publié par Paul FIEVRE
Mai 2002
LOUIS par la grâce de Dieu Roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux Conseiler les Gens tenants nos Cours de Parlement, Maîtres de requêtes ordinaires de notre Hôtel, baillifs, sénéchaux, prévôt, leurs lieutenants, et tous autres de nos justiciers et officiers qu'il appartiendra, Salut. Notre bien amé Augustin Courbé, Libraire à Paris, nous fait remontrer qu'il désirerait imprimer, une tragi-comédie intitulée, L'Amour Tyrannique, composée par le sieur Scudéry, s'il avait sur ce nos lettres nécessaires, lesquelles il nous a très humblement supplier de lui accorder : À CES CAUSES, Nous avons permis et permettons à l'exposant d'imprimer, vendre et débiter en tous lieux de notre obéissance de la tragi-comédie, en telles marges, en tels caractères, et autant de fois qu'il voudra, durant l'espce de sept ans entiers et accomplis, à compter du jour qu'elle sera achevée d'imprimer pour la première fois ; et faisons très expresses défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition qu'elle soient, de l'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter en aucun endroit de ce Royaume, durant ledit temps, sous prétexte d'augmentation, correction, changement de titre, ou autrement, en quelque sorte et manière que ce soit, à peine de quinze cent livres d'amende, payables sans déport par chacun des contrevenants, et applicables un tiers à Nous, un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris, et l'autre tiers à l'exposant, de confiscation des exemplaires contrefaits, et de tous dépens, dommages et intérêts ; à condition qu'il en sera mis deux exemplaire en notre bibliothèque publique, et une en celle de notre très cher et féal le sieur Séguier, Chancellier de France, avant de l'exposer en vente, à peine de nullité des présentes : du contenu desquelles nous vous mandons que vous fassiez jouir pleinement et paisiblement l'exposant, et ceux qui auront droit d'icelui, sans qu'il lui soit fait aucun trouble ni empêchement. Voulons aussi qu'en mettant au commencement ou à la fin du livre un bref extrait des présentes, elle soient tenues pour dûment signifiées, et que foi y soit ajoutée, et aux copies d'icelles collationnées par l'un des nos amés et féaux conseillers et secrétaires , sans demander autre permission : Car tel est notre plaisir, nonobstant préjudice d'icelles, clameur du Haro, charte Normande, et autres lettres à ce contraires. Donné à Paris le vingt-troisième de février, l'an de grâce mille six cent trente-neuf , et de notre règne le vingt neuvième. Signé par le Roi en son conseil, CONRART.
Les exemplaires ont été fournis, ainsi qu'il est porté par le privilège.
C'est plutôt par l'impatience publique, que par ma propre inclination, que je me porte à faire imprimer cet ouvrage que je vos offre : car après la gloire qu'il eu, d'être représenté quatre fois devant Monseigneur, et devant vous ; après les choses que S.E. en a dits en présence de toute la Cour ; après l'honneur qu'elle m'a fait, de vouloir avoir ce poème en manuscrit dans son cabinet ; et après le rang que vous lui avez donné tout haut, parmi ceux de cette nature ; ma plus ardente ambition est tellement assouvie, qu'elle ne trouve rien à désirer. Certes si celui qui disait qu'un homme lui était tout un théâtre, eut eu comme moi le GRAND CARDINAL, et l'incomparable DUCHESSE DE L'AIGUILLON pour approbateurs, il n'aurait pas enfermé sa pensée dans des bornes si étroites : et sans doute il eut dit aussi bine que moi, que ces deux illustres personnes lui auraient tenu lieu de tout le monde. Aussi puis-je assurer, MADAME, que ni Monseigneur, ni vous , n'aurez pas sujet de me demander, "pour combine nous comptes-tu ?" comme un grand capitaine à l'un des siens, qui s'étonnait du nombre de ses ennemis, puisqu'il est vrai que je vous regarde et l'un et l'autre comme si vous étiez toute le terre ; et qu'après vous avoir satisfaits, je suis pleinement satisfait moi-même : je dis pleinement satisfit, MADAME, pour ce qui touche de poème ; car il est certain qu'à parler plus généralement, je ne le ferai jamais, jusqu'à tant que par mille soins,, et par mille devoirs, je puisse être assez heureux, pour vous obliger à croire que je suis,
MADAME,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
DE SCUDERY