Par grâce et Privilège du Roi : Donné à Paris le dernier Août 1646, Signé par le Roi en son Conseil, SYMON : Il est permis à ANTOINE DE SOMMAVILLE, Marchand Libraire à Paris, d'imprimer ou faire imprimer, vendre et distribuer une pièce de Théâtre, intitulée Séjanus Tragédie, et ce durant le temps de cinq ans, à compter du jour que la dite pièce sera achevée d'imprimer, et défenses seront faites à tous Imprimeurs et Libraires d'en imprimer, vendre et distribuer d'autre impression que celle dudit SOMMAVILLE ou ses ayant causes, sur peine aux contrevenants de trois mille livres d'amende, confiscation des exemplaires, et de tous dépens, dommages et intérêts, ainsi qu'il est plus au long porté par les dites Lettres.
Et ledit SOMMAVILLE a consenti et consent, que YOUSSAINT QUINET, aussi Marchand Libraire, jouisse par moitié dudit privilège, suivant l'accord fait entre eux.
Dès que vous avez paru dans la Cour de France, après avoir fait sentir votre venue par tous les lieux où vous passiez ; et après lui avoir envoyé devant vous une belle renommée, elle vous a regardé avec admiration ; et après vous avoir longtemps considéré, elle s'est rétractée en votre faveur du sentiment qu'elle a pour tous les Étrangers : vous l'avez forcée d'avouer que toute la Politesse n'est pas chez elle : et quoiqu'à l'exemple de la Grèce, elle puisse traiter toutes les autres Nations de Barbares ; elle a exempté de ce reproche le Septentrion, puisqu'il a, la gloire de vous avoir produit. Elle vous a témoigné, MONSEIGNEUR, qu'elle faisait une estime très particulière de votre personne : jamais Ambassadeur n'a mieux plu que vous à cette délicate, du consentement de tous ceux qui la composent, elle vous a jugé parfait, et vous vous pouvez vanter d'avoir obtenu d'elle, ce qu'elle a refusé à tous ceux qui vous ont précédé : combien de bouches ont loué le glorieux choix qu'a fait de vous, votre illustre Princesse, pour une Ambassade si importante que celle que vous avez traitée : jamais l'esprit de cette incomparable Reine, que vous servez, et à qui toute l'Europe rend ses hommages, n'a paru si éminemment, qu'en vous élisant pour un si célèbre emploi. Vous avez dignement répondu à l'attente des deux Couronnes, et ces deux fameux États, de qui l'éloignement ne peut altérer l'intelligence, vous sont redevables d'une union qu'ils ne renouvellent de temps en temps pue pour la rendre éternelle ; que d'applaudissements ne vous doivent point la France et la Suède, pendant ce temps, MONSEIGNEUR, que vous faites le destin de ces deux Royaumes : j'ose vous présenter l'Histoire du plus infortuné de tous les Politiques et du plus digne de son malheur. Je veux forcer l'ambitieux Séjanus, à voir votre Cabinet, à y étudier vos maximes, et à faire cet aveu, que s'il les eût pratiquées, son Gouvernement aurait été aussi doux aux Romains, que le vôtre est aimable aux Suédois : vous servez si bien leur Monarchie, qu'ils confessent à toute l'Europe, que vous mériteriez de régner : et si l'illustre sang du grand Adolphe leur manquait, qu'ils iraient chercher dans votre Maison un successeur digne des Maîtres qu'ils auraient perdu. C'est vous, MONSEIGNEUR, qui succéderiez à l'auguste Gustaut, dont la vie est pleine de Miracles et à la divine héritière, dont le premier âge est rempli de prodiges ; si bien que l'avenir doutera lequel du père ou de la fille aura le plus fait de merveilles, et lequel de leurs deux sexes sera le plus glorieux pour les avoir donnés au monde ; vous étonnerez aussi l'Histoire, MONSEIGNEUR, et nos neveux verront avec admiration, combien dans un siècle la Suède aura porté de grands Personnages, l'on les verra se plaindre au siècle de leurs aïeux, de n'avoir pas reculé votre naissance jusqu'à leur temps, la France fait une autre espèce de plainte, elle se fâche contre elle-même de vous avoir donné à la Suède, et si elle n'appréhendait de violer cette paix que vous venez d'affermir entre elles, elle reprendrait le présent qu'elle lui a fait : mais MONSEIGNEUR, quelque estime qu'elle fasse de vous, il faut qu'elle vous rende : tout le Septentrion vous redemande avec impatience, deux Maîtresses vous y attendent et celle dont la possession vous est réservée, murmure contre nous de ce que nous vous retenons plus longtemps. Reportez-lui, MONSEIGNEUR, ce visage qui ne s'est point si bien composé dans notre Cour, qu'on n'y ait vu, sans quelque espèce de jalousie, que la France n'était point votre élément, et que vous n'aspiriez qu'à revoir cet aimable Climat où sont enfermés tous vos désirs : je suis affligé, MONSEIGNEUR, de vous avoir dérobé quelques moments, et d'avoir interrompu vos belles idées, au point, ou tout libre des soucis que votre emploi vous donnait, vous rendiez toute votre âme à cette Princesse, qui ne la veut partager qu'avec votre Reine ; je finis, MONSEIGNEUR, en vous conjurant de souffrir, que je me die,
MONSEIGNEUR,
DE VOTRE EXCELLENCE,
Le très humble et très obéissant.