« [Compte-rendu de Louis Aragon, Le Traité du style] », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1928, p. 1034.

{p. 1034} Ce n’est pas le seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et m’en sais plus dépourvu si possible. Je ne demande aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ils les favorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens de l’amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose. C’est pourquoi j’ai lu ce livre, malgré son premier chapitre, variation sur un mot bien français et ses applications faciles à cent célébrités locales. (Quant à Gœthe, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée !) vainement passée (quitte à renaître heureusement) sur des gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ces épithètes drôles ou quelconques. Mais la seconde partie du livre est admirable ; il suffit.

Le titre ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes de l’absurde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou enfin ces littérateurs anti-littéraires, ces « Messieurs les Nymphes ». Mais donner l’air bête à ceux qui le sont en créant une belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sans cesse pour crier : Lâches, vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiquement. Mais qu’on nous laisse chercher plus loin, dans ce silence où l’on accède à des objets qui enfin valent le respect.