« [Compte-rendu de Léon Bopp, Interférences] », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, décembre 1927, p. 791.

{p. 791} Un jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des difficultés, hésitations, paresses, rêves, réactions physiques, etc., qui accompagnent une création littéraire.

Bien sûr, c’est cela, le malaise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathématique au milieu d’une effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale », « si arbitraire et si facultative », je me dis qu’il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude scientifique, vis-à-vis du phénomène littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses remarques sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont excellentes et leur facilité même est une réussite.

Léon Bopp, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (presque imperceptible, mais ici décisive), une secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui entre autres.