Par Grâce et Privilège du Roi, donné à Paris le 31 Décembre 1672. Signé, Par le Roi en son conseil, LE NORMANT. Il est permis à G. de Luyne, Libraire-Juré à Paris, de faire imprimer, vendre et débiter une pièce de théâtre, intitulée Théodat, de la composition du Sieur de Corneille le jeune, et ce durant le temps et espace de cinq années entières, à compter du jour que la dite pièce sera achevée d'imprimer pour la première fois : et défenses sont faites à toutes personnes, d'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter ladite pièce, sans le consentement de l'exposant, ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de trois mille livres d'amende, et de confiscation, ainsi que plus au long il est porté aux dites Lettres.
Registré sur le Livre de la Communauté, le 5 Janvier 1673. Signé, THIERRY, Syndic.
Et ledit G. de Luyne a associé audit privilège C. Barbin, aussi Marchand Libraire à Paris, pour en jouir conjointement suivant l'accord fait entre eux.
Théodat fut associé à l'Empire des Goths par Amalasonte, et traita cette malheureuse Princesse avec tant d'indignité, qu'un peu après qu'elle l'eut élevé au trône, il eut la bassesse de l'exiler. Quelques-uns ajoutent qu'il donna ordre qu'on l'emprisonnât dans une île où il l'avait reléguée. Ce caractère d'ingratitude m'a paru avoir quelque chose de trop odieux pour pouvoir être souffert au théâtre. Ainsi j'ai tâché de conserver ce qui regarde la disgrâce d'Amalasonte, sans en rendre Théodat coupable, et je me suis conformé pour le genre de sa mort, à ce qu'en écrit Blondus. Il nous apprend dans le troisième Livre de la première Décade, que Théodat consentit que les enfants de quelques seigneurs Goths, à qui cette reine avait fait couper la tête, vengeassent le sang de leurs pères en la faisant périr elle-même dans le lieu de son exil. Je ne sais si en la peignant vindicative dans tout cet ouvrage, j'ai affaibli les grandes qualités que les historiens lui donnent, mais il semble assez naturel qu'une reine à qui une illustre naissance a dû donner beaucoup de fierté, ne se puisse voir méprisée d'un sujet qui abuse de la connaissance qu'elle lui a donnée de son amour, sans s'en faire outrage d'autant plus sensible, qu'après l'avoir fait arrêter inutilement, elle connaît qu'elle ne saurait plus espérer d'autorité qu'autant qu'il lui en voudra souffrir. Ce sont des crimes que les maximes d'État ne permettent point de pardonner, et peut-être Amalasonte eut-elle été condamnable, si ne se voyant plus reine que de nom, elle eut fait scrupule de chercher sa sûreté par la perte de celui qui était la seule cause de son infortune.