SCÈNE V. Le Sultan, Alménorade, Orcanor, Elmire, Hassan, Osmin, Gardes.
Le SULTAN.
Quand je vous ai mandé, lorsque je vous attends,
Occupé d'autres soins, ici je vous surprends,
Orcanor ; quel dessein en secret vous fait rendre
Auprès d'Alménorade ? Ici je viens l'apprendre ;
Parlez, et sans détours.
ALMÉNORADE.
Il vous cherchait, Seigneur.
Le SULTAN.
Non, je vois, malgré lui, le trouble de son coeur,
Tous ses soins sont pour vous, ignorant ma tendresse...
ALMÉNORADE.
Ah, quelle erreur ! Connaissez ma faiblesse,
Il me trompait l'ingrat, et lorsque je l'aimais,
Que m'unissant à vous, de lui je m'occupais,
J'apprends que ce vainqueur aime une Maroquine,
Et qu'il veut épouser cette infâme coquine.
Par cet hymen affreux, puisqu'il sait m'outrager,
Sans hésiter je dois et je veux me venger.
Dans ces derniers regrets d'une douleur amère,
Pardonnez-moi, Seigneur, cette juste colère ;
En m'occupant de vous, je vais voir effacer
Le trait que son amour avoir su me lancer...
Le SULTAN.
Orcanor, est-il vrai ? Parlez ici sans feinte.
ORCANOR.
Seigneur, le tendre objet dont mon âme est atteinte,
Dont je suivrai toujours la trop charmante loi,
N'attends a pas longtemps pour recevoir ma foi.
Je vous l'ose assurer, même devant Madame,
Rien n'éteindra jamais cette divine flamme.
Le SULTAN.
Vous vous jouez ainsi de ma crédulité !
Non, non, ne comptez plus, ingrats, sur ma bonté ;
J'avais tout entendu, je sais ce qui se passe ;
Dans ma juste fureur, n'attendez point de grâce.
Il tire son poignard pour frapper Orcanor.
Vous périrez.
Le SOUFFLEUR.
Hé non, Monsieur.
Le SULTAN.
Vous périrez.
Il se tourne du côté d'Alménorade.
Le SOUFFLEUR.
Arrêtez donc, ce n'est pas cela.
Le SULTAN.
Mais, Monsieur, il faut bien que je tue quelqu'un.
Le SOUFFLEUR.
Je vous dis que non.
Le SULTAN.
Mais c'est, dans la pièce.
Le SOUFFLEUR.
Et c'est une faute d'impression...
Le SULTAN.
Comment, voyons ?
Le SOUFFLEUR, sur le théâtre.
Tenez, lisez vous-même.
Le SULTAN.
Mais à la fin.
Le SOUFFLEUR, cherche.
Ah ! Cela est vrai.
Le SULTAN.
Hé bien, pour mieux t'apprendre à lire l'errata,
Imbécile Souffleur, c'est toi qui périra.
Il le frappe.
Le SOUFFLEUR, dans les bras des Gardes.
Que je suis malheureux ! Je meurs, que l'on m'emporte ;
Mais qu'on rende à chacun son argent à la porte.