pied des rochers ; il y avait sur ces rochers des taches de rouille. Et alors alors tout le resteAugustin et Augustine se n’a plus compté pour moi . C’était à cause de ces taches  ; il faut vous dire que les métaux s’appellent , ils vont par nids et par régions ; et, moi, connaissant qu’il y avait du fer dans la paroi , l’or lui aussi et à nouveau me criait contre. Je vous parle de ces temps de la terre, où le cœur nous allait par bonds ; ah ! misère, misère et folie ! La paroi avait bien six ou sept cents pieds , lisse par place comme la main, à d’autres toute couturée, avec des ressauts, des couloirs, des corniches, des cheminées, terrible partout ; – ça ne fait rien. Et Jean avait dû comprendre. Il me suivait sans rien dire. On se comprenait sans rien se dire. Il était déjà entendu entre nous, sans qu’on se fût rien dit, qu’on irait jusqu’au bout et par tous les moyens. Il a fallu se pendre par les mains et la pointe de la semelle, se pousser vers en haut du dos et des genoux comme le ramoneur, être parfois sur des surplombs pas plus larges que le pied, après quoi s’accrocher à des gazons glissants quis ’éboulaient par grosses mottes, mais on l’a fait, rien ne nous a coûté, parce que le Démon nous tenait mordus. Et, à la fin, sur une sorte de replat, et comme une terrasse en pente sans plus point d’herbe, et où le roc était à vif et fissuré… » Il s’interrompait (et peut-être, si on l’eût bien regardé qu’on eût vu briller encore ses yeux , mais il commençait à faire nuit ) : « La baguette file droit vers en bas et heureusement que je la tenais bien, sans quoi elle m’ eût échappé, tellement la secousse a été forte. Comme quand la truite donne un coup de queue. On était devenus tout pâles. On a eu le souffle coupé. En même temps, on se regardait et on n’osait pas se regarder. J’avais redressé ma baguette, tournant tout autour de l’endroit où elle s’était abaissée ; la foudre serait tombée à côté de nous, maintenant, qu’on ne s’en serait pas inquiétés. D’autant plus qu’il se passait une chose extraordinaire : c’est que j’avais beau me promener en rond autour du point qu’on a vu, tout le long de l’ étroit replat, nulle part la baguette ne bougeait plus , dressée droit vers en haut, et puis, le point atteint, tout à coup là, droit bas ! Et véritablement un point, c’est-à-dire une place de pas plus d’un mètre sur un, dont le sens était clair, quoique pas bien encourageant, c’est que la veine elle aussi devait aller de haut en bas comme un clou enfoncé dans une planche. Je recommence une fois de plus ma manœuvre ; j’arrive au même résultat. Il devait bien être dix ou onze heures, le temps n’était plus rien pour moi. A partir de ce moment, le temps n’a plus rien été pour moi, qui dévorais sans en sentir le goût le peu d’heures qui nous sont données. On avait arrangé la chose avec mon frère de façon que personne ne se doute de rien. Je disais que j’allais chercher des herbages, qui était un métier que j’avais déjà fait. Il me fallait me cacher des hommes, et mentir, et aussi, comme le chemin du pierrier était trop long et fatigant, je me laissais descendre dans les rochers à une corde. C’était mon frère et moi qui l’avions installée, et une fois mon travail fini, et moi remonté, je la retirais. Je travaillais tout nu comme ceux qui sont sont aux galères, sans point d’eau que celle que j’apportais dans un tonnelet, sans rien autre chose qu’un peu d’eau et arrêtés encore un peu de pain et de fromage. Du matin au soir. Depuis de très bonne heure le matin jusque tard le soir. Tout nu et exposé tour à tour au grand soleil, aux longues pluies et à l’orage, point d’autres outils qu’un pic et une pelle, et creusant d’abord avec le pic, puis enlevant les débris à la pelle ; toujours tout seul, personne à qui parler, et rien autre chose pour pour me distraire que ce trou sous mes pieds, où je m’enfonçais. N’empêche que chaque matin, j’étais là, et je ne descendais plus au village, couchant dans un fenil où mon frère m’apportait de quoi manger l’écouter, parce . Je sentais couler le long de moi l’eau de mon corps comme si elle était tombée du ciel, et je pleuvais et je tachais de noir la roche : indifférent à cette pluie et à toute pluie ; indifférent, je dis, au monde et à toutes les bonnes et belles choses du monde et à tout ce qui était vrai , à cause d’une autre puissance en moi et de cet or qui y brillait faussement. Et j’ai été par là entretenu dans ma folie, étant arrivé au troisième mètre sans avoir rien trouvé encore ; et mon frère me disait : “ Alors ? ” et je disais “ Rien ! ” J’avais terriblement maigri , j’allais toujours. Et de nouveau , mon frère : “ Alors ? ” Et moi, de nouveau : “ Rien ! ” mais à présent je voyais qu’il qu’il me regardait avec méfiance. Et ça a été ainsi encore un bout de temps, puis voilà qu’une fois que j’étais en train de me reposer, assis à côté de mon trou, j’ai entendu rouler des pierres. C’était mon frère qui m’épiait, s’étant posté un peu plus haut dans la paroi… » Il se tut encore ; il disait : «  disait : «  Mon Dieu ! quand j’y pense, le cœur me fait mal de nouveau, comme ceux On était deux frères pourtant, qui ont été blessés à la guerre, et leur blessure se réveille quand il fait mauvais temps… » Il se taisait de nouveau ; il reprenait : « C’est qu’on avait toujours été liés ; deux vrais frères par l’amitié deux vrais frères par l’amitié et puis voilà… » Et , seulement l’or nous séparait… Vous vous rappelez qu’il était venu m’épier pendant que je travaillais dans la paroi ; je il recommençait  : « Je n’avais pas eu l’air de n’avais pas eu l’air de m’être doutéme douter de rien de rien . Le soir , je , je m’étais remis au travail redescends, comme d’ordinaire comme d’ordinaire  ; je travaille jusqu’au soir. Je redescends , au fenil. au fenil. Il y avait un Le panier panier était dans un coin dans un coin . Mon frère était déjà venu . Et, soulevant la miche, je trouve un. Et, soulevant la miche, je trouve un morceau de papier où il y avait quelque chose d’écrit papier où il y avait quelque chose d’écrit . . Moi, ce n’est pas le panier qui m’étonne, c’est le papier. On n’écrit pas chez nous, sauf pour tenir ses comptes. Jean me disaitJean me disait sur ce papier qu’il avait dû qu’il avait dû allerdescendre au village et au village et qu’il avait déposé le panier en passant. Ça voulait dire qu’il ne qu’il ne reviendrait pas remonterait pas avant le lendemain . Moi,. Moi, ce n’est pas le panier qui m’étonne, c’est le papier. On n’écrit pas chez nous, sauf pour tenir ses comptes. Si on peut encore quelque chose aux chiffres, les lettres ne sont pas notre affaire. Et longtemps après que je m’étais couché, je n’étais pas arrivé à m’endormir, réfléchissant à ce papier et le rapprochant dans ma tête de ce qui s’était passé pendant la journée. longtemps après que je m’étais couché, je n’étais pas arrivé à m’endormir, réfléchissant à ce papier et le rapprochant dans ma tête de ce qui s’était passé pendant la journée. Ainsi il peut bien se faire qu’il fût minuit ou minuit et demi. Il n’y avait pas de luneIl n’y avait pas de lune , cette nuit-là, mais extraordinairement d’étoiles, comme souvent à la fin de l’été, parce qu’il semble que le bon Dieu ne compte plus alors avec elles, voulant faire bonne mesure avant de nous les supprimer cette nuit-là, mais extraordinairement d’étoiles, comme souvent à la fin de l’été, parce qu’il semble que le bon Dieu ne compte plus alors avec elles, voulant faire bonne mesure avant de nous les supprimer tout à fait . Cette lumière entrait par toutes les fentes, comme, quand on balaie, une poussière qui entrerait. Cette lumière entrait par toutes les fentes, comme, quand on balaie, une poussière qui entrerait  ; J’ai. J’avais dû m’endormir pour finir dû m’endormir pour finir , je ; à ne sais plus . A un moment donné, il me semble qu’on pousse la porte. J’ai cru d’abord avoir rêvé, n’ayant ouvert l’œil qu’à demi un moment donné, il me semble qu’on pousse la porte. J’ai cru d’abord avoir rêvé, n’ayant ouvert l’œil qu’à demi  ; non, je ne rêvais pas. La . Mais la porte tourne un porte tourne un tout petit peu sur elle-même, puis un tout petit peu plus ; petit peu sur elle-même, puis un tout petit peu plus ; on entre ; je continuais je continuais deà ne pas bouger. On ne pas bouger. On s’estest entré alors alors avancé tout doucement. On a été à mes habits, on les a pris, on est sorti, on est rentré ; on a été à mon panier, on a été à mes souliers tout doucement. On a été à mes habits, on les a pris, on est sorti, on est rentré ; on a été à mon panier, on a été à mes souliers , on les a secoués , on les a retournés ; on a été voir dans les coins ; on a été passer la main sur une planchette qui était clouée dans le mur ; à la suite de quoi, , on les a retournés ; on a été voir dans les coins ; on a été passer la main sur une planchette qui était clouée dans le mur ; à la suite de quoi, c’est vers moi qu’on s’est tourné, parce qu’on devait se dire : “ Il faudrait aller voir sur lui ” on a regardé de mon côté , mais, mais décidément on n’osait pas. Et on a hésité encore, puis on a haussé les épaules, puis on est on n’osait pas. Et on a hésité encore, puis on a haussé les épaules, puis on est ressortisorti . On n’a pas fait plus de bruit qu’en entrant, parce qu’on était pieds nus. J’ai vu se rouvrir la porte ; la lumière des étoiles a fait un petit tas par terre. Mais. On n’a pas fait plus de bruit qu’en entrant, parce qu’on était pieds nus. J’ai vu se rouvrir la porte ; la lumière des étoiles a fait un petit tas par terre. Mais , dans le même moment, je m’étais mis debout. J’ai à mon tour amené la porte à moi dans le même moment, je m’étais mis debout. J’ai à mon tour amené la porte à moi . J’ai vu qu’on  ; était déjà loin , alors j’ai poussé ma voix  j’ai poussé ma voix dans la nuit  : – Jean ! Il ne s’était pas arrêté. Il faisait comme un qui n’entendrait pas. : – Jean ! Il ne s’était pas arrêté. Il faisait comme un qui n’entendrait pas. Mais moi j J ’ai poussé ma voix plus encore : – ’ai poussé ma voix plus encore : – EcouteÉcoute , Jean ; es-tu bien sûr que je dormais ? Cette fois, il avait fait demi-tour ; c’est le mauvais amour-propre qu’on avait, dans cette autre vie. Et voilà qu’il me dit : – Si tu ne dormais pas, c’est donc que tu faisais semblant. Je n’ai plus pu me tenir : – Jean, est-ce que tu n’as pas honte ? Je m’étais rapproché encore, si bien qu’on n’était plus qu’à quelques pas l’un de l’autre ; on était deux frères sous la lune, Jean ; es-tu bien sûr que je dormais ? Cette fois, il avait fait demi-tour ; c’est le mauvais amour-propre qu’on avait, dans cette autre vie. Et voilà qu’il me dit : – Si tu ne dormais pas, c’est donc que tu faisais semblant. Je n’ai plus pu me tenir : – Jean, est-ce que tu n’as pas honte ? Je m’étais rapproché encore, si bien qu’on n’était plus qu’à quelques pas l’un de l’autre ; on était deux frères sous la lune , ; il tendait la tête en avant comme le taureau qui va corner. Il m’a dit : – Répète-le ! – Je le répéterai, il tendait la tête en avant comme le taureau qui va corner. Il m’a dit : – Répète-le ! – Je le répéterai, j’ai dit, parce que c’est la vérité…parce que c’est la vérité… Et je recommence : – Tu n’as pas honte ? J’ai reçu le coup en pleine figure, j’ai failli tomber sur le dos. J’ai reçu le coup en pleine figure, j’ai failli tomber sur le dos. Je Alors je lui saute dessus. C’est lui qui tombe. Je lui saute dessus lui saute dessus. C’est lui qui tombe. Je lui saute dessus et, je l’empoigne des deux mains par le cou ; l’empoigne des deux mains par le cou ; et on était deux frères sous la lune. J’ai vu qu’il ouvrait la bouche, parce que l’air n’entrait plus. Il faisait un mouvement comme pour mâcher on était deux frères sous la lune. J’ai vu qu’il ouvrait la bouche, parce que l’air n’entrait plus. Il faisait un mouvement comme pour mâcher  et tâcher d’attraper quelque chose qui était trop loin ; alors j’ai eu peur… Vous : vous savez, comme quand la chèvre est attachée à son piquet  savez, comme quand la chèvre est attachée à son piquet ; et j’ai eu peur. Tout à coup, j’ai eu peur ; j’ai eu peur de moi. Et heureusement. Parce qu’il devenait tout sombre de figure… et elle tend le cou vers l’herbe. J’ai eu peur… Juste au bon tout dernier moment, et heureusement  Juste au bon tout dernier moment, et heureusement ; pour moi, m’étant levé, et puis qui me sauvais à présent droit devant moi, de toutes mes forces ; – mais depuis lors jamais plus, mon frère et moi, on ne s’est parlé. Et il est mort. Et où est-il ? Et comment m’étant levé, et puis qui me sauvais à présent droit devant moi, de toutes mes forces ; – mais depuis lors jamais plus, mon frère et moi, on ne s’est parlé. Et il est mort. Et où est-il ? Et comment , en ce temps-là, est-ce qu’on était fait, dites ?… » est-ce qu’on était fait, dites ?… » Et encore une fois : – Comment est-ce qu’on était fait ? Mais quelqu’un : – C’est le grand secret. 8 Maintenant la nuit était venue tout à fait. Pierre Chemin avait remis sa pipe dans sa poche ; Adèle Genoud avait été coucher son enfant ; les chauves-souris avaient été se Maintenant la nuit était venue tout à fait. Pierre Chemin avait remis sa pipe dans sa poche ; Adèle Genoud avait été coucher son enfant ; les chauves-souris avaient été se couchergoucher aussi, qui sont des bêtes vite fatiguées. Et ceux qui étaient encore là se souhaitèrent le bonsoir. On entendit les portes se fermer l’une après l’autre aussi, qui sont des bêtes vite fatiguées. Et ceux qui étaient encore là se souhaitèrent le bonsoir. On entendit les portes se fermer l’une après l’autre , mais on . On n’avait plus besoin de tourner la clé dans la serrure. n’avait plus besoin de tourner la clé dans la serrure. Plus une seule de ces lumières , comme autrefois . Dans le temps d’autrefois, toujours une fenêtre ou deux restaient éclairées toute la nuit. Est-ce qu’on se souvient ? Est-ce qu’on se souvient ? quandQuand on entrait dans les villages on entrait dans les villages , il y avait toujours toujours ces , autrefois, deux ou trois deux ou trois points de feufenêtres éclairées à des maisons qu’on ne distinguait pas à des maisons qu’on ne distinguait pas , et ils ; elles faisaient penser à des étoiles tombées. faisaient penser à des étoiles tombées. Mais à quoi ils faisaient penser également, c’est à ceux qui restaient ainsi à veiller. On se disait : « C’est pour un malade. » On regardait ces lampes, on se disait : « C’est quelqu’un qui On se disait : « C’est pour un malade. » On regardait ces lampes, on se disait : « C’est quelqu’un qui se meurt meurt  ; »» ; on se disait : « C’est un accident  on se disait : « C’est un accident  ; »» ; on se disait : « C’est la vache qui fait le veau. » Et on se disait : « C’est la vache qui fait le veau. » Et , quelquefois, les nuits d’orage, voilà qu’elles s’allumaient toutes à l’imitation des éclairs, et tout le monde s’habillait, parce qu’il n’y avait de sécurité quelquefois, les nuits d’orage, voilà qu’elles s’allumaient toutes à l’imitation des éclairs, et tout le monde s’habillait, parce qu’il n’y avait de sécurité en ce temps-là pour personne, et la vie de chacun de nous pouvait pour personne, et la vie de chacun de nous pouvait nouslui être reprise à chaque heure, comme être reprise à chaque heure, comme nosses biens. Le veilleur de nuit faisait sa tournée avec sa lanterne ; c’était une lumière de plus, et celle-ci se promenait. L’homme chargé de distribuer l’eau cheminait le long des rigoles, déplaçant les planchettes qui servent d’écluses ; encore une lumière qui allait et venait. Par les nuits les plus tranquilles, il fallait qu’on fût sur ses gardes. Par les plus belles nuits d’étoiles. biens. Le veilleur de nuit faisait sa tournée avec sa lanterne ; c’était une lumière de plus, et celle-ci se promenait. L’homme chargé de distribuer l’eau cheminait le long des rigoles, déplaçant les planchettes qui servent d’écluses ; encore une lumière qui allait et venait. Par les nuits les plus tranquilles, il fallait qu’on fût sur ses gardes. Par les plus belles nuits d’étoiles. Et sousSous les étoiles les étoiles et , sous point d’étoiles. En tout temps, en toute saison, parce qu’on ne savait jamais. sous point d’étoiles. En tout temps, en toute saison, parce qu’on ne savait jamais. AÀ cause de l’inquiétude continuelle où on vivait ; – d’où aussi ces retournements sans fin sur l’oreiller, ces malaises, ces mauvais rêves. Et toujours la peur quant à l’avenir, le regret quant au passé… cause de l’inquiétude continuelle où on vivait ; – d’où aussi ces retournements sans fin sur l’oreiller, ces malaises, ces mauvais rêves. Et toujours la peur quant à l’avenir, le regret quant au passé… Tandis qu’il n’y a plus ni passé, ni avenir ; – seulement autour de nous une grande immobilité de temps, comme si on regardait VIII toujours le même beau paysage. 9 Pitôme Pitôme , qui était couvreur de son métier était couvreur de son métier , dans l’ancienne vie, mais il changeait de métier quand l’hiver venait, changeait de métier quand l’hiver venait, parce que, pendant les six mois que l’hiver dure , il ne pouvait pas monter sur les toits. Pendant les six mois que l’hiver durait, du moins, – autrefois, dans l’autre vie. C’était– autrefois, dans l’autre vie. C’était à cause de cette trop grande épaisseur blanche, pareille aux plumiers qu’on met sur les lits, qu’il y avait  cette trop grande épaisseur blanche, pareille aux plumiers qu’on met sur les lits, qu’il y avait ; sur les toits, mais Pitôme laissait neiger, étant un sage ; et, ayant ainsi deux métiers, passait simplement au second, qui consistait à distiller les racines de gentiane, dont on fait une liqueur, laquelle mais Pitôme laissait neiger, étant un sage ; et, ayant ainsi deux métiers, passait simplement au second, qui consistait à distiller les racines de gentiane, dont on fait une liqueur, laquelle , non seulement est agréable de goût, mais non seulement est agréable de goût, mais guéritguérissait toutes les maladies. Il mettait de côté sa hache et ses tavillons de sapin sans nœuds (qui sont les tuiles de là-haut) toutes les maladies. Il mettait de côté sa hache et ses tavillons de sapin sans nœuds (qui sont les tuiles de là-haut)  bien liés en paquets ronds où chaque bûche garde sa forme ; et, prenant sa barbe dans sa main, allait voir où en était sa cuvée, c’est-à-dire les racines qu’on met fermenter dans l’eau tiède ; puis allumait son alambic. Et facilement, comme ça, il pouvait attendre que l’hiver fût passé et que le printemps revînt, qui fait tomber par gros paquets ce qui reste de neige sur la pente des toits qui regarde le nord, et lui et, prenant sa barbe dans sa main, allait voir où en était sa cuvée, c’est-à-dire les racines qu’on met fermenter dans l’eau tiède ; puis allumait son alambic. Et facilement, comme ça, il pouvait attendre que l’hiver fût passé et que le printemps revînt, qui fait tomber par gros paquets ce qui reste de neige sur la pente des toits qui regarde le nord, et lui repréparaitrepréparerait pour l’hiver pour l’hiver suivant une nouvelle provision de racines. Pitôme était un petit vieux tout rose, avec des yeux bleus et une fine barbe blanche ; son idée était que tout doit se purifier, étant sur la terre à l’état impur. une nouvelle provision de racines. Pitôme était un petit vieux tout rose, avec des yeux bleus et une fine barbe blanche ; son idée était que tout doit se purifier, étant sur la terre à l’état impur. Dans C’était, dans le temps de la terre le temps de la terre déjà , une idée qu’il avait ainsi, et elle lui était venue quand il était assis devant sa machine, , une idée qu’il avait ainsi, et elle lui était venue quand il était assis devant sa machine, et voyaitvoyant , de l’énorme quantité de liquide trouble mise dedans, seulement résulter goutte à goutte un litre ou deux. Purifier , de l’énorme quantité de liquide trouble mise dedans, seulement résulter goutte à goutte un litre ou deux. Purifier  ;: il voyait bien que l’écume ne passait pas, et l’amertume ne passait pas, ni cette peau plissée qui se forme à la surface du baquet ; rien ne passait que l’âme et que l’âme de l’âme ; alors le procédé consistait à séparer d’abord, par la fermentation, ce qui est bon de ce qui est mauvais, puis à ne garder que ce qui est bon. Ne laisser venir que le bon et même le meilleur il voyait bien que l’écume ne passait pas, et l’amertume ne passait pas, ni cette peau plissée qui se forme à la surface du baquet ; rien ne passait que l’âme et que l’âme de l’âme ; alors le procédé consistait à séparer d’abord, par la fermentation, ce qui est bon de ce qui est mauvais, puis à ne garder que ce qui est bon. Ne laisser venir que le bon et même le meilleur , par des choix successifs, comme faisait Pitôme ; par des choix successifs, comme faisait Pitôme ; et c’est ainsi que, la première passée faite, comme il disait, il en faisait une autre, redistillant ce qui avait été déjà distillé. Un – un petit vieux tranquille petit vieux tranquille et propret, qui vivait seul , vaquant lui-même à son ménage, recousant ses habits, tricotant ses bas, vaquant lui-même à son ménage, recousant ses habits, tricotant ses bas  ; et puis. Il allait chercher , dans la belle saison, sur ses ses toits toute la semaine racines  ; mais, le dimanche, il partait de bonne heure pour aller faire sa provision. C’est dans le dessus des montagnes, où sont dans le dessus des montagnes, où sont lesdes pâturages déroulés presque à plat  pâturages déroulés presque à plat ; et où les hautes tiges d’un vert jaune à grosses feuilles se voient de loin parmi l’herbe partout broutée à ras de terre ; seulement, ce qui l’intéressait, lui, les hautes tiges d’un vert jaune à grosses feuilles se voient de loin parmi l’herbe partout broutée à ras de terre ; seulement, ce qui l’intéressait, lui, n’était pas ce qui se voyait, l’intéressant était pour lui était ce qui est caché ce qui est caché , et il avait justement l’œil qu’il faut pour apprécier cette qualité de plus bas, cette qualité de dessous . Il savait distinguer d’avance les racines qui étaient bonnes de celles qui ne valaient rien, négligeant celles-ci, creusant autour des autres ; et, parce qu’il payait une somme au propriétaire, il avait le droit de creuser. Il redescendait . Il savait distinguer d’avance les racines qui étaient bonnes de celles qui ne valaient rien, négligeant celles-ci, creusant autour des autres ; et, parce qu’il payait une somme au propriétaire, il avait le droit de creuser. Il redescendait à la nuit avec son sac plein ; il fallait soigneusement la nuit avec son sac plein ; il fallait soigneusement râcler et nettoyer racler ces racines ; il fallait ensuite les débiter en petits morceaux, ces racines ; il fallait ensuite les débiter en petits morceaux, enfin les mettre macérer dans les mettre macérer dans de l’eau tiède ; et, durant bien des jours et encore des jours, on voyait Pitôme s’appliquer, ayant sur les genoux un tablier de femme, assis près des petits carreaux, où un silencieux flocon venait se poser de temps en temps. Or, la nouvelle vie avait rendu Pitôme à son ancien métier, mais voilà que son métier n’était plus tout à fait le même. « On avait raison dans le temps, disait-il l’eau tiède ; et, durant bien des jours et encore des jours, on voyait Pitôme s’appliquer, ayant sur les genoux un tablier de femme, assis près des petits carreaux, où un silencieux flocon venait se poser de temps en temps. Or, la nouvelle vie avait rendu Pitôme à son ancien métier, mais voilà que son métier n’était plus tout à fait le même. « On avait raison dans le temps, disait-il en parlant de lui , mais on n’avait qu’à moitié raison. On voyait seulement l’image, on ne voyait pas le sens qu’elle avait. » Il reprenait : – On purifiait les choses, mais on ne se purifiait pas soi-même. Et il continuait : – Mais, mais on n’avait qu’à moitié raison. On voyait seulement l’image, on ne voyait pas le sens qu’elle avait. » Il reprenait : – On purifiait les choses, mais on ne se purifiait pas soi-même. Et il continuait : – Mais , à présent, notre tour est venu. Nous aussi, on a été mis en morceaux ; nous aussi, on a fermenté ; nous aussi, notre matière a dû se défaire pour se refaire. Il n’y a plus que l’essence qui reste, d’où ce qui gâtait le goût a été ôté. Il se mettait à sourire, avec sa bonne figure rose à présent, notre tour est venu. Nous aussi, on a été mis en morceaux ; nous aussi, on a fermenté ; nous aussi, notre matière a dû se défaire pour se refaire. Il n’y a plus que l’essence qui reste, d’où ce qui gâtait le goût a été ôté. Il se mettait à sourire, avec sa bonne figure rose , et ; sa bouche était dans sa barbe comme dans de la laine d’agneau. Il avait un petit œil fin, il avait un petit œil fin d’une couleur comme celle du ciel après qu’il a beaucoup neigé, il avait toutes ses dents à soixante-dix ans d’âge. Et, comme beaucoup de gens étaient autour de lui à l’écouter, il disait encore : – sa bouche était dans sa barbe comme dans de la laine d’agneau. Il avait un petit œil fin, il avait un petit œil fin d’une couleur comme celle du ciel après qu’il a beaucoup neigé, il avait toutes ses dents à soixante-dix ans d’âge. Et, comme beaucoup de gens étaient autour de lui à l’écouter, il disait encore : – AÀ présent, je ne distille plus. Le grand Distillateur a fait le nécessaire. C’était d’ailleurs une manière de parler, son alambic fonctionnant toujours ; il voulait dire que la besogne se faisait toute seule. Tout ce qui était mis dans l’alambic passait. présent, je ne distille plus. Le grand Distillateur a fait le nécessaire. C’était d’ailleurs une manière de parler, son alambic fonctionnant toujours ; il voulait dire que la besogne se faisait toute seule. Tout ce qui était mis dans l’alambic passait. 10IX Et sur tout le pays le soleil était répandu. Et sur tout le pays le soleil était répandu. Beau C’est un beau et bon pays pays  que c’est, si varié ! On : on y trouve tout ce y trouve tout ce qu’on veut qui fait besoin pour vivre . Dans les bas, il y a la vigne ;. Dans les bas, il y a la vigne ; plus haut, il y a il y a , plus haut, les arbres fruitiers ; des forêts de pins viennent ensuite ; et les arbres fruitiers ; des forêts de pins viennent ensuite ; et , au-dessus de ces forêts, c’est-à-dire à l’étage où au-dessus de ces forêts, c’est-à-dire à l’étage où le village se tientse tient le village , il y a l’herbe, il y a le , il y a l’herbe, il y a le blé seigle, il y a le froment, il y a le blé noir . Toute cette grande vallée vous était offerte aux yeux du village et c’était la terre nouvelle, mais c’est l’ancienne en même temps. Toujours la même belle rivière blanche comme du lait coulait . Toute cette grande vallée vous était offerte aux yeux du village et c’était la terre nouvelle, mais c’est l’ancienne en même temps. Toujours la même belle rivière blanche comme du lait coulait au milieudans le fond  ; il y avait cette belle rivière blanche. ; il y avait cette belle rivière blanche. SuspenduSuspendu dans le vide au-dessous de vous, on voyait le bon-oiseau tracer de plus en plus étroitement ses cercles, au-dessous de vous, on voyait le bon-oiseau tracer de plus en plus étroitement ses cercles, et puis il se laissait tomber comme une pierre. Le bon-oiseau planait et était un point dans ce grand vide contenu entre des montagnes de trois mille mètres, comme dans une espèce d’auge, comme dans un immense bassin de fontaine, où à la place d’eau il y aurait eu de l’air ; et telle était bien, en effet, la forme de cette vallée, belle à voir sous le grand soleil, bleue dans l’éloignement, verte ou grise plus près de vous, verte d’herbe, grise de rochers, et puis, plus haut puis il se laissait tomber comme une pierre. Le bon-oiseau planait et était un point dans ce grand vide contenu entre des montagnes de trois mille mètres, comme dans une espèce d’auge, comme dans un immense bassin de fontaine, où à la place d’eau il y aurait eu de l’air ; et telle était bien, en effet, la forme de cette vallée, belle à voir sous le grand soleil, bleue dans l’éloignement, verte ou grise plus près de vous, verte d’herbe, grise de rochers, et puis, plus haut encore , sur le versant d’en face, , sur le versant d’en face, blancherose de neige. Augustin et Augustine de neige. Augustin et Augustine venaient ; ils se tenaient assis l’un à côté de l’autre ; la main d’Augustine était sur les genoux d’Augustin, la main d’Augustin était sur les genoux d’Augustine. Ils regardaient se tenaient assis l’un à côté de l’autre ; la main d’Augustine était sur les genoux d’Augustin, la main d’Augustin était sur les genoux d’Augustine. Ils regardaient eux aussi le bon-oiseau pendre à son fil. Un vol de pigeons partait le bon-oiseau pendre à son fil. Un vol de pigeons partait aussi pour faire la traversée pour faire la traversée ; seulementde la vallée ; on ne pouvait pas les suivre de l’œil jusqu’à l’autre bord ; ils fondaient peu à peu dans on ne pouvait pas les suivre de l’œil jusqu’à l’autre bord ; ils fondaient peu à peu dans la belle eau de l l ’air comme des morceaux de sucre’air comme des morceaux de sucre dans l’eau . On entendait les cris de toute espèce d’oiseaux . On entendait les cris de toute espèce d’oiseaux  ; partout, dans les buissonspartout, dans les buissons , nichaient le pinson et le merle ; la perdrix courait sous les haies. Et Bonvin, le chasseur, qui passait par là : – Autrefois, le plaisir était de détruire ; à présent le plaisir est de voir que rien ne peut nichaient le pinson et le merle ; la perdrix courait sous les haies. Et Bonvin, le chasseur, qui passait par là : – Autrefois, le plaisir était de détruire ; à présent le plaisir est de voir que rien ne peut plus être détruit. Augustin lui disait : – Qu’avez-vous fait de votre fusil ? – Je ne l’ai pas retrouvé… – Pourtant, reprenait-il, je me souviens qu’il était pendu à un clou au-dessus de mon lit ; eh bien, quand on est revenus être détruit. Augustin lui disait : – Qu’avez-vous fait de votre fusil ? – Je ne l’ai pas retrouvé… – Pourtant, reprenait-il, je me souviens qu’il était pendu à un clou au-dessus de mon lit ; eh bien, quand on est revenus à la vie (comme il disait), le clou était bien toujours dans le mur, mais le fusil n’y était plus… Une femelle lièvre, à ce moment, se montra, qui jouait avec son petit. – Et alors voilà une chose, continuait Bonvin, que, dans le temps, on n’aurait sûrement pas vue, parce qu’ou bien elles se cachaient ou bien on leur tirait dessus… La lièvre (comme il disait) traînait (comme il disait), le clou était bien toujours dans le mur, mais le fusil n’y était plus… Une femelle lièvre, à ce moment, se montra, qui jouait avec son petit. – Et alors voilà une chose, continuait Bonvin, que, dans le temps, on n’aurait sûrement pas vue, parce qu’ou bien elles se cachaient ou bien on leur tirait dessus… La lièvre (comme il disait) traînait alors dans l’herbe son train de derrière ; on se jetait sur elle comme un chien qui n’a pas mangé depuis trois jours. dans l’herbe son train de derrière ; on se jetait sur elle comme un chien qui n’a pas mangé depuis trois jours. Et elleElle avait beau se désoler, la pauvre ; on l’empoignait par les pattes, on vous la laissait pendre dans sa peau qui ne tenait plus, et, quand elle redressait la tête, avait beau se désoler, la pauvre ; on l’empoignait par les pattes, on vous la laissait pendre dans sa peau qui ne tenait plus, et, quand elle redressait la tête, craccra  !… Il faisait le geste avec le tranchant de la main. Un troupeau de brebis venait, accompagnées de leurs agneaux. Un petit garçon marchait derrière. Les agneaux avaient  !… Il faisait le geste avec le tranchant de la main. Un troupeau de brebis venait, accompagnées de leurs agneaux. Un petit garçon marchait derrière. Les agneaux avaient desde grosses jambes raides qui semblaient avoir été taillées dans du sapin avec un couteau qui grosses jambes raides qui semblaient avoir été taillées dans du sapin avec un couteau qui couperaitcoupe mal. Mais une jolie laine frisée était sur leur dos et si douce. mal. Mais une jolie laine frisée était sur leur dos et si douce. Ils bêlaient doucement. Et ce ne fut pas tout encore, ce jour-là, parce que, Et ce ne fut pas tout encore, ce jour-là, parce que, brusquementtout à coup (à l’endroit où la pente casse, faisant ainsi avancement et comme rebord sur (à l’endroit où la pente casse, faisant ainsi avancement et comme rebord sur le viderien du tout ) – de derrière ce rebord, la tête d’un mulet ) – de derrière ce rebord, la tête d’un mulet se montras’est montrée . D’abord rien que la tête et un instant rien que la tête, puis on vit sortir les jambes de devant. . D’abord rien que la tête et un instant rien que la tête, puis on vit sortir les jambes de devant. Et ensuiteEnsuite il y eut le dos, il y eut le dos, et ensuite il y eut la croupe : elle se balança un moment ensuite il y eut la croupe : elle se balança un moment sur le vide , puis fut, puis fut comme tirée en haut tirée en haut comme si on l’avait halée avec une corde. Et toute la bête ainsi devint visible, mais elle ne fut pas seule à l’être : avec une corde. Et toute la bête ainsi devint visible, mais elle ne fut pas seule à l’être : voilà qu’ en effeten effet , derrière elle, parut un chapeau, sous le chapeau une barbiche, sous la barbiche un habit brun et des guêtres de drap à boutons de cuivre parut un chapeau, sous le chapeau une barbiche, sous la barbiche un habit brun et des guêtres de drap à boutons de cuivre  ; et ce qu’on distinguait encore, c’était, en haut de la barbiche, une bonne figure contente avec deux petits yeux clairs . Augustine se mit à battre des mains : – Le marchand de foulards, Augustin !… Mathias. Augustine se mit à battre des mains : – Le marchand de foulards, Augustin !… Mathias , le marchand de foulards ! Lui aussi, qui est revenu ! le marchand de foulards ! Lui aussi, qui est revenu ! Et puis Alors elle devint rouge, devint rouge, elle devint toute rouge  devint toute rouge  ;: l’homme aux foulards (qui vend aussi du fil, des rubans, des petits miroirs, des épingles), l’homme aux choses pour se faire belles, l’homme aux foulards (qui vend aussi du fil, des rubans, des petits miroirs, des épingles), l’homme aux choses pour se faire belles, alors et voilà qu’on se souvient… voilà qu’on se souvient… Heureusement queMais déjà les filles arrivaient. Les filles ont vite fait de tout les filles arrivaient. Les filles ont vite fait de tout voir voir et de tout savoir (et c’est comme au temps d’autrefois). Les filles avaient eu vite fait de tout voir du village ; elles (et c’est comme au temps d’autrefois). Les filles avaient eu vite fait de tout voir du village ; elles arrivaient venaient à la rencontre de Mathias . La grosse Marie ne s’était même pas donné le temps d’ôter son tablier de cuisine et courait tant qu’elle pouvait, avec ses bonnes joues bien rondes et une poitrine . La grosse Marie ne s’était même pas donné le temps d’ôter son tablier de cuisine et courait tant qu’elle pouvait, avec ses bonnes joues bien rondes et une poitrine encore pluspas moins ronde ; ronde ; courait aussi la petite Lucie qui était noire, maigre, pâle, et autrefois toujours triste, mais qui ne l’est plus la petite Lucie qui était noire, maigre, pâle, et autrefois toujours triste, mais qui ne l’est plus  ; couraient , courait aussi ; venaient ensuite Angèle, Marguerite, Rose, une qui s’appelait Cécile, une qui s’appelait Rosine Angèle, Marguerite, Rose, une qui s’appelait Cécile, une qui s’appelait Rosine  ; et à présent elles se poussaientet à présent elles se poussaient toutes autour des paniers suspendus au bât, parce qu’on est curieuses, autour des paniers suspendus au bât, parce qu’on est curieuses, et parce qu’il ne vous suffit pas de voir, et qu’on veut tenir et qu’on veut toucher ; alors Mathias : « Attention ! Mesdemoiselles… » qu’il ne vous suffit pas de voir, et qu’on veut tenir et qu’on veut toucher ; alors Mathias : « Attention ! Mesdemoiselles… » mais Mais elles : – Combien ?… Une qui tenait un mouchoir rouge à dessins jaunes, une elles : – Combien ?… Une qui tenait un mouchoir rouge à dessins jaunes, une , une pièce de dentelles, une une pièce de dentelles, une , une chose, l’autre une chose, l’autre , autre chose : – Combien ? dit Mathias, ça dépend. Il reprit : – Ça dépend de ce que vous valez vous-mêmes, il faudrait d’abord que je vous regarde… D’ailleurs autre chose : – Combien ? dit Mathias, ça dépend. Il reprit : – Ça dépend de ce que vous valez vous-mêmes, il faudrait d’abord que je vous regarde… D’ailleurs , il me semble qu’on se connaît. – Bien sûr, qu’on se connaît ! il me semble qu’on se connaît. – Bien sûr, qu’on se connaît ! nous Nous sommes des vieilles pratiques… Vous ne vous souvenez pas ? dans le temps… Encore qu’on n’était pas riches… Mais Mathias : – Dans le temps on vendait pour de l’argent, maintenant ce n’est plus pour de l’argent… sommes des vieilles pratiques… Vous ne vous souvenez pas ? dans le temps… Encore qu’on n’était pas riches… Mais Mathias : – Dans le temps on vendait pour de l’argent, maintenant ce n’est plus pour de l’argent… AÀ présent présent , il ne vend plus pour de l’argent. Il ne vendait plus pour de l’argent ; il disait : « Ce mouchoir ? chantez-moi une chanson contre… » , il ne vend plus pour de l’argent. Il ne vendait plus pour de l’argent ; il disait : « Ce mouchoir ? chantez-moi une chanson contre… » Et c’estC’est ce qu’il a dit à la grosse Marie  ce qu’il a dit à la grosse Marie  ; il a dit  : – Chante-moi une chanson de l’autre vie, Marie, et tu auras ton mouchoir. Marie pencha la tête de côté, parce qu’elle était un peu honteuse ; puis l’envie : – Chante-moi une chanson de l’autre vie, Marie, et tu auras ton mouchoir. Marie pencha la tête de côté, parce qu’elle était un peu honteuse ; puis l’envie fut d’avoir le mouchoir fut quand même la plus forte : – Laquelle ? – Celle que tu voudras. – Faut-il chanter celle du Cœur consolé ? Et les autres filles : la plus forte : – Laquelle ? – Celle que tu voudras. – Faut-il chanter celle du Cœur consolé ? Et les autres filles : – Oh ! oui, celle du Cœur consolé ; c’est la plus belle.Oh ! oui, celle du Cœur consolé ; c’est la plus belle. Et la grosse Marie chanta ; Et la grosse Marie chanta ; après quoi, ellela grosse Marie eut son mouchoir eut son mouchoir qu’elle se noua autour de la tête . Lucie, elle, eut un miroir ; elle n’avait pas eu besoin de chanter pour l’avoir ; Mathias lui avait dit : – . Lucie, elle, eut un miroir ; elle n’avait pas eu besoin de chanter pour l’avoir ; Mathias lui avait dit : – IIIl faut seulement que tu sois contente faut seulement que tu sois contente . Elle le prêta à Marie ; Marie s’y regarda et s’y trouva jolie. Les rubans rouges à leur tour furent mis dans un papier . Beaucoup de petits paquets étaient faits sans qu’il y eût besoin d’ouvrir son porte-monnaie,. Beaucoup de petits paquets étaient faits sans qu’il y eût besoin d’ouvrir son porte-monnaie, – on ouvrait seulement son cœur. Et c’est à ce moment qu’Augustin et Augustine arrivèrent ; tout de suite, Augustine s’était mise on ouvrait seulement son cœur. Et c’est à ce moment qu’Augustin et Augustine arrivèrent ; tout de suite, Augustine s’était mise aussi à fouiller dans les paniers ; elle y trouva une petite boîte à fouiller dans les paniers ; elle y trouva une petite boîte  ;: ce qu’il y avait dans la boîte, c’était un collier de corail à fermoir d’argent. Et vite elle referma la boîte, parce qu’il devait être bien trop cher, mais Augustin avait tout vu ; il se tourna vers Mathias. Mathias se mit à rire. ce qu’il y avait dans la boîte, c’était un collier de corail à fermoir d’argent. Et vite elle referma la boîte, parce qu’il devait être bien trop cher, mais Augustin avait tout vu ; il se tourna vers Mathias. Mathias se mit à rire. – Vous voulez savoir mon prix… Ah ! c’est vrai, vous n’étiez pas là… Eh bien, Vous voulez savoir mon prix… Ah ! c’est vrai, vous n’étiez pas là… Eh bien, mon prix… Voyons… Pour vous… J’ai trouvé : dit-il, pour vous, ce sera de vous aimer encore plus que vous ne faites… Et ce sera de vous aimer encore plus que vous ne faites… Et , comme Augustin disait : – Je ne sais pas si je pourrai. – Vous essayerez. Il laissa comme Augustin disait : – Je ne sais pas si je pourrai. – Vous essayerez. Il laissa prendrependre le collier qu’il tenait au bout des doigts : – Promettez-vous ?… Une fois… deux fois… trois fois… Après quoi : – Adjugé ! Quelle douceur c’était, et quelle tranquillité quand même ! L’eau de la rigole avait une petite voix comme quand l’écolier récite sa leçon. L’ombre du sorbier sur le chemin était le collier qu’il tenait au bout des doigts : – Promettez-vous ?… Une fois… deux fois… trois fois… Après quoi : – Adjugé ! Quelle douceur c’était, et quelle tranquillité quand même ! L’eau de la rigole avait une petite voix comme quand l’écolier récite sa leçon. L’ombre du sorbier sur le chemin était toute percée de trouspercée de trous ronds comme une passoire. On avait mis à Augustine le collier, la grosse Marie avait son mouchoir autour de la tête, Lucie son miroir à la main, Angèle ses rubans pliés dans du papier ; et l’air bleu, plein de papillons, tremblotait autour des épines blanches. L’église sonna onze coups, c’était l’heure où les hommes rentrent des champs ; on les aperçut, sur les pentes, dans leurs chemises bleues ou roses comme une passoire. On avait mis à Augustine le collier, la grosse Marie avait son mouchoir autour de la tête, Lucie son miroir à la main, Angèle ses rubans pliés dans du papier ; et l’air bleu, plein de papillons, tremblotait autour des épines blanches. L’église sonna onze coups, c’était l’heure où les hommes rentrent des champs ; on les aperçut, sur les pentes, dans leurs chemises bleues ou roses , qui s’en venaient de tout côté. Comme autrefois, quand onze heures sonnaient ; qui s’en venaient de tout côté. Comme autrefois, quand onze heures sonnaient ; – mais, au lieu qu’ mais, au lieu qu’ en ce temps-là, ils venaient lentement, pesamment, ils venaient lentement, pesamment, difficilement, ils venaient en ce temps-là, et comme malgré eux, à cause de leur grande fatigue, comme malgré eux, à cause de leur grande fatigue, c’était dans le plaisir, à présent, et rien que déjà le plaisir d’aller. Lus comme étant dans ce plaisir de loin, connus comme tels à grande distance ; et puis qui– maintenant le plaisir les faisait s’avancer sans peine, maintenant le plaisir les portait en avant. On a cette légèreté du corps, on a cette légèreté du cœur, ils venaient, venaient, qui ils étaient légers   ; et ils vinrent encore, vinrent encore, et puis ils puis se mirent à rire, parce qu’à présent ils riaient d’avance. On a cette légèreté du dedans qui permet de se réjouir ; ils se mirent à rire, parce qu’à présent ils riaient d’avance. On a cette légèreté du dedans qui permet de se réjouir ; ils se réjouissaient de tout. Ils crièrent : – Eh criaient : – Hé ! Mathias, n’as-tu rien pour nous Mathias, n’as-tu rien pour nous  ? ou si ton commerce est peut-être seulement à l’intention des femmes, malin que tu es ! mais dis-toi bien que c’est nous qu’on paie… ou si ton commerce est peut-être seulement à l’intention des femmes, malin que tu es ! mais dis-toi bien que c’est nous qu’on paie… AÀ ce moment, ils virent qu’ils n’auraient plus rien à payer. Mathias, ayant pris son mulet par le mors, avait été à leur rencontre ; il leur montra sa bourse vide. Ils levaient le bras : « Tant mieux pour nous, mais, vous, vous allez faire ce moment, ils virent qu’ils n’auraient plus rien à payer. Mathias, ayant pris son mulet par le mors, avait été à leur rencontre ; il leur montra sa bourse vide. Ils levaient le bras : « Tant mieux pour nous, mais, vous, vous allez faire faillite… !faillite !…  » Et des rires, de nouveau, partout. Pendant que, sur un toit, il y avait Pitôme, parce qu’il avait repris, ce jour-là, son métier de couvreur ; et, debout sur son toit, il caressait sa barbe blanche : –  » Et des rires, de nouveau, partout. Pendant que, sur un toit, il y avait Pitôme, parce qu’il avait repris, ce jour-là, son métier de couvreur ; et, debout sur son toit, il caressait sa barbe blanche : – EhHé  ! là-bas, vous autres, moi non plus je ne demande pas d’argent, mais, lui, vous le payez du moins en sourires, est-ce qu’il n’y en aura pas un pour moi ?… C’est aux filles qu’il s’adressait, qui étaient venues avec Mathias, et, du haut de son toit, Pitôme leur parlait : – Je vous refais vos toits pour qu’il ne pleuve pas chez vous, est-ce que vous seriez des ingrates ? Elles se tournèrent vers lui ;  ! là-bas, vous autres, moi non plus je ne demande pas d’argent, mais, lui, vous le payez du moins en sourires, est-ce qu’il n’y en aura pas un pour moi ?… C’est aux filles qu’il s’adressait, qui étaient venues avec Mathias, et, du haut de son toit, Pitôme leur parlait : – Je vous refais vos toits pour qu’il ne pleuve pas chez vous, est-ce que vous seriez des ingrates ? Elles se tournèrent vers lui ; alors il dut se passer quelque chose, parce queet les choses ont dû s’arranger, car Pitôme à présent disait : – Ça va bien. Pitôme à présent disait : – Ça va bien. 11 Cependant X un homme était encore amené ; on lui fit prendre le chemin qui, autrefois, conduisait au cimetière ; on lui disait  : – C’est là qu’on t’ a mis, mais tu en es sorti, toi aussi, écartant les mottes avec ta tête comme la plante qui sort de terre. Et puis on lui avait dit : – Ça va-t-il ? Il avait dit : – Ça va. Mais tenez-moi bien ; j’ai tant à faire ! C’était un nommé Bé , qui était né aveugle et était mort aveugle ; jamais il n’avait vu, dans l’autre vie, ses paupières s’étant trouvées collées ensemble lors de sa naissance et cousues ensemble, comme aux petits des animaux les premiers jours, mais l’étant restées ; alors il fallait tout lui apprendre à la fois. Ils étaient deux à le soutenir chacun sous un bras. Il restait immobile comme quelqu’un qui a de l’asthme. François Besson et Henri Delacuisine le tenaient chacun sous un bras. C’était sur le chemin à l’endroit qu’il sort du village ; il y avait là un pont, ils étaient arrivés au pont. Ils étaient les deux avec lui, Henri Delacuisine et François Besson . Et Delacuisine : « Ça va-t-il, Bé ? » Et de nouveau : « Ça va-t-il ?… Bon ! » Et lui : « Tenez-moi seulement bien, c’est ça ! » Et il avait fermé les yeux ; ils allèrent encore un bout. Tout à coup, il rouvrit les yeux  ; il disait : « Et cette tache blanche ? » – C’est chez Produit  ; c’est le mur de l’écurie à Produit… Mais Mais il se mit alors il y a eu Thérèse Min. Une figure jaune à tendre la main vers la chose , comme pour la prendre  ; les autres furent obligés d’intervenir : – Tu ne peux pas, voyons ! elle est trop loin. Et Bé, n’ayant pas encore retiré sa main, tout à coup, de nouveau : – Et ce noir ? C’était, cette fois, sa main, comme les autres durent encore lui dire : – C’est ta main ; ôte-la !… Tu vois. Et Bé : « C’est vrai. » Et puis il a refait pour un petit moment sa nuit, comme quand on rentre dans sa maison . Ils se remirent à marcher. Ce fut peu à peu. Il soulevait légèrement et avec précaution sa paupière . Il ne faut pas laisser venir trop à la fois, il ne faut pas laisser entrer trop fort . Il ne laissait entrer que juste. Il faut goûter, puis regoûter, il faut s’en tenir d’abord au goût seulement. Il se laissait mener ; ils avaient pris le contour, ils avaient tourné. Et il avait connu ainsi enfin le blanc, le laiteux, puis le rose, puis quand c’est comme du comme du vin vieux, – selon qu’il soulevait plus ou moins, ouvrait plus ou moins ; et il n’avait d’abord ouvert qu’à peine ; après quoi seulement, il ouvrit, il ouvrit encore, il ouvrit tout à fait. Et il beurre d’herbe, une toute petite a dit : – Je crois que ça y est. Alors il s’est arrêté de lui-même. – Besson, je vois. Delacuisine, je vois. Je te vois, Besson… Il se tourne vers Besson. – Tu es là, je te vois, Delacuisine. Il se tourne vers Delacuisine. Alors il se tourna vers en avant et en effet, peu à peu ses paupières se levaient de dessus le globe encore pâle comme les plantes qui ont poussé à l’ombre et les germes des pommes de terre qu’on a tenues longtemps enfermées dans la cave ; – battant encore des paupières, comme le papillon bat de l’aile quand il va s’envoler ; – puis : – Ça y est ! ça y est ! Mais de nouveau : – Et ça ? qu’il disait. – Ça, c’est l’air. – Et ça ? qu’il disait. – Ça, c’est le rocher. Il a réfléchi. Il a hoché la tête tête , il a dit : – Oui. Il a dit : – Non. Et puis ronde  : – Que si ! que si ! Mon Dieu ! tout ça !… Et est-ce qu’il est possible que tout ça soit à moi ? Se mettant à tendre les bras, les deux bras et à les ouvrir comme quand on voit venir quelqu’un ; – et alors, en effet, ça se mit à venir, ça venait ; et il prenait ça, et il serrait vite contre lui ça, un paquet d’air ici avec une couleur, un paquet de distance, un autre paquet de distance  ; un  ; un mur, encore un mur, une maison en bois brun, une qui est rose ; puis, plus à gauche cri toujours le et plus en arrière, les prés, les champs, les bois, ces carrés verts, ces gris, ces jaunes, du brillant, du pas brillant ; – prenant ça pèle -mêle avec encore du ciel , de l’air, prenant tout ça entre ses bras , puis l’entrant  ; – alors un petit peu de fatigue de nouveau, il ferme les yeux, il se repose. Puis les bras tendus de nouveau , et, une fois tout ça en lui, peu à peu le classant, le débrouillant. Et pendant ce temps un grand silence. Après quoi : – J’y suis. Comme ça, à plusieurs reprises : « J’y suis ! » puis il a laissé retomber ses bras ; il était devenu sérieux : – Parce que, se mit-il à dire, c’est qu’on est presque trop riches ; jamais je n’aurais cru qu’il pouvait y avoir tant de couleurs que ça. – Ah ! dit Delacuisine, c’est qu’en effet il y en a !… Et il se mit à les nommer à Bé, et il les lui apprenait , comme quand on apprend l’a b c aux enfants  : – Bleu, blanc, gris, jaune, vert, violet… Les petites fleurs des murs jaunes et violettes . Tandis qu’ils allaient et s’étaient remis à aller : les petites fleurs des murs bleu de ciel et tachées de blanc ; les différentes espèces de fleurs , de même même qu’il y a des a différents selon l’accentet deux ou trois gestes toujours  ; le brun du drap du pantalon, qui n’est pas dans la nature. Le gris de ma manche, le blanc de ma chemise blanche. – Et puis ça, dit encore Delacuisine, ça c’est du bois de barrière ; tu as connu ça avec les mains autrefois, eh bien, voilà , ce que ça donne… Ça , c’est la plus dure de toutes les espèces de pierres , c’est du granit, on en fait des bancs… Et ça, c’est encore plus drôle ! ça, c’est un tableau, comprends-tu ? ça n’existe pas réellement ; c’est de la peinture, c’est peint… – C’est vrai que c’est drôle ! dit Bé. Ça représente deux mains. Regarde les tiennes, ça y ressemble, à part les manchettes de dentelles, parce que toi tu n’en as point… Et Bé se mit à regarder ses mains et il trouva peu à peu la ressemblance, à part, en effet, les manchettes de dentelles : c’était l’enseigne d’un petit café, appelé Café des Amis. Il y avait, sous le nom, ces deux mains se serrant l’une l’autre étroitement dans leur longueur ; alors il y avait eu de nouveau une petite difficulté pour Bé, à cause qu’elles n’étaient pas réelles mais figurées… Il regardait encore l’enseigne, une fois qu’ils furent assis. Ils burent un demi ensemble. Et ils trinquèrent, et Be disait : « Je suis guéri ! » Mais on entendit une voix  : – Moi aussi, je suis guéri. C’était Chermignon ; on lui avait, dans l’autre vie, coupé la jambe. Il venait ; il vous faisait voir qu’il avait de nouveau ses deux jambes. Il les faisait bouger, l’une après l’autre, dans le pantalon de grosse milaine brune jauni au genoux, ayant les pieds dans des souliers ferrés à œillets de laiton : – Et puis encore qu’elle n’est pas fausse, et il riait ; – quand même ils étaient arrivés à la perfection dans ce genre de jambes fausses, souvenez-vous, après leur grande guerre, et ils m’en avaient mis une de cette espèce ; mais à présent, c’est de la viande, de la bonne viande, de la vraie… – Si vous voulez voir ? disait-il encore ; et il troussait son pantalon , montrant une peau presque bleue en comparaison de celle de ses mains. Et les gens se tâtaient alors, disant : « Nous aussi, nous aussi ! Tous guéris, tous en bonne santé ! Fini le temps des yeux bordés de rouge, qu’on essuyait du revers de sa manche ; fini le temps des grandes toux et des tumeurs ; fini ces jours, ces nuits et ces années de lit, les difficultés à marcher et à bouger, ces bras raides, ces pieds pesants. Fini le temps des maladies, de toutes espèces de maladies ! fini ces temps ! Bé voyait ; Chermignon avait ses deux jambes et criait à Bé : « Je marche sur mes deux jambes », tandis que Bé lui répondait : « Je vois avec mes deux yeux » ; celle qui souffrait tellement de l’estomac qu’elle ne pouvait plus rien manger, est assise devant un plat de choux au lard. Toute nourriture passe désormais et semble bonne, ô saveur des fruits, et c’est aussi le laitage ; c’est, dans le pot de terre brune avec un bouquet peint dessus, les fraises des bois qu’on vient de cueillir. On met sur la table la nappe à carreaux, on met pour faire beau la nappe du dimanche ; on s’installait pour le repas dans les les cuisines ; et le repas était un gai repas, avec un bout de danse, des fois pour le dessert, tandis que tremblotaient ces petites musiques d’orguettes jusqu’à des dix heures, jusqu’à des minuit. Et ça allait ainsi. 12 Rien qu’une qui ne mêmes, dedans. Elle seule, semblait semblait ne s’être aperçue de rien s’être aperçue de rien , étant morte sans le savoir. Etant morte sans le savoir, étant ressuscitée sans le savoir. Etant morte, puis ressuscitée, mais s’étant retrouvée  : c’était toujours la même la même et toute pareille à celle qu’elle était. Thérèse Min, comme on l’appelait ; – et c’est encore Thérèse Min Thérèse Min . Une figure jaune comme du beurre d’herbe, une tête toute vide avec seulement dedans les images des choses les plus ordinaires. Thérèse Min, toujours  ; – la même guenille de robe, les mêmes  ; – la même guenille de robe, les mêmes gros souliers gris sans forme souliers gris sans forme ressemblantfaisant penser à deux à deux gros cailloux, le même chapeau de paille dont on aurait dit que les bords avaient été rongés par les souris. Et c’est bien le même métier aussi ; cailloux, le même chapeau de paille dont on aurait dit que les bords avaient été rongés par les souris. Et c’est bien le même métier aussi ; on était gardeuse de chèvres dans l’autre vie, on est gardeuse de chèvres on est gardeuse de chèvres , alors on a perdu jusqu’à l’habitude de parler dans celle-ci . Le langage qu’on parle aux chèvres n’est pas celui dont se servent les hommes. Le langage qu’on leur parle est . Le langage qu’on parle aux chèvres n’est pas celui dont se servent les hommes. Le langage qu’on leur parle est un caillouune pierre qu’on qu’on leur jette, quand elles s’écartent trop jette, quand elles s’écartent trop , un peu au-delà d’où elles sont, pour les ramener de vous  ; un certain cri aussi qu’on pousse, en même temps qu’on leur présente sa main vide comme s’il y avait du sel dedans. Elle s’en allait tout près des rochers, là où l’herbe n’est plus d’assez bonne qualité, ni assez fournie pour les vaches. Elle s’asseyait par terre, elle tricotait son bas. Quand elle avait faim, elle ouvrait un petit sac de cuir qu’elle portait pendu autour  ; un certain cri aussi qu’on pousse, en même temps qu’on leur présente sa main vide comme s’il y avait du sel dedans. Elle s’en allait tout près des rochers, là où l’herbe n’est plus d’assez bonne qualité, ni assez fournie pour les vaches. Elle s’asseyait par terre, elle tricotait son bas. Quand elle avait faim, elle ouvrait un petit sac de cuir qu’elle portait pendu autour de son coudu cou à une courroie ; quand la soif lui venait, à une courroie ; quand la soif lui venait, il y avait l’eau du elle allait boire au ruisseau. Bien toujours la même Thérèse, bien toujours le même métier ; – et bien toujours aussi ces bêtes un peu folles. Elles vont et se déplacent comme des morceaux de neige, on pense : « Il y a des petites avalanches  ruisseau. Bien toujours la même Thérèse, bien toujours le même métier ; – et bien toujours aussi ces bêtes un peu folles. Elles vont et se déplacent comme des morceaux de neige, on pense : « Il y a des petites avalanches  ; »» ; c’est comme quand des paquets de neige dégringolent ; on se dit  c’est comme quand des paquets de neige dégringolent ; on se dit aussi  : « Pourquoi est-ce que ce tronc de sapin s’est mis à bouger ? » C’est pointu, anguleux, ça ressemble à une toile de tente mal tendue sur ses piquets ; c’est brun comme de l’écorce, gris comme la roche, brun: « Pourquoi est-ce que ce tronc de sapin s’est mis à bouger ? » C’est pointu, anguleux, ça ressemble à une toile de tente mal tendue sur ses piquets ; c’est brun comme de l’écorce, gris comme la roche, brun - noir comme la terre noir comme la terre dans les des forêts de sapins ; c’est blanc, ça n’est pas blanc ; ça reste un long moment sans bouger ; tout à coup… Et forêts de sapins ; c’est blanc, ça n’est pas blanc ; ça reste un long moment sans bouger ; tout à coup… Et  alors  : « Té… té… » (Un petit bruit aussi d’oiseau qui pique un ver ; le bruit se tait.) « Té… té… » (Un autre petit bruit, c’est l’oiseau qui s’envole.) « Té… » : « Té… té… » (Un petit bruit aussi d’oiseau qui pique un ver ; le bruit se tait.) « Té… té… » (Un autre petit bruit, c’est l’oiseau qui s’envole.) « Té… » II 1 Et puis il arrivaXI C’est vers ce temps qu’ils qu’ils s’habituèrent à avaient commencé à ne plus bien connaître leur bonheur leur bonheur . . Ils ne savaient pas ce qui arrivait : il leur a semblé que leur bonheur s’en allait d’eux, parce qu’il était toujours le même . Ils avaient pu, un temps encore, comparer leur nouvelle vie à l’ancienne, et puis, voilà, leurs souvenirs s’étaient usés. Ils étaient venus avec leurs histoires, ils se les étaient racontéesIls étaient venus avec leurs histoires, ils se les étaient racontées  ;, ils ils lesen avaient avaient laissé tomberpris l’habitude  : elles étaient peu à peu tombées d’eux comme comme le fruit tombe de l’arbre l’arbre ses fruits , et puis l’arbre n’a plus de fruits., et puis l’arbre n’a plus de fruits. Les souvenirs de leur ancienne vie les avaient quittés peu à peu ; il n’y eut plus pour eux que cette vie nouvelle. 2 – Qu’est-ce que tu as ? – Qu’est-ce que tu as ? disait Augustin. – Je n’ai rien. Ils faisaient le chemin fait déjà tant de fois par eux ; « rien du tout », disait – Je n’ai rien. Ils faisaient le chemin fait déjà tant de fois par eux ; « rien du tout », disait -elle Augustine . De nouveau, l’écureuil est dans son arbre ; il montait, il redescendait : – Es-tu bien ? – Je suis bien. L’écureuil à présent s’était engagé sur une branche allant à plat dans la direction de l’arbre . De nouveau, l’écureuil est dans son arbre ; il montait, il redescendait : – Es-tu bien ? – Je suis bien. L’écureuil à présent s’était engagé sur une branche allant à plat dans la direction de l’arbre d’à côtévoisin  ; la branche se balança un instant sous le poids de l’écureuil, elle se balance à vide. – Tu es toujours contente ? – Je suis toujours contente. ; la branche se balança un instant sous le poids de l’écureuil, elle se balance à vide. – Tu es toujours contente ? – Je suis toujours contente. Elle portait le collier de corail que Mathias leur avait vendu contre s’aimer encore plus qu’ils ne faisaient ; Augustin regardait le collier, il se disait : « Est-ce qu’on l’a payé son prix ? » Il ne savait plus. Il n’y avait plus moyen de savoir. Il n’y avait plus de comparaison possible. Il n’y avait plus de mesure à rien. Il ne savait plus. Il n’y avait plus moyen de savoir. Il n’y avait plus de comparaison possible. Il n’y avait plus de mesure à rien. Alors il se mettait de nouveau à regarder couler l’eau dans la rigole ; mais, même cette eau, on ne savait pas, à cause de sa pureté. Une eau comme point d’eau du tout, à cause de sa transparence, et on aurait cru la rigole vide, sans une petite oscillation qui se laissait voir dans sa profondeur. Une eau comme point d’eau du tout, et elle semblait immobile : il fallait qu’il cueillît une fleur et la posât sur le courant : alors on était étonné de voir combien elle s’en allait vite. Il cueillait une fleur jaune d’arnica Il cueillait une fleur jaune d’arnica  ; , il la mettait sur l’eau du bisse, la fleur tournait sur elle-même la fleur tournait sur elle-même tout en , s’en s’en allant.allait. – Augustine, petite Augustine, la fleur s’en va… Augustine : – La fleur s’en va. – Mais sais-tu où elle – Augustine, petite Augustine, la fleur s’en va… Augustine : – La fleur s’en va. – Mais sais-tu où elle s’en va ? – va ? – D’abord, elle Elle traversera le bois ; traversera le bois ; ensuite, elle arrivera dans le pré ; elle passera au pied du talus où il y a des saules elle arrivera dans le pré ; elle passera au pied du talus où il y a des saules et un gros qui est qui sont comme comme un homme avec une tête et desdes hommes à grosses têtes, les bras bras en l’air  ; elle passera sous la route ; elle descendra, elle descendra… Il lui demanda : – Et après ? Elle répondit :  ; elle passera sous la route ; elle descendra, elle descendra… Il lui demanda : – Et après ? Elle répondit : – Après, c’est des pays que je ne connais pas. – Moi, je les connais… Mais il vit tout à coup qu’il ne les connaissait plus. Là où il croyait les trouver, il y avait dans sa tête une place – Après, c’est des pays que je ne connais pas. – Moi, je les connais… Mais il vit tout à coup qu’il ne les connaissait plus. Là où il croyait les trouver, il y avait dans sa tête une place inoccupée vide . Rien n’allait plus jamais changer. Le cœur ne ferait plus de voyages. Le cœur trouve tout où il est. On fait ce qu’on a déjà fait. Il poserait de nouveau une fleur sur le courant. Rien n’allait plus jamais changer. Le cœur ne ferait plus de voyages. Le cœur trouve tout où il est. On fait ce qu’on a déjà fait. Il poserait de nouveau une fleur sur le courant , s’il voulait . Il regarderait l’écureuil grimper à son tronc, en redescendre. Par les petites lucarnes percées dans le couvert des branches, une même couleur de ciel continuerait à se montrer. . Il regarderait l’écureuil grimper à son tronc, en redescendre. Par les petites lucarnes percées dans le couvert des branches, une même couleur de ciel continuerait à se montrer. Et s’il avait pu aller jusqu’ au fond de lui , là où sont les pensées qu’on ne se connaît pas soi-même, et ce qui n’a pas pris forme encore y séjourne, comme la graine pas levée sous la terre, peut-être est-ce qu’il aurait alors regretté le temps où il allait pour rien, la nuit, sous une certaine fenêtre, et il appelait. Et, elle aussi, peut-être bien, ce temps, si elle avait su seulement mieux lire en elle. 3 Pitôme Pitôme était est toujours assis devant son alambic sur un tabouret de cuisine ; il assis devant son alambic sur un tabouret de cuisine ; il caressaitcaresse sa fine barbe blanche ; il disait : – Il n’y a plus d’impureté. « Autrefois, disait-il, quand sa fine barbe blanche ; il disait : – Il n’y a plus d’impureté. « Autrefois, disait-il, quand on mettaitje mettais tremper tremper sesmes racines racines , c’était effrayant de voir l’épaisseur d’écume qui se formait sur le baquet ; il fallait la lever trois, quatre fois de suite. , c’était effrayant de voir l’épaisseur d’écume qui se formait sur le baquet ; il fallait la lever trois, quatre fois de suite. AÀ présent, les racines fermentent bien toujours, mais l’eau reste aussi claire que si on venait d’aller la chercher à la fontaine. » De l’alambic, tombait goutte à goutte dans un pot de terre la liqueur chaude encore, faisant un tout petit bruit comme celui d’une pendule qui bat. Quand le pot était plein, Pitôme allait le vider dans une bouteille. Il y avait aussi des dames-jeannes, qui sont des grosses bonbonnes prises jusque plus haut que le ventre dans une espèce de tricot d’osier ; autrefois présent, les racines fermentent bien toujours, mais l’eau reste aussi claire que si on venait d’aller la chercher à la fontaine. » De l’alambic, tombait goutte à goutte dans un pot de terre la liqueur chaude encore, faisant un tout petit bruit comme celui d’une pendule qui bat. Quand le pot était plein, Pitôme allait le vider dans une bouteille. Il y avait aussi des dames-jeannes, qui sont des grosses bonbonnes prises jusque plus haut que le ventre dans une espèce de tricot d’osier ; autrefois , il y attachait des étiquettes, avec l’année écrite dessus ; quand il vous donnait à goûter de sa liqueur, il était comme un vigneron qui parle de son vin ; il vous disait : « Ça c’est de la 1928, ça c’est de la 1931…  il y attachait des étiquettes, avec l’année écrite dessus ; quand il vous donnait à goûter de sa liqueur, il était comme un vigneron qui parle de son vin ; il vous disait : « Ça c’est de la 1928, ça c’est de la 1931…  ; »» ; maintenant toutes ses cuvées se ressemblaient, il y avait trop de parenté de l’une à l’autre : « C’est toujours du tout bon, disait Pitôme, toujours de l’extra, toujours le fin du fin, le sommet du meilleur… » On buvait dans un gros verre épais dont on ne remplissait que le fond ; et maintenant toutes ses cuvées se ressemblaient, il y avait trop de parenté de l’une à l’autre : « C’est toujours du tout bon, disait Pitôme, toujours de l’extra, toujours le fin du fin, le sommet du meilleur… » On buvait dans un gros verre épais dont on ne remplissait que le fond ; et , en effet, il n’était pas possible en effet, il n’était pas possible de seulement d’ imaginer une perfection de goût plus grande ; alors on se mettait à hocher la tête comme quand on approuve ; mais peut-être vous manquait-il le plaisir de la surprise, peut-être cette perfection même était-elle trop attendue pour qu’on pût en jouir comme on aurait voulu. imaginer une perfection de goût plus grande ; alors on se mettait à hocher la tête comme quand on approuve ; mais peut-être vous manquait-il le plaisir de la surprise, peut-être cette perfection même était-elle trop attendue pour qu’on pût en jouir comme on aurait voulu. Et l’effet de l’esprit sur vous ne se faisait plus sentir, non plus, comme – Car, dans dans le temps, – qui était de porter dehors l’homme véritable ; maintenant il n’y avait plus rien de faux chez les hommes, rien de non abouti, de mal achevé, de pas bien éclos ; ils se montraient tout de suite tout entiers tels qu’ils étaient. – Dans le temps, disait Pitôme, ce n’était pas la même chose et le diable sûrement était encore dans ces bouteilles, parce qu’il devait y rester quand même de l’impureté… Dans l’autre vie, on ne savait jamais  le temps, disait Pitôme, ce n’était pas la même chose et le diable sûrement était encore dans ces bouteilles, parce qu’il devait y rester quand même de l’impureté… Dans l’autre vie, on ne savait jamais ce qui allait se passer chez ceux à qui j’offrais à boire  ; il fallait d’abord ; il fallait d’abord laisser agir que l’esprit l’esprit , ensuite seulement on savait. Et voilà que les doux devenaient violents, les faciles difficiles, les gais tristes, les violents doux, et ainsi de suite agît sur eux . Où était l’homme véritable, pouvez-vous me le dire, dans l’autre . Où était l’homme véritable, pouvez-vous me le dire, dans l’autre tempsvie  ? Est-ce celui qui se montrait d’abord ? Est-ce celui qui se montrait d’abord , à jeun , ou bien celui qui ne se montrait qu’après , ou bien celui qui ne se montrait qu’après ; celui qu’il avait bu ? Celui de tous les jours ou celui d’un moment ? de tous les jours ou celui d’un moment ? Et où étaient, dites-moi, le mensonge et la fausseté dans le temps ordinaire ou bien dans l’extraordinaire ? C’est qu’il y avait tout ce qu’on cachait, et qu’on se cachait à soi-même ; peut-être qu’on ne savait pas bien soi-même qui on était… On n’était sûr de rien . Les meilleurs Les meilleurs amis, voyez-vous. Des vieux amis, des amis des mauvais jours. Eh bien, l’occasion, amis… rien de plus. L’occasion, je dis, L’occasion, je dis, et un petit verre. un petit verre. Il fallait voir. Il fallait voir ça. Ah ! oui, les Les meilleurs amis, amis, les amis… Et onvoyez-vous… On croyait qu’il allait commencer une histoire, comme il croyait qu’il allait commencer une histoire, comme il en avait eu sans doute l’intention avait eu sans doute l’intention  de faire  ; – tout à coup il s’arrêtait; – tout à coup il s’arrêtait . L’histoire tombait de lui . Comme quand on coupe un fil et ce qu’il y a au bout du fil tombe. . Comme quand on coupe un fil et ce qu’il y a au bout du fil tombe. 4 C’était comme s’ils n’avaient plus de corps, tellement ce corps qu’ils avaient était léger à porter. Sous le grand ciel peint d’un bleu qui ne passe pas, les choses se trouvaient rangées chacune comme dans sa case. L’arbre, qui n’était plus tourmenté d’aucun vent, tenait du côté d’en haut son branchage enfoncé dans l’air tout symétriquement à ses racines du côté d’en bas dans la terre. Quand on disait à Bé : « Est-ce que tu vois ? » il disait : « Pourquoi est-ce que je ne verrais pas ? » Une mère chatte allaitait ses six petits sur une couverture, devant une porte de cuisine ; le chien qui passe ne la fait même pas tourner la tête. Et Chemin, dans son atelier, Et Chemin, dans son atelier, était continuait à peindre son tableau où il ne mettait que des couleurs claires : alors il s’étonnait de voir qu’elles éclairaient toujours moins. Il continuait à se tenir devant son devant son travail sans souci. De très bonne heure,tableau où toutes les choses étaient belles ; c’était, sur son tableau, comme si elles ne l’étaient plus. Tout était trop beau, à présent. Ce n’était plus comme dans l’ancienne vie. Autrefois, dans cette ancienne vie, on avait un cœur qui était comme le ciel, c’est-à-dire le plus souvent gris, tandis qu’à présent chaque jour chaque jour , le soleil entrait le soleil entrait librement par les par les petits carreaux autrefois tout obscurcis et empêchés de poussière vitres , faisant, faisant fidèlement briller briller des autour de Chemin les objets taillés dans objets taillés dans dule beau mélèze rose ou beau mélèze rose ou dans du cœur de sapin qui sent bon. du cœur de sapin qui sent bon. Tout autour de lui, il y avait ces preuves de lui-même ; rien ne sortait plus de ses mains qui n’eût atteint son point de perfection. Seulement Autrefois, on n’ Chemin le savait. Juste le contraire d’avant, juste le contraire de l’ancienne vie où il était était si rarementpresque jamais content de content de lui, Chemin. Une fois sur dix,soi, un jour tous les dix jours tout au plus tout au plus ; un jour, une fois toutes les deux semaines. toutes les deux semaines. Dans cette ancienne vie, quand si souvent ça Les dimanches du cœur étaient rares, en ce temps-là : c’est peut-être pourquoi ils étaient si précieux. Chemin n’allait pas ; alors on ne tenait plus en place, on sortait. Il marchait la tête basse, il ne savait pas où il allait. Il tapotait contre tapotait contre le tronc d’un saule le fourneau de l’établi sa pipe sa pipe . On fume, on ne veut pas fumer; on fume. On n’avait restée à moitié pleine. La plupart du temps, on n’avait goût à rien, on n’avait même pas goût à son tabac, parce qu’on n’avait pas goût à soi pas goût à son tabac, parce qu’on n’avait pas goût à soi . Il semblait que la couleur des choses fût complètement changée -même . L’oiseau inutilement poussait . L’oiseau inutilement poussait pour vous son petit cri qu’on aimeson petit cri qu’on aime  ; inutilement , l’arbre l’arbre tourné vers vous agitait agitait inutilement sa branche sa branche , comme une main. comme une main. Et il arrivait des fois que Chemin Chemin errait ainsi tout le jour ; d’autres fois, pour la même cause, un trop grand accablement l’empêchait même de allait s’asseoir dans un coin, il posait se tenir debout . On le voyait poser ses coudes sur ses genoux ses coudes sur ses genoux . Le silence était dehors, une gouttelette peut-être tombait du toit : il n’y avait plus rien. Il levait seulement encore un peu ses mains, et , il laissait aller sa tête sa tête allait vers en bas ; voilà bien où était sa place en avant . Ainsi était Chemin, dans . Ainsi était Chemin, dans son cette ancienne vie ancienne vie , à cause d’un cœur délicat, , à cause d’un cœur délicat, – parce qu’il y avait dommageun cœur trop délicat pour pour les cœurs délicats, et sans cesse perte pour eux, et sans cesse pour eux poursuite, allant pour rien parmi toutes les heures et rien qu’une de temps en temps… Tandis la dure vie que que toutes sont bonnes. Tandis qu’on estc’était, un cœur qui se cherchait toujours toujours à un même étage de contentement, à présent ; – maissans jamais se trouver, tandis qu’à présent… Mais alors qu’est-ce qu’il se alors qu’est-ce qu’il se passait ? Quandpasse ? Pendant que Chemin Chemin poussaittenait son son rabot ou quand il maniait sa gouge, quand il faisait entrer la lame de son couteau dans la veine et tout pinceau et allait allait bien ; quand il venait avec avec un pot de couleur, et de nouveau tout allait bien ; son pinceau, qu’est-ce qu’il qu’est-ce qu’il y avait en luise passe au fond de lui  ? et qu’ est-ce que c’était que cette espèce de regret qui qui ses’y levait, comme quand la bête en bougeant fait monter levait, comme quand la bête en bougeant fait monter la vase du fond de la mare du fond de la mare  un peu de sable ? 5 ? Je regarde mon petit ; je lui dis : « Tu es tant joli, souris-moi encore une fois. » Je regarde mon petit ; je lui dis : « Tu es tant joli, souris-moi encore une fois. » Il me sourit. Il ne pleure plus, mon petit. Il ne pleure plus, mon petit. Je lui fais les marionnettes. Je lui apprends à les faire, il sait déjà assez bien. Je lui ai mis son beau bonnet tricoté et une Je lui ai mis son beau bonnet tricoté et une petite chemise ; par-dessus sa chemise, il a une robe de coton et un tablier, c’est tout ; on n’a plus besoin de les habiller chaudement comme dans le temps. Des fois, je le mets tout nu ; je l’assieds tout nu sur le mur, parce qu’il aime. Il bouge ses petites mains et ses petits pieds tant qu’il veut. Elle le levait dans le jour, elle disait : chemise ; par-dessus sa chemise, il a une robe de coton et un tablier, c’est tout ; on n’a plus besoin de les habiller chaudement comme dans le temps. Des fois, je le mets tout nu ; je l’assieds tout nu sur le mur, parce qu’il aime. Il bouge ses petites mains et ses petits pieds tant qu’il veut. Elle le levait dans le jour, elle disait : « Regardez« Regardez -le . Il est rouge autour de la bouche comme s’il avait mangé des framboises, mais c’est une couleur qui ne part pas à l’eau. » Elle prenait son mouchoir. Il est rouge autour de la bouche comme s’il avait mangé des framboises, mais c’est une couleur qui ne part pas à l’eau. » Elle prenait son mouchoir , elle frottait  : « Vous voyez ? » Et : « Vous voyez ? » Et elle , comme, comme tous les autres les autres , elle disait  : « C’est qu’il ne nous manque plus rien. »  : « C’est qu’il ne nous manque plus rien. » Une Il y a une seule chose qui seule chose qui nous manque : c’est que ça ne peut pas changer. manque : c’est que ça ne peut pas changer. Venait de nouveau Bé ; de nouveau : « Tu vois, Bé ? » Venait Catherine avec sa petite-fille, venaient la grosse Marie et Lucie la Triste (qui ne Venait Catherine avec sa petite-fille, venaient la grosse Marie et Lucie la Triste (qui ne l’étaitpeut plus plus l’être ). On entendait un bruit d’eau : c’était Phémie qui arrosait son jardin. On voyait par la fenêtre un Pitôme toujours le même. Chermignon allait sur ses deux jambes comme s’il avait toujours eu ses deux jambes. ). On entendait un bruit d’eau : c’était Phémie qui arrosait son jardin. On voyait par la fenêtre un Pitôme toujours le même. Chermignon allait sur ses deux jambes comme s’il avait toujours eu ses deux jambes. EtBé arrivait arrivait  Bé ; on lui disait  : « Tu vois, Bé ? » Et quand on lui disait  : « Tu vois, Bé ? » Et quand on lui disait encore  : « C’est que tu n’y voyais pas autrefois », il vous considérait avec étonnement comme si cet immense ciel et toutes les choses : « C’est que tu n’y voyais pas autrefois », il vous considérait avec étonnement comme si cet immense ciel et toutes les choses qui étaient dessous avaient toujours été à lui. Une montagne brille pointue et une autre est ronde dessous avaient toujours été à lui. Une montagne brille pointue et une autre est ronde  à côté  ; une est verte, l’autre est grise. Une montagne, et puis une, et puis une encore, et puis encore ; une est verte, l’autre est grise. Une montagne, et puis une, et puis une encore, et puis encore une…une. Une ronde, une pointue ; une qui est verte, une grise… Une ronde, une pointue ; une qui est verte, une grise… Mais c’est que tout n’est pas fini. Et alors la chose arriva. 6 En XII Thérèse Min , en ce temps-là, ce temps-là, Thérèse Min était montée avec ses était montée avec ses bêteschèvres jusqu’en un lieu dit Sous Empreyses ; jusqu’en un lieu dit Sous Empreyses ; et c’est très haut dans la montagne. C’est, comme le nom c’est très haut dans la montagne. C’est, comme le nom le fait savoirl’indique , sous une paroi de rochers, – c’est très haut,, sous une paroi de rochers, – c’est très haut, c’est très loin de tout. Il y a ces rochers d’Empreyses qu’on voit luire en avant de la chaîne comme une grande boîte de verre dépoli ; très loin de tout. Il y a ces rochers d’Empreyses qu’on voit luire en avant de la chaîne comme une grande boîte de verre dépoli ; il y avait on compte pour y arriver trois trois bonnes heures de chemin. Là heures de chemin. Là -haut, devant la chaîne et tout juste sous la paroi : endroit écarté, endroit difficile. Le plus haut que Thérèse allât , parce que plus loin on ne pouvait pas ; mais là étaient étaient déjà tous ces énormes blocspartout des quartiers de roc , autrefois, autrefois descendus rapidement de la muraille descendus rapidement de la muraille , gros comme des maisons et qui faisaient comme un autre village et qui faisaient comme un autre village , tant il y en avait et de tout côté présentés  ; alors ce n’était pas commode avec les bêtes. Endroit recoupé, éloigné, endroit difficile, endroit terriblement sauvage, – pas  ; alors ce n’était pas commode avec les bêtes. Endroit recoupé, éloigné, endroit difficile, endroit terriblement sauvage, – pas tellement si sauvage toutefois, qu’un peu plus sauvage toutefois, qu’un peu plus au couchantau levant , la gorge qui s’, la gorge qui s’ ouvre lày ouvrait , comme si on avait fendu la montagne de haut en bas d’un coup de sabre. Il y a la paroi d’Empreyses, la pente de gazon dessous, après quoi viennent ces gros blocs , comme si on avait fendu la montagne de haut en bas d’un coup de sabre. Il y a la paroi d’Empreyses, la pente de gazon dessous, après quoi viennent ces gros blocs  – la ; – puis c’est cette gorge, gorge, c’est quand on tire à gauche, quand, faisant face à la montagne, on tire à gauche. Tout à coup, le terrain vous manque sous les pieds, s’enfonçant à pic au-dessous de vous par le moyen d’une muraille d’au moins cent cinquante mètres quand on tire à gauche, quand, faisant face à la montagne, on tire à gauche. Tout à coup, le terrain vous manque sous les pieds, s’enfonçant à pic au-dessous de vous par le moyen d’une muraille d’au moins cent cinquante mètres de hauteur , et rien ne s’offre pour la prendre de flanc qu’une espèce de corniche guère plus large que , et rien ne s’offre pour la prendre de flanc qu’une espèce de corniche guère plus large que les deux mains. Et ailleursla main. Ailleurs et tout autour règne encore le bon soleil : c’est ici une place où le soleil n’entre jamais, et jamais il n’y est entré ; jamais même le jour, et tout autour règne encore le bon soleil : c’est ici une place où le soleil n’entre jamais, et jamais il n’y est entré ; jamais même le jour, ni et jamais la beauté du jour, la beauté du jour, ni et jamais la force du jour. la force du jour. Et pourtantPourtant, autrefois, autrefois, du temps de leur dans l’ ancienne vie, c’est par là qu’ils s’aventuraient et jusqu’encore bien plus avant dans la profondeur du massif ; poussés par le besoin où ils étaient d’avoir de l’eau, se risquant à la mort par peur d’une autre mort (ancienne vie, c’est par là qu’ils s’aventuraient et jusqu’encore bien plus avant dans la profondeur du massif ; poussés par le besoin où ils étaient d’avoir de l’eau, se risquant à la mort par peur d’une autre mort ( audu temps où il y avait temps où il y avait lesces grandes sécheresses) ; ayant été très loin le long de la fissure à la recherche du torrent qu’ils avaient amené ensuite par la construction d’une sorte de canal en bois ; – grandes sécheresses) ; ayant été très loin le long de la fissure à la recherche du torrent qu’ils avaient amené ensuite par la construction d’une sorte de canal en bois ; – et ainsi tout le mais ce temps temps de leur ancienne vie amenés ici, ramenés, – mais c’ -là était fini. Il y était fini. Il y fallut a donc donc bienfallu la grande curiosité qu’on dit qui est la grande curiosité qu’on dit qui est dans la têtesous les cornes des chèvres. C’était une chèvre appelée la Blanche qui appartenait à Phémie. des chèvres. C’était une chèvre appelée la Blanche qui appartenait à Phémie. Il arriva Et la chose qui se passa fut qu’un jour elle prit du côté de la gorge qu’un jour elle prit du côté de la gorge  ; et là fut le commencement . – Où vas-tu, toi ?… – . – Où vas-tu, toi ?… – C’est défendu, repritHé ! continuait Thérèse, Thérèse, et elle Hé ! là-bas !… Elle s’était levée ; et alors s’était levée ; et alors  : « Té… té… » « Té… té… » maisMais la Blanche n’écoutait pas et les gros blocs l’avaient déjà cachée. « Té… té… » Thérèse levait son fouet la Blanche n’écoutait pas et les gros blocs l’avaient déjà cachée. « Té… té… » Thérèse levait son fouet , et sa grosse petite personne allait.  : « Té…« Té… té… té… » Sa grosse petite personne té… » Sa grosse petite personne alla, alla encore ;allait, et son gros petit ventre son gros petit ventre alla ; ses deux gros souliers allèrent allait  : « Té… té… » Et : « Té… té… » Et , encore une fois : « Té… » encore une fois : « Té… » mais très loin. très loin. Plus Puis on n’a plus rien rien . vu, parce que la chèvre était entrée dans la gorge et Thérèse l’y avait suivie. Ce fut Ce fut pourtant, ensuite ensuite , comme tous les soirs comme tous les soirs , ce jour-là . Le troupeau redescendit de là-haut comme tous les soirs, à l’heure ordinaire. Le troupeau avait été . Le troupeau redescendit de là-haut comme tous les soirs, à l’heure ordinaire. Le troupeau avait été rassemblérassemblée  ; Thérèse le poussait par ; Thérèse le poussait par - derrière. Dans le nombre, unederrière. Dans le nombre, une seule bête qui manque ne peut pas être remarquée. bête qui manque ne peut pas être remarquée. Une C’est une simple parcelle de moins simple parcelle de moins parmi tout çadans la masse qui va qui va , se laissant couler aux étages ; et ou bien c’est par bonds, avec des arrêts, comme une cascade, ou bien d’un mouvement égal à ras le sol comme quand il y a un glissement de terrain. Une seule bête qui manque se laissant couler aux étages ; et ou bien c’est par bonds, avec des arrêts, comme une cascade, ou bien d’un mouvement égal à ras le sol comme quand il y a un glissement de terrain. Une seule bête qui manque n’est pas remarquéene change rien à rien dans le troupeau . Un beau soir était venu, pareil à tous les autres soirs. Les choses étaient enveloppées de rose comme ces grappes de raisin qu’on met dans des sacs de mousseline pour les protéger des guêpes. Une voix commença à chanter ; elle chantait un air un peu lent. En arrivant au-dessus du village (au dernier donc de ces étages). Un beau soir était venu, pareil à tous les autres soirs. Les choses étaient enveloppées de rose comme ces grappes de raisin qu’on met dans des sacs de mousseline pour les protéger des guêpes. Une voix commença à chanter ; elle chantait un air un peu lent. En arrivant au-dessus du village (au dernier donc de ces étages) , Thérèse souffla comme toujours dans son cornet de cuivre. Elle ouvrit la porte du parc. Les bêtes entrèrent ; Thérèse referma la porte. Et Thérèse souffla comme toujours dans son cornet de cuivre. Elle ouvrit la porte du parc. Les bêtes entrèrent ; Thérèse referma la porte. Et ce fut commecomme tous les soirs ; tous les soirs ; les femmes qui arrivaient. Lescomme tous les soirs, les femmes arrivaient, femmes arrivaient, les petites filles arrivaient ; chacune d’elles chacune d’elles allaitallant à sa chèvre ou à ses deux chèvres, vous les tirant par le collier, tantôt une seule main, tantôt les deux mains occupées ; – tout comme tous les soirs à sa chèvre ou à ses deux chèvres, vous les tirant par le collier, tantôt une seule main, tantôt les deux mains occupées ; – tout comme tous les soirs alors encore : la seule différence fut que Thérèse était restée là, au lieu que d’habitude elle rentrait tout de suite chez elle. Et les femmes : – Qu’est-ce que tu attends ? Mais elle tricotait son bas, et ça suffit qu’on tricote son bas. encore : la seule différence fut que Thérèse était restée là, au lieu que d’habitude elle rentrait tout de suite chez elle. Et les femmes : – Qu’est-ce que tu attends ? Mais elle tricotait son bas, et ça suffit qu’on tricote son bas. Et sesSes mains et son petit goitre allèrent donc un moment encore, ayant une même cadence, le même petit balancement ; mains et son petit goitre allèrent donc un moment encore, ayant une même cadence, le même petit balancement ; puis, finalement,ils allèrent ainsi jusqu’à ce que Phémie Phémie arriva ; alors Thérèse s’approcha d’elle. L’autreà son tour fût arrivée. Phémie allait allait entrerrentrer dans le parc  dans le parc  ; Thérèse lui a dit  : – Pas la peine !: – Pas la peine ! Et Phémie : – La peine de quoi ? – Pas la peine – La peine de quoi ? – Pas la peine d’entrer dans le parc , il n’y a personne, il n’y a personne . pour vous. Ayant comme ça une langue à elle, qu’il faut comprendre, mais on la comprenait ; après quoi, en guise de rire, elle fit entendre une espèce de bêlement, parce qu’il y a contagion. Et pas autre chose, à ce moment-là. Phémie n’avait rien dit ; elle ne se fâcha pas, elle ne se lamenta pas. On ne se fâche plus, on ne se lamente plus. Les femmes l’avaient entourée ; une disait : – On a du lait de trop pour nous, vous savez bien… Les femmes l’entouraient ; une autre dit : – La chèvre de Luc va mettre bas, il vous donnera un petit. Et c’est vrai, pourquoi s’inquiéterait-on ? ce n’est plus comme dans l’autre vie. Plus du tout comme dans l’autre vie, Ayant comme ça une langue à elle, qu’il faut comprendre, mais on la comprenait ; après quoi, en guise de rire, elle fit entendre une espèce de bêlement, parce qu’il y a contagion. Et pas autre chose, à ce moment-là. Phémie n’avait rien dit ; elle ne se fâcha pas, elle ne se lamenta pas. On ne se fâche plus, on ne se lamente plus. Les femmes l’avaient entourée ; une disait : – On a du lait de trop pour nous, vous savez bien… Les femmes l’entouraient ; une autre dit : – La chèvre de Luc va mettre bas, il vous donnera un petit. Et c’est vrai, pourquoi s’inquiéterait-on ? ce n’est plus comme dans l’autre vie. Plus du tout comme dans l’autre vie, où aucune où chaque chose ne pouvait s’obtenir qu’en la payant son prix et souvent plus que son prix. chose ne pouvait s’obtenir qu’en la payant son prix et souvent plus que son prix. On est tranquilles, on est bien tranquilles. Les dernières chèvres sortaient du parc, les dernières chèvres étaient emmenées. On vit le rose se défaire d’autour des choses, Les dernières chèvres sortaient du parc, les dernières chèvres étaient emmenées. On vit le rose se défaire d’autour des choses, s’y étant usé fil à fil. Une petite fille courait dans sa jupe trop longue qui la faisait ressembler à une petite femme ; une belle étoile, la première, se montra dans le ciel couleur de citron pas mûr. Toujours cette grande tranquillité, cette trop grande tranquillité, ce calme. fil à fil. Une petite fille courait dans sa jupe trop longue qui la faisait ressembler à une petite femme ; une belle étoile, la première, se montra dans le ciel couleur de citron pas mûr. Toujours cette grande tranquillité, cette trop grande tranquillité, ce calme. Ah ! on On voit bien que rien ne va plus jamais voit bien que rien ne va plus jamais pouvoir changer. changer. 7 XIII Pourtant Pourtant est-il bien sûr que rien ne doive plus jamais changer ? est-il même bien sûr que rien ne soit c’était déjà comme si quelque chose avait changé changé  déjà ? car; – sinon, comment comment alors expliquerait-on que Phémie à présent soit pareillement agitée ? expliquerait-on que Phémie à présent soit pareillement agitée ? DèsSitôt qu’elle a été rentrée chez elle, ce soir-là qu’elle a été rentrée chez elle, ce soir-là . Rentrée ; rentrée chez elle, mais ressortie. Re-rentrée, re-ressortie. Tout à fait comme Chemin, au temps de l’autre vie, tout à fait comme dans l’ancien temps. Elle allait et venait chez elle, mais ressortie. Re-rentrée, re-ressortie. Tout à fait comme Chemin, au temps de l’autre vie, tout à fait comme dans l’ancien temps. Elle allait et venait , à présent, dans dans leson jardin, et jardin, et , tout en allant et venant : « C’est drôle quand même ! » tout en allant et venant : « C’est drôle quand même ! » Et bientôt la suite vint, qui fut qu’elle se dit premièrement non, puis Finalement, elle elle ne se dit plus non. La suite, qui fut qu’elle se disait s’est dit  : «  : «  Il faudrait que j’aille m’informer… » Et d’abord, ce fut non, mais déjà c’était oui. Et d’abord, ce fut : « Il faudra » ; c’était déjà : « Il faut Tant pis, j’y vais . » Sur la place, dans le grand silence, les vaches étaient en train de boire. Sur la place, . » Sur la place, dans le grand silence, les vaches étaient en train de boire. Sur la place, commequand Phémie Phémie passaitpassa , il y , il y eutavait encore les vaches en train de boire encore les vaches en train de boire , qu’on ; on les distinguait tout juste dans un reste de jour. distinguait tout juste dans un reste de jour. Aucun bruit. Elles tiraient sur le lisse de l’eau sans Elles tiraient sur le lisse de l’eau sans lela déranger même d’une ride, avec leurs flancs qui se touchaient par le milieu dans la même déranger même d’une ride, avec leurs flancs qui se touchaient par le milieu dans la même grande immobilité. immobilité. AÀ peine si peine si , parfois parfois , l’une ou l’autre, levant son mufle, poussait un l’une ou l’autre, levant son mufle, poussait un petit meuglement, comme meuglement, comme si on soufflaitquand on souffle dans une trompette d’écorce. Et tout était encore parfaitement tranquille, ici, mais ce n’est pas ici qu’on a affaire, c’est plus loin. C’était dans une de ces petites rues qu’il y a derrière l’église. dans une trompette d’écorce. Et tout était encore parfaitement tranquille, ici, mais ce n’est pas ici qu’on a affaire, c’est plus loin. C’était dans une de ces petites rues qu’il y a derrière l’église. Elle eut vite reconnu la maison. A À cette pauvre Thérèse aussi, sa maison de la terre avait été rendue, mais c’était comme si elle allait tomber (bien qu’elle ne dût jamais tomber). Phémie monta l’escalier cette pauvre Thérèse aussi, sa maison de la terre avait été rendue, mais c’était comme si elle allait tomber (bien qu’elle ne dût jamais tomber). Phémie monta l’escalier tout branlant : on entendit un bruit comme quand on casse du bois, et on n’en casse point, mais c’est le feu branlant : on entendit un bruit comme quand on casse du bois, et on n’en casse point, mais c’est le feu qui en brûlant en brûlant le recasse qui fait comme quand on en casse . Elle avait heurté, on n’avait pas répondu. Elle poussa la porte. Elle vit seulement d’abord qu’il y avait, en effet, du feu sur le foyer. Il semblait que la pièce fût vide. . Elle avait heurté, on n’avait pas répondu. Elle poussa la porte. Elle vit seulement d’abord qu’il y avait, en effet, du feu sur le foyer. Il semblait que la pièce fût vide. Uniquement le feu qui brûlait etRien n’y bougeait que , de temps en temps, une étincelle sautant en l’air comme une grosse sauterelle rouge. Et , de temps en temps, une étincelle sautant en l’air comme une grosse sauterelle rouge. Et seulement aussi qu’il y avait devant le foyerdevant le foyer il y avait un escabeau et, à cet escabeau, est-ce un dossier, ou quoi ? mais un escabeau et, à cet escabeau, est-ce un dossier, ou quoi ? mais il s’était mis à bouger. Et brusquementbrusquement , alors, tout changea ; tout il s’était s’était mis à bouger. Ladéplacé. Alors la flamme flamme avaitdu foyer a été rabattue par un coup de vent qui s’ été rabattue par un coup de vent qui s’ étaitest engagé dans la cheminée  engagé dans la cheminée  :; on vit la chambre se balancer comme une chambre de navire ; les murs penchaient, les murs se redressaient ; le grand lit, pris dans la paroi, surnagea, puis fut englouti ; – et, pour Phémie également, ce fut comme si tout balançait en elle ; ah ! nos pauvres cœurs aussi, à présent on vit la chambre se balancer comme une chambre de navire ; les murs penchaient, les murs se redressaient ; le grand lit, pris dans la paroi, surnagea, puis fut englouti ; – et, pour Phémie également, ce fut comme si tout balançait en elle ; ah ! nos pauvres cœurs aussi, à présent , nos pauvres cœurs ! du moins le sien  ; et ; et quand elle a dit une première fois bonsoir, puis elle a dit de nouveau bonsoir. elle a dit une première fois bonsoir, puis elle a dit de nouveau bonsoir. Et Puis, avec une voix qui avec une voix qui trembletremblait  : – Thérèse ! Elle a dit  : – Thérèse ! Elle a dit  de nouveau : – Thérèse Et puis elle a dit  : – Thérèse, tu dois savoir et moi je ne sais pas… Mais comment est-ce qu’il va falloir aller plus loin : – Thérèse, tu dois savoir et moi je ne sais pas… Mais comment est-ce qu’il va falloir aller plus loin  ? et il faut quand même et il faut quand même  ?; à ce moment, une bûche éclata avec un bruit comme un coup de fusil à ce moment, une bûche éclata avec un bruit comme un coup de fusil , une grande nuit vint. Parce que . Et, les tisons les tisons avaientayant été éparpillés, la nuit cette fois venait tout à fait  été éparpillés, la nuit cette fois venait tout à fait  :; – et ce fut là – et ce fut là - dedans, et comme encouragée : – dedans, et comme encouragée : – EcouteÉcoute , Thérèse, personne n’en saura rien, je te promets ; et puis tu ne seras pas grondée ; ce n’est plus le temps, tu sais bien ; alors dis-moi , Thérèse, personne n’en saura rien, je te promets ; et puis tu ne seras pas grondée ; ce n’est plus le temps, tu sais bien ; alors dis-moi ce qui où est est arrivé…la Blanche… Sans quoi, je vais me tourmenter. Sans quoi, je vais me tourmenter. Et vite, comme ça, ayant dû aller chercher ce dernier mot tout au fond d’elle, mais elle l’y a trouvé, parce qu’il y est quand même ; – après quoi, ce qu’on vit, c’est qu’une Une grande flamme grande flamme s’était rallumée ; on vit encore quemontait de nouveau toute droite contre le mur ; quelque chose s’était mis à bouger quelque chose s’était mis à bouger jusque dans le dos de Thérèse, là où il y a sous l’étoffe les deux grandes plaques d’os. dans le dos de Thérèse, là où il y a sous l’étoffe les deux grandes plaques d’os. Tandis qu’elle Elle s’était penchée davantage encore en avant, s’était penchée davantage encore en avant, puis il y eut de nouveau il y eut de nouveau son rire cette espèce de bêlement  ; une drôle de voix toute rauque  ; une drôle de voix toute rauque suivita suivi  : – Si vous alliez y voir vous-même, je vous montrerais l’endroit. Mais alors, Phémie : – C’est ça. Tout à coup  : – Si vous alliez y voir vous-même, je vous montrerais l’endroit. Mais alors, Phémie : – C’est ça. Tout à coup : « C’est ça ! » Décidéeelle s’était décidée . L’eau chantonnait dans la marmite ; elle fit une vapeur. L’eau chantonnait et marmonnait dans la marmite, le couvercle était soulevé. – Et pas plus tard que demain matin, reprit Phémie. Puis elle se retira pour sortir, mais. L’eau chantonnait dans la marmite ; elle fit une vapeur. L’eau chantonnait et marmonnait dans la marmite, le couvercle était soulevé. – Et pas plus tard que demain matin, reprit Phémie. Puis elle se retira pour sortir, mais , avant de passer la porte avant de passer la porte , se tourna encore vers Thérèse ; se tourna encore vers Thérèse ; et on vit que Thérèse avait levé le doigt on vit que Thérèse avait levé le doigt , le tenant et elle le tenait appliqué contre le côté de son nez. Et le doigt était appliqué contre le côté de son nez. Et le doigt était longcourt et noir le long de son petit nez plat. et noir le long de son petit nez plat. 8 XIV Les nuits n’étaient plus jamais longues. Il n’y a plus ces grandes nuits d’avant, ces nuits qui Les nuits n’étaient plus jamais longues. Il n’y a plus ces grandes nuits d’avant, ces nuits qui nen’en finissaient finissaient plus.pas. Un petit matin frais se fut vite levé. Il monta dans le ciel Un petit matin frais se fut vite levé. Il monta dans le ciel  ;, Thérèse Thérèse monta la premièreétait sortie en même temps que lui . Un . Un peu petit moment plus tard, plus tard, ce fut le tour de Phémie Phémie monta aussi. Il y eut qu’elle . Elle prit à son tour contre la pente, quand même la pente était raide et il y avait tout ce long chemin ; le point qu’elle fit dans le bas, vu d’en haut, ne fut prit à son tour contre la pente, quand même la pente était raide et il y avait tout ce long chemin ; le point qu’elle fit dans le bas, vu d’en haut, ne fut pas d’abordd’abord pas plus gros qu’une mouche. plus gros qu’une mouche. Il y fallut du temps. Elle Elle disparut, reparut. Il y avait ces replis, ces enfoncementsmontait, se glissant entre les quartiers de roc : elle y était cachée, elle n’y était plus cachée. Et, de nouveau, elle le fut, pour assez longtemps elle y était cachée, elle n’y était plus cachée. Et, de nouveau, elle le fut, pour assez longtemps , cette fois  cette fois  :; mais mais , quand elle redevint visible, on put connaître que Phémie avait mis sa plus belle robe, avec un tablier de soie, s’étant habillée en dimanche (quand même il n’y a plus de dimanches) – seulement, autrefois, c’était l’habitude de se faire quand elle redevint visible, on put connaître que Phémie avait mis sa plus belle robe, avec un tablier de soie, s’étant habillée en dimanche (quand même il n’y a plus de dimanches) – seulement, autrefois, c’était l’habitude de se faire beaubelle quand on quand on s’en allait loin de chez soi. Et Phémie allait loin de chez soi. Et Phémie ayantavait fait comme dans ces temps d’autrefois ; alors est-ce qu’ils reviendraient ? fait comme dans ces temps d’autrefois ; alors est-ce qu’ils reviendraient ? mais il ne futPourtant il n’a été question de rien entre les deux femmes question de rien entre les deux femmes  ;, elles ne elles ne se parlèrent même pas ; – parlèrent même pas ; – il y eut simplement, quand Phémie fut simplement, quand Phémie fut là, unearrivée, cette main que Thérèse tend, montrant la direction à prendre et main que Thérèse tend, montrant la direction à prendre et oùque c’était c’était et qu’il fallait tourner, et une espèce de sentier qui y menait ; ce fut tout celle de la gorge . Phémie. Phémie , d’ailleurs, tout aussitôt s’était s’était déjà remise en route remise en route  ; quelque chose la poussait. Etaient . Étaient venus venus presque aussitôtde nouveau ces gros quartiers de roc comme des maisons sans fenêtres ; ils ne laissaient entre eux que de très étroits passages où il n’était pas trop facile de se diriger. Il y avait aussi des trous masqués par les buissons, où ces gros quartiers de roc comme des maisons sans fenêtres ; ils ne laissaient entre eux que de très étroits passages où il n’était pas trop facile de se diriger. Il y avait aussi des trous masqués par les buissons, où ellePhémie se prenait les pieds ; des branches à épines lui égratignaient les jambes à travers sa jupe se prenait les pieds ; des branches à épines lui égratignaient les jambes à travers sa jupe . Et toute sorte d’empêchements ainsi : pourtant elle allait . De temps en temps, elle appelait la Blanche ; nulle part la Blanche n’était en vue : elle allait. Et. De temps en temps, elle appelait la Blanche ; nulle part la Blanche n’était en vue : elle allait. Et tout qui se faisait singulièrement , à mesure qu’elle avançait, les choses autour d’elle prenaient un aspect plus sauvage et plus désolé : désolé : plus rien rien qui bougeâtne bougeait à présent nulle part nulle part et qui nulle part fût, rien nulle part n’était en vie, sauf, dans le fin fond de l’entaille, un peu de blanc, qui était le torrent ; une terrible obscurité, aussi, un grand froid en vie, sauf, dans le fin fond de l’entaille, un peu de blanc, qui était le torrent ; une terrible obscurité, aussi, un grand froid , qui étaient venus, pourtant Phémie allait toujours. Et, quand enfin qui étaient venus, pourtant Phémie allait toujours. Et, quand enfin se présenta, devant elle , comme quand une porte s’ouvre, l’écartement des deux murailles, comme quand une porte s’ouvre, l’écartement des deux murailles s’est présenté , elle ne s’arrêta même pas, elle ne s’arrêta même pas  ;, – ayant pris tout de suite contre celle de droite ; et – ayant pris tout de suite contre celle de droite ; et , à présent, elle s’y tenait appliquée, ayant posé un pied sur la corniche, posant un pied, posant l’autre pied. Parce qu’il y a bien la peur, mais il y a quelque chose de plus fort que la peur. La grande peur, comme dans l’autre vie, – et oubliée, – qui revenait ; mais encore plus haut s’y tenait appliquée, ayant posé un pied sur la corniche, posant un pied, posant l’autre pied. Parce qu’il y a bien la peur, mais il y a quelque chose de plus fort que la peur. La grande peur, comme dans l’autre vie, – et oubliée, – qui revenait ; mais encore plus haut maintenant parle un besoin de voir,parle un besoin de voir, parle un besoin de savoir. Un bruit sourd se fit entendre, comme quand un chien gronde dans sa niche. Il y eut des gémissements ; les gémissements se turent. On appela, on n’appelait plus. On se mit à chuchoter… un besoin de savoir. Un bruit sourd se fit entendre, comme quand un chien gronde dans sa niche. Il y eut des gémissements ; les gémissements se turent. On appela, on n’appelait plus. On se mit à chuchoter… Et Thérèse éclate de rire. Il y avait à présent que Thérèse éclatait de rire (c’était un grand moment après)Et Thérèse éclate de rire. Il y avait à présent que Thérèse éclatait de rire (c’était un grand moment après)  ; et elle était , étant grimpée en haut d’un des plus gros de ces quartiers de roc grimpée en haut d’un des plus gros de ces quartiers de roc  : alors c’était là-haut, d’où elle pouvait tout voir . Elle avait attendu là-haut tout le temps qu’il avait fallu, parce qu’elle savait bien ce qui arriverait ; – . Elle avait attendu là-haut tout le temps qu’il avait fallu, parce qu’elle savait bien ce qui arriverait ; – et puis elle puis elle avait a mis ses mains à plat sur ses genoux, la bouche ouverte toute grande. C’est qu’on voyait cette pauvre Phémie rouler plus mis ses mains à plat sur ses genoux, la bouche ouverte toute grande. C’est qu’on voyait cette pauvre Phémie rouler plus vite qu’elle ne courait, tellement elle courait vitequ’elle ne courait, tellement elle courait vite . Droit en bas, à tout petits, étant revenue sur ses pas. Droit en bas, droit sous elle, les bras un peu levés à cause de l’équilibre, le plus vite qu’elle pouvait ; bien plus vite qu’on n’aurait cru, étant donné son âge, pas. Droit en bas, droit sous elle, les bras un peu levés à cause de l’équilibre, le plus vite qu’elle pouvait ; bien plus vite qu’on n’aurait cru, étant donné son âge, et ses jambes plus ses jambes plus tanttrès solides. Et solides. Et l’autreThérèse qui riait, qui riait, et elle et Phémie qui courait ; qui passa sans la voir au-dessous de Thérèse ; qui fut plus loin, qui fut plus bas. Qui fut là, ne fut plus là… Une combe (qui est une petite vallée) venait ; une forêt venait ensuite. Une nouvelle combe vint, une nouvelle pente vint ; et rapidement le village qui courait ; qui passa sans la voir au-dessous de Thérèse ; qui fut plus loin, qui fut plus bas. Qui fut là, ne fut plus là… Une combe (qui est une petite vallée) venait ; une forêt venait ensuite. Une nouvelle combe vint, une nouvelle pente vint ; et rapidement le village ainsi montaitmontait , puis vint aussi à la rencontre de Phémie . Elle rencontra Produit.. Elle rencontra Produit. Et Produit  Produit  : « Qu’est-ce qu’il vous prend ?: « Qu’est-ce qu’il vous prend ?  » parce qu’il aimait à causer, mais elle était… » Il n’a pas pu finir sa phrase déjà passée . Maurice. Maurice , le chercheur d’or, plus bas, cueillait des pommes. Il avait un tablier bleu de jardinier qu’il tenait rassemblé devant lui d’une main ; ses pommes étaient dedans, il en prit une : – Venez voir et vous me direz… Passée. Des femmes l’appelaient par les fenêtres ; le chercheur d’or, plus bas, cueillait des pommes. Il avait un tablier bleu de jardinier qu’il tenait rassemblé devant lui d’une main ; ses pommes étaient dedans, il en prit une : – Venez voir et vous me direz… Passée. Des femmes l’appelaient par les fenêtres ; d’endu haut haut lesdes perrons, perrons, desles femmes lui faisaient des signes : est-ce qu’elle est devenue sourde ? est-ce qu’elle n’y voit plus ? Et puis qu’est-ce qu’elle a à être si pressée, quand plus personne n’est pressé ? femmes lui faisaient des signes : est-ce qu’elle est devenue sourde ? est-ce qu’elle n’y voit plus ? Et puis qu’est-ce qu’elle a à être si pressée, quand plus personne n’est pressé ? Mais cependant passée et encore passée ; et jusqueElle n’en continua pas moins son chemin, – jusqu’à ce qu’elle fût arrivée enfin dans sa cuisine ; là, elle se laissa tomber sur un enfin dans sa cuisine ; là, elle se laissa tomber sur un tabouret. Premièrement permettre aux choses de revenir, n’est-ce pas ? Ne plus du tout bouger, pour les laisser revenir. Elle avait ramené ses bras contre elle, se tenant toute dans le soleil ; et ce fut le soleil d’abord : alors elle leva un petit peu ses mains dedans et c’est bon. Il faut laisser aux choses le temps de revenir, mais elles revenaient, et c’est bon. Et on ne savait plus comme c’est bon. Quand tabouret… la lumière dure trop, c’est comme s’il n’y avait pas la lumière. Mais la lumière était de nouveau là ; alors voilà aussi toutes les bonnes choses : les pots, les deux marmites, les tasses sur le râtelier. Puis il y eut les vitres bien lavées. Et il lui fallut se lever ensuite parce qu’il y avait encore le jardin ; et il y eut tout le jardin… C’est cette nuit qu’il fit si beau (et toutes les nuits étaient belles, mais celle-ci fut belle entre les plus belles). La lune était grande ; elle était partout. On la voyait sur la montagne, en même temps qu’elle semblait C’est cette nuit qu’il fit si beau (et toutes les nuits étaient belles, mais celle-ci fut belle entre les plus belles). La lune était grande ; elle était partout. On la voyait sur la montagne, en même temps qu’elle semblait dedansluire à l’intérieur de la montagne, comme la flamme d’une veilleuse , tellement la montagne , tellement la montagne elle-même éclairaitéclairait . Il y avait, cette nuit-là, une montagne toute transparente . Il y eut, cette nuit-là, une lune qui était grande comme une grande feuille à gâteaux de chez nous. Mais il y a aussi ce secret, et voilà qu’on a vu qu’il va être trop lourd à porter, qu’on ne pourra pas toute seule . Il y eut, cette nuit-là, une lune qui était grande comme une grande feuille à gâteaux de chez nous. Mais il y a aussi ce secret, et voilà qu’on a vu qu’il va être trop lourd à porter, qu’on ne pourra pas toute seule  ;: comme ces corbeilles à lessive ou comme ces corbeilles à lessive ou parfoisbien le seau de la cuisine quand il est plein le seau de la cuisine quand il est plein , et il faut être deux. Et ce fut plus tard sous la lune. Phémie s’était levée. Elle est sortie. Puis  : – Catherine ! Appelant à présent sous les fenêtres de Catherine  : – Catherine ! Appelant à présent sous les fenêtres de Catherine  ; et : – Catherine ! Puis de nouveau  de nouveau  : « Catherine ! » : – Catherine ! De nouveau, et tout doucement ; enfin Catherine parut, mettant sa tête à la fenêtre, mais elle fit signe à Phémie de ne pas monter. Elle venait de coucher la petite Jeanne, la petite Jeanne s’endormait. Et Phémie attendit enfin Catherine parut, mettant sa tête à la fenêtre, mais elle fit signe à Phémie de ne pas monter. Elle venait de coucher la petite Jeanne, la petite Jeanne s’endormait. Et Phémie attendit encore ; elle a été de nouveau seule, encore… Tout il n’y a plus eu que la lune. Puis tout à coup à coup , elle elle s’était Phémie s’est mise à mise à parlerparler et beaucoup , tortillant entre ses doigts l’attache de son tablier. Tortillant, comme ça, l’attache de son tablier ; parlant bas, vite, parlant très bas, très vite, avec des hochements de tête ;, tortillant entre ses doigts l’attache de son tablier. Tortillant, comme ça, l’attache de son tablier ; parlant bas, vite, parlant très bas, très vite, avec des hochements de tête ; et ensuite elle a pris Catherine par le bras. Et Catherine : – Pas possible !… ensuite elle a pris Catherine par le bras. Et Catherine : – Pas possible !… 9 – Surtout, n’en dites rien à personne, n’est-ce pas ? Seulement, il y a eu que Bonvin , le chasseur, passait justement par là ; et la suite a été qu’il a vu les deux femmes. Et la suite a été que les femmes sont bavardes. XV Alors Alors il n’y a plus rien eu qu’un peu de temps. On montre vite, une fois de plus, comment ce fut ce fut dans ce temps-là et ce fut comme c’était avant. On montre vite encore pendant qu’on peut trois cents habitants assis devant chez eux à partir du commencement de la soirée ; occupés le reste du jour à des travaux déjà le lendemain matin… Pitôme distillait toujours toujours les mêmes . La grosse Marie . La grosse Marie va allait remplir son seau à la fontaine remplir son seau à la fontaine  ;. Lucie la Triste (qui Lucie la Triste (qui n’estne pouvait plus plus triste) coudl’être) cousait près de la fenêtre près de la fenêtre . Pitôme distillait . Autour de Pitôme étaient des mots et des phrases, comme quand les mouches bourdonnent, comme quand il y a un vol de mouches l’été (ou plutôt comme quand il y en avait) ; Pitôme jetait les siens parmi, de temps en temps, par un petit échange ; un gamin dans la rue faisait éclater son pétard en bois de sureau. Un homme s’en allait ; un autre, qui venait d’entrer, prenait sa place . Un homme tirait sa pipe de sa poche, la bourrait, frottait l’allumette contre son pantalon, attendait que le soufre eût fini de brûler, approchait du fourneau au couvercle levé la petite flamme . Un homme tirait sa pipe de sa poche, la bourrait, frottait l’allumette contre son pantalon, attendait que le soufre eût fini de brûler, approchait du fourneau au couvercle levé la petite flamme tremblotante… La grande Distillation de tout… La grande Distillation de tout, la grande Purification de tout, disait Pitôme. tremblotante. Les amoureux allaient toujours se promener. Adèle, de Chemin travaillait dans son atelier  ; il travaillait, et puis il travaillait. Le travail était quelque chose qui redemandait constamment, comme autrefois le vin chez ceux qui avaient une pente à la boisson. De nouveau, nouveau, alors, chez Chemin, le marteau qui va de haut en bas, le rabot qui va d’arrière en avant, une mince pelure se lève ; et celles du sapin sont grasses et belles jaunes comme la crême du bon lait, celles du mélèze roses avec des taches noires, comme une aile de papillon. Le coq chante pour dire qu’il est là, les poules chantent pour dire qu’elles ont fait l’œuf ; Adèle poussait du pied le berceau. Les amoureux allaient se promener ; Adèle chantait à avait mis coucher son enfant son enfant . Et elle avait commencé à lui chanter une chanson pour l’endormir une chanson pour l’endormir  ; , mais elle n’ elle n’ arrivaitallait plus jamais jamais au jusqu’au bout de sa chanson, tellement il s’endormait vite. bout de sa chanson, tellement il s’endormait vite. Sous ce ciel lisse et toujours bleu, sa pensée allait, s’arrêtait. Sous ce ciel lisse et doux s’étend à présent un pays où les petits enfants peuvent être abandonnés à eux-mêmes L’enfant dormait. Les amoureux revenaient de se promener. L’homme qui bourrait sa pipe avait fini de fumer sa pipe. Il remettait sa pipe dans sa poche ; – et c’est ici qu’est intervenu Bonvin, le chasseur, parce qu’il s’était de bonne heure mis en route. On l’avait vu monter la pente dans la direction d’Empreyses sans sans qu’ils courent aucun risque ; alors (peut-être bien) on est un peu jalouses ; comment est-ce qu’on ne serait pas un peu jalouses en avoir , quand on voit qu’ils peuvent si facilement se passer de nous ? Mais elle chantait pour n’y plus penser, et son pied allait. Longtemps encore, son pied allait ; puis ses yeux, à elle aussi, se fermaient comme si, la chanson pour dormir, elle se l’était chantée à elle-même. Un beau pays toujours le même… Les amoureux allaient se promener ; ils revenaient. Les amoureux allaient se promener ; Thérèse n’avait rien dit à personne, rien dit à personne, Phémie non plus, ni Catherine ; les étant amoureux revinrent une dernière fois, ce matin-là ; ce fut encore un matin comme tous les dans l’autre vie déjà habitué à se passer de compagnie et à vivre loin des autres autres matins. Mais ici l’histoire est renouée, parce que, ce même matin, il se trouvahommes, dans l’air vide, dans l’air que Bonvin le chasseur avait été faire un tour dans la montagne. Ce n’était pas pas d’ailleurs qu’il y eût été appelé par son travail, ou ses affaires, comme ceux, respiré par par exemple, qui vont marquer du bois ou visiter leurs bêtes dans l’un ou l’autre des chalets ; lui, c’était simplementeux, là où il n’y a point de maisons, où il n’y a même point de chemins pour le plaisir et par un goût qui lui était resté de son ancienne vie ; simplement faire aller ses jambes le long des pentes où c’est un autre mouvement, et ouvrir sa poitrine à l’air d’en haut qui est un autre air . Il mettait une fleur de montagne à son chapeau. Il mettait une fleur de montagne à son chapeau  ;, il passait une plume de geai sous le ruban  il passait une plume de geai sous le ruban ; il sifflait. Parce de son chapeau, puis il partait à grands pas, droit devant lui, parce que c’ que c’ est la liberté là-haut, encore plus de liberté qu’en bas : alors, comme ça, on siffle. Il était un goût qu’il avait avait donc poussé plus loin qu’on ne faisait d’ordinaire ; tout à coup, il entendit qu’on parlait. Il se trouvait au-dessous d’un endroit où justement . Thérèse était Thérèse était assise, mais ne l’avait pas vue et n’avait pas été vu par elle comme , à cause du terrain coupé. Il eut beau lever la tête , il n’apercevait toujours toujours rien. C là-haut avec ses bêtes ; il a pris soin de n’être pas vu d’elle. Bonvin s ’était ’était dans le haut d’un deengagé dans ces ces gros blocs, derrière un buisson d’épine-vinette. Et il se mit à écouter, parce que étroits couloirs où avait déjà passé Phémie et qui du moins le cachaient à Thérèse Thérèse parlait beaucoup : il faut savoir que c’est à une de ses chèvres qu’elle parlait. – Est-ce que tu aurais envie de faire comme la Blanche ? dis, vilaine !… Elle devait tenir la bête par le collier et la secouer parfaitement ; et, de temps en temps, par par moments ; on entendait un vide, il regardait du côté de Thérèse, mais elle tricotait toujours son bas sans même lever la tête la tête   ; alors alors tinter la clochette. – Et sais-tu seulement ce qu’il lui est il se glissait vite arrivé à à la Blanche, parce qu’elle a été trop curieuse ? eh bien, elle doit d’un des quartiers de roc à celui qui venait plus loin. Il s’était dit : « Il n’y a qu’à aller voir ; c’est plein d’imaginations, les femmes. Ça aime à faire beau, ça invente volontiers. Et peut- être être en train deest-ce pur mensonge, brûler dans le grand feu qui ne s’éteint jamais… Elle secoua de nouveau la chèvre  ; de nouveau la clochette tinta : – Avec les voleurs, les ingrats… Elle recommença : – Les voleurs, les ingrats, les orgueilleux, les médisants, les mauvais fils, les portés sur la bouche, les avaricieux, les colères… Ou bien si ça te fait envie, alors c’est bien à ton service, parce que la porte est toujours grande ouverte, et, quand on y passe le cou, le corps y passe tout entier… Elle se mit à rire : – Va seulement demander à Phémie. Heureusement qu’elle avait encore les jambes en bon état. A ce moment, elle dut tirer la bête à elle, car il y eut encore un coup sec de la clochette, puis tout tout se tut. Et Bonvin écoutait toujoursce qu’elles m’ont raconté , mais , mais il n’y avait plus rien à écouter. Il se glissa le long on saura d’un des couloirs, puis du couloir suivant ; son cœur faisait un bruit comme quand on tapote avec le doigt contre un tonneau vide. Et puis voilà quand même (ah ! c’est qu’on a déjà terriblement changé) un feu d’imagination s’allumait en lui comme pour bien à quoi s’en tenir… » Il était arrivé à l’entrée de la gorge , là où la chèvre avait passé et où Thérèse avait passé, où Phémie  Phémie ; il lui avait passé pour finir ; – seulement venait dans toute la tête une grande chaleur de curiosité. Il continua à se glisser entre les rocs ; puis il prit , lui, lui aussi, , comptait bien ne pas s’arrêter si tôt qu’elles, se disant : « On en aura le cœur net, on ira jusqu’au fond, s’il faut… » XVI à l’intérieur de la de la gorge . 10 Chemin était Chemin était toujours en train de en train de tailler au couteau un cœur dans une planche de cerisier, et il penchait travailler à son à son tableau. À un moment donné, Chemin avait levé la tête la tête  de côté sur son ouvrage, l’œil fermé à demi. Il resta ainsi un long moment, ; puis puis il se redressa pour examiner son travail à distance. Il se redressa, il se recula un peu ; il vit que son travail , ayant regardé à travers la porte qui était était bon, comme toujours ; il se remit à son travail. Il fermait de nouveau l’œil à demi, allant chercher avec la pointe de son couteau entre les veines le dessous de la veine ; et ce fut seulement quand il se redressa pour la seconde fois, s’étant alors tourné par hasard de ce côté-là vitrée, on le voit qui court à la porte. La porte donnait au nord , c’est-à-dire du côté , c’est-à-dire du côté du nord. Aude la montagne : au -dessus de la montagne-dessus de la montagne qu’on ne voyait pas, il y avait dans le ciel, dont on n’apercevait que la partie d’en haut, une grosse fumée une grosse fumée s’élevait dans le ciel . Il y avait. Il y avait là dans le ciel comme quand on allumait dans le ciel comme quand on allumait des tas de broussailles, l’automnel’automne dans les , comme quand on faisait champs des feux, à cause de toutes ces brûler les mauvaises herbes mauvaises herbes au coin des champs (et il n’y (et il n’y en a plusa plus , et puis de mauvaises herbes, et il n’y a plus d’automne, mais il y avait il n’y a plus d’automne, mais il y avait la de nouveau cette grosse fumée fumée ). Il brune qui montait). Chemin se demanda : « Qu’est-ce que c’est ? » se demanda : « Qu’est-ce que c’est ? » tout en regardant ; seulement son ouvrage le réclamait déjà : cIl a regardé de nouveau. Mais un bruit de pas s ’était ’était ainsi ; il remit fait entendre et on a passé en courant en avant son couteau ; il ramena ses yeux à sa planche. A ce moment, il fut appelé. Quelqu’un passait devant chez lui devant chez lui  et; à ce moment, il a entendu qu’on l’appelait : l’appelait : – Eh ! « Chemin ! Chemin ! Il reconnut la voix de » il a vu que c’était Phémie Phémie . Il posa son couteau sur l’établi, il vint sur le pas de  ; et, elle, elle devait savoir, puisqu’elle l’appelait ainsi ; alors il a ouvert sa porte sa porte  ; Phémie, mais elle n’était n’était déjà plus làplus là . – Serre-le fort ! recommençait la voix. Serre-le fort !, ayant continué de courir. On entendait seulement qu’elle appelait toujours, et à présent c’était Adèle Adèle prends-le contre toi, serre-le fort !… Et là-bas, la voix , à présent, à présent , c’est-à-dire c’était devant chez Adèle ; devant chez Adèle ; mais déjà repartie, ayant poussé – plus loin plus loin encore ; alors venait la maison d’Augustin : venait la maison d’Augustin : – Est-ce qu’elle est Phémie s’est remise à appeler devant la maison d’Augustin… Chez là ? … Va vite la chercher… Va vite, je te dis… Va vite !… Criant ça, cette voix ; puis elle ne fut plus entendue , parce qu’elle avait pris derrière les premières maisons et avait passé aux suivantes, comme si elle devait faire le tour de toutes… Pendant ce temps, Pitôme, l’alambic l’alambic , chez Pitôme, laissait toujours tomber laissait toujours tomber de temps en temps sa gouttesa goutte qui faisait un  ; l’étonnement de Pitôme a été que le petit bruit  bruit ; à un certain moment, de la goutte la goutte cessa de se faire entendre. Pitôme vit avec surprise que ne s’entendait plus. Il était assis sur un tabouret devant l’alambic, et, lui, n’avait rien vu encore ; la chose lui vint par l’oreille , à cause du silence qui se fit, comme quand une horloge cesse de battre. Pourtant la goutte tombait toujours la goutte tombait toujours . Le  ; et Pitôme a connu que le silence silence de la goutte qui continuait de tomber provenait provenait de ce qu’il y avait dans l’air un autre d’un plus grand bruit  plus grand bruit : mais régnant dehors, un grand bruit sourd et continu, une sorte de grondement, qu’on n’entendait pas tout de suite ; – il y avait seulement qu’il empêchait d ce ne fut qu’au bout d’un certain temps que Pitôme commença à l ’entendre’entendre , ce bruit, les autres bruits moins importants. Pitôme s’est essuyé les mains à son son oreille n’ayant connu premièrement que l’absence et le manque. Il alla, lui aussi, ouvrir tablier de serge verte, se disant  : « Qu’est-ce qui se passe ? » Il a été à sa porte sa porte . Quelques personnes sortaient de chez elles ; il vit passer qu’il a ouverte, en même temps que Chemin Chemin , il lui demanda ouvrait la sienne. Il vit qu  : « Qu’est-ce qu ’il y ’il y a ? » Chemin lui répondit : – Je n’en sais rien ; je vais voir. – Eh bien, tu viendras me dire, dit Pitôme. Parce qu’ avait déjà une grande diminution dans la lumière du soleil et fut sur le point de sortir ; mais on ne peut pas abandonner comme ça on ne peut pas abandonner comme ça sa machine ; et il rentra, il se remit assis. son alambic , quand on veut faire du bon ouvrage ; il revint s’asseoir sur son tabouret devant son alambic. Cependant, CheminChemin , lui, s’était dirigé se dirigeait du côté de la place du côté de la place . Elle ; c’est la place qui est en avant de l’église ; est en avant de l’église ; il y a là un tilleul, un vieux banc de granit entoure le tilleul un vieux banc de granit entoure le tilleul , qui a un tronc comme une tour. qui a un tronc comme une tour. Le Beaucoup de gens avaient fait comme Chemin et venaient ; ils sont arrivés sur la la place ; ils ont vu que le tilleul tilleul y étaitétait là, se tenant au milieu de la place ; tout autour s’étendait la place , presque toujours toujours vide en, en même temps temps ordinaire, et où il y a seulement qu’ un muletun mulet , qui attend, rouge, attaché au tronc par la longe, tirait dessus en allongeant allongeant son cou maigre à la suite du bât en saillie. le cou. Et il y avait bien le Et il y avait bien le tilleul, mais il n’y avait plus son ombre , car une même couleur s’étendait maintenant partout sur la terre qui avait noirci comme après la pluie ; tandis que le muletmulet comme toujours, mais le mulet n’était pas seul. commençait à s’impatienter, grattant dans la poussière avec le tranchant du sabot. Personne Beaucoup de gens étaient déjà venus. On discutait de nouveau, on discutait comme on ne faisait plus, on s’agitait (sur cette place où était le mulet rouge et l’horloge toussa rauque). Jamais la nouvelle vie n’avait encore ressemblé tellement à l’ancienne ; personne ne savait ne savait du resteencore ce qui ce qui arrivait : simplementse passait ; c’était seulement cette inquiétude, ce commencement d’inquiétude, et l’horloge eut le temps de sonner encore une fois (qui ne sonnait plus que pour le plaisir, pourtant ils se mirent à compter les coups), cette inquiétude, ce commencement d’inquiétude, et l’horloge eut le temps de sonner encore une fois (qui ne sonnait plus que pour le plaisir, pourtant ils se mirent à compter les coups), --– tout parmi la grande rumeur tout parmi la grande rumeur , qui continuait à se faire entendre, sans qu’on pût connaître où elle qui continuait à se faire entendre, sans qu’on pût connaître où elle se tenaitrésidait , ni si c’était au-dessus des coups de l’horloge ou au-dessous, ou bien sous la terre ; ou , ni si c’était au-dessus des coups de l’horloge ou au-dessous, ou bien sous la terre ; ou bien encore si elle n’était pas seulement en nous, si ceencore si elle n’était pas seulement en nous, si ce , n’était pas qu’on l’inventait  n’était pas qu’on l’inventait  :; peut-être bien ; – et ils se regardaient. peut-être bien ; – et ils se regardaient. Le mulet attendait sous son bât ; le tilleul donnait encore Ils se regardaient ; mais ensuite ils se sont tournés son ombre . Mais, regardant vers la montagne vers la montagne  après s’être regardés, ; ils ils virentont vu que que ce ne serait pas pour longtemps. Ces les fumées fumées que Chemin avait aperçues au-dessus des toits là-haut s’étaient grandement élevées s’étaient grandement élevées . La menace était écrite désormais pour eux tous dans le, ayant maintenant envahi une bonne moitié du ciel ciel , et là de plus en plus écrite dont elles avaient pris la forme , de , de plus en plus largement écrite, et elle gagnait vers le soleil. sorte qu’elles pendaient sur nous. Contre tout ce côté du nord, c’était comme s’il poussait un murContre tout ce côté du nord, c’était comme s’il poussait un mur de fumée au-dessus du mur des rochers. Le gris des choses tourna au brun, le jaune au roux, le vert au noir. C’était sous Empreyses et quand on tire du côté de Prâpio au-dessus du mur des rochers. Le gris des choses tourna au brun, le jaune au roux, le vert au noir. C’était sous Empreyses et quand on tire du côté de Prâpio , et : voilà qu’il n’y avait déjà plus d’Empreyses, ni de Prâpio voilà qu’il n’y avait déjà plus d’Empreyses, ni de Prâpio , et plus ces ventres et ces avancements, là où le roc et les rochers faisaient ventre et avancement . L’agitation s’. L’agitation s’ accrutaccrût . Depuis si longtemps, n’est-ce pas ? d’aussi loin qu’ils se souvenaient, plus jamais aucun nuage : toujours ce même bleu lisse du ciel comme sur un mur fraîchement repeint, l’ombre fidèle autour des troncs comme l’aiguille sur son cadran, et, quand j’étends le bras, . Depuis si longtemps, n’est-ce pas ? d’aussi loin qu’ils se souvenaient, plus jamais aucun nuage : toujours ce même bleu lisse du ciel comme sur un mur fraîchement repeint, l’ombre fidèle autour des troncs comme l’aiguille sur son cadran, et, quand j’étends le bras, je l’ai continuellement qui se déplace à mon côté par terre, j j ’ai à côté de moi cette ombre de mon bras comme un autre bras que j’aurais…’ai à côté de moi cette ombre de mon bras comme un autre bras que j’aurais… Il se fit qu’ils n’eurent Et il n’y avait plus d’ plus d’ ombre, ils se confondaient avec le sol par leur couleurombres parce que tout était ombre . La qualité de la couleur de l’air fut diminuée jusqu’à devenir celle de la terre ; . La qualité de la couleur de l’air fut diminuée jusqu’à devenir celle de la terre ; tout se trouva brouillé dans l’obscurcissement. Ils n’avaient plus leur ombre, il n’y avait plus d’ombre. Rien il ne resta rien que cette épaisseur brune que cette épaisseur brune devant eux , comme quand le brouillard se lève, comme quand le brouillard se lève  ; et elle venait. A un. À un certain endroit endroit , alors, elle fut fendue ; on entendit un bruit comme quand une pluie d’orage commence à tomber ; – et ce fut dans le chemin creux, qui se trouva rempli tout d’un coup comme si en effet une grosse averse était survenue : les chèvres, tout le troupeau qui redescendait en courant ; , alors, elle fut fendue ; on entendit un bruit comme quand une pluie d’orage commence à tomber ; – et ce fut dans le chemin creux, qui se trouva rempli tout d’un coup comme si en effet une grosse averse était survenue : les chèvres, tout le troupeau qui redescendait en courant ; et puis ils puis ils virentont vu Thérèse venir derrière  Thérèse venir derrière  : ; et elle levait son bâton en poussant des cris, comme une sauvagesse : « Hô ! hô ! elle levait son bâton en poussant des cris, comme une sauvagesse : « Hô ! hô !  » le levait, l’abattait : « Hô ! hô ! » on entendait le bruit des nœuds sur les échines : « « Hô !…  » Ils essayèrent de l’appeler : – Thérèse ! Parce qu’elle venait de là-haut et peut-être qu’elle, elle saurait ; mais elle poussa plus fortement sa voix sans les entendre : – Hô !  » Ils essayèrent de l’appeler : – Thérèse ! Parce qu’elle venait de là-haut et peut-être qu’elle, elle saurait ; mais elle poussa plus fortement sa voix sans les entendre : – Hô ! hô…hô !… hô ! hô !… hô ! hô !… EtElle avait déjà disparu : avait déjà disparu : alors seulement, un instant encore, et il n’y eut plus , de nouveau, que l’avancement de ces fumées, qui l’avancement de ces fumées, qui traînaient pendaient à présent sur le devant de la montagne, en sorte à présent sur le devant de la montagne, en sorte qu’il n’y eut plus que que les premières pentes d’herbe les premières pentes d’herbe à continuer d’être vuesétaient seules en vue , peintes par contraste en vert clair. , peintes par contraste en vert clair. Et ce fut à travers l’épaisseur et ce fut tout d’abord comme derrière unIls regardaient toujours et, à mesure qu’ils regardaient, ils voyaient moins avant dans la distance diminuée. Une sorte d’épais rideau  rideau : il semble qu’on voyait un homme qui venait venait ; à eux ; et, lui, fut d’abord derrière ce rideau, il venait derrière ce rideau il venait derrière ce rideau   , on ne l’a distingué d’abord que vaguement  ; il levait les bras, il se retournait; il levait les bras, il se retournait  ;, il venait il venait vers vousencore , il se retournait ; – , il se retournait ; – il vint, il vint encore, tout à coup il parut il parut , il fut dans la partie dans la partie éclairée, il de la pente encore visible, il fut en haut de ces premières pentes de pré : Bonvin ! Bonvin, le chasseur ! – Bonvin ! On criait : « Bonvin ! Bonvin ! » fut en haut de ces premières pentes de pré : Bonvin ! Bonvin, le chasseur ! – Bonvin ! On criait : « Bonvin ! Bonvin ! » ilIl s’était arrêté. Mais parce qu’il avait besoin de souffler, rien de plus s’était arrêté. Mais parce qu’il avait besoin de souffler, rien de plus  ; seulement ça, et pas de vous. Besoin de faire halte un petit moment sans quoi on sent qu’on va tomber ; et il . Il est là, les bras est là, les bras appliqués le long du corps, la tête tenue un peu renversée ; puis, s’étant retourné encore, il lève brusquement son coude replié à hauteur de son visage, le long du corps, la tête tenue un peu renversée ; puis, s’étant retourné encore, il lève brusquement son coude replié à hauteur de son visage, en faisant un mouvement de côté, comme quand on va recevoir un coup ;comme quand on va recevoir un coup ; – alors – à ce moment , ce fut comme s’il se levait, en arrière de lui, un grand rire. – Bonvin ! Bonvin ! Mais, ce fut comme s’il se levait, en arrière de lui, un grand rire. – Bonvin ! Bonvin ! Mais , eux non plus eux non plus , ne savaient déjà plus très bien ce qu’ils faisaient, ni ce qu’ils disaient, ni ce qu’ils auraient eu à faire ou à dire, à cause d’une grande nuit qui était tombée tout à coup ne savaient déjà plus très bien ce qu’ils faisaient, ni ce qu’ils disaient, ni ce qu’ils auraient eu à faire ou à dire, à cause d’une grande nuit qui était tombée tout à coup  ; et, eux non plus, on ne les a plus vus . Une nuit qui serait venue bien avant le temps ordinaire ;. Une nuit qui serait venue bien avant le temps ordinaire ; une nuit sans étoiles, une nuit comme une nuit comme il n’y on n’ en avait jamais en avait jamais eu encore encore ici, et les étoiles pour la première fois sont absentes de la voûte. Dans les maisons aussi, ils l’avaient vue venir (ceux qui étaient restés connu aucune . Ils cherchent dans les maisons dans les maisons ) et ceuxci n’osaient plus sortir . Ils cherchent à allumer leurs lampes à pétrole : l’allumette qu’on approche de la mèche à allumer leurs lampes à pétrole : l’allumette qu’on approche de la mèche vous trembleleur tremblait entre les doigts, laissant tomber les gouttelettes de soufre enflammé sur entre les doigts, laissant tomber les gouttelettes de soufre enflammé sur votreleur pantalon. Ils essayaient de s’asseoir à des tables ; ils ne pantalon. Ils essayaient de s’asseoir à des tables ; ils ne le pouvaient pas, ni rester debout. pouvaient pas, ni rester debout. Jamais encoreIls ne connaissaient plus la peur, et la peur, et puis la revoilàelle revenait, ou quoi ? pas tout à fait peut-être encore, mais presque ; et puis drôle de chose ! et c’était chez Pitôme (parce qu’il y avait beaucoup de monde chez Pitôme) ; il vous tendait son gros verre à vin, rempli jusqu’à la moitié d’un liquide qui ressemblait à de l’eau, mais qui y ressemblait seulement : la plupart refusaient, la plupart secouaient la tête ; – mais voilà que, soudain, chez ceux qui acceptaient, l’ancien effet, celui de l’autre vie, recommençait à se faire sentir ; de nouveau le liquide agissait, une chaleur leur descendait le long du tube dans l’estomac, s’arrondissait, leur gagnait tout le corps, ou quoi ? pas tout à fait peut-être encore, mais presque ; et puis drôle de chose ! et c’était chez Pitôme (parce qu’il y avait beaucoup de monde chez Pitôme) ; il vous tendait son gros verre à vin, rempli jusqu’à la moitié d’un liquide qui ressemblait à de l’eau, mais qui y ressemblait seulement : la plupart refusaient, la plupart secouaient la tête ; – mais voilà que, soudain, chez ceux qui acceptaient, l’ancien effet, celui de l’autre vie, recommençait à se faire sentir ; de nouveau le liquide agissait, une chaleur leur descendait le long du tube dans l’estomac, s’arrondissait, leur gagnait tout le corps, puis leur éclatait dans la tête. Ils se mettaient à parler tous à la fois ; brusquement, ils se taisaient comme si quelqu’un eût levé la main pour les faire taire, mais personne n’avait levé la main. Ils parlaient de nouveau, ils se taisaient, ils se regardaient, ils baissaient les yeux. Et l’alambic, depuis quelques heures, donnait beaucoup moins, les gouttes moins grosses, plus espacées, comme si l’esprit eût diminué leur éclatait dans la tête. Ils se mettaient à parler tous à la fois ; brusquement, ils se taisaient comme si quelqu’un eût levé la main pour les faire taire, mais personne n’avait levé la main. Ils parlaient de nouveau, ils se taisaient, ils se regardaient, ils baissaient les yeux. Et l’alambic, depuis quelques heures, donnait beaucoup moins, les gouttes moins grosses, plus espacées, comme si l’esprit eût diminué et que la matière épaisse se fût épaissie encore . De nouveau, dans les baquets où les racines trempaient, une écume s’était formée, et c’est qu’elles refermentaient. Alors Pitôme s’était mis à montrer la chose du doigt ; il hochait la tête. De nouveau, dans les baquets où les racines trempaient, une écume s’était formée, et c’est qu’elles refermentaient. Alors Pitôme s’était mis à montrer la chose du doigt ; il hochait la tête  :. – C’est drôle, il y a de nouveau de l’impureté. Et ensuite : – M’est avis qu’on revient en arrière. – C’est drôle, il y a de nouveau de l’impureté. Et ensuite : – M’est avis qu’on revient en arrière. Et encore ça, – Pitôme qui est là, Pitôme qui dit ça ; puis, il Il y a eu comme si un grand soupir se faisait entendre  y a eu comme si un grand soupir se faisait entendre ; il passa par-dessouset il a passé sous la porte. Est-ce le vent ? non, ce n’est pas le vent. Le bruit de nouveau venait par-dessous la porte, il glissa la porte. Est-ce le vent ? non, ce n’est pas le vent. Le bruit de nouveau venait par-dessous la porte, il glissa tout le long des murs, il se promena sur le toit le long des murs, il se promena sur le toit  :; après quoi, il y a eu comme si quelqu’un courait, comme si quelqu’un avait passé en courant devant la maison après quoi, il y a eu comme si quelqu’un courait, comme si quelqu’un avait passé en courant devant la maison , quelqu’un repassait en courant devant la maison . – As-tu bien fermé ? dit-on à Pitôme. Mais on repassait devant la maison. La porte a été secouée. Et Pitôme : – Qui est. – As-tu bien fermé ? dit-on à Pitôme. Mais on repassait devant la maison. La porte a été secouée. Et Pitôme : – Qui est -ce ? – Ne va pas, malheureux ! – Que oui ! – Que non ! – Allons ! dit Pitôme. Il là ? Et il va pour ouvrir la porte, mais la porte s’ ouvre ouvre : d’elle-même ; – alors un homme un homme a étéentre, comme poussé comme poussé despar deux mains deux mains à l’intérieur, il a, fait un pas, fait fait encore encore deux ou trois grands pas tout en travers de la cuisine. C’était Bonvin. Saun grand pas, puis on le voit qui s’arrête ; et sa mâchoire lui mâchoire lui était tombée jusque tombe sur son devant de chemise sur son devant de chemise  ; puis la lumière (quand même ce n’ , tandis qu’il regardait lentement autour de lui, sans paraître comprendre où il étaitétait qu’une pauvre petite lumière de falot-tempête) sembla . Il a fallu qu’on lui lui faire du bien ; il dit parlât, il faut qu’on vienne, qu’on le secoue : – Bonvin ! Bonvin ! Alors lui  : –  : – Gare Gare… gare à vous ! à vous ! Ils viennent… … – Quoi ? – Ils… ils viennent. – Qui ça ? – Qui ça ? Il dit : – C’est que– J’ai été, j’ai été jusqu’au j’ai été jusqu’au fond et ils m’ont vu. Il dit : – fond… Je les ai Je les ai dérangés d’où ils étaient, et ils m’ont vu… Je leur ai montré le chemin ; ils viennent… dérangés… Et de nouveau : – Qui ça ? Mais, à ce même moment, – Qui ça ? Mais, à ce même moment, comme il s’était s’étant tourné tourné de nouveau vers la fenêtre, sa mâchoire lui retomba vers la fenêtre, sa mâchoire lui retomba et , il eut le fil de la parole coupé ; il eut le fil de la parole coupé ; alors on se tourna vers où il on se tourna vers où il se tournaits’était tourné lui-même lui-même ,  ; et on vit on vit une qu’il y avait là-haut une grande lueur lueur rouge rouge qui était carréedécoupée en carré . Il la montra encore avec le bras en reculant . Il la montra encore avec le bras en reculant  ;: c’était à cause de la fenêtre carrée ; et c’était à cause de la fenêtre carrée ; et il montrait cette grande la lueur lueur dehors avec le bras, en reculant. La entrant par la fenêtre l’éclairait, et tous furent éclairés par elle, qui était là-haut dans le ciel comme quand un volcan crache son feu. En même temps, la maison s’était mise à balancer maison s’était mise à balancer  ; on entendit craquer , les murs les murs et le plafond ; et tousont penché, les portes craquèrent : alors alors , ils se sont portés dehors tous tous ceuxensemble à cause du danger du toit qui qui étaient là,était encore le à cause de ce plus grand danger plus grand danger se portèrent en hâte vers la porte. On faisait. Chez Pitôme et chez ses voisins, et dans toutes les maisons de même de même  partout. Devant chacun, sa porte, et; dans toutes les maisons du village ils se portaient ainsi vers le dehors, puis puis son escalier et dans toutes les rues vers un endroit à découvert, – voyant devant eux les marches les marches de son escalier furent peintsdes escaliers peintes en rouge en rouge suret noir noir pour leur dire : là ! Et le chemin de même fut peint en rouge. Ils allaient , sur lequel ils sont allés, allant tous tous vers le sur le même même chemin, parce qu’il n’y en avait qu’un possible, n’y ayant qu’un endroit où ils pussent être en sûreté et tous alors point. C’était en avant du village, et de là on pouvait tout voir. Tous qui venaient sur ce sur ce même chemin, chemin, étantétaient peints en noir sur peints en noir sur sonle rouge. Peints en noir l’un à côté de l’autre sur le rouge, avec les façades des maisons, sur un des côtés du chemin, rouges, et de l’autre côté pas rouges. Et eux une joue rouge et pas l’autre. rouge. Peints en noir l’un à côté de l’autre sur le rouge, avec les façades des maisons, sur un des côtés du chemin, rouges, et de l’autre côté pas rouges. Et eux une joue rouge et pas l’autre. Se poussant. Tous qui venaient, tous qui montaient ensemble, Tous qui venaient, tous qui montaient ensemble, à présent. Bé. Bé, Produit Produit . Serment., Sarment, Delacuisine Delacuisine ., Besson. On vit que Phémie avait vite été chercher Catherine (puisque toutes deux devaient savoir), et la soutenait, tandis que Catherine donnait la main à la petite Jeanne. Allant tous les uns à côté des autres et les uns derrière les autres, bien serrés, parce qu’il n’y a qu’un seul endroit où on puisse espérer d’être en sûreté ; Besson. On vit que Phémie avait vite été chercher Catherine (puisque toutes deux devaient savoir), et la soutenait, tandis que Catherine donnait la main à la petite Jeanne. Allant tous les uns à côté des autres et les uns derrière les autres, bien serrés, parce qu’il n’y a qu’un seul endroit où on puisse espérer d’être en sûreté ; mais qu’est-ce qu’il nous arrive ? Et est-ce vrai ? mon Dieu ! quoi alors ? Et Pitôme aussi, et Chemin. Chemin, Pitôme aussi ; les gens qui étaient chez Pitôme, parmi lesquels Bonvin qui tenait sa tête des deux mains comme si elle allait lui partir. Et Augustin, et Augustine. Et et tous, tous, tous pour finir. Et tous pour finir pour finir, amenés là-haut : alors ils furent éclairés par amenés là-haut : alors ils furent éclairés par - devant. La terre bougea encore une fois et encore une fois vint ce bruit qui ressemblait à celui d’un grand vent. devant. La terre bougea encore une fois et encore une fois vint ce bruit qui ressemblait à celui d’un grand vent. Et il se trouvaIl s’est trouvé que le seul endroit où ils fussent en sûreté était aussi l’endroit d’où on pouvait le mieux tout voir ; il que le seul endroit où ils fussent en sûreté était aussi l’endroit d’où on pouvait le mieux tout voir ; il se trouvas’est trouvé également qu’ils furent obligés de regarder, également qu’ils furent obligés de regarder, parce que, dans leur dos, la menace eût été encore plus terrible. Obligés obligés de faire face, obligés d’être là, obligés d’assister à ça : et, d’abord, ils virent seulement que la montagne était devenue rouge clair et transparente comme du verre dans le feu ; puis de faire face, obligés d’être là, obligés d’assister à ça : et, d’abord, ils virent seulement que la montagne était devenue rouge clair et transparente comme du verre dans le feu ; puis , s’étant habitués à en soutenir l’éclat, ils redistinguèrent les formes ; ils virent Empreyses revenu et Prâpio ; les dernières fumées s’élevèrent : ce fut alors pour eux comme quand on regarde à travers une loupe les dernières fumées s’élevèrent : ce fut alors pour eux comme quand on regarde à travers une loupe  ; ça venait, ça s’agrandissait ; – , comme quand on met une lentille entre son œil et la page d’un livre comme quand on met une lentille entre son œil et la page d’un livre , ; et les lettres et les lettres grossissent, elles montentmontent , et montent, qui font à vous, faisant des mots, qui font des phrases, qui font un sens. des mots, qui font des phrases, qui font un sens. Sans rien dire, ni bouger ; occupés seulement à voir et à regarder. Seulement occupés à regarder et à mettre ensemble. Ça coulait dehors par tous les trous, toutes les crevasses, toutes les fissures Ça coulait dehors par tous les trous, toutes les crevasses, toutes les fissures , les moindres fentes . Comme quand une conduite d’eau saute. Comme quand une conduite d’eau saute  ;, comme quand un tuyau d’arrosage crève, comme quand il y a une comme quand un tuyau d’arrosage crève, comme quand il y a une trop forte pressionforte pression et que ce qui était là pour la contenir ne peut plus. Et il y eut vite une . Une voix voix se fit entendre encore, celle de Bonvin : « C’est ma faute ! » parce que tout le temps il va dire : « C’est ma faute ! » et Bonvin de nouveau : « C’est moi ! c’est moi ! » mais on aurait compris sans lui. Ceux d’en bas, encore, celle de Bonvin : « C’est ma faute ! » parce que tout le temps il va dire : « C’est ma faute ! » et Bonvin de nouveau : « C’est moi ! c’est moi ! » mais on aurait compris sans lui. Ceux d’en bas, ceux de dessous ! Ceux d’en dessous de nous de dessous ! Ceux d’en dessous de nous , les punis  ! Ceux auxquels on ne pensait plus ! Ceux qui sont dans les tourments à toujours, quand ! Ceux auxquels on ne pensait plus ! Ceux qui sont dans les tourments à toujours, quand , nous, on était dans le bonheur à toujours, mais nous, on était dans le bonheur à toujours, mais ça va changer. Ils viennent ; ça va changer. Et, en effet , à présent , ils venaient de partout. Ils se tiraient dehors par grappes les uns les autres, ils tombaient à deux et à trois ; ils roulaient à deux ou à trois, ils venaient de partout. Ils se tiraient dehors par grappes les uns les autres, ils tombaient à deux et à trois ; ils roulaient à deux ou à trois sur la pente . Dans le grand éclairage, vus comme tout à côté de vous, semblant encore plus proches qu’ils n’étaient en réalité ; – et . Dans le grand éclairage, vus comme tout à côté de vous, semblant encore plus proches qu’ils n’étaient en réalité ; – et tout seon les distinguait dans le plus grand détail. Comme sur les images, dans le temps, l’autre temps, sur les peintures des églises. distinguait dans le plus grand détail. Comme sur les images, dans le temps, l’autre temps, sur les peintures des églises. Comme quand on tenait l’image devant soi ou bien on se tenait devant une de ces peintures. Avec pas de mains ou pas de figure, ou bien rien qu’une main, ou encore pas de pieds. Sans peau, Avec pas de mains ou pas de figure, ou bien rien qu’une main, ou encore pas de pieds. Sans peau, tout entoute la chair chair rougeà nu , ou au contraire , ou au contraire pas desans chair chair , et la peau collée à même et la peau collée à même la pierre des les os. Qui roulaient ; et puis, sitôt arrêtés, qui écartaient des deux mains leurs cheveux, – parce que leurs cheveux leur tombaient par os. Qui roulaient ; et puis, sitôt arrêtés, qui écartaient des deux mains leurs cheveux, – parce que leurs cheveux leur tombaient par - devant jusque sur la poitrine, et, les jetant par-dessus une épaule et puis par-dessus l’autre épaule, ils regardaient. Ils ricanaient ; ils se portaient en avant. – (Et eux, tous là à regarder de leur côté, et obligés de regarder.devant jusque sur la poitrine, et, les jetant par-dessus une épaule et puis par-dessus l’autre épaule, ils regardaient. Ils ricanaient ; ils se portaient en avant. – (Et eux, tous là à regarder de leur côté, et obligés de regarder. – ) Et ces autres, alors, les ) Et ces autres, alors, les apercevantapercevaient tout à coup : alors ils voulaient venir. Ils ricanaient, ils leur faisaient le poing. Une voix tout à coup : alors ils voulaient venir. Ils ricanaient, ils leur faisaient le poing. Une voix , par-dessus les autres, appela : «  par-dessus les autres, appela : «  EhHé  ! » puis elle dit : « On vient ! » Tout riait alors dans le nombre ! » puis elle dit : « On vient ! » Tout riait alors dans le nombre . Cependant on pleure . Il y avait un mélange de tout, parce que les passions sont pêle-mêle comme les corps. Une là-bas a dû voir Adèle ; alors on la voit elle aussi . Il y avait un mélange de tout, parce que les passions sont pêle-mêle comme les corps. Une là-bas a dû voir Adèle ; alors on la voit elle aussi ;et elle balance devant elle rien elle balance devant elle rien , ; elle est belle, elle a ses beaux seins nus qui sortent. elle est belle, elle a ses beaux seins nus qui sortent. Elle tire encore de la main sur l’étoffe du corsage et tire et tire, l’étoffe vient en bas ; alors ses grands seins blancs, redressés du bout, qui lui font mal : quelque Quelque chose qui n’est rien qu’elle chose qui n’est rien qu’elle veut serrer serre contre eux contre eux  : , un enfant qu’elle n’a plus, un enfant qu’elle croit qu’elle a ; et à Adèle : « Tu as le tien, toi ! mais attends ! attends seulement !… » Celles et ceux qui et à Adèle : « Tu as le tien, toi ! mais attends ! attends seulement !… » Celles et ceux qui ne sont pas sont tourmentés tourmentés dans leur chair, mais dans leur cœur, mêlés à ceux et celles qui sont tourmentés dans leur chair. Celle-ci, par exemple, qui cherche, cherche, cherche ; et qu’est-ce qu’elle cherche ? et jamais dans leur cœur, mêlés à ceux et celles qui sont tourmentés dans leur chair. Celle-ci, par exemple, qui cherche, cherche, cherche ; et qu’est-ce qu’elle cherche ? et jamais tu ne trouveraselle ne trouvera , mais, mais à toujours toujours tu chercheraselle cherchera . Celle-ci, là-bas, sans Augustin, sœur d’Augustine ; puis, apercevant Augustine, elle s’est jetée en avant : elle est tombée, elle se relève, elle retombe ; alors ils sont trois ou quatre à lui rouler par-. Celle-ci, là-bas, sans Augustin, sœur d’Augustine ; puis, apercevant Augustine, elle s’est jetée en avant : elle est tombée, elle se relève, elle retombe ; alors ils sont trois ou quatre à lui rouler par- dessus… Cette fausse Augustine là-bas, cette Augustine malheureuse ; la vraie ici, et ici l’heureuse ; alors voilà que l’heureuse se serre tant qu’elle peut contre le côté de la large épaule et le drap, parce que peut-être ça va être fini pour nous. S’ils viennent, s’ils venaient : et Bonvin : « C’est moi ! c’est moi ! » se frappant alors à grands coups le côté de la tête ; mais Phémie : « Non ! ce n’est pas toi, ou pas toi tout seul… » voulant alors continuer, seulement on ne l’entendait plus dans le bruit dessus . Et eux. Et eux donc , pendant ce temps, tous là : Catherine qui a caché la tête de la petite Jeanne sous son tablier ; Pitôme tenant à la poignée, comme toujours, toute sa barbe ; Bé qui a dit : « Si seulement je n’étais pas revenu à la vue  tous là : Catherine qui a caché la tête de la petite Jeanne sous son tablier ; Pitôme tenant à la poignée, comme toujours, toute sa barbe ; Bé qui a dit : « Si seulement je n’étais pas revenu à la vue  » –! » rangés là cependant rangés là cependant et tous alignés là, obligés d’être là et obligés de regarder ; et immobiles tout d’abord ; – puis et obligés de regarder ; et immobiles tout d’abord ; – puis , quand même, comme s’ils ne pouvaient plus : cherchant cherchant alors à quand même à faire un mouvement pour s’arracher et fuir, tirant sur un de leurs pieds, tirant sur l’autre de leurs pieds, renversant le corps comme on fait de la tige d’une plante qu’on déracine ; – inutilement. faire un mouvement pour s’arracher et fuir, tirant sur un de leurs pieds, tirant sur l’autre de leurs pieds, renversant le corps comme on fait de la tige d’une plante qu’on déracine ; – inutilement. Et maintenant, c’était tout proche, – maisPendant que là-haut ça venait toujours toujours inutilement. Et alors ça vint encore, et , et, à cause de à cause de l’ cette abondance même, ça montait comme quand une vague se met par-dessus une vague et par-dessus celle-ci une autre ; ça montait, ça venait, ça monta encore, ça vint ; – et, eux, pensant à ce qu’ils avaient eu et à ce qu’ils avaient été : « Fini !… » abondance même, ça montait comme quand une vague se met par-dessus une vague et par-dessus celle-ci une autre ; ça montait, ça venait, ça monta encore, ça vint ; – et, eux, pensant à ce qu’ils avaient eu et à ce qu’ils avaient été : « Fini !… » Avec une pensée tournée encore vers leur bonheur, et un regret : « Fini ! » Et de nouveau : « Fini !… fini !… » Et non Mais ce ne fut pas le cas , parce qu’il y a, parce qu’il y a quand même un ordre. un ordre. Parce que ceux-làCeux de là-haut étaient les punis étaient les punis  : alors, c’est pourquoi ils sont impuissants. ils sont impuissants. AÀ un moment donné, un moment donné, ils furent retenus ; ils furent ramenés ils furent ramenés . Ils furent ramenés en arrière, par le moyen d’eux-mêmes et par le moyen d’eux-mêmes et le moyen de leursleurs propres passions propres passions . Non extérieurement ramenés et reconduits, mais intérieurement. Il y avait la jalousie . Ils s’empêchaient les uns les autres. Ils se . Ils s’empêchaient les uns les autres. Ils se détruisaient mutuellement tiraient les uns les autres en arrière. Ne pouvant pas être chacun le premier, ils ont préféré n’être plus . Ils . Ils se ramenaient aux fissures. Seulementont disparu, sitôt apparus. C’est seulement une menace qu’il y a une menace qu’il y a eue  eu sur nous, de manière que nous connaissions mieux ce que nous sommes  ; puis la grande gorge s’avança comme une mâchoire, et les reprit. Il y eut l’ombre; puis la grande gorge s’avança comme une mâchoire, et les reprit. Il y eut l’ombre de nouveau . La fumée revenait, qui avait été au commencement. La montagne s’éteignit peu à peu, comme quand une lampe qu’on porte à la main s’éloigne à l’intérieur d’une . La fumée revenait, qui avait été au commencement. La montagne s’éteignit peu à peu, comme quand une lampe qu’on porte à la main s’éloigne à l’intérieur d’une maison… 11 Pourtant ils ont été longtemps encore ici sans paraître entendre, ni voir. Depuis un bon moment, l’oiseau a commencé ; il s’encourage, il pousse sa note ronde. Il pousse une note ronde par-dessus une autre note ronde, comme le jet d’eau ses perles, perçant l’air. On commence aussi à voir la montagne. Il y a eu l’oiseau d’abord, puis il maison. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XVII Et il y a eu y a eu la montagne : on a vu qu’elle devenait toute rose, d’un très doux mince petit rose, comme quand le soleil enfin commence seulement d’être au bord du ciel et ce n’est encore qu’un reflet de lui qui vous est envoyé par les glaciers. Comme si la journée seulement commençait, et qui est en effet une journée nouvelle ; et donc ces recommencements : l’oiseau d’abord, puis la montagne ; et puis, à présent, deux fois la montagne, une première fois dans l’air, une seconde dans l’étang, qui fut rond par elle et se dessina et lui aussi il fut tout rose. Et ainsi, un moment, plus rien, puis quelque chose, et puis peu à peu toujours plus de choses ; cependant ils continuaient à ne sembler ni entendre, ni voir. Seulement les mains qu’ils bougent, comme le dormeur dans son lit avant qu’il soit tout à fait réveillé, qu’ils rebougent, qu’ils font rebouger ; et puis ils les ont reconnues, ils ont connu qu’elles étaient là ; mais seulement ainsi les promenant devant leurs figures, les faisant aller devant eux, comme ça. Il fallut que l’oiseau recommençât à chanter, il fallut que la montagne de nouveau fût vue : alors le silence dont leurs oreilles étaient encore pleines tomba de leurs oreilles, la nuit qui était restée dans leurs yeux tomba de leurs yeux. Et, toutefois, c’était comme s’ils n’osaient pas y croire encore, pas croire encore à ce que leur montraient leurs yeux, à ce que leur disaient leurs oreilles : il fallut donc premièrement qu’ils s’assurassent chacun de soi-même avec ses mains et, s’étant assurés d’eux-mêmes, ils s’assurassent avec leurs mains les uns des autres . Ils vinrent, ils se touchaient : mais alors le piquant des étoffes de grosse laine fut sous leurs doigts et ces chemises de forte toile faite chez nous avec le chanvre de chez nous, semé par nous ; ils reconnurent au toucher ce grenu, ce poilu, ce rêche ; il leur fallut encore le reconnaître au toucher, comme quand l’aveugle de chair recouvre la vue, comme Bé a fait une fois, comme s’ils ressuscitaient à nouveau ; – et ils se tinrent un instant immobiles ; mais quand l’oiseau de nouveau chanta, Bonvin tout à coup leva les bras et Bonvin dit quelque chose. Bonvin leva les bras, Bonvin dit quelque chose ; Maurice le chercheur d’or leva les bras, dit quelque chose. Et ils se tournèrent les uns vers les autres ; alors on vit Adèle qui prenait son petit et qui le tendait devant elle : et le tint ainsi tendu un moment, puis vite le ramena, et vite le reblottissait dans sa poitrine bonne chaude, se penchant sur lui avec des baisers. Et Adèle Genoud fut l’une, mais Phémie était déjà l’autre, ayant été à Catherine, et l’ayant prise par la main. Et Augustine fut la troisième, car Augustine venait aussi. On voyait que sa jupe était brune avec des gros plis ; son corsage était plat sous un mouchoir de cou rouge. On voyait que son corsage était plat, son petit chapeau était plat et posé un peu de travers sur un chignon pareil à une grappe de raisins noirs, – elle vint donc, elle se tenait là ; et, parce qu’elle était moins grande que lui, elle se soulevait sur la pointe des pieds, elle tendait vers en haut tout son corps et en haut de son corps ses bras, et, lui, il la tenait par les deux côtés de la tête. Et tous ceux qu’on sait qui sont là. Tous ceux qu’on sait qui sont de nouveau là, bien rangés les uns à côté des autres dansle bel éclairage revenu tout entier ; tous ceux qu’on sait, comme ils étaient. Ces chapeaux de feutre, ces vestes carrées, ces pantalons ronds comme des tuyaux ; et également ces mouchoirs de cou, également ces jupes de grosse laine. Se retrouvant, qui s’étaient retrouvés . Qui retrouvaient la vie, qui retrouvaient leur vie. Mais, parce qu’ils avaient cru la perdre, elle est comme plus de vie. Il n’y avait plus rien, on ne savait plus voir ; ils voyaient de nouveau et comme pour pour la première fois. Tout se tenait de nouveau devant eux dans une grande nouveauté. Il y avait cette richesse ; ils s’énuméraient leurs richesses. Ils regardaient de tout côté. Il y avait de nouveau l’endroit nu auprès de l’endroit boisé ; l’endroit verni de soleil auprès de l’endroit mouillé d’ombre. La montagne fut verte à nouveau de deux verts, grise de deux gris. Tout ce qu’on ne se connaissait plus ; tout ce qui est votre propriété. Leurs petits champs, leurs petits prés. De nouveau, le mûrissement de l’orge était une belle couleur dorée, au-dessous des prés bruns à cause des foins pas fauchés. Il y avait tous ces arbres fruitiers. Il y avait ces boules blanches, il y en avait qui étaient roses eux  : elles étaient posées sur des pentes si raides qu’on s’étonnait de ne pas les y voir rouler. Tout qui revit dans sa fraîcheur ; tout le tout le pays (qui était leur pays),ciel quand il y a eu toute la terre toute la terre sortant à neuf, – qui leur étaient rendus, mais comme s’ils leur étaient donnés. Et toutes ces richesses du dehors, mais pas seulement celles du dehors, parce qu’ de nouveau ; il y il y avait aussi ces autres, celles du dedans, qu’on n’avait plus, qui revenaient. Et on n’avait plus le bonheur, mais le bonheur vous a été rendu. Alors ils firent encore un grand mouvement avec la tête comme pour dire oui ; un grand mouvement avec la tête de haut en bas, comme pour dire on sait, on voit ; puis un grand mouvement de a eu pour eux toute la joie quand la souffrance est revenue prendre place à côté côté et de tout côté, comme pour tout bien voir encore une fois, tout bien voir et bien dénombrer, tout bien serrer en eux et se le rappeler, et désormais le tenir là ; mais tout à coup ce fut comme si ce mouvement, parti d’eux, gagnait les choses ; et, elles aussi, partout ce fut d’elle. Chemin a compris pourquoi comme si elles disaient oui. Le soleil se balança dans le ciel. A cause d’un peu d’ombre sur ses bords et d’un reflet à son son centre, l’étang parut se soulever. Les saules qui étaient sur le bord lâchèrent leurs oiseaux comme une fronde lâche sa pierre. Et, en arrière de l’étang, la grande pente commençait ; on la vit bouger, elle s’élevait, elle grandissait, elle montait sans cesse vers plus haut, ils durent renverser la tête ; ils renversaient la tête pour la suivre dans sa montée ; et elle fut comme jamais, n’ayant jamais été si grande : élevant successivement ses étages jusqu’aux neiges blanches, par des rondeurs, des douceurs d’herbe, des premiers plans, des carrés de bois, mais va plus haut ; – encore des bois, des ravines, les coulures grises des ravines, puis des rochers : le brillant des rochers comme du verre brille ; – va plus haut, on a tout et tout nous est donné ; – encore plus haut, là-haut, où il tremble contre un bleu, qui est noir tellement il est foncé, le grand trône d’argent et d’or, jusqu’où leurs regards les portèrent ayant la tête tout à fait renversée, parce que c’est un sommet ; et puis ils ne purent plus, ils ne purent plus regarder. 12 Le tableau n’allait pas ; alors , le lendemain déjà, lendemain déjà, Chemin il s’était mis à s’était mis à peindre un tableau, et on venait le voir le refaire ; peindre son tableau . Il y avait, à son tableau son tableau , maintenant était en deux parties  : une partie d’en haut une partie d’en haut et , une partie d’en bas. Les gens une partie d’en bas. Les gens venaient, entraient chez Chemin pour voir « si ça avançait ». Ils entraient, entraient, fermaient la porte ; etils disaient bonjour, ils s’asseyaient sur l’établi ils s’asseyaient sur l’établi  ou bien ils restaient debout. Ils venaient tous, comme ça, chaque jour, pour voir, comme ; ils ils disaient : «  Où ça en était » ; puis ils ne disaient plus rien et se tenaient là bien tranquilles, les uns debout, les autres assis sur l’établi. Ils regardaient Chemin regardaient Chemin . Chemin avait rangé aller prendre avec son pinceau ses couleurs ses couleurs par espèces sur un sur le morceau de verre morceau de verre à vitre ; il allait , et il avec son pinceau à une couleur, puis à l’autre. Il y avait y avait maintenant du noir parmi ses couleurs. du noir parmi ses couleurs. Son tableau était divisé en deux parties  ; une partie d’en haut et une partie d’en bas ; il travaillait à toutes les deux en même temps : tantôt à l’une, tantôt à l’autre. Il venait avec son pinceau, et il prenait tantôt du noir, tantôt du bleu. Pour la partie d’en haut, Pour la partie d’en haut, il n’avait qu’à regarder autour de lui et par la fenêtrec’était un beau bleu, c’étaient du rose, du blanc, du vert tendre  ; pour la partie d’en bas ; pour la partie d’en bas c’est dans ses souvenirs qu’il lui fallait regarder ; – et venant avec son pinceau, il prenait un beau bleu pour la partie d’en haut et, pour celle d’en bas, du noir , c’était du rouge ou bien du ou bien du rouge sombre. Ecrivant ainsi noir. On entendait le cornet de Thérèse. Elle a passé devant l’atelier avec son avec son pinceau les choses qu’on ne peut pas bien dire ou que lui, du moins, n’aurait pas pu bien dire ; –troupeau. Quand elle portait le cornet à sa bouche, le cornet jetait un petit éclair . Et, de temps en temps, l’une ou l’autre de ses bêtes s’arrêtait pour brouter une touffe d’herbe au bord du chemin ; mais mais avec Thérèse levait son son pinceau on peut les dire, et il venait et les disait, parce que rien n’existe encore qui n’est pas dit, comme il savait. Dans une grande sûreté de main, parce qu’il ne disait rien dont il ne fût certain ; bâton, puis : – Té… té… Puis elle souffle dans dans une grande joie aussi, – parce qu’il avait retrouvé la joie. A cause qu’on sait à présent, qu’il n’y a pas rien que la joie ; et il disait : « C’est ce que je dis. » Venant avec un bleu, un joli vert, du blanc ; et il disait : « C’est pour son cornet… Et, dans cette partie d’ en hauten haut . » Venant ensuite avec le noir et ce rouge sombre ; et il disait : « C’est pour en bas. » En haut, ceux qu’on connaît, et leur , c’est nous autres, c’est notre bonheur bonheur  sous la montagne ; là ; c’est où on est heureux où on est heureux , c’est où on connaît son bonheur , avec des figures contentes, avec la paix autour de soi , avec des figures contentes, avec la paix autour de soi dans le beau jour, sous les sous les grands rochersrochers gris , sous de la neige rose , sous de la neige rose et de la neige ou blanche ; blanche ; tous ceux qu’on connaît allant et venant– nous autres avec notre bonheur dans dans les belles couleurs de tout ; – et il y a ce cette partie d’en haut haut , d’abord , et puis… Parce qu’il y avait l’autre partie, et puis… Parce qu’il y avait l’autre partie , il y avait quand même à son tableau ces deux parties ; et quelques-uns s’en étonnaient ; mais, quand ils le disaient à Chemin et quand ils lui demandaient pourquoi : – Pourquoi ? disait Chemin. Il reprenait : – Pourquoi cette partie d’en bas ?… Pour que celle d’en haut soit encore plus belle… FIN  ; alors ceux qui étaient dans l’atelier disaient à Chemin : – C’est drôle, on n’avait pas vu que ça nous manquait. On ne savait pas ce qui nous manquait. Ils disaient à Chemin : – Toi non plus… Chemin secouait la tête. – Tandis qu’à présent, ça y est… Chemin a hoché la tête.