« [Compte-rendu de Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels] », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, novembre 1928, p. 1410.

{p. 1410} Les derniers écrits des surréalistes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui d’autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action, c’est-à-dire, nous sommes en France vers la politique. Or ces ennemis de toute littérature voient leurs avances dédaignées par les communistes, gens d’action à jugements simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréalistes ont leur responsabilité là-dedans ; leur défense de l’esprit s’est bornée jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de choses justement détesté, mais dont ils participent plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le snobisme.