Par grâce et privilège du roi, donné à Paris le 28 mars 1648 signé par le Roi en son conseil Le Brun, il est permis à Antoine de Sommaville, marchand libraire à Paris, d'imprimer ou faire imprimer une pièce de théâtre intitulé Vanceslas Tragi-comédie de Rotrou, pendant le temps et espace de cinq ans entiers et accomplis à compter du jour que la date de la pièce sera imprimée, et défenses font faites à tous autres d'en vendre ni distribuer aucune, sinon de l'impression qu'aura fait ou fait faire le dit Sommaville, ou ceux qui auront droit de lui sous les peines portées par lesdites lettres, qui sont en vertu du présent extrait tenues pour bien et dûment signifiées.
Venceslas, encore tout glorieux des applaudissements qu'il a reçus de la plus grande reine du monde, et de la plus belle cour de l'Europe ne pouvait restreindre son ambition, aux caresses, et à l'estime du beau monde, ose aujourd'hui se montrer à toute la France, sous l'honneur de la protection que vous lui avez promise ; et ne craint point de s'exposer aux ennemis, que sa gloire lui peut susciter, ayant pour asile l'une des plus anciennes, et des plus illustres maisons du royaume, et pour défenseur, l'héritier des vertus comme du sang, des plus fameux appuis de nos rois, et des plus redoutables bras de l'État. Personne n'ignore Monseigneur, que les grandes actions, de ces grand hommes, à qui vous avez succédé font presque toute la beauté de notre Histoire, et que l'antiquité grecque, et romaine, n'a rien vu de plus mémorable, que ce que les derniers siècles ont vu faire du grand Daguerre, père de l'une de vos aïeules, et au glorieux connétable de Esdiguierre votre bisaïeul (dont le premier sortit victorieux de ce fameux duel, qu'un de nos rois lui permit à Sedan, où son ennemi combattait avec tant d'avantage, et le second fit sa renommée si célèbre, par les batailles de Pontcharra, et de Salbertran, et servit le couronne par de si judicieux conseils, et de si prodigieux succès, qu'il en mérita les premières charges ; il fut suivi de l'indomptable Maréchal de Créquy, votre aïeul, qui signale par une infinité de preuves, la passion qu'il avait pour son prince, et par un illustre et double combat, que la postérité n'oubliera jamais, celle qu'il avait pour la gloire. La volée de canon qui l'emporta dans le glorieux emploi qu'il occupait en Italie, fait encore aujourd'hui voler son nom aussi loin que le bruit des actions héroïques peut aller ; et sa vertu se continua, en celles de Monsieur de Canaples votre père, dont la vie, et la mort représentèrent dignement celles de ses devanciers. Il est impossible de comprendre dans la juste étendue d'une lettre, la mémoire de tant de héros, et je laisse à l'Histoire de Panégyriques, des fameux Pont-Dormys, dont l"un fut frère d'armes de l'incomparable Bayart, et mérita de passer en sa créance, pour la valeur même ; je dirai seulement, Monseigneur, qu'il ne vous suffit pas d'être riche de la gloire d'autrui, vous ne vous contentez pas des acquisitions qu'on vous a faites, et ne vous croiriez pas digne successeur de ces illustres personnes, si vous ne leur ressembliez, et vous ne vous deviez la plus belle partie de votre estime ; l'Italie a retrouvé dans le fils la valeur des pères, et le sang que vous coûta l'effort qu'il fit contre votre vie, fut autant une marque de la frayeur que vous lui fîtes, que du péril où votre grand cour vous précipita ; vous avez poussé jusqu'au bord de la Segre, cette ardeur sans mesure qui vous attache si fortement aux intérêts de votre maître, et partout où votre courage vous a porté, l'on a si clairement reconnu le sang dont vous sortez, que nos ennemis peuvent avec raison douter de la perte de ces grands personnages que vous réparez dignement ; ces vérités étant très constantes, Venceslas (Monseigneur) a-t-il lieu de rien redouter, sous l'autorité d'un si digne protecteur ; faites lui la grâce de le souffrir, puisque vous l'avez daigné flatté de cette espérance, et qu'il se donne à vous sans autre considération que de l'honneur d'être vôtre, et de m'obtenir de vous, la permission de ma dire avec toutes les soumission que je vous dois, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.