LOUIS par la grâce de Dieu, Roi de France, et de Navarre ; à nos amés et féaux conseillers le sgens tenants nos Cours de Parlement, Prévôt de Paris ou son lieutenant, et à tous autres nos Officiers qu'il appartiendra. Salut notre bien amé, Anthoine Baudeau Sieur de Somaize, nous a fait remontrer qu'il a composé le Procès des précieuses, qu'il désirerait faire imprimer, et lettre en public, s'il nous plaisait lui vouloir permettre ; Et par ce que 'autres personnes pourraient aussi faire imprimer le Procès sans son consentement, et par ce moyen le frustrer de son travail et des frais qui lui convient faire à son préjudice, il nous a fait supplier lui vouloir sur ce pourvoir des nos lettres nécessaires. À CES CAUSES désirant favorablement traiter l'exposant. Nous lui avons permis et permettons par les présentes, de la faire imprimer, vendre et distribuer en tels volumes et caractères que bon lui semblera, pendant le temps de cinq années ; faisant cependant inhibitions et défenses à tous imprimeurs, libraires et autres personnes que ce soit, de faire imprimer, vendre et distribuer le dit Procès sous prétexte d'augmentation, ni même servir des mots contenus en icelui sans le consentement dudit exposant, ou ceux qui auront droit de lui, à peine de quinze cents livres d'amende, moitié applicable au Grand Hôpital, et l'autre à son profit ; à la charge de mettre deux exemplaires desdites oeuvres en notre bibliothèque publique, une autre en celle du Louvre, et ne en celle de notre très cher et féal Chevalier et Commandeur de nos ordres de Sieur Séguier Chancellier de France. Si vous mandons et ordonnons à chacun de vous registrer les présentes, et de leur contenu jouir ey user ledit exposant pleinement et paisiblement : Et au premier notre Huissier ou sergent faire pour l'exécution des présentes tous exploits requis et nécessaires, sans demander autre congé ni permission : CAR tel est notre plaisir. DONNÉ à Paris le troisième jour de Mars l'an de grâce mille six cent soixante. Et de notre règne le dis-septième. Par le Roi en son conseil. COUPEAU.
Et ledit Sieur Somaise a cédé et transporté son privilège à Jean Ribou, Jean guignard, Etienne Loyson, marchands libraires à Paris, selon l'accord fait entre eux.
Registré sur le livre de la Communauté le 8 avril 1660. Suivant l'Arrêt du Parlement en date du 9 avril 1653. Signé JOSSE.
Les Exemplaires ont été fournis.
Après avoir quelque temps douté si je différerais les preuves de mon respect pour vous en donner de plus considérables, ou si je me hasarderais de vous le témoigner par l'offre d'une bagatelle : je me suis enfin laissé persuader que je ne pouvais avec trop d'empressement chercher les moyens de vous en donner des marques ; mais comme il me semblait presque impossible qu'elles vous fussent considérables sortant de mes mains ; j'ai cherché dans les agréments d'un style burlesque de quoi réparer mon peu de mérite, et ne me sentant pas assez fort pour vous plaire par la beauté de mes pensées, j'ai voulu vous empêcher de songer à ma faiblesse, et réparer ce défaut par la plaisanterie de mes imaginations : En un mot, MADAME, je me suis résolu de vous offrir une Comédie, n'osant pas vous présenter un Ouvrage sérieux. Dans cette entreprise je n'ai point d'autre but que celui de vous divertir, et de vous faire connaître que je me souviens de ce que je vous dois. J'avoue que c'est me charger d'une nouvelle obligation que de vouloir m'acquitter ainsi ; mais il est bien malaisé de n'être pas toujours redevable à celles qui vous ressemblent ; aussi me fondai-je entièrement sur votre bonté. C'est une de vos vertus, MADAME, et vous n'avez pas acquis moins de réputation dans la Cour par elle, que par toutes vos autres bonnes qualités. Je m'abuserais moi-même si je prétendais en faire ici le dénombrement. Trop de choses vous ont rendue recommandable durant que vous avez été auprès de la plus auguste et plus vertueuse Reine qui ait jamais porté la Couronne pour me laisser le moyen de l'oser entreprendre ; aussi ne m'y hasarderai-je pas ; et tout le témoignage que je veux rendre à une vertu connue de tout le monde, c'est que dans ce lieu où votre naissance vous avait appelée ; dans ce lieu dis-je où la médisance n'épargne personne, votre vertu lui a si bien fermé la bouche que les plus médisants ne l'ont jamais ouverte que pour publier que vous étiez la plus sage et la plus vertueuse personne de la Cour ; et dans ce lieu ce n'est pas peu de chose de conserver tant d'estime avec tant de beauté. Cependant ce qui pour lors était vrai ne l'est pas moins à présent, au contraire on peut dire que vos vertus brillent avec plus d'éclat : mais dans cette estime générale de tous ceux qui vous connaissent souvenez-vous de cette générosité par où vous l'avez acquise. C'en est une bien grande, MADAME, de regarder de bon il les choses qui sont au dessous de nous, et c'est celle dont je vous prie de vous servir en mon endroit, me permettant de me dire avec respect,
MADAME,
Votre très humble et très obéissant serviteur, SOMAIZE.
Je te donne ici un Procès, dont le sujet est si nouveau, que malgré toute l'antiquité de la chicane, on n'en avait point encore vu de semblable au Palais : il s'y est fourré comme en son pays natal, et bien qu'il soit né dans un lieu fort tranquille, il n'a pas laissé de passer dans celui du trouble et de l'embarras. En vain j'ai tâché par raison de le retenir, la démangeaison d'avoir ton jugement m'a forcé de l'exposer à recevoir de toi un Arrêt moins favorable que celui que mes amis en ont porté. Je n'en appellerai point, et ne croirai pas même que tu me fasses d'injustice en le condamnant : mais comme tu peux lui être contraire par plusieurs raison, il me semble assez juste de te dire ce que la liberté du Poème Burlesque y a rendu raisonnable ; qui est premièrement l'expression qui dans ces sortes de Comédies, fait une partie du plaisant, et reçoit toutes sortes de façons de parler. Le sujet ensuite qui dépend entièrement de l'imagination, et qui n'a besoin pour être reçu que du passeport de la vraisemblance. Il serait besoin ici de faire un long discours pour expliquer ce que c'est que vraisemblance ; mais pour te le dire en deux mots, c'est tout ce qui, bien qu'extraordinaire par sa nouveauté, tombe néanmoins assez dessous les sens pour persuader à l'esprit que cela peut arriver sans renverser l'ordre établi dans le cours des choses. Ce qui dépend souvent bien plus de l'arrangement des actions, que des actions même. Peut-être m'accuseras-tu d'y avoir manqué précipitant en un jour un procès, qui selon la coutume des Modernes dure pour l'ordinaire des six mois : mais le Théâtre peut bien donner cette licence, puisque la raison et l'utilité voudraient qu'ils ne fussent pas plus longs, outre que ceci étant plutôt un arbitrage en forme, qu'un jugement réglé. Il ne faut pas s'étonner qu'il aille si vite, aussi n'est-ce pas là de quoi je veux le plus me défendre, et les scènes déliées qui sont présentement tout à fait condamnées dans les pièces régulières, et que j'ai laissé passer dans cette Comédie, me fourniraient une ample matière, d'apporter quantité d'excuses, ce que je ne ferai pourtant pas, croyant qu'elles ne sont pas tout à fait condamnables dans une pièce burlesque, qui est proprement un ouvrage ou tout est permis, pourvu qu'il fasse rire. Comme je te l'ai donné pour te divertir, je te pris si tu ne le trouves pas assez plaisant de te donner quelque jour de patience, j'en exposerai un autre à ta censure qui pourra réparer les défaut de celui-ci ? Ce sera la Pompe funèbre d'une Précieuse, avec toutes les cérémonies de ce fameux Convoi ; que ces termes de lugubres et funestes ne t'épouvantent point, car je puis t'assurer que cet enterrement n'aura rien de triste que son nom.
Cher ami,
Je te conseille de laisser là ton procès, et de revenir dans notre Province, car j'ai appris depuis que tu en es parti que c'est un tour que l'on t'a joué, et que ceux de ce pays qui t'ont envoyé s'entendent avec trois ou quatre personnes de Paris, qui doivent contrefaire les Juges, et les Précieuses, pour se divertir de toi, je te donne cet avis ; et suis,
Ton Serviteur,
Fontenay.