« [Compte-rendu de Bernard Lecache, Jacob] », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, mai 1927, p. 689-690.

{p. 689} Voici un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M. Lecache présente le problème juif avec une obstination à ne rien cacher qui le mène profond.

Une famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, intelligence, brutalité : les caractères se résument dans son avidité de puissance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient grand industriel, assure sa fortune au prix du peu cynique reniement de ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non leurs ambitions. {p. 690} Surmontant son dégoût, le père ajoute : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi. »

Le récit grassement pittoresque dans la description du milieu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont le profond ricanement se prolonge en nous. Je crois entendre Jacob qui se retourne, méprisant : « Mais oui, je ne nie rien, je suis sans scrupules, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de me craindre. »