Par grâce et privilège du Roi en date du vingt-quatrième mars 1666. Signé, par le Roi en son conseil, DE MALON, Il est permis au sieur P. CORNEILLE, de faire imprimer une pièce de théâtre de sa composition, intitulée Agésilas, pendant sept année. Et défenses sont faites à tous autres de l'imprimer, vendre ni débiter sans le consentement dudit Sieur Corneille, à peine de deux mille livres d'amende, de tous dépens, dommages et intérêts, suivant qu'il est porté par lesdites Lettres.
Imprimé à Rouen aux dépens du dit sieur Corneille.
Et ledit sieur Corneille a cédé son privilège à Thomas Jolly, Guillaume de Luynes, et Louis Billaine, suivant l'accord fait entre eux.
Les exemplaires ont été fournis.
Il ne faut que parcourir les vies d'Agésilas et de Lysandre chez Plutarque, pour démêler ce qu'il y a d'historique dans cette tragédie. La manière dont je l'ai traitée n'a point d'exemple parmi nos français, ni dans ce précieux restes de l'Antiquité qui sont venu jusqu'à nous et c'est ce qui me l'a ait choisir. Les premiers qui ont travaillé pour le théâtre ont travaillé sans exemple, et ceux qui les ont suivi y ont fait voir quelques nouveautés de temps en temps. Nous n'avons pas moins de privilège. Aussi note Horace nous recommande tant la lecture des poètes grecs par ces paroles ,
Ne laisse pas de louer hautement les Romains d'avoir osé quitter les traces de ces mêmes grecs, et pris d'autre routes.
Les règles sont bonnes, mais leur méthode n'est pas de notre siècle, et qui s'attacherait à ne marcher que sur leurs pas, ferait sans doute peu de progrès, et divertirait mal son auditoire. On court à la vérité quelque risque de s'égarer, et même on s'égare assez souvent, quand on s'écarte du sentier battu ; mais on ne s'égare pas toutes les fois qu'on s'en écarte. Quelques un en arrivent plutôt où ils prétendent ; et chacun peut hasarder à ses périls.
VARIANTE DE L'ACTE II. Cette scène de la fin de l'acte est absente de l'édition 1666 et présente dans l'édition 1682.
ELPINICE
Ma soeur, je vous admire, et ne saurais comprendre
Cet inépuisable enjouement
Qui d'un chagrin trop juste a de quoi vous défendre
Quand vous êtes si près de vous voir sans amant.
AGLATIDE
Il est aisé pourtant d'en deviner les causes.
Je sais comme il faut vivre, et m'en trouve fort bien.
La joie est bonne à mille choses
Mais le chagrin n'est bon à rien.
Ne perds-je pas assez sans doubler l'infortune
Et perdre encor le bien d'avoir l'esprit égal ?
Perte sur perte est importune,
Et je m'aime un peu trop pour me traiter si mal.
Soupirer quand le sort nous rend une injustice,
C'est lui prêter une aide à nous faire un supplice :
Pour moi, qui ne lui puis souffrir tant de pouvoir,
Le bien que je me veux met sa haine à pis faire.
Mais allons rejoindre mon père,
J'ai quelque chose encore à lui faire savoir.