publié par Paul FIEVRE septembre 2015.
Lu et approuvé ce 9 Décembre 1783. SUARD, Vu l'Approbation, permis d'imprimer et distribuer, ce 9 Décembre 1783. LE NOIR.
J'aperçois Lysander, l'ancien précepteur de mon fils : cet homme-là n'est point sans mérite ; d'ailleurs, il fait fort bien les nouvelles.
N'allez pas les faire asseoir ; ils s'endormiraient encore.
Eh !
Comment les en empêcher, s'ils en ont envie ?
Parlez-leur de la Patrie, de la vertu, de la gloire.
Ils dormiraient debout : quoi qu'il en soit, essayons une petite mercuriale, à la manière, accoutumée.
Ces Messieurs ne disent rien.
Ils n'en pensent pas moins.
Je l'aperçois.
Voilà ce que c'est que d'en parler !
Il est mort !
La tête lui tourne : rassurons-la.
Mais, écoutez, Madame, il n'est peut-être que battu, blessé légèrement, et d'ailleurs en très bonne santé.
Pour vous, Messieurs, je vous conseille de prendre votre parti : je sais de très bonne part que Léonidas se prépare à vous remercier.
À Nous deux maintenant.
Que dis-tu ?
Quoi, tu trahis l'État ?
Un peu ; mais qu'importe ?
Je ne t' écoute pas ; laisse-moi, traître, ne compte plus sur mon amitié.
Il m'émeut avec sa vertu : je sens....
Allons, allons, point de faiblesse ; les petits scrupules dérangent les grands projets.
J'entends Agis et les boucliers des soldats.
Défait, proscrit, chassé, comment, peut-il rentrer dans Lacédémone ?
Le tyran est trop prudent pour le lui permettre.
Ah !
J'ai bien peur que ce ne soit point la faute de Léonidas.
Allez, mes chers amis ; je suis très reconnaissant de vos services, et je vous réforme.
Ces sentiments là sont très-beaux, et vous êtes justifiée.
J'aperçois ma mère.
Eh bien, ma mère ?
Eh bien, mon fils ?
Tu ne m'entends donc pas, mon cher Agis ?
Soyez donc d'accord avec vous, ma mère.
Vous désiriez impatiemment ma mort, si j'étais battu : je le suis, vous m'engagez à vivre,
Ah !
J'ai tort, j'ai tort ; c'est une petite inconséquence maternelle, dont je rougis.
Fais tout ce que tu jugeras à propos, je ne t'en empêcherai pas.
Maintenant je suis refroidi ; d'ailleurs, j'aperçois Léonidas qu'il faut que j'insulte un peu pour humilier sa victoire.
Mon cher Agis, mon père !
Mais, mon cher enfant, c'en est aussi trop à la fois.
Et toi !
Encore un coup, mon père, ne dites pas de ces folies-là.
Mon père, laissons la bagatelle, et daignez accorder à mon mari...
Que demande- t-il ?
L'égalité !
Chimère : et sur qui régnerais-je ?
Sur toi-même.
Le bel empire !
Décide-toi, Léonidas....
Où suis-je ?
Ici, je crois.
Licurgue ressuscite, Sparte renaît triomphante.
Qu'a-t-il donc ?
C'est une vision ; il est sujet à cela depuis son enfance, ce ne sera pas la dernière.
Eh bien, Léonidas, sommes-nous égaux ?
Je ne dis pas non, seulement qu'Emphasés approche et que je lui dise deux mots à l'oreille.
Il faut user de ruse pour me défaire de tous ces gens-là ; les Sénateurs me contrarieraient, anéantissons-les.
Bien obligé, Monseigneur.
Emphasés, encore un mot.
Monseigneur !
Monseigneur, comptez sur mon exactitude.
C'est-il fait ?
J'y suis.
Fort bien, mes amis !
Allez maintenant vous asseoir au banquet qu'Emphasés a fait préparer par mon ordre ; c'est le verre à la main que nous ratifierons nos traités.
Emphasés arrive avec l'air empressé ; je gagerais bien que mon Sénat est fait.
Point d'hommes !
Cela ne m'a pas empêché de faire un Sénat.
De femmes, peut-être ?
Précisément.
Tu te moques.
Non, Monseigneur, un très joli sénat, oh s'y trompera, soyez-en bien sûr.
Comment pourront-elles juger, trancher, décider, condamner sans appel ?
Eh !
Monseigneur, elles ne font que cela toute la journée.
Pourquoi pas !
Des femmes !
À la bonne heure, où sont-elles ?
Dites donc, où sont-ils ?
Feignez de ne pas les reconnaître.
Fort bien, allons, fais-les entrer, que je les installe chez-moi, cela me fera beaucoup plus commode.
Je suis content de leur silence ; prenons-les par la coquetterie.
L'égalité : ce mot seul m'indigne ; c'est qu'outre les malheurs sans nombre dont il affligerait l'État, il entraînerait nécessairement la décadence de la toilette, cet art enchanteur de corriger la nature ou d'ajouter à ses dons.
Plus de toilette, plus d'opulence.
Elles me paraissent bien préparées.
Mais à propos.
Le Sénat t'interroge.
Oui dà !
Je suis donc au Sénat!
La belle jeunesse !
D'honneur, mon cher tyran, la mascarade est gaie.
Insolent !
Tu sentiras tout-à-l'heure....
Tout tourne autour de moi ; je m' élance, où suis-je ?
Encore une vision ; ce tic-là ne laisse pas que d'être désagréable.
Il est timbré.
À mon dernier récit.
Personne, pas seulement un Sénat !
Narrons toujours Imaginez donc, Monsieur ou Madame.
Le tyran dit qu'il l'a perdue ; prétexte gauche et ridicule !
Ces tyrans n'ont jamais de bonnes raisons.
Oh !
Qu'a-t-on fait ?
Mais c'est lui-même, qu'on apporte, je reprendrai ce récit-là.
Cher Agis, hélas !
J'y pensais.
Ma bonne amie, vous êtes une femme de précaution je l'ai toujours dit.
Allons, mes amis.
Ma mère, modérez cette joie, je n'en mourrai peut-être pas.
Oh que si, mon bon ami, défie-toi moins de la bonté des Dieux.
Vous êtes cruellement Lacédémonicienne.
Si bas qu'il faudra, même pas du tout.
Tenez, ma mère.