LOUIS par la grâce de Dieu Roi de France et de Navarre, à nos aimés et féaux Conseillers les Gens tenant nos Cours de Parlement, Baillis, Sénéchaux, Prévôts, leurs Lieutenants, et autres nos Justiciers et Officiers qu'il appartiendra, Salut ; Notre cher et bien-aimé Guillaume de Luyne Marchand Libraire en notre ville de Paris nous a fait remontrer qu'il a recouvré un Poème intitulé, Les Amours de Jupiter et de Sémélé Tragédie de la composition du sieur BOYER, qu'il désirerait faire imprimer s'il avait nos Lettres à ce nécessaires : À ces causes voulant le favorablement traiter, lui avons permis et octroyé, permettons et octroyons par ces présentes d'imprimer le dit Poème, et icelui vendre et débiter durant cinq ans, pendant lesquelles faisons défenses à tous autres Imprimeurs et Libraires de l'imprimer sans son consentement, ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de confiscation des exemplaires, de deux mille livres d'amende, dépends, dommages et intérêts de l'exposant, à la charge d'en mettre deux Exemplaires en nos Bibliothèques publiques et Château du Louvre, et un en celle de notre très cher et féal Chevalier Chancelier de France, avant que de les exposer en vente ; comme aussi de faire registrer ces présentes au registres du Syndic de la Communauté des Libraires et Imprimeurs de notre dite ville de Paris à peine de nullité d'icelles, du contenu desquelles vous mandons faire jouir l'Exposant pleinement et paisiblement, sans permettre qu'il y soit contrevenu en aucune manière que ce soit. Si voulons qu'en mettant au commencement ou à la fin de chaque Exemplaire un Extrait des présentes, qu'elles soient tenues pour dûment signifiées, et que foi y soit ajoutée comme au présent original. Mandons en outre au premier notre Huissier ou Sergent de faire en exécution tous exploits dont il sera requis, sans autre permission ; nonobstant Clameur de Haro, Chartre Normande et autres Lettres à ce contraires : car tel est notre plaisir. Donné à Paris le dernier jour de Janvier l'an de grâce mil six cent soixante six, et de notre règne le vingt-troisième. Par le Roi en son Conseil. Guittonneau. Et scellé.
Et le dit de Luyne a fait part du présent privilège à Thomas Jolly ; Étienne Loyson et Gabriel Quinet, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux.
Registré sur le livre de la Communauté le 2 Mars 1666.
Ceux qui verront à la tête de mon ouvrage Votre Auguste Nom avec celui de Jupiter, s'imagineront sans doute, que je veux m'attacher à ces belles comparaisons qu'on peut faire du plus grand des Rois avec le plus puissants des Dieux, et que cherchant la vérité dans la fable j'en veux tirer un grand fonds de louanges pour la gloire de votre Majesté ; mais ce n'est pas mon dessein, de m'engager dans une carrière si vaste et si difficile : une matière si importante ne peut être dignement expliquée qu'avec le langage des Dieux, et par les bouches immortelles de l'Histoire et de la Renommée. D'ailleurs, Sire, et je veux bien l'avouer à Votre Majesté, le seul intérêt de mon Ouvrage m'a inspiré la hardiesse de vous le consacrer ; j'ai cru que je n'avais que ce moyen pour achever sa gloire, et pour assurer sa réputation, et que pour faire valoir mon présent, je pourrais publier hautement qu'il a eu l'honneur de plaire à Votre Majesté ; quoique la plus illustre Cour de l'Europe puisse rendre ce témoignage, je n'ai garde de perdre une si belle occasion d'en parler. Puis-je laisser à la Postérité une idée plus avantageuse de la bonne fortune de ma Pièce, que celle d'avoir amusé agréablement le plus grand Roi du monde, d'avoir suspendu trois heures de suite ces glorieux soins et cette Royale inquiétude qu'il donne à la conduite de la première Monarchie de la terre, et d'avoir occupé l'attention d'un esprit, dont les vastes pensées embrassent toutes les parties de l'Europe, et s'étendent jusques aux deux bouts de l'univers ? Mais, SIRE, l'oserai-je dire à Votre Majesté ? Il n'en fallait pas moins pour une Muse aussi ambitieuse que la mienne : elle ne compte le succès de son ouvrage que du jour de votre approbation. Je dirai bien davantage, la gloire de plaire à Votre Majesté donne une joie si précieuse et si délicate, que je sens pour elle une avidité qui n'a point de bornes ; rien ne peut arrêter cette ambition déréglée, pour la satisfaire je ne vois rien au-dessus de mon courage et de mes forces, et j'ose espérer qu'elles pourront égaler le zèle ardent et le profond respect avec lequel je suis,
SIRE, de Votre Majesté, le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et sujet,