SCENE II §
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ZULEMAR, ABENDAX
ZULEMAR
5 Tu t’étonnes, Amy, des honneurs qu’on me rend.
Ma nouvelle grandeur, je le voy, te surprend.
Quand tu quittas Grenade, où sortis de l’Afrique
Les Maures ont fondé ce Palais magnifique :
Sans amis, dépoüillé du rang de mes ayeux,
10 Seul, mais foible heritier d’un nom toûjours fameux,
Je rampois inconnu dans la foule importune
Qu’assemble autour des Roys l’éclat de leur fortune.
Cette haine celebre entre deux noms puissans,
Qui depuis plus d’un siecle arme leurs partisans,
15 M’exposoit chaque jour à de nouveaux outrages,
Et les Zegris cedoient aux fiers Abincerages.
Déjà mon desespoir m’entrainoit à la mort,
Lorsque le Roy touché de mon funeste
sort*
Jetta sur mes malheurs un regard favorable,
20 Sa bonté rappella dans son cœur équitable
Des Princes mes ayeux la valeur & la foy,
Et bien-tost les voulut recompenser en moy.
Il daigna m’appeler aux soins du ministere,
Où le fier Alamir mon plus grand adversaire
25 Voit déjà mon pouvoir independant du sien.
L’Armée est son partage & l’Etat est le mien.
Mais, dis-moy, que fait-il ? instruit de ton voyage ;
En sçait-il les raisons, t’a-t’il veu sans ombrage ?
L’as-tu bien observé, d’un si fameux vainqueur
30 Penses-tu que Fatime occupe encor le cœur ?
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Paroist-il inquiet, parle-t’il souvent d’elle ?
As-tu sçu le tromper ; la croit-il infidelle ?
Envoyé dans son camp par mes ordres exprés,
Quels soins as-tu donnez à mes desseins secrets ?
ABENDAX
35 N’en doutez point, Seigneur, il est toûjours le mesme
Il craint son inconstance, & cependant il l’aime,
Des bruits que j’ay semez trop vivement
frappé*,
Il veut par son retour confondre une infidelle.
40 Il revient.
ZULEMAR
Il revient. Quoy sans ordre, & sans qu’on le rappelle.
Abendax il revient, il se pert, c’en est fait.
ABENDAX
Oüy, Seigneur, vos desseins auroient eu leur effet
Si le rare bonheur qui par tout l’accompagne,
Ne vous le ramenoit triomphant de l’Espagne.
45 En vain les Roys liguez & les peuples unis
Armoient contre nous seuls un monde d’ennemis.
Leurs troupes, leurs ramparts , & leurs vastes rivieres
N’ont pû nous opposer que de foibles barrieres.
Vaincus en cent combats, dispersez & défaits,
50 Ils offrent un tribut, & demandent la paix.
Quoy qu’ait fait Alamir, cette grande victoire
Met trop en asseurance & ses jours & sa
gloire*.
ZULEMAR
Non, ne croy pas que
rien* excuse son retour,
Je le voy bien, amy, tu connois mal la Cour :
55 Des services passez on a peu de memoire,
Plus les sujets fameux se sont acquis de
gloire*,
Plus ils sont enviez, & moins leurs grands exploits
Les mettent à couvert de la rigueur des loix.
Il est perdu, te dis-je.
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ABENDAX
Il est perdu, te dis-je. Hé bien par sa disgrace,
60 Le destin à vos vœux offre une
auguste* place ;
Que la mort soit le prix de sa temerité,
Vous l’avez souhaité.
ZULEMAR
Vous l’avez souhaité. Moy, je l’ay souhaité ?
ABENDAX
Et n’est-ce pas, Seigneur, pour servir vostre haine,
Pour rendre d’Alamir la perte plus certaine,
65 Que je fus envoyé dans son Armée ?
ZULEMAR
Que je fus envoyé dans son Armée ? Helas !
ABENDAX
Vous soûpirez: Qu’entens-je ? Hé quoy n’avez vous pas
Toûjours pour Alamir cette haine mortelle…
ZULEMAR
Et je vais confier des secrets à ta Foy,
70 Amy, qui ne sont sceus que des Dieux & de moy.
Je les tairois encor si mon ame
étonnée*
Pouvoit vaincre ou changer la triste destinée ;
Mais par un cruel
sort* blessé de tous costez,
Pour détourner ses
traits* j’implore tes clartez.
75 Aprens donc de mes jours le secret déplorable,
Au milieu des honneurs, dont tu voy qu’on m’accable,
Parmy tant de grandeurs, sous ces titres pompeux,
Qui semblent relever le nom de mes ayeux,
Et soutenir l’espoir d’une illustre famille ;
80 Enfin sous cet habit tu ne vois qu’une
fille*.
ABENDAX
Quoy vous, Seigneur ?
ZULEMAR
Quoy vous, Seigneur ? Ecoute, & me laisse parler.
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Je
penetre*, je voy ce qui peut te troubler :
Ce fut toy qui pris soin d’élever mon enfance,
Mais mon pere aisement trompa ta vigilance,
85 Déjà vieux, sans enfans, seul du nom de Zegris ;
Dans un fécond hymen il crut trouver un fils,
Et d’Armire à la sienne unit la destinée ;
Je fus l’unique fruit de ce triste hymenée.
Ma mere dont encor, je pleure le malheur,
90 En me donnant la vie, expira de douleur.
Mon pere qui voyoit d’un fier Abincerrage
Ses biens par ce revers devenir le partage,
Cacha son desespoir, & mon sexe avec soin.
De ma triste naissance un esclave témoin,
95 Fut le seul confident de ce vain artifice,
Dont aujourd’huy les Dieux confondent l’injustice :
Enfin de cent Heros on me crût l’heritier,
Tous les jours au travers d’une épaisse poussiere,
100 On me voyoit fournir une noble
cariere*.
La chasse estoit l’objet de mes plus chers desirs.
L’arc & les javelots faisoient tous mes
plaisirs*.
Je vivois dans les bois, & souvent croyois estre
Ce que mesme à tes yeux j’affectois de paroistre.
105 Je trompay tes regards, ceux du Roy, de la Cour,
Heureuse si j’avois aussi trompé l’amour.
Mais je vis Alamir dans ce jour plein de gloire…
Jour qui sera long-temps present à ma memoire.
Il revenoit suivy d’Ennemis enchesnez,
110 De Generaux captifs, de Princes détrônez.
Ses Soldats
à l’envy* sur leurs armes brillantes,
Etaloient des vaincus les dépoüilles sanglantes.
Il marchoit entouré de faisseaux, d’étandarts ;
Fier sans estre orgueilleux, tel qu’on peint le Dieu Mars.
Imprimant aux mortels le respect & la crainte.
Il n’estoit point chargé d’un vain ajustement ;
Son nom fameux estoit son unique ornement.
Abendax, je le vis, je sentis dans mon ame…
120 Que dis-je, en le voyant j’appris que j’estois femme.
ABENDAX
Surpris, confus, troublé de ce déguisement,
A peine je reviens de mon étonnement.
Qu’entens-je ! Zulemar est une
fille* ! elle aime !
Hé qui ? Quel est l’objet de son amour extrême !
125 Grands Dieux ! c’est Alamir l’ennemy des Zegris !
Avez vous oublié ses injustes mépris ?
Ne vous souvient-il plus de la haine d’un pere,
Songez qu’elle doit estre en vous hereditaire.
ZULEMAR
Que dis-tu ? cet amour qui cause ton
ennuy*,
130 Encor plus que ma haine est funeste pour luy.
J’ay voulu qu’Alamir crût Fatime infidelle.
Mes vœux sont exaucez, tous tes
traits* ont porté,
Il revient de fureur & d’amour agité.
135 Gloire, devoir, respect, danger rien ne l’arreste,
Par ce retour sans ordre il expose sa teste.
Un Roy fier & jaloux de son authorité,
Opposera les Loix à sa temerité.
Oüy déja sous ses pas s’ouvre le precipice.
140 Mal-heureuse, & c’est moy qui l’entraîne au supplice ;
Ce sont mes faux avis, c’est pour les avoir crus,
Si je le haissois, pourois-je faire plus !
ABENDAX
Le Roy vient ; cachez luy vostre flâme alarmée.
SCENE III §
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ABDERAMEN, ZULEMAR, ABENDAX
ABDERAMEN
Scavez-vous qu’Alamir a quitté mon Armée,
145 Qu’il revient en ces lieux sans mon ordre ?
ZULEMAR
Qu’il revient en ces lieux sans mon ordre ? Oüy, Seigneur.
ABDERAMEN
Il faut pour satisfaire à ma juste fureur,
De ce presomptueux humilier l’audace :
Zulemar, que l’effet devance la menace,
Prenez ma Garde, allez l’arrester aujourd’huy,
150 Qu’une obscure prison me
réponde* de luy.
ZULEMAR
Luy, Seigneur, qu’en tous lieux la victoire accompagne ;
Son bras vient d’affermir vostre Empire en Espagne,
L’Etat à sa valeur doit ses prosperitez,
Adoré des Soldats & du Peuple….
ABDERAMEN
Adoré des Soldats & du Peuple…. Arrestez.
155 Ce n’est pas un avis qu’icy je vous demande,
Zulemar, apprenez qu’un Roy lors qu’il commande,
Veut de l’obeïssance, & non pas des raisons ;
Vostre esprit va trop loin chercher de vains soupçons.
Prenez ma garde, allez que rien ne vous
étonne*,
160 Partez, obeïssez, c’est moy qui vous l’ordonne.
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ZULEMAR
Dust mon refus, Seigneur, m’exposer à la mort,
Lors que vostre bonté daigna porter mon
sort*,
Du neant où j’estois, au comble de la gloire ;
La Loy la plus presente encor à ma memoire,
165 Que vous sceûtes prescrire à ma sincerité,
Ce fust de ne jamais farder la verité,
Voicy le temps, Seigneur, d’en faire un digne usage ;
Voyez à quels dangers cet ordre vous engage ?
Alamir est coupable, il est vray, ses exploits
170 Ne peuvent le sauver de la rigueur des Loix,
Son sang doit effacer son retour temeraire,
Vous pouvez le punir ; mais le devez vous faire ?
Songez que la clemence est la vertu des Roys,
Qu’il est des attentats contre certaines Loix,
175 Que souvent moins jaloux des droits de la couronne,
Il faut qu’un Roy prudent dissimule ou pardonne.
Alamir ne vient point les armes à la main
Refuser ce qu’il doit au pouvoir souverain.
Si l’on en veut, Seigneur, croire la
renommée*,
180 Pour un soin amoureux il quitte vostre Armée :
L’amour sur son devoir luy fait fermer les yeux,
Et Fatime est l’
objet* qui l’appelle en ces lieux.
C’est elle….
ABDERAMEN
C’est elle…. Ah ! Zulemar, que me venez vous dire.
ZULEMAR
Je le voy, ces raisons ne peuvent vous suffire,
185 Vous n’en croirez, Seigneur, qu’un trop ardent couroux.
ABDERAMEN
Gardes, qu’on se retire ; Abendax, laissez-nous.
SCENE IV §
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LE ROY, ZULEMAR
ABDERAMEN
Eust-il sauvé l’Etat, fust-il vainqueur du monde,
Rien ne l’arracheroit aux rigueurs de la Loy,
190 Si le Ciel ne m’avoit fait naistre que son Roy ;
Mais je suis son Rival. Fatime a sceu me plaire,
Voila ce qui suspend la mort d’un temeraire,
Que l’on imputeroit dans la posterité
Plûtost à mon amour qu’à la temerité :
195 Mais lors que ma colere est à demy calmée,
S’il ne va sans me voir retrouver mon Armée,
Si ce presomptueux ne rentre en son devoir,
Si sa presence encor vient braver mon pouvoir,
Il n’est auprés de moy rien qui le justifie,
200 Et le moindre refus luy coustera la vie ;
Confident de mon cœur, seur de mes volontez,
Pour instruire Alamir de mes ordres, partez.
Songez bien quel devoir vous presse l’un & l’autre,
Retourner est le sien, l’y resoudre est le vostre,
205 Il importe à tous deux d’estre exacts : pensez y,
C’est ce qu’ordonne un Roy qui veut estre obeï.
SCENE V §
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ZULEMAR
Qu’entens-je ! A quel employ me vois-je destinée ?
J’aime Alamir : Pour moi sa haine est obstinée,
C’est peu de cet amour qui pourra l’irriter ;
210 On me choisit encor pour le persecuter,
A son cœur mal-heureux on porte un coup terrible,
On prend pour le frapper l’endroit le plus sensible ;
Par un funeste Arrest il le verra percer,
Et c’est ma bouche, helas !qui doit le prononcer !
215 Ah Dieux !combien par vous ma vie est traversée !
Vos rigueurs…Mais que dis-je !& quelle est ma pensée !
Fatime tient toûjours Alamir sous sa loy,
Tant qu’il vivra pour elle, il ne peut estre à moy :
Tantost dans mes projets, pleine d’impatience,
220 Je voulois de leurs cœurs rompre l’intelligence.
Mal-heureuse ! Hé de quoy te plains-tu, quand ces Dieux,
Mieux que tu n’aurois crû répondent à tes vœux,
A l’amour d’un Monarque, à son pouvoir supréme,
Il faudra qu’Alamir cede tout ce qu’il aime ;
225 Ce
divorce* à mon cœur offre un heureux succez,
Ma flâme auprés de luy trouvera plus d’accez ;
Cette haine qu’il a pour toute ma famille
Pourra se dissiper à l’aspect d’une
fille*.
Helas !où m’emportay-je !à cet espoir flateur !
230 O Ciel !m’est-il permis d’abandonner mon cœur ?
Oüy, pour le confirmer allons trouver Fatime ;
Allons vanter du Roy la precieuse estime,
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L’éclat du Diadême aura….Mais je la voy.
SCENE VI §
ZULEMAR, FATIME
FATIME
Dois-je croire, Seigneur, ce que m’apprend le Roy :
235 Alamir s’est trouvé digne de vostre estime,
Vous opposez vos soins au destin qui l’opprime ;
Je veux bien l’avoüer, je tremblois pour ses jours ;
Mais le Roy s’est laissé flechir à vos discours,
Achevez, détournez le coup qui le menace.
ZULEMAR
240 Et quel autre que vous peut obtenir sa grace ?
S’il faut calmer du Roy l’implacable couroux,
Madame, desormais qui le peut mieux que vous.
ZULEMAR
Moy, Seigneur ? Vous, le Roy ne veut plus que j’ignore
Les secretes bontez dont son chois vous honore,
245 Sa main répand sur vous, rang, titres, dignitez,
Bien-faits, moins glorieux que vous ne meritez,
Et je viens avec joye à ces grands avantages,
Rendre mes premiers soins, & mes premiers
hommages*.
FATIME
Les bontez, les bien-faits, l’empressement du Roy,
250 Le temps que chaque jour il passe auprés de moy :
Ses regards, ses soûpirs, & son silence mesme,
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Tout me dit, tout m’apprend, tout confirme qu’il m’aime :
Cependant oseray-je à vostre esprit discret,
De mon bizare
sort* confier le secret ?
255 Le Ciel ne m’a point fait une ame ambitieuse,
Et l’espoir de regner ne me rend point heureuse.
Le Roy m’accable en vain, de biens à tous momens,
Je ne sens point pour luy ces tendres mouvemens,
Dont les Amans se font de douces habitudes,
260 Soins de plaire, transports,
craintes*, inquietudes,
Je souffre sans regret qu’il s’éloigne de moy ;
Mon ame est sans plaisir lors que je le revoy,
Distraite auprés de luy, tranquille en son absence,
Ce qu’il dit, ce qu’il fait ne me plaist ny m’offense ;
265 Non que
rien* ait caché son merite à mon cœur,
L’air grand, jeune Heros, tendre Amant, Roy vainqueur ;
Je connois tout le prix de sa personne
auguste*,
Et mon aveugle erreur ne me rent point injuste ;
Mais qui peut de l’amour éviter le poison ?
270 L’ame est-elle toûjours soumise à la raison ?
Le Roy par ses bien-faits n’aspire qu’à me plaire ;
Je le voy, je le sçay ; tout ce que je puis faire,
C’est malgré mon penchant de voir avec
ennuy*
Les foiblesses d’un coeur qui n’est pas fait pour luy.
ZULEMAR
275 Quoy, Madame, un Heros que les mortels admirent,
Pour qui mille beautez secretement soûpirent ;
Puissant, heureux, vainqueur de cent Peuples divers,
Est-il donc un captif indigne de vos fers ?
Mais de vostre froideur je
penetre* la cause,
280 A l’amour de ce Prince, un autre amour s’oppose
Alamir….
FATIME
{p. 13, B}
Alamir…. Oüy, Seigneur, il a sceu me toucher,
Il m’a plû, je ne veux, je ne puis m’en cacher,
Sa grande ame a la
gloire* uniquement sensible,
Au milieu des flatteurs, constante, incorruptible,
285 Cette droite vertu, cette intrepidité,
Ce mépris des honneurs, cette sincerité :
Enfin mille raisons me le rendoient aimable,
Je croyois mon amour, fidelle, inviolable ;
J’en attestois des Dieux le pouvoir absolu,
290 Mes yeux, alors, mes yeux ne vous avoient pas veu.
FATIME
Moy, Madame ? L’aveu qu’icy je vous confie,
Offense le devoir, blesse la modestie :
Avant que d’en venir à cette extremité,
Quels efforts, quels combats ne m’a-t’il point coûté.
295 Croyez, lors que l’amour prend sur nous trop d’empire,
Qu’il n’est rien qu’on ne souffre avant que de le dire ;
Un destin rigoureux m’entraîne malgré moy.
Mais n’en redoublez point le trouble où je vous voy :
Si j’ai trop de mes
feux* montré la violence,
300 Je sçauray m’en punir par une longue absence,
Et mon cœur trop sensible à ces folles amours,
Vous les dit une fois pour les taire toûjours.
SCENE VII §
{p. 14}
ZULEMAR, ABENDAX
ZULEMAR
Elle me quitte. Où suis-je, & que viens-je d’apprendre !
Juste Ciel….Ah ! sçais-tu ce qu’on m’a fait
entendre* !
305 Fatime…Mais suy moy, sortons de ce Palais :
Abendax, viens m’
entendre* en des lieux moins suspects.
ABENDAX
Avant que vostre cœur s’abandonne à la plainte,
Aprenez d’Alamir le retour en ces lieux ;
310 Ce heros qu’on plaçoit au rang des demy Dieux,
Qui voyoit autrefois retournant de l’Armée,
Et le
zele* empressé d’un Peuple adorateur
Parfumer son chemin, exalter sa valeur,
315 Accablé maintenant d’une douleur profonde,
Sans pompe, sans honneur, & fuy de tout le monde,
Inquiet, étonné, revient, entre sans bruit,
A peine accompagné d’un amy qui le suit.
ZULEMAR
Ah Ciel ! ma jalousie a formé cet orage !
320 C’est elle qui le pert, & voilà mon ouvrage :
Grands Dieux ! de qui dépent le destin des humains,
Si vous desaprouvez mes innocens desseins,
Detournez d’Alamir ce couroux formidable,
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Epuisez tout sur moy, je suis seule coupable,
325 Mais, Abendax, sortons ; viens apprendre de moy
Ce que m’a dit Fatime, & ce que veut le Roy.